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1 Le lundi 11 septembre 2006
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.
7 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin suivant est
8 M. Bedri Hyseni.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Hyseni.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.M. LE JUGE
11 BONOMY : [interprétation] Je vous demanderais de bien vouloir prononcer la
12 déclaration solennelle en prononçant cette déclaration qui se trouve sur le
13 document que l'on vous donne maintenant.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
15 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
16 LE TÉMOIN: BEDRI HYSENI [Assermenté]
17 [Le témoin répond par l'interprète]
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous
19 asseoir, je vous prie. Monsieur Hyseni, nous avons déjà la déclaration que
20 vous avez faite par le passé. Donc, nous avons déjà de nombreux
21 renseignements à propos de ce que vous allez nous dire. Vous êtes venu ici
22 aujourd'hui pour que le conseil, pour que les représentants de l'Accusation
23 et de la Défense puissent vous poser des questions pour ajouter certains
24 renseignements supplémentaires par rapport à ce que vous avez dit, pour
25 contester certains de vos propos ou pour préciser certaines choses.
26 Ce qui absolument essentiel pour nous, c'est d'obtenir le plus grand nombre
27 de renseignements possibles. Nous ne voulons réentendre ce que vous avez
28 déjà dit. Nous voulons, par contre, entendre les réponses aux questions
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1 bien précises qui vous seront posées. Nous vous serions extrêmement
2 reconnaissants si vous étiez en mesure de bien vouloir vous concentrer sur
3 les questions qui vous sont posées afin de pouvoir apporter des réponses
4 aux questions bien précises qui vous seront posées. Si vous pouvez ou si
5 vous le faites, je dois vous dire que vous rendrez à tout le monde, y
6 compris à vous même un très, très grand service.
7 La première personne qui va vous poser des questions aujourd'hui est le
8 représentant du Procureur, M. Hannis.
9 Monsieur Hannis.
10 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. La déposition de
11 ce témoin est présentée conformément à l'article
12 92 bis(D)[comme interprété]. Il s'agit du jeu de documents au titre de
13 l'article 92 bis, qui est le document 2270 que nous verserons au dossier.
14 Ce sont des éléments de preuve qui sont afférents aux assassinats et
15 expulsions forcées d'Urosevac, municipalité de Ferizaj. Et cela est
16 pertinent aux paragraphes 72(H), 73, 75(H), 77 de l'acte d'accusation.
17 Interrogatoire principal par M. Hannis :
18 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Hyseni.
19 R. Bonjour.
20 Q. Nous avons déjà moult renseignements de votre déclaration écrite, mais
21 je voudrais vous présenter dans un premier temps, présenter votre
22 déclaration en posant quelques questions, ensuite, la Défense aura la
23 parole.
24 Dans un premier temps, Monsieur, je voulais confirmer auprès de vous que
25 vous êtes bien un Albanais du Kosovo et que vous êtes né en 1960 à Ferizaj,
26 Urosevac, et que depuis, vous avez vécu dans le village de Biba, dans cette
27 municipalité; est-ce exact ?
28 R. Oui, c'est exact.
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1 Q. Je crois comprendre que vous êtes marié, que vous avez trois enfants,
2 que vous travaillez en tant que menuisier, et qu'entre 1991 et 1999 vous
3 avez travaillé pour le conseil de la Défense des droits de l'homme et pour
4 la liberté à Urosevac, municipalité de Ferizaj; est-ce exact ?
5 R. Oui, c'est exact.
6 Q. Merci. J'aimerais vous poser quelques questions à propos de votre
7 déclaration de l'année 2001. Je souhaiterais que nous parlions de la page
8 4, les deux premiers paragraphes de la version anglaise. Il me semble qu'en
9 version B/C/S, cela correspond à la page 3, quatrième et cinquième
10 paragraphes.
11 Car, Monsieur Hyseni, vous parlez de ce qui a précédé la campagne de
12 l'OTAN. Vous dites qu'il y a eu un rassemblement de forces serbes dans
13 votre municipalité. Vous décrivez comment cela a été effectué
14 essentiellement avec des réservistes de la police. Alors, ce que vous
15 pourriez nous dire, comment vous pouvez faire la différence entre des
16 réservistes de la police des autres forces de police qui se trouvaient déjà
17 sur les lieux. Est-ce qu'ils avaient un uniforme différent ? Comment est-ce
18 que vous pouviez faire la part des choses entre les deux ?
19 R. Les forces paramilitaires réservistes étaient différentes. Leur âge
20 était différent, leur comportement était différent également, alors que
21 l'armée de métier ou les forces militaires régulières étaient plus jeunes;
22 ils étaient différents. Cela pour ce qui est des forces militaires, mais
23 c'est également valable des forces de police. Voilà où résident les
24 différences.
25 Q. Dans cette partie de votre déclaration, vous faites référence aux
26 militaires. Est-ce que vous faites référence à la VJ lorsque vous parlez
27 des militaires ? Donc, il s'agit des forces qui ont commencé à arriver un
28 mois avant l'OTAN ?
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1 R. Oui. Je parle de la VJ de l'armée yougoslave. Puis --
2 Q. Dans le paragraphe suivant, vous dites : "En coopération avec les
3 autres," et vous faites référence à la VJ et au MUP, "ils ont armé la
4 population civile serbe."
5 Premièrement, est-ce que vous pourriez dire aux Juges de la Chambre de
6 première instance comment vous le savez, cela ? Comment est-ce que vous
7 savez qu'ils ont armé les civils serbes ?
8 R. Je le sais également par les médias, je l'ai appris par cela. Mais
9 également, je le sais parce que la population serbe était armée. Elle avait
10 même un uniforme. Pendant les campagnes aériennes de l'OTAN, ils portaient
11 tous des uniformes et ils étaient armés.
12 Q. Est-ce que vous savez comment s'est effectuée la distribution d'armes ?
13 Est-ce que vous avez vu des armes qui avaient été données à des Serbes, ou
14 est-ce que vous avez vu des Serbes se rendre à des centres de distribution
15 d'armes ? Comment est-ce que vous le savez ?
16 R. Non, je n'ai pas vu cela, mais j'en ai entendu parler par la presse,
17 par les médias. J'ai entendu dire que les armes étaient distribuées. Cela
18 s'est même passé plus tôt. Je ne l'ai pas vu, cela, mais je les ai vus
19 armés, ceci étant dit.
20 Q. Est-ce que les autorités serbes ont distribué des armes aux Albanais du
21 Kosovo ou à certains Albanais du Kosovo pour qu'ils puissent combattre
22 l'OTAN ?
23 R. Non, non, ils n'ont pas distribué d'armes aux Albanais du Kosovo pour
24 qu'ils se battent contre l'OTAN. D'ailleurs, même s'ils l'avaient fait, ils
25 l'auraient refusé.
26 Q. J'aimerais passer au paragraphe suivant de votre déclaration. Vous
27 indiquez qu'environ un an avant le début des campagnes aériennes de l'OTAN,
28 il y avait un groupe qui s'appelait la Main noire dans votre municipalité,
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1 et vous dites à leur sujet et je cite : "Qu'ils étaient armés, qu'ils ne
2 choisissaient pas leurs victimes, qu'ils tuaient qui bon leur semblait
3 qu'ils voulaient et qu'ils utilisaient cette méthode pour commencer le
4 nettoyage ethnique au Kosovo."
5 Est-ce que vous pourriez peut-être étoffer un peu votre propos à ce sujet ?
6 Premièrement, est-ce que vous pourriez nous dire quand est-ce que vous avez
7 entendu parler pour la première fois de ce groupe appelé la Main noire ?
8 R. La Main noire a commencé à opérer non pas un an avant le début des
9 campagnes aériennes de l'OTAN, mais plusieurs mois avant. C'est un groupe
10 qui a commencé à fonctionner à la fin de 1998 lorsque nous, Albanais, avons
11 entendu cette information. Ce groupe, la Main noire, qui était opérationnel
12 à Ferizaj, a tué deux personnes du village de Staro Selo. C'est un vieux
13 village. Une des victimes, c'était Selami Nagoshi, puis il y avait un autre
14 jeune homme dont je ne me souviens plus du nom, mais il venait de la
15 famille Leskovc.
16 Q. Est-ce que c'est la première fois que vous aviez entendu parler de la
17 Main noire, à savoir lorsque ces deux jeunes hommes ont été tués ?
18 R. C'était de notoriété publique parmi la population. Avec le meurtre de
19 Leskovc qui a été trouvé en pleine rue, il avait été massacré. Sa famille a
20 dit qu'il avait été tué par la Main noire.
21 Q. Est-ce que vous vous souvenez qui vous a, pour la première fois, parlé
22 de la Main noire ? Qui vous a transmis ces informations ?
23 R. Vous me posez la question à propos de la Main noire ? Personne,
24 personne ne m'en a parlé. C'était de notoriété publique, parce qu'il y
25 avait des Albanais qui étaient tués de façon très mystérieuse. Cela a été
26 vérifié pendant ces mois. Jusqu'au début de la campagne aérienne de l'OTAN,
27 nous n'osions pas sortir de chez nous après 18 heures.
28 Je me souviens d'une fois, j'ai vu une voiture Golf qui n'avait pas de
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1 plaques d'immatriculation, qui était garée devant ma cour. Je n'ai pas
2 identifié les gens qui se trouvaient à l'intérieur.
3 Q. Que disait-on de la Main noire ? Avec qui étaient-ils associés ou
4 affiliés, d'après ce que l'on disait ?
5 R. Je ne suis pas très sûr d'avoir compris votre question.
6 Q. Et bien, est-ce qu'il s'agissait juste d'un groupe de délinquants, ou
7 est-ce qu'ils étaient associés à une unité ou à un organe organisé, par
8 exemple ? Est-ce que vous savez cela ?
9 R. Oui. Les gens savaient que ce groupe était composé de civils serbes et
10 qu'ils étaient associés avec des gens qui, auparavant travaillaient avec la
11 police.
12 Q. Pourquoi est-ce que dans votre déclaration vous associez leurs
13 activités au nettoyage ethnique au Kosovo ?
14 R. Parce que les gens avaient peur. Ils voulaient susciter la crainte
15 parmi la population pour que la population parte.
16 Q. Merci. Au paragraphe suivant de votre déclaration de l'an 2001, vous
17 dites et je cite : "Eu égard à l'UCK, la situation était telle qu'elle a
18 imposé la création de l'UCK ou l'établissement de l'UCK."
19 Je crois comprendre ce que vous souhaitez dire par là. Est-ce que vous
20 pourriez nous expliquer comment se fait-il que "cette situation a imposé en
21 quelque sorte l'UCK ?"
22 R. Oui. Du fait de cette violence systématique dont ils faisaient les
23 frais et qui a abouti à la révocation du statut politique, notamment
24 d'ailleurs au cours des dix dernières années, cette violence a été prouvée
25 lorsqu'il y a eu révocation de la liberté, de notre liberté la plus
26 élémentaire. En fait, les Albanais ne pouvaient rien faire d'autre que
27 défendre leurs acquis.
28 Avec l'essor de la violence de la part des forces serbes, la jeunesse
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1 albanaise, l'élément le plus vital de la population au Kosovo, a dû faire
2 face à cette violence qui s'est exprimée ou manifestée dans tous les
3 domaines au Kosovo. Par conséquent, l'UCK a été créé, parce qu'il n'y avait
4 aucune autre issue pour la population albanaise du Kosovo.
5 Q. J'aimerais maintenant passer à la page 5, paragraphe 2 de la version
6 anglaise. Il s'agit, en fait, de la page 4, cinquième paragraphe.
7 Vous expliquez que lorsque la campagne aérienne de l'OTAN a commencé, il y
8 a deux véhicules de transport de troupes qui ont tiré sur le village de
9 Biba pendant qu'ils passaient à côté du village. Ensuite, au paragraphe
10 suivant, vous expliquez comment, après trois jours, vous êtes allé à Sojevo
11 et vous nous avez dit que la VJ s'était installée dans l'école.
12 Comment est-ce que vous avez été mis au courant de ces deux
13 événements, le fait que les véhicules de transport de troupes ont tiré sur
14 le village et le fait que la VJ s'était installée dans l'école ? Est-ce que
15 vous l'avez vu vous-même, de visu, ou est-ce que cela vous a été relaté par
16 quelqu'un d'autre ?
17 R. Non, je l'ai vu moi-même de mes propres yeux. Le 24 mars, la campagne
18 aérienne a commencé vers 20 heures, et vers 23 heures, à partir d'une
19 colline qui se trouve assez loin de la route goudronnée qui conduit à
20 Gjilan, cela se trouvait à 400 ou 500 mètres, il y a deux véhicules de
21 transport de troupes qui sont arrivés de la ville et qui sont allés
22 jusqu'au pont qui relie Skopje et Gjilan. Il y en a un qui s'est arrêté là,
23 l'autre qui s'est dirigé vers le village de Sojevo.
24 A Sojevo, nous ne l'avons pas vu, mais il a commencé à pilonner de
25 façon constante toutes les maisons. Il a également pilonné le nouveau
26 quartier de Sojevo.
27 Pour ce qui est du village de Biba, là, je dois dire qu'il y avait
28 des tirs constants. Il y a des tirs qui, d'ailleurs, ont touché mon foyer.
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1 Je n'étais pas chez moi. Afin d'assurer la sécurité de ma famille, je les
2 avais emmenés au centre du village.
3 Après trois jours, je suis allé de Biba à Sojevo pour rendre visite à
4 mon oncle. Là, j'ai vu que l'armée s'était cantonnée dans l'école du
5 village de Sojevo. Et le 4 avril, nous avons vu comment ils se sont
6 déployés dans l'école.
7 C'est un village qui est assez pentu, il y a plusieurs collines. De
8 ce fait, on peut voir différents endroits. Comme je l'ai dit, le 4 avril,
9 il y a une unité de la VJ qui s'est cantonnée à l'école de Sojevo.
10 Le 2 avril - je ne veux pas l'oublier - il y a trois chars et deux
11 canons d'artillerie qui se sont positionnés tout près du foyer de mon oncle
12 à Sojevo et cette unité est restée là jusqu'au 6 avril. Ils ont brûlé la
13 maison, ensuite, ils sont partis et ils ont rejoint l'unité qui était
14 cantonnée à l'école de Sojevo.
15 Q. Nous allons parler du 6 avril - et je vous parle de la déclaration de
16 1999, parce que dans votre première déclaration, vous donnez de plus en
17 plus de détails à ce sujet. Il s'agit des deux derniers paragraphes de la
18 page 2 de la version anglaise et du premier paragraphe de la page 3. Dans
19 la version B/C/S, c'est le dernier paragraphe de la page 2.
20 Vous mentionnez 18 paramilitaires serbes et vous dites que deux de ces
21 paramilitaires sont allés chez votre oncle et ont tué votre oncle et son
22 épouse. Cela est expliqué de façon détaillée dans votre déclaration. Vous
23 dites que plus tard, vous avez entendu que le commandant de cette unité
24 paramilitaire était Novica Mijovic du village de Nikodim. Comment est-ce
25 que vous avez appris cela ? Qui vous a dit que c'était Mijovic qui était le
26 commandant de ce groupe qui avait commis cela ?
27 R. Le 6 avril, vers 8 heures, ce groupe paramilitaire - je les décris
28 comme des paramilitaires, mais il y avait également des policiers, c'était
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1 un groupe mixte en quelque sorte, nous en avions compté environ 18 - ils
2 ont pénétré dans le village de Sojevo et ils ont incendié tout le quartier.
3 Ils ont tué deux personnes, Hamit Halimi, qui avait 30 ans et Qerim Ajvazi,
4 qui avait environ 60 ans. Qerim a probablement été, dans un premier temps,
5 blessé. Etant donné qu'il n'y avait personne qui pouvait lui porter secours
6 et étant donné qu'ils ont incendié les maisons, il est mort. Cela, je l'ai
7 vu de mes propres yeux, parce que nous avons enterré leurs corps après deux
8 jours.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On vous avait demandé d'éviter
10 justement cela, Monsieur. Une question très précise vous a été posée : "Qui
11 vous a dit que Mijovic était le commandant du groupe qui a fait cela ?"
12 Est-ce que vous pourriez répondre à cette question, Monsieur ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Je voulais vous fournir une
14 description un peu plus globale, mais je vais répondre à la question.
15 Mijovic venait du village de Nikodim. C'est un Serbe qui travaillait pour
16 l'armée yougoslave à Ferizaj. Dans le quartier où j'étais, là où mon oncle
17 et son épouse ont été tués - il s'agit de mon oncle maternel - la
18 population était partie. Nous nous étions scindés en deux groupes; une
19 partie qui est allée à Lugu i Zenes et l'autre qui est allée dans une
20 prairie.
21 Mijovic et d'autres ont saisi ce groupe, ont séparé les hommes des femmes,
22 leur ont confisqué tous leurs bijoux et tout leur argent et leur ont dit de
23 se rendre à Ferizaj, et ils leur ont dit : "Si vous revenez, nous vous
24 tuerons."
25 Mijovic était connu par beaucoup de personnes. Danush Nebiu, qui est mon
26 oncle maternel, le connaissait. Il m'a dit que c'était Mijovic qui
27 dirigeait le groupe parce que c'est lui qui prenait toujours la parole. Il
28 y en a d'autres qui me ont relaté cela ainsi que Danush.
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1 Q. Quand est-ce que Danush vous a relaté cela, Danush Nebiu ?
2 R. J'en ai entendu parlé à Sojeve également, mais Danush me l'a dit
3 lorsque nous étions à Stankovac.
4 Q. Bien. Comment est-ce qu'il savait cela, lui ? Est-ce qu'il l'avait vu
5 lui-même ou est-ce que c'est quelqu'un d'autre qui lui avait narré ceci ?
6 R. Il l'a vu lui-même. Il l'a vu, son frère l'a vu ainsi que tous les gens
7 qui habitaient dans ce quartier. Ils le connaissaient tous. Son oncle a été
8 tué. Donc, les deux personnes, l'homme et la femme dont j'ai parlé, ils ont
9 été tués. Il s'agit de son oncle et de l'épouse de son oncle.
10 Q. Alors, ce crime, cet assassinat, ou le meurtre de votre oncle et de son
11 épouse, est-ce que cela a fait l'objet d'un rapport auprès de la police ou
12 auprès de quelqu'un ? Est-ce que vous en avez entendu parler ? Est-ce qu'un
13 rapport a été dressé ?
14 R. Il y a eu ces deux assassinats et nous n'avons présenté aucun rapport à
15 ce sujet. Cela n'a fait l'objet d'aucun rapport et cela s'est passé dans le
16 quartier de Limanaj.
17 Q. Est-ce que vous savez si Mijovic ou l'un de ces hommes ont jamais été
18 inculpés, sanctionnés ou punis pour ces assassinats ?
19 R. Je n'ai aucune information à ce sujet.
20 Q. Est-ce que vous savez où se trouve Mijovic à l'heure actuelle ?
21 R. Non, je ne le sais pas.
22 Q. Dans votre déclaration, vous poursuivez votre récit et vous nous
23 expliquez comment vous vous êtes caché avec d'autres dans les bois pendant
24 quelques jours, jusqu'au moment où vous avez entendu parler d'un ordre où
25 il vous était demandé de vous rendre à Urosevac. Qui a donné cet ordre
26 suivant lequel les civils devaient se rendre à Urosevac ?
27 R. Nous sommes restés dans la forêt pendant quatre jours, et à la fin de
28 ces quatre jours, nous avons reçu un ordre de la part de l'armée yougoslave
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1 qui se trouvait cantonnée dans l'école et dans certaines maisons. L'ordre
2 indiquait qu'il fallait que nous partions. Il y avait le quartier de la
3 mosquée, c'était le quartier le plus important. On leur a intimé l'ordre de
4 partir, et deux personnes de ce quartier nous ont informés et nous ont dit
5 qu'il fallait que nous quittions le village, que nous avions deux heures
6 pour le faire et pour nous rendre vers Skopje ou Ferizaj.
7 Q. Est-ce qu'il y avait des instructions à propos de ce que vous étiez
8 censés faire à votre arrivée à Ferizaj ou à Urosevac ?
9 R. Non.
10 Q. Dans votre déclaration, vous nous dites que le 10 avril, me semble-t-
11 il, vous arrivez à l'entrée d'Urosevac mais que la police vous a donné
12 l'ordre de vous diriger vers Gjilan. Est-ce que vous savez pourquoi on vous
13 a donné l'ordre de vous rendre à Gjilan au lieu d'Urosevac ?
