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2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 8 heures 52.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, si j'ai bien compris
6 vous vouliez nous dire quelque chose.
7 M. ALARID : [interprétation] Oui, bonjour, oui. Hier, nous avons déposé
8 tard le soir vers 23 heures 30, une demande pour retarder la requête ou le
9 témoignage du témoin VG-11 basé sur des divulgations récentes par
10 l'Accusation. Le lundi [comme interprété] nous avons reçu à 6 heures 40
11 des révélations supplémentaires dans notre casier et que nous n'avons
12 reçues qu'hier matin et nous n'avons pas pu les regarder jusqu'à hier soir.
13 Nous les avons imprimées et cela se rapporte au VG-11 et ceci a commencé
14 hier, mais en fait, ça commence réellement plutôt aujourd'hui.
15 Nous avons imprimé cela hier, il y a environ 200 pages de révélations qui
16 sont toutes en serbe et nous avons pu voir que le nom du VG-11 était
17 mentionné 60 fois environ.
18 Une des questions aujourd'hui importantes - et M. Rasic n'a pas été à
19 même d'entendre tout ceci et de voir qu'est-ce qui était important - et une
20 chose qui, néanmoins, est importante pour la Défense et qui peut être
21 considérée comme relevant de la Règle 68 c'est que le VG-11 a parlé à un
22 autre témoin pour inclure l'incident du bus dans le convoi qui est donc une
23 partie importante du témoignage du VG-11, ce 17 juin, ce qui serait
24 important par rapport à notre théorie sur cette affaire.
25 Et je pense qu'étant donné tout ceci, nous devons entrer un petit peu plus
26 dans la compréhension de tout ceci avant de pouvoir faire le contre-
27 interrogatoire du VG-11. Je sais que l'Accusation va dire, bien faisons,
28 mais --
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1 Excusez-moi, ceci implique beaucoup de préparation et ceci concerne des
2 choses importantes concernant la date du 14 juin qui est donc quelque chose
3 d'extrêmement important; il s'agit d'un témoin important.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Merci. Je voudrais demander à
5 l'Accusation d'expliquer ce qui s'est passé.
6 Mme SARTORIO : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Vous savez que
7 des divulgations se font constamment et que nous faisons toujours des
8 recherches sur les témoins et au fur et à mesure que nous découvrons des
9 documents nous les divulguons et les communiquons. Ces documents ont été
10 revus, revus par moi, et les documents serbes ont été lus et revus par un
11 traducteur et il n'y avait pas de matériel qui relevait réellement de la
12 Règle 68, et je pense que c'est le seul incident. Simplement le témoin a
13 dit à quelqu'un d'autre que ça s'est passé à une autre date, un autre jour.
14 Je pense c'est tout ce qu'il y a, en fait, dans ces documents. Nous avons
15 une politique qui est une politique de communication large. Ces documents
16 sont des déclarations des témoins ou des documents recueillis au fur et à
17 mesure des années qui mentionnent -- ils ne font que mentionner le nom du
18 témoin. Tout document qui mentionne son nom est communiqué, cela ne
19 signifie pas que cela à un sens ou des informations contenues dans le
20 document, qui sont à décharge. Je proposerais que l'on commence et s'il
21 doit revenir après pour un contre-interrogatoire limité, nous le ferions
22 revenir par la suite.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La communication est un processus
24 constant, mais nous avons donc des règles que nous appliquons.
25 Mme SARTORIO : [interprétation] Je comprends.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quand est-ce que ceci a été
27 découvert --
28 Mme SARTORIO : [interprétation] A la fin de la semaine dernière lorsque
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1 ceci a été communiqué. Comme vous le savez, il y a plusieurs procès qui se
2 déroulent en même temps. Les recherches sont effectuées aussi rapidement
3 que les gens peuvent le faire, tout le monde revoit les documents et les
4 assistants linguistiques travaillent aussi rapidement que possible.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous avez un autre témoin
6 sous la main.
7 Mme SARTORIO : [interprétation] Il n'est pas là. Je ne pense pas qu'il
8 vienne avant 11 heures. Le témoin de la Section des Victimes ne sera pas là
9 avant 11 heures. Nous avons un autre témoin qui devrait donc venir après le
10 VG-11. Il s'agit du 92 bis, et ensuite le VG-97 va témoigner. Donc nous
11 avons trois témoins prévus pour aujourd'hui. Mais M. Spahic est là depuis
12 plusieurs jours, il est prêt à déposer, et je pense que c'est une chose --
13 il serait équitable de lui permettre de venir, de déposer, et comme je l'ai
14 dit, s'il y a quelque chose sur lequel vous voulez dans ce document sur
15 lequel vous voulez lui poser une question, nous pourrions le faire revenir
16 par la suite pour un contre-interrogatoire.
17 [La Chambre de première instance se concerte]
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, voici ce que la
19 Chambre a décidé. Le témoin va déposer comme prévu. Néanmoins, s'il y a
20 quoi que ce soit dans les documents qui vous ont été communiqués très
21 tardivement et que vous souhaitiez un contre-interrogatoire sur ces points
22 et que vous ne soyez pas à même de le faire maintenant, alors on rappellera
23 le témoin pour un autre contre-interrogatoire. La Chambre considère que
24 ceci est la meilleure façon de procéder et d'utiliser efficacement le temps
25 de la Chambre de première instance.
26 M. ALARID : [interprétation] Pour le procès-verbal, nous regardions un
27 petit peu ce qui était sur l'ordinateur. Les dates ont été modifiées
28 ensuite du 6 au 12 août. Donc il y a eu un retard entre la communication
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1 qui s'est faite dimanche 24.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Chambre a pris sa décision.
3 [La Chambre de première instance se concerte]
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Sartorio, je voudrais dire au
5 nom de la Chambre que je comprends que la communication soit un processus
6 continu. Vous devez également être très claire et faire tout ce qui est
7 dans votre pouvoir pour vous assurer que les documents sont communiqués
8 dans les délais qui ont été fixés par la Chambre de première instance,
9 parce que s'il y a des éléments qui sont divulgués très tardivement, alors
10 il est clair que le type de problèmes que nous venons de rencontrer
11 maintenant se rencontrera à nouveau, et la Chambre de première instance
12 doit s'assurer que le temps qui lui est imparti est utilisé efficacement.
13 Mme SARTORIO : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je prends cela
14 à cœur. J'en discuterai avec mon équipe et nous ferons en sorte que les
15 documents soient communiqués aussitôt que possible.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Vous pouvez faire entrer le
17 témoin.
18 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
19 Mme SARTORIO : [interprétation] Excusez-moi, mais ce n'est pas le bon
20 témoin.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pardon ?
22 [Le témoin se retire]
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense qu'il y a juste là une
24 erreur d'identité.
25 Madame Sartorio.
26 Mme SARTORIO : [interprétation] Oui.
27 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai constaté que le temps alloué
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1 prévu pour ce témoin est d'une heure et demie; est-ce exact ?
2 Mme SARTORIO : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je pense que
3 l'examen principal, je peux le faire en une heure [comme interprété] comme
4 vous l'aviez dit pour les témoins relevant du 92 ter.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Parfait.
6 Mme SARTORIO : [interprétation] Oui.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons demander au témoin de
8 faire sa déclaration.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
10 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
11 LE TÉMOIN: FERID SPAHIC [Assermenté]
12 [Le témoin répond par l'interprète]
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez commencer, Madame
14 Sartorio.
15 Mme SARTORIO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 Interrogatoire principal par Mme Sartorio :
17 Q. [interprétation] Monsieur, veuillez dire votre nom et prénom, s'il vous
18 plaît, pour les besoins du compte rendu.
19 R. Ferid Spahic.
20 Q. Au printemps 1992, quelle était la municipalité ou le village où vous
21 habitiez ?
22 R. J'ai habité le village de Smrijece, où le suis né. Ce village se situe
23 dans la municipalité de Visegrad.
24 Q. Quel est votre appartenance ethnique ?
25 R. Je suis Musulman.
26 Q. Vous avez témoigné devant ce Tribunal en 2001 dans l'affaire Procureur
27 contre Mitar Vasiljevic; cela est-il exact ?
28 R. Oui.
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1 Q. Vous souvenez-vous des dates de votre déposition dans cette affaire ?
2 R. C'était les 12 et 13 septembre 2001.
3 Q. Depuis que vous étiez arrivé à La Haye, il y a quelques jours, avez-
4 vous eu l'occasion de réécouter votre témoignage en langue bosniaque dans
5 son intégralité ?
6 R. Oui.
7 Q. Tout ce qui figure de votre déclaration précédente, est-il vrai et
8 reflète-t-il la vérité de la manière la plus précise, d'après ce que vous
9 en savez, concernant les événements dont vous avez été le témoin et que
10 vous avez vécus en juin 1992 ?
11 R. Oui.
12 Q. Si je devais aujourd'hui vous poser les mêmes questions qui vous on été
13 posées lors de votre déposition en 2001, vos réponses aujourd'hui seraient-
14 elles les mêmes ?
15 R. En substance oui. Peut-être pas à 100 %. Peut-être que je ne
16 prononcerais pas les mêmes phrases, mais essentiellement, je dirais la même
17 chose.
18 Q. Essentiellement, vos réponses seraient identiques.
19 R. Oui.
20 Q. Merci.
21 Mme SARTORIO : [interprétation] Je demande le versement du compte rendu de
22 la déposition du témoin. Il s'agit des numéros 70 et 71 de la liste 65 ter.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le document sera versé.
24 Mme SARTORIO : [interprétation] Il y a encore trois pièces à conviction qui
25 ont été utilisées lors de son témoignage. Nous demanderons leur versement
26 également. Souhaitez-vous que je pose des questions au sujet de ces
27 documents avec le témoin ?
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien.
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1 Mme SARTORIO : [interprétation] Il s'agit des documents 67, 68, 69 de la
2 liste 65 ter.
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La déclaration de témoin aura la cote
4 P15; ensuite le document 67 de la liste 65 ter sera P16; le document 68
5 sera P17; et le document 69 de la même liste deviendra P18.
6 Mme SARTORIO : [interprétation] Merci.
7 Q. Monsieur Spahic, en dehors du témoignage devant la Chambre dans
8 l'affaire Vasiljevic, avez-vous également fait une déclaration devant les
9 enquêteurs du Tribunal en novembre 1997 ?
10 R. Oui. C'est une déclaration que j'ai faite à Sarajevo.
11 Q. Cette déclaration était écrite en anglais, mais on vous l'a lue à haute
12 voix en bosniaque à l'époque, n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Depuis votre arrivée ici à La Haye, vous avez également eu l'occasion
15 de relire cette déclaration en langue bosniaque, n'est-ce pas ?
16 R. Oui, c'est exact.
17 Q. Après avoir relu votre déclaration, avez-vous apporté des modifications
18 ou des corrections à cette déclaration de 1997 ?
19 R. Oui, nous avons apporté certaines corrections, il s'agit plutôt de
20 lapsus ou des erreurs de nature technique, mais dans son essence cette
21 déclaration est correcte.
22 Q. Vous avez signé une annexe à la déclaration qui fait état de ces
23 corrections ?
24 R. Oui.
25 Q. Vous avez également signé la version anglaise de cette déclaration
26 après qu'un traducteur vous ait relu cette déclaration en langue bosniaque
27 ?
28 R. Oui.
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1 Q. Monsieur, tout ce qui figure dans cette déclaration de 1997, pris
2 ensemble avec les corrections que vous avez apportées qui figurent dans
3 l'annexe, tout cela ensemble, d'après vos connaissances, reflète-t-il d'une
4 manière véridique les événements dont vous avez été le témoin et que vous
5 avez vécu en 1992 ?
6 R. Oui. C'est la vérité toute entière.
7 Q. Bien, si je devais vous poser maintenant les mêmes questions que
8 l'enquêteur vous a posées en 1997, vos réponses seraient-elles identiques à
9 celles qui figurent dans votre déclaration et dans l'annexe ?
10 R. Oui.
11 Mme SARTORIO : [interprétation] Nous demandons le versement de la
12 déclaration du témoin. Nous n'avons pas de numéro pour la déclaration ni
13 pour l'annexe qui l'accompagne. Mais les numéros ERN sont 00548587 jusqu'à
14 8589 s'agissant de la déclaration. Et s'agissant de l'annexe, le numéro ERN
15 est 01109684 jusqu'à 9694. Juste un instant, s'il vous plaît.
16 Toutes mes excuses, l'ERN pour l'annexe est 06382599 jusqu'à 2602.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien.
18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] J'aimerais faire une correction
19 s'agissant de la première déclaration du témoin. Le document 70 de la liste
20 65 ter sera P15, le 71 sera P19. Le document portant le numéro ERN 00548587
21 deviendra P20, quant à ce lui qui porte le numéro 063825997 ce sera P21.
22 Mme SARTORIO : [interprétation] Merci.
23 Q. Bien, vous avez entendu, Monsieur, que votre déclaration préalable a
24 été versée au dossier de cette affaire. La Chambre a l'occasion d'examiner
25 en intégralité vos déclarations et votre déposition préalable. C'est pour
26 cette raison-là que nous n'allons pas maintenant discuter de ce que vous
27 avez vécu en juin 1992 en détail. Est-ce que vous comprenez cela ?
28 R. Oui.
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1 Q. J'aimerais néanmoins vous poser quelques questions. Donc lors de votre
2 témoignage et dans votre déclaration, vous avez parlé d'un convoi de cars
3 qui était organisé à Visegrad afin de transporter les habitants en dehors
4 de cette zone, supposément qu'il fallait les transporter jusqu'en lieu sûr;
5 cela est-il exact ?
6 R. Oui.
7 Q. Dans votre déclaration et lors de votre témoignage, vous avez dit que
8 le convoi était censé quitter la ville de Visegrad le 14 juin; cela est-il
9 exact ?
10 R. Oui, et le convoi a bien quitté la ville de Visegrad le 14 juin.
11 Q. Bien. Le 14 juin, vous trouviez-vous à bord d'un car qui se trouvait
12 lui ensemble avec d'autres cars devant l'hôtel de Visegrad ?
13 R. Oui, je me trouvais dans un de ces cars qui formaient la colonne, le
14 convoi.
15 Q. Bien. Pourriez-vous nous dire quel est le nombre de cars et de
16 véhicules d'autres types qui composaient ce convoi ?
17 R. Je n'ai pas compté les véhicules qui composaient le convoi, mais je me
18 souviens qu'il y a eu environ cinq à six cars et camions avec bâches.
19 Q. A un moment, ces cars ont quitté l'hôtel de Visegrad et se sont dirigés
20 vers où ?
21 R. Ils ont emprunté la route qui était autre que celle sur laquelle où
22 nous nous sommes entendus. Pendant que nous nous trouvions à l'hôtel, juste
23 avant le départ du convoi, on nous a proposé trois destinations. Une étant
24 Skopje, la ville de Skopje en Macédoine. Deuxième, la ville d'Olovo, et la
25 troisième, la ville de Kladinja [phon]. Le fait est que la proposition
26 d'aller à Skopje n'était qu'un appât pour nous attirer, pour nous
27 convaincre plus facilement de quitter la ville. Alors, nous avons dû
28 également établir des listes des personnes qui se trouvaient à bord des
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1 cars à la demande de Ljupko Tasic et indiquer sur ces listes la destination
2 que nous avons choisie. Donc c'est ce que j'ai fait pour les personnes qui
3 se trouvaient dans mon car, j'ai établi une liste et j'ai indiqué comme
4 destination finale la ville de Skopje.
5 Q. Merci, Monsieur. Voilà ma question suivante : le 14 juin, à un moment
6 donné, les cars ont quitté l'hôtel de Visegrad, n'est-ce pas, pourriez-vous
7 nous dire quelle est la direction empruntée ?
8 R. Tout d'abord, nous nous sommes rendus à la gare routière de Visegrad
9 afin que de prendre du carburant pour les cars, ensuite nous avons
10 rebroussé chemin, puis nous sommes allés via Novi Most, c'est-à-dire le
11 nouveau pont de Visegrad, en direction de Smrijece.
12 Q. Pourriez-vous nous dire à quel moment, à peu près, le 14 juin, votre
13 car a-t-il quitté la ville de Visegrad ?
14 R. Je ne le sais pas exactement, nous l'avons fait entre 9 et 11 heures du
15 matin.
16 Q. Bien. Quand vous avez témoigné devant le Tribunal en 2001, c'est-à-dire
17 neuf ans après les événements que vous avez vécus en 1992 ?
18 R. Oui.
19 Q. Comment se fait-il que vous ayez pu alors vous souvenir de la date du
20 14 juin comme date à laquelle les cars avaient quitté la ville de Visegrad
21 ?
22 R. Toutes ces dates qui concernent notre vie, notre destin, ce que nous
23 avons vécu ces jours-là, c'est profondément gravé dans ma mémoire. Je
24 n'aimerais pas que cela arrive à quelqu'un d'autre, c'est quelque chose que
25 je n'arrive tout simplement pas à effacer. C'est pour ça que je connaissais
26 si bien ces dates.
27 Q. L'exécution dont vous avez parlé lors de votre témoignage et dans votre
28 déclaration, cette exécution, elle a eu lieu le 15 juin, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui.
2 Q. Le 15 juin, cette date a-t-elle une signification particulière pour
3 vous depuis que cet événement a eu lieu ?
4 R. Malheureusement oui. Aucun bien n'est associé à cette date. Peut-être
5 la seule chose positive que j'associe à cette date, c'est le fait que j'ai
6 survécu. C'est tout.
