Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 3 septembre 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 8 heures 51.

  6   LE TÉMOIN: TÉMOIN VG-13 [Reprise]

  7   [Le témoin répond par l'interprète]

  8   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur

  9   Groome.

 10   M. GROOME : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Interrogatoire principal par M. Groome : [Suite]

 12   Q.  [interprétation] Madame VG-13, hier au moment où nous nous sommes

 13   arrêtés, vous étiez en train de décrire à la Chambre le moment où le groupe

 14   de Koritnik était transféré de la maison des Memic à la maison des

 15   Omeragic. Pendant le transfert de ces personnes où se trouvait Milan Lukic

 16   ?

 17   R.  Milan Lukic se trouvait à la porte de la maison de Jusuf Memic.

 18   Q.  Et Sredoje Lukic, où se trouvait-il ?

 19   M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, page 80, nous avons déjà

 20   la réponse à cette question.

 21   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, mais nous pouvons l'entendre

 22   de nouveau. Ce n'est pas quelque chose qui devrait soulever des objections.

 23   Il y a peut-être d'autres raisons qui justifient qu'on repose la question.

 24   M. GROOME : [interprétation]

 25   Q.  Sredoje Lukic, où se trouvait-il ?

 26   R.  Il y avait là un grand groupe de personnes qui devait quitter la maison

 27   de Jusuf Memic. Ce groupe a formé une colonne qui s'est dirigée vers la

 28   maison d'Omeragic. Edhem a commencé à crier et à dire, quelqu'un nous avait


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  1   dit d'essayer de fuir si l'on pouvait, Edhem a dit qu'on ne devrait pas

  2   essayer parce que Sredoje Vasiljevic étaient en train de marcher derrière

  3   nous.

  4   Q.  Et Mitar Vasiljevic ?

  5   R.  Lui, il nous accueillait à l'entrée de la maison d'Omeragic, il était à

  6   la porte.

  7   Q.  Mitar Vasiljevic a-t-il fait quelque chose concernant votre belle-mère

  8   à un moment donné ?

  9   R.  Il se trouvait sur le seuil, il l'a repoussée et lui a

 10   dit : "Mais pourquoi tu me pousses ?" Et nous avons tous entendu cela. Il

 11   s'agissait d'une vieille personne âgée de 70 ans à l'époque. Et il l'a

 12   insultée.

 13   Q.  Faisait-il déjà nuit au moment où vous avez emmenés de la maison des

 14   Memic à la maison d'Omeragic ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Y avait-il une source d'éclairage artificiel que vous avez pu voir au

 17   moment où vous passiez d'une maison à l'autre ?

 18   R.  Il y avait tout simplement l'éclairage habituel dans la rue et des

 19   lumières allumées dans les maisons habitées par des Serbes.

 20   Q.  Et ces maisons-là, où se trouvaient-elles par rapport à la maison des

 21   Omeragic ?

 22   R.  A proximité, l'une à côté de l'autre.

 23   Q.  Peut-on voir ces maisons sur l'enregistrement vidéo que nous avons

 24   visionné hier ?

 25   R.  Oui, on y voit toutes les maisons. On voit la maison d'Adem Omeragic,

 26   de Memic. Si vous voulez, on peut visionner cet enregistrement de nouveau.

 27   Q.  Je vais vous montrer quelques photos à la fin de votre déposition. Tout

 28   d'abord, dites-nous, s'il vous plaît, est-ce qu'à un moment vous vous êtes


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  1   tous retrouvés dans une pièce de la maison d'Adem Omeragic ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Et cette pièce, où se trouvait-elle ?

  4   R.  En bas, au rez-de-chaussée de la maison.

  5   Q.  Pourriez-vous décrire cette chambre, son intérieur, à la Chambre de

  6   première instance.

  7   R.  Je m'en souviens très bien. Il y avait une armoire - il s'agissait

  8   d'une seule pièce - il y avait une armoire et il y avait une sorte de sofa,

  9   il y avait des tapis. Tout ça j'ai pu le voir grâce à l'éclairage qui

 10   venait de l'extérieur et il y avait quelque chose, un mélange, une matière

 11   qui était dispersée sur le tapis, qui sentait, qui collait aux pieds, qui

 12   nous faisait tousser.

 13   Q.  Bien. Est-ce que vous pourriez comparer cette odeur que vous avez

 14   sentie à ce moment-là à une odeur quelconque qui pourrait expliquer à la

 15   Chambre ce que c'était ?

 16   R.  Je ne sais pas ce que c'était. Ça sentait très mauvais, on étouffait,

 17   je ne sais pas de quoi il a bien pu s'agir. Là c'était quelque chose de

 18   dangereux, on étouffait, on ne pouvait pas respirer, ça  puait et ça

 19   collait à nos pieds.

 20   Q.  Y avait-il des fenêtres ?

 21   R.  Oui, deux fenêtres.

 22   Q.  Y avait-il de la lumière ou de l'éclairage dans cette

 23   pièce ?

 24   R.  Non. Les lumières n'étaient pas allumées mais la lumière venait de

 25   l'extérieur, de l'autre bout de la rue, donc quelques rayons pénétraient

 26   dans cette pièce.

 27   Q.  Bien. Quand le groupe de Koritnik a été placé dans cette pièce, y

 28   avait-il déjà du monde dedans ou pas ?


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  1   R.  Oui. Il y a eu là-bas quelques personnes, mais je ne sais pas qui était

  2   ces personnes.

  3   Q.  Saviez-vous si c'était des Musulmans ou des membres du groupe qui était

  4   en train de vous installer dans cette pièce, avez-vous pu déterminer cela ?

  5   R.  Non, je ne sais pas. J'avais tellement peur, peur pour mon enfant, peur

  6   pour moi-même. Je me demandais si on allait survivre. Donc je n'osais pas

  7   regarder, mais je sais qu'il y avait des personnes qui étaient assises sur

  8   cette sorte de sofa.

  9   Q.  Bien. A un moment donné, tout le monde faisant partie du groupe de

 10   Koritnik s'est-il trouvé dans cette pièce ?

 11   R.  Non. Deux filles ont réussi à s'en sortir. Je ne sais pas comment elles

 12   ont pu le faire, mais elles ont quitté la colonne et par le Babin Potok,

 13   elles sont parties ailleurs.

 14   Q.  Bien. En dehors de ces deux filles, tous les autres se sont retrouvés à

 15   un moment donné dans la pièce ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Combien de personnes à peu près se trouvait-il à ce moment-là dans la

 18   pièce ?

 19   R.  Soixante-cinq, 70. Je ne le sais pas, à peu près, pour nous, je suis

 20   sûre que nous étions 65.

 21   Q.  J'aimerais maintenant que vous nous racontiez ce qui s'est passé dans

 22   cette pièce de la maison d'Omeragic après que vous vous soyez tous réunis

 23   là-dedans ?

 24   R.  Il y avait là des personnes qui pleuraient, des vieux qui se

 25   souvenaient de la guerre. Ils disaient qu'on risquait de nous faire

 26   massacrer.

 27   M. ALARID : [interprétation] Toutes nos excuses, il n'y a pas d'objection

 28   concernant la question. Mais notre LiveNote ne marche pas. Il s'est arrêté


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  1   à la page 4, ligne 5. Et celui où nous ne disposons que de l'écran,

  2   continue à afficher ce qui est dit dans le prétoire, il a atteint la

  3   cinquième page déjà.

  4   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Peut-on demander aux

  5   techniciens de s'en occuper. 

  6   La Greffière m'informe que les techniciens viendront dès que

  7   possible.

  8   Poursuivez, s'il vous plaît.

  9   M. GROOME : [interprétation] Je pense que le témoin pourrait maintenant

 10   faire référence à un certain nombre d'autres témoins bénéficiant des

 11   mesures de protection. Peut-on passer à huis clos partiel, s'il vous plaît.

 12   Je demanderai au témoin de nous dire les noms de ces personnes, ensuite on

 13   va lui montrer une liste accompagnée de pseudonymes à côté de ces noms

 14   qu'on verserait par la suite au dossier. Comme ça le témoin pourrait

 15   témoigner en audience publique de ce qui s'était passé. 

 16   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Huis clos partiel.

 17   Mme LA GREFFIÈRE : [aucune interprétation]

 18   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité partiellement levée par une ordonnance de la Chambre]  

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  8   Q.  Bien. Je vais maintenant montrer un document où vous allez voir les

  9   noms de ces personnes et leurs pseudonymes, parce qu'il s'agit des

 10   personnes qui sont en même temps des témoins protégés. J'aimerais d'abord

 11   montrer cela à la Défense, puis à la Chambre, et si vous trouvez cela

 12   acceptable, je proposerai le versement de ce document.

 13   VG-13, je vous demanderais maintenant d'utiliser le pseudonyme en parlant

 14   de ces personnes, donc de ne pas prononcer leurs noms à haute voix.

 15   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le document sera versé.

 16   M. GROOME : [interprétation] Sous pli scellé, s'il vous plaît.

 17   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera P55 sous pli scellé.

 18   M. GROOME : [interprétation]

 19   Q.  VG-13, vous nous avez décrit l'intérieur de cette pièce. Maintenant je

 20   vous demanderais, s'il vous plaît, de nous décrire les événements qui se

 21   sont produits après que tout le monde se soit réuni dans cette pièce.

 22   R.  Après quelques instants, Milan Lukic a apporté quelque chose, une sorte

 23   de bombe. J'ai vu, il a jeté ça à côté de la porte. Cette chose a explosé,

 24   les gens ont commencé à hurler, à crier. Les tapis se sont mis à brûler. Le

 25   feu est devenu très intense. Les flammes étaient très fortes immédiatement.

 26   Il y a deux personnes qui sont sorties par la fenêtre en sautant, VG-18 et

 27   son fils VG-84. J'ai pensé que c'était un de mes cousins, mais ce n'était

 28   pas lui.


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  1   Quelques minutes plus tard, j'ai jeté mon fils par la fenêtre. Je suis

  2   sautée moi-même et j'ai dû à ce moment-là être blessée par un débris, mais

  3   je n'ai pas senti cela immédiatement. C'est seulement deux jours plus tard

  4   que j'ai compris que j'avais mal à la jambe et que je ne pouvais plus

  5   marcher.

  6   Après que mon fils ait sauté par la fenêtre, Milan Lukic s'est mis à

  7   tirer sur les deux fenêtres et Mitar Vasiljevic éclairait les fenêtres avec

  8   une torche. A ce moment-là, je suis sautée par la fenêtre aussi et j'ai

  9   atterri en sautant juste devant lui, alors qu'il se trouvait qu'à 2 ou 3

 10   mètres de distance, et il m'a touchée d'une balle au bras gauche.

 11   Je pensais à ce moment-là que j'allais mourir parce que saignais beaucoup.

 12   Mais j'ai commencé à avancer vers le ruisseau, parce qu'il y avait là une

 13   pente à cet endroit-là. Je ne sentais plus rien à ce bras.

 14   J'entendais en même temps les cris des personnes qui se trouvaient

 15   dans la maison, les pleurs. Parmi eux il y avait un bébé qui n'avait que

 16   deux jours, qui venait d'être né dans un bois environnant, c'était le fils

 17   ou l'enfant de Senad Kurspahic. Malheureusement ce bébé il a également

 18   brûlé.

 19   Donc j'ai essayé d'atteindre le ruisseau, j'ai réussi. Je me suis

 20   assise dans l'eau en me disant qu'ils n'allaient pas m'y retrouver, et

 21   pendant plus d'une demi-heure j'entendais les cris, les pleurs. La maison

 22   de Jusuf Memic aussi s'est mise à brûler à ce moment-là. Il y avait des

 23   briques qui s'envolaient, qui tombaient sur moi, je pensais que quelqu'un

 24   les jetait sur moi, mais non.

 25   Ensuite je me suis cachée dans une sorte d'égout, de sortie d'égout.

 26   C'est là que mes plaies ont commencé à se décomposer. Je perdais sans cesse

 27   conscience parce que je ne mangeais pas. J'ai passé trois jours comme ça.

 28   J'ai réussi pendant la troisième nuit de me sortir de là. Je suis allée

 


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  1   ensuite au marché de bétail, j'ai traversé les bois et ainsi j'ai réussi à

  2   atteindre Kosovo Polje.

  3   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Groome, merci, mais il y a

  4   des choses qui viennent d'être dites au sujet desquelles il faudra poser

  5   des questions plus spécifiques, n'est-ce pas ?

  6   M. GROOME : [interprétation] Oui, bien sûr. Merci.

  7   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous sommes toujours à huis clos

  8   partiel, revenons en audience publique.

  9   M. GROOME : [interprétation] Tout ce qui a été dit dans cette réponse peut-

 10   être dit en audience publique, si vous le souhaitez, je n'ai rien contre.

 11   Mme LA GREFFIÈRE : [aucune interprétation]

 12   [Audience publique] 

 13   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. La dernière description faite

 14   par le témoin, description des événements, devrait être rendue publique.

 15   M. GROOME : [interprétation] Merci.

 16   Q.  Alors, quand le groupe est entré dans la pièce, est-ce que la porte a

 17   été fermée derrière le groupe ou l'a-t-on laissée

 18   ouverte ?

 19   R.  Ils l'ont fermée.

 20   Q.  Combien de temps -- ou plutôt, est-ce qu'on a réouvert cette porte par

 21   la suite ou pas ?

 22   R.  Oui. Oui, quand ils sont venus pour placer cet explosif, ce qui était

 23   censé déclencher l'explosion. Oui, à ce moment-là ils ont ouvert la porte

 24   et Hasib Kurspahic, qui se trouvait juste à côté de la porte, il a été jeté

 25   par l'explosion par la porte.

 26   Q.  Bien. Combien de temps est-il passé entre le moment où la porte a été

 27   fermée pour la première fois et le moment où ils l'ont réouverte pour y

 28   poser cet engin explosif ?


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  1   R.  Peut-être un peu plus d'une heure.

  2   Q.  Bien. Et vous dites tout le temps "eux." A qui faites-vous référence ?

  3   R.  A Milan Lukic et Mitar Vasiljevic.

  4   Q.  Bien. Pourriez-vous nous décrire les endroits où se trouvaient Milan

  5   Lukic et Mitar Vasiljevic au moment même où cet engin explosif a été lancé

  6   dans la pièce ?

  7   R.  Milan Lukic se trouvait sur le seuil de cette porte, parce qu'il était

  8   en train d'installer cet engin. Et quand il s'est rendu compte du fait que

  9   le VG-18 et le VG-84 avaient sauté par la fenêtre, alors ils se sont

 10   installés sous la fenêtre et commencé à tirer sur les fenêtres.

 11   Q.  Dites-nous, combien de temps après l'explosion de cet engin les

 12   affaires qui se trouvaient dans la chambre se sont mises à

 13   brûler ?

 14   R.  Immédiatement. Les tapis sur lesquels il y avait cette matière, ils se

 15   sont mis à brûler immédiatement. Les tapis brûlaient, les flammes étaient

 16   très fortes, très hautes. Les flammes m'ont brûlé même mon bras.

 17   Q.  Quelle a été la hauteur des flammes ?

 18   R.  Les flammes atteignaient le plafond.

 19   Q.  Et les vêtements des personnes qui se trouvaient dans la pièce, se

 20   sont-ils mis à brûler ?

 21   R.  Bien sûr que oui. Vous savez, je ne peux pas vous décrire ces cris, ces

 22   pleurs, ces hurlements. Il y avait là des vieux, des enfants. Je ne peux

 23   pas vous décrire tous ces cris que j'ai entendus, ces appels à l'aide.

 24   Q.  Vous nous avez dit que parmi les enfants il y avait un nourrisson de

 25   deux jours. Comment s'appelait ce bébé ?

 26   R.  Ecoutez, le bébé n'avait pas de nom parce que cette femme elle a

 27   accouché un jour, le lendemain on est parti et on n'a pas eu le temps de

 28   lui donner un nom, c'était une petite fille.


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  1   Q.  Mais pourquoi alors ce bébé est-il né dans les bois ?

  2   R.  Parce qu'on a dû fuir nos maisons, on avait peur, elle ne pouvait tout

  3   simplement pas accoucher chez elle, elle a dû le faire dans les bois.

  4   Q.  Bien. Pourriez-vous nous décrire un peu plus en détail de quelle

  5   manière VG-84 et VG-18 ont réussi à sortir de cette pièce ?

  6   R.  VG-18 a cassé le carreau et elle a réussi à quitter la pièce avec son

  7   fils.

  8   Q.  Cette fenêtre-là, où se trouvait-elle par rapport au ruisseau dont vous

  9   nous avez parlé ?

 10   R.  La fenêtre se situait en bas de la maison, en direction de ruisseau.

 11   Q.  Bien. Pourriez-vous nous décrire de quelle manière avez-vous réussi à

 12   fuir ?

 13   R.  Je me suis dit qu'il valait mieux qu'ils me tuent que de mourir brûlé.

 14   Ça doit être la pire des morts. Donc je préférais mourir d'une balle plutôt

 15   que brûler vive.

 16   Q.  Alors, qu'avez-vous fait ?

 17   R.  J'ai sauté par la fenêtre, j'ai atterri juste devant eux. Milan Lukic

 18   et Mitar Vasiljevic, à 2 ou 3 mètres de distance. Ils m'ont tiré dessus et

 19   j'ai été touchée au bras.

 20   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Mais comment vous avez fait ?

 21   Vous avez sauté par la porte ou par la fenêtre ? J'ai vu cela, mais je vous

 22   demande par où vous êtes sortie ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Par la fenêtre.

 24   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

 25   M. GROOME : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu, le témoin

 26   nous a montré l'endroit où elle a été touchée, c'est son bras gauche.

 27   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Est-elle en mesure de dire

 28   quelque chose de plus au sujet de cela, comment elle a été touchée.


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  1   M. GROOME : [interprétation]

  2   Q.  Bien. D'où est venue cette balle ?

  3   R.  Du côté gauche de la maison. Milan Lukic, il était du côté gauche, et

  4   moi je suis tombée devant lui, un peu à sa droite. Donc il a tiré, il m'a

  5   touchée au bras gauche. Et déjà, pendant que je me trouvais à la maison,

  6   j'ai été touchée par un débris au niveau du genou.

  7   Q.  Milan Lukic était-il la seule personne qui tirait de son fusil ou de

  8   son pistolet devant la maison ?

  9   R.  Je n'ai vu que M. Lukic et c'était M. Vasiljevic qui était en train de

 10   tenir une torche.

