Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 26 août 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 8 heures 52.

  5   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, si j'ai bien compris

  6   vous vouliez nous dire quelque chose.

  7   M. ALARID : [interprétation] Oui, bonjour, oui. Hier, nous avons déposé

  8   tard le soir vers 23 heures 30, une demande pour retarder la requête ou le

  9   témoignage du témoin VG-11 basé sur des divulgations récentes par

 10   l'Accusation. Le lundi [comme interprété]  nous avons reçu à 6 heures 40

 11   des révélations supplémentaires dans notre casier et que nous n'avons

 12   reçues qu'hier matin et nous n'avons pas pu les regarder jusqu'à hier soir.

 13   Nous les avons imprimées et cela se rapporte au VG-11 et ceci a commencé

 14   hier, mais en fait, ça commence réellement plutôt aujourd'hui.

 15   Nous avons imprimé cela hier, il y a environ 200 pages de révélations qui

 16   sont toutes en serbe et nous avons pu voir que le nom du VG-11 était

 17   mentionné 60 fois environ.

 18   Une des questions aujourd'hui importantes - et M. Rasic n'a pas été à

 19   même d'entendre tout ceci et de voir qu'est-ce qui était important - et une

 20   chose qui, néanmoins, est importante pour la Défense et qui peut être

 21   considérée comme relevant de la Règle 68  c'est que le VG-11 a parlé à un

 22   autre témoin pour inclure l'incident du bus dans le convoi qui est donc une

 23   partie importante du témoignage du VG-11, ce 17 juin, ce qui serait

 24   important par rapport à notre théorie sur cette affaire.

 25   Et je pense qu'étant donné tout ceci, nous devons entrer un petit peu plus

 26   dans la compréhension de tout ceci avant de pouvoir faire le contre-

 27   interrogatoire du VG-11. Je sais que l'Accusation va dire, bien faisons,

 28   mais --

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  1   Excusez-moi, ceci implique beaucoup de préparation et ceci concerne des

  2   choses importantes concernant la date du 14 juin qui est donc quelque chose

  3   d'extrêmement important; il s'agit d'un témoin important.

  4   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Merci. Je voudrais demander à

  5   l'Accusation d'expliquer ce qui s'est passé.

  6   Mme SARTORIO : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Vous savez que

  7   des divulgations se font constamment et que nous faisons toujours des

  8   recherches sur les témoins et au fur et à mesure que nous découvrons des

  9   documents nous les divulguons et les communiquons. Ces documents ont été

 10   revus, revus par moi, et les documents serbes ont été lus et revus par un

 11   traducteur et il n'y avait pas de matériel qui relevait réellement de la

 12   Règle 68, et je pense que c'est le seul incident. Simplement le témoin a

 13   dit à quelqu'un d'autre que ça s'est passé à une autre date, un autre jour.

 14   Je pense c'est tout ce qu'il y a, en fait, dans ces documents. Nous avons

 15   une politique qui est une politique de communication large. Ces documents

 16   sont des déclarations des témoins ou des documents recueillis au fur et à

 17   mesure des années qui mentionnent -- ils ne font que mentionner le nom du

 18   témoin. Tout document qui mentionne son nom est communiqué, cela ne

 19   signifie pas que cela à un sens ou des informations contenues dans le

 20   document, qui sont à décharge. Je proposerais que l'on commence et s'il

 21   doit revenir après pour un contre-interrogatoire limité, nous le ferions

 22   revenir par la suite.

 23   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La communication est un processus

 24   constant, mais nous avons donc des règles que nous appliquons.

 25   Mme SARTORIO : [interprétation] Je comprends.

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quand est-ce que ceci a été

 27   découvert --

 28   Mme SARTORIO : [interprétation] A la fin de la semaine dernière lorsque

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  1   ceci a été communiqué. Comme vous le savez, il y a plusieurs procès qui se

  2   déroulent en même temps. Les recherches sont effectuées aussi rapidement

  3   que les gens peuvent le faire, tout le monde revoit les documents et les

  4   assistants linguistiques travaillent aussi rapidement que possible.

  5   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous avez un autre témoin

  6   sous la main.

  7   Mme SARTORIO : [interprétation] Il n'est pas là. Je ne pense pas qu'il

  8   vienne avant 11 heures. Le témoin de la Section des Victimes ne sera pas là

  9   avant 11 heures. Nous avons un autre témoin qui devrait donc venir après le

 10   VG-11. Il s'agit du 92 bis, et ensuite le VG-97 va témoigner. Donc nous

 11   avons trois témoins prévus pour aujourd'hui. Mais M. Spahic est là depuis

 12   plusieurs jours, il est prêt à déposer, et je pense que c'est une chose --

 13   il serait équitable de lui permettre de venir, de déposer, et comme je l'ai

 14   dit, s'il y a quelque chose sur lequel vous voulez dans ce document sur

 15   lequel vous voulez lui poser une question, nous pourrions le faire revenir

 16   par la suite pour un contre-interrogatoire. 

 17   [La Chambre de première instance se concerte]

 18   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, voici ce que la

 19   Chambre a décidé. Le témoin va déposer comme prévu. Néanmoins, s'il y a

 20   quoi que ce soit dans les documents qui vous ont été communiqués très

 21   tardivement et que vous souhaitiez un contre-interrogatoire sur ces points

 22   et que vous ne soyez pas à même de le faire maintenant, alors on rappellera

 23   le témoin pour un autre contre-interrogatoire. La Chambre considère que

 24   ceci est la meilleure façon de procéder et d'utiliser efficacement le temps

 25   de la Chambre de première instance.

 26   M. ALARID : [interprétation] Pour le procès-verbal, nous regardions un

 27   petit peu ce qui était sur l'ordinateur. Les dates ont été modifiées

 28   ensuite du 6 au 12 août. Donc il y a eu un retard entre la communication

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  1   qui s'est faite dimanche 24.

  2   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Chambre a pris sa décision.

  3   [La Chambre de première instance se concerte]

  4   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Sartorio, je voudrais dire au

  5   nom de la Chambre que je comprends que la communication soit un processus

  6   continu. Vous devez également être très claire et faire tout ce qui est

  7   dans votre pouvoir pour vous assurer que les documents sont communiqués

  8   dans les délais qui ont été fixés par la Chambre de première instance,

  9   parce que s'il y a des éléments qui sont divulgués très tardivement, alors

 10   il est clair que le type de problèmes que nous venons de rencontrer

 11   maintenant se rencontrera à nouveau, et la Chambre de première instance

 12   doit s'assurer que le temps qui lui est imparti est utilisé efficacement.

 13   Mme SARTORIO : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je prends cela

 14   à cœur. J'en discuterai avec mon équipe et nous ferons en sorte que les

 15   documents soient communiqués aussitôt que possible.

 16   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Vous pouvez faire entrer le

 17   témoin.

 18   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 19   Mme SARTORIO : [interprétation] Excusez-moi, mais ce n'est pas le bon

 20   témoin.

 21   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pardon ?

 22   [Le témoin se retire]

 23   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense qu'il y a juste là une

 24   erreur d'identité.

 25   Madame Sartorio.

 26   Mme SARTORIO : [interprétation] Oui.

 27   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 28   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai constaté que le temps alloué

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  1   prévu pour ce témoin est d'une heure et demie; est-ce exact ?

  2   Mme SARTORIO : [interprétation] Non, Monsieur le Président.  Je pense que

  3   l'examen principal, je peux le faire en une heure [comme interprété] comme

  4   vous l'aviez dit pour les témoins relevant du 92 ter.

  5   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Parfait.

  6   Mme SARTORIO : [interprétation] Oui.

  7   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons demander au témoin de

  8   faire sa déclaration.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 10   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 11   LE TÉMOIN: FERID SPAHIC [Assermenté]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez commencer, Madame

 14   Sartorio.

 15   Mme SARTORIO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Interrogatoire principal par Mme Sartorio : 

 17   Q.  [interprétation] Monsieur, veuillez dire votre nom et prénom, s'il vous

 18   plaît, pour les besoins du compte rendu.

 19   R.  Ferid Spahic.

 20   Q.  Au printemps 1992, quelle était la municipalité ou le village où vous

 21   habitiez ?

 22   R.  J'ai habité le village de Smrijece, où le suis né. Ce village se situe

 23   dans la municipalité de Visegrad.

 24   Q.  Quel est votre appartenance ethnique ?

 25   R.  Je suis Musulman.

 26   Q.  Vous avez témoigné devant ce Tribunal en 2001 dans l'affaire Procureur

 27   contre Mitar Vasiljevic; cela est-il exact ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Vous souvenez-vous des dates de votre déposition dans cette affaire ?

  2   R.  C'était les 12 et 13 septembre 2001.

  3   Q.  Depuis que vous étiez arrivé à La Haye, il y a quelques jours, avez-

  4   vous eu l'occasion de réécouter votre témoignage en langue bosniaque dans

  5   son intégralité ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Tout ce qui figure de votre déclaration précédente, est-il vrai et

  8   reflète-t-il la vérité de la manière la plus précise, d'après ce que vous

  9   en savez, concernant les événements dont vous avez été le témoin et que

 10   vous avez vécus en juin 1992 ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Si je devais aujourd'hui vous poser les mêmes questions qui vous on été

 13   posées lors de votre déposition en 2001, vos réponses aujourd'hui seraient-

 14   elles les mêmes ?

 15   R.  En substance oui. Peut-être pas à 100 %. Peut-être que je ne

 16   prononcerais pas les mêmes phrases, mais essentiellement, je dirais la même

 17   chose.

 18   Q.  Essentiellement, vos réponses seraient identiques.

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Merci.

 21   Mme SARTORIO : [interprétation] Je demande le versement du compte rendu de

 22   la déposition du témoin. Il s'agit des numéros 70 et 71 de la liste 65 ter.

 23   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le document sera versé.

 24   Mme SARTORIO : [interprétation] Il y a encore trois pièces à conviction qui

 25   ont été utilisées lors de son témoignage. Nous demanderons leur versement

 26   également. Souhaitez-vous que je pose des questions au sujet de ces

 27   documents avec le témoin ?

 28   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien.

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  1   Mme SARTORIO : [interprétation] Il s'agit des documents 67, 68, 69 de la

  2   liste 65 ter.

  3   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La déclaration de témoin aura la cote

  4   P15; ensuite le document 67 de la liste 65 ter sera P16; le document 68

  5   sera P17; et le document 69 de la même liste deviendra P18.

  6   Mme SARTORIO : [interprétation] Merci.

  7   Q.  Monsieur Spahic, en dehors du témoignage devant la Chambre dans

  8   l'affaire Vasiljevic, avez-vous également fait une déclaration devant les

  9   enquêteurs du Tribunal en novembre  1997 ?

 10   R.  Oui. C'est une déclaration que j'ai faite à Sarajevo.

 11   Q.  Cette déclaration était écrite en anglais, mais on vous l'a lue à haute

 12   voix en bosniaque à l'époque, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Depuis votre arrivée ici à La Haye, vous avez également eu l'occasion

 15   de relire cette déclaration en langue bosniaque, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui, c'est exact.

 17   Q.  Après avoir relu votre déclaration, avez-vous apporté des modifications

 18   ou des corrections à cette déclaration de 1997 ?

 19   R.  Oui, nous avons apporté certaines corrections, il s'agit plutôt de

 20   lapsus ou des erreurs de nature technique, mais dans son essence cette

 21   déclaration est correcte.

 22   Q.  Vous avez signé une annexe à la déclaration qui fait état de ces

 23   corrections ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Vous avez également signé la version anglaise de cette déclaration

 26   après qu'un traducteur vous ait relu cette déclaration en langue bosniaque

 27   ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Monsieur, tout ce qui figure dans cette déclaration de 1997, pris

  2   ensemble avec les corrections que vous avez apportées qui figurent dans

  3   l'annexe, tout cela ensemble, d'après vos connaissances, reflète-t-il d'une

  4   manière véridique les événements dont vous avez été le témoin et que vous

  5   avez vécu en 1992 ?

  6   R.  Oui. C'est la vérité toute entière.

  7   Q.  Bien, si je devais vous poser maintenant les mêmes questions que

  8   l'enquêteur vous a posées en 1997, vos réponses seraient-elles identiques à

  9   celles qui figurent dans votre déclaration et dans l'annexe ?

 10   R.  Oui.

 11   Mme SARTORIO : [interprétation] Nous demandons le versement de la

 12   déclaration du témoin. Nous n'avons pas de numéro pour la déclaration ni

 13   pour l'annexe qui l'accompagne. Mais les numéros ERN sont 00548587 jusqu'à

 14   8589 s'agissant de la déclaration. Et s'agissant de l'annexe, le numéro ERN

 15   est 01109684 jusqu'à 9694. Juste un instant, s'il vous plaît.

 16   Toutes mes excuses, l'ERN pour l'annexe est 06382599 jusqu'à 2602.

 17   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien.

 18   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] J'aimerais faire une correction

 19   s'agissant de la première déclaration du témoin. Le document 70 de la liste

 20   65 ter sera P15, le 71 sera P19. Le document portant le numéro ERN 00548587

 21   deviendra P20, quant à ce lui qui porte le numéro 063825997 ce sera P21.

 22   Mme SARTORIO : [interprétation] Merci.

 23   Q.  Bien, vous avez entendu, Monsieur, que votre déclaration préalable a

 24   été versée au dossier de cette affaire. La Chambre a l'occasion d'examiner

 25   en intégralité vos déclarations et votre déposition préalable. C'est pour

 26   cette raison-là que nous n'allons pas maintenant discuter de ce que vous

 27   avez vécu en juin 1992 en détail. Est-ce que vous comprenez cela ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  J'aimerais néanmoins vous poser quelques questions. Donc lors de votre

  2   témoignage et dans votre déclaration, vous avez parlé d'un convoi de cars

  3   qui était organisé à Visegrad afin de transporter les habitants en dehors

  4   de cette zone, supposément qu'il fallait les transporter jusqu'en lieu sûr;

  5   cela est-il exact ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Dans votre déclaration et lors de votre témoignage, vous avez dit que

  8   le convoi était censé quitter la ville de Visegrad le 14 juin; cela est-il

  9   exact ?

 10   R.  Oui, et le convoi a bien quitté la ville de Visegrad le 14 juin.

 11   Q.  Bien. Le 14 juin, vous trouviez-vous à bord d'un car qui se trouvait

 12   lui ensemble avec d'autres cars devant l'hôtel de Visegrad ?

 13   R.  Oui, je me trouvais dans un de ces cars qui formaient la colonne, le

 14   convoi.

 15   Q.  Bien. Pourriez-vous nous dire quel est le nombre de cars et de

 16   véhicules d'autres types qui composaient ce convoi ?

 17   R.  Je n'ai pas compté les véhicules qui composaient le convoi, mais je me

 18   souviens qu'il y a eu environ cinq à six cars et camions avec bâches.

 19   Q.  A un moment, ces cars ont quitté l'hôtel de Visegrad et se sont dirigés

 20   vers où ?

 21   R.  Ils ont emprunté la route qui était autre que celle sur laquelle où

 22   nous nous sommes entendus. Pendant que nous nous trouvions à l'hôtel, juste

 23   avant le départ du convoi, on nous a proposé trois destinations. Une étant

 24   Skopje, la ville de Skopje en Macédoine. Deuxième, la ville d'Olovo, et la

 25   troisième, la ville de Kladinja [phon]. Le fait est que la proposition

 26   d'aller à Skopje n'était qu'un appât pour nous attirer, pour nous

 27   convaincre plus facilement de quitter la ville. Alors, nous avons dû

 28   également établir des listes des personnes qui se trouvaient à bord des

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  1   cars à la demande de Ljupko Tasic et indiquer sur ces listes la destination

  2   que nous avons choisie. Donc c'est ce que j'ai fait pour les personnes qui

  3   se trouvaient dans mon car, j'ai établi une liste et j'ai indiqué comme

  4   destination finale la ville de Skopje.

  5   Q.  Merci, Monsieur. Voilà ma question suivante : le 14 juin, à un moment

  6   donné, les cars ont quitté l'hôtel de Visegrad, n'est-ce pas, pourriez-vous

  7   nous dire quelle est la direction empruntée ?

  8   R.  Tout d'abord, nous nous sommes rendus à la gare routière de Visegrad

  9   afin que de prendre du carburant pour les cars, ensuite nous avons

 10   rebroussé chemin, puis nous sommes allés via Novi Most, c'est-à-dire le

 11   nouveau pont de Visegrad, en direction de Smrijece.

 12   Q.  Pourriez-vous nous dire à quel moment, à peu près, le 14 juin, votre

 13   car a-t-il quitté la ville de Visegrad ?

 14   R.  Je ne le sais pas exactement, nous l'avons fait entre 9 et 11 heures du

 15   matin.

 16   Q.  Bien. Quand vous avez témoigné devant le Tribunal en 2001, c'est-à-dire

 17   neuf ans après les événements que vous avez vécus en 1992 ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Comment se fait-il que vous ayez pu alors vous souvenir de la date du

 20   14 juin comme date à laquelle les cars avaient quitté la ville de Visegrad

 21   ?

 22   R.  Toutes ces dates qui concernent notre vie, notre destin, ce que nous

 23   avons vécu ces jours-là, c'est profondément gravé dans ma mémoire. Je

 24   n'aimerais pas que cela arrive à quelqu'un d'autre, c'est quelque chose que

 25   je n'arrive tout simplement pas à effacer. C'est pour ça que je connaissais

 26   si bien ces dates.

 27   Q.  L'exécution dont vous avez parlé lors de votre témoignage et dans votre

 28   déclaration, cette exécution, elle a eu lieu le 15 juin, n'est-ce pas ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Le 15 juin, cette date a-t-elle une signification particulière pour

  3   vous depuis que cet événement a eu lieu ?

  4   R.  Malheureusement oui. Aucun bien n'est associé à cette date. Peut-être

  5   la seule chose positive que j'associe à cette date, c'est le fait que j'ai

  6   survécu. C'est tout.

  7   Q.  Quelle est votre date de naissance ?

  8   R.  Le 8 mai 1963.

  9   Q.  Fêtez-vous un deuxième anniversaire ?

 10   R.  Bien évidemment.

 11   Q.  Quelle est la date de votre deuxième anniversaire ?

 12   R.  Le 15 juin.

 13   Q.  Pourquoi fêtez-vous votre anniversaire le 15 juin ?

 14   R.  Le 15 juin on nous a amenés à Paklanik, moi-même et une cinquantaine de

 15   mes voisins, des membres de ma famille. Nos mains ont été attachées au dos,

 16   et c'est là que toutes ces personnes ont été exécutées, et je suis le seul

 17   à avoir réussi à me sauver, par chance.

