Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 24 juin 2002.)

2 (Audience sur requête de la défense.)

3 (L'audience est ouverte à 11 heures 30.

4 (Audience publique.)

5 M. le Président (interprétation): Je demande à la Greffière d'audience de

6 citer l'affaire.

7 Mme Ameerali (interprétation): Bonjour. Il s'agit de l'affaire n°IT-99-37-

8 PT, le Procureur contre Nikola Sainovic et Dragoljub Ojdanic.

9 M. le Président (interprétation): Je demande aux parties de se présenter.

10 M. Nice (interprétation): Du côté de l'accusation, je me présente: M.

11 Nice, ainsi que mon collègue M. Milbert Shin, qui traitera du fond de la

12 demande de libération provisoire. Je suis également accompagné de Mme

13 Romano.

14 M. le Président (interprétation): La défense?

15 M. Fila (interprétation): Je m'appelle Toma Fila; je suis avocat de

16 Belgrade. Je représente la défense de M. Sainovic, avec Me Jovanovic,

17 avocat de Belgrade également.

18 M. le Président (interprétation): Oui, vous avez la parole.

19 M. Visnjic (interprétation): Monsieur le Président, pour la défense de M.

20 Ojdanic, je me présente: Me Tomislav Visnjic, accompagné de mes collègues

21 Peter Robinson et Vojislav Selezan.

22 M. le Président (interprétation): Je crois que nous avons des

23 représentants du Gouvernement. Pouvez-vous vous présenter?

24 M. Sarkic (interprétation): Monsieur le Président, je suis représentant du

25 Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie et je suis ministre

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1 de la Justice adjoint au niveau fédéral. Je m'appelle Nebojsa Sarkic.

2 M. Garic (interprétation): Monsieur le Président, je m'appelle Slavoljub

3 Garic; je suis représentant de l'ambassade yougoslave aux Pays-Bas.

4 M. le Président (interprétation): Merci d'être tous présents dans ce

5 prétoire, alors que l'audience avait initialement été prévue pour cet

6 après-midi; il y a eu un changement. Je vous remercie donc tous d'avoir pu

7 modifier vos ordres du jour.

8 Nous sommes ici pour traiter d'une demande de remise en liberté provisoire

9 des deux accusés. Nous avons une heure à notre disposition pour entendre

10 les arguments des uns et des autres ce matin.

11 J'ajouterai que la Chambre de première instance a reçu les requêtes

12 écrites; il n'est donc nullement nécessaire de revenir sur les écritures.

13 Nous demandons aux parties d'être brèves.

14 Je crois que c'est à vous, Maître Fila, pour commencer.

15 M. Fila (interprétation): Monsieur le Président, comme vous venez de le

16 conclure très sagement, je ne répéterai pas ce qui est contenu dans nos

17 écritures. Je me contenterai de faire état de certains éléments qui, à mon

18 avis, sont essentiels et je le ferai brièvement.

19 Dans notre système juridique, et pour autant que je le sache, dans un

20 certain nombre d'autres systèmes juridiques, l'emprisonnement n'est pas

21 une sanction. Chez nous, il s'agit d'une mesure exceptionnelle qui sert à

22 s'assurer de la présence de l'accusé au procès. Je parle de

23 l'emprisonnement provisoire. Et l'accusé n'étant prisonnier dans ces

24 conditions que lorsque les juges du tribunal ont la conviction que

25 l'accusé risque de ne pas se présenter au procès.

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1 Dans le cas présent, vous savez que vous avez la garantie de la République

2 de Serbie et de la République yougoslave qui, toutes deux, vous affirment

3 et vous garantissent que les accusés se présenteront au procès. C'est un

4 argument qu'il est impossible de contrer, car je ne comprends pas du tout

5 pourquoi quelqu'un devrait rester en prison, attendre son jugement un an

6 peut-être, attendre d'abord que M. Milutinovic soit entendu, alors que

7 nous pouvons agir de façon bien plus élégante et que le procès serait de

8 bien meilleure qualité et beaucoup plus équitable si l'accusé était à

9 Belgrade.

10 J'ajouterai encore une chose. On s'efforce sans cesse de minimiser

11 l'importance de la coopération avec le Tribunal. J'accepte que l'on

12 critique le nouveau gouvernement pour n'avoir pas agi de la sorte

13 précédemment, ce qui aurait créé de meilleures conditions. Mais il faut

14 que la Chambre comprenne que la loi relative à la coopération est une loi

15 qui a été votée et qui nous permet également d'avoir accès aux documents,

16 ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Nous avons maintenant accès aux

17 archives de la Yougoslavie, alors que, par le passé, seul le Procureur

18 pouvait accéder aux documents de ces archives.

19 Nous pouvons donc désormais disposer d'un certain nombre de documents

20 tirés des archives de la Yougoslavie et qui nous permettent de travailler

21 avec nos clients. Il nous serait beaucoup plus facile de travailler de la

22 sorte dans notre cabinet à Belgrade plutôt qu'ici, à la prison, où les

23 conditions matérielles, comme vous le savez, sont assez insuffisantes.

24 L'accusé Sainovic, par sa venue ici, a reconnu la compétence de ce

25 Tribunal ainsi que le droit appliqué par ce Tribunal, et il attend le

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1 moment de son jugement pour dire ce qu'il pense et quel est le rôle joué

2 par lui dans les événements jugés par cette Chambre; par mon intermédiaire

3 d'ailleurs, il va exprimer son regret personnel eu égard à toutes les

4 victimes de ce conflit, indépendamment de la nationalité de ces victimes.

5 De sorte qu'à Belgrade, nous, conseils de la défense, avons conclu qu'il

6 est impossible pour nous de travailler dans les conditions d'un procès

7 équitable, compte tenu du fait que nous pouvions voir aucun document par

8 le passé, qu'ils étaient tous conservés sous le sceau du secret dans un

9 certain nombre d'institutions. Tout ceci est désormais révolu et nous

10 pensons que l'équité du procès sera mieux respectée si nous pouvions

11 travailler à Belgrade.

12 Si l'attente du procès doit durer y compris un an, vous savez bien que je

13 suis au Tribunal depuis pas mal de temps, cela permettrait d'encourager un

14 certain nombre de personnes à se présenter ici. J'ai même parlé de cela et

15 je l'ai écrit dans un des ouvrages dont je suis l'auteur et que je crois

16 que vous connaissez. Il faut absolument pour nous encourager les personnes

17 présentes sur le territoire fédérale yougoslave à venir ici.

18 Et encore un point: le fait que Sainovic soit venu, parce que, dans le cas

19 contraire, il aurait été arrêté n'est pas exact. Il est venu dans le

20 respect du droit. Un certain nombre de personnes auraient dû déjà être

21 arrêtées depuis pas mal de temps. Certains se trouvent en Serbie, d'autres

22 en Bosnie ou ailleurs. Ces arrestations auraient dû avoir lieu depuis

23 1993; ces personnes ne sont toujours pas venues. Il a également dit qu'il

24 était prison, ce qui n'est pas exact. Cela fait plus d'un mois déjà qu'il

25 subit des soins médicaux; personne ne se sent bien dans une prison, dans

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1 quelque pays que ce soit. Si tel devait être le cas, ce serait la première

2 fois que j'entendrais une chose de ce genre.

3 Par conséquent, la coopération de mon client avec ce Tribunal n'est pas le

4 résultat de l'exercice d'une contrainte quelconque, mais simplement le

5 fait que c'est une des conditions pour l'équité du procès, à savoir pour

6 l'équité de la préparation de ce procès parce que j'aurai désormais, comme

7 je l'ai déjà dit, accès aux documents; je n'aurai pas besoin simplement

8 d'attendre et de recevoir les documents du Procureur, comme cela a été le

9 cas dans tous les autres documents. Chaque fois que j'ai travaillé dans

10 une affaire jugée par ce Tribunal, je recevais les documents du Procureur;

11 il n'y avait pas d'autre possibilité, hormis peut-être d'en recevoir de

12 certains témoins.

