Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 10 janvier 2007

2 [Audience publique]

3 [Réquisitoires]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous. Bonne

7 année également. J'espère que vous vous êtes bien reposés, que vous êtes

8 prêts à repartir en trombe pour cette nouvelle année.

9 Avant de commencer, je voudrais vous dire que selon nous, la seule

10 question qui reste en souffrance, c'est la réponse des parties qui doivent

11 nous dire si elles acceptent le dépôt des cartes qui ont été utilisées par

12 les Juges de la Chambre lors de la visite sur les lieux.

13 M. WHITING : [interprétation] Oui, nous acceptons que ceci soit versé au

14 dossier, mais j'avais compris après mes communications avec les personnes

15 chargées de l'unité des cartes que nous aurions une liste des dates

16 également avec ces cartes. Mais en tout cas, nous n'avons pas, quoi qu'il

17 en soit, d'objection au versement au dossier de ces cartes.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic.

19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Nous acceptons que les cartes soient

20 versées au dossier; de surcroît, il conviendrait de verser au dossier le

21 compte rendu, la transcription de ce qui s'est passé pendant la visite

22 ainsi que les cassettes vidéo. Ceci n'a pas été fait pour l'instant. Nous

23 pensons que cela devrait être le cas.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic. Je pensais

25 que cela avait été fait.

26 Est-ce que l'on peut me le confirmer dans un sens ou dans un autre ?

27 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, on m'a fait

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1 savoir que par décision de la Chambre, les CD, c'est-à-dire le format

2 électronique a déjà été versé au dossier. Cela a été téléchargé sur le

3 système du prétoire électronique, mais la transcription n'est pas prête.

4 Nous allons nous renseigner maintenant pour savoir comment il convient de

5 procéder avant d'entendre les réquisitoires et plaidoiries.

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il est, bien entendu, important que la

8 transcription de ce qui avait été dit soit versée au dossier pour que les

9 parties puissent s'y reporter s'il y a contestation, quelle qu'elle soit.

10 Monsieur Whiting, j'imagine que vous vous leviez pour intervenir sur une

11 question de procédure.

12 M. WHITING : [interprétation] En fait, j'allais proposer qu'on attribue une

13 cote provisoire à ce document, et quand la transcription sera prête, elle

14 pourra être versée au dossier. Bien entendu, nous n'avons pas cette

15 transcription, donc je ne pense pas que cela pourra être utilisé pendant

16 les réquisitoires et plaidoiries. Nous, cela ne nous gêne pas.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quand vous dites qu'on devrait donner

18 une cote provisoire et ensuite procéder au versement officiel une fois que

19 le document sera prêt, vous voulez dire que vous acceptez le versement de

20 ce document ?

21 M. WHITING : [interprétation] Oui.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic.

23 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

24 Cela ne constitue pas un problème pour nous, le fait d'attribuer une cote.

25 Ce n'est pas cela le problème. Le problème, c'est que le transport sur les

26 lieux, c'était une étape officielle de la procédure qui s'est déroulée en

27 présence de la Défense aussi bien que de l'Accusation. Cela fait partie du

28 dossier. C'est un élément de preuve, un moyen de preuve, et nous nous

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1 demandons bien comment il sera possible, comment il a été possible de

2 rédiger les mémoires en clôture, d'entendre des réquisitoires et

3 plaidoiries, que ceci même soit préparé avant que ce transcript n'ait été

4 versé au dossier officiellement. C'est quelque chose d'important, de grave,

5 il ne s'agit pas simplement de donner une cote.

6 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je veux m'assurer de bien

8 comprendre la nature de votre objection, Maître Milovancevic. Le compte

9 rendu électronique de ce transport sur les lieux, il a été versé au

10 dossier. J'espère que vous le comprenez, que vous l'acceptez. Ce qui n'a

11 pas encore été versé au dossier, c'est la transcription, le compte rendu

12 papier de cette visite. Tout ce qui a trait à cette visite a donc été versé

13 au dossier. C'est simplement la transcription des propos tenus, le compte

14 rendu qui n'a pas été versé au dossier. Est-ce que ceci vous rassure ou

15 est-ce que, plutôt, c'est cela qui vous gêne, qui vous amène à dire qu'on

16 n'a pas procédé comme il se doit ?

17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, exactement, parce que nous ne

18 savons pas à quel moment la version électronique avait été versée au

19 dossier. Il y a quelques jours encore, ce n'était pas le cas. Hier, ce

20 n'était pas le cas. Peut-être que cela a été réalisé hier ou aujourd'hui,

21 mais en tout cas nous n'en sommes pas informés. Il s'agissait d'un acte de

22 procédure officiel de la part de la Chambre, c'est-à-dire que la Chambre

23 s'est rendue sur les lieux.

24 Ce qui a donné lieu à des éléments de preuve sous format

25 électronique, puis il y a un compte rendu de cette visite qui a été

26 produit, mais pour l'instant nous n'avons pas encore eu l'occasion de

27 l'examiner. C'est une chose que de visionner une cassette vidéo où on a

28 filmé la visite; c'en est une autre que de se pencher sur le compte rendu

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1 écrit de ladite visite. C'est une manière de travailler complètement

2 différente. Alors les choses étant ce qu'elles sont actuellement, du côté

3 de la Défense, nous avons eu besoin de produire nous-mêmes un compte rendu

4 pour pouvoir travailler.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aimerais bien comprendre. Vous

6 êtes en train de nous dire qu'on ne peut entendre les réquisitoires et

7 plaidoiries parce que le compte rendu de la visite n'est pas disponible ?

8 Est-ce que c'est ce que vous êtes en train de nous dire ? Ce n'est pas,

9 d'ailleurs -- je signale une erreur quelconque commise par la Chambre, ici,

10 c'est tout simplement qu'il faut du temps pour que ledit compte rendu soit

11 réalisé par le Greffe. Mais j'aimerais bien être sûr de comprendre. Vous

12 dites que nous ne pouvons pas continuer nos travaux ?

13 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame,

14 Messieurs les Juges, je ne dis nullement qu'il y a là eu erreur de la part

15 de la Chambre. Je comprends bien que la procédure prend du temps, mais ce

16 qui est plus important, c'est que le Greffe a besoin de temps pour produire

17 ce document. C'est un élément de preuve dont la Défense aussi bien que

18 l'Accusation et les Juges ont besoin. Il s'agit d'un moyen de preuve qui

19 porte sur tous les lieux où des crimes ont été commis. Cela a trait au

20 pilonnage de Zagreb. C'est très important pour évaluer le caractère

21 systématique et généralisé des infractions commises, pour déterminer les

22 lieux où tout ceci a été commis et tout ce qui a trait à la prison de Knin.

23 Je ne vais pas entrer des les détails. Je ne veux pas vous faire

24 perdre votre temps, mais selon moi, il est bien difficile de travailler

25 dans ces conditions. Je ne pense pas que la Défense puisse dans ces

26 conditions faire correctement son travail, l'Accusation non plus

27 d'ailleurs, à moins que cet élément de preuve soit versé au dossier. Voilà

28 la position qui est la nôtre. Il faut simplement avoir à l'esprit la

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1 procédure, agir dans l'intérêt de la procédure.

2 Toutes les allégations de l'Accusation, toutes les charges ont un

3 rapport direct avec ce que nous avons vu lors du transport sur les lieux.

4 Ceci peut être vérifié très directement. L'Accusation n'a pas utilisé le

5 document, cela peut lui servir ou pas, mais en tout cas il ne faudrait pas

6 que ceci place la Défense dans une situation délicate et la désavantage.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais ce je ne comprends pas,

8 Maître Milovancevic, c'est la chose suivante : vous me dites comment juger

9 les conditions de détention, comment se faire une opinion sur le

10 bombardement de Zagreb, et cetera. Je ne vois pas comment on peut mieux le

11 faire qu'en regardant ce film, en regardant cette vidéo. Je ne vois pas ce

12 que cela apporterait de lire le compte rendu. Ce que je vous dis, ce qui

13 n'a pas encore été versé au dossier, c'est la version écrite de ce rapport.

14 Vous nous avez dit il y a quelques instants que la version

15 électronique n'avait pas été versée au dossier. Je peux vous dire

16 maintenant que par décision écrite rendue par la Chambre le 28 novembre

17 2006, ordre a été donné par la Chambre au Greffe de remettre des

18 exemplaires, des copies de cinq disques DVD et leurs transcriptions en

19 partie. Affirmer donc que ceci n'a pas été versé au dossier m'apparaît tout

20 à fait incompréhensible. Je ne comprends pas la nature de vos arguments.

21 Les DVD, vous les avez, et je ne vois pas vraiment comment on peut se faire

22 une meilleure idée de ce qui s'est passé au cours de cette visite qu'en

23 visionnant les éléments qui figurent sur ces DVD. Maintenant, j'entends

24 bien et je reconnais, j'entends bien ce que vous dites, je vous comprends.

25 Je ne nie nullement le fait que le 28 novembre, vous ayez rendu une telle

26 ordonnance. Cependant, c'est sans avoir visionné ces DVD que nous avons

27 préparé et déposé nos mémoires en clôture, parce que ce n'était pas prêt.

28 Ce n'était pas prêt, ce n'était pas disponible au moment où nous avons

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1 travaillé sur les documents que constituent les mémoires en clôture. Nous y

2 avons fait référence en nous rappelant ce qui s'était passé simplement,

3 mais nous n'avions pas accès au compte rendu ni aux DVD. Voilà ce qu'il en

4 est.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est un petit peu différent de ce que

6 cela semblait être auparavant. C'est une question administrative. Cette

7 ordonnance a été rendue le 28 novembre de l'an dernier, et je peux vous

8 dire qu'au jour où nous avons rendu cette ordonnance, les DVD étaient

9 disponibles. J'en ai un exemplaire dans mon bureau. Si vous ne les avez

10 pas, ces DVD, à ce moment-là il convient de se pencher sur la question avec

11 les collaborateurs du Greffe. Je vous entends bien, vous nous dites que

12 vous n'avez pas visionné ces DVD, que cela vous met dans une position un

13 peu difficile.

14 Il va falloir s'adresser au Greffe pour savoir ce qu'il en est. Ce

15 que vous nous dites, c'est que vous n'avez pas pu visionner ces DVD et que

16 cela vous a mis dans l'impossibilité de préparer votre mémoire en clôture.

17 Voilà ce que vous dites. Est-ce que vous souhaitez ajouter quoi que ce

18 soit ?

19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne crois pas

20 que vous ayez bien compris ce que j'ai dit. Ce n'est pas que nous n'ayons

21 pas eu la possibilité, c'est qu'il nous a fallu préparer nos mémoires en

22 clôture et notre plaidoirie sans avoir vu ces DVD. Autre chose, les Juges

23 nous ont remis des cartes qui avaient été utilisées lors de la visite sur

24 les lieux, mais cela n'a pas été fait par le Greffe.

25 A plusieurs reprises, nous nous sommes renseignés au sujet de ces DVD, et

26 on nous répondait : "Oui, oui, ils sont en phase de préparation", et

27 cetera. La dernière fois que nous nous sommes renseignés à ce sujet,

28 c'était la veille du jour où nous avons déposé nos mémoires en clôture.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Ceci n'ajoute rien à ce que vous

2 aviez dit précédemment, Maître Milovancevic.

3 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Maître Milovancevic, vous parlez

4 d'un préjudice qui aurait été causé à la Défense. Les choses étant ce

5 qu'elles sont, avez-vous préparé des arguments, une intervention qui

6 englobe ou qui a supposé le recours aux éléments qui sont en rapport avec

7 le transport sur les lieux, que ce soit des éléments qui sont contenus dans

8 le DVD ou ailleurs, ou est-ce que vous avez l'intention de préparer de

9 telles écritures, de tels arguments ?

10 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Madame le Juge --

11 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Ou est-ce que vous nous dites que

12 vous n'êtes pas actuellement en mesure de répondre de manière précise

13 puisque le compte rendu n'a pas encore été remis à la Chambre de première

14 instance ? Quelle est la nature du préjudice ? Vous ne l'avez pas

15 explicité. Je pense que cela peut avoir une pertinence pour nous.

16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et

17 Messieurs les Juges, je vais répondre au premier volet de votre question.

18 Nous n'avons pas dressé la liste des questions qui sont en rapport avec la

19 visite ni les faits que nous évoquerions en évoquant également la visite

20 parce que chaque jour, nous espérions recevoir ces pièces. Jusqu'au moment

21 où il a fallu que nous déposions le mémoire en clôture, nous avons toujours

22 espéré recevoir ces pièces. Je vous signale la chose afin que vous puissiez

23 bien nous comprendre.

24 Je ne suis nullement en train de dire que la Défense n'est pas en

25 mesure de continuer la présentation de ses moyens. Nous avons agi

26 conformément à l'ordonnance de la Chambre du mieux que nous avons pu. Nous

27 avons préparé notre mémoire en clôture. Nous avons préparé notre plaidoirie

28 comme nous pensions que nous devions le faire. Tout ce que je fais

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1 actuellement, je pense que c'est de mon devoir de le faire, c'est de vous

2 signaler qu'il y a eu un problème dans la procédure. Je crois que c'est mon

3 devoir de le faire.

4 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous dites donc qu'il convient,

5 avant de clore définitivement le procès, de vous donner la possibilité

6 d'intervenir encore une fois que vous aurez pris connaissance du compte

7 rendu ? C'est ce que vous voulez ? Est-ce que c'est ce que vous voulez, que

8 le compte rendu soit remis à la Chambre, que vous ayez la possibilité d'en

9 prendre connaissance pour ensuite décider si vous souhaitez ajouter quelque

10 chose au sujet de ce compte rendu, de cette transcription ? Est-ce que

11 c'est ce que vous êtes en train de nous dire ?

12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Madame le Juge, votre question fait

13 surgir un dilemme pour moi. Il m'est un peu difficile de savoir comment je

14 dois vous répondre. Je vous le dis parce que la Défense a une position

15 particulière au sujet de ces éléments de preuve qui sont soumis par la

16 Chambre et qui ont trait à tous les lieux où des crimes ont été commis.

17 Malheureusement, nous n'avons pas eu la possibilité, il faut bien qu'on se

18 comprenne tout à fait, ici.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, la question qui vous est posée

20 par Mme le Juge Nosworthy, c'est si vous souhaitez pouvoir avoir l'occasion

21 de revenir, de réintervenir une fois que le compte rendu aura été versé au

22 dossier. Est-ce que vous souhaitez pouvoir avoir une deuxième chance

23 d'intervenir ? Est-ce que c'est l'essence même de votre intervention ?

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Un instant, je vous prie.

25 [Le conseil de la Défense se concerte]

26 [La Chambre de première instance se concerte]

27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

28 Juges, étant donné que la question par elle-même suggère une telle

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1 possibilité, oui, nous l'acceptons.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic.

3 Monsieur Whiting, souhaitez-vous intervenir ?

4 M. WHITING : [interprétation] Justement, j'allais proposer que ce que nous

5 fassions, ce soit d'entendre les réquisitoires et plaidoiries et qu'une

6 fois que le compte rendu sera disponible, on fixe éventuellement une date

7 jusqu'à laquelle les parties pourront déposer de manière limitée des

8 écritures supplémentaires en rapport avec les pièces, en rapport avec le

9 compte rendu.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

11 La Chambre note, Maître Milovancevic, qu'à aucun moment vous n'avez

12 dit que vous n'étiez pas en mesure de prononcer votre plaidoirie

13 aujourd'hui. Nous allons donc passer à cette phase de la procédure. La

14 Chambre, oralement, ordonne que dès que le compte rendu sera disponible et

15 aura été versé au dossier, les parties auront la possibilité - une

16 possibilité restreinte, certes - de déposer des écritures qui porteront

17 uniquement sur ce compte rendu.

18 Ces restrictions portent également sur le fait qu'il sera interdit

19 aux parties de faire référence aux DVD, parce que ces DVD, ils ont été

20 versés au dossier il y a déjà pas mal de temps. Si on souhaitait y faire

21 référence, à ces DVD -- on me corrige. Me Milovancevic nous a dit ne pas

22 avoir reçu ces DVD, donc je corrige : les interventions, les arguments

23 présentés dans ces écritures se limiteront aux pièces présentées. Merci.

24 Monsieur Whiting.

25 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

26 Juges, conseil de la Défense --

27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Whiting.

28 Avant de laisser commencer mon éminent confrère, avant que nous

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1 n'entendions son réquisitoire, il y a encore une question que je

2 souhaiterais évoquer brièvement. Pour ceci, je souhaiterais que nous

3 passions à huis clos partiel.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Huis clos partiel, je vous prie.

5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

6 [Audience à huis clos partiel]

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15 [Audience publique]

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

17 Monsieur Whiting.

18 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci au

19 conseil de la Défense.

20 "Ce n'est pas un mal que de faire du mal à des gens mauvais."

21 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, vous reconnaîtrez ces

22 paroles prononcées au cours du procès. Elles sont l'œuvre écrite d'un

23 témoin de la Défense en l'espèce, Nikola Medakovic, le 13 novembre 1991,

24 c'est-à-dire le lendemain du jour où les forces serbes ont rayé de la carte

25 Saborsko par le meurtre, les expulsions, les incendies et les pillages.

26 Nous avons entendu de nombreux points contradictoires de la bouche de M.

27 Medakovic au cours de ces quelques mots durant son témoignage. Nous disons

28 qu'il a cherché à justifier ce qui s'est passé à Saborsko. Peut-être qu'il

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1 affirme que c'était l'œuvre de quelqu'un d'autre. Pour le moment,

2 toutefois, je ne veux pas me concentrer sur ces éléments de détail, mais

3 sur la façon dont ces mots apportent partiellement une réponse à une

4 question dont je suis sûr que vous avez tous, Madame, Messieurs les Juges,

5 eue dans vos esprits des centaines de fois au cours du procès.

6 Cette question est la suivante : comment est-ce que tout cela a pu se

7 passer ? Comment des êtres humains ont-ils pu être amenés à commettre des

8 crimes aussi horribles un peu partout en Krajina, c'est-à-dire à Dubica, à

9 Saborsko, à Lipovaca, à Vukovici, à Poljanak, à Skabrnja, à Nadin, à Knin,

10 à Bruska ? Nous disons que la réponse à cette question réside pour partie

11 dans ces 10 mots anglais : "Il ne peut être mauvais de faire du mal à des

12 gens mauvais."

13 La majorité des êtres humains qui ont commis ces crimes en Krajina

14 durant les années 1991, 1992, 1993 et jusqu'en 1995 ont été persuadés que

15 ce n'était pas mal de faire du mal à des gens mauvais. On n'a cessé de leur

16 dire encore et encore que les Croates étaient des Oustachi, qu'ils

17 constituaient une menace, qu'ils s'apprêtaient à détruire les Serbes, à les

18 exterminer, à les liquider, à commettre un génocide contre les Serbes.

19 J'utilise ces mots extrêmement incendiaires, car ce sont les mots qui ont

20 été utilisés lorsqu'on leur a parlé. On a appris aux Serbes à craindre les

21 Croates, les autorités croates et le peuple croate. Comme Milan Babic l'a

22 expliqué, cette crainte s'est vite transformée en haine, une haine qui a

23 donné la possibilité à des êtres humains d'expulser, d'assassiner, de

24 mettre en détention, de torturer, de piller, de détruire et de mettre le

25 feu à des immeubles.

26 Mais si cela répond partiellement à la question de savoir comment

27 cela a pu se passer, comment il est possible que cela soit arrivé, cela n'y

28 répond pas entièrement. Il y a une autre partie de la réponse qui est

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1 implicite dans ce que je viens de dire et qui a une importance tout à fait

2 vitale en l'espèce, à savoir que ceci a pu se passer, que ceci s'est

3 effectivement passé parce que les dirigeants de l'époque ont fait que cela

4 a été possible, ont provoqué ce qui s'est passé, ont conduit la population

5 sur la voie de la haine ethnique, de la violence et du comportement

6 criminel.

7 Ces crimes commis un peu partout en Krajina ne sont pas arrivés tout

8 seuls. Les gens ne se sont pas simplement soulevés tous ensemble

9 spontanément pour commettre tous ces crimes dans un village après l'autre.

