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1 (Jeudi 1er mai 2003.)
2 (Audience sur requête de la défense de Milan Milutinovic.)
3 (Audience publique.)
4 (L'audience est ouverte à 14 heures 39, sous la présidence du Juge May.)
5 M. le Président (interprétation): Je demande à la Greffière d'audience de
6 citer le numéro de l'affaire.
7 Mme Ameerali (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Il s'agit
8 de l'Affaire IT-99-37-PT, le Procureur contre Milan Milutinovic.
9 M. le Président (interprétation): Je demande aux parties de se présenter.
10 Mme Romano (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle
11 Mme Romano. J'ai à mes côtés Mme Carla Del Ponte, M. Shin et Susan Grogan
12 est notre assistante pour cet après-midi. C'est M. Shin qui développera
13 les arguments cet après-midi.
14 M. le Président (interprétation): Du côté de la défense?
15 M. Livingston (interprétation): Pour l'accusé Milan Milutinovic, je
16 comparais; je m'appelle John Livingston et je comparais avec Me Radoje
17 Stefanovic. Il y a ici un autre conseil de Serbie; j'ai une requête qui
18 est afférente à sa présence.
19 Je ne sais pas si vous souhaitez entendre les arguments à huis clos
20 partiel ou en audience publique.
21 M. le Président (interprétation): Nous sommes en audience publique, n'est-
22 ce pas?
23 M. Livingston (interprétation): La situation est la suivante: M.
24 Milutinovic souhaite que M. Papic soit présent dans le prétoire.
25 Actuellement, il n'a pas été affecté à l'affaire. Normalement, il aurait
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1 le droit d'être présent dans le prétoire. Cependant, Monsieur le
2 Président, Messieurs les Juges, vous savez sans doute que, sur la base de
3 la lecture des documents, cela n'a pas été le cas jusqu'à présent. Mais, à
4 l'avenir, il est prévu qu'il puisse siéger. Donc nous demandons qu'il
5 puisse être présent dans le prétoire pendant le reste des débats de cet
6 après-midi pour écouter de ce qui sera dit.
7 M. le Président (interprétation): Nous faisons droit à cette demande mais,
8 étant donné que ce conseil n'a pas été affecté à l'affaire, il n'aura pas
9 droit à une quelconque rémunération pour l'audience d'aujourd'hui et
10 n'aura pas le droit de prendre la parole.
11 Monsieur Shin, vous avez la parole.
12 M. Caric (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président et Messieurs les
13 Juges. Je m'appelle Slavoljub Caric, je suis le conseil qui représente la
14 Serbie et le Monténégro, et j'apporterai des explications au sujet des
15 garanties proposées en rapport avec la mise en liberté provisoire de M.
16 Milan Milutinovic.
17 Une correction s'impose pour l'interprétation de l'anglais: je suis
18 conseil et non consul. Merci.
19 M. le Président (interprétation): Maître Livingston, c'est votre requête
20 donc vous avez la parole.
21 M. Livingston (interprétation): En effet, Monsieur le Président. Avant de
22 commencer, j'aimerais indiquer que même si le mot "confidentiel" figure
23 sur tous les documents qui seront examinés au cours de la présente
24 audience, à l'exception d'un seul, je serais tout à fait satisfait que les
25 débats se déroulent en audience publique. Mais il existe trois points
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1 particuliers sur lesquels j'aimerais être entendu à huis clos partiel,
2 nous aimerions donc que ces points ne soient pas évoqués en audience
3 publique.
4 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous vous demandons
5 simplement d'indiquer à quel moment vous souhaitez que nous passions à
6 huis clos partiel pour traiter de ces questions confidentielles, et la
7 Chambre acceptera sans aucun doute que nous passions à huis clos partiel.
8 M. Livingston (interprétation): Monsieur le Président, je pense que le
9 plus facile serait de traiter de ces questions immédiatement.
10 M. le Président (interprétation): Oui, passons à huis clos partiel.
11 (Huis clos partiel à 14 heures 45.)
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13 Pages 544-553 –expurgées– audience à huis clos partiel.
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1 (expurgé)
2 (Audience publique à 15 heures 10.)
3 Nous aurons une pause comme d'habitude à 16 heures pour que les
4 interprètes se reposent. Nous ne pouvons pas siéger au-delà de 17 heures,
5 car le temps nous est compté dans cette salle.
6 M. Livingston (interprétation): Je ne pense pas que je serai beaucoup plus
7 long. Je pense que je peux présenter mes arguments assez succinctement
8 sans toutefois réduire leur poids.
9 Monsieur le Président, pour commencer, je dirai que la requête aux fins
10 d'une mise en liberté provisoire se situe dans le cadre de l'Article 65 du
11 Règlement. Deux critères s'appliquent, et notamment celui qui est évoqué
12 au 65-B) qui stipule qu'une mise en liberté peut être ordonnée par une
13 Chambre de première instance uniquement après avoir donné au pays hôte et
14 au pays où l'accusé demande à être libéré la possibilité d'être entendu.
15 Et là, j'interromps ma lecture.
16 Aucun de ces deux pays n'a posé le moindre problème s'agissant de la mise
17 en liberté provisoire de cet accusé, mais dans la suite de l'Article 65-B)
18 -et c'est important pour la Chambre- nous lisons: "à condition que la
19 Chambre ait la certitude que l'accusé comparaîtra et, s'il est libéré,
20 qu'il ne mettra pas en danger une victime, un témoin ou toute autre
21 personne". (Fin de citation.)
22 S'agissant de la première de cette argumentation, à savoir la comparution
23 ou pas de l'accusé lors d'un procès, à mon avis, la question fondamentale
24 sur laquelle tout le reste repose, consiste à se demander si l'accusé
25 s'est rendu volontairement ou pas. Et je déclare que c'est un élément tout
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1 à fait important qui distingue cet accusé de ses autres co-accusés, parce
2 que la Chambre d'appel -comme la Chambre de première instance le sait très
3 certainement- a estimé que la reddition du général Ojdanic n'a pas été une
4 reddition volontaire, pas plus d'ailleurs, que celle de M. Sainovic.
5 Et dans mes écritures, la chose apparaîtrait très clairement. Vous avez
6 entre les mains les lettres du défunt M. Djindjic et de M. Svilanovic, ces
7 lettres sont présentées en annexe à la demande de mise en liberté
8 provisoire et avec le respect que je dois à la Chambre, je demanderai aux
9 Juges de me référer à ces deux lettres.
10 D'abord...
11 M. le Président (interprétation): Quel est le numéro de l'annexe?
12 M. Livingston (interprétation): Annexe 1. Je traite d'abord de la lettre
13 en date du 14 janvier dont l'auteur est M. Djindjic, 14 janvier 2003.
14 Paragraphe 2 de cette lettre: ce que dit le Dr Djindjic, c'est la chose
15 suivante -je cite-: "En qualité de Président de la Serbie, M. Milutinovic
16 a contribué à une transition démocratique dans l'ordre. Et pour cette
17 raison, il était important, dans l'intérêt de la stabilité démocratique,
18 qu'il serve son mandat de Président jusqu'au bout. M. Milutinovic est
19 également le premier Président de la Serbie qui a accepté sans difficulté
20 de renoncer à son mandat à l'expiration de celui-ci. Immédiatement après,
21 M. Milutinovic a été prêt à comparaître devant le Tribunal pénal
22 international. Pour toutes ces raisons, il convient de considérer que sa
23 comparution devant le Tribunal s'est faite en temps utile. Par ailleurs,
24 M. Milutinovic a coopéré pleinement avec le gouvernement fédéral et avec
25 le Gouvernement de la République de Serbie s'agissant de cette question de
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1 sa venue à La Haye." (Fin de citation.)
2 Les Juges de cette Chambre savent sans doute qu'il existe également
3 plusieurs lettres datées du 29 avril de cette année, dont l'une est signée
4 de la main de M. Zoran Zivkovic qui a succédé à M. Djindjic au poste de
5 Premier ministre de Serbie. Et l'autre émane de M. Svilanovic. J'aimerais
6 simplement vérifier que les Juges sont bien en possession de ces lettres.
7 M. le Président (interprétation): Est-ce que nous avons ces lettres? Je
8 pense qu'elles sont encore en voie de communication; mes collègues
9 semblent les avoir, mais pas moi.
10 Ah! Merci, on me remet une copie de ces lettres. Donc maintenant, nous les
11 avons tous.
12 M. Livingston (interprétation): Très bien. Je traiterai à présent de la
13 lettre de M. Zivkovic qui, lui aussi, dit une nouvelle fois que M.
14 Milutinovic s'est rendu volontairement au Tribunal pénal international. Et
15 il dit la chose suivante -je cite-: "J'aimerais vous informer et informer
16 les membres de la Chambre de première instance que la garantie fournie par
17 le Gouvernement de la République de Serbie, le 20 janvier 2003, continue à
18 être valable." (Fin de citation.)
19 Et on trouve le même point de vue dans les lettres de feu le Président du
20 Gouvernement, le Dr Zoran Djindjic, en date du 14 et du 20 janvier 2003,
21 dans les deux lettres envoyées par lui. Je reviendrai sur le dernier
22 paragraphe de l'une de ces lettres un peu plus tard.
23 Quant à la lettre de M. Svilanovic, elle ne revient pas sur ce qui était
24 écrit dans une lettre antérieure, mais M. Svilanovic confirme qu'y compris
25 après l'abolition de la Fédération, M. Svilanovic tient à vous informer
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1 que la garantie fournie par le Gouvernement de ce qui était à l'époque la
2 République fédérale de Yougoslavie, et pas encore la République de Serbie
3 et Monténégro, est toujours valable.
4 Enfin, ce qui est important, c'est que trois personnes disent que la
5 reddition de M. Milutinovic a bel et bien été volontaire. Et ceci
6 constitue, une nouvelle fois, une différence entre M. Milutinovic et ses
7 deux co-accusés, car il a par ailleurs répondu rapidement à l'adoption de
8 la loi sur la coopération avec le Tribunal, puisqu'il s'y est plié en deux
9 ou trois semaines.
