Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 2 décembre 2004

2 [Audience sur requêtes]

3 [Audience publique]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 15 heures 04.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons poursuivre avec les

7 arguments en l'espèce. Avant de poursuivre, je voudrais préciser que bien

8 qu'il ait été prévu que nous ayons une audience demain également, nous

9 avons l'intention d'en terminer de ces débats aujourd'hui, et nous en

10 appelons à la coopération des parties. Chacune des parties, qui veut

11 intervenir, s'est vue attribuer 45 minutes. Vous n'êtes nullement dans

12 l'obligation d'utiliser ces 45 minutes, puisque de nombreux arguments ont

13 déjà été présentés, et au lieu de les répéter, il vous est tout à fait

14 loisible de dire que vous adoptez les arguments déjà présentés; cependant,

15 il ne va nullement dans l'intention de la Chambre de restreindre votre

16 droit à vous exprimer ici.

17 Est-ce qu'il y a un problème quelconque ?

18 Nous allons entendre M. Johnson, qui représente les Etats-Unis.

19 M. JOHNSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Avant de

20 commencer, je souhaiterais revenir sur un point qui a été soulevé. Il

21 s'agissait du Statut de l'OTAN. D'après ce que j'ai compris, l'OTAN a

22 préparé une lettre qui a soit été envoyée déjà au Tribunal ou qui est en

23 chemin. Je souhaitais vous le signaler, Monsieur le Président, Messieurs

24 les Juges.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

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1 M. JOHNSON : [interprétation] Les Etats-Unis vous remercient de leur donner

2 la possibilité d'intervenir ici. La position mon gouvernement est détaillée

3 dans un mémoire écrit qui a été déposé le 28 février 2003. Conformément à

4 la décision qui a été prise hier, je vais m'efforcer de prononcer mes

5 arguments en audience publique.

6 L'argument que je vais présenter cet après-midi est des plus simples. En

7 premier lieu, la demande de la Défense est présentée de telle manière

8 qu'elle met en jeu, de manière directe, déraisonnable et tout à fait

9 inutile, des questions relatives à la sécurité nationale. La Défense, hier,

10 a caractérisé -- a qualifié sa requête d'extraordinaire et, sur ce point,

11 au moins nous sommes d'accord avec eux.

12 S'agissant des intérêts de sécurité, nous ne vous demandons pas de

13 rejeter cette demande du premier coup, mais il faut que la Défense

14 respecte les dispositions de l'Article 54 bis. De même le Règlement de

15 procédure et de preuve fournit un cadre qui permet de protéger la sécurité

16 des Etats concernés, tout en permettant la fourniture d'information, soit à

17 la Défense, soit à l'Accusation.

18 En deuxième lieu, comme cela a été dit par mes collègues hier, la Défense

19 n'a pas rempli les dispositions prévues par l'Article 54 bis, en ne prenant

20 pas les dispositions nécessaires pour obtenir les informations par le biais

21 de la coopération, en n'identifiant pas les informations visées par la

22 requête, en établissant la pertinence, en montrant la nécessité et en

23 s'assurant que la requête n'était pas d'une exécution trop malaisée.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous entendu ? Les interprètes

25 vous demandent de ralentir.

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1 M. JOHNSON : [interprétation] Troisièmement, la requête pourrait être

2 reformulée, afin de minimiser les préoccupations des états, s'agissant de

3 leur sécurité nationale et de mieux répondre aux exigences de l'Article 54

4 bis.

5 Enfin, il faut savoir que les Etats-Unis ont offert de partager des

6 informations avec la Défense sur cette base et que la Défense a refusé.

7 Etant donné que la Défense n'a pas rempli les conditions requises pour

8 l'application de l'Article 54 bis et la délivrance d'une ordonnance au-

9 dessus de cet article, nous demandons à ce que cette requête soit rejetée.

10 En premier lieu, nous estimons qu'il est utile de passer en revue le cadre

11 qui a été établi par le Tribunal pour faire en sorte que les gouvernements

12 puissent fournir des informations pertinentes tout en garantissant les

13 intérêts de leur Défense nationale. Dans le cadre de ce cadre, on insiste

14 sur la nécessité pour le requérant de coopérer avec l'Etat auquel il

15 s'adresse. De même, on explique pourquoi, toutes les requêtes sont de

16 nature à porter préjudice à la sécurité nationale doivent respecter les

17 exigences de l'Article 54 bis.

18 Parmi les parties, il n'y a aucune discussion s'agissant du fait que

19 la requête de la Défense a trait à des questions éminemment sensibles du

20 point de vue de la sécurité nationale. Elle le reconnaît, d'ailleurs, la

21 défense, dans sa demande ainsi que dans un e-mail, qui a été envoyé aux

22 Etats-Unis, le 14 août 2002, je cite : "Je reconnais que cette demande va

23 entraîner une tension entre le droit d'un gouvernement à protéger les

24 renseignements dont ils disposent et le droit d'un accusé à avoir ou

25 bénéficier de documents qui sont en rapport avec cette affaire".

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1 Ceci apparaît immédiatement, si on regarde la façon dont est formulée

2 la requête. Dans la première et la deuxième partie, on fait référence aux

3 interceptions, aux rapports des services de renseignements. Dans la

4 troisième partie, on fait référence à des informations qui ont trait à des

5 rapports, notamment.

6 Aucune de ces trois parties de la demande ne préside le contenu des

7 informations. Une requête de telle sorte va à l'encontre de toutes les

8 exigences de l'Article 54 bis et suscite des préoccupations importantes au

9 niveau de la sécurité nationale. Il est indéniable que les informations

10 demandées touchent aux sources de renseignements et aux méthodes de

11 renseignements des Etats.Je voudrais maintenant revenir à une question qui

12 a été posée par le Juge Bonomy hier.

13 La capacité des Etats à protéger ses sources et ses méthodes, la

14 capacité à ne pas révéler leur existence, leur étendue, leur utilisation,

15 est fondamentale pour l'efficacité de ses services. Lorsque de telles

16 informations sont publiées, cela compromet non seulement l'information en

17 elle-même, mais également les méthodes qui ont été utilisées pour obtenir

18 ces informations, ces renseignements. S'agissant de l'interception de

19 communications, la question n'est pas comme cela a été souligné par M. le

20 Juge Bonomy, hier. De savoir si ce type de capacité existe, de manière

21 générale, mais la question est de savoir si elle a été employée dans des

22 circonstances particulières, de quelle manière, son efficacité, le degré

23 jusqu'auquel c'est utilisé et l'entendue de ses capacités.

24 S'agissant du renseignement humain, ici nous parlons de la protection de

25 source, de personnes dont la vie pourraient être en mise en danger si les

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1 informations qu'elles ont fournies sont révélées. Il peut compromettre, de

2 telle manière, ces méthodes de renseignements, et peut remettre en cause la

3 capacité d'un Etat à réunir des informations et à se protéger contre des

4 terroristes ou d'autres ennemis.

5 Dans son Règlement, dans sa jurisprudence, le Tribunal n'a cessé de traiter

6 de cette tension difficile qui a été évoquée par les conseils de la

7 Défense, en faisant en sorte que le partage des informations se fasse dans

8 un cadre qui protège les intérêts de la sécurité nationale et où les

9 demandes y afférant sont examinées avec beaucoup de soin.

10 Comme le Chambre le sait sans doute, au terme de l'Article 70, le

11 Procureur n'est pas autorisé à divulguer des informations qui lui ont été

12 fournies sur une base confidentielle. Au terme de cet article, la Chambre

13 de première instance ne peut pas contraindre un témoin à répondre toute

14 question relative à ses informations, à leur origine, si le témoin refuse

15 de répondre en évoquant des motifs de confidentialité.

16 La Chambre d'appel, lorsqu'elle a statué sur l'interprétation et

17 l'application de l'Article 70 dans l'affaire Milosevic, a expliqué le

18 caractère de ces mesures de protection. Elle a déclaré que cet article

19 avait été introduit dans le Règlement pour encourager les Etats et d'autres

20 à aider l'Accusation ou la Défense. Cet article encourage la coopération en

21 -- je cite : "Garantissant à ceux qui fournissent des informations que la

22 confidentialité des informations qu'ils fournissent et des sources

23 d'informations seront protégées. En l'absence de telles garanties de

24 confidentialité, il est pratiquement impossible d'envisager que le Tribunal

25 puisse remplir son mandat".

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1 Comment ces protections, qui sont prévues par l'Article 70, se relient avec

2 l'Article 54 bis ? Ou, en d'autres termes, comment se fait-il que le

3 Tribunal prenne des mesures très développées pour protéger des informations

4 sensibles dans l'Article 70, en limitant même les questions que peuvent

5 poser les Juges au sujet de ces informations ? Comment se fait-il que cela

6 soit ainsi d'un côté et que d'un autre côté, ces informations puissent être

7 fournies en vertu de l'Article 54 bis ?

8 On trouvera la réponse dans l'affaire Blaskic puisque, dans cette

9 affaire, la Chambre d'appel a fait une distinction entre les approches

10 coopératives et obligatoires dans les relations avec les Etats. Elle a

11 estimé, je cite : "C'est la coopération qui doit être employée, autant que

12 possible, et en premier, et l'emploi de la contrainte ne doit être réservé

13 qu'au cas de figure où cela se révèle absolument nécessaire."

14 Dans le cadre de ce principe, les Etats doivent avoir toute

15 possibilité de bénéficier des protections prévues par l'Article 70 avant de

16 se trouver confronter au processus obligatoire prévu par l'Article 54 bis;

17 sinon, l'Article 70 resterait lettre morte puisque aussi bien l'Accusation

18 que la Défense pourrait ne pas avoir recours au processus de coopération et

19 passer directement à l'emploi d'une approche coercitive au terme de

20 l'Article 54 bis.

21 Il nous semble incongru de voir une situation se dessiner dans

22 laquelle les états sont ou bénéficient ou sont en droit de bénéficier de

23 protection garantissant leurs intérêts de sécurité nationale. Lors du

24 partage de la formation, dans un esprit de coopération, avec l'Accusation

25 ou la Défense, au terme de l'Article 70, mais, dans le même temps, elle

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1 soit privée de cette protection, de ces garanties parce que le requérant

2 n'a pas fait en sorte qu'une coopération soit possible.

3 C'est pour ces raisons que l'Article 54 bis est l'arrêt Blaskic exige

4 du requérant qu'il prenne des mesures raisonnables pour obtenir les

5 informations sur une base de la coopération de la part d'un Etat. Comme

6 l'ont déjà expliqué les autres intervenants, la Défense n'a fait qu'un

7 effort de pure forme pour coopérer avec les Etats et obtenir ces

8 informations sur une base de coopération.

9 Dans le cas des Etats-Unis, nos efforts renouvelés pour essayer de

10 travailler avec le conseil de la Défense, sont détaillés dans les annexes

11 de notre mémoire.

12 Mais en les passant en revue brièvement, ceci pourra vous donner une

13 idée de la disposition de la Défense. Les Etats-Unis ont répondu à la

14 première demande de la Défense en proposant une réunion pour discuter des

15 modalités qui pourraient être adoptées.

16 Le 14 août 2002, la Défense a rejeté cette offre. La Défense a

17 déclaré : "Il vaudrait mieux que vous couchiez par écrit toutes vos

18 questions et vos préoccupations au sujet de notre demande plutôt que

19 d'organiser une réunion, ceci afin que la Chambre de première instance du

20 TPIY ait une idée précise des efforts que nous avons entrepris pour obtenir

21 une coopération volontaire avant la demande d'une ordonnance

22 contraignante." Ceci, c'était avant même que notre dialogue n'ait commencé.

23 Une semaine plus tard, les Etats-Unis ont appelé le conseil de la

24 Défense à réfléchir à sa position en estimant que : "De telles discussions

25 étaient constructives, elles pouvaient permettre à la Défense d'obtenir les

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1 informations demandées tout en respectant les intérêts des Etats-Unis

2 s'agissant de ces informations sensibles."

3 Le 22 août, la Défense a accepté de participer à la réunion proposée en

4 garantissant, je cite : "Nous ferons tout ce qui est dans notre pouvoir

5 pour coopérer avec vous et obtenir les informations pertinentes pour

6 l'affaire du général Ojdanic."

7 Le 19 septembre, les Etats-Unis ont rencontré le conseil de la Défense.

8 Nous avons donné des détails sur les informations qui avaient déjà été

9 fournis avec d'autres conseils de la Défense, et la manière dont on avait

10 procédé. Nous avons répété que nous désirions coopérer avec la Défense dans

11 l'espèce. De la même manière, nous avons insisté sur le fait que si nous ne

12 pouvons pas confirmer ou nier l'existence des écoutes demandées, nous

13 ferons une recherche auprès de toutes les sources d'information

14 correspondant à une requête présentée en bonne et due forme, et faire tout

15 ce qui était en notre pouvoir pour fournir les informations demandées.

16 Le 28 septembre 2002, la Défense a fourni une demande révisée et plus

17 précise dans laquelle, il n'y avait plus -- on s'est concentré sur les

18 déclarations faites au sujet du Kosovo et sur les déclarations faites par

19 l'accusé plutôt que par n'importe quelle autre personne en Yougoslavie.

20 Bien que cette requête ait été améliorée, elle était encore inadéquate. Vu

21 que c'était plutôt la nature des informations qui était demandée et qui

22 était précisée plutôt que leur teneur.

23 Pendant que cette recherche avait lieu, la Défense, contrairement à

24 ses assurances précédentes et selon lesquelles elle "allait faire de son

25 mieux" pour coopérer, a abandonné ce processus et sa démarche, puisque le

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1 13 novembre 2003, la Défense a déposé sa requête actuelle et est revenue à

2 une formulation vague de sa demande.

3 En présentant cette requête six semaines seulement après la présentation de

4 sa requête révisée, alors que les Etats-Unis faisait de leur mieux pour y

5 répondre, la Défense a prouvé que lorsqu'elle avait eu des contacts avec

6 les Etats-Unis, c'était moins pour essayer d'obtenir une coopération de la

7 part de ce pays que pour prouver que des efforts superficiels avaient été

8 faits pour répondre aux exigences du Règlement.

9 En dépit de cette demande, les Etats-Unis ont continué à traiter la

10 requête qui leur avait été présentée, puisque le 24 janvier 2003, les

11 Etats-Unis ont informé la Défense que nous avions identifié des

12 informations qui pouvaient répondre à la requête. Nous avons également noté

13 qu'aucun des éléments ne contenait des informations à décharge. La Défense

14 a ensuite pris des mesures, et que nous fournirions ces éléments dès que la

15 Défense aurait pris les mesures nécessaires par garantir nos intérêts de

16 sécurité nationale en obtenant une ordonnance du Tribunal en vertu de

17 l'Article 70.

18 Nous avons expliqué que ces mesures de protection étaient

19 équivalentes à celles qui avaient été demandées de l'Accusation lorsque

20 nous avions fourni à celle-ci des informations supplémentaires et que les

21 mesures de protection étaient les mêmes à celles qui avaient été obtenues

22 auprès d'autres conseils de la Défense qui avaient désiré avoir accès à des

23 informations sensibles détenus par le gouvernement américain.

