Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 23 août 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 14.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bon après-midi, Madame Bala.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Bon après-midi.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je tiens à vous rappeler dès le départ

9 que la déclaration solennelle que vous avez faite au début de votre

10 déposition continue, bien sûr, à s'appliquer aujourd'hui, donc vous devez

11 continuer à dire la vérité, toute la vérité.

12 Nous allons maintenant poursuivre le contre-interrogatoire.

13 M. Ackerman, vous avez la parole.

14 M. ACKERMAN : [interprétation] Bonjour. Je vous remercie, Monsieur le

15 Président.

16 LE TÉMOIN: NAZLIE BALA [Reprise]

17 [Le témoin répond par l'interprète]

18 Contre-interrogatoire par M. Ackerman : [Suite]

19 Q. [interprétation] Bon après-midi, Madame Bala. Nous allons reprendre là

20 où nous en étions hier. Quand nous nous sommes quittés hier, nous étions en

21 train de parler des observations que vous faisiez depuis votre maison à

22 Pristina. Les observations que vous faisiez en plein jour étaient aussi

23 faites à l'aide de jumelles. C'est bien cela, n'est-ce pas ?

24 R. [aucune interprétation]

25 M. ACKERMAN : [interprétation] Je ne reçois pas l'interprétation, Monsieur

26 le Président. Il me semble que le témoin a répondu par l'affirmative, mais

27 nous n'avons rien entendu.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous demande si vous pourriez

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1 répéter votre réponse, s'il vous plaît.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, votre question était de savoir si

3 j'utilisais des jumelles le jour et la nuit; c'est bien cela ? Je vous ai

4 répondu que la nuit, j'utilisais les jumelles, mais pendant le jour,

5 j'observais aussi sans jumelles.

6 M. ACKERMAN : [interprétation]

7 Q. Oui, mais alors pendant la journée, est-ce que vous observiez aussi

8 avec jumelles ? C'est ma question.

9 R. Non, pas pendant la journée parce que je n'en avais pas besoin. Je

10 voyais très bien sans jumelles. Je n'en avais pas besoin, de ces jumelles.

11 Q. Dans le dernier paragraphe, à la page 3 de votre déclaration en

12 anglais, vous nous décriviez les observations que vous étiez en train de

13 faire le 28 mars. Vous nous dites les choses suivantes : "Les forces serbes

14 étaient en train de tirer à des civils albanais sans armes, et ces civils

15 albanais étaient en fuite, étaient en train de s'enfuir." C'est bien cela ?

16 R. Pourriez-vous répéter, s'il vous plaît ?

17 Q. Oui, bien sûr. Dans votre déclaration au bureau du Procureur, voici ce

18 que vous écrivez, et je cite : "Les forces serbes étaient en train de tirer

19 sur des civils albanais non armés, et les civils albanais étaient en train

20 de s'enfuir."

21 R. Le 28 mars, si je puis m'expliquer exactement en commençant par le 28

22 mars, je peux vous dire que vers 10 heures, enfin, à peu près vers 10

23 heures du matin, les combats ont commencé à Vranjevc chez la famille

24 Hartica ? L'après-midi, à partir de 14 heures, les pilonnages ont commencé

25 dans la zone de Kolovica, les dernières maisons sur ce coteau. Les combats

26 contre la famille Hartica s'expliquaient parce que cette famille ne voulait

27 pas quitter sa maison, ne voulait pas abandonner la maison. Ils refusaient

28 de partir. Il y a eu des tirs, énormément de combats autour de la maison,

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1 et il y avait aussi un pilonnage sur les hauts de Kolovica. On voyait là-

2 bas des chars qui étaient près d'un bois, le bois à Kolovica, et le

3 lendemain, un contingent assez important de forces armées, suite à un

4 bombardement la nuit de la caserne militaire de Lukare près de Pristina,

5 donc à partir de ce moment-là, il y avait des pilonnages sur Kolovica. Bien

6 sûr, je l'ai vu. Il n'y a pas que moi, il y a d'autres témoins qui l'ont

7 vu. Mais j'ai vu depuis ma maison ce pilonnage sur Kolovica. J'ai observé

8 les gens qui s'enfuyaient de cette zone qui était pilonnée. Ils ne

9 partaient pas vers le centre, mais ils partaient vers les endroits sûrs où

10 il y avait ni pilonnage, ni tirs; c'est pour cela qu'ils ont quitté leur

11 maison suite à ces pilonnages sur ce quartier.

12 Je me suis aussi entretenue avec plusieurs personnes, un nombre assez

13 important de personnes, d'ailleurs, qui étaient dans les rues et dans les

14 petites ruelles, aussi, avoisinantes, parce que dans l'endroit où je vis,

15 où je réside, il y avait beaucoup de petites ruelles de ce style. Les gens

16 étaient traumatisés. Ils ne savaient pas du tout où aller. Ils avaient vu

17 les pilonnages. Ils avaient vu les incendies des maisons, ils avaient vu

18 les cadavres, aussi, des gens qui étaient morts suite aux pilonnages.

19 Enfin, je ne veux pas vraiment entrer dans les détails, mais cela vous

20 donne une idée.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, cela suffira pour le moment.

22 M. ACKERMAN : [interprétation]

23 Q. Je me demande si vous vous souvenez de la question que je vous ai

24 posée. Est-ce que vous vous souvenez de la question exacte que je vous ai

25 posée ?

26 R. Vous m'avez demandé si j'avais vu des gens pendant le pilonnage, si

27 j'avais vu des gens qui devaient quitter leurs maisons à ce moment-là, et

28 je vous ai répondu en vous expliquant exactement ce qui s'était passé le 28

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1 mars, le déroulement de la journée entière. Puisqu'il faisait jour, on

2 voyait très bien ce qui se passait sur Kolovica.

3 Q. Quand vous écoutez mes questions, vous écoutez la traduction en

4 albanais ? C'est cela, les questions, pour vous --

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ackerman, nous n'allons pas

6 emprunter ce chemin. Nous n'allons pas emprunter ce chemin. Nous allons

7 laisser tomber. La traduction en anglais n'a même pas de point

8 d'interrogation à la fin, parce qu'elle est assez difficile à comprendre.

9 Je pense que le témoin a parfaitement interprété votre question. Elle l'a

10 fait de façon raisonnable. Je me demandais si vous voudriez plutôt lui

11 poser quelque chose de très spécifique. Si vous voulez poser une question

12 spécifique, soyez spécifique.

13 M. ACKERMAN : [interprétation] Mais vous n'avez pas regardé ma question

14 parce qu'elle était très claire.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bon ?

16 M. ACKERMAN : [interprétation] Je vais vous dire. Voilà ma question. Ma

17 question était : "Au dernier paragraphe de la page 3 de votre déclaration

18 en anglais, vous décrivez les observations que vous avez effectuées le 28

19 mars, et votre déclaration contient la phrase suivante : 'Les forces serbes

20 étaient en train de tirer des civils albanais non armés, et les civils

21 albanais étaient en train de s'enfuir. Est-ce vrai ?'" C'est tout ce que je

22 posais comme question.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais à quoi cela servait, cette

24 question, alors ?

25 M. ACKERMAN : [interprétation] C'est que le témoin se remette en tête

26 exactement quelle était la déclaration qu'avait faite le témoin à ce

27 moment-là.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais on a bien compris cela,

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1 Monsieur Ackerman. A mon avis, ce que vous avez fait, vous, vous avez fait

2 vous-même une déclaration qui était en train d'inviter le témoin uniquement

3 à se rappeler de ce qu'elle avait vu pour nous le redire à nouveau.

4 Ensuite, quand elle s'est mise à nous décrire de façon non contrôlée

5 exactement ce qu'elle avait vu le 28 mars, vous ne l'avez pas du tout

6 arrêtée, donc essayez de vraiment contrôler le témoin lors de votre contre-

7 interrogatoire.

8 M. ACKERMAN : [interprétation] Quand je l'ai interrompue hier, vous m'avez

9 dit de ne pas le faire, alors aujourd'hui, votre décision, c'est que je

10 dois la contrôler. Hier, vous ne le vouliez pas.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ackerman, ce n'est pas ma

12 décision. Je vous demande juste de bien contrôler votre contre-

13 interrogatoire. Je ne vous demande pas d'interrompre le témoin quand vous

14 le voulez; ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Si vous êtes en

15 train de faire une déclaration qui répète ce qu'un témoin a dit dans sa

16 déclaration à elle et que vous terminez en demandant si c'est "correct", il

17 est évident que quelqu'un qui vient d'une autre culture va répondre

18 exactement comme nous a répondu ce témoin en l'espèce. Je vous demande

19 vraiment d'exercer plus de contrôle lors de votre contre-interrogatoire

20 pour être sûr qu'il n'y ait pas de malentendus. Je ne vous demande pas

21 d'interrompre comme bon vous semble. Il faut vraiment que vous suiviez les

22 instructions que je vous donne.

23 Alors que voulez-vous dire, Madame Moeller ?

24 Mme MOELLER : [interprétation] Je voudrais vous dire qu'au compte rendu, il

25 est bien évident que le témoin a demandé à M. Ackerman de répéter sa

26 question parce qu'elle n'était pas claire.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, c'était ce morceau du compte

28 rendu que j'étais en train de regarder. J'ai été assez surpris quand il m'a

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1 dit que la question avait bel et bien un point d'interrogation.

2 Vous pouvez poursuivre.

3 M. ACKERMAN : [interprétation] Je ferai plus attention, et j'essaierai

4 d'exercer plus de contrôle.

5 Q. Quand vous parlez de ces observations que vous avez faites le 28 mars,

6 dans votre déclaration vous dites qu'il y a des forces serbes qui tirent

7 sur des personnes non armées, et deux phrases plus haut, vous parlez d'une

8 famille armée qui ne voulait pas se rendre, qui ne voulait pas quitter sa

9 maison et qui, du coup, était en train de tirer sur les forces serbes;

10 c'est bien cela ?

11 R. Oui. Je répète ce que j'ai dit. Il y a deux batailles qui avaient lieu

12 en même temps à Vranjevc.

13 Q. [aucune interprétation]

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais votre question était-elle

15 vraiment nécessaire ? Je n'en suis pas sûr, Monsieur Ackerman. Si vous

16 demandez quelque chose qui est contradictoire, je comprends que vous pouvez

17 le faire, vous ne pouvez pas la poser de la façon dont vous avez posé votre

18 question, parce que du coup, vous n'obtenez qu'une nouvelle version de la

19 même histoire qui nous est redite par le témoin une nouvelle fois. Vous ne

20 posez pas les questions comme il faut.

21 M. ACKERMAN : [interprétation]

22 Q. Passons maintenant à la page 4 de votre déclaration, premier

23 paragraphe. Vous parlez du 29 mars. Nous avons beaucoup de détails sur

24 cette page, vous n'avez pas besoin de répéter ce qui est écrit puisque nous

25 pouvons tous le lire. J'espère que ma question sera simple et que vous

26 pourrez y répondre de façon directe. Vous nous parlez de personnes qui

27 doivent quitter leurs maisons, que l'on chasse de leurs maisons.

28 D'ailleurs, vous étiez en train d'observer cela. Lors de la description de

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1 ce qui est en train de se passer, vous dites : "S'il y a des personnes qui

2 restent dans la maison, elles étaient soit passées à tabac, soit tuées."

3 J'aimerais savoir si vous avez assisté de vos propres yeux à

4 quelqu'un qui aurait été tué ou qui aurait été passé à tabac, et ce, dans

5 sa maison.

6 R. Oui, c'est arrivé. Pas seulement dans mon quartier, mais dans tout le

7 Kosovo.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Bala, la question était

9 extrêmement claire, quand même. Avez-vous vu de vos propres yeux quelqu'un

10 se faire tuer ou se faire passer à tabac dans sa propre maison ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Etre passé à tabac, oui. Un voisin, qui avait

12 80 ans.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

14 Monsieur Ackerman, vous pouvez poursuivre.

15 M. ACKERMAN : [interprétation]

16 Q. Comment avez-vous réussi à le voir, puisqu'il était dans sa maison ?

17 R. Il était dans son jardin. Sa femme était chassée de sa maison, obligée

18 de la quitter. On pouvait entendre le vieil homme pleurer. C'est arrivé

19 juste à côté de chez nous. C'était un vieil homme qui, plus tard, est

20 décédé.

21 Q. Pouvez-vous nous dire combien de personnes vous avez vues être tuées

22 parce qu'elles n'avaient pas voulu quitter leurs maisons ?

23 R. J'ai vu des gens qui refusaient de quitter leurs maisons. J'ai vu des

24 gens que l'on poussait dans la gare, mais je n'ai vu personne être tué chez

25 lui.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais vous avez répondu à la

27 question --

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela dit, après la guerre, j'ai pris des

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1 dépositions.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] -- puisque la question était de savoir

3 ce que vous aviez vu de vos propres yeux.

4 Monsieur Ackerman, vous pouvez poursuivre.

5 M. ACKERMAN : [interprétation]

6 Q. Dans votre déclaration, vous dites que vous êtes allée à Kosovo Polje.

7 C'est toujours au dernier paragraphe de la page 4. Vous dites, et je cite :

8 "Juste avant d'arriver à la gare de Fushe Kosovo, à gauche de la voie de

9 chemin de fer, j'ai vu de mes propres yeux trois ou quatre cadavres à

10 différents endroits entre les maisons et la voie de chemin de fer."

11 Ceci est votre déclaration. Voici la question que je vous pose.

12 Saviez-vous si ces corps étaient les corps d'Albanais, de Serbes, de

13 tziganes ou quoi que ce soit ?

14 R. C'était évident. On savait que c'étaient des corps qui se trouvaient

15 très près des maisons d'Albanais. Ils étaient à moitié consumés, à moitié

16 brûlés ou alors totalement brûlés. C'était près de la route qui va Fushe

17 Kosovo.

18 Q. La réponse, c'est que vous ne saviez pas vraiment s'ils étaient Serbes,

19 Albanais ou quoi que ce soit. Vous n'êtes pas descendue du train pour

20 savoir exactement qui ils étaient.

21 R. Je ne pense pas qu'ils étaient Serbes, que c'étaient des cadavres de

22 Serbes ou cadavres de personnes d'autres appartenances ethniques. Ils

23 devaient être Albanais, puisque leur intention était de tuer, de tout

24 détruire.

25 Q. Mais vous savez, quand même, qu'un grand nombre de Serbes ont trouvé la

26 mort lors des combats ?

27 R. Non, cela, je ne le sais pas. Je n'ai pas cette information. Je ne sais

28 pas combien de Serbes ont trouvé la mort.

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1 Q. Mais vous savez quand même que des Serbes ont trouvé la mort ?

2 R. Bien sûr, on était en guerre. Les gens pouvaient se faire tuer de

3 chaque côté, dans les deux camps au Kosovo. Pendant les 78 jours des

4 bombardements de l'OTAN, les Serbes ont essayé de se venger contre les

5 Albanais et ont essayé de tout détruire, de détruire tout ce qui était

6 Albanais, à cause de ces bombardements de l'OTAN. C'est pour cela que les

7 victimes étaient principalement Albanaises.

8 Q. Ensuite, quand vous êtes arrivée à la cimenterie Hani i Elezit, quand

9 on vous a dit de descendre du train et de marcher le long de la voie, vous

10 dites que l'on vous a obligée à marcher au milieu de la voie de chemin de

11 fer parce qu'il y avait des mines de chaque côté du ballaste; c'est vrai ?

12 R. Oui.

13 Q. Etait-ce juste une seule voie de chemin de fer ou y avait-il deux voies

14 qui se croisaient, voire trois ?

15 R. Il n'y avait qu'une seule voie, et j'ai dû marcher le long de cette

16 voie pendant 45 minutes.

17 Q. Vous étiez accompagnée d'un groupe important de personnes dans cette

18 marche ?

19 R. Des femmes, des personnes âgées, des handicapés, des enfants, des

20 vieux.

21 Q. Vous marchiez à la file indienne, vous étiez en groupe de deux, deux

22 par deux, de trois ? J'aimerais savoir quel type de colonne vous formiez.

23 Est-ce que c'était une colonne en file indienne bien organisée ? Etait-ce

24 une colonne large ou pas ?

25 R. Certains marchaient à deux ou trois de front, mais c'était la soirée,

26 donc je n'étais pas en train vraiment de regarder comment la colonne était

27 organisée. On avait peur que quelqu'un, par peur, par fatigue, s'écarte des

28 voies et tombe sur une mine et que du coup, on exploserait tous.

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1 Q. Oui. Vous pensiez qu'il y avait des mines sur le ballaste ?

2 R. C'est ce qu'ils nous ont dit. Nous, on ne le savait pas, mais ils nous

3 l'ont dit.

4 Q. Vous dites que pendant que vous avez marché le long de cette voie très

5 étroite, les mines étaient sur le ballaste de chaque côté, vous dites que

6 les forces serbes étaient encore en train de garder, qu'ils étaient en

7 train de séparer les hommes qui étaient encore dans la colonne et qu'ils

8 leur demandaient de l'argent et des pièces d'identité. Mais où se

9 trouvaient donc ces forces serbes ? Elles étaient sur les champs de mine ?

10 R. Les forces serbes étaient à Hani i Elezit, là où on nous a dit de

11 descendre du train, juste devant la cimenterie. Ils n'étaient pas à Blace,

12 parce que cela, c'était une zone neutre. Ils étaient devant la cimenterie.

13 J'étais dans le troisième ou quatrième wagon, je ne m'en souviens pas bien.

14 On est descendus du train, et les forces serbes se trouvaient juste le long

15 de cette cimenterie. Je ne veux pas dire qu'ils étaient trois ou quatre, il

16 y avait toute une file. Tout le train était surveillé, contrôlé par ces

17 forces serbes. Ils ont dit aux hommes d'aller d'un côté et aux femmes

18 d'aller de l'autre côté. Ils les fouillaient. Ils ont menacé certains à la

19 pointe du fusil. C'était assez effrayant. Je voyais des cartes d'identité

20 qui étaient déchirées.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez répondu à la question.

22 Nous pouvons passer à la question suivante, M. Ackerman.

23 L'INTERPRÈTE : Est-ce que l'on pourrait demander au témoin de ralentir ?

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Bala, pourriez-vous s'il vous

25 plaît ralentir pour que les interprètes puissent mieux traduire vos

26 propos ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer.

28 M. ACKERMAN : [interprétation]

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1 Q. Je vais maintenant reparler de votre emploi avec l'OSCE quand vous

2 étiez à Pristina. Quelle était votre mission ? Qu'est-ce que vous deviez

3 faire exactement ?