14 R. Lorsque nous sommes arrivés au croisement, le croisement qui relie la
15 route à Skopje, Prishtina et Ferizaj ainsi que Gjilan, il y avait une
16 patrouille de la police qui a donné l'ordre au convoi de rentrer, de
17 rebrousser chemin et de repartir vers Gjilan. Tout le convoi est reparti
18 vers Gjilan de ce fait. Leur objectif était clair, il voulait que nous
19 n'ayons plus de combustible. Il aurait été plus facile ainsi pour eux de
20 nous faire subir des sévices ainsi en chemin. Le but était de nous faire
21 aller vers Gjilan, et ensuite, de nous faire aller vers la Macédoine. Si
22 nous avions suivi cette route, je suis sûr qu'aucun d'entre nous ne serait
23 arrivé en Macédoine.
24 Q. Je vais vous montrer une carte. C'est la carte du Kosovo, pièce à
25 conviction P615. Et je pense que nous avons besoin de la
26 page 24.
27 Vous nous avez dit que vous n'aviez plus beaucoup d'essence ou de
28 combustible et que vous vous êtes arrêtés dans un village qui s'appelle
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1 Slatina; est-ce que cela est exact ?
2 R. Oui.
3 Q. Dans une petite minute, vous allez voir s'afficher sur votre écran une
4 carte. J'espère que cette carte va vous indiquer le secteur dont nous
5 parlions avec votre propre village, le village de Biba.
6 Si nous pouvions agrandir la partie centrale gauche de cette carte, un peu
7 plus peut-être. Je ne sais pas si vous pouvez voir sur cette carte,
8 Monsieur Hyseni. Est-ce que vous voyez votre village, le village de Biba ?
9 R. Oui. Oui, je le vois.
10 Q. Est-ce que vous voyez également Slatina et Sojevo ?
11 R. Oui, oui.
12 Q. M. l'Huissier va vous donner un stylet, et grâce à ce stylet, vous
13 allez pouvoir dessiner sur l'écran. J'aimerais vous demander de mettre un
14 cercle autour de Biba et d'y apposer le
15 chiffre 1.
16 R. [Le témoin s'exécute]
17 Q. Est-ce que vous pouvez maintenant encercler le village de Sojevo et le
18 marquer avec le chiffre 2.
19 R. [Le témoin s'exécute]
20 Q. Ensuite, finalement, je ne sais pas vraiment si Slatina se trouve sur
21 cette carte ?
22 R. Non, je ne le vois pas. L'embranchement se trouve ici. Je vois la
23 route, mais je ne vois le village.
24 Q. D'accord.
25 R. C'est écrit tout petit, j'ai du mal à déchiffrer. Non, je crois que
26 c'est ici.
27 Q. Si vous pouviez encercler Slatina et mettre un 3 à côté.
28 R. [Le témoin s'exécute]
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1 M. HANNIS : [interprétation] Il faudrait maintenant prendre un cliché de
2 cette carte à l'écran et lui donner la prochaine cote IC. Car nous
3 aimerions le verser au dossier. Je pense que cela va être un chiffre dans
4 les 30.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera le IC 000033.
6 M. HANNIS : [interprétation] Merci.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
8 M. HANNIS : [interprétation]
9 Q. Monsieur Hyseni, vous nous dites que vous êtes resté à Slatina à peu
10 près 12 jours, n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Ensuite, le 22 avril, vous êtes rentré à Urosevac, et ce, pour une
13 durée d'à peu près cinq jours ?
14 R. Oui.
15 Q. Je crois que vous avez dit que la raison pour votre retour était
16 principalement que votre beau-père et votre beau-frère séjournaient là-bas
17 et ils avaient été blessés; c'est bien cela ?
18 R. Oui.
19 Q. Pourriez-vous nous dire exactement quand ils avaient été blessés et
20 comment ?
21 R. Quand je suis allé de Slatina à Ferizaj, je suis allé voir ma belle-
22 famille, mon père et mon frère. La deuxième nuit, des bombardements de la
23 caserne militaire, la maison de mes beaux-parents, Ramadani, a été touchée.
24 C'est là que mon beau-père a été blessé ainsi que mon beau-frère et mon
25 beau-frère a été blessé assez légèrement.
26 J'ai entendu parler de cela quand j'étais à Sojevo, mais ma femme n'en
27 savait rien. Je ne voulais pas lui dire. Je ne lui ai rien dit avant
28 d'arriver à Ferizaj. Mon beau-père s'appelle Ramush Ramadani et mon beau-
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1 frère s'appelle Fatmir Ramadani.
2 Q. Après, vous êtes resté à peu près cinq jours. Et vous dites qu'un
3 groupe de personnes venant de Nerodimlje est arrivé. Vous les avez rejoints
4 et vous êtes allé avec eux à la gare routière; c'est bien cela ? Est-ce que
5 j'ai prononcé le nom de ce village ?
6 R. Oui. C'est bien Nerodimlje. Après que les militaires et les policiers
7 aient pris Nerodimlje, tout le monde a été évacué du village et une partie
8 de la population est partie sur les routes. Une partie s'est retrouvée dans
9 le quartier de la belle-famille. Or, justement, ce quartier était vide. Il
10 n'y avait plus que de deux familles. Ils ont passé la nuit là-bas.
11 A peu près 30 personnes de Kashtanjeva, qui est près de Nerodimlje,
12 sont restées dans la maison de mon beau-père. Ensuite, je me suis joint à
13 eux avec mon beau-père, nous sommes partis pour Stankovac. Tout ceci est
14 arrivé le 28 avril puisque le 28 avril nous sommes arrivés à Stankovac.
15 Q. Ensuite, vous nous dites que vous êtes montés à bord d'un autocar, vous
16 êtes passés par Kacanik et vous êtes arrivés en Macédoine. Quand est-ce que
17 vous êtes retourné au Kosovo ?
18 R. Je suis retourné au Kosovo après avoir passé une année en tant que
19 réfugié au Royaume-Uni, à Manchester. Je suis rentré le
20 19 juin 2000 au Kosovo.
21 Q. Vous êtes retourné à Biba, chez vous ?
22 R. Oui, je suis rentré chez moi à Biba. J'ai reconstruit ma maison qui
23 avait été incendiée. J'y habite encore.
24 Q. Avant de quitter le Kosovo en avril 1999, est-ce que le village de Biba
25 avait été frappé par les bombardements aériens de l'OTAN ?
26 R. Non. Les bombardements de l'OTAN ont frappé Ferizaj, la caserne
27 militaire. Cela, c'était les premier et deuxième jours des bombardements.
28 On voit très bien Ferizaj depuis notre village. On a bien vu quand la
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1 caserne avait été frappée. Nous avons aussi vu des incendies du côté de
2 Remonti i Vjeter qui est un autre quartier de la ville. C'était un quartier
3 où il y avait des boutiques albanaises. Ces boutiques ont été incendiées
4 par les Serbes. Au départ ont croyait que c'était les bombardements de
5 l'OTAN qui avaient détruit ces boutiques, mais on s'est rendu compte
6 ensuite que ce n'était pas cela, puisque les bombardements n'avaient frappé
7 que la caserne.
8 Q. Puis-je vous demander pourquoi vous avez quitté le Kosovo en avril 1999
9 avec votre famille ?
10 R. Nous sommes partis du Kosovo en avril 1999 à cause des violences
11 exercées par les forces militaires, paramilitaires et police de l'ex-
12 Yougoslavie. On ne pouvait rester nulle part. On ne savait jamais ce que
13 l'avenir allait nous réserver. Tout le monde a quitté le village suite à
14 ultimatum. D'ailleurs, une partie de ma famille aussi s'est retrouvée à
15 Stankovac.
16 Q. Merci. Je n'ai plus de questions à vous poser. Maintenant, la Défense
17 va vous poser des questions.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur O'Sullivan.
19 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous allons procéder dans l'ordre suivant
20 : général Pavkovic, général Ojdanic, M. Sainovic,
21 M. Milutinovic, général Lazarevic et le général Lukic.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
23 Monsieur Ackerman, c'est à vous.
24 Contre-interrogatoire par M. Ackerman :
25 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Hyseni. Je vais vous poser quelques
26 questions, et j'espère que nous allons procéder rapidement. S'il vous
27 plaît, il conviendrait que vous soyez très précis dans vos réponses.
28 R. Bonjour.
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1 Q. Tout d'abord, j'aimerais que nous parlions de cette déclaration que
2 vous avez faite au bureau du Procureur. Vous avez fait cette déclaration le
3 8 mai 1999 à Skopje en Macédoine. C'est Kari Seppanen qui a mené
4 l'interview. Est-ce que vous connaissez bien cette déclaration ? Vous
5 l'avez en tête ?
6 R. Oui, oui, tout à fait.
7 Q. Vous pouvez me confirmer, n'est-ce pas, que cette déclaration vous a
8 été relue dans votre propre langue après sa rédaction, et vous avez eu la
9 possibilité d'y apporter des corrections quand vous avez certain que la
10 déclaration était bien fiable et reflétait bien la réalité, vous l'avez
11 signée et vous avez signé chaque page, c'est-à-dire vous avez initialisé
12 chaque page, n'est-ce pas ?
13 R. J'ai fait cette déclaration en Macédoine. C'est en effet
14 M. Kari qui m'a interviewé. Il me semble que c'était une personne qui
15 venait de Finlande. L'interview ne s'est pas passée à un très bon moment.
16 Je ne savais absolument pas où était ma famille. J'avais aussi perdu la
17 trace d'autres personnes que je connaissais. Mais j'ai fait cette
18 déclaration, elle est parfaitement correcte. A l'époque, j'ai aussi dit que
19 si on me citait pour témoigner, il y aurait certaines modifications à
20 apporter à la déclaration. Mais j'ai en effet signé la déclaration.
21 Q. A la fin de cette déclaration, vous avez signé aussi un certificat
22 disant que cette déclaration représentait ce dont vous vous souveniez à
23 l'époque; c'est bien cela ?
24 R. Oui, j'ai en effet signé cela.
25 Q. Aujourd'hui, devant cette Chambre, vous n'êtes pas en train de nous
26 dire que vous n'avez pas pris cette déclaration à la légère et que n'avez
27 pas essayé d'y rapporter uniquement ce qui était arrivé, n'est-ce pas ?
28 R. J'ai dit la vérité, enfin j'ai dit exactement ce dont je me souvenais.
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1 Q. En mai 1999, c'était juste après tout ce que vous veniez de vivre,
2 n'est-ce pas, c'était vraiment une interview à chaud, si je puis dire ?
3 R. Oui. Ma déclaration a été prise le 8 mai 1999, si je me souviens bien.
4 C'était en mai.
5 Q. Bien. Ensuite, vous avez fait une autre déclaration à un autre
6 enquêteur, enfin une autre personne qui faisait des interviews pour le
7 bureau du Procureur, Mme Annette Murtagh. C'était
8 le 27 août 2001 et le 1er septembre 2001, et ce, dans votre village natal de
9 Biba. A nouveau, la déclaration vous a été lue dans votre propre langue,
10 vous y avez apporté les modifications qui vous semblaient nécessaires, et
11 une fois que vous avez été à peu près sûr que cette déclaration
12 représentait la vérité, vous l'avez signée; c'est bien cela et vous
13 initialisée chaque page ?
14 R. Oui, je l'ai signée. C'est Annette Murtagh qui menait l'interview cette
15 fois-ci. Je ne l'ai pas modifiée, je n'y ai pas apporté de corrections.
16 J'ai juste clarifié certaines petites choses, enfin je n'ai pas modifié ma
17 première déclaration, je l'ai éclaircie, si je peux dire.
18 Q. Après avoir signé cette déclaration, vous avez aussi signé un papier
19 selon lequel cette déclaration représentait ce dont vous vous souveniez et
20 que vous y avez dit exactement ce dont vous vous souveniez ?
21 R. Oui. La déclaration était correcte.
22 Q. Dans votre première déclaration du 24 mars 1999, qui, comme vous nous
23 l'avez dit, représentait votre vérité, vous l'avez bien dit, cela, à
24 l'interview, à la personne qui conduisait l'interview, vous l'avez
25 confirmée. Et à la page 6 [comme interprété] en anglais, il est écrit :
26 "J'étais à la maison avec ma famille quand l'OTAN a commencé ses
27 bombardements le 24 mars 1999. Notre maison se trouve à l'extérieur du
28 village. Pour des raisons de sécurité, j'ai emmené ma famille de l'autre
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1 côté du côteau, plus près du centre du village."
2 C'est bien ce que vous avez écrit dans la première déclaration.
3 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai des copies papier
4 de la déclaration en albanais. Ce serait peut-être plus simple pour le
5 témoin de suivre en albanais.
6 M. ACKERMAN : [interprétation] En effet. Merci.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Pourriez-vous me dire de quel paragraphe vous
8 parlez ?
9 M. ACKERMAN : [interprétation]
10 Q. Cela devrait être le paragraphe 6, je pense.
11 M. HANNIS : [interprétation] En effet, c'est le paragraphe 6.
12 M. ACKERMAN : [interprétation]
13 Q. "J'étais à la maison avec ma famille quand l'OTAN a commencé ses
14 bombardements le 24 mars 1999."
15 Est-ce que vous voyez ce paragraphe ?
16 R. Quand l'OTAN a commencé à procéder à ces bombardements, je n'étais pas
17 chez moi; j'étais chez mon oncle. Toute ma famille y était d'ailleurs,
18 puisque ma maison se trouve très près de la grand-route qui va à Gjilan. En
19 fait, toute la famille élargie s'est retrouvée dans cette maison qui est au
20 centre du village. C'est pour cela que j'ai dit que j'étais chez moi à la
21 maison, parce que quand on est dans la famille élargie, on est tous chez
22 nous dans la maison des autres. Ce n'était pas vraiment chez moi, j'étais
23 chez mon oncle, mais pour moi c'est chez moi.
24 Q. Dans cette première déclaration quand vous avez dit : "J'étais chez moi
25 avec ma famille quand les bombardements de l'OTAN a commencé," ce n'était
26 pas correct d'avoir dit cela ?
27 R. C'est un malentendu, je pense. Je ne sais pas comment ma déclaration a
28 été traduite. Mais quand les bombardements de l'OTAN ont commencé, je
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1 n'étais pas avec ma famille dans ma maison, enfin dans la vraie, où
2 j'habite. J'avais déjà déplacé ma famille dans le centre du village pour
3 des raisons de sûreté, de sécurité, pour être plus en sécurité.
4 Q. Paragraphe 17 de cette même déclaration -- donc, au paragraphe 17 de
5 votre deuxième déclaration que vous avez faite en 2001, là, vous avez un
6 petit peu modifié votre point de vue, puisque vous avez dit là que vous
7 aviez déplacé toute votre famille vers le centre du village, que vous étiez
8 certain que les bombardements de l'OTAN allaient commencer. Tout le monde
9 qui était près de la grand-route s'est rapatrié vers le centre du village.
10 Cela, c'est le paragraphe 16 et 17 de votre deuxième déclaration.
11 Vous avez bien dit cela ?
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est ce qu'il vient de nous dire. Il
13 vient quand même de nous le dire. C'est exactement quand il s'est expliqué
14 sur ce qu'il avait écrit dans déclaration précédente.
15 M. ACKERMAN : [interprétation]
16 Q. Bien. Vous dites ensuite que trois jours plus tard, vous avez décidé de
17 partir pour Sojevo. Dans votre première déclaration, vous avez dit que vous
18 y êtes allé, parce que vous aviez peur que les Serbes vous attrapent, étant
19 donné que vous étiez membre du Conseil des droits de l'homme. Il s'agit du
20 paragraphe 7 de votre première déclaration. Qu'est-ce que vous vouliez dire
21 quand vous avez dit que vous aviez peur que les Serbes vous attrapent ?
22 R. Monsieur, après trois jours, nous sommes partis pour Sojeve, parce que
23 c'est un village plus montagneux, qui est plus éloigné. Il est vrai que
24 j'étais militant au sein du Conseil des droits de l'homme. Tous les membres
25 de cette organisation étaient en prison à l'époque. Le régime serbe avait
26 mis en prison les membres actifs de la LDK et du Conseil des droits de
27 l'homme. Ce que j'ai écrit dans la déclaration est tout à fait correct.
28 Q. Donc, vous aviez peur que les Serbes vous attrapent et vous
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1 emprisonnent du fait de vos activités au sein du conseil; c'est bien cela ?
2 R. Cette fois-là, je ne risquais pas seulement la prison; je risquais
3 plutôt d'y perdre la vie. C'est pour cela que je suis parti.
4 Q. Quels membres de ce conseil ont connu ce sort funeste ? Est-ce que vous
5 pourriez nous donner des noms, s'il vous plaît, des membres du conseil qui
6 ont été tués à ce moment-là ?
7 R. Enfin, déjà presque tous les membres de ce conseil étaient en prison à
8 l'époque. Le 28 juin 1998, pratiquement tous les membres du conseil ont été
9 mis en prison. Et en février 1999, il leur a été imposé une peine
10 collective de 289 mois de prison. Je n'avais jamais entendu parler d'une
11 telle violence commise à l'encontre de militants de ce type d'organisations
12 par le passé.
13 Je vous ai apporté des preuves photographiques d'une personne où l'on voit
14 comment il a été battu et libéré plusieurs mois après servi sa peine alors
15 qu'il était innocent en plus. Je tiens à expliquer à Messieurs les Juges --
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais on vous a posé une question
17 très précise et vous êtes encore en train de ne pas y répondre.
18 Vous dites que si les Serbes vous avaient attrapé, ils vous auraient tué.
19 On vous a demandé combien de membres du Conseil des droits de l'homme ont
20 été tués par les Serbes et si vous pouviez donner leurs noms. Il faudrait
21 que vous répondiez à cette question. C'est tout ce qu'on vous demande.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Les membres du Conseil pour les droits de
23 l'homme qui auraient été tués pendant les bombardements ou avant les
24 frappes aériennes ?
25 M. ACKERMAN : [interprétation]
26 Q. Je veux dire, puis vous, vous aviez peur d'être attrapé par les Serbes,
27 c'est pour cela que vous avez fui. Vous dites qu'à ce moment-là, ils ne
28 vous auraient pas emprisonné; ils vous auraient tués. Donc, j'aimerais
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1 savoir combien de membres de ce conseil ont bel et bien été tués à ce
2 moment-là. Dites-nous qui ils sont, leurs noms, enfin que nous puissions un
3 petit peu savoir sur quoi vous basez cette affirmation.
4 R. Les membres du conseil, Bajram Kelmendi et ses deux fils ont été
5 exécutés par les forces de la sûreté à Prishtina. Ils étaient membres de ce
6 conseil à Prishtina. C'est pour cela que tout le monde avait peur.
7 Q. Donc, vous nous avez donné le nom d'une personne qui aurait été
8 exécutée avec ses deux fils. Quand est-ce que c'est arrivé ?
9 R. C'était la première ou la deuxième nuit pendant les bombardements.
10 Q. Dans votre première déclaration, vous avez dit que vous avez quitté
11 votre village parce que vous aviez peur d'être attrapé par les Serbes. Et
12 dans votre deuxième déclaration, celle d'août et septembre 2001, vous nous
13 dites que vous avez décidé de quitter Biba parce qu'il y avait trop de
14 monde. Biba était noyé par le monde.
15 R. Oui, c'était aussi une raison.
16 Q. Vous êtes parti à Sojevo. Pourquoi est-ce que, d'après vous, Sojevo
17 serait un abri ? Vous nous dites que vous y êtes allé là parce que vous
18 vous y sentiriez en sécurité. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi on s'y
19 sentait en sécurité ?
20 R. J'y serais plus en sécurité, parce que la maison de mes oncles était
21 vraiment bien au centre du village, beaucoup plus loin de la grand-route
22 qui était empruntée par les forces militaires et les forces de la police.
23 Q. Ensuite, vous êtes allé à Urosevac et vous y êtes resté six jours, il
24 me semble. Vous avez décidé ensuite de quitter le pays. Dans votre
25 déclaration, vous avez dit la chose suivante : "J'ai décidé de quitter le
26 pays, parce que mon beau-frère avait été blessé et avait besoin d'être
27 soigné;" c'est bien cela ?