24 Comment la Défense a-t-elle réagi à cette offre d'information qui

25 correspondait à leur demande ? Le 29 janvier, la Défense l'a rejetée. En

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1 dépit de ce refus, les Etats-Unis ont fait un dernier effort pour fournir à

2 la Défense les informations qui étaient demandées. Le 3 février 2003, nous

3 avons envoyé une lettre dans laquelle nous disions : "Très clairement que

4 notre offre ne dépendait pas du retrait par la Défense de sa dernière

5 requête." En d'autres termes, la Défense n'avait rien à perdre.

6 Plus d'un an et demi s'est écoulée depuis que les Etats-Unis ont fait

7 cette offre, et nous n'avons reçu aucune réponse de la Défense. Il est

8 difficile de comprendre cette démarche du côté de la Défense. Il est

9 difficile de la comprendre également vu l'obligation faite par le Règlement

10 de procédure et de preuve qui veut que le processus obligatoire ne soit

11 utilisé qu'en dernier recours.

12 La requête également ne répond pas à des conditions préalables

13 établies par cet article et par la décision rendue dans l'affaire Blaskic

14 tel qu'exposé par mes confrères hier. Ceux-ci ont trait aux exigences

15 visant à identifier les documents et établir leur pertinence, à démontrer

16 leur nécessité, à s'assurer que la demande n'est pas trop lourde.

17 A cause de la question de l'objectif de ces éléments, c'est pour

18 empêcher qu'il y ait des empiétements injustifiés dans la souveraineté d'un

19 Etat, il s'agit d'une demande qui empiète précisément au cœur même des

20 intérêts de sécurité d'un Etat tel que le renseignement. Ceci doit être

21 évidemment être procuré par les hauts critères.

22 En ce qui concerne la spécificité, l'Article 54 exige que la seule

23 partie demande une ordonnance qui : "Identifie autant que possible les

24 documents et les renseignements auxquels la requête se réfère." La décision

25 Blaskic explique que la requête doit : "Identifier les documents précis et

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1 pas simplement de vastes catégories." La requête reconnaît que cette

2 demande correspond à une "catégorie de documents" plutôt qu'à des documents

3 précis, mais elle essaie de se fonder, ou essaie de se fonder sur une

4 citation sélective de la décision Kordic pour suggérer que ces documents

5 pourraient être demandés par catégorie lorsqu'il est impossible de préciser

6 le titre, la date, et l'auteur de chacun des documents. Lorsque la

7 catégorie de documents a été identifiée avec "une certitude suffisante qui

8 permet de les identifier facilement pour ce qui est des documents qui

9 entrent dans cette catégorie."

10 Maintenant, lorsque la Chambre d'appel, dans l'affaire Kordic, a

11 effectivement imposée ses conditions, elle a imposé une condition

12 supplémentaire que le conseil de la Défense n'a pas mentionné, à savoir que

13 cette exigence de spécificité interdit clairement l'utilisation de

14 catégories très vastes. Ceci est essentiel dans la décision Kordic.

15 Egalement, les catégories dont il est question dans l'affaire Kordic

16 étaient fondées sur la teneur des renseignements recherchés, et non pas sur

17 le type de la forme des renseignements. Il est difficile d'envisager des

18 catégories plus vastes de demande que celle qui a été présentée ici pour ce

19 qui est de fournir tout ce que l'accusé a pu dire au cours d'une période de

20 six mois, et ainsi que par quiconque, toute autre personne en Yougoslavie

21 en ce qui concerne le Kosovo dans lequel le nom de l'accusé aurait été

22 mentionné ou il y aurait été fait référence.

23 Ainsi que les trois parties de la requête mentionnée, les demandes

24 sont si vastes qu'elles reprennent pratiquement tout, y compris les

25 conversations de famille ou des engagements particuliers ou des questions

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1 d'affaire. Les trois parties de la requête d'origine, y compris de nombreux

2 aspects, ne précisent pas quelles sont les parties de l'accusé dans ces

3 conversations, les lieux où ces déclarations ont été faites, les dates

4 approximatives où de telles déclarations auraient été faites et, ce qui est

5 plus important, leur teneur.

6 Ce type de demandes représente tout à fait une opération de pêche aux

7 informations où le requérant ne cherche pas un élément particulier de

8 preuve qu'il aurait des raisons de penser qu'il existe, mais qui, en fait,

9 jette un vaste filet dans l'espoir qu'il finira par y trouver quelque chose

10 d'intéressant ou d'utile. Cette approche est interdite par les conditions

11 posées à l'Article 54 bis du Règlement et a été rejetée par le Juge Hunt

12 dans la citation qui a été faite et lue par mon confrère canadien hier.

13 Le fait que la Défense ne soit pas disposée ou ne puisse pas décrire

14 la teneur ou l'un des renseignements qu'il cherche à obtenir ne saurait

15 fournir une base pour répondre à ce critère de spécificité. L'Article 54,

16 en l'espèce, dans le droit applicable, exige également que le requérant

17 dise comment l'information recherchée -- de quelle manière elle est

18 pertinente à la question soumise à un juge ou à la Chambre de première

19 instance, et affirme, d'une façon concluante que les déclarations faites

20 par le général Ojdanic sont pertinentes pour montrer s'il a participé ou

21 non aux infractions en question, et la question de savoir si des crimes de

22 guerre lui sont reprochés, et également, son état d'esprit au cours des

23 événements en question.

24 Maintenant, le problème concernant cette justification est que cela

25 suppose que l'on se centre sur des déclarations, soient faites par

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1 l'accusé, soient par d'autres personnes, qui auraient trait à des éléments

2 reportables aux crimes qui font l'objet des poursuites. En fait, cette

3 demande n'a pas de limitations de ce genre, et c'est pratiquement toute

4 déclaration faite par l'accusé ou par d'autres, en ce qui concerne l'accusé

5 au cours d'une période de six mois. La Défense souhaite que les

6 communications interceptées, pendant la période en question, indépendamment

7 de leur teneur, puissent être effectivement produites.

8 La Défense essaie de justifier la pertinence des déclarations pour

9 dire qu'elles n'ont pas de liens avec les crimes en question et affirmant

10 qu'elles démontrent que l'accusé, malgré le fait qu'il était enregistré un

11 nombre X de fois sur un nombre X de conversations, n'a jamais été entendu

12 dire, ordonner, instiguer, planifier, aider, ou en quoi que ce soit, il n'a

13 pas omis d'empêcher ou de punir un crime de guerre. En d'autres termes,

14 plus de deux douzaines d'Etats sont priés de produire des catégories très

15 vastes d'éléments de renseignements très sensibles, de façon à ce que la

16 Défense puisse tenter de démontrer que l'absence prétendue de

17 renseignements concernant ces crimes veut dire que ces crimes n'ont pas été

18 commis.

19 Maintenant, même en acceptant, pour l'argumentation, qu'une requête

20 aussi vaste puisse être autorisée, la justification de la logique qui est à

21 la base est fondamentalement [imperceptible]. L'absence de renseignements à

22 charge dans cette documentation recherchée voudrait dire qu'on suppose que

23 chacune des communications de l'accusé, pendant la période en question, a

24 été conservée, examinée, et répertoriée, ce qui est impossible. On ne

25 saurait pas si cette absence de renseignements à charge pourrait traduire

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1 l'absence d'une intention criminelle ou l'intention d'éviter, en fait, des

2 communications qui pourraient avoir des éléments à charge. Pour satisfaire

3 au critère de la pertinence, les renseignements recherchés doivent être

4 liés aux charges en question. Ceci, évidemment, ne correspond pas aux

5 déclarations qui sont faites concernant les crimes qui sont reprochés, et

6 il est évident que la Défense n'a pas réussi à répondre à certaines

7 conditions.

8 L'Article 54 bis exige également qu'un requérant démontre que les

9 renseignements recherchés sont nécessaires pour une équitable détermination

10 de la question. Ceci fait une distinction entre la preuve du Tribunal en

11 vertu de l'Article 54 bis du Règlement, qui est un régime très sévère par

12 rapport aux régimes beaucoup plus vastes où les communications sont

13 applicables dans les différents systèmes nationaux, et plus

14 particulièrement dans le système des Etats-Unis, pour lequel les deux

15 conseils de la Défense et moi-même sommes familiers.

16 Les conclusions de la Défense ne répondent pas à ces conditions, au-

17 delà du fait qu'ils l'énoncent simplement. Premièrement, en englobant une

18 énorme quantité de documentation qui n'est pas pertinente pour les

19 questions qui se posent, cette requête, en évidence, n'est pas pertinente

20 pour les questions. Deuxièmement, même s'il fallait regarder les

21 déclarations, non seulement les déclarations faites par l'accusé ou

22 d'autres le concernant, les Etats ne sauraient être la meilleure source

23 pour prouver les informations recherchées. C'est l'accusé qui est le mieux

24 à même de savoir ce qu'il a dit, quand il l'a dit, avec quelle personne il

25 a parlé et sur quelle question. L'accusé également est le mieux placé pour

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1 savoir qui étaient les participants en ces échanges, de façon à ce que cela

2 puisse être corroboré dans les témoignages et que ceci puisse être

3 recherché.

4 L'accusé, à l'évidence, ne se rappelle absolument aucune des

5 communications qui aient été faites au cours de cette période, mais

6 vraisemblablement, celles qui sont pertinentes pour les questions qui se

7 posent dans ce procès.

8 Si les renseignements recherchés étaient véritablement nécessaires

9 pour les questions qui se posent en l'espèce, pourquoi est-ce que la

10 Défense a repoussé deux offres qui avaient été faites par les Etats-Unis de

11 fournir de la documentation en réponse à la demande qui était faite.

12 Pourquoi est-ce que la Défense a laissé sans réponse pendant plus de 18

13 mois une offre qui avait été faite de lui fournir de la documentation en

14 réponse à sa question, sans préjudice, cela pose la possibilité de

15 présenter sa requête actuelle.

16 Au-delà de ces conditions posées par l'Article 54 du Règlement, la

17 jurisprudence du Tribunal identifie encore deux facteurs pour qu'une

18 Chambre puisse apprécier si elle va, oui ou non, rendre une ordonnance

19 obligatoire contre les Etats. Je les aborde brièvement.

20 Premièrement, la demande ne doit pas être très lourde. Pour faire

21 cette appréciation, la Chambre chargée de l'affaire Blaskic a dit

22 clairement qu'un Chambre ne devrait pas examiner simplement si

23 l'identification et la localisation des renseignements soient "exagérément

24 difficiles", mais également "voir s'il est très difficile d'examiner le

25 document en question." Il faut que cette demande soit "strictement

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1 justifiée par les exigences du procès."

2 Il est évident qu'un requête qui dépasse ceci, des renseignements qui

3 vont au-delà de ces questions, pour toute une période de six mois, dans

4 tous les cas où l'intéressé a été mentionné par d'autres personnes, ainsi

5 que toutes les communications en ex-Yougoslavie qui entraient au Kosovo,

6 sur le fait qu'on s'est référé au général, serait indûment -- serait

7 beaucoup trop lourde.

8 Sans rentrer dans les détails, les sources de renseignements et les

9 méthodes de renseignements irraisonnables de supposer que des

10 renseignements hautement sensibles, qu'ils aient été acquis par des moyens

11 techniques ou des moyens humaines, sont compartimentés soigneusement. Le

12 fait que cette requête elle-même essaie d'obtenir "des résumés des notes et

13 des textes" des décisions, qui auraient été faites, nécessitent des

14 recherches dans des documents papier plutôt que dans les documents

15 électroniques, et même au-delà des documents de renseignements, le faits

16 d'avoir demander "toute la correspondance, les memoranda, les rapports, les

17 enregistrements ou résumés" de déclarations faites par l'accusé à des

18 fonctionnaires des Etats-Unis, ou des sources qui seraient, à ce moment-là,

19 obligées de fournir un copie papier, couvrirait des -- correspondrait à des

20 dizaine de bureaux, des douzains d'organismes et départements, ainsi que

21 nos ambassades à l'étranger.

22 En outre, la sensibilité des sources et des méthodes dont il est

23 question veut dire que, même si des renseignements étaient localisés pour

24 répondre à la demande, il faudrait, à ce moment-là, qu'il y ait un

25 processus d'examen, document par document, avec de grandes difficultés,

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1 afin que ceci puisse être rapporté à l'affaire Blaskic avant que tel ou tel

2 élément d'information puisse être communiqué ou divulgué. Donc, même en

3 supposant qu'il soit possible de donner des renseignements qui répondent à

4 la question et à savoir s'ils ont été gardés sous forme électronique ou de

5 base de données, il faut trouver où est cette base de données, et des

6 réponses à ces renseignements vont être filtrées pour rechercher, selon le

7 mot-clé suggéré par le conseil de la Défense. Cette recherche représente

8 seulement une fraction de ce qu'il faudrait, en fait, faire pour donner une

9 réponse à la demande telle qu'elle est formulée.

10 Un dernier point, c'est que les Etats-Unis ont toujours été de ceux qui ont

11 le plus fermement appuyé le Tribunal. Nous pensons que peu d'Etats ont

12 fourni une coopération telle, notamment, autant de leur renseignements, la

13 qualité et la quantité, à la fois, à l'Accusation et à la Défense. Les

14 appels dans l'affaire Blaskic ont noté, à la fois, la pertinence et la

15 bonne foi de l'Etat pour apprécier les demandes issues d'une ordonnance

16 obligatoire, et on a également établi, en citant le Procureur : "Que

17 l'exécution obligatoire -- les pouvoirs d'exécution obligatoires

18 expressément par l'Article 29 du Statut ne seront que rarement invoqués,

19 s'il ne le sont jamais, en ce qui concerne des Etats, en d'autres termes,

20 des Etats belligérants."

21 Il vaut la peine de noter ici à quel point la situation est différente

22 s'agissant du bureau du Procureur, qui a fait des demandes de plus en plus

23 précises au pays. Aucun des Etats qui ont fait objet de cette demande n'ont

24 la possibilité, ceci indépendamment du fait que s'assurer que justice sera

25 rendue de façon équitable et impartiale, et nous avons tous exprimé que

Page 803

1 nous étions prêts à coopérer pour des requêtes qui seraient correctement

2 présentées soit par l'Accusation, soit par la Défense, conformément au

3 Règlement du Tribunal.

4 En ce qui concerne la requête spécifique qui est portée devant la Chambre,

5 les Etats-Unis estiment que la façon dont nous avons traité la demande du

6 conseil de la Défense démontre que nous avons, à tout moment, non seulement

7 répondu de bonne foi, mais nous sommes allés même plus loin pour fournir

8 des renseignements pertinents en réponse à cette requête.