7 Q. Quelle est votre date de naissance ?
8 R. Le 8 mai 1963.
9 Q. Fêtez-vous un deuxième anniversaire ?
10 R. Bien évidemment.
11 Q. Quelle est la date de votre deuxième anniversaire ?
12 R. Le 15 juin.
13 Q. Pourquoi fêtez-vous votre anniversaire le 15 juin ?
14 R. Le 15 juin on nous a amenés à Paklanik, moi-même et une cinquantaine de
15 mes voisins, des membres de ma famille. Nos mains ont été attachées au dos,
16 et c'est là que toutes ces personnes ont été exécutées, et je suis le seul
17 à avoir réussi à me sauver, par chance.
18 Q. Alors cette date pour vous représente quoi, la date du 15 juin ?
19 R. C'est une date. Je ne la fête pas. Je ne fête pas le 15 juin comme ma
20 fête, un anniversaire ordinaire, mais aucun 15 juin ne peut passer sans que
21 je me souvienne de ce qui s'est passé le 15 juin 1992.
22 Q. Merci. Dans votre déclaration, vous avez dit qu'une personne est venue
23 au convoi des cars avant que le convoi ne quitte la ville de Visegrad, et
24 que vous avez par la suite appris qu'il s'agissait de Milan Lukic. Est-ce
25 bien ce que vous avez déclaré ?
26 R. Oui.
27 Q. Pourriez-vous nous dire de quelle manière avez-vous appris l'identité
28 de cette personne ?
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1 R. A ce moment-là, nous étions déjà près pour partir et une personne, qu'à
2 l'époque je ne connaissais pas, que je n'avais jamais vue auparavant, est
3 montée à bord de mon bus et s'est arrêtée juste à côté de mon siège. J'ai
4 levé la tête, je l'ai regardée pendant environ trois ou quatre secondes,
5 ensuite j'ai détourné les yeux. Il a appelé Esad Kustura, il lui a dit,
6 "Camarade d'école." Je ne sais pas si cela signifie qu'ils étaient ensemble
7 à l'école, mais il a
8 dit : "Allez, camarade d'école. Sors du car." Esad, quand il est passé à
9 côté de mon siège, je lui ai dit d'essayer de se sauver, de s'enfuir. Mais
10 quand il a posé son pied sur la dernière marche à la sortie du car, une
11 dispute a commencé entre Ljupko Tasic et Milan Lukic. En fait, cette
12 personne-là qui était dans le car mais pour laquelle j'ai appris plus tard
13 que c'était Milan Lukic.
14 Après cette dispute, Ljupko a dit à Esad de revenir à sa place, et Esad en
15 passant à côté de moi m'a dit, "Ljupko m'a sauvé la peau."
16 Ensuite, le car est parti en direction d'Olovo, et quand j'ai demandé à
17 Esad qui était cette personne-là, il m'a dit que c'était Milan Lukic.
18 Q. Mais avant cet événement, vous ne connaissiez pas Milan Lukic.
19 R. Non, je ne le connaissais pas.
20 Q. Bien.
21 Mme SARTORIO : [interprétation] Passons maintenant à la dernière question
22 que j'aimerais aborder avec vous. Pour cela nous aurons besoin d'une carte
23 qui se trouve dans le système électronique et les copies papier de cette
24 carte sont distribuées.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien.
26 Mme SARTORIO : [interprétation] Juste un instant, s'il vous plaît.
27 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
28 Mme SARTORIO : [interprétation] Merci bien. Peut-on poser cette carte
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1 sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît, pour que les Juges puissent suivre
2 ce qui se passe.
3 Q. Pouvez-vous, Monsieur, prendre le marqueur que je vous ai passé tout à
4 l'heure et indiquer la municipalité de Visegrad d'un cercle ?
5 R. [Le témoin s'exécute]
6 Q. Pourriez-vous également inscrire la lettre V à côté de ce cercle pour
7 indiquer la ville de Visegrad ?
8 R. [Le témoin s'exécute]
9 Q. Si vous vous souvenez de la route que vous avez empruntée avec votre
10 convoi le 14 juin, pourriez-vous, s'il vous plaît, essayer de l'indiquer
11 sur la carte, de tracer cette route ?
12 R. Bien. Le convoi est parti de la place de Visegrad, traversait le pont
13 sur la Drina, reprit ensuite la route vers Rogatica par la nouvelle route
14 asphaltée qui faisait un petit détour par Smrijece, ensuite en traversant
15 Gornja et Donja Lijeska, puis Kopito, puis Pesurici jusqu'à Seljane, un
16 endroit qui se situe à proximité de la ville de Rogatica.
17 Q. Depuis cet endroit-là, vous êtes allés à un autre endroit, puis vous
18 êtes revenus. Pourriez-vous nous décrire rapidement vos déplacements et
19 l'endroit où l'exécution a eu lieu ?
20 R. Nous avons quitté le village de Seljane par une route de terre. Nous
21 avons traversé Zakoma et Sakovici [phon] pour atteindre la municipalité de
22 Sokolac. Ensuite, nous sommes passés par Knedjina [phon], le mont
23 d'Isarica, et nous avons déjà, à ce moment-là, atteint la municipalité
24 d'Orlovo. C'est là, malheureusement, qu'un camion de soldats a commencé à
25 suivre le convoi et à un endroit, ils ont donné l'ordre que les femmes, les
26 enfants et les vieillards devaient quitter le convoi, alors que tous les
27 autres qui restaient dans le convoi allaient être échangés.
28 Q. Bien. A un moment donné sur le chemin, avez-vous passé la nuit dans les
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1 cars c'est-à-dire la nuit du 14 au 15 ?
2 R. Oui. On nous a renvoyés du mont d'Isarica vers Sokolac. On nous a tous
3 fait monter dans un seul car qui se trouvait devant l'hôtel, ensuite le car
4 a été garé devant l'hôtel Romanija au poste de police de Sokolac où nous
5 avons passé la nuit alors que les gardes nous surveillaient.
6 Q. Est-ce que cet endroit où vous avez passé la nuit dans le car est
7 visible sur cette carte ?
8 R. Non. Il faudra m'en donner une autre.
9 Q. Mais ça veut dire qu'il faudra que cette carte se rajoute du côté
10 gauche de celle-ci, dans la prolongation de la route que vous avez prise ?
11 R. Oui, parce qu'ici on ne voit que la direction Visegrad-Rogatica. Il
12 faudra aussi une carte qui représente l'axe Rogatica-Sokolac.
13 Q. Bien, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous montrer où se trouve Kopito,
14 mettre un cercle et inscrire un K à côté.
15 R. [Le témoin s'exécute]
16 Q. Pourriez-vous nous dire ce que c'est Kopito, c'est une ville, c'est un
17 village, un endroit, une localité ?
18 Q. Je ne sais pas en fait ce que ça pourrait bien être, il s'agit de
19 quelques maisons parsemées le long de la route. Il ne s'agit même pas d'un
20 village, peut-être que c'est un hameau. Il s'agit de deux ou trois maisons,
21 dont peut-être un hameau et peut-être deux ou trois familles.
22 Q. Maintenant, entre Visegrad et Kopito, est-ce qu'il y avait des
23 barrières ou des barrages routiers qui vous empêchaient d'avancer sur
24 cette route ?
25 R. Pas sur cette section, mais par la suite, un peu plus loin, quelque
26 part, je ne sais pas très bien où, mais avant Seljani. Peut-être à Rijici,
27 en ce point ici, juste là, il y avait une sorte de barricade, de barrage
28 qui bloquait la route. Nous avons été arrêtés là pendant quelques minutes,
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1 il y avait là quelques soldats, des troupes et une fois que nous avons
2 passé, j'ai simplement remarqué qu'il y avait simplement quelques bûches,
3 quelques morceaux de troncs de bois, pardon, sur la route et je ne sais pas
4 qui les y avait mis.
5 Q. Cela n'a pas empêché le convoi d'avancer, ces rondins de bois, ces
6 bûches de bois ?
7 R. Non.
8 Q. J'ai noté cet endroit sur la carte en indiquant par un P; est-ce exact
9 ?
10 R. Je suppose que c'était à Pesurici, donc j'ai mis un P comme initiale.
11 Q. Monsieur, le 14 juin 1992, si vous deviez aller de Kopito à Visegrad,
12 est-ce que vous auriez pris la même route exactement que celle qu'a
13 empruntée le convoi ?
14 R. Oui. C'est la seule route, en fait.
15 Q. Merci.
16 Mme SARTORIO : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le
17 Président.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
19 Mme SARTORIO : [interprétation] Je m'excuse, est-ce que je pourrais
20 demander à ce que cette carte soit versée comme pièce à conviction.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Elle est acceptée comme pièce à
22 conviction.
23 Mme SARTORIO : [interprétation] Merci.
24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera donc la pièce à conviction P22,
25 Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid. Maître Alarid, à vous
27 le tour.
28 M. ALARID : [interprétation] Je pense qu'en général, je viens juste après
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1 justement.
2 Contre-interrogatoire par M. Alarid :
3 Q. [interprétation] Bien, bonjour VG-11.
4 R. Bonjour.
5 Q. Vous avez indiqué dans vos témoignages que vous n'avez vu que celui que
6 vous considériez être M. Milan Lukic qu'une seule fois ?
7 R. Oui.
8 Q. Et cela ne s'est passé que sur la place de Visegrad ?
9 R. Oui.
10 Q. Bien, l'Accusation vous a parlé de votre déclaration et je pense qu'il
11 s'agissait de 1997; est-ce exact ?
12 R. Oui.
13 Q. Votre témoignage dans l'affaire Vasiljevic; est-ce exact ?
14 R. Oui
15 Q. Est-ce que vous avez également lu votre déclaration du 11 septembre
16 1992 ?
17 R. J'ai effectivement regardé cette déclaration, mais ce ne sont pas là
18 mes mots. Le contenu reste le même, et je pense même que la signature qui
19 figure sur ces documents n'est pas la mienne. En fait, même le nom de ma
20 mère n'est pas Omerovic, mais Drino. Il ne s'était passé que peu de temps
21 entre l'événement et mes déclarations, donc je vous dirais, si vous voulez
22 me poser des questions, de baser vos questions sur les déclarations que
23 j'ai faites en 1997, au moment où j'ai rencontré l'enquêteur de La Haye à
24 Sarajevo.
25 Q. Pourquoi est-ce que vous préférez cela ?
26 R. Les déclarations de 1992 contiennent l'essentiel, mais cette substance
27 est un petit peu donnée dans le désordre. Quelqu'un a redit mon histoire,
28 reraconté mon histoire et ce n'est pas exactement -- ça ne reflète pas la
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1 réalité exacte. Ce n'est pas ce que ça devrait être.
2 Q. Vous avez également fait une déclaration le 5 décembre 1992; est-ce
3 exact ?
4 R. Est-ce que vous pourriez me dire à quel endroit j'aurais fait cette
5 déclaration ?
6 M. ALARID : [interprétation] Un instant, Monsieur le Président, je m'en
7 excuse.
8 Q. A Sarajevo.
9 R. Le 5 décembre à Sarajevo.
10 Q. Oui, Monsieur.
11 R. Le 5 décembre 1992, je n'étais pas à Sarajevo. J'étais à Gorazde.
12 M. ALARID : [interprétation] Monsieur le Président, nous aimerions que la
13 cote ERN 00614799 jusqu'à 00614808 soit téléchargée, cela figure sur le
14 prétoire électronique sous la cote 1D00-0161. Il s'agit de la version
15 B/C/S. Et la version anglaise a été téléchargée sous la cote 1D00-0152.
16 R. Monsieur, la déclaration n'a pas été faite à Sarajevo, elle a été
17 envoyée à Sarajevo, mais je l'ai faite à Donji Most, dans la région de
18 Visoko.
19 Q. Donc vous avez fait cette déclaration le 5 décembre 1992 ?
20 R. Oui.
21 Q. Je ne me souviens pas s'il s'agissait du 5 décembre, mais s'il est dit
22 5 décembre, ça doit être vrai si ça été fait à Donji Most qui est près de
23 Visoko. Et pour quelle raison avez-vous fait cette déclaration le 5
24 décembre ?
25 R. Pour la première fois, après ce qui nous était arrivé le 15 juin, je
26 suis revenu sur la place où le reste du convoi avait terminé sa course,
27 donc les femmes, les enfants et les personnes plus âgées. Je suis
28 quelqu'un, un homme qui a survécu à une exécution et qui était supposé dire
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1 la vérité à ceux qui avaient survécu, c'est-à-dire les enfants, les épouses
2 et les parents, de sorte que cette déclaration me semblait nécessaire,
3 telle qu'elle était. Elle a été faite hâtivement sans entrer dans les
4 détails, mais je devais faire cette déclaration étant donné les
5 circonstances.
6 Q. Bien, n'est-il pas exact que dans aucune des déclarations du 11
7 septembre 1992 ou du 5 décembre 1992, vous n'avez mentionné Milan Lukic ?
8 R. C'est possible. Dès que j'ai remarqué les premières erreurs dans la
9 déclaration, je n'ai pas poursuivi ma lecture. Il ne s'agissait pas là de
10 mes termes. Mes termes, c'étaient ceux que l'on retrouve dans la
11 déclaration de 1997. Cette déclaration, je ne l'ai faite que pour
12 satisfaire, faire plaisir à ceux qui étaient présents là.
13 Q. A votre sens, qu'est-ce qui était nécessaire pour satisfaire ceux qui
14 étaient là et qui faisaient une enquête sur cette affaire en 1992, qui
15 menaient une enquête sur cette affaire en 1992 ?
16 R. Je ne sais pas vraiment. Lorsque j'y repense et que je repense à cet
17 interrogatoire à Mostar, je me souviens des erreurs que l'enquêteur a fait
18 à ce moment-là, mais à l'époque ça ne me paraissait pas important à ce
19 moment-là. Je pense qu'il avait rapporté mes termes à une dame qui
20 s'occupait du protocole et qui a mis cela par écrit. Cela n'avait pas
21 d'importance pour moi. J'avais survécu à la guerre et à toutes ces
22 horreurs. L'important, l'essentiel pour moi était de faire une déclaration
23 et j'ai fait un récit grosso modo de ce qui s'était passé sans faire
24 d'analyse. Et en 1997, j'ai témoigné pendant deux jours à Sarajevo. J'ai
25 déposé pendant deux jours à Sarajevo et tout ce que j'ai dit, à ce moment-
26 là, a été mis par écrit. Donc si vous voulez vous reporter à la déclaration
27 que j'ai faite en 1997.
28 Q. Pour être honnête --
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Témoin. Témoin, vous dites que vous
2 vous souvenez des erreurs faites par l'enquêteur. De quelles erreurs
3 s'agit-il ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas vous donner un exemple précis
5 d'une erreur maintenant, mais lorsque je disais une phrase l'enquêteur soit
6 l'adaptait ou la modifiait. A l'époque cela n'avait pas d'importance pour
7 moi. A à ce moment-là, dans la déclaration de Djordje Gacic, il avait parlé
8 du Corps d'Uzice, ce qui n'a pas de sens. Un simple paysan ne peut pas
9 connaître le nom d'un corps d'armée. Mais comme je l'ai dit en 1992, je
10 n'ai pas fait attention à ces éléments en 1992. On ne m'avait donné que
11 quelques jours de congé pour pouvoir aller rendre visite à mon père. Donc
12 cette déclaration avait été faite au moment où toutes mes impressions liées
13 à l'exécution étaient encore fraîches dans ma mémoire. Il ne s'était passé
14 que quelques mois. Donc essayez d'en tirer quelque chose, je ne pense pas
15 que ce serait équitable, même si pour ce qui est de l'essentiel, cela reste
16 correct.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourquoi est-ce qu'à l'époque cela
18 n'avait pas d'importance pour vous que des erreurs soient faites ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] La guerre ne venait que de commencer. On
20 m'avait donné cinq jours pour aller rendre visite à mon père, et j'ai fait
21 cette déclaration à la hâte parce que je devais revenir sur le front. A
22 l'époque, ce genre de chose ne me paraissait pas important.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Maître Alarid.
24 M. ALARID : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 Q. Parlons de l'essentiel de votre déclaration de 1992 et ensuite nous
26 pourrons voir comment est-ce que vous vous souvenez de certaines choses.
27 Est-ce que cela vous parait équitable ?
28 R. Pas de problème.
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1 Q. Est-ce que vous parlez anglais ?
2 R. Non. Je ne connais que quelques mots.
3 Q. Bien, vous avez répondu à Me Sartorio en utilisant le mot "yes" en
4 anglais et donc je supposais que vous auriez pu parler l'anglais.
5 Lorsque l'on vous a parlé de l'option d'un convoi, certains ont pensé que
6 c'était là une possibilité de salut; est-ce exact ?
7 R. C'est ce que nous avons tous pensé.
8 Q. Et c'est parce que vous vous cachiez pour éviter la persécution et vous
9 vous cachiez donc dans les bois; est-ce exact ?
10 R. Oui.
11 Q. Vous avez également utilisé les jumelles et vous avez pu, grâce à ces
12 jumelles, voir d'autres atrocités commises; est-ce
13 exact ?
14 R. Oui.
15 Q. Mais il y avait beaucoup de souffrance chez les gens qui se cachaient;
16 est-ce exact ?
17 R. Oui, bien sûr.
18 Q. Mais pendant ce temps-là, vous étiez à -- ça faisait combien de temps
19 que vous étiez dans la région de Visegrad ?
20 R. Je ne comprends pas votre question.
21 Q. Est-ce que vous êtes né à Visegrad ?
22 R. Aux alentours de Visegrad.
23 Q. Et la région de Visegrad n'est pas une grande région sur le plan de la
24 démographie ?
25 R. Non.
26 Q. Et c'est la raison pour laquelle vous avez pu reconnaître un certain
27 nombre de noms comme étant des voisins, soit des Musulmans, soit des
28 Serbes, dans vos déclarations précédentes; est-ce exact ?
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1 R. Oui.