4 R. A l'OSCE, je travaillais en tant qu'assistante en matière de droits de

5 l'homme. Ma première mission a été de surveiller un petit peu ce qui se

6 passait à Pristina. C'est ce que je faisais principalement à l'OSCE au

7 Kosovo, en tout cas pour ce qui est du bureau régional de Pristina. L'autre

8 mission de mon poste était de m'occuper un petit peu des témoins pour ce

9 qui est de l'affaire Recak.

10 Q. Avez-vous travaillé en tant qu'interprète ?

11 R. Oui.

12 Q. Quelles étaient les langues dans lesquelles vous interprétiez ?

13 R. J'interprétais d'albanais en anglais et retour, et parfois,

14 j'interprétais aussi de serbo-croate en anglais ou de serbo-croate en

15 albanais, et là, c'est aussi avec le retour.

16 Q. En tant qu'interprète utilisant la langue anglaise, vous parliez cette

17 langue couramment, n'est-ce pas ?

18 R. Oui, je la parle, j'ai un niveau universitaire. Disons que j'écris, je

19 parle et je comprends l'anglais plutôt bien.

20 Q. Quand vous nous avez dit hier que certaines choses qui se trouvaient

21 dans votre déclaration originale du bureau du Procureur se trouvaient là

22 uniquement à cause d'une erreur d'interprétation, ce n'est pas parce que

23 vous n'avez pas bien compris la langue dans laquelle la déclaration était

24 écrite ?

25 R. Non, c'était une erreur ou un oubli, je ne sais pas, de la part de

26 quelqu'un d'autre. C'étaient des expressions, sans doute. Quand on parle

27 dans sa propre langue ou quand on s'exprime en anglais, les choses sont

28 différentes. Ces traductions ne sont pas littérales, ce n'est pas du mot à

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1 mot. Il faut reformuler les choses, puisque les langues sont différentes.

2 Q. Vous êtes engagée politiquement, n'est-ce pas ?

3 R. J'ai été en effet engagée politiquement jusqu'en 2001, puisque je

4 travaillais en matière de droits de l'homme.

5 Q. Merci. Vous êtes membre du PDK ou DPK, je ne sais très bien dans quel

6 ordre on doit mettre ces consonnes, mais vous êtes membre de ce parti,

7 n'est-ce pas ?

8 R. Oui, tout à fait, je suis membre du Parti démocratique du Kosovo.

9 Q. C'est le parti qui est dirigé par Hashim Thaqi ?

10 R. Oui, tout à fait.

11 Q. Mais vous êtes aussi membre de l'assemblée de Pristina alors que vous

12 êtes témoin ici ?

13 R. Non, je ne suis pas membre du Parlement du Kosovo.

14 Q. Non, mais je parle ici de l'assemblée de Pristina.

15 R. J'étais députée de l'assemblée municipale jusqu'en 2005. En 2005, je me

16 suis retirée pour poursuivre mes études.

17 Q. Mais vous êtes toujours membre du parti de M. Thaqi ?

18 R. Oui, je suis membre du Parti démocratique du Kosovo.

19 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, j'en ai fini avec mes

20 questions.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Ackerman.

22 Monsieur Bakrac, vous avez la parole.

23 M. BAKRAC : [interprétation] Merci. J'ai quelques questions.

24 Contre-interrogatoire par M. Bakrac :

25 Q. [interprétation] Madame Bala, je suis Mihajlo Bakrac, avocat, et je

26 suis conseil du général Lazarevic en l'espèce. Si je vous ai bien compris,

27 vous dites que vous avez vu les pilonnages effectués par l'armée, et ce,

28 depuis Lukare; c'est bien cela ?

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1 R. Les pilonnages venaient d'une colline entre Vranjevc et Kolovica. A

2 l'époque, il y avait une caserne militaire des forces serbes à cet endroit-

3 là.

4 Q. Puisque vous parlez des casernes, ce sont bien des casernes de Lukare ?

5 R. Oui, c'est là que se trouvent les casernes. Maintenant, cette caserne

6 héberge les forces de protection du Kosovo.

7 Q. Avez-vous vu quelles armes ils employaient ?

8 R. Il y avait un char, un char en haut de la colline. Là, il n'y avait pas

9 de végétation et pas d'arbres. La colline est nue, le haut de la colline

10 est nu. Il y avait ce char, et d'ailleurs le tunnel ferroviaire passe sous

11 cette colline. C'est une colline que l'on voit d'assez loin. On la voit

12 partout, d'ailleurs.

13 Q. Savez-vous qu'à Lukare, il n'y avait pas de casernes ? Il y avait là un

14 abri d'intendance, et la seule chose qui se trouvait là-bas, c'était un

15 groupe chargé d'assurer la sécurité de cette installation. Ils n'avaient

16 que des armes légères, aucune arme lourde. Le savez-vous ?

17 R. Monsieur, ce que je sais, c'est qu'il y avait une caserne là-bas. Je ne

18 suis pas passée une seule fois par là, je suis passée des milliers de fois,

19 parce que j'ai des membres de ma famille à Lukare. Il y avait la caserne,

20 il y avait des chars, des camions, des soldats, tout. En plus, on peut le

21 voir. Cela se voyait. On voyait la caserne, on voyait les bâtiments depuis

22 la route.

23 Q. Mais vous pouviez voir cela depuis votre toit ?

24 R. Non. Ce que j'ai dit, c'est que la caserne était derrière la colline.

25 Je pouvais voir le char placé en haut de la colline, le char qui tirait sur

26 Kolovica.

27 Q. Madame Bala, ce char, l'avez-vous vu de jour ou de nuit ?

28 R. Je crois qu'il ressort clairement de ma déposition que je l'ai vu

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1 uniquement de jour, et pas de nuit. C'était l'après-midi du 28 mars. Je

2 pense qu'il était 14 ou 15 heures, mais c'était cette colline-là de

3 Kolovica.

4 Q. A vol d'oiseau, quelle est la distance entre votre terrain et l'endroit

5 où était placé ce char ? Est-ce que vous pourriez nous évaluer cela ?

6 R. La caserne militaire se trouve, je pense, à un kilomètre et demi, deux

7 kilomètres de Pristina. Je ne peux pas dire exactement quelle serait la

8 distance à vol d'oiseau. En fait, la colline est plus proche, puisque comme

9 je vous ai dit, la caserne se trouve derrière la colline, vers Vrmice,

10 Lubana [phon], et cetera. Dans l'autre direction, il y a la route qui mène

11 à Pristina.

12 Q. Ce que je vous ai demandé, c'était de nous dire si vous pouviez évaluer

13 quelle était la distance à vol d'oiseau entre votre terrasse et cet endroit

14 où vous avez vu le char.

15 R. Excusez-moi, mais je ne suis pas capable de vous dire cela.

16 Q. Mais vous serez d'accord avec moi pour dire que c'est plus de 500

17 mètres, n'est-ce pas ?

18 R. Tout simplement, je ne sais pas. Je ne sais pas quelle serait cette

19 distance à vol d'oiseau, mais je le voyais clairement.

20 Q. Est-ce que vous avez pu distinguer les insignes sur ce char ?

21 R. Non, mais je n'ai pas vraiment prêté attention aux insignes ou aux

22 inscriptions sur le char. C'est un char qui tirait sur la ville.

23 D'ailleurs, je suppose que ces inscriptions, ces insignes seraient plutôt

24 de petite taille.

25 Q. Madame Bala, vous aviez des jumelles infrarouges. Si vous aviez regardé

26 et observé ce char de nuit, est-ce qu'il y aurait eu une trace, un signal

27 qui aurait été émis par vos jumelles ?

28 Mme MOELLER : [interprétation] Monsieur le Président.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Madame Moeller ?

2 Mme MOELLER : [interprétation] Excusez-moi --

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je ne me souviens pas.

4 Mme MOELLER : [interprétation] -- avoir entendu le témoin dire qu'elle

5 avait des jumelles avec une vision infrarouge.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne m'en souviens pas non plus.

7 On a beaucoup contre-interrogé au sujet des jumelles. Est-ce que vous

8 avez vraiment besoin de reposer des questions là-dessus ?

9 M. BAKRAC : [interprétation] Page 3, version en B/C/S, il est dit, excusez-

10 moi : "J'avais des jumelles infrarouges." Je vais examiner la version

11 anglaise, à présent. En anglais, ce qu'on lit, c'est "night vision" donc

12 "de nuit", "vision de nuit." Je demande s'il y avait un signal rouge sur

13 les jumelles ou est-ce qu'il émettait un rayon rouge pour permettre

14 d'observer de nuit.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous pouvez répondre à la question.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit dans ma déclaration que je ne m'étais

17 jamais servie de jumelles auparavant, donc je ne savais pas de quel modèle

18 de jumelles il s'agissait. Tout simplement, en me servant de ces jumelles,

19 je pouvais voir au loin. Mais je ne sais pas s'il y avait de la lumière;

20 c'était plutôt de la lumière verte, s'il y en avait une, mais je ne sais

21 pas de quel modèle étaient ces jumelles.

22 M. BAKRAC : [interprétation]

23 Q. Ces jumelles émettaient donc une lumière verte; c'est bien cela ?

24 R. Oui, c'était une lumière verdâtre, pour autant que je m'en souvienne,

25 car cela fait sept ans. J'ai eu ces jumelles il y sept ans.

26 Q. Merci, Madame Bala. Page 2 de votre déclaration, n'est-ce pas, vous

27 avez dit que vous aviez très peur que les Serbes n'entrent dans votre

28 maison et qu'ils ne vous fassent mal; est-ce que c'est exact ?

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1 R. Ce qui est certain, c'est que je ne m'attendais à rien de bien de leur

2 part, non pas à cause de ce qui s'est passé le lendemain, mais à cause de

3 ce qui se passait partout dans la ville.

4 Q. Madame Bala, je vous ai demandé si vous n'aviez pas peur de vous servir

5 de jumelles de nuit dans une ville qui subissait un couvre-feu, des

6 jumelles qui émettaient de la lumière verte, et de le refaire. Vous n'aviez

7 pas, pendant trois nuits de suite, vous n'aviez pas peur que quelqu'un vous

8 remarque ?

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Moeller.

10 Mme MOELLER : [interprétation] Mais cette question a été posée déjà au

11 témoin. Ce n'était pas la question qui a été initialement posée au témoin ?

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais la première question ressemblait

13 à la question de Me Ackerman, donc nous sommes allés de l'avant, il n'y a

14 pas de mal.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant les bombardements de l'OTAN, je

16 n'avais pas peur du tout, j'étais chez moi à la maison, car pendant ce

17 temps-là, je n'ai pas entendu de mouvement mis à part les bombardements.

18 Mais une fois que le bombardement s'est arrêté, on pouvait entendre les

19 coups de feu, des explosions, des détonations, des déplacements de camions,

20 de chars, de véhicules, des cris. Donc, on savait que quelque chose de

21 terrible était en train de se produire quelque part, que cela arrivait à

22 quelqu'un et que nous allions tous être pris dans ces événements.

23 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

24 M. BAKRAC : [interprétation]

25 Q. Vous ne répondez pas à ma question.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

27 Mais la question était de savoir si vous ne pensiez pas qu'on allait

28 vous remarquer, vous repérer à cause de cette lumière qu'émettaient les

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1 jumelles. Est-ce que vous pouvez répondre à cette question-là ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'avais pas cette sensation-là du

3 tout.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais n'était-ce pas une lumière qui

5 aurait pu être remarquée par quelqu'un ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais pendant que je regardais tout droit avec

7 mes jumelles, je n'ai pas remarqué que les jumelles émettaient une lumière.

8 Tout simplement, je m'en suis servie, je regardais en me servant des

9 jumelles. Je n'avais pas l'impression que quelqu'un les verrait s'il me

10 regardait.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Bakrac.

12 M. BAKRAC : [interprétation]

13 Q. Madame Bala, vous avez suivi les événements de Vranjevc, d'après ce que

14 vous avez dit, et je suis certain que le 27 ainsi que le 28 mars, vous avez

15 remarqué qu'il y a eu une attaque de l'UCK menée contre le poste de police

16 de Vranjevc ?

17 R. Non, le poste de police de Vranjevc se trouve dans les hauteurs, dans

18 cette ville. C'est bien plus haut, donc je ne pouvais pas le voir de

19 l'endroit où j'étais. Il y avait des maisons dans cette direction-là. Ce

20 quartier de Vranjevc peut être observé, mais le poste de police se trouve

21 ailleurs. Hartica, cette maison-là se trouve assez loi du poste de police.

22 Q. Vous n'avez vu que cette partie de Vranjevc où se trouve la maison, le

23 foyer Hartica ?

24 R. La partie qui se trouve juste en face de l'endroit où j'étais. Mais

25 c'est en s'éloignant de Pristina. Cette partie-là, je ne pouvais pas la

26 voir à cause de la colline.

27 Q. Madame Bala, pour ce qui est de la famille Hartica, est-ce qu'il y a un

28 des membres de cette famille que vous auriez revus après ces dates du 27 ou

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1 du 28 mars ?

2 R. Non, je n'ai vu aucun membre de la famille Hartica.

3 Q. Madame Bala, il y a un instant en répondant aux questions de ma

4 confrère Ackerman, vous avez dit que la famille Hartica a combattu, qu'ils

5 ont tiré sur la police, parce qu'ils ne voulaient pas quitter leur maison.

6 Comment est-ce que vous savez que c'est la raison pour laquelle ils ont

7 combattu ? C'est une supposition que vous faites là, n'est-ce pas ?

8 R. Non, ce n'est pas une hypothèse. Je pouvais voir des combats de ma

9 terrasse, les combats de Vranjevc, le combat avec la famille Hartica. J'ai

10 pu voir qu'ils ne voulaient pas quitter leur maison. Les gens qui sont

11 partis, qui ont quitté leurs quartiers ou leur région m'ont dit pourquoi il

12 y a eu ces combats. Bien entendu, je ne pouvais pas voir à l'intérieur de

13 la maison qui tirait sur qui, je ne pouvais pas voir ces horreurs qui se

14 sont produites là-bas, mais les gens qui sont venus vers mon quartier m'en

15 ont parlé, ils me l'ont dit.

16 Q. Eux, ils ont eu l'occasion de parler à la famille Hartica, et ils ont

17 connu la raison de leur combat. C'est cela que vous vous êtes en train de

18 nous dire ?

19 R. En fait, personne n'a connu les détails, parce que personne n'a pu

20 rentrer dans cette zone. La maison a été encerclée --

21 Q. Merci. Madame Bala, revenons maintenant à une portion de votre

22 déclaration où vous dites que le 29 mars, un officier de la VJ serait venu

23 chez vous dans votre maison et un tsigane vous avait dit que c'était Ivica,

24 un policier qui travaillait dans la circulation, dans la police routière.

25 Est-ce que vous pouvez nous décrire l'aspect de cet officier de la VJ ?

26 Pouvez-vous nous dire comment était son uniforme ?

27 R. L'officier portait un uniforme vert de l'armée. On pouvait facilement

28 le reconnaître. Le policier, qui était notre voisin et qui travaillait dans

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1 la police routière --

2 Q. Non, mais ce n'est pas la question que je vous ai posée. J'aimerais

3 savoir si cet officier de la VJ portait un couvre-chef. Est-ce qu'il avait

4 quelque chose sur la tête ?

5 R. Je ne m'en souviens pas. Je ne peux pas vous dire.

6 Q. Est-ce qu'il portait des insignes, des écussons sur ses manches ?

7 R. Pour autant que je puisse me souvenir, sur la partie droite de son

8 anorak, il y avait une sorte d'aigle avec du rouge, mais je ne me souviens

9 pas des détails, parce que je n'ai pas particulièrement prêté attention à

10 ses insignes, ses chaussures ou ses bottes, ou son chapeau. Mais j'ai pu

11 voir que c'était un militaire.

12 Q. Madame Bala, mis à part la couleur de l'uniforme, vous ne vous souvenez

13 d'aucun détail. En fait, ce ne sont que des spéculations que vous faites

14 lorsque vous nous dites que c'est un officier de la VJ, n'est-ce pas ?

15 R. Ce ne sont pas des spéculations. Il est vrai que c'était un officier

16 d'après l'uniforme qu'il portait. De la manière dont il s'est présenté, il

17 était clair que c'était un militaire de l'armée yougoslave. Lorsque nous

18 sommes sortis, nous nous sommes engagés dans la rue principale, nous avons

19 vu d'autres soldats. Il n'était pas seul. Il y avait d'autres soldats sur

20 place - des soldats, des policiers, et cetera. Il y a en avait plein dans

21 le voisinage.

22 Q. Oui. Je vous remercie, Madame Bala.

23 Vous avez dit, Madame Bala, dans votre déclaration, qu'à votre

24 arrivée à la gare, qu'il y avait 30 voitures de passagers qui étaient

25 accrochées à la locomotive, et que dans la première et la dernière voiture,

26 il y avait des membres du MUP et de l'armée. Seriez-vous d'accord avec moi

27 pour dire qu'une rame de 30 voitures fait au moins 600 mètres de long,

28 n'est-ce pas ?

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1 R. Lorsque nous sommes arrivés à la gare ferroviaire, la locomotive était

2 là, j'ai pu voir la tête et la queue du train. Il y avait des milliers de

3 personnes qui attendaient à la gare. On ne savait pas ce qui était en train

4 de se passer, mais j'ai vu de mes propres yeux la locomotive, et j'ai vu ce

5 nombre de voitures. D'autres personnes peuvent décrire le train. En tête de

6 train --

7 Q. Non, ce n'est pas la question que je vous pose. Je veux savoir ce que

8 vous avez vu. Vous pouviez voir précisément qui se trouvaient à bord de la

9 première voiture et à bord de la dernière; c'est cela que vous êtes en

10 train de nous dire ?

11 R. Mais ils étaient là sur place -- j'étais là, excusez-moi. Il y avait

12 des centaines, des milliers de personnes qui étaient là. Il n'y avait pas

13 que deux voitures qui constituaient cette composition. Il y avait des

14 milliers de personnes qui étaient là-bas.

15 Q. Madame Bala, est-ce que vous connaissez le Dr Emin Kabashi ?

16 R. Je connais le Dr Kabashi. C'est un professeur qui travaille à

17 l'institut des études albanalogiques.

18 Q. Je vous ai simplement demandé si vous le connaissiez. Est-ce que vous

19 l'avez vu parmi cette foule à la gare ce jour-là ?

20 R. Non.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous nous avez dit où il travaillait.

22 Est-ce que vous pouvez nous le redire ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Emin Kabashi travaille à l'institut

24 albanologique kosovar. Je le connais de par les livres qu'il a rédigés, les

25 différentes conférences où il a participé. Il est très connu au Kosovo.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci précise ce point.

27 Q. Madame Bala, si je vous disais que le Pr Kabashi, qui est venu déposer

28 ici, n'a absolument pas mentionné la présence de l'armée à la gare

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1 ferroviaire, comment réagiriez-vous à cela ?