 11   Q.  Bien. Et Sredoje Lukic savez-vous où se trouvait-il à ce moment-là ?

 12   R.  Edhem Kurspahic nous a dit que M. Sredoje marchait derrière nous. A

 13   partir de ce moment-là je ne savais plus où j'étais. Je ne me suis jamais

 14   demandé où il pouvait bien être. Je ne sais pas comment VG-78 et VG-101 ont

 15   réussi à s'enfuir. Mais c'est bien, c'est bien, elles ont réussi à survivre

 16   sans passer par l'enfer qui régnait dans cette maison.

 17   Q.  Vous nous avez mentionné une blessure sur la jambe. Est-ce que vous

 18   avez été blessée avant d'être sortie de la maison par la fenêtre ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Est-ce que vous pensez que ce débris vous a blessée suite à l'explosion

 21   de l'engin explosif qui avait détonné dans cette pièce ?

 22   R.  Ça bien dû être le cas. Ça dû être le cas, mais je ne sais pas à ce

 23   moment-là, je ne m'en suis même pas rendu compte.

 24   Q.  Bien. Votre fils, celui qui a réussi à se sauver, est-il sorti par la

 25   fenêtre avant vous ou après vous ?

 26   R.  Avant moi. Vous savez, je l'ai jeté par la fenêtre. Il était petit. Je

 27   me disais que si je le laissais derrière moi qu'il ne saurait plus quoi

 28   faire, qu'il allait peut-être y rester et mourir, donc je l'ai jeté


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  1   d'abord.

  2   Q.  Bien. Avez-vous vu où était-il parti après l'avoir jeté ?

  3   R.  Non, je n'ai pas pu le voir. J'ai essayé mais je n'ai rien pu voir. Ils

  4   ont tiré sur lui également et je ne savais pas ce qu'il lui est arrivé

  5   jusqu'à la chute de Zepa et Srebrenica. C'est à ce moment-là que j'ai

  6   réussi à le voir.

  7   Q.  Où est-ce que vous êtes allée, vous, après être sortie par la fenêtre ?

  8   R.  Jusqu'à la chute de Srebrenica. J'ai sauté par la fenêtre. J'ai roulé

  9   jusqu'au ruisseau, puis j'ai marché dans l'eau dans le ruisseau et c'est

 10   comme ça que je suis arrivée finalement à l'égout.

 11   Q.  Avant d'aller dans le canal des égouts, est-ce que vous avez pu

 12   regarder derrière vous et voir ce qui se passait à la maison, dans la

 13   maison ?

 14   R.  Je n'étais pas très loin de la maison, à une trentaine de mètres, alors

 15   je pouvais entendre les cris et les pleurs, on pouvait entendre de loin.

 16   Q.  Pendant combien de temps vous êtes-vous trouvée à un endroit où vous

 17   pouviez observer ce qui se passait dans la maison d'Omeragic ?

 18   R.  Je suis restée un moment assise dans l'eau, à cet endroit-là, plus

 19   d'une demi-heure en l'occurrence. J'avais de l'eau jusqu'à la taille, puis

 20   j'ai suivi le cours du ruisseau jusqu'à la partie de l'égout. Ce n'est pas

 21   très loin. Je suis tombée dans un regard d'égout et c'est là que je suis

 22   restée.

 23   Q.  Pendant ce temps-là, est-ce que vous avez été à même d'observer ce qui

 24   se passait dans la maison, est-ce que vous avez pu sentir quelque chose,

 25   des odeurs ?

 26   R.  Oui, bien sûr, des odeurs de brûlés, de la chair humaine qui brûle

 27   c'est une odeur épouvantable. C'était terrible.

 28   Q.  Quelle est la dernière chose que vous vous rappelez concernant cette


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  1   maison après que vous n'ayez pu plus la voir ?

  2   R.  La dernière chose dont je me souviens c'est que j'ai entendu Halida,

  3   une fille de 10 ans, qui pleurait et appelait sa mère, "Maman, s'il te

  4   plaît, ne m'abandonne pas."

  5   Q.  A ce moment-là, est-ce que vous saviez où se trouvait votre fils ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Est-ce que vous avez cru qu'il était peut-être mort cette nuit-là, à

  8   cet endroit-là ?

  9   R.  Bien, à chaque instant je pensais qu'il avait peut-être été pris.

 10   C'était un jeune garçon. Il n'aurait pas su où aller, et je pouvais

 11   craindre qu'il ait été tué et je ne le voyais pas dans l'herbe. Lorsque je

 12   me suis trouvée à Gorazde, j'ai appris que mon fils était à Srebrenica.

 13   Alors il est venu à pied à Zepa, donc j'ai pu le voir à Zenica après la

 14   chute.

 15   Q.  Combien de temps s'est-il écoulé entre le moment où il y a eu cet

 16   incendie et le moment où vous avez appris que votre fils avait survécu à

 17   l'incendie ?

 18   R.  Ça a été long. Je ne l'ai pas appris tout de suite qu'il avait survécu

 19   parce que je pensais qu'il avait été tué. Quand je l'ai jeté par la

 20   fenêtre, je ne l'ai plus revu pendant longtemps.

 21   Q.  Combien de temps s'est-il écoulé entre le moment où vous l'avez vu

 22   cette nuit-là et le moment-là où vous avez finalement été à nouveau réunis

 23   ?

 24   R.  Je l'ai vu cette nuit-là, ensuite je ne l'ai plus revu pendant quatre

 25   ans, ce qui est, en fait, le temps que la guerre a duré.

 26   Q.  Alors, sur la base de ce que vous avez pu observer sur place et votre

 27   connaissance de la ville de Visegrad, est-ce que vous aviez pu voir d'un

 28   autre endroit cet incendie que vous avez observé, y aurait-il eu un autre


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  1   endroit d'où on pouvait le voir en ville ?

  2   R.  Puisque la maison d'Adem Omeragic se trouve juste au ruisseau, les

  3   personnes qui se trouvaient dans les maisons voisines pouvaient voir que

  4   cette maison brûlait et que des gens étaient en train d'être brûlés vifs.

  5   Pour ce qui est d'autres endroits, probablement, on aurait pu voir la

  6   fumée.

  7   Q.  En ce qui concerne le centre-ville, y aurait-il eu un endroit où on

  8   aurait pu voir la fumée de ce feu, de cet incendie ?

  9   R.  Le centre-ville se trouve un peu plus loin que Nova Mahala et la rue

 10   Pionirska. S'il avait fait jour, on aurait vu la fumée. Toutefois c'était

 11   de nuit.

 12   Q.  Vous avez dit qu'hier, alors que vous aviez entendu parler de Milan

 13   Lukic avant cette nuit-là, vous ne l'aviez jamais vu précédemment. Comment

 14   en êtes-vous venue à apprendre que l'un de ces hommes qui était présent

 15   cette nuit-là et avait participé à ce qui s'est passé portait le nom de

 16   Milan Lukic ?

 17   R.  C'est parce que mes voisins qui ont péri le connaissaient très bien.

 18   Q.  Se trouvait-il dans la maison à ce moment-là une femme du nom de Kada

 19   Sehic cette nuit-là ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Est-ce que vous étiez présente lorsqu'elle a eu une conversation avec

 22   Milan Lukic ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce qu'elle l'a appelé par son om ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  S'il vous plaît, dites-nous d'après vos souvenirs ce qu'elle a dit à

 27   Milan Lukic ?

 28   R.  Je me rappelle très bien qu'elle lui a demandé de lui permettre de


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  1   mettre ses chaussures, des chaussures de cuir. Il lui a répondu : "Tu en

  2   n'as pas besoin." Et quelqu'un du groupe a crié alors que nous descendions

  3   l'escalier : "Est-ce que c'est Milan

  4   Lukic ?" Alors Sahid a dit : "Oui. Il a emmené mon mari Rasim et son fils

  5   Enver qui est surnommé Kender."

  6   Q.  Y avait-il dans la maison une personne du nom de Jasmina Vila cette

  7   nuit-là ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  A-t-elle dit quelque chose en votre présence qui montrait qu'elle

 10   savait que c'était Milan Lukic ?

 11   R.  Non, elle ne m'a rien dit directement, mais quand Milan Lukic emmenait

 12   Jasmina Vila, il la faisait sortir cette nuit-là. Lorsqu'elle est revenue,

 13   elle a demandé à Kada Sehic de lui donner un cachet, mais elle n'a rien dit

 14   d'autre.

 15   Q.  Est-ce qu'il y avait parmi les victimes un homme cette nuit-là, qui

 16   allait à l'école avec Milan Lukic ?

 17   R.  Il ne faisait pas partie de notre groupe. Oui, il y avait un jeune

 18   homme qui s'était enfui de chez lui, qui a survécu, et sa femme, Ismeta

 19   Kurspahic, est morte dans l'incendie. Cela faisait 11 mois qu'ils vivaient

 20   ensemble et il a dit à plusieurs reprises qu'il allait à l'école avec Milan

 21   Lukic, qu'ils étaient assis ensemble dans la même salle de classe.

 22   Q.  Un point que je voudrais éclaircir. Le compte rendu montre que vous

 23   parlez d'une personne du nom de Sahid. La personne sur laquelle je vous ai

 24   posé une question, c'était Kada Sehic. Ce nom de famille que je viens de

 25   dire, est-ce que c'est la personne dont vous venez de parler ? Que vous

 26   aviez à l'esprit ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Combien de temps s'est écoulé au cours de tous ces événements entre la


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  1   première fois que vous avez vu Milan Lukic cette nuit-là jusqu'à la

  2   dernière fois que vous l'avez vu cette nuit-là ?

  3   R.  Ça n'a pas duré très longtemps, quand ils sont venus à la maison de

  4   Jusuf Memic, M. Milan Lukic et Milan Susnjar voulaient nous voler, quant à

  5   vous dire si ça a pris une heure environ, Mitar Vasiljevic et Milan Lukic

  6   nous emmenaient d'une maison à une autre.

  7   Q.  Est-il donc vrai que vous avez eu plusieurs occasions de le voir au

  8   cours de ces événements ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Est-ce que l'éclairage était suffisant pour que vous puissiez le voir ?

 11   R.  On avait bien pu le voir avant la tombée de la nuit, mais il y avait

 12   également de la lumière électrique. Il n'y avait pas une grande distance

 13   qui aurait empêché de le voir.

 14   Q.  Y avait-il quoi que ce soit qui empêchait de voir son visage ?

 15   R.  Non. Il était bien habillé avec une coupe de cheveux normale.

 16   Q.  Je voudrais vous demander maintenant de regarder dans la salle

 17   d'audience avec le plus grand soin. Dites-nous si vous voyez la personne

 18   que vous reconnaissez comme Milan Lukic ici dans cette salle d'audience.

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire qui est la personne que vous

 21   avez reconnue en décrivant cette personne qui est assise ici dans cette

 22   salle d'audience, et peut-être décrire aussi les vêtements que la personne

 23   porte.

 24   R.  M. Milan Lukic porte un costume sombre, une chemise rose et une cravate

 25   dans les roses. C'est mon cher voisin.

 26   Q.  Pourriez-vous nous dire quels ont été les actes que vous avez observés

 27   concernant Sredoje Lukic pendant ce qui s'est passé à la rue Pionirska

 28   cette nuit-là.


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  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Cepic.

  2   M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, ceci est une question

  3   directrice, vu ce que le témoin a déjà répondu, elle a juste entendu

  4   quelque chose d'Edhem Kurspahic que Sredoje était présent à ce moment-là.

  5   C'est typiquement une question directrice qui lui donne des renseignements

  6   qu'elle n'avait pas entendus jusqu'à maintenant.

  7   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La question était de savoir si elle

  8   pouvait nous dire quels étaient les actes qu'elle avait vu Lukic faire. Je

  9   ne vois rien de directif dans cette question. Elle doit simplement nous

 10   dire qu'elle l'a vu pendant ce qui s'est passé à la rue Pionirska.

 11   Veuillez répondre à la question, Témoin.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Sredoje Lukic se trouvait à l'extérieur de la

 13   maison, et lorsqu'on a dû nous conduire de la maison de Jusuf Memic à la

 14   maison d'Omeragic, il nous a escortés. Je ne peux rien vous dire de plus.

 15   Effrayée comme je l'étais, je ne le regardais pas et je regrette que

 16   personne d'autre des survivants ne soit en mesure de vous renseigner

 17   davantage et vous donner un récit plus précis que je ne peux le faire.

 18   M. GROOME : [interprétation]

 19   Q.  Quels sont les actes que vous avez vu faire par Milan Lukic pendant que

 20   ce crime avait lieu ?

 21   R.  Quand ils ont pris notre argent et notre or, Milan Lukic et Milan

 22   Susnjar et les autres sont partis, c'est à ce moment-là qu'ils nous ont

 23   fait déshabiller et nous ont obligés à danser.

 24   Q.  Pourriez-vous donner la liste des choses que vous avez vu faire par

 25   Mitar Vasiljevic pendant la durée de ce crime ?

 26   R.  Pendant ces événements, M. Vasiljevic se trouvait à l'extérieur de la

 27   maison.

 28   Q.  Revenons au moment où vous avez passé plusieurs jours dans les égouts.


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  1   Est-ce que vous avez perdu connaissance à ce moment-là ?

  2   R.  Oui. J'ai perdu connaissance trois fois alors que j'étais dans les

  3   égouts.

  4   Q.  Quel était votre état physique ?

  5   R.  C'était très mauvais. Je n'avais rien à boire, je n'avais rien à

  6   manger, donc vous pouvez imaginer dans quel état j'étais.

  7   Q.  Pendant combien de temps vous êtes-vous trouvée sans rien à boire, ni à

  8   manger ?

  9   R.  Trois jours et trois nuits.

 10   Q.  Quand a été la première fois que vous avez eu la possibilité de manger

 11   quelque chose, qu'est-ce que vous avez pu manger ?

 12   R.  A un moment donné, j'ai finalement réussi à sortir de l'égout, et j'ai

 13   pris un oignon dans le jardin de quelqu'un et c'est ça que j'ai mangé. Mais

 14   ça m'a donné de graves brûlures d'estomac. J'ai également pris une poignée

 15   de prunes qui n'étaient pas mûres.

 16   Q.  Est-ce qu'il y a eu un moment où vous avez pu gagner l'établissement

 17   musulman de Kosovo Polje où des résidents ont pu vous aider ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Alors que vous vous trouviez à Kosovo Polje, est-ce que vous avez

 20   appris ce qui était arrivé à un homme nommé Stanko

 21   Pecikoza ?

 22   R.  Pendant que je me trouvais à Kosovo Polje, Rasim Husovic est allé

 23   trouver le frère de Stanko, Mladjo, pour nous emmener à Kladanj. Il y avait

 24   un grand nombre de personnes, beaucoup de réfugiés à Kosovo Polje. Il nous

 25   a dit : "Revenez demain, et nous verrons quelle sera la situation."

 26   Quand Rasim Husovic est revenu le lendemain matin pour voir, Stanimir l'a

 27   mis en joue avec son fusil et ne lui a pas permis de traverser la rue qui

 28   divisait le quartier musulman et les maisons serbes. Il a dit : "Ne va pas


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  1   là." Stanko a été tué. C'était de bons amis et de bons voisins. Il m'a

  2   demandé : "Est-ce que tu peux me dire où il a été tué ?" Et il a dit : "Il

  3   a été tué à Kremna par Milan Lukic."

  4   Ils l'ont amené dans un corbillard. Je n'ai pas posé de questions. Cet

  5   homme était probablement mort et il a été enterré.

  6   Q.  Est-ce que Stanko Pecikoza était un Musulman ou un Serbe ?

  7   R.  C'était un Serbe qui possédait une scierie qui fonctionne encore, je

  8   crois. Je ne sais pas si c'est son fils qui s'en occupe ou non.

  9   Q.  Est-ce que lui-même faisait quoi que ce soit en ce qui concernait les

 10   Musulmans au cours de cette période et à cet endroit-là ?

 11   M. ALARID : [interprétation] Objection. Ceci est hypothétique. Il demande

 12   au témoin de supposer.

 13   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Elle peut dire si elle savait s'il

 14   faisait quelque chose, et elle peut également donner les bases de ce

 15   qu'elle sait.

 16   Monsieur Groome.

 17   M. GROOME : [interprétation]

 18   Q.  Est-ce que vous avez eu connaissance de ce que faisait M. Pecikoza en

 19   ce qui concerne les Musulmans au cours de cette période ?

 20   R.  Bien, Husovic a dit qu'il transportait des Musulmans en Serbie.

 21   Q.  Donc Stanko Pecikoza, un Serbe, aidait des Musulmans à quitter

 22   Visegrad; c'est bien cela ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce que vous avez reçu des soins finalement pour vos blessures ?

 25   R.  Oui. Dans la matinée j'ai d'abord été réveillée par des coups de feu

 26   aux villages de Cernica et Hamzici. Je dormais sur une véranda, mais je me

 27   suis réveillée brusquement. Il était approximativement 5 heures du matin.

 28   J'ai vu un homme qui sortait d'une grange. Je me suis approchée de lui,


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  1   mais il a fait des gestes qui voulaient dire que je ne devais pas

  2   m'approcher de lui parce que j'étais sale, j'étais échevelée. Je lui ai dit

  3   : "Ecoutez, nous avons été expulsés ici dimanche. Est-ce que quelqu'un peut

  4   m'aider ?" Et à ce moment-là il m'a dit d'aller à la porte de Bakira, à la

  5   maison de Bakira en disant qu'elle m'aiderait.

  6   M. GROOME : [interprétation] Je voudrais demander les pièces 175.1 à 175.3

  7   dont je vais me servir dans quelques minutes.

  8   Q.  Je voudrais vous demander, Témoin, à ce moment de décrire pour les

  9   membres de la Chambre si vous avez reçu des blessures cette nuit-là qui ont

 10   laissé des traces permanentes ?

 11   R.  Oui, au bras et à la jambe.

 12   Q.  Est-ce que cela vous gêne d'une façon quelconque aujourd'hui ? 

 13   R.  Oui. J'ai des douleurs dans le dos et j'ai des maux de tête, et

 14   également je souffre du bras gauche en particulier lorsqu'il y a des

 15   changements dans le temps.

 16   Q.  Quelles ont été les conséquences de ce crime pour votre santé mentale ?

 17   R.  J'ai souffert d'un traumatisme et de stress, ça n'allait pas bien du

 18   tout.

 19   Q.  Est-ce qu'à ce jour vous souffrez encore de ce qui vous est arrivé

 20   cette nuit-là il y a 16 ans ?

 21   R.  Bien sûr. Je prends des poignées de médicaments. Voilà ma situation.

 22   M. GROOME : [interprétation] Je voudrais maintenant demander qu'on nous

 23   présente sur la liste 65 ter le 175.1, à savoir une photographie, un arrêt

 24   sur écran d'une vidéo que nous avons vue hier.

