Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 11 septembre 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

7 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin suivant est

8 M. Bedri Hyseni.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Hyseni.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.M. LE JUGE

11 BONOMY : [interprétation] Je vous demanderais de bien vouloir prononcer la

12 déclaration solennelle en prononçant cette déclaration qui se trouve sur le

13 document que l'on vous donne maintenant.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

15 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

16 LE TÉMOIN: BEDRI HYSENI [Assermenté]

17 [Le témoin répond par l'interprète]

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous

19 asseoir, je vous prie. Monsieur Hyseni, nous avons déjà la déclaration que

20 vous avez faite par le passé. Donc, nous avons déjà de nombreux

21 renseignements à propos de ce que vous allez nous dire. Vous êtes venu ici

22 aujourd'hui pour que le conseil, pour que les représentants de l'Accusation

23 et de la Défense puissent vous poser des questions pour ajouter certains

24 renseignements supplémentaires par rapport à ce que vous avez dit, pour

25 contester certains de vos propos ou pour préciser certaines choses.

26 Ce qui absolument essentiel pour nous, c'est d'obtenir le plus grand nombre

27 de renseignements possibles. Nous ne voulons réentendre ce que vous avez

28 déjà dit. Nous voulons, par contre, entendre les réponses aux questions

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1 bien précises qui vous seront posées. Nous vous serions extrêmement

2 reconnaissants si vous étiez en mesure de bien vouloir vous concentrer sur

3 les questions qui vous sont posées afin de pouvoir apporter des réponses

4 aux questions bien précises qui vous seront posées. Si vous pouvez ou si

5 vous le faites, je dois vous dire que vous rendrez à tout le monde, y

6 compris à vous même un très, très grand service.

7 La première personne qui va vous poser des questions aujourd'hui est le

8 représentant du Procureur, M. Hannis.

9 Monsieur Hannis.

10 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. La déposition de

11 ce témoin est présentée conformément à l'article

12 92 bis(D)[comme interprété]. Il s'agit du jeu de documents au titre de

13 l'article 92 bis, qui est le document 2270 que nous verserons au dossier.

14 Ce sont des éléments de preuve qui sont afférents aux assassinats et

15 expulsions forcées d'Urosevac, municipalité de Ferizaj. Et cela est

16 pertinent aux paragraphes 72(H), 73, 75(H), 77 de l'acte d'accusation.

17 Interrogatoire principal par M. Hannis :

18 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Hyseni.

19 R. Bonjour.

20 Q. Nous avons déjà moult renseignements de votre déclaration écrite, mais

21 je voudrais vous présenter dans un premier temps, présenter votre

22 déclaration en posant quelques questions, ensuite, la Défense aura la

23 parole.

24 Dans un premier temps, Monsieur, je voulais confirmer auprès de vous que

25 vous êtes bien un Albanais du Kosovo et que vous êtes né en 1960 à Ferizaj,

26 Urosevac, et que depuis, vous avez vécu dans le village de Biba, dans cette

27 municipalité; est-ce exact ?

28 R. Oui, c'est exact.

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1 Q. Je crois comprendre que vous êtes marié, que vous avez trois enfants,

2 que vous travaillez en tant que menuisier, et qu'entre 1991 et 1999 vous

3 avez travaillé pour le conseil de la Défense des droits de l'homme et pour

4 la liberté à Urosevac, municipalité de Ferizaj; est-ce exact ?

5 R. Oui, c'est exact.

6 Q. Merci. J'aimerais vous poser quelques questions à propos de votre

7 déclaration de l'année 2001. Je souhaiterais que nous parlions de la page

8 4, les deux premiers paragraphes de la version anglaise. Il me semble qu'en

9 version B/C/S, cela correspond à la page 3, quatrième et cinquième

10 paragraphes.

11 Car, Monsieur Hyseni, vous parlez de ce qui a précédé la campagne de

12 l'OTAN. Vous dites qu'il y a eu un rassemblement de forces serbes dans

13 votre municipalité. Vous décrivez comment cela a été effectué

14 essentiellement avec des réservistes de la police. Alors, ce que vous

15 pourriez nous dire, comment vous pouvez faire la différence entre des

16 réservistes de la police des autres forces de police qui se trouvaient déjà

17 sur les lieux. Est-ce qu'ils avaient un uniforme différent ? Comment est-ce

18 que vous pouviez faire la part des choses entre les deux ?

19 R. Les forces paramilitaires réservistes étaient différentes. Leur âge

20 était différent, leur comportement était différent également, alors que

21 l'armée de métier ou les forces militaires régulières étaient plus jeunes;

22 ils étaient différents. Cela pour ce qui est des forces militaires, mais

23 c'est également valable des forces de police. Voilà où résident les

24 différences.

25 Q. Dans cette partie de votre déclaration, vous faites référence aux

26 militaires. Est-ce que vous faites référence à la VJ lorsque vous parlez

27 des militaires ? Donc, il s'agit des forces qui ont commencé à arriver un

28 mois avant l'OTAN ?

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1 R. Oui. Je parle de la VJ de l'armée yougoslave. Puis --

2 Q. Dans le paragraphe suivant, vous dites : "En coopération avec les

3 autres," et vous faites référence à la VJ et au MUP, "ils ont armé la

4 population civile serbe."

5 Premièrement, est-ce que vous pourriez dire aux Juges de la Chambre de

6 première instance comment vous le savez, cela ? Comment est-ce que vous

7 savez qu'ils ont armé les civils serbes ?

8 R. Je le sais également par les médias, je l'ai appris par cela. Mais

9 également, je le sais parce que la population serbe était armée. Elle avait

10 même un uniforme. Pendant les campagnes aériennes de l'OTAN, ils portaient

11 tous des uniformes et ils étaient armés.

12 Q. Est-ce que vous savez comment s'est effectuée la distribution d'armes ?

13 Est-ce que vous avez vu des armes qui avaient été données à des Serbes, ou

14 est-ce que vous avez vu des Serbes se rendre à des centres de distribution

15 d'armes ? Comment est-ce que vous le savez ?

16 R. Non, je n'ai pas vu cela, mais j'en ai entendu parler par la presse,

17 par les médias. J'ai entendu dire que les armes étaient distribuées. Cela

18 s'est même passé plus tôt. Je ne l'ai pas vu, cela, mais je les ai vus

19 armés, ceci étant dit.

20 Q. Est-ce que les autorités serbes ont distribué des armes aux Albanais du

21 Kosovo ou à certains Albanais du Kosovo pour qu'ils puissent combattre

22 l'OTAN ?

23 R. Non, non, ils n'ont pas distribué d'armes aux Albanais du Kosovo pour

24 qu'ils se battent contre l'OTAN. D'ailleurs, même s'ils l'avaient fait, ils

25 l'auraient refusé.

26 Q. J'aimerais passer au paragraphe suivant de votre déclaration. Vous

27 indiquez qu'environ un an avant le début des campagnes aériennes de l'OTAN,

28 il y avait un groupe qui s'appelait la Main noire dans votre municipalité,

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1 et vous dites à leur sujet et je cite : "Qu'ils étaient armés, qu'ils ne

2 choisissaient pas leurs victimes, qu'ils tuaient qui bon leur semblait

3 qu'ils voulaient et qu'ils utilisaient cette méthode pour commencer le

4 nettoyage ethnique au Kosovo."

5 Est-ce que vous pourriez peut-être étoffer un peu votre propos à ce sujet ?

6 Premièrement, est-ce que vous pourriez nous dire quand est-ce que vous avez

7 entendu parler pour la première fois de ce groupe appelé la Main noire ?

8 R. La Main noire a commencé à opérer non pas un an avant le début des

9 campagnes aériennes de l'OTAN, mais plusieurs mois avant. C'est un groupe

10 qui a commencé à fonctionner à la fin de 1998 lorsque nous, Albanais, avons

11 entendu cette information. Ce groupe, la Main noire, qui était opérationnel

12 à Ferizaj, a tué deux personnes du village de Staro Selo. C'est un vieux

13 village. Une des victimes, c'était Selami Nagoshi, puis il y avait un autre

14 jeune homme dont je ne me souviens plus du nom, mais il venait de la

15 famille Leskovc.

16 Q. Est-ce que c'est la première fois que vous aviez entendu parler de la

17 Main noire, à savoir lorsque ces deux jeunes hommes ont été tués ?

18 R. C'était de notoriété publique parmi la population. Avec le meurtre de

19 Leskovc qui a été trouvé en pleine rue, il avait été massacré. Sa famille a

20 dit qu'il avait été tué par la Main noire.

21 Q. Est-ce que vous vous souvenez qui vous a, pour la première fois, parlé

22 de la Main noire ? Qui vous a transmis ces informations ?

23 R. Vous me posez la question à propos de la Main noire ? Personne,

24 personne ne m'en a parlé. C'était de notoriété publique, parce qu'il y

25 avait des Albanais qui étaient tués de façon très mystérieuse. Cela a été

26 vérifié pendant ces mois. Jusqu'au début de la campagne aérienne de l'OTAN,

27 nous n'osions pas sortir de chez nous après 18 heures.

28 Je me souviens d'une fois, j'ai vu une voiture Golf qui n'avait pas de

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1 plaques d'immatriculation, qui était garée devant ma cour. Je n'ai pas

2 identifié les gens qui se trouvaient à l'intérieur.

3 Q. Que disait-on de la Main noire ? Avec qui étaient-ils associés ou

4 affiliés, d'après ce que l'on disait ?

5 R. Je ne suis pas très sûr d'avoir compris votre question.

6 Q. Et bien, est-ce qu'il s'agissait juste d'un groupe de délinquants, ou

7 est-ce qu'ils étaient associés à une unité ou à un organe organisé, par

8 exemple ? Est-ce que vous savez cela ?

9 R. Oui. Les gens savaient que ce groupe était composé de civils serbes et

10 qu'ils étaient associés avec des gens qui, auparavant travaillaient avec la

11 police.

12 Q. Pourquoi est-ce que dans votre déclaration vous associez leurs

13 activités au nettoyage ethnique au Kosovo ?

14 R. Parce que les gens avaient peur. Ils voulaient susciter la crainte

15 parmi la population pour que la population parte.

16 Q. Merci. Au paragraphe suivant de votre déclaration de l'an 2001, vous

17 dites et je cite : "Eu égard à l'UCK, la situation était telle qu'elle a

18 imposé la création de l'UCK ou l'établissement de l'UCK."

19 Je crois comprendre ce que vous souhaitez dire par là. Est-ce que vous

20 pourriez nous expliquer comment se fait-il que "cette situation a imposé en

21 quelque sorte l'UCK ?"

22 R. Oui. Du fait de cette violence systématique dont ils faisaient les

23 frais et qui a abouti à la révocation du statut politique, notamment

24 d'ailleurs au cours des dix dernières années, cette violence a été prouvée

25 lorsqu'il y a eu révocation de la liberté, de notre liberté la plus

26 élémentaire. En fait, les Albanais ne pouvaient rien faire d'autre que

27 défendre leurs acquis.

28 Avec l'essor de la violence de la part des forces serbes, la jeunesse

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1 albanaise, l'élément le plus vital de la population au Kosovo, a dû faire

2 face à cette violence qui s'est exprimée ou manifestée dans tous les

3 domaines au Kosovo. Par conséquent, l'UCK a été créé, parce qu'il n'y avait

4 aucune autre issue pour la population albanaise du Kosovo.

5 Q. J'aimerais maintenant passer à la page 5, paragraphe 2 de la version

6 anglaise. Il s'agit, en fait, de la page 4, cinquième paragraphe.

7 Vous expliquez que lorsque la campagne aérienne de l'OTAN a commencé, il y

8 a deux véhicules de transport de troupes qui ont tiré sur le village de

9 Biba pendant qu'ils passaient à côté du village. Ensuite, au paragraphe

10 suivant, vous expliquez comment, après trois jours, vous êtes allé à Sojevo

11 et vous nous avez dit que la VJ s'était installée dans l'école.

12 Comment est-ce que vous avez été mis au courant de ces deux

13 événements, le fait que les véhicules de transport de troupes ont tiré sur

14 le village et le fait que la VJ s'était installée dans l'école ? Est-ce que

15 vous l'avez vu vous-même, de visu, ou est-ce que cela vous a été relaté par

16 quelqu'un d'autre ?

17 R. Non, je l'ai vu moi-même de mes propres yeux. Le 24 mars, la campagne

18 aérienne a commencé vers 20 heures, et vers 23 heures, à partir d'une

19 colline qui se trouve assez loin de la route goudronnée qui conduit à

20 Gjilan, cela se trouvait à 400 ou 500 mètres, il y a deux véhicules de

21 transport de troupes qui sont arrivés de la ville et qui sont allés

22 jusqu'au pont qui relie Skopje et Gjilan. Il y en a un qui s'est arrêté là,

23 l'autre qui s'est dirigé vers le village de Sojevo.

24 A Sojevo, nous ne l'avons pas vu, mais il a commencé à pilonner de

25 façon constante toutes les maisons. Il a également pilonné le nouveau

26 quartier de Sojevo.

27 Pour ce qui est du village de Biba, là, je dois dire qu'il y avait

28 des tirs constants. Il y a des tirs qui, d'ailleurs, ont touché mon foyer.

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1 Je n'étais pas chez moi. Afin d'assurer la sécurité de ma famille, je les

2 avais emmenés au centre du village.

3 Après trois jours, je suis allé de Biba à Sojevo pour rendre visite à

4 mon oncle. Là, j'ai vu que l'armée s'était cantonnée dans l'école du

5 village de Sojevo. Et le 4 avril, nous avons vu comment ils se sont

6 déployés dans l'école.

7 C'est un village qui est assez pentu, il y a plusieurs collines. De

8 ce fait, on peut voir différents endroits. Comme je l'ai dit, le 4 avril,

9 il y a une unité de la VJ qui s'est cantonnée à l'école de Sojevo.

10 Le 2 avril - je ne veux pas l'oublier - il y a trois chars et deux

11 canons d'artillerie qui se sont positionnés tout près du foyer de mon oncle

12 à Sojevo et cette unité est restée là jusqu'au 6 avril. Ils ont brûlé la

13 maison, ensuite, ils sont partis et ils ont rejoint l'unité qui était

14 cantonnée à l'école de Sojevo.

15 Q. Nous allons parler du 6 avril - et je vous parle de la déclaration de

16 1999, parce que dans votre première déclaration, vous donnez de plus en

17 plus de détails à ce sujet. Il s'agit des deux derniers paragraphes de la

18 page 2 de la version anglaise et du premier paragraphe de la page 3. Dans

19 la version B/C/S, c'est le dernier paragraphe de la page 2.

20 Vous mentionnez 18 paramilitaires serbes et vous dites que deux de ces

21 paramilitaires sont allés chez votre oncle et ont tué votre oncle et son

22 épouse. Cela est expliqué de façon détaillée dans votre déclaration. Vous

23 dites que plus tard, vous avez entendu que le commandant de cette unité

24 paramilitaire était Novica Mijovic du village de Nikodim. Comment est-ce

25 que vous avez appris cela ? Qui vous a dit que c'était Mijovic qui était le

26 commandant de ce groupe qui avait commis cela ?

27 R. Le 6 avril, vers 8 heures, ce groupe paramilitaire - je les décris

28 comme des paramilitaires, mais il y avait également des policiers, c'était

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1 un groupe mixte en quelque sorte, nous en avions compté environ 18 - ils

2 ont pénétré dans le village de Sojevo et ils ont incendié tout le quartier.

3 Ils ont tué deux personnes, Hamit Halimi, qui avait 30 ans et Qerim Ajvazi,

4 qui avait environ 60 ans. Qerim a probablement été, dans un premier temps,

5 blessé. Etant donné qu'il n'y avait personne qui pouvait lui porter secours

6 et étant donné qu'ils ont incendié les maisons, il est mort. Cela, je l'ai

7 vu de mes propres yeux, parce que nous avons enterré leurs corps après deux

8 jours.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On vous avait demandé d'éviter

10 justement cela, Monsieur. Une question très précise vous a été posée : "Qui

11 vous a dit que Mijovic était le commandant du groupe qui a fait cela ?"

12 Est-ce que vous pourriez répondre à cette question, Monsieur ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Je voulais vous fournir une

14 description un peu plus globale, mais je vais répondre à la question.

15 Mijovic venait du village de Nikodim. C'est un Serbe qui travaillait pour

16 l'armée yougoslave à Ferizaj. Dans le quartier où j'étais, là où mon oncle

17 et son épouse ont été tués - il s'agit de mon oncle maternel - la

18 population était partie. Nous nous étions scindés en deux groupes; une

19 partie qui est allée à Lugu i Zenes et l'autre qui est allée dans une

20 prairie.

21 Mijovic et d'autres ont saisi ce groupe, ont séparé les hommes des femmes,

22 leur ont confisqué tous leurs bijoux et tout leur argent et leur ont dit de

23 se rendre à Ferizaj, et ils leur ont dit : "Si vous revenez, nous vous

24 tuerons."

25 Mijovic était connu par beaucoup de personnes. Danush Nebiu, qui est mon

26 oncle maternel, le connaissait. Il m'a dit que c'était Mijovic qui

27 dirigeait le groupe parce que c'est lui qui prenait toujours la parole. Il

28 y en a d'autres qui me ont relaté cela ainsi que Danush.

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1 Q. Quand est-ce que Danush vous a relaté cela, Danush Nebiu ?

2 R. J'en ai entendu parlé à Sojeve également, mais Danush me l'a dit

3 lorsque nous étions à Stankovac.

4 Q. Bien. Comment est-ce qu'il savait cela, lui ? Est-ce qu'il l'avait vu

5 lui-même ou est-ce que c'est quelqu'un d'autre qui lui avait narré ceci ?

6 R. Il l'a vu lui-même. Il l'a vu, son frère l'a vu ainsi que tous les gens

7 qui habitaient dans ce quartier. Ils le connaissaient tous. Son oncle a été

8 tué. Donc, les deux personnes, l'homme et la femme dont j'ai parlé, ils ont

9 été tués. Il s'agit de son oncle et de l'épouse de son oncle.

10 Q. Alors, ce crime, cet assassinat, ou le meurtre de votre oncle et de son

11 épouse, est-ce que cela a fait l'objet d'un rapport auprès de la police ou

12 auprès de quelqu'un ? Est-ce que vous en avez entendu parler ? Est-ce qu'un

13 rapport a été dressé ?