2 R. Je ne sais pas ce qui a fait l'objet de sa déposition ici, mais je sais

3 ce que j'ai vu de mes propres yeux. J'ai vu à la fois l'armée et les

4 policiers.

5 Q. Madame Bala, conviendriez-vous avec moi pour dire qu'un nombre

6 important de civils albanais est resté à Pristina pendant toute la durée de

7 la guerre ?

8 R. Je ne serais pas d'accord avec vous parce que ce n'est pas vrai. Ce

9 jour-là, le 29 --

10 Q. Madame Bala, mais Madame Bala, je vous pose une question de manière

11 générale et non pas au sujet de cette date en particulier. Vous avez

12 répondu, je vais vous poser ma question suivante.

13 M. BAKRAC : [interprétation] Excusez-moi, j'ai parlé de "la campagne de

14 l'OTAN", je voudrais que cela rentre au compte rendu d'audience.

15 Q. Est-ce que vous connaissez Adem Demaqi ?

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

17 Un instant, s'il vous plaît.

18 Je n'ai pas de souvenirs d'avoir entendu cela. Je pense qu'il

19 faudrait reposer la question pour éviter qu'il y ait un doute qui plane sur

20 ses réponses.

21 M. BAKRAC : [interprétation] Oui, tout à fait. Peut-être que les

22 interprètes ne m'ont pas entendu.

23 Q. Madame Bala, est-il exact qu'un grand nombre de civils albanais sont

24 restés à Pristina tout au long de la campagne de l'OTAN ?

25 R. Les habitants de Pristina pendant trois journées consécutives ont été

26 forcés à quitter la ville. Le reste des habitants de Pristina qui sont

27 restés pendant les bombardements de l'OTAN, cela ce sont les gens qui sont

28 arrivés des villages, qu'on expulsait des villages et qui sont venus

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1 s'installer à Pristina pour se mettre à l'abri. C'étaient des gens qui

2 étaient descendus des montagnes, des collines, et cetera.

3 Q. Je vous remercie. Je vous remercie.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais, non, non. J'essaie de comprendre

5 justement. Vous dites le reste des gens, ce sont des gens qui sont arrivés

6 d'autres villages. Vous êtes en train de dire qu'eux ils sont restés à

7 Pristina ? Ou ils partis eux aussi ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Plus tard, eux aussi ils sont partis. Les

9 quartiers de la ville se sont retrouvés complètement vidés, déserts. Je ne

10 peux pas dire que dans toute la ville il n'y avait plus personne, mais la

11 majorité des habitants de Pristina sont partis, ont quitté la ville pendant

12 ces trois jours. Plus tard, il y a eu des gens qui sont arrivés des

13 villages, des montagnes en essayant de se mettre à l'abri, en fuyant la

14 guerre de Llapi et d'ailleurs. Des deux côtés de Pristina, on a forcé les

15 gens à venir au village de Koliq, c'est là qu'ils ont été pilonnés, il y a

16 eu des centaines de personnes qui ont été tuées, et ont les a envoyés à

17 Leskoc. Ensuite le premier, le second et le troisième, le massacre le plus

18 grave s'est produit à Grashtice.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce que je voudrais comprendre, combien

20 de personnes sont restées à Pristina ? Pendant ces trois jours, d'après ce

21 que vous nous dites, il y a eu des gens qui sont restés à Pristina ou pas ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] La grosse majorité a été contrainte à partir.

23 Il y a eu des familles qui sont restées sur place, mais c'étaient surtout

24 des Turcs, des Rom et des Bosniens.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

26 Maître Bakrac.

27 M. BAKRAC : [interprétation]

28 Q. Madame Bala, est-ce que vous connaissez Adem Demaqi ?

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1 R. Oui, j'ai travaillé avec M. Demaqi pendant à peu près sept ans dans

2 Conseil de la défense des droits de l'homme.

3 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'entends aucune

4 interprétation.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] L'anglais a été interprété, il doit y

6 avoir un problème d'interprétation serbe.

7 Est-ce qu'on peut entendre l'interprétation serbe pour M. Bakrac,

8 s'il vous plaît ?

9 L'avez-vous maintenant ?

10 M. BAKRAC : [interprétation] Oui, oui.

11 Q. Vous devez savoir que c'est l'un des idéologues politiques de l'UCK,

12 cet homme ?

13 R. Je ne sais pas cela.

14 Q. Savez-vous que M. Adem Demaqi, pendant toute la durée de la campagne de

15 l'OTAN, est resté à Pristina. Cela, le savez-vous ?

16 R. A mon retour de Macédoine, j'ai vu Adem Demaqi, il m'a dit lui qu'il

17 était resté à Pristina pendant tout ce temps-là.

18 Q. Il y a un instant vous avez dit que seuls des Bosniens, des Rom, et

19 cetera étaient restés dans la ville. Est-ce qu'en disant cela vous voulez

20 dire que lorsque les forces de protection, lorsque la KFOR est arrivée à

21 Pristina, que c'était une ville déserte, qu'il n'y avait pas de civils dans

22 la ville. C'est cela que vous entendez par là ?

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais ce n'est pas une interprétation

24 exacte de la réponse. Dans la réponse, on a entendu dire que : "La grosse

25 majorité a été forcée à partir et que certaines familles sont restées, mais

26 que pour la plupart c'était des Turcs, des Rom et des Bosniens."

27 M. BAKRAC : [interprétation] Très bien. Monsieur le Président, je retire ma

28 question.

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1 Q. Madame Bala, savez-vous que la majorité des civils albanais -- ou

2 plutôt les civils albanais qui sont restés à Pristina et des retraités

3 n'ont jamais cessé de recevoir leur retraite de la part de l'Etat serbe ?

4 Cela, le savez-vous ? Leurs versements n'ont jamais été interrompus.

5 R. Non.

6 Q. Madame Bala, je souhaiterais maintenant que nous abordions brièvement

7 la dernière partie. Lorsque vous êtes allée en Macédoine, vous avez dit que

8 vous étiez allée à Ohrid; est-ce que cela est exact ?

9 R. Lorsque je suis arrivée en Macédoine, après quelques jours, j'ai

10 contacté des gens, des collègues, des gens qui venaient de ma ville.

11 Lorsque je me trouvais à Negotin, le camp s'appelait Neprosten. Là, j'ai

12 retrouvé d'anciens collègues de la mission de l'OSCE. J'ai pris contact

13 avec eux, je me suis jointe et je suis ensuite allée à Ohrid.

14 Q. Madame Bala, je crois comprendre que vous avez parlé de vous-même en

15 utilisant la première personne du singulier. Mais qu'en est-il du reste de

16 votre famille, où se trouvaient-ils ?

17 R. Toute ma famille était avec moi tout le temps, et nous étions ensemble

18 dans ce village, donc mon père, ma mère qui est maintenant décédée, mon

19 frère aîné, mon autre frère et les enfants.

20 Q. Madame Bala, ils étaient avec vous dans le train, c'est cela, tout le

21 temps ?

22 R. Oui.

23 Q. Personne ne leur a pris leurs papiers d'identité, personne ne leur a

24 pris d'effets personnels, on ne vous a pas pris d'effets personnels non

25 plus, cela vous l'avez d'ailleurs mentionné dans votre déclaration ?

26 R. Lorsque nous sommes descendus du train, comme je vous l'ai dit c'était

27 le troisième ou quatrième wagon, laissez-moi expliquer. Est-ce que je peux

28 quand même m'expliquer ? Vous me posez une question, je souhaiterais

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1 apporter une réponse.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est peut-être pas nécessaire pour le

3 moment. Voyons en fait ce à quoi cela va aboutir.

4 Quelle est la question suivante, Maître Bakrac ?

5 M. BAKRAC : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions, Monsieur le

6 Président. C'était ma dernière question. Je voulais juste savoir si des

7 effets personnels avaient été pris ou confisqués à des membres de sa

8 famille.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous venez de nous dire que cela se

10 trouvait dans sa déclaration.

11 M. BAKRAC : [interprétation] Non, non. Je pense que je n'ai pas été bien

12 interprété. Ce que je voulais dire c'est si cela s'était passé cela aurait

13 été consigné dans la déclaration. Elle aurait décrit cette expérience, si

14 leurs papiers d'identité leur avaient été ôtés. La conclusion que je tire,

15 c'est que cela aurait fait partie de la déclaration si cela avait été son

16 expérience. Peut-être qu'il y a eu une petite erreur de traduction.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie. Que vouliez-vous

18 dire, Madame, lorsque vous nous avez dit lorsque nous sommes descendus du

19 train ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque nous sommes descendus du train, je me

21 trouvais au début de la voie ferrée. Là, nous sommes descendus et nous les

22 avons entendus lorsqu'ils ont dit : Marchez tout droit, marchez tout droit

23 le long de la voie ferrée parce qu'elle est minée de part et d'autre. Toute

24 la région est minée.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous allez parler des

26 effets personnels et des papiers d'identité ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous le dire,

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1 je vous prie ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, Monsieur le Président. Lorsque le

3 premier groupe a commencé à marcher le long de la voie ferrée, ils leur ont

4 demandé leurs papiers d'identité et ils ont déchiré leurs papiers

5 d'identité. Mais il y avait des centaines et des milliers de personnes.

6 Plus tard, ils n'ont plus demandé les papiers d'identité. Pour ce qui est

7 du premier groupe, leurs papiers d'identité ont été déchirés. Ils ont été

8 fouillés également, il s'agissait de fouilles corporelles. Je ne sais pas

9 ce qui s'est passé par la suite parce que je n'y étais pas, mais je peux

10 vous relater ce qui s'est passé en ma présence.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

12 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne voulais pas que

13 le témoin nous donne une description de ce qu'elle a vu pour répondre à la

14 question suivante.

15 Q. Donc ni vous, ni aucun membre de votre famille ne s'est vu confisquer

16 des papiers d'identité et aucun effet personnel ne vous a non plus été

17 pris. Est-ce que cela est exact ou non ?

18 R. Non, parce que nous ne les avions pas sur nous. Lorsqu'ils nous ont

19 demandé nos papiers d'identité, nous leur avons dit que nous n'en n'avions

20 pas.

21 Q. Je vous remercie.

22 M. BAKRAC : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions à

23 poser.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

25 Maître Lukic.

26 M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

27 Contre-interrogatoire par M. Lukic :

28 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Bala. Je m'appelle Branko Lukic et

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1 avec Me Ivetic et Me Ogrizovic, nous représentons les intérêts de M. Lukic.

2 Vous travailliez pour l'OSCE avant le conflit au Kosovo en 1990,

3 avant le début de la campagne de l'OTAN, n'est-ce pas ? Je souhaiterais

4 vous poser quelques questions à propos de ce travail et des constatations

5 de l'OSCE, je voulais tout simplement vous demander si vous étiez informée

6 à ce sujet ?

7 Dans le cadre de votre activité professionnelle auprès de l'OSCE, est-ce

8 que vous aviez accès aux données ou à des informations qui auraient

9 confirmé que l'UCK avait tué des Albanais qui étaient loyaux vis-à-vis de

10 l'Etat ?

11 R. Je m'excuse, mais je ne détiens pas ce genre d'information.

12 Q. Vous avez dit que vous connaissiez Sandra Mitchell ?

13 R. Sandra Mitchell était la directrice de la division des droits de

14 l'homme alors que je travaillais au bureau régional de Pristina. Là il y

15 avait une autre directrice qui était la directrice pour toutes les régions

16 du Kosovo.

17 Q. Par conséquent, les données qu'avait Mme Mitchell incluaient le travail

18 de toutes les antennes; est-ce que cela est exact ?

19 R. Je ne sais pas si elles les incluaient ou non. Tout ce que je sais

20 c'est qu'elle était la directrice de ce département. Je ne peux parler que

21 du bureau régional de Pristina.

22 Q. A la page 612, ligne 11, Mme Mitchell qui déposait devant ce Tribunal a

23 dit que l'UCK tuait des Albanais qui étaient loyaux vis-à-vis de l'Etat de

24 Serbie. Pensez-vous qu'elle disait la vérité ?

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ne répondez pas à cette question. Il

26 n'appartient pas à un témoin d'exprimer un point de vue à propos du

27 caractère vraisemblable d'une déclaration faite par un autre témoin. Vous

28 ne pouvez pas dire si cela est exact ou non, étant donné que ce témoin ne

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1 dispose d'aucune information qui lui permettrait de confirmer ce qui est

2 demandé.

3 M. LUKIC : [interprétation] Merci. Je vais passer à autre chose.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Elle a dit très clairement et

5 catégoriquement qu'elle n'avait pas d'informations à propos de l'UCK qui

6 aurait tué des Albanais loyaux vis-à-vis de l'Etat.

7 M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie.

8 Q. Madame Bala, dans votre déclaration du 30 juin 2001. Dans la version

9 anglaise il s'agit de la page 2, paragraphe 3; dans la version albanaise,

10 il s'agit de la page 2, paragraphe 3; dans la version B/C/S, il s'agit de

11 la page 2, paragraphe 2.

12 Vous avez dit que l'OSCE était prêt à évacuer le 19 mars, donc qu'il

13 s'apprêtait et qu'il se préparait à quitter le Kosovo et la Serbie du fait

14 de ce qui advenait à la communauté albanaise et des conditions de vie très

15 précaires de la communauté albanaise et de la violence qui était engendrée

16 pour des raisons politiques. Est-ce que cela est toujours votre

17 déposition ? Est-ce que vous continuez à penser que c'est la raison pour

18 laquelle l'OSCE a quitté le Kosovo et la Serbie ?

19 R. Il s'agit d'une synthèse ou d'une introduction à la déclaration. Je ne

20 voulais pas entrer dans les détails à propos de ce qui s'était passé au

21 Kosovo à partir de 1989 jusqu'au moment où l'OSCE a quitté le Kosovo.

22 C'était une situation de conflit qui régnait et de guerre, l'accord qui

23 avait été conclu avec la résolution des Nations Unies n'a pas été respecté.

24 Le conflit s'est intensifié.

25 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à Me Lukic d'attendre la fin de

26 l'interprétation anglaise.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Lukic, si votre contre-

28 interrogatoire a pour objectif d'obtenir certains renseignements à propos

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1 d'autres raisons qui auraient poussé l'OSCE à partir lorsqu'elle est

2 partie, est-ce que vous pensez véritablement que ce témoin est en mesure de

3 répondre à vos questions ? Je vous rappelle sa fonction.

4 M. LUKIC : [interprétation] Oui, le pense parce qu'elle a dû parler avec

5 les autres membres de l'OSCE à propos des raisons de leur départ. Mais si

6 ce témoin ne souhaite pas répondre --

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non. Il me semble que c'est un

8 exercice absolument futile. Vous perdez votre temps, mais enfin si c'est ce

9 que vous voulez faire, je ne peux absolument pas vous arrêter pour le

10 moment. Lorsque je me rendrai compte que cela est tout à fait inapproprié,

11 je vous interromprai. Je me contente tout simplement ou j'essaie en tout

12 cas de vous aider, mais poursuivez.

13 M. LUKIC : [interprétation] Merci.

14 Q. Je vais vous poser la question directement, Madame Bala. Est-ce que

15 vous pensez que la campagne de l'OTAN qui avait été annoncée n'a pas eu

16 d'incidence sur le retrait de l'OSCE ?

17 R. J'ai déjà dit que toutes les tentatives diplomatiques, que tous les

18 efforts internationaux avaient été épuisés. Il y avait une répression, les

19 massacres se poursuivaient, l'accord n'était pas respecté, donc la mission

20 de l'OSCE ne pouvait rien faire, donc elle s'est retirée.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Lukic, je vous demanderais

22 d'avoir l'amabilité d'attendre la fin de l'interprétation anglaise. Maître

23 Lukic, vous devez attendre la fin de l'interprétation. Vous devez, avant de

24 poser des questions au témoin, faire une pause.

25 M. LUKIC : [interprétation] J'essaie tout simplement de poser ces

26 questions, Monsieur le Président. Parce que là nous n'avançons absolument

27 pas.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, tout à fait. Mais si vous parlez

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1 immédiatement alors qu'elle vient juste de terminer, vous ne donnez pas la

2 possibilité à l'interprétation de se terminer et vous ne n'obtiendrez aucun

3 progrès comme cela.

4 M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

5 Q. Madame Bala, répondez-moi, et répondez-moi par la négative ou par

6 l'affirmative. Est-ce que le fait que la campagne de l'OTAN avait été

7 annoncée, est-ce que cela a eu une influence sur le retrait de la mission

8 de l'OSCE du Kosovo et de la Serbie ?

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ne répondez pas à cette question,

10 Madame. Premièrement, Maître Lukic, il va falloir que vous établissiez le

11 fondement de cette question. Il faut que vous demandiez au témoin si elle

12 était au courant de cette campagne de l'OTAN qui allait avoir lieu, puis

13 ensuite nous verrons où nous irons à partir de là.

14 M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

15 Q. Madame Bala, parmi les membres de la mission de l'OSCE, est-ce qu'il a

16 été question ou est-ce qu'il y a eu des discussions à propos d'un début

17 éventuel d'une campagne de l'OTAN au Kosovo et en Serbie ? Est-ce que vous

18 avez jamais été présente lors de ce genre de conversation ?

19 R. Non.

20 Q. Je vous remercie. Mon estimé confrère, Me Ackerman, a essayé de

21 préciser quelque chose s'agissant d'une partie de votre déclaration. Il

22 s'agit de la version anglaise page 2, paragraphe 4; version albanaise page

23 2, dernier paragraphe; et version en B/C/S page 2, paragraphe 3. Là, vous

24 mentionnez le fait que des civils albanais vous ont dit qu'ils faisaient

25 quitter Pristina aux membres de leurs familles parce qu'ils avaient peur.

26 R. J'ai expliqué, j'ai précisé --

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez que toute la question ait été

28 posée, je vous prie.

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1 M. LUKIC : [interprétation]

2 Q. Me Ackerman a comparé ceci à une autre de vos déclarations qui portait

3 la date du 16 août 2006, il s'agit du paragraphe 7 de cette déclaration.

4 Voilà ce que je voulais savoir. Il s'agit des notes de votre entretien avec

5 le bureau du Procureur, entretien qui a eu lieu le 14 avril 1999 et au

6 paragraphe 8 de cette déclaration voilà ce que vous déclarez : "La

7 population locale se préparait à une invasion serbe. Certains ont fait

8 sortir leurs famille de Pristina".

9 Comment est-ce que vous expliquez que pour la deuxième fois, nous trouvons

10 cela dans votre déclaration et pourtant vous continuez à dire que cela

11 n'est pas vrai ?