2 Q. Est-il exact de dire dans votre esprit, si nous revenons au 15 juillet,
3 le convoi pour exécuter les personnes dans votre car, est-ce que vous
4 considérez cela comme étant un crime de guerre ?
5 R. Oui, bien sûr.
6 Q. Et pendant cette période, vous avez fait des déclarations en espérant
7 probablement que les personnes responsables de ce convoi et de cette
8 exécution, que justice serait faite par rapport à ces personnes
9 responsables du convoi et des exécutions ?
10 R. Ces déclarations, je les ai faites à l'époque pour satisfaire la forme
11 et que si j'étais le seul survivant et que je venais à être tué, qu'une
12 trace écrite de ces événements reste. Mais je ne m'attendais à ce que les
13 choses, les événements prennent une telle tournure erronée. C'est la raison
14 pour laquelle j'étais ravi de pouvoir faire une autre déclaration par la
15 suite qui est à 100 % exacte.
16 Q. Et vous étiez content, parce que les personnes qui avaient exécuté vos
17 amis ont été remises entre les mains de la justice ?
18 R. Malheureusement, les personnes responsables de cette exécution étaient
19 encore en liberté, les organisateurs de cette exécution étaient encore en
20 liberté. Si je puis me permettre --
21 Q. Je m'excuse. Oui, allez-y.
22 R. Oui, allez-y.
23 Q. Qui est l'organisateur de ce convoi ?
24 R. Le principal organisateur de ce convoi est Ljupko Tasic, mon propre
25 voisin de Bosnie.
26 Q. Peut-on dire que vous le considérez comme responsable des 50 morts, des
27 personnes qui étaient à bord de ce car ?
28 R. Si vous le permettez, je vais profiter de cette occasion pour poser la
Page 540
1 question à M. Milan Lukic. Leur conversation sur la place devant le car a
2 pris une minute ou deux.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On arrête là. Vous n'êtes pas là
4 pour poser des questions. Vous êtes là pour répondre aux questions.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Président, mais la clé de la solution
6 se trouve là. Si vous le souhaitez, nous pouvons résoudre l'affaire du
7 convoi qui a été formé le 14 juin 1992. Alors, il faudra que quelqu'un pose
8 cette question à M. Lukic.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le Procureur le fera si elle
10 considère que cela est approprié.
11 M. ALARID : [interprétation]
12 Q. Monsieur VG-11, je vais vous poser une questions concernant M. Gacic.
13 Est-ce que vous le considérez en partie responsable de ce convoi ?
14 R. Nous avons été emmenés vers ce convoi parce que cela nous avait été
15 suggéré par nos voisins. M. Gacic s'est approché de nous dans le village de
16 Zagre. Je lui ai fait confiance et il est en fait le premier que nous avons
17 cru et nous nous sommes fait prendre. Il était comme un hameçon.
18 Q. Pour ce qui est du hameçon, vous pensez qu'il vous a envoyé vers ce
19 convoi non pas pour vous sauver, mais simplement pour être exécuté ?
20 R. Je suis convaincu qu'il savait que ce convoi n'était pas un convoi qui
21 devait nous sauver. Ceux qui l'avaient organisé avaient déjà prononcé leur
22 sentence. Ils ont simplement utilisé les bonnes relations de voisinage que
23 nous avions eues auparavant pour tromper les gens et les encourager à
24 monter dans ce convoi. Malheureusement, c'est ce que nous avons fait.
25 Q. Que pouvez-vous dire des autres Serbes de la localité dont vous vous
26 souvenez des noms, Dusan Maric ?
27 R. Ces personnes aujourd'hui, autant que je le sache, certaines personnes
28 sont retournées à Visegrad et ces personnes vivent normalement. Je dois
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1 également dire que Ljupko Tasic, pour ce qui est des personnes qui sont
2 retournées dans la région et à qui on a posé la question de savoir ce qui
3 s'est passé avec le convoi, a répondu qu'il n'était pas responsable et ne
4 pouvait être blâmé pour quoi que ce soit, que la décision de nous exécuter
5 avait été prise par Milan Lukic sur la place lorsqu'il est apparu. C'est la
6 raison pour laquelle il est important pour moi de savoir ce qu'a été la
7 conversation qui s'est déroulée sur la place. C'était une conversation très
8 courte, quelques phrases simplement. Je pense que cette conversation le
9 libère, Milan Lukic, de toute responsabilité par rapport à ce convoi.
10 Q. Vous pensez que cette conversation lui enlève toute responsabilité ?
11 Qu'est-ce que vous entendez par là ?
12 R. Milan Lukic est simplement apparu et voulait faire descendre son
13 camarade d'école du car. Je pense que pendant ces mois, il n'y avait
14 probablement personne qui pouvait empêcher à ce moment-là Milan Lukic de
15 faire ce qu'il voulait faire. Mais Ljupko Tasic à ce moment-là l'a empêché
16 de faire descendre Esad du car. C'était impossible à faire, à moins que
17 Milan Lukic n'ait promis quelque chose à Ljupko Tasic, ou c'est plutôt dans
18 le sens inverse.
19 Q. Qui était Ljupko Tasic et quelle était sa profession ?
20 R. C'était un de mes voisins, et je dois dire que nous étions en bons
21 termes. Il avait des machines, c'était un transporteur. Nous nous
22 connaissions depuis la naissance. Nous n'avions jamais eu des problèmes
23 l'un avec l'autre.
24 Q. Mais il n'a eu aucun problème à vous envoyer vers une exécution ?
25 R. Oui.
26 Q. Il est facile de supposer que toutes les personnes qui vous ont escorté
27 vers le lieu d'exécution, toutes ces personnes connaissaient votre sort et
28 le sort qui était réservé à vos frères ?
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1 R. Tous les événements qui ont entouré l'exécution, c'est un petit peu
2 perdu dans un brouillard, un brouillard qui nous empêchait de croire en
3 cela. Je peux simplement dire que les personnes qui ont exécuté réellement
4 ces gens savaient parfaitement comment le faire.
5 Q. Que peut-on dire de Rade et de Sladjan Simic ?
6 R. Ce sont également des voisins. Rade possédait un pub à Bosanska
7 Jagodina. Nous y avons tenu une réunion le 15 juin avec Ljupko Tasic. Je
8 souhaitais comprendre de quel type de convoi il s'agissait, parce que
9 quelque temps auparavant, un convoi similaire avait été organisé par Milan
10 Lukic, et 17 ou 19 personnes ont terminé dans le voisinage de Bosanska
11 Jagodina.
12 Je n'ai pas vu cela de mes propres yeux. J'ai simplement entendu
13 d'autres personnes le raconter ainsi que les familles des personnes qui ont
14 été exécutées. Parmi ces 17 ou 19 personnes, il y avait également quelqu'un
15 qui appartenait à la famille de ma femme. Il est le seul qui ait été
16 enterré au cimetière, et les restes des autres ont été retrouvés dans une
17 fosse à quelques kilomètres de Visegrad, mais seulement une partie des
18 corps.
19 Je suis allé à Bosanska Jagodina pour empêcher que la même chose ne nous
20 arrive.
21 Q. Mais dans votre déclaration du 5 décembre 1992, lorsque vous avez parlé
22 du sort des 17 personnes dans le convoi précédent, vous n'avez pas fait
23 mention de Milan Lukic, et vous n'avez pas dit qu'il était responsable ?
24 R. Quand est-ce que j'ai fait cette déclaration ?
25 Q. Vous avez fait cette déclaration disant que vous vouliez vous assurer
26 que le même sort n'aurait pas été réservé à votre convoi, le sort qui avait
27 été réservé aux 17 personnes. Mais vous n'avez pas indiqué à ce moment-là
28 le nom de Milan Lukic, et vous n'avez pas non plus dit que vous pensiez
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1 qu'il était responsable.
2 Je pense que cela figure à la page 2 de votre déclaration en serbe.
3 R. Cela est possible, mais à l'époque je ne savais pas que Milan Lukic
4 était responsable de ce convoi. Je ne le sais toujours pas, mais si je me
5 base sur les récits d'autres personnes dont certains membres de la famille
6 se sont retrouvés là-bas, ce devait être Milan Lukic. Mais on a trouvé des
7 corps et on a fait des analyses d'ADN, et les restes ainsi trouvés ont été
8 enterrés. Il ne fait aucun doute qu'il y avait eu là une exécution. Mais
9 sur la base des conversations que j'ai pu avoir et des personnes qui
10 connaissaient Milan Lukic, ils disaient également qu'il était responsable
11 de cela.
12 J'étais au courant de cet événement, je suis allé à Bosanska Jagodina pour
13 parler à nos voisins pour éviter que la même chose ne puisse se reproduire.
14 Concernant ce convoi de 17 ou 19 personnes, je ne peux pas en dire beaucoup
15 plus parce que je ne suis pas compétent en la matière.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, vous avez maintenant
17 utilisé 25 minutes. Je vais encore vous donner 20 minutes à moins que vous
18 n'ayez vraiment besoin davantage de temps. D'une façon générale, j'autorise
19 45 minutes, mais je peux donner du temps supplémentaire si je considère que
20 c'est justifié.
21 M. ALARID : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Q. Or, dans votre troisième déclaration du 3 et 4 novembre 1997, vous
23 n'avez à nouveau pas mentionné Milan Lukic en ce qui concerne le convoi des
24 17 personnes, n'est-ce pas vrai ?
25 R. C'est possible.
26 Q. La seule chose que vous ayez mentionnée c'est que Milan Lukic a demandé
27 à Zenga de descendre du car à Visegrad ?
28 R. Oui.
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1 Q. Serait-il juste de dire qu'il est possible que M. Lukic ait essayé de
2 faire descendre Zenga du car, parce que c'était un ami et parce que peut-
3 être il savait où vous alliez et quel pourrait être votre sort ?
4 R. Franchement, je ne sais pas. C'est possible qu'il ait simplement voulu
5 l'emmener prendre un verre. En fait, ça n'a pas de sens. C'est impossible.
6 Zenga devait descendre du car à ce moment-là et devait être liquidé. C'est
7 un fait, parce que la seule chose qui se passait à Visegrad c'était des
8 tueries. Tuer était l'ordre du jour. Les gens ne mangeaient pas, les gens
9 ne buvaient pas. Le fait c'est qu'ont ait été des camarades d'école ne
10 faisait aucune différence.
11 Quant à la conversation qui a eu lieu entre Ljupko et Milan, elle a fini
12 par le faire remonter sur le car. Quel était le dialogue par lequel Esad a
13 réussi à remonter sur le bus, ça c'est quelque chose que Milan sait et moi
14 aussi je le sais. Je suis au courant de cette phrase en particulier. Mais
15 je ne sais pas maintenant, ça remonte à 16 ans, c'est vraiment un peu trop
16 loin.
17 Q. Mais vous êtes convaincu que Tasic connaissait votre sort à partir de
18 la réunion du 13, n'est-ce pas ?
19 R. Je vous en prie, c'est une hypothèse, je suppose que oui. Je suis tout
20 à fait sûr que c'était le cas, j'en suis certain. Mais je voudrais dire
21 encore une fois que Tasic simplement, lorsqu'il a parlé à ceux qui étaient
22 revenus, que Milan Lukic avait changé l'ensemble du sort de ce convoi.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
24 [La Chambre de première instance se concerte]
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Alarid.
26 M. ALARID : [interprétation] Je ne savais pas si vous alliez poser une
27 question, Monsieur le Président.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. Allez-y.
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1 M. ALARID : [interprétation]
2 Q. Serait-il possible que M. Tasic ait simplement essayé de faire passer
3 la responsabilité à M. Lukic de façon à ce qu'il puisse vivre en paix à
4 Visegrad ?
5 Mme SARTORIO : [interprétation] Monsieur le Président, je dois objecter à
6 cela. Je ne sais pas ce qui peut être entré dans l'esprit de M. Tasic à ce
7 stade.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je suis d'accord. Posez une autre
9 question.
10 M. ALARID : [interprétation]
11 Q. M. Tasic semblait avoir la responsabilité de ce convoi, n'est-ce pas,
12 de commandant ?
13 R. Oui. C'est avec lui que j'ai passé cet accord. C'est avec lui que je
14 négociais le tout. La réunion qui s'est tenue dans le restaurant à Jagodina
15 ne pouvait commencer sans sa présence. On a dû attendre 20 minutes avant de
16 commencer pour qu'il arrive. Pour moi, cela indique que c'était lui à la
17 tête de tout cela.
18 Q. Il a également dit aux autres personnes qui escortaient ainsi qu'aux
19 conducteurs ce qu'ils devaient faire ?
20 R. Ça, je ne le sais pas.
21 Q. Ils ont fait déplacer les cars sous ses ordres ?
22 R. Ça non plus je ne le sais pas.
23 Q. Qu'est-ce que Milan Lukic ou celui que vous pensiez être Milan Lukic,
24 qu'est-ce qu'il portait, comment était-il vêtu lorsqu'il a essayé de faire
25 descendre votre ami du car ?
26 R. Je ne sais pas si vous pensez qu'en trois ou quatre secondes, tout en
27 étant effrayé comme je l'étais, je pouvais regarder de près quelqu'un et
28 retenir quels étaient ces vêtements, vous vous trompez. Je n'ai jeté qu'un
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1 coup d'œil sur lui et ensuite j'ai baissé le regard. A cette époque-là, en
2 plus, ce n'était pas bien de regarder Milan Lukic.
3 Q. Mais vous ne saviez pas qui était Milan Lukic à l'époque. Pourquoi est-
4 ce que ça aurait eu de l'importance ?
5 R. Ecoutez, cette personne, cet homme s'est juste posé à côté de mon siège
6 et je l'ai regardé instinctivement, et immédiatement j'ai baissé les yeux.
7 S'il s'était arrêté, par exemple, un siège plus loin à côté de celui qui
8 était derrière moi, je n'aurais jamais su que c'était Milan Lukic. Je
9 l'aurais peut-être entendu dire, mais je ne l'aurais jamais vu de mes yeux
10 avant le jour d'aujourd'hui, mais aujourd'hui c'est la deuxième fois que je
11 le vois de ma vie, et la première fois, c'était bien là-bas où je vous ai
12 dit, il y était et je suis convaincu qu'il ne cache pas cela.
13 Q. Vous voulez me dire que vous êtes en mesure de reconnaître un homme
14 qui, au bout de 16 ans, après l'avoir vu pendant trois secondes, sans
15 connaître son nom et sans savoir qui il était jusqu'à plus tard, sans
16 mentionner son nom, jusqu'en 1997 ?
17 R. Je dois vous expliquer quelque chose. Pendant les moments où votre vie
18 dépend de quelqu'un d'autre, à ce moment-là, votre cerveau enregistre tout
19 ce qui se passe. Toutes ces années depuis ces événements, j'ai pu voir dans
20 les articles de presse ou à la télévision Milan Lukic. Donc ce n'est pas la
21 deuxième fois que je le vois. C'est seulement la deuxième fois que je le
22 vois directement, de mes yeux, devant moi. Mais vous pouvez me croire,
23 trois secondes suffisent pour qu'un visage reste à jamais gravé dans votre
24 mémoire. Mais il vous faudra vivre ce que j'ai vécu, ces événements
25 terribles pour cela se passe ainsi. Si on avait peut-être pris un verre
26 ensemble, peut-être que je n'aurais pas retenu son visage.
27 Q. Est-ce que vous pensez que quelqu'un qui avait toutes les
28 responsabilités, le pouvoir, le commandement serait en mesure de faire
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1 claquer ses doigts et faire que M. Kustura puisse descendre du car sans
2 problème ?
3 R. C'est justement cela la clé de toute cette affaire. Si vous souhaitez
4 dévoiler cette histoire, comprendre ce qui se passe, il suffirait de
5 répéter la teneur de cette conversation entre Tasic et Lukic, ici devant
6 les Juges, si évidemment M. Lukic s'en souvient, et je pense qu'il devrait
7 s'en souvenir.
8 Q. Serait-il juste de dire que si M. Lukic n'avait pas de pouvoir de dire
9 M. Tasic que ce qu'il devait faire, ce ne serait pas Milan Lukic que les
10 médias ont finalement révélé qui il était ? Est-ce que vous vous seriez
11 attendu à davantage ?
12 R. Non. Non, non. Je comprends ce que vous voulez dire par cela. Mais vous
13 savez, je vous ai déjà expliqué cela. Pendant ces jours-là, personne ne
14 pouvait s'opposer à Milan Lukic.
15 Ljupko Tasic a promis à Milan Lukic, à ce moment-là, je ne le sais pas,
16 mais c'était certainement quelque chose qui lui a permis de détourner Milan
17 Lukic de son intention.
18 Non, c'est impossible. Il n'avait pas --
19 Q. Donc qui avait le pouvoir à Visegrad à ce moment-là ? Qui avait mis le
20 SDS au pouvoir à Visegrad à ce moment-là ?
21 R. Je ne sais pas qui a été nommé au poste de pouvoir par le SOLDATS. Est-
22 ce peut-être que c'était Savovic. Mais je pense que le pouvoir se trouvait
23 entre les mains de Milan Lukic, des Aigles blancs et tous les autres.
24 Q. Que pensez-vous de Perisic ?
25 R. Si vous faites référence au Pr Perisic, j'en ai entendu parler.
26 Q. Il était aussi le chef et le commandant de la police ?
27 R. Malheureusement oui, des types dégénérés comme celui-ci étaient nommés
28 à des postes importants.
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1 Q. Que voulez-vous dire en disant que c'était un type dégénéré ?