14 R. Il y a eu ces deux assassinats et nous n'avons présenté aucun rapport à

15 ce sujet. Cela n'a fait l'objet d'aucun rapport et cela s'est passé dans le

16 quartier de Limanaj.

17 Q. Est-ce que vous savez si Mijovic ou l'un de ces hommes ont jamais été

18 inculpés, sanctionnés ou punis pour ces assassinats ?

19 R. Je n'ai aucune information à ce sujet.

20 Q. Est-ce que vous savez où se trouve Mijovic à l'heure actuelle ?

21 R. Non, je ne le sais pas.

22 Q. Dans votre déclaration, vous poursuivez votre récit et vous nous

23 expliquez comment vous vous êtes caché avec d'autres dans les bois pendant

24 quelques jours, jusqu'au moment où vous avez entendu parler d'un ordre où

25 il vous était demandé de vous rendre à Urosevac. Qui a donné cet ordre

26 suivant lequel les civils devaient se rendre à Urosevac ?

27 R. Nous sommes restés dans la forêt pendant quatre jours, et à la fin de

28 ces quatre jours, nous avons reçu un ordre de la part de l'armée yougoslave

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1 qui se trouvait cantonnée dans l'école et dans certaines maisons. L'ordre

2 indiquait qu'il fallait que nous partions. Il y avait le quartier de la

3 mosquée, c'était le quartier le plus important. On leur a intimé l'ordre de

4 partir, et deux personnes de ce quartier nous ont informés et nous ont dit

5 qu'il fallait que nous quittions le village, que nous avions deux heures

6 pour le faire et pour nous rendre vers Skopje ou Ferizaj.

7 Q. Est-ce qu'il y avait des instructions à propos de ce que vous étiez

8 censés faire à votre arrivée à Ferizaj ou à Urosevac ?

9 R. Non.

10 Q. Dans votre déclaration, vous nous dites que le 10 avril, me semble-t-

11 il, vous arrivez à l'entrée d'Urosevac mais que la police vous a donné

12 l'ordre de vous diriger vers Gjilan. Est-ce que vous savez pourquoi on vous

13 a donné l'ordre de vous rendre à Gjilan au lieu d'Urosevac ?

14 R. Lorsque nous sommes arrivés au croisement, le croisement qui relie la

15 route à Skopje, Prishtina et Ferizaj ainsi que Gjilan, il y avait une

16 patrouille de la police qui a donné l'ordre au convoi de rentrer, de

17 rebrousser chemin et de repartir vers Gjilan. Tout le convoi est reparti

18 vers Gjilan de ce fait. Leur objectif était clair, il voulait que nous

19 n'ayons plus de combustible. Il aurait été plus facile ainsi pour eux de

20 nous faire subir des sévices ainsi en chemin. Le but était de nous faire

21 aller vers Gjilan, et ensuite, de nous faire aller vers la Macédoine. Si

22 nous avions suivi cette route, je suis sûr qu'aucun d'entre nous ne serait

23 arrivé en Macédoine.

24 Q. Je vais vous montrer une carte. C'est la carte du Kosovo, pièce à

25 conviction P615. Et je pense que nous avons besoin de la

26 page 24.

27 Vous nous avez dit que vous n'aviez plus beaucoup d'essence ou de

28 combustible et que vous vous êtes arrêtés dans un village qui s'appelle

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1 Slatina; est-ce que cela est exact ?

2 R. Oui.

3 Q. Dans une petite minute, vous allez voir s'afficher sur votre écran une

4 carte. J'espère que cette carte va vous indiquer le secteur dont nous

5 parlions avec votre propre village, le village de Biba.

6 Si nous pouvions agrandir la partie centrale gauche de cette carte, un peu

7 plus peut-être. Je ne sais pas si vous pouvez voir sur cette carte,

8 Monsieur Hyseni. Est-ce que vous voyez votre village, le village de Biba ?

9 R. Oui. Oui, je le vois.

10 Q. Est-ce que vous voyez également Slatina et Sojevo ?

11 R. Oui, oui.

12 Q. M. l'Huissier va vous donner un stylet, et grâce à ce stylet, vous

13 allez pouvoir dessiner sur l'écran. J'aimerais vous demander de mettre un

14 cercle autour de Biba et d'y apposer le

15 chiffre 1.

16 R. [Le témoin s'exécute]

17 Q. Est-ce que vous pouvez maintenant encercler le village de Sojevo et le

18 marquer avec le chiffre 2.

19 R. [Le témoin s'exécute]

20 Q. Ensuite, finalement, je ne sais pas vraiment si Slatina se trouve sur

21 cette carte ?

22 R. Non, je ne le vois pas. L'embranchement se trouve ici. Je vois la

23 route, mais je ne vois le village.

24 Q. D'accord.

25 R. C'est écrit tout petit, j'ai du mal à déchiffrer. Non, je crois que

26 c'est ici.

27 Q. Si vous pouviez encercler Slatina et mettre un 3 à côté.

28 R. [Le témoin s'exécute]

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1 M. HANNIS : [interprétation] Il faudrait maintenant prendre un cliché de

2 cette carte à l'écran et lui donner la prochaine cote IC. Car nous

3 aimerions le verser au dossier. Je pense que cela va être un chiffre dans

4 les 30.

5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera le IC 000033.

6 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

8 M. HANNIS : [interprétation]

9 Q. Monsieur Hyseni, vous nous dites que vous êtes resté à Slatina à peu

10 près 12 jours, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Ensuite, le 22 avril, vous êtes rentré à Urosevac, et ce, pour une

13 durée d'à peu près cinq jours ?

14 R. Oui.

15 Q. Je crois que vous avez dit que la raison pour votre retour était

16 principalement que votre beau-père et votre beau-frère séjournaient là-bas

17 et ils avaient été blessés; c'est bien cela ?

18 R. Oui.

19 Q. Pourriez-vous nous dire exactement quand ils avaient été blessés et

20 comment ?

21 R. Quand je suis allé de Slatina à Ferizaj, je suis allé voir ma belle-

22 famille, mon père et mon frère. La deuxième nuit, des bombardements de la

23 caserne militaire, la maison de mes beaux-parents, Ramadani, a été touchée.

24 C'est là que mon beau-père a été blessé ainsi que mon beau-frère et mon

25 beau-frère a été blessé assez légèrement.

26 J'ai entendu parler de cela quand j'étais à Sojevo, mais ma femme n'en

27 savait rien. Je ne voulais pas lui dire. Je ne lui ai rien dit avant

28 d'arriver à Ferizaj. Mon beau-père s'appelle Ramush Ramadani et mon beau-

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1 frère s'appelle Fatmir Ramadani.

2 Q. Après, vous êtes resté à peu près cinq jours. Et vous dites qu'un

3 groupe de personnes venant de Nerodimlje est arrivé. Vous les avez rejoints

4 et vous êtes allé avec eux à la gare routière; c'est bien cela ? Est-ce que

5 j'ai prononcé le nom de ce village ?

6 R. Oui. C'est bien Nerodimlje. Après que les militaires et les policiers

7 aient pris Nerodimlje, tout le monde a été évacué du village et une partie

8 de la population est partie sur les routes. Une partie s'est retrouvée dans

9 le quartier de la belle-famille. Or, justement, ce quartier était vide. Il

10 n'y avait plus que de deux familles. Ils ont passé la nuit là-bas.

11 A peu près 30 personnes de Kashtanjeva, qui est près de Nerodimlje,

12 sont restées dans la maison de mon beau-père. Ensuite, je me suis joint à

13 eux avec mon beau-père, nous sommes partis pour Stankovac. Tout ceci est

14 arrivé le 28 avril puisque le 28 avril nous sommes arrivés à Stankovac.

15 Q. Ensuite, vous nous dites que vous êtes montés à bord d'un autocar, vous

16 êtes passés par Kacanik et vous êtes arrivés en Macédoine. Quand est-ce que

17 vous êtes retourné au Kosovo ?

18 R. Je suis retourné au Kosovo après avoir passé une année en tant que

19 réfugié au Royaume-Uni, à Manchester. Je suis rentré le

20 19 juin 2000 au Kosovo.

21 Q. Vous êtes retourné à Biba, chez vous ?

22 R. Oui, je suis rentré chez moi à Biba. J'ai reconstruit ma maison qui

23 avait été incendiée. J'y habite encore.

24 Q. Avant de quitter le Kosovo en avril 1999, est-ce que le village de Biba

25 avait été frappé par les bombardements aériens de l'OTAN ?

26 R. Non. Les bombardements de l'OTAN ont frappé Ferizaj, la caserne

27 militaire. Cela, c'était les premier et deuxième jours des bombardements.

28 On voit très bien Ferizaj depuis notre village. On a bien vu quand la

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1 caserne avait été frappée. Nous avons aussi vu des incendies du côté de

2 Remonti i Vjeter qui est un autre quartier de la ville. C'était un quartier

3 où il y avait des boutiques albanaises. Ces boutiques ont été incendiées

4 par les Serbes. Au départ ont croyait que c'était les bombardements de

5 l'OTAN qui avaient détruit ces boutiques, mais on s'est rendu compte

6 ensuite que ce n'était pas cela, puisque les bombardements n'avaient frappé

7 que la caserne.

8 Q. Puis-je vous demander pourquoi vous avez quitté le Kosovo en avril 1999

9 avec votre famille ?

10 R. Nous sommes partis du Kosovo en avril 1999 à cause des violences

11 exercées par les forces militaires, paramilitaires et police de l'ex-

12 Yougoslavie. On ne pouvait rester nulle part. On ne savait jamais ce que

13 l'avenir allait nous réserver. Tout le monde a quitté le village suite à

14 ultimatum. D'ailleurs, une partie de ma famille aussi s'est retrouvée à

15 Stankovac.

16 Q. Merci. Je n'ai plus de questions à vous poser. Maintenant, la Défense

17 va vous poser des questions.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur O'Sullivan.

19 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous allons procéder dans l'ordre suivant

20 : général Pavkovic, général Ojdanic, M. Sainovic,

21 M. Milutinovic, général Lazarevic et le général Lukic.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

23 Monsieur Ackerman, c'est à vous.

24 Contre-interrogatoire par M. Ackerman :

25 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Hyseni. Je vais vous poser quelques

26 questions, et j'espère que nous allons procéder rapidement. S'il vous

27 plaît, il conviendrait que vous soyez très précis dans vos réponses.

28 R. Bonjour.

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1 Q. Tout d'abord, j'aimerais que nous parlions de cette déclaration que

2 vous avez faite au bureau du Procureur. Vous avez fait cette déclaration le

3 8 mai 1999 à Skopje en Macédoine. C'est Kari Seppanen qui a mené

4 l'interview. Est-ce que vous connaissez bien cette déclaration ? Vous

5 l'avez en tête ?

6 R. Oui, oui, tout à fait.

7 Q. Vous pouvez me confirmer, n'est-ce pas, que cette déclaration vous a

8 été relue dans votre propre langue après sa rédaction, et vous avez eu la

9 possibilité d'y apporter des corrections quand vous avez certain que la

10 déclaration était bien fiable et reflétait bien la réalité, vous l'avez

11 signée et vous avez signé chaque page, c'est-à-dire vous avez initialisé

12 chaque page, n'est-ce pas ?

13 R. J'ai fait cette déclaration en Macédoine. C'est en effet

14 M. Kari qui m'a interviewé. Il me semble que c'était une personne qui

15 venait de Finlande. L'interview ne s'est pas passée à un très bon moment.

16 Je ne savais absolument pas où était ma famille. J'avais aussi perdu la

17 trace d'autres personnes que je connaissais. Mais j'ai fait cette

18 déclaration, elle est parfaitement correcte. A l'époque, j'ai aussi dit que

19 si on me citait pour témoigner, il y aurait certaines modifications à

20 apporter à la déclaration. Mais j'ai en effet signé la déclaration.

21 Q. A la fin de cette déclaration, vous avez signé aussi un certificat

22 disant que cette déclaration représentait ce dont vous vous souveniez à

23 l'époque; c'est bien cela ?

24 R. Oui, j'ai en effet signé cela.

25 Q. Aujourd'hui, devant cette Chambre, vous n'êtes pas en train de nous

26 dire que vous n'avez pas pris cette déclaration à la légère et que n'avez

27 pas essayé d'y rapporter uniquement ce qui était arrivé, n'est-ce pas ?

28 R. J'ai dit la vérité, enfin j'ai dit exactement ce dont je me souvenais.

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1 Q. En mai 1999, c'était juste après tout ce que vous veniez de vivre,

2 n'est-ce pas, c'était vraiment une interview à chaud, si je puis dire ?

3 R. Oui. Ma déclaration a été prise le 8 mai 1999, si je me souviens bien.

4 C'était en mai.

5 Q. Bien. Ensuite, vous avez fait une autre déclaration à un autre

6 enquêteur, enfin une autre personne qui faisait des interviews pour le

7 bureau du Procureur, Mme Annette Murtagh. C'était

8 le 27 août 2001 et le 1er septembre 2001, et ce, dans votre village natal de

9 Biba. A nouveau, la déclaration vous a été lue dans votre propre langue,

10 vous y avez apporté les modifications qui vous semblaient nécessaires, et

11 une fois que vous avez été à peu près sûr que cette déclaration

12 représentait la vérité, vous l'avez signée; c'est bien cela et vous

13 initialisée chaque page ?

14 R. Oui, je l'ai signée. C'est Annette Murtagh qui menait l'interview cette

15 fois-ci. Je ne l'ai pas modifiée, je n'y ai pas apporté de corrections.

16 J'ai juste clarifié certaines petites choses, enfin je n'ai pas modifié ma

17 première déclaration, je l'ai éclaircie, si je peux dire.

18 Q. Après avoir signé cette déclaration, vous avez aussi signé un papier

19 selon lequel cette déclaration représentait ce dont vous vous souveniez et

20 que vous y avez dit exactement ce dont vous vous souveniez ?

21 R. Oui. La déclaration était correcte.

22 Q. Dans votre première déclaration du 24 mars 1999, qui, comme vous nous

23 l'avez dit, représentait votre vérité, vous l'avez bien dit, cela, à

24 l'interview, à la personne qui conduisait l'interview, vous l'avez

25 confirmée. Et à la page 6 [comme interprété] en anglais, il est écrit :

26 "J'étais à la maison avec ma famille quand l'OTAN a commencé ses

27 bombardements le 24 mars 1999. Notre maison se trouve à l'extérieur du

28 village. Pour des raisons de sécurité, j'ai emmené ma famille de l'autre

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1 côté du côteau, plus près du centre du village."

2 C'est bien ce que vous avez écrit dans la première déclaration.

3 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai des copies papier

4 de la déclaration en albanais. Ce serait peut-être plus simple pour le

5 témoin de suivre en albanais.

6 M. ACKERMAN : [interprétation] En effet. Merci.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Pourriez-vous me dire de quel paragraphe vous

8 parlez ?

9 M. ACKERMAN : [interprétation]

10 Q. Cela devrait être le paragraphe 6, je pense.

11 M. HANNIS : [interprétation] En effet, c'est le paragraphe 6.

12 M. ACKERMAN : [interprétation]

13 Q. "J'étais à la maison avec ma famille quand l'OTAN a commencé ses

14 bombardements le 24 mars 1999."

15 Est-ce que vous voyez ce paragraphe ?

16 R. Quand l'OTAN a commencé à procéder à ces bombardements, je n'étais pas

17 chez moi; j'étais chez mon oncle. Toute ma famille y était d'ailleurs,

18 puisque ma maison se trouve très près de la grand-route qui va à Gjilan. En

19 fait, toute la famille élargie s'est retrouvée dans cette maison qui est au

20 centre du village. C'est pour cela que j'ai dit que j'étais chez moi à la

21 maison, parce que quand on est dans la famille élargie, on est tous chez

22 nous dans la maison des autres. Ce n'était pas vraiment chez moi, j'étais

23 chez mon oncle, mais pour moi c'est chez moi.

24 Q. Dans cette première déclaration quand vous avez dit : "J'étais chez moi

25 avec ma famille quand les bombardements de l'OTAN a commencé," ce n'était

26 pas correct d'avoir dit cela ?

27 R. C'est un malentendu, je pense. Je ne sais pas comment ma déclaration a

28 été traduite. Mais quand les bombardements de l'OTAN ont commencé, je

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1 n'étais pas avec ma famille dans ma maison, enfin dans la vraie, où

2 j'habite. J'avais déjà déplacé ma famille dans le centre du village pour

3 des raisons de sûreté, de sécurité, pour être plus en sécurité.

4 Q. Paragraphe 17 de cette même déclaration -- donc, au paragraphe 17 de

5 votre deuxième déclaration que vous avez faite en 2001, là, vous avez un

6 petit peu modifié votre point de vue, puisque vous avez dit là que vous

7 aviez déplacé toute votre famille vers le centre du village, que vous étiez

8 certain que les bombardements de l'OTAN allaient commencer. Tout le monde

9 qui était près de la grand-route s'est rapatrié vers le centre du village.

10 Cela, c'est le paragraphe 16 et 17 de votre deuxième déclaration.

11 Vous avez bien dit cela ?

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est ce qu'il vient de nous dire. Il

13 vient quand même de nous le dire. C'est exactement quand il s'est expliqué

14 sur ce qu'il avait écrit dans déclaration précédente.

15 M. ACKERMAN : [interprétation]

16 Q. Bien. Vous dites ensuite que trois jours plus tard, vous avez décidé de

17 partir pour Sojevo. Dans votre première déclaration, vous avez dit que vous

18 y êtes allé, parce que vous aviez peur que les Serbes vous attrapent, étant

19 donné que vous étiez membre du Conseil des droits de l'homme. Il s'agit du

20 paragraphe 7 de votre première déclaration. Qu'est-ce que vous vouliez dire

21 quand vous avez dit que vous aviez peur que les Serbes vous attrapent ?

22 R. Monsieur, après trois jours, nous sommes partis pour Sojeve, parce que

23 c'est un village plus montagneux, qui est plus éloigné. Il est vrai que

24 j'étais militant au sein du Conseil des droits de l'homme. Tous les membres

25 de cette organisation étaient en prison à l'époque. Le régime serbe avait

26 mis en prison les membres actifs de la LDK et du Conseil des droits de

27 l'homme. Ce que j'ai écrit dans la déclaration est tout à fait correct.