10 Non, ils ont été conduits à le faire. Ils ont été menés à ces actes par

11 leurs dirigeants, et le procès traite précisément de cela, parce que dans

12 la Région autonome serbe de Krajina devenue plus tard la République serbe

13 de Krajina, le dirigeant principal qui a mené la population jusqu'à ce

14 point était l'accusé que vous voyez dans ce prétoire, à savoir Milan

15 Martic.

16 On ne peut discuter le fait que Milan Martic était le dirigeant serbe

17 le plus important en Krajina. Pendant toute la période en question, il

18 commandait militairement la Krajina alors que Milan Babic, qui était

19 également un dirigeant important même s'il disposait d'un pouvoir bien

20 inférieur à celui de Milan Martic, était le dirigeant politique de la

21 région. Depuis le début jusqu'à la fin, Milan Martic a été responsable de

22 la police militarisée pour devenir une force de combat dès le début de

23 1991, qui a exercé un commandement direct et a eu une influence

24 significative sur la Défense territoriale.

25 Tant l'Accusation que la Défense, par la bouche de leurs témoins, ont

26 parlé de la stature de Martic, de son influence et de son pouvoir en

27 Krajina. M. Dobrijevic, par exemple, le témoin de la Défense, a dit que

28 l'autorité de M. Martic s'est faite très rapidement et il a convenu que M.

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1 Martic exerçait un pouvoir effectif, un pouvoir réel sur la Krajina. Milan

2 Martic lui-même a parlé à de nombreuses reprises du rôle et des actes qui

3 ont été les siens en Krajina. Je vais vous en donner quelques exemples.

4 Juste après ce qu'il est convenu d'appeler la révolution des troncs

5 d'arbres en août 1990, et ceci se voit sur les images d'une séquence vidéo

6 que les Juges de cette Chambre ont vue à plusieurs reprises durant le

7 procès, Milan Martic dit aux médias, je cite : "Ceci est la police du

8 peuple. Cette police protège la population et s'oppose au gouvernement

9 croate qui nous fait du mal."

10 Je reviendrai un peu plus tard sur ces propos.

11 Juste après les événements de Plitvice que l'on retrouve dans la

12 pièce à conviction 207, il déclare, je cite : "Nous n'autoriserons en aucun

13 cas un ministère de l'Intérieur croate à créer un poste de police à

14 Plitvice. Nous allons attendre un peu pour voir ce que fera l'armée et si

15 elle ne résout pas le problème, nous exigerons un soulèvement généralisé

16 qui agira de la façon la plus efficace."

17 Quelques jours plus tard, et cela se retrouve dans la pièce 209,

18 Martic déclare, je cite : "La police de Knin est si occupée à défendre les

19 frontières de la Krajina et à protéger la population serbe contre le

20 ministère de l'Intérieur croate qu'elle ne peut plus consacrer de temps à

21 résoudre ce genre d'actes criminels. Mais elle y travaille et des éléments

22 complémentaires seront révélés très bientôt à ce sujet."

23 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

24 M. WHITING : [interprétation] Ce genre d'activités criminelles consistaient

25 à bombarder un restaurant qui était la propriété d'un couple croate.

26 D'ailleurs, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, je ne

27 ferai qu'aborder quelques déclarations de M. Martic, mais je propose qu'il

28 pourrait vous être utile de les lire de façon exhaustive pour voir à quel

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1 point les mots prononcés par lui viennent à l'appui d'un certain nombre

2 d'éléments de preuve dans la présente affaire.

3 Le 7 juillet 1991, Martic déclare, pièce à conviction 213 que je cite

4 : "Ces hommes étaient les seules formations armées serbes de Yougoslavie."

5 Je cite : "Ils étaient bien armés et tout à fait capables de défendre les

6 zones ethniques serbes en Yougoslavie."

7 Dans ce même article, Martic parle des succès remportés par ses

8 unités ainsi que des équipements lourds modernes acquis par ses hommes. Le

9 même jour, Martic déclare dans une interview - le jour dont je parlais est

10 important parce que c'était l'anniversaire d'une manifestation de

11 protestation contre les symboles croates et les uniformes de police croates

12 qui ont fait couler beaucoup d'encre ce jour-là - le même jour, M. Martic

13 déclare dans une autre interview, pièce à conviction 973, que, je cite :

14 "Notre seul objectif consiste à défendre les foyers et nos ancêtres près de

15 Krajina. Il n'y a aucune raison pour nous de cacher quoi que ce soit. Nous

16 avons entraîné un grand nombre d'hommes pour qu'ils puissent assurer les

17 actions de défense. Plus tard, de nombreuses femmes ont rejoint nos rangs."

18 Le 14 août 1991, ceci se retrouve en pièce à conviction 626, Martic parle

19 de défendre non seulement la Région autonome serbe de Krajina, mais

20 également le territoire de Slavonie, Baranja et Srem occidental. Il parle

21 également d'une assistance mutuelle et d'une coopération mutuelle entre ces

22 deux zones. Quelques jours plus tard, le 19 août, pièce à conviction 215,

23 Martic déclare qu'il n'a jamais rêvé de pouvoir disposer d'une force

24 militaire aussi puissante mise à sa disposition.

25 Le 4 septembre, un peu plus tard, Martic a amené ses hommes à Borovo Selo

26 pour qu'ils participent à des combats. Il baptisait ses hommes les forces

27 spéciales de Krajina. Ceci se retrouve en pièce à conviction 473. En

28 octobre, novembre 1991, Martic déclare dans une interview, pièce à

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1 conviction 478, je cite : "Je suis capable de combattre les Oustachi. Je

2 sais comment les combattre et je l'ai déjà prouvé."

3 Le 9 décembre 1991, Martic s'exprime devant une séance de la présidence de

4 la République socialiste fédérative de Yougoslavie, pièce à conviction 917,

5 il s'exprime dans des propos opposés au plan de paix en disant clairement

6 qu'il préférerait combattre que d'accepter ce plan. Il dit, je cite : "Il

7 semble que le sort constant des Serbes consiste à se battre jusqu'à

8 l'extinction si cela s'avère nécessaire, et nous le ferons encore une fois,

9 le cas échéant." Il dit, je cite : "Tant que nous ne les aurons pas battus

10 de façon définitive, au sens militaire, nous ne capitulerons pas et ne

11 donnerons pas la moindre chance d'un moment heureux."

12 Il explique qu'il ne peut admettre l'entrée des forces Nations Unies dans,

13 je cite : "Le territoire que nous avons libéré par la voie du sang. Je ne

14 dis pas conquis, mais bien libéré, car nous avons subi des centaines de

15 victimes qui ont donné leur vie pour notre Krajina."

16 Le 12 décembre 1991, Martic déclare, pièce à conviction 518, je cite : "La

17 population et la police de la Région autonome serbe de Krajina ont défendu

18 ce qu'ils avaient gagné par le sang, c'est-à-dire qu'ils ont défendu la

19 liberté et qu'ils continueront à le faire à l'avenir." Au sujet de la

20 police, Martic dit, je cite : "Elle fait partie des forces armées et elle

21 sera une composante importante dans la coordination avec toutes les Régions

22 autonomes serbes de Krajina et des forces yougoslaves."

23 A de très nombreuses reprises, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

24 Juges, Milan Martic a parlé de la façon dont ses hommes, je dis bien ses

25 hommes, ont défendu la Krajina.

26 Mais aujourd'hui, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, nous

27 sommes éberlués de voir que quelque chose a disparu. Du jour au lendemain,

28 la police de la Krajina n'est plus nulle part. La Défense nous dit,

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1 contrairement à ce que l'on trouve dans un grand nombre de pièces à

2 conviction, qu'en réalité la police de Krajina n'a nullement constitué une

3 force combative importante. La police, nous dit-on, n'a pas existé à

4 Dubica, Bacin, Cerovljani, en septembre et octobre 1991. Ces hommes dont

5 tout le monde pensait qu'ils étaient la police de la Région autonome serbe

6 de Krajina n'étaient que de simples illégaux.

7 A Plaski, non loin de Saborsko, nous savons qu'en mai 1991, une unité

8 spéciale de la Région autonome serbe de la Krajina, unité policière, a été

9 créée sur proposition de Martic et placée sous le commandement de Nikola

10 Medakovic. Il nous l'a dit lui-même, il a dit avoir été sous le

11 commandement direct de M. Martic. Mais lorsque les choses se gâtent en août

12 et septembre 1991, on nous dit que cette unité spéciale a été démantelée.

13 Quand un commandant de la Défense territoriale de Plaski, chef de la police

14 régulière de Plaski, Bogdan Grba et Dusan Latas, a été mentionné comme

15 faisant partie d'une unité spéciale de la police, c'est ce que l'on trouve

16 dans des documents datant de novembre 1991, ceux qui l'ont affirmé ont

17 simplement fait une erreur, nous affirme-t-on aujourd'hui.

18 Au cours de l'attaque de Saborsko, la police est arrivée tout près de

19 Saborsko, mais non, elle n'y était pas. Dusan Latas, mentionné dans un

20 rapport de police comme étant l'un des hommes qui s'est rendu à Saborsko,

21 lorsque nous lisons cela c'est encore une erreur. A Skabrnja, la police n'a

22 absolument pas participé au combat; elle était trop occupée à accomplir ses

23 tâches régulières de police à Benkovac. La police de Bruska qui, en

24 décembre 1991, agissait sous l'uniforme de la police de la Région autonome

25 serbe de Krajina et se présentait comme étant la police de la Région

26 autonome serbe de Krajina, ce n'est pas vrai, c'étaient simplement des

27 usurpateurs.

28 La police n'avait rien à voir non plus avec les prisons de Knin. Elle

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1 n'était pas à Knin. Un témoin de la Défense est même allé jusqu'à prétendre

2 que les unités policières spéciales n'avaient pas existé jusqu'à 1992. Dans

3 ce même acte de disparition soudaine, on nous dit aujourd'hui que M. Martic

4 n'a pas ordonné les attaques de Zagreb en mai 1995, malgré des déclarations

5 répétées de sa part quant au fait qu'il l'avait fait.

6 Pourquoi, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, la Défense

7 fuit-elle devant les actes commis à Dubica, Saborsko, Skabrnja, devant

8 l'existence des prisons, devant les actes commis à Bruska, devant les actes

9 commis à Zagreb ? Pour une raison, très simplement, à savoir que des

10 preuves existent, que des crimes ont été commis dans ces endroits et qu'il

11 s'agit de crimes très graves. Les éléments de preuve prouvent également au-

12 delà de tout doute raisonnable que la police de Région autonome serbe de

13 Krajina a participé aux crimes commis dans chacun des endroits dont j'ai

14 cité les noms. Dans certains de ces endroits, les éléments de preuve

15 démontrant la participation de la police sont même absolument écrasants.

16 Je vais maintenant aborder ce qui s'est passé dans chacun de ces lieux l'un

17 après l'autre, même si dans son mémoire final la Défense ne traite que de

18 certains crimes commis dans ces divers lieux.

19 Mais d'abord, voyons les choses d'un peu plus loin, parce que Milan Martic

20 est accusé en l'espèce de participation à une entreprise criminelle commune

21 dont l'objectif était l'expulsion par la force des Croates de Krajina en

22 vue de créer un Etat dominé par les Serbes. L'Accusation est donc tenue de

23 prouver au-delà de tout doute raisonnable qu'un groupe d'êtres humains ont

24 agi ensemble avec un objectif commun qui consistait à commettre le crime

25 d'expulsion par la contrainte de la population croate hors de la Krajina,

26 et l'Accusation doit également prouver que Milan Martic a participé à la

27 réalisation de cet objectif commun.

28 S'agissant de l'aspect particulier des crimes visés dans l'acte

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1 d'accusation, en dehors des chefs d'accusation 9 et 10 qui portent sur la

2 déportation et les déplacements forcés de population, au cœur même de

3 l'objectif de l'entreprise criminelle commune, l'Accusation est tenue de

4 prouver que ces deux actes étaient bien l'objectif commun de l'entreprise

5 criminelle commune et que les membres de cette entreprise commune, y

6 compris M. Martic, avaient bien pour but la réalisation de cet objectif

7 commun, ou, à défaut, l'Accusation se doit de prouver que ces crimes ont

8 été la conséquence naturelle et prévisible de la poursuite de l'objectif

9 commun qui consistait à expulser par la force la population croate hors de

10 Krajina.

11 Je vais m'arrêter un instant ici, car je tiens à signaler, et cela vous

12 fera sans doute plaisir de l'entendre, que je ne vais pas dans mon

13 réquisitoire m'étendre sur les éléments juridiques qualifiant ces crimes.

14 Je le ferai le cas échéant de façon très rapide et abrégée en espérant

15 toutefois être précis, mais ce sera tout de même très rapidement.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Veillez tout de même la précision.

17 M. WHITING : [interprétation] Absolument, je serai précis. Mais notre

18 position complète et détaillée quant à la qualification juridique des

19 crimes dont je parlerai est à lire de façon exhaustive dans notre mémoire

20 écrit.

21 S'agissant de la responsabilité qui est celle de l'entreprise criminelle

22 commune, l'Accusation n'est pas dans l'obligation de prouver que M. Martic

23 a lui-même commis les crimes ou été responsable du mode de responsabilité

24 défini à l'article 7(1) du Statut, à savoir planification, instigation,

25 ordre par rapport à divers actes. L'Accusation ne doit pas non plus prouver

26 que M. Martic ou les hommes qu'il commandait ont participé à cela. Ce qui

27 est un fait, à l'exception des attaques de Lipovaca, Poljanak et Vukovici,

28 c'est que l'Accusation est tenue de prouver au-delà de tout doute

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1 raisonnable que les forces policières de la Région autonome serbe de

2 Krajina ont participé et aidé à la réalisation des attaques qui ont donné

3 lieu à la commission de crimes, tout au moins en aidant et en encourageant

4 la commission de ces crimes, et que dans certains cas les forces policières

5 ont elles-mêmes commis ces crimes. Je reviendrai sur tous ces points un peu

6 plus tard lorsque je parlerai des sites où différents crimes poursuivis

7 dans le présent procès seront abordés.

8 Mais pour le moment, tenons-nous-en à l'entreprise criminelle commune, dont

9 la définition n'est absolument pas discutée dans le mémoire final de la

10 Défense, d'ailleurs. D'abord, est-ce que plusieurs personnes ont travaillé

11 à la réalisation d'un objectif commun ? Ceci est certain. Les éléments de

12 preuve établissent qu'en août 1991, les dirigeants serbes de la Krajina à

13 Belgrade ainsi que la JNA oeuvraient à la réalisation d'un objectif commun

14 même s'il y avait quelques rivalités internes entre les uns et les autres à

15 l'époque. Milan Martic en personne a déclaré qu'à l'époque, donc avant,

16 pendant et après les actes qui lui sont reprochés, une coopération qui a

17 souvent fait l'objet d'éloges de sa part a existé entre lui et la JNA, et

18 il a également parlé de l'appui qu'il a reçu de Belgrade de la part

19 notamment de Slobodan Milosevic. Mais regardons quelques images qui seront

20 un exemple de déclaration de M. Martic qui date de février 1992 et qui sont

21 un élément de preuve en l'espèce.

22 Je demande la diffusion des images grâce au système Sanction.

23 [Diffusion de la cassette vidéo]

24 M. WHITING : [interprétation] Y aurait-il un problème technique ?

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting, apparemment nous

26 avons un problème technique, et la régie est en train d'en chercher les

27 causes. Elle va essayer de résoudre ce problème. Peut-être pourriez-vous

28 revenir sur cette séquence vidéo un peu plus tard ? Je sais que cela va

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1 nuire à votre présentation, mais --

2 M. WHITING : [interprétation] J'avais l'intention de diffuser plusieurs

3 séquences vidéo, donc je me demandais, si cela n'était pas une trop grande

4 gêne, s'il ne serait peut-être pas possible de faire une pause un peu plus

5 tôt que prévu pour que la régie puisse résoudre ce problème technique et

6 que nous puissions reprendre sans problème.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez donc que

8 nous fassions la pause maintenant et que nous reprenions nos travaux à 10

9 heures 30 ?

10 M. WHITING : [interprétation] Je vous en serais reconnaissant.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. La régie va sans doute

12 résoudre le problème pendant la pause. Je suspends donc l'audience jusqu'à

13 10 heures 30.

14 --- L'audience est suspendue à 10 heures 00.

15 --- L'audience est reprise à 10 heures 29.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant de continuer, Monsieur Whiting,

17 j'aimerais mentionner que compte tenu du fait que nous avons fait notre

18 première pause plus tôt que prévu, nous allons travailler une heure et

19 demie, et la pause suivante sera à midi.

20 M. WHITING : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

21 Avant la pause, j'ai parlé des moyens de preuve qui montrent que les

22 fonctionnaires serbes dans la Krajina et à Belgrade ainsi que dans le cadre

23 de la JNA ont travaillé sur la réalisation du dessein commun durant l'année

24 1991. J'ai parlé également du fait que M. Martic même, à l'époque, a parlé

25 souvent d'une coopération étroite entre lui-même et la JNA, ainsi que

26 l'appui qu'il recevait de Belgrade et de Milosevic, Slobodan Milosevic.

27 Maintenant, j'aimerais qu'on montre la vidéo de la pièce à conviction 951.

28 Il s'agit d'une interview accordée par M. Martic en février 1992. Nous

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1 allons voir cette vidéo grâce au logiciel Sanction.

2 [Diffusion de la cassette vidéo]

3 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

4 "Question : Dites-nous ce que vous pensez sur la coopération entre la

5 Serbie et la SAO de Krajina.

6 M. Martic : Nous devons être objectifs pour dire que la République de

7 Serbie nous a le plus aidés, on ne peut pas nier cela, et la coopération

8 dépend de points de vue différents. Je n'ai jamais interrompu cette

9 coopération. J'ai une bonne coopération avec le ministère des Affaires

10 intérieures parce que dans des moments décisifs, je devrai m'appuyer sur le

11 ministère des Affaires intérieures. Ma visite à Borisavljevic [phon] avait

12 pour fin de voir quelles sont les choses concernant" --

13 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

14 M. WHITING : [interprétation] La question suivante, voilà : est-ce que le

15 dessein commun de l'entreprise criminelle commune était de chasser les

16 Croates par la force de la Krajina ? Oui, au-delà du doute raisonnable.

17 Comment cela a été prouvé devant cette Chambre ? D'abord, ici étaient venus

18 les témoins qui vous avaient dit que c'était cela, le dessein. Parmi eux,

19 il y avait des Serbes qui étaient de la Krajina et qui ont témoigné. Milan

20 Babic n'a pas seulement témoigné en disant que c'était le dessein commun

21 des membres de l'entreprise criminelle commune parmi lesquels il y avait

22 Milan Martic, mais il a plaidé coupable pour ce qui est de son rôle dans

23 cette entreprise criminelle commune. Il a avoué sa responsabilité et a été

24 condamné par ce Tribunal à une peine de 13 ans d'emprisonnement.

25 Il a admis que la création de l'Etat serbe de la Krajina allait

26 inclure le fait que la population non serbe soit chassée par la force de

27 façon permanente des régions en Croatie qui ont été dominées par les

28 Serbes, et cela par le biais d'une campagne discriminatoire de

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1 persécutions. J'attirerais votre attention à la pièce à conviction portant

2 la cote 174, qui a été admise au dossier dans cette affaire.

3 Dans son témoignage, il a lu et adopté encore une fois la déclaration

4 qu'il a faite au moment où il a plaidé coupable devant ce Tribunal.

5 J'aimerais qu'on voie cela encore une fois sur la vidéo.

6 [Diffusion de la cassette vidéo]

7 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

8 "Je suis devant ce Tribunal. J'accepte ce qui suit. Je suis devant ce

9 Tribunal et j'ai honte. Les innocents ont été persécutés. Les innocents ont

10 été chassés par la force de leurs domiciles et les innocents ont été tués.

11 Même après que j'ai appris ce qui s'est passé, j'ai continué à faire de la

12 sorte et j'ai continué à me taire et je suis donc devenu responsable des

13 traitements inhumains qui ont été infligés à ces personnes.