13 Donc j'admets toutes les critiques qui peuvent être émises de la part de

14 la Chambre, mais, croyez-moi -et je suis certain que vous allez y accorder

15 la plus grande importance-, il est nécessaire de remettre en liberté M.

16 Sainovic, car ceci constituerait un énorme pas en avant, aussi bien dans

17 l'affirmation de la compétence du Tribunal que dans la possibilité pour

18 nous de procéder à un travail équitable.

19 Prenons un exemple très terre à terre: la traduction et l'interprétation.

20 Nous avons sans arrêt des problèmes avec la traduction et

21 l'interprétation. Dans l'affaire à laquelle vous participez déjà, Monsieur

22 le Président, vous avez engagé des personnes à Novi Sad pour traduire.

23 Alors que, dans le cas présent, nous aurions la possibilité de nous

24 préparer de façon tout à fait acceptable, y compris au niveau des

25 traductions, sans aucune nervosité. Et lorsque Mme Del Ponte dira qu'elle

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1 est prête, nous pourrons commencer dans les meilleures conditions qui

2 soient. Par le passé, nous devions sans arrêt courir à gauche et à droite

3 chercher un document ici ou là, il y avait des retards qui s'accumulaient,

4 et ceci nuisait à l'équité du procès.

5 Donc j'insiste sur l'efficacité du procès, la réduction des coûts. Car

6 chaque fois que nous venons ici, certains coûts sont dus qui

7 disparaîtraient. Donc rien ne justifie vraiment que mes clients restent

8 ici, à moins que vous ne souhaitiez les punir. Or, comme je l'ai dit,

9 l'emprisonnement provisoire avant procès n'est pas une sanction.

10 Voilà ce que j'avais à vous dire.

11 M. le Président (interprétation): Oui, Maître. Vous avez la parole.

12 M. P. Robinson (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

13 les Juges. Je m'appelle Peter Robinson. Je viens de Californie, aux Etats-

14 Unis. Et je prie les interprètes de m'excuser à l'avance, car j'ai

15 tendance à parler vite surtout lorsque je suis nerveux.

16 Et je suis un peu nerveux ce matin, debout devant vous, car la requête que

17 nous présentons est extraordinairement importante aux yeux de M. Ojdanic,

18 de sa famille et de sa défense.

19 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, les critères émanant de

20 l'Article 55B) du Règlement de procédure et de preuve sont tout à fait

21 clairs. La question qui se pose est de savoir si l'accusé peut attendre

22 son procès hors de la prison ou s'il pose un danger pour lui-même ou pour

23 d'autres. Et je crois que répondre à cette question théorique est très

24 simple: s'il devait fuir, pourquoi s'est-il donc rendu de son plein gré?

25 il se serait déjà enfui s'il avait voulu le faire.

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1 Cela fait trois ans qu'il est au courant de l'existence de l'Acte

2 d'accusation dressé à son encontre, et, pendant ces trois années, il n'y a

3 pas eu le moindre geste négatif à l'égard d'une quelconque victime de sa

4 part ou à l'égard d'un quelconque témoin potentiel.

5 Monsieur le Président, j'aimerais que l'on place sur le rétroprojecteur le

6 premier document dont je vais traiter brièvement, qui indique quelles sont

7 les considérations à prendre en compte par la Chambre de première instance

8 lors de l'examen de notre requête.

9 Merci beaucoup, Monsieur l'Huissier.

10 (Intervention de l'huissier.)

11 Voyez-vous, Monsieur le Président, le processus que nous vous soumettons

12 est un processus de mise en équilibre d'un certain nombre d'éléments qu'il

13 convient de peser. Du côté de M. Ojdanic, il y a en sa faveur le fait

14 qu'il s'est rendu et puis le fait qu'il était un dirigeant parmi les

15 personnes qui se sont rendues dès l'adoption de la loi de coopération avec

16 le Tribunal par la République yougoslave.

17 Nous avons la garantie accordée par la République fédérale yougoslave et

18 je demande aux Procureurs ou aux Juges de poser toutes les questions

19 qu'ils souhaitent poser au représentant du ministère de la Justice qui est

20 présent, de façon à ce qu'il n'y ait pas le moindre doute quant à la

21 clarté de cette garantie.

22 Si M. Ojdanic devait violer l'une quelconque des conditions à la base de

23 sa mise en liberté, il serait emprisonné. Vous disposez donc de cette

24 garantie. Il n'y a aucune question quant à la coopération active de la

25 République fédérale yougoslave avec le Tribunal. Et je demande que toutes

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1 les questions relatives à cela soient discutées ici aujourd'hui.

2 Il ne fait pas non plus l'ombre d'un doute que les garanties de la

3 République de Serbie peuvent être traitées avec une certaine attention

4 car, par le passé, cette République n'avait pas coopéré avec le Tribunal.

5 Mais depuis, une loi de coopération a été votée, y compris par la Serbie,

6 et je crois qu'aujourd'hui la garantie offerte par la République de Serbie

7 doit être appréciée à sa juste valeur par la Chambre. Y compris le

8 Gouvernement des Etats-Unis estime que les garanties fournies par la

9 République fédérale yougoslave ont été suffisantes pour justifier un

10 certain financement accordé au pays. Donc je pense que vous comprenez

11 quelle est l'importance des garanties que la Chambre a à sa disposition.

12 Mais vous n'avez uniquement la garantie de la Yougoslavie. Vous avez

13 également celle de la Serbie. Ceci a été considéré comme suffisant pour la

14 libération du général Strugar, de Mme Plavsic et de l'amiral Jokic dans

15 d'autres affaires.

16 Et puis un autre élément important: c'est que vous disposez de la garantie

17 personnelle du général Ojdanic, qui est un militaire depuis plus de 40

18 ans; c'est un homme de parole, c'est un homme qui a le sens du devoir et

19 qui respecte le droit. Il est déterminé à venir ici pour blanchir son nom

20 et il vous a donné sa parole de comparaître dès qu'il sera invité à le

21 faire. C'est un homme qui, lorsqu'il donne sa parole, la respecte et je

22 crois que la Chambre devrait accorder un très grand poids à cette garantie

23 personnelle.

24 Mais nous devons également tenir compte du fait que le caractère de cet

25 homme, connu depuis plus de 20 ans par un grand nombre de personnes, en

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1 tout cas par les généraux de diverses armées, est un caractère qui permet

2 de croire en sa parole et de croire qu'il se soumettra aux conditions de

3 sa remise en liberté.

4 Enfin, le dernier élément qui milite en faveur d'une libération provisoire

5 est la longueur de la détention. Ceci ne fait pas l'ombre d'un doute, le

6 procès ne commencera que dans un temps qui risque d'être assez long: un

7 grand nombre de documents sont impliqués; il faut accéder aux archives et

8 il faut tenir compte du calendrier de cette Chambre de première instance.

9 Donc si, avant le procès, la détention devait être très longue, c'est un

10 point à prendre en compte également.

11 M. Robinson (interprétation): Est-ce que vous pouvez estimer la longueur

12 de la détention provisoire que vous considérez comme suffisante pour

13 travailler dans de bonnes conditions?

14 M. P. Robinson (interprétation): Je crois, Monsieur le Juge, que la

15 situation sera comparable à celle du procès Plavsic et du procès

16 Krajisnik, en termes de volume de documents et de problèmes de traduction;

17 nous avons accès à de nombreux éléments, grâce à la coopération de la

18 Yougoslavie qui vient de commencer, nous avons accès aux archives. Mais ça

19 sera un processus tout de même assez long. Et je crois que deux ans est un

20 délai raisonnable.

21 M. Robinson (interprétation): Merci. Nous en entendrons davantage de la

22 part de l'accusation sur ce point.