28 Q. Donc, vous aviez peur que les Serbes vous attrapent et vous

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1 emprisonnent du fait de vos activités au sein du conseil; c'est bien cela ?

2 R. Cette fois-là, je ne risquais pas seulement la prison; je risquais

3 plutôt d'y perdre la vie. C'est pour cela que je suis parti.

4 Q. Quels membres de ce conseil ont connu ce sort funeste ? Est-ce que vous

5 pourriez nous donner des noms, s'il vous plaît, des membres du conseil qui

6 ont été tués à ce moment-là ?

7 R. Enfin, déjà presque tous les membres de ce conseil étaient en prison à

8 l'époque. Le 28 juin 1998, pratiquement tous les membres du conseil ont été

9 mis en prison. Et en février 1999, il leur a été imposé une peine

10 collective de 289 mois de prison. Je n'avais jamais entendu parler d'une

11 telle violence commise à l'encontre de militants de ce type d'organisations

12 par le passé.

13 Je vous ai apporté des preuves photographiques d'une personne où l'on voit

14 comment il a été battu et libéré plusieurs mois après servi sa peine alors

15 qu'il était innocent en plus. Je tiens à expliquer à Messieurs les Juges --

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais on vous a posé une question

17 très précise et vous êtes encore en train de ne pas y répondre.

18 Vous dites que si les Serbes vous avaient attrapé, ils vous auraient tué.

19 On vous a demandé combien de membres du Conseil des droits de l'homme ont

20 été tués par les Serbes et si vous pouviez donner leurs noms. Il faudrait

21 que vous répondiez à cette question. C'est tout ce qu'on vous demande.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Les membres du Conseil pour les droits de

23 l'homme qui auraient été tués pendant les bombardements ou avant les

24 frappes aériennes ?

25 M. ACKERMAN : [interprétation]

26 Q. Je veux dire, puis vous, vous aviez peur d'être attrapé par les Serbes,

27 c'est pour cela que vous avez fui. Vous dites qu'à ce moment-là, ils ne

28 vous auraient pas emprisonné; ils vous auraient tués. Donc, j'aimerais

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1 savoir combien de membres de ce conseil ont bel et bien été tués à ce

2 moment-là. Dites-nous qui ils sont, leurs noms, enfin que nous puissions un

3 petit peu savoir sur quoi vous basez cette affirmation.

4 R. Les membres du conseil, Bajram Kelmendi et ses deux fils ont été

5 exécutés par les forces de la sûreté à Prishtina. Ils étaient membres de ce

6 conseil à Prishtina. C'est pour cela que tout le monde avait peur.

7 Q. Donc, vous nous avez donné le nom d'une personne qui aurait été

8 exécutée avec ses deux fils. Quand est-ce que c'est arrivé ?

9 R. C'était la première ou la deuxième nuit pendant les bombardements.

10 Q. Dans votre première déclaration, vous avez dit que vous avez quitté

11 votre village parce que vous aviez peur d'être attrapé par les Serbes. Et

12 dans votre deuxième déclaration, celle d'août et septembre 2001, vous nous

13 dites que vous avez décidé de quitter Biba parce qu'il y avait trop de

14 monde. Biba était noyé par le monde.

15 R. Oui, c'était aussi une raison.

16 Q. Vous êtes parti à Sojevo. Pourquoi est-ce que, d'après vous, Sojevo

17 serait un abri ? Vous nous dites que vous y êtes allé là parce que vous

18 vous y sentiriez en sécurité. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi on s'y

19 sentait en sécurité ?

20 R. J'y serais plus en sécurité, parce que la maison de mes oncles était

21 vraiment bien au centre du village, beaucoup plus loin de la grand-route

22 qui était empruntée par les forces militaires et les forces de la police.

23 Q. Ensuite, vous êtes allé à Urosevac et vous y êtes resté six jours, il

24 me semble. Vous avez décidé ensuite de quitter le pays. Dans votre

25 déclaration, vous avez dit la chose suivante : "J'ai décidé de quitter le

26 pays, parce que mon beau-frère avait été blessé et avait besoin d'être

27 soigné;" c'est bien cela ?

28 M. HANNIS : [interprétation] Pourrions-nous avoir une référence pour ce qui

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1 de cette affirmation, la raison pour laquelle le témoin a voulu quitter le

2 pays ?

3 M. ACKERMAN : [interprétation] Tout à fait. C'est la première déclaration,

4 paragraphe 17. Il est écrit : "Nous sommes restés six jours. Nous avons

5 décidé ensuite de quitter le pays. Ma belle-famille était les seuls qui

6 vivaient là. Chaque nuit, on entendait des tirs. On avait peur, surtout les

7 enfants avaient très peur. Mon beau-frère a été blessé et je voulais qu'il

8 soit soigné."

9 Q. Votre beau-frère a bel et bien été blessé, il ne pouvait pas être

10 soigné sur place. C'est pour cela que vous avez voulu quitter le pays, pour

11 qu'il soit soigné ailleurs.

12 R. Oui, l'une des raisons de partir, c'était pour qu'ils puissent le

13 soigner ailleurs. On voulait aussi parce que la population de Nerodimlje

14 avait été expulsée. Il n'avait plus rien à faire. Il fallait bien qu'on les

15 rejoigne et qu'on voyage avec eux jusqu'à la Macédoine.

16 Q. Personne n'est venu dans votre maison jusqu'au moment où vous êtes

17 partis. Personne n'est venu vous dire de partir ?

18 R. Non, personne n'est venu, mais il y avait des tirs incessants jour et

19 nuit. On ne pouvait absolument pas rester sur place. Tout le monde était

20 déjà parti, il n'y avait plus personne. Il y avait des maisons qui avaient

21 été incendiées. Il n'y avait plus que ma belle-famille qui habitait là.

22 Q. Vous avez entendu des tirs pendant des jours et des jours et des jours;

23 c'est cela ?

24 R. C'était surtout la nuit.

25 Q. Tout d'un coup, quand votre beau-frère a eu besoin de soins médicaux,

26 vous avez eu très peur et vous avez décidé de partir. C'est ce que vous

27 avez écrit dans votre déclaration, n'est-ce pas ? C'est ce que vous

28 souhaitez nous dire ?

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1 R. Oui.

2 Q. Dans votre deuxième déposition, paragraphe 22, vous avez parlé de la

3 date du 10 avril 1999. A ce moment-là, vous avez vu des chars et des

4 tranchées dans la cour de votre père et dans votre propre cour. Est-ce que

5 vous vous en souvenez ?

6 R. Oui, je m'en souviens. Le 10 avril, après l'ultimatum qui avait été

7 émis par l'armée régulière qui se trouvait à Stojevo, et à la suite que

8 cette nouvelle nous avait été remise par deux membres du district de la

9 mosquée, nous fûmes expulsés de Sojevo. Il s'y trouve deux coopératives;

10 une coopérative agricole et une coopérative apicole. Il y avait des forces

11 militaires dans les cours de mes parents, de ma famille. Toutes sortes

12 d'équipements militaires, de véhicules, de chars, de véhicules antiaériens.

13 J'ai constaté leur présence avec mes propres yeux. Il y en avait plus que

14 100 véhicules dans la cour de la coopérative agricole de Biba.

15 Je peux vous dire que ces maisons furent incendiées complètement. Ma

16 famille, à elle toute seule, a vu 14 de ces maisons incendiées. On a estimé

17 que le coût de ces dommages a été de plus de 2,5 millions d'euros.

18 Q. Oui. Votre pays a été attaqué par l'OTAN à l'époque et il était clair

19 pour vous que les forces étaient en train de mettre en place des tranchées,

20 et cetera, dans ce village, n'est-ce pas ? Ils essayaient de défendre votre

21 pays vis-à-vis de ces forces de l'OTAN, n'est-ce pas ?

22 R. Non. Les forces de l'OTAN n'ont pas attaqué le Kosovo et sa population.

23 Pour nous, l'OTAN représente des forces qui étaient éprises de la liberté.

24 Il n'était pas nécessaire de mettre en place des tranchées dans notre cour

25 ni de déployer une armée régulière dans les maisons albanaises, puisque

26 cette armée avait ses propres casernes et avait des postes où ils pouvaient

27 être stationnés plutôt que d'incendier nos propres maisons et violer nos

28 propriétés.

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1 Pour vous prouver tout ceci, j'ai amené avec moi un document qui a

2 été signé par l'un de vos supérieurs. Vous pouvez y constater les noms de

3 certains soldats qui étaient présents à l'époque. Je ne sais pas si

4 l'Accusation a en sa possession cette liste.

5 Q. Vous avez également dit page 22 [comme interprété], au paragraphe

6 suivant, qu'il y avait des tirs continus des véhicules antiaériens. C'était

7 pendant les bombardements de l'OTAN. Vous ne saviez pas, selon vous, vers

8 qui étaient dirigés ces tirs. Mais il me semble, que c'est assez clair

9 qu'ils tiraient sur les avions de l'OTAN qui étaient en train de bombarder

10 cette zone ? C'est ce qu'on fait avec des armes antiaériennes, n'est-ce pas

11 ?

12 R. Ils tiraient, mais les avions de l'OTAN n'ont jamais touché ce

13 territoire. Ils n'avaient pas besoin de tirer sur les avions de l'OTAN. Ils

14 le faisaient simplement pour causer la crainte, pour répandre la terreur

15 parmi la population, parce que les avions de l'OTAN n'ont jamais volé,

16 n'ont jamais touché à aucun moment mon village pendant que j'étais là-bas.

17 Q. Ce que vous dites ici aujourd'hui, c'est que l'OTAN n'a jamais bombardé

18 aucun lieu au Kosovo, n'a jamais bombardé aucun village au Kosovo, n'a

19 jamais bombardé aucune caserne se trouvant au Kosovo, n'a jamais enlevé ni

20 chars ni véhicules du Kosovo, n'a jamais bombardé les forces militaires

21 serbes au Kosovo, qu'ils n'y étaient pas du tout ?

22 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Juge, cela ne reflète pas son

23 témoignage. Il a déjà dit que l'OTAN avait bombardé les casernes --

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. J'ai dit que l'OTAN n'avait jamais touché

25 mon village. Ils ont touché des endroits où les forces de l'armée

26 yougoslave étaient déployées au Kosovo. Ils ont bombardé les casernes de

27 Ferizaj et un certain nombre de chars dans le village de Komogllave et

28 d'autres villages qui partent de la route qui va vers un autre village. Je

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1 vous dis que l'OTAN, simplement, n'a pas bombardé mon village à Sojevo.

2 Q. Vous nous avez dit que les forces serbes n'avaient pas besoin de mettre

3 en place des ressources défensives dans votre village. Maintenant, vous

4 nous dites qu'ils étaient en train de bombarder.

5 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, c'est une question

6 argumentative.

7 M. ACKERMAN : [interprétation] Non, je ne pense pas que ce soit le cas.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que le témoin devrait pouvoir

9 s'expliquer sur cette question.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Pouvez-vous nous répéter la question, s'il

11 vous plaît. Je ne suis pas tout à fait clair quant à son contenu, Monsieur.

12 M. ACKERMAN : [interprétation]

13 Q. Il y a quelques instants, vous avez dit que les forces serbes ne

14 devaient pas mettre en place des positions défensives dans votre village ni

15 des tranchées, qu'ils avaient des casernes où ils pouvaient se placer.

16 Ensuite, vous nous avez dit, il y a quelques instants, que l'OTAN n'a

17 bombardé que les casernes. Ce ne serait pas trop intelligent si ces

18 soldats, si l'armée devait se confiner dans les casernes qui étaient en

19 train de faire l'objet des bombardements par l'OTAN, n'est-ce pas ?

20 R. Il ne serait pas non plus raisonnable pour les forces serbes de rentrer

21 dans les maisons albanaises, de les incendier et de tuer des personnes.

22 Q. Nous parlions de la mise en place de positions de défense et le fait

23 de mettre en place des tranchées. Si vous allez défendre votre pays vis-à-

24 vis d'une attaque, cela me semble tomber sous le sens, n'est-ce pas ?

25 R. Les raids aériens de l'OTAN avaient été perpétrés afin de défendre le

26 territoire en question et empêcher le génocide dont la Serbie était

27 l'auteur.

28 Q. Au paragraphe 12 de votre deuxième déposition - M. Hannis en a parlé

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1 déjà un petit peu ce matin - vous avez dit que les forces de police, en

2 coopération avec les militaires et ensemble, ils ont armé la population

3 civile serbe.

4 R. Pouvez-vous répéter la question ?

5 Q. Je n'ai pas encore posé la question. Dans votre déposition, vous avez

6 dit que les forces de police, en coopération avec les militaires, avaient

7 armé la population civile serbe. Est-ce que vous avez constaté ces faits de

8 vos propres yeux ?

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] S'il vous plaît, ne répondez pas à

10 cette question.

11 Il y a déjà eu une question parfaitement claire. Vous pouvez peut-

12 être contester le contenu de la réponse, mais cela n'aide pas de répéter la

13 question parce que cela a déjà été clairement affirmé dans son témoignage.

14 Il a dit qu'il n'avait pas vu cela de ses propres yeux.

15 M. ACKERMAN : [interprétation] Bien, d'accord.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous voulez contester, allez-y.

17 M. ACKERMAN : [interprétation]

18 Q. Est-ce que vous avez déjà fait un service militaire ?

19 R. Oui, en 1987 en Slovénie.

20 Q. Une fois que vous avez complété votre service actif militaire, ensuite,

21 vous faisiez automatiquement partie des réservistes, n'est-ce pas ?

22 R. Non.

23 Q. Vous n'avez jamais fait partie des réservistes une fois que vous avez

24 achevé votre service militaire ?

25 R. Non, je n'étais pas membre des forces de réserve, car j'ai terminé mon

26 service militaire en 1987. Milosevic est venu au pouvoir en 1988. Et en

27 1989, il y a eu l'autonomie et les problèmes ont commencé. Il n'était pas

28 possible pour moi de faire partie d'une formation de réservistes.

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1 Q. Vous savez, n'est-ce pas, que lorsque les gens finissaient et

2 achevaient leur service militaire, ils étaient membres actifs de l'armée

3 yougoslave, ensuite, ils faisaient partie des réservistes et pouvaient

4 maintenir un uniforme qu'ils gardaient chez eux dans leur maison. Vous êtes

5 au courant, n'est-ce pas ?

6 R. Je n'ai jamais eu un uniforme de réservistes et je n'ai jamais été

7 réserviste.

8 Q. Je ne vous ai pas posé cette question-là. Mais vous saviez que les

9 réservistes avaient des uniformes chez eux ?

10 R. Je ne le savais pas car aucun membre de ma famille n'a été réserviste.

11 Personne n'avait un uniforme chez lui.

12 Q. Vous dites aujourd'hui devant ce Tribunal qu'il y avait tous ces civils

13 serbes qui avaient des uniformes qui étaient armés, qui se déplaçaient en

14 semant la terreur, et cetera ? En plus des forces régulières qui se

15 trouvaient dans cette zone, il y avait également tous ces gens-là ?

16 R. Les forces de l'OTAN ne nous ont pas créé de problèmes. Il ne faut pas

17 tout mélanger. La police militaire et les forces civiles serbes ont créé

18 des problèmes pour nous mais pas les forces de l'OTAN. Je n'ai pas dit ce

19 que vous venez de dire.

20 Q. Apparemment, il y a eu une erreur de traduction. Je n'ai pas parlé de

21 l'OTAN. Ce que j'ai posé comme question est la

22 suivante : les civils dont vous avez parlé ce matin, qui avaient des

23 uniformes et qui étaient armés, que faisaient-ils avec leurs uniformes et

24 leurs armes ?

25 R. Vous parlez des civils serbes ?

26 Q. Oui.

27 R. Les civils serbes qui portaient des uniformes tuaient les gens. Par

28 exemple, le 6 avril, à Sojevo, quatre personnes ont été tuées. Les meurtres

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1 ont continué même après notre départ. Une fois que nous avions quitté le

2 village, il y a eu 11 autres personnes de tuées jusqu'à la fin des raids

3 aériens, de même que dans l'ancien village Staro Selo qui n'est séparé de

4 mon propre village que par une route, neuf personnes y ont été tuées. Les

5 forces paramilitaires et les forces régulières y étaient stationnées.

6 Trois personnes continuent à manquer à l'appel dans ce vieux village. Je

7 parle d'Emin Zeka et de ses deux fils. Quatre personnes ont été trouvées

8 dans une fosse sceptique après avoir été tuées. Deux personnes âgées avec

9 leurs femmes ont été tuées également. Ce sont ces formations-là qui les ont

10 tuées.

11 Q. Ces uniformes que portaient les civils serbes alors qu'ils perpétraient

12 ces meurtres, ces uniformes, est-ce qu'ils avaient la même apparence que

13 ceux que portait la VJ ?

14 R. Les uniformes portés par l'armée yougoslave et ceux qui étaient portés

15 par un certain nombre de civils étaient identiques.

16 Q. Bien. Au paragraphe 12 de votre deuxième déposition, vous parlez des

17 paramilitaires. Vous dites que les chefs de ces paramilitaires se

18 trouvaient en Serbie et avaient des liens avec le gouvernement serbe. Quels

19 sont les éléments que vous utilisez pour appuyer cette affirmation ? Sur

20 quoi vous basez-vous ?

21 M. HANNIS : [interprétation] Je ne suis pas sûr si cette question reflète

22 de manière fidèle ce qu'a dit le témoin dans sa déposition concernant les

23 militaires, les paramilitaires ?

24 M. ACKERMAN : [interprétation]

25 Q. Bien, dans la déposition on voit la chose suivante: "Les chefs des

26 paramilitaires étaient en Serbie, et ces paramilitaires avaient des liens

27 avec le gouvernement serbe."

28 Pouvez-vous nous dire quels sont les éléments sur lesquels vous vous basez

Page 3119

1 pour faire cette affirmation ?