2 R. Je voulais dire qu'il ne devait pas exercer de telles fonctions.
3 Q. Pourquoi ?
4 R. Il était commandant de la police à Visegrad.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
6 Monsieur le Témoin, vous avez parlé du dialogue qui a eu lieu entre Milan
7 Lukic et Tasic sur le car comme étant la clé, la solution qui permettrait
8 de résoudre cette énigme, ce puzzle. Vous avez entendu cet échange, ce
9 dialogue, n'est-ce pas ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourquoi pensez-vous que ce serait
12 la clé qui permettrait de résoudre la question ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la clé de l'énigme. A cette époque-là,
14 personne ne pouvait s'opposer à Milan Lukic. Alors comment se fait-il qu'il
15 a suivi le conseil de Tasic, pourquoi il l'a écouté, pourquoi il a obéi à
16 ce que Tasic lui a dit de ne pas faire sortir les prisonniers, les détenus
17 du car ? Peut-être que Tasic lui avait promis quelque chose. Peut-être que
18 Tasic savait déjà ce qu'il allait nous arriver. Peut-être qu'il a tout
19 simplement dit à Lukic ce qu'il allait se passer avec nous. Donc si Milan
20 Lukic a entendu cette phrase, il n'a qu'à la répéter, ici, devant nous.
21 Moi, ça fait 16 ans que je crois savoir ce que cette phrase contient.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comment est-ce que vous l'avez su ?
23 M. ALARID : [interprétation]
24 Q. Qu'est-ce que vous croyez quel était le sens de ça ?
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, j'ai demandé, comment avez-vous
26 eu connaissance de cette phrase ?
27 M. ALARID : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. J'ai demandé au témoin, comment
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1 avez-vous entendu cette phrase ? Comment avez-vous appris cette phrase ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Ça fait 16 ans que je vis avec ce crime.
3 J'essaie de résoudre cette énigme. Quelqu'un en est responsable. Quelqu'un
4 m'a promis l'assistance de la Croix-Rouge, le transfert jusqu'à la ville
5 Skopje, l'escorte par des voisins serbes. Tout cela m'a été promis.
6 Rien n'a été réalisé, aucune promesse n'a été tenue et les choses se sont
7 passées tout à fait différemment.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce que je cherche à savoir - parce
9 que vous êtes ici pour faire une déposition, pour aider la Chambre de
10 première instance pour connaître les faits, en l'espèce - si vous dites que
11 vous avez eu connaissance de cette phrase pendant 16 ans, la Chambre de
12 première instance est intéressée à savoir ce que vous savez et comment vous
13 avez appris cela.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous dirai la phrase, mais je voulais
15 d'abord entendre la confirmation s'agissant de sa teneur.
16 Vous savez, pour pouvoir sauver quelqu'un, à ce moment-là, il a fallu
17 promettre quelque chose à Milan Lukic en échange. Ljupko, à ce moment-là, a
18 dit à Lukic de ne pas semer la confusion là-bas, sur la place, que ce
19 n'était pas nécessaire du moment où on devait déjà, c'était déjà décidé,
20 qu'on allait être exécuté. Et c'est en entendant cela que Lukic est parti,
21 il lui suffisait d'entendre ça pour partir.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comment savez-vous que Ljupko a dit
23 cela à Milan ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ce qui s'est passé autour de ce convoi a
25 été planifié. Le lendemain, nous nous sommes retrouvés tous à Jama [phon].
26 Si notre convoi avait atteint sa destination, on n'aurait rien à dire
27 aujourd'hui. On n'en parlerait pas aujourd'hui, mais 50 personnes ont perdu
28 leur vie ce jour-là.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-il exact de dire que vous avez
2 déduit ceci de l'ensemble des circonstances ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Nous allons suspendre
5 l'audience pour 20 minutes.
6 --- L'audience est suspendue à 10 heures 20.
7 --- L'audience est reprise à 10 heures 42.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, il vous reste quatre
9 minutes.
10 M. ALARID : [interprétation] Je pense que l'équipe de Sredoje Lukic va
11 offrir un peu de son temps.
12 L'INTERPRÈTE : Microphone pour le conseil, s'il vous plaît.
13 M. ALARID : [interprétation] Je pense que l'équipe de Sredoje Lukic va
14 donner un peu de son temps, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous voulez dire vous donner un peu
16 de son temps, vous en donner à vous ?
17 M. ALARID : [interprétation] Oui.
18 M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre permission,
19 nous avons juste quelques questions à poser à ce témoin.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Mais combien de temps vous
21 pensez qu'il vous faut ? Il y a certains détails --
22 M. ALARID : [interprétation] Je voudrais présenter les déclarations du 25
23 décembre [comme interprété] et du 5 décembre 1992 comme éléments à verser
24 au dossier, 1D00-0154 [comme interprété], et la déclaration du 5 décembre
25 1992, à savoir 1D00-0152.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc vous voudriez que ceux-ci
27 soient versés au dossier ?
28 M. ALARID : [interprétation] Oui, oui.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, ils sont versés au dossier.
2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de
3 1D00-0145, qui devient la pièce 1D6, et le 1D0-0152 qui devient la pièce
4 numéro 1D7.
5 M. ALARID : [interprétation]
6 Q. Monsieur 11, reparlons des autres personnes qui ont participé à
7 l'exécution à la fin de votre voyage ce jour-là. Vous rappelez-vous quel
8 jour de la semaine était-ce ?
9 R. C'était le 15 juin, mais je ne me rappelle pas quel jour de la semaine
10 c'était.
11 Q. Est-ce que vous aviez d'autres activités qui auraient pu vous permettre
12 de savoir si c'était un jour de semaine ou un jour de week-end ?
13 R. Non.
14 Q. Les personnes qui ont participé à l'exécution, qui étaient-ce ? Soit
15 ceux qui escortaient, soit ceux qui conduisaient ou soit ceux qui ont tiré
16 ?
17 R. Je n'en connais que deux, Predrag Milisavljevic, qui a commencé
18 l'exécution, et Boris Ceho, qui se tenait à côté près de nous.
19 Q. Est-il exact que Boris Ceho était un policier de réserve ?
20 R. C'est exact, à l'époque il portait l'uniforme d'un policier de réserve.
21 Moi aussi, j'avais été policier de réserve.
22 Q. Combien y avait-il d'autres personnes dans ce détachement qui portaient
23 des uniformes de la police ou de policier de réserve ?
24 R. Je crois qu'il n'y avait que Boris Ceho qui portait cet uniforme des
25 policiers de réserve. A part ces deux-là, il y avait encore neuf personnes,
26 donc au total 11 pour autant que j'ai pu compter à ce moment-là et pour
27 autant que je puisse m'en souvenir. Il y avait 11 personnes qui se
28 trouvaient à côté de la fosse. Je sais que l'homme qui se trouvait là
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1 lorsque Predrag Milisavljevic a commencé l'exécution à la fosse avait un
2 gilet pare-balles sur lui.
3 Q. Par-dessus son uniforme ?
4 R. Oui.
5 Q. Predrag a clairement dit aux autres ce qu'ils devaient faire ?
6 R. C'est intéressant de savoir que personne ne donnait d'ordre à personne
7 là. Ils donnaient l'impression d'une équipe bien formée qui savait ce
8 qu'elle faisait. Je n'ai jamais entendu prononcer un seul ordre. Mais c'est
9 un fait que Slavisa Vukojicic, que je ne connaissais pas à l'époque, il est
10 de Rogatica, ce n'est qu'après que j'ai pu m'échapper que les autres
11 personnes m'ont dit son nom sur la base de ma description, il semblait être
12 le responsable. Et je crois qu'il ne portait pas d'armes.
13 Q. N'est-il pas vrai que comme on l'a dit dans votre déclaration de
14 décembre 1992, vous avez appris que Baja Zukic avait été tué ?
15 R. Il doit y avoir une erreur de nom. Le nom de famille est bien Zukic,
16 mais le prénom n'est pas Baja.
17 Q. C'est peut-être Behija ou peut-être pourriez-vous nous dire quel est le
18 prénom de cette personne ?
19 R. Il s'agit d'une femme.
20 Q. Oui.
21 R. A côté de cette fosse, il n'y avait pas de femmes, il n'y a eu que des
22 hommes parmi les personnes tuées.
23 Q. Vous ne m'avez pas bien compris. Je parle de la période ultérieure,
24 c'est-à-dire du moment où vous avez appris que M. Zukic avait été tué
25 quelque part ailleurs.
26 R. J'ai entendu dire que le convoi suivant qui était parti après le nôtre,
27 qu'il y avait dans ce convoi une seule victime, une femme. C'est peut-être
28 ça, Mme Zukic, cette personne. Mais je ne peux pas le confirmer avec
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1 certitude.
2 Q. Donc vous n'avez jamais entendu le nom de M. Lukic mentionné, associé à
3 celui de Mme Zukic, de cet événement ?
4 R. Est-ce que vous parlez de Behija Zukic, je ne sais d'ailleurs pas si
5 elle a été tuée dans un de ces convois, ou plutôt, en ville, chez elle.
6 Q. Donc vous ne le savez pas.
7 R. Si votre question porte sur la personne à laquelle je pense, à Behija
8 Zukic, je pense qu'elle a été tuée chez elle.
9 Q. Mais vous n'avez pas jamais entendu le nom de M. Lukic mentionné dans
10 ce contexte-là ?
11 R. J'ai entendu dire qu'il y avait un lien entre M. Lukic et le meurtre de
12 Mme Behija Zukic, et j'espère qu'on parle de la même personne, de Behija
13 Zukic qui a été tuée chez elle. Je pense que son quartier s'appelait Duce.
14 Q. Dans la déclaration de décembre 1992, vous n'avez pas fait référence à
15 M. Lukic. Cela signifie-t-il que vous avez appris cela ultérieurement,
16 c'est-à-dire entre 1992 et 1997 ?
17 R. Je crois que je l'ai su déjà avant, et je vous ai déjà expliqué dans
18 quelles conditions j'ai fait cette déclaration. A ce moment, je ne parlais
19 que de ce que j'ai vécu personnellement. S'agissant de Mme Zukic, ce n'est
20 pas un événement auquel j'étais témoin. J'en ai seulement entendu parler.
21 Vous savez, si je devais maintenant vous raconter tout ce que j'ai entendu
22 dire par quelqu'un d'autre, alors ça pourrait durer des jours.
23 Q. Serait-il correct de dire que tout ce que vous avez entendu sur M.
24 Lukic, vous avez dû l'entendre entre décembre 1992, le moment où vous avez
25 fait votre déclaration, et 1997, parce que vous ne l'avez jamais mentionné
26 avant 1997 ?
27 R. Ecoutez, je ne peux vraiment pas répondre à votre question.
28 Q. Mais vous ne saviez pas qui était cette personne-là que vous avez vue
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1 sur la place à Visegrad au moment où vous vous trouviez dans le car, vous
2 ne saviez pas que c'était Milan Lukic ?
3 R. C'est exact.
4 Q. Vous avez seulement entendu ce nom ce jour-là, et vous vous êtes
5 souvenu de ce nom plus tard, seulement en 1997 ?
6 R. Non, c'était ce jour-là que j'ai appris son nom. J'ai demandé à Esad
7 Zukic qui était cet homme, et c'est lui qui me l'a dit. Quand Lukic s'est
8 adressé à Esad, il lui a dit, camarade d'école. Je ne sais pas s'ils sont
9 allés ensemble à l'école, mais c'est de cette manière qu'il s'était adressé
10 à lui. Voilà, c'est ce jour-là que j'ai appris qu'il s'appelait Lukic.
11 Q. Vous avez appris ce jour-là qu'il n'avait pas l'autorité, le pouvoir de
12 le faire descendre du car, de bus ?
13 R. Le lendemain, j'ai appris que Milan Lukic avait ce pouvoir, un pouvoir
14 très important malheureusement.
15 Q. Vous l'avez appris le lendemain, mais vous ne l'avez jamais mentionné
16 auparavant, même pas en 1997 ?
17 R. Probablement que personne ne m'a jamais posé la question.
18 Q. Vous ne l'avez non plus mentionné lors de votre témoignage en 2001 ?
19 R. Peut-être qu'à ce moment-là non plus on ne m'a pas posé la question
20 qu'il fallait.
21 Q. Serait-il correct de dire que sur la base de vos connaissances
22 générales sur la structure de pouvoir à Visegrad, que c'étaient la cellule
23 de Crise et Perisic qui avaient le contrôle sur la ville ?
24 R. Cher Monsieur, je vous demanderais une seule chose, dites-moi, s'il
25 vous plaît, y a-t-il un compte rendu des crimes commis au poste de police à
26 Visegrad ?
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Juste un instant, Monsieur le
28 Témoin, ce n'est pas à vous de poser les questions, vous n'avez pas ce
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1 droit, c'est le droit du conseil de la Défense et non pas le vôtre.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien.
3 D'après ce que j'en sais, il n'y a aucune trace écrite sur les crimes
4 commis au poste de police où on fait référence à Perisic, alors que des
5 crimes ont été certainement commis là-bas. Donc cela indique très
6 clairement que cette police n'était pas véritablement une police et que
7 tout ce qui se faisait, se faisait avec l'objectif de commettre des crimes.
8 M. ALARID : [interprétation]
9 Q. C'est Perisic qui était leur chef, n'est-ce pas ?
10 R. Perisic était un de mes enseignants à l'école, malheureusement. Je ne
11 sais pas à qui il était le chef à l'époque.
12 Q. Vous avez témoigné dans l'affaire Vasiljevic, n'est-ce
13 pas ?
14 R. Oui.
15 Q. Lors de cette déposition, vous avez déclaré avoir appris le nom de
16 Milan Lukic seulement après l'événement ?
17 R. Oui.
18 Q. Mais rien dans cette conversation n'a pu vous indiquer que c'était lui
19 la personne qui avait le pouvoir ?
20 R. A quelle conversation vous faites référence ?
21 Q. A celle par laquelle vous avez appris son nom.
22 R. Pourriez-vous répéter la question ?
23 Q. Quand vous avez appris le nom de Milan Lukic lors d'une conversation,
24 rien d'autre n'a été dit vous indiquant que c'était lui le responsable ou
25 la personne détenant le pouvoir.
26 R. J'ai entendu parler de Milan Lukic dès le début des opérations de
27 guerre à Visegrad, mais j'en ai seulement entendu parler. Et les histoires
28 de ses exploits, elles ont circulé jusqu'à la fin de la guerre et je les ai
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1 entendues, bien évidemment, mais je n'ai rien à dire à ce sujet-là.
2 Q. N'est-il pas vrai qu'en témoignant devant ce Tribunal, vous avez
3 déclaré être ne pas comprendre pourquoi Mitar Vasiljevic était le seul
4 accusé des crimes commis à Visegrad ?
5 R. C'est tout à fait possible si cela figure dans le compte rendu
6 d'audience, c'est tout à fait possible.
7 Q. Vous connaissiez Mitar Vasiljevic, vous preniez un verre avec lui de
8 temps en temps, n'est-ce pas ?
9 R. Oui. Avant le début des opérations de guerre. Nous nous connaissions
10 bien. On a bu plusieurs verres et non pas quelques verres ensemble.
11 Heureusement, je n'ai pas eu à le rencontrer par la suite, Mitar
12 Vasiljevic.
13 Q. Malheureusement ?
14 R. Malheureusement, ou plutôt, heureusement.
15 Q. Vous ne l'avez jamais rencontré après le début de la guerre, c'est ce
16 que vous êtes en train de nous dire ?
17 R. Oui, c'est exact.
18 Q. Mais rien concernant Mitar Vasiljevic nous indiquait à l'époque allait
19 s'avérer un monstre pendant la guerre.
20 R. Ecoutez, Visegrad était une petite ville, une belle ville, du moins
21 avant la guerre, et tout le monde se connaissait. C'était inimaginable que
22 des amis d'école s'entretuent. Ça va pour Milan aussi.
23 Autant que pour Mitar Vasiljevic, et tous les autres, tous les autres pour
24 lesquels il sera prouvé qu'ils ont fait ce qu'ils ont fait. Il y en a
25 d'autres pour lesquels cela ne sera pas prouvé. Vous savez, je suis passé
26 par trop de choses pour avoir des visions encore aujourd'hui.
27 Q. Mais peut-on dire que quelqu'un comme Mitar Vasiljevic n'aurait pas pu
28 tuer des milliers qui sont morts ou qui ont disparu dans la zone de
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1 Visegrad pendant cette période-là ?
2 Mme SARTORIO : [interprétation] Monsieur le Président, je soulève une
3 objection à cette question. Tout d'abord, on invite le témoin à émettre des
4 conjectures, puis il n'y a aucun fondement et finalement je ne crois pas
5 que ce soit pertinent.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je suis d'accord. Pourriez-vous
7 essayer d'organiser votre contre-interrogatoire de manière appropriée,
8 Maître Alarid.
9 M. ALARID : [interprétation] S'agissant de la pertinence, cela, je laisse
10 la décision à la Chambre. Quant aux conjectures, lors de l'interrogatoire
11 principal, les témoins ont été très souvent autorisés à émettre des
12 conjectures surtout dans une situation où leurs connaissances dans leur
13 intégralité portant sur Milan Lukic n'étaient basées que sur des
14 conjectures et des rumeurs.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, bien. Passez à autre chose.
16 M. ALARID : [interprétation]
17 Q. N'est-il pas vrai, Monsieur le Témoin, que dans cette zone des milliers
18 de personnes ont été tuées ou déplacées ?
19 R. Oui.
20 Q. Et un très grand nombre de mosquées et de maisons des Musulmans ont été
21 incendiées ou détruites ?
22 R. Oui.
23 Q. Et pour que cela soit fait, un effort coordonné des centaines ou plus
24 de Serbes était nécessaire ?
25 R. Oui.
26 Q. Et avant de vivre ces événements, vous n'avez jamais entendu le nom de
27 Milan Lukic mentionné dans le contexte de pouvoir, de personne qui détenait
28 le pouvoir. Vous n'avez entendu que des histoires, des rumeurs plus tard.