 18   Q.  Alors cette date pour vous représente quoi, la date du 15 juin ?

 19   R.  C'est une date. Je ne la fête pas. Je ne fête pas le 15 juin comme ma

 20   fête, un anniversaire ordinaire, mais aucun 15 juin ne peut passer sans que

 21   je me souvienne de ce qui s'est passé le 15 juin 1992.

 22   Q.  Merci. Dans votre déclaration, vous avez dit qu'une personne est venue

 23   au convoi des cars avant que le convoi ne quitte la ville de Visegrad, et

 24   que vous avez par la suite appris qu'il s'agissait de Milan Lukic. Est-ce

 25   bien ce que vous avez déclaré ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Pourriez-vous nous dire de quelle manière avez-vous appris l'identité

 28   de cette personne ?

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  1   R.  A ce moment-là, nous étions déjà près pour partir et une personne, qu'à

  2   l'époque je ne connaissais pas, que je n'avais jamais vue auparavant, est

  3   montée à bord de mon bus et s'est arrêtée juste à côté de mon siège. J'ai

  4   levé la tête, je l'ai regardée pendant environ trois ou quatre secondes,

  5   ensuite j'ai détourné les yeux. Il a appelé Esad Kustura, il lui a dit,

  6   "Camarade d'école." Je ne sais pas si cela signifie qu'ils étaient ensemble

  7   à l'école, mais il a

  8   dit : "Allez, camarade d'école. Sors du car." Esad, quand il est passé à

  9   côté de mon siège, je lui ai dit d'essayer de se sauver, de s'enfuir. Mais

 10   quand il a posé son pied sur la dernière marche à la sortie du car, une

 11   dispute a commencé entre Ljupko Tasic et Milan Lukic. En fait, cette

 12   personne-là qui était dans le car mais pour laquelle j'ai appris plus tard

 13   que c'était Milan Lukic.

 14   Après cette dispute, Ljupko a dit à Esad de revenir à sa place, et Esad en

 15   passant à côté de moi m'a dit, "Ljupko m'a sauvé la peau."

 16   Ensuite, le car est parti en direction d'Olovo, et quand j'ai demandé à

 17   Esad qui était cette personne-là, il m'a dit que c'était Milan Lukic.

 18   Q.  Mais avant cet événement, vous ne connaissiez pas Milan Lukic.

 19   R.  Non, je ne le connaissais pas.

 20   Q.  Bien.

 21   Mme SARTORIO : [interprétation] Passons maintenant à la dernière question

 22   que j'aimerais aborder avec vous. Pour cela nous aurons besoin d'une carte

 23   qui se trouve dans le système électronique et les copies papier de cette

 24   carte sont distribuées.

 25   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien.

 26   Mme SARTORIO : [interprétation] Juste un instant, s'il vous plaît.

 27   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 28   Mme SARTORIO : [interprétation] Merci bien. Peut-on poser cette carte

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  1   sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît, pour que les Juges puissent suivre

  2   ce qui se passe.

  3   Q.  Pouvez-vous, Monsieur, prendre le marqueur que je vous ai passé tout à

  4   l'heure et indiquer la municipalité de Visegrad d'un cercle ?

  5   R.  [Le témoin s'exécute]

  6   Q.  Pourriez-vous également inscrire la lettre V à côté de ce cercle pour

  7   indiquer la ville de Visegrad ?

  8   R.  [Le témoin s'exécute]

  9   Q.  Si vous vous souvenez de la route que vous avez empruntée avec votre

 10   convoi le 14 juin, pourriez-vous, s'il vous plaît, essayer de l'indiquer

 11   sur la carte, de tracer cette route ?

 12   R.  Bien. Le convoi est parti de la place de Visegrad, traversait le pont

 13   sur la Drina, reprit ensuite la route vers Rogatica par la nouvelle route

 14   asphaltée qui faisait un petit détour par Smrijece, ensuite en traversant

 15   Gornja et Donja Lijeska, puis Kopito, puis Pesurici jusqu'à Seljane, un

 16   endroit qui se situe à proximité de la ville de Rogatica.

 17   Q.  Depuis cet endroit-là, vous êtes allés à un autre endroit, puis vous

 18   êtes revenus. Pourriez-vous nous décrire rapidement vos déplacements et

 19   l'endroit où l'exécution a eu lieu ?

 20   R.  Nous avons quitté le village de Seljane par une route de terre. Nous

 21   avons traversé Zakoma et Sakovici [phon] pour atteindre la municipalité de

 22   Sokolac. Ensuite, nous sommes passés par Knedjina [phon], le mont

 23   d'Isarica, et nous avons déjà, à ce moment-là, atteint la municipalité

 24   d'Orlovo. C'est là, malheureusement, qu'un camion de  soldats a commencé à

 25   suivre le convoi et à un endroit, ils ont donné l'ordre que les femmes, les

 26   enfants et les vieillards devaient quitter le convoi, alors que tous les

 27   autres qui restaient dans le convoi allaient être échangés.

 28   Q.  Bien. A un moment donné sur le chemin, avez-vous passé la nuit dans les

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  1   cars c'est-à-dire la nuit du 14 au 15 ?

  2   R.  Oui. On nous a renvoyés du mont d'Isarica vers Sokolac. On nous a tous

  3   fait monter dans un seul car qui se trouvait devant l'hôtel, ensuite le car

  4   a été garé devant l'hôtel Romanija au poste de police de Sokolac où nous

  5   avons passé la nuit alors que les gardes nous surveillaient.

  6   Q.  Est-ce que cet endroit où vous avez passé la nuit dans le car est

  7   visible sur cette carte ?

  8   R.  Non. Il faudra m'en donner une autre.

  9   Q.  Mais ça veut dire qu'il faudra que cette carte se rajoute du côté

 10   gauche de celle-ci, dans la prolongation de la route que vous avez prise ?

 11   R.  Oui, parce qu'ici on ne voit que la direction Visegrad-Rogatica. Il

 12   faudra aussi une carte qui représente l'axe Rogatica-Sokolac.

 13   Q.  Bien, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous montrer où se trouve Kopito,

 14   mettre un cercle et inscrire un K à côté.

 15   R.  [Le témoin s'exécute]

 16   Q.  Pourriez-vous nous dire ce que c'est Kopito, c'est une ville, c'est un

 17   village, un endroit, une localité ?

 18   Q.  Je ne sais pas en fait ce que ça pourrait bien être, il s'agit de

 19   quelques maisons parsemées le long de la route. Il ne s'agit même pas d'un

 20   village, peut-être que c'est un hameau. Il s'agit de deux ou trois maisons,

 21   dont peut-être un hameau et peut-être deux ou trois familles.

 22   Q.  Maintenant, entre Visegrad et Kopito, est-ce qu'il y avait des

 23   barrières ou des barrages routiers qui vous empêchaient  d'avancer sur

 24   cette route ?

 25   R.  Pas sur cette section, mais par la suite, un peu plus loin, quelque

 26   part, je ne sais pas très bien où, mais avant Seljani. Peut-être à Rijici,

 27   en ce point ici, juste là, il y avait une sorte de barricade, de barrage

 28   qui bloquait la route. Nous avons été arrêtés là pendant quelques minutes,

Page 533

  1   il y avait là quelques soldats, des troupes et une fois que nous avons

  2   passé, j'ai simplement remarqué qu'il y avait simplement quelques bûches,

  3   quelques morceaux de troncs de bois, pardon, sur la route et je ne sais pas

  4   qui les y avait mis.

  5   Q.  Cela n'a pas empêché le convoi d'avancer, ces rondins de bois, ces

  6   bûches de bois ?

  7   R.  Non.

  8   Q.  J'ai noté cet endroit sur la carte en indiquant par un P; est-ce exact

  9   ?

 10   R.  Je suppose que c'était à Pesurici, donc j'ai mis un P comme initiale.

 11   Q.  Monsieur, le 14 juin 1992, si vous deviez aller de Kopito à Visegrad,

 12   est-ce que vous auriez pris la même route exactement que celle qu'a

 13   empruntée le convoi ?

 14   R.  Oui. C'est la seule route, en fait.

 15   Q.  Merci.

 16   Mme SARTORIO : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

 17   Président.

 18   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

 19   Mme SARTORIO : [interprétation] Je m'excuse, est-ce que je pourrais

 20   demander à ce que cette carte soit versée comme pièce à conviction.

 21   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Elle est acceptée comme pièce à

 22   conviction.

 23   Mme SARTORIO : [interprétation] Merci.

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera donc la pièce à conviction P22,

 25   Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid. Maître Alarid, à vous

 27   le tour.

 28   M. ALARID : [interprétation] Je pense qu'en général, je viens juste après

Page 534

  1   justement.

  2   Contre-interrogatoire par M. Alarid : 

  3   Q.  [interprétation]  Bien, bonjour VG-11.

  4   R.  Bonjour.

  5   Q.  Vous avez indiqué dans vos témoignages que vous n'avez vu que celui que

  6   vous considériez être M. Milan Lukic qu'une seule fois ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Et cela ne s'est passé que sur la place de Visegrad ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Bien, l'Accusation vous a parlé de votre déclaration et je pense qu'il

 11   s'agissait de 1997; est-ce exact ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Votre témoignage dans l'affaire Vasiljevic; est-ce exact ?

 14   R.  Oui

 15   Q.  Est-ce que vous avez également lu votre déclaration du 11 septembre

 16   1992 ?

 17   R.  J'ai effectivement regardé cette déclaration, mais ce ne sont pas là

 18   mes mots. Le contenu reste le même, et je pense même que la signature qui

 19   figure sur ces documents n'est pas la mienne. En fait, même le nom de ma

 20   mère n'est pas Omerovic, mais Drino. Il ne s'était passé que peu de temps

 21   entre l'événement et mes déclarations, donc je vous dirais, si vous voulez

 22   me poser des questions, de baser vos questions sur les déclarations que

 23   j'ai faites en 1997, au moment où j'ai rencontré l'enquêteur de La Haye à

 24   Sarajevo.

 25   Q.  Pourquoi est-ce que vous préférez cela ?

 26   R.  Les déclarations de 1992 contiennent l'essentiel, mais cette substance

 27   est un petit peu donnée dans le désordre. Quelqu'un a redit mon histoire,

 28   reraconté mon histoire et ce n'est pas exactement -- ça ne reflète pas la

Page 535

  1   réalité exacte. Ce n'est pas ce que ça devrait être.

  2   Q.  Vous avez également fait une déclaration le 5 décembre 1992; est-ce

  3   exact ?

  4   R.  Est-ce que vous pourriez me dire à quel endroit j'aurais fait cette

  5   déclaration ?

  6   M. ALARID : [interprétation] Un instant, Monsieur le Président, je m'en

  7   excuse.

  8   Q.  A Sarajevo.

  9   R.  Le 5 décembre à Sarajevo.

 10   Q.  Oui, Monsieur.

 11   R.  Le 5 décembre 1992, je n'étais pas à Sarajevo. J'étais à Gorazde.

 12   M. ALARID : [interprétation] Monsieur le Président, nous aimerions que la

 13   cote ERN 00614799 jusqu'à 00614808 soit téléchargée, cela figure sur le

 14   prétoire électronique sous la cote 1D00-0161. Il s'agit de la version

 15   B/C/S. Et la version anglaise a été téléchargée sous la cote 1D00-0152.

 16   R.  Monsieur, la déclaration n'a pas été faite à Sarajevo, elle a été

 17   envoyée à Sarajevo, mais je l'ai faite à Donji Most, dans la région de

 18   Visoko.

 19   Q.  Donc vous avez fait cette déclaration le 5 décembre 1992 ?

 20   R.  Oui. 

 21   Q.  Je ne me souviens pas s'il s'agissait du 5 décembre, mais s'il est dit

 22   5 décembre, ça doit être vrai si ça été fait à Donji Most qui est près de

 23   Visoko. Et pour quelle raison avez-vous fait cette déclaration le 5

 24   décembre ?

 25   R.  Pour la première fois, après ce qui nous était arrivé le 15 juin, je

 26   suis revenu sur la place où le reste du convoi avait terminé sa course,

 27   donc les femmes, les enfants et les personnes plus âgées. Je suis

 28   quelqu'un, un homme qui a survécu à une exécution et qui était supposé dire

Page 536

  1   la vérité à ceux qui avaient survécu, c'est-à-dire les enfants, les épouses

  2   et les parents, de sorte que cette déclaration me semblait nécessaire,

  3   telle qu'elle était. Elle a été faite hâtivement sans entrer dans les

  4   détails, mais je devais faire cette déclaration étant donné les

  5   circonstances.

  6   Q.  Bien, n'est-il pas exact que dans aucune des déclarations du 11

  7   septembre 1992 ou du 5 décembre 1992, vous n'avez mentionné Milan Lukic ?

  8   R.  C'est possible. Dès que j'ai remarqué les premières erreurs dans la

  9   déclaration, je n'ai pas poursuivi ma lecture. Il ne s'agissait pas là de

 10   mes termes. Mes termes, c'étaient ceux que l'on retrouve dans la

 11   déclaration de 1997. Cette déclaration, je ne l'ai faite que pour

 12   satisfaire, faire plaisir à ceux qui étaient présents là.

 13   Q.  A votre sens, qu'est-ce qui était nécessaire pour satisfaire ceux qui

 14   étaient là et qui faisaient une enquête sur cette affaire en 1992, qui

 15   menaient une enquête sur cette affaire en 1992 ?

 16   R.  Je ne sais pas vraiment. Lorsque j'y repense et que je repense à cet

 17   interrogatoire à Mostar, je me souviens des erreurs que l'enquêteur a fait

 18   à ce moment-là, mais à l'époque ça ne me paraissait pas important à ce

 19   moment-là. Je pense qu'il avait rapporté mes termes à une dame qui

 20   s'occupait du protocole et qui a mis cela par écrit. Cela n'avait pas

 21   d'importance pour moi. J'avais survécu à la guerre et à toutes ces

 22   horreurs. L'important, l'essentiel pour moi était de faire une déclaration

 23   et j'ai fait un récit grosso modo de ce qui s'était passé sans faire

 24   d'analyse. Et en 1997, j'ai témoigné pendant deux jours à Sarajevo. J'ai

 25   déposé pendant deux jours à Sarajevo et tout ce que j'ai dit, à ce moment-

 26   là, a été mis par écrit. Donc si vous voulez vous reporter à la déclaration

 27   que j'ai faite en 1997.

 28   Q.  Pour être honnête --

Page 537

  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Témoin. Témoin, vous dites que vous

  2   vous souvenez des erreurs faites par l'enquêteur. De quelles erreurs

  3   s'agit-il ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas vous donner un exemple précis

  5   d'une erreur maintenant, mais lorsque je disais une phrase l'enquêteur soit

  6   l'adaptait ou la modifiait. A l'époque cela n'avait pas d'importance pour

  7   moi. A à ce moment-là, dans la déclaration de Djordje Gacic, il avait parlé

  8   du Corps d'Uzice, ce qui n'a pas de sens. Un simple paysan ne peut pas

  9   connaître le nom d'un corps d'armée. Mais comme je l'ai dit en 1992, je

 10   n'ai pas fait attention à ces éléments en 1992. On ne m'avait donné que

 11   quelques jours de congé pour pouvoir aller rendre visite à mon père. Donc

 12   cette déclaration avait été faite au moment où toutes mes impressions liées

 13   à l'exécution étaient encore fraîches dans ma mémoire. Il ne s'était passé

 14   que quelques mois. Donc essayez d'en tirer quelque chose, je ne pense pas

 15   que ce serait équitable, même si pour ce qui est de l'essentiel, cela reste

 16   correct.

 17   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourquoi est-ce qu'à l'époque cela

 18   n'avait pas d'importance pour vous que des erreurs soient faites ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] La guerre ne venait que de commencer. On

 20   m'avait donné cinq jours pour aller rendre visite à mon père, et j'ai fait

 21   cette déclaration à la hâte parce que je devais revenir sur le front. A

 22   l'époque, ce genre de chose ne me paraissait pas important.

 23   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Maître Alarid.

 24   M. ALARID : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   Q.  Parlons de l'essentiel de votre déclaration de 1992 et ensuite nous

 26   pourrons voir comment est-ce que vous vous souvenez de certaines choses.

 27   Est-ce que cela vous parait équitable ?

 28   R.  Pas de problème.

Page 538

  1   Q.  Est-ce que vous parlez anglais ?

  2   R.  Non. Je ne connais que quelques mots.

  3   Q.  Bien, vous avez répondu à Me Sartorio en utilisant le mot "yes" en

  4   anglais et donc je supposais que vous auriez pu parler l'anglais.

  5   Lorsque l'on vous a parlé de l'option d'un convoi, certains ont pensé que

  6   c'était là une possibilité de salut; est-ce exact ?

  7   R.  C'est ce que nous avons tous pensé.

  8   Q.  Et c'est parce que vous vous cachiez pour éviter la persécution et vous

  9   vous cachiez donc dans les bois; est-ce exact ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Vous avez également utilisé les jumelles et vous avez pu, grâce à ces

 12   jumelles, voir d'autres atrocités commises; est-ce

 13   exact ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Mais il y avait beaucoup de souffrance chez les gens qui se cachaient;

 16   est-ce exact ?

 17   R.  Oui, bien sûr.

 18   Q.  Mais pendant ce temps-là, vous étiez à -- ça faisait combien de temps

 19   que vous étiez dans la région de Visegrad ?

 20   R.  Je ne comprends pas votre question.

 21   Q.  Est-ce que vous êtes né à Visegrad ?

 22   R.  Aux alentours de Visegrad.

 23   Q.  Et la région de Visegrad n'est pas une grande région sur le plan de la

 24   démographie ?

 25   R.  Non.

 26   Q.  Et c'est la raison pour laquelle vous avez pu reconnaître un certain

 27   nombre de noms comme étant des voisins, soit des Musulmans, soit des

 28   Serbes, dans vos déclarations précédentes; est-ce exact ?

Page 539

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Est-il exact de dire dans votre esprit, si nous revenons au 15 juillet,

  3   le convoi pour exécuter les personnes dans votre car, est-ce que vous

  4   considérez cela comme étant un crime de guerre ?