2 R. Ecoutez, je n'ai pas vu les paramilitaires dans l'ancien village, mais

3 les gens disaient qu'il y avait un groupe de paramilitaires et ils disaient

4 qu'il s'agissait du groupe de Seselj. Les groupes paramilitaires et les

5 formations militaires avaient leurs propres chefs et étaient liés au

6 gouvernement car le soi-disant gouvernement yougoslave sous Milosevic, avec

7 ses institutions et ses organes avait une hiérarchie. Ils appelaient

8 responsables du gouvernement les gens qui voulaient placer le Kosovo sous

9 son parapluie. Comment est-il possible que des forces paramilitaires

10 puissent fonctionner avec d'autres forces et seulement tuer des Albanais ?

11 Je ne connais pas un seul cas où un Serbe fut tué par eux. C'est ainsi que

12 j'ai pu l'affirmer, parce qu'il s'agissait des pouvoirs qui leur avaient

13 été accordés par le gouvernement, par les organes de l'Etat.

14 Je me souviens d'une affirmation du général Ojdanic un soir avant le raid

15 aérien de l'OTAN, qui disait : "Nous allons combattre avec l'OTAN s'il

16 commence ces raids, même si nous risquons d'infliger des pertes non

17 voulues."

18 Nous savions que ces victimes non voulues n'auraient pas été des Serbes; il

19 s'agissait d'Albanais.

20 Q. Est-ce que vous êtes au courant du fait qu'il y a eu un très grand

21 nombre de Serbes qui ont été tués pendant les bombardements de l'OTAN ?

22 R. Je ne le sais pas.

23 Q. Je veux revenir à ma question concernant les éléments sur lesquels vous

24 vous basez pour votre affirmation concernant les paramilitaires et leurs

25 liens avec le gouvernement serbe. C'est simplement une hypothèse, n'est-ce

26 pas ? Vous ne le savez pas pour sûr, n'est-ce pas ?

27 R. Ce n'est pas une hypothèse. Les groupes militaires faisaient partie de

28 l'armée d'Arkan. Il avait même une partie qui était enregistrée auprès du

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1 gouvernement serbe et il avait ses propres formations au Kosovo. Si ce

2 n'était pas dans mon propre district, c'était dans d'autres districts. Tout

3 le monde le savait. C'est pour cela que je dis tout ce que je dis, que tout

4 ce qui a été fait a été fait sous les auspices du gouvernement, le soi-

5 disant gouvernement de la Yougoslavie.

6 Q. Est-ce que vous avez eu des conversations avec qui que ce soit qui

7 était concerné à l'intérieur du ministère de la Défense ou de l'Intérieur,

8 qui aurait pu vous dire exactement ce qui se passait au sein de ces deux

9 ministères à l'époque ? Est-ce que vous avez parlé à quelqu'un qui y

10 travaillait, qui connaissait toutes ces choses-là ?

11 R. Je n'ai parlé à personne, Monsieur, mais je sais que le ministère de la

12 Défense, qui était l'un des organes du gouvernement, avait ces pouvoirs.

13 Q. Vous avez dit dans votre déposition, cela fait partie finale du

14 paragraphe 12 de votre deuxième déposition : "Tout a été coordonné et était

15 sous la direction du ministère de la Défense et de l'Intérieur."

16 Comment pouvez-vous être sûr de cela si vous ne connaissez personne

17 qui travaillait dans ces ministères pouvant vous le dire ? C'est simplement

18 pure hypothèse, non ?

19 R. Non, ce n'est pas une hypothèse. Je me répète. Chaque Etat qui

20 s'appelle un Etat a ses propres institutions. Et dans ce cas précis, il

21 s'agissait du ministère de la Défense qui était responsable de ces forces.

22 C'est cela que je dis. Il ne peut pas y avoir de forces paramilitaires dans

23 un Etat qui ne soit pas sous le contrôle du gouvernement.

24 Q. J'ai encore une dernière question. Pendant votre témoignage ce matin,

25 il y a quelques instants, page 10, ligne 17, vous avez dit que l'ordre vous

26 demandant de partir vers Urosevac vous avait été donné par l'armée

27 yougoslave. Pouvez-vous nous dire de qui précisément provenait cet ordre ?

28 Qui, au sein de l'armée yougoslave ?

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1 R. De quelle date s'agit-il ? Le 10 avril ?

2 Q. Je vous parle du moment où on vous a ordonné de vous rendre à Urosevac,

3 à Ferizaj.

4 R. Cet ordre nous avait été donné par l'armée yougoslave, une unité de

5 cette armée qui avait été déployée proche de l'école.

6 Q. Qui a donné l'ordre ? Qui, dans l'armée, vous a dit : Vous devez

7 partir ?

8 R. Ils nous ont donné l'ordre. Ils ont donné l'ordre dans ce voisinage.

9 J'étais avec mes gens, environ 200 personnes. Nous avons reçu ces

10 instructions de personnes d'un autre voisinage. Ils nous ont dit que vous,

11 vous aussi, vous devez partir en même temps que nous, car sinon, vous allez

12 être tués. Donc, c'était un ordre de l'armée qui avait son propre

13 capitaine.

14 Q. Vous n'avez pas reçu cet ordre de l'armée; vous l'avez reçu d'un autre

15 Albanais qui se trouvait dans le voisinage. Aucun élément de l'armée ne

16 vous a jamais dit de vous rendre à Urosevac, n'est-ce pas ?

17 R. Peut-être que l'armée ne savait pas qu'il y avait d'autres personnes

18 plus à l'intérieur, plus au centre du village. Donc, ils ont dit aux

19 personnes de la mosquée de quitter le village d'ici à 30 minutes, et nous,

20 nous avons quitté le village en remerciant les deux personnes qui nous

21 avaient donné cette information.

22 Q. Vous avez dit à la Chambre que l'armée de la Yougoslavie vous a

23 commandé de partir. Maintenant, il faut nous dire qui, dans l'armée

24 yougoslave, vous a ordonné de partir ?

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et bien, il a répondu à la question.

26 Il vous a dit que cet ordre lui avait été relayé.

27 M. ACKERMAN : [interprétation]

28 Q. Qui est la personne qui vous avait dit qu'il avait entendu cette

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1 information ? Ce voisin, qui était-il ?

2 R. Il y avait eu deux personnes de Sojeve : Ibri Emini, qui avait une

3 maison dans le voisinage et un autre qui était dans un district à côté. Il

4 s'est rendu à sa ferme, et quand il a vu ce qui s'y passait, il est venu

5 nous le dire. Entre-temps, quelqu'un d'autre nous avait dit de quitter le

6 village aussi vite que possible. Quand Emin est revenu avec sa voiture, il

7 nous a dit de partir dès que nous le pourrions, car sinon, c'est l'armée

8 qui nous y obligerait, l'armée de Nis.

9 M. ACKERMAN : [interprétation] Bien. J'ai fini.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Sepenuk.

11 M. SEPENUK : [interprétation] Pas de questions.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Fila.

13 M. FILA : [interprétation] Oui, j'ai un certain nombre de questions.

14 Contre-interrogatoire par M. Fila :

15 Q. [interprétation] Bonjour.

16 R. Bonjour.

17 Q. J'ai un certain nombre de questions, mais c'est des questions de droit

18 car nous sommes tous les deux des avocats. D'ailleurs, vous avez obtenu

19 votre licence à Pristina, n'est-ce pas ?

20 R. Oui. J'ai fait mes études à l'université de Prishtina.

21 Q. Oui. Vous voulez dire l'université d'Etat ?

22 R. L'université de Pristina. J'ai terminé ma licence à Pristina, à

23 l'université de Pristina au Kosovo en 1991.

24 Q. C'est cela. Donc, c'est l'université où étudiaient les Albanais et les

25 Serbes et tout le monde, n'est-ce pas ? C'est de bien de cette université-

26 là qu'il s'agit ?

27 R. Oui. Tout le monde y étudiait, effectivement.

28 Q. C'est exactement ma question. Vous voyez, Monsieur, il y a un certain

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1 nombre de choses que vous, vous savez, que nous, nous savons mais que la

2 Chambre ne connaît. Nous sommes de là-bas, donc nous sommes au courant.

3 Dans votre déposition, vous avez dit que vous ne connaissez que la langue

4 albanaise. C'est impossible. Si vous ne connaissez pas au moins quelques

5 éléments de serbe. D'étudier dans une université avec des Serbes de même

6 que si vous avez fait partie de l'armée serbe, il faut bien connaître un

7 petit peu de serbe.

8 R. Je connais un petit peu de serbe et d'anglais, mais ma langue

9 maternelle est l'albanais. Je connais le serbe aussi.

10 Q. Bien sûr, bien sûr. Vous avez dit que vous avez eu une bourse de

11 l'usine d'Urosevac. Pendant combien de temps, de quelle date à quelle date

12 avez-vous reçu cette bourse de l'usine de tuyauterie d'Urosevac ?

13 R. J'ai obtenu une bourse de cette usine de tuyauterie afin de mener mes

14 études.

15 Q. Bien sûr. Je suis d'accord. Je l'ai lu. Ce que je vais vous poser comme

16 question, ce sont des choses qui ne sont pas dans votre déposition, par

17 exemple de quelle date à quelle date vous avez étudié et pendant combien de

18 temps vous avez reçu cette bourse de l'usine d'Urosevac ?

19 R. J'ai reçu cette bourse de 1983 à 1986, si je ne me trompe pas, parce

20 que, bien sûr, beaucoup de temps est passé depuis.

21 Q. Bien. Vous avez eu votre diplôme en 1991, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Donc, vous n'avez pas reçu de bourse pendant cinq années de vos études

24 puisque vous n'étiez peut-être pas un très bon étudiant ? Vous ne passez

25 pas vos examens en temps et en heure ?

26 R. Non.

27 Q. Vous aviez 31 ans quand vous avez obtenu votre diplôme, n'est-ce pas ?

28 R. Vous ne pouvez pas dire que j'ai été un bon étudiant --

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'espère que vous nous menez quelque

2 part de pertinent.

3 M. FILA : [interprétation] Oui. C'est ma question suivante.

4 Q. Peut-être c'est pour cela que vous n'avez pas été repris à votre

5 travail, parce que vous avez arrêté de recevoir votre bourse en 1986 --

6 R. Non.

7 Q. En 1991, pourquoi vous auraient-ils repris cinq ans plus tard ? C'est

8 cela que je veux dire.

9 R. Monsieur l'Avocat, vous me posez des questions qui n'ont rien à voir

10 avec le sujet pour lequel on m'a amené ici. Je pense que ce Tribunal a

11 d'autres questions à traiter. Mais je vais vous répondre. C'est une affaire

12 personnelle, les raisons pour lesquelles j'ai pris tant de temps pour

13 compléter mes études. Quant à savoir si j'étais bon étudiant ou mauvais

14 étudiant, c'est vraiment une affaire qui me regarde. Ce n'est pas correct

15 pour vous de me parler de cette manière-là.

16 Je vais vous dire la raison pour laquelle je n'ai pas été accepté

17 dans l'entreprise de tuyauterie. Vous connaissez le statut du Kosovo. Vous

18 savez que le Kosovo avait son statut politique et qu'il y a un début à

19 tout; le fait de se faire envoyer de son travail, le fait d'empoisonner des

20 étudiants, le fait que des médecins ne puissent plus exercer, et cetera.

21 Q. Oubliez cette question d'empoisonnement d'étudiant. Vous n'y croyez

22 quand même pas. Enfin, peu importe.

23 Continuons, allons-y. L'usine d'Urosevac, ils ne vous ont pas donné une

24 bourse pendant cinq ans et ils ne vous le donnaient pas, parce que vous

25 n'avez pas passé votre diplôme en temps et en heure. Par conséquent, ils

26 n'étaient pas été obligés de vous reprendre, n'est-ce pas ?

27 Veuillez allumer votre micro.

28 R. Non. Je n'ai pas obtenu la bourse depuis le début de mes études, mais à

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1 partir de la troisième année. Je l'ai obtenu pendant la troisième et

2 quatrième année.

3 Q. Vous avez dit qu'en 1996 -- ou plutôt en 1986, c'était la dernière date

4 où vous avez reçu votre bourse. Vous avez eu votre diplôme cinq ans plus

5 tard, en 1995. Et l'usine n'était pas obligée de vous prendre. Oui ou non ?

6 Donnez-moi une réponse. Je veux dire, pendant cinq ans vous n'avez rien

7 reçu d'eux ?

8 R. J'ai eu la bourse pendant deux années pendant lesquelles je faisais mes

9 études. Le contrat est venu à terme après 1985. Une fois que vous avez

10 votre diplôme, d'après le contrat que j'avais, l'usine devait me reprendre

11 afin que je puisse faire le travail pour lequel ils m'avaient accordé une

12 bourse. Ce n'est pas que l'usine ne m'a pas accepté; je n'ai pas demandé à

13 être repris. Ils ont envoyé d'autres personnes. Vous connaissez la

14 situation avec cette usine de tuyauterie. Tous les travailleurs ont été

15 renvoyés avec la police. Vous l'avez vu à la télévision, Monsieur.

16 Q. Merci. Donc, vous ne vouliez pas avoir un poste à Urosevac. Vous n'avez

17 pas essayé de rechercher un travail à Urosevac. C'est comme cela --

18 R. Ce n'est pas que je ne recherchais un poste. J'aurais bien aimé trouver

19 un poste, mais il y avait une question de discrimination en matière de

20 droit du travail par le gouvernement de Milosevic, et j'ai été obligé de

21 regarder ailleurs. Dans ma déposition, j'ai dit que j'ai travaillé comme

22 menuisier. J'ai également travaillé comme commerçant.

23 Q. Bien. Je comprends très bien ce que vous nous dites. Peut-être nous

24 pouvons nous mettre d'accord sur quelque chose. Vous ne recherchiez pas de

25 poste à Urosevac ? Sans parler des raisons pour lesquelles vous ne

26 recherchiez pas un tel poste. Mais en tout cas, vous ne recherchiez pas de

27 poste à Urosevac. Je peux tirer cette conclusion, pas dans l'usine de

28 tuyauterie; oui ou non ?

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1 R. En effet, non, pour les raisons que j'ai dites, à cause de la violence.

2 Q. Ce n'est pas la peine d'aller plus loin. Merci beaucoup. Nous n'allons

3 pas poursuivre. Merci. Donc, vous avez travaillé en tant que menuisier,

4 n'est-ce pas ? C'est ce que vous avez dit. Est-ce que vous avez jamais

5 postulé pour un emploi en tant que juriste, en tant qu'avocat hormis à

6 l'usine d'Urosevac ? Est-ce que vous l'avez fait ? Est-ce que vous avez

7 postulé pour travailler dans un tribunal, pour le ministère public, je n'en

8 sais rien ? Si vous l'avez fait vous l'avez fait, si vous ne l'avez pas

9 fait, vous ne l'avez pas fait.

10 R. Ecoutez, Maître, je ne vais pas postuler pour un emploi auprès d'un

11 gouvernement qui avait révoqué l'autonomie du Kosovo par la contrainte.

12 Comment est-ce que j'aurais pu le faire. C'est un gouvernement que je

13 n'avais pas élu. C'est clair. Ce n'est pas d'ailleurs ce qui est au centre

14 de cette affaire. Vous êtes vous-même avocat. Vous ne devriez pas nous

15 faire perdre notre temps. Vous devriez nous parler de questions afférentes

16 au génocide et à des crimes contre l'humanité.

17 Q. Si vous me donniez des réponses un peu plus succinctes, nous pourrions

18 aller plus vite en besogne. Il n'y a pas de génocide. C'est quelque chose

19 que vous avez inventé.

20 Puis, en 2002, vous avez fait une autre déclaration.

21 R. Et bien, je vous parle de génocide puisque nous parlons de génocide.

22 Q. Vous êtes rentré au Kosovo, puis en août 2001, je vois que vous étiez

23 chômeur. En août 2001, vous étiez toujours chômeur. Est-ce que ce sont les

24 Serbes qui vous compliquaient la vie pour ce qui est de votre emploi, et

25 qui faisaient en sorte que vous ne pouviez pas trouver d'emploi ? Parce que

26 c'est ce qui est dit là, n'est-ce pas ?

27 R. Non. A cette époque-là, je suis rentré d'Angleterre, Maître. Il n'était

28 pas facile de trouver un emploi. J'ai postulé pour deux emplois. J'ai été

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1 accepté pour l'un de ces emplois, mais maintenant, je continue à travailler

2 en tant que professeur. Aucun état ne peut trouver de l'emploi pour une

3 armée de chômeurs. Il faut attendre pour ce faire. Comme je vous l'ai dit,

4 je travaille à l'heure actuelle. Je suis professeur, professeur de droit.

5 Q. Oui, mais je ne vous parle pas de l'an 2007 -- 2006 plutôt, je vous

6 parle de l'année 2001. En fait, vous ne pouviez pas travailler en 2001 ?

7 R. Oui, parce qu'il a fallu que je reconstruise ma maison que vous avez

8 détruite. Non pas vous personnellement, mais les Serbes.

9 Q. Je vous demanderais de nous répondre succinctement, Monsieur.

10 Lorsque vous avez obtenu votre licence de droit, entre autres, vous

11 avez dû passer un examen en droit constitutionnel, n'est-ce pas ? Est-ce

12 que vous avez réussi votre examen en droit constitutionnel à la faculté de

13 droit lorsque vous étiez étudiant, j'entends ?

14 R. J'ai réussi.

15 Q. Dites-moi, oui ou non ? Est-ce que vous avez réussi votre examen en

16 droit constitutionnel ?

17 R. Je l'ai réussi.

18 Q. Et bien, alors, si vous l'avez réussi, comment est-ce que vous pouvez

19 avancer que le Kosovo était une unité fédérale ? Dans quel droit

20 constitutionnel avez-vous appris cela ? Ce que je vous dis, en fait, c'est

21 que le Kosovo-Metohija faisait partie intégrante de la Serbie. C'est qui

22 était écrit dans la constitution.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila.

24 M. FILA : [interprétation] C'est vrai ou ce n'est pas vrai ?

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ne répondez pas à cette question.

26 Maître Fila --

27 M. FILA : [interprétation] Mais cela se trouve à la page 1 --ou plutôt à

28 la page 2 en serbe. Un, 2, 3, 4, 5, c'est le cinquième paragraphe.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous voulez m'écouter un peu, Maître,

2 pour un moment. Les deux premières pages de cette déclaration contiennent

3 des éléments auxquels nous n'allons accorder absolument aucun poids. Ils ne

4 font pas l'objet de discussion, ils n'ont pas fait l'objet de discussion

5 entre M. Hannis et le témoin, ces éléments. Et ce n'est pas un témoin qui

6 peut nous donner un avis à propos du droit constitutionnel et des liens

7 entre la Yougoslavie et le Kosovo dans le cadre du droit constitutionnel.