10 La Chambre d'appel a estimé que ces hommes avaient le dos au mur, qu'ils
11 n'étaient plus en sécurité s'ils restaient en Serbie, qu'ils n'avaient
12 donc aucune alternative autre que celle de se rendre au Tribunal.
13 Mais M. Svilanovic et M. Djindjic déclarent que, s'agissant de l'accusé
14 que vous avez devant vous aujourd'hui, il appartient à une catégorie tout
15 à fait différente. Ils déclarent que, après la chute du Gouvernement
16 Milosevic en octobre 2000, il était tout à fait vital que M. Milutinovic
17 conserve ses fonctions afin de contribuer à la stabilité du pays. Monsieur
18 Milutinovic était responsable d'avoir convaincu M. Milosevic de se retirer
19 du pouvoir; il a convoqué de nouvelles élections rapidement et, de l'avis
20 des membres de la Chambre d'appel -je cite d'ailleurs le passage de la
21 lettre de M. Djindjic et celle de M. Zivkovic qui sont d'accord sur ce
22 point-: "Il était important pour le pays que M. Milutinovic travaille
23 jusqu'à la fin de son mandat de Président qui, bien sûr, expirait le 29
24 décembre de l'année dernière".
25 Donc la situation de M. Milutinovic est très différente de celle de ses
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1 deux co-accusés.
2 Et j'ajouterai immédiatement, car je souhaite éviter tout malentendu sur
3 la question, que je ne suis pas une minute en train de dire que ceci est
4 une réponse juridique à la question. Mais, comme le Juge Hunt l'a souligné
5 dans l'appel interjeté par Ojdanic et Sainovic, le problème de la liberté
6 provisoire ne relève pas uniquement des dispositions de l'Article 29 du
7 Statut.
8 Ce qui est important, c'est la situation de l'accusé en personne. Et, à
9 mon avis, rien n'indique que l'accusé que vous avez devant vous n'avait
10 pas l'intention de remplir le rôle important qui lui incombait jusqu'à la
11 fin de son mandat de Président au service de son pays. Et j'ajoute qu'une
12 fois son mandat arrivé à expiration, M. Milutinovic s'est présenté devant
13 ce Tribunal dans un délai tout à fait raisonnable; personne ne peut le
14 critiquer pour cela.
15 M. Robinson (interprétation): Le fait qu'il ait rempli son rôle au service
16 de son pays ne l'emporte pas sur sa réaction à la publication d'un Acte
17 d'accusation, n'est-ce pas?
18 M. Livingston (interprétation): Bien sûr. Mais je tiens à être très clair.
19 Si l'on examine la question sur un plan strictement juridique, on peut
20 penser qu'il aurait pu réagir en refusant de se rendre. Mais bien sûr, il
21 s'est rendu.
22 Physiquement, il lui était possible d'agir autrement. Il était tout à fait
23 clair que son pays avait besoin de lui à l'époque où Milosevic n'était
24 plus au Gouvernement, et les responsables politiques actuels vous disent
25 qu'il était important, dans l'intérêt de la continuité et la stabilité de
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1 l'Etat, que M. Milutinovic demeure à son poste. Vous savez qu'une fois que
2 le problème a cessé d'exister, donc une fois que son mandat est arrivé à
3 expiration, il s'est présenté devant le Tribunal.
4 Je voudrais retrouver, si vous me donnez une minute, le passage de l'arrêt
5 rendu par M. le Juge Shahabuddeen dans l'appel Ojdanic-Sainovic.
6 Voilà ce que dit le Juge Shahabuddeen au paragraphe 10 de son arrêt
7 complémentaire. Il déclare qu'indépendamment des explications fournies,
8 c'est de leur propre gré que les deux autres accusés ont refusé de se
9 rendre. Donc c'est en rapport avec des déclarations faites par les deux
10 hommes antérieurement, peu de temps avant leur reddition, que chacun est
11 en mesure de juger de leur intention.
12 Mais la situation est différente pour l'accusé que vous avez devant vous.
13 Il apporte des explications différentes. Il ne dit pas qu'il ne souhaitait
14 pas se présenter devant le Tribunal, mais il explique… -et ceci, bien sûr,
15 n'est pas une explication juridique en tant que telle- mais il explique
16 que son intention consistait bien à se présenter devant le Tribunal pénal
17 international volontairement. Son explication se situe donc hors du
18 contexte de la liberté provisoire dont il était question pour ses deux co-
19 accusés.
20 A mon avis, si vous admettez que des responsables politiques au plus haut
21 niveau dans la vie politique serbe déclarent ce qu'ils déclarent et
22 estiment que cette explication est valable, le fait qu'il ait continué à
23 exercer ses fonctions jusqu'à la fin de son mandat devrait, à mon avis,
24 être considéré par vous comme valable également.
25 J'ajouterai simplement ce qui suit. J'ai déjà dit -et je me répète en
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1 audience publique- que cet extrait du site Internet de la chaîne de
2 télévision "B-92" est important. On y trouve mention de Peter Scheider,
3 Président de l'assemblée parlementaire du conseil de l'Europe, selon
4 lequel il importe de tenir compte du risque politique et du risque pour la
5 sécurité de tout pays dans certaines circonstances. A mon avis, la loi ne
6 doit pas être appliquée de façon à mettre en danger la stabilité d'un
7 pays. Ce que M. Djindjic, M. Svilanovic et M. Zivkovic vous disent d'une
8 seule et même voix, c'est que si M. Milutinovic, appliquant le droit au
9 sens strict du terme, s'était rendu à ce Tribunal plus tôt, cela aurait
10 mis en danger la stabilité du pays dans des circonstances tout à fait
11 cruciales.
12 C'est le point de vue que je reprends dans mes écritures, à savoir
13 qu'aucun de nous ici en tant que juriste, et je le dis avec le plus grand
14 respect pour les Juges de cette Chambre, aucun de nous en notre qualité de
15 juriste ne devrait se substituer à un responsable politique qui se trouve
16 dans la situation qui était celle des responsables politiques du pays dont
17 nous parlons en octobre 2000.
18 Monsieur le Président, j'aimerais maintenant dire quelques mots de la
19 période antérieure à octobre 2000. Comme vous le savez, j'en ai déjà parlé
20 à huis clos partiel, mais je reprends à mon compte tous les arguments que
21 j'ai développés à huis clos partiel s'agissant de la période antérieure à
22 octobre 2000.
23 Je rappelle que dans le paragraphe 8 de la réponse dont il a été question
24 tout à l'heure, ces éléments sont abordés également. Et, Monsieur le
25 Président, Messieurs les Juges, vous connaissez bien les préoccupations de
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1 M. Milutinovic s'agissant de sa sécurité et de la sécurité de ses proches
2 à l'époque. Je parle de la période antérieure à octobre 2000. Je répète,
3 Monsieur le Président, que j'appuie tous mes arguments sur la situation
4 qui régnait à l'époque, c'est-à-dire avant octobre 2000. Et s'agissant de
5 la période postérieure à octobre 2000, je m'appuie sur les éléments qui
6 figurent dans des lettres rédigées par des responsables politiques de très
7 hauts rangs. Lettres dont vous disposez. Je m'appuie également sur la
8 déclaration de Peter Sida selon lequel, en dehors de l'application stricte
9 du droit, il existe d'autres éléments qui peuvent permettre de justifier
10 ou d'expliquer le fait qu'il n'y ait pas eu respect strict des exigences
11 du droit international.
12 S'agissant toujours de cette reddition volontaire ou pas, il existe un
13 autre élément qu'il importe de souligner, à savoir que dans l'affaire
14 Ojdanic-Sainovic, ces deux hommes ont fait des déclarations à la presse
15 dans lesquelles ils ont indiqué qu'ils n'avaient guère l'intention de se
16 présenter volontairement devant le Tribunal pour y subir un procès. C'est,
17 en tout cas, un avis qui a été accepté par la Chambre d'appel.
18 L'accusation n'a pas le même avis s'agissant de M. Milutinovic. Je vous
19 renvoie à ce sujet à la réponse du Procureur, paragraphe 9. Ce qu'ils
20 disent dans ce paragraphe 9 -si vous l'avez sous vos yeux- est que
21 l'accusé s'appuie aussi sur le fait qu'il n'a jamais dit qu'il ne se
22 rendrait pas volontairement au Tribunal. Alors que l'accusé aurait
23 récemment dit qu'il ne résisterait pas un éventuel transfert au Tribunal
24 ou bien qu'il se rendrait volontairement. Mais ceci n'était pas sa
25 position depuis l'existence de l'Acte d'accusation.
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1 Donc je dois dire immédiatement que M. Milutinovic considère qu'il n'a
2 jamais été cité de façon correcte quand il s'agit de dire qu'il avait
3 déclaré qu'il n'avait pas l'intention de se rendre au Tribunal. Mais je ne
4 veux pas rentrer dans ces débats à présent.
5 Ici, vous avez deux notes de bas de page; il s'agit des notes 16 et 17 en
6 date du 17 janvier 2001. Il y a aussi une déclaration de Vojislav Seselj à
7 laquelle on a fait référence, et je considère qu'il y a de bonnes raisons
8 de douter l'objectivité de telles déclarations. Seselj est un opposant
9 politique de M. Milutinovic, il s'est présenté contre lui dans les
10 élections pour le poste de Président en 1997, et il a été battu.
11 Et je l'ai déjà dit dans ma déclaration: est-ce que le Procureur vraiment
12 entend s'appuyer sur la véracité des propos du Dr Seselj? On se le
13 demande. Et l'exemple le plus clair est que lui, en plaidant non coupable
14 dans l'Acte d'accusation, eh bien, le Procureur ne lui fait pas confiance
15 quand on dit qu'on n'est pas coupable, le Procureur ne l'accepte pas comme
16 ça.