 25   Q.  VG-13, je vais vous demander d'apporter quelques marques sur ceci. Je

 26   vais demander d'abord que l'on fasse un gros plan pour que l'on puisse voir

 27   l'ensemble de la photo.

 28   Je vais demander à l'huissière d'aider le témoin d'abord pour écrire au bas


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  1   du document VG-13, pour que l'on sache bien que c'est vous qui avez apporté

  2   ces signes.

  3   Il semble qu'il y a peut-être plus de place en haut, marquez donc plutôt le

  4   haut de l'image.

  5   R.  [Le témoin s'exécute]

  6   Q.  Bien. Est-ce que ceci est bien une photographie à 360 degrés telle que

  7   nous l'avons vu dans la vidéo, est-ce que ça nous montre bien le sentier

  8   que le groupe de Koritnik a pris partant de la maison de Memic pour aller à

  9   la maison d'Omeragic ?

 10   R.  Oui. Ce détail-ci ne se trouvait pas là avant. Il y avait là un

 11   bâtiment de ferme, et c'est là que les deux filles ont réussi à s'échapper;

 12   et nous avons passé par là.

 13   Q.  Avant que vous n'ayez apporté ces signes sur la photographie, il y a là

 14   une plaque de béton que nous avons vue devant nous, mais qui ne se trouvait

 15   pas là à ce moment-là. Quelle était la surface à l'époque ?

 16   R.  C'était de l'herbe.

 17   Q.  La maison que nous pouvons voir maintenant sur la gauche qui semble

 18   blanche sur le bas et il semble y avoir d'autres objets devant la maison,

 19   est-ce que c'était là à l'époque ?

 20   R.  Non, ça ne l'était pas.

 21   Q.  Bien.

 22   R.  Il y avait la maison de Mujo Memic à l'époque, mais elle a été vendue,

 23   et celle-ci est une maison qui a été nouvellement construite.

 24   Q.  Je voudrais vous demander de mettre un X sur cette maison pour indiquer

 25   qu'elle n'existait pas encore cette nuit-là.

 26   R.  [Le témoin s'exécute]

 27   Q.  Enfin je voudrais vous demander sur cette photographie de tracer une

 28   ligne qui indique l'itinéraire suivi par le groupe de Koritnik pour aller


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  1   de la maison de Memic à la maison d'Omeragic.

  2   R.  [Le témoin s'exécute]

  3   Q.  Merci, VG-13.

  4   M. GROOME : [interprétation] Je voudrais maintenant vous demander de

  5   présenter sur la liste 65 ter le 175.2, qu'il apparaisse maintenant à

  6   l'écran, et je voudrais demander que cette photographie soit reçue comme

  7   pièce à conviction au dossier, y compris les marques apposées par le Témoin

  8   VG-13.

  9   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, cette

 11   photographie devient la pièce numéro P56.

 12   M. GROOME : [interprétation] Et maintenant pourrait-on voir, s'il vous

 13   plaît, la 175.2.

 14   Q.  Dans votre déposition vous avez parlé de certaines maisons et le fait

 15   qu'il y avait des réverbères qui éclairaient le quartier près de la maison

 16   d'Omeragic. Est-ce que c'est bien le même quartier que l'on voit sur cette

 17   photographie ?

 18   R.  Oui. C'était moins de 20 mètres à vol d'oiseau, et il y avait

 19   l'éclairage urbain dans cette rue et on pouvait voir les lumières qui se

 20   trouvaient dans la maison.

 21   Q.  Je vais vous demander de prendre le stylet électronique que vous avez

 22   devant vous, et là encore d'écrire "VG-13" sur la partie blanche de la

 23   photographie de façon à ce que nous sachions que c'est bien vous qui avez

 24   apporté ces marques.

 25   R.  [Le témoin s'exécute]

 26   Q.  Est-ce que vous voulez bien tracer un cercle autour des maisons dont

 27   vous avez parlé pour ce qui est du quartier en question et où il y avait

 28   également de l'éclairage cette nuit-là ?


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  1   R.  [Le témoin s'exécute]

  2   M. GROOME : [interprétation] Je vais demander à la greffière de nous

  3   présenter maintenant le 06350585.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Là je ne suis pas au courant, je ne sais pas

  5   s'il y avait de l'éclairage public.

  6   M. GROOME : [interprétation]

  7   Q.  Ma question ne porte pas sur cette partie précise du quartier --

  8   M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

  9   M. GROOME : [aucune interprétation]

 10   [La Greffière et la Chambre de première instance se concertent]

 11   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La greffière me dit qu'il faut

 12   d'abord sauvegarder cette première photo.

 13   M. GROOME : [interprétation] Excusez-moi, je ne connais pas encore bien ce

 14   nouveau système.

 15   Q.  Je ne vous demande pas de nous dire exactement où se trouvait

 16   l'éclairage public, mais de nous désigner de façon assez vague, assez

 17   générale, ce quartier, cette zone dont vous parlez.

 18   R.  Ici, de ce côté-ci, il y avait de l'éclairage public et il y avait des

 19   lumières allumées dans les maisons.

 20   Q.  Là vous avez utilisé ce stylet pour indiquer ceci. Je vais vous

 21   demander de tracer un cercle pour indiquer de façon générale le quartier.

 22   R.  [Le témoin s'exécute]

 23   Q.  Merci.

 24   M. GROOME : [interprétation] Je demande le versement de la photographie

 25   annotée par le témoin.

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P57.

 28   M. GROOME : [interprétation] Je vous avais demandé en citant le numéro ERN


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  1   - c'est le numéro 12 de la liste 65 ter - je vous avais demandé de préparer

  2   ce document. Madame la Greffière, est-ce qu'on peut l'afficher maintenant.

  3   Q.  Sur la partie gauche - en fait c'est sur les deux parties de l'écran,

  4   on voit une photo, le numéro 12 de la liste 65 ter. Est-ce que vous

  5   reconnaissez ce que montrent ces photos ?

  6   R.  Il y a une fenêtre à gauche quand on entre dans la maison et il y a un

  7   homme en tenue de camouflage.

  8   Q.  Je vous demande, avant de vous poser des questions plus précises, si

  9   vous reconnaissez ce que représente cette photographie.

 10   R.  Oui, je reconnais. C'est la maison détruite d'Adem Omeragic. Il y a

 11   beaucoup de décombres, de déchets devant cette structure.

 12   Q.  Est-ce que vous voyez sur cette photo la porte par laquelle vous êtes

 13   entrée dans la pièce où on a fini par mettre le feu ? Avant d'annoter cet

 14   endroit, je vais vous demander s'il vous est possible de voir cette porte

 15   ou pas.

 16   R.  Mais vous voyez, la porte elle est derrière le pilier sur cette photo.

 17   Q.  Veuillez une fois de plus inscrire VG-13 sur la photo afin que nous

 18   sachions que c'est bien vous qui avez apporté ces annotations.

 19   R.  [Le témoin s'exécute]

 20   Q.  Est-ce que vous pourriez tracer un cercle autour de l'endroit où se

 21   trouvait la porte, d'après le souvenir que vous avez de cette nuit-là ?

 22   R.  La porte elle se trouve derrière le pilier.

 23   Q.  Vous pourriez peut-être tracer un cercle autour de ce pilier. Est-ce

 24   que vous voyez la fenêtre par laquelle vous êtes passée lorsque vous êtes

 25   sortie ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Puis-je vous demander de tracer un cercle autour de cette fenêtre.

 28   R.  [Le témoin s'exécute]


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  1   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation demande le

  2   versement de ce numéro 12 de la liste 65 ter tel qu'annoté par le témoin

  3   VG-13.

  4   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera P58.

  6   M. GROOME : [interprétation]

  7   Q.  Bien. La photographie que je vais vous demander d'examiner, c'est le

  8   numéro 175.4 de la liste 65 ter.

  9   Témoin VG-13, cette photo elle a été prise bien des années après les

 10   événements que vous avez décrits. Est-ce que vous pouvez nous donner des

 11   informations à propos de l'intérieur de cette pièce ? Est-ce qu'il y a

 12   quelque chose qui semble très différent de ce que vous avez vu ce jour-là,

 13   le 14 juin 1992 ?

 14   R.  C'est la pièce de la maison d'Omeragic. Bien sûr, à l'époque ça n'avait

 15   pas l'aspect que ça a maintenant, la pièce était nette et propre, elle

 16   était peinte, mais c'est ici qu'on a mis le feu et c'est ici que les gens

 17   ont été brûlés vifs.

 18   M. GROOME : [interprétation] Je demande le versement de cette photographie

 19   175.4.

 20   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

 21   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P59.

 22   M. GROOME : [interprétation]

 23   Q.  Peu de temps après l'incendie, est-ce que vous avez parlé à un policier

 24   qui s'appelle Huso Kurspahic, est-ce que vous lui avez parlé de ce qui

 25   s'était passé ?

 26   R.  Huso Kurspahic m'a trouvée à Medjedja quand je suis sortie de

 27   l'hôpital, et il m'a demandé si j'avais des renseignements à propos de sa

 28   famille. Je n'ai pas eu le courage de lui dire quoi que ce soit. Je ne


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  1   voulais pas, je ne voulais pas le préoccuper, l'inquiéter. Je pense qu'il

  2   était préférable que ce soit quelqu'un d'autre qui lui en parle, et pas

  3   moi.

  4   Q.  Est-ce qu'en 1998, vous avez fourni une déclaration à un  représentant

  5   du bureau du Procureur ?

  6   R.  J'ai fourni moult déclarations à Zenica, trois fois à Medjedja, à

  7   Gorazde. Je ne me souviens plus des personnes qui ont recueilli ces

  8   déclarations.

  9   Q.  Je vais demander qu'on vous montre le 00584517, c'est le numéro ERN que

 10   je viens de mentionner, et je vais vous demander si c'est bien une des

 11   déclarations que vous avez fournies.

 12   M. GROOME : [interprétation] Peut-on voir la dernière page de cette

 13   déclaration ?

 14   Q.  Vous souvenez-vous qu'alors vous fournissiez ces déclarations, vous

 15   avez essayé de vous souvenir du plus grand nombre de noms possibles de

 16   victimes que vous connaissiez ?

 17   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que je peux vérifier si ceci

 18   est diffusé ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 20   M. GROOME : [aucune interprétation]

 21   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, ce n'est pas diffusé.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Non.

 23   M. GROOME : [interprétation] Peut-on voir la page 7, ce sera la même page,

 24   page 7 en B/C/S et en anglais. Peut-on montrer le bas de la page.

 25   Q.  Est-ce qu'on trouve ici la liste des victimes que vous avez fournie au

 26   bureau du Procureur en 1998 ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Prenons la page 8.


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  1   Est-ce qu'on trouve ici les autres noms de la liste, en tout cas d'après

  2   les souvenirs que vous en aviez en 1998 ?

  3   R.  Oui.

  4   M. GROOME : [interprétation] Je ne voudrais pas demander au témoin

  5   d'essayer de se remémorer chacun de ces noms, ce qui pourrait prendre

  6   beaucoup de temps. Je voudrais en lieu et place de cela demander le

  7   versement de la déclaration préalable qu'elle a fournie dans laquelle elle

  8   se souvenait, d'après ses meilleurs souvenirs, du nombre de personnes qui

  9   avaient péri dans cet incendie ce soir-là.

 10   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

 11   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 60 sous pli scellé.

 12   M. GROOME : [interprétation]

 13   Q.  Une des dernières questions que je voudrais vous poser est celle-ci :

 14   alors que vous vous prépariez pour déposer dans l'affaire Vasiljevic, est-

 15   ce qu'on vous a demandé d'examiner plusieurs photos représentant les

 16   victimes qui ont péri dans cet incendie ce soir-là ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Est-ce que sur ces photos vous avez reconnu des personnes et est-ce que

 19   vous l'avez dit aux représentants du bureau du Procureur ?

 20   R.  Oui.

 21   M. GROOME : [interprétation] Il s'agit des numéros 65 ter 77 à 98 [comme

 22   interprété]. Ceci ne devrait pas susciter de polémique. Ça prendrait

 23   beaucoup de temps de montrer chacune des photos. Est-ce que mes confrères

 24   de la Défense seraient d'accord pour que ces photos soient versées au

 25   dossier, photos qui montrent certaines des victimes de cet incendie ?

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, qu'en pensez-vous ?

 27   M. ALARID : [interprétation] Je regardais quelque chose d'autre, je n'ai

 28   pas bien suivi.


Page 1069

  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] M. Groome demandait si vous aviez

  2   une objection quelconque s'il demandait le versement des photos des

  3   victimes de cet incendie sans que le témoin ait à identifier chacune de ces

  4   photographies.

  5   M. ALARID : [interprétation] Pas d'objection.

  6   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et vous, Maître Cepic ?

  7   M. CEPIC : [interprétation] Non, pas d'objection non plus.

  8   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Elles seront versées.

  9   M. GROOME : [interprétation] On pourrait peut-être montrer la première

 10   photo, le numéro 77, afin que le témoin se souvienne bien que ce sont les

 11   photos qu'elle avait examinées à ce moment-là. Peut-on montrer la première

 12   photo qui porte le numéro 65 ter 77.

 13   Est-ce qu'il s'agit ici d'une des photographies, Madame, que vous avez

 14   examinée et dont vous avez reconnu la personne ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Qui était cette personne que nous voyons ici ?

 17   R.  C'était Jasmina Vila.

 18   M. GROOME : [interprétation] Je demande le versement des pièces 77 à 88. On

 19   pourrait fort bien les déposer sous forme de pièces uniques, mais si c'est

 20   le cas nous les présenterons de façon telle qu'elles se prêtent au dépôt en

 21   tant que seules pièces.

 22   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P61.

 24   M. GROOME : [interprétation] J'ai encore quelques questions à poser au

 25   témoin. Pouvons-nous passer à huis clos partiel, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Huis clos partiel.

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 28   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité partiellement levée par une ordonnance de la Chambre]  


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 13  Pages 1070-1072 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé) confirmé son

 15   authenticité et son libellé intégral, mais je voulais simplement faire une

 16   remarque à M. Groome. Ça a bien été recueilli par le bureau du procureur

 17   régional à Sarajevo est.

 18   M. GROOME : [interprétation] Merci de m'avoir corrigé.

 19   Je n'ai pas d'autres questions à poser au témoin.

 20   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Versons la déclaration.

 21   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P72 sous plis scellé,

 22   cote provisoire pour identification.

 23   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Témoin, vous dites que Milan Lukic a

 24   tiré sur vous ce soir-là ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A quelle distance se trouvait-il de

 27   vous lorsqu'il a tiré sur vous ? C'est ce que j'aimerais savoir.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a ce pilier de la maison d'Omeragic, il


Page 1074

  1   était debout près de ce pilier. Il n'était pas à plus de trois mètres de

  2   moi.

  3   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

  4   Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Vous avez dit que Mitar

  5   Vasiljevic tenait une lampe de poche en main. Il se trouvait à quelle

  6   distance de vous ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils étaient debout l'un à côté de l'autre.

  8   Mitar Vasiljevic l'éclairait et Milan Lukic tirait. Je ne comprends

  9   vraiment pas comment je suis restée en vie.

 10   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, vous avez la parole.

 11   Contre-interrogatoire par M. Alarid : 

 12   Q.  [interprétation] Bonjour, Témoin VG-13.

 13   R.  Bonjour.

 14   Q.  Je m'appelle Jason Alarid et je défends les intérêts de Milan Lukic, et

 15   j'aimerais vous poser quelques questions à ce propos. Est-ce que vous êtes

 16   prête ?

 17   R.  Enchantée, Monsieur, oui.

 18   Q.  Enchanté, Madame.

 19   J'aimerais d'abord demander l'aide du greffe pour que soit affiché ce qui

 20   est devenu la pièce P58 versée au dossier.

 21   Je vois le pilier, une ombre derrière ce pilier, mais je n'ai pas

 22   l'impression qu'il y ait une porte. On voit plutôt une porte davantage sur

 23   la droite, dans l'ombre. Est-ce que vous pourriez nous donner une

 24   explication à ce propos ?

 25   R.  La porte est dissimulée par le pilier.

 26   Q.  Parlons de la végétation. Ça a l'air ici d'être un lit de ruisseau très

 27   vert. Est-ce que c'est le genre de végétation qu'on trouve l'été à Visegrad

 28   ?


Page 1075

  1   R.  Ici, bien sûr, la végétation a pris le dessus, on n'a pas vraiment

  2   beaucoup fait de nettoyage autour de la maison. Il pourrait y avoir même

  3   plus de végétation.

  4   Q.  En fait, la question que je veux véritablement vous poser, c'est de

  5   savoir si on avait le même genre de végétation qui menait jusqu'au ruisseau

  6   cette nuit-là, lorsque vous dites que vous vous êtes échappée de

  7   l'incendie.

  8   R.  Oui, il y avait de l'herbe. S'il n'y avait pas eu de l'herbe, je

  9   n'aurais pas survécu, parce qu'ils auraient fouillé le terrain et ils

 10   m'auraient trouvée.

 11   Q.  Mais il n'y a pas que de l'herbe, on voit des arbustes, des buissons

 12   qui font plus d'un mètre de haut, n'est-ce pas ?

 13   R.  A l'époque les buissons n'étaient pas aussi hauts, personne n'aurait pu

 14   s'y cacher.

 15   Q.  Est-ce qu'on pourrait dire que l'herbe et les buissons vous ont aidée à

 16   vous cacher à l'époque ?

 17   R.  Bien sûr, parce que quand j'ai sauté par la fenêtre, c'est en roulant,

 18   en faisant des cumulés que je suis descendue jusqu'au ruisseau, mais je ne

 19   me rendais pas compte de ce qui se passait, je ne l'ai pas fait exprès.

 20   M. ALARID : [interprétation] Peut-on maintenant afficher à l'écran ce qui

 21   est désormais la pièce P59 ?

 22   Q.  Lors de l'interrogatoire principal, vous avez dit qu'à l'époque la

 23   pièce était tout à fait propre et peinte ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Est-ce qu'il y avait un parquet, un revêtement de sol en bois ?

 26   R.  Il y avait un plancher, il y avait quelqu'un qui habitait dans cette

 27   maison, il y avait Adem Omeragic, sa femme Sombula et leurs deux enfants

 28   qui y vivaient.