12 R. J'ai déjà fourni une explication hier. J'ai expliqué ce paragraphe à Me

13 Ackerman lorsqu'il m'a posé une question à ce sujet. Très franchement, je

14 ne sais pas quelle explication supplémentaire je pourrais vous fournir à ce

15 sujet.

16 Q. Quelle fut la langue de l'entretien du 14 avril 1999, Madame Bala ?

17 R. L'anglais.

18 Q. Est-ce que vous allez nous dire que vous avez fait la même erreur

19 qu'une autre fois lorsque vous parliez l'anglais ou est-ce qu'il y a une

20 autre explication qui pourrait peut-être préciser cette situation ?

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Moeller ?

22 Mme MOELLER : [interprétation] Monsieur le Président, je --

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non, attendez.

24 Mme MOELLER : [interprétation] Je ne pense pas que ce soit une question

25 judicieuse parce que s'il y a des erreurs qui ont été faites, ce sont des

26 erreurs qui ont été faites par les enquêteurs qui ont consigné cette

27 déclaration.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela, c'est ce que vous pensez, Madame

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1 Moeller. Pour le moment il s'agit de savoir ce qui s'est passé. Une

2 question a été posée à propos d'un autre document, même si la question

3 porte sur la même chose. Cette question peut tout à fait être posée.

4 Mme MOELLER : [interprétation] Il n'a pas été établi que cette déclaration

5 avait été lue au témoin, il n'a pas non plus été établi qu'elle avait vu

6 d'ailleurs les notes prises lors de l'entretien.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je le comprends tout à fait cela,

8 mais la question peut être posée toutefois.

9 Est-ce que vous pouvez répondre à la question, Madame ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà dit que j'avais fourni cette

11 explication hier --

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre. A

13 qui avez-vous parlé en avril 1999 ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse, mais je ne me souviens pas de qui

15 il s'agissait.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'après votre déclaration de juin

17 2001, nous voyons que votre interlocuteur était un certain Steven Leach.

18 Est-ce que ce n'était pas la même personne que celle du mois d'avril 1999

19 ou est-ce qu'il se peut que ce fût la même personne ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour être très honnête avec vous, je ne m'en

21 souviens pas. Cela fait longtemps que cela s'est passé.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais, vous comprendrez ce que souhaite

23 savoir Me Lukic, parce que si vous avez parlé à deux personnes différentes

24 et que ces deux personnes ont consigné ce que vous avez dit de la même

25 façon, il est un tant soit peu difficile de pointer un doigt accusateur

26 vers les enquêteurs plutôt que d'accepter cette responsabilité vous-même.

27 Je pense ce qu'il essaie de vous dire même si cela n'est peut-être pas

28 aussi clair que ce que je viens de dire.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président, je ne souhaite

2 surtout pas pointer un doigt accusateur vers quiconque. Mais, je me suis

3 exprimée en anglais. En fait, je m'exprime de façon différente en anglais

4 et en albanais, et les erreurs peuvent découler de ce fait. Ce que j'ai dit

5 et ce que je dis maintenant, c'est que ces personnes étaient absolument

6 incertaines à propos de l'avenir. Elles ne savaient pas que faire de leur

7 famille. Elles ne disaient pas qu'elles envoyaient leur famille en Albanie

8 ou hors du Kosovo. Ce qu'elles voulaient faire, c'était d'emmener leur

9 famille dans un endroit sûr, et c'était le sentiment général qui prévalait

10 parmi toutes les personnes à qui j'ai parlé.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Lukic, je pense que ce document

12 devrait être versé au dossier.

13 M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous en avions

14 l'intention.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il est déjà dans le système

16 et est-ce qu'il y a une cote ?

17 M. LUKIC : [interprétation] Je ne le sais pas, cela. Je ne sais pas si le

18 Procureur a versé cela.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non. Le Procureur ne l'a pas

20 fait, mais c'est à vous de le faire, puisque c'est vous qui utilisez

21 maintenant ce document comme base. Je pense qu'à un moment donné, il va

22 bien falloir que le document fasse partie du système. Cela sera dernière

23 cote après la cote que nous avons eue la dernière fois. Ce sera 6D -- donc,

24 je ne sais plus quelle était la dernière cote, donc 6D plus 1. Vous pouvez

25 me donner la cote en question ?

26 M. LUKIC : [interprétation] Oui, 68. Cela devrait être 68, 6D68.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Il vous appartient

28 maintenant de l'intégrer au système électronique du Tribunal.

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1 M. LUKIC : [interprétation] Oui, mais nous l'avons reçu hier et nous

2 l'avons imprimé la nuit dernière.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il vous appartient de le faire. Passez

4 à autre chose, maintenant.

5 M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

6 Q. Vous dites que de temps à autre il y avait des coupures d'électricité à

7 Pristina. Il s'agit du paragraphe 5, page 2 de la version anglaise --

8 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas saisi la référence pour la version

9 albanaise.

10 M. LUKIC : [interprétation] Dans la version anglaise, je le répète, il

11 s'agit du paragraphe 5, page 2; dans la version albanaise, page 3,

12 paragraphe premier; dans la version B/C/S, page 2, paragraphe 4.

13 Q. Est-ce qu'il y a eu des coupures d'électricité seulement pour la

14 population albanaise de Pristina ou est-ce que cela concernait toute la

15 population de Pristina ?

16 R. Lorsque les bombardements de l'OTAN ont commencé, à ce moment-là,

17 l'électricité a été coupée. Puis, après ces attaques aériennes, lorsque les

18 attaques aériennes s'arrêtaient, l'électricité revenait. Je dirais que

19 c'est tout Pristina qui a fait l'objet de ces coupures d'électricité.

20 Q. Merci. Vous avez également parlé de postes de contrôle. Au paragraphe

21 1, page 2 de la version anglaise; pour la version albanaise il s'agit du

22 paragraphe 2, page 3; et pour la version en B/C/S, page 2, dernier

23 paragraphe, vous dites que les postes de contrôle étaient entourés de fils

24 de fer barbelés Est-ce que vous pouvez de nos jours observer des postes de

25 contrôle semblables, postes de contrôle qui sont tenus par la KFOR ?

26 R. Ces postes de contrôle existaient dans différents endroits du Kosovo.

27 Ils existaient, mais ce genre de poste de contrôle n'existe plus.

28 Q. Mais les postes de contrôle de la KFOR existaient par le passé. Est-ce

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1 qu'ils existent encore de nos jours ?

2 R. Bien sûr qu'il y a des postes de contrôle tenus par les forces de

3 police et par des forces de sécurité, mais ces postes de contrôle ne sont

4 pas les mêmes. Il n'y a pas de fils de fer barbelés, ce sont juste des

5 postes de contrôle tout à fait normaux. Vous avez d'un côté la KFOR et, de

6 l'autre côté, la police du Kosovo. Là, c'est quelque chose de tout à fait

7 normal. Mais ils ne sont pas placés à l'intérieur des villes, ils se

8 trouvent à l'extérieur des villes, et là, ils se livrent à leurs activités

9 quotidiennes dans ces postes de contrôle.

10 Q. Merci. Mon estimé confrère Me Bakrac vous a posé une question

11 aujourd'hui. A la page 18, ligne 2, il vous a demandé si vous aviez vu

12 l'attaque au poste de police à Vranjevc. Vous avez dit que vous ne l'avez

13 pas vue parce que vous ne pouviez pas voir ce quartier de Vranjevc. Hier, à

14 la page 2 152, ligne numéro 1, vous avez dit que vous pouviez voir tout

15 Vranjevc. Donc, est-ce que vous pouviez voir tout Vranjevc ou pas ?

16 R. Pour ce qui est de la colline principale de Vranjevc, je pouvais la

17 voir. Je peux d'ailleurs toujours la voir de nos jours de ma maison. Mais

18 l'autre côté, l'autre flanc de la colline qui descend, et c'est la route

19 qui part de Pristina, cela, je ne peux pas le voir. Mais je peux voir la

20 colline principale.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Lukic, vous avez encore

22 beaucoup de questions ?

23 M. LUKIC : [interprétation] Pas tant que cela, Monsieur le Président, mais

24 je pense que nous pouvons faire une pause, là, maintenant.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais ce n'est pas nécessaire.

26 Maître Fila, est-ce que vous avez des questions ?

27 M. FILA : [interprétation] Malheureusement, j'ai des questions, Monsieur le

28 Président, et j'ai une objection à soulever. Par conséquent, il faudra que

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1 je présente la base de mon objection, mais j'ai des questions à poser.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

3 Nous allons faire notre pause maintenant et nous reprendrons juste

4 après 16 heures cinq.

5 --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.

6 --- L'audience est reprise à 16 heures 06.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Lukic.

8 M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais essayer

9 de réduire la liste de mes questions au maximum, mais je pense que je

10 terminerai rapidement.

11 Q. Madame Bala, la plupart d'entre nous ne sont jamais allés à Pristina.

12 Pour cette raison, nous vous posons beaucoup de questions sur la

13 topographie de votre ville. Je dois en revenir à la page 36 à nouveau, à la

14 ligne 19. J'aimerais que vous nous disiez où se trouve le poste de police à

15 Vranjevc ?

16 R. Je ne connais pas le nom de la rue exacte, mais il y a encore un poste

17 de police. C'est à cet emplacement, tout comme à l'époque. Donc, quand on

18 quitte Pristina -- c'est dans la périphérie de Pristina. Ce n'est pas au

19 centre de la ville de Vranjevc, mais c'est à la périphérie de Pristina.

20 Q. Mais pourquoi vous n'avez pas vu le poste de police quand il a été

21 attaqué ? Est-ce parce qu'il est de l'autre côté de la colline ou est-ce

22 parce qu'il y a quelque chose qui obstrue la vue ?

23 R. Je n'ai pas vu le poste de police quand il a été attaqué. Comme je l'ai

24 dit, je ne l'ai pas vu. Je ne sais pas vraiment ce qui s'est passé.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais la question n'est pas celle-là.

26 La question est de savoir pourquoi vous n'avez pas vu le poste de police.

27 Je pense qu'on vous a déjà posé cette question d'ailleurs. Est-ce qu'il y

28 avait quelque chose qui obstruait la vue ?

Page 2203

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je vous l'ai dit, ce n'est pas sur le

2 coteau en hauteur, ce que l'on voit de chez moi. En fait, c'est derrière

3 toutes les maisons, c'est sur la pente qui descend de l'autre côté de la

4 colline.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

6 M. LUKIC : [interprétation]

7 Q. C'est pour cela que je vous le demande, parce qu'à la page 18, à la

8 ligne 5, je vais vous lire exactement ce qui a été dit afin de ne pas faire

9 d'erreur d'interprétation. Quand vous avez expliqué pourquoi vous n'avez

10 pas vu l'attaque du poste de police, vous nous dites en anglais, donc : "Le

11 poste de police à Vranjevac se trouve sur un point très élevé en ville. Il

12 y a des maisons dans cette direction."

13 Vous ne pouviez pas le voir, suite à ce que vous avez dit à la page

14 18 ou est-ce pour les raisons que vous venez juste de nous énoncer dans

15 votre dernière réponse ?

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Lukic, vous pouvez lire la

17 réponse suivante à la page 18.

18 M. LUKIC : [interprétation] "Il y a des maisons dans cette direction. On

19 peut voir le quartier qui est vers Vranjevac, mais le poste de police se

20 trouve dans une localité différente."

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Lisez la réponse suivante.

22 M. LUKIC : [interprétation] "Donc vous avez vu Vranjevac, là où se trouvait

23 la maison."

24 Votre réponse a été : "Je ne pouvais voir que la portion de ce qui

25 était sur le coteau en face de là où je me trouvais, et je ne pouvais pas

26 voir ce qui était de l'autre côté de la colline."

27 Je suis désolé, Monsieur le Président. Je n'ai lu la réponse que

28 partiellement, donc je retire ma question.

Page 2204

1 Puis-je poursuivre ?

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Allez-y.

3 M. LUKIC : [interprétation]

4 Q. Madame Bala, savez-vous que le 16 mars à Dragodan, un policier a trouvé

5 la mort lors d'une attaque terroriste ?

6 R. Je vous ai dit ce que j'avais vu le 26 mars, j'ai vu des incendies des

7 maisons. Je n'ai pas connaissance de cet incident.

8 Q. Très bien. Vous nous parlez de Vranjevac. Dans la version anglaise, à

9 la page 3, paragraphe 5; version albanaise, page 4, paragraphe 2; et

10 version B/C/S paragraphe 5, ligne 3, vous nous relatez les combats à

11 Vranjevac, et vous dites que la famille Hartica avait résisté pendant deux

12 heures, puis les Serbes ont pilonné leur maison. Savez-vous combien de

13 personnes ont résisté avec des armes ?

14 R. Je ne peux pas vous le dire, parce que je n'étais pas sur place,

15 mais je sais que toute la famille Hartica était impliquée.

16 Q. Merci. Savez-vous que la base logistique de l'UCK se trouvait à

17 Vranjevac, en tout cas, l'une d'entre elles ?

18 R. Je sais que dans Vranjevc, il y avait présence des forces armées de la

19 police et de l'armée, mais je n'avais aucune connaissance de forces armées

20 de l'UCK à cet endroit-là.

21 Q. Merci. Maintenant, j'aimerais vous parler de ce qui s'est passé à la

22 gare. Vous avez dit que des civils étaient en train de vous crier dessus en

23 disant : Qu'est-ce que vous attendez ? Il faut les tuer, ne les laissez pas

24 partir en Albanie.

25 Est-ce que ces civils ont essayé de vous attaquer physiquement

26 parlant ?

27 R. Dans la rue, au centre-ville de Pristina, qui va du bâtiment du comité

28 vers la gare, il y avait non seulement des policiers, des soldats, des

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1 personnes en uniforme, des civils armés, mais il y avait tous ces gens que

2 je n'avais vus, il y avait aussi des gens qui nous insultaient depuis des

3 appartements, des civils. Ils nous jetaient des bouteilles vides, ils

4 faisaient hurler de la musique. Ils disaient : Qu'est-ce que vous

5 attendez ? Qu'est-ce que vous attendez ? Tuez-les, tuez-les. Je les

6 entendais. Je comprends le serbe, j'ai très bien entendu ce qu'ils

7 disaient.

8 Q. Mais personne ne vous a attaqué.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'après vous, jeter des bouteilles

10 vides sur quelqu'un, cela représente quoi, Maître Lukic ? La question a eu

11 sa réponse. Pas besoin de continuer, je crois.

12 M. LUKIC : [interprétation] J'aimerais quand même poser une question

13 supplémentaire.

14 Q. Avez-vous été protégée par quiconque de ces assauts de la part des

15 civils ?

16 R. Non, personne. Les objets qu'on nous jetait dessus depuis les

17 appartements, personne n'a même essayé de faire écran entre ces objets et

18 nous, personne même n'a essayé de dire à ces gens d'arrêter de nous jeter

19 tout cela dessus.

20 Q. Vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'il est très difficile de faire

21 écran entre un objet lancé d'un bâtiment et une foule qui est dans la rue.

22 Les civils qui étaient dans la rue au même niveau que vous et qui vous

23 menaçaient ne vous ont pas vraiment attaquée.

24 R. Il y a la violence physique et il y a la violence psychologique. Quand

25 on vous jette des choses depuis des appartements, enfin dans les étages,

26 c'est une violence quand même. C'est une violence qui n'était pas arrivée

27 comme cela par hasard.

28 Q. Merci, Madame Bala. Je n'ai plus de questions à vous poser.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Lukic.

2 Maître Fila, vous avez la parole.

3 Contre-interrogatoire par M. Fila :

4 Q. [Interprétation] Bonjour, Madame Bala. Je représente Nikola Sainovic

5 avec mon collègue Vladimir Petrovic.

6 Je vais poser quelques questions. Me Ackerman vous a bien dit qu'à la

7 fin de votre déclaration quand vous avez fait la certification du témoin

8 vous avez signé le papier disant que la déclaration vous avait été lue en

9 albanais. Vous avez bien fait remarquer qu'à droite il y avait votre

10 signature et à gauche M. Leach. Confirmez-moi bien ce que ce document est

11 censé être. Vous n'avez qu'à regarder la dernière page si ce n'est pas

12 clair. Savez-vous qui a traduit ce document en albanais pour qu'il vous

13 soit lu dans cette langue ?

14 R. [aucune interprétation]

15 Q. Vous n'avez qu'à regarder la dernière page et vous verrez exactement ce

16 dont je parle.

17 R. Très bien. Vous avez le nom du traducteur, vous pouvez le lire vous-

18 même d'ailleurs, il me semble.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne vois pas le nom de traducteur et

20 d'ailleurs dans la déclaration, on n'a pas fait allusion à la présence

21 éventuelle d'un traducteur ou d'un interprète.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, désolée. Vous parlez de la première

23 partie, c'est cela ?

24 M. FILA : [interprétation]

25 Q. Je parle de votre déclaration du 30 juin 2001, cette déclaration

26 unique, qui est la seule d'ailleurs.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suis en train de recevoir des

28 signaux de la part de l'Accusation me disant que ce qui est dit est faux,

Page 2207

1 mais je ne vois pas de référence au traducteur.

2 Mme MOELLER : [interprétation] Je crois que le témoin n'a toujours pas

3 trouvé la bonne page.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Elle n'est pas la seule.

5 Mme MOELLER : [interprétation] Si j'ai compris, M. Fila parle de la

6 dernière page de sa première page, c'est cela ?

7 M. FILA : [interprétation] Non, je parle de la dernière page. Mais il n'y a

8 pas référence à une personne qui aurait pu être un interprète, c'est cela ?

9 Mme MOELLER : [interprétation] Non, ce n'est pas ce que je vois.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais, c'est ce qu'il est en train de

11 dire justement.

12 M. FILA : [interprétation] Je ne dis pas que cette personne était présente,

13 je n'ai jamais dit cela, c'est ce que le témoin a dit. Il faudra peut-être

14 arriver à trouver la vérité avec le témoin.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais c'est le témoin qui dit qu'il y

16 avait un traducteur qui lui a relu la déclaration. Il est en train de vous

17 demander qui était ce traducteur. C'est une question raisonnable à mon

18 avis. Pouvez-vous nous aider et nous dire qui a traduit cette déclaration

19 en albanais.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux sans doute vous aider. Je crois qu'on

21 parle de la dernière déclaration que j'ai signée. Je crois que

22 l'explication est très simple et je peux vous dire pourquoi il y a tant de

23 confusion. Je vois ici ma signature et cela c'est pour ce qui est de

24 l'année 2001.

25 M. FILA : [aucune interprétation]

26 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai trouvé la bonne page maintenant. Je

28 ne regardais pas la bonne page au départ. Le bureau du Tribunal à Pristina,

Page 2208

1 il y a des interprètes qui accompagnent toujours les équipes

2 internationales, pas uniquement pour moi mais pour tous les témoins qui

3 donnent des déclarations, déclaration soit en albanais soit en anglais.