28 M. HANNIS : [interprétation] Pourrions-nous avoir une référence pour ce qui
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1 de cette affirmation, la raison pour laquelle le témoin a voulu quitter le
2 pays ?
3 M. ACKERMAN : [interprétation] Tout à fait. C'est la première déclaration,
4 paragraphe 17. Il est écrit : "Nous sommes restés six jours. Nous avons
5 décidé ensuite de quitter le pays. Ma belle-famille était les seuls qui
6 vivaient là. Chaque nuit, on entendait des tirs. On avait peur, surtout les
7 enfants avaient très peur. Mon beau-frère a été blessé et je voulais qu'il
8 soit soigné."
9 Q. Votre beau-frère a bel et bien été blessé, il ne pouvait pas être
10 soigné sur place. C'est pour cela que vous avez voulu quitter le pays, pour
11 qu'il soit soigné ailleurs.
12 R. Oui, l'une des raisons de partir, c'était pour qu'ils puissent le
13 soigner ailleurs. On voulait aussi parce que la population de Nerodimlje
14 avait été expulsée. Il n'avait plus rien à faire. Il fallait bien qu'on les
15 rejoigne et qu'on voyage avec eux jusqu'à la Macédoine.
16 Q. Personne n'est venu dans votre maison jusqu'au moment où vous êtes
17 partis. Personne n'est venu vous dire de partir ?
18 R. Non, personne n'est venu, mais il y avait des tirs incessants jour et
19 nuit. On ne pouvait absolument pas rester sur place. Tout le monde était
20 déjà parti, il n'y avait plus personne. Il y avait des maisons qui avaient
21 été incendiées. Il n'y avait plus que ma belle-famille qui habitait là.
22 Q. Vous avez entendu des tirs pendant des jours et des jours et des jours;
23 c'est cela ?
24 R. C'était surtout la nuit.
25 Q. Tout d'un coup, quand votre beau-frère a eu besoin de soins médicaux,
26 vous avez eu très peur et vous avez décidé de partir. C'est ce que vous
27 avez écrit dans votre déclaration, n'est-ce pas ? C'est ce que vous
28 souhaitez nous dire ?
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1 R. Oui.
2 Q. Dans votre deuxième déposition, paragraphe 22, vous avez parlé de la
3 date du 10 avril 1999. A ce moment-là, vous avez vu des chars et des
4 tranchées dans la cour de votre père et dans votre propre cour. Est-ce que
5 vous vous en souvenez ?
6 R. Oui, je m'en souviens. Le 10 avril, après l'ultimatum qui avait été
7 émis par l'armée régulière qui se trouvait à Stojevo, et à la suite que
8 cette nouvelle nous avait été remise par deux membres du district de la
9 mosquée, nous fûmes expulsés de Sojevo. Il s'y trouve deux coopératives;
10 une coopérative agricole et une coopérative apicole. Il y avait des forces
11 militaires dans les cours de mes parents, de ma famille. Toutes sortes
12 d'équipements militaires, de véhicules, de chars, de véhicules antiaériens.
13 J'ai constaté leur présence avec mes propres yeux. Il y en avait plus que
14 100 véhicules dans la cour de la coopérative agricole de Biba.
15 Je peux vous dire que ces maisons furent incendiées complètement. Ma
16 famille, à elle toute seule, a vu 14 de ces maisons incendiées. On a estimé
17 que le coût de ces dommages a été de plus de 2,5 millions d'euros.
18 Q. Oui. Votre pays a été attaqué par l'OTAN à l'époque et il était clair
19 pour vous que les forces étaient en train de mettre en place des tranchées,
20 et cetera, dans ce village, n'est-ce pas ? Ils essayaient de défendre votre
21 pays vis-à-vis de ces forces de l'OTAN, n'est-ce pas ?
22 R. Non. Les forces de l'OTAN n'ont pas attaqué le Kosovo et sa population.
23 Pour nous, l'OTAN représente des forces qui étaient éprises de la liberté.
24 Il n'était pas nécessaire de mettre en place des tranchées dans notre cour
25 ni de déployer une armée régulière dans les maisons albanaises, puisque
26 cette armée avait ses propres casernes et avait des postes où ils pouvaient
27 être stationnés plutôt que d'incendier nos propres maisons et violer nos
28 propriétés.
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1 Pour vous prouver tout ceci, j'ai amené avec moi un document qui a
2 été signé par l'un de vos supérieurs. Vous pouvez y constater les noms de
3 certains soldats qui étaient présents à l'époque. Je ne sais pas si
4 l'Accusation a en sa possession cette liste.
5 Q. Vous avez également dit page 22 [comme interprété], au paragraphe
6 suivant, qu'il y avait des tirs continus des véhicules antiaériens. C'était
7 pendant les bombardements de l'OTAN. Vous ne saviez pas, selon vous, vers
8 qui étaient dirigés ces tirs. Mais il me semble, que c'est assez clair
9 qu'ils tiraient sur les avions de l'OTAN qui étaient en train de bombarder
10 cette zone ? C'est ce qu'on fait avec des armes antiaériennes, n'est-ce pas
11 ?
12 R. Ils tiraient, mais les avions de l'OTAN n'ont jamais touché ce
13 territoire. Ils n'avaient pas besoin de tirer sur les avions de l'OTAN. Ils
14 le faisaient simplement pour causer la crainte, pour répandre la terreur
15 parmi la population, parce que les avions de l'OTAN n'ont jamais volé,
16 n'ont jamais touché à aucun moment mon village pendant que j'étais là-bas.
17 Q. Ce que vous dites ici aujourd'hui, c'est que l'OTAN n'a jamais bombardé
18 aucun lieu au Kosovo, n'a jamais bombardé aucun village au Kosovo, n'a
19 jamais bombardé aucune caserne se trouvant au Kosovo, n'a jamais enlevé ni
20 chars ni véhicules du Kosovo, n'a jamais bombardé les forces militaires
21 serbes au Kosovo, qu'ils n'y étaient pas du tout ?
22 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Juge, cela ne reflète pas son
23 témoignage. Il a déjà dit que l'OTAN avait bombardé les casernes --
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. J'ai dit que l'OTAN n'avait jamais touché
25 mon village. Ils ont touché des endroits où les forces de l'armée
26 yougoslave étaient déployées au Kosovo. Ils ont bombardé les casernes de
27 Ferizaj et un certain nombre de chars dans le village de Komogllave et
28 d'autres villages qui partent de la route qui va vers un autre village. Je
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1 vous dis que l'OTAN, simplement, n'a pas bombardé mon village à Sojevo.
2 Q. Vous nous avez dit que les forces serbes n'avaient pas besoin de mettre
3 en place des ressources défensives dans votre village. Maintenant, vous
4 nous dites qu'ils étaient en train de bombarder.
5 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, c'est une question
6 argumentative.
7 M. ACKERMAN : [interprétation] Non, je ne pense pas que ce soit le cas.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que le témoin devrait pouvoir
9 s'expliquer sur cette question.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Pouvez-vous nous répéter la question, s'il
11 vous plaît. Je ne suis pas tout à fait clair quant à son contenu, Monsieur.
12 M. ACKERMAN : [interprétation]
13 Q. Il y a quelques instants, vous avez dit que les forces serbes ne
14 devaient pas mettre en place des positions défensives dans votre village ni
15 des tranchées, qu'ils avaient des casernes où ils pouvaient se placer.
16 Ensuite, vous nous avez dit, il y a quelques instants, que l'OTAN n'a
17 bombardé que les casernes. Ce ne serait pas trop intelligent si ces
18 soldats, si l'armée devait se confiner dans les casernes qui étaient en
19 train de faire l'objet des bombardements par l'OTAN, n'est-ce pas ?
20 R. Il ne serait pas non plus raisonnable pour les forces serbes de rentrer
21 dans les maisons albanaises, de les incendier et de tuer des personnes.
22 Q. Nous parlions de la mise en place de positions de défense et le fait
23 de mettre en place des tranchées. Si vous allez défendre votre pays vis-à-
24 vis d'une attaque, cela me semble tomber sous le sens, n'est-ce pas ?
25 R. Les raids aériens de l'OTAN avaient été perpétrés afin de défendre le
26 territoire en question et empêcher le génocide dont la Serbie était
27 l'auteur.
28 Q. Au paragraphe 12 de votre deuxième déposition - M. Hannis en a parlé
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1 déjà un petit peu ce matin - vous avez dit que les forces de police, en
2 coopération avec les militaires et ensemble, ils ont armé la population
3 civile serbe.
4 R. Pouvez-vous répéter la question ?
5 Q. Je n'ai pas encore posé la question. Dans votre déposition, vous avez
6 dit que les forces de police, en coopération avec les militaires, avaient
7 armé la population civile serbe. Est-ce que vous avez constaté ces faits de
8 vos propres yeux ?
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] S'il vous plaît, ne répondez pas à
10 cette question.
11 Il y a déjà eu une question parfaitement claire. Vous pouvez peut-
12 être contester le contenu de la réponse, mais cela n'aide pas de répéter la
13 question parce que cela a déjà été clairement affirmé dans son témoignage.
14 Il a dit qu'il n'avait pas vu cela de ses propres yeux.
15 M. ACKERMAN : [interprétation] Bien, d'accord.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous voulez contester, allez-y.
17 M. ACKERMAN : [interprétation]
18 Q. Est-ce que vous avez déjà fait un service militaire ?
19 R. Oui, en 1987 en Slovénie.
20 Q. Une fois que vous avez complété votre service actif militaire, ensuite,
21 vous faisiez automatiquement partie des réservistes, n'est-ce pas ?
22 R. Non.
23 Q. Vous n'avez jamais fait partie des réservistes une fois que vous avez
24 achevé votre service militaire ?
25 R. Non, je n'étais pas membre des forces de réserve, car j'ai terminé mon
26 service militaire en 1987. Milosevic est venu au pouvoir en 1988. Et en
27 1989, il y a eu l'autonomie et les problèmes ont commencé. Il n'était pas
28 possible pour moi de faire partie d'une formation de réservistes.
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1 Q. Vous savez, n'est-ce pas, que lorsque les gens finissaient et
2 achevaient leur service militaire, ils étaient membres actifs de l'armée
3 yougoslave, ensuite, ils faisaient partie des réservistes et pouvaient
4 maintenir un uniforme qu'ils gardaient chez eux dans leur maison. Vous êtes
5 au courant, n'est-ce pas ?
6 R. Je n'ai jamais eu un uniforme de réservistes et je n'ai jamais été
7 réserviste.
8 Q. Je ne vous ai pas posé cette question-là. Mais vous saviez que les
9 réservistes avaient des uniformes chez eux ?
10 R. Je ne le savais pas car aucun membre de ma famille n'a été réserviste.
11 Personne n'avait un uniforme chez lui.
12 Q. Vous dites aujourd'hui devant ce Tribunal qu'il y avait tous ces civils
13 serbes qui avaient des uniformes qui étaient armés, qui se déplaçaient en
14 semant la terreur, et cetera ? En plus des forces régulières qui se
15 trouvaient dans cette zone, il y avait également tous ces gens-là ?
16 R. Les forces de l'OTAN ne nous ont pas créé de problèmes. Il ne faut pas
17 tout mélanger. La police militaire et les forces civiles serbes ont créé
18 des problèmes pour nous mais pas les forces de l'OTAN. Je n'ai pas dit ce
19 que vous venez de dire.
20 Q. Apparemment, il y a eu une erreur de traduction. Je n'ai pas parlé de
21 l'OTAN. Ce que j'ai posé comme question est la
22 suivante : les civils dont vous avez parlé ce matin, qui avaient des
23 uniformes et qui étaient armés, que faisaient-ils avec leurs uniformes et
24 leurs armes ?
25 R. Vous parlez des civils serbes ?
26 Q. Oui.
27 R. Les civils serbes qui portaient des uniformes tuaient les gens. Par
28 exemple, le 6 avril, à Sojevo, quatre personnes ont été tuées. Les meurtres
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1 ont continué même après notre départ. Une fois que nous avions quitté le
2 village, il y a eu 11 autres personnes de tuées jusqu'à la fin des raids
3 aériens, de même que dans l'ancien village Staro Selo qui n'est séparé de
4 mon propre village que par une route, neuf personnes y ont été tuées. Les
5 forces paramilitaires et les forces régulières y étaient stationnées.
6 Trois personnes continuent à manquer à l'appel dans ce vieux village. Je
7 parle d'Emin Zeka et de ses deux fils. Quatre personnes ont été trouvées
8 dans une fosse sceptique après avoir été tuées. Deux personnes âgées avec
9 leurs femmes ont été tuées également. Ce sont ces formations-là qui les ont
10 tuées.
11 Q. Ces uniformes que portaient les civils serbes alors qu'ils perpétraient
12 ces meurtres, ces uniformes, est-ce qu'ils avaient la même apparence que
13 ceux que portait la VJ ?
14 R. Les uniformes portés par l'armée yougoslave et ceux qui étaient portés
15 par un certain nombre de civils étaient identiques.
16 Q. Bien. Au paragraphe 12 de votre deuxième déposition, vous parlez des
17 paramilitaires. Vous dites que les chefs de ces paramilitaires se
18 trouvaient en Serbie et avaient des liens avec le gouvernement serbe. Quels
19 sont les éléments que vous utilisez pour appuyer cette affirmation ? Sur
20 quoi vous basez-vous ?
21 M. HANNIS : [interprétation] Je ne suis pas sûr si cette question reflète
22 de manière fidèle ce qu'a dit le témoin dans sa déposition concernant les
23 militaires, les paramilitaires ?
24 M. ACKERMAN : [interprétation]
25 Q. Bien, dans la déposition on voit la chose suivante: "Les chefs des
26 paramilitaires étaient en Serbie, et ces paramilitaires avaient des liens
27 avec le gouvernement serbe."
28 Pouvez-vous nous dire quels sont les éléments sur lesquels vous vous basez
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1 pour faire cette affirmation ?
2 R. Ecoutez, je n'ai pas vu les paramilitaires dans l'ancien village, mais
3 les gens disaient qu'il y avait un groupe de paramilitaires et ils disaient
4 qu'il s'agissait du groupe de Seselj. Les groupes paramilitaires et les
5 formations militaires avaient leurs propres chefs et étaient liés au
6 gouvernement car le soi-disant gouvernement yougoslave sous Milosevic, avec
7 ses institutions et ses organes avait une hiérarchie. Ils appelaient
8 responsables du gouvernement les gens qui voulaient placer le Kosovo sous
9 son parapluie. Comment est-il possible que des forces paramilitaires
10 puissent fonctionner avec d'autres forces et seulement tuer des Albanais ?
11 Je ne connais pas un seul cas où un Serbe fut tué par eux. C'est ainsi que
12 j'ai pu l'affirmer, parce qu'il s'agissait des pouvoirs qui leur avaient
13 été accordés par le gouvernement, par les organes de l'Etat.
14 Je me souviens d'une affirmation du général Ojdanic un soir avant le raid
15 aérien de l'OTAN, qui disait : "Nous allons combattre avec l'OTAN s'il
16 commence ces raids, même si nous risquons d'infliger des pertes non
17 voulues."
18 Nous savions que ces victimes non voulues n'auraient pas été des Serbes; il
19 s'agissait d'Albanais.
20 Q. Est-ce que vous êtes au courant du fait qu'il y a eu un très grand
21 nombre de Serbes qui ont été tués pendant les bombardements de l'OTAN ?
22 R. Je ne le sais pas.
23 Q. Je veux revenir à ma question concernant les éléments sur lesquels vous
24 vous basez pour votre affirmation concernant les paramilitaires et leurs
25 liens avec le gouvernement serbe. C'est simplement une hypothèse, n'est-ce
26 pas ? Vous ne le savez pas pour sûr, n'est-ce pas ?
27 R. Ce n'est pas une hypothèse. Les groupes militaires faisaient partie de
28 l'armée d'Arkan. Il avait même une partie qui était enregistrée auprès du
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1 gouvernement serbe et il avait ses propres formations au Kosovo. Si ce
2 n'était pas dans mon propre district, c'était dans d'autres districts. Tout
3 le monde le savait. C'est pour cela que je dis tout ce que je dis, que tout
4 ce qui a été fait a été fait sous les auspices du gouvernement, le soi-
5 disant gouvernement de la Yougoslavie.
6 Q. Est-ce que vous avez eu des conversations avec qui que ce soit qui
7 était concerné à l'intérieur du ministère de la Défense ou de l'Intérieur,
8 qui aurait pu vous dire exactement ce qui se passait au sein de ces deux
9 ministères à l'époque ? Est-ce que vous avez parlé à quelqu'un qui y
10 travaillait, qui connaissait toutes ces choses-là ?
11 R. Je n'ai parlé à personne, Monsieur, mais je sais que le ministère de la
12 Défense, qui était l'un des organes du gouvernement, avait ces pouvoirs.
13 Q. Vous avez dit dans votre déposition, cela fait partie finale du
14 paragraphe 12 de votre deuxième déposition : "Tout a été coordonné et était
15 sous la direction du ministère de la Défense et de l'Intérieur."
16 Comment pouvez-vous être sûr de cela si vous ne connaissez personne
17 qui travaillait dans ces ministères pouvant vous le dire ? C'est simplement
18 pure hypothèse, non ?
19 R. Non, ce n'est pas une hypothèse. Je me répète. Chaque Etat qui
20 s'appelle un Etat a ses propres institutions. Et dans ce cas précis, il
21 s'agissait du ministère de la Défense qui était responsable de ces forces.
22 C'est cela que je dis. Il ne peut pas y avoir de forces paramilitaires dans
23 un Etat qui ne soit pas sous le contrôle du gouvernement.
24 Q. J'ai encore une dernière question. Pendant votre témoignage ce matin,
25 il y a quelques instants, page 10, ligne 17, vous avez dit que l'ordre vous
26 demandant de partir vers Urosevac vous avait été donné par l'armée
27 yougoslave. Pouvez-vous nous dire de qui précisément provenait cet ordre ?
28 Qui, au sein de l'armée yougoslave ?
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1 R. De quelle date s'agit-il ? Le 10 avril ?
2 Q. Je vous parle du moment où on vous a ordonné de vous rendre à Urosevac,
3 à Ferizaj.
4 R. Cet ordre nous avait été donné par l'armée yougoslave, une unité de
5 cette armée qui avait été déployée proche de l'école.
6 Q. Qui a donné l'ordre ? Qui, dans l'armée, vous a dit : Vous devez
7 partir ?
8 R. Ils nous ont donné l'ordre. Ils ont donné l'ordre dans ce voisinage.
9 J'étais avec mes gens, environ 200 personnes. Nous avons reçu ces
10 instructions de personnes d'un autre voisinage. Ils nous ont dit que vous,
11 vous aussi, vous devez partir en même temps que nous, car sinon, vous allez
12 être tués. Donc, c'était un ordre de l'armée qui avait son propre
13 capitaine.
14 Q. Vous n'avez pas reçu cet ordre de l'armée; vous l'avez reçu d'un autre
15 Albanais qui se trouvait dans le voisinage. Aucun élément de l'armée ne
16 vous a jamais dit de vous rendre à Urosevac, n'est-ce pas ?
17 R. Peut-être que l'armée ne savait pas qu'il y avait d'autres personnes
18 plus à l'intérieur, plus au centre du village. Donc, ils ont dit aux
19 personnes de la mosquée de quitter le village d'ici à 30 minutes, et nous,
20 nous avons quitté le village en remerciant les deux personnes qui nous
21 avaient donné cette information.
22 Q. Vous avez dit à la Chambre que l'armée de la Yougoslavie vous a
23 commandé de partir. Maintenant, il faut nous dire qui, dans l'armée
24 yougoslave, vous a ordonné de partir ?
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et bien, il a répondu à la question.
26 Il vous a dit que cet ordre lui avait été relayé.
27 M. ACKERMAN : [interprétation]
28 Q. Qui est la personne qui vous avait dit qu'il avait entendu cette
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1 information ? Ce voisin, qui était-il ?
2 R. Il y avait eu deux personnes de Sojeve : Ibri Emini, qui avait une
3 maison dans le voisinage et un autre qui était dans un district à côté. Il
4 s'est rendu à sa ferme, et quand il a vu ce qui s'y passait, il est venu
5 nous le dire. Entre-temps, quelqu'un d'autre nous avait dit de quitter le
6 village aussi vite que possible. Quand Emin est revenu avec sa voiture, il
7 nous a dit de partir dès que nous le pourrions, car sinon, c'est l'armée
8 qui nous y obligerait, l'armée de Nis.