17 Je pense qu'il faudrait être très prudent quand on cite les propos et
18 quand on se demande si M. Milutinovic s'est rendu vraiment volontairement
19 ou non. Vojislav Seselj aurait peut-être fait une fête, il aurait
20 rassemblé tous ses amis à l'aéroport, et ensuite, il serait parti de façon
21 publique. C'est de cette façon que tout le monde aurait fait. Mais ce qui
22 est important dans le fait que l'accusé se soit rendu, eh bien, il l'a
23 fait de façon simple, sans grande pompe. Et le Procureur, dans le
24 paragraphe 9, dit qu'il n'y a pas de rapports récents indiquant que
25 l'accusé résisterait à un transfert éventuel ou bien qu'il ne se rendrait
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1 pas volontairement. Et je pense que ceci est très important, je pense
2 qu'il faudrait tenir compte de cela. Ce qui est important, c'est son état
3 d'esprit par rapport à ceci.
4 Et c'était justement l'élément critique retenu contre Ojadanic et
5 Sainovic, le fait que leurs déclarations étaient récentes. En ce qui
6 concerne M. Milutinovic, le Procureur consent qu'il n'y a pas eu de tels
7 propos attribués à M. Milutinovic.
8 Et ensuite, un dernier point: il y a aussi une référence de faite à un
9 journal "Nacional" serbe. Je pense que ce qui est référé dans cet article,
10 il s'agit d'un double ouï-dire, il ne s'agit pas d'une source fiable et
11 ces propos n'ont pas été acceptés par M. Milutinovic; il ne les considère
12 pas comme véridiques. Je pense qu'il en va de même en ce qui concerne les
13 déclarations supposées de M. Djindjic et de M. Zivkovic.
14 La reprise de ces propos dans le journal "Nacional" n'est pas non plus
15 conforme à ce que disent le Dr Djindjic, M. Svilanovic et M. Zivkovic,
16 n'ont pas été confirmés par eux. Je vous invite donc à conclure que rien
17 dans ces déclarations reprises par la presse ou la télévision, rien qui
18 appartienne à l'ordre des médias ne correspond aux déclarations réelles
19 faites par Ojdanic et Sainovic, et donc rien ne peut être retenu contre
20 l'accusé que vous avez devant vous aujourd'hui.
21 Encore un point au sujet de la sincérité de cette reddition volontaire. Il
22 pourrait être bon d'aborder la question sous un angle différent, et ceci à
23 partir de la réponse de l'accusation à la question posée par les Juges de
24 la Chambre s'agissant de confirmer si l'accusation s'oppose à une remise
25 en liberté provisoire de M. Milutinovic ou pas.
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1 Les Juges de cette Chambre se rappelleront sans doute la réponse fournie
2 par l'accusation. Je vous demande un instant pour la retrouver.
3 Il s'agit du paragraphe 5 de ce document où il est écrit ce qui suit: "Le
4 Procureur, évidemment, dit quelle est sa position concernant la liberté
5 provisoire de M. Milutinovic; elle est la même que celle qui serait prise
6 pour tout autre accusé en ce qui concerne la mise en liberté provisoire.
7 Et il faudrait tenir compte de tout changement éventuel concernant les
8 circonstances pertinentes. Donc, si M. Milutinovic décidait de coopérer
9 pleinement avec le Procureur de façon honnête et ouverte, eh bien, sa
10 position pourrait changer".
11 La première chose que je voudrais dire à ce sujet: la coopération -et
12 surtout, une coopération substantielle- ne figure à aucun endroit dans
13 l'Article 65.
14 M. le Président (interprétation): Maître Livingston, cet argument, je
15 pense que nous l'avons déjà vu dans l'affaire Ojdanic, je pense que cette
16 Chambre ne l'avait pas accueilli favorablement.
17 L'argument de la coopération concerne toute autre chose, et pas forcément
18 les questions de la mise en liberté provisoire, à moins que le Procureur
19 ne souhaite tout simplement faire part de son point de vue; il peut le
20 faire, évidemment.
21 Mais vous pensez donc que le manque de coopération ne devrait pas être
22 retenu contre votre client?
23 M. Livingston (interprétation): Je vous en remercie. Car j'ai voulu tout
24 simplement dire qu'il s'agit de quelque chose de très important. Car ceci
25 est écrit dans le document et ceci est réitéré dans un autre document où
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1 le Procureur répond à la défense de M. Ojdanic.
2 Et je le dis avec tout le respect que je dois au Procureur, il s'agit de
3 forcer, pour ainsi dire, l'accusé à avouer la culpabilité. Car ils disent
4 littéralement: "Nous pourrions changer notre point de vue quant à la mise
5 en liberté provisoire si l'accusé acceptait de parler ouvertement et
6 honnêtement des faits qui vont être présentés devant la Chambre".
7 Donc, moi, j'interprète ceci comme un aveu de culpabilité, complet ou
8 partiel. Et je pense que le Procureur n'a pas… a tort d'avoir une certaine
9 politique à cet égard. Car moi, je l'interprète comme une politique
10 tendant à forcer, en quelque sorte, l'accusé à faire une telle
11 déclaration.
12 Monsieur le Président, vous en êtes conscient sans doute -et j'hésite
13 d'ailleurs à dire ceci devant les Juges de la Chambre- mais vous êtes
14 certainement au courant de la section de la Loi anglaise, la section 76
15 concernant les moyens de preuve et les confessions, il s'agit des
16 confessions, des aveux qui sont obtenus par la police. Donc, là, on vous
17 dit: "Si vous avouez quelque chose, eh bien, notre point de vue, notre
18 position pourrait changer".
19 Et moi, je considère que ceci n'est pas acceptable et même que ceci est
20 tout à fait erroné.
21 M. Robinson (interprétation): Comme le Président de la Chambre vous l'a
22 déjà dit, nous avons déjà adopté notre position à ce sujet. Je pense que
23 notre position est la même que celle de la Cour européenne des Droits de
24 l'homme. Le Procureur ne peut pas utiliser comme… en guise de punition. Et
25 je pense que le Juge Hunt, dans la Chambre d'appel, aussi n'était pas
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1 d'accord avec une telle approche de la part du Procureur.
2 M. Livingston (interprétation): Je suis tout à fait d'accord avec vous.
3 Mais le Procureur, à deux reprises, prend une telle position. Moi, je peux
4 vous dire que je considère que la question de la coopération n'est pas
5 pertinente tout simplement, pas pertinente du tout.
6 Et encore, la position de mon client est tout à fait différente de la
7 position qui était celle de M. Sainovic au moment où il avait fait sa
8 demande de mise en liberté provisoire. A l'époque, il n'avait même pas
9 fait d'interview, alors que mon client avait donné une interview aux
10 représentants du Procureur bien avant de venir au Tribunal.
11 Donc cette question de véracité de cette interview, il appartiendra aux
12 Juges de la Chambre d'en décider. Toujours est-il que mon client avait
13 accepté à l'époque de subir un tel entretien. Et je pense que, jusqu'au
14 début du procès, il faudrait laisser de côté cette question et qu'il ne
15 faudrait pas prendre de décision à ce sujet.
16 A présent, je voudrais parler des garanties.
17 Le Procureur a dit, franchement, qu'il n'acceptait pas les garanties
18 fournies du Gouvernement de la République de Serbie et de l'ex-
19 gouvernement fédéral. Moi, j'affirme qu'à présent, il pourrait y avoir une
20 raison pour revenir sur cette position.
21 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous avez les lettres de M.
22 Svilanovic et de M. Zivkovic. Plus précisément, M. Zivkovic dit -je cite-:
23 "Je voudrais profiter de l'occasion pour réitérer à quel point le
24 Gouvernement de la République de Serbie tient à la coopération avec le
25 Tribunal pénal international". (Fin de citation.)
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1 Monsieur Svilanovic a dit quelque chose de semblable dans sa lettre.
2 Même la Procureure, elle-même -et je pense qu'il n'y a pas de doute à ce
3 sujet- a déclaré publiquement, peu de temps après le meurtre du Dr
4 Djindjic, qu'elle était contente de prendre note de cette attitude
5 positive envers le Tribunal pénal international, de la position qui était
6 aussi bien celle du Premier ministre de la Serbie que du Président de
7 l'Union.
8 Moi, je considère et j'argumente que ces garanties sont vraiment valables.
9 Je ne pense pas qu'elles sont telles que présentées par le Procureur dans
10 sa réponse.
11 Je voudrais à nouveau citer Peter Scheider, le Président du Parlement du
12 Conseil de l'Europe. Il a dit qu'il est important dans le contexte
13 politique et de sécurité dans lequel un gouvernement prend ses décisions,
14 de tenir compte du fait que ce gouvernement a dit qu'il allait faire tout
15 ce qui était dans son pouvoir pour coopérer avec le Tribunal. Et je pense
16 que ceci s'applique aussi dans les garanties éventuelles qui pourraient
17 être émises par un tel gouvernement.
18 Mais, moi, la question que je me pose est celle-ci: est-ce que dans cette
19 situation on a vraiment besoin de garanties? Est-ce que nous ne sommes pas
20 dans la catégorie du paragraphe 12 de la réponse du Procureur où il
21 indique que l'accusé se comportait de façon exemplaire, et que les
22 conditions à présent sont telles qu'il n'est pas besoin de demander des
23 garanties supplémentaires?
24 Si, vous, les Juges de la Chambre, vous considérez que la reddition de
25 l'accusé était volontaire, eh bien, il y a très peu de fondement pour dire
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1 qu'il ne se comporte pas de façon exemplaire. Si l'on examine le contexte
2 personnel de l'accusé, on peut dire qu'il s'agit d'une personne hautement
3 fiable.