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1 R. J'ai entendu ces histoires sur Milan Lukic avant le convoi, mais cette
2 personne ne m'intéressait pas du tout. Je ne savais pas qui c'était. Ça
3 n'avait aucune importance pour moi. Ce qu'il faisait, ce qu'il était
4 n'avait aucune importance pour moi. Tout ce que j'ai entendu dire se
5 résumait à la chose suivante : c'est que la préoccupation principale de
6 cette personne pendant ces mois-là de 1992 était de tuer. Voilà, c'est
7 tout.
8 Q. Comprenez-vous que c'est seulement aujourd'hui, la première fois, que
9 vous dites avoir entendu parler de Milan Lukic avant le 14 juin 1992 ?
10 Mme SARTORIO : [interprétation] Objection. On peut seulement dire, faire
11 des commentaires au sujet de ce qui figure dans les déclarations, mais on
12 ne peut pas savoir ce qu'il a pu dire à quelqu'un dans la période
13 précédente.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais la question que pose Me Alarid
15 porte sur le fait que le témoin n'avait jamais déclaré avoir entendu parler
16 de Milan Lukic avant le 14 juin. Qu'est-ce qui ne va pas ?
17 Mme SARTORIO : [interprétation] Vous savez, le fait que cela ne figure pas
18 dans les déclarations ne signifie pas que le témoin n'ait jamais dit à
19 personne qu'il avait entendu parler de lui auparavant.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, pourriez-vous placer
21 cette question dans le contexte. Est-ce que vous parlez de la première fois
22 s'agissant des déclarations ?
23 M. ALARID : [interprétation] Oui.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Plutôt, votre question est de nature
25 plus générale.
26 M. ALARID : [interprétation] Je parle en fait des déclarations et de sa
27 déposition préalable.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. C'est ce que je pensais.
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1 M. ALARID : [interprétation]
2 Q. Bien. Alors je vous repose la question. N'est-il pas vrai que c'est
3 aujourd'hui seulement que vous faites référence à Milan Lukic comme
4 quelqu'un dont vous avez déjà entendu parler avant le 14 juin ? C'est la
5 première fois que vous le dites aujourd'hui, alors que vous avez déjà eu
6 quatre ou cinq autres occasions devant les autorités diverses à le dire ?
7 R. Ecoutez, c'est la première fois qu'on aborde directement Milan Lukic.
8 Je n'ai jamais témoigné contre Milan Lukic, je n'étais jamais témoin à
9 charge pour Milan Lukic. Donc on a dû parler d'autres choses.
10 Q. Bien. Pourriez-vous nous dire combien de temps a duré l'entretien en
11 septembre 1992 ?
12 R. C'est l'entretien à Mostre ? Quand j'ai fait la déclaration aux
13 enquêteurs à Mostre, si vous faites référence à cet entretien, il a
14 commencé à 14 heures et il s'est fini à 22 heures.
15 Q. Pendant ces heures-là pendant lesquelles vous avez dû revivre ce qui
16 vous avez vécu pendant les trois jours en question et pendant lesquels vous
17 avez parlé des personnes responsables de la zone de Visegrad, vous n'avez
18 jamais mentionné le nom de Milan Lukic ?
19 R. Ecoutez, je dois répéter. J'ai fait des déclarations parce que cela, on
20 me l'a demandé dans le cadre d'une procédure. Je n'ai pas fait attention
21 aux détails. Je suis conscient de fait qu'il y a beaucoup de détails qui
22 manquent dans cette déclaration. Vous savez, la guerre venait de commencer,
23 j'avais un peu de temps que j'avais
24 l'intention d'utiliser pour rendre visite à mon père et de revenir, et le
25 fait de faire cette déclaration, cela m'a fait perdre toute une journée.
26 Si j'avais su que j'allais survivre et que je serais ici aujourd'hui,
27 peut-être que j'aurais fait les choses différemment. Mais bon, les choses
28 se sont passées de la manière que je vous ai décrite et c'est ainsi, on n'y
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1 peut rien.
2 Q. Bien. Passons maintenant à votre déclaration de 1997. C'est une
3 déclaration qui a été traduite en anglais, qui est composée de neuf pages
4 et que vous avez signé et parafé chacune des pages ?
5 R. Oui.
6 Q. Et cette déclaration était écrite en B/C/S, et la version en B/C/S
7 compte dix pages ?
8 R. Je ne me souviens pas du nombre exact de pages, mais je l'ai signée.
9 Q. Bien. Et dans cette déclaration, vous avez mentionné Milan Lukic
10 seulement au moment où vous décrivez la manière dont vous avez appris son
11 nom, mais vous n'avancez aucune autre information, rien de concret,
12 s'agissant de ce que vous aviez su à son sujet avant d'avoir appris que
13 cette personne s'appelait Lukic ?
14 R. Ecoutez, tout cela est sorti du contexte. Si c'est écrit comme ça,
15 c'est comme ça. Je n'ai pas évidemment mémorisé. Je ne connais pas par cœur
16 cette déclaration. Donc si vous le dites, alors c'est ainsi.
17 Q. En fait, vous avez seulement vu les Aigles blancs là-bas, et d'après ce
18 qui figure dans votre déclaration de novembre 1997, vous avez seulement à
19 ce moment-là su qu'il était membre des Aigles blancs, n'est-ce pas ?
20 R. Oui, c'est vrai. J'ai bien dit cela en 1997. Néanmoins, quand j'ai
21 écouté et réécouté ma déposition et relu ma déclaration, je me suis rendu
22 compte que c'était quelque chose d'inutile. Ce n'était pas nécessaire de le
23 mentionner. D'ailleurs, comment pourrait-on savoir si quelqu'un faisait
24 partie des Aigles blancs, il n'avait certainement pas des ailes blanches
25 sur lui. Donc j'avais seulement entendu qu'il était membre des Aigles
26 blancs, et c'est pour cette raison-là que j'ai demandé que ces deux phrases
27 soient supprimées.
28 Q. Oui, mais dans votre déclaration vous avez dit très précisément que
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1 Ljupko Tasic avait dit à Milan Lukic qu'Esad ne pouvait pas descendre du
2 car.
3 R. Je ne sais pas si cela était dit exactement comme vous l'indiquez
4 maintenant. Ce qui est sûr, c'est qu'Esad, en remontant à bord du car m'a
5 dit : "Ljupko vient de me sauver la tête." C'est ce qui s'est passé et
6 c'est ce qui doit figurer dans ma déclaration. Mais je n'ai pas dit que
7 j'ai entendu Ljupko dire à Esad de reprendre sa place dans le car.
8 Q. Mais la première fois, vous avez dit qu'Esad [comme interprété] vous
9 avait dit que Ljupko lui avait sauvé la tête, c'est aujourd'hui.
10 R. C'est possible. Peut-être que je l'ai dit différemment dans un autre
11 contexte. Vous savez, il est très difficile de répéter les phrases mot par
12 mot après toutes ces années. J'espère que vous ne vous attendez pas à cela.
13 Q. Mais l'ironie, n'est-il pas dans le fait que Zenga s'était trompé et
14 que Ljupko l'a tué ?
15 R. Non, Ljupko n'a tué personne. Il a fait les préparatifs nécessaires
16 pour le meurtre. Donc ce qu'il a fait sur la place, ce n'était qu'une farce
17 pour éviter les problèmes, là, devant le monde. Il a dû lui dire, laisse-le
18 maintenant, évitons des problèmes. De toute façon, son sort est réglé et il
19 a été réglé.
20 Q. Mais vous n'avez jamais obtenu des informations selon lesquelles M.
21 Lukic aurait participé dans cet effort, dans cette coopération, dans ces
22 préparatifs ?
23 R. Non. Non, je n'ai jamais eu de telles informations. Il y a quelques
24 personnes très peu nombreuses qui sont retournées à Visegrad et qui ont
25 toujours des contacts avec Ljupko Tasic, qui aurait dit qu'il n'était
26 responsable de rien, qu'il était vraiment là pour rien, et d'après ces
27 personnes-là il aurait utilisé cette conversation sur la place pour jeter
28 la responsabilité sur Milan Lukic. C'est ce que j'ai entendu dire. Et c'est
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1 pour ça que je dis que si Milan Lukic se souvient de la teneur de cette
2 conversation, cela pourrait être utile pour savoir ce qui s'est exactement
3 passé à ce moment-là.
4 Q. Et si Milan Lukic vous disait qu'il avait essayé de sauver Zepa et
5 qu'il ne pouvait pas le faire, qu'il n'avait pas de pouvoir pour le faire ?
6 R. Ecoutez, c'est complètement ridicule, ce que vous êtes en train de
7 dire.
8 Q. Et que Tasic a refusé sa demande.
9 R. Ecoutez, Milan Lukic seul peut le savoir. Je vous ai déjà dit. La
10 conversation qui a été conduite devant le car peut décharger Milan Lukic de
11 toute responsabilité. Si M. Lukic sait, s'il se souvient de la teneur de
12 cette conversation, alors il n'a qu'à le dire. Cela aidera à tout le monde
13 à établir la vérité, parce que tant que la teneur de cette conversation
14 reste inconnue, alors Ljupko Tasic peut rejeter toute responsabilité sur
15 Milan Lukic, ce qui est d'ailleurs tout à fait possible, mais on ne le sait
16 pas.
17 Q. Mais vous-même, vous ne le savez pas ?
18 R. Vous pouvez me préciser, qu'est-ce que je ne sais pas ? Je me suis un
19 peu perdu.
20 Q. Vous ne savez pas si Ljupko Tasic essaie tout simplement de rejeter la
21 responsabilité sur Milan Lukic sachant que c'est Milan Lukic qu'on juge ici
22 devant ce Tribunal.
23 R. C'est ce qu'on raconte maintenant. On dit que Ljupko l'a dit, mais moi,
24 je n'ai rien vu. Je n'ai jamais parlé à Ljupko. Je ne souhaite pas lui
25 parler. C'est un fait. Le fait est que ce jour-là, d'après Ljupko, ça
26 serait Milan Lukic qui a transformé un convoi ordinaire en convoi de mort.
27 Bon, il n'a pas utilisé ces termes, c'est moi qui donne un tour dramatique
28 à cela. Mais ce que j'ai vu de mes yeux, c'est qu'ils se sont parlé ce
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1 jour-là sur la place, et suite à cette conversation Milan Lukic est parti
2 et je ne l'ai jamais revu. Ce qu'il a dit a dû satisfaire Milan Lukic et
3 c'est pour ça qu'il a pu partir.
4 Q. Savez-vous que Milan Lukic n'est pas accusé de meurtre des personnes
5 qui se trouvaient dans votre convoi ?
6 R. Oui, je peux le confirmer, oui, pour le meurtre de ces gens.
7 Q. Comment vous confirmez cela ?
8 R. S'agissant de meurtre de ces personnes-là, je le confirme. Parce que
9 Milan Lukic ne se trouvait pas à côté de la fosse au moment où ces
10 personnes ont été exécutées le 15 juin. Donc, je confirme ça.
11 Q. Mais vous savez également qu'il n'est accusé de rien concernant cette
12 exécution ni de l'avoir planifiée, ni de l'avoir organisée, ni d'y avoir
13 participé ?
14 R. C'est possible. C'est possible qu'on n'ait retenu aucune charge contre
15 lui concernant cet événement.
16 Q. Mais est-il possible qu'il n'en soit pas responsable ?
17 R. Tout ce que je puisse vous dire c'est --
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, je dirais que vous
19 avez utilisé suffisamment de temps à traiter cette question. Bien, aucune
20 charge n'a été retenue contre lui pour cela. Passez maintenant à autre
21 chose.
22 M. ALARID : [interprétation]
23 Q. Pensez-vous que ces 11 [comme interprété] personnes qui ont tiré ce
24 jour-là, que ces personnes auraient dû être accusées pour
25 ça ?
26 R. Il s'agit de personnes qui, en fait, se chargeaient de la tâche peu
27 honorable de tuer des gens et ils devraient également faire l'objet
28 d'actions en justice. Il ne s'agit pas uniquement de 11 personnes qui tué.
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1 Il s'agit simplement d'exécutions de masse. Ils ont simplement pris
2 quelques personnes et les ont simplement tuées.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cette question m'échappe. Je n'en
4 vois pas la pertinence. Si vous n'avez pas d'autres questions pertinentes -
5 -
6 M. ALARID : [interprétation] La pertinence, c'est de voir si l'on ne blâme
7 pas des personnes, des gens en les accusant d'être responsables du crime de
8 Visegrad.
9 Mme SARTORIO : [aucune interprétation]
10 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
11 Mme SARTORIO : [interprétation] L'accusé n'a pas participé à ce crime, et
12 je pense que ceci n'a rien à voir avec la crédibilité de ce témoin par
13 rapport à ce qu'il lui, en fait, est arrivé.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Cela a une certaine pertinence
15 et j'ai permis ce contre-interrogatoire, mais il faut maintenant que l'on
16 passe à autre chose.
17 M. ALARID : [interprétation] Un instant, Monsieur le Président, je vérifie
18 mes notes.
19 Q. Est-ce que vous savez où les Aigles blancs étaient en garnison ?
20 R. Non, je ne savais pas.
21 Q. Est-ce que vous aviez des informations sur --
22 M. ALARID : [interprétation] Mon commis à l'affaire me dit qu'il y a eu un
23 problème de traduction concernant la "garnison."
24 Q. Est-ce que vous savez où se trouvaient les Aigles blancs à Visegrad ?
25 R. Cela ne fait aucune référence. Ma réponse reste la même. Je ne savais
26 pas.
27 Q. Et tout ce que vous aviez entendu, c'est que Milan Lukic était un
28 membre des Aigles blancs mais n'était pas le chef ?
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1 R. Croyez-moi, je ne sais pas. Je ne sais plus maintenant. Mais ce que je
2 sais est basé sur la déclaration de nombreuses personnes, à savoir que
3 c'est lui qui avait le dernier mot. Maintenant, qui était le chef ou pas,
4 c'était moins important.
5 Q. Vous n'avez jamais vu d'insigne ou d'uniforme particulier ce jour-là ?
6 R. Non, rien de particulier dont je me souviendrais ce jour-là. J'avais
7 d'autres problèmes, des problèmes dans mon propre esprit, et lorsque j'ai
8 vu à ce moment-là, le 14 juin, c'était la fin de la liberté, nous n'avions
9 plus de liberté, plus aucune liberté. Nous étions comme défranchis. Et
10 maintenant que les gens portaient une cocarde ou autre chose ou un insigne,
11 ce n'était pas très important.
12 Q. Mais vous n'avez à ce moment-là vu aucun symbole ou
13 cocarde ?
14 R. Cela n'a aucune importance, même si j'en avais vu une. Tout ce qui
15 s'est passé par la suite, en tous les cas, aurait effacé de toute façon
16 cela de ma mémoire. C'était vraiment quelque chose de tout à fait
17 immatériel pour moi. Mais maintenant, quand vous me posez la question, je
18 n'ai pas vu de cocarde à l'époque. Il y avait des badges différents mais je
19 n'ai pas vu de cocarde.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, vous devez mettre un
21 terme maintenant à votre contre-interrogatoire.
22 M. ALARID : [aucune interprétation]
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il ne restera, sinon, plus de temps
24 pour votre collègue.
25 M. ALARID : [interprétation]
26 Q. Sur les personnes responsables de l'exécution devant la fosse, combien
27 d'entre elles étaient blondes ?
28 R. Pour ce qui est de la description de toutes ces personnes, je pense
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1 qu'elle figure peut-être, cette description, dans l'une des déclarations.
2 Slavic Vukovic était blond et autant que je puisse m'en souvenir il était
3 le seul qui était réellement blond, là. Maintenant, je ne m'en souviens pas
4 réellement. Je n'ai pas vraiment à l'époque fait attention pour voir qui
5 était blond ou pas. A l'époque, n'importe qui aurait pu être blond. Mais
6 pour répondre précisément à votre question, Slavic était sans aucun doute
7 blond et je pense que les autres ne l'étaient pas. L'un d'entre eux avait
8 des cheveux gris.
9 Q. Est-ce que la personne blonde avait des tatouages sur les bras ?
10 R. Il portait un tee-shirt dont les manches étaient relevées. Je n'ai pas
11 fait attention. En fait, il ne m'est même pas venu à l'esprit de regarder
12 s'il avait les bras tatoués ou pas. Il aurait pu avoir n'importe quoi à ce
13 moment-là, mais je n'ai pas vraiment fait attention. Ça n'a même pas attiré
14 mon regard. Cet homme m'avait frappé à Rogatica, mais je n'avais pas
15 remarqué s'il portait un tatouage ou pas, ce qui ne signifie pas qu'il n'en
16 avait pas.
17 M. ALARID : [interprétation] Pas d'autres questions.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] M. Dieckmann ?
19 M. DIECKMANN : [interprétation] Oui. Merci.
20 Contre-interrogatoire par M. Dieckmann :
21 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je m'appelle Maître
22 Dieckmann. Je suis le co-conseil de la Défense pour M. Lukic et j'ai
23 quelques questions à vous poser.
24 Vous connaissez Sredoje Lukic, n'est-ce pas ?
25 R. Si l'on peut dire que deux rencontres dans une vie signifient qu'une
26 personne connaît l'autre, alors oui, effectivement, nous nous connaissons.
27 Nous nous sommes rencontrés très brièvement la première fois, et la
28 deuxième fois sur la place, et c'est tout ce que je sais de lui.
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1 Q. Je parle de Sredoje Lukic.
2 R. Oui, je m'excuse, pardon. Je m'excuse. Effectivement, je connais
3 Sredoje Lukic bien. Il était policier avant la guerre à Visegrad, et mon
4 frère était le vice-commandant dans ce poste de police. Il travaillait dans
5 la section de transports, et moi, je travaillais dans une station-service.