  5   R.  Oui, bien sûr.

  6   Q.  Et pendant cette période, vous avez fait des déclarations en espérant

  7   probablement que les personnes responsables de ce convoi et de cette

  8   exécution, que justice serait faite par rapport à ces personnes

  9   responsables du convoi et des exécutions ?

 10   R.  Ces déclarations, je les ai faites à l'époque pour satisfaire la forme

 11   et que si j'étais le seul survivant et que je venais à être tué, qu'une

 12   trace écrite de ces événements reste. Mais je ne m'attendais à ce que les

 13   choses, les événements prennent une telle tournure erronée. C'est la raison

 14   pour laquelle j'étais ravi de pouvoir faire une autre déclaration par la

 15   suite qui est à 100 % exacte.

 16   Q.  Et vous étiez content, parce que les personnes qui avaient exécuté vos

 17   amis ont été remises entre les mains de la justice ?

 18   R.  Malheureusement, les personnes responsables de cette exécution étaient

 19   encore en liberté, les organisateurs de cette exécution étaient encore en

 20   liberté. Si je puis me permettre --

 21   Q.  Je m'excuse. Oui, allez-y.

 22   R.  Oui, allez-y.

 23   Q.  Qui est l'organisateur de ce convoi ?

 24   R.  Le principal organisateur de ce convoi est Ljupko Tasic, mon propre

 25   voisin de Bosnie.

 26   Q.  Peut-on dire que vous le considérez comme responsable des 50 morts, des

 27   personnes qui étaient à bord de ce car ?

 28   R.  Si vous le permettez, je vais profiter de cette occasion pour poser la

Page 540

  1   question à M. Milan Lukic. Leur conversation sur la place devant le car a

  2   pris une minute ou deux.

  3   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On arrête là. Vous n'êtes pas là

  4   pour poser des questions. Vous êtes là pour répondre aux questions.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Président, mais la clé de la solution

  6   se trouve là. Si vous le souhaitez, nous pouvons résoudre l'affaire du

  7   convoi qui a été formé le 14 juin 1992. Alors, il faudra que quelqu'un pose

  8   cette question à M. Lukic.

  9   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le Procureur le fera si elle

 10   considère que cela est approprié.

 11   M. ALARID : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur VG-11, je vais vous poser une questions concernant M. Gacic.

 13   Est-ce que vous le considérez en partie responsable de ce convoi ?

 14   R.  Nous avons été emmenés vers ce convoi parce que cela nous avait été

 15   suggéré par nos voisins. M. Gacic s'est approché de nous dans le village de

 16   Zagre. Je lui ai fait confiance et il est en fait le premier que nous avons

 17   cru et nous nous sommes fait prendre. Il était comme un hameçon.

 18   Q.  Pour ce qui est du hameçon, vous pensez qu'il vous a envoyé vers ce

 19   convoi non pas pour vous sauver, mais simplement pour être exécuté ?

 20   R.  Je suis convaincu qu'il savait que ce convoi n'était pas un convoi qui

 21   devait nous sauver. Ceux qui l'avaient organisé avaient déjà prononcé leur

 22   sentence. Ils ont simplement utilisé les bonnes relations de voisinage que

 23   nous avions eues auparavant pour tromper les gens et les encourager à

 24   monter dans ce convoi. Malheureusement, c'est ce que nous avons fait.

 25   Q.  Que pouvez-vous dire des autres Serbes de la localité dont vous vous

 26   souvenez des noms, Dusan Maric ?

 27   R.  Ces personnes aujourd'hui, autant que je le sache, certaines personnes

 28   sont retournées à Visegrad et ces personnes vivent normalement. Je dois

Page 541

  1   également dire que Ljupko Tasic, pour ce qui est des personnes qui sont

  2   retournées dans la région et à qui on a posé la question de savoir ce qui

  3   s'est passé avec le convoi, a répondu qu'il n'était pas responsable et ne

  4   pouvait être blâmé pour quoi que ce soit, que la décision de nous exécuter

  5   avait été prise par Milan Lukic sur la place lorsqu'il est apparu. C'est la

  6   raison pour laquelle il est important pour moi de savoir ce qu'a été la

  7   conversation qui s'est déroulée sur la place. C'était une conversation très

  8   courte, quelques phrases simplement. Je pense que cette conversation le

  9   libère, Milan Lukic, de toute responsabilité par rapport à ce convoi.

 10   Q.  Vous pensez que cette conversation lui enlève toute responsabilité ?

 11   Qu'est-ce que vous entendez par là ?

 12   R.  Milan Lukic est simplement apparu et voulait faire descendre son

 13   camarade d'école du car. Je pense que pendant ces mois, il n'y avait

 14   probablement personne qui pouvait empêcher à ce moment-là Milan Lukic de

 15   faire ce qu'il voulait faire. Mais Ljupko Tasic à ce moment-là l'a empêché

 16   de faire descendre Esad du car. C'était impossible à faire, à moins que

 17   Milan Lukic n'ait promis quelque chose à Ljupko Tasic, ou c'est plutôt dans

 18   le sens inverse.

 19   Q.  Qui était Ljupko Tasic et quelle était sa profession ?

 20   R.  C'était un de mes voisins, et je dois dire que nous étions en bons

 21   termes. Il avait des machines, c'était un transporteur. Nous nous

 22   connaissions depuis la naissance. Nous n'avions jamais eu des problèmes

 23   l'un avec l'autre.

 24   Q.  Mais il n'a eu aucun problème à vous envoyer vers une exécution ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Il est facile de supposer que toutes les personnes qui vous ont escorté

 27   vers le lieu d'exécution, toutes ces personnes connaissaient votre sort et

 28   le sort qui était réservé à vos frères ?

Page 542

  1   R.  Tous les événements qui ont entouré l'exécution, c'est un petit peu

  2   perdu dans un brouillard, un brouillard qui nous empêchait de croire en

  3   cela. Je peux simplement dire que les personnes qui ont exécuté réellement

  4   ces gens savaient parfaitement comment le faire.

  5   Q.  Que peut-on dire de Rade et de Sladjan Simic ?

  6   R.  Ce sont également des voisins. Rade possédait un pub à Bosanska

  7   Jagodina. Nous y avons tenu une réunion le 15 juin avec Ljupko Tasic. Je

  8   souhaitais comprendre de quel type de convoi il s'agissait, parce que

  9   quelque temps auparavant, un convoi similaire avait été organisé par Milan

 10   Lukic, et 17 ou 19 personnes ont terminé dans le voisinage de Bosanska

 11   Jagodina.

 12   Je n'ai pas vu cela de mes propres yeux. J'ai simplement entendu

 13   d'autres personnes le raconter ainsi que les familles des personnes qui ont

 14   été exécutées. Parmi ces 17 ou 19 personnes, il y avait également quelqu'un

 15   qui appartenait à la famille de ma femme. Il est le seul qui ait été

 16   enterré au cimetière, et les restes des autres ont été retrouvés dans une

 17   fosse à quelques kilomètres de Visegrad, mais seulement une partie des

 18   corps.

 19   Je suis allé à Bosanska Jagodina pour empêcher que la même chose ne nous

 20   arrive.

 21   Q.  Mais dans votre déclaration du 5 décembre 1992, lorsque vous avez parlé

 22   du sort des 17 personnes dans le convoi précédent, vous n'avez pas fait

 23   mention de Milan Lukic, et vous n'avez pas dit qu'il était responsable ?

 24   R.  Quand est-ce que j'ai fait cette déclaration ?

 25   Q.  Vous avez fait cette déclaration disant que vous vouliez vous assurer

 26   que le même sort n'aurait pas été réservé à votre convoi, le sort qui avait

 27   été réservé aux 17 personnes. Mais vous n'avez pas indiqué à ce moment-là

 28   le nom de Milan Lukic, et vous n'avez pas non plus dit que vous pensiez

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  1   qu'il était responsable.

  2   Je pense que cela figure à la page 2 de votre déclaration en serbe.

  3   R.  Cela est possible, mais à l'époque je ne savais pas que Milan Lukic

  4   était responsable de ce convoi. Je ne le sais toujours pas, mais si je me

  5   base sur les récits d'autres personnes dont certains membres de la famille

  6   se sont retrouvés là-bas, ce devait être Milan Lukic. Mais on a trouvé des

  7   corps et on a fait des analyses d'ADN, et les restes ainsi trouvés ont été

  8   enterrés. Il ne fait aucun doute qu'il y avait eu là une exécution. Mais

  9   sur la base des conversations que j'ai pu avoir et des personnes qui

 10   connaissaient Milan Lukic, ils disaient également qu'il était responsable

 11   de cela.

 12   J'étais au courant de cet événement, je suis allé à Bosanska Jagodina pour

 13   parler à nos voisins pour éviter que la même chose ne puisse se reproduire.

 14   Concernant ce convoi de 17 ou 19 personnes, je ne peux pas en dire beaucoup

 15   plus parce que je ne suis pas compétent en la matière.

 16   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, vous avez maintenant

 17   utilisé 25 minutes. Je vais encore vous donner 20 minutes à moins que vous

 18   n'ayez vraiment besoin davantage de temps. D'une façon générale, j'autorise

 19   45 minutes, mais je peux donner du temps supplémentaire si je considère que

 20   c'est justifié.

 21   M. ALARID : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Q.  Or, dans votre troisième déclaration du 3 et 4 novembre 1997, vous

 23   n'avez à nouveau pas mentionné Milan Lukic en ce qui concerne le convoi des

 24   17 personnes, n'est-ce pas vrai ?

 25   R.  C'est possible.

 26   Q.  La seule chose que vous ayez mentionnée c'est que Milan Lukic a demandé

 27   à Zenga de descendre du car à Visegrad ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Serait-il juste de dire qu'il est possible que M. Lukic ait essayé de

  2   faire descendre Zenga du car, parce que c'était un ami et parce que peut-

  3   être il savait où vous alliez et quel pourrait être votre sort ?

  4   R.  Franchement, je ne sais pas. C'est possible qu'il ait simplement voulu

  5   l'emmener prendre un verre. En fait, ça n'a pas de sens. C'est impossible.

  6   Zenga devait descendre du car à ce moment-là et devait être liquidé. C'est

  7   un fait, parce que la seule chose qui se passait à Visegrad c'était des

  8   tueries. Tuer était l'ordre du jour. Les gens ne mangeaient pas, les gens

  9   ne buvaient pas. Le fait c'est qu'ont ait été des camarades d'école ne

 10   faisait aucune différence.

 11   Quant à la conversation qui a eu lieu entre Ljupko et Milan, elle a fini

 12   par le faire remonter sur le car. Quel était le dialogue par lequel Esad a

 13   réussi à remonter sur le bus, ça c'est quelque chose que Milan sait et moi

 14   aussi je le sais. Je suis au courant de cette phrase en particulier. Mais

 15   je ne sais pas maintenant, ça remonte à 16 ans, c'est vraiment un peu trop

 16   loin.

 17   Q.  Mais vous êtes convaincu que Tasic connaissait votre sort à partir de

 18   la réunion du 13, n'est-ce pas ?

 19   R.  Je vous en prie, c'est une hypothèse, je suppose que oui. Je suis tout

 20   à fait sûr que c'était le cas, j'en suis certain. Mais je voudrais dire

 21   encore une fois que Tasic simplement, lorsqu'il a parlé à ceux qui étaient

 22   revenus, que Milan Lukic avait changé l'ensemble du sort de ce convoi.

 23   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 24   [La Chambre de première instance se concerte]

 25   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Alarid.

 26   M. ALARID : [interprétation] Je ne savais pas si vous alliez poser une

 27   question, Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. Allez-y.

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  1   M. ALARID : [interprétation]

  2   Q.  Serait-il possible que M. Tasic ait simplement essayé de faire passer

  3   la responsabilité à M. Lukic de façon à ce qu'il puisse vivre en paix à

  4   Visegrad ?

  5   Mme SARTORIO : [interprétation] Monsieur le Président, je dois objecter à

  6   cela. Je ne sais pas ce qui peut être entré dans l'esprit de M. Tasic à ce

  7   stade.

  8   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je suis d'accord. Posez une autre

  9   question.

 10   M. ALARID : [interprétation]

 11   Q.  M. Tasic semblait avoir la responsabilité de ce convoi, n'est-ce pas,

 12   de commandant ?

 13   R.  Oui. C'est avec lui que j'ai passé cet accord. C'est avec lui que je

 14   négociais le tout. La réunion qui s'est tenue dans le restaurant à Jagodina

 15   ne pouvait commencer sans sa présence. On a dû attendre 20 minutes avant de

 16   commencer pour qu'il arrive. Pour moi, cela indique que c'était lui à la

 17   tête de tout cela.

 18   Q.  Il a également dit aux autres personnes qui escortaient ainsi qu'aux

 19   conducteurs ce qu'ils devaient faire ?

 20   R.  Ça, je ne le sais pas.

 21   Q.  Ils ont fait déplacer les cars sous ses ordres ?

 22   R.  Ça non plus je ne le sais pas.

 23   Q.  Qu'est-ce que Milan Lukic ou celui que vous pensiez être Milan Lukic,

 24   qu'est-ce qu'il portait, comment était-il vêtu lorsqu'il a essayé de faire

 25   descendre votre ami du car ?

 26   R.  Je ne sais pas si vous pensez qu'en trois ou quatre secondes, tout en

 27   étant effrayé comme je l'étais, je pouvais regarder de près quelqu'un et

 28   retenir quels étaient ces vêtements, vous vous trompez. Je n'ai jeté qu'un

Page 547

  1   coup d'œil sur lui et ensuite j'ai baissé le regard. A cette époque-là, en

  2   plus, ce n'était pas bien de regarder Milan Lukic.

  3   Q.  Mais vous ne saviez pas qui était Milan Lukic à l'époque. Pourquoi est-

  4   ce que ça aurait eu de l'importance ?

  5   R.  Ecoutez, cette personne, cet homme s'est juste posé à côté de mon siège

  6   et je l'ai regardé instinctivement, et immédiatement j'ai baissé les yeux.

  7   S'il s'était arrêté, par exemple, un siège plus loin à côté de celui qui

  8   était derrière moi, je n'aurais jamais su que c'était Milan Lukic. Je

  9   l'aurais peut-être entendu dire, mais je ne l'aurais jamais vu de mes yeux

 10   avant le jour d'aujourd'hui, mais aujourd'hui c'est la deuxième fois que je

 11   le vois de ma vie, et la première fois, c'était bien là-bas où je vous ai

 12   dit, il y était et je suis convaincu qu'il ne cache pas cela.

 13   Q.  Vous voulez me dire que vous êtes en mesure de reconnaître un homme

 14   qui, au bout de 16 ans, après l'avoir vu pendant trois secondes, sans

 15   connaître son nom et sans savoir qui il était jusqu'à plus tard, sans

 16   mentionner son nom, jusqu'en 1997 ?

 17   R.  Je dois vous expliquer quelque chose. Pendant les moments où votre vie

 18   dépend de quelqu'un d'autre, à ce moment-là, votre cerveau enregistre tout

 19   ce qui se passe. Toutes ces années depuis ces événements, j'ai pu voir dans

 20   les articles de presse ou à la télévision Milan Lukic. Donc ce n'est pas la

 21   deuxième fois que je le vois. C'est seulement la deuxième fois que je le

 22   vois directement, de mes yeux, devant moi. Mais vous pouvez me croire,

 23   trois secondes suffisent pour qu'un visage reste à jamais gravé dans votre

 24   mémoire. Mais il vous faudra vivre ce que j'ai vécu, ces événements

 25   terribles pour cela se passe ainsi. Si on avait peut-être pris un verre

 26   ensemble, peut-être que je n'aurais pas retenu son visage.

 27   Q.  Est-ce que vous pensez que quelqu'un qui avait toutes les

 28   responsabilités, le pouvoir, le commandement serait en mesure de faire

Page 548

  1   claquer ses doigts et faire que M. Kustura puisse descendre du car sans

  2   problème ?

  3   R.  C'est justement cela la clé de toute cette affaire. Si vous souhaitez

  4   dévoiler cette histoire, comprendre ce qui se passe, il suffirait de

  5   répéter la teneur de cette conversation entre Tasic et Lukic, ici devant

  6   les Juges, si évidemment M. Lukic s'en souvient, et je pense qu'il devrait

  7   s'en souvenir.

  8   Q.  Serait-il juste de dire que si M. Lukic n'avait pas de pouvoir de dire

  9   M. Tasic que ce qu'il devait faire, ce ne serait pas Milan Lukic que les

 10   médias ont finalement révélé qui il était ? Est-ce que vous vous seriez

 11   attendu à davantage ?

 12   R.  Non. Non, non. Je comprends ce que vous voulez dire par cela. Mais vous

 13   savez, je vous ai déjà expliqué cela. Pendant ces jours-là, personne ne

 14   pouvait s'opposer à Milan Lukic.

 15   Ljupko Tasic a promis à Milan Lukic, à ce moment-là, je ne le sais pas,

 16   mais c'était certainement quelque chose qui lui a permis de détourner Milan

 17   Lukic de son intention.

 18   Non, c'est impossible. Il n'avait pas --

 19   Q.  Donc qui avait le pouvoir à Visegrad à ce moment-là ? Qui avait mis le

 20   SDS au pouvoir à Visegrad à ce moment-là ?

 21   R.  Je ne sais pas qui a été nommé au poste de pouvoir par le SOLDATS. Est-

 22   ce peut-être que c'était Savovic. Mais je pense que le pouvoir se trouvait

 23   entre les mains de Milan Lukic, des Aigles blancs et tous les autres.

 24   Q.  Que pensez-vous de Perisic ?

 25   R.  Si vous faites référence au Pr Perisic, j'en ai entendu parler.

 26   Q.  Il était aussi le chef et le commandant de la police ?

 27   R.  Malheureusement oui, des types dégénérés comme celui-ci étaient nommés

 28   à des postes importants.