23 M. P. Robinson (interprétation): S'agissant de ce qu'a dit le Procureur,

24 celui-ci a dit que le général Ojdanic ne s'était pas rendu dans de bonnes

25 conditions et qu'en conséquence, ceci devrait être retenu contre lui. Il a

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1 demandé une enquête sur le comportement de l'accusé, il a écrit des

2 lettres. L'accusé a dit qu'il était prêt à tout moment à voir son

3 comportement jugé par la Chambre. Il espère que les tribunaux nationaux ne

4 lui nuiront pas. Il a obéi aux instructions de son gouvernement, à tout

5 moment; il a appliqué la politique et les directives de son gouvernement

6 qui ont changé grâce à l'amendement de la Constitution qui, désormais,

7 autorise l'extradition des citoyens yougoslaves dans le cadre de la

8 coopération. Et dès lors que cette loi a été votée, il s'est rendu au

9 Tribunal afin de permettre un examen attentif de son action au Kosovo.

10 J'ajouterai qu'il a attendu l'Acte d'accusation dressé par le Bureau du

11 Procureur. Il a discuté avec le département d'Etat des Etats-Unis et

12 l'ambassadeur américain de la possibilité d'une mise en accusation dans

13 son pays. Donc, à tout moment, il est prêt à répondre de ses actes sans le

14 moindre risque d'évasion.

15 Le Procureur indique également que le Président Milutinovic n'a pas été

16 appréhendé et que, par conséquent, les garanties de la République fédérale

17 de Yougoslavie ne sont pas suffisantes. Cet argument a été présenté dans

18 le procès intenté contre le général Ademi, une fois que la République de

19 Croatie a proposé ses garanties. Mais ces garanties ont finalement été

20 considérées comme suffisantes et elles ont été acceptées par la Chambre de

21 première instance.

22 Nous avons ajouté, en annexe 4 de nos documents, des arguments présentés

23 par le Président de Serbie et par le Premier ministre de Serbie, ainsi que

24 par la République fédérale qui indique que le Président Milutinovic est

25 prêt à se rendre ou à être arrêté à la fin de son mandat. Ceci devrait

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1 satisfaire le Gouvernement américain et ne devrait en aucun cas nuire au

2 jugement de cette Chambre à l'égard du général Ojdanic.

3 Le Procureur indique finalement que les enquêtes se poursuivent et que le

4 général Ojdanic ne devrait pas être remis en liberté, car des enquêtes

5 sont encore en cours en Bosnie pour ces actes de 1992. Ce fait ne doit

6 pas, à notre avis, être considéré comme plus important que le comportement

7 du général Ojdanic qui a toujours été absolument correct, qui n'a rien

8 fait pour faire obstruction à quelque enquête que ce soit et qui a exprimé

9 l'espoir de coopérer avec le Procureur, notamment s'agissant de l'accès

10 aux archives et de la communication réciproque de pièces, en application

11 de l'Article 67C) du Règlement.

12 J'aimerais maintenant demander à M. l'Huissier de placer sur le

13 rétroprojecteur le deuxième document dont je m'apprête à traiter.

14 Monsieur le Président, il est question ici des précédents de ce Tribunal.

15 Les précédents en matière de libération provisoire sont bien connus: 15

16 décisions ont été prises après la modification du Règlement. Depuis 1999,

17 12 ont été remis en liberté, 3 personnes ont été retenues en prison et le

18 dénominateur commun, c'est que les 12 personnes libérées qui figurent sur

19 la gauche de ce document se sont volontairement, alors que les trois

20 personnes dont les noms figurent à droite, qui sont restées en prison, ne

21 se sont pas rendues volontairement.

22 Je crois donc que l'on voit clairement dans quelle catégorie on trouve le

23 général Ojdanic.

24 M. le Président (interprétation): Bien sûr, on ne peut pas agir

25 mathématiquement. Chaque cas dépend des circonstances particulières qui le

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1 caractérisent.

2 M. P. Robinson (interprétation): Je comprends bien, Monsieur le Président,

3 mais j'espère que la Chambre va tenir compte des précédents pour voir

4 quelle est la jurisprudence et dans quelle partie de la jurisprudence se

5 trouve le général Ojdanic qui, à mon avis, appartient à la catégorie des

6 personnes dont les noms figurent à gauche. Toutes les personnes concernées

7 par l'affaire de Bosanski Samac se sont rendues volontairement. Madame

8 Plavsic, pour sa part, répond de charges de génocide qui sont plus

9 importantes que celles retenues contre le général Ojdanic. Le général

10 Halilovic et Hadzihasanovic occupaient des positions similaires à celle de

11 l'accusé dans leur gouvernement. L'amiral Jokic et le général Strugar ont

12 également des postes importants dans la République yougoslave; ils ont été

13 remis en liberté. Plus récemment, Dragan Jokic a été remis en liberté, une

14 fois que la Republika Srpska a fourni des garanties à la Chambre d'appel.

15 Je crois que la coopération du Gouvernement a été considérée comme

16 insuffisante, mais ce n'est pas le cas de la coopération du Gouvernement

17 de la République fédérale yougoslave.

18 Les trois personnes dont les noms figurent à droite, qui sont encore en

19 détention, ne se sont pas rendues volontairement et sont toutes accusées

20 de faits plus graves que ceux qui sont retenus contre le général Ojdanic.

21 Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'espère que tous ces

22 éléments vont vous aider notamment à tenir compte de la jurisprudence et à

23 tenir compte des éléments pour et contre la remise en liberté, une fois

24 que vous pourrez les peser à leur juste valeur.

25 Il y a un élément qui n'a pas été discuté et qui est très important dans

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1 l'affaire Ojdanic: c'est le fait que celui-ci soit innocent. Il n'a jamais

2 planifié, ordonné, commis les actes qui lui sont reprochés. Cette Chambre

3 a l'expérience unique d'avoir siégé pendant quatre mois avant d'aboutir à

4 la mise en accusation du général Ojdanic et je vous demande de tenir

5 compte des éléments de preuve qui montreraient ou ne montreraient pas que

6 le général Ojdanic a planifié, commandé, commis ou encouragé, ou aider de

7 quelconque manière les crimes de guerre ou les crimes contre l'humanité

8 qui sont reprochés. En fait, les éléments de preuve du Procureur laissent

9 entendre qu'il s'agit d'un problème de hiérarchie, de responsabilité de

10 commandement; or, dans le cas de cette hiérarchie, le général Ojdanic et

11 son prédécesseur, le général Perisic, étaient exclus à l'époque des faits.

12 M. le Président (interprétation): Cette Chambre de première instance a des

13 compétences importantes qui incluent celle de déclarer le général Ojdanic

14 non coupable à l'issue du procès, mais elle n'a pas le pouvoir de répondre

15 à cette question à l'avance tant que le procès n'aura pas commencé.

16 M. Robinson (interprétation): Nous ne pouvons pas traiter des faits à ce

17 stade. Tous les accusés demandent en général la remise en liberté avant le

18 procès et ils le font sous la présomption d'innocence, qui est justifiée

19 et qui s'applique bien sûr dans toutes les affaires. Mais nous ne pouvons

20 pas en traiter pour l'instant.

21 M. P. Robinson (interprétation): Je comprends cela, Monsieur le Président.

22 Je sais que la Chambre agira dans le respect de la justice et appliquera

23 le droit humanitaire international et qu'il n'y a rien de plus injuste, de

24 plus inhumain que d'emprisonner un homme innocent. Je crois que les

25 éléments en faveur du général Ojdanic sont décrits dans la requête et sont

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1 tout à fait convaincants. Je demande à la Chambre d'en tenir compte.

2 M. le Président (interprétation): Merci. Monsieur Sarkic, vous avez la

3 parole. Je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter à ce stade?

4 M. Sarkic (interprétation): Monsieur le Président, merci. Permettez-moi

5 d'abord, dans le grand respect que j'ai de ce Tribunal, de dire ce que

6 j'ai à dire en représentant le Gouvernement fédéral de la République

7 fédérale de Yougoslavie, ainsi que le ministère de la Justice de ce

8 Gouvernement et moi-même. Quelques phrases donc dans le sens de la

9 défense.