Page 1076

  1   Q.  Je me trompe peut-être, il n'y a que moi qui ai peut-être cette

  2   impression, mais on n'a pas l'impression que le plafond ou les murs, soient

  3   calcinés, qu'il y aurait un incendie. On ne voit pas beaucoup de traces

  4   d'incendie important, mis à part ce qui se trouve au sol. On voit là

  5   quelque chose qui est noir, mais sur les murs pas.

  6   R.  On ne le voit pas sur cette photo. Vous auriez dû y aller au début et

  7   voir s'il y avait effectivement des traces du feu, si ça avait été calciné

  8   ou pas. Parce que ces murs ont été nettoyés, lavés. Il y a un camion-

  9   citerne qui est venu avec de l'eau et qui les a lavés.

 10   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous sommes toujours à huis clos

 11   partiel. Je demande aux parties de se rappeler si nous sommes à huis clos

 12   partiel ou en audience publique.

 13   M. GROOME : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 14   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation]

 15   [Audience publique]

 16   M. ALARID : [interprétation]

 17   Q.  Vous dites qu'un gros camion-citerne était venu et avait nettoyé les

 18   murs ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Mais vous, après ce jour-là, vous n'êtes jamais retournée à la rue

 21   Pionirska ?

 22   R.  Si, tout au début, quand il m'a fallu y aller. Je ne vais pas vous dire

 23   quand je l'ai fait, mais nous sommes retournés quand on essayait de

 24   rassembler les documents. Vous voyiez que ça avait été tout à fait rasé par

 25   l'incendie. Tout était carbonisé, et il y avait effectivement des traces

 26   noires du feu.

 27   Q.  Nous pourrions passer à huis clos partiel, si c'est nécessaire, est-ce

 28   que vous pourriez me dire à quelle date vous êtes retournée sur les lieux


Page 1077

  1   afin que nous nous fassions une meilleure idée de la chose ?

  2   R.  Quand on rassemblait, quand on était en train de rassembler les

  3   documents.

  4   Q.  [aucune interprétation]

  5   R.  Pour ce Tribunal-ci.

  6   Q.  C'était quand, Madame ?

  7   R.  Je ne me souviens pas de la date exacte, ça fait longtemps de cela.

  8   Q.  Ça s'est passé combien de temps après cet incident ?

  9   R.  Une année plus tard.

 10   Q.  D'après vous, quand est-ce qu'un camion-citerne est venu pour nettoyer

 11   les murs, pour laver cette pièce ?

 12   R.  Il y a un homme de Visegrad, un Serbe, qui a fourni tous les documents,

 13   il a dit que les restes d'ossements humains avaient été rassemblés et

 14   placés dans un petit camion, que ces ossements ont été emmenés. Personne ne

 15   veut dire où ils ont été emmenés, mais il y aura bien quelqu'un qui devra

 16   rendre compte du fait que tout notre village a trouvé la mort un jour. On

 17   dira où ces ossements ont été emmenés, car il y a un homme serbe qui a dit

 18   qu'on a été cherché ces ossements le lendemain. Mais tout n'avait pas brûlé

 19   jusqu'au bout et tout ça a été emmené dans un petit camion TAM. Il y a

 20   d'autres témoins qui pourront le confirmer. Personne ne me dira le

 21   contraire parce que moi j'ai survécu à tout ceci.

 22   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, nous allons

 23   maintenant faire une pause.

 24   --- L'audience est suspendue à 10 heures 21.

 25   --- L'audience est reprise à 10 heures 44.

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, vous pouvez.

 27   M. ALARID : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 28   Q.  Témoin, s'il vous plaît. Témoin 13, avez-vous toujours l'image de cette


Page 1078

  1   pièce à l'écran ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Vous avez dit avant que nous ne suspendions l'audience,

  4   que : "Quelqu'un sera jugé responsable pour toute la population de notre

  5   village, toute la population de notre village qui a péri," je vous cite. A

  6   l'évidence, il s'agit de toutes les personnes de votre village qui ont

  7   parcouru cet itinéraire à pied.

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Et vous souhaitez que quelqu'un soit tenu responsable pour cela, et

 10   tout d'abord Mitar Vasiljevic, n'est-ce pas ?

 11   R.  Non. Je ne souhaite pas que Mitar Vasiljevic soit tenu responsable de

 12   cela. Ce que je dis, c'est qu'il était présent et c'est dans ce sens-là que

 13   j'aimerais que sa responsabilité soit établie. Je ne pourrais pas accuser

 14   n'importe qui de cela. Vous, par exemple, je ne dirais pas, j'aimerais bien

 15   que vous soyez tenu responsable de ces événements parce que vous n'y étiez

 16   pas, alors que lui il y était. J'aimerais bien que cela soit éclairci.

 17   Q.  Oui, mais vous dites que quelqu'un qui venait de votre village était

 18   responsable de cela.

 19   R.  J'ai vu des voisins, nos voisins de notre village, au moment où on nous

 20   attaquait venir chercher des armes que nous aurions eues. Mais s'agissant

 21   des incendies, des pillages, des vols de bijoux et d'argent, le fait qu'on

 22   nous a forcés de nous déshabiller, voilà. S'agissant de tous ces faits là,

 23   j'ai vu des personnes le faire et je maintiens cela.

 24   Q.  Revenons à la pièce qu'on voit ici affichée. Vous avez déclaré qu'elle

 25   a été nettoyée par la suite.

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Et vous avez obtenu des preuves selon lesquelles cette pièce aurait été

 28   nettoyée moins d'un an, ou à peu près un an après l'incident ?


Page 1079

  1   R.  Il y a un Serbe - et je vous ai déjà dit son nom tout à l'heure - qui a

  2   dit à Nedzib Sadikovic que quelqu'un est venu, a recueilli tous les restes

  3   humains des ossements brûlés et carbonisés, et transféré cela ailleurs.

  4   Q.  Oui, mais tout à l'heure vous avez déclaré que vous, quand vous êtes

  5   revenue à Visegrad chercher des papiers, vous avez utilisé le pronom, donc

  6   au pluriel. Est-ce que vous vous comptiez vous-même dans ce groupe-là ?

  7   R.  Non, attendez. Nous sommes allés nous rendre sur les lieux pour montrer

  8   où cela s'était passé, pour confirmer que les gens de Koritnik, que tous

  9   ces gens-là ont perdu leurs vies là-bas. Pas un chat n'a survécu à cette

 10   catastrophe, comme on le dit chez nous. Vous ne pouvez pas contester cela.

 11   Cela s'est bien passé ainsi.

 12   Q.  Non. En fait, j'essaye de vous entendre, vous nous raconter ce qui

 13   s'est passé là-bas parce que je n'y étais pas. Est-ce que vous pourriez

 14   nous dire à quel moment vous êtes retournée chercher des documents et

 15   montrer à tout le monde ce qui s'est passé ?

 16   R.  Au bout d'un an à peu près. Il y a eu plusieurs personnes, des

 17   personnes très bien éduquées, des juges, des personnes comme ça qui sont

 18   allées là-bas sur les lieux pour montrer ce qui s'est passé.

 19   Vous venez de dire que vous-même, vous n'étiez pas là-bas, alors vous ne

 20   pouvez pas savoir non plus si j'y étais moi-même et vous avez peut-être

 21   raison de penser que moi-même je n'y étais pas, mais j'y étais et je vous

 22   le dis.

 23   Q.  Non, ce n'est pas ça la question, mais je voulais savoir si un an après

 24   cet événement il y avait toujours la guerre à Visegrad ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Et vous avez déclaré tout à l'heure qu'après votre fuite, vous avez

 27   passé trois ans loin de là ou quatre ans loin de là, sans même retrouver

 28   votre fils ?


Page 1080

  1   R.  Oui. A Visegrad il n'y avait plus contre qui mener la guerre, il n'y

  2   avait plus de Musulmans. Les Musulmans étaient soit expulsés, soit arrêtés.

  3   Il ne restait que les Serbes. Alors ils n'allaient pas mener la guerre

  4   contre eux-mêmes. C'était d'une manière tout à fait différente que je suis

  5   arrivée là-bas pour montrer, pour faire voir l'endroit où tout cela s'est

  6   passé.

  7   M. GROOME : [interprétation] Je pense qu'il y a la confusion ici. Juste

  8   avant le procès Vasiljevic, une mission a été organisée à laquelle j'ai

  9   participé. Et ce témoin, ainsi que d'autres survivants de l'incident de la

 10   Drina, ont été conduits là-bas en véhicules blindés pour nous montrer les

 11   endroits où des crimes avaient été perpétrés.  Cela s'est passé en 2000.

 12   J'essayerai de trouver la date exacte, mais je pense que c'est justement ça

 13   l'événement auquel le témoin a fait référence.

 14   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Merci. Nous allons entendre le

 15   témoin.

 16   M. ALARID : [interprétation] Oui, mais vous savez, cette objection formulée

 17   ainsi est censée donner, pour ainsi dire, un tuyau au témoin pour qu'elle

 18   sache ce qu'elle devrait dire. Parce qu'à plusieurs reprises, elle a parlé

 19   de mission qui aurait eu lieu un an après les événements.

 20   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne pense pas qu'il s'agisse là

 21   d'une objection, je pense peut-être que ce n'était pas nécessaire parce que

 22   le témoin peut expliquer d'elle-même ce qui s'est passé.

 23   M. ALARID : [interprétation]

 24   Q.  Pourriez-vous nous dire s'il est vrai que la guerre en Bosnie a duré

 25   plusieurs années après cet incident ?

 26   R.  Oui, partout en Bosnie et non pas seulement à Visegrad, encore quatre

 27   ans.

 28   Q.  Pensez-vous qu'il aurait été possible pour une femme, pour une


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  1   Musulmane, de se rendre en toute sécurité à Visegrad juste une année après

  2   l'incident ?

  3   R.  Beaucoup de temps est passé depuis. Je ne me souviens pas de ce que

  4   j'ai fait hier et il est très difficile pour moi de savoir qu'est-ce qui

  5   s'est passé il y a sept ans ou il y a 15 ans.

  6   Mais j'y suis allée, on m'a emmenée là-bas.

  7   Q.  Mais peut-on dire qu'on vous a conduite là-bas presque dix ans après

  8   l'incident et non pas un an après l'incident ?

  9   R.  Je ne me sais pas, je ne sais pas si cela a pu se passer dix ans plus

 10   tard.

 11   Q.  Vous avez indiqué que - tout d'abord, est-ce que cette personne a

 12   mentionné le nom de la personne qui avait nettoyé la

 13   pièce ?

 14   R.  Ce Serbe a dit à Nedzib Sadikovic cela, Nedzib Sadikovic lui a demandé,

 15   posé une question au sujet de sa femme, Sadija, qui, elle-même, avait brûlé

 16   dans cette maison.

 17   Q.  En regardant la photographie de cette pièce, je n'arrive pas à

 18   déterminer quelle était sa taille. Vous, qui étiez dedans, pourriez-vous

 19   peut-être nous dire quelles sont les dimensions de cette pièce ? J'ai

 20   l'impression qu'elle est plutôt petite.

 21   R.  D'après ce que j'ai pu voir, cette pièce - et il s'agissait d'une seule

 22   pièce - elle devait mesurer à peu près - mais là, je vous dis, je ne le

 23   sais vraiment pas - elle devait faire 4 mètres sur 3, je ne sais pas. Mais

 24   vous savez, c'est la maison où habitait Omeragic, sa fille Sombula et ses

 25   autres filles. Ils ont acheté ce bout de terrain de Jusuf Memic et c'est là

 26   qu'ils ont construit la maison.

 27   Q.  Oui, mais il y a deux étages au-dessus, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui, bien sûr. Il y avait une entrée, et en plus avec deux étages.


Page 1082

  1   Q.  Cette pièce-là, ces murs, sont en béton, n'est-ce pas ?

  2   R.  Non, ce n'était pas du béton, c'est du plâtre. Si les murs étaient en

  3   béton, ils seraient tombés.

  4   Q.  Mais ce qui est intéressant à remarquer, c'est que vous avez dit tout à

  5   l'heure que le plafond est également en béton, alors que vous avez déclaré

  6   que la maison entière avait commencé à brûler et qu'ensuite le feu s'était

  7   répandu sur d'autres maisons ?

  8   R.  Non, le feu ne pouvait pas atteindre la maison des Memic. La maison des

  9   Memic a été incendiée après ce qui s'est passé ici et le toit de la maison

 10   de Memic a brûlé. Il n'y avait que des murs qui restaient debout.

 11   Q.  Oui, mais ne peut-on pas dire que vous-même vous n'auriez pas pu voir

 12   ce qui se passait parce que vous vous trouviez dans une ravine ?

 13   R.  Le ruisseau à côté de la maison d'Omeragic, il ne faisait que 5 ou 6

 14   mètres, je me suis cachée derrière un buisson. Il y avait environ 20 mètres

 15   entre cet endroit-là et la ravine où je me suis cachée. Je pouvais très

 16   bien entendre les cris et les pleurs de ces gens. Vous savez, vous assurez

 17   la Défense des accusés, très bien, c'est tout à votre honneur, et vous

 18   devez faire votre travail, mais je ne peux vous dire que ce qui s'est

 19   réellement passé.  

 20   Q.  Je ne vous demande pas ou je ne dis pas que vous n'étiez pas sur les

 21   lieux, j'essaie seulement d'établir ce que vous avez vu de vos yeux à la

 22   différence de ce que vous avez pu entendre dire par quelqu'un d'autre. La

 23   seule chose que j'essaie de vous dire maintenant c'est que depuis l'endroit

 24   où vous vous trouviez, pour vous il était très difficile avec toute la

 25   végétation qu'il y avait de voir la maison des Memic.

 26   R.  Vous savez, cette maison des Memic avait deux étages plus un grenier.

 27   Avec l'éclairage, on pouvait tout voir, je n'étais pas très loin des

 28   maisons de Memic et d'Omeragic.


Page 1083

  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A quelle distance à peu près vous

  2   trouviez-vous de la maison des Memic ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être une quarantaine de mètres -- là de

  4   ce ruisseau encaissé.

  5   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

  6   Maître Alarid.

  7   M. ALARID : [interprétation] Peut-on afficher la pièce P56 pour voir un peu

  8   mieux de quoi il s'agit.

  9   Q.  Sur cette photographie vous nous avez indiqué le chemin que vous avez

 10   suivi, vous l'avez tracé en bleu.

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Et l'autre maison des Memic est le bâtiment de couleur jaunâtre qui se

 13   situe en face de la maison blanche.

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Vous avez déclaré également que ce bâtiment de trois étages n'existait

 16   pas à l'époque ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Bien. Peut-on dire alors que la ligne que vous avez tracée, qui part de

 19   la porte d'entrée de la maison des Memic jusqu'à l'endroit où elle

 20   s'arrête, parce qu'autrement elle sortirait de l'écran, représente environ

 21   40 mètres de distance ?

 22   R.  Oui, mais il y a ici un petit raccourci entre un passage entre les

 23   maisons des Omeragic et des Memic. Et le ruisseau lui-même passait par ici

 24   à environ 40 mètres de distance.

 25   Q.  Bien.

 26   M. ALARID : [interprétation] Peut-être qu'on peut maintenant afficher la

 27   photo P57 qui pourrait nous permettre de mieux voir.

 28   Q.  Madame le Témoin, c'est la photographie qui représente ce ruisseau,


Page 1084

  1   cette ravine qui se trouve un peu plus loin ?

  2   R.  Je ne vois pas cette photographie.

  3   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Peut-on vérifier ce qui est affiché,

  4   s'il vous plaît ?

  5   Il y a un problème technique. Les techniciens viendront intervenir mais

  6   vous pourriez peut-être passer à autre chose en attendant. J'ai

  7   l'impression que maintenant c'est fait.

  8   M. ALARID : [interprétation] Oui.

  9   Q.  Est-ce que vous voyez maintenant la photographie, Madame le Témoin ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Est-ce que la végétation qu'on voit sur cette photographie ressemble à

 12   celle qui existait à l'époque le long du lit du

 13   ruisseau ?

 14   R.  En ce qui concerne le gazon, oui. Mais ce qu'on voit ici à côté de la

 15   maison n'était pas aussi grand.

 16   Q.  Si j'ai bien compris, le propriétaire de cette maison n'avait pas

 17   intérêt à couper cette végétation, puisque le terrain descendait

 18   brusquement vers cette ravine ?

 19   R.  Oui. Voilà. Vous pouvez voir ici le buisson sous lequel je me suis

 20   glissée, et à 2 ou 3 mètres plus bas commençait cette ravine où je me suis

 21   cachée par la suite.

 22   Q.  Vous parlez de 2 ou 3 mètres. Vous voulez dire que

 23   c'était la profondeur ou la distance ?

 24   R.  Il s'agissait de 2 ou 3 mètres de distance entre le buisson et la

 25   ravine, qui, elle-même, était profonde d'environ un mètre et demi.

 26   Q.  Bien. Lors de l'interrogatoire principal vous avez tracé des cercles

 27   autour de plusieurs maisons et un grand cercle autour d'une zone où il y

 28   avait de la lumière ?


Page 1085

  1   R.  Oui, c'est l'éclairage des rues.

  2   Q.  Je ne vois pas ici de poteaux et je me demande s'il ne s'agissait pas

  3   tout simplement de la lumière qui se voyait à travers les fenêtres ?

  4   R.  Il y avait des poteaux devant les maisons dans les rues et il y avait

  5   également des lumières allumées dans les maisons dans le quartier de

  6   Glavica.

  7   Q.  Oui. Mais vous avez déclaré que les lumières étaient éloignées à

  8   environ une vingtaine de mètres, mais j'ai l'impression que la distance ici

  9   est bien supérieure à cela.

 10   R.  Si vous vous rendiez sur place, vous verriez bien que la distance

 11   n'était peut-être même pas 20 mètres. Il y avait 5 à 6 mètres de distance

 12   entre les maisons. Et quand je suis sortie des égouts, je me suis retrouvée

 13   juste sur la terrasse de cette maison où on voit maintenant toute cette

 14   végétation sur la photographie.

 15   M. ALARID : [interprétation] Peut-on aider le témoin à annoter la

 16   photographie ? Elle a montré plusieurs endroits différents.

 17   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Que voulez-vous qu'elle marque sur

 18   la photographie ?

 19   M. ALARID : [interprétation] Elle a montré l'endroit où elle est sortie des

 20   égouts, une terrasse, donc ça devrait être le premier endroit à marquer.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis sortie par ici. Il y avait un champ

 22   d'oignons ici. Je me souviens, je me suis couchée là. J'ai arraché un

 23   oignon, je l'ai mangé, puis j'ai poursuivi et je suis allée jusqu'à cet

 24   endroit-là, quelque part, on peut exprimer cela en mètres.