Page 549

  1   Q.  Que voulez-vous dire en disant que c'était un type dégénéré ?

  2   R.  Je voulais dire qu'il ne devait pas exercer de telles fonctions.

  3   Q.  Pourquoi ?

  4   R.  Il était commandant de la police à Visegrad.

  5   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

  6   Monsieur le Témoin, vous avez parlé du dialogue qui a eu lieu entre Milan

  7   Lukic et Tasic sur le car comme étant la clé, la solution qui permettrait

  8   de résoudre cette énigme, ce puzzle. Vous avez entendu cet échange, ce

  9   dialogue, n'est-ce pas ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 11   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourquoi pensez-vous que ce serait

 12   la clé qui permettrait de résoudre la question ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la clé de l'énigme. A cette époque-là,

 14   personne ne pouvait s'opposer à Milan Lukic. Alors comment se fait-il qu'il

 15   a suivi le conseil de Tasic, pourquoi il l'a écouté, pourquoi il a obéi à

 16   ce que Tasic lui a dit de ne pas faire sortir les prisonniers, les détenus

 17   du car ? Peut-être que Tasic lui avait promis quelque chose. Peut-être que

 18   Tasic savait déjà ce qu'il allait nous arriver. Peut-être qu'il a tout

 19   simplement dit à Lukic ce qu'il allait se passer avec nous. Donc si Milan

 20   Lukic a entendu cette phrase, il n'a qu'à la répéter, ici, devant nous.

 21   Moi, ça fait 16 ans que je crois savoir ce que cette phrase contient.

 22   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comment est-ce que vous l'avez su ?

 23   M. ALARID : [interprétation]

 24   Q.  Qu'est-ce que vous croyez quel était le sens de ça ?

 25   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, j'ai demandé, comment avez-vous

 26   eu connaissance de cette phrase ?

 27   M. ALARID : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. J'ai demandé au témoin, comment

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  1   avez-vous entendu cette phrase ? Comment avez-vous appris cette phrase ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Ça fait 16 ans que je vis avec ce crime.

  3   J'essaie de résoudre cette énigme. Quelqu'un en est responsable. Quelqu'un

  4   m'a promis l'assistance de la Croix-Rouge, le transfert jusqu'à la ville

  5   Skopje, l'escorte par des voisins serbes. Tout cela m'a été promis.

  6   Rien n'a été réalisé, aucune promesse n'a été tenue et les choses se sont

  7   passées tout à fait différemment.

  8   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce que je cherche à savoir - parce

  9   que vous êtes ici pour faire une déposition, pour aider la Chambre de

 10   première instance pour connaître les faits, en l'espèce - si vous dites que

 11   vous avez eu connaissance de cette phrase pendant 16 ans, la Chambre de

 12   première instance est intéressée à savoir ce que vous savez et comment vous

 13   avez appris cela.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous dirai la phrase, mais je voulais

 15   d'abord entendre la confirmation s'agissant de sa teneur.

 16   Vous savez, pour pouvoir sauver quelqu'un, à ce moment-là, il a fallu

 17   promettre quelque chose à Milan Lukic en échange. Ljupko, à ce moment-là, a

 18   dit à Lukic de ne pas semer la confusion là-bas, sur la place, que ce

 19   n'était pas nécessaire du moment où on devait déjà, c'était déjà décidé,

 20   qu'on allait être exécuté. Et c'est en entendant cela que Lukic est parti,

 21   il lui suffisait d'entendre ça pour partir.

 22   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comment savez-vous que Ljupko a dit

 23   cela à Milan ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ce qui s'est passé autour de ce convoi a

 25   été planifié. Le lendemain, nous nous sommes retrouvés tous à Jama [phon].

 26   Si notre convoi avait atteint sa destination, on n'aurait rien à dire

 27   aujourd'hui. On n'en parlerait pas aujourd'hui, mais 50 personnes ont perdu

 28   leur vie ce jour-là.

Page 551

  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-il exact de dire que vous avez

  2   déduit ceci de l'ensemble des circonstances ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  4   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Nous allons suspendre

  5   l'audience pour 20 minutes.

  6   --- L'audience est suspendue à 10 heures 20.

  7   --- L'audience est reprise à 10 heures 42.

  8   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, il vous reste quatre

  9   minutes.

 10   M. ALARID : [interprétation] Je pense que l'équipe de Sredoje Lukic va

 11   offrir un peu de son temps.

 12   L'INTERPRÈTE : Microphone pour le conseil, s'il vous plaît.

 13   M. ALARID : [interprétation] Je pense que l'équipe de Sredoje Lukic va

 14   donner un peu de son temps, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous voulez dire vous donner un peu

 16   de son temps, vous en donner à vous ?

 17   M. ALARID : [interprétation] Oui.

 18   M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre permission,

 19   nous avons juste quelques questions à poser à ce témoin.

 20   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Mais combien de temps vous

 21   pensez qu'il vous faut ? Il y a certains détails --

 22   M. ALARID : [interprétation] Je voudrais présenter les déclarations du 25

 23   décembre [comme interprété] et du 5 décembre 1992 comme éléments à verser

 24   au dossier, 1D00-0154 [comme interprété], et la déclaration du 5 décembre

 25   1992, à savoir 1D00-0152.

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc vous voudriez que ceux-ci

 27   soient versés au dossier ?

 28   M. ALARID : [interprétation] Oui, oui.

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  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, ils sont versés au dossier.

  2   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de

  3   1D00-0145, qui devient la pièce 1D6, et le 1D0-0152 qui devient la pièce

  4   numéro 1D7.

  5   M. ALARID : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur 11, reparlons des autres personnes qui ont participé à

  7   l'exécution à la fin de votre voyage ce jour-là. Vous rappelez-vous quel

  8   jour de la semaine était-ce ?

  9   R.  C'était le 15 juin, mais je ne me rappelle pas quel jour de la semaine

 10   c'était.

 11   Q.  Est-ce que vous aviez d'autres activités qui auraient pu vous permettre

 12   de savoir si c'était un jour de semaine ou un jour de week-end ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Les personnes qui ont participé à l'exécution, qui étaient-ce ? Soit

 15   ceux qui escortaient, soit ceux qui conduisaient ou soit ceux qui ont tiré

 16   ?

 17   R.  Je n'en connais que deux, Predrag Milisavljevic, qui a commencé

 18   l'exécution, et Boris Ceho, qui se tenait à côté près de nous.

 19   Q.  Est-il exact que Boris Ceho était un policier de réserve ?

 20   R.  C'est exact, à l'époque il portait l'uniforme d'un policier de réserve.

 21   Moi aussi, j'avais été policier de réserve.

 22   Q.  Combien y avait-il d'autres personnes dans ce détachement qui portaient

 23   des uniformes de la police ou de policier de réserve ?

 24   R.  Je crois qu'il n'y avait que Boris Ceho qui portait cet uniforme des

 25   policiers de réserve. A part ces deux-là, il y avait encore neuf personnes,

 26   donc au total 11 pour autant que j'ai pu compter à ce moment-là et pour

 27   autant que je puisse m'en souvenir. Il y avait 11 personnes qui se

 28   trouvaient à côté de la fosse. Je sais que l'homme qui se trouvait là

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  1   lorsque Predrag Milisavljevic a commencé l'exécution à la fosse avait un

  2   gilet pare-balles sur lui.

  3   Q.  Par-dessus son uniforme ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Predrag a clairement dit aux autres ce qu'ils devaient faire ?

  6   R.  C'est intéressant de savoir que personne ne donnait d'ordre à personne

  7   là. Ils donnaient l'impression d'une équipe bien formée qui savait ce

  8   qu'elle faisait. Je n'ai jamais entendu prononcer un seul ordre. Mais c'est

  9   un fait que Slavisa Vukojicic, que je ne connaissais pas à l'époque, il est

 10   de Rogatica, ce n'est qu'après que j'ai pu m'échapper que les autres

 11   personnes m'ont dit son nom sur la base de ma description, il semblait être

 12   le responsable. Et je crois qu'il ne portait pas d'armes.

 13   Q.  N'est-il pas vrai que comme on l'a dit dans votre déclaration de

 14   décembre 1992, vous avez appris que Baja Zukic avait été tué ?

 15   R.  Il doit y avoir une erreur de nom. Le nom de famille est bien Zukic,

 16   mais le prénom n'est pas Baja.

 17   Q.  C'est peut-être Behija ou peut-être pourriez-vous nous dire quel est le

 18   prénom de cette personne ?

 19   R.  Il s'agit d'une femme.

 20   Q.  Oui.

 21   R.  A côté de cette fosse, il n'y avait pas de femmes, il n'y a eu que des

 22   hommes parmi les personnes tuées.

 23   Q.  Vous ne m'avez pas bien compris. Je parle de la période ultérieure,

 24   c'est-à-dire du moment où vous avez appris que M. Zukic avait été tué

 25   quelque part ailleurs.

 26   R.  J'ai entendu dire que le convoi suivant qui était parti après le nôtre,

 27   qu'il y avait dans ce convoi une seule victime, une femme. C'est peut-être

 28   ça, Mme Zukic, cette personne. Mais je ne peux pas le confirmer avec

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  1   certitude.

  2   Q.  Donc vous n'avez jamais entendu le nom de M. Lukic mentionné, associé à

  3   celui de Mme Zukic, de cet événement ?

  4   R.  Est-ce que vous parlez de Behija Zukic, je ne sais d'ailleurs pas si

  5   elle a été tuée dans un de ces convois, ou plutôt, en ville, chez elle.

  6   Q.  Donc vous ne le savez pas.

  7   R.  Si votre question porte sur la personne à laquelle je pense, à Behija

  8   Zukic, je pense qu'elle a été tuée chez elle.

  9   Q.  Mais vous n'avez pas jamais entendu le nom de M. Lukic mentionné dans

 10   ce contexte-là ?

 11   R.  J'ai entendu dire qu'il y avait un lien entre M. Lukic et le meurtre de

 12   Mme Behija Zukic, et j'espère qu'on parle de la même personne, de Behija

 13   Zukic qui a été tuée chez elle. Je pense que son quartier s'appelait Duce.

 14   Q.  Dans la déclaration de décembre 1992, vous n'avez pas fait référence à

 15   M. Lukic. Cela signifie-t-il que vous avez appris cela ultérieurement,

 16   c'est-à-dire entre 1992 et 1997 ?

 17   R.  Je crois que je l'ai su déjà avant, et je vous ai déjà expliqué dans

 18   quelles conditions j'ai fait cette déclaration. A ce moment, je ne parlais

 19   que de ce que j'ai vécu personnellement. S'agissant de Mme Zukic, ce n'est

 20   pas un événement auquel j'étais témoin. J'en ai seulement entendu parler.

 21   Vous savez, si je devais maintenant vous raconter tout ce que j'ai entendu

 22   dire par quelqu'un d'autre, alors ça pourrait durer des jours.

 23   Q.  Serait-il correct de dire que tout ce que vous avez entendu sur M.

 24   Lukic, vous avez dû l'entendre entre décembre 1992, le moment où vous avez

 25   fait votre déclaration, et 1997, parce que vous ne l'avez jamais mentionné

 26   avant 1997 ?

 27   R.  Ecoutez, je ne peux vraiment pas répondre à votre question.

 28   Q.  Mais vous ne saviez pas qui était cette personne-là que vous avez vue

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  1   sur la place à Visegrad au moment où vous vous trouviez dans le car, vous

  2   ne saviez pas que c'était Milan Lukic ?

  3   R.  C'est exact.

  4   Q.  Vous avez seulement entendu ce nom ce jour-là, et vous vous êtes

  5   souvenu de ce nom plus tard, seulement en 1997 ?

  6   R.  Non, c'était ce jour-là que j'ai appris son nom. J'ai demandé à Esad

  7   Zukic qui était cet homme, et c'est lui qui me l'a dit. Quand Lukic s'est

  8   adressé à Esad, il lui a dit, camarade d'école. Je ne sais pas s'ils sont

  9   allés ensemble à l'école, mais c'est de cette manière qu'il s'était adressé

 10   à lui. Voilà, c'est ce jour-là que j'ai appris qu'il s'appelait Lukic.

 11   Q.  Vous avez appris ce jour-là qu'il n'avait pas l'autorité, le pouvoir de

 12   le faire descendre du car, de bus ?

 13   R.  Le lendemain, j'ai appris que Milan Lukic avait ce pouvoir, un pouvoir

 14   très important malheureusement.

 15   Q.  Vous l'avez appris le lendemain, mais vous ne l'avez jamais mentionné

 16   auparavant, même pas en 1997 ?

 17   R.  Probablement que personne ne m'a jamais posé la question.

 18   Q.  Vous ne l'avez non plus mentionné lors de votre témoignage en 2001 ?

 19   R.  Peut-être qu'à ce moment-là non plus on ne m'a pas posé la question

 20   qu'il fallait.

 21   Q.  Serait-il correct de dire que sur la base de vos connaissances

 22   générales sur la structure de pouvoir à Visegrad, que c'étaient la cellule

 23   de Crise et Perisic qui avaient le contrôle sur la ville ?

 24   R.  Cher Monsieur, je vous demanderais une seule chose, dites-moi, s'il

 25   vous plaît, y a-t-il un compte rendu des crimes commis au poste de police à

 26   Visegrad ?

 27   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Juste un instant, Monsieur le

 28   Témoin, ce n'est pas à vous de poser les questions, vous n'avez pas ce

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  1   droit, c'est le droit du conseil de la Défense et non pas le vôtre.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien. 

  3   D'après ce que j'en sais, il n'y a aucune trace écrite sur les crimes

  4   commis au poste de police où on fait référence à Perisic, alors que des

  5   crimes ont été certainement commis là-bas. Donc cela indique très

  6   clairement que cette police n'était pas véritablement une police et que

  7   tout ce qui se faisait, se faisait avec l'objectif de commettre des crimes.

  8   M. ALARID : [interprétation]

  9   Q.  C'est Perisic qui était leur chef, n'est-ce pas ?

 10   R.  Perisic était un de mes enseignants à l'école, malheureusement. Je ne

 11   sais pas à qui il était le chef à l'époque.

 12   Q.  Vous avez témoigné dans l'affaire Vasiljevic, n'est-ce

 13   pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Lors de cette déposition, vous avez déclaré avoir appris le nom de

 16   Milan Lukic seulement après l'événement ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Mais rien dans cette conversation n'a pu vous indiquer que c'était lui

 19   la personne qui avait le pouvoir ?

 20   R.  A quelle conversation vous faites référence ?

 21   Q.  A celle par laquelle vous avez appris son nom.

 22   R.  Pourriez-vous répéter la question ?

 23   Q.  Quand vous avez appris le nom de Milan Lukic lors d'une conversation,

 24   rien d'autre n'a été dit vous indiquant que c'était lui le responsable ou

 25   la personne détenant le pouvoir.

 26   R.  J'ai entendu parler de Milan Lukic dès le début des opérations de

 27   guerre à Visegrad, mais j'en ai seulement entendu parler. Et les histoires

 28   de ses exploits, elles ont circulé jusqu'à la fin de la guerre et je les ai

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  1   entendues, bien évidemment, mais je n'ai rien à dire à ce sujet-là.

  2   Q.  N'est-il pas vrai qu'en témoignant devant ce Tribunal, vous avez

  3   déclaré être ne pas comprendre pourquoi Mitar Vasiljevic était le seul

  4   accusé des crimes commis à Visegrad ?

  5   R.  C'est tout à fait possible si cela figure dans le compte rendu

  6   d'audience, c'est tout à fait possible.

  7   Q.  Vous connaissiez Mitar Vasiljevic, vous preniez un verre avec lui de

  8   temps en temps, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui. Avant le début des opérations de guerre. Nous nous connaissions

 10   bien. On a bu plusieurs verres et non pas quelques verres ensemble.

 11   Heureusement, je n'ai pas eu à le rencontrer par la suite, Mitar

 12   Vasiljevic.

 13   Q.  Malheureusement ?

 14   R.  Malheureusement, ou plutôt, heureusement.

 15   Q.  Vous ne l'avez jamais rencontré après le début de la guerre, c'est ce

 16   que vous êtes en train de nous dire ?

 17   R.  Oui, c'est exact.

 18   Q.  Mais rien concernant Mitar Vasiljevic nous indiquait à l'époque allait

 19   s'avérer un monstre pendant la guerre.

 20   R.  Ecoutez, Visegrad était une petite ville, une belle ville, du moins

 21   avant la guerre, et tout le monde se connaissait. C'était inimaginable que

 22   des amis d'école s'entretuent. Ça va pour Milan aussi.

 23   Autant que pour Mitar Vasiljevic, et tous les autres, tous les autres pour

 24   lesquels il sera prouvé qu'ils ont fait ce qu'ils ont fait. Il y en a

 25   d'autres pour lesquels cela ne sera pas prouvé. Vous savez, je suis passé

 26   par trop de choses pour avoir des visions encore aujourd'hui.

 27   Q.  Mais peut-on dire que quelqu'un comme Mitar Vasiljevic n'aurait pas pu

 28   tuer des milliers qui sont morts ou qui ont disparu dans la zone de

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  1   Visegrad pendant cette période-là ?

  2   Mme SARTORIO : [interprétation] Monsieur le Président, je soulève une

  3   objection à cette question. Tout d'abord, on invite le témoin à émettre des

  4   conjectures, puis il n'y a aucun fondement et finalement je ne crois pas

  5   que ce soit pertinent.

  6   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je suis d'accord. Pourriez-vous

  7   essayer d'organiser votre contre-interrogatoire de manière appropriée,

  8   Maître Alarid.

  9   M. ALARID : [interprétation] S'agissant de la pertinence, cela, je laisse

 10   la décision à la Chambre. Quant aux conjectures, lors de l'interrogatoire

 11   principal, les témoins ont été très souvent autorisés à émettre des

 12   conjectures surtout dans une situation où leurs connaissances dans leur

 13   intégralité portant sur Milan Lukic n'étaient basées que sur des

 14   conjectures et des rumeurs.

 15   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, bien. Passez à autre chose.

 16   M. ALARID : [interprétation]

 17   Q.  N'est-il pas vrai, Monsieur le Témoin, que dans cette zone des milliers

 18   de personnes ont été tuées ou déplacées ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Et un très grand nombre de mosquées et de maisons des Musulmans ont été

 21   incendiées ou détruites ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et pour que cela soit fait, un effort coordonné des centaines ou plus

 24   de Serbes était nécessaire ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Et avant de vivre ces événements, vous n'avez jamais entendu le nom de

 27   Milan Lukic mentionné dans le contexte de pouvoir, de personne qui détenait

 28   le pouvoir. Vous n'avez entendu que des histoires, des rumeurs plus tard.

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  1   R.  J'ai entendu ces histoires sur Milan Lukic avant le convoi, mais cette

  2   personne ne m'intéressait pas du tout. Je ne savais pas qui c'était. Ça

  3   n'avait aucune importance pour moi. Ce qu'il faisait, ce qu'il était

  4   n'avait aucune importance pour moi. Tout ce que j'ai entendu dire se

  5   résumait à la chose suivante : c'est que la préoccupation principale de

  6   cette personne pendant ces mois-là de 1992 était de tuer. Voilà, c'est

  7   tout.