9 En conclusion, les Etats-Unis pourraient faire valoir que la demande de la

10 Défense n'a pas répondu, n'a pas satisfait aux conditions préalables

11 essentielles soumis à l'Article 54 bis du Règlement ainsi qu'aux positions

12 posées dans les décisions Blaskic et la jurisprudence du Tribunal en

13 général. La demande est beaucoup trop large, elle englobe une vaste

14 quantité de documentation non pertinente, les renseignements recherchés ne

15 sont pas nécessaires pour pouvoir trancher de façon équitable aux problèmes

16 qui se posent. Puis, fondamentalement, ceci impliquerait sans nécessité des

17 renseignements qui correspondent à des problèmes de sécurité du plus haut

18 niveau. La sécurité des informations renforce obligation pour le requérant

19 de coopérer avec les états pour obtenir les renseignements avec coopération

20 avant d'essayer d'obtenir une ordonnance obligatoire. Ceci implique

21 également que la demande réponde à ces critères très élevés pour répondre

22 aux conditions posées par le Règlement.

23 Toutefois, la Défense n'a pas réussi à satisfaire à cette obligation pour

24 prendre des mesures raisonnables pour obtenir notre coopération. Toutes

25 mesures qui ont été prises ensuite ont été abandonnées après que les Etats-

Page 804

1 Unis aient fait leur proposition. En dépit de cela, les Etats-Unis ont agi

2 de bonne foi et ont fourni des renseignements autant qu'ils ont pu le

3 faire.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Johnson, j'ai deux questions

5 à votre endroit. Que voulez-vous dire quand vous dites que cette demande se

6 concentre sur la façon de réunir les informations plutôt que sur le

7 résultat ?

8 M. JOHNSON : [interprétation] Ce que je veux dire, c'est que cette demande

9 se concentre sur les communications interceptées. C'est là le point focal

10 de cette requête, les communications interceptées plutôt que la teneur

11 véritable de ces communications. Ce qui est visé, c'est plutôt les méthodes

12 de renseignements utilisées pour obtenir ces informations que les

13 informations mêmes.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais cela est dû au manque de

15 précision de la requête, n'est-ce pas ? On pourrait biffer les mots de

16 cette requête, et la requête serait la même si on regarde les paragraphes 1

17 et 2, ou A et B. Si on pourrait effacer les mots "de toutes communications

18 interceptées," alors effacer le mot "intercepté." A ce moment-là, on se

19 retrouverait avec la même requête, et votre argument ne tiendrait plus.

20 Est-ce qu'il ne faudrait pas plutôt se concentrer sur le manque de

21 précision de la requête ?

22 M. JOHNSON : [interprétation] Oui, indéniablement. Mais pour moi, cela,

23 c'est une situation qui comporte deux volets. D'une part, vous avez le fait

24 que cette demande n'est pas assez précise s'agissant des informations qui

25 sont recherchées. Il y a une difficulté qui fait que l'on se concentre dans

Page 805

1 cette requête sur les méthodes de renseignements, alors que ceci pourrait

2 être évité en changeant la formulation de la demande ou en la rendant plus

3 générale en précisant le contenu des informations mais sans donner la

4 nature même des documents.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ma deuxième question a trait au sujet

6 de cette situation hypothétique que vous évoquez vous-même. Je voudrais que

7 vous me disiez comment le Tribunal ou un Etat pourrait faire face à une

8 situation dans laquelle une ordonnance a été rendue par une Chambre de

9 première instance aux fins de production de documents, d'éléments. Une fois

10 que l'Etat en question a identifié les documents correspondants, l'Etat

11 constate que ces documents ou certains de ces documents sont d'une telle

12 sensibilité qu'il ne veut pas les fournir ou plutôt, qu'il est très

13 réticent à l'idée de fournir ces documents.Si on regarde le Règlement du

14 Tribunal, comment peut-on faire face à une telle situation ?

15 Je soulève cette problématique maintenant, car, elle découle de la

16 nature extrêmement vaste de la demande formulée, et du caractère

17 potentiellement vaste également de l'ordonnance qui sera rendue, et qui ne

18 se concentre pas sur des documents bien précis, et il ne vous permet pas de

19 dire quelle serait votre réaction s'agissant de tel ou tels documents

20 identifiés.

21 M. JOHNSON : [interprétation] Oui, je suis d'accord avec vous, Monsieur le

22 Juge. Je peux répondre en développant ma réponse autour de plusieurs

23 points. Premièrement, aux Etats-Unis, nous n'avons jamais été confronté à

24 une telle situation parce que chaque fois que nous avons reçu des demandes

25 de l'Accusation ou de la Défense, nous avons toujours trouvé une manière de

Page 806

1 fournir les informations demandées tout en garantissant notre sécurité

2 nationale. C'est pourquoi, dans mon intervention, j'ai insisté sur le fait

3 que le processus se faisait en deux étapes. D'abord, une étape marquée par

4 la coopération et qui n'est suivi que par une deuxième phase que si la

5 première phase n'a pas porté ses fruits.

6 Si l'on procède de cette manière, avec l'Article 70, sont prévues toutes

7 sortes de mesures de protection pour les états, et leur permette de

8 répondre aux demandes qui leur sont présentées, et d'éviter les ornières.

9 Mais cela me gêne un petit peu de répondre à une question complètement

10 hypothétique.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous nous dites que

12 l'Article 70 bis (F) peut être appliquée à un moment donné où on a déjà

13 trouvé des documents concernés. C'est un petit peu difficile puisque cet

14 article se limite au moment où l'accusé ou la Défense présente une demande.

15 Cela ne permet pas à un Etat de venir et de dire : "Ecoutez, j'ai trouvé

16 les documents que vous cherchez, mais je ne les produirai que sous

17 certaines conditions."

18 M. JOHNSON : [interprétation] Je suis d'accord, effectivement. Tout ceci se

19 passe avant le processus obligatoire, le processus contraignant.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, j'entends bien. C'est ce que

21 j'essaie de déterminer, mais nous ne sommes pas dans cette situation. Je

22 répète, il s'agit d'une hypothèse que j'avance ici. Comment envisagez-vous

23 que les Etats-Unis réagissent à une telle situation s'ils ont des

24 préoccupations s'agissant de la divulgation de certains documents ou de

25 certains éléments ?

Page 807

1 M. JOHNSON : [interprétation] A ce moment-là, quand on arrive à la deuxième

2 étape, cela devient beaucoup plus difficile. Tout dépend des éléments

3 d'information concernés individuellement. Pour certains d'entre eux, ils

4 peuvent être extrêmement sensibles et nécessités une réaction bien

5 particulière.

6 Dans l'arrêt Blaskic, on traite de cette question également dans la

7 deuxième partie de l'Article 54 bis. Il y a toutes sortes de mesures de

8 protection qui sont prévues, notamment, l'accès à l'information elle-même

9 contenue dans les documents. Tout ceci est prévu par l'arrêt Blaskic ainsi

10 que par l'Article 54 bis du Règlement. Mais tout ceci, bien entendu, dépend

11 de la nature de l'information dont on est en train de parler, dont il

12 s'agit.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Johnson.

15 L'intervenant suivant va être le professeur Tomuschat au nom de

16 l'Allemagne.

17 M. TOMUSCHAT : [interprétation] Oui, les représentants de l'Allemagne

18 souhaiterait prendre la parole auparavant.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, il peut parler.

20 M. LÄUFER : [interprétation] Monsieur le Président, c'est une honneur pour

21 moi de comparaître devant ce Tribunal en tant que représentant de la

22 République Fédérale d'Allemagne. Je souhaiterais d'abord exprimer toute

23 l'estime qui est la mienne pour les honorables membres du Tribunal. C'est

24 sur le fait que l'Allemagne a toujours soutenu le Tribunal du mieux qu'elle

25 le pouvait. Cet engagement politique et juridique, dans l'intérêt de l'Etat

Page 808

1 de droit, se poursuivra. Nous vous remercions, Monsieur le Président.

2 Messieurs les Juges, de nous donner la possibilité de présenter nos

3 observations au sujet de l'admissibilité du bien-fondé de la requête du 15

4 novembre 2002 qui est toujours, pendant que le Tribunal. Après une brève

5 introduction au de notre position, le professeur Tomuschat, qui est conseil

6 pour la République fédérale d'Allemagne, présentera nos arguments. Ensuite

7 je redemanderai la parole afin de vous faire part des arguments de

8 l'Allemagne.

9 L'Allemagne a commenté la requête du conseil pour le général Ojdanic, du 27

10 février 2003, en faisant valoir que la recherche, l'identification des

11 éléments demandés serait excessivement difficile. Dans leurs écritures du

12 20 juin 2003, le conseil du requérant a essayé de remédier aux défauts de

13 sa première requête en expliquant en détail pourquoi, à leur avis, la

14 Chambre de première instance, à leur requête,devrait délivré l'ordonnance

15 demandée.Mais nous estimons que, même au vu des explications qui ont été

16 fournies, la demande ne remplit pas les critères prévus par l'Article 54

17 bis du Règlement de procédures et de preuves. D'autre part, le conseil du

18 requérant n'a pas non plus identifié avec suffisamment de précision les

19 documents, les informations qui sont visés dans la requête et n'a pas non

20 plus indiqué dans quelle mesure ces documents ou ces informations sont

21 pertinentes en l'espèce. Il n'a pas non plus démontré que ces éléments

22 étaient nécessaires pour une bonne administration de la justice en

23 l'espèce.

24 D'emblée, l'Allemagne souhaite insister sur l'importance qu'elle attache à

25 une coopération loyale par tous les Etats membres des Nations Unis avec le

Page 809

1 Tribunal. Il convient de se souvenir que le premier a avoir été jugé à La

2 Haye, Dusko Tadic, avait été livré aux autorités allemandes au Tribunal.

3 Inutile de souligner que le Tribunal ne saurait remplir ses responsabilités

4 que si les Etats auxquels il adresse ses ordonnances se conforment de bonne

5 foi avec ses ordonnances.

6 En l'espèce, l'Allemagne est également préparée à coopérer avec le Tribunal

7 dans les limites de l'Article 54 bis et de son interprétation par la

8 Chambre d'appel, mais il est clair que ses limites doivent être respectées.

9 L'Allemagne a déjà fait tous les efforts qui étaient possibles pour

10 faciliter la tâche du Tribunal dans l'affaire du général Ojdanic. Comme

11 cela est mentionné dans les écritures du 27 février 2003, on a procédé à

12 une rechercher exhaustive dans les archives principales et ceci n'a permis

13 de trouver aucun documents concernant les catégories définies dans la

14 requête du 15 novembre 2002.

15 Au tout début de notre intervention, je peux dire qu'aucune nouvelle

16 information, d'aucune pertinence qu'elle soit, ne pourrait être découverte

17 si le Tribunal devait faire droit à la demande présentés par la Défense.

18 Dans ce sens, tout débat autour de cette requête est déjà nulle et non

19 avenue; cependant, cette requête soulève des questions de principe. En

20 conséquence, l'Allemagne profite de l'occasion qui lui est donnée pour

21 présenter et développer ses réserves et ses objections s'agissant de la

22 demande de production de documents et de demandes qui sont formulées de

23 manière aussi générale, aussi vague que celle que l'on trouve dans la

24 requête du 15 novembre 2002.

25 Monsieur le Président, je souhaiterais maintenant vous demander la

Page 810

1 permission de donner la parole au professeur Tomuschat qui est le Conseil

2 juridique de l'Allemagne.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Oui, Professeur

4 Tomuschat.

5 M. TOMUSCHAT [interprétation] : Monsieur le Président, Messieurs les

6 Juges, une simple lecture de la requête du 15 novembre 2004 nous montre que

7 la Défense n'a pas identifié les éléments qui sont demandés ou que la seule

8 précision qui a été donnée, c'était qu'il convenait de donner tous les

9 documents dans lesquels figurait le nom Ojdanic. Cette défaillance, à

10 laquelle il n'a pas été fait recours dans l'intervention du conseil hier,

11 n'est pas conforme à l'Article 54 bis et, puisqu'au terme de la disposition

12 de cet article, les requérants doivent préciser la nature des éléments

13 qu'ils souhaitent obtenir, les requêtes destinées aux Etats, sur la base de

14 l'Article 29 du Statut et l'Article 54 bis du Règlement, doivent être

15 limitées dans leur portée et dans leur importance. Après la Règle de la

16 Chambre d'appel dans Blaskic du 29 octobre 1997, on a introduit dans le

17 Règlement l'Article 54 bis qui stipule maintenant très clairement que toute

18 requête au titre de l'Article 54 bis doit : "Identifier, autant que

19 possible, les documents, les informations visés par la requête."

20 Cette clause, bien entendu, a pour objectif de traduire dans le

21 Règlement la décision qui avait été prise dans le jugement Blaskic, à

22 savoir que toute demande pour la production des documents doit identifier

23 des documents précis et non pas des catégories vagues. La phrase "autant

24 que possible" ne peut pas être interprétée comme signifiant aucune

25 identification, quelle qu'elle soit là où le requérant de sait pas

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1 exactement les documents qu'il devrait identifier.

2 Il convient d'adopter une interprétation pointue de l'Article 54 bis,

3 si on comprend non seulement du fait de la nature dont l'article rédigé,

4 mais de son objectif. Les Etats tiers, qui ne sont pas impliqués

5 directement dans le travail du Tribunal, ne peuvent jouer qu'un rôle

6 subsidiaire dans les procès jugés par le Tribunal. Il appartient au

7 Procureur de mener les enquêtes préliminaires aux procès, de préparer des

8 actes d'accusation si cela se révèle approprié. La Défense, quant à elle,

9 est assurée par les conseils de la Défense. Jamais le conseil de Sécurité,

10 en adoptant le Statut du Tribunal, n'a eu l'intention de faire reposer la

11 charge de l'Accusation ou de la Défense sur les membres de la communauté

12 internationale. Les Etats tiers peuvent et doivent assister le Tribunal

13 afin que la justice soit rendue, mais, si l'on s'en tient à la philosophie

14 du Statut, leur fonction reste une fonction complémentaire. On ne saurait

15 leur demander d'assumer la totalité des tâches qui reviennent à

16 l'Accusation ou à la Défense.

17 De surcroît, il convient de noter que, dans l'affaire Blaskic, la

18 Chambre d'appel a estimé qu'il y avait un certain mérite à faire une

19 distinction entre les Etats situés sur le territoire de l'ex-Yougoslavie et

20 les Etats tiers qui ne sont pas directement impliqués dans le conflit, dont

21 le rôle était, se limitait à celui d'observateurs concernés.

22 Indéniablement, cette distinction a été qualifiée par la Chambre d'appel

23 comme n'ayant d'intérêt que dans un but pratique; cependant, sa distinction

24 reflète le critère de proximité ou d'éloignement. Suivant les cas, en

25 premier lieu, il appartient aux parties ayant eu un procès devant le

Page 812

1 Tribunal de faire en sorte que la justice soit rendue comme il se doit.

2 L'Allemagne n'a jamais été impliquée dans les actes qui constituent

3 les faits incriminés sur lesquels repose l'acte d'accusation établi contre

4 l'accusé. Les obligations de l'Allemagne découlent du fait qu'elle est

5 membres des Nations Unies et qu'elle relève donc de l'autorité du conseil

6 de Sécurité; cependant, même les pouvoirs du conseil de Sécurité ne sont

7 pas sans limite, ce qui a été reconnu par le conseil de Sécurité lui-même

8 en édictant l'Article 29 du Statut dans lequel une obligation de

9 coopération est prévue, ce qui revient à dire que le Tribunal et les Etats

10 membres des Nations Unies doivent travailler de concert dans une relation

11 marqué par la confiance et la confidentialité, sur un pied d'égalité.