9 M. ACKERMAN : [interprétation] Bien. J'ai fini.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Sepenuk.
11 M. SEPENUK : [interprétation] Pas de questions.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Fila.
13 M. FILA : [interprétation] Oui, j'ai un certain nombre de questions.
14 Contre-interrogatoire par M. Fila :
15 Q. [interprétation] Bonjour.
16 R. Bonjour.
17 Q. J'ai un certain nombre de questions, mais c'est des questions de droit
18 car nous sommes tous les deux des avocats. D'ailleurs, vous avez obtenu
19 votre licence à Pristina, n'est-ce pas ?
20 R. Oui. J'ai fait mes études à l'université de Prishtina.
21 Q. Oui. Vous voulez dire l'université d'Etat ?
22 R. L'université de Pristina. J'ai terminé ma licence à Pristina, à
23 l'université de Pristina au Kosovo en 1991.
24 Q. C'est cela. Donc, c'est l'université où étudiaient les Albanais et les
25 Serbes et tout le monde, n'est-ce pas ? C'est de bien de cette université-
26 là qu'il s'agit ?
27 R. Oui. Tout le monde y étudiait, effectivement.
28 Q. C'est exactement ma question. Vous voyez, Monsieur, il y a un certain
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1 nombre de choses que vous, vous savez, que nous, nous savons mais que la
2 Chambre ne connaît. Nous sommes de là-bas, donc nous sommes au courant.
3 Dans votre déposition, vous avez dit que vous ne connaissez que la langue
4 albanaise. C'est impossible. Si vous ne connaissez pas au moins quelques
5 éléments de serbe. D'étudier dans une université avec des Serbes de même
6 que si vous avez fait partie de l'armée serbe, il faut bien connaître un
7 petit peu de serbe.
8 R. Je connais un petit peu de serbe et d'anglais, mais ma langue
9 maternelle est l'albanais. Je connais le serbe aussi.
10 Q. Bien sûr, bien sûr. Vous avez dit que vous avez eu une bourse de
11 l'usine d'Urosevac. Pendant combien de temps, de quelle date à quelle date
12 avez-vous reçu cette bourse de l'usine de tuyauterie d'Urosevac ?
13 R. J'ai obtenu une bourse de cette usine de tuyauterie afin de mener mes
14 études.
15 Q. Bien sûr. Je suis d'accord. Je l'ai lu. Ce que je vais vous poser comme
16 question, ce sont des choses qui ne sont pas dans votre déposition, par
17 exemple de quelle date à quelle date vous avez étudié et pendant combien de
18 temps vous avez reçu cette bourse de l'usine d'Urosevac ?
19 R. J'ai reçu cette bourse de 1983 à 1986, si je ne me trompe pas, parce
20 que, bien sûr, beaucoup de temps est passé depuis.
21 Q. Bien. Vous avez eu votre diplôme en 1991, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Donc, vous n'avez pas reçu de bourse pendant cinq années de vos études
24 puisque vous n'étiez peut-être pas un très bon étudiant ? Vous ne passez
25 pas vos examens en temps et en heure ?
26 R. Non.
27 Q. Vous aviez 31 ans quand vous avez obtenu votre diplôme, n'est-ce pas ?
28 R. Vous ne pouvez pas dire que j'ai été un bon étudiant --
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'espère que vous nous menez quelque
2 part de pertinent.
3 M. FILA : [interprétation] Oui. C'est ma question suivante.
4 Q. Peut-être c'est pour cela que vous n'avez pas été repris à votre
5 travail, parce que vous avez arrêté de recevoir votre bourse en 1986 --
6 R. Non.
7 Q. En 1991, pourquoi vous auraient-ils repris cinq ans plus tard ? C'est
8 cela que je veux dire.
9 R. Monsieur l'Avocat, vous me posez des questions qui n'ont rien à voir
10 avec le sujet pour lequel on m'a amené ici. Je pense que ce Tribunal a
11 d'autres questions à traiter. Mais je vais vous répondre. C'est une affaire
12 personnelle, les raisons pour lesquelles j'ai pris tant de temps pour
13 compléter mes études. Quant à savoir si j'étais bon étudiant ou mauvais
14 étudiant, c'est vraiment une affaire qui me regarde. Ce n'est pas correct
15 pour vous de me parler de cette manière-là.
16 Je vais vous dire la raison pour laquelle je n'ai pas été accepté
17 dans l'entreprise de tuyauterie. Vous connaissez le statut du Kosovo. Vous
18 savez que le Kosovo avait son statut politique et qu'il y a un début à
19 tout; le fait de se faire envoyer de son travail, le fait d'empoisonner des
20 étudiants, le fait que des médecins ne puissent plus exercer, et cetera.
21 Q. Oubliez cette question d'empoisonnement d'étudiant. Vous n'y croyez
22 quand même pas. Enfin, peu importe.
23 Continuons, allons-y. L'usine d'Urosevac, ils ne vous ont pas donné une
24 bourse pendant cinq ans et ils ne vous le donnaient pas, parce que vous
25 n'avez pas passé votre diplôme en temps et en heure. Par conséquent, ils
26 n'étaient pas été obligés de vous reprendre, n'est-ce pas ?
27 Veuillez allumer votre micro.
28 R. Non. Je n'ai pas obtenu la bourse depuis le début de mes études, mais à
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1 partir de la troisième année. Je l'ai obtenu pendant la troisième et
2 quatrième année.
3 Q. Vous avez dit qu'en 1996 -- ou plutôt en 1986, c'était la dernière date
4 où vous avez reçu votre bourse. Vous avez eu votre diplôme cinq ans plus
5 tard, en 1995. Et l'usine n'était pas obligée de vous prendre. Oui ou non ?
6 Donnez-moi une réponse. Je veux dire, pendant cinq ans vous n'avez rien
7 reçu d'eux ?
8 R. J'ai eu la bourse pendant deux années pendant lesquelles je faisais mes
9 études. Le contrat est venu à terme après 1985. Une fois que vous avez
10 votre diplôme, d'après le contrat que j'avais, l'usine devait me reprendre
11 afin que je puisse faire le travail pour lequel ils m'avaient accordé une
12 bourse. Ce n'est pas que l'usine ne m'a pas accepté; je n'ai pas demandé à
13 être repris. Ils ont envoyé d'autres personnes. Vous connaissez la
14 situation avec cette usine de tuyauterie. Tous les travailleurs ont été
15 renvoyés avec la police. Vous l'avez vu à la télévision, Monsieur.
16 Q. Merci. Donc, vous ne vouliez pas avoir un poste à Urosevac. Vous n'avez
17 pas essayé de rechercher un travail à Urosevac. C'est comme cela --
18 R. Ce n'est pas que je ne recherchais un poste. J'aurais bien aimé trouver
19 un poste, mais il y avait une question de discrimination en matière de
20 droit du travail par le gouvernement de Milosevic, et j'ai été obligé de
21 regarder ailleurs. Dans ma déposition, j'ai dit que j'ai travaillé comme
22 menuisier. J'ai également travaillé comme commerçant.
23 Q. Bien. Je comprends très bien ce que vous nous dites. Peut-être nous
24 pouvons nous mettre d'accord sur quelque chose. Vous ne recherchiez pas de
25 poste à Urosevac ? Sans parler des raisons pour lesquelles vous ne
26 recherchiez pas un tel poste. Mais en tout cas, vous ne recherchiez pas de
27 poste à Urosevac. Je peux tirer cette conclusion, pas dans l'usine de
28 tuyauterie; oui ou non ?
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1 R. En effet, non, pour les raisons que j'ai dites, à cause de la violence.
2 Q. Ce n'est pas la peine d'aller plus loin. Merci beaucoup. Nous n'allons
3 pas poursuivre. Merci. Donc, vous avez travaillé en tant que menuisier,
4 n'est-ce pas ? C'est ce que vous avez dit. Est-ce que vous avez jamais
5 postulé pour un emploi en tant que juriste, en tant qu'avocat hormis à
6 l'usine d'Urosevac ? Est-ce que vous l'avez fait ? Est-ce que vous avez
7 postulé pour travailler dans un tribunal, pour le ministère public, je n'en
8 sais rien ? Si vous l'avez fait vous l'avez fait, si vous ne l'avez pas
9 fait, vous ne l'avez pas fait.
10 R. Ecoutez, Maître, je ne vais pas postuler pour un emploi auprès d'un
11 gouvernement qui avait révoqué l'autonomie du Kosovo par la contrainte.
12 Comment est-ce que j'aurais pu le faire. C'est un gouvernement que je
13 n'avais pas élu. C'est clair. Ce n'est pas d'ailleurs ce qui est au centre
14 de cette affaire. Vous êtes vous-même avocat. Vous ne devriez pas nous
15 faire perdre notre temps. Vous devriez nous parler de questions afférentes
16 au génocide et à des crimes contre l'humanité.
17 Q. Si vous me donniez des réponses un peu plus succinctes, nous pourrions
18 aller plus vite en besogne. Il n'y a pas de génocide. C'est quelque chose
19 que vous avez inventé.
20 Puis, en 2002, vous avez fait une autre déclaration.
21 R. Et bien, je vous parle de génocide puisque nous parlons de génocide.
22 Q. Vous êtes rentré au Kosovo, puis en août 2001, je vois que vous étiez
23 chômeur. En août 2001, vous étiez toujours chômeur. Est-ce que ce sont les
24 Serbes qui vous compliquaient la vie pour ce qui est de votre emploi, et
25 qui faisaient en sorte que vous ne pouviez pas trouver d'emploi ? Parce que
26 c'est ce qui est dit là, n'est-ce pas ?
27 R. Non. A cette époque-là, je suis rentré d'Angleterre, Maître. Il n'était
28 pas facile de trouver un emploi. J'ai postulé pour deux emplois. J'ai été
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1 accepté pour l'un de ces emplois, mais maintenant, je continue à travailler
2 en tant que professeur. Aucun état ne peut trouver de l'emploi pour une
3 armée de chômeurs. Il faut attendre pour ce faire. Comme je vous l'ai dit,
4 je travaille à l'heure actuelle. Je suis professeur, professeur de droit.
5 Q. Oui, mais je ne vous parle pas de l'an 2007 -- 2006 plutôt, je vous
6 parle de l'année 2001. En fait, vous ne pouviez pas travailler en 2001 ?
7 R. Oui, parce qu'il a fallu que je reconstruise ma maison que vous avez
8 détruite. Non pas vous personnellement, mais les Serbes.
9 Q. Je vous demanderais de nous répondre succinctement, Monsieur.
10 Lorsque vous avez obtenu votre licence de droit, entre autres, vous
11 avez dû passer un examen en droit constitutionnel, n'est-ce pas ? Est-ce
12 que vous avez réussi votre examen en droit constitutionnel à la faculté de
13 droit lorsque vous étiez étudiant, j'entends ?
14 R. J'ai réussi.
15 Q. Dites-moi, oui ou non ? Est-ce que vous avez réussi votre examen en
16 droit constitutionnel ?
17 R. Je l'ai réussi.
18 Q. Et bien, alors, si vous l'avez réussi, comment est-ce que vous pouvez
19 avancer que le Kosovo était une unité fédérale ? Dans quel droit
20 constitutionnel avez-vous appris cela ? Ce que je vous dis, en fait, c'est
21 que le Kosovo-Metohija faisait partie intégrante de la Serbie. C'est qui
22 était écrit dans la constitution.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila.
24 M. FILA : [interprétation] C'est vrai ou ce n'est pas vrai ?
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ne répondez pas à cette question.
26 Maître Fila --
27 M. FILA : [interprétation] Mais cela se trouve à la page 1 --ou plutôt à
28 la page 2 en serbe. Un, 2, 3, 4, 5, c'est le cinquième paragraphe.
Page 3128
1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous voulez m'écouter un peu, Maître,
2 pour un moment. Les deux premières pages de cette déclaration contiennent
3 des éléments auxquels nous n'allons accorder absolument aucun poids. Ils ne
4 font pas l'objet de discussion, ils n'ont pas fait l'objet de discussion
5 entre M. Hannis et le témoin, ces éléments. Et ce n'est pas un témoin qui
6 peut nous donner un avis à propos du droit constitutionnel et des liens
7 entre la Yougoslavie et le Kosovo dans le cadre du droit constitutionnel.
8 Donc, il ne lui appartient pas de répondre à cette question. Si vous voulez
9 vous lancer dans des questions qui portent sur les deux premières pages de
10 cette déclaration, c'est peu judicieux, Maître. Tout ce que vous faites,
11 c'est renforcer le point de vue ou les éléments à charge de l'Accusation.
12 Nous allons avoir une pause et nous reprendrons à 10 heures 55.
13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.
14 --- L'audience est reprise à 10 heures 58.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila.
16 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, il me semble que la pause
17 était plus que judicieuse dans mon cas parce que je n'ai plus de questions
18 à poser à présent.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
20 Maître O'Sullivan.
21 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Pas de questions.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
23 Maître Bakrac.
24 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais poser une
25 question, une seule question, et pour ce faire, j'aurai besoin de cinq
26 minutes.
27 Contre-interrogatoire par M. Bakrac :
28 Q. [interprétation] Monsieur Hyseni, dans vos deux déclarations et
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1 aujourd'hui lors de l'interrogatoire principal, vous avez fait référence à
2 une personne qui répond au nom de Mijovic de Nerodimlje. Vous avez dit à la
3 page 9, lignes 6 et 7, que cette personne travaillait pour l'armée de la
4 Yougoslavie. Est-ce que vous savez quel était son travail auprès de l'armée
5 de la Yougoslavie ?
6 R. M. Novica Mijovic n'est pas du village de Nerodimlje, premièrement, il
7 est du village de Nikodim, mais il habitait à Ferizaj. Il travaillait pour
8 l'armée de la Yougoslavie, l'armée qui se trouvait au niveau de la caserne
9 à Ferizaj. Je ne sais pas si c'était un officier chargé des achats, mais
10 tout ce que je sais, c'est qu'il travaillait pour l'armée. C'est ainsi que
11 je le connais. Je sais qu'il travaillait pour l'armée, et toute personne
12 qui travaille pour l'armée fait partie de l'armée.
13 Q. Je ne suis pas d'accord. Lorsque vous dites il travaillait pour
14 l'armée, saviez-vous qu'il était civil ? Saviez-vous qu'il y avait des
15 civils qui étaient employés par les forces armées et qui s'adonnaient à des
16 tâches très précises ? Est-ce que vous le savez ? Vous êtes juriste, vous
17 êtes avocat, vous le savez cela ?
18 R. Il travaillait au niveau du bâtiment principal de l'armée. En d'autres
19 termes, il travaillait pour l'armée peu importe qu'il fut civil. Le jour si
20 critique, lorsqu'il y a eu quatre civils qui ont été tués, il était avec ce
21 groupe paramilitaire.
22 Q. Ce n'est pas la question que je vous ai posée. Je ne vous ai pas parlé
23 de cette journée si importante.
24 Je vais maintenant vous poser ce qui sera ma dernière question. J'espère
25 que vous serez d'accord avec moi. Je vais essayer de vous rafraîchir la
26 mémoire pour convenir que ce Mijovic était électricien; est-ce exact ?
27 R. Comme je l'ai dit, il travaillait dans le bâtiment principal de
28 l'armée. Il aurait pu être électricien. Il se peut qu'il fût électricien.
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1 Je n'en sais rien. C'est tout ce que je sais à son sujet. Je vous ai déjà
2 dit ce que je savais. Peut-être, effectivement, qu'il était électricien.
3 Q. Très bien. Je comprends. Merci.
4 M. BAKRAC : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser, Monsieur le
5 Président.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
7 Maître Ivetic.
8 M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
9 Contre-interrogatoire par M. Ivetic :
10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Hyseni. Je m'appelle
11 Maître Dan Ivetic. Je suis avocat de Chicago. Je représente M. Lukic
12 aujourd'hui. Je suis accompagné de mon confrère Me Branko Lukic et
13 M. Ozren Ogrizovic.
14 J'aimerais vous poser quelques questions.
15 Premièrement, j'aimerais vous poser quelques questions à propos de
16 votre travail pour le Conseil chargé des libertés et de la défense des
17 droits de l'homme. Vous étiez militant de cette organisation. J'aimerais
18 savoir si vous avez mené à bien des enquêtes à propos des infractions à la
19 loi et des sévices qui ont été effectués par les membres de ce qu'on
20 appelle l'UCK ?
21 R. Si l'UCK avait commis des sévices, nous le saurions, nous l'aurions su,
22 mais nous n'avions aucune connaissance de ce genre d'activité perpétré par
23 l'UCK.
24 Q. Vous nous dites aujourd'hui dans le cadre de votre déposition que vous
25 n'êtes au courant d'aucun acte criminel effectué par l'UCK, et je pense à
26 toute la municipalité d'Urosevac ?
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, Maître Ivetic, la
28 déclaration que j'ai en face de moi indique qu'il y a travaillé entre 1991
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1 et 1994.
2 M. IVETIC : [interprétation] Cela été corrigé jusqu'à l'année 1999, d'après
3 les renseignements que j'ai reçus de la part du bureau du Procureur.
4 M. HANNIS : [interprétation] C'est exact. Il y a un fichier supplémentaire
5 à ce sujet.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, voilà qui est fort intéressant.
7 Comment est-ce que moi j'aurais pu le savoir ? Comment j'aurais pu en être
8 informé, Monsieur Hannis ?
9 M. HANNIS : [interprétation] Je ne sais pas si ce document vous a été
10 envoyé ou non, Monsieur le Président. On vient de me dire qu'il n'a pas été
11 envoyé.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais si vous nous envoyez une
13 déclaration qui est corrigée et que nous n'obtenons pas les corrections en
14 question, cela ne fera pas partie des éléments de preuve.
15 M. HANNIS : [interprétation] Vous avez tout à fait raison, Monsieur le
16 Président, j'ai fait une erreur dans le cas d'espèce. Je n'en ai même pas
17 parlé pendant l'interrogatoire principal. Effectivement, vous avez raison.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
19 M. IVETIC : [interprétation] Permettez-moi de répéter ma question, je vais
20 peut-être limiter la durée et la région.
21 Q. Est-il vrai, Monsieur, que pendant les années 1997, 1998 et 1999,
22 pendant que vous travailliez pour cette Commission chargée des libertés et
23 de la défense des droits de l'homme, vous n'avez absolument pas eu
24 connaissance de crimes commis par l'UCK au sein de la municipalité
25 d'Urosevac ?
26 R. Il n'a pas été porté à notre connaissance de crimes effectués par
27 l'UCK. Et personnellement, je n'ai jamais entendu parler de crimes commis
28 par l'UCK dans la municipalité de Ferizaj. Je n'ai absolument aucune raison
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1 de dissimuler quoi que ce soit.
2 Q. Très bien. Dans votre déclaration de 1999 pour le bureau du Procureur,
3 vous avez dit que ni vous ni aucun membre de votre famille n'était membre
4 de l'UCK. J'aimerais vous poser la question suivante : est-ce que vous-même
5 ou des membres de votre famille étaient des sympathisants de l'UCK ?
6 R. Certes, nous n'étions pas des soldats de l'UCK, mais l'UCK était
7 l'armée du peuple et une armée qui a été obligée de défendre ses acquis.
8 Bien sûr, que la population se ralliait ou soutenait l'UCK ne serait-ce
9 qu'intellectuellement. C'était la seule force.
10 Q. Dans votre déclaration de l'année 2001, au bureau du Procureur, je
11 pense que vous avez reconnu le fait que dans votre village, le village de
12 Biba, il y avait quand même un soutien pour l'UCK. Comment se manifestait
13 ce soutien à l'UCK ?
14 R. Comment est-ce que cela se manifestait, ce soutien ? Et bien, la
15 population nourrissait de grands espoirs et pensait qu'elle réussirait à
16 échapper au pire. Grâce à l'alliance internationale tout s'est terminé.
17 Q. Oui, mais la question que je vous avais posée était comme suit : quel
18 était le soutien accordé par le village de Biba à l'UCK ? Je vais peut-être
19 formuler la chose de façon différente.
20 Est-ce que vous fournissiez des vivres et des munitions à l'UCK ?
21 Lorsque je dis vous, j'entends le village de Biba.
22 R. Pas à ma connaissance. Je n'en sais rien.
23 Q. Quel était le pourcentage de population dans le village de Biba qui
24 accordait son soutien à l'UCK ?