4 Je vais vous dire quelle est la procédure exacte.

5 M. FILA : [interprétation] Je crois qu'on est en train de perdre du temps.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi ?

7 M. FILA : [interprétation] Je pose une question très simple, ne perdons pas

8 de temps. Sur cette page qu'elle a enfin trouvée, à droite elle a signé, à

9 gauche c'est M. Leach qui a signé. Ils ont tous les deux signé la

10 déclaration et ils ont tous signé la déclaration comme quoi cette

11 déclaration avait été lue en albanais.

12 Q. Ma question est simple : Qui a lu cette déclaration en albanais ? Je ne

13 veux pas de grandes tirades, je ne demande rien, je demande juste une

14 réponse.

15 R. Je ne m'en souviens pas. Je ne me souviens pas du nom de l'interprète

16 parce qu'ils changent tout le temps, tous les six mois ce sont de nouveaux

17 interprètes. Je ne sais pas le nom de cet interprète.

18 Q. Très bien. Mais vous vous souvenez quand même que la déclaration vous a

19 été traduite ?

20 R. Oui.

21 Q. Maintenant, regardez la première page, la page 1. Revenez, s'il vous

22 plaît, à la page 1. Vous voyez là que pendant l'entretien, il n'y avait

23 présence que de l'enquêteur avec Mme Bala. Il n'y a pas de traducteur. Qui

24 donc a traduit tout cela s'il n'y avait personne. Je pense que la

25 déclaration a été faite en anglais, donc Madame Bala vous êtes en train de

26 tout inventer ?

27 R. Non, pas du tout, je n'invente rien, Monsieur Fila, je n'invente

28 absolument rien. Je sais ce que j'ai fait, je sais quelle déclaration j'ai

Page 2209

1 donnée, je sais quand il y avait présence d'interprète. Il y avait présence

2 d'un interprète.

3 Q. Madame Bala, je n'essaie pas de vous insulter ou quoi que ce soit, vous

4 êtes en train d'essayer de vous sauver d'une situation pour laquelle il n'y

5 aucune raison d'essayer de vous sortir. Il n'y avait pas d'interprète, M.

6 Leach a signé quelque chose qui n'est jamais arrivé, c'est tout. C'est ce

7 qui s'est passé, c'est tout.

8 R. Je ne sais pas où vous voulez en venir. La procédure du Tribunal, il y

9 a des formalités qui doivent être respectées vous le voyez bien, on le voit

10 ici. Je ne sais pas ce qui se passe, mais je sais qu'il y avait présence

11 d'un interprète.

12 M. FILA : [interprétation]

13 Q. Personne ne vous a lu votre témoignage en albanais parce que tout a été

14 fait en anglais. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi quelqu'un aurait

15 traduit cette déclaration en albanais étant donné que l'entretien s'est

16 fait en anglais au départ, à quoi est-ce que cela aurait servi ? Vous

17 essayez de prouver quelque chose qui est totalement inutile et qui n'a

18 aucun sens.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais bien qu'on ait une question

20 simple. Vous êtes en train de critiquer le témoin comme quoi pour réponde

21 elle se lance dans de grandes tirades, mais vous devriez voir un peu la

22 poutre qui est dans votre œil.

23 Madame Moeller, vous avez a parole.

24 Mme MOELLER : [interprétation] Le dernier point était très controversé. Le

25 témoin a répondu à la question qu'il y ait ou non un interprète.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] M. Fila est en train de prouver

27 quelque chose de la part du témoin qui pourtant n'a aucun sens. Il est en

28 train de dire qu'il sera inutile de traduire ce document en albanais

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1 puisque Mme Bala comprend très bien l'anglais, que l'interview a été faite

2 en anglais.

3 Il faut prendre cela en compte, il faut donc nous expliquer, s'il

4 vous plaît, Madame le Témoin, pourquoi quelqu'un aurait dû traduire ce

5 document ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que c'est la procédure du Tribunal de La

7 Haye. Je sais que c'est comme cela, toutes les déclarations doivent être

8 traduites en albanais, ce n'est pas ma décision, c'est le règlement du

9 Tribunal. Il est vrai que je parle albanais, je ne me souviens absolument

10 plus dans quelle langue j'ai fait ma déclaration, je ne sais plus si c'est

11 en anglais ou en albanais, mais quand ils m'ont apporté la copie papier de

12 ma déclaration, je ne me souviens plus du tout si ce document était en

13 anglais ou en albanais.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous ne vous souvenez pas si le

15 document était en anglais ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous pouvez répéter ?

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous ne vous souvenez pas si la

18 déclaration était en anglais ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] La déclaration que j'ai faite a été écrit

20 directement en anglais par la personne qui a pris la déposition, ensuite

21 cela a été traduit en albanais pour s'assurer de la précision du contenu et

22 pour suivre aussi les règlements du Tribunal puisque ces déclarations

23 doivent absolument être traduites soit en albanais soit en B/C/S. C'est le

24 règlement, donc c'est le règlement qui a été appliqué.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Fila, vous avez la parole.

26 M. FILA : [interprétation]

27 Q. Je ne vous demande pas ce qui s'est passé après, je parle de ce qui

28 s'est passé ce jour-là.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Posez votre question dans cas-là.

2 M. FILA : [interprétation]

3 Q. Ce jour-là, Madame Bala, on voit d'après votre déclaration que M. Leach

4 et vous étiez les seules personnes présentes et que personne d'autre

5 n'était là pendant l'entretien, vous avez signé d'ailleurs cela. Il n'y

6 avait pas d'interprète, il n'y avait pas présence d'interprète ou de

7 traducteur parce que l'entretien s'est fait en anglais, c'est ce que vous

8 avez signé à la page 1. Vous avez signé une déclaration à la page 1, comme

9 quoi il n'y avait personne d'autre de présent que vous et M. Leach.

10 R. Monsieur Fila, pour en revenir à 2001, il faut que je vous explique

11 exactement ce qui s'est passé. Je peux vous l'expliquer, d'ailleurs, et

12 cela ne prendra pas longtemps.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La question est très précise. La

14 question est de savoir pourquoi vous avez signé cette première page comme

15 quoi vous étiez uniquement deux dans la pièce, s'il y en avait une

16 troisième.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] La troisième personne n'était pas impliquée

18 dans la prise de déclaration, mais ensuite, la déclaration a été traduite.

19 [La Chambre de première instance se concerte]

20 M. FILA : [interprétation]

21 Q. Ici, il est bien dit qu'aucune autre personne n'était présente. A la

22 page 1, on voit le nom de toutes les personnes présentes lors de

23 l'interview, et il n'y a que deux personnes : Mme Bala et M. Leach. Donc,

24 l'une des deux signatures est fausse. Soit il y avait une troisième

25 personne, soit il n'y avait pas cette troisième personne.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois qu'on a eu notre réponse. Le

27 témoin nous a dit qu'il n'y avait personne d'autre.

28 M. FILA : [interprétation]

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1 Q. Très bien, très bien. Je ne m'acharne pas. Je ne tiens pas du tout à

2 poser cette question pour vous insulter et pour vous provoquer, Madame

3 Bala, mais c'est parce que quand on nous donne ce type de déclarations --

4 M. FILA : [interprétation] Vous nous dites quand même, Monsieur le

5 Président, qu'on aille rapidement. Quand on lit cette déclaration, on doit

6 voir rapidement qu'il est inutile de retraduire tout cela en albanais,

7 étant donné que l'entretien se faisait en anglais dès le départ. Vous avez

8 permis à Me Ackerman et à moi de perdre une demi-heure de notre temps très

9 précieux pour prouver quelque chose qui est évident, donc je m'en excuse.

10 Je m'excuse d'avoir posé toutes ces questions, mais j'ai été silencieux

11 trop souvent, par exemple, à propos de certaines pratiques.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez, je ne vous demande pas de

13 vous expliquer ou de vous justifier, mais je ne suis pas en train de me

14 plaindre à propos de la façon dont vous exercez votre métier. Vous faites

15 ce à quoi vous avez droit. Mais vous avez quand même posé une question,

16 vous avez eu votre réponse; c'est tout ce que j'ai dit.

17 M. FILA : [interprétation] Très bien, très bien. Je suis quand même désolé

18 qu'on ait dû perdre tout ce temps pour prouver quelque chose qui était

19 évident, pour enfoncer une porte ouverte. Merci.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Visnjic ou M. Sepenuk.

21 M. SEPENUK : [interprétation] Je n'ai pas de questions.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

23 Madame Moeller.

24 Mme MOELLER : [interprétation] Je n'ai pas de questions.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous n'allez pas nous aider sur le

26 problème de la déclaration ?

27 Mme MOELLER : [aucune interprétation]

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La plupart des déclarations portent

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1 quand même le nom de l'interprète.

2 Mme MOELLER : [interprétation] Oui, c'est vrai, mais je ne sais pas comment

3 le témoin peut nous aider à débrouiller ce sac de nœuds.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je ne sais pas. Je suis un peu

5 surpris, c'est tout. Il n'y a absolument rien sur le document qui

6 indiquerait qui a bien pu interpréter les propos. Normalement, c'est

7 écrit ?

8 Mme MOELLER : [interprétation] Normalement, en effet, on l'écrit, mais tout

9 dépend de l'interprète qui dactylographie ces déclarations, tout dépend

10 s'il se comprend parmi les personnes présentes ou non. Enfin, je vais quand

11 même poser une question au témoin pour clarifier une chose, mais c'est à

12 propos justement d'une histoire d'interprétation lors de la déclaration.

13 Nouvel interrogatoire par Mme Moeller :

14 Q. [interprétation] Madame Bala, si j'ai bien compris, lors de

15 l'entretien, vous étiez seule dans la pièce avec M. Leach, il y avait vous

16 et M. Leach uniquement.

17 R. Je peux vous expliquer ce qui s'est passé. Il y avait aussi une

18 traductrice avec M. Leach, mais comme je comprends l'anglais, cela ne

19 servait à rien. Il ne servait à rien que cette interprète me retraduise

20 tout ce qui était dit en anglais, me réinterprète en anglais ce que -- en

21 albanais ce que je venais de dire en anglais.

22 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

23 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

24 Mme MOELLER : [interprétation]

25 Q. Donc, l'interprète n'a commencé à travailler qu'après que M. Leach ait

26 dactylographié la déclaration ?

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il ne faudrait pas avoir de questions

28 directrices lors des questions supplémentaires. Pour des questions

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1 supplémentaires correctes, il faut des questions ouvertes et rien d'autre.

2 Mme MOELLER : [interprétation] Bien, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Oui, mais il est quand même important

4 de savoir si vous avez bien suivi la procédure lors de la déclaration. Si

5 vous n'êtes pas en position aujourd'hui de répondre à cette question, je

6 voudrais vous demander, s'il vous plaît, avec l'accord du Président,

7 d'enquêter un petit peu sur ce qui s'est passé pour que l'on sache

8 exactement quel est ce qui s'est exactement passé. Il y a une procédure qui

9 doit être suivie. Le témoin n'est pas censé savoir quelle est la procédure

10 à suivre, mais il faut quand même que nous évitions à l'avenir une telle

11 confusion.

12 Mme MOELLER : [interprétation] Très bien.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, je suis désolé. Je pense que je

14 ne suis pas d'accord avec le Juge Chowhan sur ce point. Il faut que nous en

15 discutions. J'ai besoin quand même d'une petite minute pour en parler avec

16 mes collègues.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour le moment, Madame Bala, nous ne

19 parlons que de la déclaration que vous avez faite le 30 juin 2001. C'est

20 Stephen Leach qui vous a auditionné à ce moment-là. Pendant cette audition,

21 qui d'autre était présent ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] En plus de moi, il y avait Stephen Leach, et

23 c'est lui qui m'a demandé dans quelle langue je souhaitais faire ma

24 déclaration, était-ce en anglais ou en albanais. Je lui ai répondu que je

25 parlais, que je lisais l'anglais et que j'allais faire ma déclaration en

26 anglais. Il n'y avait pas lieu qu'une interprétation vers l'albanais soit

27 assurée sur place.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais ce n'était pas ma question. Je

Page 2215

1 vais vous reposer ma question. Pendant que Stephen Leach vous interviewait,

2 qui était présent ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Sa traductrice était présente pendant

4 l'entretien. Mais pendant que je me suis exprimée en anglais, elle n'est

5 pas intervenue parce qu'il n'y avait pas lieu que l'interprète officie.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Depuis le début de cette audition

7 jusqu'à ce que vous signiez la dernière page, donc l'attestation du témoin,

8 qu'a fait l'interprète ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Elle a écouté notre conversation, mais n'a pas

10 interprété vers l'albanais.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vais vous reposer cette question

12 également et je vous en saurai gré d'écouter bien ma question. A partir du

13 moment où l'entretien a commencé, tout au long de cet entretien jusqu'à la

14 fin, jusqu'à ce que vous signiez la dernière page, l'attestation du témoin

15 - et vous l'avez lue, vous savez ce que cela contient - pendant tout ce

16 laps de temps, qu'a fait l'interprète ? C'est cela que je vous demande.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, c'était une toute petite

18 pièce. Il y avait un ordinateur dedans, un téléphone, d'autres pièces

19 d'équipement, et pendant toute cette période, elle a écouté notre

20 conversation. Elle était là, elle était présente dans la pièce. Elle

21 n'était pas à l'extérieur. Elle était là, mais comme je vous l'ai déjà dit

22 lorsqu'on m'a posé la question, j'ai répondu qu'il n'était pas utile

23 d'interpréter vers l'albanais puisque je comprenais l'anglais et que je

24 pouvais tout à fait faire ma déclaration en anglais.

25 [La Chambre de première instance se concerte]

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais Madame Bala, à partir de ce

27 moment-là, la question que je vous pose, c'est la question suivante :

28 pourquoi avez-vous signé une déclaration où il est dit qu'on vous en a

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1 donné lecture en langue albanaise ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai signé la page puisque ceci faisait partie

3 de la procédure. Je n'ai pas lu en verbatim tout ce qui était écrit là-bas,

4 tout mot pour mot. J'ai vu que c'était une attestation apportée par le

5 témoin disant que la déclaration était véridique, au mieux de mes

6 connaissances, mes souvenirs, et je n'ai pas examiné cette partie-là de

7 cette attestation, je ne l'ai pas vue.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

9 Maître Fila ?

10 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Fila :

11 M. FILA : [interprétation] Il y a 15 ou 20 minutes, elle nous a dit que

12 l'interprète lui a interprété cette déclaration en albanais. C'est ce que

13 le témoin nous a dit.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais est-ce que vous avez des

15 questions à poser ?

16 M. FILA : [interprétation] Je voudrais savoir où est la vérité; ce qu'elle

17 a dit il y a 15 minutes ou ce qu'elle nous dit maintenant ? Il y a une

18 différence.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous voulez vraiment lui poser cette

20 question ? Alors, entendons la réponse.

21 Vous nous avez dit, d'après M. Fila, il y a une quinzaine ou une vingtaine

22 de minutes, que l'interprète a fait l'interprétation vers l'albanais. Vous

23 avez dit cela dans votre déposition. Or, maintenant vous nous dites que

24 ceci n'a pas eu lieu, que vous avez simplement signé une attestation disant

25 que votre déclaration était véridique. J'aimerais savoir lequel de ces deux

26 récits qui ne concordent pas constitue le récit exact ou vrai ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, cela a duré longtemps.

28 La version traduite de ma déclaration, la version traduite en albanais m'a

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1 été donnée le lendemain pour que je vérifie si la déclaration était exacte.

2 L'interprète est restée dans le bureau tout le temps avec moi, mais comme

3 je l'ai déjà dit, j'ai demandé qu'elle n'interprète pas pour moi vers

4 l'albanais puisque je parle anglais. Comme je l'ai déjà dit, la version

5 écrite de la traduction, non pas la version orale - ce n'était pas

6 l'interprétation, quelque chose d'oral - c'était par écrit que j'ai eu ma

7 déclaration en albanais.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Moeller, d'après ce que je

9 comprends, c'est un document que personne d'entre nous n'a vu.

10 Excusez-moi, Maître Fila, vous aviez une autre question ?

11 M. FILA : [interprétation] Mais c'est précisément ce que je voulais dire

12 maintenant, ce que vous venez de dire. Je voudrais voir ce document.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Moeller, c'est un document que

14 nous n'avons pas vu.

15 Mme MOELLER : [interprétation] Il existe une version albanaise de cette

16 déclaration.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qui a été couchée sur papier le

18 lendemain de l'audition.

19 Mme MOELLER : [interprétation] Il faudrait que je vérifie la date, Monsieur

20 le Président.

21 Ceci fait partie du jeu de documents 92 bis, Monsieur le Président,

22 d'après ce que me dit ma commise à l'affaire. Mais, je n'ai pas là sous la

23 main la date de la traduction de la déclaration.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est quelque chose qu'il faudrait

25 nous confirmer. Vous pourrez le faire ?

26 Mme MOELLER : [interprétation] Oui, nous allons vérifier.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

28 Est-ce que vous avez d'autres questions pour le témoin ?

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1 Mme MOELLER : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

2 Questions de la Cour :

3 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Madame Bala, je vais vous demander

4 d'avoir l'amabilité de répondre à quelques questions que j'éprouve le

5 besoin de vous poser. Sur la colline de Dragodan et à Kodra, on vous a dit

6 ce qui s'était passé. Est-ce qu'il y a des choses que vous avez vues, ou

7 était-ce uniquement ce que les membres de la famille Hartica vous ont dit ?

8 Est-ce uniquement cela que vous nous avez relaté ici ?

9 R. Monsieur le Juge, ce que j'ai vu à Dragodan figure dans ma déclaration,

10 à savoir, l'incendie de la maison, et j'ai entendu des explosions, et

11 cetera. Dans la déclaration, j'ai dit qu'il y a eu des combats à Vranjevc,

12 à la maison de la famille Hartica. Plus tard, lorsqu'on a expulsé les gens

13 de ce quartier où nous habitions, j'ai eu l'occasion de parler à ces gens.

14 Ce n'était pas très détaillé, mais en gros, j'ai appris ce qui s'était

15 passé parce qu'ils se sont trouvés, eux, plus près de l'incident que moi.

16 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Vous dites : Hasbi Krasniqi; cette

17 femme a été l'une de ces personnes qui m'ont décrit ce qui s'était passé.

18 Des tirs et des explosions se sont poursuivis toute la nuit.

19 S'il vous plaît, est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous

20 entendez par là ? Que s'est-il vraiment passé ?