12 La limitation ratione materiae et des ordonnances, en invitant un

13 Etat à produire des documents, sont indiquées très clairement à l'Article

14 29 du Statut. Si l'on lit avec attention le paragraphe 2 de cet article, on

15 voit que les Etats peuvent se voir demander de réaliser un certain nombre -

16 - de prendre un certain nombre de mesures pour fournir une assistance au

17 Tribunal. Ces exemples sont donnés au paragraphe 2, à commencer par

18 l'identification et la recherche des personnes, et en finissant par le

19 transfert ou la traduction de l'accusé devant le Tribunal. Mais à aucun

20 moment le Statut n'exige des Etats qu'ils s'engagent dans des activités de

21 caractère très exhaustif qui ont pour objectif de déterminer si une

22 personne a, éventuellement, commis des actes criminels ou a, au contraire,

23 mené une vie sans reproche. Bien entendu, on peut demander aux Etats qu'ils

24 fournissent un certain nombre d'éléments ici et là qui peuvent se révéler

25 extrêmement utiles dans les procédures menées ici. Mais on ne peut pas leur

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1 demander de mener des enquêtes en bonne et due forme, puisqu'il appartient

2 aux parties plaidant devant le Tribunal d'identifier et de réunir les

3 éléments de preuve nécessaires.

4 D'après une interprétation généralement reconnue du droit pénal

5 international, l'assistance judiciaire a trait à une assistance relative à

6 des actes définis tout à fait précisément. Il ne semble pas que cette idée

7 de l'assistance judiciaire, telle qu'elle a été modelée dans des cadres

8 juridiques bilatéraux ou régionaux, est reflétée par l'Article 93 du Statut

9 de Rome, ait été complètement mise de côté par le conseil de Sécurité dans

10 l'adoption de sa résolution 827. Indéniablement, le Tribunal a un statut

11 particulier. Ses pouvoirs vont au-delà des obligations que les Etats ont

12 généralement dans le cadre des accords internationaux. Les Etats membres

13 des Nations Unies ne sont pas placés dans une relation de subordination

14 hiérarchique vis-à-vis du Tribunal, comme l'explicite le terme de

15 "coopération". Enjoindre des Etats de fournir au Tribunal la teneur

16 complète de leurs archives changerait cette relation de façon spectaculaire

17 et leur imposerait des charges qui ne pourraient être justifiées en ce qui

18 concernerait un Etat agresseur ou un Etat qui, d'une autre manière,

19 menacerait la paix internationale et la sécurité internationale.

20 Une distinction entre un Etat qui est visé par l'Article VII de la

21 charte, un Etat tiers, qui fournit de l'aide au conseil de Sécurité ou au

22 Tribunal, doit être maintenue et ne doit pas être confondue dans une

23 procédure devant le Tribunal, qui a été créé sous l'autorité du conseil de

24 Sécurité.

25 Maintenant, quelques mots concernant la pertinence des documents

Page 814

1 recherchés. On a déjà souligné, dans plusieurs des conclusions présentées

2 devant le Tribunal, que la requête, telle qu'elle a été formulée par le

3 conseil du requérant, ne répond pas non plus aux critères de pertinence qui

4 figurent à l'Article 54 bis et qui est explicitée, de façon plus détaillée,

5 dans la décision Blaskic. Cette objection s'applique aux trois éléments

6 principaux de la requête. Il est ouvertement reconnu dans les écritures du

7 20 juin 2003, et cela a été confirmé hier par le conseil Robinson -- par Me

8 Robinson, que la Défense n'a pas connaissance d'éléments d'information

9 pertinents qui seraient dans la possession des Etats concernés susceptibles

10 de contenir des éléments à décharge en faveur du requérant. C'est plutôt

11 que la Défense espère qu'au milieu d'une masse de documents qu'elle

12 souhaite pouvoir -- il pourrait y avoir quelques indices qui montreraient

13 que les charges contre le requérant ne sont pas fondées. Je réfère les

14 membres de la Chambre aux paragraphes 7 à 20 des écritures du 20 juin 2003.

15 En ce sens, la requête peut effectivement être considérée comme

16 équivalente à une tentative d'introduire le concept contesté de découverte

17 de communication, qui a ses origines juridiques aux Etats-Unis, et

18 d'essayer de la faire entrer dans la procédure actuelle. Les conseils ont

19 décrit cela comme étant une expédition de pêche aux renseignements qu'ils

20 pensent pourrait révéler certains éléments de preuve qui pourraient être

21 bons pour leur client. Mais il est clair qu'ils n'ont pas pu démontrer ni

22 même soutenir que les documents qu'ils souhaitent obtenir et voir présentés

23 au Tribunal peuvent contenir des éléments susceptibles d'exonérer --

24 disculper le requérant. Le filet qu'ils ont jeté ne cherche pas seulement à

25 obtenir des poissons dans un étang. C'est plutôt une tentative de balayer

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1 tout un océan avec tout ce que les eaux contiennent, comme ces filets

2 dérivants que l'assemblée générale a condamné si souvent.

3 Une recherche aussi complète de faits et informations n'est pas

4 autorisée par l'Article 29 du statut. Les Etats, en tant que tierces

5 parties, ne sont pas soumis à la juridiction du Tribunal dans la même

6 mesure que des parties -- des personnes privées dans des litiges qui se

7 trouvent devant les tribunaux ordinaires, selon un ordre juridique interne.

8 Encore, nous voudrions vous référer, à ce sujet, l'opinion du Juge Hunt qui

9 a été déjà citée hier par le conseil du Canada. Je voudrais encore -- je

10 vais m'abstenir à la lire -- de citer cette phrase.

11 La portée beaucoup trop large de la requête fait qu'il devient très

12 clair que, si on réfléchit juste un instant sur les effets de la mise en

13 œuvre des différents éléments de la requête, tous comprennent des documents

14 qui sont sans aucune relation avec le procès en cours.

15 D'après le point (A), tous les enregistrements, résumés, notes ou

16 textes ou communications interceptées enregistrées, auxquels le général

17 Ojdanic a participé, devraient être produits. Cette définition, non

18 seulement comprendrait les documents qui proviennent d'activités militaires

19 officielles du requérant, mais également ses conversations privées avec sa

20 famille, ses amis, les autorités fiscales, sa planification d'un voyage de

21 vacance ou les autorités religieuses de son pays. Il est raisonnable, que

22 non seulement de telles communications n'ont rien à voir avec les charges

23 qui pèsent sur le requérant, mais qu'il serait également très difficile de

24 communiquer la teneur de conversations ou d'autres communications, pour ce

25 qui est du secrets auxquels des tiers peuvent avoir intérêt.

Page 816

1 De plus, ceci ne sert pas les intérêts de la justice d'inonder le

2 Tribunal avec des masses de documents dénués de pertinence. Dans le cas

3 d'autres accusés, des tonnes de documents devraient être expédiés à La Haye

4 si le Tribunal faisait droit à la requête, et le précédant ainsi posé

5 déterminerait la suite des procédures devant le Tribunal.

6 Donc, les requêtes présentées sous l'Article 54 bis pouvaient être

7 utilisées pour faire de l'obstruction à une bonne administration de la

8 justice. En tout état de cause, cette réflexion montre encore une fois que

9 le but très clair de la Défense n'est pas d'obliger les Etats concernés à

10 ouvrir leurs archives en ce qui concerne les documents précis, conformément

11 à l'esprit de l'Article 54 bis, mais d'obtenir un accès à des sources

12 éventuelles d'éléments de preuve qui pourraient revêtir un intérêt pour le

13 défendeur.

14 Le point (B) également suscite encore plus d'objection.

15 Essentiellement, la Défense souhaite obtenir tout ce qui a été enregistré

16 sous une forme quelconque où le nom du général Ojdanic est tout simplement

17 mentionné. Ici, la pertinence de la documentation recherchée manque -- est

18 frappée d'une carence totale. C'est le Tribunal qui est appelé à juger le

19 requérant, général Ojdanic, et ce n'est pas la place publique ou l'opinion

20 publique. Ce que des personnes tierces ont pu exprimer au sujet du

21 requérant, comment elles l'ont apprécié dans sa façon de conduire les

22 opérations militaires de pertinence concerne l'issue du procès.

23 A Nuremberg - là je reviens dans le passé - personne n'était intéressé à en

24 savoir davantage concernant l'appréciation, dans les capitales du monde,

25 des grands criminels de guerre nazi au cours de la Seconde guerre mondiale.

Page 817

1 Les accusés étaient responsables de leurs propres actions, conformément aux

2 critères généraux d'un procès équitable. Leur conduite a été appréciée par

3 rapport aux critères posés dans le statut de tribunal militaire et, bien

4 sûr, du droit international. A cette fin, il n'était pas nécessaire de

5 savoir ce qui avait été dit l'accusé. Peut-être parfois même avec une

6 certaine sympathie avant que la guerre n'éclate, et plus tard, d'une façon

7 qu'il a condamné généralement. Il est raisonnable que les services de

8 Renseignement des puissances alliées au cours de la Deuxième guerre

9 mondiale, pouvaient faire tout ce qu'elle pouvait de façon à obtenir une

10 image claire de qu'étaient les dirigeants du Troisième Reich et de leur

11 façon de penser. On peut supposer que ces renseignements étaient collectés

12 de façon quotidienne. Une demande analogue à celle qui nous est présentée

13 dans cette affaire, se poursuivant sur six ou même 12 ans, aurait pris des

14 années à mettre en œuvre, et aurait été dénué totalement de pertinence. Ce

15 qui compte ce sont les faits, les actes criminels, et non pas l'image qu'on

16 peut trouver dans l'opinion du public ou des experts.

17 Bien comme principe il appartient au Tribunal d'apprécier la pertinence des

18 documents demandés, c'est la décision de la Chambre d'appel dans l'affaire

19 Kordic le 9 septembre [comme interprétés] 1999, paragraphe 30, il doit y

20 avoir certaines limites qui sont posées à ce qui peut être demandé. Ici, il

21 est apparent, vu la façon dont se présente la requête, qu'ils sont

22 incapables de trouver quoi que ce soit qui ait une importance pour trancher

23 sur les charges qui pèsent sur l'accusé. Dans de tels cas, le manque

24 manifeste de pertinence fait que le Tribunal devrait rejeter cette requête.

25 En ce qui concerne le point (C), là encore, ceci n'est pas clair du tout.

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1 On ne voit pas du tout quelle est la pertinence de toutes les déclarations

2 orales ou écrites faites par le requérant qui pourrait avoir une incidence

3 sur l'issue du procès. Ceci peut avoir un certain intérêt. Il se peut

4 qu'une partie de cette documentation puisse avoir un caractère à décharge

5 pour le requérant, mais cela pourrait, en revanche, prouver sa culpabilité.

6 Mais la requête n'est pas limitée à ces documents pertinents, elle va

7 jusqu'à des renseignements et, par conséquent, nécessairement, la plus

8 grande partie de ces documents serait sans importance pour le procès.

9 Je voudrais maintenant parler de la nécessité des documents pour un procès

10 équitable. En outre, tout observateur trouverait extrêmement difficile de

11 comprendre pourquoi le requérant a besoin de l'aide d'états tiers de façon,

12 à savoir, ce qu'il a dit et déclaré au cours de la période concernée. Lui-

13 même doit avoir des archives, tout au moins un journal dans lequel il

14 pourrait vraisemblablement retrouver quels contacts il a eu au cours de la

15 période pertinente.

16 Contrairement à ce qui a été dit hier par le conseil du requérant, les six

17 mois pertinents ne peuvent pas, tout simplement, être un Trou Noir dans la

18 mémoire du requérant et ses notes écrites couvrant cette période. Par

19 conséquent, il est parfaitement clair que de fournir la documentation

20 indiquée au point (C) de la requête n'est pas nécessaire aux fins d'un

21 procès équitable.

22 L'écriture du 20 juin 2003 semble avoir été écrite sur la base de

23 l'hypothèse que le défendeur devait prouver son innocence. Cette hypothèse

24 méconnaît totalement les bases d'un procès basé sur l'état de droit et la

25 règle de droit. Nous souhaitons souligner encore une fois ce qui a été dit

Page 819

1 hier par le conseil du Canada et du Royaume-Uni. C'est le Procureur qui

2 doit présenter les éléments de preuve qui démontrent que l'acte

3 d'accusation est bien fondé. Si elle ne parvient pas à démontrer ses

4 thèses, l'acte d'accusation devra être rejeté et le requérant sera, à ce

5 moment-là, acquitté.

6 Apparemment, la Défense entend obtenir l'élément de preuve négatif pour

7 prouver que le requérant n'a commis aucun des actes ou des infractions dont

8 il est accusé.

9 Une telle tentative pour prouver quelque chose de négatif, que quelque

10 chose n'a pas eu lieu ne serait aboutir. Même si dans des centaines de

11 conversations, il n'y ait pas plus de référence à des crimes de guerre

12 quels qu'ils soient ou à des crimes, une telle conclusion n'exclurait pas

13 qu'à une autre occasion des actes criminels aient été ordonnés ou

14 approuvés. Ceci a été expliqué de façon détaillée par le conseil des Etats-

15 Unis.

16 L'Allemagne considère, en outre, qu'une recherche telle que celle qui est

17 demandée par le conseil du requérant est beaucoup trop lourde même pour une

18 administration bien organisée. La documentation devrait être passée au

19 crible, et elle est en différents lieux, se trouve parfois dans certains

20 cas, auprès des autorités Laender, les différents éléments qui composent

21 l'Etat fédéral en Allemagne. Certains documents ont une forme électronique,

22 d'autres ne sont pas si facilement accessibles. Ainsi, dans la plus grande

23 part, les archives devaient être retrouvées pièce par pièce par des

24 spécialistes. De telles recherches dans des copies papier impliqueraient

25 des coûts gigantesques, et là encore, ce sont les conséquences du fait que

Page 820

1 la requête a été formulée de façon beaucoup trop larges.

2 Je veux maintenant parler des intérêts de sécurité nationale. L'Allemagne

3 voudrait, en outre, réserver son droit à invoquer l'argument de la sécurité

4 nationale vis-à-vis d'une ordonnance que le Tribunal pourrait rendre en

5 faisant droit pleinement à la demande du conseil du requérant. Aucun Etat

6 ne saurait être obligé à révéler les détails concernant son système de

7 renseignement, concernant les cas qui se passent au-delà de ses frontières.

8 Les intérêts de la sécurité nationale sont explicitement reconnus à la

9 lettre (F) de l'Article 54 (bis) du Règlement.