10 Je suis ici pour parler au nom du Gouvernement qui a fourni un certain

11 nombre de garanties et permettez-moi de dire que ces garanties fournies

12 par le Gouvernement fédéral yougoslave sont des garanties tout à fait

13 uniques. Elles s'ajoutent à celles de la République de Serbie parce que

14 les deux accusés sont citoyens de la République de Serbie. Elles reposent

15 sur le droit appliqué dans notre pays et ne peuvent pas être contestées ou

16 contredites. De ce point de vue, nous voulons agir conformément à ces

17 garanties, les respecter donc puisqu'elles sont le reflet du droit.

18 Je tiens à dire également que la coopération avec le Tribunal depuis

19 l'adoption de la loi votée dans notre pays, coopération principalement

20 avec le Bureau du Procureur, évolue dans le bon sens et que c'est le

21 résultat d'un souhait qui a déjà été exprimé par nous. Nous voulons que

22 les faits soient tous établis devant ce Tribunal.

23 Permettez-moi également quelques phrases brèves pour présenter un argument

24 juridique. La présomption d'innocence dans le système juridique yougoslave

25 est un des principes les plus importants. Nous en avons déjà entendu

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1 parler. La détention est une mesure de sécurisation de l'accusé et ne

2 s'applique que dans des cas où l'accusé risque de refuser de comparaître.

3 Vous avez, dans l'affaire qui nous intéresse, ma parole personnelle. J'ai

4 parlé avec les personnes dont les noms figurent sur la liste. Monsieur

5 Sainovic et M. Ojdanic, sans aucun doute, acceptent la coopération avec le

6 Tribunal et ils se sont rendus volontairement après le délai qui leur

7 avait été imposé par moi. Donc le caractère volontaire de leur venue ne

8 fait pas l'ombre d'un doute.

9 Je ne pense pas qu'il soit juste, dans ces deux cas particuliers, de nier

10 l'existence de la coopération avec le Bureau du Procureur. Par exemple, le

11 fait que l'arrestation de quelques personnes sur le territoire yougoslave

12 ait eu lieu n'a rien à voir avec la situation dont nous parlons ici.

13 Monsieur Sainovic et M. Ojdanic, indépendamment du fait qu'ils sont

14 coupables ou pas -car c'est à vous qu'il appartient d'en juger- ont occupé

15 des postes très importants dans leurs pays et n'ont jamais eu quelque

16 charge criminelle retenue contre eux. Par leur comportement personnel, ils

17 n'ont jamais de permis de douter de leur droiture; ce sont des hommes qui

18 ont des familles et une renommée importante sur le plan personnel

19 également.

20 Dans notre système, il existe un certain nombre, d'ailleurs important, de

21 mesures qui seront mises en oeuvre si vous faites droit à leur demande.

22 Ces mesures correspondent –peut-on dire- aux mesures d'un emprisonnement à

23 domicile: les personnes en question doivent se présenter régulièrement au

24 poste de police et si, par hasard, ces personnes ne se présentent pas ou

25 si un doute apparaît quant à leur volonté de se présenter, ceci est

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1 immédiatement communiqué au Tribunal international.

2 Monsieur le Président, nous avons beaucoup plus nécessité de coopérer avec

3 le Tribunal aujourd'hui que le Tribunal n'a nécessité de coopérer avec

4 nous. Ce besoin résulte des souffrances et des difficultés politiques qui

5 ont été imposées aux peuples serbe, monténégrin et yougoslave, de façon

6 générale, dans la dernière période. Et nous vous prions d'aider à

7 l'amélioration de cette situation, de façon à ce que les points de vue

8 nationalistes s'atténuent, de façon à ce que la haine entre les peuples

9 s'atténue. Cela ne peut se faire que par la confirmation de ceux qui sont

10 coupables, de leur responsabilité personnelle, s'ils sont coupables bien

11 entendu, mais les autres doivent être libérés.

12 Votre décision si elle va dans le sens que nous vous demandons,

13 encouragera également un certain nombre de personnes dont les noms

14 figurent sur la liste des personnes mises en accusation. J'ai discuté avec

15 certaines d'entre elles et elles ont exprimé, pas directement mais par

16 l'intermédiaire d'intermédiaires, leur volonté d'accepter votre décision

17 dans le cas où vous accepteriez cette remise en liberté.

18 Donc en tant que juge, en tant que juriste, j'ai la plus grande fierté de

19 parler ici aujourd'hui. Au nom du Gouvernement fédéral yougoslave, au nom

20 du ministère de la Justice, j'espère que vous ferez droit à la requête de

21 la défense, et au cas où vous le feriez, je peux vous assurer que nous ne

22 trahirons pas votre confiance, que nous respecterons toutes les conditions

23 imposées par le Tribunal et que nous pourrons continuer à nous regarder

24 les yeux dans les yeux aussi bien en tant que juriste qu'en tant que, pour

25 ma part, représentant d'un gouvernement.

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1 Je vous remercie.

2 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Monsieur Sarkic, et je

3 vous remercie d'être venu.

4 Oui, Madame la Procureure.

5 Mme Del Ponte: Oui, Monsieur le Président. Est-ce que je peux poser

6 quelques questions?

7 (Inaudible.)

8 Je vous disais, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que M. Sarkic

9 a demandé à me voir ce matin et nous nous sommes donc quittés juste

10 quelques minutes, 20 minutes avant que l'audience commence; j'aimerais

11 bien que M. Sakic rappelle ce qu'on a discuté ou ce qu'il m'a dit, parce

12 qu'il me semble que ça peut être d'intérêt pour la Cour.

13 Naturellement, je peux faire, moi, un résumé mais, comme M. Sarkic est là,

14 je pense que c'est à lui en fait de raconter ce qu'il m'a dit.

15 M. le Président (interprétation): Peut-être serait-il bon que vous

16 poursuiviez quelques instants pendant que M. Sarkic réfléchit à ce qu'il

17 va dire?

18 Mme Del Ponte: Je voulais vous dire, Monsieur le Président, Messieurs les

19 Juges, que la requête de mise en liberté provisoire présentée par les deux

20 accusés est prématurée. Ça fait à peu près un peu plus qu'un mois qu'ils

21 sont détenus, nous n'avons pas encore pu appliquer l'Article 63, c'est-à-

22 dire procéder à l'audition des accusés. Cet Article 63 est très important,

23 est très important lorsqu'il y a justement les accusés qui se rendent

24 volontairement, qui sont arrêtés ici après qu'ils se soient rendus

25 volontairement. Donc le fait qu'on n'ait pas pu procéder à cette audition

Page 424

1 est l'un des éléments qui nous imposent de demander le maintien de

2 l'arrestation des deux accusés.

3 Un mot sur la coopération. D'abord, la coopération volontaire des accusés.

4 On pourra l'examiner seulement quand nous aurons pu les interroger. Et

5 cela, j'avais un souvenir sur les autres accusés qui ont été mis en

6 liberté: tous ont été interrogés, tous ont répondu à nos questions. Donc

7 Mme Plavsic, l'accusé Plavsic, et les autres encore.

8 Donc la politique de l'office de la Procureure, c'est qu'une mise en

9 liberté est possible dès qu'il n'y a plus de raison d'enquête pour

10 maintenir la détention. Cela veut dire: à part le fait de se rendre

11 volontairement, le fait de répondre à toutes nos questions et

12 naturellement selon l'Article 65, le fait qu'il n'y ait pas de danger pour

13 les témoins et pour d'autres personnes.

14 Mais je veux dire aussi deux mots sur la coopération de la Fédération de

15 Yougoslavie.

16 M. Robinson (interprétation): Madame la Procureure, j'aimerais être sûr de

17 tout à fait bien comprendre ce que vous êtes en train de dire. Etes-vous

18 en train de dire que, si un accusé a droit à la détention provisoire en

19 fonction d'autres critères, il ne doit pas être mis en liberté simplement

20 parce que les dispositions de l'Article 63 n'ont pas été mises en œuvre?