21 R. Oui, Hasbia Krasniqi, qui venait de Kolovica, c'est quelqu'un à qui

22 j'ai pu parler. Sa maison se trouvait assez près des autres maisons, des

23 maisons pilonnées. Elle m'a dit qu'il y a eu pas mal de personnes qui se

24 sont fait tuer et qu'il y avait eu nombre de blessés, pas mal de dégâts, de

25 dégâts occasionnés sur les maisons, et que pendant tout ce temps, à partir

26 de 14 heures jusqu'à la soirée, l'attaque s'était poursuivie dans cette

27 partie de Kolovica. Mais les pilonnages n'étaient pas uniquement dirigés

28 sur Kolovica, mais sur d'autres quartiers de la ville, sauf que je ne peux

Page 2220

1 pas dire de quels quartiers il s'est agi.

2 Le lendemain, lorsque j'ai pu parler aux gens de ces quartiers, j'ai appris

3 que le pilonnage provenait de derrière Taslixhe et Kolovica. Ces maisons se

4 sont trouvées exposées aux tirs à partir de 18 heures, mais je ne me

5 rappelle pas exactement le nom du quartier. Plus tard, j'ai obtenu des

6 informations des témoins qui se sont trouvés sur place. Ils ont dit qu'il y

7 a eu des victimes de tuées, des blessés. Il y avait des snipers, des

8 tireurs embusqués, il y a eu des maisons qui ont été incendiées. C'était en

9 bordure, à la périphérie de Pristina.

10 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Pourriez-vous nous parler de manière

11 un plus détaillée de Kodra ? Qu'avez-vous vu exactement ?

12 R. Kodra, cela, c'est ce secteur, en gros, le secteur où vous pouvez voir

13 les maisons qui se trouvent dans les hauteurs ou sur la colline.

14 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Vous avez dit qu'il y a eu également

15 des tziganes qui se sont joints, paraît-il, à d'autres, et qui vous

16 auraient forcés à faire certaines choses. Mais qui étaient ces tziganes ?

17 Est-ce qu'ils sont passés aux côtés de vos adversaires, à ce moment-là, ou

18 est-ce qu'ils étaient vos ennemis, vos adversaires depuis bien avant ?

19 R. Les Rom ou les tziganes, comme je l'ai dit dans ma déclaration, ont été

20 mobilisés. Ils ont enfilé des uniformes de la police, et on pouvait voir

21 que ce n'étaient pas des policiers habituels, réguliers, de la manière dont

22 ils portaient leur uniforme, la chemise, l'anorak, enfin, la veste qu'ils

23 ont enfilée juste par-dessus leurs vêtements habituels. Ils portaient des

24 jeans, par exemple. Donc, on voyait qu'ils avaient été mobilisés, mais en

25 même temps, on voyait aussi qu'ils travaillaient avec la police et l'armée

26 yougoslave. Plus tard, j'en ai parlé, ils avaient les cheveux longs, puis

27 ils se barbouillaient le visage, se maquillaient le visage, et cetera.

28 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] C'est sur la colline de Dragodan que

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1 vous êtes montée à bord du train ? Ai-je raison de dire cela ? Vous n'étiez

2 pas seule, vous étiez avec d'autres personnes. Mais est-ce que vous aviez

3 des effets personnels sur vous ou rien du tout ? Ce que vous aviez, est-ce

4 que ceci vous a été pris, ou pas ?

5 R. Tout ce que nous avions sur nous, c'était du lait pour deux enfants,

6 parce qu'on n'a pas eu suffisamment de temps pour prendre quoi que ce soit

7 d'autre. On était à peu près 100 venus de différents quartiers de Pristina,

8 qui sont venus s'installer dans la maison à ce moment-là, qui s'étaient

9 installés chez moi.

10 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Je vous remercie.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous êtes libre de partir. Vous avez

12 terminé votre déposition. Je vous remercie d'être venue à La Haye.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

14 [Le témoin se retire]

15 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Maître Fila.

17 M. FILA : [interprétation] Nous avons épuisé la question que j'avais posée,

18 mais la Chambre peut-elle demander à l'Accusation de nous dire de quand

19 date la traduction que nous avons reçue, ERN 03078246 ? C'est le numéro du

20 document. C'est la traduction de la déclaration vers l'albanais. Qui, et à

21 quel moment, a fait cette traduction ? Car il nous faut bien confirmer que

22 c'est le lendemain que le témoin a reçu la traduction de cette déclaration,

23 comme elle l'affirme, et ce dont je doute, pour vous dire, pour être tout à

24 fait franc.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A la lumière de ce que nous a dit Mme

26 Moeller, je pense que nous aurons ces précisions. Si, dans un délai

27 raisonnable, vous n'avez pas reçu ces éléments, vous nous en parlerez.

28 M. FILA : [interprétation] Je vous en remercie.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Moeller, ai-je raison de penser

2 que c'est le Témoin K-63 que nous allons entendre et que certaines

3 dispositions doivent être prises dans le prétoire pour entendre ce témoin ?

4 Mme MOELLER : [interprétation] C'est ce que la régie nous a dit, qu'il leur

5 faudrait une vingtaine de minutes pour se préparer pour la déformation de

6 la voix.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je voudrais savoir si vous avez

8 l'intention de poser des questions à ce témoin, bien que nous ayons une

9 déclaration préalable qui est parfaitement claire, comme vous l'avez fait

10 déjà. Il me semble que nos habitudes ont changé, Madame Moeller.

11 Mme MOELLER : [interprétation] J'avais l'intention de poser quelques

12 questions.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelques questions, ce n'est pas très

14 précis, Madame Moeller.

15 Mme MOELLER : [interprétation] Pas plus de 30 minutes.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est plus que quelques questions. Je

17 pense que je dois vous avertir du fait que la Chambre n'estime pas qu'il

18 soit utile de nous présenter des éléments de preuve portant sur les

19 éléments qui précèdent 1998.

20 Mme MOELLER : [interprétation] Très bien, je n'avais pas l'intention de le

21 faire.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ce cas-là, nous allons faire

23 notre pause de 30 minutes maintenant et nous reprendrons à 17 heures 30.

24 Mme MOELLER : [interprétation] Avant la pause, Monsieur le Président, est-

25 ce que je pourrais savoir dès à présent quelle sera la situation pour la

26 suite, puisque nous avons un témoin qui viendra déposer après ? Il est

27 peut-être trop tôt, mais est-ce qu'on peut s'enquérir auprès de la Défense

28 pour savoir quelles sont leurs intentions ?

Page 2223

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan, le contre-

2 interrogatoire, est-ce qu'il va durer moins d'une demi-heure, en d'autres

3 termes ?

4 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je ne peux vraiment rien vous dire là-

5 dessus, au stade où on en est.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Parmi les conseils de la Défense, est-

7 ce qu'il y a quelqu'un qui serait en mesure de nous dire maintenant s'il

8 vous faudra beaucoup de temps pour contre-interroger ?

9 M. IVETIC : [interprétation] Compte tenu de ce que j'ai prévu, il me faudra

10 30 à 40 minutes, je pense. Bien entendu, je peux abréger.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ce cas-là, Madame Moeller, vous

12 pouvez laisser repartir le témoin suivant.

13 Mme MOELLER : [interprétation] Je vous remercie.

14 [La Chambre de première instance se concerte]

15 --- L'audience est suspendue à 16 heures 59.

16 --- L'audience est reprise à 17 heures 32.

17 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Est-ce que vous

19 entendez ce que je dis dans une langue que vous comprenez ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais vous demander de prononcer

22 la déclaration solennelle en lisant le document qui vous est donné

23 maintenant.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

25 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

26 LE TÉMOIN : TÉMOIN K-63

27 [Le témoin répond par l'interprète]

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez prendre

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1 place.

2 Nous avons une déclaration de votre part, donc nous avons déjà de nombreux

3 renseignements à propos de ce que vous avez dit. Cet après-midi, les

4 conseils et les représentants du bureau du Procureur vont vous poser des

5 questions, et parce que justement nous disposons de nombreux

6 renseignements, je pense qu'il est absolument essentiel que vous limitiez

7 vos réponses aux éléments qui sont soulevés par les questions qui vous sont

8 posées. La première personne qui va vous poser des questions sera Mme

9 Moeller, et ce, au nom du Procureur.

10 Madame Moeller.

11 Mme MOELLER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

12 Interrogatoire principal par Mme Moeller :

13 Q. [interprétation] Bonjour.

14 R. Bonjour.

15 Q. J'aimerais vous rappeler premièrement que vous ne devez pas mentionner

16 votre nom ni le nom de votre femme, ni le nom du pays où vous résidez

17 actuellement, et ce, pour ne pas divulguer votre identité.

18 Mme MOELLER : [interprétation] J'aimerais que M. l'Huissier montre au

19 témoin une fiche aux fins d'identification. Il s'agit de la pièce à

20 conviction P2266, et je vais demander à M. le Greffier de ne pas la publier

21 parce que nous allons la verser sous pli scellé.

22 Q. Est-ce qu'il s'agit, Monsieur le Témoin, de votre nom sur cette fiche ?

23 R. Oui. Oui, oui, c'est bien mon nom.

24 Q. [hors micro]

25 Mme MOELLER : [interprétation] Est-ce que cette feuille peut maintenant

26 être montrée aux Juges, je vous prie ?

27 Q. Vous avez fait cette déclaration au bureau du Procureur le 27 et le 28

28 mai 2003; est-ce exact ?

Page 2225

1 R. Oui.

2 Q. Le 21 août 2006, vous avez signé une attestation, ici à La Haye,

3 suivant laquelle il s'agissait de votre déclaration et qu'il s'agit donc

4 d'une déclaration exacte et véridique; est-ce exact ?

5 R. Oui, oui.

6 Mme MOELLER : [interprétation] Est-ce que M. l'Huissier pourrait montrer la

7 déclaration au témoin, je vous prie ?

8 Q. Monsieur, j'aimerais que vous regardiez cette déclaration et j'aimerais

9 que vous nous indiquiez s'il s'agit bien de la déclaration dont nous avons

10 parlé et de l'attestation que vous avez signée ici.

11 R. Oui.

12 Mme MOELLER : [interprétation] Mesdames et Messieurs les Juges, nous

13 souhaiterions verser ce document au dossier sous pli scellé. Il s'agit de

14 la pièce à conviction P2249.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Les deux pièces à conviction 2266 et

16 2249 seront versées sous pli scellé.

17 Mme MOELLER : [interprétation] Merci.

18 Q. Etes-vous marié ?

19 R. Oui.

20 Mme MOELLER : [interprétation] J'aimerais que M. l'Huissier montre un autre

21 document au témoin. Il s'agit de la pièce à conviction 2265 et nous

22 demandons à M. l'Huissier de ne pas la publier.

23 Q. Nous souhaiterions verser ce document sous pli scellé si le témoin

24 confirme qu'il s'agit bien du nom de votre épouse, Monsieur, sur cette

25 fiche.

26 R. Oui.

27 Q. Merci.

28 Mme MOELLER : [interprétation] Nous souhaiterions verser cela sous pli

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1 scellé. Il s'agit donc de la pièce 2265.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela sera versé sous pli scellé.

3 Mme MOELLER : [interprétation] Je vous remercie.

4 Est-ce que nous pourrions afficher la pièce P13 à l'écran ?

5 Q. J'aimerais vous demander, Monsieur, où habitiez-vous en 1999 ?

6 R. A Pristina.

7 Mme MOELLER : [interprétation] Mesdames, Messieurs les Juges, je

8 souhaiterais que le témoin nous indique sur la carte où il résidait et où

9 se trouvait son magasin. Je souhaiterais que nous passions à huis clos

10 partiel pour exclure toute possibilité d'identification du témoin.

11 [La Chambre de première instance se concerte]

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien, nous allons donc passer à

13 huis clos partiel pour cette partie de la déposition, pour garantir la

14 protection de l'identité du témoin.

15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

16 le Président.

17 [Audience à huis clos partiel]

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11 [Audience publique]

12 Mme MOELLER : [interprétation]

13 Q. Au paragraphe 16 de votre déclaration, vous faites référence à un

14 officier de police appelé Rambo. Il vous a pris votre permis d'exploitation

15 en janvier 1999 et vous l'avez mentionné à d'autres occasions dans la

16 déclaration. Comment est-ce que vous savez qu'il s'agissait d'un officier

17 de police ?

18 R. Je le savais parce qu'il avait des insignes sur la poitrine.

19 Q. De quels insignes s'agissait-il ?

20 R. D'après ce que je sais, il avait deux lignes de chaque côté. Deux

21 barrettes qui étaient de couleur rouge.

22 Q. Quelle était la couleur de son uniforme, si tant est qu'il en avait

23 un ?

24 R. C'était l'uniforme de la police vert foncé, couleur marron sombre,

25 couleur marron pour l'uniforme.

26 Q. Est-ce qu'il était d'une seule couleur ou est-ce qu'il y avait des

27 imprimés ou autre chose dessus ?

28 R. Non. Il y avait juste l'écusson, puis les insignes des deux côtés de la

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1 poitrine. En fait, c'était un treillis camouflage, c'est ce que

2 j'appellerais un uniforme de camouflage.

3 Q. Au paragraphe 7 de votre déclaration, vous faites également référence à

4 cet homme surnommé Rambo. Vous dites : "Il nous a dit qu'il était

5 superviseur du secteur." Est-ce qu'il vous l'a dit personnellement ceci ?

6 R. Oui.

7 Q. Au paragraphe 19 de votre déclaration, vous racontez comment la police

8 venait dans votre magasin et qu'elle commandait de la nourriture sans pour

9 autant la payer. Comment est-ce que cette police, la police serbe, comment

10 est-ce que vous pourriez la décrire ? Comment vous pourriez la décrire ?

11 R. Le policier serbe avait une taille d'un mètre 85 environ. Il avait le

12 teint plutôt très clair, un visage très pâle. Il avait les cheveux très

13 courts, ses cheveux étaient --

14 Q. Je m'excuse. Je vous interromps. Je pense que nous nous ne nous sommes

15 pas très bien compris. Je ne vous parlais pas de ce policier Rambo. Je vous

16 parlais de ce que vous avez indiqué dans votre déclaration, à savoir les

17 policiers, les policiers serbes qui en règle générale venaient dans votre

18 magasin commander de la nourriture sans la payer. C'est ce que vous

19 décrivez au paragraphe 19. Est-ce que vous pourriez nous dire comment vous

20 saviez qu'il s'agissait de policiers serbes ? Que portaient-ils ?

21 R. Pour être très honnête avec vous, je ne pense pas qu'il s'agissait de

22 policiers réguliers. C'étaient des paramilitaires qui avaient des treillis

23 de camouflage, ils venaient en groupe de sept ou de dix. Ils commandaient

24 de la nourriture et ils ne payaient pas. J'avais peur de leur demander de

25 payer bien que parfois je leur aie demandé de payer. Ils ne payaient pas de

26 toute façon et ils partaient avec la nourriture.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Moeller, il s'agit d'un procès

28 de crimes de guerre. Il ne s'agit pas d'un procès à propos de personnes qui

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1 volent des quiches ou des tartes. Il faudrait peut-être apporter une

2 certaine dimension à la déposition.

3 Mme MOELLER : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que ce sont

4 des éléments qui sont essentiels et qui sont au cœur du procès. Parce qu'il

5 s'agit de l'identification de forces qui se trouvaient dans la ville en

6 1999 et il a observé à plusieurs reprises ces personnes qu'il appelle

7 constamment la police serbe. J'essaie tout simplement de les identifier.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pouvez me montrer

9 comment au paragraphe 19 les forces dont il est question ont un lien avec

10 ceux qui ont commis des crimes ? C'est ce qui nous intéresse ici.

11 Mme MOELLER : [interprétation] Bien. Il fait référence au même terme "la

12 police" pour ce qui est des événements qu'il décrit.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, cela je le sais. Mais comment

14 est-ce que ce que nous venons d'entendre -- il n'y a pas de cadre temporel

15 qui a été cité, comment est-ce que cela peut nous permettre de comprendre

16 qui étaient ces forces de police serbe dont il est question plus tard dans

17 la déclaration ? Franchement, je ne vois pas très bien comment cela peut

18 nous être utile.

19 Mme MOELLER : [interprétation] Très bien. Je vais passer à autre chose.

20 Q. Le 1er avril 1999, vous y avez fait référence dans votre déclaration.

21 Vous dites qu'on vous a appelé chez vous et que vous a-t-on dit lorsque

22 vous êtes arrivé chez vous dans votre appartement ce jour-là ?

23 R. Il était midi, midi et demi. J'étais dans mon magasin, je travaillais

24 et le téléphone a sonné. C'était une femme qui était au bout du fil,

25 c'était une de nos voisines et elle m'a dit : Rentre chez toi tout de

26 suite. Je lui ai dit : Mais j'ai du travail à faire ici au magasin. Elle

27 m'a dit : Tu dois venir tout de suite. C'est ce que j'ai fait. J'y suis

28 allé. J'ai conduit jusqu'à chez moi. Je suis arrivé dans mon appartement et

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1 j'ai vu ma femme qui se cachait le visage dans ses mains et qui se frappait

2 le visage. J'ai demandé à cette femme, mais que s'est-il passé ? Que s'est-

3 il passé ici ? Elle m'a dit : Ta femme a été violée par trois

4 paramilitaires et ils sont partis. Je me suis assis auprès de ma femme,

5 j'ai essayé de l'apaiser et de la calmer, mais c'était impossible de la

6 calmer. Voilà ce qui s'est passé.

7 Q. Est-ce que votre épouse vous a décrit les hommes qui l'avaient violée ?

8 R. A ce moment-là, elle a dit qu'il s'agissait de trois paramilitaires qui

9 portaient des cagoules noires, des treillis de camouflage. A ce moment-là

10 elle n'était pas sûre des uniformes qu'ils portaient. Elle a juste dit

11 qu'ils avaient des cagoules qui leur cachaient le visage.

12 Q. Nous allons passer à la journée du 3 avril 1999. Il s'agit du

13 paragraphe 33 de votre déclaration. Vous déclarez que ce jour-là vous avez

14 été chassé de votre appartement. Combien de Serbes habitaient dans votre

15 quartier et ne mentionnez pas le nom de votre quartier maintenant ?

16 R. Dans notre quartier, il y avait environ 60 % de Serbes. Ils n'étaient

17 pas là tout le temps. Certains sont partis, d'autres sont arrivés, mais je

18 dirais qu'il y avait 60 % de Serbes. C'est la police qui est venue nous

19 chasser, c'est la police qui nous a dit de partir de chez nous. Nous ne

20 savions pas où aller, mais nous avons commencé à quitter nos foyers, puis

21 au moment où nous sommes partis, nous avons vu des groupes de personnes qui

22 se rendaient vers le centre-ville. Les groupes se regroupaient et les gens

23 pleuraient et les enfants pleuraient et les personnes âgées pleuraient et

24 les femmes pleuraient, nous nous avons rejoint ces groupes et nous avons

25 commencé à marcher avec eux.