6 Ça fonctionnait ensemble, donc nous avons à plusieurs reprises pris un
7 verre ensemble et, malheureusement, c'est dommage que nous ne puissions pas
8 également faire la même chose aujourd'hui encore, prendre un verre
9 ensemble.
10 Q. Vous connaissez Sredoje Lukic en tant que père de famille qui était
11 marié, qui avait deux enfants ou plus à l'époque ?
12 R. Non, non. Je connais Sredoje Lukic comme seul. Il n'a jamais amené un
13 membre de sa famille pour prendre un verre avec lui, donc je ne le connais
14 que lui.
15 Q. Pour ce qui est de votre expérience personnelle concernant Sredoje
16 Lukic, est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'il s'agit d'une
17 personne amicale, d'une personne bonne, d'une personne étant gentille ?
18 R. Dans la mesure où cela peut aider ou ne peut pas aider dans cette
19 affaire. Toutes ces personnes qui on a pu le prouver ont commis des crimes
20 ou pour lesquelles il sera prouvé qu'ils ont commis des crimes --
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Témoin, il vous est demandé si
22 votre expérience personnelle par rapport à Sredoje Lukic vous amène à être
23 d'accord et à dire qu'il s'agit d'une personne amicale, d'une personne
24 gentille ou bonne. Cette question est une question à laquelle, à mon sens,
25 vous pouvez répondre. Quelle est votre réponse ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, je suis d'accord.
27 M. DIECKMANN : [interprétation] Bien. Merci. Pas d'autres questions.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid.
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1 M. ALARID : [interprétation] Oui, j'avais appuyé sur le bouton, mais ça n'a
2 pas fonctionné. Juste simplement une question qui suit et qui est basée sur
3 le contre-interrogatoire -- qui fait suite au contre-interrogatoire de M.
4 Dieckmann.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, juste une question.
6 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Alarid :
7 Q. [interprétation] Monsieur 11, est-ce que l'on peut dire que d'après ce
8 que vous savez de M. Sredoje Lukic et le peu que vous connaissiez de M.
9 Milan Lukic --
10 M. CEPIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
12 M. CEPIC : [interprétation] Ce n'est pas lié au contre-interrogatoire et Me
13 Alarid a déjà eu la possibilité de poser ces questions pendant son contre-
14 interrogatoire. Donc c'est quelque chose qui n'est pas lié au contre-
15 interrogatoire et à mon sens c'est une question qu'il ne devra pas avoir
16 l'autorisation de poser.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Vous n'avez pas entendu la
18 question. Vous dites que toute question qu'a M. Alarid est hors de propos.
19 M. CEPIC : [interprétation] Bien, mais si vous le permettez, mon client n'a
20 pas été mentionné pendant son interrogatoire.
21 M. ALARID : [aucune interprétation]
22 M. CEPIC : [interprétation] La mention de mon client, c'est justement ce
23 qui a amené ma réaction.
24 M. ALARID : [interprétation] Je comprends que mon confrère veut protéger
25 son client, mais je voulais simplement être honnête sur ce point. Je ne
26 voulais pas créer des problèmes à son client.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Je permets que la question
28 soit posée.
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1 M. ALARID : [interprétation]
2 Q. Monsieur, j'ai cru comprendre que vous connaissiez très peu Milan
3 Lukic, mais vous connaissez bien M. Sredoje Lukic. Est-ce que l'on pourrait
4 dire qu'étant donné l'âge et la position de Sredoje Lukic dans la
5 communauté à ce moment-là, il n'était pas en position d'accepter les ordres
6 d'une personne comme Milan Lukic qui était une personne plus jeune que lui
7 ?
8 R. Il s'agissait d'une autre époque. Je ne connais pas la hiérarchie. Je
9 ne suis pas au courant de la hiérarchie. Il s'agissait d'une époque
10 différente, une période de guerre. Quelle était la hiérarchie entre eux ?
11 Qui donnait des ordres, qui recevait des ordres, tout ceci était lié à leur
12 propre structure. Moi, je ne peux pas vous donner d'information sur ce
13 point
14 Q. Monsieur, ce n'est pas là la question --
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Cela suffit. Nous n'allons pas
16 poursuivre dans ce sens.
17 Y a-t-il d'autres questions supplémentaires ?
18 Mme SARTORIO : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Merci. Donc nous en avons
20 terminé avec votre déposition. Vous pouvez maintenant quitter le Tribunal.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous le permettez, je voudrais faire un
22 résumé en deux ou trois phrases.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il ne vous appartient pas de faire
24 cette synthèse. Nous vous remercions pour l'intérêt que vous portez à cette
25 affaire, mais votre fonction s'arrête là. Vous pouvez maintenant partir.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.
27 [Le témoin se retire]
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le prochain témoin, Madame Sartorio.
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1 Mme SARTORIO : [interprétation] Oui. Nous appelons le VG-047 et mon
2 collègue, M. [comme interprété] Friedman, va procéder à l'interrogatoire
3 principal.
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le témoin va prononcer sa
6 déclaration.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
9 LE TÉMOIN: MEVSUD POLJO [Assermenté]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez commencer, Madame
12 Friedman.
13 Mme FRIEDMAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Interrogatoire principal par Mme Friedman :
15 Q. [interprétation] Bonjour. Est-ce que vous pouvez décliner votre
16 identité ?
17 R. Je m'appelle Mevsud Poljo.
18 Q. Où viviez-vous en juin 1992 ?
19 R. En juin 1992, je vivais à Zepa.
20 Q. Quel était le nom de la ville ?
21 R. Je ne suis pas sûr que Zepa était une municipalité à l'époque. Je pense
22 qu'elle était rattachée à la municipalité de Rogatica. En fait, je vivais
23 dans un village.
24 Q. Le nom de ce village, s'il vous plaît ?
25 R. Le nom du village. Slap. Je vivais dans une maison à Slap, qui était
26 aux abords de Zepa.
27 Q. Merci. Est-ce que vous vous souvenez avoir déposé ici dans l'affaire
28 Vasiljevic en décembre 2001, les 17 et 18 ?
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1 R. Oui, je m'en souviens.
2 Q. Depuis que vous êtes à La Haye, est-ce que vous avez eu la possibilité
3 d'entendre, de réentendre votre déposition dans une langue que vous
4 comprenez ?
5 R. Oui.
6 Q. Est-ce que cette déposition était précise, exacte ?
7 R. Oui, elle l'était.
8 Q. Si aujourd'hui nous vous posions les mêmes questions qui vous ont été
9 posées à l'époque, est-ce que vous redonneriez les mêmes réponses ?
10 R. Oui, tout à fait.
11 Mme FRIEDMAN : [interprétation] Président, nous demandons à verser les
12 documents relevant du 65 ter et portant la cote 113 et 114, qui sont des
13 éléments de preuve qui ont été déposés dans le procès Vasiljevic par M.
14 Poljo.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Accepté.
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Président, le 65 ter 113 deviendra la
17 pièce à conviction P23, et le 65 ter 114 deviendra la pièce à conviction
18 P24.
19 Mme FRIEDMAN : [interprétation] L'Accusation maintenant demande également à
20 verser comme moyen de preuve le 65 ter 112, et il s'agit de la photographie
21 aérienne de Slap à laquelle le témoin a fait référence pendant sa
22 déposition.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous l'acceptons.
24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La pièce à conviction P25, Président.
25 Mme FRIEDMAN : [interprétation] Président, je voudrais poser également
26 quelques questions qui s'ajoutent à ce témoignage, cette déposition.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
28 Mme FRIEDMAN : [interprétation]
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1 Q. Monsieur Poljo, lorsque vous et un certain nombre d'hommes ont retiré
2 des corps de la rivière en juin et juillet 1992, pouvez-vous nous dire de
3 combien de corps il s'agissait ?
4 R. 170 ou 180 cadavres, grosso modo.
5 Q. Sur ces corps, combien de corps avez-vous pu reconnaître
6 personnellement ?
7 R. Environ une cinquantaine.
8 Q. Savez-vous d'où venaient ces victimes ?
9 R. Les corps avaient été entraînés par la rivière et venaient de Visegrad.
10 Q. Est-ce qu'il y a quelque chose dans l'apparence de ces corps qui vous
11 donnait l'impression que ces corps venaient de Visegrad ?
12 R. Il s'agissait de personnes qui avaient vécu à Visegrad, qui y
13 travaillaient dans des entreprises, et certains de mes voisins qui vivaient
14 près de Visegrad.
15 Q. Dans quelles entreprises certaines de ces personnes travaillaient à
16 Visegrad ?
17 R. Terpentin et Varda à Visegrad. Ils avaient des uniformes et dans leurs
18 poches ils avaient également des coupons sur lesquels figurait le nom de
19 ces entreprises.
20 Mme FRIEDMAN : [interprétation] Un dernier point, Président. Dans un
21 photographie aérienne, on en a parlé, mais il n'y a rien de marqué, est-ce
22 que cela vous aiderait si on remettait cette photo, et que nous marquions
23 certaines choses sur cette carte ?
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
25 Mme FRIEDMAN : [interprétation] Est-ce que l'huissière pourrait montrer la
26 pièce à conviction de l'Accusation 25. Merci. Est-ce que l'on peut tourner
27 ? Oui, parfait. Merci. Est-ce que l'huissière pourrait également aider le
28 témoin à noter cette carte ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas sûr de comprendre ce que je
2 suis supposé marquer ici.
3 Mme FRIEDMAN : [interprétation]
4 Q. Nous n'avons pas encore commencé, mais je vais vous expliquer cela. Pas
5 de problème. Merci, Monsieur Poljo. Tout d'abord, est-ce que vous pouvez
6 marquer vos initiales et la date d'aujourd'hui, donc le 26 août, en bas de
7 cette photographie. Vous pouvez l'utiliser comme s'il s'agissait d'un stylo
8 normal.
9 R. [Le témoin s'exécute]
10 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez prendre le stylo et mettre une flèche
11 dans le sens du courant de la rivière. Oui, excusez-moi, je devrais dire de
12 la rivière Drina.
13 R. [Le témoin s'exécute]
14 Q. Est-ce que vous pourriez me confirmer simplement le nom de la rivière
15 que vous venez d'annoter ?
16 R. Elle s'appelait Zepa, comme la région aux alentours qui s'appelait
17 Zepa.
18 Q. Bien. Est-ce que vous pouvez identifier la rivière, la Drina, et
19 marquer un D sur la rivière Drina.
20 R. [Le témoin s'exécute]
21 Q. Quel était le sens du courant dans cette rivière ? Est-ce que vous
22 pourriez le marquer d'une flèche ?
23 R. [Le témoin s'exécute]
24 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez mettre la lettre V dans la direction
25 générale de la ville de Visegrad ?
26 R. [Le témoin s'exécute]
27 Q. Enfin, si vous pouviez peut-être mettre un X là où vous avez enterré
28 les corps approximativement, puisque je sais qu'il s'agit d'une zone assez
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1 étendue.
2 R. [Le témoin s'exécute]
3 Q. Merci.
4 Mme FRIEDMAN : [interprétation] Je voudrais maintenant verser cette photo
5 ainsi annotée comme pièce à conviction.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Accepté.
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction P20
8 [comme interprété], Président.
9 Mme FRIEDMAN : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions pour
10 l'instant.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Maître Alarid.
12 M. ALARID : [interprétation] Merci, Président.
13 Contre-interrogatoire par M. Alarid :
14 Q. [interprétation] Monsieur 47, bonjour.
15 R. Bonjour.
16 Q. Combien de temps environ cela vous a-t-il demandé de récupérer les
17 corps dans la Drina ?
18 R. Nous avons récupéré un corps vers la mi-mai et les autres en juin et en
19 juillet, et certains encore au mois de septembre.
20 Q. Est-ce que vous l'avez fait à partir d'une barque, d'un bateau ou sur
21 la rive ?
22 R. J'ai récupéré certains corps lorsque j'étais à bord d'une barque. J'ai
23 récupéré certains corps dans la Drina, et pendant une semaine les corps
24 avaient flotté sur la rivière sans que personne ne les récupère. Ensuite,
25 comme j'avais un frère qui travaillait à Terpentin, enfin deux frères
26 d'ailleurs, et un oncle. Nous avons décidé de récupérer les corps pour
27 permettre aux gens de savoir où se trouvaient ces tombes. Puis deux autres
28 personnes se sont jointes à moi pour essayer de récupérer les corps en
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1 utilisant des barques.
2 Q. Bien entendu, comme vous avez récupéré les corps, vous ne pouvez pas
3 nécessairement et forcément nous dire qui est responsable de cette tuerie ?
4 R. Non. Je ne sais pas. Cela s'était produit assez loin, à une vingtaine
5 de kilomètres de moi.
6 Q. Donc Visegrad, la ville, est à 20 kilomètres ?
7 R. Vingt kilomètres ou peut-être un peu plus, je n'en suis pas sûr.
8 Q. Parce que, bien sûr, lorsque vous récupérez un corps vous ne savez pas
9 exactement à quel endroit il a été mis dans l'eau, n'est-ce pas ?
10 R. Non, non. Il n'y a aucune façon que l'on puisse le dire, que l'on
11 puisse le savoir, parce qu'ils étaient déjà très abîmés. Certains étaient
12 en plus ou moins bon état, d'autres étaient pires. Certains avaient
13 probablement étaient coincés à un endroit et étaient restés là un certain
14 temps.
15 Je me rappelle deux corps qui portaient des impacts de balles. Ils étaient
16 d'un village voisin, Ibrahim et Hamed Vusevic [phon] qui portaient ces deux
17 impacts de balles à la gorge, et l'autre à la poitrine. C'étaient des corps
18 qui étaient propres, pas très abîmés, et dans leurs poches on voit qu'ils
19 avaient les bras levés, comme pour se défendre lorsqu'on tirait dessus. Les
20 autres corps étaient très abîmés.
21 Q. Serait-il juste de dire que dans ce cas vous avez eu la possibilité de
22 faire des déclarations à trois reprises et de témoigner lors d'un procès
23 pendant deux jours ?
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui ?
25 Mme FRIEDMAN: [interprétation] Monsieur le Président, juste pour éclaircir
26 un point. Il n'a pas fait trois déclarations en l'espèce. Il s'agit d'une
27 qui a trait à l'affaire Vasiljevic, et deux autres bien avant. Je voulais
28 simplement m'assurer que ceci est bien clair pour le compte rendu.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.
2 M. ALARID : [interprétation] Je comprends, nous allons donc préciser cela.
3 Q. Maintenant, serait-il juste de dire, Monsieur 47, que la seule fois
4 dans les trois déclarations que vous mentionnez M. Milan Lukic ou Mitar
5 Vasiljevic, c'était dans la troisième des déclarations que vous avez faites
6 le 30 janvier 2000 ?
7 R. Je ne me rappelle pas quand j'ai mentionné Milan ou Mitar étant donné
8 le fait que ces choses se sont passées à quelque 20 kilomètres de l'endroit
9 où je me trouvais. Comment aurais-je pu avoir dit quoi que ce soit à ce
10 sujet ? Ou alors peut-être que je n'ai pas bien compris la question.
11 Q. Mais n'est-il pas vrai que dans votre déclaration du 30 janvier 2000,
12 vous avez simplement dit, "J'ai aussi entendu des rumeurs selon lequel
13 Milan Lukic et Mitar Vasiljevic avaient commis un grand nombre d'atrocités
14 dans le secteur" ?
15 R. Oui, tout ça c'est du ouï-dire, mais je ne suis pas un témoin oculaire,
16 je n'ai rien vu de mes propres yeux. J'ai seulement entendu des récits de
17 diverses personnes, un grand nombre de personnes.
18 Q. Mais vous connaissiez M. Mitar Vasiljevic avant et après ce qui s'est
19 passé, n'est-ce pas ?
20 R. Je connaissais Mitar. Nous étions de bons amis, nous étions des
21 copains. Sa femme travaillait dans la même société que moi.
22 Q. Donc vous connaissiez son camarade Milan Lukic ?
23 R. Je ne connaissais pas si bien Milan. Je connaissais Sredoje beaucoup
24 mieux. C'était un policier à Visegrad et j'étais en bons termes avec lui.
25 Q. En fait, dans l'audition avec l'Accusation l'autre jour, vous avez
26 indiqué que ces accusés faisaient partie d'un système plus vaste, une
27 situation politique plus vaste à l'époque.
28 R. Je sais seulement que Sredoje était un policier avant la guerre et au
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1 tout début de la guerre. Milan, je ne sais pas, il n'était pas à Visegrad.
2 Il travaillait quelque part en Serbie. Mais je le voyais rarement.
3 Q. C'était le cousin plus jeune de Sredoje ?
4 R. Oui. Je travaillais près de l'endroit où il résidait, dans un magasin,
5 et je connaissais bien les parents de Sredoje.
6 Q. Dans ces rumeurs, vous n'avez jamais entendu dire que Milan Lukic avait
7 un poste avec autorité sur qui que ce soit ?
8 R. C'est difficile pour moi de répondre à cela. J'ai entendu beaucoup de
9 choses, mais je ne connais pas cela d'expérience directe. Si je peux dire
10 quelque chose en ce qui concerne Sredoje, je n'ai entendu que de bonnes
11 choses.
12 Q. Serait-il juste de dire que Sredoje n'aurait pas accepté de prendre des
13 ordres de son cousin qui était plus jeune, qui avait probablement 23 ans à
14 l'époque en 1992 ?
15 Mme FRIEDMAN: [interprétation] Objection. Ceci est une hypothèse. Le témoin
16 a dit qu'il connaissait à peine l'un ou l'autre.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Passez à une autre question.
18 M. ALARID : [interprétation]
19 Q. Pour ce qui est d'avoir entendu dire du bien, vous n'avez jamais
20 entendu dire qu'il avait reçu des ordres de Milan de faire quoi que ce soit
21 ?