25 R. Tout le monde soutenait l'UCK. Je ne sais pas. Quel pourcentage voulez-
26 vous que j'avance ? Tout le monde soutenait l'UCK.
27 Q. Très bien. Cela me suffit.
28 Est-ce que vous étiez conscient de la présence, ou d'une présence
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1 active de la part de l'UCK dans votre village ou dans les villages
2 avoisinants de la municipalité d'Urosevac à tout moment pendant l'année
3 1998 et 1999 ?
4 R. Pour ce qui est de savoir où était présent l'UCK, nous savions. Je ne
5 parle pas seulement en mon nom; je parle de tous mes concitoyens. Nous
6 savions qu'ils étaient présents dans le village de Jezerce, alors que pour
7 ce qui est de mon propre village, de Biba, de Sojevo et Nerodimlje, il n'y
8 avait pas de présence de l'UCK. C'est la raison pour laquelle il y a eu le
9 plus grand nombre de victimes dans ce secteur, parce que lorsqu'il y avait
10 présence de l'UCK, il y avait beaucoup moins de victimes.
11 Q. Vous avez mentionné Jezerce. Est-il exact de dire qu'il y avait un
12 poste de commandement dans le village de Jezerce, dans la municipalité
13 d'Urosevac ?
14 R. Bien sûr. Oui, je pense que cette présence existait, mais je ne peux
15 parler que de la municipalité où j'habitais. La zone de Nerodimlje est bien
16 connue de la communauté internationale et pas seulement de moi.
17 Q. Il y a quelques minutes de cela, lorsque vous avez répondu à des
18 questions de mon confrère, vous sembliez indiquer que même les civils qui
19 travaillaient pour l'armée de la Yougoslavie étaient considérés, par vous
20 en tout cas, comme faisant partie de l'armée. J'aimerais vous poser une
21 question à propos des civils qui travaillaient pour l'UCK. Est-ce qu'il y
22 avait des civils parmi les rangs de l'UCK ?
23 R. Je n'ai pas très bien compris votre question. Est-ce que vous pourriez
24 la répéter et être un peu plus précis, je vous prie ?
25 Q. Vous avez dit que vous saviez où se trouvait l'UCK dans la municipalité
26 et que votre village soutenait l'UCK. Est-ce qu'il y avait des combattants
27 civils au sein de la structure de l'UCK ?
28 R. Je ne sais pas s'il y avait des combattants civils au sein de la
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1 structure de l'UCK. A ma connaissance, ils portaient tous l'uniforme, parce
2 que pour faire partie d'une formation de l'UCK, il faut porter l'insigne
3 qui était connu d'ailleurs. Je ne connais aucun civil qui aurait été un
4 soldat de l'UCK et qui aurait porté une tenue civile.
5 Q. Je pense que dans l'une de vos déclarations, vous avez identifié quatre
6 personnes de votre village qui se sont ralliées à l'UCK. Est-ce qu'ils
7 portaient l'uniforme lorsqu'ils se déplaçaient ?
8 R. De qui parlez-vous ? Qui sont ces quatre personnes ?
9 Q. Est-ce qu'il y a eu des gens de votre village qui, à un moment donné,
10 ont rallié les rangs de l'UCK ?
11 R. Après la campagne aérienne, il y a eu trois ou quatre personnes qui ont
12 trouvé qu'il était plus facile de se rallier à l'UCK, mais je n'étais pas
13 dans le village quand ils l'ont fait. J'étais à Stankovac. Jusqu'à la
14 campagne aérienne, il n'y avait personne de mon village qui s'est rallié à
15 l'UCK.
16 Q. J'aimerais maintenant vous poser des questions à propos de ce que vous
17 avez vu vous-même et à propos de ce que vous avez entendu de la part
18 d'autrui.
19 Dans votre déclaration - j'aimerais dans un premier temps, vous demander de
20 prendre la déclaration de l'année 1999 - vous décrivez les événements si
21 critiques qui se sont déroulés en avril 1999, lorsque des forces sont
22 entrées dans Sojevo et ont tué votre oncle et sa femme. Dans la déclaration
23 de 1999, paragraphe 4 de la page 3 de la version albanaise; paragraphe 2,
24 page 4 de la version B/C/S; paragraphe 9, page 2 de la version anglaise,
25 vous avez dit que vous vous trouviez à quelque 120 mètres de la cour de la
26 maison de votre oncle lorsque ces tirs ont eu lieu. Toutefois, dans la
27 déclaration en 2001, dans la version albanaise, il s'agit de la page 6,
28 paragraphe 5; page 7, paragraphe premier de la page 5 de la version B/C/S;
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1 et paragraphe 1, page 5 et paragraphe 6 de la version anglaise. Dans cette
2 déclaration, vous dites que dès que vous avez vu les forces arriver dans
3 votre village, vous et votre famille êtes allés dans les bois avec quelque
4 230 autres personnes.
5 Comment est-ce que vous réconciliez les deux versions ? Est-ce que vous
6 étiez dans les bois ou est-ce que vous étiez prêts du domicile de votre
7 oncle lorsque ces forces sont entrées chez lui ?
8 R. Ces forces ont tué deux personnes dans le quartier de Limanaj et ont
9 incendié tout le quartier. Nous, nous avons évacué une partie de la
10 population. Et lorsque nous avons vu que toutes les maisons du quartier de
11 Limanaj étaient la proie des flammes, nous sommes revenus et nous avons
12 évacué la population. Ce sont justement ces mêmes forces qui sont arrivées
13 dans le quartier de Shukri Begu, comme nous l'appelons. Je me trouvais à
14 une centaine de mètres ou à 120 mètres environ de la maison où se trouvait
15 mon oncle maternel. Il s'agissait de Nazmi et de sa femme Haxhere.
16 J'ai bien vu lorsque deux paramilitaires sont entrés dans sa cour. Haxhere
17 Nebiu se trouvait à l'extérieur de la maison près du portail. L'un des
18 paramilitaires a ouvert le feu et j'ai entendu Haxhere pousser un cri
19 atroce. C'est là que je me suis dirigé vers des buissons et j'ai emprunté
20 la direction ou le chemin qui avait été pris par toute la population.
21 Ensuite, nous sommes revenus, et c'est là que nous avons trouvé Nazmi
22 et Haxhere. Ils avaient été tués tous les deux. Nous avons compté 24
23 cartouches. C'est ce que j'ai dit.
24 Q. Très bien. Vous avez vu une partie des événements, mais vous n'avez pas
25 vu, vous-même, le moment où ils ont été tués, n'est-ce pas ? Est-ce que
26 c'est exact ?
27 R. Si j'avais vu les meurtres, j'aurais été tué. Je ne serais pas vivant
28 pour venir témoigné aujourd'hui.
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1 Q. Très bien. Vous décrivez dans votre déclaration et lors de
2 l'interrogatoire principal comment ces 18 paramilitaires étaient
3 accompagnés de deux personnes que vous avez qualifiées de policiers. A
4 propos de ces deux personnes que vous décrivez comme étant des policiers.
5 J'aimerais savoir si vous les avez vues distinctement, est-ce que vous
6 pouviez les voir à partir de l'endroit où vous vous trouviez, vous ?
7 R. Nous avons compté environ 18 personnes qui ont incendié
8 90 % de ce quartier, ont tué ces deux personnes et elles ont emprunté une
9 route locale pour quitter ce quartier ou cette partie du village.
10 Q. Monsieur, je vous ai posé une question bien, bien précise. La question
11 était : eu égard aux deux personnes que vous avez décrites comme étant des
12 policiers, est-ce que vous pouviez les voir clairement de l'endroit où vous
13 vous trouviez ?
14 R. Lorsqu'il y a eu ces meurtres, ces assassinats, c'est cela que vous
15 voulez dire ?
16 Q. Vous nous avez dit qu'il s'agissait de policiers. Ce que j'aimerais
17 savoir, c'est si vous étiez en mesure de bien voir ces personnes ainsi que
18 leurs uniformes de l'endroit où vous vous trouviez, à tout moment pendant
19 cet événement ?
20 R. A partir de l'endroit où je me dissimulais lorsque les assassinats ont
21 eu lieu, comme je l'ai mentionné, il y a eu deux paramilitaires qui
22 portaient une tenue militaire de camouflage et des bérets rouges. Je les ai
23 vus. Puis, après qu'ils ont incendié cette partie du village, ils ont
24 emprunté la route locale. C'est là que nous les avons vus parce que nous
25 étions très, très proches à ce moment-là.
26 Q. Maître --
27 R. Donc, il y avait également des policiers et ils ont agi de concert.
28 Q. Monsieur, je vous posais cette question à propos des personnes que vous
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1 avez décrites comme étant des policiers dans votre interrogatoire principal
2 et dans la déclaration et que vous avez bien mentionné. Ce que j'aimerais
3 savoir c'est si vous avez véritablement pu voir clairement et distinctement
4 ces personnes à partir de l'endroit où vous vous trouviez ?
5 R. Je les ai vues, Maître.
6 Q. J'ai une autre question à vous poser à propos de ces deux personnes
7 décrites par vous comme des policiers. J'aimerais vous demander de vous
8 limiter à répondre à mes questions, nous allons aller beaucoup plus vite en
9 besogne.
10 A propos de ces deux personnes, est-ce que vous avez pu voir des
11 écussons sur leur uniforme, et le cas échéant, où se trouvaient ces
12 écussons ?
13 R. Non. Il est très difficile de discerner des insignes ou des écussons
14 lorsque vous n'êtes pas à une distance assez proche. Mais on pouvait voir
15 qu'il s'agissait d'un uniforme de police.
16 Q. Oui, mais la question que je vous ai posée portait sur des écussons
17 métalliques. Est-ce que vous avez vu des écussons métalliques sur ces
18 uniformes ?
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il a répondu à la question.
20 Monsieur Hyseni, comment est-ce que vous saviez que les uniformes qu'ils
21 portaient étaient des uniformes de la police ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Et bien, on peut reconnaître et voir les
23 couleurs à une certaine distance. L'armée porte soit un uniforme de couleur
24 uni vert ou une tenue de camouflage alors que la police porte un uniforme
25 bleu. Cela, on peut le voir de loin.
26 Puis, pour ce qui est des insignes, je m'excuse, mais je ne les ai
27 pas vus parce que j'étais trop loin.
28 M. IVETIC : [interprétation]
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1 Q. Est-ce que ces personnes portaient un ceinturon d'une couleur
2 particulière, et cela fait partie de leur uniforme ? Toujours, je vous pose
3 la question à propos des deux personnes qui ont été décrites par vous comme
4 étant des policiers.
5 R. Ils devaient porter un ceinturon, mais je ne sais pas quelle était la
6 couleur de leur ceinturon. Comme je vous l'ai dit, j'étais assez éloigné.
7 Il est difficile de discerner les couleurs à une certaine distance.
8 Q. Vous avez parlé d'un uniforme bleu. Est-ce qu'il s'agissait d'un
9 uniforme bleu uni ou est-ce qu'il y avait un imprimé ?
10 R. Oui, il s'agissait d'un uniforme ou d'une tenue de camouflage bleu.
11 Q. Est-ce que vous avez vu ces deux personnes arriver dans un véhicule, et
12 le cas échéant, de quel véhicule s'agissait-il ?
13 R. Ces personnes sont arrivées dans le quartier où j'étais, où je
14 séjournais. En fait, ils sont venus dans des autobus jusqu'à la fin du
15 village de Selo. Puis ensuite, il y a la route de Gjilan. Ils nous ont dit
16 qu'ils venaient de cette direction. Ils sont arrivés dans le quartier de
17 Limanaj d'abord, puis ensuite, ils sont arrivés dans le quartier de Shukri
18 Begu. En fait, pour Shukri Begu, ils sont arrivés à pied.
19 Q. Vous venez de dire, "Ils ont dit qu'ils étaient venus de cette
20 direction. "Je suppose que vous ne les avez pas vus arriver dans le
21 village, mais qu'en fait, pour nous raconter cela, vous nous relater les
22 propos d'autrui.
23 R. Cet endroit se trouve à 1 kilomètre et demi. Lorsqu'ils sont sortis de
24 leur bus, je ne les ai pas vus. Mais lorsqu'ils ont marché à travers les
25 prés et les prairies, nous les avons vus.
26 Q. Très bien. Vous avez décrit une personne que vous identifiez comme
27 étant ce Mijovic. Est-ce que vous avez vu Mijovic avec les forces qui se
28 trouvaient dans la cour de votre oncle ?
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1 R. C'était à une distance d'une centaine de mètres. Pour ce qui est de la
2 cour de mon oncle, je ne sais pas si c'était Mijovic ou quelqu'un d'autre,
3 mais lui, il devrait le savoir parce qu'il faisait partie de ce groupe.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense qu'on a déjà obtenu réponse à
5 la question, puisque le témoin nous a dit qu'il avait entendu cela de la
6 part d'autrui lorsqu'il se trouvait à Stankovac.
7 M. IVETIC : [interprétation] Je pense qu'il s'agissait de la profession de
8 Mijovic qui était en jeu à ce moment-là. Je n'avais pas compris, en fait.
9 Enfin, ce n'est pas très clair pour moi que cette personne ne se trouvait
10 pas dans le groupe, surtout compte tenu de la déclaration qui a été faite
11 et qui semble indiquer que Mijovic se trouvait ou faisait partie du groupe.
12 C'est pour cela que je pose la question.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais ce n'était pas la question
14 que vous avez posée. Vous vouliez savoir si --
15 M. IVETIC : [interprétation] S'il l'avait vu.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Lui.
17 M. IVETIC : [interprétation] Très bien.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense qu'il avait déjà été indiqué
19 qu'il ne l'avait pas vu, mais visiblement, vous avez une autre idée de la
20 question.
21 M. IVETIC : [interprétation] Oui, c'est tout à fait exact, Monsieur le
22 Président. Puis, j'ai également des documents que vous n'avez peut-être pas
23 vus. C'est pour cela que j'ai essayé de préciser les choses pour ma
24 gouverne personnelle avant de poser d'autres questions ou d'aborder
25 d'autres thèmes qui, peut-être, ne donneront aucun résultat.
26 Q. Si nous pouvons passer à autre chose. Après cet incident, Monsieur,
27 vous vous êtes ralliés au convoi de personnes qui se dirigeaient vers
28 Urosevac. Et dans votre déclaration, vous décrivez comment la police
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1 chargée de la circulation routière, police serbe vous a demandé de
2 rebrousser chemin. Est-il exact de dire qu'ils vous ont demandé de rentrer
3 en direction de votre village ?
4 R. Non. Ils nous ont dit d'emprunter la direction de Gjilan.
5 Q. Est-il vrai que lorsqu'on se trouve à Urosevac, votre village se trouve
6 dans la direction de Gnjilane ?
7 R. Oui, c'est vrai. C'est vrai que mon village se trouve en direction de
8 Gjilan.
9 Q. Corrigez-moi, si je m'abuse, mais vous avez dit dans votre déclaration
10 que vous, vous-même, n'avez eu aucun contact avec ces personnes que vous
11 avez identifiées comme des représentants de la police chargée de la
12 circulation routière; est-ce que c'est exact ?
13 R. Non, je n'ai pas eu de contacts avec eux parce que je ne me trouvais
14 pas dans le premier véhicule. C'est au premier véhicule qu'ils ont dit de
15 prendre la direction de Gjilan. L'intention était de prendre la route
16 Gjilan- Bujanovc.
17 Q. Donc, vous ne saviez pas quelle était l'intention de cette police, vous
18 ne saviez pas quel était ou ce qu'ils ont véritablement dit au convoi. Vous
19 ne connaissiez pas les intentions de ces agents de la circulation routière.
20 Puis-je avancer cela à juste titre ?
21 R. Je ne le savais pas à l'époque, mais lorsque nous sommes revenus, nous
22 l'avons appris parce que nous communiquions les uns les autres. Ils ont
23 bloqué la route, puis ils ne nous ont pas permis de poursuivre notre chemin
24 dans cette direction. Ils nous ont dit d'emprunter la direction de Gjilan.
25 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour ce qui est du
26 compte rendu d'audience, page 50, ligne 2 [comme interprété], il a été
27 consigné au compte rendu d'audience que, "j'avais pris contact avec eux …"
28 Comment je l'ai entendu dire, "je n'ai pas eu de contact avec eux …"
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suis d'accord avec cela.
2 M. IVETIC : [interprétation]
3 Q. Alors Presheve et Bujanovc, ce sont des villes qui font partie de la
4 République de Serbie, n'est-ce pas ?
5 R. Oui.
6 Q. Très bien.
7 R. Cela fait partie de la vallée de Presheve.
8 Q. Ces agents de la circulation routière que vous avez mentionnés, est-ce
9 que vous pourriez nous décrire leurs uniformes, quel type d'uniformes
10 portaient-ils ?
11 R. Ils avaient l'uniforme ordinaire des agents de la circulation,
12 l'uniforme que vous voyez quotidiennement. Il y en avait un qui avait des
13 manchons blancs du type de ceux qui sont général portés par les agents de
14 la circulation.
15 Q. Est-ce que vous avez remarqué des insignes, des écussons, sur ces
16 uniformes, des galons ?
17 R. Pour vous dire la vérité, je n'en ai pas remarqué. Ils ont juste donné
18 l'ordre de rebrousser chemin, c'est ce que nous avons fait.
19 Q. Vous avez dit que vous pouviez voir ces uniformes quotidiennement.
20 Compte tenu de votre expérience quotidienne, n'est-il pas exact de
21 dire qu'il y a toujours, pour ce genre d'uniformes, des écussons, des
22 insignes ou des galons ou des inscriptions ?
23 R. Je suppose qu'il devait en avoir, mais je ne les ai pas remarqués. Je
24 n'étais pas véritablement intéressé par cela. Je ne peux pas vous dire
25 maintenant qu'ils avaient des écussons et des insignes et autres galons si
26 je ne les ai pas observés. Ce que je peux vous dire par contre, c'est que
27 nous pouvions reconnaître un agent de la circulation routière.
28 Q. Maintenant, après cet incident qui s'est passé, juste avant Urosevac,
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1 tout le convoi ainsi que vous-même êtes partis vers Slatina. Dans votre
2 déclaration de 2001, vous avez décrit comment la police traversait Slatina
3 en voitures, mais ils ne faisaient rien d'autre. Est-ce que cela se faisait
4 tous les jours lors de votre séjour à Slatina, ou pourriez-vous nous dire à
5 quelle fréquence la police traversait le village ?
6 Q. Et --
7 R. La police a traversé deux ou trois fois le village. Et au cours des
8 douze jours que j'ai passés à Slatina, je ne les ai vus que trois fois. Il
9 y avait énormément de personnes déplacées qui venaient de nombreux
10 villages, de Gjilan et de Viti.
11 Q. A ces trois ou quatre occasions auxquelles vous avez vu la police dans
12 le village de Slatina, là où vous étiez à l'époque, peut-on dire que
13 personne faisant partie de cette police ne vous a donné l'ordre de quitter
14 Slatina ? Vous n'avez pas reçu cet ordre ?
15 R. Après 12 jours, je suis parti de Slatina. Personne ne m'en a donné
16 l'ordre. Mais certaines des personnes déplacées ont quitté Slatina
17 uniquement parce qu'on était trop nombreux. Il n'y avait pas de nourriture,
18 on n'avait absolument rien. On n'avait pas de ravitaillement, donc on a dû
19 partir.
20 Finalement à la fin mai, certains de mes oncles qui étaient là à la
21 fin mai, et bien, ils ont été chassés du village par la police. A la fin de
22 mai, ils ont été envoyés en Macédoine. Cela, c'est quelque chose que j'ai
23 entendu relayer par d'autres personnes.
24 Q. Oui. Je tiens à vous rappeler que je ne me suis intéressé que
25 parce que vous avez su de première main. Je ne suis pas intéressé par ce
26 que vous avez appris de la bouche d'autrui. Cela est dit.
27 Après que votre famille et vous avez essayé d'aller à la frontière,
28 vous décrivez une personne appelée Fishekovic, et vous avez déclaré,
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1 qu'auparavant, il faisait partie de la police financière. J'aimerais un
2 petit peu que l'on éclaircisse cela. Cette brigade financière ou cette
3 police financière, cela ne faisait pas partie du MUP serbe, n'est-ce pas ?