 25   Q.  Bien, j'essaie justement d'établir quelle distance cela représentait en

 26   mètres. Pourriez-vous nous dire si vous êtes allée jusqu'à la terrasse de

 27   cette maison qu'on voit complètement à gauche de la photographie ?

 28   R.  Oui, cette maison ici a une entrée au rez-de-chaussée. J'avais


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  1   l'intention de me coucher là pour dormir, mais j'avais trop peur, donc je

  2   n'ai pas osé m'endormir. Et c'est là qu'il y a l'entrée pour cette maison

  3   au rez-de-chaussée, et il y avait une autre entrée de l'autre côté au

  4   premier étage.

  5   Q.  Et cela s'est passé trois jours après l'incident. C'est trois jours

  6   plus tard que vous êtes arrivée sur la terrasse de cette maison ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  N'est-il pas vrai que la sortie des égouts se trouvait à plus de 150

  9   mètres de distance de la maison des Omeragic ?

 10   R.  Non, ce n'est pas aussi éloigné de la maison des Omeragic. Ces égouts

 11   sont reliés au restaurant Usce, qui se situe derrière la ravine. Je suis

 12   allée jusqu'à la Drina, j'ai eu l'impression de voir un gardien là-bas,

 13   alors que ce n'était qu'un arbre, donc j'ai rebroussé chemin, je suis

 14   montée de nouveau sur cette colline, accroupie et pieds nus, et je suis

 15   restée là-bas jusqu'à la troisième nuit où j'ai essayé de trouver un moyen

 16   pour quitter cet endroit-là.

 17   Q.  A quelle distance se trouve le quartier de Glavica de la maison d'Adem

 18   Omeragic ?

 19   R.  La maison d'Adem Omeragic se trouvait à 5 ou 6 mètres du ruisseau. J'ai

 20   roulé comme un ballon après être sortie de la maison par la fenêtre. Et

 21   toutes les autres maisons se trouvaient à peu près à une disante

 22   comparable.

 23   Q.  Vous nous avez dit que vous deviez rebrousser chemin. L'avez-vous fait

 24   par le même chemin, vous êtes revenue sur vos pas ou pas ?

 25   R.  Je suis allée jusqu'au restaurant Usce par un conduit d'égout qui était

 26   long de 500 mètres et qui allait jusqu'à la Drina. Et à la sortie, j'ai

 27   pris le chemin en direction de Kosovo Polje. Je ne suis pas revenue par

 28   ici.


Page 1087

  1   M. ALARID : [interprétation] P58, s'il vous plaît. Je demanderais d'abord

  2   le versement de cette photographie avant de passer à autre chose.

  3   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien.

  4   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera 1D28.

  5   M. ALARID : [interprétation]

  6   Q.  Madame le Témoin, en attendant qu'une nouvelle photographie soit

  7   affichée, dites-moi, s'il vous plaît, la chose suivante : on n'a pas

  8   l'impression que la lumière traversant ces fenêtres-là pourrait éclairer

  9   d'une manière importante ou suffisamment la ravine et la maison qui se

 10   trouvait de l'autre côté du ruisseau.

 11   R.  Oui, l'éclairage ne serait certainement pas suffisamment fort, mais

 12   quand même suffisant pour qu'on puisse se repérer et voir à peu près

 13   normalement.

 14   Q.  Vous dites qu'on pourrait voir normalement, même si autour il faisait

 15   nuit et qu'il y avait beaucoup d'ombres.

 16   R.  Non, il ne faisait pas nuit.

 17   Q.  Vous nous avez dit qu'on vous a tiré dessus, et que la personne qui a

 18   tiré sur vous se trouvait à 3 mètres de distance ?

 19   R.  Oui, 3 mètres.

 20   Q.  Et le monsieur qui tenait la torche se trouvait juste à côté de lui ?

 21   R.  Oui, à côté d'un poteau.

 22   Q.  Et la torche était dirigée vers vous ?

 23   R.  Vers les fenêtres. Ils tiraient sur les deux fenêtres. Pendant que

 24   Milan tirait sur une fenêtre, je suis sortie en sautant par l'autre fenêtre

 25   pour échapper des flammes. Je ne savais pas où aller.

 26   Q.  Milan Susnjar, où se trouvait-il ?

 27   R.  Il n'était pas là. Il nous a fait nous déshabiller plus tôt dans la

 28   maison de Jusuf Memic, mais il n'était pas ici.


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  1   Q.  Mais si je vous disais que votre fils avait déclaré que Susnjar se

  2   trouvait juste devant cette fenêtre, est-ce que ce serait faux ?

  3   M. GROOME : [interprétation] Objection. Je pense que la Défense a tout à

  4   fait le droit d'exposer ce type d'argument à la Chambre, mais non pas de le

  5   faire devant ce témoin.

  6   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais peut-il lui demander si

  7   elle s'est peut-être trompée ?

  8   M. GROOME : [interprétation] Je pense qu'on peut lui demander si elle s'est

  9   trompée, mais je ne pense pas qu'on puisse lui dire que le fait que son

 10   fils ait déclaré autre chose soit un argument, c'est plutôt quelque chose

 11   que la Défense pourrait soumettre à la Chambre.

 12   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais il peut lui demander si elle

 13   s'est peut-être trompée.

 14   M. ALARID : [interprétation]

 15   Q.  Est-il possible que vous vous êtes trompée au sujet de la présence de

 16   Milan Susnjar ?

 17   R.  Nous tous qui nous trouvions dans ce groupe pourrions dire peut-être

 18   des choses différentes, parce que chacun d'entre nous a pu voir les mêmes

 19   événements d'une manière un peu différente, et nous n'avons pas tous

 20   regardé la même chose au même endroit et au même moment. Nous avons pu

 21   peut-être chacun d'entre nous voir un peu quelque chose de différent, mais

 22   je vous dis, celui là, Milan Susnjar, était dans l'autre maison. C'est là-

 23   bas qu'il nous faisait nous déshabiller. Ici, je ne l'ai pas vu.

 24   Q.  Vous avez également déclaré que vous avez sauté par la fenêtre

 25   immédiatement après votre fils ?

 26   R.  Deux ou trois minutes après.

 27   Q.  Mais de toute manière les fenêtres étaient les seules sorties possibles

 28   pour vous ?


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  1   R.  Oui, pour ceux qui pouvaient le faire, il y avait deux fenêtres mais je

  2   ne pouvais pas sortir par la deuxième fenêtre. C'est au moment où il a

  3   commencé à tirer sur la deuxième fenêtre que j'en ai profité pour essayer

  4   de sortir par la première, et quand j'ai sauté par cette fenêtre, je me

  5   suis retrouvée directement devant Milan Lukic.

  6   Q.  Bien. Et la personne qui tenait la torche, est-ce qu'il dirigeait la

  7   torche vers vous directement ?

  8   R.  En fait, il éclairait les fenêtres. Je ne sais pas s'il a dirigé la

  9   lampe directement vers moi. Si c'était le cas, j'imagine qu'on m'aurait

 10   tuée sur place.

 11   Q.  Bien. Quand quelqu'un dirige une source de lumière vers vous, n'est-il

 12   pas vrai que vous ne pouvez pas voir cette personne-là justement à cause de

 13   la lumière, que vous ne pouvez pas reconnaître cette personne-là parce que

 14   vous êtes aveuglée par la lumière ?

 15   R.  Vous voulez dire que Mitar Vasiljevic n'était pas là-bas ?

 16   Q.  Est-il possible que vous vous trompiez, que Mitar Vasiljevic n'était

 17   pas là-bas en fait ?

 18   R.  Non, non, je ne me trompe pas.

 19   Q.  Et vous, vous ne vous trompez pas, parce que vous connaissez Mitar

 20   Vasiljevic depuis très longtemps ?

 21   R.  Oui, je le connaissais. Il travaillait comme serveur.

 22   Q.  Vous le connaissiez, il était habitant de Visegrad, Serbe, qui avait

 23   des amis musulmans, qui travaillait avec les Musulmans ?

 24   R.  Oui. Vous savez, nous étions tous des amis qu'on s'appelle Petar ou

 25   Mohamed, n'importe, avant la guerre on vivait tous ensemble en harmonie.

 26   Q.  Indépendamment de votre participation dans tout ceci, quand avez-vous

 27   commencé à entendre des récits concernant Mitar Vasiljevic et Milan Lukic ?

 28   R.  Il y avait rien à entendre. Milan Lukic est venu à la porte de la


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  1   maison. Et toutes ces autres personnes qui avaient péri dans l'incendie le

  2   connaissaient ainsi que Mitar Vasiljevic et Milan Susnjar qui était

  3   surnommé "Lalco." Je vous vois, Monsieur, maintenant ici dans cette salle

  4   d'audience, cinq ans plus tard, quel que soit l'endroit où nous nous

  5   retrouverons, je vous reconnaîtrais et je vous dirais : "Bon après-midi,

  6   Monsieur, bonjour, vous êtes un tel." J'ai encore une bonne mémoire pour

  7   autant que je puisse, bien que je sois une paysanne ayant que quelques

  8   années d'instruction. J'ai survécu dans tout cela et j'ai encore quelques

  9   souvenirs d'école. Et même si ce n'était pas le cas je sais qui je connais.

 10   Vous ne pouvez pas me convaincre du tout que ce que je dis est faux et que

 11   je n'ai pas vécu ce que j'ai vécu.

 12   Q.  Madame, ce n'est pas la question que je vous ai posée. Je vous ai

 13   demandé, à quel moment avez-vous entendu des histoires concernant Mitar

 14   Vasiljevic et Milan Lukic soit dans la communauté musulmane, avant ou après

 15   ces épreuves ?

 16   R.  Bien, les gens qui occupaient d'autres postes connaissaient Milan Lukic

 17   et Mitar Vasiljevic et savaient qu'ils avaient tué des personnes des les

 18   villages. Ils maltraitaient les gens, ils les insultaient, ils emmenaient

 19   les filles pour les violer avant que nous n'ayons été expulsés et chassés à

 20   Visegrad.

 21   Q.  Donc ça a dû vous blesser de savoir que ces villageois avaient ces

 22   histoires qui étaient racontées à leur sujet, y compris de telles violences

 23   contre votre population ?

 24   R.  Certainement. Les gens étaient saisis de panique, de peur. Ils sont

 25   allés se cacher dans les bois, ils ont quitté leurs maisons. Tout était

 26   détruit. On n'a pas laissé une seule maison debout. Personne, il n'y avait

 27   rien d'ailleurs vers quoi revenir. Les maisons peuvent être reconstruites,

 28   mais ça ne ramènera pas les gens, tout au moins pas ceux qui ont trouvé la


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  1   mort.

  2   Q.  Serait-il juste de dire que si vous étiez en mesure de les reconnaître

  3   comme responsable de ces incidents, ce serait comme de les tenir pour

  4   responsables d'autres choses que vous avez entendu dire ?

  5   R.  Maître, je ne suis pas venue ici pour accuser qui que ce soit, n'est-ce

  6   pas. Je suis venue seulement pour dire ce que j'ai subi. Le Tribunal est

  7   ici pour décider et de décider ce qui est droit, ce qui est vrai et ce qui

  8   est faux.

  9   M. ALARID : [interprétation] Pourrait-on, s'il vous plaît, revoir la pièce

 10   P59.

 11   Q.  Alors, regardons à nouveau cette photo. N'est-il pas vrai qu'on ne peut

 12   pas voir la fenêtre par laquelle vous vous êtes échappée, parce qu'elle se

 13   trouve décalée à gauche et qu'il y a une obstruction sur la photographie ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Mais cette deuxième fenêtre se trouve seulement à environ

 16   2 mètres de celle que nous pouvons voir ?

 17   R.  Je ne sais pas si c'était 2 mètres ou, enfin, il y avait ces deux

 18   fenêtres si elles étaient côte à côte.

 19   Q.  Mais lorsque vous avez décrit cette pièce - et j'étais en train

 20   d'essayer de faire une supposition - d'après votre réponse dans laquelle

 21   c'était une pièce de 3 à 4 mètres.

 22   R.  Je n'ai pas mesuré. J'ai dit en gros.

 23   Q.  Alors, faire entrer 70 personnes dans cette pièce, ça fait beaucoup,

 24   beaucoup de monde, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui. Oui. C'est pour ça que j'ai marché sur les pieds de certaines

 26   personnes pour atteindre la fenêtre et avoir un peu d'air. Parce que je me

 27   suis rendu compte tout de suite que ou bien nous allions brûler vif ou bien

 28   ils allaient nous couper la gorge. Ceux qui se rappelaient encore la


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  1   guerre, pas comme moi, mais ils se sont immédiatement rendu compte de ce

  2   qui se passait et ils continuaient à nous dire : "Vous, les jeunes, vous

  3   pouvez courir, alors prenez vos jambes à votre cou."

  4   Je suis frayée un chemin avec mon enfant jusqu'à la fenêtre et au moment où

  5   l'explosion a eu lieu, Mitar Vasiljevic et Lukic se trouvaient à l'angle de

  6   la maison et deux personnes ont sauté avant moi. J'ai poussé mon enfant par

  7   la fenêtre et j'ai suivi dès que j'ai pu le faire nu-pieds et j'ai perdu

  8   mes chaussures en me frayant un chemin au milieu des autres dans la foule,

  9   donc j'ai sauté pieds nus.

 10   Q.  Madame, je ne veux pas vous interrompre parce que je sais que vous êtes

 11   en train de parler, mais ce n'est pas nécessairement la question que je

 12   vous ai posée, et je voudrais vous demander, s'il vous plaît, si ce n'est

 13   pas trop difficile pour vous, que vous répondiez à mes questions telles que

 14   je les pose. Est-ce qu'on peut faire ça ?

 15   R.  Oui, je peux le faire.

 16   Q.  Alors, alors que vous deviez vous frayer un passage à travers les

 17   autres, combien de personnes avez-vous dû écarter pour arriver jusqu'à la

 18   fenêtre ? Vous avez dit que vous avez dû marcher sur les pieds de certaines

 19   personnes.

 20   R.  Bien, quand 70 personnes sont bourrées dans une pièce, combien de

 21   personnes faut-il écarter ? Bien, ceux qui se trouvaient devant moi. Alors,

 22   quand on se trouve dans une petite pièce, il faut se frayer un chemin, il

 23   faut pousser les autres pour parvenir à la fenêtre, n'est-ce pas.

 24   Q.  Oui. Madame, effectivement. A partir du moment où vous êtes à la

 25   fenêtre, tous ceux que vous avez dû repousser maintenant vous empêche de

 26   voir, ils se trouvent entre vous et la porte d'entrée de la maison, n'est-

 27   ce pas ?

 28   R.  Non, pas nécessairement. Ils m'ont bien vue et ça ne bouchait pas la


Page 1094

  1   vue. On me voyait bien et ils me disaient : "Pourquoi est-ce que tu

  2   pousses." J'ai dit que je voulais de l'air, de l'air frais. Il ne faisait

  3   pas très sombre. Il y avait de l'éclairage à l'extérieur et il y avait de

  4   l'éclairage des maisons voisines. Pas beaucoup mais suffisamment pour voir.

  5   Q.  Il n'y avait pas de sources de lumière dans la pièce, n'est-ce pas ?

  6   R.  Il n'y avait pas d'ampoules allumées à l'intérieur. Personne n'a allumé

  7   la lumière, parce que personne n'a pensé à allumer l'ampoule. Les gens

  8   avaient trop peur pour le faire.

  9   Q.  Donc la seule source de lumière c'était les lumières qui provenaient

 10   des maisons qui se trouvaient de l'autre côté de la ravine ou du cours

 11   d'eau, et tout ce qui pouvait venir par la porte d'entrée, dans un sous-sol

 12   sombre, n'est-ce pas ?

 13   R.  C'était par les fenêtres, et pas par la porte, parce que ces fenêtres

 14   faisaient face aux lumières, et l'entrée était sur la paroi opposée.

 15   Q.  Et il y avait plusieurs personnes entre [inaudible] à partir du moment

 16   où vous avez réussi à atteindre la fenêtre, c'est à ce moment-là que le feu

 17   a commencé, n'est-ce pas ?

 18   R.  Avant que le feu ne commence, j'étais déjà près de la fenêtre avec mon

 19   fils. Quand le feu a commencé, deux témoins que j'ai nommés précédemment

 20   ont pu sauter à l'extérieur parce que cette dame a brisé le carreau.

 21   Q.  La question que je vous ai posée, c'était lorsque vous avez frayé votre

 22   chemin en repoussant les gens, ça vous bouchait la vue par rapport à la

 23   porte, n'est-ce pas ?

 24   R.  Bien, tout ce qu'on pouvait attendre, c'est que par cette porte

 25   quelqu'un n'entre pour nous tuer. En fait, on regardait par la fenêtre pour

 26   voir si on pouvait sauter par la fenêtre, si on osait le faire. Parce que

 27   si on ne prenait pas ce risque, nous allions brûler vifs.

 28   Q.  Mais ceux qui se trouvaient entre vous et la porte vous bouchaient la


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  1   vue par rapport à la porte, n'est-ce pas ?

  2   R.  Mais je ne regardais même pas vers la porte. Je me concentrais sur la

  3   fenêtre de façon à me sauver ainsi que mon enfant.

  4   Q.  N'est-il pas vrai à ce moment-là que vous pouviez pas voir le visage de

  5   la personne qui a ouvert la porte et qui a jeté quelque chose pour mettre

  6   le feu, parce que c'était impossible, parce que vous regardiez par la

  7   fenêtre, et qu'il n'y avait pas suffisamment de lumière, puis qu'il y avait

  8   toutes ces personnes que vous aviez dû pousser pour vous frayer un chemin.

  9   Donc votre vue était bouchée par rapport à la porte ?

 10   R.  Monsieur, Maître, les personnes qui étaient là étaient toutes assises.

 11   Il y avait les vieillards, les infirmes, les enfants. Tous avaient dû

 12   s'asseoir. Il y avait des femmes - j'espère que les gens de la Chambre

 13   voudront bien m'excuser - mais qui devaient nourrir leurs enfants, et la

 14   porte s'est ouverte lorsque M. Milan a apporté cet engin. Tout le monde l'a

 15   vu. Je n'étais pas la seule à l'avoir vu. Tout le monde l'a vu.

 16   Q.  Si je vous disais que M. Kurspahic, avant qu'il ne décède, avait dit

 17   que la porte s'était brusquement ouverte comme si --

 18   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai une objection à

 19   élever. Je veux dire, la question appropriée ne serait-elle pas en fait que

 20   la porte s'est brusquement ouverte, une affirmation de fait de ce genre.