  8   Q.  Comprenez-vous que c'est seulement aujourd'hui, la première fois, que

  9   vous dites avoir entendu parler de Milan Lukic avant le 14 juin 1992 ?

 10   Mme SARTORIO : [interprétation] Objection. On peut seulement dire, faire

 11   des commentaires au sujet de ce qui figure dans les déclarations, mais on

 12   ne peut pas savoir ce qu'il a pu dire à quelqu'un dans la période

 13   précédente.

 14   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais la question que pose Me Alarid

 15   porte sur le fait que le témoin n'avait jamais déclaré avoir entendu parler

 16   de Milan Lukic avant le 14 juin. Qu'est-ce qui ne va pas ?

 17   Mme SARTORIO : [interprétation] Vous savez, le fait que cela ne figure pas

 18   dans les déclarations ne signifie pas que le témoin n'ait jamais dit à

 19   personne qu'il avait entendu parler de lui auparavant.

 20   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, pourriez-vous placer

 21   cette question dans le contexte. Est-ce que vous parlez de la première fois

 22   s'agissant des déclarations ?

 23   M. ALARID : [interprétation] Oui.

 24   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Plutôt, votre question est de nature

 25   plus générale.

 26   M. ALARID : [interprétation] Je parle en fait des déclarations et de sa

 27   déposition préalable.

 28   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. C'est ce que je pensais.

Page 561

  1   M. ALARID : [interprétation]

  2   Q.  Bien. Alors je vous repose la question. N'est-il pas vrai que c'est

  3   aujourd'hui seulement que vous faites référence à Milan Lukic comme

  4   quelqu'un dont vous avez déjà entendu parler avant le 14 juin ? C'est la

  5   première fois que vous le dites aujourd'hui, alors que vous avez déjà eu

  6   quatre ou cinq autres occasions devant les autorités diverses à le dire ?

  7   R.  Ecoutez, c'est la première fois qu'on aborde directement Milan Lukic.

  8   Je n'ai jamais témoigné contre Milan Lukic, je n'étais jamais témoin à

  9   charge pour Milan Lukic. Donc on a dû parler d'autres choses.

 10   Q.  Bien. Pourriez-vous nous dire combien de temps a duré l'entretien en

 11   septembre 1992 ?

 12   R.  C'est l'entretien à Mostre ? Quand j'ai fait la déclaration aux

 13   enquêteurs à Mostre, si vous faites référence à cet entretien, il a

 14   commencé à 14 heures et il s'est fini à 22 heures.

 15   Q.  Pendant ces heures-là pendant lesquelles vous avez dû revivre ce qui

 16   vous avez vécu pendant les trois jours en question et pendant lesquels vous

 17   avez parlé des personnes responsables de la zone de Visegrad, vous n'avez

 18   jamais mentionné le nom de Milan Lukic ?

 19   R.  Ecoutez, je dois répéter. J'ai fait des déclarations parce que cela, on

 20   me l'a demandé dans le cadre d'une procédure. Je n'ai pas fait attention

 21   aux détails. Je suis conscient de fait qu'il y a beaucoup de détails qui

 22   manquent dans cette déclaration. Vous savez, la guerre venait de commencer,

 23   j'avais un peu de temps que j'avais

 24   l'intention d'utiliser pour rendre visite à mon père et de revenir, et le

 25   fait de faire cette déclaration, cela m'a fait perdre toute une journée.

 26   Si j'avais su que j'allais survivre et que je serais ici aujourd'hui,

 27   peut-être que j'aurais fait les choses différemment. Mais bon, les choses

 28   se sont passées de la manière que je vous ai décrite et c'est ainsi, on n'y

Page 562

  1   peut rien.

  2   Q.  Bien. Passons maintenant à votre déclaration de 1997. C'est une

  3   déclaration qui a été traduite en anglais, qui est composée de neuf pages

  4   et que vous avez signé et parafé chacune des pages ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Et cette déclaration était écrite en B/C/S, et la version en B/C/S

  7   compte dix pages ?

  8   R.  Je ne me souviens pas du nombre exact de pages, mais je l'ai signée.

  9   Q.  Bien. Et dans cette déclaration, vous avez mentionné Milan Lukic

 10   seulement au moment où vous décrivez la manière dont vous avez appris son

 11   nom, mais vous n'avancez aucune autre information, rien de concret,

 12   s'agissant de ce que vous aviez su à son sujet avant d'avoir appris que

 13   cette personne s'appelait Lukic ?

 14   R.  Ecoutez, tout cela est sorti du contexte. Si c'est écrit comme ça,

 15   c'est comme ça. Je n'ai pas évidemment mémorisé. Je ne connais pas par cœur

 16   cette déclaration. Donc si vous le dites, alors c'est ainsi.

 17   Q.  En fait, vous avez seulement vu les Aigles blancs là-bas, et d'après ce

 18   qui figure dans votre déclaration de novembre 1997, vous avez seulement à

 19   ce moment-là su qu'il était membre des Aigles blancs, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, c'est vrai. J'ai bien dit cela en 1997. Néanmoins, quand j'ai

 21   écouté et réécouté ma déposition et relu ma déclaration, je me suis rendu

 22   compte que c'était quelque chose d'inutile. Ce n'était pas nécessaire de le

 23   mentionner. D'ailleurs, comment pourrait-on savoir si quelqu'un faisait

 24   partie des Aigles blancs, il n'avait certainement pas des ailes blanches

 25   sur lui. Donc j'avais seulement entendu qu'il était membre des Aigles

 26   blancs, et c'est pour cette raison-là que j'ai demandé que ces deux phrases

 27   soient supprimées.

 28   Q.  Oui, mais dans votre déclaration vous avez dit très précisément que

Page 563

  1   Ljupko Tasic avait dit à Milan Lukic qu'Esad ne pouvait pas descendre du

  2   car.

  3   R.  Je ne sais pas si cela était dit exactement comme vous l'indiquez

  4   maintenant. Ce qui est sûr, c'est qu'Esad, en remontant à bord du car m'a

  5   dit : "Ljupko vient de me sauver la tête." C'est ce qui s'est passé et

  6   c'est ce qui doit figurer dans ma déclaration. Mais je n'ai pas dit que

  7   j'ai entendu Ljupko dire à Esad de reprendre sa place dans le car.

  8   Q.  Mais la première fois, vous avez dit qu'Esad [comme interprété] vous

  9   avait dit que Ljupko lui avait sauvé la tête, c'est aujourd'hui.

 10   R.  C'est possible. Peut-être que je l'ai dit différemment dans un autre

 11   contexte. Vous savez, il est très difficile de répéter les phrases mot par

 12   mot après toutes ces années. J'espère que vous ne vous attendez pas à cela.

 13   Q.  Mais l'ironie, n'est-il pas dans le fait que Zenga s'était trompé et

 14   que Ljupko l'a tué ?

 15   R.  Non, Ljupko n'a tué personne. Il a fait les préparatifs nécessaires

 16   pour le meurtre. Donc ce qu'il a fait sur la place, ce n'était qu'une farce

 17   pour éviter les problèmes, là, devant le monde. Il a dû lui dire, laisse-le

 18   maintenant, évitons des problèmes. De toute façon, son sort est réglé et il

 19   a été réglé.

 20   Q.  Mais vous n'avez jamais obtenu des informations selon lesquelles M.

 21   Lukic aurait participé dans cet effort, dans cette coopération, dans ces

 22   préparatifs ?

 23   R.  Non. Non, je n'ai jamais eu de telles informations. Il y a quelques

 24   personnes très peu nombreuses qui sont retournées à Visegrad et qui ont

 25   toujours des contacts avec Ljupko Tasic, qui aurait dit qu'il n'était

 26   responsable de rien, qu'il était vraiment là pour rien, et d'après ces

 27   personnes-là il aurait utilisé cette conversation sur la place pour jeter

 28   la responsabilité sur Milan Lukic. C'est ce que j'ai entendu dire. Et c'est

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  1   pour ça que je dis que si Milan Lukic se souvient de la teneur de cette

  2   conversation, cela pourrait être utile pour savoir ce qui s'est exactement

  3   passé à ce moment-là.

  4   Q.  Et si Milan Lukic vous disait qu'il avait essayé de sauver Zepa et

  5   qu'il ne pouvait pas le faire, qu'il n'avait pas de pouvoir pour le faire ?

  6   R.  Ecoutez, c'est complètement ridicule, ce que vous êtes en train de

  7   dire.

  8   Q.  Et que Tasic a refusé sa demande.

  9   R.  Ecoutez, Milan Lukic seul peut le savoir. Je vous ai déjà dit. La

 10   conversation qui a été conduite devant le car peut décharger Milan Lukic de

 11   toute responsabilité. Si M. Lukic sait, s'il se souvient de la teneur de

 12   cette conversation, alors il n'a qu'à le dire. Cela aidera à tout le monde

 13   à établir la vérité, parce que tant que la teneur de cette conversation

 14   reste inconnue, alors Ljupko Tasic peut rejeter toute responsabilité sur

 15   Milan Lukic, ce qui est d'ailleurs tout à fait possible, mais on ne le sait

 16   pas.

 17   Q.  Mais vous-même, vous ne le savez pas ?

 18   R.  Vous pouvez me préciser, qu'est-ce que je ne sais pas ? Je me suis un

 19   peu perdu.

 20   Q.  Vous ne savez pas si Ljupko Tasic essaie tout simplement de rejeter la

 21   responsabilité sur Milan Lukic sachant que c'est Milan Lukic qu'on juge ici

 22   devant ce Tribunal.

 23   R.  C'est ce qu'on raconte maintenant. On dit que Ljupko l'a dit, mais moi,

 24   je n'ai rien vu. Je n'ai jamais parlé à Ljupko. Je ne souhaite pas lui

 25   parler. C'est un fait. Le fait est que ce jour-là, d'après Ljupko, ça

 26   serait Milan Lukic qui a transformé un convoi ordinaire en convoi de mort.

 27   Bon, il n'a pas utilisé ces termes, c'est moi qui donne un tour dramatique

 28   à cela. Mais ce que j'ai vu de mes yeux, c'est qu'ils se sont parlé ce

Page 565

  1   jour-là sur la place, et suite à cette conversation Milan Lukic est parti

  2   et je ne l'ai jamais revu. Ce qu'il a dit a dû satisfaire Milan Lukic et

  3   c'est pour ça qu'il a pu partir.

  4   Q.  Savez-vous que Milan Lukic n'est pas accusé de meurtre des personnes

  5   qui se trouvaient dans votre convoi ?

  6   R.  Oui, je peux le confirmer, oui, pour le meurtre de ces gens.

  7   Q.  Comment vous confirmez cela ?

  8   R.  S'agissant de meurtre de ces personnes-là, je le confirme. Parce que

  9   Milan Lukic ne se trouvait pas à côté de la fosse au moment où ces

 10   personnes ont été exécutées le 15 juin. Donc, je confirme ça.

 11   Q.  Mais vous savez également qu'il n'est accusé de rien concernant cette

 12   exécution ni de l'avoir planifiée, ni de l'avoir organisée, ni d'y avoir

 13   participé ?

 14   R.  C'est possible. C'est possible qu'on n'ait retenu aucune charge contre

 15   lui concernant cet événement.

 16   Q.  Mais est-il possible qu'il n'en soit pas responsable ?

 17   R.  Tout ce que je puisse vous dire c'est --

 18   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, je dirais que vous

 19   avez utilisé suffisamment de temps à traiter cette question. Bien, aucune

 20   charge n'a été retenue contre lui pour cela. Passez maintenant à autre

 21   chose.

 22   M. ALARID : [interprétation]

 23   Q.  Pensez-vous que ces 11 [comme interprété] personnes qui ont tiré ce

 24   jour-là, que ces personnes auraient dû être accusées pour

 25   ça ?

 26   R.  Il s'agit de personnes qui, en fait, se chargeaient de la tâche peu

 27   honorable de tuer des gens et ils devraient également faire l'objet

 28   d'actions en justice. Il ne s'agit pas uniquement de 11 personnes qui tué.

Page 566

  1   Il s'agit simplement d'exécutions de masse. Ils ont simplement pris

  2   quelques personnes et les ont simplement tuées.

  3   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cette question m'échappe. Je n'en

  4   vois pas la pertinence. Si vous n'avez pas d'autres questions pertinentes -

  5   -

  6   M. ALARID : [interprétation] La pertinence, c'est de voir si l'on ne blâme

  7   pas des personnes, des gens en les accusant d'être responsables du crime de

  8   Visegrad.

  9   Mme SARTORIO : [aucune interprétation]

 10   M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

 11   Mme SARTORIO : [interprétation] L'accusé n'a pas participé à ce crime, et

 12   je pense que ceci n'a rien à voir avec la crédibilité de ce témoin par

 13   rapport à ce qu'il lui, en fait, est arrivé.

 14   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Cela a une certaine pertinence

 15   et j'ai permis ce contre-interrogatoire, mais il faut maintenant que l'on

 16   passe à autre chose.

 17   M. ALARID : [interprétation] Un instant, Monsieur le Président, je vérifie

 18   mes notes.

 19   Q.  Est-ce que vous savez où les Aigles blancs étaient en garnison ?

 20   R.  Non, je ne savais pas.

 21   Q.  Est-ce que vous aviez des informations sur --

 22   M. ALARID : [interprétation] Mon commis à l'affaire me dit qu'il y a eu un

 23   problème de traduction concernant la "garnison."

 24   Q.  Est-ce que vous savez où se trouvaient les Aigles blancs à Visegrad ?

 25   R.  Cela ne fait aucune référence. Ma réponse reste la même. Je ne savais

 26   pas.

 27   Q.  Et tout ce que vous aviez entendu, c'est que Milan Lukic était un

 28   membre des Aigles blancs mais n'était pas le chef ?

Page 567

  1   R.  Croyez-moi, je ne sais pas. Je ne sais plus maintenant. Mais ce que je

  2   sais est basé sur la déclaration de nombreuses personnes,  à savoir que

  3   c'est lui qui avait le dernier mot. Maintenant, qui était le chef ou pas,

  4   c'était moins important.

  5   Q.  Vous n'avez jamais vu d'insigne ou d'uniforme particulier ce jour-là ?

  6   R.  Non, rien de particulier dont je me souviendrais ce jour-là. J'avais

  7   d'autres problèmes, des problèmes dans mon propre esprit, et lorsque j'ai

  8   vu à ce moment-là, le 14 juin, c'était la fin de la liberté, nous n'avions

  9   plus de liberté, plus aucune liberté. Nous étions comme défranchis. Et

 10   maintenant que les gens portaient une cocarde ou autre chose ou un insigne,

 11   ce n'était pas très important.

 12   Q.  Mais vous n'avez à ce moment-là vu aucun symbole ou

 13   cocarde ?

 14   R.  Cela n'a aucune importance, même si j'en avais vu une. Tout ce qui

 15   s'est passé par la suite, en tous les cas, aurait effacé de toute façon

 16   cela de ma mémoire. C'était vraiment quelque chose de tout à fait

 17   immatériel pour moi. Mais maintenant, quand vous me posez la question, je

 18   n'ai pas vu de cocarde à l'époque. Il y avait des badges différents mais je

 19   n'ai pas vu de cocarde.

 20   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, vous devez mettre un

 21   terme maintenant à votre contre-interrogatoire.

 22   M. ALARID : [aucune interprétation]

 23   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il ne restera, sinon, plus de temps

 24   pour votre collègue.

 25   M. ALARID : [interprétation]

 26   Q.  Sur les personnes responsables de l'exécution devant la fosse, combien

 27   d'entre elles étaient blondes ?

 28   R.  Pour ce qui est de la description de toutes ces personnes, je pense

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  1   qu'elle figure peut-être, cette description, dans l'une des déclarations.

  2   Slavic Vukovic était blond et autant que je puisse m'en souvenir il était

  3   le seul qui était réellement blond, là. Maintenant, je ne m'en souviens pas

  4   réellement. Je n'ai pas vraiment à l'époque fait attention pour voir qui

  5   était blond ou pas. A l'époque, n'importe qui aurait pu être blond. Mais

  6   pour répondre précisément à votre question, Slavic était sans aucun doute

  7   blond et je pense que les autres ne l'étaient pas. L'un d'entre eux avait

  8   des cheveux gris.

  9   Q.  Est-ce que la personne blonde avait des tatouages sur les bras ?

 10   R.  Il portait un tee-shirt dont les manches étaient relevées. Je n'ai pas

 11   fait attention. En fait, il ne m'est même pas venu à l'esprit de regarder

 12   s'il avait les bras tatoués ou pas. Il aurait pu avoir n'importe quoi à ce

 13   moment-là, mais je n'ai pas vraiment fait attention. Ça n'a même pas attiré

 14   mon regard. Cet homme m'avait frappé à Rogatica, mais je n'avais pas

 15   remarqué s'il portait un tatouage ou pas, ce qui ne signifie pas qu'il n'en

 16   avait pas.

 17   M. ALARID : [interprétation] Pas d'autres questions.

 18   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] M. Dieckmann ?

 19   M. DIECKMANN : [interprétation] Oui. Merci.

 20   Contre-interrogatoire par M. Dieckmann : 

 21   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je m'appelle Maître

 22   Dieckmann. Je suis le co-conseil de la Défense pour M. Lukic et j'ai

 23   quelques questions à vous poser.

 24   Vous connaissez Sredoje Lukic, n'est-ce pas ?

 25   R.  Si l'on peut dire que deux rencontres dans une vie signifient qu'une

 26   personne connaît l'autre, alors oui, effectivement, nous nous connaissons.

 27   Nous nous sommes rencontrés très brièvement la première fois, et la

 28   deuxième fois sur la place, et c'est tout ce que je sais de lui.

Page 569

  1   Q.  Je parle de Sredoje Lukic.

  2   R.  Oui, je m'excuse, pardon. Je m'excuse. Effectivement, je connais

  3   Sredoje Lukic bien. Il était policier avant la guerre à Visegrad, et mon

  4   frère était le vice-commandant dans ce poste de police. Il travaillait dans

  5   la section de transports, et moi, je travaillais dans une station-service.

  6   Ça fonctionnait ensemble, donc  nous avons à plusieurs reprises pris un

  7   verre ensemble et, malheureusement, c'est dommage que nous ne puissions pas

  8   également faire la même chose aujourd'hui encore, prendre un verre

  9   ensemble.