14 Ce regret que je ressens, c'est une douleur avec laquelle je devrai

15 vivre tout le reste de mes jours. Ces crimes et ma participation à ces

16 crimes ne sauraient trouver aucune justification. Je suis sans mot. Je n'ai

17 plus de mot et je dois exprimer mon remord pour ce que j'ai fait et pour

18 l'impact que cela a eu sur les autres. Je peux simplement espérer qu'en

19 disant la vérité, en reconnaissant ma culpabilité, en manifestant mon

20 remord, je serve d'exemple à tous ceux qui pensent encore que de tels actes

21 inhumains peuvent être justifiés.

22 Seule la vérité peut être donnée au peuple serbe afin qu'il se

23 défasse du fardeau collectif de la culpabilité. Seule la reconnaissance de

24 la culpabilité, de ma culpabilité me permet, je l'espère, d'exprimer mes

25 remords et fera en sorte que d'autres puissent mieux supporter leur

26 souffrance et leur douleur. J'ai compris maintenant le fait que nous

27 appartenons tous à une même race humaine, qu'il n'y a aucune différence

28 entre nous. J'ai compris que seules l'amitié et la confiance peuvent nous

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1 permettre de vivre ensemble en paix dans le cadre de relations amicales

2 afin que nos enfants puissent vivre dans un monde meilleur.

3 J'ai demandé l'aide de Dieu pour m'aider à me repentir et je remercie

4 Dieu de m'aider à exprimer mon repentir. Je demande à mes frères de

5 pardonner leurs frères serbes et je prie pour que le peuple serbe se tourne

6 vers l'avenir et retrouve la sorte de compassion qui permettra de pardonner

7 ces crimes. Enfin, je me remets pleinement entre les mains de ce Tribunal

8 et de la justice internationale. Je vous remercie beaucoup.

9 Voilà ce que j'avais dit à l'époque et je confirme ce que j'avais

10 dit."

11 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Whiting.

13 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président,

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-on en mesure de donner à la

15 Chambre des moyens de preuve qui corroborent cette position ?

16 M. WHITING : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, j'allais le

17 faire. Tout cela a été écrit dans le mémoire en clôture, mais je vais

18 parler des moyens de preuve qui corroborent cela.

19 Le Témoin MM-079 a témoigné que M. Martic lui a dit en 1991 la chose

20 suivante, je cite : "Les Serbes dans la Krajina veulent vivre dans un Etat

21 unique avec tous les autres Serbes de Yougoslavie, ce qui inclut également

22 les Serbes en Serbie." Il a dit qu'il voulait vivre avec les Serbes.

23 Le Témoin MM-03 a témoigné que Martic et l'armée avaient le même but à

24 relier les terres serbes et nettoyer cette région des Croates. Il a dit que

25 cela voulait dire que les Croates n'allaient plus vivre là-bas.

26 MM-078 a témoigné que, je cite : "Une pression constante a été faite sur

27 les citoyens croates de Knin." Cela a commencé déjà en 1990.

28 Regardons également les déclarations faites par M. Martic à l'époque. Avant

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1 de faire cela, je voudrais souligner, en parlant de nouveau de M. Babic,

2 qu'il a été contre-interrogé pour ce qui est des objectifs de l'entreprise

3 criminelle commune, et même s'il n'y a pas de moyens de preuve qui

4 corroborent cela, la Chambre peut s'appuyer sur cela. Pourtant, ces moyens

5 de preuve sont nombreux quand il s'agit des témoignages et quand il s'agit

6 des faits qui se sont produits sur le terrain, mais je vais en parler dans

7 quelques instants.

8 Regardez ce que M. Martic a dit à l'époque. Rappelez-vous la déclaration de

9 M. Martic accordée aux médias en août 1990. Il s'agit des pièces à

10 conviction 4 et 5 que j'ai déjà mentionnées auparavant. J'ai dit que

11 j'allais en parler. C'est la vidéo qu'on a vue à plusieurs reprises. Il est

12 à côté d'un camion et il dit qu'il s'agit de la police du peuple.

13 Il a dit : "La police du peuple défend ce peuple. C'est le peuple qui nous

14 nuit." A qui a-t-il pensé quand il a dit "ce peuple", que la police a

15 défendu "ce peuple" ? Est-ce qu'il a pensé à tous les gens qui vivent dans

16 la Krajina indépendamment de leur appartenance ethnique ? Non, il a parlé

17 des Serbes dans la Krajina.

18 Le 7 juillet 1991, Martic a dit, je cite : "La police de la Krajina défend

19 la terre serbe et la région ethnique serbe." Il s'agit de la pièce à

20 conviction portant la cote 498.

21 Le même jour, il a dit que ses hommes et la JNA avaient le même but, à

22 savoir de défendre le peuple qui a clairement exprimé son opinion au

23 référendum tenu le 12 mai 1991, de joindre la Serbie, le Monténégro et les

24 autres qui veulent vivre en Yougoslavie. Il s'agit de la pièce à conviction

25 973. De quels gens nous parlons ici ? De quel peuple ? Bien sûr, on parle

26 des Serbes.

27 Ces déclarations, les déclarations qu'il donnait de façon répétitive n'ont

28 pas été faites dans le feu de l'action. En octobre 1994, M. Martic a

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1 utilisé le même discours, a utilisé les mêmes termes dans une interview, et

2 c'est la pièce à conviction 496. Il dit, je cite : "J'ai pensé que nous

3 devions libérer nos territoires ethniques."

4 En juillet et en août et jusqu'en octobre 1991, en même temps où M. Martic

5 a parlé, disait que le rôle de la police de Krajina était de défendre les

6 Serbes, leurs terres et leurs régions ethniques, il lançait des ultimatums

7 en demandant que la police croate parte des villages croates dans la

8 Krajina. Y avait-il une place pour les Croates dans ce nouvel Etat serbe

9 qui était en train d'être créé ? Non, évidemment non. Cet Etat était

10 uniquement pour les Serbes. La police défendait les Serbes. Pour les

11 Croates, il n'y avait pas de place là-bas.

12 Mais de plus, ce que nous avons appris des témoignages de témoins dans

13 cette affaire et des déclarations faites à l'époque, nous savons quel était

14 le dessein commun de l'entreprise criminelle commune en s'appuyant sur ce

15 qui s'est passé dans la Krajina, surtout ce qui s'est passé dans des

16 villages serbes dans la Krajina, dans une série de villages. Ces événements

17 parlent d'eux-mêmes plus que tout autre témoignage. Les villages croates

18 ont été isolés par les barrages, ont été pilonnés, les gens ont été

19 provoqués et ensuite les gens ont été attaqués pour ce que la population

20 croate parte. C'était le même modèle partout. C'est une preuve irréfutable.

21 C'était pendant les combats en 1991 et après les combats. Cela est

22 arrivé à Potkonje, Lovinac, Glina, Struga, Kijevo, Vrlika, Drnis, Dubica,

23 Bacin, Cerovljani, Saborsko, Poljanak, Vukovici, Lipovaca, Skabrnja, Nadin,

24 Bruska et d'autres endroits. Après la création de la RSK au début de

25 l'année 1992, cela a continué à se passer avec la participation et l'aval

26 de la police dans des endroits comme Kijevo et Knin, jusqu'à ce qu'en 1994,

27 tous les Croates ne soient chassés de la RSK. On peut supposer qu'on

28 voulait avoir les conséquences naturelles des actions, surtout quand ces

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1 conséquences se produisent de façon répétitive.

2 Je ne vais pas parler de chaque village et de chaque événement parce qu'on

3 a parlé de cela en détail dans notre mémoire en clôture. Pendant quelques

4 minutes, je vais me concentrer sur le premier exemple que nous avons

5 énuméré, c'est Potkonje, parce que c'est éloquent par rapport au modèle qui

6 va se répéter. L'attaque a commencé le 2 mai 1991. Bien que la police de la

7 SAO de Krajina à l'époque n'ait fait rien par rapport à l'armement des

8 Serbes dans la SAO de Krajina - et même, elle a participé dans cet armement

9 - la police a visé Potkonje où il y avait au moins 95 % des Croates pour

10 lancer l'opération qui consistait à saisir des armes là-bas. Personne

11 n'aurait pu comprendre que c'était un message clair lancé aux Croates. Les

12 Croates allaient être désarmés tandis que les villages serbes avoisinants

13 resteraient armés.

14 Le Témoin MM-78 a témoigné que la police "a ravagé" tous ces villages

15 pendant l'opération et que l'effet psychologique de cette opération sur la

16 population croate, je cite, était "dévastateur". On pouvait supposer ce qui

17 s'est passé après que cela a fait chasser les Croates. Dans le témoignage

18 du même témoin, il a dit, durant le contre-interrogatoire, que ce qui s'est

19 passé à Potkonje était en conformité avec la police, appliqué par les

20 autorités de la Krajina, à savoir de chasser les Croates de leurs domiciles

21 et de leurs villages, ce qui s'est passé après, partout dans toutes les

22 régions où les Croates vivaient. Il a dit que ce qui s'est passé "a

23 confirmé tout simplement ce qui allait se passer plus tard. Potkonje,

24 Kijevo, Vrpolje, tous les endroits où les Croates étaient en majorité

25 absolue ou en majorité significative avaient disparu." C'est sur les pages

26 4 521 jusqu'à 4 522.

27 Le témoin de la Défense, MM-096, a également témoigné sur Potkonje et sur

28 l'opération menée par la police dans ce village. Il a témoigné que pendant

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1 l'opération, la police tirait en l'air, fouillait les maisons, arrêtait

2 quelques habitants et les amenait dans la prison de Knin. Il a confirmé les

3 propos de MM-078, à savoir que cette opération avait un effet psychologique

4 dévastateur sur les Croates et que cela a mené les Croates à partir.

5 Il a également dit durant le contre-interrogatoire, il a dit quelque chose

6 sur la nature d'opération menée à Potkonje. Ce qu'on va voir maintenant,

7 cela part de la page 7 067, et il est difficile de suivre le son en anglais

8 et c'est pour cela que j'ai demandé que la transcription soit incluse dans

9 cette vidéo et soit affichée sur l'écran.

10 [Diffusion de la cassette vidéo]

11 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

12 "Question : Vous êtes d'accord, n'est-ce pas, qu'en 1991, à Potkonje, il y

13 avait 95 % des Croates et 5 % des Serbes ?

14 Réponse : Non, Monsieur le Procureur. Je ne savais pas cela. Je n'avais pas

15 cette information. Il y a une chose qui est certaine : à Potkonje, il y

16 avait en majorité des Croates. C'est un village en majorité croate et je ne

17 suis pas sûr par rapport au pourcentage exact.

18 Question : Cela m'éclaire. Quand vous dites que le village était à majorité

19 croate, serez-vous d'accord pour dire qu'il s'agissait d'un village croate

20 où les Croates dominaient, c'est-à-dire que plus de 90 % de la population a

21 été croate ?

22 Réponse : Oui. Je serais d'accord avec vous sur cela.

23 Question : Vous avez témoigné que vous n'aviez jamais reçu l'ordre selon

24 lequel il fallait faire une distinction par rapport aux citoyens, par

25 rapport à leur appartenance ethnique, leur vie politique, leur confession.

26 Vous souvenez-vous de ce témoignage ?

27 Réponse : Oui. Je crois toujours que mon comportement a été conforme à

28 cela.

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1 Question : Après quelques minutes, vous avez dit que, et c'est la page du

2 compte rendu 6 847, vous avez témoigné que vous aviez reçu l'ordre qui

3 demandait de désarmer les Croates à Potkonje qui s'étaient armés. Ne

4 s'agissait-il pas d'un ordre qui concernait un groupe ethnique, les

5 Croates ?

6 Réponse : On peut dire, par rapport à cette opération, je suppose que vous

7 pourriez dire que c'était le cas."

8 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

9 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, ce qu'a dit ce témoin

10 est très important pour la Défense pour deux raisons. Cela confirme qu'au

11 début, à partir du mois de mai 1991, la police a visé les Croates et les a

12 attaqués pour qu'ils aient peur et pour qu'ils partent.

13 Deuxième élément, bien que le témoin a témoigné d'abord qu'il n'avait

14 jamais reçu d'ordre pour faire la différence entre les citoyens en

15 s'appuyant sur leur appartenance ethnique, il a avoué que l'ordre

16 concernant l'opération à Potkonje concernait un seul groupe ethnique, les

17 Croates.

18 A partir de ce moment-là, nous avançons que les justifications, les

19 excuses, la rationalisation, les ambiguïtés ont disparu et la vérité a

20 surgi pour ce qui est de ce qui s'est passé à Potkonje. Potkonje n'était

21 qu'un début. Les attaques qui ont suivi étaient encore plus féroces et plus

22 dévastatrices. M. Van Lynden, les soldats serbes lui ont dit, en juillet

23 1991, après l'attaque contre Struga, que leur objectif était de se

24 débarrasser des Croates, de chasser les Croates de la région, et il a dit

25 que c'était la première tentative du nettoyage ethnique; ce qui s'est

26 exactement passé dans toutes les régions croates dans la Krajina après

27 cela.

28 A la lumière de tous les moyens de preuve ensemble, le témoignage du

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1 témoin, les déclarations faites à l'époque, les documents et ce qui est

2 peut-être le plus important sur la base de ce qui s'est passé sur le

3 terrain, il n'y a aucun doute par rapport à l'existence du dessein commun

4 de l'entreprise criminelle commune. Ce dessein commun a été de chasser les

5 Croates par la force des régions qui étaient peuplées par les Croates, et

6 cela incluait la commission des crimes à grande échelle. Ce n'était pas

7 seulement le dessein de l'entreprise criminelle commune, c'était ce qui

8 s'est passé dans la Krajina pendant des années sur lesquelles porte l'acte

9 d'accusation.

10 De quelle façon M. Milan Martic avait-il participé dans cette

11 entreprise criminelle commune ? D'abord, souvenez-vous que les façons sur

12 lesquelles Milan Babic a avoué sa participation dans l'entreprise

13 criminelle commune, la Chambre a considéré que cela était suffisant pour le

14 déclarer coupable dans son affaire à lui et pour le condamner à 13 ans

15 d'emprisonnement.

16 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] A ce stade, Monsieur Whiting,

17 pouvez-vous nous dire quelle était la question ?

18 M. WHITING : [interprétation] Oui.

19 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce que cette Chambre peut se

20 référer et s'appuyer sur la conclusion d'une autre chambre de première

21 instance concernant la culpabilité de Babic et sa participation, s'il en

22 avait eu, dans l'entreprise criminelle commune ? Si c'est le cas, pouvez-

23 vous me dire pourquoi nous ne savons pas quels moyens de preuve ont été

24 utilisés devant cette Chambre de première instance ? Nous ne savons pas si

25 ces moyens de preuve sont similaires ou différents par rapport aux moyens

26 de preuve qui nous ont été présentés dans cette affaire. J'aimerais que

27 vous m'expliquiez.

28 Ce que Babic avait dit devant ce Tribunal et ce qu'il avait avoué, je

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1 voudrais qu'on fasse une distinction entre cette affaire et ce que nous

2 avons ici comme moyens de preuve, par rapport aux conclusions auxquelles

3 est arrivée l'autre chambre de première instance et sous quelles

4 circonstances il a plaidé coupable, comment cela influence les conclusions

5 de cette Chambre de première instance par rapport à la décision adoptée et

6 rendue pour ce qui est de l'acte d'accusation contre Milan Babic [comme

7 interprété].

8 M. WHITING : [interprétation] Je pense que la Chambre peut s'appuyer sur

9 ces conclusions parce que les moyens de preuve qui ont été présentés devant

10 la chambre de première instance dans l'affaire Babic ont été présentés dans

11 cette affaire et ont été versés au dossier dans cette affaire devant cette

12 Chambre. Les faits, pour ce qui est du plaidoyer de culpabilité et des

13 moyens de preuve, la pièce à conviction 174, donc les faits sont devant la

14 Chambre et les faits conformes aux faits sur lesquels ont témoigné les

15 témoins.

16 De plus, la décision de la chambre de première instance a été versée

17 au dossier, et cette décision, à savoir ce jugement, montre à la Chambre

18 quels sont les faits sur lesquels l'autre chambre de première instance

19 s'est appuyée pour arriver à ses conclusions propres.

20 Je voudrais dire qu'entre autres, cette Chambre de première instance

21 peut s'appuyer sur ces conclusions. Ce sont les faits avoués par M. Babic,

22 et il a confirmé cela. Il a dit ce qu'il a fait, et cela a été versé au

23 dossier et confirmé par les témoins. Vous pouvez vous appuyer sur cela par

24 rapport à ce qu'il a dit et ce qu'il a dit par rapport au dessein de

25 l'entreprise criminelle commune. Pour être clair, il faut que je dise que

26 la Chambre de première instance n'est pas liée par ces conclusions, mais la

27 Chambre peut s'appuyer sur cela.

28 Deuxièmement, je pense que la Chambre de première instance peut

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1 s'appuyer sur les questions juridiques parce que la chambre de première

2 instance dans l'affaire de M. Babic est arrivée à une conclusion factuelle,

3 après quoi la chambre a rendu une conclusion juridique selon laquelle cela

4 a été suffisant pour rendre un jugement pour le condamner pour la

5 participation à l'entreprise criminelle commune et au crime de

6 persécutions.

7 Cette analyse juridique, c'est quelque chose sur lequel vous pouvez

8 vous appuyer. Si la Chambre de première instance adopte certaines

9 conclusions factuelles par rapport à la participation de M. Martic à

10 l'entreprise criminelle commune, cela peut être uniquement comme une sorte

11 d'orientation pour savoir si c'est suffisant pour le déclarer coupable pour

12 sa participation à l'entreprise criminelle commune.

13 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Le fait que la chambre a déclaré

14 M. Babic coupable, cela ne peut pas importer sur la décision de cette

15 Chambre de première instance. Ce que je veux dire, il faut laisser cela de

16 côté. Les déclarations par rapport aux faits et les conclusions par rapport

17 aux faits peuvent être considérées comme quelque chose sur lequel on peut

18 s'appuyer.

19 M. WHITING : [interprétation] Je vous remercie. J'espère que j'ai été

20 utile.

21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui, c'était très utile.

22 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que je peux continuer ?

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une chose. Est-il exact que ce que M.

24 Babic dit s'est effectivement produit ? C'est-à-dire, est-ce qu'il a déposé

25 au sujet du mode de participation de M. Martic ? Est-ce qu'il a déposé à ce

26 sujet ?

27 M. WHITING : [interprétation] Il a déposé au sujet de la manière dont il

28 avait lui-même participé. Il a parlé également de ce que M. Martic avait

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1 fait. C'est le cas.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

3 M. WHITING : [interprétation] Lorsqu'il s'agira de déterminer et d'évaluer

4 le plaidoyer de culpabilité de M. Milan Babic et l'exposé des faits sur

5 lesquels repose ce plaidoyer de culpabilité, je souhaiterais vous renvoyer

6 à la pièce 174, l'exposé des faits et le plaidoyer de culpabilité.

7 Au paragraphe 33 de cet exposé des faits, on indique la manière dont

8 M. Milan Babic a reconnu avoir participé à l'entreprise criminelle commune.

9 Je ne vais pas entrer dans les détails de tous ces éléments; vous pourrez

10 vous-même les examiner. Mais peut-il ne subsister aucun doute, sur la base

11 des éléments qui ont été présentés en l'espèce, aucun doute quant au fait

12 que la participation de Milan Martic à l'entreprise criminelle commune a

13 dépassé de loin tout ce qu'a pu faire Milan Babic ? Peut-il ne subsister

14 aucun doute quant au fait que Milan Martic détenait plus de pouvoir, avait

15 plus d'influence et jouissait du soutien, d'un soutien plus énergique de M.

16 Milosevic et de Belgrade ? Peut-il ne subsister aucun doute quant au fait

17 que c'était le chef militaire le plus important dans la Krajina ? Ce sont

18 d'opérations militaires que nous sommes en train de parler.