10 Là encore, la caractère trop large de la demande faite. Même dans

11 l'éventualité où le Tribunal devrait faire droit à la requête présentée par

12 le conseil du requérant, il ne serait pas possible de façon immédiate de

13 soulever des objections en ce qui concerne la teneur des documents en

14 question. En fait, au moment où une telle ordonnance serait rendue, on ne

15 verrait pas clairement quels pourrait être tous les documents qui sont

16 englobés par cela. Les autorités allemandes devraient commencer une immense

17 opération de recherche, et seulement après avoir terminé cette opération,

18 on saurait à ce moment-là si la communication de certains éléments

19 particuliers découverts dans cette recherche pourrait ou non avoir un effet

20 négatif sur les intérêts de sécurité de l'Allemagne.

21 Toutefois, le fait de fournir les documents, de toute façon, pourrait

22 donner des éléments qui permettraient de comprendre de façon décisive

23 l'organisation du système selon lequel l'Allemagne recueille des

24 renseignements en dehors de ces frontières. Accepter les exigences de la

25 Défense équivaudrait à révéler au public en général, en particulier, aux

Page 821

1 gouvernements étrangers, la façon dont l'Allemagne gère ses services de

2 renseignements. Les conséquences inévitables de cela serait encore dues à

3 l'étendue beaucoup trop large de la requête.

4 Si des renseignements particuliers sur un sujet spécifique avaient

5 été demandés, les données pertinentes auraient pu être fournies sans avoir

6 des conséquences aussi dommageables et aussi étendues. Toutefois, les

7 éléments d'information représentant six mois, étendus sur six mois venant

8 de différentes sources pourraient être utilisés par d'autres pour mettre

9 ensemble les éléments d'un puzzle de façon à obtenir une image complète du

10 système.

11 Monsieur le Président, je suis arrivé à la fin de mon exposé. Je

12 voudrais vous demander de bien vouloir donner à nouveau la parole à l'agent

13 de l'Allemagne, M. Läufer.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je vous donne la parole.

15 Monsieur Läufer.

16 M. LÄUFER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

17 Juges, je voudrais maintenant présenter les conclusions de l'Allemagne. Il

18 est clair, d'après la requête du 15 novembre 2002, qu'elle a été conçue

19 dans les termes tellement larges, que l'on voit qu'elle dépasse visiblement

20 la portée de l'Article 29 du Statut et de l'Article 54 bis du Règlement.

21 Sous sa forme actuelle, il ne saurait être fait droit à cette requête.

22 La Défense du requérant devrait modifier de façon substantielle les

23 demandes qui ont été déposées dans sa requête du 15 novembre 2002 de façon

24 à les faire rentrer dans le cadre prévu par les dispositions pertinentes du

25 statut et du Règlement. L'Allemagne, par conséquent, prie respectueusement

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1 le Tribunal de rejeter cette requête.

2 Je remercie la Chambre de son attention lorsqu'elle a entendu nos

3 exposés. Je vous remercie.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur

5 Läufer.

6 Professeur Tomuschat, je voudrais vous poser une question. J'ai été

7 intéressé par les commentaires généraux que vous avez fait au début de

8 votre plaidoirie en ce qui concerne l'Article 29 qui déroge au droit

9 international coutumier protégeant la souveraineté des états. Est-ce que

10 vous dites que dans la mesure où il a cette dérogation, elle devrait être

11 interprétée de façon restrictive dans l'intérêt de la protection de la

12 souveraineté des états ?

13 M. TOMUSCHAT : [interprétation] Monsieur le Président, l'Allemagne est en

14 faveur d'une interprétation très large de l'Article 29 du Statut, mais, en

15 revanche, nous soulignons le fait que l'Article 29 du Statut parle de

16 coopération, ceci au paragraphe 1 de l'article. Je pense que ce mot

17 "coopération" est une notion essentielle et décisive qui met en exergue le

18 fait qu'il faut qu'il y ait confiance mutuelle et qu'un procès -- les

19 procédures doivent être menées sur une base de coopération. C'est cela je

20 souhaitais souligner. Je pense que la coopération doit être la notion-clé

21 dans l'interprétation de l'Article 29 du Statut.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ceci est la raison pour laquelle le

23 requérant doit tout d'abord épuiser -- avoir pris toutes les mesures

24 possibles -- je dis ceci, c'est pour cela que le requérant doit prendre

25 toutes les mesures raisonnables pour obtenir les renseignements dont il a

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1 besoin avant de recourir à des ordonnances obligatoires.

2 M. TOMUSCHAT : [interprétation] Monsieur le Président, l'Allemagne n'a pas

3 fait mention des mesures qui ont été prises en 2002 par la Défense.

4 L'Allemagne a reçu, effectivement, une lettre, mais cette lettre était

5 également rédigée dans des termes très larges, de la même manière que la

6 requête. Par conséquent, le rapport -- cette requête de la Défense n'allait

7 pas très loin, parce qu'on a estimé, du côté du gouvernement et des

8 autorités allemandes qu'elle était conçue en termes beaucoup trop larges et

9 qu'elle ne pouvait pas répondre positivement à la demande qui était faite,

10 d'abord par la Défense, pour le requérant.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur

12 Tomuschat. Nous allons maintenant suspendre la séance pendant 20 minutes.

13 --- L'audience est suspendue à 16 heures 20.

14 --- L'audience est reprise à 16 heures 50.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons maintenant entendre la

16 France, Mme Michèle Dubrocard, qui va s'exprimer.

17 Mme DUBROCARD : Monsieur le Président, Messieurs les Juges, permettez-moi

18 tout d'abord d'exprimer l'honneur qui est le mien en me présentant devant

19 vous pour la première fois, au nom du gouvernement français. Il me revient

20 la difficile tâche d'exprimer en dernier, après les exposés de l'ensemble

21 des participants à cette audience. Je ne voudrais pas abuser de votre

22 patience et je m'efforcerai donc de me concentrer sur les points essentiels

23 de mon intervention, dans toutes les mesures du possible, d'éviter de

24 répéter les arguments déjà développés par les autres représentants des

25 Etats ici. Mon intervention ne devrait pas excéder une quinzaine de

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1 minutes.

2 A titre liminaire, s'agissant du déroulement de la procédure

3 antérieure à la présente audience, je rappellerai les deux points suivants.

4 Comme Me Robinson l'a mentionné, à plusieurs reprises dans sa plaidoirie

5 hier, votre Chambre avait initialement considéré, dans son ordonnance

6 portant au calendrier du 26 novembre 2002, que le requérant avait, je cite

7 : "Satisfait aux conditions posées au paragraphe (A) de l'Article 54 bis du

8 Règlement, dans la mesure où il a identifié, autant que possible, les

9 documents ou informations visés par la requête," et où les pièces demandées

10 ont un rapport avec les accusations portées contre lui, je cite encore :

11 "Dans la mesure où elles concernent ses actes et son comportement et qu'il

12 a, en outre, entrepris des démarches en vue d'obtenir l'assistance des

13 Etats et organisations concernés."

14 C'est pourquoi vous avez ordonné la signification de la requête à

15 l'OTAN et aux Etats visés par celle-ci. Toutefois, après avoir reçu les

16 observations écrites de plusieurs Etats, dont celle de la France, votre

17 Chambre a rendu, le 13 mai 2003, une nouvelle ordonnance, qui n'a pas été

18 citée hier, je crois, par Me Robinson.

19 Que dit cette ordonnance ? Vous demandez au requérant de vous

20 fournir, je cite : "Une écriture supplémentaire précisant en quoi les

21 éléments demandés présentent un intérêt pour les questions en litige de

22 l'espèce et spécifiant à quelles questions, en particulier, se rapporte

23 chacun des enregistrements et autres éléments."

24 Le 20 juin 2003, le requérant a donc présenté des observations

25 complémentaires en application de l'ordonnance susvisée et, le 2 septembre

Page 825

1 2004, après une suspension de la procédure, votre Chambre a décidé de la

2 tenue de la présente audience.

3 Après avoir rappelé des faits, je poursuivrai nous conduire tout

4 naturellement à nous pencher sur l'objet de la présente audience.

5 Du point de vue du gouvernement français, toute la question est de

6 savoir si, à la suite de son écriture supplémentaire du 20 juin 2003, M.

7 Ojdanic peut être considéré comme ayant répondu aux exigences de l'Article

8 54 bis (A) du Règlement. Selon nous, la réponse est négative, dans la

9 mesure où, nonobstant la présentation de cette observation complémentaire,

10 les conditions énoncées à l'article susvisé ne sont toujours pas remplies

11 en l'espèce.

12 Ceci fera l'objet de mon premier développement. A titre principal, en

13 effet, le gouvernement français considère que les dispositions de l'Article

14 54 bis (A) du Règlement n'ont pas été respectées en l'espèce. Je ne

15 reviendrai pas sur l'arrêt Blaskic, qui a été à l'origine de la rédaction

16 de l'Article 54 bis. J'indiquerai simplement qu'en application de cette

17 jurisprudence et de cet article, toute partie sollicitant la délivrance à

18 un Etat d'une ordonnance de production de documents ou d'information doit,

19 dans sa requête, premièrement identifier, autant que possible, les

20 documents ou informations visés par la requête; deuxièmement, indiquer dans

21 quelle mesure ils sont pertinents pour toute question soulevée devant le

22 Juge ou la Chambre de première instance et nécessaires au Règlement

23 équitable de celle-ci; troisièmement, exposer les démarches qui ont été

24 entreprises par le requérant en vue d'obtenir l'assistance de l'Etat. Par

25 ailleurs, l'exécution d'une telle requête doit être relativement aisée.

Page 826

1 Qu'en est-il en l'espèce ? Force est de constater que la requête

2 présentée par M. Ojdanic, même complétée par l'écriture supplémentaire du

3 20 juin 2003, ne satisfait pas à l'ensemble de ces critères que je

4 reprendrai successivement.

5 S'agissant, en premier lieu, des démarches entreprises par le

6 requérant, le gouvernement français souhaiterait rappeler que, dans sa

7 lettre en date du 29 juin 2002, qu'il avait adressée au conseil de M.

8 Ojdanic, en réponse à leur demande initiale d'assistance, y manifestait son

9 intention de principe de coopérer avec la Défense, tout en relevant qu'en

10 occurrence, la demande n'était pas assez précise. Les conseils du requérant

11 étaient donc invités à reformuler leur demande en cernant davantage le

12 champ de celle-ci. Toutefois, les conseils de M. Ojdanic ont cru que la

13 France n'était pas en mesure de coopérer avec eux, aux motifs que notre loi

14 nationale d'adaptation du Statut du Tribunal au plan interne ne fait pas

15 obligation aux autorités françaises de coopérer avec la Défense.

16 La référence, dans le courrier du 29 juin 2002, au cadre légal français, ne

17 saurait, à l'évidence, être interprétée comme refus de coopération, alors

18 même qu'il était expressément mentionné, dans cette correspondance, notre

19 disponibilité pour l'examen d'une demande d'assistance portant sur la

20 communication d'information ou de documents précis.

21 Le résultat de cette interprétation erronée de notre réponse est que votre

22 Chambre a estimé remplie, en l'espèce, l'obligation relative à l'existence

23 de démarches entreprises par le requérant pour obtenir l'assistance de

24 l'Etat. Il convient de le répéter une fois encore, la France n'a jamais

25 refusé de prêter son concours aux conseils de M. Ojdanic, mais a seulement

Page 827

1 sollicité des précisions sur la nature de la demande présentée dans sa

2 requête.

3 En deuxième lieu, s'agissant de l'identification des documents et de

4 leur pertinence, le manque de précisions de la requête n'a pas échappé à

5 votre Chambre, puisque dans votre ordonnance du 13 mai 2003, vous avec

6 expressément demandé à M. Ojdanic, d'une part, de présenter et de préciser

7 en quoi les éléments demandés présentaient un intérêt pour les questions en

8 litige et, d'autre part, de spécifier à quelles questions, en particulier,

9 se rapportaient chacun des enregistrements et autres éléments. En d'autres

10 termes, le requérant a été invité à démontrer, conformément aux

11 dispositions de l'Article 54 bis (A) du Règlement, à la fois, et la

12 pertinence des documents et leur spécificité au regard des questions en

13 litige.

14 S'agissant tout d'abord du critère relatif à la spécificité des

15 documents sollicités. Force est de constater, à la lecture des informations

16 complémentaires du requérant, que celui-ci ne donne pas de précisions sur

17 les trois catégories de documents qu'il a établies et dont il sollicite la

18 communication. Je rappelle pour mémoire qu'il s'agit, d'une part, des

19 enregistrements de conversations téléphoniques auxquelles il aurait

20 directement pris part entre le

21 1er janvier et le 20 juin 1999, d'autre part, des enregistrements de

22 conversation le mentionnant et initiés depuis la République fédérale de

23 Yougoslavie et enfin, tout document écrit relatant sa déclaration faite

24 pendant la même période de temps.

25 En présentant chacune de ces trois catégories, M. Ojdanic sait faire

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1 de distinguer les motifs pour lesquels chacune d'elles est pertinente au

2 regard des crimes qui lui sont reprochés. En réalité, la distinction entre

3 ces trois catégories de documents apparaît artificielles, puisque dans tous

4 les cas, il s'agit, au travers de conversation ou de déclarations, qu'il

5 aurait faites lui-même ou dans lesquelles son nom serait mentionné, de

6 réfuter l'ensemble des charges pesant contre lui.

7 Il s'agit, en fait, que d'une seule et même catégorie,

8 particulièrement large de documents établis entre le 1e janvier 1999 et le

9 20 juin de la même année, dont le seul élément identifiant serait la

10 mention du nom du requérant et qui seraient tous susceptibles de le

11 disculper.

12 De toute évidence, une telle demande, aussi large et aussi peu

13 précise, ne répond pas aux exigences de l'Article 54 bis (A) du Règlement.

14 Si l'arrêt Blaskic constitue à cet égard la décision de référence pour la

15 définition des conditions de recevabilité d'une demande de production de

16 documents, plusieurs décisions ultérieures sont venues confirmer les

17 critères ainsi établis.

18 Hier, Me Robinson a fait mention de décisions de la Chambre de

19 première instance dans l'affaire Milosevic par laquelle la Serbie et le

20 Monténégro ont dû produire, en application de l'Article 54 bis du

21 Règlement, un certain nombre de documents. Mais ce qu'il a, me semble-t-il,

22 omis de dire, c'est que simultanément la Chambre a également rejeté

23 plusieurs des demandes présentées pas l'Accusation au motif précisément,

24 que celle-ci était trop large et que leur exécution aurait été

25 excessivement laborieuse.

Page 829

1 Je fais, notamment, référence ici à une ordonnance de la Chambre en

2 date du 12 juin 2003, se référant à une requête du Procureur, du 13

3 décembre 2002, dans laquelle était notamment sollicité l'accès à, je cite :

4 "De la documentation militaire établie et/ou compilée par une unité

5 militaire particulière entre août 1991 et janvier 1992" ou encore, je cite

6 : "La documentation émanant de l'assemblée de la République de Bosnie-

7 Herzégovine, de 1991 à 1992".

8 Si, en revanche, dans l'affaire, le Procureur contre Messieurs Simic,

9 Tadic, Todorovic et Zaric, la Chambre de première instance, présidée, je

10 crois, par vous, M. Robinson, a fait droit à la requête de l'accusé

11 Todorovic, visant à la production de documents détenus par la SVO. Cette

12 requête concernait un événement très précis, en l'occurrence, les

13 conditions de l'arrestation de

14 M. Todorovic. Mais en l'espèce, la demande de Monsieur Ojdanic ne vise

15 aucun événement précis et s'apparente, bien davantage à ce que plusieurs

16 représentants ici, ont appelé, une pêche aux informations en utilisant

17 parfois des formules très imagées.