 10   Q.  Vous connaissez Sredoje Lukic en tant que père de famille qui était

 11   marié, qui avait deux enfants ou plus à l'époque ?

 12   R.  Non, non. Je connais Sredoje Lukic comme seul. Il n'a jamais amené un

 13   membre de sa famille pour prendre un verre avec lui, donc je ne le connais

 14   que lui.

 15   Q.  Pour ce qui est de votre expérience personnelle concernant Sredoje

 16   Lukic, est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'il s'agit d'une

 17   personne amicale, d'une personne bonne, d'une personne étant gentille ?

 18   R.  Dans la mesure où cela peut aider ou ne peut pas aider dans cette

 19   affaire. Toutes ces personnes qui on a pu le prouver ont commis des crimes

 20   ou pour lesquelles il sera prouvé qu'ils ont commis des crimes --

 21   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Témoin, il vous est  demandé si

 22   votre expérience personnelle par rapport à Sredoje Lukic vous amène à être

 23   d'accord et à dire qu'il s'agit d'une personne amicale, d'une personne

 24   gentille ou bonne. Cette question est une question à laquelle, à mon sens,

 25   vous pouvez répondre. Quelle est votre réponse ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, je suis d'accord.

 27   M. DIECKMANN : [interprétation] Bien. Merci. Pas d'autres questions.

 28   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid.

Page 570

  1   M. ALARID : [interprétation] Oui, j'avais appuyé sur le bouton, mais ça n'a

  2   pas fonctionné. Juste simplement une question qui suit et qui est basée sur

  3   le contre-interrogatoire -- qui fait suite au contre-interrogatoire de M.

  4   Dieckmann.

  5   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, juste une question.

  6   Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Alarid :

  7   Q.  [interprétation]  Monsieur 11, est-ce que l'on peut dire que d'après ce

  8   que vous savez de M. Sredoje Lukic et le peu que vous connaissiez de M.

  9   Milan Lukic --

 10   M. CEPIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

 12   M. CEPIC : [interprétation] Ce n'est pas lié au contre-interrogatoire et Me

 13   Alarid a déjà eu la possibilité de poser ces questions pendant son contre-

 14   interrogatoire. Donc c'est quelque chose qui n'est pas lié au contre-

 15   interrogatoire et à mon sens c'est une question qu'il ne devra pas avoir

 16   l'autorisation de poser.

 17   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Vous n'avez pas entendu la

 18   question. Vous dites que toute question qu'a M. Alarid est hors de propos.

 19   M. CEPIC : [interprétation] Bien, mais si vous le permettez, mon client n'a

 20   pas été mentionné pendant son interrogatoire.

 21   M. ALARID : [aucune interprétation]

 22   M. CEPIC : [interprétation] La mention de mon client, c'est justement ce

 23   qui a amené ma réaction.

 24   M. ALARID : [interprétation] Je comprends que mon confrère veut protéger

 25   son client, mais je voulais simplement être honnête sur ce point. Je ne

 26   voulais pas créer des problèmes à son client.

 27   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Je permets que la question

 28   soit posée.

Page 571

  1   M. ALARID : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur, j'ai cru comprendre que vous connaissiez très peu Milan

  3   Lukic, mais vous connaissez bien M. Sredoje Lukic. Est-ce que l'on pourrait

  4   dire qu'étant donné l'âge et la position de Sredoje Lukic dans la

  5   communauté à ce moment-là, il n'était pas en position d'accepter les ordres

  6   d'une personne comme Milan Lukic qui était une personne plus jeune que lui

  7   ?

  8   R.  Il s'agissait d'une autre époque. Je ne connais pas la hiérarchie. Je

  9   ne suis pas au courant de la hiérarchie. Il s'agissait d'une époque

 10   différente, une période de guerre. Quelle était la hiérarchie entre eux ?

 11   Qui donnait des ordres, qui recevait des ordres, tout ceci était lié à leur

 12   propre structure. Moi, je ne peux pas vous donner d'information sur ce

 13   point

 14   Q.  Monsieur, ce n'est pas là la question --

 15   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Cela suffit. Nous n'allons pas

 16   poursuivre dans ce sens.

 17   Y a-t-il d'autres questions supplémentaires ?

 18   Mme SARTORIO : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Merci. Donc nous en avons

 20   terminé avec votre déposition. Vous pouvez maintenant quitter le Tribunal.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous le permettez, je voudrais faire un

 22   résumé en deux ou trois phrases.

 23   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il ne vous appartient pas de faire

 24   cette synthèse. Nous vous remercions pour l'intérêt que vous portez à cette

 25   affaire, mais votre fonction s'arrête là. Vous pouvez maintenant partir.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.

 27   [Le témoin se retire]

 28   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le prochain témoin, Madame Sartorio.

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  1   Mme SARTORIO : [interprétation] Oui. Nous appelons le VG-047 et mon

  2   collègue, M. [comme interprété] Friedman, va procéder à l'interrogatoire

  3   principal.

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le témoin va prononcer sa

  6   déclaration.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  8   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  9   LE TÉMOIN: MEVSUD POLJO [Assermenté]

 10   [Le témoin répond par l'interprète]

 11   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez commencer, Madame

 12   Friedman.

 13   Mme FRIEDMAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Interrogatoire principal par Mme Friedman : 

 15   Q.  [interprétation] Bonjour. Est-ce que vous pouvez décliner votre

 16   identité ?

 17   R.  Je m'appelle Mevsud Poljo.

 18   Q.  Où viviez-vous en juin 1992 ?

 19   R.  En juin 1992, je vivais à Zepa.

 20   Q.  Quel était le nom de la ville ?

 21   R.  Je ne suis pas sûr que Zepa était une municipalité à l'époque. Je pense

 22   qu'elle était rattachée à la municipalité de Rogatica. En fait, je vivais

 23   dans un village.

 24   Q.  Le nom de ce village, s'il vous plaît ?

 25   R.  Le nom du village. Slap. Je vivais dans une maison à Slap, qui était

 26   aux abords de Zepa.

 27   Q.  Merci. Est-ce que vous vous souvenez avoir déposé ici dans l'affaire

 28   Vasiljevic en décembre 2001, les 17 et 18 ?

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  1   R.  Oui, je m'en souviens.

  2   Q.  Depuis que vous êtes à La Haye, est-ce que vous avez eu la possibilité

  3   d'entendre, de réentendre votre déposition dans une langue que vous

  4   comprenez ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Est-ce que cette déposition était précise, exacte ?

  7   R.  Oui, elle l'était.

  8   Q.  Si aujourd'hui nous vous posions les mêmes questions qui vous ont été

  9   posées à l'époque, est-ce que vous redonneriez les mêmes réponses ?

 10   R.  Oui, tout à fait.

 11   Mme FRIEDMAN : [interprétation] Président, nous demandons à verser les

 12   documents relevant du 65 ter et portant la cote 113 et 114, qui sont des

 13   éléments de preuve qui ont été déposés dans le procès Vasiljevic par M.

 14   Poljo.

 15   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Accepté.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Président, le 65 ter 113 deviendra la

 17   pièce à conviction P23, et le 65 ter 114 deviendra la pièce à conviction

 18   P24.

 19   Mme FRIEDMAN : [interprétation] L'Accusation maintenant demande également à

 20   verser comme moyen de preuve le 65 ter 112, et il s'agit de la photographie

 21   aérienne de Slap à laquelle le témoin a fait référence pendant sa

 22   déposition.

 23   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous l'acceptons.

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La pièce à conviction P25, Président.

 25   Mme FRIEDMAN : [interprétation] Président, je voudrais poser également

 26   quelques questions qui s'ajoutent à ce témoignage, cette déposition.

 27   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

 28   Mme FRIEDMAN : [interprétation]

Page 575

  1   Q.  Monsieur Poljo, lorsque vous et un certain nombre d'hommes ont retiré

  2   des corps de la rivière en juin et juillet 1992, pouvez-vous nous dire de

  3   combien de corps il s'agissait ?

  4   R.  170 ou 180 cadavres, grosso modo.

  5   Q.  Sur ces corps, combien de corps avez-vous pu reconnaître

  6   personnellement ?

  7   R.  Environ une cinquantaine.

  8   Q.  Savez-vous d'où venaient ces victimes ?

  9   R.  Les corps avaient été entraînés par la rivière et venaient de Visegrad.

 10   Q.  Est-ce qu'il y a quelque chose dans l'apparence de ces corps qui vous

 11   donnait l'impression que ces corps venaient de Visegrad ?

 12   R.  Il s'agissait de personnes qui avaient vécu à Visegrad, qui y

 13   travaillaient dans des entreprises, et certains de mes voisins qui vivaient

 14   près de Visegrad.

 15   Q.  Dans quelles entreprises certaines de ces personnes travaillaient à

 16   Visegrad ?

 17   R.  Terpentin et Varda à Visegrad. Ils avaient des uniformes et dans leurs

 18   poches ils avaient également des coupons sur lesquels figurait le nom de

 19   ces entreprises.

 20   Mme FRIEDMAN : [interprétation] Un dernier point, Président. Dans un

 21   photographie aérienne, on en a parlé, mais il n'y a rien de marqué, est-ce

 22   que cela vous aiderait si on remettait cette photo, et que nous marquions

 23   certaines choses sur cette carte ?

 24   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

 25   Mme FRIEDMAN : [interprétation] Est-ce que l'huissière pourrait montrer la

 26   pièce à conviction de l'Accusation 25. Merci. Est-ce que l'on peut tourner

 27   ? Oui, parfait. Merci. Est-ce que l'huissière pourrait également aider le

 28   témoin à noter cette carte ?

Page 576

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas sûr de comprendre ce que je

  2   suis supposé marquer ici.

  3   Mme FRIEDMAN : [interprétation]

  4   Q.  Nous n'avons pas encore commencé, mais je vais vous expliquer cela. Pas

  5   de problème. Merci, Monsieur Poljo. Tout d'abord, est-ce que vous pouvez

  6   marquer vos initiales et la date d'aujourd'hui, donc le 26 août, en bas de

  7   cette photographie. Vous pouvez l'utiliser comme s'il s'agissait d'un stylo

  8   normal.

  9   R.  [Le témoin s'exécute]

 10   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez prendre le stylo et mettre une flèche

 11   dans le sens du courant de la rivière. Oui, excusez-moi, je devrais dire de

 12   la rivière Drina.

 13   R.  [Le témoin s'exécute]

 14   Q.  Est-ce que vous pourriez me confirmer simplement le nom de la rivière

 15   que vous venez d'annoter ?

 16   R.  Elle s'appelait Zepa, comme la région aux alentours qui s'appelait

 17   Zepa.

 18   Q.  Bien. Est-ce que vous pouvez identifier la rivière, la Drina, et

 19   marquer un D sur la rivière Drina.

 20   R.  [Le témoin s'exécute]

 21   Q.  Quel était le sens du courant dans cette rivière ? Est-ce que vous

 22   pourriez le marquer d'une flèche ?

 23   R.  [Le témoin s'exécute]

 24   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez mettre la lettre V dans la direction

 25   générale de la ville de Visegrad ?

 26   R.  [Le témoin s'exécute]

 27   Q.  Enfin, si vous pouviez peut-être mettre un X là où vous avez enterré

 28   les corps approximativement, puisque je sais qu'il s'agit d'une zone assez

Page 577

  1   étendue.

  2   R.  [Le témoin s'exécute]

  3   Q.  Merci.

  4   Mme FRIEDMAN : [interprétation] Je voudrais maintenant verser cette photo

  5   ainsi annotée comme pièce à conviction.

  6   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Accepté.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction P20

  8   [comme interprété], Président.

  9   Mme FRIEDMAN : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions pour

 10   l'instant.

 11   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Maître Alarid.

 12   M. ALARID : [interprétation] Merci, Président.

 13   Contre-interrogatoire par M. Alarid : 

 14   Q.  [interprétation] Monsieur 47, bonjour.

 15   R.  Bonjour.

 16   Q.  Combien de temps environ cela vous a-t-il demandé de récupérer les

 17   corps dans la Drina ?

 18   R.  Nous avons récupéré un corps vers la mi-mai et les autres en juin et en

 19   juillet, et certains encore au mois de septembre.

 20   Q.  Est-ce que vous l'avez fait à partir d'une barque, d'un bateau ou sur

 21   la rive ?

 22   R.  J'ai récupéré certains corps lorsque j'étais à bord d'une barque. J'ai

 23   récupéré certains corps dans la Drina, et pendant une semaine les corps

 24   avaient flotté sur la rivière sans que personne ne les récupère. Ensuite,

 25   comme j'avais un frère qui travaillait à Terpentin, enfin deux frères

 26   d'ailleurs, et un oncle. Nous avons décidé de récupérer les corps pour

 27   permettre aux gens de savoir où se trouvaient ces tombes. Puis deux autres

 28   personnes se sont jointes à moi pour essayer de récupérer les corps en

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  1   utilisant des barques.

  2   Q.  Bien entendu, comme vous avez récupéré les corps, vous ne pouvez pas

  3   nécessairement et forcément nous dire qui est responsable de cette tuerie ?

  4   R.  Non. Je ne sais pas. Cela s'était produit assez loin, à une vingtaine

  5   de kilomètres de moi.

  6   Q.  Donc Visegrad, la ville, est à 20 kilomètres ?

  7   R.  Vingt kilomètres ou peut-être un peu plus, je n'en suis pas sûr.

  8   Q.  Parce que, bien sûr, lorsque vous récupérez un corps vous ne savez pas

  9   exactement à quel endroit il a été mis dans l'eau, n'est-ce pas ?

 10   R.  Non, non. Il n'y a aucune façon que l'on puisse le dire, que l'on

 11   puisse le savoir, parce qu'ils étaient déjà très abîmés. Certains étaient

 12   en plus ou moins bon état, d'autres étaient pires. Certains avaient

 13   probablement étaient coincés à un endroit et étaient restés là un certain

 14   temps.

 15   Je me rappelle deux corps qui portaient des impacts de balles. Ils étaient

 16   d'un village voisin, Ibrahim et Hamed Vusevic [phon] qui portaient ces deux

 17   impacts de balles à la gorge, et l'autre à la poitrine. C'étaient des corps

 18   qui étaient propres, pas très abîmés, et dans leurs poches on voit qu'ils

 19   avaient les bras levés, comme pour se défendre lorsqu'on tirait dessus. Les

 20   autres corps étaient très abîmés.

 21   Q.  Serait-il juste de dire que dans ce cas vous avez eu la possibilité de

 22   faire des déclarations à trois reprises et de témoigner lors d'un procès

 23   pendant deux jours ?

 24   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui ?

 25   Mme FRIEDMAN: [interprétation] Monsieur le Président, juste pour éclaircir

 26   un point. Il n'a pas fait trois déclarations en l'espèce. Il s'agit d'une

 27   qui a trait à l'affaire Vasiljevic, et deux autres bien avant. Je voulais

 28   simplement m'assurer que ceci est bien clair pour le compte rendu.

Page 579

  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

  2   M. ALARID : [interprétation] Je comprends, nous allons donc préciser cela.

  3   Q.  Maintenant, serait-il juste de dire, Monsieur 47, que la seule fois

  4   dans les trois déclarations que vous mentionnez M. Milan Lukic ou Mitar

  5   Vasiljevic, c'était dans la troisième des déclarations que vous avez faites

  6   le 30 janvier 2000 ?

  7   R.  Je ne me rappelle pas quand j'ai mentionné Milan ou Mitar étant donné

  8   le fait que ces choses se sont passées à quelque 20 kilomètres de l'endroit

  9   où je me trouvais. Comment aurais-je pu avoir dit quoi que ce soit à ce

 10   sujet ? Ou alors peut-être que je n'ai pas bien compris la question.

 11   Q.  Mais n'est-il pas vrai que dans votre déclaration du 30 janvier 2000,

 12   vous avez simplement dit, "J'ai aussi entendu des rumeurs selon lequel

 13   Milan Lukic et Mitar Vasiljevic avaient commis un grand nombre d'atrocités

 14   dans le secteur" ?

 15   R.  Oui, tout ça c'est du ouï-dire, mais je ne suis pas un témoin oculaire,

 16   je n'ai rien vu de mes propres yeux. J'ai seulement entendu des récits de

 17   diverses personnes, un grand nombre de personnes.

 18   Q.  Mais vous connaissiez M. Mitar Vasiljevic avant et après ce qui s'est

 19   passé, n'est-ce pas ?

 20   R.  Je connaissais Mitar. Nous étions de bons amis, nous étions des

 21   copains. Sa femme travaillait dans la même société que moi.

 22   Q.  Donc vous connaissiez son camarade Milan Lukic ?

 23   R.  Je ne connaissais pas si bien Milan. Je connaissais Sredoje beaucoup

 24   mieux. C'était un policier à Visegrad et j'étais en bons termes avec lui.

 25   Q.  En fait, dans l'audition avec l'Accusation l'autre jour, vous avez

 26   indiqué que ces accusés faisaient partie d'un système plus vaste, une

 27   situation politique plus vaste à l'époque.

 28   R.  Je sais seulement que Sredoje était un policier avant la guerre et au

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  1   tout début de la guerre. Milan, je ne sais pas, il n'était pas à Visegrad.

  2   Il travaillait quelque part en Serbie. Mais je le voyais rarement.

  3   Q.  C'était le cousin plus jeune de Sredoje ?

  4   R.  Oui. Je travaillais près de l'endroit où il résidait, dans un magasin,

  5   et je connaissais bien les parents de Sredoje.

  6   Q.  Dans ces rumeurs, vous n'avez jamais entendu dire que Milan Lukic avait

  7   un poste avec autorité sur qui que ce soit ?

  8   R.  C'est difficile pour moi de répondre à cela. J'ai entendu beaucoup de

  9   choses, mais je ne connais pas cela d'expérience directe. Si je peux dire

 10   quelque chose en ce qui concerne Sredoje, je n'ai entendu que de bonnes

 11   choses.

 12   Q.  Serait-il juste de dire que Sredoje n'aurait pas accepté de prendre des

 13   ordres de son cousin qui était plus jeune, qui avait probablement 23 ans à

 14   l'époque en 1992 ?

 15   Mme FRIEDMAN: [interprétation] Objection. Ceci est une hypothèse. Le témoin

 16   a dit qu'il connaissait à peine l'un ou l'autre.

 17   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Passez à une autre question.

 18   M. ALARID : [interprétation]

 19   Q.  Pour ce qui est d'avoir entendu dire du bien, vous n'avez jamais

 20   entendu dire qu'il avait reçu des ordres de Milan de faire quoi que ce soit

 21   ?