4 R. La brigade financière, avant les bombardements de l'OTAN, était
5 composée de civils. Ce jour-là, quand je suis allé en Macédoine, à l'entrée
6 de Kacanik, il y avait un point de contrôle, un poste de contrôle de la
7 police. Il y avait des soldats qui ont arrêté le convoi d'autocars, et
8 parmi ce convoi, il y avait mon autocar.
9 Q. Oui, cela on le sait. On l'a vu dans votre déclaration. Je voulais
10 juste que nous éclaircissions un peu qui était cette fameuse brigade
11 financière pour les personnes qui ne connaissent pas bien la structure du
12 MUP serbe. Je voulais bien savoir si cette brigade financière faisait
13 partie du MUP ou non ? Alors --
14 R. Je n'ai jamais dit que cette police financière fait partie du MUP ou ne
15 fait pas partie du MUP. Cette personne, en tout cas, que je connaissais par
16 le passé, je savais que c'était un inspecteur financier. Ce jour-là, il
17 était en tenue verte, en uniforme vert. Il portait un fusil à l'épaule et
18 il avait un insigne avec les deux aigles blancs.
19 Q. Je pense que le compte rendu est assez clair et qu'on voit bien que la
20 brigade financière ne fait pas partie du MUP.
21 Maintenant, pour en revenir à ce que vous avez dit ce matin, vous nous avez
22 dit qu'il y avait un Volkswagen Golf, un véhicule assez douteux pour vous,
23 donc cette Golf sans plaques. Vous n'avez jamais vérifié l'identité de la
24 personne qui se trouvait dans ce véhicule et qui était près de votre
25 maison, vous n'avez jamais su qui c'était finalement ?
26 R. En effet.
27 Q. A bord de quel type de véhicules circulaient les membres de l'UCK ?
28 Est-ce que vous le savez ?
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1 R. Non, je n'ai aucune idée.
2 Q. Très bien. Vous avez parlé du moment où votre beau-frère et votre beau-
3 père ont été blessés. Je prenais des notes à ce moment-là et quelques
4 questions d'ailleurs qui me sont venues à l'esprit. Ces blessures, était-ce
5 la conséquence des bombardements qui avaient eu lieu à Urosevac ?
6 R. Non, absolument pas. Ces personnes ont été blessées à cause des tirs --
7 à cause d'un obus qui avait été envoyé par les forces de l'armée, qui a
8 détruit une partie de la maison et qui a blessé ces deux personnes. C'était
9 depuis les casernes de Ferizaj.
10 Q. Très bien. Vous dites que vous avez entendu plusieurs choses de la part
11 des medias. Quel type de médias pouviez-vous suivre à Urosevac en 1999 ?
12 R. La télévision par satellite. C'est ce qu'on pouvait tous regarder à la
13 télévision.
14 Q. Bien.
15 R. Il y avait aussi les journaux.
16 Q. Pouviez-vous lire des journaux en albanais ? Y avait-il aussi des
17 diffusions en albanais à la télévision ?
18 R. Oui. Il y avait le journal Bujku. D'abord, on l'a appelé Rilindja,
19 ensuite, il s'est appelé Bujku.
20 Je peux aussi vous dire qu'on avait aussi des informations qui
21 venaient de l'étranger. On écoutait toujours la BBC, la Voice of America et
22 la Deutsche Welle.
23 Q. Dans votre déclaration, vous avez dit que vous avez appris par la
24 télévision que votre beau-frère et votre beau-père avaient été blessés
25 lorsque la caserne a été attaquée par les forces de l'OTAN. Vous êtes en
26 train de nous dire que les forces serbes étaient dans la caserne quand
27 l'OTAN a frappé la caserne. C'est ainsi que cet obus s'est finalement
28 retrouvé dans la maison de votre beau-père ?
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1 R. Non. L'obus est venu de la caserne et ce n'était pas pendant le
2 bombardement de l'OTAN.
3 Q. Je pense que c'est un peu différent de ce que vous avez dit, mais je
4 vais essayer quand même d'en terminer rapidement.
5 Pour ce qui est de la chose suivante -- vous avez parlé d'un membre de
6 votre organisation appelée Kelmendi. Comment est-ce que vous avez su ce qui
7 était arrivé à M. Kelmendi ? Etait-ce par le biais des médias que vous avez
8 appris ce qui lui était arrivé ?
9 R. Nous avons eu connaissance de l'assassinat de M. Kelmendi au travers
10 des médias. Il a d'abord été kidnappé par la sûreté serbe.
11 Q. Pour ce qui est de ce que vous avez entendu par le biais des médias,
12 les médias en albanais ont aussi relayé une information selon laquelle M.
13 Ibrahim Rugova avait été tué en 1999, tué par les forces serbes ?
14 R. Non, ce n'est pas vrai, je n'ai jamais entendu cela dans les médias.
15 Q. Vous êtes en train de nous dire que M. Rugova n'a pas été tué à ce
16 moment-là ?
17 R. Non, il n'a pas été tué.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous êtes en train de
19 suggérer, Monsieur Ivetic, que Kelmendi non plus n'a pas été tué ?
20 M. IVETIC : [interprétation] Cela, je n'en sais rien.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous ne savez pas ce qui lui est
22 arrivé ?
23 M. IVETIC : [interprétation] Non. Tout ce que j'essaie de prouver, c'est
24 que les médias ne relayaient pas toujours des informations fiables à 100 %.
25 C'est tout. Je pense que le témoin ayant répondu à ma question, je ne vais
26 pas poursuivre plus avant.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Merci.
28 Monsieur Hannis.
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1 M. HANNIS : [interprétation] Je me demandais si j'allais poursuivre ce
2 point qui est que les médias ne rapportent pas toujours des informations
3 fiables et le fait qu'on ne peut pas toujours prendre ce que disent les
4 médias pour argent comptant. Cela dit, je n'ai pas de questions.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hyseni, lors de votre
6 déposition, à deux reprises, vous nous avez dit que vous aviez amené les
7 documents avec vous. Vous avez parlé de photographies et vous avez aussi
8 parlé d'un document qui faisait état du personnel de l'armée qui se
9 trouvait quelque part. Afin de partir ici en comprenant bien quelle est la
10 position des Juges de la Chambre, il faut que je vous explique quelque
11 chose. La présentation des pièces est du ressort des deux parties. C'est
12 l'Accusation de décider ce qu'ils vont présenter et ce qu'ils ne vont pas
13 présenter. On ne vous a pas demandé de nous montrer ces documents que vous
14 avez apportés, mais ce n'est pas parce qu'ils ne nous intéressent pas. Nous
15 faisons confiance à l'Accusation. C'est à l'Accusation de savoir quels sont
16 les éléments qui doivent être présentés ou non.
17 Maintenant, nous savons ce que vous aviez à dire. Merci d'être venu
18 déposer. Vous pouvez maintenant rentrer chez vous.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup, Messieurs et Mesdames les
20 Juges. Merci à tous. J'espère que vous allez œuvrer dans l'intérêt de la
21 justice. J'en suis sûr d'ailleurs.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Hyseni.
23 [Le témoin se retire]
24 [La Chambre de première instance se concerte]
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp.
26 M. STAMP : [interprétation] Oui. Bonjour, Messieurs et Mesdames les Juges.
27 Notre prochain témoin est Hazbi Loku. Sa déclaration sera versée au titre
28 de l'article 89(F) du Règlement. Cela dit, si vous nous le permettez, il y
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1 a quelques corrections que nous tenons à apporter. Il y a quelques pièces
2 aussi que nous allons étudier lors de l'interrogatoire de ce témoin. Je
3 pense que j'en ai pour à peu près une heure, pas plus.
4 Les paragraphes de l'acte d'accusation auxquels se réfère cette déposition
5 sont les suivants --
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Enfin, vous avez trouvé un témoin qui
7 n'a fait qu'une déclaration.
8 M. STAMP : [interprétation] Oui, une seule déclaration au bureau du
9 Procureur, en tout cas.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourrions nous faire rentrer M. Loku
11 dans le prétoire, s'il vous plaît.
12 M. STAMP : [interprétation] Pendant que l'on fait rentrer le témoin dans le
13 prétoire,les paragraphes concernés de l'acte d'accusation sont les
14 paragraphes 72(k)(i) et l'annexe K, le tableau K, en tout cas.
15 Je vous présente aussi l'un de nos stagiaires qui nous a énormément
16 aidé à récoler ce témoin-ci ainsi que d'autres d'ailleurs.
17 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Loku. LE TÉMOIN :
19 [interprétation] Bonjour.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, faire
21 une déclaration solennelle en lisant à haute voix le document que vous avez
22 sous les yeux.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je déclare solennellement que je dirai la
24 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
25 LE TÉMOIN: HAZBI LOKU [Assermenté]
26 [Le témoin répond par l'interprète]
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir.
28 Monsieur Stamp, vous avez la parole.
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1 M. STAMP : [interprétation] Merci.
2 Interrogatoire principal par M. Stamp :
3 Q. [interprétation] Monsieur Loku, bonjour.
4 R. Bonjour.
5 Q. Je tiens à vous faire savoir tout d'abord que les Juges de cette
6 Chambre ont eu copie de votre déclaration, et toutes les parties d'ailleurs
7 en l'espèce ont eu une copie de votre déclaration. Je ne vais vous
8 interroger que sur certains passages de votre déclaration. Je voulais que
9 vous sachiez que nous sommes déjà au courant de la teneur de votre
10 déclaration.
11 Pourriez-vous tout d'abord vous présenter, s'il vous plaît, en nous épelant
12 votre nom de famille ?
13 R. Bonjour, je suis Hazbi Loku, L-o-k-u.
14 Q. Où habitez-vous, s'il vous plaît ?
15 R. Je suis né à Kotline dans la municipalité de Kacanik. Depuis la guerre,
16 j'habite à Ferizaj.
17 Q. Ce village de Kotlina, d'après votre déclaration, était un village qui
18 était principalement peuplé de Kosovars albanais. Pourriez-vous nous dire
19 quel était le nombre d'habitants de ce village en février ou en mars 1999 ?
20 R. A Kotlina, il n'y avait que des Albanais. Il n'y a jamais eu d'autres
21 villageois appartenant à une autre communauté ethnique.
22 Q. Combien de personnes habitaient à Kotlina en février ou mars 1999 ?
23 R. Entre 450 et 500 personnes à peu près.
24 Q. Vous vous souvenez avoir fait des déclarations devant le bureau du
25 Procureur le 4 juin 1999 à propos de ce qui était arrivé dans votre village
26 dans cette année, cette année 1999 ?
27 R. Oui.
28 Q. Vous avez signé cette déclaration, n'est-ce pas, vous avez signé une
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1 fois que vous vous êtes assuré qu'elle était correcte et qu'elle reflétait
2 bien la vérité ?
3 R. Oui.
4 Q. Cette déclaration vous a été lue une fois terminée, et vous confirmez
5 que cette déclaration reprend bien ce que vous avez dit, et que du mieux
6 que vous vous rappeliez, vous y avez consigné ce qui était arrivé ?
7 R. Oui.
8 M. STAMP : [interprétation] Pour le compte rendu, je tiens à vous indiquer
9 qu'il s'agit de la pièce P2296.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Stamp.
11 M. STAMP : [interprétation] Poursuivons.
12 Q. En page 2 de cette déclaration, au troisième paragraphe, vous déclarez
13 des événements qui se seraient déroulés dans votre village le 9 mars 1999.
14 R. Oui.
15 Q. Vous dites à un moment que des maisons avaient été détruites par des
16 chars qui étaient rentrés de ces maisons. Pourriez-vous nous expliquer ce
17 qui s'est passé exactement ?
18 R. Oui. Le 9 mars 1999, dans ce village de Kotlina --
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Cepic.
20 M. CEPIC : [interprétation] J'aimerais bien que mon éminent collègue
21 nous dise exactement de quel village il s'agit quand on parle de ces chars
22 et de ces maisons ?
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que c'est Kotlina. Y a-t-il
24 un autre village qui soit concerné ?
25 M. STAMP : [interprétation] Oui, je lui ai parlé de son village et "son
26 village," c'est bien Kotlina.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Très bien.
28 M. CEPIC : [interprétation] Oui, mais si j'ai bien compris, j'ai cru que
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1 c'était Ivaja. Dans la déclaration, Ivaja est à
2 4 kilomètres de Kotlina. Donc, s'il parle bien du 9 mars, je croyais que
3 c'était Ivaja. J'avais cru comprendre la déclaration du témoin de cette
4 façon, qu'il s'était retrouvé à Ivaja le 11 et 12 mars.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Cepic, il suffit de regarder
6 la réponse du témoin à la ligne 12, page 60. Vous voyez bien qu'il s'agit
7 de Kotlina puisqu'il dit : "Le 9 mars, dans mon village de Kotlina …" Il
8 suffit de le laisser poursuivre.
9 M. STAMP : [interprétation] Je crois que je comprends ce qui a créé la
10 confusion dans l'esprit de mon éminent collègue. A l'aide de quelques
11 questions, je pense que je vais éclaircir le point avec le témoin.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.
13 M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 M. STAMP : [interprétation] Merci.
15 Q. Vous avez dit dans votre déclaration que certaines maisons avaient été
16 détruites par des chars, des maisons qui se trouvaient dans un endroit bien
17 particulier. Tout d'abord, quelles étaient ces maisons et dans quel village
18 se trouvaient ces maisons ?
19 R. Le 9 mars, quand je parlais du 9 mars, je parlais de Kotlina, c'est
20 Kotlina qui a été attaquée. Un quartier de Kotlina qui s'appelle Dreshec.
21 Le village a été incendié. Je parle de tout ce quartier. Toutes les maisons
22 de ce quartier ont été incendiées. Les maisons étaient assez loin les unes
23 des autres. Elles ont toutes été pillées.
24 Ce même jour, donc le 9 mars, il y a eu deux personnes de Kotlina,
25 deux villageois qui ont été tués.
26 Q. Très bien. Je voulais juste clarifier une chose. Je vais le lire. Je
27 pense que vous faites référence ici au village d'Ivaja. Vous dites que,
28 "des maisons avaient été détruites parce que des chars les avaient
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1 traversées." Pouvez-vous nous expliquer ce qui s'était passé ?
2 R. Pour ce qui est d'Ivaja, là, cela s'est passé le 8 et non pas le 9
3 mars. Quand je me suis rendu à Ivaja, qui est tout à côté de chez moi, j'ai
4 vu que la plupart des maisons avaient été incendiées, la cendre fumait
5 encore. Elles avaient détruites, démolies. Dans le même village, la mosquée
6 aussi était incendiée, le minaret était à moitié abattu.
7 Quant à savoir comment ces maisons avaient été détruites et
8 incendiées, cela, je ne peux pas vous le dire, je ne l'ai pas vu de mes
9 yeux.
10 Q. Très bien. Maintenant, passons au 24 mars. Ce jour-là, vous avez
11 observé ce qui se passait dans votre village et dans les environs. Vous
12 dites dans votre déclaration que vous êtes allé dans un endroit au sud de
13 votre village et vous avez repéré cet endroit sur une petite carte que vous
14 avez dessinée à la main et qui est jointe à votre déclaration.
15 M. STAMP : [interprétation] Pourrions-nous montrer au témoin la pièce
16 P2296, c'est-à-dire la dernière page de cette pièce.
17 Q. Pouvez-vous constater qu'en bas --
18 M. STAMP : [interprétation] Je suis désolé. Un instant, s'il vous plaît.
19 Page suivante, s'il vous plaît.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est une esquisse qu'on cherche.
21 C'est à la fin du texte de la déposition.
22 M. STAMP : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît. Il faudrait
23 retrouver la version anglaise, la dernière page du texte de la déposition.
24 Q. Pouvez-vous voir cette carte faite à main levée ?
25 R. Oui. C'est en effet une carte que j'ai moi-même dessinée.
26 Q. Est-ce que vous pouvez voir où se trouvent votre signature et la date
27 qui est en bas dans l'angle droit ?
28 R. Oui, je les vois.
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1 Q. On va commencer par des questions d'orientation. Votre zone, votre
2 district, Kacanik -- plus précisément Kotlina à Kacanik, c'est un endroit
3 montagneux, n'est-ce pas ?
4 R. Oui.
5 Q. Le village se trouve dans une vallée qui se trouve entre deux zones
6 avec des altitudes supérieures ?
7 R. Oui. Les maisons sont construites dans une disposition formant un demi-
8 cercle des deux côtés de la route. Vous pouvez le voir sur le dessin. Il y
9 a des routes qui rentrent et qui sortent du village. J'ai pu marquer que
10 l'une de ces routes mènent à Ivaja. Une autre nous relie à la route en
11 asphalte qui va à Kacanik et une autre va à Gllobocica, un village qui se
12 trouve à la frontière de la Macédoine et un autre au village de Strasha.
13 Q. C'est très clair que ces lignes parallèles en forme de demi-cercle au
14 milieu de la carte avec ces petites formes carrées, parfois des triangles,
15 il s'agit des principales artères qui traversent le village, et ces petits
16 symboles sont le reflet de maisons qui se trouvent au bord de la route;
17 est-ce exact ?
18 R. Oui, c'est exact. Les maisons, la mosquée. J'ai essayé de dessiner un
19 minaret.
20 Q. Oui. Le minaret de la mosquée est --
21 R. L'école -- j'ai marqué où il y avait trois bâtiments de l'école. A
22 côté, il y a la clinique, le centre médical et une partie de la montagne.
23 On peut voir qu'à une dizaine de mètres du groupe de maisons, ça commence à
24 monter dans la partie sud du village.
25 Q. On va le faire petit à petit.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quant à moi, ce n'est pas trop rapide.
27 C'est parfaitement clair, Monsieur Stamp. Qu'est-ce qui vous semble peu
28 clair quant à vous ?
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1 M. STAMP : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.
2 Q. Vous pouvez voir qu'en haut de la carte il y a une lettre "V" et en bas
3 une lettre "J". Qu'est-ce que cela représente ?
4 R. Oui. Il s'agit de sites. Il s'agit du nord dans le cas du "V" et du sud
5 dans le cas du "J."
6 Q. Merci. Je voudrais que vous nous indiquiez où vous vous trouviez sur la
7 colline proche de votre village. Est-ce qu'on le voit sur la carte ?
8 R. Oui, on peut le voir sur cette carte. Les maisons sont disposées en
9 demi-cercle, puis il y a des terres arabes dans la partie au sud du
10 village. Il s'agit d'une colline. Et il y a là des ruines d'un château.
11 Q. Où se trouve-t-il ? Vous l'avez marqué sur cette carte ou vous l'avez
12 mis par écrit quelque part ?
13 R. Oui.
14 Q. Veuillez nous le préciser, s'il vous plaît.
15 R. J'ai marqué Kalaja, à savoir le nom de la forteresse en question, ici
16 dans la partie sud du village.
17 Q. Merci. Vous avez également dit que vous aviez indiqué sur cette carte
18 l'emplacement de certaines écoles. Pouvez-vous nous le montrer et nous dire
19 comment vous les avez représentées ?
20 R. Il y a trois bâtiments d'école que j'ai fait apparaître sur cette
21 carte, que j'ai marqué au moyen de lettres. "S-H" pour le mot école en
22 albanais.
23 Q. Cette structure qu'on voit sur la carte qui semble représenter un
24 minaret ?
25 R. Oui, c'est là. En même temps, il y a la clinique. En tout, j'ai fait
26 apparaître quatre éléments.
27 Q. Bien. On va revenir à cette carte. Je voudrais vous poser une question
28 maintenant sur les événements du 24. Vous avez dit que les femmes, les
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1 enfants et les personnes âgées ont été rassemblés par les Serbes, par des
2 membres de la VJ et de la police. Tout d'abord, sur cette carte, où ont-ils
3 été rassemblés ces gens-là ?
4 R. Oui. Au sud des maisons au milieu du village. Je peux vous le montrer
5 avec mon crayon si vous le souhaitez.
6 Q. Oui. Merci d'encercler l'endroit où ont été rassemblées ces personnes.
7 R. L'endroit où on a rassemblé la population - un certain nombre de
8 personnes ont été expulsées, un certain nombre ont fui, mais la plupart ont
9 été expulsés par l'armée et la police serbe - se trouvent ici.