22 R. J'ai entendu qu'il avait peur de Milan, que Milan était chargé de tout,
23 et Sredoje était simplement un policier, et il est probable qu'il exécutait
24 simplement les ordres, les ordres qui lui étaient donnés par ses
25 supérieurs. Je me rappelle lorsqu'il a emmené un de ses voisins, Muradif
26 Kalic [phon], un Musulman, et il l'a emmené au poste au début de la guerre.
27 Il est probable qu'il voulait des conseils. Je ne sais pas exactement. Il
28 l'a emmené à Prelovo. C'est là que se trouvait le commandement du Corps
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1 d'Uzice. Et il l'a emmené à Granic, à Blace, et il l'a emmené à un village
2 voisin pour voir un homme qui avait été un voïvode de la guerre de 1941 et
3 qui avait fait beaucoup de choses mauvaises dans les villages avoisinants,
4 et cet homme avait été emmené ici pour être interrogé, et il lui a dit :
5 "Je t'ai amené ce Musulman pour que tu le juges. Tu es plus ancien que le
6 commandant à Prelovo." Il aurait pu vraisemblablement être reconnu coupable
7 et tué, et ce nom -- parce qu'il y avait cet homme nommé Bozo Ivanovic qui
8 devait le juger. Il y avait un autre homme de Serbie qui se trouvait là.
9 Donc le vieux Bozo, à ce moment-là, lui a dit --
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Arrêtez-vous.
11 Question suivante, Maître Alarid.
12 M. ALARID : [interprétation]
13 Q. En fait, comment était organisée la structure principale, le pouvoir
14 sur place par le SDS à Visegrad au moment de la guerre ? Qui représentait
15 l'autorité ?
16 R. Je n'ai pas la moindre idée. Environ un mois avant la guerre, je ne
17 pouvais pas me rendre en ville. Je travaillais dans un magasin et je suis
18 passé par là deux fois. Il y avait des barrages ou des barricades qui
19 avaient été élevés pendant la nuit. Donc je suis passé par un bosquet
20 d'acacias. Lorsque je suis allé en ville, j'y suis allé dans une
21 camionnette. Mais je n'y suis pas allé pendant un mois. Je suis resté à
22 domicile. Au bout d'un certain temps, je ne pouvais plus aller en ville,
23 donc je ne sais pas ce qui s'y passait et qui s'y trouvait.
24 Q. Est-ce que vous savez qui est Savovic ?
25 R. Je le connaissais, mais je ne sais pas qui il est ni ce qu'il était,
26 quelles étaient ses responsabilités.
27 L'INTERPRÈTE : Est-ce qu'on pourrait demander au témoin de bien vouloir
28 parler devant le micro.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Témoin, s'il vous plaît, veuillez
2 vous rapprocher du microphone.
3 Je vais demander également à l'huissière d'aider le témoin.
4 M. ALARID : [interprétation]
5 Q. Est-ce que vous connaissiez le commandant Perisic, le commandant de la
6 police ?
7 R. Non, je n'avais qu'entendu parler de lui. Je ne le connaissais pas
8 personnellement.
9 Q. Excusez-moi, c'était le chef, n'est-ce pas ?
10 R. Cela, je ne sais pas.
11 Q. Serait-il juste de dire qu'il aurait fallu des centaines de personnes
12 responsables par rapport aux milliers de Musulmans qui sont morts ?
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne comprends pas la
14 question, Maître Alarid.
15 M. ALARID : [interprétation] Monsieur le Président, dans l'affaire
16 Vasiljevic, et peut-être que là je reprends un point, il a indiqué qu'il
17 avait été embarrassé, qu'il se trouvait là pour Vasiljevic sur la base du
18 fait que plusieurs milliers de personnes étaient mortes et qu'il était le
19 seul à être tenu pour responsable, donc je suppose qu'il était en train
20 d'affirmer cela, Monsieur le Président, mais ceci fait partie du compte
21 rendu précédent.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement. Certainement il aurait fallu --
23 je ne peux pas dire, mais plusieurs centaines, des centaines. Peut-être 20
24 ou 50 personnes responsables, parce que quelques personnes n'auraient pas
25 été en mesure d'infliger tant de maux sur cette municipalité et sur les
26 villages éparpillés alentour --
27 M. ALARID : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur
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1 Dieckmann, avez-vous des questions ?
2 M. DIECKMANN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Contre-interrogatoire par M. Dieckmann :
4 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.
5 R. Bonjour.
6 Q. Mon nom est Jens Dieckmann et je suis co-conseil de la Défense pour M.
7 Sredoje Lukic, et j'ai quelques questions à vous poser.
8 R. Oui.
9 Q. Si je vous ai bien compris, vous connaissez Sredoje Lukic et vous savez
10 que c'était un policier à Visegrad, un policier ordinaire ou de grade
11 subalterne, et vous connaissez également ses parents. Vous le connaissez du
12 point de vue de sa famille, qu'il était le père de deux petits enfants à
13 l'époque ?
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Dieckmann, il y trop de
15 questions. Posez simplement une --
16 M. DIECKMANN : [interprétation] Excusez-moi. C'était justement pour
17 résumer.
18 Q. Ma question était de savoir si le témoin sait qu'il était marié et
19 qu'il avait à l'époque deux petits enfants ?
20 R. Oui, je sais qu'il était marié. Quant à savoir combien d'enfants il
21 avait, cela je ne le sais pas.
22 Q. Je vous remercie. Vous avez dites que Sredoje Lukic avait peur de Milan
23 Lukic; est-ce que c'est vrai; c'est bien ça ?
24 R. Bien, selon ce que j'ai entendu dire, oui, c'était le cas. Les gens le
25 disaient.
26 Q. Pourriez-vous nous donner les raisons pour lesquelles vous pensez qu'il
27 avait peur de Milan Lukic ?
28 R. Il y avait cet homme, ce Music, Safet. Nous étions là, assis dans ce
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1 café à Sarajevo et nous étions en train de parler, voyez-vous, et il m'a
2 dit qu'il avait été détenu là, à Visegrad, dans la Visegradska Banja, et
3 qu'il était venu dans une Volkswagen avec un autre policier. Je crois que
4 son nom était Niko, ce policier. Puis il y avait d'autres personnes qui
5 avaient été détenues. J'ai dit Safet, puis Sredoje est entré dans cette
6 pièce où quelques personnes étaient détenues et il a fait sortir Safet et
7 son frère. Le nom de famille était Music pour les deux. Puis il les a pris
8 dans sa voiture et il les a amenés chez eux. Autrement dit, c'était un
9 geste d'humanité de sa part, un geste humain.
10 C'est pour ça que j'ai commencé à parler de Muradif, ce voisin, qui m'a
11 également dit qu'il ne le tuerait pas et qu'il devrait avoir peur, mais
12 qu'il devait justifier ses actions à cet autre homme, et il a dit : "Je
13 vais simplement tirer quelques coups de feu en l'air et tu vas partir là-
14 bas et rejoindre ta famille à Zepa." C'est en fait la façon les choses se
15 sont passées. Je lui ai dit : "Halte, halte," puis il a tiré quelques coups
16 de feu en l'air, puis il s'est enfui en courant, hors d'haleine, et c'est
17 comme ça que ça s'est passé.
18 Q. Je vous remercie. Monsieur VG-47, le 12 août 2008, vous avez bien
19 rencontré deux personnes du bureau du Procureur, n'est-ce pas ?
20 R. Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, répéter la question ? En
21 fait, je n'ai pas bien entendu. Le 12 août et quoi --
22 Q. Le 12 août 2008, est-ce que vous avez rencontré deux personnes du
23 bureau du Procureur, n'est-ce pas ?
24 R. Oui, oui, c'est bien cela.
25 Q. Et la raison de cette réunion, c'était de porter des éclaircissements à
26 vos déclarations antérieures faites au Tribunal dans l'affaire Vasiljevic,
27 n'est-ce pas ?
28 R. Oui.
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1 Q. Pendant cette réunion, vous avez dit que vous souhaitiez faire quelques
2 commentaires en faveur de la défense de Sredoje Lukic; c'est bien cela ?
3 R. C'est exactement ce que je viens de vous dire.
4 Q. Cette déclaration, vous l'avez faite librement. C'était vous-même qui
5 souhaitiez le faire, n'est-ce pas, de votre propre mouvement ?
6 R. Oui. J'étais heureux qu'il ait agi de cette manière à l'égard de ses
7 voisins, parce que s'il l'avait emmené à Prelovo, il est certain qu'il ne
8 serait pas revenu vivant.
9 Q. Je vous remercie. Lors de cette réunion, vous avez exprimé votre
10 opinion selon laquelle Sredoje Lukic ne devrait pas faire l'objet de
11 poursuites, n'est-ce pas ?
12 R. Tout ce que je sais, c'est ceci : je ne sais pas pourquoi Sredoje
13 aurait dû faire en sorte que des choses en reviennent à ce point. S'il
14 avait fait quelque chose, il aurait dû à ce moment-là être tenu pour
15 responsable, s'il était à blâmer pour quoi que ce soit.
16 Q. Je vous remercie. VG-47, d'après votre expérience personnelle avec
17 Sredoje Lukic, est-ce que vous seriez d'accord avec moi que c'est une
18 personne amicale, une personne qui a un bon caractère, une personne qui est
19 bonne ? Seriez-vous d'accord avec
20 moi ?
21 R. Oui, je suis d'accord pour tout ce qui est jusqu'à la guerre, parce que
22 je le connaissais à l'époque. Pour ce qui est de la période après la
23 guerre, je ne le sais pas.
24 Q. Merci.
25 M. DIECKMANN : [interprétation] Merci. Je n'ai plus de questions.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous des questions
27 supplémentaires, Madame Friedman ?
28 Mme FRIEDMAN: [interprétation] Non, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Témoin, votre témoignage
2 est terminé. Nous vous remercions. Vous pouvez maintenant quitter le
3 prétoire.
4 [Le témoin se retire]
5 Nous allons faire une pause d'une demi-heure.
6 --- L'audience est suspendue à 12 heures 10.
7 --- L'audience est reprise à 12 heures 42.
8 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Sartorio.
10 Mme SARTORIO : [interprétation] Oui, c'est moi qui vais interroger ce
11 témoin, Monsieur le Président, mais je voudrais tout d'abord parler de la
12 question des mesures de protection. Il semble, après avoir regardé le
13 compte rendu de l'affaire Vasiljevic, qu'il y ait eu un entretien entre le
14 Juge Hunt et M. Groome, et que le Juge Hunt aurait dit qu'il s'agissait
15 d'une audience à huis clos partiel, et qu'il ne devait y avoir ni son, ni
16 même de prise de vue du témoin, de sorte que c'est peut-être suffisant pour
17 vous. M. Groome avait dit oui, Monsieur le Président, et le Président Hunt
18 avait continué en disant, donc nous pouvons poursuivre et le témoin peut
19 être sûr qu'il ne sera ni vu ni entendu.
20 Je crois qu'il a déposé en audience à huis clos partiel, d'après ce que
21 j'ai compris, mais je crois qu'il y avait également déformation des traits
22 du visage et déformation de la voix. Je pense que ce serait suffisant pour
23 ce témoin.
24 [La Chambre de première instance se concerte]
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, écoutez, nous accordons la
26 déformation de la voix et des traits du visage. Je comprends qu'il faut un
27 quart d'heure pour mettre en place les moyens techniques nécessaires.
28 [La Chambre de première instance se concerte]
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons lever la séance pour 15
2 minutes. Nous reviendrons dans 15 minutes.
3 --- La pause est prise à 12 heures 45.
4 --- La pause est terminée à 13 heures 07.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je demande que le témoin fasse la
6 déclaration solennelle.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirais la
8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
9 LE TÉMOIN: TÉMOIN VG-97 [Assermenté]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez commencer, Madame
12 Sartorio.
13 Mme SARTORIO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Pourrais-je demander, s'il vous plaît, à l'huissière de présenter au témoin
15 cette feuille de papier où figure son pseudonyme, s'il vous plaît ?
16 Interrogatoire principal par Mme Sartorio :
17 Q. [interprétation] J'ai demandé à l'huissière de la Chambre de vous
18 présenter ce qu'on appelle un feuillet du pseudonyme, et je voudrais savoir
19 si c'est bien votre nom qui figure à côté de la référence VG-97 ?
20 R. Oui.
21 Q. Est-ce que c'est bien votre date de naissance également qui figure sur
22 ce feuillet ?
23 R. Non, ce n'est pas le cas.
24 Q. Est-ce que l'on pourrait corriger cette date de naissance ? Pourriez-
25 vous écrire la date de naissance exacte qui est la vôtre ?
26 R. [Le témoin s'exécute]
27 Q. Je vais vous demander de bien vouloir signer également ce feuillet.
28 R. [Le témoin s'exécute]
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1 Mme SARTORIO : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation demande
2 le versement au dossier du feuillet contenant le pseudonyme du témoin en
3 tant que pièce à conviction.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La pièce est admise.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P27 déposée sous pli
6 scellé, Monsieur le Président.
7 Mme SARTORIO : [interprétation]
8 Q. Maintenant, Monsieur le Témoin, la Chambre a octroyé un certain nombre
9 de mesures de protection en ce qui concerne votre déposition, comme nous en
10 avons parlé. Donc vous aurez le bénéfice de la distorsion de l'image et de
11 la voix de façon à ce que personne ne puisse reconnaître ni votre visage,
12 ni votre voix. Je vous parlerai, je m'adresserai à vous ainsi que tout le
13 monde sous le nom de VG-97. C'est votre pseudonyme pour votre déposition.
14 Au printemps de 1992, dans quelle municipalité viviez-vous ?
15 R. Dans la municipalité de Visegrad.
16 Q. Est-ce que vous viviez dans un quartier particulier de Visegrad ?
17 R. Oui. A un endroit qui s'appelait Kosovo Polje, un quartier.
18 Q. Quelle est votre origine ethnique ?
19 R. Je suis Musulman de Bosnie.
20 Q. Vous avez fourni une déclaration aux enquêteurs du Tribunal en mars
21 2001 ?
22 R. Oui.
23 Q. Quand vous avez fait cette déclaration, à l'origine elle a été
24 dactylographiée en anglais et est-ce qu'on vous en a donné lecture en
25 langue bosnienne ?
26 R. Oui.
27 Q. Est-ce que vous avez ensuite signé la version anglaise de cette
28 déclaration ?
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1 R. Je crois que j'ai signé les deux versions.
2 Q. Depuis que vous êtes venu à La Haye, vous avez eu la possibilité
3 d'examiner votre déclaration dans votre langue, en bosniaque ?
4 R. Oui.
5 Mme SARTORIO : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais que
6 cette déclaration soit présentée à l'écran, parce que certaines corrections
7 doivent être apportées, si possible. Il a été permis hier de l'ajouter à
8 notre liste de pièces, donc je n'ai pas de numéro sur la liste 65 ter. Est-
9 ce que le numéro ERN suffirait ? Pour l'anglais, il s'agit de 02021904 à
10 190, enfin 1910, et pour le B/C/S --
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Cepic.
12 M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis un petit peu
13 dans la confusion. Est-ce que nous avons un numéro 65 ter pour cette
14 déclaration, est-ce qu'elle figure sur la liste 65 ter ? Je suis un peu
15 dans la confusion.
16 Mme SARTORIO : [interprétation] Monsieur le Président, ça a été admis
17 verbalement par vous-même hier. Il s'agit du témoin qui dépose cette
18 semaine, pour lequel toute sa déclaration 92 ter doit être ajoutée à la
19 liste qui était jointe à notre requête précédente.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Est-ce qu'on essaie de la
21 retrouver ? La greffière essaie de retrouver le document.
22 Mme SARTORIO : [interprétation] Est-ce que le numéro ERN ne suffit pas ?
23 Bon, excusez-moi.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, c'est affiché maintenant.
25 Mme SARTORIO : [interprétation] Peut-on passer maintenant à la troisième
26 page des deux versions, celle en anglais et celle en B/C/S.
27 Q. Malheureusement, les paragraphes ne sont pas numérotés, mais c'est le
28 troisième paragraphe dans l'ordre, lors de la séance de récolement nous en
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1 avons parlé. On voit ici dans le texte en anglais, le mot qui veut dire les
2 "Justiciers," "Revengers." Est-ce que vous m'avez suggéré que cela n'était
3 pas exact et qu'il faudra peut-être utiliser un autre mot. Est-ce que ce
4 qui est indiqué dans la version en B/C/S est correct ?
5 R. Oui, cela est correct.
6 Q. Bien. Le troisième paragraphe en B/C/S, on a le mot "Osvetnici."
7 Qu'est-ce que signifie ce mot ?
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne comprends pas tout à fait ce
9 que vous essayez de corriger par rapport à ce terme "Revengers" ou les
10 "Justiciers."
11 Mme SARTORIO : [interprétation]
12 Q. Aviez-vous l'intention d'utiliser ce terme au moment où vous avez fait
13 votre déclaration ?
14 R. Oui.
15 Q. Bien. Alors il n'y a rien à corriger. Passons à la page 4, s'il vous
16 plaît. Le quatrième paragraphe, la troisième et quatrième ligne, on voit le
17 mot "Foi." Est-ce que c'est ça, est-ce que c'est bien le terme que vous
18 vouliez utiliser ?
19 R. Je ne sais pas à quel mot vous faites référence.
20 Q. Veuillez examiner la version B/C/S de votre déclaration, quatrième
21 page, la phrase qui commence par "Très souvent durant le mois de juin
22 1992…"
23 R. Oui. "Très souvent durant juin 1992, j'ai pu voir Milan Lukic, Mitar
24 Vasiljevic et Sredoje Lukic amener des personnes."
25 Q. Veuillez poursuivre, s'il vous plaît.
26 R. "La première fois, cela s'est passé le 15 juin environ le jour où Milan
27 Lukic a conduit dans son véhicule de marque Passat de couleur rouge Mujo
28 Kurspahic. Encore aujourd'hui, personne ne sait ce qui est arrivé à Mujo.
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1 La deuxième fois, Milan Lukic a conduit Nedzad Ribac dans la voiture de
2 Nedzad."
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que vous avez lu maintenant
4 plus qu'on vous a demandé.