4 Vous avez aussi, à l'appui, dans l'annexe de notre requête le curriculum
5 vitae de M. Milutinovic. Ce que l'on peut lire dans ce curriculum vitae,
6 c'est que M. Milutinovic a fait des études de droit; qu'en 1965 il était
7 diplômé de la faculté de droit; qu'en 1969 il devient membre du Parlement
8 fédéral. Il m'a dit -et je pense qu'il n'avait pas tort- qu'il était le
9 plus jeune député du Parlement fédéral du pays. Il était aussi le
10 directeur de la Bibliothèque nationale, il était ambassadeur en Grèce, il
11 était aussi ministre fédéral, ministre des Affaires étrangères. C'est un
12 fonctionnaire qui a toujours respecté la loi. Et je voudrais vous rappeler
13 ce qu'a dit le Dr Zoran Djindjic dans sa lettre: il a dit qu'il a exercé
14 sa fonction de Président de Serbie de façon légitime, qu'il a remis cette
15 fonction à la fin de son mandat, qu'il a toujours respecté la loi, il
16 s'agit d'un homme honnête. Son nom figure dans le "Who's who
17 international". Donc on peut dire qu'il s'agit d'une personnalité
18 d'envergure internationale.
19 Quand il est question d'un homme pareil, je pense qu'il faut à peine
20 fournir des garanties pour une telle personnalité. Mais nous les avons, et
21 je pense qu'il s'agit de garanties valables, et vous pouvez vous appuyer
22 sur la parole des personnes qui fournissent ces garanties.
23 Avant de terminer ce thème, je voudrais aussi aborder la question de la
24 garantie personnelle qui figure parmi les pièces jointes de la demande de
25 mise en liberté provisoire.
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1 Si l'on tient compte du caractère, de la moralité de l'accusé, eh bien, il
2 nous donne sa garantie personnelle de revenir pour subir son procès devant
3 le Tribunal pénal international. Cette garantie pourrait être acceptée
4 sans aucune réserve. S'il s'agissait d'une autre personne, d'une personne
5 qui n'a pas eu la même biographie, la même vie, peut-être que
6 l'appréciation de la Chambre pourrait être différente. Mais compte tenu de
7 la vie et de la personnalité de l'accusé, il faudrait accepter ces
8 garanties.
9 Je voudrais à nouveau dire que dans toute cette liasse de documents...
10 (Les Juges se concertent sur le siège.)
11 M. le Président (interprétation): Oui.
12 M. Livingston (interprétation): Donc, dans les documents que vous avez
13 reçus au début de l'audience d'aujourd'hui, à la page 5, on voit un
14 extrait d'un rapport hebdomadaire du Tribunal en date du 21 mars. Et Mme
15 Hartmann, le porte-parole du Bureau du Procureur, est citée dans un
16 paragraphe que j'ai annoté. Il y est dit: "Ceux qui ont assassiné le
17 Premier ministre, M. Djindjic, avaient tort s'ils pensaient que ceci
18 pouvait ébranler la détermination du pays de continuer avec les réformes
19 et de continuer la coopération avec le Tribunal. Et aussi bien le
20 Président de l'Union que le nouveau Premier ministre déclarent que leur
21 soutien à la coopération au Tribunal n'est pas contestable".
22 Maintenant, je voudrais passer au point suivant: il s'agit du poste très
23 élevé, du poste d'autorité de l'accusé. Le fait qu'un accusé dans un
24 procès avait un poste très important ne devrait pas nuire à une éventuelle
25 mise en liberté provisoire. Et nous avons eu des exemples avec Mme
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1 Plavsic, M. Halilovic, M. Ademi et l'amiral Jokic. Nous avons donc toute
2 une série de hauts dignitaires civils et militaires qui ont pu bénéficier
3 de cette mise en liberté provisoire. Bien sûr, les Juges sont bien
4 conscients du fait qu'il s'agit d'une question à double facette: plus
5 importante était la position d'un accusé, plus on pourrait considérer que
6 les actes commis étaient graves, et on pourrait ensuite s'attendre à ce
7 que cette personne ne revienne pas pour subir son procès.
8 Ensuite, il faudrait aussi se référer aux décisions prises dans les
9 affaires Brdjanin, Ojdanic & Sainovic, quand il s'agissait de la mise en
10 liberté provisoire. Aussi, il est indiqué que quelqu'un à qui on
11 accorderait cette mise en liberté provisoire, eh bien, ceci pourrait
12 donner un argument au gouvernement du pays dont il est originaire de ne
13 pas les laisser revenir pour son procès, car ceci pourrait nuire à la
14 respectabilité du pays car l'accusé pourrait éventuellement mettre en
15 question d'autres personnes, d'autres personnalités importantes dont il
16 est question dans l'Acte d'accusation.
17 Monsieur le Juge Robinson et Monsieur le Président, eh bien, vous étiez
18 les Juges dans l'affaire Cerkez et Kordic, et je pense qu'un certain
19 nombre d'éléments dans ce jugement pourraient être pertinents aussi pour
20 la question qui nous intéresse. Monsieur Milutinovic avait en effet une
21 position d'autorité, une position très élevée, mais je pense qu'il s'agit
22 plutôt de la forme que du fond.
23 Tout d'abord, il y a deux paragraphes, les paragraphes 415 et 424. Peut-
24 être se fait-il que ces paragraphes font l'objet de l'appel dans l'affaire
25 Kordic et Cerkez, je n'en sais rien.
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1 Toujours est-il que vous, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous
2 savez sans doute -et vous allez être contents de l'entendre- que ces deux
3 paragraphes étaient approuvés par le Pr Antonio Cassese dans son livre
4 récemment publié "Le droit international pénal" où il dit que ces
5 paragraphes étaient extrêmement importants. Il dit -je cite-: "Il s'ensuit
6 qu'un responsable gouvernemental ne peut être tenu responsable dans le
7 cadre de la doctrine de la responsabilité hiérarchique, que s'il avait un
8 rapport de subordonné à supérieur hiérarchique, même de façon indirecte,
9 et même si le contrôle était exercé par voie d'influence indirecte. Tout
10 cela démontre le pouvoir de l'influence qui n'est pas suffisant, si l'on
11 n'a pas prouvé que ce contrôle était effectif sur des subordonnés, dans le
12 sens où on donne à ces subordonnés la possibilité matérielle d'empêcher la
13 commission de certaines infractions ou de punir des subordonnés après la
14 commission de certains crimes". (Fin de citation.)
15 Et puis, un exemple qui n'est pas pertinent dans la présente affaire -à la
16 page suivante, paragraphe 424- la Chambre déclare -je cite-: "Une
17 situation de supériorité, lorsqu'elle n'est pas définie très clairement
18 dans un ordre de nomination, peut être déduite d'une analyse des missions
19 effectuées par l'accusé en question. Des éléments de preuve prouvant que
20 l'accusé est perçu comme étant une personnalité importante, par le biais
21 d'apparitions et de déclarations publiques et qu'il exerce une certaine
22 autorité, peuvent être pertinentes pour apprécier l'autorité réelle dont
23 il jouissait, mais ne suffisent pas en tant que telles à établir la
24 responsabilité de l'accusé, en l'absence d'autres éléments de preuves
25 prouvant son comportement vis-à-vis de subordonnés et la façon dont il a
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1 mené à bien les missions qui lui étaient confiées. De même, la
2 participation d'un accusé à des négociations internationales de haut
3 niveau ne sont pas suffisantes à elles seules pour démontrer l'existence
4 d'une supériorité hiérarchique". (Fin de citation.)
5 Normalement, dans une requête du genre de celle dont nous discutons -je ne
6 vais pas au-delà des éléments de preuve disponibles- mais il y a deux
7 éléments de preuve sur lesquels j'aimerais revenir brièvement. Il s'agit
8 de copies de documents que j'ai à ma disposition pour distribution aux
9 Juges et, avec l'aide de l'huissier, je pourrais peut-être procéder à la
10 distribution.
11 (Intervention de l'huissier.)
12 M. le Président (interprétation): Monsieur Shin?
13 M. Shin (interprétation): Monsieur le Président, je ne sais pas a priori
14 ce que mon collègue de la défense a l'intention de citer dans ces
15 documents, mais l'accusation se demande simplement si nous sommes bien
16 dans le lieu opportun et si nous sommes bien à un moment opportun pour
17 discuter de ces questions d'éléments de preuve qui portent sur l'aspect
18 fondamental de la responsabilité.
19 M. Robinson (interprétation): Peut-être pourrait-on attendre de voir
20 comment la défense se servira de ce document.
21 M. Livingston (interprétation): Eh bien, il s'agit ici de la question de
22 savoir si l'appelant est réellement un symbole important. Le premier
23 document que je vous soumets est une déclaration émanant d'un témoin qui a
24 déjà été entendu par la Chambre dans le cadre du procès Milosevic: son nom
25 est Radomir Tanic. Et, si j'ai bien compris, c'est un témoin auquel
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1 l'accusation fait grandement confiance.
2 J'ai tiré un extrait de la page 3 de sa déclaration et vous voyez ce qu'il
3 dit au sujet de M. Milutinovic. Il dit -je cite-: "J'ai rendu compte
4 également à Milan Milutinovic qui était Président de la Yougoslavie, même
5 s'il n'avait aucun pouvoir de décision en dehors de Milosevic. Mon
6 appréciation, c'est qu'il était toléré comme nécessaire dans la structure
7 de jure, mais que de facto Slobodan Milosevic était celui qui dirigeait la
8 Serbie en même temps que la Yougoslavie." (Fin de citation.)
9 Alors, l'accusation présente son argumentaire au sujet du haut degré
10 d'autorité dont jouissait M. Milutinovic en s'appuyant sur deux points:
11 d'abord, le fait qu'il était Président de la Serbie et, deuxièmement,
12 qu'il était membre du Conseil suprême de défense de l'ex-Yougoslavie. A
13 mon avis, ce témoin de l'accusation est important au sujet de l'aspect
14 conseil de la défense, car M. Milutinovic était effectivement une
15 personnalité symbolique plutôt qu'une personnalité ayant un rôle et un
16 pouvoir effectifs.
17 Le document suivant est un extrait d'un rapport du département d'Etat
18 américain sur la Serbie et Monténégro pour l'année 1999. Bien sûr, c'était
19 une année de guerre et c'est l'année qui est importante dans l'affaire qui
20 nous intéresse. Vous constaterez dans la page pertinente de l'extrait que
21 je vous soumets -au deuxième paragraphe entier- sur la page 2 qui commence
22 par les mots "Rôle clef au pouvoir"…
23 Est-ce que vous avez trouvé ce passage?
24 M. le Président (interprétation): Oui, mais j'ai quelques doutes quant au
25 fait que ceci pourra nous aider.