19 Nous avons déjà dit que M. Milan Martic avait participé à

20 l'entreprise criminelle commune de multiples manières. Je ne vais pas

21 revenir sur les détails, mais cela comporte notamment le commandement des

22 structures militaires en Krajina dans la police que M. Martic avait

23 militarisée au cours de l'année 1991. Il s'agissait également de

24 l'organisation de la formation militaire de la police et des volontaires à

25 Golubic. Il s'agissait de trouver des fonds et des armes à Belgrade pour la

26 police et pour les Serbes de la Krajina. Il s'agissait de la mise en place

27 d'unités spéciales qui ont participé à des opérations militaires. Il

28 s'agissait de susciter des conflits avec des villages croates et de lancer

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1 des exigences, des ultimatums à l'encontre de ces villages. Il s'agissait

2 de permettre aux forces de police placées sous son commandement de

3 participer avec la JNA et la Défense territoriale à des attaques militaires

4 contre des villages croates avec pour objectif de détruire ces villages et

5 d'en chasser la population croate. Il s'agissait d'encourager la JNA et les

6 dirigeants politiques de Belgrade à soutenir les Serbes dans le cadre du

7 conflit en Krajina. Il s'agissait de garantir une coopération étroite entre

8 les forces serbes pendant le conflit en Krajina. Il s'agissait de maintenir

9 une coopération étroite et une bonne coordination parmi les membres de

10 l'entreprise criminelle commune, de soutenir des structures

11 gouvernementales au sein de la Krajina qui appuyaient l'entreprise

12 criminelle commune notamment par le biais des différents postes qu'il

13 occupait au sein de la Krajina. Il s'agissait de lancer une rhétorique

14 incendiaire et largement diffusée, une rhétorique qui a fait que les Serbes

15 ont craint les Croates et leur a fait penser qu'ils ne pourraient vivre en

16 toute sécurité que dans leur propre Etat sans Croates, une rhétorique qui

17 faisait clairement comprendre aux Croates que la Krajina n'était plus un

18 endroit sûr pour eux. Il est manifeste que M. Milan Martic n'a pas

19 simplement participé à l'entreprise criminelle commune, il en a constitué

20 un élément essentiel pour la réussite de ladite entreprise.

21 Avant d'entrer dans les détails des crimes qui s'inscrivaient dans le cadre

22 de l'entreprise criminelle commune ou qui constituaient une conséquence

23 prévisible de l'objectif de cette entreprise, je vais m'arrêter un instant

24 pour évoquer le mode de responsabilité qui est évoqué ici, la participation

25 à une entreprise criminelle commune. Il s'agit d'un mode de responsabilité

26 pénale qui est fondamental et qui est établi ici au Tribunal, puisqu'il a

27 été réaffirmé et confirmé dans de nombreuses affaires au Tribunal, et

28 notamment très récemment dans l'affaire Krajisnik. Comme nous l'avons

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1 déclaré dans notre déclaration liminaire, ce mode de responsabilité revient

2 à reconnaître que ce type de crimes, ce sont des crimes qui sont rarement

3 le fait d'une seule personne qui agit seule, ou même d'une seule entité. Il

4 s'agit de crimes qui ne peuvent être accomplis que par plusieurs

5 organisations qui oeuvrent de concert dans la recherche d'un objectif

6 commun.

7 Venons-en maintenant aux différents crimes qui figurent à l'acte

8 d'accusation, les crimes commis à Dubica, Bacin, Cerovljani, Saborsko,

9 Poljanak, Vukovici, Skabrnja, Nadin et Bruska ainsi qu'à Knin en 1991,

10 ainsi que les crimes commis contre les civils croates sur tout le

11 territoire de la RSK au cours des années 1992 à 1995. Tous ces crimes

12 s'inscrivaient sans exception dans le cadre de l'objectif de l'entreprise

13 criminelle commune.

14 A chacun de ces endroits, en dehors de Knin où les seuls crimes

15 allégués sont des crimes de détention, une force écrasante a été utilisée

16 et des crimes généralisés ont été commis, des crimes qui comportaient

17 notamment l'assassinat, le pillage et la destruction. L'un des objectifs de

18 l'attaque, l'un des objectifs des crimes ainsi commis, c'était de chasser

19 les Croates, ou, subsidiairement, les crimes commis dans ces villages

20 étaient manifestement une conséquence prévisible de l'objectif commun

21 consistant à chasser les Croates par la force de la Krajina. Ces crimes

22 étaient prévisibles à deux égards.

23 En premier lieu, ils constituaient une conséquence prévisible de ce

24 dessein commun. On pouvait s'attendre à ce que s'il y avait objectif commun

25 de faire partir par la force les Croates, un objectif poursuivi par les

26 plus hauts dirigeants politiques et militaires de la Krajina et de Belgrade

27 par un processus de diabolisation des Croates et qui consistait également à

28 susciter la peur et la haine parmi les Serbes, on pouvait raisonnablement

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1 penser que ceci inciterait à la perpétration de crimes très graves contre

2 les Croates et contre leurs biens. La chasse ainsi était ouverte contre les

3 Croates, les Croates qui ne bénéficiaient pas de la protection des

4 autorités et de la police. La police était là, souvenons-nous-en, pour

5 défendre les terres serbes, les zones serbes, le peuple serbe.

6 Ces crimes, ils étaient également prévisibles à cause du caractère

7 systématique de ce qui s'était passé précédemment. Rappelons-nous qu'au

8 moment où les crimes dont je parle ont été commis à Dubica, Saborsko et

9 Skabrnja en octobre et en novembre 1991, à ce moment-là il y avait déjà eu

10 toute une série d'attaques qui s'inscrivaient dans un même système, et on

11 pouvait voir, on pouvait deviner que ces crimes allaient se produire dans

12 le cadre de ces attaques. Je parle de Struga, de Kijevo, de Vrlika et de

13 Drnis.

14 En conséquence, en octobre 1991 déjà, tout le monde et notamment Milan

15 Martic, tout le monde savait que de tels crimes seraient commis. Mais

16 nonnobstant ce fait, les attaques se sont poursuivies de la même manière,

17 et on peut même dire qu'elles sont devenues plus violentes et plus

18 affirmées.

19 Même s'il est arrivé qu'il y ait eu des escarmouches opposant les Serbes et

20 les Croates avant que les forces serbes n'attaquent un village, comme par

21 exemple à Saborsko et à Skabrnja, ceci ne saurait constituer une

22 justification aux attaques qui ont eu lieu plus tard. Premièrement, les

23 éléments de preuve nous montrent que ces villages étaient assiégés et

24 qu'ils ont été provoqués par des forces serbes qui leur étaient

25 supérieures, bien longtemps avant l'attaque généralisée. M. Babic a parlé

26 de la manière systématique dont ceci se produisait après août 1991, et les

27 villages, les témoins l'ont confirmé. Les forces serbes provoquaient des

28 conflits avec les zones croates. Les Croates réagissaient, répondaient, et

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1 à ce moment-là les forces serbes procédaient à une attaque et commettaient

2 des crimes dont l'assassinat, l'expulsion, le pillage et l'incendie

3 criminel.

4 Ceci, on le retrouve aux pages 1 572 à 1 574 du compte rendu de la

5 déposition de M. Babic.

6 On ne peut pas accepter le simple fait que les Croates qui défendaient ces

7 villages aient réagi et répondu aux provocations. On ne peut pas dire que

8 ceci justifie une attaque qui était manifestement destinée à rayer de la

9 carte le village en question.

10 En deuxième lieu, la portée et la nature de ces offensives nous montrent

11 que c'est un ordre objectif qui était en réalité recherché. Ces attaques

12 n'avaient pas simplement pour objectif d'atteindre un but militaire.

13 L'envergure de ces attaques et le caractère généralisé des crimes commis au

14 cours de ces offensives nous montrent ce qu'il en était véritablement au-

15 delà des justifications qui étaient données, de ces justifications

16 hypocrites. En réalité, ce qui se passait, c'est que les forces serbes

17 souhaitaient se débarrasser des villages croates qui se trouvaient dans la

18 Krajina, et c'est ce qu'ils ont fait, c'est exactement ce qu'ils ont fait.

19 Parlons maintenant de Dubica, de Bacin et Cerovljani. Les preuves produites

20 nous montrent que plus d'un mois après la chute de ces zones aux mains des

21 forces serbes, le 22 octobre 1991, puisqu'il y a eu chute de ces zones le

22 13 septembre 1991, donc plus d'un mois plus tard, le 22 octobre, 56 civils

23 pratiquement tous Croates, pratiquement tous des personnes âgées, ont été

24 massacrés, ont été exécutés. Les éléments du dossier nous montrent qu'aussi

25 bien au cours de la prise de contrôle de cette zone en septembre 1991 et

26 après, d'autres civils ont été assassinés. Je souhaiterais renvoyer la

27 Chambre en particulier à la déposition d'Antun Blazevic et à celle d'Ana

28 Kesic, et aux pièces 273 et 258 qui ont trait à ces meurtres.

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1 Il n'existait aucune justification militaire quelle qu'elle soit pour

2 ces crimes ni pour les pillages, les destructions qui ont eu lieu dans ces

3 villages croates. La police de la SAO de la Krajina a-t-elle participé au

4 massacre d'octobre à Dubica et Bacin ? Selon nous, les éléments du dossier

5 disent clairement que oui, au-delà de tout doute raisonnable. La Défense

6 reconnaît, au paragraphe 52 de son mémoire, que les éléments de preuve nous

7 montrent que les membres du groupe de Velja Radjunovic ont participé au

8 massacre, si bien que la seule question à laquelle il convient encore de

9 répondre, c'est de savoir si le groupe de Radjunovic, c'était la police la

10 SAO de la Krajina. Une fois encore, les éléments de preuve nous permettent

11 de répondre par l'affirmative.

12 Rappelons d'abord dans quelles circonstances a eu lieu l'attaque contre

13 Dubica à l'époque. Je souhaiterais maintenant que l'on utilise le logiciel

14 Sanction. Vous reconnaîtrez, Madame, Messieurs les Juges, qu'il s'agit de

15 votre carte.

16 Comme je l'ai dit, c'est à la mi-septembre 1991 que les forces serbes se

17 sont emparées de ces zones.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait faire en

19 sorte que la carte soit affichée sur la totalité de l'écran, qu'elle soit

20 élargie ?

21 M. WHITING : [interprétation] Je ne sais pas si c'est vraiment possible.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [hors micro]

23 M. WHITING : [interprétation] Mais je pense que ce que je veux vous dire au

24 sujet de cette carte sera facilement illustré par la carte de la manière

25 dont elle est présentée. Voilà, ça y est, on a réussi.

26 Comme je l'ai dit, les forces serbes se sont emparées de Dubica et de Bacin

27 ainsi que de Cerovljani à la mi-septembre 1991, c'est-à-dire à peine un ou

28 deux jours après s'être emparées de Kostajnica. Vous constaterez sur la

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1 carte que cette localité se trouve à une vingtaine de kilomètres de là. La

2 police de M. Martic, le dossier nous le montre, était également présente à

3 l'époque à Glina ainsi qu'à Dvor, localités qui ne sont pas visibles sur la

4 partie élargie de la carte, mais qui sont visibles sur l'autre partie de la

5 carte. Je crois que Glina se trouve dans la partie supérieure et Dvor au

6 nord de Bosanski Novi.

7 Tous ces villages se trouvent dans une zone qui est dénommée la zone

8 de Banija. La prise de Kostajnica et de Dubica ainsi que de Bacin et de

9 Cerovljani à la mi-septembre 1991 a constitué une victoire importante pour

10 la SAO de la Krajina et les forces serbes, ceci d'autant plus qu'ils ont pu

11 mettre en place des points de connexion importants avec les zones serbes de

12 la Bosnie qui se trouvaient sur l'autre vie du fleuve. On ne peut avoir

13 aucun doute quant à la participation de M. Martic et à l'intérêt qu'il a

14 porté à toutes ces opérations. Le 23 juillet 1991, M. Martic rencontre les

15 chefs de la Banija, dont le chef de l'état-major de guerre de Kostajnica.

16 Le capitaine Dragan a déterminé, je cite : "L'unité avait été établie dans

17 la conduite de toutes les opérations dans la zone." Il s'agit de la pièce

18 582 qui a trait à Banija.

19 A un moment donné, en août ou en septembre, avant l'attaque contre

20 Kostajnica, M. Martic a déclaré dans une conférence de presse que je cite :

21 "Kostajnica tombera encore parce que les forces du MUP, à savoir les forces

22 du MUP croate n'ont ni vivres, ni eau, ni électricité, et ils sont assiégés

23 de tous côtés par les combattants de la Banija." Il s'agit là de la pièce

24 479.

25 Nous savons qu'après la chute de Kostajnica à la mi-septembre 1991,

26 Stevan Borojevic y a mené une unité spéciale de la police qui était

27 subordonnée à M. Martic. Maintenant, la Défense voudrait vous faire croire

28 qu'à partir de la mi-septembre 1991, c'est-à-dire au moment où ces zones

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1 sont passées sous le contrôle serbe jusqu'au 21 octobre 1991 et même au-

2 delà de cette date, M. Martic ainsi que la JNA et la Défense territoriale

3 ont accepté que Dubica et Bacin soient contrôlées par une unité de la

4 police totalement indisciplinée, même si ces localités se trouvent à peine

5 à 20 kilomètres de Kostajnica et constituaient des lieux stratégiquement

6 extrêmement importants puisqu'il s'agissait de localités qui se trouvaient

7 à proximité de la Bosnie, à proximité de la ligne de front et à proximité

8 de la base de la JNA à Zivaja. Mais les témoignages des témoins de la

9 Défense, cités à la note de bas de page 389 de notre mémoire, ces éléments

10 nous montrent que la police et la JNA ne toléraient pas ces unités

11 incontrôlées. Il est donc impossible de croire qu'on aurait toléré la

12 présence de telles unités pendant aussi longtemps dans une localité aussi

13 importante.

14 De plus, les témoins qui ont déposé au procès et qui se trouvaient à

15 Dubica et à Bacin même à l'époque ont déclaré que la police de Radjunovic,

16 c'était la police de la SAO de la Krajina. Le Témoin MM-22 a déclaré à

17 plusieurs reprises, aussi bien au cours de l'interrogatoire principal que

18 du contre-interrogatoire, qu'il n'y avait qu'une seule police en ville,

19 c'était la police dirigée par Radjunovic et que c'était cela la police de

20 la SAO de la Krajina, qu'on pouvait d'ailleurs le voir sur les uniformes et

21 les véhicules de ces hommes et qui avaient d'ailleurs un quartier général

22 au centre même de la ville de Dubica. Ces éléments ont été confirmés par la

23 déposition de Josip Josipovic.

24 La Défense cite un mémo officiel non signé relatif à un entretien

25 avec Josip Josipovic au paragraphe 50 de son mémoire, mais la Défense a

26 présenté ce document de telle manière que cela donne une autre

27 interprétation de sa signification. Selon nous, cette manière de citer

28 cette déclaration manque tout à fait de clarté, et en tout cas cela n'a

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1 jamais été reconnu par le témoin qui a déposé de manière extrêmement claire

2 et cristalline à ce sujet lors du procès.

3 Un camion qui portait la mention police de la SAO de la Krajina a

4 également été utilisé pour amener des gens jusqu'à la caserne de pompiers.

5 Le 21 octobre, Ana Kesic a déposé que c'est Radunovic lui- même qui l'avait

6 conduite à la caserne de pompiers. Si l'unité de Radunovic était

7 véritablement une unité incontrôlée, comment se fait-il qu'il ne leur soit

8 rien arrivé après le massacre ? Pourquoi est-ce qu'on ne les a pas

9 arrêtés ? Pourquoi est-ce qu'on ne les a pas mis en accusation pour ce

10 qu'ils avaient fait ? Nous savons que la police savait parfaitement ce qui

11 était en train de se passer. Il suffit de regarder ce qu'a dit le Témoin

12 MM-22 au sujet de sa rencontre avec la police peu après le massacre.

13 Indéniablement, la JNA et la Défense territoriale savaient ce qui était en

14 train de se passer, mais il n'est rien arrivé à l'unité de Radunovic.

15 M. Martic a seulement dissout l'unité en question un mois plus tard

16 et uniquement parce qu'il y avait eu un conflit politique au sujet de

17 l'annexion à la Bosnie qu'ils appelaient de leurs vœux. Même à ce sujet,

18 les éléments de preuve nous montrent qu'on s'est simplement contenté

19 d'envoyer les hommes de Radunovic au front et qu'ils sont revenus peu de

20 temps après. Non, il ne s'agissait pas d'une unité incontrôlée, Monsieur le

21 Président, Madame, Messieurs les Juges, c'était la police de la SAO de la

22 Krajina tout comme les témoins l'ont déclaré.

23 Parlons maintenant de Saborsko. Dans le mémoire en clôture de la

24 Défense, il n'est absolument jamais question de Saborsko. Quant à nous,

25 dans notre mémoire, nous en parlons de manière circonstanciée. Je ne vais

26 pas m'attarder sur ce point, mais quoi qu'il en soit, il ne peut subsister

27 aucun doute quant au fait que la police régulière de la SAO de la Krajina,

28 sous le commandement de Dusan Latas, l'unité de police spéciale dirigée par

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1 Nikola Medakovic et l'unité de la Sûreté de l'Etat ou l'unité de la DB

2 placée sous le commandement de Djuro Ogrizovic, toutes unités qui

3 relevaient du ministère de l'Intérieur et qui étaient subordonnées à

4 Martic, aucun doute quant au fait que toutes ces unités ont participé à

5 l'attaque de Saborsko.

6 Le Témoin MM-37 a confirmé la chose dans sa déposition, et c'est

7 d'ailleurs confirmé par de très nombreux documents dont des ordres

8 d'attaque et des rapports établis après l'offensive par M. Latas et par M.

9 Ogrizovic. Le seul témoin qui ait essayé de minimiser le rôle de la police

10 à Saborsko, même si lui a reconnu que la police avait participé à cette

11 attaque, le seul témoin à le faire, c'est le témoin à décharge Medakovic.

12 Nous avançons cependant que la déposition de ce témoin est, sur des points

13 essentiels, absolument dénuée de toute crédibilité. Il affirme que les

14 unités de la police spéciale n'existaient plus en novembre 1991, mais il

15 n'a pas été en mesure de donner des explications quant aux références qui y

16 sont faites dans certains documents. Il affirme ne rien savoir au sujet

17 d'unité de la DB qui se trouvait à Plaski, bien qu'il soit fait mention de

18 cette unité dans un certain nombre de documents.

19 Il a affirmé que la police n'était pas allée à Saborsko même s'il

20 existe des éléments de preuve qui indiquent manifestement le contraire. Il

21 faut se souvenir du point de vue qui est le sien au sujet de ces

22 événements, de la perspective qu'il adopte et qui est traduite dans une

23 lettre qu'il a écrite le lendemain de l'attaque contre Saborsko, pièce 269,

24 et qui s'est manifestée dans ce prétoire même lorsqu'il a affirmé, page 9

25 247 du compte rendu d'audience, que les Croates avaient délibérément causé

26 le meurtre des civils de Saborsko afin de susciter la compassion de

27 l'Europe.

28 Skabrnja. Les éléments du dossier nous montrent au-delà de tout doute

Page 11209

1 raisonnable que la police de Benkovac dirigée par Bosko Drazic a participé

2 à l'attaque menée contre Skabrnja tout comme la Défense territoriale, la

3 TO. Les éléments du dossier nous montrent d'autre part que l'attaque menée

4 contre Skabrnja n'avait aucune justification militaire, même chose pour

5 l'attaque contre Nadin, et que ce type d'attaque ne pouvait se justifier en

6 rien. La Défense prélève certains extraits de la déposition de Marko

7 Miljanic afin d'essayer de démontrer qu'à Skabrnja, il y avait des

8 effectifs en nombre, des effectifs bien armés des forces croates qui

9 avaient fait prisonniers des officiers de la JNA. Si M. Miljanic a bel et

10 bien déclaré qu'il y avait une force défensive à Skabrnja, il en a parlé

11 aux Juges, il a également parlé qu'ils avaient très peu d'armements. Il a

12 décrit les armes en question. Il a déclaré qu'ils avaient simplement détenu

13 les officiers de la JNA qui étaient venus sur la zone et que ceci n'avait

14 pas duré très longtemps.

15 De plus, il a déclaré qu'après la signature de la trêve de La Haye le

16 5 novembre, il n'y a plus eu de provocations. Il a déclaré qu'il avait été

17 mis en garde par un capitaine de la JNA qui lui avait dit qu'ils étaient

18 finis et que Ratko Mladic allait les vaincre. Il a déclaré qu'ils avaient

19 trouvé des sous-sols à Skabrnja, des sous-sols qui devaient servir d'abris

20 en cas d'attaque. Vous savez pertinemment, Madame, Messieurs les Juges,

21 quelle est l'importance de ces sous-sols à Skabrnja et ce qui s'est passé

22 au cours de l'attaque. Il a également dit que l'attaque avait commencé avec

23 des tirs d'artillerie visant le village et qu'au cours de l'offensive, des

24 civils avaient été extraits des sous-sols puis tués.