 22   R.  J'ai entendu qu'il avait peur de Milan, que Milan était chargé de tout,

 23   et Sredoje était simplement un policier, et il est probable qu'il exécutait

 24   simplement les ordres, les ordres qui lui étaient donnés par ses

 25   supérieurs. Je me rappelle lorsqu'il a emmené un de ses voisins, Muradif

 26   Kalic [phon], un Musulman, et il l'a emmené au poste au début de la guerre.

 27   Il est probable qu'il voulait des conseils. Je ne sais pas exactement. Il

 28   l'a emmené à Prelovo. C'est là que se trouvait le commandement du Corps

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  1   d'Uzice. Et il l'a emmené à Granic, à Blace, et il l'a emmené à un village

  2   voisin pour voir un homme qui avait été un voïvode de la guerre de 1941 et

  3   qui avait fait beaucoup de choses mauvaises dans les villages avoisinants,

  4   et cet homme avait été emmené ici pour être interrogé, et il lui a dit :

  5   "Je t'ai amené ce Musulman pour que tu le juges. Tu es plus ancien que le

  6   commandant à Prelovo." Il aurait pu vraisemblablement être reconnu coupable

  7   et tué, et ce nom -- parce qu'il y avait cet homme nommé Bozo Ivanovic qui

  8   devait le juger. Il y avait un autre homme de Serbie qui se trouvait là.

  9   Donc  le vieux Bozo, à ce moment-là, lui a dit --

 10   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Arrêtez-vous.

 11   Question suivante, Maître Alarid.

 12   M. ALARID : [interprétation]

 13   Q.  En fait, comment était organisée la structure principale, le pouvoir

 14   sur place par le SDS à Visegrad au moment de la guerre ?  Qui représentait

 15   l'autorité ?

 16   R.  Je n'ai pas la moindre idée. Environ un mois avant la guerre, je ne

 17   pouvais pas me rendre en ville. Je travaillais dans un magasin et je suis

 18   passé par là deux fois. Il y avait des barrages ou des barricades qui

 19   avaient été élevés pendant la nuit. Donc je suis passé par un bosquet

 20   d'acacias. Lorsque je suis allé en ville, j'y suis allé dans une

 21   camionnette. Mais je n'y suis pas allé pendant un mois. Je suis resté à

 22   domicile. Au bout d'un certain temps, je ne pouvais plus aller en ville,

 23   donc je ne sais pas ce qui s'y passait et qui s'y trouvait.

 24   Q.  Est-ce que vous savez qui est Savovic ?

 25   R.  Je le connaissais, mais je ne sais pas qui il est ni ce qu'il était,

 26   quelles étaient ses responsabilités.

 27   L'INTERPRÈTE : Est-ce qu'on pourrait demander au témoin de bien vouloir

 28   parler devant le micro.

Page 582

  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Témoin, s'il vous plaît, veuillez

  2   vous rapprocher du microphone.

  3   Je vais demander également à l'huissière d'aider le témoin.

  4   M. ALARID : [interprétation]

  5   Q.  Est-ce que vous connaissiez le commandant Perisic, le commandant de la

  6   police ?

  7   R.  Non, je n'avais qu'entendu parler de lui. Je ne le connaissais pas

  8   personnellement.

  9   Q.  Excusez-moi, c'était le chef, n'est-ce pas ?

 10   R.  Cela, je ne sais pas.

 11   Q.  Serait-il juste de dire qu'il aurait fallu des centaines de personnes

 12   responsables par rapport aux milliers de Musulmans qui sont morts ?

 13   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne comprends pas la

 14   question, Maître Alarid.

 15   M. ALARID : [interprétation] Monsieur le Président, dans l'affaire

 16   Vasiljevic, et peut-être que là je reprends un point, il a indiqué qu'il

 17   avait été embarrassé, qu'il se trouvait là pour Vasiljevic sur la base du

 18   fait que plusieurs milliers de personnes étaient mortes et qu'il était le

 19   seul à être tenu pour responsable, donc je suppose qu'il était en train

 20   d'affirmer cela, Monsieur le Président, mais ceci fait partie du compte

 21   rendu précédent.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement. Certainement il aurait fallu --

 23   je ne peux pas dire, mais plusieurs centaines, des centaines. Peut-être 20

 24   ou 50 personnes responsables, parce que quelques personnes n'auraient pas

 25   été en mesure d'infliger tant de maux sur cette municipalité et sur les

 26   villages éparpillés alentour --

 27   M. ALARID : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser.

 28   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur

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  1   Dieckmann, avez-vous des questions ?

  2   M. DIECKMANN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Contre-interrogatoire par M. Dieckmann : 

  4   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

  5   R.  Bonjour.

  6   Q.  Mon nom est Jens Dieckmann et je suis co-conseil de la Défense pour M.

  7   Sredoje Lukic, et j'ai quelques questions à vous poser.

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Si je vous ai bien compris, vous connaissez Sredoje Lukic et vous savez

 10   que c'était un policier à Visegrad, un policier ordinaire ou de grade

 11   subalterne, et vous connaissez également ses parents. Vous le connaissez du

 12   point de vue de sa famille, qu'il était le père de deux petits enfants à

 13   l'époque ?

 14   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Dieckmann, il y trop de

 15   questions. Posez simplement une --

 16   M. DIECKMANN : [interprétation] Excusez-moi. C'était justement pour

 17   résumer.

 18   Q.  Ma question était de savoir si le témoin sait qu'il était marié et

 19   qu'il avait à l'époque deux petits enfants ?

 20   R.  Oui, je sais qu'il était marié. Quant à savoir combien d'enfants il

 21   avait, cela je ne le sais pas.

 22   Q.  Je vous remercie. Vous avez dites que Sredoje Lukic avait peur de Milan

 23   Lukic; est-ce que c'est vrai; c'est bien ça ?

 24   R.  Bien, selon ce que j'ai entendu dire, oui, c'était le cas. Les gens le

 25   disaient.

 26   Q.  Pourriez-vous nous donner les raisons pour lesquelles vous pensez qu'il

 27   avait peur de Milan Lukic ?

 28   R.  Il y avait cet homme, ce Music, Safet. Nous étions là, assis dans ce

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  1   café à Sarajevo et nous étions en train de parler, voyez-vous, et il m'a

  2   dit qu'il avait été détenu là, à Visegrad, dans la Visegradska Banja, et

  3   qu'il était venu dans une Volkswagen avec un autre policier. Je crois que

  4   son nom était Niko, ce policier. Puis il y avait d'autres personnes qui

  5   avaient été détenues. J'ai dit Safet, puis Sredoje est entré dans cette

  6   pièce où quelques personnes étaient détenues et il a fait sortir Safet et

  7   son frère. Le nom de famille était Music pour les deux. Puis il les a pris

  8   dans sa voiture et il les a amenés chez eux. Autrement dit, c'était un

  9   geste d'humanité de sa part, un geste humain.

 10   C'est pour ça que j'ai commencé à parler de Muradif, ce voisin, qui m'a

 11   également dit qu'il ne le tuerait pas et qu'il devrait avoir peur, mais

 12   qu'il devait justifier ses actions à cet autre homme, et il a dit : "Je

 13   vais simplement tirer quelques coups de feu en l'air et tu vas partir là-

 14   bas et rejoindre ta famille à Zepa." C'est en fait la façon les choses se

 15   sont passées. Je lui ai dit : "Halte, halte," puis il a tiré quelques coups

 16   de feu en l'air, puis il s'est enfui en courant, hors d'haleine, et c'est

 17   comme ça que ça s'est passé.

 18   Q.  Je vous remercie. Monsieur VG-47, le 12 août 2008, vous avez bien

 19   rencontré deux personnes du bureau du Procureur, n'est-ce pas ?

 20   R.  Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, répéter la question ? En

 21   fait, je n'ai pas bien entendu. Le 12 août et quoi --

 22   Q.  Le 12 août 2008, est-ce que vous avez rencontré deux personnes du

 23   bureau du Procureur, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, oui, c'est bien cela.

 25   Q.  Et la raison de cette réunion, c'était de porter des éclaircissements à

 26   vos déclarations antérieures faites au Tribunal dans l'affaire Vasiljevic,

 27   n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Pendant cette réunion, vous avez dit que vous souhaitiez faire quelques

  2   commentaires en faveur de la défense de Sredoje Lukic; c'est bien cela ?

  3   R.  C'est exactement ce que je viens de vous dire.

  4   Q.  Cette déclaration, vous l'avez faite librement. C'était vous-même qui

  5   souhaitiez le faire, n'est-ce pas, de votre propre mouvement ?

  6   R.  Oui. J'étais heureux qu'il ait agi de cette manière à l'égard de ses

  7   voisins, parce que s'il l'avait emmené à Prelovo, il est certain qu'il ne

  8   serait pas revenu vivant.

  9   Q.  Je vous remercie. Lors de cette réunion, vous avez exprimé votre

 10   opinion selon laquelle Sredoje Lukic ne devrait pas faire l'objet de

 11   poursuites, n'est-ce pas ?

 12   R.  Tout ce que je sais, c'est ceci : je ne sais pas pourquoi Sredoje

 13   aurait dû faire en sorte que des choses en reviennent à ce point. S'il

 14   avait fait quelque chose, il aurait dû à ce moment-là être tenu pour

 15   responsable, s'il était à blâmer pour quoi que ce soit.

 16   Q.  Je vous remercie. VG-47, d'après votre expérience personnelle avec

 17   Sredoje Lukic, est-ce que vous seriez d'accord avec moi que c'est une

 18   personne amicale, une personne qui a un bon caractère, une personne qui est

 19   bonne ? Seriez-vous d'accord avec

 20   moi ?

 21   R.  Oui, je suis d'accord pour tout ce qui est jusqu'à la guerre, parce que

 22   je le connaissais à l'époque. Pour ce qui est de la période après la

 23   guerre, je ne le sais pas.

 24   Q.  Merci.

 25   M. DIECKMANN : [interprétation] Merci. Je n'ai plus de questions.

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous des questions

 27   supplémentaires, Madame Friedman ?

 28   Mme FRIEDMAN: [interprétation] Non, Monsieur le Président.

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  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Témoin, votre témoignage

  2   est terminé. Nous vous remercions. Vous pouvez maintenant quitter le

  3   prétoire.

  4   [Le témoin se retire]

  5   Nous allons faire une pause d'une demi-heure.

  6   --- L'audience est suspendue à 12 heures 10.

  7   --- L'audience est reprise à 12 heures 42.

  8    [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  9   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Sartorio.

 10   Mme SARTORIO : [interprétation] Oui, c'est moi qui vais interroger ce

 11   témoin, Monsieur le Président, mais je voudrais tout d'abord parler de la

 12   question des mesures de protection. Il semble, après avoir regardé le

 13   compte rendu de l'affaire Vasiljevic, qu'il y ait eu un entretien entre le

 14   Juge Hunt et M. Groome, et que le Juge Hunt aurait dit qu'il s'agissait

 15   d'une audience à huis clos partiel, et qu'il ne devait y avoir ni son, ni

 16   même de prise de vue du témoin, de sorte que c'est peut-être suffisant pour

 17   vous. M. Groome avait dit oui, Monsieur le Président, et le Président Hunt

 18   avait continué en disant, donc nous pouvons poursuivre et le témoin peut

 19   être sûr qu'il ne sera ni vu ni entendu.

 20   Je crois qu'il a déposé en audience à huis clos partiel, d'après ce que

 21   j'ai compris, mais je crois qu'il y avait également déformation des traits

 22   du visage et déformation de la voix. Je pense que ce serait suffisant pour

 23   ce témoin.

 24   [La Chambre de première instance se concerte]

 25   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, écoutez, nous accordons la

 26   déformation de la voix et des traits du visage. Je comprends qu'il faut un

 27   quart d'heure pour mettre en place les moyens techniques nécessaires.

 28   [La Chambre de première instance se concerte]

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  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons lever la séance pour 15

  2   minutes. Nous reviendrons dans 15 minutes.

  3   --- La pause est prise à 12 heures 45.

  4   --- La pause est terminée à 13 heures 07.

  5   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je demande que le témoin fasse la

  6   déclaration solennelle.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirais la

  8   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  9   LE TÉMOIN: TÉMOIN VG-97 [Assermenté]

 10   [Le témoin répond par l'interprète]

 11   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez commencer, Madame

 12   Sartorio.

 13   Mme SARTORIO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Pourrais-je demander, s'il vous plaît, à l'huissière de présenter au témoin

 15   cette feuille de papier où figure son pseudonyme, s'il vous plaît ?

 16   Interrogatoire principal par Mme Sartorio :

 17   Q.  [interprétation] J'ai demandé à l'huissière de la Chambre de vous

 18   présenter ce qu'on appelle un feuillet du pseudonyme, et je voudrais savoir

 19   si c'est bien votre nom qui figure à côté de la référence VG-97 ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Est-ce que c'est bien votre date de naissance également qui figure sur

 22   ce feuillet ?

 23   R.  Non, ce n'est pas le cas.

 24   Q.  Est-ce que l'on pourrait corriger cette date de naissance ? Pourriez-

 25   vous écrire la date de naissance exacte qui est la vôtre ?

 26   R.  [Le témoin s'exécute]

 27   Q.  Je vais vous demander de bien vouloir signer également ce feuillet.

 28   R.  [Le témoin s'exécute]

Page 589

  1   Mme SARTORIO : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation demande

  2   le versement au dossier du feuillet contenant le pseudonyme du témoin en

  3   tant que pièce à conviction.

  4   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La pièce est admise.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P27 déposée sous pli

  6   scellé, Monsieur le Président.

  7   Mme SARTORIO : [interprétation]

  8   Q.  Maintenant, Monsieur le Témoin, la Chambre a octroyé un certain nombre

  9   de mesures de protection en ce qui concerne votre déposition, comme nous en

 10   avons parlé. Donc vous aurez le bénéfice de la distorsion de l'image et de

 11   la voix de façon à ce que personne ne puisse reconnaître ni votre visage,

 12   ni votre voix. Je vous parlerai, je m'adresserai à vous ainsi que tout le

 13   monde sous le nom de VG-97. C'est votre pseudonyme pour votre déposition.

 14   Au printemps de 1992, dans quelle municipalité viviez-vous ?

 15   R.  Dans la municipalité de Visegrad.

 16   Q.  Est-ce que vous viviez dans un quartier particulier de Visegrad ?

 17   R.  Oui. A un endroit qui s'appelait Kosovo Polje, un quartier.

 18   Q.  Quelle est votre origine ethnique ?

 19   R.  Je suis Musulman de Bosnie.

 20   Q.  Vous avez fourni une déclaration aux enquêteurs du Tribunal en mars

 21   2001 ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Quand vous avez fait cette déclaration, à l'origine elle a été

 24   dactylographiée en anglais et est-ce qu'on vous en a donné lecture en

 25   langue bosnienne ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Est-ce que vous avez ensuite signé la version anglaise de cette

 28   déclaration ?

Page 590

  1   R.  Je crois que j'ai signé les deux versions.

  2   Q.  Depuis que vous êtes venu à La Haye, vous avez eu la possibilité

  3   d'examiner votre déclaration dans votre langue, en bosniaque ?

  4   R.  Oui.

  5   Mme SARTORIO : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais que

  6   cette déclaration soit présentée à l'écran, parce que certaines corrections

  7   doivent être apportées, si possible. Il a été permis hier de l'ajouter à

  8   notre liste de pièces, donc je n'ai pas de numéro sur la liste 65 ter. Est-

  9   ce que le numéro ERN suffirait ? Pour l'anglais, il s'agit de 02021904 à

 10   190, enfin 1910, et pour le B/C/S --

 11   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Cepic.

 12   M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis un petit peu

 13   dans la confusion. Est-ce que nous avons un numéro 65 ter pour cette

 14   déclaration, est-ce qu'elle figure sur la liste 65 ter ? Je suis un peu

 15   dans la confusion.

 16   Mme SARTORIO : [interprétation] Monsieur le Président, ça a été admis

 17   verbalement par vous-même hier. Il s'agit du témoin qui dépose cette

 18   semaine, pour lequel toute sa déclaration 92 ter doit être ajoutée à la

 19   liste qui était jointe à notre requête précédente.

 20   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Est-ce qu'on essaie de la

 21   retrouver ? La greffière essaie de retrouver le document.

 22   Mme SARTORIO : [interprétation] Est-ce que le numéro ERN ne suffit pas ?

 23   Bon, excusez-moi.

 24   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, c'est affiché maintenant.

 25   Mme SARTORIO : [interprétation] Peut-on passer maintenant à la troisième

 26   page des deux versions, celle en anglais et celle en B/C/S.

 27   Q.  Malheureusement, les paragraphes ne sont pas numérotés, mais c'est le

 28   troisième paragraphe dans l'ordre, lors de la séance de récolement nous en

Page 591

  1   avons parlé. On voit ici dans le texte en anglais, le mot qui veut dire les

  2   "Justiciers," "Revengers." Est-ce que vous m'avez suggéré que cela n'était

  3   pas exact et qu'il faudra peut-être utiliser un autre mot. Est-ce que ce

  4   qui est indiqué dans la version en B/C/S est correct ?

  5   R.  Oui, cela est correct.

  6   Q.  Bien. Le troisième paragraphe en B/C/S, on a le mot "Osvetnici."

  7   Qu'est-ce que signifie ce mot ?

  8   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne comprends pas tout à fait ce

  9   que vous essayez de corriger par rapport à ce terme "Revengers" ou les

 10   "Justiciers."

 11   Mme SARTORIO : [interprétation]

 12   Q.  Aviez-vous l'intention d'utiliser ce terme au moment où vous avez fait

 13   votre déclaration ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Bien. Alors il n'y a rien à corriger. Passons à la page 4, s'il vous

 16   plaît. Le quatrième paragraphe, la troisième et quatrième ligne, on voit le

 17   mot "Foi." Est-ce que c'est ça, est-ce que c'est bien le terme que vous

 18   vouliez utiliser ?