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1 M. Livingston (interprétation): Je voulais simplement mettre l'accent sur
2 la phrase suivante -je cite-: "En s'établissant pour l'essentiel comme
3 commandant en chef de l'armée yougoslave". (Fin de citation.)
4 Je ne pense pas que ce soit un secret. L'accusé que vous avez devant vous
5 estime que le Conseil suprême de la défense a été paralysé puisque,
6 pendant toute la période de la guerre, il a continué à exister d'une façon
7 purement théorique sans jamais être convoqué. Et cet extrait que je viens
8 de lire vient à l'appui de mon propos.
9 Si vous admettez ces deux éléments de preuve qui, à mon avis, ajoutent du
10 poids à mon propos, l'accusé que vous avez sous les yeux aujourd'hui
11 n'exerçait aucune autorité, aucun pouvoir suffisamment réel pour que cela
12 puisse constituer un obstacle à l'acceptation de sa remise en liberté
13 provisoire.
14 Je vois que l'heure tourne, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Je
15 n'ai plus grand-chose à dire, mais je n'en ai pas tout à fait à terminé.
16 Donc si vous m'accordiez quelques instants après la pause, même si vous
17 tenez à ce qu'il y ait une pause maintenant, je vous en serais
18 reconnaissant.
19 M. le Président (interprétation): Bien. Nous allons avoir une pause d'un
20 quart d'heure maintenant et nous continuerons l'audience jusqu'à 17
21 heures.
22 M. Livingston (interprétation): Je vous remercie.
23 M. le Président (interprétation): Nous espérons que l'audience pourra
24 s'achever à ce moment-là.
25 Pause pendant un quart d'heure.
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1 (L'audience, suspendue à 16 heures 04, est reprise à 16 heures 19.)
2 M. le Président (interprétation): Maître Livingston, vous avez la parole.
3 M. Livingston (interprétation): Monsieur le Président, le point suivant
4 dont j'aimerais traiter -et j'espère pouvoir le faire rapidement-, c'est
5 la deuxième partie de l'Article 65-B) du Règlement qui porte sur la
6 question de savoir si l'accusé est susceptible de constituer un danger
7 pour une victime ou pour une autre personne.
8 Ce que je déclare à ce sujet correspond en tous points à ce que j'ai
9 écrit, à savoir que l'accusé que vous avez devant vous était bien sûr en
10 Serbie pendant quelque temps avant de venir devant le Tribunal et que, par
11 le passé, il n'y a jamais eu aucune tentative de sa part d'intervenir
12 auprès des témoins. Donc toute idée d'intervention possible de sa part
13 vis-à-vis d'un témoin relève de la spéculation, à mon avis, et ne s'appuie
14 sur aucune preuve. J'irai même plus loin, en parlant de la réputation très
15 haute dont jouit cet homme, s'agissant de son intégrité et de sa
16 disponibilité dans le cadre du service public qu'il a exercé par le passé.
17 Rien dans sa vie ne permet de penser à lui comme à quelqu'un qui pourrait
18 manipuler qui que ce soit dans ce procès, en intervenant par exemple
19 auprès d'une victime, d'un témoin ou de toute autre personne.
20 Monsieur le Président, j'espère que ceci répond de façon satisfaisante à
21 l'objection qui a été élevée.
22 Avant de passer au sujet de l'état de santé de M. Milutinovic, j'aimerais
23 traiter encore quelques instants de la deuxième partie de l'Article 65-B)
24 du Règlement, à savoir l'aspect discrétionnaire qui y est évoqué, car la
25 disposition commence par les mots: "La mise en liberté provisoire ne peut-
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1 être ordonné par la Chambre de première instance qu'après que celle-ci
2 soit convaincue de l'existence de deux critères". Et j'ai déjà traité de
3 ces deux critères précédemment.
4 L'accusation traite de cet aspect des choses au début du paragraphe 20 de
5 sa réponse. Et, pour l'essentiel, je déclare que la confiance que le
6 Tribunal a manifestée a des raisons de continuer à exister.
7 S'agissant de la confiance vis-à-vis d'une bonne administration de la
8 justice de la part de ce Tribunal, la mise en liberté de l'accusé que vous
9 avez sous les yeux ne pourrait que l'accroître, compte tenu de sa
10 réputation internationale et de la façon dont le Tribunal administre la
11 justice.
12 Traitons d'abord de la Serbie et du Monténégro, Monsieur le Président.
13 Nous avons les lettres du Dr Djindjic, de M. Svilanovic, de M. Zivkovic,
14 qui abordent un point important à cet égard. Il s'agit de l'annexe 1 à la
15 requête originale.
16 Ce que M. Djindjic déclare dans sa lettre du 14 janvier 2003, c'est que M.
17 Milutinovic revient de Belgrade après sa comparution initiale à La Haye,
18 et que "ceci ne peut qu'améliorer l'image du Tribunal pénal international
19 en Serbie en contribuant également aux efforts de mon Gouvernement" -dit
20 M. Djindjic- "pour mettre à la disposition du Tribunal d'autres personnes
21 accusées qui pourraient se trouver en Serbie".
22 Et cet élément est repris par M. Svilanovic. Je ne pense pas avoir besoin
23 de donner lecture de ces extraits particuliers que l'on trouve dans les
24 lettres de ces deux hommes, puisque les Juges de cette Chambre en
25 disposent. Monsieur Zivkovic reprend à son compte les commentaires du Dr
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1 Djindjic en renouvelant les engagements pris par rapport au Tribunal.
2 Donc à mon avis, s'agissant de l'opinion publique en Serbie et du problème
3 de la confiance dans l'administration de la justice en Serbie, à ce sujet,
4 beaucoup pourrait être dit qui serait favorable à la mise en liberté
5 provisoire de l'accusé que vous avez sous les yeux.
6 En effet, il pourrait être utile à l'opinion publique serbe, et aux pays
7 en général, de se rendre compte qu'un accusé, même s'il est resté en
8 prison pendant une période relativement longue avant son procès, peut
9 conserver une bonne réputation. Il est peut-être important également pour
10 l'opinion publique serbe de constater que le Tribunal est prêt à traiter
11 équitablement les Serbes lorsque la chose est opportune et lorsque les
12 conditions de l'Article 65 du Règlement sont respectées, et qu'il est donc
13 possible au Tribunal de remettre en liberté provisoire un accusé.
14 Le deuxième aspect de mon argumentation sur ce point figure sur l'annexe 1
15 à la réponse faite à la réponse du Procureur. On y trouve un certain
16 nombre de commentaires émanant de hauts dignitaires internationaux qui
17 exerçaient leurs fonctions à l'époque de la reddition de M. Milutinovic.
18 La Chambre pourra lire ces commentaires. Mais ce qui est fondamental ici,
19 c'est qu'un certain nombre de hauts responsables internationaux se
20 félicitent du fait que M. Milutinovic se soit rendu volontairement devant
21 ce Tribunal.
22 A mon avis, compte tenu de la situation, il est très peu vraisemblable,
23 dans les milieux internationaux, que qui que ce soit puisse dire: "Comment
24 est-il possible que M. Milutinovic ait été remis en liberté par le
25 Tribunal en toute conscience?"
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1 En effet, M. Milutinovic s'est rendu volontairement, son comportement est
2 tout à respectable et a été apprécié en tant que tel. Et à mon avis, ce
3 comportement indique que la remise en liberté provisoire de M. Milutinovic
4 est tout à fait opportune, compte tenu du fait qu'il s'est rendu
5 volontairement et compte tenu de son passé. Donc, sur le plan de l'opinion
6 internationale, tout permet de penser que la confiance dans la bonne
7 administration de la justice ne peut-être qu'accrue par sa remise en
8 liberté, et donc tout milite en faveur de cette remise en liberté.
9 Monsieur le Président, j'aborde maintenant l'aspect du pouvoir
10 discrétionnaire. Et j'ajouterai un point au sujet de l'état de santé de M.
11 Milutinovic.
12 Ce dernier souhaite ardemment que je rappelle un élément aux Juges de
13 cette Chambre, élément que vous connaissez certainement d'ailleurs. L'état
14 d'urgence n'existe plus en Serbie, donc si quiconque devait s'inquiéter du
15 fait que l'on renvoie dans un pays où il est permis d'avoir des doutes
16 quant au fait que le gouvernement contrôle bien le pays, donc que cela
17 pourrait créer un danger, toute inquiétude de ce genre n'a pas lieu
18 d'être. La loi et l'ordre ont été rétablis en Serbie, le gouvernement
19 contrôle pleinement le pays, et il s'agit d'un gouvernement qui est
20 favorable au Tribunal.
21 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, parlons maintenant de l'état
22 de santé de M. Milutinovic qui prendra la parole dans quelques instants.
23 J'aimerais simplement vous dire que la Chambre dispose d'un certain nombre
24 de rapports médicaux, à commencer par l'annexe 4 de la demande de remise
25 en liberté provisoire. Je ne parlerai pas des détails de l'état de santé
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1 de M. Milutinovic. Mais, si vous examinez le rapport le plus récent en
2 date du 10 janvier 2003, il en ressort, à mon avis, qu'il y aura des
3 moments où l'état de santé de M. Milutinovic sera jugé bon, compte tenu du
4 fait qu'il s'agit de quelqu'un qui a subi une intervention cardiaque de
5 l'importance de celle qu'il a subie.
6 Son médecin déclare, au premier paragraphe de ce rapport, qu'il l'a vu
7 pour la dernière fois au cours de l'été. Il s'agit d'un rapport datant du
8 10 août 2002 et qu'à l'époque, M. Milutinovic ne présentait aucun symptôme
9 d'angine de poitrine. Donc selon les rapports médicaux, il est tout à fait
10 clair qu'à certains moments M. Milutinovic ne présentera aucun symptôme
11 inquiétant. Mais dans le rapport, le médecin déclare également qu'à
12 d'autres moments, le risque de mort soudaine liée à un problème cardiaque
13 est élevé.