21 Est-ce que bien ce que vous êtes en train de dire?

22 Mme Del Ponte: J'ai dit simplement quel était la politique de l'office du

23 Procureur, c'est-à-dire qu'on s'oppose à la liberté provisoire: pour

24 autant qu'on n'a pu appliquer l'Article 63, on a pas pu interroger

25 l'accusé. En effet, dans les autres cas, au moment de la requête de mise

Page 425

1 en liberté, nous n'avons pas fait opposition.

2 Nous estimons…

3 M. Robinson (interprétation): Je comprends ce que vous voulez dire.

4 Mme Del Ponte: Merci, Monsieur le Juge.

5 Deux mots sur la coopération de la Fédération de Yougoslavie et sur la

6 coopération du Gouvernement de Serbie.

7 Le représentant vient juste de le dire qu'il n'y avait pas la loi interne,

8 il n'y avait pratiquement aucune coopération. Le fait d'avoir appliqué

9 cette loi a permis de commencer une coopération; je prends acte avec

10 surprise que les défenseurs ont accès aux archives. Je dois vous dire que,

11 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'Office du Procureur n'a pas

12 accès aux archives. Nous n'avons pas encore pu trouver une solution afin

13 d'avoir accès aux archives, à la documentation des archives.

14 Cela pour vous dire que nous avons encore énormément, je dis énormément,

15 40, 50 requêtes de documentations et d'autres actes de collaboration qui

16 sont toujours en suspens auprès du conseil de coopération.

17 Il est naturellement inévitable de parler de la non-arrestation de

18 Milutinovic et, si je me réfère à ce que vient de dire Me Robinson, en

19 faisant le parallèle avec le cas Gotovina, alors qu'il y a une grande

20 différence encore sur le fait que Gotovina, on ne sait pas où il est. Le

21 Gouvernement de Croatie s'est appliqué et il s'applique toujours pour le

22 localiser et pour l'arrêter. Tandis que l'accusé Milutinovic, qui est dans

23 le même Acte d'accusation avec les deux accusés, on sait exactement où il

24 se trouve.

25 J'apprends que le fait de se rendre volontairement, c'est parce qu'il y a

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1 eu la loi mais aussi parce qu'ils ont reçu des instructions du

2 Gouvernement. Ici, je cite, Monsieur le Président, je cite le représentant

3 qui a dit "instruction du Gouvernement".

4 Cela, naturellement, me fait penser au fait que cette reddition volontaire

5 n'est pas aussi volontaire ou personnelle ou individuelle. En effet, ce

6 matin le représentant du Gouvernement m'a dit qu'il était là pour demander

7 la mise en liberté des deux accusés. Le fait qu'il agisse sur instruction,

8 c'est naturellement un des éléments qui prouvent cela.

9 Le fait que le Gouvernement des Etats-Unis ne s'oppose pas -je dois vous

10 dire tout d'abord que le Gouvernement des Etats-Unis ici n'a rien à dire,

11 c'est une procédure pénale, individuelle-, mais si déjà on veut évoquer

12 les considérations du Gouvernements des Etats-Unis, il faudra dire que,

13 dans la dernière semaine, ils ont changé les déclarations et ils sont

14 prêts parce qu'ils sont informés par nous de la non "full coopération"

15 avec nous et ils ont déjà changé leur déclaration, mais ce n'est pas ça

16 qu'on veut discuter ici.

17 Je veux simplement confirmer que nous nous opposons à cette mise en

18 liberté aussi pour un élément d'égalité de traitement avec tous les autres

19 accusés qui sont détenus actuellement dans notre Unité de détention, dans

20 le sens que l'arrestation est la règle, même si l'on sait très bien que

21 l'Article a été amendé, révisé. Mais l'arrestation est la règle. Les deux

22 accusés ont attendu trois ans pour se rendre sur instruction du

23 Gouvernement.

24 Nous interrogeons les accusés. Nous poursuivons le travail de préparation

25 du procès et, selon notre politique, nous ne nous opposons pas à la mise

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1 en liberté quand aucune nécessité d'enquête est encore présente. Et cela

2 surtout sur le fait que les procès ne peuvent pas se tenir en temps utile.

3 Mais ça, c'est notre politique. Et ça, ce n'est pas le cas maintenant, on

4 n'a pas pu les interroger. Ça fait à peu près plus d'un mois qu'ils sont

5 en détention. Laissez-nous, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le

6 temps nécessaire pour faire notre travail.

7 Je laisse, si vous m'y autorisez, la parole à un de mes collègues pour

8 quelques éléments encore. Merci, Monsieur le Président.

9 M. Kwon (interprétation): Pendant que M. Shin vient de se lever, je

10 voudrais lui demander: en ce qui concerne la procédure de l'Article 63,

11 combien de temps pensez-vous qu'il faudra pour compléter, achever cette

12 procédure? Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à cette question en ce

13 moment.

14 Mme Del Ponte: Je m'excuse mais c'est difficile de dire. Mais si l'on

15 regarde l'exemple de l'accusé Plavsic, on a eu besoin de six mois. Vous

16 savez, ce ne sont pas des enquêtes saines, ce sont des enquêtes avec

17 beaucoup d'auditions. On estime et on demande que le défenseur soit

18 présent chaque fois. Alors, parfois, on doit arranger les auditions avec

19 les requêtes du défenseur. Donc cela prend certainement quelque mois. Mais

20 je ne peux pas être plus précise, à savoir combien de temps.

21 M. Robinson (interprétation): Puisque vous êtes maintenant debout, est-ce

22 que cette procédure pourrait avoir lieu par exemple pendant qu'ils

23 seraient remis en liberté. Pourquoi ne serait-il pas possible de mener à

24 bien cette procédure pendant qu'ils seraient en liberté provisoire?

25 Mme Del Ponte: Monsieur le Juge, tout est possible dans la procédure,

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1 n'est-ce pas. Mais vous devez penser que, quand nous, nous interrogeons

2 les accusés, nous dévoilons nos preuves. S'ils se trouvent en liberté, il

3 y a toute possibilité de confronter les informations et les preuves que

4 nous dévoilons aux accusés pour les interroger, pour naturellement un

5 danger de collusion énorme. Alors, comme vous le savez, dans les systèmes

6 nationaux c'est bien pour cela que la détention préventive; c'est afin

7 qu'on n'ait pas la possibilité de se consulter avec des tiers, avec des

8 témoins, qu'on puisse défaire ce que nous avons fait. Dans le sens que,

9 naturellement en liberté, toute possibilité est donnée pour empêcher, pour

10 mettre un obstacle à notre enquête. Et c'est pour cela que la détention

11 préventive existe. Parce que c'est ça le noyau de la détention préventive:

12 la présomption d'innocence, mais le noyau de la détention préventive,

13 c'est d'assurer que l'enquête puisse se faire sans interférence de dehors,

14 sans penser naturellement à des menaces. Parce que, vous savez, surtout

15 dans ces enquêtes, surtout dans ces procès, on a un gros, gros problème.

16 M. Robinson (interprétation): Est-ce que je peux vous demander si ces

17 questions sont posées pendant que l'accusé est détenu? Et sur la base de

18 votre hypothèse, vous n'êtes pas en mesure de communiquer des informations

19 que vous leur avez données, s'ils coopèrent, et si, à la suite de cela,

20 ils sont mis en liberté provisoire, est-ce qu'il est tenu compte qu'il y a

21 de cet élément de coopération? En tenant compte de cet élément de

22 coopération, qu'est-ce qui empêcherait à ce moment-là, par la suite, de

23 révéler ces informations?

24 Mme Del Ponte: (Inaudible.)

25 … vos informations, ces informations après que j'ai une première prise de

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1 l'accusé. Parce que ce qu'il va me dire quand il est en détention, c'est

2 spontané et sans interférence aucune. Et cela, ça vaut quand même, ça vaut

3 quand même quelque chose. Donc, si je le fais quand il est en liberté

4 provisoire, qu'il peut se préparer, ça c'est différent.

5 Vous savez, Monsieur le Juge, quand vous révélez les informations quand il

6 est détention, cela ça vaut quand même quelque chose.