8 Donc, il ne lui appartient pas de répondre à cette question. Si vous voulez

9 vous lancer dans des questions qui portent sur les deux premières pages de

10 cette déclaration, c'est peu judicieux, Maître. Tout ce que vous faites,

11 c'est renforcer le point de vue ou les éléments à charge de l'Accusation.

12 Nous allons avoir une pause et nous reprendrons à 10 heures 55.

13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.

14 --- L'audience est reprise à 10 heures 58.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila.

16 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, il me semble que la pause

17 était plus que judicieuse dans mon cas parce que je n'ai plus de questions

18 à poser à présent.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

20 Maître O'Sullivan.

21 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Pas de questions.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

23 Maître Bakrac.

24 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais poser une

25 question, une seule question, et pour ce faire, j'aurai besoin de cinq

26 minutes.

27 Contre-interrogatoire par M. Bakrac :

28 Q. [interprétation] Monsieur Hyseni, dans vos deux déclarations et

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1 aujourd'hui lors de l'interrogatoire principal, vous avez fait référence à

2 une personne qui répond au nom de Mijovic de Nerodimlje. Vous avez dit à la

3 page 9, lignes 6 et 7, que cette personne travaillait pour l'armée de la

4 Yougoslavie. Est-ce que vous savez quel était son travail auprès de l'armée

5 de la Yougoslavie ?

6 R. M. Novica Mijovic n'est pas du village de Nerodimlje, premièrement, il

7 est du village de Nikodim, mais il habitait à Ferizaj. Il travaillait pour

8 l'armée de la Yougoslavie, l'armée qui se trouvait au niveau de la caserne

9 à Ferizaj. Je ne sais pas si c'était un officier chargé des achats, mais

10 tout ce que je sais, c'est qu'il travaillait pour l'armée. C'est ainsi que

11 je le connais. Je sais qu'il travaillait pour l'armée, et toute personne

12 qui travaille pour l'armée fait partie de l'armée.

13 Q. Je ne suis pas d'accord. Lorsque vous dites il travaillait pour

14 l'armée, saviez-vous qu'il était civil ? Saviez-vous qu'il y avait des

15 civils qui étaient employés par les forces armées et qui s'adonnaient à des

16 tâches très précises ? Est-ce que vous le savez ? Vous êtes juriste, vous

17 êtes avocat, vous le savez cela ?

18 R. Il travaillait au niveau du bâtiment principal de l'armée. En d'autres

19 termes, il travaillait pour l'armée peu importe qu'il fut civil. Le jour si

20 critique, lorsqu'il y a eu quatre civils qui ont été tués, il était avec ce

21 groupe paramilitaire.

22 Q. Ce n'est pas la question que je vous ai posée. Je ne vous ai pas parlé

23 de cette journée si importante.

24 Je vais maintenant vous poser ce qui sera ma dernière question. J'espère

25 que vous serez d'accord avec moi. Je vais essayer de vous rafraîchir la

26 mémoire pour convenir que ce Mijovic était électricien; est-ce exact ?

27 R. Comme je l'ai dit, il travaillait dans le bâtiment principal de

28 l'armée. Il aurait pu être électricien. Il se peut qu'il fût électricien.

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1 Je n'en sais rien. C'est tout ce que je sais à son sujet. Je vous ai déjà

2 dit ce que je savais. Peut-être, effectivement, qu'il était électricien.

3 Q. Très bien. Je comprends. Merci.

4 M. BAKRAC : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser, Monsieur le

5 Président.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

7 Maître Ivetic.

8 M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

9 Contre-interrogatoire par M. Ivetic :

10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Hyseni. Je m'appelle

11 Maître Dan Ivetic. Je suis avocat de Chicago. Je représente M. Lukic

12 aujourd'hui. Je suis accompagné de mon confrère Me Branko Lukic et

13 M. Ozren Ogrizovic.

14 J'aimerais vous poser quelques questions.

15 Premièrement, j'aimerais vous poser quelques questions à propos de

16 votre travail pour le Conseil chargé des libertés et de la défense des

17 droits de l'homme. Vous étiez militant de cette organisation. J'aimerais

18 savoir si vous avez mené à bien des enquêtes à propos des infractions à la

19 loi et des sévices qui ont été effectués par les membres de ce qu'on

20 appelle l'UCK ?

21 R. Si l'UCK avait commis des sévices, nous le saurions, nous l'aurions su,

22 mais nous n'avions aucune connaissance de ce genre d'activité perpétré par

23 l'UCK.

24 Q. Vous nous dites aujourd'hui dans le cadre de votre déposition que vous

25 n'êtes au courant d'aucun acte criminel effectué par l'UCK, et je pense à

26 toute la municipalité d'Urosevac ?

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, Maître Ivetic, la

28 déclaration que j'ai en face de moi indique qu'il y a travaillé entre 1991

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1 et 1994.

2 M. IVETIC : [interprétation] Cela été corrigé jusqu'à l'année 1999, d'après

3 les renseignements que j'ai reçus de la part du bureau du Procureur.

4 M. HANNIS : [interprétation] C'est exact. Il y a un fichier supplémentaire

5 à ce sujet.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, voilà qui est fort intéressant.

7 Comment est-ce que moi j'aurais pu le savoir ? Comment j'aurais pu en être

8 informé, Monsieur Hannis ?

9 M. HANNIS : [interprétation] Je ne sais pas si ce document vous a été

10 envoyé ou non, Monsieur le Président. On vient de me dire qu'il n'a pas été

11 envoyé.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais si vous nous envoyez une

13 déclaration qui est corrigée et que nous n'obtenons pas les corrections en

14 question, cela ne fera pas partie des éléments de preuve.

15 M. HANNIS : [interprétation] Vous avez tout à fait raison, Monsieur le

16 Président, j'ai fait une erreur dans le cas d'espèce. Je n'en ai même pas

17 parlé pendant l'interrogatoire principal. Effectivement, vous avez raison.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

19 M. IVETIC : [interprétation] Permettez-moi de répéter ma question, je vais

20 peut-être limiter la durée et la région.

21 Q. Est-il vrai, Monsieur, que pendant les années 1997, 1998 et 1999,

22 pendant que vous travailliez pour cette Commission chargée des libertés et

23 de la défense des droits de l'homme, vous n'avez absolument pas eu

24 connaissance de crimes commis par l'UCK au sein de la municipalité

25 d'Urosevac ?

26 R. Il n'a pas été porté à notre connaissance de crimes effectués par

27 l'UCK. Et personnellement, je n'ai jamais entendu parler de crimes commis

28 par l'UCK dans la municipalité de Ferizaj. Je n'ai absolument aucune raison

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1 de dissimuler quoi que ce soit.

2 Q. Très bien. Dans votre déclaration de 1999 pour le bureau du Procureur,

3 vous avez dit que ni vous ni aucun membre de votre famille n'était membre

4 de l'UCK. J'aimerais vous poser la question suivante : est-ce que vous-même

5 ou des membres de votre famille étaient des sympathisants de l'UCK ?

6 R. Certes, nous n'étions pas des soldats de l'UCK, mais l'UCK était

7 l'armée du peuple et une armée qui a été obligée de défendre ses acquis.

8 Bien sûr, que la population se ralliait ou soutenait l'UCK ne serait-ce

9 qu'intellectuellement. C'était la seule force.

10 Q. Dans votre déclaration de l'année 2001, au bureau du Procureur, je

11 pense que vous avez reconnu le fait que dans votre village, le village de

12 Biba, il y avait quand même un soutien pour l'UCK. Comment se manifestait

13 ce soutien à l'UCK ?

14 R. Comment est-ce que cela se manifestait, ce soutien ? Et bien, la

15 population nourrissait de grands espoirs et pensait qu'elle réussirait à

16 échapper au pire. Grâce à l'alliance internationale tout s'est terminé.

17 Q. Oui, mais la question que je vous avais posée était comme suit : quel

18 était le soutien accordé par le village de Biba à l'UCK ? Je vais peut-être

19 formuler la chose de façon différente.

20 Est-ce que vous fournissiez des vivres et des munitions à l'UCK ?

21 Lorsque je dis vous, j'entends le village de Biba.

22 R. Pas à ma connaissance. Je n'en sais rien.

23 Q. Quel était le pourcentage de population dans le village de Biba qui

24 accordait son soutien à l'UCK ?

25 R. Tout le monde soutenait l'UCK. Je ne sais pas. Quel pourcentage voulez-

26 vous que j'avance ? Tout le monde soutenait l'UCK.

27 Q. Très bien. Cela me suffit.

28 Est-ce que vous étiez conscient de la présence, ou d'une présence

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1 active de la part de l'UCK dans votre village ou dans les villages

2 avoisinants de la municipalité d'Urosevac à tout moment pendant l'année

3 1998 et 1999 ?

4 R. Pour ce qui est de savoir où était présent l'UCK, nous savions. Je ne

5 parle pas seulement en mon nom; je parle de tous mes concitoyens. Nous

6 savions qu'ils étaient présents dans le village de Jezerce, alors que pour

7 ce qui est de mon propre village, de Biba, de Sojevo et Nerodimlje, il n'y

8 avait pas de présence de l'UCK. C'est la raison pour laquelle il y a eu le

9 plus grand nombre de victimes dans ce secteur, parce que lorsqu'il y avait

10 présence de l'UCK, il y avait beaucoup moins de victimes.

11 Q. Vous avez mentionné Jezerce. Est-il exact de dire qu'il y avait un

12 poste de commandement dans le village de Jezerce, dans la municipalité

13 d'Urosevac ?

14 R. Bien sûr. Oui, je pense que cette présence existait, mais je ne peux

15 parler que de la municipalité où j'habitais. La zone de Nerodimlje est bien

16 connue de la communauté internationale et pas seulement de moi.

17 Q. Il y a quelques minutes de cela, lorsque vous avez répondu à des

18 questions de mon confrère, vous sembliez indiquer que même les civils qui

19 travaillaient pour l'armée de la Yougoslavie étaient considérés, par vous

20 en tout cas, comme faisant partie de l'armée. J'aimerais vous poser une

21 question à propos des civils qui travaillaient pour l'UCK. Est-ce qu'il y

22 avait des civils parmi les rangs de l'UCK ?

23 R. Je n'ai pas très bien compris votre question. Est-ce que vous pourriez

24 la répéter et être un peu plus précis, je vous prie ?

25 Q. Vous avez dit que vous saviez où se trouvait l'UCK dans la municipalité

26 et que votre village soutenait l'UCK. Est-ce qu'il y avait des combattants

27 civils au sein de la structure de l'UCK ?

28 R. Je ne sais pas s'il y avait des combattants civils au sein de la

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1 structure de l'UCK. A ma connaissance, ils portaient tous l'uniforme, parce

2 que pour faire partie d'une formation de l'UCK, il faut porter l'insigne

3 qui était connu d'ailleurs. Je ne connais aucun civil qui aurait été un

4 soldat de l'UCK et qui aurait porté une tenue civile.

5 Q. Je pense que dans l'une de vos déclarations, vous avez identifié quatre

6 personnes de votre village qui se sont ralliées à l'UCK. Est-ce qu'ils

7 portaient l'uniforme lorsqu'ils se déplaçaient ?

8 R. De qui parlez-vous ? Qui sont ces quatre personnes ?

9 Q. Est-ce qu'il y a eu des gens de votre village qui, à un moment donné,

10 ont rallié les rangs de l'UCK ?

11 R. Après la campagne aérienne, il y a eu trois ou quatre personnes qui ont

12 trouvé qu'il était plus facile de se rallier à l'UCK, mais je n'étais pas

13 dans le village quand ils l'ont fait. J'étais à Stankovac. Jusqu'à la

14 campagne aérienne, il n'y avait personne de mon village qui s'est rallié à

15 l'UCK.

16 Q. J'aimerais maintenant vous poser des questions à propos de ce que vous

17 avez vu vous-même et à propos de ce que vous avez entendu de la part

18 d'autrui.

19 Dans votre déclaration - j'aimerais dans un premier temps, vous demander de

20 prendre la déclaration de l'année 1999 - vous décrivez les événements si

21 critiques qui se sont déroulés en avril 1999, lorsque des forces sont

22 entrées dans Sojevo et ont tué votre oncle et sa femme. Dans la déclaration

23 de 1999, paragraphe 4 de la page 3 de la version albanaise; paragraphe 2,

24 page 4 de la version B/C/S; paragraphe 9, page 2 de la version anglaise,

25 vous avez dit que vous vous trouviez à quelque 120 mètres de la cour de la

26 maison de votre oncle lorsque ces tirs ont eu lieu. Toutefois, dans la

27 déclaration en 2001, dans la version albanaise, il s'agit de la page 6,

28 paragraphe 5; page 7, paragraphe premier de la page 5 de la version B/C/S;

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1 et paragraphe 1, page 5 et paragraphe 6 de la version anglaise. Dans cette

2 déclaration, vous dites que dès que vous avez vu les forces arriver dans

3 votre village, vous et votre famille êtes allés dans les bois avec quelque

4 230 autres personnes.

5 Comment est-ce que vous réconciliez les deux versions ? Est-ce que vous

6 étiez dans les bois ou est-ce que vous étiez prêts du domicile de votre

7 oncle lorsque ces forces sont entrées chez lui ?

8 R. Ces forces ont tué deux personnes dans le quartier de Limanaj et ont

9 incendié tout le quartier. Nous, nous avons évacué une partie de la

10 population. Et lorsque nous avons vu que toutes les maisons du quartier de

11 Limanaj étaient la proie des flammes, nous sommes revenus et nous avons

12 évacué la population. Ce sont justement ces mêmes forces qui sont arrivées

13 dans le quartier de Shukri Begu, comme nous l'appelons. Je me trouvais à

14 une centaine de mètres ou à 120 mètres environ de la maison où se trouvait

15 mon oncle maternel. Il s'agissait de Nazmi et de sa femme Haxhere.

16 J'ai bien vu lorsque deux paramilitaires sont entrés dans sa cour. Haxhere

17 Nebiu se trouvait à l'extérieur de la maison près du portail. L'un des

18 paramilitaires a ouvert le feu et j'ai entendu Haxhere pousser un cri

19 atroce. C'est là que je me suis dirigé vers des buissons et j'ai emprunté

20 la direction ou le chemin qui avait été pris par toute la population.

21 Ensuite, nous sommes revenus, et c'est là que nous avons trouvé Nazmi

22 et Haxhere. Ils avaient été tués tous les deux. Nous avons compté 24

23 cartouches. C'est ce que j'ai dit.

24 Q. Très bien. Vous avez vu une partie des événements, mais vous n'avez pas

25 vu, vous-même, le moment où ils ont été tués, n'est-ce pas ? Est-ce que

26 c'est exact ?

27 R. Si j'avais vu les meurtres, j'aurais été tué. Je ne serais pas vivant

28 pour venir témoigné aujourd'hui.

Page 3137

1 Q. Très bien. Vous décrivez dans votre déclaration et lors de

2 l'interrogatoire principal comment ces 18 paramilitaires étaient

3 accompagnés de deux personnes que vous avez qualifiées de policiers. A

4 propos de ces deux personnes que vous décrivez comme étant des policiers.

5 J'aimerais savoir si vous les avez vues distinctement, est-ce que vous

6 pouviez les voir à partir de l'endroit où vous vous trouviez, vous ?

7 R. Nous avons compté environ 18 personnes qui ont incendié

8 90 % de ce quartier, ont tué ces deux personnes et elles ont emprunté une

9 route locale pour quitter ce quartier ou cette partie du village.

10 Q. Monsieur, je vous ai posé une question bien, bien précise. La question

11 était : eu égard aux deux personnes que vous avez décrites comme étant des

12 policiers, est-ce que vous pouviez les voir clairement de l'endroit où vous

13 vous trouviez ?

14 R. Lorsqu'il y a eu ces meurtres, ces assassinats, c'est cela que vous

15 voulez dire ?

16 Q. Vous nous avez dit qu'il s'agissait de policiers. Ce que j'aimerais

17 savoir, c'est si vous étiez en mesure de bien voir ces personnes ainsi que

18 leurs uniformes de l'endroit où vous vous trouviez, à tout moment pendant

19 cet événement ?

20 R. A partir de l'endroit où je me dissimulais lorsque les assassinats ont

21 eu lieu, comme je l'ai mentionné, il y a eu deux paramilitaires qui

22 portaient une tenue militaire de camouflage et des bérets rouges. Je les ai

23 vus. Puis, après qu'ils ont incendié cette partie du village, ils ont

24 emprunté la route locale. C'est là que nous les avons vus parce que nous

25 étions très, très proches à ce moment-là.

26 Q. Maître --

27 R. Donc, il y avait également des policiers et ils ont agi de concert.

28 Q. Monsieur, je vous posais cette question à propos des personnes que vous

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1 avez décrites comme étant des policiers dans votre interrogatoire principal

2 et dans la déclaration et que vous avez bien mentionné. Ce que j'aimerais

3 savoir c'est si vous avez véritablement pu voir clairement et distinctement

4 ces personnes à partir de l'endroit où vous vous trouviez ?

5 R. Je les ai vues, Maître.

6 Q. J'ai une autre question à vous poser à propos de ces deux personnes

7 décrites par vous comme des policiers. J'aimerais vous demander de vous

8 limiter à répondre à mes questions, nous allons aller beaucoup plus vite en

9 besogne.

10 A propos de ces deux personnes, est-ce que vous avez pu voir des

11 écussons sur leur uniforme, et le cas échéant, où se trouvaient ces

12 écussons ?

13 R. Non. Il est très difficile de discerner des insignes ou des écussons

14 lorsque vous n'êtes pas à une distance assez proche. Mais on pouvait voir

15 qu'il s'agissait d'un uniforme de police.

16 Q. Oui, mais la question que je vous ai posée portait sur des écussons

17 métalliques. Est-ce que vous avez vu des écussons métalliques sur ces

18 uniformes ?

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il a répondu à la question.

