Affaire n° : IT-02-65-PT

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Richard May, Président
M. le Juge Patrick Robinson
M. le Juge O-Gon Kwon

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
22 mai 2003

LE PROCUREUR

c/

MOMCILO GRUBAN

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DÉCISION RELATIVE À LA DEUXIÈME REQUÊTE DE LA DÉFENSE AUX FINS DE MODIFIER LES CONDITIONS DE MISE EN LIBERTÉ PROVISOIRE

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Le Bureau du Procureur :

Mme Joanna Korner

Le Conseil de l’Accusé :

Mme Sanja Turkalov

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),

VU la deuxième requête de la Défense aux fins de modifier les conditions de mise en liberté provisoire (« Second Defence Application for Variation of Conditions of Provisional Release ») (la « Deuxième Requête »), déposée le 14 août 2002 pour le compte de Momcilo Gruban (l’« Accusé »), demandant une modification des conditions de la mise en liberté provisoire de l’Accusé fixées par la Chambre de première instance dans sa « Décision relative à la requête aux fins de mise en liberté provisoire avant le procès », rendue le 17 juillet 2002, et, en particulier, que l’Accusé soit autorisé à changer son lieu de résidence de Belgrade, République de Serbie-et-Monténégro, au village de Maricka, situé dans la municipalité de Prijedor, Republika Srpska, afin d’être avec sa famille et de subvenir aux besoins de celle-ci,

VU la « Décision relative à la requête de la Défense aux fins de modifier les conditions de mise en liberté provisoire de Momcilo Gruban » (la « Décision »), rendue par la Chambre de premičre instance le 20 septembre 2002, qui a rejeté la demande de l’Accusé ayant le même objet, au motif que l’Accusé a été mis en liberté provisoire compte tenu de son engagement de résider à Belgrade ; lorsqu’il a demandé sa mise en liberté provisoire, l’Accusé n’a pas fait savoir à la Chambre de première instance qu’il souhaitait résider en Republika Srpska ; enfin, l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que son retour dans la région où ont été commis les crimes présumés puisse affecter des victimes, des témoins et d’autres habitants de la région, et l’Accusé n’est pas parvenu à convaincre la Chambre de première instance du contraire,

ATTENDU que, dans la Décision, il a été estimé que l’Accusé peut voir sa famille tout en résidant à Belgrade, la distance entre Belgrade et Prijedor n’étant pas considérable, et que sa sécurité personnelle peut mieux être assurée loin du lieu des crimes présumés ; que l’autorisation d’interjeter appel de la Décision a été refusée par un collège de juges de la Chambre d’appel1, qui ont jugé que l’accusé n’avait pas démontré que la Chambre de première instance avait pu se fourvoyer en rendant sa Décision,

ATTENDU qu’à l’appui de sa Deuxième Requête, l’Accusé fait valoir que d’importants changements survenus dans sa situation justifient une deuxième demande, à savoir : i) la préoccupante détérioration de l’état de santé de sa mère et ses conséquences au niveau familial ; ii) l’impossibilité, en tant que citoyen de la Republika Srpska, de trouver un emploi convenable en Serbie-et-Monténégro ; et iii) son incapacité à faire pression sur des témoins dans le cas de son retour à Prijedor puisque la liste des témoins de l’Accusation indique clairement qu’aucun témoin ne réside dans la municipalité,

VU la réponse de l’Accusation à la deuxième requête de la Défense aux fins de modifier les conditions de mise en liberté provisoire déposée par l’Accusé Momcilo Gruban (la « Réponse »), (« Prosecution’s Response to ‘Second Defence Application for Variation of Conditions of Provisional Release’ filed by the Accused Momcilo Gruban »), déposée par le Bureau du Procureur (l’« Accusation ») le 26 mars 2003, par laquelle l’Accusation s’oppose à la Deuxième Requête au motif qu’elle ne s’appuie sur aucun fait nouveau pour justifier un réexamen des conditions de la mise en liberté provisoire,

ATTENDU aussi que l’Accusation fait notamment observer dans sa Réponse que, contrairement à ce que l’Accusé affirme, et conformément à l’« Ordonnance relative à la requête de l’Accusation aux fins de mesures de protection » rendue par la Chambre de première instance le 13 juin 2002, l’Accusé ne détient aucune information quant au lieu où se trouvent actuellement les témoins de l’Accusation, et que du reste la Chambre de première instance a déjà établi qu’il était raisonnable de penser que le retour de l’Accusé « risqu[ait] d’affecter des victimes, des témoins et d’autres habitants de la région »2,

VU que l’argument de l’Accusé selon lequel sa famille aurait besoin de sa présence à Prijedor a été présenté à la Chambre et pris en considération dans la Décision,

ATTENDU que, relativement aux autres arguments présentés par l’Accusé, y compris l’impossibilité, en tant que citoyen de la Republika Srpska, de trouver un emploi permanent ou un emploi dans le domaine de ses compétences en Serbie-et-Monténégro et l’incapacité à influencer des témoins dans le cas de son retour dans la municipalité de Prijedor, la Chambre de première instance ne trouve pas de raison déterminante de s’écarter de sa précédente Décision, notamment parce qu’elle n’a pas été convaincue que, dans les circonstances particulières de cette affaire, le retour de l’Accusé dans la région des crimes présumés ne constituerait pas un danger pour des victimes, des témoins et d’autres habitants de la région,

EN APPLICATION de l’article 65 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international,

REJETTE la Deuxième Requête.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président de la Chambre de première instance
___________
Juge Richard May

Le vingt-deux mai 2003
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]


1. Le Procureur c/ Meakic et consorts, « Décision relative à la requête aux fins d’autorisation d’interjeter appel », Affaire n° IT-02-65-AR65, 6 novembre 2002.
2. Le Procureur c/ Meakic et consorts, « Décision relative à la requête de la Défense aux fins de modifier les conditions de mise en liberté provisoire de Momcilo Gruban », Affaire n° IT-95-4-PT, 20 septembre 2002, p. 3.