14 A mon avis, aucune de ces conclusions ne s'écarte fondamentalement des
15 conclusions tirées par M. Van Der Sloot; la Chambre, bien sûr, dispose de
16 tous ces rapports médicaux.
17 A mon avis, deux rapports médicaux devaient être pris en compte plus
18 particulièrement par les Juges de cette Chambre. Le premier date du 11
19 mars 2003, c'était d'ailleurs un rapport provisoire, si je puis m'exprimer
20 ainsi. Et le deuxième rapport date du rapport du 14 avril 2003.
21 Quelques mots, si vous me le permettez, au sujet du rapport du 11 mars. Le
22 terme utilisé par le médecin, à plusieurs reprises, dans ce rapport est
23 celui de contractions ventriculaires prématurées -le sigle étant CVP-, et
24 je parlerai désormais de contractions tout simplement.
25 Au quatrième paragraphe, nous lisons ce que dit le médecin, à savoir qu'un
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1 patient souffrant de CVP fréquentes, à savoir trois ou quatre contractions
2 consécutives de ce type, eh bien, un patient appartenant à cette catégorie
3 présente un risque élevé de décès soudain pour des raisons cardiaques.
4 C'est une conclusion très semblable à celle tirée par l'autre médecin dans
5 le rapport dont j'ai parlé il y a quelques instants.
6 Dans la lettre du 14 avril, au paragraphe 2 nous lisons ce qui suit -je
7 cite-: "Un électrocardiogramme a été effectué sur une période de 24
8 heures, ce qui a montré une ectopie ventriculaire fréquente".
9 J'insiste: je ne suis pas expert médical, mais si je comprends bien cette
10 dernière phrase, elle signifie que les contractions ventriculaires
11 prématurées sont plus fréquentes. En d'autres termes, le risque est accru.
12 J'insiste sur cette dernière phrase qui se poursuit sur la page suivante
13 du rapport. Il y est dit que le patient ne se plaint pas du coeur au
14 moment de l'examen, et que l'état de santé cardiaque du patient, sur le
15 plan clinique, n'est pas inquiétant à ce moment-là précis. Il est donc
16 acceptable. Aucun pronostic n'est fait quant à l'avenir et, à mon avis,
17 ceci ne diffère pas du passage du rapport médical que j'ai lu il y a
18 quelques instants, s'agissant des risques existants à l'avenir, même si
19 l'état de santé cardiaque est jugé satisfaisant au moment de ce dernier
20 rapport. Mais il est également indiqué dans ce rapport que le passé
21 médical du patient, en d'autres périodes, permet de penser à un risque de
22 contractions ventriculaires prématurées accru, et donc de risques plus
23 élevés d'arrêt cardiaque. A mon avis, c'est un risque qu'il est interdit
24 d'exclure dans l'affaire qui nous intéresse.
25 Je tiens à vous dire d'emblée que M. Milutinovic m'a demandé instamment de
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1 dire les choses de la façon la plus claire qu'il soit, à savoir qu'il ne
2 met pas en doute les conclusions tirées par les médecins néerlandais, il
3 ne met pas en doute les conclusions tirées s'agissant de
4 l'hospitalisation. Et je pense qu'il est même impressionné par la grande
5 qualité de ces conclusions. Mais la question qui se pose à lui et dont il
6 traitera dans quelques instants, c'est le risque à un certain moment de
7 présenter un risque d'arrêt cardiaque élevé; et dans ces cas-là, que se
8 passera-t-il? Parce qu'il est tout à fait manifeste notamment que pendant
9 les week-end ou les congés légaux, à partir de 17 heures le vendredi
10 après-midi, le personnel de l'unité de détention est plus réduit et risque
11 donc de ne pas pouvoir réagir aussi rapidement à une situation d'urgence
12 médicale; ce qui n'est en aucun cas une critique à l'encontre du quartier
13 pénitentiaire, mais risque d'accroître le risque au cas où la situation
14 cardiaque de la personne que vous avez devant vous s'aggravait rapidement.
15 A mon avis, si l'on examine les rapports, le risque en question est réel.
16 Pour le moment, la situation sur le plan cardiaque de M. Milutinovic est
17 acceptable, mais rien ne garantit, surtout au vu de la documentation que
18 je viens de vous soumettre, qu'un risque existe. La décision rendue dans
19 l'affaire Mrksic existe et, selon cette décision, l'état de santé d'un
20 accusé est un élément pertinent à prendre en compte lorsqu'on discute de
21 remise en liberté provisoire.
22 Il ne fait aucun doute que, sur le plan de l'état de santé, l'accusé que
23 vous avez devant vous se trouverait dans une situation plus favorable s'il
24 n'était pas en détention, car la possibilité de réagir à une urgence
25 serait meilleure. Et, très franchement, j'espère que cet accusé pourra
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1 subir un stress moins important que celui qu'il subit actuellement.
2 Inévitablement, le stress lié à la détention intervient dans son état de
3 santé sur le plan cardiaque. Il est tout à fait clair -c'est une
4 conclusion de bon sens- que la réduction du stress, lorsque l'accusé se
5 trouve au sein de sa famille et parmi ses amis, peut qu'améliorer son état
6 de santé.
7 Donc, à mon avis, l'élément de preuve apporté au sujet de sa santé qui est
8 assez bonne pour le moment -et nous espérons que cela continuera à être le
9 cas, c'est mon point de vue optimiste qui me permet de l'espérer- en tout
10 cas, l'état de santé de l'accusé permet à mon avis une remise en liberté
11 provisoire qui serait la bonne mesure à prendre.
12 Monsieur le Président, j'ai parlé trop longuement, je m'en excuse, mais
13 cette requête de M. Milutinovic est importante de son point de vue, et je
14 vous demande de la prendre en compte en vous appuyant sur les éléments qui
15 vous ont été soumis.
16 M. le Président (interprétation): Nous allons passer à huis clos partiel,
17 il y a un point que M. le Juge Robinson aimerait évoquer.
18 (Huis clos partiel à 16 heures 37.)
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12 (expurgé).
13 (Audience publique à 17 heures.)
14 Monsieur Caric, c'est à vous.
15 M. Caric (interprétation): Merci. Donc permettez-moi de vous expliquer les
16 garanties que nous souhaitons présenter en vous lisant le texte original
17 en langue BCS.
18 Messieurs les Juges, au nom de l'unité étatique de la Serbie et du
19 Monténégro, je suis honoré de m'adresser à vous aujourd'hui.
20 Suite à la demande de la mise en liberté provisoire de Milan Milutinovic
21 avec des mesures de protection, le Gouvernement de Serbie et du Monténégro
22 réitère toutes les garanties fournies lors de la session du gouvernement
23 fédéral tenue le 23 janvier 2003:
24 -cela veut dire que le Gouvernement de Serbie et du Monténégro vous
25 propose que l'accusé, M. Milutinovic, l'ex-Président de la République de
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1 Serbie soit mis en liberté provisoire;
2 -que dans le cas où la Chambre lui accorde cette mise en liberté
3 provisoire, nous garantissons qu'il restera sur le territoire de la Serbie
4 et du Monténégro pendant toute cette période, en respectant toutes les
5 ordonnances éventuelles de la Chambre de première instance;
6 -et qu'il se présentera pour subir son procès devant le Tribunal.
7 Ceci inclut toutes les obligations précédentes concernant le voyage de M.
8 Milutinovic, le contrôle de son séjour sur le territoire de la Serbie et
9 du Monténégro, ainsi que l'information régulière de la situation qui sera
10 envoyée au Tribunal.
11 Ceci aussi comprend les mesures de protection.
12 Ceci a été fait en vertu de l'Article 26 de la loi de la coopération du
13 Tribunal qui s'applique uniquement aux personnes qui se sont rendues
14 volontairement.
15 Le Gouvernement de Serbie et du Monténégro considère que M. Milutinovic
16 s'est rendu volontairement, même si son Acte d'accusation a été confirmé
17 le 24 mai 1999.
18 Monsieur Milutinovic a gardé sa fonction de Président de la République
19 Serbie jusqu'à l'expiration de son mandat qui a eu lieu le 29 décembre
20 2002. Suite à des changements politiques en Serbie qui sont intervenus au
21 mois d'octobre 2000, il était très important pour la stabilité politique
22 de l'Etat et de toute la région, qu'il aille au bout de son mandat. A la
23 fin de son mandat et juste après l'expiration de son mandat, M.
24 Milutinovic s'est déclaré prêt à se rendre volontairement au Tribunal.
25 Jusqu'à son arrivée à La Haye, il est resté en contact aussi bien avec le
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1 Gouvernement de la République serbe que le ministère des Affaires
2 extérieures de la Serbie et du Monténégro, ainsi qu'avec le Bureau du
3 Procureur de Belgrade. Il ne s'est jamais caché.
4 Et ce qui est le plus important, c'est que cette décision de se rendre,
5 même si elle est liée au développement des changements démocratiques en
6 Serbie, était la sienne: M. Milutinovic n'est pas venu au Tribunal en
7 étant sous contrainte.
8 Cette réédition volontaire de M. Milutinovic, qui était jusqu'à il y a peu
9 de temps le Président de la République de Serbie, constitue un précédent
10 et peut inciter d'autres individus à faire de même. Une éventuelle
11 position positive de cette Chambre de première instance dans ce sens
12 contribuerait davantage à ceci.
13 A cause des raisons susmentionnées, le ministre des Affaires étrangères de
14 Serbie et du Monténégro, M. Goran Svilanovic, a décidé d'écrire une lettre
15 au Président du Tribunal pour fournir des garanties supplémentaires
16 s'ajoutant aux garanties proposées par le gouvernement fédéral.
17 Le Président du gouvernement de Serbie, feu Zoran Djindjic, a fait de
18 même. Il s'est adressé au Procureur du Tribunal pour appuyer les garanties
19 offertes par son gouvernement.