5 Mme SARTORIO : [interprétation]
6 Q. J'aimerais maintenant que soit consigné au compte rendu le fait qu'en
7 parlant de cela, vous n'avez absolument pas fait mention de foi, vous
8 n'avez pas parlé de foi ou de religion, que vous avez parlé d'autre chose ?
9 R. Je ne comprends absolument pas de quelle foi, de quelle religion vous
10 parlez ?
11 R. Je pense que nous avons déjà parlé de cela hier. Dans la traduction en
12 anglais de cette déclaration, on voit la mention du terme "confession,"
13 "foi," "religion," alors pourriez-vous nous dire maintenant si vous avez
14 utilisé ce terme au moment où vous avez fait cette déclaration aux
15 enquêteurs du Tribunal ?
16 R. Il faudra me montrer exactement cette partie de la déclaration pour que
17 je puisse vous donner une réponse précise.
18 Q. Cela ne concerne que la version en anglais. Est-ce que vous parlez la
19 langue anglaise ?
20 R. Non.
21 Q. Bien, oubliez complètement cette déclaration et dites-nous seulement si
22 vous vous souvenez avoir jamais discuté la confession ou la foi avec les
23 enquêteurs du Tribunal. C'est tout ce qu'on vous demande pour l'instant.
24 Dans le cadre du récolement de votre déclaration ?
25 R. Oui, en donnant des informations sur moi-même j'ai dû dire que j'étais
26 de confession de foi musulmane. C'est tout.
27 Q. Merci, Monsieur. Au moment où vous avez examiné votre déclaration en
28 B/C/S, avez-vous pu établir si elle a reflété fidèlement les événements
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1 dont vous avez été témoin et que vous avez vécus en 1992 ?
2 R. Oui.
3 Q. Si je devais aujourd'hui vous poser les questions qui vous ont été
4 posées par les enquêteurs en 2001, vos réponses aujourd'hui seraient-elles
5 identiques à celles que vous avez déjà données en
6 2001 ?
7 R. Oui.
8 Mme SARTORIO : [interprétation] Monsieur le Président, nous demandons le
9 versement de cette déclaration.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La déclaration est admise.
11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ça sera la pièce P28 sous pli scellé.
12 Mme SARTORIO : [interprétation] Le Procureur ne demandera pas le versement
13 du compte rendu de la déposition dans l'affaire Vasiljevic et retire sa
14 requête de versement concernant ce document. Puis-je poursuivre ?
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
16 Mme SARTORIO : [interprétation] Bien.
17 Q. En 1992, connaissiez-vous quelqu'un se nommant Milan
18 Lukic ?
19 R. Oui.
20 Q. D'où le connaissiez-vous ? De l'école, ou autrement ?
21 R. Je connaissais M. Milan Lukic alors que j'étais garçon, j'allais à
22 l'école primaire. M. Lukic allait à l'école secondaire Besirevic et moi-
23 même j'allais à l'école primaire. Chaque jour, je me rendais au nouvel
24 hôtel de Visegrad pour livrer le lait, c'était notre travail, donc je le
25 voyais là-bas avec d'autres jeunes de Zupa.
26 Q. Combien souvent le voyiez-vous pendant cette période-là ?
27 R. Quasiment chaque jour, au moment où je me rendais livrer le lait.
28 J'allais quasiment quotidiennement en ville. Evidemment, je ne cherchais
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1 pas à compter le nombre de fois où je l'ai vu. Je le connaissais bien. Je
2 sais qu'il était très bon ami avec un certain Slavko Vujinovic, que je
3 connaissais très bien.
4 Q. Après lu début de la guerre en 1992, avez-vous continué à voir M. Lukic
5 ?
6 R. Oui.
7 Q. Y a-t-il eu une période de temps pendant laquelle vous ne l'avez pas vu
8 entre le moment où vous étiez à l'école et le moment après le début de la
9 guerre, quand vous l'avez revu ?
10 R. Oui, environ sept à huit ans.
11 Q. Quand vous avez vu Milan Lukic en 1992 après le début de la guerre,
12 avez-vous reconnu Milan Lukic comme une personne que vous avez déjà connue
13 et que vous avez décrite lors de votre déposition ?
14 R. Oui.
15 Q. En 1992, avez-vous connu quelqu'un d'autre du nom de Milan Lukic, ou
16 quelqu'un qui se serait appelé Milan Lukic, en dehors des personnes que
17 vous avez identifiées ?
18 R. Non, je ne connaissais aucun autre Milan Lukic, il n'y a pas eu de
19 personne qui se présentait en tant que Milan Lukic en dehors de lui.
20 Q. En 1992, avez-vous connu quelqu'un qui s'appelait Sredoje Lukic ?
21 R. Oui, je connaissais M. Sredoje Lukic depuis au moins une dizaine
22 d'années, parce que ce monsieur travaillait au poste de police de Visegrad.
23 Q. Combien souvent voyiez-vous Sredoje Lukic avant le début de la guerre
24 en 1992 ?
25 R. Je le voyais toujours en ville. Il était à Visegrad, il avait une
26 voiture de couleur rouge, de type Aleko Moskvitch, c'est une voiture de
27 production russe.
28 Q. Voyez-vous, Monsieur, regardez autour de vous ici dans la salle
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1 d'audience, et dites-nous si vous reconnaissez parmi les personnes
2 présentes qui que ce soit en dehors de moi-même, et si vous reconnaissez
3 quelqu'un, dites-nous, s'il vous plaît, qui c'est.
4 R. Oui. A ma gauche de côté droit, je vois M. Sredoje Lukic. A droite de
5 M. Sredoje Lukic se trouve M. Milan Lukic.
6 Mme SARTORIO : [interprétation] Je demande qu'il soit consigné au compte
7 rendu que le témoin a identifié les accusés.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien.
9 Mme SARTORIO : [interprétation]
10 Q. Comme on vous l'a déjà dit il y a quelques instants, les déclarations
11 préalables que vous avez faites sont versées au dossier, donc je ne vous
12 poserai pas de questions détaillées au sujet de la teneur de ces
13 déclarations. Je me contenterais de vous poser quelques questions seulement
14 au sujet des événements de 1992.
15 Tout d'abord, avez-vous jamais vu Milan Lukic conduire une voiture ?
16 R. Oui, souvent.
17 Q. Pourriez-vous décrire la voiture qu'il conduisait ?
18 R. M. Milan Lukic conduisait une voiture de couleur rouge de type Passat,
19 et une camionnette de marque Zastava, également de couleur rouge.
20 Q. Combien souvent l'avez-vous vu conduire cette Passat
21 rouge ?
22 R. Souvent. Il traversait souvent Kosovo Polje en allant de Visegrad vers
23 Sase, et de Sase vers Visegrad.
24 Q. Vous habitiez le village de Kosovo Polje. Est-ce que ce village se
25 situe sur la route entre Sase et Visegrad ?
26 R. Oui. Le village de Kosovo Polje est divisé en deux parties par la
27 route. Du côté droit de la route se trouve la partie du village peuplée par
28 des Serbes orthodoxes, et de l'autre côté celle peuplée par des Musulmans
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1 de Bosnie.
2 Q. Bien. Cette route mène-t-elle à d'autres endroits auxquels vous faites
3 référence dans votre déclaration ?
4 R. Oui. Cette route mène vers Zupa, et c'est à côté de Sase que se trouve
5 le bifurque [phon] vers Visegradska Banja.
6 Q. Avez-vous jamais vu quelqu'un d'autre conduire cette Passat rogue ? Je
7 vous demande si vous avez vu quelqu'un qui la conduisait et non pas
8 quelqu'un d'autre assis dans la voiture.
9 R. Vous parlez de 1992 ou de la période avant 1992 ?
10 Q. Je parle de juin 1992.
11 R. Jamais personne d'autre.
12 Q. Avez-vous vu d'autres personnes ensemble dans le véhicule avec Milan
13 Lukic au moment où lui conduisait cette Passat rouge ?
14 R. Très souvent, il y avait deux à trois personnes avec lui et parfois il
15 arrivait qu'il soit seul dans ce véhicule ou avec un seul passager.
16 Q. N'avez-vous jamais vu Sredoje Lukic dans la voiture, ensemble avec
17 Milan ?
18 R. Oui.
19 Q. Dans votre déclaration, vous avez dit avoir assisté à un certain nombre
20 de crimes commis par Milan et Sredoje Lukic; est-ce exact ?
21 R. Oui.
22 Q. Pouvez-vous dire à la Chambre à combien d'occasions environ vous avez
23 assisté à des crimes qui ont été commis par l'un ou les deux de ces hommes,
24 et dans le cadre desquels la Passat rouge aurait été présente sur la scène
25 du crime ?
26 R. A trois reprises au moins.
27 Q. Est-ce que vous connaissez quelqu'un du nom de Stanko Pecikoza ?
28 R. Oui.
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1 Q. Comment l'avez-vous rencontré ?
2 R. Oui, je connaissais bien M. Stanko Pecikoza. C'était quelqu'un de très
3 accueillant qui avait sa propre scierie. Il nous a souvent aidés à Kosovo
4 Polje pendant la guerre. A une reprise, une fois que les incidents
5 s'étaient multipliés, que nous ne pouvions plus nous cacher, mon père a
6 demandé à Stanko Pecikoza de m'emmener à la scierie pour que je sois plus
7 en sécurité, parce que là on n'y a touché personne même si les ouvriers à
8 la scierie étaient des Musulmans, et là les gens auraient été attaqués et
9 Stanko a accepté.
10 Le 10 juin, j'y suis allé avec deux voisins. Je suis allé à la scierie de
11 Stanko Pecikoza pour m'aider et pour aider également les travailleurs là-
12 bas et il y avait une douzaine de Serbes et de Musulmans. A un moment
13 donné, j'ai entendu la femme de Stanko qui pleurait et qui était en deuil.
14 Venant de la route vers la petite scierie, nous avons entendu une sirène et
15 la femme a crié en disant, "Hélas, voilà qu'arrive Micko." Personne n'a
16 rien dit, et M. Lukic est arrivé dans sa Passat rouge.
17 Un soldat est sorti de la Passat, il était là pour assurer la sécurité de
18 M. Lukic. M. Lukic n'est jamais sorti de la voiture. Il a ouvert la
19 portière et a dit bonjour à tout le monde.
20 Q. Bien. Est-ce que je peux vous arrêter, lorsque vous dites "Micko," à
21 qui faites-vous référence ?
22 R. Je voulais dire Milan.
23 Q. Est-ce que Milan Lukic vous a dit quoi que ce soit à ce moment-là ?
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que Milan est également
25 appelé Micko ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai entendu - excusez-moi, excusez-moi,
27 Monsieur le Président, j'ai entendu cette dame prononcer ces mots.
28 Mme SARTORIO: [interprétation] Je ne sais pas de quelle dame il s'agit.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De quelle dame
2 s'agit-il ? Quelle dame ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque j'ai parlé des événements, j'ai dit
4 que la femme de Stanko a crié en disant, "Hélas, voilà qu'arrive Micko."
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qui est Micko ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Milan Lukic.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien.
8 Mme SARTORIO: [interprétation]
9 Q. Pouvez-vous nous dire si vous savez quelle était l'appartenance
10 ethnique de M. Pecikoza ?
11 R. M. Pecikoza était un Serbe de confession orthodoxe.
12 Q. Je vais revenir à ma question précédente, à savoir est-ce que Milan
13 Lukic vous a dit quoi que ce soit lorsqu'il était dans la voiture et qu'il
14 est venu au domicile de Stanko Pecikoza ?
15 R. Oui. Il a prononcé les mots suivants : il a d'abord dit "pomoz bog,
16 braco Srbi", c'est-à-dire que Dieu vous aide, chers amis, et "merhaba", les
17 Turcs, et ensuite il a dit "Monsieur Stanko, est-ce que ces Turcs vous
18 obéissent ?" A quoi Stanko a répondu, "Occupez-vous de vos affaires," et
19 qu'il n'était pas nécessaire qu'il vienne dans sa cour et que toutes ces
20 personnes étaient des personnes tout à fait honorables et bien et qu'ils
21 n'avaient fait du mal à personne. M. Lukic a répondu, "Oui, ce sont des
22 personnes bien, mais ils vont néanmoins aller à Bajina Basta," ce qui
23 voulait dire qu'il allait tous nous précipiter dans le lac et que nous
24 terminerions tous à Bajina Basta.
25 Q. Où se trouve Bajina Basta ?
26 R. Bajina Basta est un peu plus bas que Visegrad. Il y a également une
27 usine d'hydroélectricité sur la rivière de la Drina à une quarantaine de
28 kilomètres de Visegrad.
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1 Q. Est-ce que c'est au bout de cette rivière ?
2 R. Non. C'est l'endroit où l'on a construit un barrage hydroélectrique sur
3 la rivière de la Drina, ce qui a créé un lac artificiel à Bajina Basta, et
4 où les cadavres terminaient leur course.
5 Q. Est-ce que vous savez où est M. Pecikoza aujourd'hui ?
6 R. M. Pecikoza n'est plus en vie. Malheureusement, il a été tué le 19 juin
7 1992. Je ne sais pas qui l'a tué.
8 Mme SARTORIO: [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le
9 Président.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Maître Alarid.
11 M. ALARID : [interprétation] Monsieur le Président, nous levons la séance à
12 13 heures 45. Pour des raisons de continuité, Monsieur le Président, est-ce
13 que vous êtes d'accord pour que nous levions la séance maintenant et que
14 nous commencions demain parce qu'en cinq minutes on ne peut poser que
15 quelques questions.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Alors posez-les.
17 M. ALARID : [interprétation] Bien.
18 Contre-interrogatoire par M. Alarid :
19 Q. [interprétation] Monsieur 97, en 1992, quel âge
20 aviez-vous ?
21 R. J'avais 21 ans et demi.
22 Q. Vous avez dit dans le cadre de l'interrogatoire principal que vous
23 aviez trois ans de moins que Milan Lukic?
24 R. Oui.
25 Q. Lorsque vous étiez à l'école primaire, il était à l'école secondaire ?
26 R. Oui.
27 Q. Donc vous n'avez jamais joué avec lui en tant qu'enfant ?
28 R. Non.
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1 Q. N'est-il pas exact qu'en tant que jeune garçon, Milan Lukic avait des
2 amis musulmans ?
3 R. Il avait certainement des amis musulmans comme moi j'avais des amis
4 serbes parce que c'était un environnement mixte.
5 Q. Bien, dans votre déclaration de 2001, était-ce la première fois que
6 vous faisiez une déclaration officielle dans une enquête se rapportant à la
7 tragédie qui s'est déroulée en Bosnie ?
8 R. Oui, pour un tribunal international.
9 Q. Est-ce que cela veut dire que vous avez fait d'autres déclarations
10 avant cette date ?
11 R. Oui.
12 Q. A qui avez-vous fait des déclarations ?
13 R. Lorsque nous avons traversé la Drina et que nous sommes allés sur la
14 rive gauche en juin 1992. Il y avait d'autres personnes là qui nous ont
15 posé des questions pour savoir ce qui s'était passé et un enseignant du nom
16 Sabit Hota [phon] tenait une sorte de registre des événements et il a pris
17 note de notre déclaration.
18 Q. Vous avez fait des déclarations concernant lesdits crimes de Visegrad ?
19 R. J'ai fait des déclarations sur ce que j'avais vécu à Kosovo Polje
20 d'avril jusqu'au 19 juin 1992.
21 Q. Mais vous êtes resté dans la région jusqu'à la mi-juillet 1992 ?
22 R. J'ai passé une partie de ce temps dans le village de Hamzici jusqu'à la
23 mi-juillet 1992, car en raison des tirs importants d'obus, les maisons dans
24 lesquelles nous vivions avaient été sérieusement endommagées et nous étions
25 exposés aux tirs d'artillerie et de chars. Donc nous avons dû faire
26 retraite vers un autre village, Crni Vrh.
27 Q. Dans votre déclaration de 2001, vous aviez indiqué qu'auparavant vous
28 aviez vu Dragan Tomic dans une jeep près de la maison de Stanko Pecikoza.
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1 R. Oui.
2 Q. Vous avez indiqué dans votre déclaration que vous n'avez pas osé les
3 arrêter. Pourquoi ?
4 R. Ils étaient armés et ils allaient vers Homar où se trouvait le
5 commandement de la Défense territoriale de la communauté serbe. Je n'ai pas
6 osé les arrêter.
7 Q. N'est-il pas exact que Tomic était commandant de la police ?
8 R. Je n'en suis pas sûr, je ne sais pas très bien s'il était commandant,
9 mais je suis sûr qu'il occupait un poste important dans la hiérarchie de la
10 police.
11 Q. Est-ce que vous savez qui était Perisic, était-il le chef de la police
12 ?
13 R. Oui.
14 Q. Que saviez-vous du rôle de Perisic dans la communauté ?
15 R. Je connaissais M. Risto Perisic comme étant le professeur qui m'avait
16 enseigné le serbo-croate à l'école secondaire. A l'époque, lorsque j'allais
17 à l'école, il était actif dans le club de volley-ball qui était un club du
18 nom de Drina. Il a joué un rôle important dans l'organisation du SDS
19 la mise en place de la municipalité serbe de Visegrad.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, nous devons nous
21 arrêter maintenant. Nous reprendrons demain matin.
22 M. ALARID : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le mercredi 27 août
24 2008, à 8 heures 50.
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