18 Cette pêche aux informations se fonde ici sur plusieurs présupposés.

19 Ceux-ci sont notamment énoncés au paragraphe 15 des écritures

20 complémentaires du 20 juin 2003, des avocats de M. Ojdanic, et sont les

21 suivants : premièrement, on part du principe comment important les

22 conversation de l'accusé auraient été interceptées. Deuxièmement, ces

23 conversations l'auraient été à son insu. Troisièmement, elles permettront

24 de prouver son ignorance des crimes qui lui sont reprochés. En anglais dans

25 le texte : "It is difficult to conceive of more relevant evidence of the

Page 830

1 acts and state of mind of the accused --

2 [interprétation] -- il est difficile d'imaginer des éléments de

3 preuve plus pertinents des actes de l'état d'esprit de l'accusé que les

4 déclarations qu'il a fait au moment des événements, alors qu'il ne savait

5 pas que ses conversations étaient enregistrées."

6 [en français] Les conseils du général Ojdanic n'ont aucune idée,

7 aucune idée du compte tenu des documents qui sont demandés mais espère à la

8 lecture à posteriori et à supposer que de tels documents existent, qu'ils

9 pourront y découvrir des éléments susceptibles de disculper leur client.

10 En tout état de cause, contrairement à ce qui lui a été demandé par

11 votre Chambre, dans sa décision du 13 mai 2003, le requérant n'a pas fait

12 l'effort de spécifier à quelles questions en particulier se rapportaient

13 chacun des enregistrements. Il s'en est tenu à l'énumération de trois

14 grandes catégories de documents dont il sollicite la production et à

15 l'évocation générale des charges pesant contre lui.

16 S'agissant, ensuite, de la pertinence des documents. On regarde les

17 questions en litige dans la présente affaire. Le gouvernement français ne

18 méconnaît pas, bien sûr, la jurisprudence de l'arrêt Kordic, cité hier par

19 la Défense

20 S'il va de soi que l'évaluation du caractère pertinent ou non des

21 documents sollicités relève in fine de la compétence de la Chambre, il n'en

22 demeure pas moins que les états requis peuvent faire connaître leur point

23 de vue sur la question. En l'occurrence, selon nous, la pertinence des

24 documents dont M. Ojdanic demande la production est particulièrement à

25 apprécier, compte tenu précisément, du caractère trop vague des

Page 831

1 informations sollicitées. Même dans son écriture supplémentaire, M. Ojdanic

2 n'établit pas de corrélations suffisantes, entre les documents dont il

3 sollicite la communication, et les faits qui lui sont précisément

4 reprochés.

5 Selon les conseils du requérant, leur demande est pertinente, au

6 motif qu'elle concerne, quelle que soit, au demeurant, la catégorie de

7 documents en cause, l'établissement de l'imputation des faits reprochés à

8 l'intéressé. Mais, si une telle explication, aussi générale, devait être

9 admise, le critère de la pertinence deviendrait alors sans objet. Car il

10 est toujours possible, pour un accusé, de solliciter la production de

11 documents en motivant sa demande par la recherche de l'établissement de son

12 innocence.

13 J'en arrive, enfin, au dernier critère de recevabilité, d'une requête

14 visant la production de documents, à savoir le critère relatif à son

15 exécution.

16 Il résulte, en effet, de l'arrêt Blaskic, que toute ordonnance de

17 production forte de documents, devrait être d'une exécution relativement

18 aisée. Comme l'ont précisé les juges dans l'arrêt Kordic et Blaskic, je

19 cite : "Ceci implique qu'une partie ne peut requérir la production de

20 centaines de documents, en particulier, lorsqu'il est manifeste que

21 l'identification, la localisation, et l'examen de ces documents par les

22 autorités nationales pertinentes, seraient excessivement laborieux et non

23 strictement justifié par les exigences du procès."

24 En l'espèce, le manque de précision de la demande formulée par M.

25 Odjanic, déjà évoquée, aurait inéluctablement pour effet, de rendre

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1 excessivement difficile la recherche des documents sollicités. Ceux-ci sont

2 très divers, il ne s'agit pas seulement d'enregistrements de conversations

3 téléphoniques, qui auraient été interceptés, mais aussi de correspondance,

4 de notes, de rapports, d'enregistrements ou résumée de toute déclaration

5 faite par l'accusé, pendant une période de six mois. Leur identification

6 est également très vague puisque seul le nom du général Ojdanic est le

7 point commun entre eux.

8 En outre, il est permis de s'interroger sur le caractère nécessaire de la

9 production de ces documents. Il serait, en effet, pour le moins surprenant

10 de constater que seul l'OTAN et les états visés par la présente ordonnance

11 soient en mesure de fournir des éléments prouvant une innocence de l'accusé

12 sans que ceci disposera lui-même de telles informations. Le général Ojdanic

13 devrait pourtant être le mieux placé pour savoir quel rapports, notes, et

14 correspondance il a adressés et reçus pendant la période considérée,

15 quelles déclarations il a pu faire pendant cette même période, et quelles

16 furent les réunions auxquelles il a participé, ou encore, quelles

17 conversations a-t-il eues avec ses collaborateurs à cette époque. Il paraît

18 difficile de concevoir qu'il n'ait gardé lui-même aucune trace de ces

19 échanges.

20 Pour l'ensemble des motifs évoqués, la France considère donc que la requête

21 présentée par M. Ojdanic ne répond pas aux conditions énoncées à l'Article

22 54 bis (A) du Règlement, et prie votre Chambre de bien vouloir la rejeter.

23 A titre subsidiaire, et seulement à ce titre, je souhaiterais toutefois

24 évoquer très rapidement la question de l'atteinte éventuellement portée par

25 la présente requête à des intérêts de sécurité nationale.

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1 Si, nonobstant, ce qui vient d'être démontré et pas extraordinaire, votre

2 Chambre devrait néanmoins considérer que la requête de l'accusé est au

3 moins partiellement justifiée, et si vous deviez, par votre conséquence,

4 enjoindre aux états de produire des documents, la France entend alors se

5 réserver, le cas échéant, la possibilité de soulever des objections aux

6 motifs de la divulgation de certains des documents demandés, porterait

7 atteinte à ses intérêts de sécurité nationale. Toutefois, une telle

8 objection ne serait être envisagée en l'état actuel de la formulation de la

9 requête compte tenu de son caractère trop imprécis, trop vague, qui ne

10 permet pas au gouvernement français de déterminer quels sont exactement les

11 documents sollicités par la Défense.

12 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vous remercie d'avoir bien

13 voulu me prêter attention.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Madame Dubrocard.

15 Maître Robinson, vous souhaitez répondre ?

16 M. ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

17 Juges. Je souhaiterais remercier mes éminents confrères pour leurs

18 excellentes interventions et les nombreuses objections qui ont été faites

19 ici. Il ne faut pas oublier que c'est la vie d'un homme qui est en jeu ici,

20 et cet homme, c'est le général Ojdanic.

21 Les pays qui sont représentés ici dans ce prétoire sont en possession

22 d'éléments de preuve qui peuvent faire toute la différence entre la liberté

23 et l'emprisonnement à vie. Voici les enjeux de la tâche qui vous est

24 confiée, Messieurs les Juges, en mettant en regard les intérêts de l'accusé

25 et les intérêts des états s'agissant de ces informations. Il ne s'agissait

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1 pas ici d'un exercice purement théorique.

2 Avançons dans le temps, jusqu'en 2006. Au lieu d'être ici, imaginons que le

3 général Ojdanic soit dans le box des témoins et qu'il dépose en déclarant

4 qu'il n'a jamais ordonné la perpétration d'aucun crime de guerre, qu'il

5 ignorait totalement qu'un plan avait mis en œuvre pour expulser les

6 Albanais du Kosovo, et qu'il avait toujours donné des ordres selon lesquels

7 il fallait prévenir et punir les crimes de guerre, des ordres qui n'ont

8 jamais variés. Il déclare qu'à de nombreuses reprises, il a parlé avec les

9 dirigeants de l'ex-Yougoslavie, et qu'on ne lui a jamais parlé d'un plan

10 constituant à expulser les Albanais du Kosovo. Il dépose et il dit qu'il a

11 souvent parlé au quotidien avec les membres de son état-major, ses

12 subordonnés au sujet de ce qui se parlaient au Kosovo, et que jamais les

13 meurtres, les viols, les destructions de site culturels évoqués dans l'acte

14 d'accusation ne lui ont jamais été mentionnés. Il déclare que lorsqu'il

15 s'exprimait au téléphone, il a toujours donné des instructions pour la

16 prévention et la sanction des crimes de guerre. Il a même ordonné que les

17 unités paramilitaires responsables de tels crimes soient abattues sur le

18 champ.

19 Imaginez en écoutant une telle disposition, si l'écoute de conversations

20 interceptées concernant le général Ojdanic pendant cette période serait

21 sans pertinence ? Est-ce que ceci serait nécessaire pour se prononcer de

22 façon équitable ? La première question qui se poserait au niveau du contre-

23 interrogatoire, ce serait de savoir s'il y avait des éléments de preuve

24 permettant d'appuyer ces dires.

25 On l'a bien vu dans l'affaire Milosevic avec le général Ivasov la semaine

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1 dernière. Même les membres de la Chambre de première instance ont demandé

2 de disposer d'information confortant ces dires. C'est ce que nous demandons

3 ici par le biais de notre demande.

4 Examinons la manière dont les interceptions, dans les conversations

5 interceptées qui nous ont été envoyées par la Croatie permettent de faire

6 avancer le procès. Il serait facile d'imaginer M. Nice ou un autre

7 Procureur accusant le général Ojdanic d'avoir participé à des événements

8 répréhensibles, tués des civils innocents dans des villages avec une

9 utilisation disproportionnelle de la force et la perpétration de crimes de

10 guerre. Le général Ojdanic pourrait affirmer qu'il n'avait aucun lien avec

11 ces deux événements, qu'il n'y avait aucun lien avec ces deux événements,

12 mais vous disposeriez d'une conversation interceptée par la Croatie, le

13 8 janvier, entre le président Milosevic et le général Ojdanic. Nous savons

14 que ces discussions, au sujet de la capture de huit soldats et de ce qu'il

15 convenait d'en faire, avaient un but de négociations. Il ne s'agissait

16 nullement de commettre des crimes de guerre ou de prendre des mesures de

17 représailles. Est-ce que cela est utile pour vous en tant que Juge ? Bien

18 entendu, que oui. J'estime que c'est vraiment le genre d'information dont

19 vous avez besoin.

20 Examinons maintenant la manière dont on a utilisé les conversations

21 interceptées dans ce Tribunal. Dans l'affaire Srebrenica. La Chambre de

22 première instance a été en mesure de suivre les événements, minute par

23 minute, en temps réel, grâce à des centaines de conversations interceptées

24 fournies par le gouvernement de Bosnie. Dans l'affaire Krstic, la Chambre

25 d'appel a réduit sa peine initiale de 15 ans en déterminant à l'audition

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1 d'une conversation téléphonique interceptée que la Brigade de Bratunac qui

2 était sous son commandant n'est pas celle qui avait exécuté des prisonniers

3 sur la ferme de Branjevo.

4 Dans l'affaire Brdjanin, dans une décision prise le 3 octobre 2003,

5 relative à l'objection de la Défense au sujet de conversations

6 interceptées, on a asséné que ces conversations avaient une telle

7 pertinence qu'elles devraient être admises même si l'interception avait été

8 illégale.

9 Donc, si en 2006, vous écoutez la déposition du général Ojdanic, vous

10 auriez une responsabilité énorme. Je pense qu'il est utile que vous

11 disposiez de tous les éléments nécessaires vous permettant de remplir votre

12 mission.

13 Pensons à cette audience, vous diriez : "Mais pourquoi est-ce que nous

14 n'avons pas décidé de permettre l'accès à ces conversations dès le 2

15 décembre 2004, pourquoi ?"

16 Les Etats qui sont intervenus ici refusent de fournir ces

17 conversations. Ils affirment que les demandes ne sont pas assez

18 spécifiques, que ces conversations ne sont pas pertinentes. Examinons quel

19 serait l'impact sur le procès du manque d'accès à ces interceptions.

20 Examinons les objections qui maintenant nous ont été faites, celui de

21 la précision.

22 Quelle est la fonction du critère de spécificité ? Il faut savoir que

23 dans les archives d'un de ces pays, un analyste dispose des conversations

24 interceptées du général Ojdanic. Imaginons que ces documents fassent une

25 pile d'un mètre de haut. L'analyste dispose de votre ordonnance

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1 contraignante, il en lit les termes, et il passe en revue ces conversations

2 interceptées, en fait deux piles, une qui ira à la Chambre de première

3 instance, l'autre qui restera dans les archives. C'est la précision de

4 votre ordonnance qui déterminera la pile de documents qui vous parviendra.

5 Prenons maintenant les conversations privées qui ont été évoquées par le

6 gouvernement du Canada. Il faut savoir que pendant la guerre, le général

7 Ojdanic n'avait pas de vie privée, de vie sociale, donc, il est très peu

8 probable qu'il y a des conversations qui entrent dans ce cadre. Mais

9 prenons, par exemple, imaginons qu'un jour, pendant cette période, il ait

10 invité un ami à venir boire un verre chez lui. Si, dans votre ordonnance,

11 vous excluez toute conversation de ce type, cette conversation interceptée

12 restera dans les archives, mettant d'Ottawa, et peu importe. En revanche,

13 il est possible que, pendant le procès, un témoin à charge déclare que le

14 général Ojdanic se trouvait au Kosovo ce jour-là, qu'il était d'en train de

15 donner des instructions à ses hommes, à ce moment-là, la fameuse

16 conversation interceptée prend beaucoup d'importance. Ou ce document doit-

17 il se trouver ? Dans les mains de la Chambre de première instance ou dans

18 les archives d'Ottawa ? C'est à vous de décider. Mais lorsqu'il convient de

19 prendre une décision qui aura un impact sur la vie d'un homme, est-ce qu'il

20 faut prendre un risque et permettre que ce document reste enterré dans les

21 archives ? C'est pourquoi je pense que -- c'est pourquoi notre requête

22 n'exclue pas les conversations privées de ce type.