20 Ceci a été confirmé à nouveau, il y a quelques jours, dans les lettres du
21 Président du Gouvernement de la République serbe, M. Zivkovic, et avec la
22 lettre de M. Svilanovic.
23 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la mise en liberté provisoire
24 de M. Milutinovic jusqu'au début de son procès, avec toutes les mesures de
25 protection appropriées, d'après nous, ne représenterait aucun risque pour
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1 le déroulement de la présente affaire.
2 Ceci découle du sérieux avec lequel notre gouvernement s'est acquitté de
3 ses obligations pour aboutir à une coopération pleine avec le Tribunal,
4 avec le Bureau du Procureur et avec les conseils des accusés. Ce processus
5 est un processus vivant, il est amélioré en permanence. Six personnes ont
6 été mises à la disposition du Tribunal jusqu'à présent par la Serbie et le
7 Monténégro, y compris l'ex-Président de l'Etat. Un grand nombre de ces
8 personnes, de ces accusés se sont rendus volontairement suite à la
9 campagne qui a été faite par notre Gouvernement. La Serbie et le
10 Monténégro sont prêts à continuer à arrêter tous les accusés qui seraient
11 présents sur notre territoire.
12 En ce qui concerne la coopération pour localiser et approcher les témoins,
13 ainsi que la sécurité des témoins, la confidentialité de ces processus,
14 cette coopération est pleine et satisfaisante, et les demandes du
15 Procureur en vertu de l'Article 54bis se poursuivent de façon continue.
16 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, en ce qui concerne la requête
17 du Procureur en vertu de l'Article 54bis, le Procureur s'en sert comme
18 d'un argument dans la réponse qu'il a fournie à la requête de l'accusé
19 pour une mise en liberté provisoire en date du 6 février. Je dois dire que
20 cette requête du Procureur, en vertu de l'Article 54bis, n'est pas
21 pertinente pour l'audience à laquelle nous assistons, puisqu'il s'agit du
22 conflit direct entre le Bureau du Procureur et la Serbie et le Monténégro,
23 qui ne doit aucunement influer sur la situation de l'accusé en ce qui
24 concerne sa demande de mise en liberté provisoire.
25 La lutte contre la criminalité organisée après l'attentat mené contre le
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1 Premier ministre serbe, Zoran Djindjic, a été satisfaisante et a amélioré
2 la stabilité démocratique de notre pays, et a contribué à créer de
3 meilleures conditions pour continuer toute coopération avec ce Tribunal.
4 La Serbie et le Monténégro réfutent les affirmations du Procureur qui
5 figurent dans les paragraphes 12 à 15 de la réponse du Procureur en date
6 du 6 février. Nous souhaitons surtout démontrer aux Juges de la Chambre
7 que l'affirmation du Procureur qui figure dans les paragraphes 14 de la
8 réponse n'est pas acceptable, où on jette le doute sur la fiabilité des
9 garanties présentées par la Serbie et le Monténégro dans l'avenir, comme
10 dit le Procureur, où les dirigeants d'aujourd'hui ne seront plus au
11 pouvoir.
12 Dans toutes les affaires dans le cadre desquelles le Tribunal avait
13 accepté les garanties fournies par notre gouvernement, à savoir l'affaire
14 de Biljana Plavsic, Pavle Strugar, Miodrag Jokic, Momcilo Gruban et
15 Milomir Talic, eh bien, les ordonnances du Tribunal sont respectées sans
16 aucune difficulté. Toutes ces personnes se présentent régulièrement quand
17 les Chambres de première instance le demandent, et aucune partie des
18 procédures en cours devant le Tribunal pénal international n'a eu
19 d'objection quant au comportement des autorités locales. Donc il
20 conviendrait que le Procureur traite les garanties fournies par la Serbie
21 et le Monténégro avec le respect qui leur est dû.
22 C'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant, et je vous remercie de votre
23 attention.
24 M. le Président (interprétation): Merci.
25 Monsieur Shin, c'est à vous.
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1 M. Shin (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
2 Compte tenu de l'heure, je ferai de mon mieux pour m'exprimer brièvement,
3 mais je ne suis toutefois pas certain de pouvoir en terminer avant 17
4 heures 30.
5 L'accusation commencera d'abord par présenter quelques points généraux en
6 prenant en considération, bien entendu, les arguments présentés ici
7 aujourd'hui par la défense, ainsi que par l'Etat connu aujourd'hui sous le
8 nom de "Serbie-Monténégro". L'accusation abordera également un certain
9 nombre de points qui n'ont pas encore été abordés à l'heure actuelle.
10 La défense a déclaré que la question la plus importante dans le débat
11 relatif à la mise en liberté provisoire était la reddition de l'accusé et
12 le fait de savoir si elle s'était faite volontairement ou pas.
13 L'accusation est d'accord qu'il s'agit d'un élément très important
14 lorsqu'on discute de liberté provisoire.
15 Dans la présente affaire, l'accusation fait remarquer que l'accusé a été
16 fugitif pendant près de quatre ans; je crois que la période en question
17 avoisine en fait trois ans et huit mois. Pendant cette période, l'accusé
18 aurait pu se rendre à tout moment.
19 L'accusation déclare -et elle traitera des arguments contraires présentés
20 par l'accusé un peu plus tard- que l'Acte d'accusation original a été émis
21 en mai 1999 et qu'il était connu par l'opinion publique mondiale. En fait,
22 l'accusé n'a rien fait pour nier le fait qu'il était au courant de
23 l'existence de cet Acte d'accusation.
24 L'accusation passera ensuite aux conditions dans lesquelles, pendant ces
25 quatre ans, l'accusé a vécu en liberté. L'accusé bénéficiait ouvertement
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1 de la protection de son gouvernement. En fait, avant, un représentant de
2 la République fédérale de Yougoslavie avait déjà déclaré devant cette
3 Chambre, très ouvertement, que l'accusé ne serait pas transféré au
4 Tribunal avant la fin de son mandat, malgré le fait qu'il avait été mis en
5 accusation en mai 1999.
6 L'accusation déclare que toutes ces conditions démontrent que, par ses
7 actes, l'accusé a manifesté une attitude très claire vis-à-vis du
8 Tribunal. En bref, il ne respecte pas l'autorité du Tribunal et il avait
9 pour intention d'obtenir la liberté provisoire pendant tout le temps où il
10 pouvait bénéficier de la protection des autorités au pouvoir dans son
11 pays. En fait, l'accusation estime que l'accusé ne s'est rendu que
12 lorsqu'il a décidé qu'il était impossible de faire autrement; ce calcul
13 résulte du fait que la loi sur la coopération avec le Tribunal a été
14 votée. Et notre mémoire ne met pas peut-être suffisamment l'accent sur ce
15 point. Nous aimerions parler de l'Article 36 de cette loi sur la
16 coopération qui stipule qu'un accusé qui s'est rendu volontairement
17 bénéficiera de garanties s'agissant de sa remise en liberté provisoire et
18 l'accusation estimait qu'un tel passage ne pouvait être qu'une aide à la
19 Chambre de première instance.
20 J'aborderai maintenant la question des déclarations faites précédemment
21 par l'accusé. Dans les écritures de l'accusation, on trouve une citation
22 intitulée "Je ne ferai pas face au Tribunal qui juge les crimes de guerre,
23 en tant que Président de la Serbie". Ce titre vient de l'agence "Reuters".
24 L'article se lit comme suit… Je cherche la citation de l'accusé M.
25 Milutinovic -je cite-: "Je ne vois aucune raison de me rendre au Tribunal.
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1 Je pense que le verdict de mon peuple est le plus important quant à ces
2 créations artificielles" -il parlait là du Tribunal- "qui prétendent juger
3 un peuple tout entier à travers ses dirigeants; elles ne sont pas
4 reconnues par moi". (Fin de citation.)
5 Dans ce même article, une autre citation des propos de l'accusé se lit
6 comme suit -je cite-: "Vous savez vous-même que le Tribunal de La Haye est
7 un tribunal politique, et que Kostunica a donné son avis au sujet de ce
8 Tribunal récemment, il a dit très clairement ce qu'il en pensait". (Fin de
9 citation.)
10 En dépit des allégations qui vous sont présentées aujourd'hui, l'argument
11 principal c'est que l'accusé n'aurait pas prononcé ces paroles.
12 L'accusation estime qu'en dépit de cela, ces propos sont tout à fait
13 cohérents et correspondent au comportement de l'accusé qui s'est soustrait
14 à la juridiction du Tribunal pendant près de quatre ans; ce qui montre
15 bien quel était son état d'esprit à l'époque.
16 L'accusé souligne qu'il y a eu des changements récents dans ses
17 déclarations et qu'aujourd'hui il reconnaît la validité du Tribunal.
18 L'accusation estime qu'il n'est pas surprenant qu'il ait changé d'avis,
19 ceci correspond à l'argument développé par nous selon lequel l'accusé
20 reconnaît le Tribunal quand il estime -et nous soulignons qu'il n'a
21 commencé à estimer cela qu'après quatre ans de vie en tant que fugitif-
22 que les protections dont il bénéficiait avec certaines autorités au
23 pouvoir dans son pays sont arrivées à leur terme et que, dans ces
24 conditions, il lui faut choisir de se rendre au Tribunal.
25 L'accusation dans ses écritures cite un autre article de presse daté du 24
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1 décembre. Cet article est intitulé "Le Milutinovic de Serbie refuse de se
2 rendre au Tribunal de La Haye". Je ne ferai qu'une citation très brève de
3 cet article qui se lit comme suit -je cite-: "Le Président de la Serbie,
4 Milan Milutinovic, a conclu un accord avec les autorités et n'a aucune
5 intention de se rendre au Tribunal de La Haye". L'un des proches de
6 Milutinovic, auquel le Président a demandé de transmettre ce message aux
7 médias, a dit à "Nacional". Et "Nacional" est la source de cet article, ce
8 qui vient d'être lu.