25 Dans son mémoire en clôture, la Défense se contente de présenter la version

26 de Zoran Lakic sur les événements de Skabrnja. Elle passe sous silence

27 pratiquement tous les autres éléments de preuve. Est-ce que la déposition

28 de M. Lakic tient ? Est-ce que ce qu'il a dit dans le prétoire peut

Page 11210

1 véritablement être considéré comme digne de foi ? Examinons certains

2 éléments essentiels de sa déposition. D'abord, il a déclaré que la Défense

3 territoriale n'avait pas participé à l'attaque menée contre Skabrnja. Au

4 cours de l'interrogatoire principal, il a déclaré qu'il n'était entré à

5 Skabrnja qu'après la fin de l'opération.

6 Au cours du contre-interrogatoire, il a répété qu'en dehors de

7 l'unité médicale qui était entrée plus tard, je cite : "Aucune de mes

8 unités n'était sur place ce jour-là, le 18 novembre." Mais c'est

9 manifestement faux. Le témoin à décharge suivant, Nada Pupovac, a déclaré

10 la chose suivante, page 10 399 du compte rendu d'audience :

11 "Question : N'est-il pas exact que le 18 novembre 1991, les membres

12 de la Défense territoriale ont participé au combat ?"

13 Réponse : Oui, ils y ont participé, sous le commandement de la JNA."

14 De plus, de nombreuses pièces à conviction relatives à l'attaque et

15 aux crimes commis à Skabrnja confirment la participation de la Défense

16 territoriale. La Défense essaie d'escamoter cette question, paragraphe 17

17 de son mémoire, en disant qu'il existe des éléments de preuve

18 contradictoires sur la participation de la Défense territoriale à

19 l'opération. Ceci n'est pas un détail mineur. La question de savoir si la

20 Défense territoriale a participé à cette opération et le fait de savoir si

21 M. Lakic en était le commandant, de cette Défense territoriale, est un

22 élément essentiel, et M. Lakic ne saurait commettre d'erreur à ce sujet.

23 Deuxièmement, M. Lakic a déclaré que la JNA était allée à Skabrnja le

24 18 novembre pour essayer de trouver une solution pacifique à la crise.

25 L'idée n'était pas de mener une offensive. Il affirme également, comme le

26 témoin Mme Pupovac, que le lieutenant Stefanovic a été pris dans une

27 embuscade alors qu'il parlait dans un mégaphone, mais c'est manifestement

28 faux.

Page 11211

1 Le Témoin MM-80 a déclaré qu'il savait, qu'il avait appris que

2 Skabrnja allait être attaqué la veille, le 17 novembre. La pièce 107 est

3 une pièce très importante à cet égard. Il s'agit des notes du chef de

4 l'opération, Momcilo Bugunovic, qui confirment que le 17 novembre, des

5 préparatifs étaient en cours pour, je cite, "ratisser Skabrnja et Nadin".

6 Quelle que soit la signification du terme "ratissage", cela n'avait rien à

7 voir avec une tentative de rétablir la paix. Ces notes nous montrent que

8 Stefanovic n'a pas été tué parce qu'il a été pris dans une embuscade, mais

9 parce qu'il était, je cite, "entêté et qu'il est passé en premier".

10 La Défense a également tenté de minimiser l'importance de la pièce

11 107, une pièce qui a été versée par la Défense même. Page 31 du mémoire en

12 clôture de la Défense, elle affirme que ces notes étaient manuscrites,

13 qu'"elles manquent de précisions, de cohérence", mais la Défense ne donne

14 aucun exemple pour appuyer cette affirmation. En fait, c'est l'exact

15 contraire qui est vrai. Les notes qui figurent à la pièce 107 ont une telle

16 importance et ont l'importance qu'elles ont parce que justement elles ne

17 sont pas présentées sous la forme d'un rapport officiel avec des excuses,

18 des rationalisations, des modifications. Non, il s'agit des notes brutes et

19 des notes qui ont été faites au moment des événements.

20 Enfin, s'agissant des raisons qui expliquent l'attaque contre

21 Skabrnja, le témoin a affirmé qu'il ne savait pas la raison qui était

22 derrière cette attaque.

23 En troisième lieu, Lakic a affirmé comme Pupovac que la police

24 n'avait pas participé à l'attaque contre Skabrnja. Lakic a affirmé que la

25 police était restée à Benkovac et y avait fait son travail de police

26 habituelle. Manifestement aussi il y a là contre-vérité. La pièce 107 nous

27 montre au-delà de tout doute possible que la police a participé à cette

28 attaque. De nombreuses références dans ce document sont faites aux

Page 11212

1 difficultés de coordination entre les différents participants dont la

2 Défense territoriale, la police. Bosko Drazic lui-même était présent lors

3 d'une réunion qui a eu lieu deux jours après l'attaque, le 20 novembre

4 1991, afin d'examiner ce qui s'était passé à Skabrnja. Il a dit lors de

5 cette réunion que la planification avait été excellente et que, je cite,

6 "l'opération avait donné des résultats positifs, et même plus!" De plus,

7 les rapports au sujet des crimes commis à Skabrnja nous montrent que Drazic

8 était présent au cours de cette attaque.

9 Quatrièmement, M. Lakic au début a déclaré que la seule chose avec laquelle

10 il s'était familiarisé était que des civils ont été tués au cours de

11 l'attaque et que plusieurs mois après cette opération, un cadavre a été

12 trouvé, et il dit cela à la page 10 181 du compte rendu. Comme on l'a

13 confronté avec beaucoup de documents qui tous parlaient des crimes à

14 Skabrnja qui disaient que ces crimes ont été généralisés, qu'on a appris

15 ces crimes tout de suite après leur perpétration, sa réponse a été changée.

16 Aux pages 10 266 et 10 267, il a dit qu'il savait qu'il y avait eu beaucoup

17 de victimes et qu'il a appris cela deux ou trois jours après l'action et

18 que certains officiers voulaient "imputer la responsabilité" à une

19 troisième entité. Lorsqu'on lui a montré la pièce à conviction 107

20 concernant la réunion à la date du 20 novembre à laquelle Lakic a participé

21 et où on a discuté des crimes, il a dit : "L'information par rapport aux

22 personnes tuées et aux victimes nous est arrivée peu après." C'est à la

23 page 10 280.

24 Ensuite, aux pages 10 285 et 10 286, il a avoué, il a reconnu qu'il a

25 appris seulement deux jours après l'attaque à Skabrnja qu'il y avait eu

26 "des crimes, des cambriolages et des actes de barbarie à Skabrnja."

27 Finalement, pour ce qui est de ces deux témoins de la Défense, M. Lakic et

28 Mme Pupovac, mis à part ces déclarations catégoriques par rapport à ce qui

Page 11213

1 s'est passé ou pas passé durant l'opération de Skabrnja, ce qu'ils ont dit

2 par rapport à l'opération à Skabrnja, les deux témoins, les deux

3 témoignages de ces deux témoins disaient qu'ils ne pouvaient pas savoir ce

4 qui s'est passé à Skabrnja.

5 Ni le témoignage de M. Lakic ni de Mme Pupovac ne réfutent le témoignage

6 écrasant selon lequel la police de la SAO de Krajina avait participé à

7 l'attaque avec la TO et la JNA et que beaucoup de crimes généralisés ont

8 été perpétrés lors de l'attaque.

9 Ensuite, Bruska. Nous avons des moyens de preuve que les crimes ont été

10 commis par les membres de la police de la SAO de Krajina. Il y a beaucoup

11 de preuves accablantes sur ces crimes. Les attaquants se sont souvent

12 identifiés comme étant les membres de la police de la Krajina, des hommes

13 de Martic, et portant des uniformes sur lesquels on pouvait voir des

14 insignes militaires de Krajina ou de police de la Krajina. Lorsque Ante

15 Marinovic était à l'hôpital pour se remettre de ses blessures, un homme qui

16 portait l'uniforme militaire de la Krajina est entré dans la pièce dans

17 laquelle il était en disant : "Cet Oustacha devrait être égorgé

18 immédiatement." La Défense disait que c'étaient les hommes qui n'étaient

19 pas membres de la police de la SAO de la Krajina, mais ils ont tout de même

20 prétendu l'être. Cette théorie n'est pas appuyée par aucune pièce à

21 conviction et c'est une pure spéculation.

22 De plus, parlons de la date du 20 décembre 1990, après tout et compte tenu

23 du fait où se trouve la Bruska et que la police ne tolérait pas les

24 déserteurs, il n'est pas possible de croire que ces attaques contre Bruska

25 n'aient pas été menées par la police de la SAO de Krajina.

26 De plus, les pièces à conviction 286 et 919 montrent que le 20 novembre

27 1991, un mois avant les meurtres commis à Bruska, la police de la SAO de

28 Krajina arrêtait les Croates de Medvidja et les détenait jusqu'à ce qu'ils

Page 11214

1 ne soient échangés en juin 1992. Maintenant, Medvidja, c'est un village

2 peuplé majoritairement par les Serbes qui se trouve près de Bruska. Ante

3 Marinovic a dit qu'avant les événements survenus le 20 novembre, les hommes

4 qui se sont présentés comme étant membres de la police de Martic venaient

5 de Medvidja à Bruska pour harceler la population de Bruska.

6 Si la police de la SAO de Krajina a sans aucun doute procédé aux

7 arrestations et aux détentions des Croates dans cette région de Medvidja en

8 novembre 1991, il est impossible d'imaginer qu'il y a eu une unité de

9 déserteurs qui s'est présentée comme étant les membres de la police de la

10 SAO de la Krajina près de Bruska qui n'étaient pas de Bruska, qu'ils

11 étaient venus à Bruska un mois après cela, en décembre 1991. Non, les

12 moyens de preuve montrent que ces hommes qui ont commis les meurtres à

13 Bruska étaient membres de la police de la SAO de Krajina.

14 Finalement, la Défense dit que la police a mené une enquête professionnelle

15 après ces meurtres. Mais la pièce à conviction 404 dit quelque chose

16 d'autre et suggère que la police était au courant des activités des gens

17 qui ont commis des meurtres.

18 Maintenant, parlons des crimes qui ont été perpétrés dans les prisons.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant de parler de cela, dites-nous ce

20 qu'il est dit dans la pièce à conviction 404.

21 M. WHITING : [interprétation] La pièce à conviction 404, c'est un rapport,

22 le rapport de l'organe chargé de la sécurité de la JNA. Je ne suis pas sûr

23 de qui il s'agit, de quelle personne il s'agit, mais je peux vérifier cela.

24 Il est dit dans ce document, sur la base des affirmations de source fiable,

25 la police à Benkovac -- je crois que la police savait qui a commis les

26 meurtres à Bruska et que la personne qui savait cela a été mutée à un autre

27 endroit, tout cela pour cacher la vérité de ce qui s'est passé à Bruska et

28 sur ces meurtres commis.

Page 11215

1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Whiting.

3 M. WHITING : [interprétation] Oui.

4 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Avant que vous n'abordiez un autre

5 sujet, si ces actes commis avaient leurs qualités diverses, avaient été

6 commis par ce groupe de déserteurs, est-ce que cela changerait la

7 position ? Quelle serait votre réponse si la Chambre arrivait à cette

8 conclusion, même si cela dans vos yeux serait incroyable ou improbable,

9 plutôt ? Est-ce que vous voudriez répondre à cette question maintenant ou

10 plus tard ?

11 M. WHITING : [interprétation] Je peux vous donner une réponse maintenant.

12 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [aucune interprétation]

13 M. WHITING : [interprétation] Selon nous, cela serait englobé dans le cadre

14 de l'entreprise criminelle commune, soit ce qu'on appelle l'entreprise

15 criminelle commune 1, les crimes qui entrent dans le dessein de

16 l'entreprise criminelle commune, ou l'entreprise criminelle 3, où on peut

17 voir que c'est une conséquence prévisible du dessein commun de cette

18 entreprise criminelle commune. Il faudrait arriver à cette conclusion,

19 c'est-à-dire que ces crimes doivent être considérés, être englobés dans

20 l'une de ces catégories.

21 Cette conclusion peut être adoptée par la Chambre. Mais si la conclusion

22 n'est pas adoptée pour une localité particulière, la question qui se pose,

23 c'est de savoir si M. Martic a participé ou si ce qu'il a été fait

24 représentait une conséquence prévisible de ce dessein de l'entreprise

25 criminelle commune. Si la Chambre de première instance arrivait à cette

26 conclusion selon laquelle une unité de déserteurs aurait commis ces actes,

27 cela ne veut pas dire de façon automatique que M. Martic n'est pas coupable

28 pour les crimes commis.

Page 11216

1 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur

2 Whiting, continuez.

3 M. WHITING : [interprétation] Maintenant, parlons des prisons. La Défense

4 ne parle pas du tout des crimes commis dans les prisons dans leur mémoire

5 en clôture, et nous en avons discuté. Il est clair que la position de la

6 Défense est la suivante. La police n'avait rien à voir avec la prison à

7 Knin, mais les pièces à conviction montrent autre chose.

8 La prison a été gérée par Stevo Plevo, qui a été recruté par Milan

9 Martic au sein de la police et qui a été formé à Golubic. Il est devenu

10 chef de la prison à Knin en août 1991 même s'il n'avait aucune expérience.

11 Là-bas, il y avait d'autres gardiens qui avaient une expérience plus

12 importante pour ce qui est des prisons. Il semble qu'on ne puisse avoir

13 qu'une seule conclusion par rapport à la raison pour laquelle il a été

14 nommé à cette fonction, c'est parce qu'il était une connaissance de M.

15 Martic.

16 Les prisonniers apportés par la police, par rapport à cela, il s'agit

17 des prisonniers de guerre, et les prisonniers ont été relâchés de la prison

18 sous la direction de la police. M. Plejo admet d'ailleurs lui-même - et je

19 pense que cela s'est produit en réponse à des questions posées par les

20 Juges de la Chambre, ceci se trouve en page 8 921 du compte rendu

21 d'audience - que la police a eu un rôle dans la direction de la prison

22 jusqu'à, au moins, la mi-novembre 1991. Compte tenu de cela, le témoignage

23 des victimes selon lesquels la police de la SAO de Krajina, c'est-à-dire

24 des membres de la police de la Région autonome de Krajina sont venus dans

25 la prison pour frapper et torturer des prisonniers, est totalement

26 crédible.

27 Par ailleurs, les mises en détention et des coups ont eu lieu dans le cadre

28 de l'accomplissement de l'objectif commun que poursuivait l'entreprise

Page 11217

1 criminelle commune. Les pièces à conviction 286 et 919 montrent que des

2 prisonniers étaient en détention, des prisonniers de Glina, Plaski,

3 Lovinac, Vrlika, Kijevo, Drnis et Skabrnja. Les éléments de preuve

4 démontrent donc que ces mises en détention ont été le résultat des attaques

5 auxquelles il a été procédé contre ces villages. En d'autres termes, la

6 mise en détention de ces prisonniers amenés a résulté, a fait partie de ces

7 attaques.

8 Les éléments de preuve démontrent également que les mises en détention et

9 les passages à tabac de Croates ont été un moyen supplémentaire de

10 distiller la peur dans la population croate, d'intimider cette population

11 et finalement de la forcer à partir.

12 La Défense n'aborde pas non plus, du tout, les éléments de preuve

13 démontrant que les crimes ont été commis sur une longue durée au cours des

14 années 1992 à 1995. Quant aux éléments de preuve, ils démontrent de façon

15 tout à fait claire - en tout cas, c'est ce que nous affirmons - que durant

16 ces années, les Croates ont continué à faire l'objet d'exactions,

17 d'expulsions et à être assassinés dans la République serbe de la Krajina.

18 La police a participé à ces crimes d'une part et elle a également omis

19 d'entreprendre la moindre action contre les auteurs de ces actes. Dans

20 cette même période, ces éléments de preuve démontrent donc également

21 l'existence d'une entreprise criminelle commune et l'existence d'un

22 objectif commun assigné à celle-ci qui consistait à expulser de force les

23 Croates hors de Krajina.

24 Par ailleurs, ceci vient à l'appui de certains chefs de l'acte

25 d'accusation, notamment du chef relatif aux persécutions et aux

26 déportations ainsi qu'au déplacement forcé de populations.

27 Enfin, nous en arrivons aux chefs d'accusation relatifs au pilonnage

28 de Zagreb, chefs 15 à 19 de l'acte d'accusation. S'agissant du pilonnage de

Page 11218

1 Zagreb, les éléments de preuve démontrent au-delà de tout doute raisonnable

2 que Milan Martic l'a ordonné; ceci, dans le cadre d'une tentative

3 désespérée et vouée à l'échec, d'après moi, pour arrêter l'opération Eclair

4 en Slavonie occidentale. Les éléments de preuve établissent par ailleurs

5 que M. Martic a pris pour cible Zagreb parce que cet acte était destiné à

6 jouir d'un impact maximum en provoquant le maximum de terreur de la

7 population croate. Il n'a pas pris pour cible des objectifs militaires à

8 Zagreb. Ceci ressort clairement de ses déclarations et de celles de M.

9 Celeketic ainsi que du simple fait que des roquettes Orkan qui n'avaient

10 pas la moindre chance de provoquer des dommages importants dans de lieux

11 comme le ministère de la Défense et qu'il n'avait pas la moindre chance de

12 frapper de tels lieux. Au cours de l'opération Eclair, ces lieux ont pu

13 être visés par les roquettes Orkan.

14 Mais frapper Zagreb, la ville de Zagreb, les habitants, les civils

15 qui l'habitaient pouvait avoir une incidence importante. En tout cas, c'est

16 ce que pensait Martic. A défaut, disons-nous, même si la Chambre de

17 première instance devait déclarer que les cibles visées étaient

18 effectivement des cibles militaires, en tout état de cause, les armes

19 utilisées étaient illégales quelles que soient les circonstances compte

20 tenu des dégâts aléatoires qu'elles pouvaient causer.

21 S'agissant de Zagreb, la Défense développe trois arguments généraux

22 dans son mémoire : premièrement, la mémoire affirme, et c'est assez

23 extraordinaire, qu'il n'ait pas été prouvé que M. Martic avait ordonné le

24 pilonnage; deuxièmement, la Défense développe certains arguments relatifs à

25 des représailles, elle présente la loi régissant les représailles et

26 prétend également que la partie croate doit être critiquée pour avoir

27 abrité des cibles militaires dans la ville de Zagreb; troisièmement, la

28 Défense laisse entendre que la roquette Orkan était une arme tout à fait

Page 11219

1 utilisable.

2 S'agissant de savoir si M. Martic a ordonné le pilonnage de Zagreb,

3 les éléments de preuve sont tout à fait persuasifs à cet égard et

4 démontrent clairement que c'est bien le cas. M. Martic s'est même attribué

5 le crédit dans les médias et au cours d'un certain nombre de réunions pour

6 l'acte qu'il avait accompli à ce sujet, en affirmant que cela s'était bien

7 passé. Chacun, y compris Slobodan Milosevic, savait que M. Martic avait

8 donné l'ordre de pilonner Zagreb. Comme la Chambre de première instance l'a

9 souligné elle-même au début de la présente affaire, ceci se retrouve dans

10 la pièce 221, à la page 221, M. Martic a même avoué avoir ordonné le

11 bombardement de Zagreb ici, dans ce Tribunal, dans ce prétoire le 26

12 septembre 2003.

13 La Défense n'a contesté aucun des éléments de preuve présentés par

14 l'Accusation montrant que c'est lui qui avait ordonné ce bombardement. Elle

15 n'a pas fait objection lorsque nous avons déclaré, à l'étape de

16 l'application de l'article 98 bis du Règlement en l'espèce, ceci se

17 retrouve en page 5 928 du compte rendu d'audience, qu'il n'avait pas été

18 réellement contesté que M. Martic avait ordonné le pilonnage de Zagreb les

19 2 et 3 mai.