23 Reprenons la suggestion faite par le gouvernement des Pays-Bas, selon

24 laquelle cette ordonnance contraignante devrait être limitée aux

25 conversations concernant la participation du général Ojdanic aux crimes,

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1 ainsi que son intention délictueuse. Si on adopte cette suggestion, à ce

2 moment-là, nous aurons un analyste quelque part à La Haye, dans un sous-

3 sol, qui lira les conversations interceptées et déterminera si ces

4 conversations ont un rapport avec la participation du général Ojdanic à ces

5 crimes ou à son état d'esprit. Si cet analyste a une connaissance limitée

6 de l'affaire, à ce moment-là, les conversations concernées risquent de

7 rester dans les archives.

8 Est-ce vraiment ce que veulent les Juges ? Ne vaut-il pas mieux que

9 ces documents soient envoyés à la Chambre de première instance afin que

10 vous puissiez déterminer si ce document a une importance pour cette

11 affaire ? Quelle est la meilleure façon pour vous de remplir votre mission

12 en tant que Juges de faits ?

13 Pr Greenwood a suggéré de limiter notre demande à des réunions

14 importantes, précises, auxquelles a participé le général Ojdanic.

15 Premièrement, pendant la guerre, le général Ojdanic avait des réunions tous

16 les jours, et toutes les conversations qu'il avait au téléphone, toutes ces

17 réunions avaient trait à la guerre. Il était d'active 24 heures sur 24,

18 sept jours sur sept. Mais imaginons que vous limitiez notre requête aux

19 réunions importantes. On imagine un archiviste à Londres, un analyste qui

20 fera le tri entre les différentes conversations. Il trouve une conversation

21 entre le général Ojdanic et un subordonné dans laquelle on dit au général

22 Ojdanic que l'armée n'a pas participé aux événements de Racak, et qu'il est

23 donc inutile de réaliser une enquête sur ce qui s'est passé à cet endroit.

24 Etant donné que cette conversation n'a pas eu lieu au cours d'une

25 réunion importante, le document en question reste à Londres dans les

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1 archives. Vous, les Juges, vous ne le verrez jamais. Vous ignorez

2 totalement son existence, et on vous demandera ensuite de statuer et de

3 dire si le général Ojdanic voit à sa responsabilité de supérieur

4 hiérarchique engagé du fait qu'il n'a pas sanctionné des auteurs des

5 meurtres de Racak.

6 Du côté d'Etats-Unis, on suggère que les conversations soient

7 limitées à celles qui avaient trait aux crimes reprochés à l'accusé. Ici,

8 on rencontre la même difficulté. On imagine un analyste qui, dans les

9 archives de Washington, décidera conversation par conversation si elles ont

10 trait à l'un ou l'autres des éléments extrêmement complexes des charges

11 complexes qui sont portés contre l'accusé.

12 Est-ce que c'est la manière dont vous souhaitez rendre cette décision

13 qui aura pour conséquence que des éléments essentiels restent dans des

14 archives ? Que se passera-t-il lorsque, dans dix ou 20 ans, un autre

15 analyste décidera que la guerre du Kosovo s'est une histoire ancienne et

16 déclassifiera tous ces documents ? Les documents deviendront alors publics,

17 et il apparaîtra que vos décisions en tant que Juges des faits étaient

18 entachées d'erreurs. Quelle image cela donnerait-il à l'héritage du

19 Tribunal ? Est-ce qu'on ne doit pas en tirer les enseignements de l'affaire

20 Blaskic et demander la pleine communication de tous les éléments avant le

21 procès, avant que le jugement ne soit rendu, pour que ce jugement soit

22 fiable et soit le bon ?

23 C'est de cela que -- c'est à cela que reviennent les choix qu'on vous

24 demande de faire au sujet de la précision. J'aimerais beaucoup être

25 beaucoup plus précis, mais ce n'est pas forcément possible. Parce que les

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1 charges qui sont portées contre mon client sont extrêmement vastes,

2 concernent une pendant de six mois, concernent 800 000 personnes. Ce sont

3 des faits qui ont été commis sur le territoire du Kosovo. Général Ojdanic

4 n'est pas accusé d'avoir été sur les lieux lorsque ces crimes ont été

5 commis. On l'accuse d'être le membre d'une entreprise criminelle commune.

6 En l'espèce, dans le cadre du procès, il ne s'agit pas uniquement

7 d'évaluer ou d'examiner son propre comportement, mais son rôle dans cette

8 entreprise, ses relations avec les autres et le caractère prévisible du

9 comportement des autres. Du fait de la nature de l'acte d'accusation en

10 l'espèce, il nous est impossible d'être plus précis. Ceci a été reconnu

11 dans l'arrêt Kordic, qui stipule que le critère de spécificité interdit

12 l'utilisation de catégories trop vastes, mais n'empêche pas l'utilisation

13 de catégories en tant que telles. Une catégorie doit être définie de

14 manière suffisamment claire pour permettre l'identification immédiate des

15 documents qui entrent dans cette catégorie. Contrairement aux affirmations

16 de l'Etat requérant, ce critère n'exclut pas automatiquement toutes les

17 demandes qui impliquent la production de centaines de documents.

18 Etant donné la nature complexe des affaires entendues par le

19 Tribunal, il est difficile de voir comment ceci peut être évité.

20 J'avance qu'aucun des Etats n'a démontré que la recherche des

21 documents demandés sera excessivement compliquée. Aucun des Etats n'a

22 d'ailleurs véritablement essayé de nous le démontrer. Le gouvernement du

23 Canada nous déclare que rien ne permet de penser que le Canada dispose de

24 documents concernant la demande de la Défense. Si c'est le cas, le Canada

25 n'a pas à être parmi nous. Car, dès qu'un Etat nous a dit qu'il avait une

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1 recherche dans ses archives et qu'il n'avait pas trouvé de documents

2 correspondants, nous avons retiré notre requête le concernant, sur la base

3 de cette affirmation. Or, on ne nous a pas prouvé, du côté de ces Etats,

4 qu'il y avait effectivement des difficultés pratiques dans la recherche des

5 informations. On ne nous a pas prouvé qu'on ait même essayé de les trouver.

6 Le représentant des Pays-Bas nous a déclaré qu'il n'était pas sûr que

7 ces informations existaient, mais que, si on lui en donnait l'ordre, il

8 examinerait la possibilité de trouver ces informations.

9 Du côté du Royaume-Uni, on n'a même pas essayé de trouver les

10 conversations interceptées. Je me demande comment réagirait le professeur

11 Greenwood s'il donnait un devoir ou un essai à rédiger par un de ces

12 étudiants, et que l'étudiant revient deux ans plus tard en lui disant :

13 excusez-moi, je n'ai pas pu parce que ce qu'on m'avait demandé était trop

14 vague. Il a fallu que je passe un filet dans tout un océan pour essayer de

15 trouver ce que vous vouliez. A ce moment-là, le professeur lui aurait sans

16 doute demandé : Mais au moins vous avez essayez ? Est-ce qu'au moins une

17 recherche sur la simple connaissance de l'arrêt aurait peut-être pu donner

18 quelque chose ?" Je ne pense pas que le Pr Greenwood accepterait de telles

19 excuses, et je ne pense pas que vous puissiez accepter, vous-mêmes, de

20 telles excuses.

21 Aucun effort n'a été fait pour trouver ces documents. Pourtant, nous

22 avons produit la déclaration d'un expert qui dit que, non seulement il est

23 possible de trouver ces documents, mais que cela ne serait pas d'une

24 exécution indûment difficile.

25 Les Etats-Unis semblent avoir trouvé dans leurs archives très

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1 importantes, des documents qui correspondent à notre demande, de même que

2 le gouvernement allemand nous a dit avoir procédé à des recherches et

3 n'avoir trouvé aucun document. Même si je ne comprends pas véritablement si

4 cette recherche a été suffisamment exhaustive ou s'ils font une objection

5 maintenant parce que cette recherche est trop compliquée, ou s'ils ont

6 encore -- s'ils en ont terminé de cette recherche.

7 Nous avons demandé à ce qu'on nous présente des conversations

8 interceptées parce que nous pensions que cela permettrait de limiter la

9 portée de notre requête et non pas de l'élargir. Je reviens ici à la

10 question que vous avez posée, Monsieur le Juge Bonomy, au représentant des

11 Etats-Unis. Parce que, si nous demandons toutes les déclarations faites par

12 le général Ojdanic ou toutes ses conversations, à ce moment-là, ce qu'on

13 pourrait obtenir, ce serait toutes les déclarations qu'il a faites dans la

14 presse et qui seraient en possession, non seulement des Services de

15 renseignements, mais de toutes les différentes instances d'un gouvernement.

16 C'est pourquoi nous avons demandé à dessin, uniquement les conversations

17 interceptées, pour limiter notre requête aux institutions qui procèdent à

18 de telles interceptions. Donc, nous dire maintenant que notre requête est

19 beaucoup trop vaste parce qu'elle contient le mot "conversations

20 interceptées," c'est remettre en cause l'idée que -- l'objectif de cette

21 requête.

22 S'agissant de la façon dont les conversations interceptées sont

23 réalisées, nous pensons qu'à l'Article 54 bis (F) et (G) tout ceci est

24 prévu puisque l'Etat peut présenter ou produire ces conversations

25 interceptées à huis clos, avec des délégations et, parfois même, ne pas les

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1 fournir du tout, mais fournir à la place une déclaration sous serment d'un

2 responsable officiel.

3 Nous pensons donc que vu l'enjeu de cette affaire, nous avons été

4 suffisamment précis. Si vous comparez ce que nous demandons avec les

5 demandes formulées par le Procureur à la Serbie et au Monténégro et qui,

6 des requêtes auxquelles il a été fait droit, vous constaterez que nos

7 requêtes ne sont moins précises.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez nous donner un exemple.

9 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, je vais vous donner l'exemple dit le

10 conseil de la défense. Comptes rendus de toutes les réunions du conseil

11 suprême de la défense entre le 23 mars 1999 et le 5 octobre 2003.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez fait droit à cette demande

13 dans votre décision du 15 septembre 2003 ?

14 M. ROBINSON : [interprétation] Les comptes rendus des réunions de

15 l'assemblée de la République de Service et du conseil de l'harmonisation de

16 la politique d'état, entre avril 90 et juin 97. Une période de sept ans,

17 donc.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez également fait droit à

19 cette requête dans votre cinquième décision du 15 septembre 2003 ?

20 M. ROBINSON : [interprétation] Documents relatifs au commandement conjoint

21 pour la région du Kosovo et Metohija pour la période précédent la guerre et

22 pour la période de la guerre. Ceci figure dans votre 13e décision du 17

23 décembre 2003, point 3 (A). Vous avez également fait droit à la requête 103

24 qui a trait à des documents relatifs à des enquêtes ou à des poursuites

25 devant tout tribunal, militaire ou civil, de la République fédérale de

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1 Yougoslavie, la République de Serbie ou la République du Monténégro, pour

2 des crimes commis au Kosovo entre le 1e janvier et le 10 juin 1999 par des

3 personnels, y compris des réservistes, de l'armée de la Yougoslavie ou des

4 membres du ministère des Affaires intérieures serbes. Je parle ici de votre

5 13e décision.

6 Donc, il n'y a aucune raison pour que les conversations interceptées,

7 concernant le général Ojdanic, entre le 1e janvier et le 20 juin 1999

8 soient traitées de manière différente.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous avez cité des

10 éléments dans vos écritures ?

11 M. ROBINSON : [interprétation] Non, parce que toutes ces décision ont

12 faites après le dépôt de nos écritures.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vois.

14 M. ROBINSON : [interprétation] S'agissant de la question de la pertinence

15 et de la nécessité. Je pense que si on se place dans le cas du procès du

16 général Ojdanic, la pertinence et la nécessité apparaissent manifestes. Je

17 voudrais maintenant me concentrer sur la troisième catégorie d'informations

18 demandées. Réunion entre général Ojdanic et les représentants d'un certain

19 nombre de pays.

20 Vous n'avez entendu aucune raison formulée expliquant pourquoi ces éléments

21 ne sauraient être produits. Ces éléments ont une pertinence, ils ont un

22 lien avec ça, connaissant ces événements et son intention. On a entendu

23 beaucoup d'éléments semblables dans l'affaire Milosevic venant de ces

24 autres pays. Le général Clark, l'ambassadeur Walker des Etats-Unis ont

25 déposé, au sujet des déclarations faites à eux par le président Milosevic,

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1 et ceci a été versé au dossier, parce que cela avait une pertinence et un

2 rapport avec l'intention et la connaissance du président Milosevic. Lord

3 Ashdown du Royaume-Uni a déposé, au sujet des conversations qu'il avait

4 avec Milosevic. Pertinent nécessaire pour l'affaire Klauss Naumann,

5 allemand, lui aussi, a déposé dans le même sens. J'avance qu'il n'y a

6 aucune raison pour qu'un Etat quel qu'il soit, dont un représentant a eu

7 des contacts avec le général Ojdanic ne fournissent pas d'informations à ce

8 sujet.

9 Quant est-il des efforts réalisés pour obtenir une coopération volontaire ?

10 J'avance et j'insiste sur le fait que dix pays ont été à même de répondre à

11 notre demande. En fait, ce qui apparaît, c'est que si un pays souhaite

12 répondre à notre demande, il peut le faire. Mais si ce pays voulait en

13 revanche soulever des objections, c'est possible également.

14 Le Canada a dit que tous les moyens possibles de coopération volontaire

15 avaient été épuisés mais le Canada n'a jamais répondu à nos lettres. Ils

16 ont soulevé toutes sortes d'objections, concernant la divulgation de ces

17 informations. Ils disent restés préparés à discuter toute requête

18 raisonnable mais ils ne peuvent confirmer l'existence ou non, de

19 conversations interceptées.

20 Les Pays-Bas n'ont jamais répondu à notre lettre. Le Royaume-Uni n'a jamais

21 répondu à notre e-mail. Ils ont dit ne l'avoir jamais reçu avant novembre

22 2002 quand cela a été dépose en annexe à notre requête. Qu'a fait le

23 Royaume-Uni à ce moment-là ? Est-ce qu'il a demandé la possibilité de

24 négociations supplémentaires ? Non, ils ont déposé des écritures soulevant

25 toutes les objections possibles et je pense que c'est maintenant à eux

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1 d'agir au lieu de reprendre contact avec nous. Ils s'adressent à vous, ils

2 disent que nous, nous n'avons pas fait notre partie, ce que nous devions

3 faire.

4 Bien entendu, c'est, tout avocat a pour missions de sauver tous les

5 obstacles possibles mais je pense on n'est pas forcé d'accepter toutes ces

6 objections

7 Les Etats-Unis ont passé beaucoup de temps à parler de tout et des efforts

8 qui avaient été entrepris de leur part pour nous fournir ces informations.