 19   R.  Je ne sais pas à quel mot vous faites référence.

 20   Q.  Veuillez examiner la version B/C/S de votre déclaration, quatrième

 21   page, la phrase qui commence par "Très souvent durant le mois de juin

 22   1992…"

 23   R.  Oui. "Très souvent durant juin 1992, j'ai pu voir Milan Lukic, Mitar

 24   Vasiljevic et Sredoje Lukic amener des personnes."

 25   Q.  Veuillez poursuivre, s'il vous plaît.

 26   R.  "La première fois, cela s'est passé le 15 juin environ le jour où Milan

 27   Lukic a conduit dans son véhicule de marque Passat de couleur rouge Mujo

 28   Kurspahic. Encore aujourd'hui, personne ne sait ce qui est arrivé à Mujo.

Page 592

  1   La deuxième fois, Milan Lukic a conduit Nedzad Ribac dans la voiture de

  2   Nedzad."

  3   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que vous avez lu maintenant

  4   plus qu'on vous a demandé.

  5   Mme SARTORIO : [interprétation]

  6   Q.  J'aimerais maintenant que soit consigné au compte rendu le fait qu'en

  7   parlant de cela, vous n'avez absolument pas fait mention de foi, vous

  8   n'avez pas parlé de foi ou de religion, que vous avez parlé d'autre chose ?

  9   R.  Je ne comprends absolument pas de quelle foi, de quelle religion vous

 10   parlez ?

 11   R.  Je pense que nous avons déjà parlé de cela hier. Dans la traduction en

 12   anglais de cette déclaration, on voit la mention du terme "confession,"

 13   "foi," "religion," alors pourriez-vous nous dire maintenant si vous avez

 14   utilisé ce terme au moment où vous avez fait cette déclaration aux

 15   enquêteurs du Tribunal ?

 16   R.  Il faudra me montrer exactement cette partie de la déclaration pour que

 17   je puisse vous donner une réponse précise.

 18   Q.  Cela ne concerne que la version en anglais. Est-ce que vous parlez la

 19   langue anglaise ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  Bien, oubliez complètement cette déclaration et dites-nous seulement si

 22   vous vous souvenez avoir jamais discuté la confession ou la foi avec les

 23   enquêteurs du Tribunal. C'est tout ce qu'on vous demande pour l'instant.

 24   Dans le cadre du récolement de votre déclaration ?

 25   R.  Oui, en donnant des informations sur moi-même j'ai dû dire que j'étais

 26   de confession de foi musulmane. C'est tout.

 27   Q.  Merci, Monsieur. Au moment où vous avez examiné votre déclaration en

 28   B/C/S, avez-vous pu établir si elle a reflété fidèlement les événements

Page 593

  1   dont vous avez été témoin et que vous avez vécus en 1992 ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Si je devais aujourd'hui vous poser les questions qui vous ont été

  4   posées par les enquêteurs en 2001, vos réponses aujourd'hui seraient-elles

  5   identiques à celles que vous avez déjà données en

  6   2001 ?

  7   R.  Oui.

  8   Mme SARTORIO : [interprétation] Monsieur le Président, nous demandons le

  9   versement de cette déclaration.

 10   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La déclaration est admise.

 11   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ça sera la pièce P28 sous pli scellé.

 12   Mme SARTORIO : [interprétation] Le Procureur ne demandera pas le versement

 13   du compte rendu de la déposition dans l'affaire Vasiljevic et retire sa

 14   requête de versement concernant ce document. Puis-je poursuivre ?

 15   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

 16   Mme SARTORIO : [interprétation] Bien.

 17   Q.  En 1992, connaissiez-vous quelqu'un se nommant Milan

 18   Lukic ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  D'où le connaissiez-vous ? De l'école, ou autrement ?

 21   R.  Je connaissais M. Milan Lukic alors que j'étais garçon, j'allais à

 22   l'école primaire. M. Lukic allait à l'école secondaire Besirevic et moi-

 23   même j'allais à l'école primaire. Chaque jour, je me rendais au nouvel

 24   hôtel de Visegrad pour livrer le lait, c'était notre travail, donc je le

 25   voyais là-bas avec d'autres jeunes de Zupa.

 26   Q.  Combien souvent le voyiez-vous pendant cette période-là ?

 27   R.  Quasiment chaque jour, au moment où je me rendais livrer le lait.

 28   J'allais quasiment quotidiennement en ville. Evidemment, je ne cherchais

Page 594

  1   pas à compter le nombre de fois où je l'ai vu. Je le connaissais bien. Je

  2   sais qu'il était très bon ami avec un certain Slavko Vujinovic, que je

  3   connaissais très bien.

  4   Q.  Après lu début de la guerre en 1992, avez-vous continué à voir M. Lukic

  5   ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Y a-t-il eu une période de temps pendant laquelle vous ne l'avez pas vu

  8   entre le moment où vous étiez à l'école et le moment après le début de la

  9   guerre, quand vous l'avez revu ?

 10   R.  Oui, environ sept à huit ans.

 11   Q.  Quand vous avez vu Milan Lukic en 1992 après le début de la guerre,

 12   avez-vous reconnu Milan Lukic comme une personne que vous avez déjà connue

 13   et que vous avez décrite lors de votre déposition ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  En 1992, avez-vous connu quelqu'un d'autre du nom de Milan Lukic, ou

 16   quelqu'un qui se serait appelé Milan Lukic, en dehors des personnes que

 17   vous avez identifiées ?

 18   R.  Non, je ne connaissais aucun autre Milan Lukic, il n'y a pas eu de

 19   personne qui se présentait en tant que Milan Lukic en dehors de lui.

 20   Q.  En 1992, avez-vous connu quelqu'un qui s'appelait Sredoje Lukic ?

 21   R.  Oui, je connaissais M. Sredoje Lukic depuis au moins une dizaine

 22   d'années, parce que ce monsieur travaillait au poste de police de Visegrad.

 23   Q.  Combien souvent voyiez-vous Sredoje Lukic avant le début de la guerre

 24   en 1992 ?

 25   R.  Je le voyais toujours en ville. Il était à Visegrad, il avait une

 26   voiture de couleur rouge, de type Aleko Moskvitch, c'est une voiture de

 27   production russe.

 28   Q.  Voyez-vous, Monsieur, regardez autour de vous ici dans la salle

Page 595

  1   d'audience, et dites-nous si vous reconnaissez parmi les personnes

  2   présentes qui que ce soit en dehors de moi-même, et si vous reconnaissez

  3   quelqu'un, dites-nous, s'il vous plaît, qui c'est.

  4   R.  Oui. A ma gauche de côté droit, je vois M. Sredoje Lukic. A droite de

  5   M. Sredoje Lukic se trouve M. Milan Lukic.

  6   Mme SARTORIO : [interprétation] Je demande qu'il soit consigné au compte

  7   rendu que le témoin a identifié les accusés.

  8   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien.

  9   Mme SARTORIO : [interprétation]

 10   Q.  Comme on vous l'a déjà dit il y a quelques instants, les déclarations

 11   préalables que vous avez faites sont versées au dossier, donc je ne vous

 12   poserai pas de questions détaillées au sujet de la teneur de ces

 13   déclarations. Je me contenterais de vous poser quelques questions seulement

 14   au sujet des événements de 1992.

 15   Tout d'abord, avez-vous jamais vu Milan Lukic conduire une voiture ?

 16   R.  Oui, souvent.

 17   Q.  Pourriez-vous décrire la voiture qu'il conduisait ?

 18   R.  M. Milan Lukic conduisait une voiture de couleur rouge de type Passat,

 19   et une camionnette de marque Zastava, également de couleur rouge.

 20   Q.  Combien souvent l'avez-vous vu conduire cette Passat

 21   rouge ?

 22   R.  Souvent. Il traversait souvent Kosovo Polje en allant de Visegrad vers

 23   Sase, et de Sase vers Visegrad.

 24   Q.  Vous habitiez le village de Kosovo Polje. Est-ce que ce village se

 25   situe sur la route entre Sase et Visegrad ?

 26   R.  Oui. Le village de Kosovo Polje est divisé en deux parties par la

 27   route. Du côté droit de la route se trouve la partie du village peuplée par

 28   des Serbes orthodoxes, et de l'autre côté celle peuplée par des Musulmans

Page 596

  1   de Bosnie.

  2   Q.  Bien. Cette route mène-t-elle à d'autres endroits auxquels vous faites

  3   référence dans votre déclaration ?

  4   R.  Oui. Cette route mène vers Zupa, et c'est à côté de Sase que se trouve

  5   le bifurque [phon] vers Visegradska Banja.

  6   Q.  Avez-vous jamais vu quelqu'un d'autre conduire cette Passat rogue ? Je

  7   vous demande si vous avez vu quelqu'un qui la conduisait et non pas

  8   quelqu'un d'autre assis dans la voiture.

  9   R.  Vous parlez de 1992 ou de la période avant 1992 ?

 10   Q.  Je parle de juin 1992.

 11   R.  Jamais personne d'autre.

 12   Q.  Avez-vous vu d'autres personnes ensemble dans le véhicule avec Milan

 13   Lukic au moment où lui conduisait cette Passat rouge ?

 14   R.  Très souvent, il y avait deux à trois personnes avec lui et parfois il

 15   arrivait qu'il soit seul dans ce véhicule ou avec un seul passager.

 16   Q.  N'avez-vous jamais vu Sredoje Lukic dans la voiture, ensemble avec

 17   Milan ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Dans votre déclaration, vous avez dit avoir assisté à un certain nombre

 20   de crimes commis par Milan et Sredoje Lukic; est-ce exact ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Pouvez-vous dire à la Chambre à combien d'occasions environ vous avez

 23   assisté à des crimes qui ont été commis par l'un ou les deux de ces hommes,

 24   et dans le cadre desquels la Passat rouge aurait été présente sur la scène

 25   du crime ?

 26   R.  A trois reprises au moins.

 27   Q.  Est-ce que vous connaissez quelqu'un du nom de Stanko Pecikoza ?

 28   R.  Oui.

Page 597

  1   Q.  Comment l'avez-vous rencontré ?

  2   R.  Oui, je connaissais bien M. Stanko Pecikoza. C'était quelqu'un de très

  3   accueillant qui avait sa propre scierie. Il nous a souvent aidés à Kosovo

  4   Polje pendant la guerre. A une reprise, une fois que les incidents

  5   s'étaient multipliés, que nous ne pouvions plus nous cacher, mon père a

  6   demandé à Stanko Pecikoza de m'emmener à la scierie pour que je sois plus

  7   en sécurité, parce que là on n'y a touché personne même si les ouvriers à

  8   la scierie étaient des Musulmans, et là les gens auraient été attaqués et

  9   Stanko a accepté.

 10   Le 10 juin, j'y suis allé avec deux voisins. Je suis allé à la scierie de

 11   Stanko Pecikoza pour m'aider et pour aider également les travailleurs là-

 12   bas et il y avait une douzaine de Serbes et de Musulmans. A un moment

 13   donné, j'ai entendu la femme de Stanko qui pleurait et qui était en deuil.

 14   Venant de la route vers la petite scierie, nous avons entendu une sirène et

 15   la femme a crié en disant, "Hélas, voilà qu'arrive Micko." Personne n'a

 16   rien dit, et M. Lukic est arrivé dans sa Passat rouge.

 17   Un soldat est sorti de la Passat, il était là pour assurer la sécurité de

 18   M. Lukic. M. Lukic n'est jamais sorti de la voiture. Il a ouvert la

 19   portière et a dit bonjour à tout le monde.

 20   Q.  Bien. Est-ce que je peux vous arrêter, lorsque vous dites "Micko," à

 21   qui faites-vous référence ?

 22   R.  Je voulais dire Milan.

 23   Q.  Est-ce que Milan Lukic vous a dit quoi que ce soit à ce moment-là ?

 24   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que Milan est également

 25   appelé Micko ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai entendu - excusez-moi, excusez-moi,

 27   Monsieur le Président, j'ai entendu cette dame prononcer ces mots.

 28   Mme SARTORIO: [interprétation] Je ne sais pas de quelle dame il s'agit.

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  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De quelle dame

  2   s'agit-il ? Quelle dame ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque j'ai parlé des événements, j'ai dit

  4   que la femme de Stanko a crié en disant, "Hélas, voilà qu'arrive Micko."

  5   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qui est Micko ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Milan Lukic.

  7   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien.

  8   Mme SARTORIO: [interprétation]

  9   Q.  Pouvez-vous nous dire si vous savez quelle était l'appartenance

 10   ethnique de M. Pecikoza ?

 11   R.  M. Pecikoza était un Serbe de confession orthodoxe.

 12   Q.  Je vais revenir à ma question précédente, à savoir est-ce que Milan

 13   Lukic vous a dit quoi que ce soit lorsqu'il était dans la voiture et qu'il

 14   est venu au domicile de Stanko Pecikoza ?

 15   R.  Oui. Il a prononcé les mots suivants : il a d'abord dit "pomoz bog,

 16   braco Srbi", c'est-à-dire que Dieu vous aide, chers amis, et "merhaba", les

 17   Turcs, et ensuite il a dit "Monsieur Stanko, est-ce que ces Turcs vous

 18   obéissent ?" A quoi Stanko a répondu, "Occupez-vous de vos affaires," et

 19   qu'il n'était pas nécessaire qu'il vienne dans sa cour et que toutes ces

 20   personnes étaient des personnes tout à fait honorables et bien et qu'ils

 21   n'avaient fait du mal à personne. M. Lukic a répondu, "Oui, ce sont des

 22   personnes bien, mais ils vont néanmoins aller à Bajina Basta," ce qui

 23   voulait dire qu'il allait tous nous précipiter dans le lac et que nous

 24   terminerions tous à Bajina Basta.

 25   Q.  Où se trouve Bajina Basta ?

 26   R.  Bajina Basta est un peu plus bas que Visegrad. Il y a également une

 27   usine d'hydroélectricité sur la rivière de la Drina à une quarantaine de

 28   kilomètres de Visegrad.

Page 599

  1   Q.  Est-ce que c'est au bout de cette rivière ?

  2   R.  Non. C'est l'endroit où l'on a construit un barrage hydroélectrique sur

  3   la rivière de la Drina, ce qui a créé un lac artificiel à Bajina Basta, et

  4   où les cadavres terminaient leur course.

  5   Q.  Est-ce que vous savez où est M. Pecikoza aujourd'hui ?

  6   R.  M. Pecikoza n'est plus en vie. Malheureusement, il a été tué le 19 juin

  7   1992. Je ne sais pas qui l'a tué.

  8   Mme SARTORIO: [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

  9   Président.

 10   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Maître Alarid.

 11   M. ALARID : [interprétation] Monsieur le Président, nous levons la séance à

 12   13 heures 45. Pour des raisons de continuité, Monsieur le Président, est-ce

 13   que vous êtes d'accord pour que nous levions la séance maintenant et que

 14   nous commencions demain parce qu'en cinq minutes on ne peut poser que

 15   quelques questions.

 16   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Alors posez-les.

 17   M. ALARID : [interprétation] Bien.

 18   Contre-interrogatoire par M. Alarid : 

 19   Q.  [interprétation] Monsieur 97, en 1992, quel âge

 20   aviez-vous ?

 21   R.  J'avais 21 ans et demi.

 22   Q.  Vous avez dit dans le cadre de l'interrogatoire principal que vous

 23   aviez trois ans de moins que Milan Lukic?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Lorsque vous étiez à l'école primaire, il était à l'école secondaire ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Donc vous n'avez jamais joué avec lui en tant qu'enfant ?

 28   R.  Non.

Page 600

  1   Q.  N'est-il pas exact qu'en tant que jeune garçon, Milan Lukic avait des

  2   amis musulmans ?

  3   R.  Il avait certainement des amis musulmans comme moi j'avais des amis

  4   serbes parce que c'était un environnement mixte.

  5   Q.  Bien, dans votre déclaration de 2001, était-ce la première fois que

  6   vous faisiez une déclaration officielle dans une enquête se rapportant à la

  7   tragédie qui s'est déroulée en Bosnie ?

  8   R.  Oui, pour un tribunal international.

  9   Q.  Est-ce que cela veut dire que vous avez fait d'autres déclarations

 10   avant cette date ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  A qui avez-vous fait des déclarations ?

 13   R.  Lorsque nous avons traversé la Drina et que nous sommes allés sur la

 14   rive gauche en juin 1992. Il y avait d'autres personnes là qui nous ont

 15   posé des questions pour savoir ce qui s'était passé et un enseignant du nom

 16   Sabit Hota [phon] tenait une sorte de registre des événements et il a pris

 17   note de notre déclaration.

 18   Q.  Vous avez fait des déclarations concernant lesdits crimes de Visegrad ?

 19   R.  J'ai fait des déclarations sur ce que j'avais vécu à Kosovo Polje

 20   d'avril jusqu'au 19 juin 1992.

 21   Q.  Mais vous êtes resté dans la région jusqu'à la mi-juillet 1992 ?

 22   R.  J'ai passé une partie de ce temps dans le village de Hamzici jusqu'à la

 23   mi-juillet 1992, car en raison des tirs importants d'obus, les maisons dans

 24   lesquelles nous vivions avaient été sérieusement endommagées et nous étions

 25   exposés aux tirs d'artillerie et de chars. Donc nous avons dû faire

 26   retraite vers un autre village, Crni Vrh.

 27   Q.  Dans votre déclaration de 2001, vous aviez indiqué qu'auparavant vous

 28   aviez vu Dragan Tomic dans une jeep près de la maison de Stanko Pecikoza.

Page 601

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Vous avez indiqué dans votre déclaration que vous n'avez pas osé les

  3   arrêter. Pourquoi ?

  4   R.  Ils étaient armés et ils allaient vers Homar où se trouvait le

  5   commandement de la Défense territoriale de la communauté serbe. Je n'ai pas

  6   osé les arrêter.

  7   Q.  N'est-il pas exact que Tomic était commandant de la police ?

  8   R.  Je n'en suis pas sûr, je ne sais pas très bien s'il était commandant,

  9   mais je suis sûr qu'il occupait un poste important dans la hiérarchie de la

 10   police.

 11   Q.  Est-ce que vous savez qui était Perisic, était-il le chef de la police

 12   ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Que saviez-vous du rôle de Perisic dans la communauté ?

 15   R.  Je connaissais M. Risto Perisic comme étant le professeur qui m'avait

 16   enseigné le serbo-croate à l'école secondaire. A l'époque, lorsque j'allais

 17   à l'école, il était actif dans le club de volley-ball qui était un club du

 18   nom de Drina. Il a joué un rôle important dans l'organisation du SDS et de

 19   la mise en place de la municipalité serbe de Visegrad.

 20   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, nous devons nous

 21   arrêter maintenant. Nous reprendrons demain matin.

 22   M. ALARID : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le mercredi 27 août

 24   2008, à 8 heures 50.

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