20 L'affirmation semble avoir été faite pour la première fois durant la

21 déposition du témoin de la Défense Patrice Barriot à la fin de l'affaire et

22 elle n'a pas été faite au cours de l'interrogatoire principal ou au cours

23 du contre-interrogatoire, quand on lui a montré une lettre ouverte envoyée

24 par lui à Milan Martic dans laquelle il disait que M. Martic avait ordonné

25 le pilonnage de Zagreb. Ceci se retrouve dans un élément de preuve dont je

26 n'ai malheureusement pas le numéro sous la main à l'instant.

27 Dans le prétoire, M. Barriot a affirmé que ce qu'il avait écrit

28 consistait à dire que M. Martic avait ordonné le pilonnage de Zagreb et que

Page 11220

1 plus tard il avait appris que tel n'était pas le cas. Quand on lui pose la

2 question suivante : mais comment est-ce que vous l'avez appris ? Il répond

3 d'abord : il importe de se replacer dans le contexte de l'époque. Puis, à

4 la page 10 776 du compte rendu d'audience, lorsqu'on insiste pour obtenir

5 quelques détails supplémentaires, il dit qu'il a analysé la personnalité de

6 M. Martic et que c'est ainsi qu'il en est venu à penser ce qu'il déclare

7 par la suite. Ceci se trouve en page 10 777 du compte rendu d'audience.

8 Ensuite, il affirme que M. Martic lui aurait dit qu'il était prêt à assumer

9 la responsabilité d'actes commis par ses subordonnés, page 10 778.

10 L'Accusation déclare que M. Barriot essaie simplement dans sa

11 déposition d'éviter d'avoir à faire porter quelque responsabilité que ce

12 soit à M. Martic. En fait, M. Barriot admet un peu plus tard dans sa

13 déposition, répondant à des questions de l'Accusation suite aux questions

14 des Juges, qu'il a ensuite publié une nouvelle version de sa lettre,

15 version corrigée, sans modifier ce qu'il avait écrit initialement au sujet

16 du fait que M. Martic avait ordonné le bombardement de Zagreb en 2003, ce

17 qui contredit totalement son affirmation dans le prétoire selon laquelle il

18 aurait appris plus tard ou selon laquelle il en serait venu à penser que M.

19 Martic n'avait pas ordonné ce pilonnage.

20 Aucun des autres éléments de preuve cités par la Défense ne contredit

21 de quelque façon que ce soit les éléments de preuve montrant que c'est bien

22 M. Martic qui a ordonné le pilonnage. Aucun des autres éléments de preuve

23 ne le fait, éléments de preuve de la Défense. La Défense met l'accent sur

24 des éléments de preuve montrant que ce serait M. Celeketic qui aurait

25 ordonné ce pilonnage, mais tout concorde pour penser que c'est M. Martic

26 qui l'a fait. L'ordre bien sûr ne pouvait venir que de M. Martic en

27 direction de M. Celeketic, s'agissant de donner un ordre aux hommes sur le

28 terrain.

Page 11221

1 La Défense souligne également le fait qu'après la chute de la

2 Slavonie occidentale et le pilonnage de Zagreb, Celeketic a été remplacé à

3 son poste, mais les éléments de preuve montrent qu'il a été remplacé par

4 Belgrade, et non par Martic. Il n'y a pas non plus le moindre élément de

5 preuve qui indiquerait qu'il aurait subi une sanction disciplinaire ou fait

6 l'objet de poursuite judiciaire pour le pilonnage de Zagreb. Rien dans les

7 éléments cités par la Défense ne permet de contrer les déclarations

8 répétées et les témoignages nombreux qui montrent que c'est M. Martic qui a

9 ordonné en personne le pilonnage de Zagreb.

10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Avant que vous ne

11 poursuiviez, Monsieur Whiting, j'aimerais traiter d'un point qui, je crois,

12 a une importance assez grande pour la postérité. Page 52 du compte rendu

13 d'audience de la journée d'aujourd'hui, ou plutôt page 53, points 1 et 2,

14 voici ce que j'ai à vous dire : "Même si la Chambre de première instance a

15 estimé qu'il avait pris cible des objectifs militaires, les armes utilisées

16 par lui n'étaient certainement pas légales dans les circonstances de

17 l'époque." Il y a une erreur au compte rendu d'audience, il est dit que ces

18 armes n'étaient certainement pas illégales. Je pense qu'il est important de

19 corriger cette erreur.

20 M. WHITING : [interprétation] Je vous remercie, Madame le Juge.

21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] C'est tout de même une

22 différence importante. Je ne voulais pas vous interrompre, mais je crois

23 qu'il importe de mettre l'accent sur cette erreur au compte rendu

24 d'audience qui nécessite une correction. Excusez-moi encore de vous avoir

25 interrompu.

26 M. WHITING : [interprétation] Non, vous l'avez fait à un très bon moment.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant que nous ne suspendions pour la

28 pause, est-ce que vous en aviez terminé de ce passage de votre exposé ?

Page 11222

1 M. WHITING : [interprétation] Oui, je pense que c'est le cas.

2 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je suis d'accord.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

4 Nous allons faire une pause et reprendre nos travaux à 12 heures 30.

5 --- L'audience est suspendue à 11 heures 59.

6 --- L'audience est reprise à 12 heures 30.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting, veuillez poursuivre.

8 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Avant de

9 poursuivre, toutefois j'aimerais indiquer la pièce à conviction dont j'ai

10 parlé tout à l'heure, à savoir la lettre ouverte de M. Barriot et la pièce

11 1011.

12 S'agissant de Zagreb, le deuxième point évoqué par la Défense dans son

13 mémoire concerne le fait qu'il s'agissait de représailles, et la question a

14 été également posée de savoir si la Croatie ne pourrait être tenue

15 responsable du fait d'avoir abrité des cibles militaires dans la ville de

16 Zagreb. S'agissant de l'argument représailles, j'ai compris la Défense

17 comme déclarant qu'elle était d'accord sur le fait que toutes représailles

18 contre des civils étaient strictement à bannir, en tout cas c'est ainsi que

19 j'ai lu le début du paragraphe 90 du mémoire de la Défense.

20 Toutefois, même si cet argument est tout à fait clair, il ne peut y avoir

21 aucun doute quant au fait que des représailles contre des civils ou des

22 bâtiments civils sont explicitement interdites par les dispositions du

23 paragraphe 6 de l'article 51 du protocole de additionnel 1 et du paragraphe

24 1 de ce même protocole, article 53. Par ailleurs, je renverrais la Chambre

25 de première instance à l'arrêt Kordic, au stade de l'appel, paragraphes 53

26 et 59; ainsi qu'à l'arrêt Blaskic paragraphe 109; à l'arrêt Galic,

27 paragraphes 190 et 191; au jugement en première instance Kupreskic,

28 paragraphes 527 à 536; ainsi qu'à la décision au titre de l'article 61 du

Page 11223

1 Règlement dans notre affaire, c'est-à-dire l'affaire Milan Martic, décision

2 rendue le 8 mars 1996 et plus particulièrement aux paragraphes 15 à 17 de

3 cette décision.

4 De surcroît, la loi est tout à fait claire, loi qui a été citée par les

5 Juges de la Chambre de première instance en l'espèce selon laquelle le fait

6 de savoir quelle est la partie qui est à l'origine n'a aucune pertinence.

7 Je renverrais la Chambre de première instance à l'arrêt Blaskic, paragraphe

8 427 à cet égard. Il est tout à fait sans pertinence de se demander si la

9 partie adverse a éventuellement elle aussi commis des crimes, puisque le

10 système de défense basé sur l'argument tu quoque n'est pas valable devant

11 ce Tribunal. Il est clair que quoi que ce soit qui soit survenu en Slavonie

12 occidentale durant l'opération Eclair, et la Défense consacre un certain

13 nombre de pages à cette opération dans son mémoire, ceci ne peut en aucun

14 cas justifier les crimes commis par Milan Martic contre Zagreb les 2 et 3

15 mai 1995.

16 Maintenant, s'agissant de la question de savoir si la Croatie pourrait être

17 tenue responsable pour avoir abrité des cibles militaires dans la ville de

18 Zagreb, on trouve des dispositions relatives à ces arguments à l'article 58

19 du Protocole additionnel 1 des conventions de Genève. On trouve des

20 arguments relatifs à ce point dans l'arrêt Galic et dans les conclusions de

21 la Chambre de première instance, qui a affirmé que si une partie ne

22 remplissait pas son obligation, cela n'exonérait pas la partie adverse de

23 son devoir de respecter les principes de proportionnalité lorsqu'elle lance

24 une attaque. Ceci figure au paragraphe 194 de l'arrêt Galic.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aurais quelque chose à dire à ce

26 stade. Je m'apprêtais à vous demander si, en l'espèce, une cible militaire

27 avait été effectivement pilonnée dans la ville de Zagreb, et si oui,

28 laquelle ?

Page 11224

1 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, la réponse est non.

2 Aucune cible militaire n'a été touchée dans la ville de Zagreb. C'est ce

3 que démontrent les éléments de preuve.

4 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Excusez-moi. Est-ce que la Défense

5 conteste ce point ? Est-ce qu'elle affirme qu'une cible militaire aurait

6 été visée même si elle n'a pas touchée ?

7 M. WHITING : [interprétation] Oui. Un des arguments de la Défense consiste

8 à dire que le ministère de l'Intérieur, le palais abritant ce ministère a

9 été visé, mais non, aucune cible n'a été touchée. De notre côté, nous

10 soutenons que telle n'était pas l'intention de l'attaque, que ces bâtiments

11 n'étaient pas visés. Par ailleurs, même si ces bâtiments avaient été visés,

12 les armes utilisées n'étaient pas acceptables.

13 La Défense prétend également que la République serbe de Krajina a averti de

14 son intention de pilonner Zagreb, et ceci pourrait être pertinent par

15 rapport à la question qui nous intéresse au terme de l'article 58, c'est-à-

16 dire de la possibilité que l'action ait eu lieu en représailles. Mais ce

17 faisant, la Défense confond entre une menace vague et un avertissement tout

18 à fait précis. Le fait que Milan Martic, en novembre 1994, ait menacé de

19 pilonner Zagreb dans une conversation qu'il a eue avec M. l'Ambassadeur

20 Galbraith ou même le fait que la partie croate pensait que cet acte

21 pourrait être un acte que la République serbe de Krajina commettrait n'est

22 pas équivalent à un avertissement précis quant au lieu et au moment d'une

23 telle attaque. De nombreux témoins, et nous développons ce point dans notre

24 mémoire, y compris l'ambassadeur Galbraith qui se trouvait à Zagreb au

25 moment du pilonnage, ont témoigné qu'il n'y a eu aucun avertissement avant

26 l'attaque.

27 Enfin, la Défense développe l'argument selon lequel la roquette Orkan est

28 était une arme tout à fait acceptable pour ce pilonnage. Je dirai d'abord

Page 11225

1 que la Défense cite la pièce à conviction 94 qui est un rapport des Nations

2 Unies estimant simplement que la précision d'une roquette Orkan, tirée à

3 une distance de 32 kilomètres, se monte à 250 mètres. On ne peut pas

4 déterminer très clairement si ces 250 mètres sont une distance qui reste la

5 même quelle que soit la direction du tir, mais enfin --

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et 250 mètres, c'est un rayon ou un

7 diamètre ?

8 M. WHITING : [interprétation] Non, non, la seule chose qu'on peut lire dans

9 ce rapport, c'est distance égale à 250 mètres. Mais il est dit très

10 clairement qu'il s'agit d'une estimation. Cette estimation ne peut en aucun

11 cas nous détourner des résultats que l'on trouve dans le rapport d'expert

12 et la déposition de M. Poje, qui repose sur des tableaux de tirs officiels

13 portant précisément sur la roquette Orkan. Ce dernier estime que lorsque la

14 roquette Orkan a été tirée d'une distance de 49 kilomètres, et c'est

15 démontré également dans d'autres éléments de preuve comme étant bien la

16 distance à partir de laquelle a été tirée la roquette Orkan sur Zagreb,

17 donc une roquette Orkan tirée à une telle distance peut, selon le rapport

18 de l'expert, atterrir à peu près à un kilomètre dans un sens ou dans

19 l'autre de la cible visée, c'est-à-dire qu'elle peut atterrir un kilomètre

20 avant la cible et un kilomètre plus loin que la cible ainsi qu'à un

21 kilomètre à gauche ou à droite de la cible. Ce qui ne donne à la roquette

22 qu'une chance de 50 % à peu près d'atterrir dans une case abritant la

23 cible, une case de 500 mètres sur 500 mètres. En d'autres termes, 50 % de

24 chances d'atterrir dans cette case d'un demi-kilomètre de côté, dans ce

25 carré d'un demi-kilomètre de côté. Il y a là une marge d'erreur absolument

26 énorme puisqu'elle est de

27 50 %.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si la roquette avait été tirée à une

Page 11226

1 distance de 32 kilomètres, selon les estimations que vous avez citées et

2 que la Défense prend comme base de son argumentation, quelle serait la

3 marge d'erreur ?

4 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, dans le rapport de M.

5 Poje, qui cite une marge de 20 kilomètres, une marge de 40 kilomètres et

6 une marge de 50 kilomètres, je n'ai pas les chiffres sous les yeux, mais

7 l'estimation se situerait entre 20 et 40 si la roquette était tirée à une

8 distance de 32 kilomètres; plus de 250 mètres, dirais-je, mais pas beaucoup

9 plus. Je ne pourrais pas en dire beaucoup plus que cela. La marge serait

10 supérieure.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'accord. Mais qu'est-ce que nous dit

12 la science ? Est-ce qu'elle nous dit que plus on est près de la cible,

13 moins la marge d'erreur est importante ?

14 M. WHITING : [interprétation] Absolument, Monsieur le Président, ceci ne

15 fait aucun doute. Plus on est loin de la cible, plus la dispersion peut

16 être importante.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Whiting, si l'on estime

19 la cible comme étant le ministère de la Défense, est-ce que vous pourriez

20 nous donner la position des victimes les plus proches dans la marge

21 d'erreur ? Vous comprenez ma question ? Quel est le rapport qui existe

22 éventuellement entre la marge d'erreur et ce qui s'est réellement passé, si

23 la cible est bien le ministère de la Défense ? Les victimes qui ont été

24 effectivement touchées lorsque les bombes ont été larguées, est-ce qu'elles

25 étaient dans le cadre ou hors du cadre de la marge d'erreur ?

26 M. WHITING : [interprétation] Ce que je peux dire avec certitude, c'est que

27 certaines des bombes sont effectivement tombées dans la marge d'erreur,

28 c'est-à-dire à un kilomètre d'un côté ou de l'autre de la cible. L'école,

Page 11227

1 si je ne m'abuse, se trouve sans aucun doute à l'intérieur de ce domaine de

2 marge d'erreur d'un kilomètre. Mais de l'endroit où je me trouve

3 aujourd'hui, je ne saurais dire avec certitude si les autres lieux touchés

4 étaient à l'intérieur ou à l'extérieur du champ de la marge d'erreur. Il

5 est possible que certaines bombes qui ont touché d'autres bâtiments se

6 trouvaient bien dans la marge d'erreur, mais je crois qu'il y a certaines

7 bombes qui sont tombées hors du champ régi par la marge d'erreur.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je poursuis dans le même sens. Que

9 nous dit la loi sur les comportements autorisés ou interdits lorsque des

10 bâtiments civils ou des civils se trouvent à l'intérieur de l'espace régi

11 par la marge d'erreur ?

12 M. WHITING : [interprétation] La loi - et là encore je m'exprimerai sans

13 détail, mais nous donnons les détails dans notre mémoire écrit - la loi, et

14 je vous demande, si jamais je devais commettre une erreur en m'exprimant

15 ainsi oralement, de lire le mémoire écrit pour corriger une telle erreur

16 éventuelle, d'après la loi le problème n'est pas un problème de

17 proportionnalité, c'est-à-dire qu'il faut au départ calculer la probabilité

18 et l'importance numérique des éventuelles pertes civiles par rapport à

19 l'importance, à la valeur de la cible militaire au cas où elle serait

20 touchée. On me dit à l'instant que ceci se trouve au paragraphe 468 du

21 mémoire écrit.

22 Lorsqu'on s'apprête à frapper une zone urbaine densément peuplée de civils,

23 il importe de prendre ces éléments en compte. Dans la ville de Zagreb, la

24 population et la densité de la population étaient très importantes. La

25 marge d'erreur d'un kilomètre, on peut la situer un peu n'importe où à

26 Zagreb. Si le ministère de la Défense, par exemple, est pris comme cible et

27 qu'il s'agit d'une cible militaire, la probabilité que le nombre des

28 victimes sera très important confine à la certitude. M. Poje, dans son

Page 11228

1 rapport d'expert et dans son témoignage oral, a développé la conclusion sur

2 laquelle il a fondé son analyse, à savoir la dispersion de la bombe et la

3 probabilité que des civils soient touchés. Il a pris en compte les

4 circonstances réelles et il n'a cessé de réaffirmer dans sa déposition

5 orale toutes les questions que les différents scénarios lui posaient.

6 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous diriez que même si, et je

7 pense avoir bien compris les affirmations de la Défense, le ministère de la

8 Défense était le cerveau de l'attaque croate, il avait le dos au mur

9 s'agissant de l'importance de cette attaque ? C'est ce qu'affirme la

10 Défense. Je ne dis pas qu'on peut être d'accord ou pas à ce stade avec cet

11 argument, mais la Défense, n'est-ce pas, déclare que la seule façon de se

12 défendre consistait à attaquer le cerveau, le centre même qui dirigeait les

13 attaques croates ?

14 M. WHITING : [interprétation] Oui, Madame le Juge, mais j'aimerais vous

15 renvoyer à un certain nombre de prémisses sur ce point. Le premier, c'est

16 qu'il n'y a aucun élément de preuve démontrant que le ministère de la

17 Défense croate était effectivement le cerveau dirigeant l'attaque. Je ne

18 suis pas au courant de l'existence d'un seul élément de preuve démontrant

19 ce point.

20 Deuxièmement, on ne pouvait pas s'attendre raisonnablement à ce

21 qu'une roquette Orkan, qui est avant tout une arme antipersonnel destinée à

22 des armées attaquant massivement, on ne peut pas s'attendre à ce qu'une

23 telle arme provoque le moindre dégât au ministère de la Défense, qui est un

24 bâtiment de grande taille comme nous avons pu le voir. On ne pouvait pas

25 s'attendre au moindre dégât sur un bâtiment de cette nature, dégât

26 susceptible en tout cas de mettre à l'arrêt le travail du QG de l'opération

27 qui abritait éventuellement ce ministère. On ne pouvait pas s'attendre à ce

28 que l'opération menée dans ce bâtiment soit interrompue de ce fait. Les

Page 11229

1 seuls résultats pouvaient être éventuellement quelques vitres brisées.

2 Troisièmement, les éléments de preuve montrent que l'opération n'a été

3 affectée en rien par le pilonnage de Zagreb. L'opération Eclair ne s'est

4 terminée qu'avec le succès de cette opération, c'est-à-dire son achèvement.

5 Tous les éléments de preuve montrent que le motif qui a été à la base du

6 pilonnage de Zagreb n'était pas la volonté de provoquer des dégâts sur tel

7 ou tel bâtiment, mais bien de provoquer la terreur à Zagreb et de tenter de

8 contraindre le gouvernement croate à réagir.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'espère que c'est la dernière fois

10 que je vous pose une question. Vous avez qualifié la roquette Orkan d'arme

11 principalement antipersonnel. Est-ce que vous pouvez le prouver ?

12 M. WHITING : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est une arme qu'il n'est absolument

14 pas opportun d'utiliser contre des structures comme des bâtiments ?

15 M. WHITING : [interprétation] En effet, M. Poje a dit dans sa déposition

16 que la roquette Orkan était bien connue comme n'étant pas principalement

17 destinée à frapper des bâtiments. Cette arme peut, bien sûr, provoquer des

18 dégâts à des bâtiments, mais nous avons vu quelle était la nature de ces

19 dégâts, quelques vitres brisées et quelques dégâts sur le toit. Cette arme

20 ne peut pas détruire, provoquer l'écroulement d'un bâtiment tel que le

21 ministère de la Défense. Ce n'est pas une arme suffisamment précise et

22 concentrée sur un point. C'est une arme qui est destinée à être utilisée

23 dans des attaques sur terrain très vaste, menées par une armée déployée sur

24 un territoire important.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le genre de dégâts provoqués par cette

26 arme correspond à ce que nous avons vu dans l'école, par exemple ?