26 Q. Qu'en est-il des Serbes qui habitaient dans votre quartier ? Est-ce

27 qu'ils ont été expulsés ce jour-là aussi ?

28 R. Non. Non, non, ils n'ont pas été expulsés. Je me souviens seulement

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1 d'une femme serbe qui habitait au troisième ou au quatrième étage. Elle,

2 elle est sortie, et elle a dit : Pourquoi est-ce vous chassez ces gens ?

3 Ils sont innocents. Il y a un paramilitaire ou un policier, je ne me

4 souviens pas ce qu'il était, qui lui a dit : Rentrez à l'intérieur, sinon

5 je vais vous tuer au lieu de tuer ces gens.

6 Q. Maintenant nous allons parler du paragraphe 35 de votre déclaration,

7 c'est le moment où vous êtes arrivé à la gare de Pristina, est-ce qu'il y

8 avait des Serbes qui attendaient de monter dans les trains qui partaient de

9 Pristina ?

10 R. Non, les Serbes ne quittaient pas Pristina. C'était seulement les

11 Albanais. Nous sommes allés vers le centre-ville, et lorsque nous étions

12 assez près du centre, il y avait des policiers des deux côtés de la rue.

13 Ils nous couvraient d'insultes et d'injures, et ils nous ont dit : Vous

14 devez partir d'ici. Comme je vous l'ai dit, les groupes se rassemblaient,

15 se regroupaient et se dirigeaient vers la gare ferroviaire. Avant d'arriver

16 à la gare, une voiture de police qui était arrêtée là -- il y avait deux

17 policiers de chaque côté de la rue, et ces deux policiers étaient en train

18 de rouer de coups un jeune homme. Dans la voiture, il y avait deux jeunes

19 femmes.

20 Q. Merci. Nous allons arrêter là pour le moment. Le train vous a conduit

21 jusqu'à la frontière avec la Macédoine, comme vous le dites au paragraphe

22 38 de votre déclaration. Dans votre déclaration, vous dites que les

23 militaires yougoslaves étaient là. Qu'entendez vous par "les militaires

24 yougoslaves" ?

25 R. Les militaires yougoslaves étaient à la frontière entre le Kosovo et la

26 Macédoine.

27 Q. C'est quoi exactement pour vous les militaires yougoslaves ? Quels sont

28 les uniformes qu'ils portaient ?

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1 R. Auparavant, l'armée yougoslave avait un type d'uniforme qu'on appelait

2 le SNB. Mais après 1990, les uniformes militaires ont changé.

3 Q. En 1999, à quoi ressemblaient ces uniformes ?

4 R. En 1999, je ne reconnais pas bien les couleurs. J'ai du mal avec le

5 vert et le marron. Je sais qu'ils avaient des uniformes de type camouflage.

6 Il me semble qu'ils avaient des uniformes marron et vert, mais un petit peu

7 plus clairs qu'auparavant.

8 Q. Maintenant, les dernières trois questions. Tout d'abord, avez-vous

9 quitté le Kosovo parce que vous aviez peur des bombardements de l'OTAN ?

10 R. Non. J'ai quitté le Kosovo parce que les paramilitaires et la police

11 serbe nous ont obligé à partir, nous ont obligé à nous rendre dans un autre

12 pays. Nous avons été chassé du Kosovo, et je ne voulais pas quitter le

13 Kosovo.

14 Q. Pouvez-vous nous parler de la santé de votre femme aujourd'hui, après

15 ces viols qui datent d'il y a sept ans ?

16 R. Je ne sais pas comment décrire ma souffrance et la souffrance de ma

17 femme. Je n'ai pas de mots. Je n'ai vraiment pas de mots, on a qu'une vie

18 et devoir affronter ce type de situation est très difficile. C'est très

19 difficile pour moi, mais pour elle c'est bien pire. Elle est malade. Elle

20 est souffrante. Elle se souvient tout le temps, elle n'arrivera jamais à

21 oublier ces gens-là. Sa santé est chancelante. Elle est en dépression. Elle

22 pesait 65 kilos au Kosovo, maintenant elle n'en pèse plus que 43. Cela

23 montre bien son état général.

24 Q. Quelles sont vos conditions de vie à l'heure actuelle dans le pays où

25 vous résidez à l'heure actuelle ? Bien sûr, il ne faut pas que vous

26 mentionniez ce pays, mais quelle est votre situation à l'heure actuelle

27 pour vous deux, sept ans après avoir été chassés du Kosovo ?

28 R. Nos conditions de vie sont plutôt bonnes. Financièrement et moralement,

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1 on s'en sort bien. Les gens là-bas nous comprennent. On essaie de vivre

2 normalement, de vivre une vie normale.

3 Mme MOELLER : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

4 questions, mais j'aimerais que les pièces IC soient aussi placées sous pli

5 scellé.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Madame Moeller.

7 M. Sabbah va s'occuper de tout cela.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Les pièces IC18 et IC19 sont maintenant

9 sous pli scellé.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

11 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] C'est bien IC18 et 19.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

13 Monsieur O'Sullivan, vous avez la parole.

14 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous allons d'abord commencer par le

15 conseil pour le général Lukic, ensuite nous irons dans l'ordre de l'acte

16 d'accusation.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

18 Monsieur Ivetic.

19 M. IVETIC : [interprétation] Merci.

20 Contre-interrogatoire par M. Ivetic :

21 Q. [interprétation] Bonjour, je m'appelle Dan Ivetic. Je suis l'un des

22 avocats représentant Sreten Lukic, et je travaille avec M. Ozren Ogrizovic

23 et M. Branko Lukic, qui n'est pas dans le prétoire à l'heure actuelle. Nous

24 allons devoir vous poser des questions sur ce qui s'est passé en 1998 et

25 1999 au Kosovo-Metohija portant sur la déclaration que vous avez faite au

26 bureau du Procureur.

27 Tout d'abord, la déclaration vous avez faite devant le bureau du Procureur

28 qui date du 27 et 28 mai 2003, vous a été lue in extenso en albanais avant

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1 que vous la signiez, n'est-ce pas ?

2 R. Non.

3 Q. Puis-je vous poser une autre question ? Avez-vous signé la déclaration

4 en date du 27 et 28 mai 2003 ?

5 R. Oui, je l'ai signée là-bas. Je l'ai signée là où j'ai fait la

6 déclaration, au même endroit.

7 Q. Quand vous l'avez signée, cette déclaration vous a-t-elle été lue en

8 albanais afin que vous compreniez ce que vous signiez.

9 R. Vous parlez de 2003 ?

10 Q. Oui, je vous parle de 2003, donc de la déclaration que vous avez faite

11 le 28 mai 2003, plus précisément.

12 R. Oui, le 28 mai 2003, j'ai signé cette déclaration et je leur ai rendue,

13 c'est tout.

14 Q. Monsieur, mais j'ai besoin de savoir si cette déclaration vous a été

15 lue en albanais, qui est une langue que vous compreniez, avant que vous ne

16 la signiez.

17 R. Oui, bien sûr. Elle m'a été lue avant que je ne la signe, elle m'a été

18 lue. Cette déclaration était exacte.

19 Q. Vous l'avez signée parce que vous avez affirmé que tout ce qui vous

20 avait été lu en albanais reflétait de façon très fiable ce que vous aviez

21 dit à la personne qui vous avait interrogée; c'est bien cela ?

22 R. Oui, tout ce que j'ai dit était vrai.

23 Q. J'ai quelques questions à vous poser à propos de cette déclaration que

24 vous avez signée en 2003, pour le compte du bureau du Procureur. Tout

25 d'abord, aux paragraphes 6 et 7 de cette déclaration, vous parlez de

26 différents raids qui ont été le fait de personnes que vous décrivez comme

27 étant des policiers. Pourriez-vous nous dire exactement quel type

28 d'uniformes arboraient ces personnes qui, selon vous, étaient des

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1 policiers, et ce, pendant ces fameux raids ?

2 R. La police avait exactement les mêmes uniformes que ceux dont je vous ai

3 parlé précédemment. Comme je vous l'ai dit précédemment, j'ai une vision

4 qui ne me permet pas de très bien distinguer les couleurs en détail. Mais

5 c'était le même type d'uniformes que celui dont je vous ai parlé, avec les

6 mêmes couleurs. Ils ont donc effectué tous ces raids.

7 Q. Je suis désolé, je veux être sûr que le compte rendu est bien précis et

8 que la traduction est précise. Vous êtes en train de nous dire que vous

9 avez du mal à voir les couleurs; c'est cela ?

10 R. J'arrive à faire un peu la différence. Oui, on peut dire que j'ai un

11 problème de vision des couleurs. Les couleurs de base comme le vert, le

12 blanc, le noir, le rouge, marron, je les vois, mais les couleurs

13 intermédiaires sont très difficiles pour moi, entre le marron foncé et le

14 marron clair, par exemple.

15 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Est-ce que cela signifie juste que

16 vous êtes daltonien, c'est tout ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas compris la question du Juge.

18 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Vous savez, parfois, les yeux ne

19 reconnaissent pas bien certaines couleurs, et c'est une maladie qu'on

20 appelle le daltonisme. Mais vous êtes en train de nous dire que vous êtes

21 uniquement partiellement daltonien et pas totalement daltonien. Je voulais

22 juste que vous nous disiez exactement quel est votre problème de vision,

23 comme cela on arriverait à y voir clair.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous l'ai déjà dit : je vois bien le blanc,

25 le rouge, le noir, le vert. Cela, je le vois très bien, mais c'est plutôt

26 les tons que j'arrive mal à distinguer, entre par exemple bleu marine et le

27 bleu clair, là j'ai du mal.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ivetic, vous pouvez

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1 poursuivre.

2 M. IVETIC : [interprétation] Je vais essayer de poursuivre pour que nous

3 puissions y voir très clair.

4 Q. Passons un petit peu de temps sur cet événement de 1996 et de 1997 qui

5 est décrit aux paragraphes 6 et 7.

6 Pourriez-vous nous dire le type d'imprimé que ces personnes qui,

7 selon vous, étaient des policiers, avaient sur leurs uniformes à l'époque ?

8 R. J'ai dit qu'ils portaient des uniformes vert foncé avec des taches

9 marron, peut-être marron léger, enfin, c'étaient des treillis de

10 camouflage.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On vous pose une question sur 1996 ou

12 1997. En 1999, les uniformes étaient-ils identiques ou avaient-ils changé ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Les uniformes changeaient tout le temps,

14 changeaient très régulièrement. Enfin, ils ne portaient jamais les mêmes

15 uniformes.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais là, vous faites référence à la

17 police régulière, n'est-ce pas ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas du tout à la police régulière, aux

19 autres, aux paramilitaires qui venaient. La police régulière, elle, avait

20 son propre uniforme.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle était donc la couleur de leur

22 uniforme, de l'uniforme de la police régulière ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] A peu près les mêmes couleurs, mais je pouvais

24 quand même faire la différence grâce aux badges, grâce aux insignes. En

25 plus, ils avaient des ceinturons, et des insignes soit à gauche, soit à

26 droite de la poitrine.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pose ces questions parce que dans

28 votre déclaration, quand vous parlez du 24 mars 1999, vous décrivez la

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1 police comme portant des uniformes de camouflage bleus, donc c'est très

2 différent de ce que vous nous avez dit jusqu'à présent. Pourriez-vous nous

3 expliquer cela ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je parlais de la police régulière. Mais

5 les autres, ceux qui nous ont chassés de notre maison avaient des uniformes

6 tout à fait différents, tout à fait différents de la ceux de la police

7 habituelle, donc régulière.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais la description que je viens de

9 vous donner portait sur le 24 mars, qui est le premier jour des

10 bombardements.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A cette occasion-là, vous dites que

13 tous les civils serbes en âge de porter des armes avaient été mobilisés

14 dans la police, ils portaient des uniformes de la police et ils portaient

15 des armes, et ils étaient principalement vêtus des uniformes en tenue de

16 camouflage bleus de la police.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'était bleu.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'étaient des officiers de police

19 normaux, de la police régulière, ou c'étaient des paramilitaires ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'était ce que portaient les réservistes

21 et les paramilitaires. Mais la police en tant que telle n'avait pas

22 d'uniformes bleus.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

24 Monsieur Ivetic, vous pouvez continuer.

25 M. IVETIC : [interprétation] Là, je ne sais plus du tout où l'on en est.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est pour cela que je vous passe le

27 bébé.

28 M. IVETIC : [interprétation] Je vais essayer de m'en sortir quand même.

Page 2241

1 Q. Monsieur, vous avez habité et vous avez travaillé à Pristina pendant

2 très longtemps. De quelle couleur était l'uniforme de la police serbe, ceux

3 qui travaillaient pour le ministère de l'Intérieur serbe ? De quelle

4 couleur était leur uniforme de tous les jours ?

5 R. Ces uniformes, comme je vous l'ai dit, c'était de la couleur comme ce

6 que je porte, un peu marron. Là, je parle de la police normale. Il y avait

7 quatre commissariats, là-bas, et chaque fois que je rentrais dans le

8 commissariat pour m'entretenir avec la police, à chaque fois que c'est

9 arrivé, c'était ce type de couleur, un peu vert marron, quoi. Un peu comme

10 la veste que je porte, mais un peu plus marron, quand même.

11 Q. Mais vous nous avez dit précédemment que cet uniforme n'était pas le

12 même que celui que portaient les paramilitaires et les autres. Pourriez-

13 vous nous décrire comment ces deux uniformes étaient différents ?

14 R. Je n'ai pas tant remarqué qu'il y ait une grande différence entre les

15 uniformes. Je savais seulement qui étaient les policiers normaux, je savais

16 qu'ils avaient des badges, des insignes, des ceinturons. Ils avaient plutôt

17 des "Rangers" [phon] plutôt que des chaussures, alors que les

18 paramilitaires n'avaient pas de ceinturons. Leur veste n'était pas tenue

19 par un ceinturon, donc elle pendait, et ils n'avaient pas les mêmes armes

20 que la police. Ils n'avaient pas d'insigne sur leur couvre-chef. Cela se

21 remarquait.

22 Q. Vous parlez de couvre-chef. Au cours de votre séjour à Pristina,

23 pourriez-vous nous dire quel était le couvre-chef de la police normale ?

24 R. La police régulière avait des casquettes de la même couleur que leurs

25 vêtements, mais n'avait pas d'insigne sur leurs casquettes.

26 Q. Quand vous dites "casquette", est-ce que ces casquettes avaient une

27 visière sur le devant ?

28 R. Oui.

Page 2242

1 Q. Merci.

2 R. Je suis désolé, je n'ai pas vraiment compris la dernière question.

3 Q. Ma question est la suivante : est-ce que c'étaient des casquettes avec

4 une visière, quelque chose qui dépassait sur l'avant ? Enfin, une casquette

5 à visière, quoi.

6 R. Oui, c'est cela. C'était une casquette à visière.

7 Q. Une visière pour protéger les yeux du soleil; c'est cela ?

8 R. Oui, c'est tout à fait cela.

9 Q. Très bien. Au paragraphe 15 de votre déclaration, vous décrivez une

10 rencontre que vous avez faite avec la police en décembre 1998.

11 Pourriez-vous nous dire quels étaient les uniformes que portaient ces

12 policiers ? Les mêmes que ceux dont vous nous avez déjà parlé, ou des

13 uniformes différents ? Si vous vous souvenez, bien sûr.

14 R. Ils arboraient les mêmes uniformes.

15 Q. Très bien. A l'époque, et d'ailleurs depuis quelques années, la loi du

16 pays dans lequel vous habitiez demandait que les citoyens portent toujours

17 leurs papiers d'identité officiels sur eux, n'est-ce pas ?

18 R. Tout à fait. Chaque citoyen devait porter ses cartes d'identité sur

19 soi, et parfois les gens oubliaient, bien sûr. Là, c'était justement le

20 cas, j'avais oublié.

21 Q. Cela dit, quand on montrait ses papiers d'identité qu'on était tenu

22 d'avoir, la police vous laissait passer, n'est-ce pas, sans qu'il y ait des

23 conséquences ?

24 R. Oui, bien sûr. C'étaient des officiers de police normaux, donc je leur

25 ai montré -- mais c'étaient des policiers normaux, et on montrait ces

26 documents. Je les ai remerciés, ils m'ont laissé passer sans problème.

27 Q. Mais aux paragraphes 16 et 18 de votre déclaration, vous parlez d'une

28 autre rencontre avec un individu que vous appelez Rambo. Vous vous êtes

Page 2243

1 rencontrés au début de 1999. J'aimerais savoir s'il portait le même

2 uniforme que celui que vous nous avez décrit lors des raids de 1996 ou de

3 1997, puisque vous nous avez dit que les uniformes changeaient tout le

4 temps. Cette fois-ci, en 1999, portait-il le même uniforme que

5 précédemment ?

6 R. Oui, le même uniforme.

7 Q. Mais à ce moment-là, Rambo était-il seul ou était-il accompagné

8 d'autres personnes ?

9 R. Ils étaient trois ou quatre. Il y avait trois ou quatre policiers. Ils

10 sont rentrés par effraction dans le restaurant plusieurs fois. Ils étaient

11 trois ou quatre. Puis, ils ont fait la même chose dans plusieurs magasins.

12 Q. Je veux m'assurer que nous parlons bien du même incident. Je ne vous

13 parle pas des raids qui ont eu lieu en 1996 ou 1997 quand vous travailliez

14 pour quelqu'un d'autre. Je parle de l'incident que vous avez décrit au

15 paragraphe 16, qui a eu lieu en janvier 1999, quand cette personne appelée

16 Rambo est entrée dans votre magasin, le magasin dont vous étiez le

17 propriétaire. On parle bien de cela, n'est-ce pas ?

18 R. Oui. On parle bien de cela. Je vous ai déjà parlé de Rambo, quand il

19 est venu dans mon magasin.

20 Q. Très bien. Pour ce qui est de Rambo, quel type de couvre-chef portait-

21 il ?

22 R. Il portait une casquette de policier, tout ce qu'il y a de plus normal.

23 Q. A l'époque, arborait-il des insignes ou des emblèmes qui auraient

24 permis de l'identifier ?

25 R. Oui. Il avait un insigne.

26 Q. Pourriez-vous nous décrire où se trouvait cet insigne et ensuite nous

27 décrire de quoi était fait cet insigne ?

28 R. L'insigne était en métal, peut-être en fer, mais je ne sais pas

Page 2244

1 exactement de quel métal il était fait parce que je ne suis pas un expert

2 en métal.

3 Q. Très bien. Pendant le reste de mon interrogatoire, mon contre-

4 interrogatoire, à chaque fois que je me référerai aux insignes, est-ce que

5 vous acceptez qu'à chaque fois, cela signifiera que je me réfère à un

6 insigne en métal ?