7 Moi, j'ai besoin… Parce que je suis ici pour savoir la vérité, je ne suis

8 pas ici pour chercher des preuves à charge. Je veux savoir la vérité. Donc

9 mes questions aux accusés sont faites en toute indépendance et l'accusé,

10 spontanément et en toute indépendance, il nous répond pour ce dont il se

11 souvient ou pour ce dont il ne se souvient pas.

12 Mais c'est ça un moment clé de nos enquêtes. Et vous le savez, Monsieur le

13 Juge.

14 M. Robinson (interprétation): Monsieur Shin.

15 M. Shin (interprétation): Messieurs les Juges, deux remarques sur des

16 remarques évoquées par Me Robinson.

17 Premièrement, M. Robinson a fait remarquer que l'accusé Ojdanic vivait

18 ouvertement à Belgrade pendant cette période. L'accusation voudrait

19 simplement faire remarquer que ce que ceci révèle, c'est le fait que les

20 autorités de Yougoslavie à l'époque ne voulaient pas coopérer avec le

21 Tribunal en arrêtant des personnes qui avaient été accusées. Sinon, il

22 aurait été surprenant qu'il vive en toute liberté et qu'il ne se soit

23 rendu volontairement qu'à partir du moment où les autorités yougoslaves

24 ont envisagé d'arrêter les personnes qui avaient fait l'objet d'un acte

25 d'accusation.

Page 430

1 Sur le deuxième point, on a également fait remarquer que M. Ojdanic a

2 indiqué… assez récemment, il a été dit qu'il vaudrait mieux qu'il ait un

3 procès interne par un tribunal militaire. L'accusation voudrait faire

4 remarquer que, dans le procès Talic, il a été également été conclu, dans

5 le contexte de cette audience, que Talic avait déclaré avant la mise en

6 liberté provisoire ou à des arguments sur cette question, que justice ne

7 pouvait être faite dans son cas que devant un tribunal militaire, en ne

8 prévoyant même pas -excusez-moi-, mais en envisageant la possibilité qu'un

9 tribunal militaire international puisse le juger.

10 L'accusation note simplement que M. Ojdanic ne prévoit même pas la

11 possibilité de la justice internationale.

12 Je vous remercie.

13 M. le Président (interprétation): Nous pourrions avoir votre réponse -le

14 temps est un peu limité-, Maître Fila?

15 Ah! je vois que Madame la Procureure souhaite s'exprimer?

16 Mme Del Ponte: Oui, Monsieur le Président. Je m'excuse, mais je voudrais

17 résumer ce que m'a dit le représentant du Gouvernement ce matin. Parce que

18 j'estime que, s'il ne le dit pas, lui, je vais essayer de le résumer, moi.

19 J'estime qu'il est important que la Cour le sache.

20 M. le Président (interprétation): Oui.

21 Monsieur Sarkic, y a-t-il quelque chose que vous vouliez dire? Oui?

22 M. Sarkic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

23 j'aimerais, si vous me le permettez, répondre aux questions qui viennent

24 d'être évoquées par Mme la Procureure. Puis-je le faire?

25 M. le Président (interprétation): Oui.

Page 431

1 M. Sarkic (interprétation): Au départ, l'audience était prévue à 14 heures

2 15, comme vous le savez. Moi, j'ai pris l'avion ce matin, et hier, alors

3 que je ne connaissais la modification d'horaire, j'ai prévu de rencontrer

4 Mme Del Ponte et d'autres membres du Bureau du Procureur par un rendez-

5 vous pris avec des représentants de mon ministère. J'avais pour but de

6 faire état de l'état de la coopération avec le Tribunal de notre part, et

7 je lui ai demandé également de ne pas insister, de façon exagérée, sur les

8 raisons ou sur les arguments qu'elle a à présenter contre notre requête de

9 liberté provisoire. Car, si la décision prise par la Chambre était

10 positive, ceci pourrait avoir un effet important sur le fait d'encourager

11 les intérêts nationaux dans mon pays, ainsi que d'accélérer la coopération

12 avec le Tribunal dans le futur.

13 Le Procureur affirme que la coopération n'est pas suffisante. Mais je peux

14 vous dire que plus de 50% des enquêtes qui ont été envoyées par le Bureau

15 du Procureur ont eu une issue positive, donc ont été acceptées.

16 J'ajouterai que pratiquement toutes les requêtes envoyées au ministère

17 fédéral de la Justice sont suivies d'effets, donc pas une seule de ces

18 demandes n'est laissée de côté.

19 Quant à M. Milutinovic, je crois vraiment que sa situation ne devrait pas

20 influer sur la présente situation, car on sait bien que la position du

21 gouvernement fédéral consiste à dire qu'à la fin de son mandat, c'est-à-

22 dire à l'automne de cette année, il sera déféré au Tribunal soit par

23 reddition personnelle de sa part, soit par une autre voie.

24 Encore un point: Mme la Procureure utilise des arguments de deux natures

25 différentes. Quand il s'agit du général Gotovina, elle déclare que les

Page 432

1 autorités ont pris un engagement à son égard et que Gotovina sera

2 recherché pour être diffusé au Tribunal. Alors que, lorsqu'il s'agit de

3 certaines personnes venant de la République fédérale de Yougoslavie, elle

4 dit que ces personnes sont sur le territoire de la République fédérale et

5 que nous avons fourni des garanties, mais que nous n'avons immédiatement

6 remis ces personnes au Tribunal. Donc je pense que, s'agissant aussi bien

7 du général Ojdanic que de M. Sainovic, ils ne se sont pas rendus parce

8 qu'ils étaient en danger d'arrestation chez eux, mais parce que les lois

9 relatives à la coopération avec le Tribunal pénal international ont

10 changé. Il ne s'agissait donc pas d'instructions directes, mais d'un

11 accord conclu s'agissant de l'application de cette loi. Merci.

12 M. le Président (interprétation): Bien. Je tiens à dire très clairement

13 qu'il n'y a pas eu de discussion entre le gouvernement et le Procureur,

14 ceci n'affectera pas la décision de la Chambre de première instance qui,

15 bien sûr, décide en toute indépendance.

16 Madame la Procureure, si vous avez quelque chose à ajouter, vous pouvez le

17 faire maintenant.

18 Mme Del Ponte: Oui, Monsieur le Président. Je voudrais simplement

19 confirmer ce qu'il vient de dire, en résumant, parce que le représentant a

20 parlé de manque d'enthousiasme de coopération avec nous s'il n'y aura pas

21 la mise en liberté provisoire des deux accusés.

22 Je voudrais naturellement simplement ajouter qu'il n'y a pas seulement

23 l'accès à la documentation. Je dois aussi ajouter qu'on a une coopération

24 totale lorsqu'il s'agit d'enquêtes sur le KLA. On a reçu 27.000 pages.

25 Mais là où l'on a les difficultés, c'est naturellement sur les enquêtes

Page 433

1 sur les suspects serbes. Mais ce qui sont absolument inacceptable, n'est-

2 ce pas, c'est que nous avons eu six "volontary surrenders", des gens qui

3 se sont rendus sur les instructions du gouvernement, donc poussés à se

4 rendre, mais nous n'avons pas une seule arrestation, si ce n'est une

5 concernant un "mid-level perpetrator", un accusé de moyenne importance que

6 nous avons depuis longtemps. Mais nous avons les militaires, les hauts

7 responsables militaires qui sont là; on sait où ils sont: le Pandurevic et

8 d'autres noms. Et nous avons le Mladic. Nous savons exactement -et tout le

9 monde ici le sait- et je l'ai dit aux représentants de la Yougoslavie, que

10 lui aussi le sait, que Mladic est en Serbie et tout le monde le sait.

11 Alors ces arrestations ne se font pas.

12 Monsieur le Président, nous devons terminer avec ces procès, nous devons

13 faire ces procès, mais qu'ils ne viennent pas nous dire qu'ils coopèrent

14 avec nous. Voilà, Monsieur le Président.