10 Q. Pouvez-vous l'encercler directement sur l'écran, s'il vous plaît.
11 R. Oui. [Le témoin s'exécute]
12 Q. Merci. Cette carte n'est pas à l'échelle, donc je vais vous poser une
13 autre question.
14 Ce groupe de personnes se trouvait à peu près à quelle distance de là où
15 vous vous trouviez ?
16 R. A environ 150 mètres, je pense.
17 Q. Merci. Vous avez dit dans votre déposition que les femmes, les enfants
18 de même que les personnes âgées ont été chargés sur un camion. Quand vous
19 avez dit "chargés sur un camion," "qui les a chargés sur un camion ?
20 Comment cela a-t-il été fait ?
21 R. Après l'événement qui s'était produit à l'intérieur du village, deux
22 camions vert militaire qui appartenaient à l'armée serbe s'étaient rendus
23 dans le village pour emporter la population, les femmes et les enfants. Je
24 peux vous dessiner une carte représentant l'itinéraire qu'ils ont suivi.
25 Jusqu'à la sortie du village, ils s'y sont rendus à pied, ensuite, ils ont
26 été chargés sur les camions, mais pas tous, puisqu'il n'y avait pas assez
27 de place dans les camions. Ceux qui n'ont pas pu être chargés ont dû faire
28 la route à pied, la route d'asphalte.
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1 Q. Pour en venir au fait, lorsque vous dites qu'ils ont été chargés sur le
2 camion et que d'autres ont emprunté la route d'asphalte, les personnes qui
3 ont été chargées sur les camions, ont-elles été mises sur les camions d'une
4 manière volontaire de même pour les gens qui ont emprunté la route, ou est-
5 ce que ce sont les forces serbes qui les ont obligés à le faire ?
6 R. Ils n'ont pas fait ce voyage de manière volontaire; ils ont été obligés
7 de le faire. On les a battus, ils ont subi des sévices, ils ont été en
8 butte à des menaces pendant tout le voyage jusqu'au moment où ils sont
9 arrivés à Kacanik.
10 Q. Environ combien de personnes au total faisaient partie de ce groupe, à
11 la fois dans les camions et à pied, qui se sont rendues à Kacanik ?
12 R. Au total, il s'agissait d'environ 400 habitants qui s'y sont rendus
13 dans les camions. Nous, environ une centaine d'hommes du village, étions
14 cachés. On ne faisait pas partie de ce groupe de personnes. On a mis les
15 gens dans les camions en les traitant comme si c'était des objets et non
16 pas des êtres humains.
17 Q. Maintenant --
18 R. Les autres ont suivi les camions à pied, tous sous la menace d'une arme
19 à feu. On leur a dit que s'ils refusaient de marcher, ils seraient tués
20 tout de suite, là sur la route.
21 Q. Vous avez dit qu'ils ont été amenés à Kacanik, est-ce que vous savez si
22 vos co-villageois sont restés à Kacanik, ou bien s'ils ont été emmenés
23 ailleurs ? Est-ce qu'ils sont restés au Kosovo ?
24 R. Oui, je sais ce qu'ils sont advenus. Toutes ces personnes sont restées
25 au Kosovo pendant cette période-là. Les femmes et les enfants sont
26 descendus des camions, ensuite, ils ont été envoyés dans différentes
27 maisons qui appartenaient à des habitants de Kacanik. D'autres personnes
28 ont été envoyées au commissariat de Ferizaj, là où ils ont subi des sévices
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1 pendant deux ou trois jours. Ensuite, ils ont été libérés. Ce sont les
2 hommes qui ont été envoyés au commissariat de Ferizaj.
3 Q. Est-ce que, globalement, la population est restée à Kacanik au Kosovo
4 ou bien est-ce qu'ils ont quitté le Kosovo ?
5 R. La population est restée à Kacanik pendant quelque temps. Puisque les
6 forces serbes attaquaient Kacanik - je veux parler ici du massacre de
7 Rakovc - à la suite de ces événements, ils ont pris le départ pour la
8 Macédoine. Ils ont marché plusieurs nuits le long des chemins de la
9 montagne et ont fini par arriver à Bllaca, c'est-à-dire, à un endroit en
10 Macédoine où il y a eu beaucoup d'arrivants du Kosovo.
11 Q. Merci.
12 R. Ma famille faisait partie de ce groupe qui s'est rendu à Bllaca.
13 Q. Dans votre déposition, vous avez dit qu'un groupe de jeunes hommes,
14 plus de 20 jeunes hommes, ont essayé de fuir du côté nord du village et ont
15 été faits prisonniers.
16 R. Oui. Les forces serbes, y compris l'armée et la police, avaient
17 encerclé le village, et nous étions sous la menace, nous étions en danger.
18 Par conséquent, nous avons décidé de fuir. Tout le monde a choisi l'endroit
19 où il allait se rendre. Par exemple, je ne me suis positionné à la
20 forteresse alors que d'autres se sont placés ailleurs dans le village. Ceux
21 d'entre nous qui avaient des maisons près de la montagne à côté du village
22 se sont rendus dans la montagne car ils avaient peur et ils ont pris refuge
23 dans la montagne.
24 Q. Vous avez décrit l'endroit où cette vingtaine de jeunes hommes ont été
25 emmenés, un trou - ou peut-être je vais vous demander des précisions. Dans
26 votre déposition, je vous cite, il s'agit du paragraphe 5, ou plutôt je
27 m'en reprends. Page 5, dernier paragraphe. Vous dites que vous savez que
28 dans la zone où ont été emmenés les hommes, il y avait un gros trou. Est-ce
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1 qu'il y avait un seul trou ou il y avait plusieurs trous dans cet endroit ?
2 R. Si vous me permettez de rentrer dans le détail. Ces hommes qui se
3 cachaient dans cette partie-là de la forêt --
4 Q. Souvenez-vous qu'il y a beaucoup de détails déjà dans votre déposition.
5 Vous avez parlé d'un trou. S'agissait-il d'un seul trou ou de plusieurs
6 trous creusés dans la montagne ?
7 R. Il y avait deux trous très proches l'un de l'autre. Peut-être 5 à 6
8 mètres les séparaient.
9 Q. Merci.
10 R. J'ai écrit "gropa", un trou en albanais, qui veut également dire la
11 même chose pour le pluriel.
12 Q. Quand vous dites "gropa," vous dites que vous voulez dire que vous avez
13 écrit le mot "gropa" sur la carte. Est-ce que vous pouvez le confirmer ?
14 R. Oui, c'est au nord du village. J'ai mis "gropa" au pluriel. C'est à
15 l'entrée du village que se trouvent ces trous, proche de l'entrée.
16 Q. Cet endroit se trouve à peu près à quelle distance de là où vous vous
17 trouviez vous-même ? Où se trouvaient ces trous par rapport à vous ?
18 R. Depuis l'endroit où je me cachais, il y a environ 5 à
19 600 mètres à vol d'oiseau, pas plus.
20 Q. Merci. Je pense que c'est assez clair, mais peut-être on pourrait y
21 revenir. Néanmoins, vous vous trouviez à fond de montagne au sud le village
22 était au milieu, et les trous se trouvaient de l'autre côté du village là
23 où ont été emmenés les hommes ?
24 R. Oui.
25 Q. Mais le village se trouve au creux d'une vallée, et cela ne vous a pas
26 empêché de voir ce qui se passait de l'autre côté ?
27 R. Non, cela ne m'empêchait pas du tout de voir ce qui se passait de
28 l'autre côté. Tout était parfaitement visible.
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1 Q. Pouvez-vous nous dire brièvement ce qui est arrivé aux hommes qui ont
2 été capturés à proximité où se trouvent ces trous ?
3 R. Oui. C'est hommes qui ont été faits prisonniers, la majorité d'entre
4 eux étaient des jeunes hommes. Il y avait des jeunes d'environ 16 ans. On
5 les a emmenés depuis l'endroit dans la montagne où ils ont été capturés, et
6 on les a emmenés en direction de la clinique. L'après-midi après 2 heures,
7 ils ont été emmenés vers les trous. Ils ne savaient pas et nous ne savions
8 pas non plus ce qui allait leur arriver.
9 Les gens, ces gens qui avaient leurs mains liées ont été emmenés là-bas, et
10 c'est là qu'ont commencé les sévices. Ils ont été battus. On entendait des
11 cris. Et sur la base de ces cris qu'on entendait, ils ont été jetés dans
12 les trous. Ils ont été massacrés. Et en fin de compte, le soir --
13 Q. Désolez de vous interrompre. Vous avez dit qu'ils ont été jetés dans
14 les trous. Après avoir été jetés dans les trous, qu'est-ce qui s'est passé
15 par rapport à ces trous ?
16 R. Après qu'ils aient été jetés dans les trous, ces trous ont été minés et
17 on a entendu une explosion et on a vu de la fumée. Ensuite on a rempli ces
18 trous à l'endroit où se trouvaient auparavant les trous.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce serait peut-être un bon moment pour
20 nous de faire la pause. Est-ce que je peux vous interrompre à ce stade ?
21 M. STAMP : [interprétation] Oui, c'est tout à fait le moment opportun.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.
23 Nous allons faire une pause et reprendre à 13 heures moins 10.
24 --- L'audience est suspendue à 12 heures 21.
25 --- L'audience est reprise à 12 heures 51.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, c'est à vous.
27 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je pense que la
28 première chose que je devrais faire, c'est de demander au Tribunal si la
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1 copie qui porte les marques puisse recevoir un numéro IC.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce portant le numéro
3 IC34, Monsieur et Mesdames les Juges.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
5 M. STAMP : [interprétation]
6 Q. J'allais passer à autre chose, mais j'ai remarqué, tout d'abord,
7 Monsieur Loku, que vous aviez dit, après cela, après que vous ayez entendu
8 l'explosion, les trous ont été nivelés. Qu'est-ce que vous voulez dire
9 lorsque vous dites que "les trous ont été nivelés ?"
10 R. On a nivelé le terrain. Les trous ont été mis à plat.
11 Q. Est-ce qu'on peut avoir davantage de détails ? Est-ce que vous avez vu
12 des personnes faire en sorte que le terrain soit nivelé ou est-ce que cela
13 a été nivelé du fait de l'explosion que vous avez entendue ?
14 R. Cela est dû à l'explosion qui a eu lieu.
15 Q. Je vois. Merci.
16 M. STAMP : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait montrer au témoin la
17 pièce portant la cote P00360.
18 Q. Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit sur cette image ?
19 R. Oui. Il s'agit d'une photo des trous qui se trouvaient dans la montagne
20 au-dessus du village.
21 Q. Est-ce que vous savez à peu près à quel moment cette photo a été
22 prise ?
23 R. Cette photographie a été prise à l'automne, après que nous soyons
24 revenus au village.
25 Q. Merci. Et c'est maintenant ce que je voudrais savoir. Vous avez dit
26 dans votre déposition que lorsque vous vous êtes rendu en Macédoine, là où
27 vous avez passé un séjour, en Macédoine, vous avez découvert quelle était
28 l'identité exacte des personnes qui ont été tuées dans votre village le 24.
Page 3162
1 Est-ce que vous avez pu rassembler des photographies de ces personnes et
2 les soumettre au bureau du Procureur ?
3 R. Lorsque je me suis rendu en Macédoine, concernant ces personnes qui ont
4 plus tard été retrouvées dans ces trous, je ne savais pas à l'époque. Il
5 s'agissait de personnes portées disparues, et nous ne savions pas si toutes
6 ces personnes se trouvaient dans ces trous ou seulement certaines d'entre
7 elles. Ces trous ont été rouverts par d'autres gens, des Autrichiens, des
8 spécialistes de la police scientifique qui ont examiné ces corps et qui,
9 avec les membres des familles, ont pu identifier 22 personnes qui ont été
10 jetées dans ces trous et que nous avons ensuite enterré après avoir repris
11 les cadavres des trous.
12 Q. Mais à quelle époque ces trous ont-ils fait l'objet d'excavations de la
13 part de la police scientifique autrichienne ? A quel moment on a pu exhumer
14 ces cadavres ? Vous vous souvenez ?
15 R. Cela a eu lieu en automne, après le retour des habitants au village et
16 une fois que la KFOR avait été entrée au Kosovo. Beaucoup d'autres
17 personnes sont venues mener une enquête et nous les avons emmenés à ces
18 trous, car nous savions que certains membres de nos familles s'y
19 trouvaient. Mais jusqu'à l'exhumation de ces cadavres, nous ne savions pas
20 exactement quelle était l'identité de ces personnes. Une fois qu'ils ont pu
21 être identifiés, ils ont été enterrés et ces photographies ont été prises.
22 Q. Je voudrais revenir à autre chose. Est-ce que vous avez pris et livré à
23 nous, le bureau du Procureur, 24 photographies de personnes qui ont été
24 tuées dans votre village ce jour-là, y compris ceux dont les cadavres ont
25 été exhumés de ces trous ?
26 R. Les photographies des personnes ayant été massacrées ont été amenées
27 par moi-même de même que les photographies qui ont été prises au moment de
28 l'enterrement.
Page 3163
1 Q. Nous allons passer en revue ces photographies une par une.
2 M. STAMP : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait montrer au témoin, s'il
3 vous plaît, la pièce portant la cote P380.
4 Q. Je pense que vous pouvez voir la première page maintenant qui doit être
5 affichée sur votre écran. Est-ce que vous pouvez me le confirmer ?
6 R. Oui.
7 Q. Pièce P380. Pouvez-vous identifier les personnes, les neuf personnes
8 qui se trouvent sur cette page ?
9 R. Oui, je suis en mesure de les identifier toutes.
10 Q. Pouvez-vous nous les nommer, s'il vous plaît, à partir du haut de la
11 page à gauche en allant vers la droite.
12 R. Oui. Adnan Loku, Ibush Loku, Mina Kuci, Bajram Loku, Zija Loku, Ismet
13 Loku, Sali Vasliu, Naser Loku et Mahi Loku. Deux d'entre ces personnes sont
14 les frères de Rexhep Loku. L'une de ces deux personnes avait 17 ans.
15 Q. Pouvons-nous maintenant passer à la deuxième page de cette même pièce.
16 On va procéder de la même manière en identifiant les personnes en partant
17 du haut de la page à gauche et en allant vers la droite.
18 R. Danush Idriz Kuci, il allait à l'école secondaire, il avait 16 ans.
19 Serif Kuci. Dzemal Muradem Kuci. Le dernier, c'est Veselj Vlashi; il
20 travaillait à l'école.
21 Q. Est-ce que nous pouvons voir la page suivante, je vous prie.
22 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Il s'agit de la même pièce à
23 conviction ?
24 M. STAMP : [interprétation] Oui, de la même pièce à conviction.
25 Q. En partant du haut vers le bas, est-ce que vous pouvez nous donner leur
26 nom ?
27 R. Je continue ?
28 Q. Oui, du haut vers le bas.
Page 3164
1 R. Oui. Le premier en haut, c'est Nexhad Ferid Kuci; ensuite, Sabri Hamed
2 Loku; l'autre, Nasir Fadil Loku. Ils sont tous de la même famille.
3 Q. Merci.
4 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames et Monsieur les
5 Juges, des questions vont être posées à propos des personnes qui ont été
6 retrouvées dans le trou. Vous avez 24 photos, mais il n'y en a que
7 certaines - 22, me semble-t-il, - qui ont été trouvées. Nous avons
8 maintenant identifié de façon très claire les personnes qui ont été tuées.
9 J'aimerais que l'on affiche la pièce P381.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit de photographies à
11 nouveau ?
12 M. STAMP : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y en a que 16 alors ?
14 M. STAMP : [interprétation] Non, je m'excuse. Effectivement, je me suis
15 arrêté un peu trop tôt.
16 Q. Est-ce que nous pouvons passer à la page suivante, je vous prie.
17 M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
18 R. Puis-je poursuivre ?
19 Q. Oui, faites donc.
20 R. Ces deux photographies sont les photos d'un père et d'un fils, Sabit et
21 Garep Loku. Le fils était étudiant.
22 Q. Nous pouvons passer à la page suivante, je vous prie.
23 R. Les deux premiers, ce sont les frères Agim et Ismajl Loku. Ismajl Kuci,
24 c'est le troisième. En dessous, vous avez Zimer Loku qui avait 70 ans.
25 Puis, il y a mon frère, Milaim Loku. Le dernier, c'est Neshad Rexha.
26 C'était un neveu de la famille Loku. Ce jour-là d'ailleurs, il se trouve
27 qu'il rendait visite à son oncle à Kotline.
28 M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je
Page 3165
1 pense que c'était la dernière page. Je voulais également vous indiquer
2 qu'il y a une pièce à conviction, la pièce P381, qui est une liste de noms
3 que l'on trouve dans l'annexe K. Je ne vais pas attirer l'attention de la
4 Chambre, parce qu'il vient juste de donner ces noms maintenant.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Stamp.
6 M. STAMP : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant prendre la
7 pièce P48. Je m'excuse, P49. Je m'excuse. Merci. Est-ce que l'on pourrait
8 agrandir cette photographie.
9 Q. En attendant que cela le soit, Monsieur Loku, est-ce que vous pouvez
10 nous dire si vous avez pris, oui ou non, cette photographie et ce qu'elle
11 indique ?
12 R. Oui, j'ai pris la photographie. Sur cette photographie, nous voyons les
13 gens qui portent les cercueils des personnes mortes qui avaient été
14 exhumées et qui ont été enterrées ce jour-là. Vous pouvez voir la maison de
15 Baki Kuci qui est en ruines. Vous pouvez voir les cercueils où ces
16 personnes massacrées ont été placées, personnes que nous avons réenterrées.
17 Les personnes que l'on voit sur la photographie, ce sont les villageois de
18 mon village.
19 Q. Merci. Vous avez dit que la maison de Kuci n'était plus que des ruines.
20 Est-ce que vous savez comment cela s'est passé ? Qu'est-il arrivé ?
21 R. C'est une maison qui a été incendiée de l'intérieur. Vous pouvez voir
22 qu'il n'y a plus de toit. C'était une maison à deux étages auparavant.
23 Q. Qui l'a incendiée ?
24 R. Elle a été incendiée par les forces serbes, par les militaires ainsi
25 que la police conjointement.
26 Q. Avant que je ne vous montre la photographie suivante - dans votre
27 déclaration, il s'agit de la page 5, deuxième paragraphe -- du dernier
28 paragraphe de la page 5 et du deuxième paragraphe de la page 6, c'est la
Page 3166
1 même chose pour la version en B/C/S. Vous avez dit que les Serbes qui
2 étaient restés là ont commencé à brûler les maisons. Vous faites référence
3 aux personnes qui incendiaient les maisons, comme à des Serbes. Je suppose
4 que vous entendiez l'armée serbe et la police serbe qui ont commencé à
5 incendier ces maisons.
6 R. Oui. Ce que je voulais dire, c'était l'armée serbe et la police serbe
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Maître Lukic.
8 L'INTERPRÈTE : Maître Lukic parle sans micro.
9 M. LUKIC : [interprétation] J'aimerais demander à mon estimé confrère de ne
10 pas poser des questions directrices au témoin.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp.
12 M. STAMP : [interprétation] Non, je vais poursuivre sans poser de questions
13 directrices. Je voulais tout simplement obtenir une précision. C'est ce que
14 je pensais faire.
15 Est-ce que nous pouvons regarder la pièce à conviction P3 -- non, je
16 m'excuse, P50.
17 Q. Est-ce que vous avez pris cette photographie et qu'est-ce que nous
18 pouvons voir sur cette photographie ?
19 R. Je n'ai pas de photos affichées à mon écran.
20 Q. Est-ce que vous avez pris cette photographie ?
21 R. Oui, c'est moi qui ai pris cette photographie. Il s'agit de la même
22 maison. Vous voyez les cercueils. La photo a tout simplement été prise sous
23 un autre angle.
24 M. STAMP : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir la pièce à
25 conviction P48.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que vous m'autorisez à ajouter quelque
27 chose. Sur cette photographie --
28 Q. Allez-y.
Page 3167
1 R. Maintenant, je ne l'ai plus sur l'écran.
2 Q. Que voulez-vous dire à propos de cette photographie qui était affichée
3 à votre écran ?
4 R. Je voulais dire que vous pouvez voir des restes de nombreuses autres
5 maisons incendiées, parce que sur la première photographie, vous ne pouviez
6 voir que la maison de Baki Kuci, alors que sur la deuxième photographie,
7 vous pouviez voir les ruines d'autres maisons.