7 R. Oui.

8 Q. Très bien. Mis à part cet insigne, est-ce qu'il y avait une indication

9 du nom sur l'uniforme ?

10 R. Je n'ai pas vu le nom écrit, mais je suppose qu'il y en avait un. Tout

11 simplement, je ne l'ai pas vu. Je n'étais pas suffisamment près pour

12 pouvoir lire.

13 Q. Très bien. Vous avez dit pour la première fois aujourd'hui ici que

14 Rambo est venu en la compagnie d'autres personnes. Est-ce que vous pouvez

15 décrire l'aspect extérieur, les vêtements de ces autres personnes ? Est-ce

16 qu'ils avaient aussi l'uniforme ?

17 R. Excusez-moi, j'essaie de faire au mieux pour vous répondre. Rambo est

18 arrivé dans mon kiosque à burek. Il est arrivé lui-même seul, mais ce dont

19 vous parlez maintenant, c'est un autre incident. C'est autre chose.

20 Q. Mais je vous ai posé la question, et vous m'avez dit que c'était le

21 même incident. Attendez, je vais vous poser une question simple. Est-ce que

22 vous avez une version de votre déclaration sous les yeux, Monsieur ?

23 R. Oui, j'ai un exemplaire de la déclaration, là, devant moi.

24 Q. Très bien. La seule chose qui m'intéresse au sujet du paragraphe 16 de

25 cette déclaration, et d'après ce que j'ai compris, le contenu de ce

26 paragraphe est le même en albanais, lorsque vous parlez de cet incident au

27 paragraphe 16, lorsque Rambo est arrivé dans votre boutique, était-il seul

28 ou était-il accompagné ?

Page 2245

1 R. Oui. C'est ce qu'on voit ici, 16, mais ici, je parle de mon magasin de

2 burek. Mais il y a eu un autre incident avec Rambo au restaurant.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Parlez maintenant de ce magasin de

4 burek; était-il seul ou était-il accompagné ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il était seul.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

7 M. IVETIC : [interprétation]

8 Q. Maintenant que nous savons de quel incident nous parlons, vous avez

9 décrit les vêtements de Rambo; est-ce que cette description est exacte ?

10 Est-ce que cela correspond à cet incident en particulier ?

11 R. Oui, c'est cela.

12 Q. Très bien. Vous n'avez pas porté plainte au sujet de l'incident qui

13 figure ici au paragraphe 16, l'incident avec Rambo ? Vous n'en avez pas

14 parlé au poste de police ? Oui ou non ?

15 R. Non.

16 Q. Très bien. Vous avez dit qu'il y a eu un autre incident avec Rambo.

17 Est-ce que cela veut dire que vous avez eu plusieurs incidents avec Rambo

18 pendant que vous étiez propriétaire de votre magasin et pendant que vous

19 travailliez au restaurant -- avant que vous ne travailliez au restaurant ?

20 R. Oui.

21 Q. Si les documents qui ont été fournis par le bureau du Procureur sont

22 exacts, il semblerait que la première fois que vous avez eu affaire à

23 Rambo, que cela se situe quelque part au début des années 1990.

24 R. En 1990 --

25 Q. Non, pas l'année 1990, mais au début des années 1990.

26 R. Oui, c'était après 1990.

27 Q. Est-ce que vous savez combien de fois vous avez eu affaire à M. Rambo à

28 partir de l'année 1990 jusqu'en 1999, en tout ? Combien de fois est-ce que

Page 2246

1 vos chemins se sont croisés ?

2 R. Trois fois, je pense.

3 Q. Très bien. Je suppose qu'à chaque fois que vous vous êtes vus,

4 l'événement était de nature hostile, n'est-ce pas ?

5 R. Bien, s'il était venu en ami, on lui aurait offert un café ou il aurait

6 pris un café, donc de la manière dont il s'est présenté, on peut dire que

7 c'était hostile, absolument.

8 Q. Cela s'est reproduit sur plusieurs années ?

9 R. Oui.

10 Q. A un moment donné, est-ce que vous avez cherché à connaître le vrai nom

11 de cet individu, Rambo ?

12 R. Non, parce que parfois, ils l'appelaient Rexhe, parfois Rambo. Ce

13 n'était jamais le même nom par lequel on le désignait. Cela dépendait des

14 personnes qui étaient en sa compagnie, différentes personnes l'appelaient

15 par des noms différents.

16 Q. D'accord. Rexhe, est-ce un nom serbe ?

17 R. Non, c'est un nom albanais, mais c'est ainsi qu'ils l'appelaient, ses

18 amis. Ils disaient : Où es-tu, Rexho ? Où vas-tu, Rambo ? Des mots de ce

19 genre. Il était toujours entouré, et ils utilisaient des noms différents.

20 Q. Je vais essayer maintenant d'aborder d'autres aspects de votre

21 déclaration et je vais essayer de tirer au clair les choses qui me

22 troublent. Essayons d'aller au paragraphe 28 de votre déclaration. Je vais

23 vous demander de vous reporter à ce paragraphe pour qu'on soit certains de

24 parler de la même chose, du même événement. Ici, vous décrivez quelque

25 chose qui s'est produit le 1er avril 1999. Vous rentriez chez vous après

26 avoir reçu un coup de téléphone de la part de votre voisin; est-ce exact ?

27 R. Oui.

28 Q. Dans d'autres déclarations, vous parlez d'un événement où on a expulsé

Page 2247

1 les gens et vous dites que c'était la police qui les a expulsés. Est-ce

2 bien ce qu'on lit dans votre déclaration ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-il exact de dire que vous avez rencontré les représentants du

5 bureau du Procureur le 19 août 2006 ?

6 R. Excusez-moi, je n'ai pas compris votre question.

7 Q. Est-ce que vous avez rencontré un Procureur de ce Tribunal le 19 août

8 2006 ?

9 R. Non.

10 Q. D'accord. Est-ce que vous avez rencontré un Procureur, un représentant

11 du bureau du Procureur à un moment quelconque pendant les deux semaines qui

12 ont précédé votre arrivée au Tribunal aujourd'hui pour faire votre

13 déposition ?

14 R. Non, jamais.

15 Q. Monsieur, est-ce que vous avez rencontré les deux personnes, l'homme

16 qui est installé maintenant au bout du banc réservé à l'Accusation et la

17 dame qui est assise à côté de lui ? Est-ce que vous les avez jamais vus

18 auparavant avant de venir aujourd'hui déposer ici ?

19 R. Non. C'est la première fois que je les vois, ici.

20 Q. Avez-vous dit à qui que ce soit du bureau du Procureur, au sujet du

21 paragraphe 28, que vous avez en effet vu des membres de la police régulière

22 pendant cette expulsion ?

23 R. Je n'ai pas vu la police régulière expulser les gens.

24 Q. Très bien. Mais au paragraphe 28 de votre déclaration, il est dit :

25 "La police n'était pas là pour les protéger, mais pour les expulser." Quel

26 uniforme portaient les individus qui faisaient ceci ?

27 R. Je ne sais pas comment décrire les uniformes. On dirait que c'était une

28 sorte d'uniforme de camouflage, et ils avaient des armes sur eux. Ils

Page 2248

1 avaient comme des cagoules noires qui couvraient leurs visages. C'était

2 cela, le genre de personnes qui étaient là.

3 Q. Mais il y a un moment, je pense, où vous m'avez dit que les policiers

4 que vous avez vus à Pristina avaient des couvre-chefs verts. Ai-je raison

5 de dire que les gens qui ont procédé à l'expulsion des personnes, ce que

6 vous dites au paragraphe 28, et qu'ils avaient des couvre-chefs noirs ?

7 R. La police normale, elle avait des uniformes verts de camouflage. Ils

8 avaient un couvre-chef tandis que les paramilitaires portaient des masques

9 sur leur visage, ils avaient des bottes hautes et ils avaient des uniformes

10 de camouflage.

11 Q. Lorsque vous parlez de "paramilitaires", vous ne pensez pas, là, au

12 personnel du ministère de l'Intérieur, n'est-ce pas ?

13 R. La police normale, le MUP, pour autant que je sache. Tandis que les

14 militaires qui se sont trouvés dans les parages, ils avaient un aspect tout

15 à fait différent.

16 Q. Vous ne m'avez peut-être pas bien compris lorsque je vous ai posé la

17 question. Vous avez qui à l'esprit lorsque vous parlez de paramilitaires ?

18 R. Lorsque je parle de "paramilitaires", je désigne par là les gens qui

19 sont venus de l'extérieur du Kosovo. C'étaient des membres de différentes

20 organisations qui sont venus au Kosovo pour faire ce qu'ils voulaient.

21 Q. D'accord. Lorsque nous disons "paramilitaires", là, nous ne parlons pas

22 de la police serbe du ministère de l'Intérieur, n'est-ce pas ?

23 R. Non.

24 Q. Merci. Au paragraphe 28, vous parlez des événements que vous avez vus,

25 et là, il s'est agi de paramilitaires. Ce sont eux qui ont fait cela ?

26 R. Je dirais que 70 % d'entre eux étaient des paramilitaires.

27 Q. Et ces individus, ils avaient quel genre d'uniforme ?

28 R. Vous voulez dire les paramilitaires ?

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1 Q. Oui.

2 R. Ils avaient des masques noirs et des couvre-chefs rouges. Deuxièmement,

3 ils portaient des uniformes verts, mais je n'ai pas pu m'en approcher

4 suffisamment pour bien voir, j'étais à quatre ou cinq mètres. Lorsque je

5 partais, j'ai jeté un coup d'œil, je les ai vus.

6 Q. Est-ce qu'ils avaient des badges, des insignes, des emblèmes ? Est-ce

7 que vous pouvez les décrire, s'il y en a eu ?

8 R. Non, ils n'avaient pas de badges ni d'insignes. Ils avaient des bonnets

9 rouges et des masques noirs. Ils avaient cela sur leur tête.

10 Q. Très bien. N'est-il pas exact de dire que s'agissant de cet incident

11 qui figure au paragraphe 28, qu'il n'y avait pas de policiers réguliers

12 présents pendant l'expulsion ?

13 R. Je n'en ai pas vu. Je n'ai pas vu de police protéger la population. Je

14 n'en ai pas remarqué sur place.

15 Q. Monsieur, ce que je vous demande, c'est la chose suivante : n'est-il

16 pas vrai que vous n'avez pas vu de police prendre part aux actes qui sont

17 décrits au paragraphe 28 ?

18 R. Non, je n'ai pas vu de police régulière là-bas expulser des gens. Mais

19 il y avait des policiers réguliers dans la police; seulement, ceux qui

20 expulsaient les gens n'étaient pas de la police régulière.

21 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aurais besoin que

22 l'Accusation m'aide un petit peu avant que je ne poursuive. Est-ce qu'ils

23 sont prêts à passer un accord disant que les documents qui m'ont été

24 communiqués et qui ont à voir avec ce témoin, qu'en effet, ils ont vu ce

25 témoin, qu'ils l'ont rencontré et qu'ils ont parlé de cet incident ainsi

26 que d'autres incidents ? Parce que cela se reproduit trop souvent,

27 maintenant, que l'on ne puisse pas procéder de manière efficace au contre-

28 interrogatoire sur la base des documents qui nous ont été communiqués, vu

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1 les différences entre ce qui est contenu dans les documents et ce qui est

2 abordé en audience.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais je ne vois pas que ceci ait

4 entravé votre contre-interrogatoire de quelque manière que ce soit. La

5 seule difficulté qui s'est présentée, elle était due à la manière dont vous

6 avez démarré votre contre-interrogatoire, en vous basant sur la

7 déclaration, tandis que vous auriez pu poser une simple question au témoin

8 au sujet du personnel qui a pris part à cet incident. Je ne vois pas

9 pourquoi vous reprocheriez cette difficulté au bureau du Procureur.

10 Toutefois, c'est un autre point que vous soulevez qui devrait être tiré au

11 clair, me semble-t-il.

12 Mme MOELLER : [interprétation] Vous vous référez à la question qui est de

13 savoir si nous avons rencontré ou pas le témoin ?

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, c'est peut-être quelque chose que

15 vous pouvez évoquer pendant les questions supplémentaires.

16 Mme MOELLER : [interprétation] C'est ce que j'avais l'intention de faire.

17 Si cela peut être utile à Me Ivetic, je peux, bien entendu, signaler que je

18 suis d'accord sur le fait qu'il est vrai, ce qui figure dans la déclaration

19 supplémentaire, à savoir que nous avons rencontré ce témoin.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

21 M. IVETIC : [interprétation]

22 Q. Lorsque vous décrivez la date du 3 avril 1999, lorsque vous dites que

23 vous avez été expulsé de votre maison, est-ce que votre femme a été avec

24 vous pendant tout ce temps, tout le temps qu'a pris cet événement ?

25 R. Oui.

26 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous éclairer là-dessus ? Quel type

27 d'hommes avez-vous vu prendre part aux expulsions de vous-même et de votre

28 femme de chez vous vers la date du 3 avril 1999 ou à cette date-là ?

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1 R. Je n'ai pas vraiment prêté attention à ces hommes. Je m'occupais de ma

2 femme qui était dans un état dramatique et qui avait besoin de mon aide.

3 Jusqu'à ce qu'on atteigne la gare ferroviaire, elle était presque évanouie,

4 elle était vraiment très mal. Psychologiquement, elle n'allait pas bien du

5 tout, elle avait besoin que je l'aide.

6 Q. Monsieur, je crois que vous avez dit aujourd'hui que c'est la police

7 qui a fait cela, donc je dois vous reposer ma question. Ils étaient vêtus

8 de quel type d'uniforme ? Quel badge, quel insigne, quel emblème portaient

9 ces personnes pour lesquelles vous avez dit qu'elles appartenaient à la

10 police ?

11 R. Entre le moment où nous avons été expulsés de notre maison ou à partir

12 de ce moment-là, nous avons vu des bonnets rouges et des masques noirs. Ce

13 sont les gens qui nous ont expulsés de nos maisons. Ils ont dit : sortez de

14 vos maisons, allez où vous voulez.

15 Q. Je pense, Monsieur, que vous avez précédemment dit que c'étaient des

16 paramilitaires qui portaient des couvre-chefs rouges et des masques noirs,

17 donc étaient-ce plutôt des paramilitaires qui vous ont expulsés de chez

18 vous plutôt que la police serbe ?

19 R. Vous savez, tout ce qui porte un uniforme, nous l'appelons police. Les

20 gens ne faisaient pas de différence entre les paramilitaires et la police,

21 là-bas. Je dirais que c'étaient des paramilitaires qui nous ont expulsés,

22 mais dans la rue, à l'extérieur, il y avait des policiers réguliers et ils

23 n'ont rien fait pour nous protéger.

24 Q. Maintenant, vous nous dites, Monsieur : "Tout ce qui porte un uniforme,

25 nous l'appelons police." Vous dites que les gens ne faisaient pas de

26 distinction entre les paramilitaires et la police. Est-ce que vous êtes en

27 train de me dire que vous ne pouvez pas confirmer dans votre déposition

28 avec une quelconque certitude que la personne qui vous a expulsés de votre

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1 maison, qu'elle était soit un paramilitaire, soit de la police, soit autre

2 chose, même ? Est-ce que c'est bien cela, le cas ?

3 R. Je suis en train de vous dire qu'il y avait des bonnets rouges et des

4 masques noirs. Leurs uniformes étaient des uniformes de camouflage. Ils

5 avaient des bottes et ils portaient des armes; c'était cela, les gens qui

6 nous ont expulsés de chez nous, de nos maisons.

7 Q. J'essaie de vous demander de préciser ce que vous dites, ligne 4, page

8 87, ainsi que ligne 5, page 87 : "Voyez-vous, tout ce qui porte un

9 uniforme, nous l'appelons police." Les gens ne faisaient pas la distinction

10 entre les paramilitaires et la police, là-bas. Est-ce que vous êtes en

11 train de me dire que nous ne pouvons pas savoir avec certitude sur la base

12 de votre déposition, lorsque vous nous parlez de quelqu'un comme étant de

13 la police, nous ne pouvons pas du tout être certain que c'est bien la

14 police serbe, à savoir, les employés du ministère de l'Intérieur serbe ?

15 R. Je suis en train de vous dire que la police régulière du ministère de

16 l'Intérieur n'a pas été celle qui nous a expulsés de nos maisons.

17 Q. Bien.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, le témoin a dit quand

19 même que la police régulière serbe était sur place aussi, mais qu'elle n'a

20 rien fait pour les protéger, pour intervenir en leur faveur.

21 M. IVETIC : [interprétation] Justement, cela allait être ma question

22 suivante.

23 Q. Vous avez dit, Monsieur, que votre femme a été pendant tout ce temps

24 avec vous. Est-ce que vous savez que votre femme a fait une déclaration

25 sous serment pour ce Tribunal en décrivant l'expulsion et le trajet que

26 vous avez fait entre chez vous et la gare ? En fait, dans cette déclaration

27 sous serment, elle a dit qu'elle n'a vu aucun membre de la police ce jour-

28 là. Elle n'a pas vu de police.

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1 R. Je ne sais pas. Il faudrait que vous posiez la question à elle, puisque

2 ce n'est pas ma déclaration.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, il faudra trouver un

4 moment opportun pour terminer pour aujourd'hui.

5 M. IVETIC : [interprétation] J'allais aborder un autre sujet, et ceci

6 pourrait prendre un petit peu de temps. Il serait mieux que je réserve le

7 reste de mon contre-interrogatoire pour demain matin. Je pense que ceci ne

8 prendra pas très longtemps.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

10 Mme MOELLER : [interprétation] Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Moeller.

12 Mme MOELLER : [interprétation] Est-ce qu'on peut avoir une évaluation du

13 temps qu'il faudra pour le contre-interrogatoire de ce témoin ?

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Comme d'habitude, je vous encourage à

15 rencontrer les conseils de la Défense pour qu'ils vous disent ce qu'il en

16 est.

17 Mme MOELLER : [interprétation] Je vous remercie.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur le Témoin, il va falloir

19 s'interrompre pour aujourd'hui. Nous allons reprendre demain à 14 heures

20 15, donc je vous demande d'être ponctuel, d'être ici à 14 heures 15 pour

21 continuer à donner votre déposition. Il est très important, et je le

22 souligne, il est très important que vous ne discutiez avec personne - et

23 encore une fois, je le souligne - avec personne de la teneur de votre

24 déposition, entre maintenant et demain. Donc, cela veut dire : n'évoquez ni

25 ce que vous avez déjà dit, ni ce que vous allez dire demain. Vous pouvez

26 parler de tout le reste, mais pas de votre déposition.

27 Nous allons lever l'audience. Nous reprendrons demain, à 14 heures 15.

28 --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le jeudi 24 août 2006,

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1 à 14 heures 15.

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