20 Monsieur Hyseni, comment est-ce que vous saviez que les uniformes qu'ils

21 portaient étaient des uniformes de la police ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Et bien, on peut reconnaître et voir les

23 couleurs à une certaine distance. L'armée porte soit un uniforme de couleur

24 uni vert ou une tenue de camouflage alors que la police porte un uniforme

25 bleu. Cela, on peut le voir de loin.

26 Puis, pour ce qui est des insignes, je m'excuse, mais je ne les ai

27 pas vus parce que j'étais trop loin.

28 M. IVETIC : [interprétation]

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1 Q. Est-ce que ces personnes portaient un ceinturon d'une couleur

2 particulière, et cela fait partie de leur uniforme ? Toujours, je vous pose

3 la question à propos des deux personnes qui ont été décrites par vous comme

4 étant des policiers.

5 R. Ils devaient porter un ceinturon, mais je ne sais pas quelle était la

6 couleur de leur ceinturon. Comme je vous l'ai dit, j'étais assez éloigné.

7 Il est difficile de discerner les couleurs à une certaine distance.

8 Q. Vous avez parlé d'un uniforme bleu. Est-ce qu'il s'agissait d'un

9 uniforme bleu uni ou est-ce qu'il y avait un imprimé ?

10 R. Oui, il s'agissait d'un uniforme ou d'une tenue de camouflage bleu.

11 Q. Est-ce que vous avez vu ces deux personnes arriver dans un véhicule, et

12 le cas échéant, de quel véhicule s'agissait-il ?

13 R. Ces personnes sont arrivées dans le quartier où j'étais, où je

14 séjournais. En fait, ils sont venus dans des autobus jusqu'à la fin du

15 village de Selo. Puis ensuite, il y a la route de Gjilan. Ils nous ont dit

16 qu'ils venaient de cette direction. Ils sont arrivés dans le quartier de

17 Limanaj d'abord, puis ensuite, ils sont arrivés dans le quartier de Shukri

18 Begu. En fait, pour Shukri Begu, ils sont arrivés à pied.

19 Q. Vous venez de dire, "Ils ont dit qu'ils étaient venus de cette

20 direction. "Je suppose que vous ne les avez pas vus arriver dans le

21 village, mais qu'en fait, pour nous raconter cela, vous nous relater les

22 propos d'autrui.

23 R. Cet endroit se trouve à 1 kilomètre et demi. Lorsqu'ils sont sortis de

24 leur bus, je ne les ai pas vus. Mais lorsqu'ils ont marché à travers les

25 prés et les prairies, nous les avons vus.

26 Q. Très bien. Vous avez décrit une personne que vous identifiez comme

27 étant ce Mijovic. Est-ce que vous avez vu Mijovic avec les forces qui se

28 trouvaient dans la cour de votre oncle ?

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1 R. C'était à une distance d'une centaine de mètres. Pour ce qui est de la

2 cour de mon oncle, je ne sais pas si c'était Mijovic ou quelqu'un d'autre,

3 mais lui, il devrait le savoir parce qu'il faisait partie de ce groupe.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense qu'on a déjà obtenu réponse à

5 la question, puisque le témoin nous a dit qu'il avait entendu cela de la

6 part d'autrui lorsqu'il se trouvait à Stankovac.

7 M. IVETIC : [interprétation] Je pense qu'il s'agissait de la profession de

8 Mijovic qui était en jeu à ce moment-là. Je n'avais pas compris, en fait.

9 Enfin, ce n'est pas très clair pour moi que cette personne ne se trouvait

10 pas dans le groupe, surtout compte tenu de la déclaration qui a été faite

11 et qui semble indiquer que Mijovic se trouvait ou faisait partie du groupe.

12 C'est pour cela que je pose la question.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais ce n'était pas la question

14 que vous avez posée. Vous vouliez savoir si --

15 M. IVETIC : [interprétation] S'il l'avait vu.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Lui.

17 M. IVETIC : [interprétation] Très bien.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense qu'il avait déjà été indiqué

19 qu'il ne l'avait pas vu, mais visiblement, vous avez une autre idée de la

20 question.

21 M. IVETIC : [interprétation] Oui, c'est tout à fait exact, Monsieur le

22 Président. Puis, j'ai également des documents que vous n'avez peut-être pas

23 vus. C'est pour cela que j'ai essayé de préciser les choses pour ma

24 gouverne personnelle avant de poser d'autres questions ou d'aborder

25 d'autres thèmes qui, peut-être, ne donneront aucun résultat.

26 Q. Si nous pouvons passer à autre chose. Après cet incident, Monsieur,

27 vous vous êtes ralliés au convoi de personnes qui se dirigeaient vers

28 Urosevac. Et dans votre déclaration, vous décrivez comment la police

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1 chargée de la circulation routière, police serbe vous a demandé de

2 rebrousser chemin. Est-il exact de dire qu'ils vous ont demandé de rentrer

3 en direction de votre village ?

4 R. Non. Ils nous ont dit d'emprunter la direction de Gjilan.

5 Q. Est-il vrai que lorsqu'on se trouve à Urosevac, votre village se trouve

6 dans la direction de Gnjilane ?

7 R. Oui, c'est vrai. C'est vrai que mon village se trouve en direction de

8 Gjilan.

9 Q. Corrigez-moi, si je m'abuse, mais vous avez dit dans votre déclaration

10 que vous, vous-même, n'avez eu aucun contact avec ces personnes que vous

11 avez identifiées comme des représentants de la police chargée de la

12 circulation routière; est-ce que c'est exact ?

13 R. Non, je n'ai pas eu de contacts avec eux parce que je ne me trouvais

14 pas dans le premier véhicule. C'est au premier véhicule qu'ils ont dit de

15 prendre la direction de Gjilan. L'intention était de prendre la route

16 Gjilan- Bujanovc.

17 Q. Donc, vous ne saviez pas quelle était l'intention de cette police, vous

18 ne saviez pas quel était ou ce qu'ils ont véritablement dit au convoi. Vous

19 ne connaissiez pas les intentions de ces agents de la circulation routière.

20 Puis-je avancer cela à juste titre ?

21 R. Je ne le savais pas à l'époque, mais lorsque nous sommes revenus, nous

22 l'avons appris parce que nous communiquions les uns les autres. Ils ont

23 bloqué la route, puis ils ne nous ont pas permis de poursuivre notre chemin

24 dans cette direction. Ils nous ont dit d'emprunter la direction de Gjilan.

25 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour ce qui est du

26 compte rendu d'audience, page 50, ligne 2 [comme interprété], il a été

27 consigné au compte rendu d'audience que, "j'avais pris contact avec eux …"

28 Comment je l'ai entendu dire, "je n'ai pas eu de contact avec eux …"

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suis d'accord avec cela.

2 M. IVETIC : [interprétation]

3 Q. Alors Presheve et Bujanovc, ce sont des villes qui font partie de la

4 République de Serbie, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Très bien.

7 R. Cela fait partie de la vallée de Presheve.

8 Q. Ces agents de la circulation routière que vous avez mentionnés, est-ce

9 que vous pourriez nous décrire leurs uniformes, quel type d'uniformes

10 portaient-ils ?

11 R. Ils avaient l'uniforme ordinaire des agents de la circulation,

12 l'uniforme que vous voyez quotidiennement. Il y en avait un qui avait des

13 manchons blancs du type de ceux qui sont général portés par les agents de

14 la circulation.

15 Q. Est-ce que vous avez remarqué des insignes, des écussons, sur ces

16 uniformes, des galons ?

17 R. Pour vous dire la vérité, je n'en ai pas remarqué. Ils ont juste donné

18 l'ordre de rebrousser chemin, c'est ce que nous avons fait.

19 Q. Vous avez dit que vous pouviez voir ces uniformes quotidiennement.

20 Compte tenu de votre expérience quotidienne, n'est-il pas exact de

21 dire qu'il y a toujours, pour ce genre d'uniformes, des écussons, des

22 insignes ou des galons ou des inscriptions ?

23 R. Je suppose qu'il devait en avoir, mais je ne les ai pas remarqués. Je

24 n'étais pas véritablement intéressé par cela. Je ne peux pas vous dire

25 maintenant qu'ils avaient des écussons et des insignes et autres galons si

26 je ne les ai pas observés. Ce que je peux vous dire par contre, c'est que

27 nous pouvions reconnaître un agent de la circulation routière.

28 Q. Maintenant, après cet incident qui s'est passé, juste avant Urosevac,

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1 tout le convoi ainsi que vous-même êtes partis vers Slatina. Dans votre

2 déclaration de 2001, vous avez décrit comment la police traversait Slatina

3 en voitures, mais ils ne faisaient rien d'autre. Est-ce que cela se faisait

4 tous les jours lors de votre séjour à Slatina, ou pourriez-vous nous dire à

5 quelle fréquence la police traversait le village ?

6 Q. Et --

7 R. La police a traversé deux ou trois fois le village. Et au cours des

8 douze jours que j'ai passés à Slatina, je ne les ai vus que trois fois. Il

9 y avait énormément de personnes déplacées qui venaient de nombreux

10 villages, de Gjilan et de Viti.

11 Q. A ces trois ou quatre occasions auxquelles vous avez vu la police dans

12 le village de Slatina, là où vous étiez à l'époque, peut-on dire que

13 personne faisant partie de cette police ne vous a donné l'ordre de quitter

14 Slatina ? Vous n'avez pas reçu cet ordre ?

15 R. Après 12 jours, je suis parti de Slatina. Personne ne m'en a donné

16 l'ordre. Mais certaines des personnes déplacées ont quitté Slatina

17 uniquement parce qu'on était trop nombreux. Il n'y avait pas de nourriture,

18 on n'avait absolument rien. On n'avait pas de ravitaillement, donc on a dû

19 partir.

20 Finalement à la fin mai, certains de mes oncles qui étaient là à la

21 fin mai, et bien, ils ont été chassés du village par la police. A la fin de

22 mai, ils ont été envoyés en Macédoine. Cela, c'est quelque chose que j'ai

23 entendu relayer par d'autres personnes.

24 Q. Oui. Je tiens à vous rappeler que je ne me suis intéressé que

25 parce que vous avez su de première main. Je ne suis pas intéressé par ce

26 que vous avez appris de la bouche d'autrui. Cela est dit.

27 Après que votre famille et vous avez essayé d'aller à la frontière,

28 vous décrivez une personne appelée Fishekovic, et vous avez déclaré,

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1 qu'auparavant, il faisait partie de la police financière. J'aimerais un

2 petit peu que l'on éclaircisse cela. Cette brigade financière ou cette

3 police financière, cela ne faisait pas partie du MUP serbe, n'est-ce pas ?

4 R. La brigade financière, avant les bombardements de l'OTAN, était

5 composée de civils. Ce jour-là, quand je suis allé en Macédoine, à l'entrée

6 de Kacanik, il y avait un point de contrôle, un poste de contrôle de la

7 police. Il y avait des soldats qui ont arrêté le convoi d'autocars, et

8 parmi ce convoi, il y avait mon autocar.

9 Q. Oui, cela on le sait. On l'a vu dans votre déclaration. Je voulais

10 juste que nous éclaircissions un peu qui était cette fameuse brigade

11 financière pour les personnes qui ne connaissent pas bien la structure du

12 MUP serbe. Je voulais bien savoir si cette brigade financière faisait

13 partie du MUP ou non ? Alors --

14 R. Je n'ai jamais dit que cette police financière fait partie du MUP ou ne

15 fait pas partie du MUP. Cette personne, en tout cas, que je connaissais par

16 le passé, je savais que c'était un inspecteur financier. Ce jour-là, il

17 était en tenue verte, en uniforme vert. Il portait un fusil à l'épaule et

18 il avait un insigne avec les deux aigles blancs.

19 Q. Je pense que le compte rendu est assez clair et qu'on voit bien que la

20 brigade financière ne fait pas partie du MUP.

21 Maintenant, pour en revenir à ce que vous avez dit ce matin, vous nous avez

22 dit qu'il y avait un Volkswagen Golf, un véhicule assez douteux pour vous,

23 donc cette Golf sans plaques. Vous n'avez jamais vérifié l'identité de la

24 personne qui se trouvait dans ce véhicule et qui était près de votre

25 maison, vous n'avez jamais su qui c'était finalement ?

26 R. En effet.

27 Q. A bord de quel type de véhicules circulaient les membres de l'UCK ?

28 Est-ce que vous le savez ?

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1 R. Non, je n'ai aucune idée.

2 Q. Très bien. Vous avez parlé du moment où votre beau-frère et votre beau-

3 père ont été blessés. Je prenais des notes à ce moment-là et quelques

4 questions d'ailleurs qui me sont venues à l'esprit. Ces blessures, était-ce

5 la conséquence des bombardements qui avaient eu lieu à Urosevac ?

6 R. Non, absolument pas. Ces personnes ont été blessées à cause des tirs --

7 à cause d'un obus qui avait été envoyé par les forces de l'armée, qui a

8 détruit une partie de la maison et qui a blessé ces deux personnes. C'était

9 depuis les casernes de Ferizaj.

10 Q. Très bien. Vous dites que vous avez entendu plusieurs choses de la part

11 des medias. Quel type de médias pouviez-vous suivre à Urosevac en 1999 ?

12 R. La télévision par satellite. C'est ce qu'on pouvait tous regarder à la

13 télévision.

14 Q. Bien.

15 R. Il y avait aussi les journaux.

16 Q. Pouviez-vous lire des journaux en albanais ? Y avait-il aussi des

17 diffusions en albanais à la télévision ?

18 R. Oui. Il y avait le journal Bujku. D'abord, on l'a appelé Rilindja,

19 ensuite, il s'est appelé Bujku.

20 Je peux aussi vous dire qu'on avait aussi des informations qui

21 venaient de l'étranger. On écoutait toujours la BBC, la Voice of America et

22 la Deutsche Welle.

23 Q. Dans votre déclaration, vous avez dit que vous avez appris par la

24 télévision que votre beau-frère et votre beau-père avaient été blessés

25 lorsque la caserne a été attaquée par les forces de l'OTAN. Vous êtes en

26 train de nous dire que les forces serbes étaient dans la caserne quand

27 l'OTAN a frappé la caserne. C'est ainsi que cet obus s'est finalement

28 retrouvé dans la maison de votre beau-père ?

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1 R. Non. L'obus est venu de la caserne et ce n'était pas pendant le

2 bombardement de l'OTAN.

3 Q. Je pense que c'est un peu différent de ce que vous avez dit, mais je

4 vais essayer quand même d'en terminer rapidement.

5 Pour ce qui est de la chose suivante -- vous avez parlé d'un membre de

6 votre organisation appelée Kelmendi. Comment est-ce que vous avez su ce qui

7 était arrivé à M. Kelmendi ? Etait-ce par le biais des médias que vous avez

8 appris ce qui lui était arrivé ?

9 R. Nous avons eu connaissance de l'assassinat de M. Kelmendi au travers

10 des médias. Il a d'abord été kidnappé par la sûreté serbe.

11 Q. Pour ce qui est de ce que vous avez entendu par le biais des médias,

12 les médias en albanais ont aussi relayé une information selon laquelle M.

13 Ibrahim Rugova avait été tué en 1999, tué par les forces serbes ?

14 R. Non, ce n'est pas vrai, je n'ai jamais entendu cela dans les médias.

15 Q. Vous êtes en train de nous dire que M. Rugova n'a pas été tué à ce

16 moment-là ?

17 R. Non, il n'a pas été tué.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous êtes en train de

19 suggérer, Monsieur Ivetic, que Kelmendi non plus n'a pas été tué ?

20 M. IVETIC : [interprétation] Cela, je n'en sais rien.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous ne savez pas ce qui lui est

22 arrivé ?

23 M. IVETIC : [interprétation] Non. Tout ce que j'essaie de prouver, c'est

24 que les médias ne relayaient pas toujours des informations fiables à 100 %.

25 C'est tout. Je pense que le témoin ayant répondu à ma question, je ne vais

26 pas poursuivre plus avant.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Merci.

28 Monsieur Hannis.

Page 3147

1 M. HANNIS : [interprétation] Je me demandais si j'allais poursuivre ce

2 point qui est que les médias ne rapportent pas toujours des informations

3 fiables et le fait qu'on ne peut pas toujours prendre ce que disent les

4 médias pour argent comptant. Cela dit, je n'ai pas de questions.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hyseni, lors de votre

6 déposition, à deux reprises, vous nous avez dit que vous aviez amené les

7 documents avec vous. Vous avez parlé de photographies et vous avez aussi

8 parlé d'un document qui faisait état du personnel de l'armée qui se

9 trouvait quelque part. Afin de partir ici en comprenant bien quelle est la

10 position des Juges de la Chambre, il faut que je vous explique quelque

11 chose. La présentation des pièces est du ressort des deux parties. C'est

12 l'Accusation de décider ce qu'ils vont présenter et ce qu'ils ne vont pas

13 présenter. On ne vous a pas demandé de nous montrer ces documents que vous

14 avez apportés, mais ce n'est pas parce qu'ils ne nous intéressent pas. Nous

15 faisons confiance à l'Accusation. C'est à l'Accusation de savoir quels sont

16 les éléments qui doivent être présentés ou non.

17 Maintenant, nous savons ce que vous aviez à dire. Merci d'être venu

18 déposer. Vous pouvez maintenant rentrer chez vous.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup, Messieurs et Mesdames les

20 Juges. Merci à tous. J'espère que vous allez œuvrer dans l'intérêt de la

21 justice. J'en suis sûr d'ailleurs.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Hyseni.

23 [Le témoin se retire]

24 [La Chambre de première instance se concerte]

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp.

26 M. STAMP : [interprétation] Oui. Bonjour, Messieurs et Mesdames les Juges.

27 Notre prochain témoin est Hazbi Loku. Sa déclaration sera versée au titre

28 de l'article 89(F) du Règlement. Cela dit, si vous nous le permettez, il y

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1 a quelques corrections que nous tenons à apporter. Il y a quelques pièces

2 aussi que nous allons étudier lors de l'interrogatoire de ce témoin. Je

3 pense que j'en ai pour à peu près une heure, pas plus.

4 Les paragraphes de l'acte d'accusation auxquels se réfère cette déposition

5 sont les suivants --

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Enfin, vous avez trouvé un témoin qui

7 n'a fait qu'une déclaration.