15 Ce n'est pas tellement pertinent avec la mise en liberté. Je suis

16 d'accord, mais il faut quand même qu'on puisse évaluer exactement quelles

17 sont ces déclarations de garantie que nous avons. Ce sont des garanties

18 politiques, ce sont des garanties où l'on fait quelque chose simplement

19 parce qu'on a un avantage politique; parce qu'en Serbie, c'est comme ça:

20 si l'on a un avantage politique, on fait, si on n'en a pas, on ne fait

21 pas. On en est à ce stade-là. Alors, la mis en liberté des deux accusés

22 est pour eux un acte politique; ils en ont besoin politiquement. Mais cela

23 n'a rien à voir avec ce qu'on est en train de discuter ici. Ici, on

24 discute de procédure, on discute d'un procès pénal qui puisse se faire,

25 qui puisse se conduire.

Page 434

1 Alors, Milutinovic doit être là parce qu'il doit subir un procès avec les

2 deux autres. Mais la mise en liberté n'est pas acceptable maintenant parce

3 que c'est prématuré. Il est possible que, si M. Ojdanic et Sainovic se

4 déclarent finalement disposés à être interrogés, on pourrait en discuter

5 avec les défenseurs.

6 Merci, Monsieur le Président.

7 M. Robinson (interprétation): Madame la Procureure, et je m'exprime ici en

8 mon nom propre sur ce problème du degré de coopération entre le Tribunal

9 et le Gouvernement. C'est quelque chose d'important, bien sûr. Le

10 représentant du Gouvernement a dit que son Gouvernement avait accédé à

11 plus de 50 % des demandes émanant de votre Bureau et que les autres

12 demandes étaient en cours d'examen.

13 Que répondez-vous à cela?

14 Mme Del Ponte (interprétation): Je n'ai pas cette information, Monsieur le

15 Juge. Parce que je m'occupe surtout des requêtes qui sont toujours

16 pendantes. Donc je l'ai appris ce matin par le représentant, mais je ne

17 peux pas vous répondre, Monsieur le Juge, parce que je n'ai pas fait ce

18 calcul.

19 Ce que je peux vous dire, c'est que toutes les requêtes qu'on a faites sur

20 l'enquête KLA -il y en a beaucoup parce que cette enquête devrait enfin

21 être terminée quant à ce qui concerne l'Acte d'accusation, parce que là

22 aussi, on a des crimes qui ont été commis, là aussi, nous recevons une

23 pleine coopération; là aussi, ils nous donnent tout et assez vite.

24 Maintenant, je ne peux pas savoir la statistique qu'évoque le représentant

25 de la défense.

Page 435

1 M. Robinson (interprétation): Moi, cela m'intéresse beaucoup. Parce qu'il

2 importe de considérer la coopération comme un tout et pas en examinant

3 uniquement des cas spécifiques qui n'ont pas été résolus. Je crois que la

4 coopération doit être considérée comme un tout. Pour déterminer s'il y a

5 ou s'il n'y a pas coopération, il faut se demander s'il y a effort sincère

6 de coopération.

7 Mme Del Ponte (interprétation): Oui, je suis très d'accord avec vous,

8 Monsieur le Juge, sauf que naturellement, comme je vous le disais, on a

9 coopération quand il s'agit de certains suspects de certaines ethnies et

10 on n'a pas de coopération quand il s'agit de suspects qui sont Serbes. Et

11 çà, il faut quand même l'évaluer, parce qu'on serait bien heureux d'avoir

12 une coopération totale sur toutes nos requêtes, sur toutes nos enquêtes.

13 Et puis on prêts à les écouter s'ils ont des problèmes parce que, parfois,

14 il y a des problèmes techniques, objectifs, etc. Ici, on voit très bien,

15 surtout quand il s'agit de militaires de Serbie, qu'il y a aucune

16 coopération. Alors, là, on ne peut pas non plus faire seulement une

17 statistique, même si la statistique est peut-être confirmée. Il faut quand

18 même voir quel genre de coopération, sinon on ne fait que confirmer cette

19 différence ethnique, n'est-ce pas. Alors, si les suspects sont Serbes ou

20 si les suspects sont Albanais ou si les suspects sont Bosniaques ou

21 Croates, il faut quand même que l'Etat de Yougoslavie coopère avec nous

22 sur toutes nos requêtes.

23 M. le Président (interprétation): Nous allons bientôt manquer de temps.

24 Madame la Procureure, je crois qu'il nous faudra revenir sur cette requête

25 particulière. Nous avons entendu vos arguments aujourd'hui et, à moins que

Page 436

1 vous ayez encore quelque chose à ajouter?

2 Mme Del Ponte (interprétation): Non, Monsieur le Président. C'est tout.

3 M. le Président (interprétation): Merci. Madame.

4 Monsieur Sarkic, je vois que vous souhaitez prendre la parole. Nous ne

5 pouvons pas nous permettre de transformer cette audience en un débat, mais

6 puisque certaines choses ont été dites au sujet de la coopération et que

7 mon collègue, M. le Juge Robinson, a posé des questions à ce sujet, je

8 vous accorde deux minutes, de façon à ce que nous puissions entendre

9 également la défense.

10 M. Sarkic (interprétation): Monsieur le Président, vous avez ma parole

11 quant au fait que, depuis l'adoption de la loi, plus de 50% des requêtes

12 ont été satisfaites et que, pour ce qui est des autres requêtes, il faudra

13 quelques semaines pour qu'elles le soient également. Elles sont en cours

14 de traitement.

15 Madame la Procureure a dit que l'une des exigences de sa part était

16 d'obtenir plus de 200 adresses. Donc ce n'est pas une question de mauvaise

17 volonté, mais c'est simplement une question de difficulté matérielle.

18 Quant à l'affirmation selon laquelle Mladic était en Yougoslavie ou que

19 d'autres le soient, c'est une information qui ne repose sur une aucune

20 preuve. S'il pouvait être prouvé, s'agissant de quelque personne que ce

21 soit, que cette personne se trouve sur tel ou tel territoire, elle serait

22 arrêtée à l'instant même. Donc je vous prie de prendre en compte le fait

23 que je suis représentant du Gouvernement, que je suis un homme d'honneur

24 et que je ne dirai pas une contrevérité devant ce Tribunal. Le

25 représentant du Bureau du Procureur à Belgrade est reçu deux à trois

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1 heures par jour, littéralement deux à trois heures par jour dans mon

2 bureau et, maintenant, j'entends Mme la Procureure dire qu'elle ne connaît

3 pas exactement le pourcentage de coopération entre mon Gouvernement et le

4 Tribunal; c'est assez étonnant.

5 Je vous remercie.

6 M. le Président (interprétation): Maître Fila?

7 M. Fila (interprétation): Très rapidement, Monsieur le Président.

8 S'agissant de la remarque faite au sujet de Mladic et de Karadzic,

9 vraiment, je ne comprends pas quel est le lien entre Nikola Sainovic et M.

10 Mladic, M. Karadzic et je ne sais qui d'autre. Nous parlons ici de la mise

11 en liberté provisoire d'un homme en particulier, nous ne discutons pas ici

12 du rapport entre la République de Yougoslavie et le Bureau du Procureur,

13 et de la façon dont le Bureau du Procureur souhaiterait que se mène cette

14 coopération.

15 Maintenant, s'agissant de l'Article 62 du Règlement, nous disons très

16 clairement que nous discuterons à Belgrade. Je ne vois pas pourquoi il

17 serait nécessaire de discuter ici, en prison. Les conditions, s'agissant

18 des témoins, sont les mêmes. Moi, je serai présent, que les auditions se

19 déroulent ici ou là-bas.

20 M. le Président (interprétation): Cela pourrait être différent. J'ai parlé

21 de cela comme d'une possibilité, mais, lorsque nous examinerons les choses

22 de plus près, il se peut que l'exigence que l'accusé soit disponible pour

23 des interrogatoires soit stipulée comme condition à la remise en liberté

24 provisoire. Au cas où ceci ne serait pas respecté, ce serait une violation

25 de notre ordonnance, bien entendu.