 21   Mais commencer à demander au témoin d'examiner un autre aspect -- enfin, je

 22   pense que c'est une façon inappropriée de poser la question.

 23   M. ALARID : [interprétation] Je crois qu'il se peut que le témoin ait dit

 24   qu'elle avait parlé à ce témoin-là, mais il se peut que je me trompe.

 25   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Parlé avec Kurspahic ?

 26   M. ALARID : [interprétation] Le vieux Kurspahic, le père qui est décédé en

 27   1996, je crois.

 28   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, le Kurspahic dont le


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  1   témoin a parlé, c'était le Kurspahic qui a témoigné ici il y a quelques

  2   jours.

  3   [La Chambre de première instance se concerte]

  4   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle était la

  5   question ?

  6   M. ALARID : [interprétation] La question était que s'il y avait témoignage

  7   concernant le vieux Kursaphic, à savoir que la porte avait été très

  8   brusquement ouverte, comme par une roquette, comme par une explosion, voire

  9   un souffle, ne pourrait-elle pas se tromper ?

 10   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez avoir fait

 11   une erreur ? Est-ce que la porte aurait pu être ouverte comme par une

 12   roquette ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais de quelle roquette voulez-vous parler ?

 14   Allons-y. Voyons. Quand même. Personne n'aurait survécu, bien que je ne

 15   sache pas grand-chose concertant les explosifs, les munitions. Les

 16   roquettes, c'est pour tirer sur les avions. L'ensemble de la maison aurait

 17   été détruite.

 18   M. ALARID : [interprétation]

 19   Q.  Madame, je me réfère simplement à des renseignements qu'un autre

 20   survivant a donnés.

 21   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le témoin a répondu. Veuillez

 22   poursuivre.

 23   M. ALARID : [interprétation]

 24   Q.  Vous avez dit que vous aviez parlé à son fils Huso Kurspahic par la

 25   suite, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui. On s'est vu plus tard, mais je ne peux pas dire que nous ayons

 27   vraiment eu une conversation.

 28   Q.  Vous savez qu'il était commandant de la police pour la partie musulmane


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  1   à ce moment-là, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui, il faisait partie de la police. C'était son travail. Pas seulement

  3   lui, mais il y avait également des Serbes.

  4   Q.  Mais ce que je voudrais savoir, c'est comment vous connaissez Huso ?

  5   R.  C'était un voisin. Nos maisons étaient très proches l'une de l'autre.

  6   Nous vivions tous comme une communauté, donc je savais où il travaillait.

  7   Q.  En tant que policier, dans ses obligations, quand il vous a parlé en

  8   tant que survivante, est-ce qu'il a recueilli une déclaration de votre part

  9   ?

 10   R.  Il a pris brièvement des notes, parce que je n'ai pas voulu lui dire,

 11   la première fois qu'on s'est vu, ce qui était véritablement arrivé à ses

 12   sœurs et à ses parents. Il a pris quelques notes, mais je ne me suis pas

 13   adressée à lui. Il m'a demandé, après, posé des questions concernant sa

 14   famille, mais je ne voulais pas à l'époque lui dire que tous avaient péri.

 15   Q.  Est-ce qu'il a fait une déclaration qu'il vous aurait présentée de

 16   façon à ce que vous puissiez l'examiner et la signer en ce qui concerne les

 17   crimes commis cette nuit-là ?

 18   R.  Je n'ai rien signé pour lui. Quant à savoir s'il a écrit quelque chose,

 19   je ne suis pas en mesure de vous le dire.

 20   Q.  Maintenant, parlons de la description des auteurs des crimes. Que

 21   portait Mitar Vasiljevic ? Comment était-il vêtu ?

 22   R.  Un couvre-chef noir, un costume noir, quand il est venu à la maison de

 23   Jusuf Memic. Et lorsqu'il venait à cette maison, il venait nu-pieds. Ça,

 24   c'était de jour. Il avait également un imperméable noir.

 25   Q.  Donc c'est comme ça que vous vous rappelez cette personne le jour

 26   lorsqu'il a donné ce papier à M. Memic selon lequel --

 27   R.  C'est comme ça que je me souviens de lui.

 28   Q.  Et ce papier avait pour but d'assurer votre sécurité ?


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  1   M. GROOME : [interprétation] Juste pour que les choses soient bien exactes,

  2   je crois que la déposition c'est que cette feuille de papier a été remise à

  3   Mujo Halilovic, et non pas à Memic.

  4   M. ALARID : [interprétation] Merci de m'avoir corrigé.

  5   Q.  Mais cette note visait à assurer la sûreté, la sécurité de l'occupant

  6   [comme interprété] de cette maison ?

  7   R.  M. Mitar Vasiljevic est venu, et il a dit que nous devions rester là

  8   jusqu'au matin lorsque nous serions amenés à Kladanj. Il a sorti une petite

  9   bouteille et a offert à M. Halilovic un coup de cognac. Il lui a également

 10   tendu un morceau de papier qui disait : "Ne vous inquiétez pas, vous serez

 11   en sûreté."

 12   Q.  Comment est-ce que Mitar était habillé cette nuit-là ?

 13   R.  Ce soir-là il portait à nouveau des vêtements noirs.

 14   Q.  Il était toujours pieds nus ?

 15   R.  Je n'ai pas vu s'il était pieds nus cette nuit-là, mais il était pieds

 16   nus lorsqu'il est venu dans la journée.

 17   Q.  C'était toujours ce chapeau noir de cow-boy ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Comment est-ce que la personne que vous croyez être Milan Lukic était

 20   vêtue ?

 21   R.  Il portait un uniforme de camouflage.

 22   Q.  De quelle couleur ?

 23   R.  Un uniforme de camouflage vert et marron.

 24   Q.  Et pour l'autre Milan, comment était-il ?

 25   R.  L'autre Milan, Susnjar, qui était surnommé "Lalco", portait des

 26   vêtements civils.

 27   Q.  Et Sredoje ?

 28   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.


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  1   M. CEPIC : [interprétation] Nous avons déjà eu cette réponse. Le témoin a

  2   dit qu'il n'avait pas vu de ses yeux Sredoje Lukic, au cours de

  3   l'interrogatoire principal.

  4   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous vu Sredoje, Témoin ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Sredoje était près de la maison, et Edhem

  6   Kurspahic l'a vu.

  7   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Alors vous ne l'avez pas vu.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne l'ai pas vu. Il y avait Bosko Djuric,

  9   Sredoje Lukic, Milan Susnjar, Mitar Vasiljevic. En fait, excusez-moi, Milan

 10   Lukic et Milan Susnjar. Et il y en avait d'autres que je ne connaissais

 11   pas.

 12   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Alarid, poursuivez.

 13   M. ALARID : [interprétation]

 14   Q.  Donc vous ne savez pas ce que Sredoje portait à un moment quelconque au

 15   cours de la journée, c'est ça que vous nous dites ?

 16   M. CEPIC : [interprétation] Mais nous avons déjà eu une réponse claire sur

 17   cette question, Monsieur le Président. Merci.

 18   M. ALARID : [interprétation] Lorsque j'ai été d'accord qu'elle avait dit

 19   qu'elle ne l'avait pas vu cette nuit-là, mais je pense qu'elle a dit

 20   qu'elle l'avait vu plus tôt dans la journée.

 21   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, et c'est à une heure

 22   différente. Laissez le témoin répondre à la question.

 23   M. ALARID : [interprétation]

 24   Q.  Donc il est vrai que vous ne pouvez pas vous souvenir ?

 25   R.  Bien, dès que les autres personnes l'ont vu, ceci veut dire en fait

 26   qu'ils ne l'ont pas inventé.

 27   Q.  Donc vous ne vous souvenez tout simplement pas ?

 28   R.  Je me rappelle tout ce que j'ai déclaré tel que je l'ai déclaré. Ce que


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  1   j'ai dit, c'est que quand les autres personnes l'ont vu, ces personnes ne

  2   mentaient pas, parce qu'elles savaient très bien qui se trouvait comme

  3   voisin à la porte à côté, qui était d'Uzice et qui était d'où.

  4   Q.  Que portait Bosko ?

  5   R.  Des vêtements civils. Il travaillait comme chauffeur de taxi à

  6   Visegrad.

  7   Q.  Vous avez dit qu'il y avait d'autres personnes qui étaient présentes.

  8   Combien ?

  9   R.  Je ne les ai pas comptées.

 10   Q.  Que portaient-elles ?

 11   R.  Certains étaient en vêtement civil, d'autres étaient dans des uniformes

 12   de camouflage.

 13   Q.  Combien de personnes au total qui n'étaient pas victimes de cette

 14   tragédie ?

 15   R.  Je viens de vous le dire, je ne les ai pas comptées.

 16   Q.  Donnez-moi un ordre de grandeur, s'il vous plaît, je ne vais pas vous

 17   demander d'être précise.

 18   R.  Cinq, six.

 19   Q.  Y compris les cinq que vous avez nommés, ou est-ce que c'est cinq ou

 20   six de plus que ceux que vous avez nommés ?

 21   R.  En plus.

 22   Q.  Donc au total il y a dix à 12 personnes qui se trouvaient là à ce

 23   moment-là, c'est ça que vous nous dites ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Où se trouvaient les autres personnes, d'une façon

 26   générale ?

 27   R.  Autour de la maison ou dans la maison.

 28   Q.  S'il n'y avait que deux issues pour la maison, soit par les fenêtres,


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  1   soit par les portes, pourquoi auraient-ils besoin de se trouver de l'autre

  2   côté ?

  3   R.  C'était pour que les gens ne puissent pas s'échapper.

  4   Q.  Etaient-ils armés ?

  5   R.  Ceux que j'ai vus étaient effectivement armés. Je pense que les autres

  6   l'étaient aussi, mais personne ne circulait sans arme à feu ou fusil.

  7   Q.  Maintenant, est-il vrai que vous n'aviez jamais vu Milan Lukic avant

  8   cette journée ?

  9   R.  Avant ce jour-là, je le voyais en ville, parfois sur un bus, bien qu'il

 10   travaillait en Serbie.

 11   Q.  Quelle est la dernière fois que vous l'avez vu avant juin 1992 ?

 12   R.  Je ne peux pas me rappeler la date précise, mais j'avais l'habitude de

 13   le voir lorsque nous allions dans un hôtel.

 14   Q.  Quel hôtel ?

 15   R.  Le nouvel hôtel appelé Panos.

 16   Q.  Quand l'avez-vous vu au nouvel hôtel Panos ?

 17   R.  Je ne peux pas me rappeler la date exacte, mais je le voyais quand je

 18   revenais des champs. Notre groupe s'arrêtait pour prendre un verre. Mitar

 19   était un serveur. C'était son collègue et un voisin.

 20   Q.  Comment saviez-vous cela ?

 21   R.  Comment nous savions cela ? Bien, Visegrad n'est pas New York, on

 22   connaît ses voisins.

 23   Q.  Combien d'années avant la guerre, si c'était si long que cela, avez-

 24   vous vu Milan à l'hôtel Panos ?

 25   R.  Je ne l'ai pas vu si souvent que cela avant la guerre, parce que je

 26   travaillais dans les champs, mais on s'apercevait de temps en temps.

 27   Q.  Soyez aussi précise que possible. Je ne vous demande pas une date, mais

 28   ce serait bien si vous pouviez nous indiquer un mois ou une année ou une


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  1   saison au cours de l'année. Est-ce que vous pourriez nous renseigner ?

  2   R.  Je ne me peux pas me rappeler la date ni le mois ni l'année, parce que

  3   je ne le notais pas mentalement quand je rencontrais quelqu'un sachant

  4   qu'un jour je viendrais ici pour vous dire quand et où j'avais rencontré

  5   telle ou telle personne, mais on se voyait.

  6   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Combien de fois l'avez-vous vu à

  7   l'hôtel ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Sur une période de deux ou trois mois lorsque

  9   nous allions au restaurant. Nous n'avions pas l'habitude d'aller au

 10   restaurant fréquemment, mais c'est à cette occasion que je l'ai vu.

 11   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc si j'ai bien compris, vous

 12   l'avez vu à l'hôtel pendant une période de trois mois, et c'était au

 13   restaurant ? Est-ce que vous avez un souvenir quelconque du nombre de fois

 14   que vous l'avez effectivement vu à l'hôtel ou au restaurant ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, une fois de temps en temps sur trois ou

 16   quatre mois. On se voyait en ville les mercredis. On se réunissait les

 17   mercredis.

 18   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous parlais de l'hôtel. Vous

 19   nous avez dit que vous aviez vu Milan à l'hôtel. Et j'essayais de savoir de

 20   vous si vous l'aviez vu une fois à l'hôtel ou deux fois ou trois fois ?

 21   Est-ce que vous pourriez essayer de répondre à cette question ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Deux fois par an on se voyait en passant. 

 23   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que c'était à l'hôtel ou est-

 24   ce que c'était dans un autre lieu ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était à l'hôtel.

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Est-ce que vous vous rappelez

 27   quelle était l'année ? C'est peut-être difficile, mais est-ce que vous avez

 28   une idée quelconque du moment où ça a eu lieu ? Et si vous ne vous rappelez


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  1   pas exactement quelle année c'était, combien d'années avant 1992 ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne m'en souviens pas exactement. Je ne me

  3   souviens pas de l'année ni de la date. Vous savez je n'y ai pas réfléchi.

  4   On voit simplement quelqu'un en passant, on le croise, on dit bonjour, mais

  5   je ne me souviens pas d'une date.

  6   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Maître Alarid.

  7   M. ALARID : [interprétation]

  8   Q.  Une question de suivi après la question posée par les Juges. Est-ce que

  9   quelqu'un vous a présenté officiellement ou formellement ? Est-ce qu'il y a

 10   eu des présentations ?

 11   R.  Non, parce que je le connaissais déjà avant, il était donc inutile que

 12   quelqu'un me le présente et me dise, "Voilà c'est notre voisin Milan Lukic

 13   ou Mitar Vasiljevic."

 14   Q.  Mais je veux savoir dans quelles circonstances vous connaissiez Milan

 15   Lukic auparavant, c'est ça qui m'intéresse.

 16   R.  Vous savez, j'ai passé 20 ans dans le village de Koritnik. Mes enfants

 17   y ont fréquenté l'école. Nous sommes allés à des bals. Moi, je connais tout

 18   le comté et tous les villages.

 19   Q.  Pourtant n'est-il pas vrai de dire que le village d'origine de Milan se

 20   trouve à plus de 20 kilomètres par la route ?

 21   R.  C'est peut-être vrai à partir de la ville, mais depuis le village de

 22   Koritnik ce n'est pas aussi éloigné, il n'y a pas une telle distance

 23   jusqu'au village de Rujiste.

 24   Q.  Et vous avez eu des choses à faire sans arrêt à Rujiste de telle sorte

 25   que vous connaissiez sa famille ?

 26   R.  J'avais un parent proche au village de Klasnik, un parent à qui je

 27   rendais visite et pour aller là-bas il fallait passer par Rujiste.

 28   Q.  Quel âge avait Milan la première fois que vous l'avez vu, lorsque vous


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  1   êtes passée par le village de Rujiste ?

  2   R.  Je n'ai pas essayé de deviner quel âge il avait. C'était un jeune

  3   garçon.

  4   Q.  Jeune, vous dites, mais quel âge à peu près ?

  5   R.  Il était jeune. Je n'étais pas présente à sa naissance pour le savoir.

  6   Peut-être qu'il avait 20 ans, peut-être un peu plus de 20 ans.

  7   Q.  La dernière fois que vous l'avez vu, est-ce qu'il avait 20 ans ou est-

  8   ce que c'était la première fois que vous l'avez vu qu'il avait cet âge-là ?

  9   R.  En tant que jeune homme, il avait 20 ans. Bien sûr qu'il a plus que 20

 10   ans maintenant.

 11   Q.  Est-ce que vous voulez dire que la première fois que vous avez vu Milan

 12   Lukic il avait 20 ans ?

 13   R.  Je ne sais pas s'il avait exactement 20 ans, je n'ai pas pu déterminer

 14   son âge.

 15   Q.  Et c'est ce que vous avez pu déterminer alors que vous passiez par le

 16   village de Rujiste pour aller au village de Klasnik ?

 17   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas de connaissance qu'on

 18   peut parler ici. Parce qu'elle a dit qu'elle l'avait vu quand elle passait

 19   par Rujiste.

 20   M. ALARID : [interprétation]

 21   Q.  Il faudrait peut-être vous demander comment il se fait que vous soyez

 22   sûre que c'était bien Milan Lukic que vous avez vu, alors que vous avez vu

 23   un jeune homme d'une vingtaine d'années en passant par le village de

 24   Rujiste ?

 25   R.  Tout le monde savait où les gens habitaient. On allait à l'école

 26   ensemble. On allait à des réunions de parents à l'école ensemble, donc tout

 27   le monde connaissait les fils des autres.

 28   Q.  Est-ce que vous vous aviez un fils qui avait 20 ans quand Milan avait


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  1   20 ans, ou est-ce que vous vous aviez 20 ans quand lui avait 20 ans aussi ?

  2   R.  J'ai un fils aîné qui allait à des bals à Prelovo quand il avait 11

  3   ans, et il s'est marié trois fois pendant les 30 ans qu'il a vécu.

  4   Q.  Comment est-ce que ceci vous donne une connaissance personnelle de

  5   Milan Lukic ?

  6   R.  Je n'ai pas de connaissance personnelle précise de Milan Lukic. C'était

  7   un voisin qui grandissait tout près de chez nous, c'est tout ce que je peux

  8   dire.

  9   Q.  N'est-il pas vrai de dire qu'il ne faut pas passer par Rujiste pour

 10   aller de Koritnik à Klasnik ?

 11   R.  On peut passer par une autre route, mais on peut passer par Rujiste. Il

 12   y a aussi le village d'Omeragici, il y a Sitarevo et Kamenica à l'arrière

 13   de Rujiste et des villages les plus éloignés.

 14   Q.  Est-ce que ce n'est pas là vraiment un détour ?

 15   R.  Oui. Pour aller au village de Sitarevo, mais pas pour aller à Rujiste.

 16   Il était facile d'y aller à pied.

 17   Q.  Lorsque vous avez vu ce Milan Lukic qui avait 20 ans, qui vous l'a

 18   indiqué ? Est-ce que vous vous êtes arrêtée ? Est-ce que quelqu'un vous l'a

 19   montré, vous l'a indiqué ?