8 M. STAMP : [interprétation] Oui, une seule déclaration au bureau du

9 Procureur, en tout cas.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourrions nous faire rentrer M. Loku

11 dans le prétoire, s'il vous plaît.

12 M. STAMP : [interprétation] Pendant que l'on fait rentrer le témoin dans le

13 prétoire,les paragraphes concernés de l'acte d'accusation sont les

14 paragraphes 72(k)(i) et l'annexe K, le tableau K, en tout cas.

15 Je vous présente aussi l'un de nos stagiaires qui nous a énormément

16 aidé à récoler ce témoin-ci ainsi que d'autres d'ailleurs.

17 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Loku. LE TÉMOIN :

19 [interprétation] Bonjour.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, faire

21 une déclaration solennelle en lisant à haute voix le document que vous avez

22 sous les yeux.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je déclare solennellement que je dirai la

24 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

25 LE TÉMOIN: HAZBI LOKU [Assermenté]

26 [Le témoin répond par l'interprète]

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir.

28 Monsieur Stamp, vous avez la parole.

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1 M. STAMP : [interprétation] Merci.

2 Interrogatoire principal par M. Stamp :

3 Q. [interprétation] Monsieur Loku, bonjour.

4 R. Bonjour.

5 Q. Je tiens à vous faire savoir tout d'abord que les Juges de cette

6 Chambre ont eu copie de votre déclaration, et toutes les parties d'ailleurs

7 en l'espèce ont eu une copie de votre déclaration. Je ne vais vous

8 interroger que sur certains passages de votre déclaration. Je voulais que

9 vous sachiez que nous sommes déjà au courant de la teneur de votre

10 déclaration.

11 Pourriez-vous tout d'abord vous présenter, s'il vous plaît, en nous épelant

12 votre nom de famille ?

13 R. Bonjour, je suis Hazbi Loku, L-o-k-u.

14 Q. Où habitez-vous, s'il vous plaît ?

15 R. Je suis né à Kotline dans la municipalité de Kacanik. Depuis la guerre,

16 j'habite à Ferizaj.

17 Q. Ce village de Kotlina, d'après votre déclaration, était un village qui

18 était principalement peuplé de Kosovars albanais. Pourriez-vous nous dire

19 quel était le nombre d'habitants de ce village en février ou en mars 1999 ?

20 R. A Kotlina, il n'y avait que des Albanais. Il n'y a jamais eu d'autres

21 villageois appartenant à une autre communauté ethnique.

22 Q. Combien de personnes habitaient à Kotlina en février ou mars 1999 ?

23 R. Entre 450 et 500 personnes à peu près.

24 Q. Vous vous souvenez avoir fait des déclarations devant le bureau du

25 Procureur le 4 juin 1999 à propos de ce qui était arrivé dans votre village

26 dans cette année, cette année 1999 ?

27 R. Oui.

28 Q. Vous avez signé cette déclaration, n'est-ce pas, vous avez signé une

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1 fois que vous vous êtes assuré qu'elle était correcte et qu'elle reflétait

2 bien la vérité ?

3 R. Oui.

4 Q. Cette déclaration vous a été lue une fois terminée, et vous confirmez

5 que cette déclaration reprend bien ce que vous avez dit, et que du mieux

6 que vous vous rappeliez, vous y avez consigné ce qui était arrivé ?

7 R. Oui.

8 M. STAMP : [interprétation] Pour le compte rendu, je tiens à vous indiquer

9 qu'il s'agit de la pièce P2296.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Stamp.

11 M. STAMP : [interprétation] Poursuivons.

12 Q. En page 2 de cette déclaration, au troisième paragraphe, vous déclarez

13 des événements qui se seraient déroulés dans votre village le 9 mars 1999.

14 R. Oui.

15 Q. Vous dites à un moment que des maisons avaient été détruites par des

16 chars qui étaient rentrés de ces maisons. Pourriez-vous nous expliquer ce

17 qui s'est passé exactement ?

18 R. Oui. Le 9 mars 1999, dans ce village de Kotlina --

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Cepic.

20 M. CEPIC : [interprétation] J'aimerais bien que mon éminent collègue

21 nous dise exactement de quel village il s'agit quand on parle de ces chars

22 et de ces maisons ?

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que c'est Kotlina. Y a-t-il

24 un autre village qui soit concerné ?

25 M. STAMP : [interprétation] Oui, je lui ai parlé de son village et "son

26 village," c'est bien Kotlina.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Très bien.

28 M. CEPIC : [interprétation] Oui, mais si j'ai bien compris, j'ai cru que

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1 c'était Ivaja. Dans la déclaration, Ivaja est à

2 4 kilomètres de Kotlina. Donc, s'il parle bien du 9 mars, je croyais que

3 c'était Ivaja. J'avais cru comprendre la déclaration du témoin de cette

4 façon, qu'il s'était retrouvé à Ivaja le 11 et 12 mars.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Cepic, il suffit de regarder

6 la réponse du témoin à la ligne 12, page 60. Vous voyez bien qu'il s'agit

7 de Kotlina puisqu'il dit : "Le 9 mars, dans mon village de Kotlina …" Il

8 suffit de le laisser poursuivre.

9 M. STAMP : [interprétation] Je crois que je comprends ce qui a créé la

10 confusion dans l'esprit de mon éminent collègue. A l'aide de quelques

11 questions, je pense que je vais éclaircir le point avec le témoin.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.

13 M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

14 M. STAMP : [interprétation] Merci.

15 Q. Vous avez dit dans votre déclaration que certaines maisons avaient été

16 détruites par des chars, des maisons qui se trouvaient dans un endroit bien

17 particulier. Tout d'abord, quelles étaient ces maisons et dans quel village

18 se trouvaient ces maisons ?

19 R. Le 9 mars, quand je parlais du 9 mars, je parlais de Kotlina, c'est

20 Kotlina qui a été attaquée. Un quartier de Kotlina qui s'appelle Dreshec.

21 Le village a été incendié. Je parle de tout ce quartier. Toutes les maisons

22 de ce quartier ont été incendiées. Les maisons étaient assez loin les unes

23 des autres. Elles ont toutes été pillées.

24 Ce même jour, donc le 9 mars, il y a eu deux personnes de Kotlina,

25 deux villageois qui ont été tués.

26 Q. Très bien. Je voulais juste clarifier une chose. Je vais le lire. Je

27 pense que vous faites référence ici au village d'Ivaja. Vous dites que,

28 "des maisons avaient été détruites parce que des chars les avaient

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1 traversées." Pouvez-vous nous expliquer ce qui s'était passé ?

2 R. Pour ce qui est d'Ivaja, là, cela s'est passé le 8 et non pas le 9

3 mars. Quand je me suis rendu à Ivaja, qui est tout à côté de chez moi, j'ai

4 vu que la plupart des maisons avaient été incendiées, la cendre fumait

5 encore. Elles avaient détruites, démolies. Dans le même village, la mosquée

6 aussi était incendiée, le minaret était à moitié abattu.

7 Quant à savoir comment ces maisons avaient été détruites et

8 incendiées, cela, je ne peux pas vous le dire, je ne l'ai pas vu de mes

9 yeux.

10 Q. Très bien. Maintenant, passons au 24 mars. Ce jour-là, vous avez

11 observé ce qui se passait dans votre village et dans les environs. Vous

12 dites dans votre déclaration que vous êtes allé dans un endroit au sud de

13 votre village et vous avez repéré cet endroit sur une petite carte que vous

14 avez dessinée à la main et qui est jointe à votre déclaration.

15 M. STAMP : [interprétation] Pourrions-nous montrer au témoin la pièce

16 P2296, c'est-à-dire la dernière page de cette pièce.

17 Q. Pouvez-vous constater qu'en bas --

18 M. STAMP : [interprétation] Je suis désolé. Un instant, s'il vous plaît.

19 Page suivante, s'il vous plaît.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est une esquisse qu'on cherche.

21 C'est à la fin du texte de la déposition.

22 M. STAMP : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît. Il faudrait

23 retrouver la version anglaise, la dernière page du texte de la déposition.

24 Q. Pouvez-vous voir cette carte faite à main levée ?

25 R. Oui. C'est en effet une carte que j'ai moi-même dessinée.

26 Q. Est-ce que vous pouvez voir où se trouvent votre signature et la date

27 qui est en bas dans l'angle droit ?

28 R. Oui, je les vois.

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1 Q. On va commencer par des questions d'orientation. Votre zone, votre

2 district, Kacanik -- plus précisément Kotlina à Kacanik, c'est un endroit

3 montagneux, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Le village se trouve dans une vallée qui se trouve entre deux zones

6 avec des altitudes supérieures ?

7 R. Oui. Les maisons sont construites dans une disposition formant un demi-

8 cercle des deux côtés de la route. Vous pouvez le voir sur le dessin. Il y

9 a des routes qui rentrent et qui sortent du village. J'ai pu marquer que

10 l'une de ces routes mènent à Ivaja. Une autre nous relie à la route en

11 asphalte qui va à Kacanik et une autre va à Gllobocica, un village qui se

12 trouve à la frontière de la Macédoine et un autre au village de Strasha.

13 Q. C'est très clair que ces lignes parallèles en forme de demi-cercle au

14 milieu de la carte avec ces petites formes carrées, parfois des triangles,

15 il s'agit des principales artères qui traversent le village, et ces petits

16 symboles sont le reflet de maisons qui se trouvent au bord de la route;

17 est-ce exact ?

18 R. Oui, c'est exact. Les maisons, la mosquée. J'ai essayé de dessiner un

19 minaret.

20 Q. Oui. Le minaret de la mosquée est --

21 R. L'école -- j'ai marqué où il y avait trois bâtiments de l'école. A

22 côté, il y a la clinique, le centre médical et une partie de la montagne.

23 On peut voir qu'à une dizaine de mètres du groupe de maisons, ça commence à

24 monter dans la partie sud du village.

25 Q. On va le faire petit à petit.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quant à moi, ce n'est pas trop rapide.

27 C'est parfaitement clair, Monsieur Stamp. Qu'est-ce qui vous semble peu

28 clair quant à vous ?

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1 M. STAMP : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

2 Q. Vous pouvez voir qu'en haut de la carte il y a une lettre "V" et en bas

3 une lettre "J". Qu'est-ce que cela représente ?

4 R. Oui. Il s'agit de sites. Il s'agit du nord dans le cas du "V" et du sud

5 dans le cas du "J."

6 Q. Merci. Je voudrais que vous nous indiquiez où vous vous trouviez sur la

7 colline proche de votre village. Est-ce qu'on le voit sur la carte ?

8 R. Oui, on peut le voir sur cette carte. Les maisons sont disposées en

9 demi-cercle, puis il y a des terres arabes dans la partie au sud du

10 village. Il s'agit d'une colline. Et il y a là des ruines d'un château.

11 Q. Où se trouve-t-il ? Vous l'avez marqué sur cette carte ou vous l'avez

12 mis par écrit quelque part ?

13 R. Oui.

14 Q. Veuillez nous le préciser, s'il vous plaît.

15 R. J'ai marqué Kalaja, à savoir le nom de la forteresse en question, ici

16 dans la partie sud du village.

17 Q. Merci. Vous avez également dit que vous aviez indiqué sur cette carte

18 l'emplacement de certaines écoles. Pouvez-vous nous le montrer et nous dire

19 comment vous les avez représentées ?

20 R. Il y a trois bâtiments d'école que j'ai fait apparaître sur cette

21 carte, que j'ai marqué au moyen de lettres. "S-H" pour le mot école en

22 albanais.

23 Q. Cette structure qu'on voit sur la carte qui semble représenter un

24 minaret ?

25 R. Oui, c'est là. En même temps, il y a la clinique. En tout, j'ai fait

26 apparaître quatre éléments.

27 Q. Bien. On va revenir à cette carte. Je voudrais vous poser une question

28 maintenant sur les événements du 24. Vous avez dit que les femmes, les

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1 enfants et les personnes âgées ont été rassemblés par les Serbes, par des

2 membres de la VJ et de la police. Tout d'abord, sur cette carte, où ont-ils

3 été rassemblés ces gens-là ?

4 R. Oui. Au sud des maisons au milieu du village. Je peux vous le montrer

5 avec mon crayon si vous le souhaitez.

6 Q. Oui. Merci d'encercler l'endroit où ont été rassemblées ces personnes.

7 R. L'endroit où on a rassemblé la population - un certain nombre de

8 personnes ont été expulsées, un certain nombre ont fui, mais la plupart ont

9 été expulsés par l'armée et la police serbe - se trouvent ici.

10 Q. Pouvez-vous l'encercler directement sur l'écran, s'il vous plaît.

11 R. Oui. [Le témoin s'exécute]

12 Q. Merci. Cette carte n'est pas à l'échelle, donc je vais vous poser une

13 autre question.

14 Ce groupe de personnes se trouvait à peu près à quelle distance de là où

15 vous vous trouviez ?

16 R. A environ 150 mètres, je pense.

17 Q. Merci. Vous avez dit dans votre déposition que les femmes, les enfants

18 de même que les personnes âgées ont été chargés sur un camion. Quand vous

19 avez dit "chargés sur un camion," "qui les a chargés sur un camion ?

20 Comment cela a-t-il été fait ?

21 R. Après l'événement qui s'était produit à l'intérieur du village, deux

22 camions vert militaire qui appartenaient à l'armée serbe s'étaient rendus

23 dans le village pour emporter la population, les femmes et les enfants. Je

24 peux vous dessiner une carte représentant l'itinéraire qu'ils ont suivi.

25 Jusqu'à la sortie du village, ils s'y sont rendus à pied, ensuite, ils ont

26 été chargés sur les camions, mais pas tous, puisqu'il n'y avait pas assez

27 de place dans les camions. Ceux qui n'ont pas pu être chargés ont dû faire

28 la route à pied, la route d'asphalte.

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1 Q. Pour en venir au fait, lorsque vous dites qu'ils ont été chargés sur le

2 camion et que d'autres ont emprunté la route d'asphalte, les personnes qui

3 ont été chargées sur les camions, ont-elles été mises sur les camions d'une

4 manière volontaire de même pour les gens qui ont emprunté la route, ou est-

5 ce que ce sont les forces serbes qui les ont obligés à le faire ?

6 R. Ils n'ont pas fait ce voyage de manière volontaire; ils ont été obligés

7 de le faire. On les a battus, ils ont subi des sévices, ils ont été en

8 butte à des menaces pendant tout le voyage jusqu'au moment où ils sont

9 arrivés à Kacanik.

10 Q. Environ combien de personnes au total faisaient partie de ce groupe, à

11 la fois dans les camions et à pied, qui se sont rendues à Kacanik ?

12 R. Au total, il s'agissait d'environ 400 habitants qui s'y sont rendus

13 dans les camions. Nous, environ une centaine d'hommes du village, étions

14 cachés. On ne faisait pas partie de ce groupe de personnes. On a mis les

15 gens dans les camions en les traitant comme si c'était des objets et non

16 pas des êtres humains.

17 Q. Maintenant --

18 R. Les autres ont suivi les camions à pied, tous sous la menace d'une arme

19 à feu. On leur a dit que s'ils refusaient de marcher, ils seraient tués

20 tout de suite, là sur la route.

21 Q. Vous avez dit qu'ils ont été amenés à Kacanik, est-ce que vous savez si

22 vos co-villageois sont restés à Kacanik, ou bien s'ils ont été emmenés

23 ailleurs ? Est-ce qu'ils sont restés au Kosovo ?

24 R. Oui, je sais ce qu'ils sont advenus. Toutes ces personnes sont restées

25 au Kosovo pendant cette période-là. Les femmes et les enfants sont

26 descendus des camions, ensuite, ils ont été envoyés dans différentes

27 maisons qui appartenaient à des habitants de Kacanik. D'autres personnes

28 ont été envoyées au commissariat de Ferizaj, là où ils ont subi des sévices

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1 pendant deux ou trois jours. Ensuite, ils ont été libérés. Ce sont les

2 hommes qui ont été envoyés au commissariat de Ferizaj.

3 Q. Est-ce que, globalement, la population est restée à Kacanik au Kosovo

4 ou bien est-ce qu'ils ont quitté le Kosovo ?

5 R. La population est restée à Kacanik pendant quelque temps. Puisque les

6 forces serbes attaquaient Kacanik - je veux parler ici du massacre de

7 Rakovc - à la suite de ces événements, ils ont pris le départ pour la

8 Macédoine. Ils ont marché plusieurs nuits le long des chemins de la

9 montagne et ont fini par arriver à Bllaca, c'est-à-dire, à un endroit en

10 Macédoine où il y a eu beaucoup d'arrivants du Kosovo.

11 Q. Merci.

12 R. Ma famille faisait partie de ce groupe qui s'est rendu à Bllaca.

13 Q. Dans votre déposition, vous avez dit qu'un groupe de jeunes hommes,

14 plus de 20 jeunes hommes, ont essayé de fuir du côté nord du village et ont

15 été faits prisonniers.

16 R. Oui. Les forces serbes, y compris l'armée et la police, avaient

17 encerclé le village, et nous étions sous la menace, nous étions en danger.

18 Par conséquent, nous avons décidé de fuir. Tout le monde a choisi l'endroit

19 où il allait se rendre. Par exemple, je ne me suis positionné à la

20 forteresse alors que d'autres se sont placés ailleurs dans le village. Ceux

21 d'entre nous qui avaient des maisons près de la montagne à côté du village

22 se sont rendus dans la montagne car ils avaient peur et ils ont pris refuge

23 dans la montagne.

24 Q. Vous avez décrit l'endroit où cette vingtaine de jeunes hommes ont été

25 emmenés, un trou - ou peut-être je vais vous demander des précisions. Dans

26 votre déposition, je vous cite, il s'agit du paragraphe 5, ou plutôt je

27 m'en reprends. Page 5, dernier paragraphe. Vous dites que vous savez que

28 dans la zone où ont été emmenés les hommes, il y avait un gros trou. Est-ce

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1 qu'il y avait un seul trou ou il y avait plusieurs trous dans cet endroit ?

2 R. Si vous me permettez de rentrer dans le détail. Ces hommes qui se

3 cachaient dans cette partie-là de la forêt --

4 Q. Souvenez-vous qu'il y a beaucoup de détails déjà dans votre déposition.

5 Vous avez parlé d'un trou. S'agissait-il d'un seul trou ou de plusieurs

6 trous creusés dans la montagne ?