9 Mais s'agissant des Etats-Unis, il y a deux choses, deux points, qui

10 restent évidents. Premièrement, les Etats-Unis ont insisté pour que les

11 informations soient fournies en vertu de l'Article 70, or nous, il nous a

12 été impossible d'accepter cette condition parce qu'ils ont insisté pour que

13 ces informations soient fournies à titre confidentiel afin de générer des

14 nouveaux éléments de preuve et que ceci est prévu par le règlement. D'autre

15 part, ils ont déclaré qu'aucune information fournie par le gouvernement

16 américain ne pouvait être fournie sans le consentement écrit des Etats-

17 Unis.

18 Alors, maintenant, les Procureurs sont en général les mieux placés pour

19 continuer les enquêtes, les investigations. Cela n'est pas la raison pour

20 laquelle nous avons besoin de cette documentation, nous en avons besoin

21 pour utiliser comme élément de preuve dans le présent procès et comme les

22 Etats-Unis ont toujours insisté que c'était une condition pour toute

23 production que nous acceptions cela. Avant de recevoir quoi que ce soit,

24 nous ne pouvons pas l'utiliser comme élément de preuve dans le présent

25 procès sans leur permission. C'est tout simplement une condition que nous

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1 ne pourrons jamais accepter. Ils ont également refusé de fournir des

2 conversations interceptées, que nous pourrions utiliser, en disant qu'ils

3 fourniraient d'autres déclarations, du général Ojdanic, qui n'auraient pas

4 été des conversations interceptées, enregistrées et qui étaient des

5 conversions, précisément, que nous recherchons.

6 Donc, nous avons essayé. Nous les avons rencontrés. Nous avons correspondu

7 avec eux par e-mail, mais il était clair qu'ils voulaient nous imposer des

8 conditions que nous ne pourrions jamais accepter.

9 Donc, après ce processus de six mois de consultations officieuses,

10 informelles, nous avons conclu que nous n'allions obtenir une seule

11 conversation interceptée, enregistrée, donc un pays à la présente audience,

12 et je pense que les événements concernant cette audience, des deux

13 dernières années, ont montré que nous avions raison.

14 Je passe maintenant à la question des intérêts de sécurité nationale. Nous

15 avions commencé cette audience avec la proposition selon laquelle, la

16 communication d'éléments intéressant la sécurité nationale serait tellement

17 sensible que l'audience devrait être à huis clos par rapport au public.

18 Nous n'avons pas eu un seul exemple concret pour nous expliquer comment la

19 teneur d'une conversation interceptée pouvait, en quoi que ce soit, porter

20 préjudice aux intérêts nationaux et c'est précisément de cette teneur que

21 nous voulons parler, que nous voulons avoir. Peu importe des méthodes par

22 lesquelles on a obtenu tel ou tel enregistrement d'une conversation, ce qui

23 nous compte pour nous, c'est la teneur et avec lequel on pourrait démontrer

24 qu'il y a un intérêt de sécurité nationale qui risquerait d'en souffrir en

25 produisant, en communiquant la teneur d'une conversation tenue par le

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1 général Ojdanic. Ils auraient toute liberté de faire usage et disposition

2 de l'Article 54 bis (F) et 54 bis (G) et de vous présenter l'entretien

3 enregistré en question à huis clos, ex parte, avec toute la protection que

4 le règlement permet.

5 JUGE BONOMY (interprétation) : Monsieur Robinson, est-ce cet article du

6 règlement ne s'applique pas uniquement avant la présente audience ?

7 M. ROBINSON : [interprétation] Lord Bonomy, je suis d'accord que cette

8 objection doit être évoquée avant l'ordonnance et avant donc qu'une

9 ordonnance ne soit rendue au titre de l'Article 54 bis, mais je pense, par

10 ailleurs, que nous traitons d'un cas hypothétique, et que nous devons

11 parler de ces conversations interceptées pourraient révéler.

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ou est-ce que c'est parce que nous ne

13 traitons pas d'éléments précis, spécifiques.

14 M. ROBINSON : [interprétation] Nous ne traiterions jamais d'un point

15 spécifique si s'agissait d'hypothèses par rapport à ce qui doit être

16 produit. Il me semble que le régime de l'Article 54 bis (F) et (G) envisage

17 la présentation de la documentation en question à un juge ou à la Chambre

18 de première instance, et nous ne sommes pas parvenus à ce stade en espèce.

19 Je ne pense pas que, dans le cas où une ordonnance serait spécifique en ce

20 sens, il puisse vraiment vous parvenir au stade où il y aurait eu cette

21 ordonnance ou l'ordre de produire un document devant la Chambre.

22 En conclusion, je voudrais --

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez de vous interrompre, mais

24 je me demande si vous pourriez me dire si vous allez répondre au point

25 évoqué par les différents états, à savoir que vous voulez essayer de

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1 prouver quelque chose de négatif, c'est-à-dire, que quelque chose n'a pas

2 été -- que tel fait n'a pas existé. Est-ce que vous allez essayer également

3 d'en traiter ou est-ce que vous en avez traité dans vos plaidoiries

4 antérieures aujourd'hui ?

5 M. ROBINSON : [interprétation] Je voudrais également en traiter,

6 Monsieur le Juge Kwon.

7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.

8 M. ROBINSON : [interprétation] Parce que ceci, évidemment est connexe à

9 l'objectif principal de recevoir les conversations enregistrées,

10 interceptées et nous en avons traité dans nos écritures comme étant un

11 avantage supplémentaire qui nous permettrait d'avoir ces éléments présentés

12 à la Chambre de première instance. Un des avantages pourrait être que nous

13 aurions l'ensemble des conversations interceptées auxquelles le général

14 Ojdanic a participé pour prouver qu'il n'avait pas l'intention de commettre

15 des crimes de guerre. Ceci serait un avantage supplémentaire, avoir le plus

16 grand nombre de conversations interceptées, produites devant la Chambre. Ce

17 n'est pas la raison essentielle ou un motif pour obtenir les

18 enregistrements des conversations interceptions. Le motif, c'est pour la

19 teneur de ces conversations proprement dites, le fait qu'elles démontreront

20 d'après leur teneur de ces conversations du général Ojdanic, que tout ce

21 qu'il a dit ou tout ce qu'il a fait, vous ne pouvez pas en déduire de

22 savoir s'il avait ou non l'intention de participer à des crimes.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] N'est-ce pas à l'Accusation de prouver

24 la culpabilité de l'accusé ? Ce n'est pas à l'accusé de prouver qu'il n'est

25 pas coupable.

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1 M. ROBINSON : [interprétation] C'est certainement la charge de preuves qui

2 incombe au Procureur de prouver par des éléments de preuve suffisants que

3 quelqu'un est coupable. Mais nous ne pouvons pas rester en spectateur et

4 dirent qu'ils n'ont pas administré la preuve qui est à leur charge. Ils ont

5 cette charge de la preuve, mais nous ne pouvons pas simplement attendre en

6 disant : remplissez vos obligations. Notre obligation, lorsqu'on défend

7 quelqu'un, c'est de présenter les éléments de preuve qui permettent de

8 démontrer qu'il n'est pas coupable, ceux qui sont à notre disposition.

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je me demande si la Défense a reçu de la

10 documentation qu'elle recherchait auprès des états par le truchement de

11 l'Accusation, par exemple, en vertu des dispositions de l'Article 66 ou 68.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, absolument rien. En fait, les

13 conversations interceptées que nous avons obtenues de la Croatie à la suite

14 de cette procédure, nous les avons communiquées à l'Accusation et ils les

15 ont incluses dans leur liste de pièces à conviction comme étant des

16 éléments de preuve pertinent qui devaient être utilisées dans le procès,

17 mais nous n'avons rien reçu des documents que nous demandions par la

18 disposition de l'Article 54 bis et par une ordonnance qui serait en

19 fonction de cette disposition.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Robinson, vous vous êtes

22 référé à une ordonnance rendue dans l'affaire Milosevic en ce qui concerne

23 la Serbie. Vous avez dit que certains aspects de cette ordonnance

24 comprennent des demandes qui sont aussi vastes que la demande que vous

25 formuliez, ici, en fait, vous dites qu'on y a fait droit. Je suis

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1 particulièrement intéressé par cela. Une chose est de citer la

2 jurisprudence d'une Chambre d'appel dans l'affaire Blaskic et Kordic, mais

3 je crois qu'il serait très utile que vos écritures soient entrées sur des

4 décisions plus récentes de Chambres de première instance afin qu'une

5 comparaison puisse être établie. En fait, je suis frappé du fait que vous

6 ayez présenté ces conclusions par écrit alors que les conseils des

7 différents Etats auraient pu chercher à établir une distinction entre ces

8 différents cas.

9 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, je comprends. Je suis prêt moi-même à

10 présenter des conclusions par écrit après cette audience si la Chambre de

11 première instance estime que ceci sera utile.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, je dis seulement cela parce que

13 nous n'avons pas eu de conclusions qui aient examiné les ordonnances

14 rendues par la Chambre de première instance qui, je pense, est tout à fait

15 pertinent.

16 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, je suis d'accord.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Juste un point mineur pendant qu'on

18 est en train de parler de la question. Est-ce que cette requête, est-ce que

19 c'était la même requête à laquelle vous vous référez; c'est bien cela ?

20 L'ordonnance à laquelle vous vous référez a été rendue par cette Chambre,

21 c'était l'ordonnance ou c'était plus d'une ordonnance, une ordonnance ou

22 plusieurs ?

23 M. ROBINSON : [interprétation] En fait, je me référais à trois ordonnances

24 distinctes.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'étaient pas toutes les mêmes.

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1 C'étaient à trois occasions différentes. De quoi s'agissait-il ?

2 M. ROBINSON : [interprétation] Oui.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'elles ont fait l'objet d'une

4 opposition ?

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que le gouvernement de la

6 Serbie et Monténégro s'est opposé à toutes ces ordonnances. Juste pour être

7 bien clair, quand je parle de la seconde, de la cinquième et la treizième

8 décision, c'est ce que j'ai fait lorsque j'ai comparé les requêtes

9 présentées par l'Accusation dans leurs écritures par rapport aux points

10 énumérées dans les ordonnances de la Chambre de première instance pour

11 déterminer quelle devait être la portée de la requête, et ce à quoi il

12 avait été fait droit.

13 En conclusion, Messieurs les Juge de la Chambre de première instance,

14 Monsieur le Président, je voudrais souligner qu'il est tout simplement

15 inacceptable que ces Etats créent un Tribunal international qui arrête une

16 personne, l'emprisonne dans une prison internationale et avoir un procès où

17 des témoins de tous ces pays qui pourraient déposer -- puisse le faire pour

18 l'Accusation, et en même temps retiennent des éléments de preuve pertinents

19 s'ils ne les communiquent pas à la Défense par rapport aux crimes qui sont

20 imputés aux accusés.

21 Nous avons tous des obligations ici. En tant que Juges, vous avez

22 l'obligation d'utiliser vos pouvoirs pour obtenir tous les éléments de

23 preuve pertinents. En tant que défenseur du général Ojdanic, j'ai

24 l'obligation d'essayer de trouver tous les éléments de preuve qui

25 pourraient l'aider au cours de son procès. D'après l'Article 29 du Statut,

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1 il y a la nécessité d'une coopération très claire avec la production de

2 documents devant le Tribunal international.

3 Nous avons une responsabilité de voir que la justice est rendue, et qu'un

4 innocent ne risque pas d'être envoyé pour le restant de ces jours en

5 prison. J'espère que vous en délibèrerez lorsque vous envisagerez de

6 prendre cette ordonnance. Je vous remercie.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Maître Robinson.

8 [La Chambre de première instance se concerte]

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il y a trois approches qui sont

10 présentées dans les conclusions présentées par les états sur la façon dont

11 cette question devrait être réglée. Certains Etats ont dit que la requête

12 devrait être rejetée, et n'ont pas fait d'observations ou de commentaires

13 sur la possibilité qu'il y ait une nouvelle requête présentée.

14 Un Etat, d'après ce que j'ai compris, les Pays-Bas, a dit qu'il

15 fallait rejeter, mais assembler et envisager la possibilité qu'une nouvelle

16 requête soit présentée.

17 Un autre Etat, le Royaume-Uni -- oui, le Royaume-Uni, a dit : rejetez

18 complètement -- entièrement, purement et simplement la requête, sans aucune

19 possibilité de présenter une nouvelle requête à ce sujet.

20 Je voudrais appeler votre attention sur le paragraphe (H) de l'Article 54

21 bis, qui dit que : "Le rejet d'une requête déposée au titre du présent

22 article n'exclut pas la possibilité d'introduire une demande ultérieure

23 relative aux mêmes documents ou informations, si des faits nouveaux

24 interviennent."

25 Alors, je voudrais demander, maintenant, au Pr Greenwood, puisqu'il a

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1 beaucoup insisté sur ce point, quelles observations ou commentaires il

2 aurait à faire sur cet aspect des choses.

3 M. GREENWOOD : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

4 Monsieur le Président, je ne voudrais pas qu'il y ait un malentendu en ce

5 qui concerne la nature des conclusions présentées par le gouvernement

6 britannique. Ma thèse hier était que la requête actuelle a été mal conçue

7 et qu'il ne serait pas possible, à partir de cette requête, de faire une

8 ordonnance -- de rendre une ordonnance. Donc, il serait juste, à notre

9 avis, que le Tribunal rejette, purement et simplement cette requête.

10 Mais je n'ai pas fait d'hypothèse sur la possibilité qu'une nouvelle

11 requête soit présentée. Ce que j'ai dit, dans mon exposé, c'était que la

12 façon de procéder pour la Défense était, si elle souhaitait se mettre en

13 contact avec les gouvernements et présenter une demande en vue d'appliquer

14 l'Article 54 bis.

15 Bien entendu, à la fin de ce processus, s'ils souhaitent présenter

16 une nouvelle requête au Tribunal, en vertu des dispositions de l'Article 54

17 bis (H), ils seraient en mesure de le faire. En fait, j'espère que c'est

18 bien ce que j'ai dit hier.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, si de nouvelles

20 circonstances, si des faits nouveaux interviennent. Ceci dépend de

21 l'interprétation de ce membre de phrase "des faits nouveaux."

22 M. GREENWOOD : [interprétation] Oui, effectivement. Si des faits

23 nouveaux existent. Il faudrait savoir ce que pourraient être ces faits

24 nouveaux. Que cela doit être quelque chose qui serait contenu dans la

25 correspondance entre la Défense et les gouvernements, c'est une autre

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1 question.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, est-ce que je peux considérer que

4 la lettre (H) de l'Article 54 bis s'applique au même document, s'il est

5 précisé par la suite parce qu'on ne peut pas considérer que c'est le même

6 document dont nous traitons, c'est un peu différent. Mais je voudrais

7 entendre votre point de vue sur la question.

8 M. GREENWOOD : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que la

9 réponse serait qu'étant donné l'étendue de la requête actuelle, présenter

10 une requête concernant certains documents qui rentrent dans ce domaine

11 serait effectivement présenter une requête pour les mêmes documents.

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie beaucoup,

14 Professeur Greenwood.

15 Je ne sais pas si M. Lammers des Pays-Bas ou un autre représentant souhaite

16 présenter des observations sur cette question.

17 Si ce n'est pas le cas, je voudrais dire que la Chambre de première

18 instance exprime sa gratitude pour tous les exposés qui ont été faits. Nous

19 allons examiner la question et nous rendrons une décision dès que possible.

20 L'audience est levée.

21 --- L'audience sur requêtes est levée à 17 heures 52.

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