27 M. WHITING : [interprétation] Exactement, tout à fait.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Whiting.

Page 11230

1 M. WHITING : [interprétation] Compte tenu de l'énorme marge d'erreur liée à

2 un tir dû à cette arme à une distance de 49 kilomètres, compte tenu de

3 l'endroit visé par cette arme au cours du tir, c'est-à-dire un endroit très

4 urbanisé, nous disons qu'il y a un qu'un mot pour qualifier cet acte, à

5 savoir : criminel.

6 La Défense laisse entendre également, note en bas de page 277 de son

7 mémoire, que M. Poje a dit dans sa déposition que la roquette Orkan était

8 une arme tout à fait convenable pour frapper le ministère de la Défense et

9 le palais présidentiel. Toutefois, reportons-nous, si vous le voulez bien,

10 au compte rendu d'audience cité et lisons-le entièrement. Il a dit qu'à son

11 avis, il ne s'agissait pas de cibles militaires. C'est tout ce qu'il a dit

12 dans cette déclaration. Il a déclaré à de nombreuses reprises que même en

13 partant de l'hypothèse qu'il s'agissait de cibles militaires, celles-ci se

14 trouvaient dans la ville de Zagreb et que la roquette Orkan n'était pas une

15 arme acceptable et légitimement utilisable au terme de la loi pour frapper

16 de telles cibles dans un tel environnement.

17 La Défense soutient également que Milan Martic ne peut pas être tenu

18 responsable du choix de la roquette Orkan pour cette attaque. Or, ceci est

19 tout simplement faux. D'abord, M. Raseta, témoin de l'Accusation, a

20 témoigné, et je note que la Défense déclare au paragraphe 150 de son

21 mémoire qu'à son avis, M. Raseta a témoigné de façon tout à fait fiable, M.

22 Raseta a dit dans sa déposition que des personnes connaissant bien la

23 roquette Orkan savaient qu'elle était destinée à viser des territoires

24 assez vastes, et pas des points de taille réduite, que ceci était certain,

25 qu'il était certain que M. Martic était au courant de cela lors du

26 pilonnage de Zagreb, car M. Celeketic devait le lui avoir dit.

27 Souvenons-nous que M. Celeketic a parlé ouvertement dans les médias

28 avant l'attaque de Zagreb, pièce à conviction 91, de sa volonté de prendre

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1 pour cibles des civils habitant la ville. Il a dit cela dans une interview.

2 Ceci figure dans notre mémoire en tant que pièce à conviction 91. Il a

3 parlé ouvertement de cela. Il n'y a aucune raison de penser qu'il aurait

4 caché quoi que ce soit à son supérieur, à savoir Martic. Bien entendu, le

5 fait que Martic ait approuvé le pilonnage après les faits, c'est-à-dire le

6 2 mai 1995, n'empêche pas que le lendemain, le 3 mai 1995, il ait ordonné

7 de pilonner encore la ville, ce qui vient à l'appui de ce que nous

8 soutenons.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très juste.

10 M. WHITING : [interprétation] Il savait ce qui se passait. Il savait ce qui

11 allait se passer.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pour vous amener à votre conclusion

13 finale, je vous demanderais s'il a sanctionné ou pas M. Celeketic.

14 M. WHITING : [interprétation] Les éléments de preuve démontrent qu'il n'y a

15 rien qui prouve qu'il aurait puni M. Celeketic.

16 Enfin, la Défense soutient que l'utilisation d'une roquette Orkan était

17 légale, car c'était une arme aussi bonne qu'une autre et notamment aussi

18 bonne que la roquette Luna qui a été utilisée légalement, que de ce fait,

19 puisque l'une remplaçait l'autre, la roquette Orkan était légale également.

20 La Défense soutient que c'étaient les seules armes disponibles en

21 République serbe de Krajina.

22 Les règlementations interdisant de prendre pour cibles des civils ne

23 contiennent pas d'exception. Même si on n'est pas en possession d'une arme

24 légale et si on ne dispose que d'une arme, cela ne veut pas dire qu'il

25 devient légal de l'utiliser. Une arme illégale ne devient pas légale du

26 simple fait que c'est la seule qu'on a à sa disposition. La loi interdisait

27 l'utilisation de cette arme, et on ne peut pas modifier la loi.

28 M. Poje a dit dans sa déposition que la roquette Orkan était la seule

Page 11232

1 arme disponible en République serbe de Krajina qui pouvait atteindre

2 Zagreb. Ceci n'empêche pas qu'il s'agissait bel et bien d'une arme

3 illégale. La conclusion de son rapport n'en est pas modifiée.

4 Pour résumer sur le sujet de Zagreb, nous soutenons de la façon la

5 plus ferme qui soit que les éléments de preuve présentés démontrent que des

6 civils ont été pris pour cibles à Zagreb et nous demandons que la Chambre

7 de première instance se prononce sur ce point en déclarant que M. Martic

8 avait l'intention, les 2 et 3 mai 1995, de pilonner Zagreb, que c'est ce

9 qu'il a fait, et nous savons quel en a été le résultat. Comme je l'ai dit,

10 à défaut de prononcer cette conclusion, il y a une autre possibilité à

11 laquelle la Chambre de première instance pourrait recourir en déclarant que

12 l'intention n'était pas de frapper une cible militaire, mais que des

13 roquettes tout à fait illégales ont été utilisées dans les circonstances de

14 l'époque.

15 Enfin, j'en arrive à mon dernier sujet, l'importance de la peine. La

16 loi régissant ce domaine est décrite en détail dans notre mémoire écrit. Le

17 principal facteur à prendre en compte est la gravité de l'infraction. Nous

18 évoquons également un certain nombre de facteurs aggravants au terme de la

19 loi et avérés grâce à des éléments de preuve en l'espèce au-delà de tout

20 doute raisonnable, à savoir l'intention discriminatoire dans tous les

21 crimes commis sauf le crime de persécutions dans lequel cette intention

22 discriminatoire fait partie intégrante de la définition du crime, donc on

23 ne peut pas le considérer comme un facteur aggravant; la longue période

24 pendant laquelle ces crimes ont été commis; l'importance, la magnitude de

25 ces crimes, sauf dans le cas de l'extermination où la magnitude du crime

26 fait partie intégrante de la définition du crime; la préméditation; la

27 situation des victimes; la volonté et l'enthousiasme dans la participation

28 aux crimes de la part de l'accusé; et enfin la présence, l'existence de

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1 civils détenus.

2 S'agissant de la durée de la peine, si la Chambre de première

3 instance en arrive à prononcer une peine, nous soutenons que celle-ci

4 devrait également comparer la culpabilité de M. Martic à celle de M. Babic

5 qui a été condamné par le Tribunal à 13 ans d'emprisonnement pour son

6 comportement criminel qui a donné lieu, de sa part, à un plaidoyer de

7 culpabilité. Bien entendu, la Chambre de première instance n'est nullement

8 tenue de suivre et de s'inspirer de cette décision, mais elle devrait en

9 tenir compte. Il faut savoir que M. Babic a plaidé coupable avant son

10 procès. Il a plaidé coupable aussi d'un comportement criminel qui a eu lieu

11 du 1er août 1991 au 15 février 1992, c'est-à-dire une période beaucoup plus

12 brève que celle qui concerne M. Martic. M. Babic a plaidé coupable, il a

13 coopéré avec le Tribunal, il a déposé dans environ trois procès; en

14 conséquence, il a été condamné à une peine plus légère que si cela n'avait

15 pas été le cas.

16 En examinant la gravité des infractions commises et certaines circonstances

17 aggravantes, il convient bien entendu de tenir compte du nombre

18 considérable de victimes considérées concernées par les crimes commis en

19 l'espèce. Nous n'avons entendu qu'une infime partie du groupe des

20 survivants, mais ils nous ont parlé de vies, de communautés entières qui

21 ont été détruites. Qui pourrait oublier Jasna Denona de Bruska, elle qui

22 nous a parlé si éloquemment, si courageusement de ce jour où, alors qu'elle

23 n'avait que 15 ans et qu'elle se trouvait dans sa maison, son village a été

24 attaqué par des membres de la police de la SAO de la Krajina ? Elle nous a

25 expliqué qu'elle avait été prise sous des tirs et qu'elle avait dû s'enfuir

26 par la porte arrière de la maison. Pensons encore à Marica Vukovic, qui a

27 parlé de son village de Poljanak attaqué le 7 novembre 1991, elle qui nous

28 a parlé de son père et de son mari qui ont été ligotés avant d'être

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1 exécutés. Nous est-il véritablement possible d'imaginer la terreur qu'elle

2 a pu ressentir ? Pensons encore à Neven Segaric, qui a assisté à

3 l'exécution de ses grands-parents à Skabrnja. Encore, Stanko Erstic et Luka

4 Brkic, qui ont déposé au sujet des tortures, des exactions, des

5 humiliations, des traitements dégradants qu'ils ont subis dans la prison de

6 l'ancien hôpital de Knin et à la caserne de la JNA à Knin.

7 Rappelez-vous ces villages qui ont été détruits, ces églises qui ont

8 été prises pour cibles dans les villages croates. Les témoins, les uns

9 après les autres, nous ont raconté qu'ils avaient quitté leur village, que

10 tout était en flammes au moment de leur départ, et lorsqu'ils sont revenus

11 tout avait été détruit. Vukovici a été rayé de la carte et pratiquement

12 tous les habitants de cette localité ont été assassinés. Rappelez-vous

13 l'exécution qui a eu lieu à Nadin, rappelez-vous l'incendie de ce village.

14 Rappelez-vous Zagreb et le mois de mai 1995, un magnifique jour de

15 printemps ou d'été, rappelez-vous des sept personnes qui ont été tuées au

16 cours de cette attaque, des centaines de blessés et indéniablement des

17 milliers de personnes terrorisées au moment où les obus pleuvaient sur

18 Zagreb, en ces journées du 2 et du 3 mai 1995. Rappelez-vous ce seul

19 exemple, le seul exemple de Sanja Buntic qui avait fui de Sarajevo, qui

20 avait fui les horreurs commises à Sarajevo en octobre 1994, qui s'était

21 réfugiée à Zagreb afin d'y mener une vie normale et qui a été grièvement

22 blessée au moment du pilonnage de Zagreb.

23 Rappelez-vous également que les vies des victimes ont certes été

24 détruites de manière patente et évidente, mais qu'il y a aussi beaucoup

25 d'autres choses auxquelles nous ne pensons peut-être pas spontanément.

26 Pensez à Sanja Risovic, par exemple. Elle se trouvait à l'hôpital des

27 enfants de la rue de Klaiceva le 3 mai 1995, en compagnie de son nourrisson

28 de quatre mois, au moment où les obus ont frappé la ville. Elle nous a

Page 11235

1 parlé des blessures qu'elle a subies et elle a expliqué comment ses

2 blessures avaient continué à avoir un impact sur son existence.

3 J'aimerais que nous passions maintenant un extrait de sa déposition.

4 [Diffusion de la cassette audio]

5 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

6 "Question : Est-ce que ces blessures ont eu un impact sur vous et sur la

7 manière dont vous vous occupez de votre fille ?

8 Réponse : Bien entendu que oui. Mon enfant n'avait que quatre mois à

9 l'époque. Quand j'ai eu cet enfant, je voulais être sa mère. Je voulais lui

10 donner tout l'amour, tous les soins nécessaires. Mais à un moment donné,

11 cela n'a plus été possible. Quand j'ai pu sortir de l'hôpital enfin, je ne

12 pouvais pas changer mon enfant ni la porter, parce que pendant très

13 longtemps je n'ai pas eu l'usage de ma main droite. Je ne pouvais pas

14 donner à manger à mon bébé.

15 On peut dire qu'au bout du compte, ma maternité, une bonne partie de

16 cette période, elle s'est déroulée dans différents hôpitaux, dans

17 différents centres de convalescence. Au jardin d'enfants, un jour on a

18 demandé à mon enfant où se trouvait sa mère. Elle a répondu : ma mère vit à

19 la maison, dans un bâtiment vert et dans un hôtel. Le bâtiment vert,

20 c'était l'hôpital, et l'hôtel, c'était un centre de rétablissement où je me

21 trouvais. J'ai été bouleversée, je ne comprenais pas comment elle pouvait

22 dire cela, mais c'était logique finalement puisque sa mère n'habitait pas

23 avec elle. Elle considérait que l'endroit où je me trouvais, c'était ma

24 maison. Je ne passais que très peu de temps avec elle, malheureusement.

25 Tout au long de mon existence, je regretterai de ne pas avoir pu

26 passer plus de temps avec ma fille. Toutes les mères veulent passer autant

27 que possible de temps avec leurs enfants, s'occuper d'eux, et moi, il est

28 arrivé un moment où je ne pouvais absolument pas m'occuper de mon enfant."

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1 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

2 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

3 Juges, tous les crimes qui ont été évoqués dans cette affaire, pris

4 individuellement et dans leur ensemble, sont des crimes d'une

5 exceptionnelle gravité. Ce sont des crimes horribles. Le comportement

6 criminel en question a duré pendant de longues années et a affecté des

7 femmes, des enfants, des personnes âgées, des enfants. En conséquence,

8 l'Accusation recommande qu'au titre des crimes allégués en l'espèce pris

9 individuellement et dans leur ensemble - et j'insiste sur ce fait, pris

10 individuellement et dans leur ensemble - nous recommandons donc que

11 l'accusé Milan Martic soit condamné à une peine de réclusion criminelle à

12 perpétuité.

13 Pour terminer, je dirai une chose et une chose seulement : Milan Martic est

14 venu au Tribunal pour plaider non coupable de tous les faits qui lui

15 étaient reprochés. C'était son droit le plus strict au terme du Statut et

16 du Règlement du Tribunal. Il a demandé à être jugé et à bénéficier d'un

17 procès. C'était également son droit. Cela a été le cas. Tout au long de ce

18 procès, et cela continue à être le cas également, il a été présumé

19 innocent. Ceci ne peut changer, il ne peut être déclaré coupable que si

20 tous les faits qui lui sont reprochés sont prouvés au-delà de tout doute

21 raisonnable, une lourde tâche qui incombe à l'Accusation. Or, ce procès, il

22 a maintenant eu lieu, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges.

23 Les témoins sont venus ici pour déposer devant lui ce qui a souvent

24 nécessité de leur part un courage immense. Ces témoins ont été interrogés,

25 contre-interrogés, et toutes les pièces à conviction vous ont été

26 présentées.

27 Nous faisons valoir, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

28 Juges, que le moment est maintenant venu de conclure que M. Martic est

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1 responsable des crimes qu'il a commis et de le déclarer coupable de ces

2 mêmes crimes.

3 Merci.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Whiting.

5 [La Chambre de première instance se concerte]

6 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je dois vous poser une question,

7 Monsieur Whiting, étant donné que vous avez terminé votre réquisitoire en

8 demandant la réclusion à perpétuité. Il s'agit de la peine la plus grave

9 qui puisse être prononcée, n'est-ce pas ?

10 M. WHITING : [interprétation] Oui.

11 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] D'après ce que je crois savoir, ce

12 type de peine est réservé à certaine catégorie de crimes et un certain

13 niveau d'atrocités. Or, il me semble me souvenir que dans les tribunaux

14 nationaux qui œuvrent dans le domaine du droit international, on tend à

15 mettre l'accent sur la réinsertion de l'accusé, du condamné dans la

16 société, afin qu'il puisse contribuer à cette société.

17 Vu les circonstance, vu la nature des charges, vu que ces crimes se

18 sont produits dans le cadre d'un conflit international entre différentes

19 communautés et groupes ethniques, est-ce que vous passeriez complètement

20 sous silence, dans le cadre de crimes de guerre, le facteur réinsertion et

21 amendement ? Est-ce que vous passeriez complètement sous silence

22 l'évolution de la jurisprudence dans ce domaine afin d'adopter une approche

23 différente vis-à-vis de l'accusé même si les crimes commis sont très

24 graves ? Est-ce que dans ces circonstances, vous requérez toujours

25 l'emprisonnement à vie ?

26 M. WHITING : [interprétation] Je vais répondre d'abord au dernier volet de

27 votre question par l'affirmative, mais je vais essayer de répondre de

28 manière aussi circonstancielle que possible à votre question.

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1 Vous me rappelez que cette peine, la peine que je requière, est la peine la

2 plus grave qui est réservée aux crimes les plus graves. Le mois dernier à

3 peine, dans l'affaire Galic, la Chambre d'appel a prononcé une peine

4 d'emprisonnement à vie dans l'affaire Galic, donc.

5 Selon nous, les crimes dont fait l'objet le présent procès, même

6 certains de ces crimes pris individuellement sont aussi graves, voire même

7 plus graves que ceux qui avaient fait l'objet de l'affaire et du procès

8 Galic. Il y a des précédents au Tribunal quant à la position de la

9 réclusion à perpétuité. En l'espèce, certains éléments la justifient, cette

10 peine, et notamment la durée pendant laquelle ces crimes ont été commis, de

11 1991 à 1995, et sur tout le territoire de la Krajina et de manière répétée.

12 Voilà une - et il y en a d'autres - une des circonstances aggravantes. Pris

13 globalement, tous les facteurs et tous les éléments de l'espèce justifient

14 que l'on prononce la peine la plus lourde qui soit.

15 Deuxièmement, vous évoquez l'évolution du droit en matière de peine qui est

16 reconnue par tous. Je ne sais pas si je suis vraiment d'accord avec vous.

17 Cela dépend du système dont vous parlez, du système judiciaire dont vous

18 parlez, parce que dans certains pays, dans certains systèmes, on

19 s'interroge sur la possibilité d'amender des personnes qui ont commis des

20 crimes extrêmement graves comme ceux qui nous intéressent. J'estime que

21 quel que soit le système dont on parle, quelle que soit l'évolution du

22 système en question, le type de crimes que nous avons examinés ici au titre

23 desquels d'ailleurs aucun remord n'a jamais été exprimé par l'accusé, on

24 n'a aucune indication quant à une possibilité d'amendement de l'accusé,

25 l'accusé qui a plutôt essayé de justifier ce qui s'était passé.

26 Même dans les systèmes où l'amendement de l'accusé, du condamné, a de

27 plus en plus d'importance au moment du prononcé de la peine, j'avance quant

28 à moi qu'en l'espèce et même dans ce système, c'est la gravité des crimes

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1 qui est prioritaire, qui est le facteur prioritaire à prendre en compte au

2 moment de prononcer la peine, et l'amendement du condamné n'est pas pris en

3 compte.

4 Dans quelque système national que ce soit, s'il y a déclaration de

5 culpabilité pour ce type de crimes, j'estime et je pense qu'à ce moment-là

6 la réclusion à perpétuité serait justifiée. En tout cas, cela serait le cas

7 dans mon pays et dans beaucoup d'autres pays. Je ne peux peut-être pas me

8 prononcer pour tous les pays de la planète, mais quand on considère ce type

9 de crimes, les crimes les plus graves qui se puissent imaginer sur notre

10 Terre, il n'y a vraiment pas d'autres peines qu'on puisse envisager, c'est

11 la peine qui s'impose dans les systèmes nationaux et ici aussi.

12 Je l'affirme, j'insiste sur ce point, j'insiste sur le fait que c'est le

13 cas, même s'il n'y a pas de déclaration de culpabilité, au titre de tous

14 les crimes qui sont répertoriés dans l'acte d'accusation. C'est pour cela

15 que j'ai insisté sur les crimes, la responsabilité des crimes pris

16 individuellement et dans leur globalité.

17 Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question.

18 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Whiting.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant de nous tourner vers Me

20 Milovancevic pour qu'il intervienne, je souhaiterais soulever une question.

21 Ce matin, la Chambre de première instance a précisé qu'il y avait encore

22 une question d'intendance qui reste en suspens. C'est une question qui n'a

23 pas été réglée, que l'on a fait passer au deuxième plan par rapport à

24 d'autres.

25 Mais étant donné que ni l'Accusation ni la Défense ne s'opposent au

26 versement au dossier des cartes soumises par la Chambre de première

27 instance, étant donné que l'Accusation a même utilisé une de ces cartes au

28 cours du prononcé de son réquisitoire, je souhaiterais et j'affirme que ces

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1 pièces doivent être versées au dossier.