8 Q. Merci. Il y a une autre photo qui a été affichée sur votre écran. Est-
9 ce que vous pourriez nous expliquer un peu cette photographie ?
10 R. Oui. C'est moi qui ai pris cette photographie. C'est une photographie
11 de l'école. C'est l'école où je travaillais. Vous pouvez voir qu'il ne
12 reste plus que les ruines de cette école. Nous avons essayé de nettoyer
13 tous les gravats lorsque nous sommes rentrés de la Macédoine et nous avons
14 construit une nouvelle école sur les fondations de l'ancienne. Vous pouvez
15 voir en diagonale la maison incendiée de Garep Loku.
16 Q. Eu égard aux événements du 24 mars, est-ce que vous avez vu des
17 personnes ou un groupe qui auraient tiré sur les forces serbes ce jour-là ?
18 R. Non, pas ce jour-là. Il n'y a personne qui ait tiré sur les forces
19 serbes et il n'y avait pas de trous.
20 Q. Vous avez dit il n'y a pas de -- qu'est-ce que vous vouliez dire ?
21 R. J'ai dit que personne n'avait tiré sur les forces serbes - et lorsque
22 je dis personne, j'entends les gens de la population.
23 Q. Les personnes qui ont été tuées ce jour-là dont certaines ont été
24 exhumées, est-ce que vous savez où ces personnes ont été enterrées ? Elles
25 ont été exhumées pendant l'automne ?
26 R. La plupart de ces personnes ont été enterrées dans la cour de l'école.
27 Q. Est-ce qu'il y a d'autres --
28 R. Elles sont toujours là, ces personnes. Elles y sont toujours de nos
Page 3168
1 jours.
2 Q. Où ont été enterrées les autres ?
3 R. Oui.
4 Q. Vous avez dit, la plupart ont été enterrées dans la cour de l'école. Où
5 ont été enterrées les autres personnes ?
6 R. Les autres ont été enterrées dans un autre endroit dans le cimetière.
7 Q. Quel était cet autre endroit ? Est-ce que vous pourriez nous le
8 décrire ?
9 R. Oui, je peux. Certains ont été enterrés au cimetière de Kacanik. Ceux
10 qui n'ont pas été enterrés dans la cour de l'école ont été enterrés au
11 cimetière de Kacanik.
12 Q. Merci. Est-ce que le cimetière de Kacanik appartenait à une
13 organisation ou est-ce qu'on l'associait à une organisation ?
14 R. Cela, je n'en sais rien.
15 Q. Avez-vous entendu quoi que ce soit à propos d'une organisation à
16 laquelle le cimetière de Kacanik aurait pu être associé ?
17 R. Non.
18 Q. Très bien. Savez-vous si l'une ou l'autre de ces personnes dont nous
19 avons parlé auraient été enterrées dans un cimetière associé avec l'UCK ?
20 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Visnjic.
22 M. VISNJIC : [interprétation] Il me semble que mon collègue est allé un peu
23 trop loin en ce qui concerne les questions directrices. Le témoin a répondu
24 par deux fois à la même question, et maintenant, on lui pose une question
25 directrice. Mon éminent collègue, M. Stamp, lui pose une question
26 directrice.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, ce n'est pas tout à fait le même
28 genre de questions directrices que la question qui peut faire l'objet d'une
Page 3169
1 objection, Monsieur Visnjic, puisqu'ici, il s'agit d'une question
2 directrice qui va à l'encontre de ses intérêts finalement.
3 Je sais qu'il y a une pratique dans ce Tribunal, on a tendance à suivre la
4 procédure américaine, anglaise ou australienne, c'est-à-dire qu'il faut
5 suivre des standards avant que l'on puisse savoir si un témoin est hostile
6 ou non. Il me semble qu'un témoin, de toute façon, doit être interrogé de
7 la façon appropriée et qui convient au vu des problèmes et des questions
8 que l'on étudie.
9 Alors, vous, vous soulevez que vous voulez une objection et vous ne
10 voulez pas que l'on pose cette question à ce témoin; c'est bien cela ? Vous
11 confirmez que vous soulevez une objection ?
12 M. VISNJIC : [interprétation] Oui. Je soulève une objection.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, quelle est votre
14 réponse ?
15 M. STAMP : [interprétation] Je certifie que nous sommes dans l'exception à
16 la règle, mais nous aimerions quand même que nous puissions poser cette
17 question, parce que si cela nous donne une réponse positive, il est bien
18 évident que cela va aller à l'encontre de nos intérêts, mais il y a quand
19 même un but, là derrière.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Nous allons étudier la
21 chose.
22 [La Chambre de première instance se concerte]
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous ne pensons pas que cette question
24 porterait préjudice aux accusés. Quand il y a un problème -- s'il y avait
25 un problème et si l'Accusation considère que le témoin n'est pas en train
26 de tout dire et donc qu'il convient de le diriger un petit peu, il nous
27 semble qu'il est normal, après tout, que l'Accusation pose une question qui
28 pourrait être peut-être plutôt vue comme une question de contre-
Page 3170
1 interrogatoire. Mais du moment que cela ne porte pas préjudice aux accusés,
2 nous considérons que cette question est acceptée. Donc, nous attendons une
3 réponse.
4 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Q. Monsieur Loku, je reprends ma question : savez-vous s'il y a des
6 personnes exhumées qui auraient été enterrées dans un cimetière ayant une
7 relation quelconque avec l'UCK ? En avez-vous entendu parler peut-être par
8 la suite ?
9 R. Oui. Certaines autres personnes ont été enterrées au carré des héros
10 dans le cimetière de Kacanik.
11 Q. Pour être bien sûr de ce que vous venez de nous répondre, quand vous
12 dites il y a "d'autres personnes" qui ont été enterrées dans ce fameux
13 carré, vous parlez de personnes qui auraient été massacrées ce jour du 24
14 mars, n'est-ce pas, personnes de votre village ?
15 R. Oui, je parle de personnes qui avaient été tuées le 24 mars et ainsi
16 que le 9 mars. Il s'agit de personnes qui ont trouvé la mort ces deux
17 jours-là.
18 Q. Pourriez-vous nous dire à peu près combien de personnes ont été
19 enterrées dans ce carré des héros au cimetière de Kacanik ? Donnez-nous un
20 ordre d'idée.
21 R. Moins de la moitié. Sept ou huit. Je n'ai pas de chiffre exact en tête.
22 Q. Et le --
23 R. Cela comprend les personnes qui ont été tuées le 9 mars.
24 Q. Donc, ce carré des héros à Kacanik, au cimetière de Kacanik, est-ce
25 associé à l'UCK ?
26 R. Oui. Il y a un lien avec l'UCK. C'est un cimetière qui appartient à
27 l'UCK, mais toutes les personnes tuées n'y sont pas. La description a été
28 faite par quelqu'un d'autre.
Page 3171
1 Q. Je vais vous reposer cette question. Vous nous dites que toutes les
2 personnes n'ont pas été tuées et que la description a été faite par
3 quelqu'un d'autre. Pouvez-vous nous réexpliquer ce que vous venez de dire ?
4 Qu'est-ce que vous voulez dire exactement dans votre réponse précédente
5 parce qu'elle n'est pas très claire ?
6 R. En disant cela, je veux dire, qu'après avoir examiné les corps exhumés,
7 la plupart des personnes trouvées là ont été enterrées dans la cour de
8 l'école. Mais il y avait deux autres cimetières aussi -- il y avait deux
9 autres tombes. Il y avait deux autres tombes. Les personnes qui ont été
10 exhumées depuis les trous ont été enterrées dans le cimetière des martyrs à
11 Kacanik. On les trouve encore là, d'ailleurs, dans ce cimetière des
12 martyrs, ou des héros.
13 Q. Très bien. Quand vous étiez en Macédoine, avez-vous été interviewé par
14 des membres de l'OSCE, de l'Organisation de Sécurité et de Coopération en
15 Europe ?
16 R. Oui. J'ai été interviewé par l'OSCE ainsi que par le TPY.
17 Q. Lors de cette interview, avez-vous parlé à l'OSCE de ces événements
18 auxquels vous aviez assisté le 24 mars 1999 à Kotlina ?
19 R. Oui.
20 M. STAMP : [interprétation] Merci, Messieurs et Mesdames les Juges. Je n'ai
21 plus de questions en ce qui concerne l'interrogatoire principal.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
23 Monsieur Loku, êtes-vous toujours directeur de l'école ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, j'ai emménagé à Ferizaj et j'y habite
25 depuis quatre ans maintenant. Je travaille dans une autre école maintenant.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] L'école de Kotlina a été reconstruite,
27 c'est ce que vous nous avez dit. Est-ce qu'elle est en tant
28 qu'établissement scolaire à l'heure actuelle ?
Page 3172
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, c'est une école. Elle a été
2 reconstruite et il y a des élèves. Les élèves sont retournés à l'école et
3 il y a d'autres enseignants aussi maintenant dans cette école.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
5 Monsieur O'Sullivan.
6 M. STAMP : [interprétation] Avant que M. O'Sullivan ne prenne la parole,
7 j'ai une chose à dire pour le compte rendu. Il y a une autre pièce qui se
8 trouve sur le formulaire. Il s'agit de la pièce P26 -- non, je me reprends,
9 la pièce P358. Il s'agit d'une carte qui a été prise sur l'atlas du Kosovo,
10 qui montre Kotlina, Ivaja ainsi que les villages avoisinants qui ont été
11 mentionnés par le témoin. Toutes ces localités sont marquées. Je pense
12 qu'il n'y a pas besoin de montrer tout cela au témoin à l'heure actuelle.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
14 Monsieur O'Sullivan.
15 M. O'SULLIVAN : [interprétation] L'ordre sera le général Ojdanic, le
16 général Pavkovic et le général Lukic, M. Sainovic,
17 M. Milutinovic et le général Lazarevic.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
19 Monsieur Visnjic, c'est à vous.
20 M. VISNJIC : [interprétation] Merci.
21 Contre-interrogatoire par M. Visnjic :
22 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Loku. Je m'appelle Tomislav Visnjic
23 et je représente M. Ojdanic avec mon collègue,
24 M. Sepenuk. Nous avons quelques questions pour vous.
25 Tout d'abord, commençons par les événements portant sur la présence de la
26 mission de l'OSCE dans votre village. Dans votre déclaration à la page
27 0081732 [comme interprété], vous dites que la Mission de l'OSCE a quitté
28 votre village le 23 mars 1999, dans l'après-midi. Lors du procès Milosevic,
Page 3173
1 au compte rendu à la
2 page 2 003, vous avez aussi confirmé la même chose.
3 Vous affirmez à nouveau aujourd'hui que la Mission de l'OSCE a quitté votre
4 village le 23 mars 1999 ?
5 R. Oui. L'OSCE est partie le 23 mars 1999. On ne savait pas qu'ils
6 n'allaient pas revenir. Ils étaient dans le village. Ils étaient tout le
7 temps dans le village entre le 10 et le 23 mars. Ils étaient là absolument
8 de façon permanente, mais ils sont partis le
9 23 et ils ne sont jamais revenus.
10 Q. Bien, Monsieur Loku, concernant la date du 23 mars, nous avons un
11 certain nombre de problèmes avec cette date, puisque toute la mission OSCE
12 et son personnel ont quitté le territoire de la République fédérale de la
13 Yougoslavie le 20 mars 1999. Ils ne pouvaient pas se trouver dans votre
14 village les 21, 22 et 23 mars.
15 R. Ils se trouvaient dans le village. Est-ce que je peux parler ?
16 Q. Oui, poursuivez.
17 R. Bien, nous habitons le sud du Kosovo et peut-être que les
18 -- ils étaient peut-être les derniers -- le dernier endroit qu'ils ont
19 quitté. En tout cas, ils y étaient jusqu'au 23. Quelqu'un de l'OSCE peut le
20 vérifier si ceci est vrai ou pas.
21 Q. Bien. Merci. Alors que l'OSCE était sur les lieux dans votre village,
22 est-ce qu'ils étaient présents 24 heures sur 24 ou s'y rendaient-ils chaque
23 jour ?
24 R. Au départ, ils restaient jour et nuit dans le village. Mais les deux,
25 trois derniers jours, ils ne s'y rendaient que le soir car le village était
26 complètement dans le noir. Il n'y avait pas d'électricité et la population
27 et les enfants, en particulier, étaient traumatisés. Pour ces raisons, ils
28 mettaient les phares de leurs véhicules des deux côtés du village pour que
Page 3174
1 les enfants aient un peu moins peur.
2 Q. Oui, Monsieur Loku, vous l'avez dit dans votre déposition.
3 Ma question est la suivante : est-ce que vous savez que l'OSCE, pendant
4 chacune de ses visites dans votre village, avait besoin de l'autorisation
5 des autorités yougoslaves; le saviez-vous ? Les villages dans la zone
6 frontalière, c'était applicable à ces villages.
7 R. Je n'étais pas au courant.
8 Q. Merci. Monsieur Loku, pour revenir maintenant aux événements qui ont eu
9 lieu avant le 24 mars, avant cette date-là, avez-vous constaté si, oui ou
10 non, certaines personnes dans votre village étaient revêtues d'habits verts
11 ou de vert camouflage ? Est-ce qu'ils portaient des vestes de ce type-là ?
12 R. Non, aucune personne ne portait ce type d'uniforme.
13 Q. Avant cette même date, à savoir le 24 mars 1999, avez-vous remarqué si
14 quelqu'un dans votre village portait des pantalons ou des chemises en tissu
15 de camouflage ?
16 R. Non, je n'ai rien remarqué de la sorte.
17 Q. Avez-vous vu des personnes qui portaient peut-être un béret rouge ?
18 R. Non.
19 Q. Savez-vous si quelqu'un dans votre village avait en sa possession ou
20 utilisé un dispositif radio de la marque Motorola ?
21 R. Non, je ne le savais pas.
22 Q. Est-ce que, dans votre village, il y avait quelqu'un qui avait en sa
23 possession ou alors portait des fusils semi-automatiques de manufactures
24 chinoises ?
25 R. Il n'y avait aucune arme dans notre village. Même les fusils de chasse
26 avaient été pris par la police serbe avant.
27 Q. Si je vous posais la question de savoir si quelqu'un dans votre village
28 portait ou utilisait un fusil M-95 ou s'il possédait des grenades, et bien,
Page 3175
1 j'imagine que vous allez me donner la même réponse; est-ce exact ?
2 M. CEPIC : [interprétation] Je suis désolé, mais nous n'avons pas
3 d'interprétation B/C/S.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A quel point cela s'est interrompu,
5 Monsieur Cepic ?
6 M. CEPIC : [interprétation] Ligne --
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] S'il vous plaît, Monsieur Cepic, votre
8 micro.
9 M. CEPIC : [interprétation] Désolé. Page 84, à partir de la ligne 17. C'est
10 à partir de ce moment-là que nous avons perdu la traduction B/C/S.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, la réponse est qu'il est dit :
12 "Qu'il n'y avait aucune arme dans notre village. Même les fusils de chasse
13 que possédaient certains villageois avant avaient été pris par la police
14 serbe." Ensuite, il y avait une autre question qui n'a pas encore reçu de
15 réponse. Peut-être, Monsieur Visnjic, vous pouvez répéter la question afin
16 que toutes les parties puissent avoir la teneur.
17 M. CEPIC : [interprétation] Oui.
18 M. VISNJIC : [interprétation]
19 Q. Monsieur Loku, si je vous posais la question de savoir si oui il y
20 avait dans votre village quelqu'un qui utilisait ou portait un fusil M-95,
21 appelé Steyr, ou une grenade, vous allez sans doute me répondre de la même
22 façon que vous l'avez fait pour mes précédentes questions; est-ce exact ?
23 R. Comme je l'ai dit, en effet je n'ai vu aucune personne qui portait une
24 arme dans le village, en autant que je le savais. Il n'y avait aucune arme
25 dans le village.
26 Q. Très bien.
27 M. VISNJIC : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait préparer pour le témoin
28 la pièce 3D74 alors que j'évoque la question suivante.
Page 3176
1 Q. Monsieur Loku, par conséquent, vous n'avez aucune connaissance
2 concernant un éventuel dépôt d'équipement dans l'une des maisons de votre
3 village, qui contenait entre autres neuf sacs de couchage, neuf sacs à dos
4 de soldats, différents pantalons de l'uniforme de soldats en couleur verte,
5 des gilets, des T-shirts, des tentes, des Motorolas, deux grenades à main
6 de marque chinoise, six fusils semi-automatiques avec munitions, un fusil
7 style M-95 et
8 30 000 -- je m'en reprends, 224 pièces de munitions de calibre 7.62 avec
9 une charge augmentée, de même que 2 347 pièces de munitions de calibre 7.62
10 pour les fusils automatiques. Rien de tout ceci ne vous rappelle rien
11 j'imagine ?
12 L'INTERPRÈTE : L'interprète rajoute un autre élément, des lames chargeurs.
13 R. Ce n'est pas que cela ne me dit rien, mais aucun des objets que vous
14 venez de mentionner ne se trouvait dans mon village. Il n'y avait ni armes,
15 ni équipement.
16 Q. Très bien.
17 M. VISNJIC : [interprétation] On peut, par conséquent, montrer au témoin la
18 pièce 3D74. Je demanderais à l'Huissier, s'il veut bien, car je suis en
19 possession d'une meilleure copie, de la remettre au témoin.
20 Monsieur le Président, concernant cette pièce et la qualité des
21 photographies, je voudrais vous donner quelques explications. Je vais tout
22 d'abord donner la copie à M. l'Huissier. Je vous remercie de le mettre sur
23 le rétroprojecteur.
24 Q. Monsieur Loku, reconnaissez-vous si, oui ou non, cette maison était
25 dans votre village ?
26 On pourrait peut-être montrer la page 3 sur le rétroprojecteur. Il
27 s'agit toujours de la pièce 3D7, page 3.
28 Monsieur Loku, est-ce que cette maison vous semble être l'une des maisons
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1 qui était dans votre village ?
2 R. Non. Je ne pense pas qu'il s'agisse là d'une maison qui était dans mon
3 village.
4 Q. Vous ne la reconnaissez pas ou vous êtes certain que ce n'est pas une
5 maison qui était dans votre village ?
6 R. Je suis certain.
7 Q. Vous êtes certain que cette maison n'était pas dans votre village ?
8 R. Oui, je le suis.
9 Q. Concernant --
10 R. Sur la page de la photographie que je vois actuellement, je ne
11 reconnais pas cette maison comme étant une maison qui était dans mon
12 village, d'après ce que je vois devant moi.
13 Q. Très bien, Monsieur Loku. Maintenant, si on regarde les deux autres
14 pages, là aussi, j'imagine que vous n'allez pas pouvoir reconnaître
15 l'intérieur d'une maison qui aurait été dans votre village. Il s'agit
16 maintenant des pages 4 et 5, de la même pièce que vous avez devant vos
17 yeux.
18 R. On peut voir, d'après les photographies, qu'il y a quelque chose dans
19 ces pièces, mais je n'ai jamais vu ces vêtements et je ne pense pas qu'il
20 s'agisse de chambres ou de pièces qui se trouvaient dans des maisons
21 situées dans mon village.
22 Q. Merci, Monsieur Loku.
23 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, ce serait peut-être le
24 moment pour moi de m'interrompre, car je vais passer à une autre série de
25 documents qui relèvent de la même question, mais je peux attendre jusqu'à
26 demain.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Visnjic.
28 Monsieur Loku, nous allons nous interrompre jusqu'à demain car une autre
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1 affaire va occuper ce prétoire cet après-midi. Nous devons, par conséquent,
2 nous arrêter. Nous allons vous écouter à nouveau demain -- votre témoignage
3 demain. Là, il s'agira de la séance de l'après-midi, à 14 heures 15.
4 Il vous faut absolument être ici en mesure de témoigner à
5 14 heures 15 demain. En attendant, il est très important que vous vous
6 absteniez de parler de votre témoignage avec qui que ce soit, qu'il
7 s'agisse des éléments que vous avez évoqués auparavant ou ce que vous avez
8 évoqué ici dans le prétoire. Vous pouvez parler de toute autre chose avec
9 les personnes que vous rencontrez mais ne parlez en tout cas pas de votre
10 témoignage ici. On vous verra demain à 14 heures 15.
11 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le mardi 12 septembre
12 2006, à 14 heures 15.
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