Page 438

1 M. Fila (interprétation): Vous avez sur ce point mon accord total.

2 Deuxièmement, voyons bien ce que signifie l'Article 63. Il doit être clair

3 que l'accusé s'engage, dans le cadre de l'Article 63, de dire la vérité et

4 pas de dire ce que Mme Del Ponte et les représentants du Bureau du

5 Procureur souhaitent entendre, parce que, dans ce cas, chaque fois qu'il

6 dirait quelque chose qui ne plaît pas au Bureau du Procureur, ce ne serait

7 pas la vérité. La vérité, c'est ce que mon client va dire au Tribunal, et

8 pas ce que veut entendre le représentant du Bureau du Procureur.

9 Et puis encore une chose, M. Sainovic s'est adressé au gouvernement par

10 écrit -je souligne par écrit- disant qu'il était prêt à se soumettre au

11 Tribunal. Et une fois cette lettre reçue, j'ai eu des pourparlers avec des

12 représentants du gouvernement pour savoir comment ils viendraient ici.

13 Donc l'argument du Procureur ne tient pas, il n'a pas été contraint à se

14 rendre, il s'est rendu. Il y a simplement un détail technique qui a été

15 mentionné à cet égard.

16 Et puis un très grand nombre de témoins avec lesquels j'ai voulu discuter.

17 Par exemple, le juge d'instruction Marinkovic qui était à Racak; vous êtes

18 au courant de tout cela. Quand j'ai commencé à parler avec elle,

19 l'enquêteur du Bureau du Procureur l'avait déjà rencontrée. Donc la

20 coopération se déroule partout sur le territoire yougoslave avec l'aide du

21 ministère de la Justice.

22 J'ai demandé au tribunal militaire un certain nombre de documents et on

23 m'a répondu que les documents que je demandais n'étaient plus là parce

24 qu'ils avaient déjà été transmis au Tribunal. Si le Président du

25 gouvernement Djindjic ne souhaite envoyer ici Milutinovic parce que son

Page 439

1 mandat expire en octobre, pourquoi est-ce que cela devrait avoir un effet

2 négatif sur Sainovic? Ça, je ne le comprends pas.

3 Et puis, encore une fois, je répète que, d'après le droit yougoslave,

4 d'après le droit d'un grand nombre de pays, y compris le droit de la

5 Suisse, la détention préventive n'est jamais une sanction. Car la

6 présomption d'innocence existe toujours: comment est-ce qu'on peut garder

7 en prison quelqu'un dont on n'a pas confirmé la culpabilité?

8 Et alors, que nous dit aujourd'hui Mme Del Ponte ici? Elle n'est pas

9 satisfaite du travail du Gouvernement yougoslave s'agissant de Mladic et

10 de Karadzic. Mais si cela doit avoir des conséquences, ces conséquences ne

11 doivent pas être subies par les personnes en question, mais par Sainovic,

12 parce que Mme Del Ponte déclare que, dans ces conditions, la coopération

13 ne se situe pas au niveau qu'elle souhaite. Je crois que ceci n'est ni

14 juste ni équitable.

15 Vous savez, vous avez cette histoire de la Bible: les moutons de la Bible

16 qui sont censés porter tous les péchés du monde. Nous sommes ici dans une

17 situation tout à fait similaire et moi, je ne comprends pas du tout que ce

18 soit le cas.

19 Lorsque ces personnes avaient un poste important, elles pouvaient peut-

20 être avoir une influence sur des témoins, mais aujourd'hui, alors qu'elles

21 seraient assignées à domicile, comment est-ce qu'elles pourraient avoir la

22 moindre influence sur des témoins puisque, devant leurs maisons, il y

23 aurait une voiture avec des policiers à l'intérieur?

24 Et les garanties, Monsieur le Président, je vous garantis qu'elles

25 fonctionnent. Vous avez des informations régulières de notre consulat au

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1 sujet de l'amiral Jokic, au sujet de Mme Plavsic. Il n'est pas vrai qu'ils

2 ont tous coopéré. Regardez ce qui s'est passé avec le général Strugar et

3 avec l'amiral Jokic. Le général Strugar doit coopérer avec une personne

4 que je connais qui se trouve à Podgorica. Jokic doit parler à quelqu'un

5 qui se trouve à Belgrade. Il n'est pas exact que toutes ces personnes ont

6 été interrogées par le Procureur dans le cadre de l'Article 63. Ce n'est

7 pas exact. Tous les Musulmans qui ont été remis en liberté, aucun d'entre

8 eux n'a été interrogé.

9 Donc j'aimerais avoir la liste de ceux qui ont été interrogés par le

10 Bureau du Procureur avant d'être remis en liberté provisoire. Ceci n'est

11 donc pas exact, toutes ces personnes n'ont pas été soumises aux

12 dispositions de l'Article 63.

13 Quant à moi, je vous garantis que, dès lors que des interrogatoires seront

14 nécessaires, ils auront lieu. Vous pouvez y compris en faire une condition

15 de la remise en liberté provisoire. Merci.

16 M. le Président (interprétation): Maître Robinson, cinq minutes.

17 M. P. Robinson (interprétation): Monsieur le Président, je crois que je

18 pourrais en terminer en deux minutes.

19 J'aimerais dire quelques mots de la coopération, de la part du

20 gouvernement d'une part, de la part de l'accusé d'autre part.

21 Indépendamment de cette discussion et de ce différent politique entre le

22 Tribunal et la République fédérale de Yougoslavie, vous avez les garanties

23 de la République de Serbie qui ont déjà été acceptées par trois Chambres

24 de première instance de ce Tribunal. Et la coopération n'a fait que

25 s'améliorer depuis ces décisions positives.

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1 La Chambre d'appel, très récemment, il y a à peine quelques mois, a décidé

2 que, y compris que les garanties de la Republika Srpska étaient

3 suffisantes pour la remise en liberté de Dragan Jokic. Et les garanties de

4 la Republika Srpska ne peuvent sûrement pas être mises au même niveau que

5 les garanties fournies par la République de Serbie et par la République

6 fédérale yougoslave. Donc vous avez des garanties gouvernementales qui

7 fonctionnent.

8 S'agissant de l'application de l'Article 63 du Règlement, je crois que la

9 Chambre comprend bien déjà que les interrogatoires peuvent avoir lieu dans

10 le cadre de la liberté provisoire. Le général Ojdanic n'a rien contre. Et,

11 dans les premières étapes de la présente affaire, mon client a vu des

12 comptes-rendus d'audience de l'affaire Milosevic et il a donné son accord

13 pour que ces comptes-rendus soient utilisés au cours de son procès sans

14 qu'il soit nécessaire de rappeler à la barre les témoins. C'est déjà un

15 effort.

16 S'agissant de la communication réciproque des pièces, mon client a

17 confirmé par écrit qu'il était d'accord, en application de l'Article 77 du

18 Règlement, que toutes les pièces nécessaires soient communiquées. Nous

19 avons envoyé une lettre de dix pages au Procureur, dans laquelle nous

20 détaillons les éléments matériels qui seront utilisés par la défense, de

21 façon à ce que le Bureau du Procureur puisse utiliser ces éléments dans le

22 cadre de la communication réciproque.

23 Le général Ojdanic est ici, pas parce qu'il a été contraint à venir, mais

24 parce que c'est un homme comme tout le monde, qui préférerait être jugé

25 par un tribunal de son pays, ce qui était possible dans le cadre de notre

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1 Règlement mais, compte tenu de la loi votée dans son pays, s'agissant du

2 transfert des accusés, c'est avec courage qu'il s'est rendu volontairement

3 au Tribunal international. Et le général Ojdanic a prouvé par ses actes

4 qui doivent être considérés comme plus importants que des mots quelle est

5 sa position et il a prouvé qu'il méritait la remise en liberté provisoire.

6 Je vous remercie.

7 M. le Président (interprétation): Merci. Nous allons examiner la requête

8 qui nous a été soumise et rendre notre décision par écrit en temps utile.

9 Nous suspendons maintenant jusqu'à l'audience suivante.

10 (L'audience est levée à 12 heures 44.)

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