9 L'accusation estime que tout ceci montre très clairement qu'il n'y a pas
10 eu reddition volontaire de la part de M. Milutinovic dans le sens donné à
11 cette expression par l'Article 65-B), ainsi que dans le sens accordé à
12 l'expression par la jurisprudence du Tribunal.
13 Dans ces conditions, le Procureur estime que les garanties personnelles ne
14 pèsent que très peu et ne peuvent pas constituer un argument important en
15 faveur d'une remise en liberté provisoire.
16 Sur la base de cette jurisprudence, le Procureur s'appuie sur les arrêts
17 de Chambre d'appel Sainovic & Ojdanic, en date du mois de juin de l'année
18 dernière. Je vous prie de m'excuser: je crois que la date est en fait
19 celle d'octobre de l'année dernière. Cette décision, bien entendu, est
20 l'élément pertinent à prendre en compte lorsqu'on discute de mise en
21 liberté provisoire pour l'accusé que vous avez devant vous.
22 Les faits sont très similaires pour tous les accusés. La Chambre d'appel a
23 estimé que la reddition de l'accusé Sainovic et de l'accusé Ojdanic ne
24 pouvait pas être considérée comme des redditions volontaires. Il y a bien
25 sûr une différence du point de vue des faits entre les différents accusés,
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1 mais ils ont refusé de se rendre. Et le refus de se rendre de la part de
2 l'accusé que vous avez devant vous, a continué pendant près d'un an après
3 que ses co-accusés se soient rendus au Tribunal.
4 L'accusation estime donc que cette différence est très importante dans
5 cette affaire. Du point de vue de la jurisprudence, l'accusation se réfère
6 également à la Chambre de première instance et à l'arrêt de la Chambre
7 d'appel dans l'affaire Mrksic où il y a eu refus d'une requête aux fins de
8 liberté provisoire pour cet accusé. Dans cette affaire, la Chambre de
9 première instance a estimé que la reddition après six ans de refus de
10 reddition devant le Tribunal ne pouvait avoir qu'une incidence limitée en
11 faveur d'une mise en liberté provisoire.
12 En fait, la Chambre de première instance dans l'affaire en question, a
13 déclaré qu'il était assez peu crédible que l'accusé ait refusé de se
14 rendre volontairement pendant toutes ces années et que, désormais, il
15 puisse être traité comme quelqu'un qui s'est rendu volontairement.
16 Dans cette affaire également, la Chambre de première instance estime que
17 les engagements personnels de l'accusé, lorsqu'il demande la liberté
18 provisoire, sont insuffisants. Ces conclusions de la Chambre de première
19 instance ont été appuyées par la Chambre d'appel dans son arrêt.
20 L'accusation se référera rapidement également à la décision de la Chambre
21 de première instance dans l'affaire Martic, lorsqu'il y a eu requête aux
22 fins de liberté provisoire et refus d'une telle requête. L'accusé Martic
23 était également fugitif pendant près de six ans; et, sur la base de cet
24 élément et d'autres éléments, la Chambre de première instance a estimé ne
25 pas être convaincue qu'il était revenu pour subir son procès au moment
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1 requis. Donc la décision Martic a été confirmée en appel et la requête n'a
2 pas été acceptée.
3 L'accusation passera maintenant à un deuxième point: les allégations et
4 les arguments développés par l'accusé dans le sens contraire, dont
5 l'accusation estime qu'ils ne sont ni justifiés et excusés étant donné que
6 l'accusé a refusé de se rendre pendant quatre ans.
7 L'accusation fera d'abord remarquer qu'en dépit des arguments développés
8 par l'accusé selon lesquels il aurait contribué à une bonne transition
9 démocratique en Serbie et en Yougoslavie, ou en tout cas à la stabilité
10 politique de cet Etat, l'accusation estime que ces arguments n'ont aucun
11 poids.
12 D'abord, rien ne permet d'appuyer ceci dans la jurisprudence; pas plus que
13 du point de vue du Règlement du Tribunal, ces considérations politiques ne
14 contribuent à l'autorité dont jouit le Tribunal.
15 L'accusation a indiqué dans ses écritures que le Statut et le Règlement de
16 procédure et de preuve excluent, de la façon la plus claire qui soit, la
17 prise en compte de ce genre de considérations.
18 Et je renvoie la Chambre de première instance une nouvelle fois à
19 l'Article 7-2) du Statut, ainsi qu'à l'Article 58 du Règlement de
20 procédure et de preuve.
21 En dépit de l'exclusion très claire de ces considérations nationales,
22 lorsqu'il est question de reddition et de transfert dans le Statut et dans
23 le Règlement, l'accusé va encore un pas plus loin, en affirmant que ces
24 considérations politiques ne doivent pas uniquement être prises en compte
25 mais que, par ailleurs, la Chambre de première instance doit les admettre
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1 comme telles, sans preuve, et ne doit poser aucune question à leur sujet.
2 L'accusation estime que ceci revient à dire que la Chambre de première
3 instance doit accepter un certain nombre de choses sans la moindre preuve.
4 Nous affirmons que la Chambre de première instance ne doit pas seulement
5 rejeter cette nouvelle indication à intégrer des considérations politiques
6 dans le débat de la liberté provisoire mais, comme nous l'avons indiqué
7 dans nos écritures, que ceci ne ferait qu'inciter à créer des conditions
8 particulières qui permettraient à tout accusé de demander la mise en
9 liberté provisoire aux fins d'assurer la stabilité politique dans son
10 pays.
11 Depuis le début de la vie de ce Tribunal et même dans la période actuelle,
12 le Tribunal a l'habitude de voir comparaître devant lui des personnes
13 mises en accusation qui présentent ce genre d'arguments et qui ne
14 correspondent pas du tout aux arguments développés par la défense dans sa
15 réponse.
16 L'accusation indique le paragraphe 8 de sa réponse, comme étant un
17 paragraphe très important. L'accusé y a déclaré ne pas avoir été capable
18 de se rendre avant octobre 2000…
19 M. le Président (interprétation): Je pense que nous devrions parler de
20 cela à huis clos partiel, si vous voulez entrer dans les détails.
21 De combien de temps auriez-vous besoin, Monsieur Shin?
22 M. Shin (interprétation): Peut-être...
23 M. le Président (interprétation): Ne pensez pas qu'il faut absolument
24 accélérer? Il est possible que nous ayons à convoquer une nouvelle
25 audience.
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1 M. Shin (interprétation): Je prévois une demi-heure en tout cas, peut-être
2 plus. J'aimerais aborder un certain nombre de détails dans un débat qui a
3 déjà été loin. Et je demanderai à disposer du temps nécessaire pour
4 traiter de ces questions.
5 (Les Juges se concertent sur le siège.)
6 M. le Président (interprétation): Nous essayons de voir à quelle heure
7 nous pourrions lever l'audience.
8 Madame la Greffière, pourriez-vous nous aider, je vous prie?
9 Monsieur Livingston, quelle est votre situation? Pouvez-vous rester ici
10 jusqu'à demain matin?
11 M. Livingston (interprétation): J'ai un avion ce soir, en fait, mais......
12 (Le Président s'entretient avec la Greffière.)
13 (Les Juges se concertent sur le siège.)
14 M. le Président (interprétation): Quelle est votre situation pour la
15 journée de demain? Car l'avis majoritaire est que nous devrions suspendre.
16 Vous avez un avion ce soir?
17 M. Livingston (interprétation): Eh bien...
18 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez des obligations
19 ailleurs demain matin?
20 M. Livingston (interprétation): Pas que je sache. Mais, vous savez, avec
21 les cabinets d'avocats, on ne sait jamais quels engagements ont été pris
22 en votre nom.
23 M. le Président (interprétation): Monsieur Shin, une autre possibilité
24 serait donc que nous siégions demain matin, à moins que l'audience soit
25 repoussée à une date ultérieure. Quel est votre avis? Est-ce que cela fait
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1 une différence pour vous?
2 M. Shin (interprétation): Je suis à votre disposition, Monsieur le
3 Président.
4 M. le Président (interprétation): Monsieur Livingston qu'en pensez-vous?
5 M. Livingston (interprétation): Je vous demande la possibilité d'en
6 discuter avec mon client quelques instants.
7 M. le Président (interprétation): Faites, je vous en prie.
8 (Maître Livingston s'entretient avec son client, M. Milutinovic.)
9 (Les Juges se concertent sur le siège.)
10 M. Livingston (interprétation): Je vous prie de m'excuser, Monsieur le
11 Président, cela a duré plus longtemps que je ne l'aurais pensé.
12 Monsieur Milutinovic laisse la décision aux Juges de cette Chambre. Et je
13 pense que si le Tribunal ne voit aucune difficulté à annuler mon vol de ce
14 soir et à me réserver une autre place demain, cela ne me posera aucun
15 problème de parler à mes associés par téléphone et de me trouver dans ce
16 prétoire demain, si c'est la solution qui est à la préférence de la
17 Chambre.
18 (Les Juges se concertent sur le siège.)
19 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous siégerons demain matin à
20 partir de 9 heures. L'accusation se verra accorder une demi-heure. Et dix
21 minutes seront accordées pour la défense pour répondre. Et je pense que
22 tout ceci repose sur l'idée que le paiement de votre billet sera à la
23 charge du Tribunal.
24 M. Shin (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président, j'ai indiqué
25 que j'aurais besoin d'une demi-heure au moins, mais peut-être de davantage
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1 de temps. Serait-il possible que l'on m'accorde un peu plus de temps?
2 M. le Président (interprétation): Très peu de temps.
3 M. Shin (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
4 M. le Président (interprétation): Monsieur Caric, oui, vous avez la
5 parole.
6 M. Caric (interprétation): Je serais très reconnaissant si la Chambre de
7 première instance m'autorisait à être présent lors de l'audience de demain
8 matin, car j'aimerais entendre l'avis du Procureur qui sera exprimé dans
9 ce prétoire.
10 M. le Président (interprétation): Bien sûr, vous pourrez être présent.
11 M. Caric (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.
12 M. le Président (interprétation): Nous nous retrouvons à 9 heures demain
13 matin.
14 (L'audience est levée à 17 heures 32.)
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