 20   R.  Je ne lui ai pas parlé, personne ne me l'a indiqué. Bien entendu, je

 21   connaissais les surnoms qu'on donnait à tout le monde. Vous allez avoir un

 22   autre témoin qui se trouvait dans la même classe que lui. Elle s'appelle

 23   Latifa. Elle était mariée à Omer Kurspahic.

 24   Q.  Vous avez parlé à combien de témoins depuis ces

 25   événements ?

 26   R.  Je n'ai parlé à personne de façon précise de ces choses. Tout le monde

 27   a connu cette tragédie. Latifa a perdu son mari, son père et son fils de 11

 28   ans, aujourd'hui elle vit en Autriche.


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  1   Q.  Quel âge a Latifa ?

  2   R.  Je ne sais pas quel âge elle a, mais elle devait avoir 21 ans ou 22 ans

  3   quand elle s'est mariée. Elle avait une fille ou deux, et le fils Aner qui

  4   est mort avec son père à Kremna. Lorsque son beau-père, Hasan Kurspahic et

  5   sa femme Meha sont venus la voir à Sarajevo, elle a dit, "J'ai été les

  6   voir," et ils m'ont dit que Milan Lukic avait emmené Aner Kurspahic et le

  7   Fikret qui était dans l'armée, je ne sais pas, à Belgrade, et qu'ils

  8   avaient emmené son fils Aner qui était resté à Kremna, et Latifa a demandé

  9   à ce monsieur de laisser partir son mari et son beau-frère, et je lui ai

 10   demandé, "Comment est-ce que tu as pu oublier ton fils ?" Elle a dit, "Je

 11   ne sais pas." Et ils ne savent toujours pas ce qu'il est advenu de ces deux

 12   hommes et de cet enfant, et si c'est nécessaire elle viendra ici vous le

 13   confirmer.

 14   Q.  Ce qui veut dire que vous avez longuement parlé avec d'autres personnes

 15   qui vont témoigner dans ce procès.

 16   M. GROOME : [interprétation] Je voudrais préciser, pour que tout soit clair

 17   au compte rendu d'audience, que cette autre personne ne va pas venir

 18   déposer en l'espèce.

 19   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas de preuve que cette

 20   personne sera un témoin.

 21   M. ALARID : [interprétation]

 22   Q.  Vous avez cependant indiqué que vous aviez eu des conversations avec

 23   cette dame répondant au nom de Latifa longtemps après que vous ayez survécu

 24   à cet événement.

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Donc vous n'aviez pas d'information à propos du fait que Latifa

 27   connaissait Milan avant l'incident de la maison ?

 28   R.  Nous avons passé une journée ou deux chez nous, dans nos maisons.


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  1   Fikret, le fils de Hasan Kurspahic, il faisait son service militaire à

  2   Belgrade. Il est venu pour emmener son père et sa mère à Belgrade.

  3   Q.  Ça s'est passé quand ?

  4   R.  Avant qu'on ne se mette en route, ou plutôt, avant qu'on n'ait été

  5   chassé de nos maisons. Nous avons découvert qu'ils n'avaient pas réussi à

  6   passer, qu'il y avait un autre soldat qui avait placé Hasan Kurspahic, Meja

  7   Kurspahic, Latifa et deux gamines, l'une avait seulement 40 jours, qu'ils

  8   avaient réussi à les placer dans une voiture et qu'ils avaient réussi à

  9   passer.

 10   Q.  Ce qui veut dire que vous aviez obtenu des informations uniquement à

 11   propos de Milan, mais vous ne le connaissiez pas vraiment. Il vous aurait

 12   été impossible de le décrire, n'est-ce pas ? Est-ce que n'est pas là la

 13   vérité ?

 14   R.  Excusez-moi, mais je n'ai recueilli aucune information. Cet homme nous

 15   a parlé de ses deux fils qu'on n'a jamais retrouvés. Je ne peux pas vous

 16   donner ici tous les détails parce que tout ceci m'ébranle. Vous savez, je

 17   ne suis pas faite d'acier. J'ai vécu tout ça, tous ces événements. Rien

 18   qu'à voir ces images, vous comprendrez ce que je ressens, pour autant que

 19   vous ayez la moindre sympathie.

 20   Q.  N'est-il pas vrai, Madame, que vous ne le connaissiez pas vraiment et

 21   que vous n'auriez pas pu le décrire auparavant ?

 22   R.  Vous parlez ici de Milan Lukic ?

 23   Q.  Oui.

 24   R.  M. Milan Lukic, il était plus mince. Il n'était pas aussi costaud qu'il

 25   ne l'est aujourd'hui. C'était un --

 26   Q.  Quand il avait 20 ans, q'est-ce qu'il avait comme

 27   chevelure ?

 28   R.  Les mêmes que maintenant, comme ça, sombres, à moins qu'il ne se teigne


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  1   les cheveux aujourd'hui.

  2   Q.  Mais je parle de la coupe de cheveux qu'il avait.

  3   R.  Comme ici, maintenant, courts.

  4   Q.  Il a toujours eu les cheveux courts ? Vous savez, oui à peu près ?

  5   R.  S'il allait régulièrement chez le coiffeur, il avait une coupe plus

  6   courte. Sinon, c'était un peu plus long.

  7   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, vous contre-

  8   interrogez ce témoin depuis à peu près une heure et 35 minutes.

  9   M. ALARID : [interprétation] Vraiment ? Je ne m'en suis pas rendu compte.

 10   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les personnes qui font le décompte

 11   ne me l'ont pas encore dit, mais maintenant je le sais. C'est une heure et

 12   20 minutes.

 13   M. ALARID : [interprétation] J'ai encore combien de temps ?

 14   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Dix minutes.

 15   M. ALARID : [interprétation] Je pense que l'Accusation a bénéficié de

 16   beaucoup de temps. Est-ce que la pratique courante, c'est que nous ayons 60

 17   % du temps consacré à l'Accusation ?

 18   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Disons, que ça dépend de la

 19   situation. C'est moi qui décide. Vous avez besoin de combien de temps ?

 20   M. ALARID : [interprétation] Disons, que j'ai commencé par la fin et je

 21   remonte dans le temps. Voyez où j'en suis.

 22   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais donnez-moi l'idée du temps dont

 23   vous avez besoin.

 24   M. ALARID : [interprétation] Moins d'une heure.

 25   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien.

 26   M. ALARID : [interprétation]

 27   Q.  Revenons au village -- non, excusez-moi. Parlez-moi de Dragomir

 28   Gavrilovic.


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  1   R.  Dragomir Gavrilovic, c'était un jeune homme qui avait coutume de venir

  2   à notre village avant qu'on en soit délogé. Il maltraitait les gens. Il a

  3   menacé de nous tuer, mais pas dans notre village pour qu'on ne dégage pas

  4   de puanteur.

  5   Q.  Est-ce que vous pourriez répéter ce que vous avez dit ? Vous avez dit

  6   qu'il ne voulait pas vous tuer dans votre village, de façon à ce que --

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Est-ce que vous le connaissiez comme étant un membre du

  9   SDS ?

 10   R.  Je ne savais pas qu'il était membre du SDS. Je n'ai pas fait attention

 11   à ça, ça ne m'intéressait pas. Je ne sais pas s'il a adhéré à un parti

 12   après la guerre, ça je ne le sais pas non plus. Mais quand il était petit,

 13   il habitait en Dalmatie avec sa mère.

 14   Q.  Pourtant, dans la déclaration, vous dites que c'est un des voisins qui

 15   attaquait votre village, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Est-ce qu'il semblait avoir un poste de pouvoir au moment de l'attaque

 18   ?

 19   R.  Bien sûr que oui, tant qu'il osait venir et infliger des sévices aux

 20   personnes âgées du village.

 21    Q.  Est-ce qu'il semblait donner l'impression qu'il y avait d'autres

 22   personnes qui le suivaient ?

 23   R.  Je ne sais pas ce qui se passait entre eux. Il nous a menacés. Un jour,

 24   il s'est emparé de mon enfant, VG-38, et il a dit qu'il allait lui trancher

 25   la gorge avec ses dents, et même pas avec un couteau. Il l'a pourchassé

 26   derrière nos maisons. Il a insulté sa mère. Il a proféré des injures.

 27   Q.  Est-ce que vous auriez une date pour situer cet incident dans le temps

 28   ?


Page 1111

  1   R.  Ça ça s'est passé le 13 juin, un jour avant que nous ne partions, le

  2   14.

  3   Q.  Serait-on en droit de dire que l'évacuation et l'extermination de votre

  4   village, elle a commencé avec ces voisins que vous avez pu nommer ?

  5   R.  J'ai souvent donné le nom de mes voisins.

  6   Q.  Et ce sont eux qui ont orchestré, organisé l'évacuation et l'expulsion

  7   de votre village, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Et on avait l'impression que ceci avait été organisé par vos voisins,

 10   n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui, ils ont bien organisé ça. Quant à savoir qui leur avait donné des

 12   ordres à eux, il fallait bien que l'ordre, il vienne de quelque part.

 13   Q.  Est-ce que cela aurait pu simplement être Dragomir qui aurait donné cet

 14   ordre ?

 15   R.  Je ne sais pas. Je ne lui ai pas posé la question. Il sait à qui il a

 16   donné des ordres.

 17   Q.  N'est-il pas juste de dire que la première fois que vous vous êtes

 18   entrée sur la place de Visegrad près de la Croix-Rouge, ce sont des

 19   policiers de la police régulière qui vous ont accueillie. Est-ce que ce

 20   n'est pas vrai ?

 21   R.  Oui, il y avait des policiers, il y avait aussi des hommes en tenue de

 22   camouflage. J'avais trop peur pour les regarder. Je pense que si vous aviez

 23   été à ma place, vous aussi vous auriez eu peur de regarder qui que ce soit.

 24   Vous auriez gardé les yeux rivés au sol.

 25   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons maintenant faire une

 26   pause.

 27   --- L'audience est suspendue à 12 heures 09.

 28   --- L'audience est reprise à 12 heures 47.


Page 1112

  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, veuillez poursuivre.

  2   M. ALARID : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Q.  N'est-il pas exact de dire, Madame, que Drago Gavrilovic faisait aussi

  4   partie de la cellule de Crise de Visegrad ?

  5   R.  Comment voulez-vous que je le sache ? Je n'ai pas rencontré Drago pour

  6   lui demander s'il ne faisait pas partie de l'état-major de la cellule de

  7   Crise.

  8   Q.  Vous le connaissez uniquement comme un homme qui abusait de vous dans

  9   votre village ?

 10   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Question superflue. Maître Alarid,

 11   passez à la suivante.

 12   M. ALARID : [interprétation]

 13   Q.  N'est-il pas vrai de dire, Madame, que vous aviez dit quelque part dans

 14   une de vos déclarations que Drago était membre du SDS ?

 15   R.  Pour autant que je m'en souvienne, je n'ai jamais rien dit de la sorte

 16   dans aucune de mes déclarations. C'était un de nos voisins, sa maison n'est

 17   pas très éloignée de notre village.

 18   Q.  Mais n'est-il pas vrai de dire que ses parents avaient une maison dans

 19   le quartier de Glavica.

 20   R.  Ses parents sont divorcés. Sa mère est originaire de Dalmatie. Elle

 21   avait épousé Stevo Gavrilovic, aujourd'hui décédé. Je ne sais pas quand il

 22   est mort, peut-être qu'il y a un an de cela. Et il a grandi avec sa mère en

 23   Dalmatie. Lorsque la guerre a éclaté, il est revenu habiter avec son père.

 24   Q.  Est-ce que son père avait une maison dans la rue Pionirska à Glavica ?

 25   R.  Pas que je m'en souvienne.

 26   Q.  Parlez-moi de Ilija Gavrilovic. N'est-il pas vrai qu'il était policier

 27   ?

 28   R.  Pas avant la guerre. Aujourd'hui il est policier.


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  1   Q.  Et vous ne saviez pas où il se trouvait avant la guerre, ou en tout

  2   cas, pendant la guerre ?

  3   R.  Pendant la guerre, il a rejoint les forces de police. Avant, il n'était

  4   pas agent de police.

  5   Q.  Mais n'est-il pas vrai de dire que lorsqu'on vous a amenés à Visegrad,

  6   on vous a amenés au poste de police qui est juste à côté de la Croix-Rouge

  7   ?

  8   R.  Excusez-moi, mais la Croix-Rouge n'était pas à côté du poste de police.

  9   C'était dans la rue Jondza, près du nouvel hôtel qui se trouve sur la rive

 10   de la Drina.

 11   Q.  Mais n'est-il pas vrai que vos escortes, dont M. Grujic, sont entrées

 12   dans le poste de police alors que vous, vous avez poursuivi votre route ?

 13   R.  Oui, ils sont entrés dans le poste de police, effectivement, mais nous,

 14   nous avons poursuivi notre route vers le bâtiment de la Croix-Rouge qui

 15   était fermé, parce que c'était un dimanche.

 16   Q.  Dans votre déclaration, vous dites que Dusan Grujic est un homme de

 17   haute taille et qu'il est blond ?

 18   R.  Oui. Il est mort. Je n'ai rien à dire d'un homme qui est mort.

 19   M. GROOME : [interprétation] Ce témoin a fourni plusieurs déclarations.

 20   Nous aimerions avoir tout du moins une cote pour pouvoir assurer le suivi.

 21   M. ALARID : [interprétation]

 22   Q.  Cette la déclaration de 1998, des 12 et 13 février 2008. Je pense que

 23   l'Accusation en a fait mention. N'est-il pas vrai que -- je vais vous

 24   demander ceci : est-ce qu'il avait des tatouages aux bras, quels qu'ils

 25   soient ?

 26   R.  Je pense qu'il avait un tatouage. Mais je ne me souviens pas de ce

 27   qu'il représentait. Je crois que c'était quelque chose qu'il s'était fait

 28   faire à l'armée.


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  1   Q.  N'est-il pas vrai de dire qu'au moment d'entrer dans la ville plusieurs

  2   membres de la police serbe se sont approchés de vous, se sont mis à

  3   proférer des insultes contre vous, à vous harceler ?

  4   R.  Ça, ces attaques-là, c'était devant le nouvel hôtel, quand on s'est

  5   abrité sous un peuplier parce qu'il pleuvait.

  6   Q.  Mais n'est-il pas vrai que certains des policiers ont suggéré que les

  7   membres de votre groupe soient tués et jetés dans la rivière, vous avez

  8   attendu au bâtiment de la Croix-Rouge pendant une heure et ça se serait

  9   passé pendant ce temps-là ?

 10   R.  C'est certain qu'il y a eu toutes sortes de mauvais traitements.

 11   Q.  Et n'est-il pas vrai de dire que finalement un officier est celui qui

 12   vous a dit d'aller attendre dans le quartier de Mahala où vous pourriez

 13   attendre dans certaines des maisons du quartier jusqu'au lendemain matin ?

 14   R.  C'est exact.

 15   Q.  Mais que vous ne connaissiez pas le nom de l'agent de police serbe ?

 16   R.  Je ne sais pas. Je ne l'ai même pas regardé attentivement.

 17   Q.  Vous avez dit que les hommes portaient des insignes sur les uniformes,

 18   des insignes différents de ceux qu'ils portaient avant la guerre. Est-ce

 19   que vous êtes en mesure de vous souvenir de ces insignes ?

 20   R.  Ils avaient des insignes qui ressemblaient à des drapeaux, avec du

 21   bleu. Il y avait un petit drapeau aussi bien sur les képis qu'aux manches.

 22   Q.  Est-ce que c'étaient des insignes serbes, des aigles blancs, qu'ils

 23   portaient sur les couvre-chefs ?

 24   R.  Non, il n'y avait pas d'aigles blancs, rien qu'un petit drapeau.

 25   C'était un écusson assez étroit à la manche, et on l'avait aussi sur le

 26   couvre-chef.

 27   Q.  Cet après-midi ou ce soir-là vous n'avez pas vu d'aigles blancs ?

 28   R.  Je n'ai pas regardé si c'était blanc ou noir.


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  1   Q.  Ce qui veut dire que vous n'avez pas vu d'aigle ce

  2   soir-là ?

  3   R.  Non, mais d'autres gens ont dit qu'il y avait des effectifs de ce

  4   genre-là qui étaient présents eux aussi. Mais moi, je ne les ai pas vus,

  5   personnellement.

  6   Q.  Serait-il juste de dire qu'au moment où vous vous êtes mis en route

  7   pour aller au quartier de Mahala, les seules personnes qui savaient que

  8   vous alliez vous y trouver étaient les membres de la police ?

  9   R.  Je ne sais pas. Personne ne m'a dit s'ils savaient qu'on allait au

 10   quartier de Nova Mahala, si la police le savait ou la population civile le

 11   savait.

 12   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Où est-ce que vous voulez en arriver

 13   ?

 14   M. ALARID : [interprétation] Ce sont des théories subsidiaires de la

 15   Défense quant à l'auteur, à la connaissance qu'a ce présent témoin de la

 16   situation.

 17   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais il faut que vous soyez plus

 18   précis, car je veux savoir quelle est la défense que vous voulez invoquer.

 19   Qu'est-ce que vous voulez laisser entendre ?

 20   M. ALARID : [interprétation] Je laisse entendre que la police officielle de

 21   Visegrad, qui comptait dans ses rangs des membres de la famille qui les ont

 22   emmenés du village, à savoir, notamment, Ilija Gavrilovic, que ces hommes

 23   connaissaient mieux les circonstances de leur expulsion et finalement ce

 24   qui allait leur advenir. Etant donné que c'était un officier qui leur avait

 25   dit où aller, ceci constitue une base pour établir la chaîne de

 26   commandement.

 27   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous devez avancer, car je n'estime

 28   pas que ceci est véritablement pertinent. Passez à autre chose, s'il vous


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  1   plaît. Avancez.

  2   M. ALARID : [interprétation]

  3   Q.  N'est-il pas vrai que vous avez le 14 juillet août 1995 fourni

  4   une déclaration au Ministère de l'Intérieur de la République de Bosnie-

  5   Herzégovine à Zenica; est-ce que ce n'est pas exact ?

  6   R.  Vous dites 1995 ? Vous savez, j'ai fourni tant de déclarations que je

  7   ne pourrais pas en faire le décompte, et je ne sais plus à qui je les ai

  8   faites.

  9   Q.  Dans votre déclaration initiale, n'avez-vous pas dit que vous ne

 10   connaissiez pas le nom des deux Chetniks qui vous avaient dit d'aller à

 11   Visegrad ?

 12   R.  Qui nous a dit d'aller à Visegrad et de continuer en bus jusqu'à

 13   Kladanj, c'était Micun, Lipovac. Micun, c'était son surnom, son prénom

 14   était Milorad. L'autre c'était Dusan Grujic, qui est décédé aujourd'hui.