2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 1044.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Maître Milovancevic.

4 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et

5 Messieurs les Juges, je regarde l'heure, et compte tenu du fait que le

6 réquisitoire du Procureur vient de prendre fin et le réquisitoire a duré

7 longtemps, j'aimerais vous demander à ce que la Défense commence la

8 plaidoirie demain.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je m'excuse. Vous ne pouvez rien faire

10 par rapport à vos plaidoiries pendant ces 30 minutes, Maître Milovancevic ?

11 Si c'est le cas, vous pouvez commencer demain et nous garantir que vous

12 allez en finir avec vos plaidoiries demain, parce que le jour après, c'est

13 pour la réplique.

14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je ne peux pas vous garantir cela ou

15 difficilement garantir, mais je vais faire de mon mieux pour en finir avec

16 mes plaidoiries demain. Mais je ne peux pas être sûr à 100 % que je vais en

17 finir avec mes plaidoiries demain. Mais aujourd'hui, nous avons pu entendre

18 le réquisitoire du Procureur et cela a eu un effet sur tout, et cela n'a

19 pas été facile à suivre, et la Défense a le droit, je pense, de commencer

20 avec ses plaidoiries demain. Je n'insiste pas sur cela, mais j'aimerais

21 commencer demain et je ne peux vous garantir que tout sera terminé

22 vendredi, c'est-à-dire, la réplique du Procureur. Nous ne voulons pas

23 prolonger tout cela au-delà de cette date.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous comprenons votre demande, mais

25 compte tenu du fait que vous n'êtes pas en mesure de nous garantir que vous

26 allez finir demain, je vous demande de commencer maintenant.

27 Maître Milovancevic, vous avez une demi-heure à votre disposition.

28 Commencez à présenter vos arguments et vous pouvez peut-être parler des

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1 arguments du Procureur demain, vous pouvez étudier cela pendant la nuit,

2 par exemple, et préparer vos arguments.

3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] J'ai entendu la décision de la Chambre

4 selon laquelle la Défense devrait commencer ses plaidoiries aujourd'hui, la

5 Défense va procéder ainsi. Pour la Défense, il n'y a pas de choix.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Milovancevic.

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] La thèse principale de la Défense est la

8 suivante : le Procureur n'a pas prouvé aucun des chefs d'accusation dans

9 l'acte d'accusation. L'acte d'accusation ne présente qu'une fiction. Il n'y

10 avait pas de moyens de preuve qui ont corroboré les allégations dans l'acte

11 d'accusation. Il s'agit d'une spéculation et une période de temps a été

12 tirée du contexte des événements réels.

13 Seulement par cette approche fragmentaire des événements qui se sont

14 produits sur le territoire de la Yougoslavie, et le Procureur a rédigé cet

15 acte d'accusation. Il n'est pas logique, Monsieur le Président, qu'au

16 paragraphe 3 du mémoire en clôture du Procureur, le Procureur dit que cette

17 affaire ne sert pas à accuser qui que ce soit pour la dissolution de la

18 Yougoslavie, qu'il ne s'agit pas de savoir qui a commencé la guerre, qu'il

19 ne s'agissait pas du fait à savoir si la guerre aurait pu être évitée. Cela

20 ne concerne pas les événements de la Deuxième Guerre mondiale; que cette

21 affaire ne s'occupe pas du rôle de la communauté internationale qu'elle a

22 joué aux événements en Yougoslavie.

23 Que cette affaire ne part pas du fait si la Croatie a agi de façon légale

24 ou illégale contre la Yougoslavie; qu'ici il ne s'agit pas des motifs de

25 membres présumés de l'entreprise criminelle commune; et qu'ici il ne s'agit

26 pas de crimes perpétrés par les forces croates commis avant, durant et

27 après la guerre. Il n'est pas logique d'entendre cela de la bouche des

28 Procureurs parce que premièrement ce Tribunal a été créé pour juger les

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1 violations les plus graves du droit international sur le territoire de

2 l'ex-Yougoslavie; ce Tribunal est habilité à juger ces violations commises

3 sur le territoire de la Yougoslavie.

4 Le Procureur, au paragraphe 3, nie le droit à la Défense de parler de

5 toutes ces questions, et lui-même il a parlé de toutes ces questions. Il

6 les a utilisées, il les a présentées en tant que telles, en tant que base

7 pour rédiger l'acte d'accusation et prouver la culpabilité présumée de

8 l'accusé. Ici, le Procureur dit qu'il ne s'agit pas ici de la

9 désintégration de la Yougoslavie, et il cite le rapport de la commission

10 Badinter qui a examiné ce problème.

11 Ici, il est dit qu'il ne s'agit pas de savoir qui a commencé la guerre, et

12 il affirme que c'était M. Martic qui a commencé la guerre; et il dit que

13 qu'il ne s'occupe pas de la question pour savoir si la guerre aurait pu

14 être évitée. Il a présenté à la Chambre la déclaration de M. Tudjman faite

15 le 24 mai 1992, qui disait que la guerre n'aurait pas eu lieu si la Croatie

16 avait renoncé à son indépendance; il dit qu'il ne s'agit pas ici du rôle de

17 la communauté internationale.

18 Pendant des heures et pendant des heures on a considéré les dispositions du

19 plan de Vance, du plan Z-4, des millions de dollars ont été dépensés là-

20 dessus, ensuite on a présenté le rapport du Conseil de sécurité, toute une

21 série des Résolutions du Conseil de sécurité; ce sont les questions dont le

22 Procureur a parlé en essayant de prouver la culpabilité de M. Martic; il

23 dit qu'ici il ne s'agit pas des motifs de ceux qui auraient participé à

24 l'entreprise criminelle commune.

25 Dans ma pratique, selon mon expérience, je peux dire que je n'ai jamais

26 entendu qu'un auteur d'infractions agisse sans motifs. M. le Procureur

27 aurait dû s'occuper de ces questions, et il s'est occupé de ces questions.

28 Le seul motif pour commettre de tels crimes présumés dont le Procureur a

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1 parlé et pour lequel il a accusé M. Martic, le seul motif pour perpétrer

2 ces crimes est la façon arbitraire de les commettre est le fascisme,

3 chauvinisme et l'intolérance par rapport à ceux qui appartiennent à

4 d'autres groupes ethniques. Beaucoup de témoins à charge ont dit, par

5 exemple, MM-78, qui allait à l'école avec M. Martic, il a dit que jamais il

6 n'a remarqué la haine ou l'intolérance envers les Croates. Ce n'était pas

7 le seul témoin qui a dit cela.

8 Le Procureur dit qu'ici on ne s'occupe pas de crimes perpétrés par les

9 Croates qui auraient été commis avant, durant ou après la guerre, mais le

10 Procureur, par cet acte d'accusation, dissimule les crimes des Croates et

11 dissimule sa propre responsabilité pour avoir omis de les persécuter pour

12 ces crimes. L'acte d'accusation dressé contre M. Martic a été dressé 50

13 jours après le pilonnage de Zagreb. L'attaque contre la zone protégée par

14 les Nations Unies et le massacre des civils dont parle les rapports des

15 Nations Unies, les rapports d'UNCIVPOL de la FORPRONU, dont parle l'expert

16 de l'Accusation pour ce qui est des personnes portées disparues et des

17 personnes tuées, le colonel de l'armée croate, M. Gruic, de 168 personnes

18 tuées par rapport à eux. A cela, on peut dire que le Procureur avait une

19 période de dix ans, 11 ans pour réunir les moyens de preuve pour ce qui est

20 des crimes perpétrés plus tôt en Slavonie orientale à l'époque.

21 Lorsqu'on a essayé de relier ces crimes à l'attaque contre Zagreb, on

22 nous a dit que c'était de tu quoque. Il ne s'agit pas de cela, c'est la

23 Défense. C'est la responsabilité du Procureur parce qu'il avait omis

24 d'appliquer la résolution du Conseil de sécurité selon laquelle il fallait

25 donc poursuivre ceux qui ont commis des crimes graves sur le territoire de

26 l'ex-Yougoslavie. C'était la tâche du Procureur. Et le Procureur non

27 seulement n'a pas persécuté ces auteurs, mais a donné une autre image par

28 rapport aux crimes commis en Slavonie orientale. Par là, il a protégé

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1 l'Etat croate pour ce qui est des responsabilités des crimes commis et

2 rejette sa propre responsabilité pour ces omissions. Après, il requiert la

3 peine de réclusion criminelle à perpétuité pour M. Martic.

4 Ce sont quelques remarques au paragraphe 3 du mémoire en clôture. Ce

5 qui est important pour la Chambre c'est la chose suivante : les moyens de

6 preuve qui ont été versés au dossier dans cette affaire, ces moyens de

7 preuve par le biais des témoignages de témoins et de documents écrits

8 présentés par le Procureur démontrent que sur le territoire d'un Etat

9 européen qui était la Yougoslavie existait une sorte de rébellion armée,

10 une sorte de rébellion armée organisée et exécutée par les autorités du

11 nouvel Etat croate indépendant avec Tudjman à sa tête.

12 Le Procureur, au cours de sa présentation de moyens de preuve, a

13 présenté comme moyen de preuve la déposition d'Imre Agotic, l'ancien

14 colonel de l'armée croate de la JNA. Par le biais de ce témoin, il a prouvé

15 le fait irréfutable, confirmé par les témoins de la Défense et qui provient

16 de la pièce à conviction 402, que la déclaration d'Antun Tus est exacte,

17 qui était commandant de l'état-major de Croatie et qui disait que l'armée

18 croate vers la fin de 1991 avait 200 000 hommes armés et qu'elle avait 230

19 chars pris à la JNA, que cette armée de plus de 400 pièces d'artillerie

20 lourde, qu'elle disposait l'aviation, qu'elle disposait d'armes

21 antiaériennes et d'armes antiaériennes disposées sur la côte, et qu'il

22 s'agissait d'une armée, d'une puissance. Le témoin de la Défense, le

23 colonel Peric, a confirmé que cette armée était dix fois plus puissante que

24 la JNA sur le territoire de la Croatie.

25 Qu'est-ce que cela veut dire ? Par le biais du témoin Agotic, le

26 Procureur a confirmé qu'en octobre il y avait 24 brigades; et vers la fin

27 de 1991, 163 brigades de l'armée croate, quand sur le territoire d'un Etat

28 souverain, qui dispose d'une armée régulière - et la JNA et la TO

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1 représentaient cela - c'est-à-dire les forces armées régulières de l'Etat

2 de Yougoslavie qui existait à l'époque, lorsqu'à ce moment-là apparaît --

3 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je m'excuse, Maître

4 Milovancevic. Je pense que vous parlez trop vite et les interprètes ont du

5 mal à vous suivre. Je vous prie de ralentir votre débit, s'il vous plaît.

6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous suis reconnaissant de cet

7 avertissement. Il faut que vous me le disiez à chaque fois que j'accélère

8 mon débit.

9 Lorsque sur ce territoire d'un Etat souverain apparaissent les forces

10 armées illégales qui ont le but de démanteler cet Etat, de provoquer la

11 défaite de l'armée régulière et dont le but final est de créer un Etat

12 croate indépendant dont M. Tudjman a parlé, donc il s'agit d'une rébellion

13 armée. A cette question a répondu de façon explicite le colonel Maksic,

14 colonel de la JNA, qui a eu une formation extraordinaire. Il a dit qu'il

15 s'agissait des attaques contre la JNA qui ont commencé à la mi-1990 et qui

16 ont duré jusqu'à la fin de 1991.

17 M. Maksic a dit cela et également le témoin de l'Accusation, l'expert

18 Theunens, qui travaillait pour le bureau du Procureur. Mais ici, il a

19 répondu à ces questions en tant qu'expert militaire. A la question, ce que

20 voulait dire l'appel de M. Tudjman pour bloquer les casernes de la JNA, ce

21 que cela voulait dire, les blocus et les attaques contres les casernes de

22 la JNA et les 14 cessez-le-feu durant les opérations, l'expert Theunens a

23 répondu à cette question qu'il s'agissait d'un soulèvement.

24 Il a voulu évidemment éviter de donner la réponse exacte qu'il

25 s'agissait d'un soulèvement armé. Il a dit que c'est M. Djukic, le témoin

26 de la Défense qui a dit cela. Il a décrit en détail sa participation aux

27 événements survenus au cours de ce soulèvement armé, notamment de la

28 Défense. Le colonel Peric a dit que c'était un soulèvement armé également.

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1 Comment s'est déroulé ce soulèvement armé, quelles étaient les

2 manifestations de ce soulèvement ? De tout cela, je vais en parler demain,

3 Monsieur le Président, parce qu'il y a une vidéo que je n'ai pas en ce

4 moment sur moi. Cela va être présenté demain.

5 Lorsque le Procureur cite à la barre l'ancien colonel de la JNA

6 Agotic, et selon l'article 92 bis sa déposition a été versée au dossier,

7 lorsque ce témoin confirme que l'armée croate disposait de 63 brigades

8 lourdement armées qui existaient sur le territoire de la Croatie en 1991,

9 lorsque ce témoin dit qu'en juillet 1991 il a quitté la JNA et qu'en août

10 1991 Tudjman l'a nommé chef de l'état-major du Corps de la Garde nationale,

11 une formation armée illégale, et qu'il est resté à cette fonction jusqu'au

12 21 septembre 1992, au moment où l'état-major de l'armée croate a été

13 formée, là, le colonel Agotic confirme que sur le territoire d'un Etat

14 souverain qui était la Yougoslavie, agissaient les forces illégales qui

15 participaient au soulèvement armé sur le territoire de la République de

16 Croatie qui, à l'époque, était toujours membre de la fédération yougoslave.

17 Lorsqu'on pense au fait que ce témoin a dit que M. Tudjman l'a habilité à

18 être l'envoyé spécial pour ce qui est des négociations, qu'il soit donc le

19 négociateur habilité pour ce qui est des négociations avec la JNA pour ce

20 qui est du retrait de la JNA de la Croatie, lorsqu'il dit que les

21 négociations ont commencé le 8 octobre 1991 et ont duré jusqu'à la fin de

22 l'année 1991, lorsque la s'est retirée de la Croatie, alors il s'agit d'une

23 preuve de l'Accusation fiable, il y en a d'autres qui ne sont pas fiables.

24 Imre Agotic, le témoin de l'Accusation, a confirmé la véracité de la pièce

25 à conviction 402. Il s'agit de la déclaration du général Anton Tus, qui est

26 l'ancien général de la JNA, commandant de l'aviation de guerre. Il disait

27 que seulement à Zagreb, en 1991, la Croatie a saisi 38 000 fusils et 20

28 millions de balles, et que beaucoup de ces munitions et de ces fusils ont

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1 été envoyés dans les régions où il y avait la crise.

2 Les témoins de l'Accusation ont confirmé cela : Marko Vukovic et Vlado

3 Vukovic de Saborkso, policiers de Saborsko, disant qu'à deux reprises le 24

4 septembre et ensuite en octobre, une unité de plus de 100 hommes est

5 arrivée à deux reprises. Il y en avait plus de 100, à bord de neuf et 11

6 camions à bord desquels se trouvaient les munitions et des armes. Le témoin

7 de la Défense, Medakovic, a confirmé ce fait, un homme qui est originaire

8 de cette région.

9 Le témoin de l'Accusation, Imre Agotic, a confirmé la déclaration du

10 général Tus présentée à la pièce à conviction 402. Non seulement il

11 existait une armée croate de 200 000 hommes lourdement armés, mais aussi,

12 je cite, "les plans ont été déjà préparés pour procéder à la libération de

13 Knin de différentes directions". Mais ces plans ont été interrompus par la

14 signature de l'accord de paix et par l'adoption du plan de Vance et par

15 l'arrivée de la FORPRONU.

16 Finalement, le témoin Imre Agotic a confirmé qu'en tant que haut

17 fonctionnaire de la Croatie et pendant une courte période, il a été à la

18 tête de l'état-major de la ZNG et ensuite il a été négociateur habilité par

19 Tudjman pour négocier avec la JNA. Il a confirmé qu'il était au courant de

20 ce qui se passait à Saborsko en novembre 1991 parce que le représentant de

21 la communauté locale a appelé à plusieurs reprises très souvent - c'est ce

22 qu'il a dit, c'est ce que M. Agotic a dit - en lui demandant de l'aide pour

23 soulager la pression sur Saborsko et pour agir contre le désarmement de

24 Saborsko.

25 Le représentant de la commune locale de Saborsko a dit qu'il avait

26 besoin des armes à Saborsko. On a parlé de ces armes à Saborsko plus tard,

27 mais le colonel Agotic a expliqué qu'à Saborsko, il existait une unité de

28 la police croate, et la population s'est organisée elle-même, ainsi que les

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1 populations des villages jusqu'à Setis Poljana, qui se trouve vers les lacs

2 de Plitvice [phon]. Il s'agit de la pièce à conviction 398. Tous les

3 villages qui se trouvaient au sud-est de Saborsko, Poljana, Likovaca

4 [phon], Resni Grad [phon], Drakovica [phon], jusqu'à Setis Poljana étaient

5 armés, et dans ces villages se trouvaient les formations armées croates.

6 Finalement, il y a encore une chose importante à prouver par

7 l'Accusation par le biais de ce témoin, c'est le colonel de la JNA qui a

8 négocié avec la JNA. Jusqu'en juillet 1992, il était membre de la JNA. Il a

9 dit que selon les informations provenues de Belgrade du département

10 politique du secrétariat fédéral à la Défense, le ministère fédéral de la

11 Défense, toutes les unités de la JNA ont reçu pour tâche de sauvegarder la

12 Yougoslavie à tout prix. Tous les membres de la JNA ont été informés de

13 cela. Le membre des forces -- l'homme renégat en quelque sorte qui passe de

14 l'autre côté pour s'opposer à ceux à qui il appartenait, il dit que

15 l'objectif était de sauvegarder la Yougoslavie à tout prix.

16 Je vois que le temps passe. On va arriver à la fin de l'audience. La

17 question qui se pose, c'est ce que cela veut dire, cette phrase :

18 sauvegarder la Yougoslavie à tout prix. Monsieur le Président, cela veut

19 dire qu'on se bat pour un Etat, pour son Etat quand il est attaqué. Il

20 existait 200 000 membres d'unités irrégulières sur une partie de son

21 territoire, qui ont été organisés et menaient un soulèvement armé, et ils

22 ont été organisés au sein de ces 63 brigades irrégulières. C'est ce que le

23 Procureur a prouvé. Ils ont organisé le soulèvement armé sur tous les

24 territoires où se trouvait leur population.

25 Imre Agotic a confirmé que c'était à Saborsko. Cela a été confirmé par le

26 commandant de la défense de Skabrnja. Il a dit que là-bas se trouvait le

27 bataillon indépendant de Skabrnja. Il a confirmé que ce territoire de la

28 municipalité de Zadar [phon] disposait d'un tiers de la municipalité

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1 contrôlée par lui, avec 730 hommes. C'est M. Milincic, témoin de

2 l'Accusation, qui a dit cela, et un autre témoin de l'Accusation, Brkic, a

3 dit : nous avions, à l'époque, à Saborsko, des bottes, des uniformes de

4 l'armée de l'Allemagne de l'est, des casques, des ceintures ou des

5 bandoulières, des armes automatiques et des fusils.

6 Les moyens de preuve qui ont été présentés montrent - et on va parler de

7 cela plus tard - que ces unités existaient à Kijevo, à Vrpolje et à

8 Potkonje, les armes automatiques ont été illégalement disposées aux Croates

9 de la part du HDZ, et que sur d'autres territoires, à Bacin, à Dubica, à

10 Cerovljani [phon] et à Kostajnica [phon] existaient des unités du HDZ

11 illégalement armées et organisées par le HDZ. Il y avait des unités du MUP

12 croate nouvellement créé et du ZNG.

13 Le Procureur, par ses moyens de preuve et ses témoins, a prouvé qu'il

14 s'agissait d'un soulèvement armé organisé. Le droit international a la

15 définition d'un soulèvement armé, et par les autorités du pays sur le

16 territoire duquel ce soulèvement armé émanait.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Milovancevic.

18 Nous venons d'en finir avec notre travail aujourd'hui. Nous allons

19 continuer demain à 9 heures dans la même salle d'audience.

20 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le jeudi 11 janvier

21 2007, à 9 heures 00.

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