 15   Ces deux hommes ont dit que c'était un nettoyage ethnique.

 16   Il y a deux autres personnes qui nous ont arrêtés à l'extérieur du village

 17   de Greben, mais je ne les connaissais pas.

 18   Q.  N'est-il pas vrai de dire qu'Ilija Gavrilovic vous a suivis depuis

 19   Greben jusqu'à Visegrad ?

 20   R.  Non, c'est Milorad Lipovac qui l'a fait.

 21   Q.  D'après votre première déclaration que nous avons, lorsque vous êtes

 22   arrivée à Visegrad l'un des agents de la police serbe a été reconnu par

 23   vous, il s'agissait de Brane Tesovic ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Il y avait aussi son frère que vous avez reconnu, Boro ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  A ce moment-là dans votre première déclaration vous avez déclaré qu'il

 28   y avait environ 150 hommes, femmes et enfants qu'on avait forcés à se


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  1   mettre sur le pont et qu'ils avaient été égorgés sous vos yeux.

  2   R.  Ils n'étaient pas aussi nombreux que cela, mais ils étaient très

  3   nombreux, et il y a beaucoup de cadavres qui descendaient la Drina.

  4   Q.  Et qu'il y avait un Chetnik barbu d'environ 50 ans qui égorgeait les

  5   gens et les jetait dans la Drina.

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Mais vous n'avez jamais fait référence à ce massacre dans vos

  8   déclarations ultérieures, n'est-ce pas ?

  9   R.  Il y a beaucoup de choses auxquelles je n'ai pas fait référence. Je

 10   n'aime pas m'en souvenir et le fait d'être obligée d'en parler maintenant,

 11   ça me rend malheureuse. Vous savez, je ne suis pas faite de pierre.

 12   Q.  Oui, mais vous avez indiqué que c'est une scène extraordinaire, parce

 13   que les gens présents pleuraient, les mères suppliaient qu'on épargne la

 14   vie de leurs enfants, on entendait des cris, mais que les Chetniks ne

 15   voulaient rien entendre, ils voulaient leur trancher la gorge, la gorge des

 16   balija. Ils les frappaient entre les jambes, et cetera. Cela n'est-il pas

 17   vrai ?

 18   R.  Oui, c'était dans la maison de Jusuf Memic qu'on a demandé à un homme

 19   d'écarter ses jambes. On lui a donné des coups là-bas, cela ne s'est pas

 20   passé sur le pont. Sur le pont, les gens suppliaient qu'on les laisse

 21   partir, qu'on ne les tue pas. Mais vous savez, il y aura d'autres personnes

 22   qui viendront ici témoigner et confirmer avoir été obligés de laver le pont

 23   avec de l'eau de la citerne pour rincer tout le sang.

 24   Q.  Dans votre première déclaration vous avez déclaré que Brane Tesovic

 25   forçait les gens à venir afin qu'on leur tranche la gorge là-bas ?

 26   R.  Non, ce n'est pas lui qui le faisait, c'est quelqu'un d'autre.

 27   Q.  Oui, mais vous avez entendu dire par une autre de vos collèges, Amira,

 28   que Brane et un autre homme ont emmené son mari et quelqu'un d'autre pour


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  1   leur trancher la gorge ?

  2   R.  Oui. Cela est arrivé à son mari, à son beau-père et à son beau-frère,

  3   et cela s'est passé à Unista juste en amont du barrage de la centrale

  4   hydroélectrique.

  5   Q.  Tout à l'heure vous avez oublié de parler de ce massacre sur le pont,

  6   alors que c'est une chose à laquelle vous deviez penser quand même après

  7   votre départ de Visegrad ?

  8   R.  Monsieur --

  9   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne comprends pas votre question,

 10   qu'est-ce que ça veut dire : "Tout à l'heure vous avez oublié ce massacre."

 11   Qu'est-ce que vous voulez dire par cela, qu'elle n'a pas déposé à ce sujet

 12   lors de l'interrogatoire principal --

 13   M. ALARID : [interprétation] Oui, et au moment où elle a fait ses autres

 14   déclarations. Peut-être que je suis naïf, mais je pense que si tout mon

 15   village avait été conduit à Visegrad et si on leur avait tranché la gorge

 16   et si on les avait jetés du pont, alors qu'elle en a parlé dans sa première

 17   déclaration, je pense que ce serait quelque chose dont je me souviendrais

 18   bien et que j'en parlerais de nouveau.

 19   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais s'agissant de

 20   l'interrogatoire principal, elle n'a fait que répondre aux questions qui

 21   lui ont été posées.

 22   Il est vrai que dans les déclarations antérieures, le témoin n'a pas

 23   parlé de ces événements affreux qui sont survenus sur le pont. Toutes ces

 24   personnes auxquelles on a tranché la gorge et qu'on a jeté du pont.

 25   Qu'avez-vous à dire à ce sujet-là ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, vous savez, je

 27   n'ai pas cherché à raconter tout ce que j'ai vu dès le début, parce que si

 28   j'essayais de le faire je deviendrais complètement folle. J'ai essayé de


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  1   raconter brièvement ce qui m'est arrivé quand j'ai fait mes déclarations.

  2   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci bien.

  3   Passez à autre chose maintenant, Maître Alarid. Vous avez encore cinq

  4   minutes.

  5   M. ALARID : [interprétation] Je demanderais que la version anglaise

  6   qui a été téléchargée dans le système électronique,

  7   1D 10-0155 soit versée au dossier sous pli scellé.

  8   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera 1D29 sous pli scellé.

 10   M. ALARID : [interprétation] Je vérifie juste mes notes, je pense avoir

 11   terminé de ce témoin. Juste un instant, s'il vous plaît.

 12   Je n'ai plus de questions.

 13   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien.

 14   Maître Cepic.

 15   M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Contre-interrogatoire par M. Cepic : 

 17   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame le Témoin.

 18   R.  Bonjour.

 19   Q.  Je me présente tout d'abord, je suis Me Cepic, Djuro Cepic et je

 20   défends l'accusé Sredoje Lukic.

 21   R.  Enchanté. Moi, je suis VG-13.

 22   Q.  Bien. Avant de commencer mon interrogatoire, j'aimerais vous dire que

 23   je comprends tout à fait votre situation et que je compatis avec vos

 24   souffrances, les vôtres et celles de votre fils. R.  Merci, mais je ne

 25   crois pas que quelqu'un qui n'a pas vécu cela puisse le comprendre et

 26   compatir. C'est très difficile.

 27   Q.  Non, je comprends ça tout à fait. Les conséquences de ces événements

 28   doivent être très difficiles.


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  1   R.  Oui. Merci.

  2   Q.  J'essaierai de vous poser des questions très claires, très directes et

  3   j'aimerais que vous répondiez aussi brièvement que possible.

  4   Notre thèse est que M. Sredoje Lukic n'a pas participé à l'incident

  5   de la rue Pionirska ce jour-là, qu'il se trouvait loin de Visegrad. Vous

  6   comprenez ?

  7   R.  Oui, je comprends. Posez vos questions.

  8   Q.  Savez-vous que Sredoje Lukic s'est rendu volontairement au

  9   Tribunal ?

 10   R.  Oui.

 11   M. GROOME : [interprétation] Je ne suis pas sûr que ce soit tout à fait

 12   vrai et juste.

 13   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais vous savez, c'est une

 14   question difficile de savoir si quelqu'un s'est rendu volontairement ou

 15   pas. Passons à autre chose.

 16   M. CEPIC : [interprétation] Très bien.

 17   Q.  Madame, votre premier fils, celui qui était marié plusieurs fois,

 18   quelle est son année de naissance ?

 19   R.  C'est 1975.

 20   Q.  Vous-même, vous aviez 19 ans au moment de sa naissance ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Votre deuxième fils, il est né en 1978 ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Hier vous avez déclaré avoir vu Huso Kurspahic et Sredoje Lukic

 25   patrouiller dans la ville. Vous les avez vus après la naissance de vos

 26   enfants ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Merci. Je faisais référence à la période entre 1975 et 1978, et je


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  1   précise cela pour les besoins du compte rendu.

  2   R.  Oui, moi aussi.

  3   Q.  Merci. S'agissant de cet incident terrible, je dois le préciser, vous,

  4   en tant que mère, gardiez-vous votre fils tout le temps près de vous ?

  5   R.  Bien évidemment.

  6   Q.  Donc tout le temps pendant que cela se passait il était à côté de vous

  7   ?

  8   R.  Bien sûr qu'il l'était.

  9   Q.  Hier j'ai écouté attentivement vos réponses données aux questions

 10   posées par M. Groome, Me Alarid et le Président de la Chambre. Vous avez

 11   clairement indiqué ne pas avoir vu Sredoje Lukic dans la rue Pionirska ce

 12   jour-là, mais que vous avez entendu dire par Edhem que Sredoje y était.

 13   R.  Oui, c'est exact.

 14   Q.  Vous n'êtes pas en mesure de nous dire si ces deux personnes se

 15   connaissaient personnellement, Sredoje et Edhem, vous ne disposez pas

 16   d'information à cet effet ?

 17   R.  S'il a pu le reconnaître, cela signifie très probablement qu'il le

 18   connaissait.

 19   Q.  Bien. Merci. Traduction, ligne 24, ce qui est consigné au compte rendu

 20   en anglais est "il a dû le connaître," alors que le témoin a déclaré "il le

 21   connaissait très probablement."

 22   Etes-vous d'accord, Madame le Témoin, que vous avez dit "probablement qu'il

 23   le connaissait" ?

 24   R.  Il le connaissait certainement s'ils patrouillaient.

 25   Q.  Merci. Vous ne vous souvenez pas de l'endroit où se trouvait Edhem dans

 26   la maison exactement, s'il était à côté de la fenêtre ou ailleurs ?

 27   R.  Je ne faisais pas attention à cela. Ce que je peux vous dire, c'est que

 28   tout le monde était dans cette même pièce.


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  1   Q.  De la même manière le soir au moment où vous étiez transférés de la

  2   maison de Memic jusqu'à la maison d'Omeragic ?

  3   R.  On marchait les uns derrière les autres.

  4   Q.  Oui, mais de toute façon, Edhem se trouvait derrière vous dans cette

  5   colonne ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Ce qui m'intéresse, après cet incident des premiers soins vous

  8   ont été administrés par le Dr Bakira Cecic [phon] ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Madame, c'est la feuille avec les pseudonymes. J'ai l'intention de

 11   parler de ces personnes mais sans faire référence à leurs noms.

 12   R.  Je comprends.

 13   Q.  VG-122 vous a-t-il administré les premiers soins au moment où vous avez

 14   atteint le côté musulman ?

 15   R.  Quand je suis arrivée sur la rive gauche de la Drina depuis Kosovo

 16   Polje, c'est là que j'ai reçu les premiers soins de la part de la Croix-

 17   Rouge --

 18   M. CEPIC : [interprétation] Bien. Peut-on afficher la pièce 2D732. C'est la

 19   déclaration de VG-122.

 20   Q.  Tout ce que vous venez de dire est exact. Il n'y a qu'une seule erreur

 21   dans cette déclaration. Vous respectez cette personne, vous pensez qu'il

 22   s'agit d'une personne fiable, VG-122 ?

 23   R.  Bien sûr. Je suis arrivée chez lui à Crni Vrh. Il m'a mis des

 24   pansements, il m'a administré les premiers soins et il m'a dit d'aller à

 25   Gorazde à l'hôpital parce que mes plaies suppuraient --

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Groome.

 27   M. GROOME : [interprétation] Je vois une déclaration ici affichée à

 28   l'écran. Est-ce que l'intention du conseil est de montrer à ce témoin la


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  1   déclaration d'un autre témoin ?

  2   M. CEPIC : [interprétation] Tous ces documents-là figurent sur la liste du

  3   Procureur, nous l'avons reçue, j'aimerais bien utiliser ce document pour

  4   mettre au clair un point concernant les premiers soins reçus par ce témoin.

  5   M. GROOME : [interprétation] Oui, mais je pense qu'il suffit de poser des

  6   questions. Je ne suis pas sûr de l'utilité de ce procédé. Comment peut-on

  7   montrer la déclaration d'un témoin à un autre

  8   témoin ? Je pense d'ailleurs que la politique de ce Tribunal c'est toujours

  9   d'essayer de séparer les témoins pour éviter la confusion et essayer

 10   d'obtenir des informations directement du témoin sans essayer de

 11   l'influencer par d'autres sources d'information.

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, il y a quelque chose dans ce

 14   que dit M. Groome, Maître Cepic. Il a raison quelque part, n'est-ce pas ?

 15   M. CEPIC : [interprétation]

 16   Q.  Madame, vous nous avez déjà dit que VG-122 vous a examinée et qu'il

 17   vous a administré des soins ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Pourriez-vous nous décrire comment cela s'est passé ?

 20   R.  Il m'a demandé d'où je venais et de quel enfer je venais de sortir.

 21   Ensuite il m'a administré des soins ce soir-là, puis j'ai traversé des bois

 22   et je suis allée à l'hôpital de Gorazde.

 23   M. CEPIC : [interprétation] J'ai bien compris ce que vous m'avez dit de

 24   faire. En fait, l'objectif de mes questions était d'établir le nom de

 25   famille de ce témoin, d'obtenir la confirmation de certains faits, parce

 26   que le témoin VG-122 en parlant de la personne à laquelle il avait

 27   administré des soins a donné un autre nom de famille. Merci.

 28   Puis-je poursuivre ?


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  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.

  2   M. CEPIC : [interprétation]

  3   Q.  Madame le Témoin, s'agissant de votre déclaration du 5 mai 1998 que

  4   vous avez faite devant le procureur de district de Sarajevo, vous souvenez-

  5   vous de cela ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  En faisant cette déclaration, vous avez dit tout ce dont vous vous

  8   souvenez au mieux de vos possibilités ?

  9   R.  Oui, autant que c'était possible pour moi dans mon état à l'époque.

 10   M. CEPIC : [interprétation] Peut-on maintenant afficher le document 2D670.

 11   Q.  Madame, est-ce bien votre signature en bas de cette page ?

 12   M. CEPIC : [interprétation] Peut-on afficher le bas de la page en B/C/S,

 13   s'il vous plaît.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 15   M. CEPIC : [interprétation]

 16   Q.  Merci. Passons à la deuxième page du document, s'il vous plaît,

 17   deuxième page de la version en B/C/S. Cela aussi, ces deux signatures-là

 18   sont bien les vôtres, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   M. CEPIC : [interprétation] Peut-on passer à la dernière page en B/C/S.

 21   Q.  Ça aussi c'est votre signature ?

 22   R.  Oui.

 23   M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

 24   Juges, mon confrère M. Groome a déjà demandé qu'on marque ce document aux

 25   fins d'identification. Je demanderais à mon tour que le document soit versé

 26   au dossier. Je ne vois aucun obstacle à cela.

 27   M. GROOME : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.

 28   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le document sera versé au dossier.


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  1   M. CEPIC : [interprétation] Je vous remercie.

  2   M. GROOME : [interprétation] Je demanderais seulement que le document reste

  3   sous pli scellé.

  4   M. CEPIC : [interprétation] Oui, je vous remercie.

  5   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, sous pli scellé, oui.

  6   M. GROOME : [interprétation] Je pense que c'est P62, le numéro suivant, je

  7   pense que cela vous sera utile, Madame la Greffière d'audience.

  8   M. CEPIC : [interprétation] Bien.

  9   Q.  Madame, entre-temps, est-ce que vous avez accordé un entretien à la

 10   télévision Sarajevo au sujet de cet incident,

 11   fin 1992 ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  C'était bien vers la fin de 1992 ?

 14   R.  Oui.

 15   M. CEPIC : [interprétation] Peut-on passer à huis clos partiel, s'il vous

 16   plaît.

 17   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

 18   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Huis clos partiel.

 19   [Audience à huis clos partiel]  

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  9   [Audience publique]

 10   M. GROOME : [interprétation]

 11   Q.  Je vais vous demander maintenant si vous pourriez tracer une ligne qui

 12   donne approximativement la direction dans laquelle coule le ruisseau à cet

 13   endroit.

 14   R.  Il court depuis le haut là, tout à fait au début ici.

 15   Q.  Je vous remercie. Pourriez-vous, s'il vous plaît, placer un X pour

 16   indiquer l'endroit approximatif où vous vous trouviez, peu de temps après

 17   que vous ayez sauté par la fenêtre pour sortir du bâtiment en feu.

 18   R.  Je me trouvais là sous ce buisson.

 19   Q.  Pourriez-vous marquer cela avec un X, s'il vous plaît. Bien, je crois

 20   que vous l'avez fait. Juste pour que les choses soient plus claires,

 21   pourriez-vous mettre, s'il vous plaît, un cercle autour du X, l'entourer.

 22   Peut-être que comme ça, les choses seront plus claires.

 23   R.  [Le témoin s'exécute]

 24   Q.  Je vous remercie.

 25   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais demander le

 26   versement de cette photographie au dossier, s'il vous plaît. C'est le

 27   numéro 175.5 de la ligne 65 ter, avec les annotations de VG-13.

 28   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Admis au dossier.


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  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Admis au dossier en tant que pièce P63

  2   déposée sous pli scellé, Monsieur le Président.

  3   M. GROOME : [interprétation]

  4   Q.  Vous avez dit, lors du contre-interrogatoire que : "Edhem avait crié

  5   que nous étions suivis par Sredoje Lukic." Je voudrais vous demander, cet

  6   Edhem dont vous parlez, où habitait-il ? Le savez-vous ?

  7   R.  Dans le village de Koritnik.

  8   Q.  Pourriez-vous nous dire, s'il avait eu les mêmes possibilités de voir

  9   Sredoje Lukic patrouillant dans ce village, aurait-il eu les mêmes

 10   possibilités que vous ?

 11   R.  Mais certainement, puisqu'il le connaissait depuis pas mal de temps.

 12   C'était un homme relativement âgé. Il connaissait tous les environs de

 13   Visegrad, pas seulement un village.

 14   M. GROOME : [interprétation] Je vous remercie, Témoin VG-13.

 15   Je n'ai pas d'autres questions à poser, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] VG-13, vous êtes une personne d'un

 17   courage admirable. Vous avez fait votre déposition. Vous êtes maintenant

 18   autorisée à vous retirer.

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25   [Audience à huis clos partiel]

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 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


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 13  Pages 1134-1136 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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  1  (expurgé)

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  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17   --- L'audience est levée à 13 heures 40 et reprendra le jeudi

 18   4 septembre 2008, à 8 heures 30.

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