7 R. Il y avait deux trous très proches l'un de l'autre. Peut-être 5 à 6

8 mètres les séparaient.

9 Q. Merci.

10 R. J'ai écrit "gropa", un trou en albanais, qui veut également dire la

11 même chose pour le pluriel.

12 Q. Quand vous dites "gropa," vous dites que vous voulez dire que vous avez

13 écrit le mot "gropa" sur la carte. Est-ce que vous pouvez le confirmer ?

14 R. Oui, c'est au nord du village. J'ai mis "gropa" au pluriel. C'est à

15 l'entrée du village que se trouvent ces trous, proche de l'entrée.

16 Q. Cet endroit se trouve à peu près à quelle distance de là où vous vous

17 trouviez vous-même ? Où se trouvaient ces trous par rapport à vous ?

18 R. Depuis l'endroit où je me cachais, il y a environ 5 à

19 600 mètres à vol d'oiseau, pas plus.

20 Q. Merci. Je pense que c'est assez clair, mais peut-être on pourrait y

21 revenir. Néanmoins, vous vous trouviez à fond de montagne au sud le village

22 était au milieu, et les trous se trouvaient de l'autre côté du village là

23 où ont été emmenés les hommes ?

24 R. Oui.

25 Q. Mais le village se trouve au creux d'une vallée, et cela ne vous a pas

26 empêché de voir ce qui se passait de l'autre côté ?

27 R. Non, cela ne m'empêchait pas du tout de voir ce qui se passait de

28 l'autre côté. Tout était parfaitement visible.

Page 3160

1 Q. Pouvez-vous nous dire brièvement ce qui est arrivé aux hommes qui ont

2 été capturés à proximité où se trouvent ces trous ?

3 R. Oui. C'est hommes qui ont été faits prisonniers, la majorité d'entre

4 eux étaient des jeunes hommes. Il y avait des jeunes d'environ 16 ans. On

5 les a emmenés depuis l'endroit dans la montagne où ils ont été capturés, et

6 on les a emmenés en direction de la clinique. L'après-midi après 2 heures,

7 ils ont été emmenés vers les trous. Ils ne savaient pas et nous ne savions

8 pas non plus ce qui allait leur arriver.

9 Les gens, ces gens qui avaient leurs mains liées ont été emmenés là-bas, et

10 c'est là qu'ont commencé les sévices. Ils ont été battus. On entendait des

11 cris. Et sur la base de ces cris qu'on entendait, ils ont été jetés dans

12 les trous. Ils ont été massacrés. Et en fin de compte, le soir --

13 Q. Désolez de vous interrompre. Vous avez dit qu'ils ont été jetés dans

14 les trous. Après avoir été jetés dans les trous, qu'est-ce qui s'est passé

15 par rapport à ces trous ?

16 R. Après qu'ils aient été jetés dans les trous, ces trous ont été minés et

17 on a entendu une explosion et on a vu de la fumée. Ensuite on a rempli ces

18 trous à l'endroit où se trouvaient auparavant les trous.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce serait peut-être un bon moment pour

20 nous de faire la pause. Est-ce que je peux vous interrompre à ce stade ?

21 M. STAMP : [interprétation] Oui, c'est tout à fait le moment opportun.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.

23 Nous allons faire une pause et reprendre à 13 heures moins 10.

24 --- L'audience est suspendue à 12 heures 21.

25 --- L'audience est reprise à 12 heures 51.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, c'est à vous.

27 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je pense que la

28 première chose que je devrais faire, c'est de demander au Tribunal si la

Page 3161

1 copie qui porte les marques puisse recevoir un numéro IC.

2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce portant le numéro

3 IC34, Monsieur et Mesdames les Juges.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

5 M. STAMP : [interprétation]

6 Q. J'allais passer à autre chose, mais j'ai remarqué, tout d'abord,

7 Monsieur Loku, que vous aviez dit, après cela, après que vous ayez entendu

8 l'explosion, les trous ont été nivelés. Qu'est-ce que vous voulez dire

9 lorsque vous dites que "les trous ont été nivelés ?"

10 R. On a nivelé le terrain. Les trous ont été mis à plat.

11 Q. Est-ce qu'on peut avoir davantage de détails ? Est-ce que vous avez vu

12 des personnes faire en sorte que le terrain soit nivelé ou est-ce que cela

13 a été nivelé du fait de l'explosion que vous avez entendue ?

14 R. Cela est dû à l'explosion qui a eu lieu.

15 Q. Je vois. Merci.

16 M. STAMP : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait montrer au témoin la

17 pièce portant la cote P00360.

18 Q. Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit sur cette image ?

19 R. Oui. Il s'agit d'une photo des trous qui se trouvaient dans la montagne

20 au-dessus du village.

21 Q. Est-ce que vous savez à peu près à quel moment cette photo a été

22 prise ?

23 R. Cette photographie a été prise à l'automne, après que nous soyons

24 revenus au village.

25 Q. Merci. Et c'est maintenant ce que je voudrais savoir. Vous avez dit

26 dans votre déposition que lorsque vous vous êtes rendu en Macédoine, là où

27 vous avez passé un séjour, en Macédoine, vous avez découvert quelle était

28 l'identité exacte des personnes qui ont été tuées dans votre village le 24.

Page 3162

1 Est-ce que vous avez pu rassembler des photographies de ces personnes et

2 les soumettre au bureau du Procureur ?

3 R. Lorsque je me suis rendu en Macédoine, concernant ces personnes qui ont

4 plus tard été retrouvées dans ces trous, je ne savais pas à l'époque. Il

5 s'agissait de personnes portées disparues, et nous ne savions pas si toutes

6 ces personnes se trouvaient dans ces trous ou seulement certaines d'entre

7 elles. Ces trous ont été rouverts par d'autres gens, des Autrichiens, des

8 spécialistes de la police scientifique qui ont examiné ces corps et qui,

9 avec les membres des familles, ont pu identifier 22 personnes qui ont été

10 jetées dans ces trous et que nous avons ensuite enterré après avoir repris

11 les cadavres des trous.

12 Q. Mais à quelle époque ces trous ont-ils fait l'objet d'excavations de la

13 part de la police scientifique autrichienne ? A quel moment on a pu exhumer

14 ces cadavres ? Vous vous souvenez ?

15 R. Cela a eu lieu en automne, après le retour des habitants au village et

16 une fois que la KFOR avait été entrée au Kosovo. Beaucoup d'autres

17 personnes sont venues mener une enquête et nous les avons emmenés à ces

18 trous, car nous savions que certains membres de nos familles s'y

19 trouvaient. Mais jusqu'à l'exhumation de ces cadavres, nous ne savions pas

20 exactement quelle était l'identité de ces personnes. Une fois qu'ils ont pu

21 être identifiés, ils ont été enterrés et ces photographies ont été prises.

22 Q. Je voudrais revenir à autre chose. Est-ce que vous avez pris et livré à

23 nous, le bureau du Procureur, 24 photographies de personnes qui ont été

24 tuées dans votre village ce jour-là, y compris ceux dont les cadavres ont

25 été exhumés de ces trous ?

26 R. Les photographies des personnes ayant été massacrées ont été amenées

27 par moi-même de même que les photographies qui ont été prises au moment de

28 l'enterrement.

Page 3163

1 Q. Nous allons passer en revue ces photographies une par une.

2 M. STAMP : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait montrer au témoin, s'il

3 vous plaît, la pièce portant la cote P380.

4 Q. Je pense que vous pouvez voir la première page maintenant qui doit être

5 affichée sur votre écran. Est-ce que vous pouvez me le confirmer ?

6 R. Oui.

7 Q. Pièce P380. Pouvez-vous identifier les personnes, les neuf personnes

8 qui se trouvent sur cette page ?

9 R. Oui, je suis en mesure de les identifier toutes.

10 Q. Pouvez-vous nous les nommer, s'il vous plaît, à partir du haut de la

11 page à gauche en allant vers la droite.

12 R. Oui. Adnan Loku, Ibush Loku, Mina Kuci, Bajram Loku, Zija Loku, Ismet

13 Loku, Sali Vasliu, Naser Loku et Mahi Loku. Deux d'entre ces personnes sont

14 les frères de Rexhep Loku. L'une de ces deux personnes avait 17 ans.

15 Q. Pouvons-nous maintenant passer à la deuxième page de cette même pièce.

16 On va procéder de la même manière en identifiant les personnes en partant

17 du haut de la page à gauche et en allant vers la droite.

18 R. Danush Idriz Kuci, il allait à l'école secondaire, il avait 16 ans.

19 Serif Kuci. Dzemal Muradem Kuci. Le dernier, c'est Veselj Vlashi; il

20 travaillait à l'école.

21 Q. Est-ce que nous pouvons voir la page suivante, je vous prie.

22 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Il s'agit de la même pièce à

23 conviction ?

24 M. STAMP : [interprétation] Oui, de la même pièce à conviction.

25 Q. En partant du haut vers le bas, est-ce que vous pouvez nous donner leur

26 nom ?

27 R. Je continue ?

28 Q. Oui, du haut vers le bas.

Page 3164

1 R. Oui. Le premier en haut, c'est Nexhad Ferid Kuci; ensuite, Sabri Hamed

2 Loku; l'autre, Nasir Fadil Loku. Ils sont tous de la même famille.

3 Q. Merci.

4 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames et Monsieur les

5 Juges, des questions vont être posées à propos des personnes qui ont été

6 retrouvées dans le trou. Vous avez 24 photos, mais il n'y en a que

7 certaines - 22, me semble-t-il, - qui ont été trouvées. Nous avons

8 maintenant identifié de façon très claire les personnes qui ont été tuées.

9 J'aimerais que l'on affiche la pièce P381.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit de photographies à

11 nouveau ?

12 M. STAMP : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y en a que 16 alors ?

14 M. STAMP : [interprétation] Non, je m'excuse. Effectivement, je me suis

15 arrêté un peu trop tôt.

16 Q. Est-ce que nous pouvons passer à la page suivante, je vous prie.

17 M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

18 R. Puis-je poursuivre ?

19 Q. Oui, faites donc.

20 R. Ces deux photographies sont les photos d'un père et d'un fils, Sabit et

21 Garep Loku. Le fils était étudiant.

22 Q. Nous pouvons passer à la page suivante, je vous prie.

23 R. Les deux premiers, ce sont les frères Agim et Ismajl Loku. Ismajl Kuci,

24 c'est le troisième. En dessous, vous avez Zimer Loku qui avait 70 ans.

25 Puis, il y a mon frère, Milaim Loku. Le dernier, c'est Neshad Rexha.

26 C'était un neveu de la famille Loku. Ce jour-là d'ailleurs, il se trouve

27 qu'il rendait visite à son oncle à Kotline.

28 M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

Page 3165

1 pense que c'était la dernière page. Je voulais également vous indiquer

2 qu'il y a une pièce à conviction, la pièce P381, qui est une liste de noms

3 que l'on trouve dans l'annexe K. Je ne vais pas attirer l'attention de la

4 Chambre, parce qu'il vient juste de donner ces noms maintenant.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Stamp.

6 M. STAMP : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant prendre la

7 pièce P48. Je m'excuse, P49. Je m'excuse. Merci. Est-ce que l'on pourrait

8 agrandir cette photographie.

9 Q. En attendant que cela le soit, Monsieur Loku, est-ce que vous pouvez

10 nous dire si vous avez pris, oui ou non, cette photographie et ce qu'elle

11 indique ?

12 R. Oui, j'ai pris la photographie. Sur cette photographie, nous voyons les

13 gens qui portent les cercueils des personnes mortes qui avaient été

14 exhumées et qui ont été enterrées ce jour-là. Vous pouvez voir la maison de

15 Baki Kuci qui est en ruines. Vous pouvez voir les cercueils où ces

16 personnes massacrées ont été placées, personnes que nous avons réenterrées.

17 Les personnes que l'on voit sur la photographie, ce sont les villageois de

18 mon village.

19 Q. Merci. Vous avez dit que la maison de Kuci n'était plus que des ruines.

20 Est-ce que vous savez comment cela s'est passé ? Qu'est-il arrivé ?

21 R. C'est une maison qui a été incendiée de l'intérieur. Vous pouvez voir

22 qu'il n'y a plus de toit. C'était une maison à deux étages auparavant.

23 Q. Qui l'a incendiée ?

24 R. Elle a été incendiée par les forces serbes, par les militaires ainsi

25 que la police conjointement.

26 Q. Avant que je ne vous montre la photographie suivante - dans votre

27 déclaration, il s'agit de la page 5, deuxième paragraphe -- du dernier

28 paragraphe de la page 5 et du deuxième paragraphe de la page 6, c'est la

Page 3166

1 même chose pour la version en B/C/S. Vous avez dit que les Serbes qui

2 étaient restés là ont commencé à brûler les maisons. Vous faites référence

3 aux personnes qui incendiaient les maisons, comme à des Serbes. Je suppose

4 que vous entendiez l'armée serbe et la police serbe qui ont commencé à

5 incendier ces maisons.

6 R. Oui. Ce que je voulais dire, c'était l'armée serbe et la police serbe

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Maître Lukic.

8 L'INTERPRÈTE : Maître Lukic parle sans micro.

9 M. LUKIC : [interprétation] J'aimerais demander à mon estimé confrère de ne

10 pas poser des questions directrices au témoin.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp.

12 M. STAMP : [interprétation] Non, je vais poursuivre sans poser de questions

13 directrices. Je voulais tout simplement obtenir une précision. C'est ce que

14 je pensais faire.

15 Est-ce que nous pouvons regarder la pièce à conviction P3 -- non, je

16 m'excuse, P50.

17 Q. Est-ce que vous avez pris cette photographie et qu'est-ce que nous

18 pouvons voir sur cette photographie ?

19 R. Je n'ai pas de photos affichées à mon écran.

20 Q. Est-ce que vous avez pris cette photographie ?

21 R. Oui, c'est moi qui ai pris cette photographie. Il s'agit de la même

22 maison. Vous voyez les cercueils. La photo a tout simplement été prise sous

23 un autre angle.

24 M. STAMP : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir la pièce à

25 conviction P48.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que vous m'autorisez à ajouter quelque

27 chose. Sur cette photographie --

28 Q. Allez-y.

Page 3167

1 R. Maintenant, je ne l'ai plus sur l'écran.

2 Q. Que voulez-vous dire à propos de cette photographie qui était affichée

3 à votre écran ?

4 R. Je voulais dire que vous pouvez voir des restes de nombreuses autres

5 maisons incendiées, parce que sur la première photographie, vous ne pouviez

6 voir que la maison de Baki Kuci, alors que sur la deuxième photographie,

7 vous pouviez voir les ruines d'autres maisons.

8 Q. Merci. Il y a une autre photo qui a été affichée sur votre écran. Est-

9 ce que vous pourriez nous expliquer un peu cette photographie ?

10 R. Oui. C'est moi qui ai pris cette photographie. C'est une photographie

11 de l'école. C'est l'école où je travaillais. Vous pouvez voir qu'il ne

12 reste plus que les ruines de cette école. Nous avons essayé de nettoyer

13 tous les gravats lorsque nous sommes rentrés de la Macédoine et nous avons

14 construit une nouvelle école sur les fondations de l'ancienne. Vous pouvez

15 voir en diagonale la maison incendiée de Garep Loku.

16 Q. Eu égard aux événements du 24 mars, est-ce que vous avez vu des

17 personnes ou un groupe qui auraient tiré sur les forces serbes ce jour-là ?

18 R. Non, pas ce jour-là. Il n'y a personne qui ait tiré sur les forces

19 serbes et il n'y avait pas de trous.

20 Q. Vous avez dit il n'y a pas de -- qu'est-ce que vous vouliez dire ?

21 R. J'ai dit que personne n'avait tiré sur les forces serbes - et lorsque

22 je dis personne, j'entends les gens de la population.

23 Q. Les personnes qui ont été tuées ce jour-là dont certaines ont été

24 exhumées, est-ce que vous savez où ces personnes ont été enterrées ? Elles

25 ont été exhumées pendant l'automne ?

26 R. La plupart de ces personnes ont été enterrées dans la cour de l'école.

27 Q. Est-ce qu'il y a d'autres --

28 R. Elles sont toujours là, ces personnes. Elles y sont toujours de nos

Page 3168

1 jours.

2 Q. Où ont été enterrées les autres ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous avez dit, la plupart ont été enterrées dans la cour de l'école. Où

5 ont été enterrées les autres personnes ?

6 R. Les autres ont été enterrées dans un autre endroit dans le cimetière.

7 Q. Quel était cet autre endroit ? Est-ce que vous pourriez nous le

8 décrire ?

9 R. Oui, je peux. Certains ont été enterrés au cimetière de Kacanik. Ceux

10 qui n'ont pas été enterrés dans la cour de l'école ont été enterrés au

11 cimetière de Kacanik.

12 Q. Merci. Est-ce que le cimetière de Kacanik appartenait à une

13 organisation ou est-ce qu'on l'associait à une organisation ?

14 R. Cela, je n'en sais rien.

15 Q. Avez-vous entendu quoi que ce soit à propos d'une organisation à

16 laquelle le cimetière de Kacanik aurait pu être associé ?

17 R. Non.

18 Q. Très bien. Savez-vous si l'une ou l'autre de ces personnes dont nous

19 avons parlé auraient été enterrées dans un cimetière associé avec l'UCK ?

20 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Visnjic.

22 M. VISNJIC : [interprétation] Il me semble que mon collègue est allé un peu

23 trop loin en ce qui concerne les questions directrices. Le témoin a répondu

24 par deux fois à la même question, et maintenant, on lui pose une question

25 directrice. Mon éminent collègue, M. Stamp, lui pose une question

26 directrice.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, ce n'est pas tout à fait le même

28 genre de questions directrices que la question qui peut faire l'objet d'une

Page 3169

1 objection, Monsieur Visnjic, puisqu'ici, il s'agit d'une question

2 directrice qui va à l'encontre de ses intérêts finalement.

3 Je sais qu'il y a une pratique dans ce Tribunal, on a tendance à suivre la

4 procédure américaine, anglaise ou australienne, c'est-à-dire qu'il faut

5 suivre des standards avant que l'on puisse savoir si un témoin est hostile

6 ou non. Il me semble qu'un témoin, de toute façon, doit être interrogé de

7 la façon appropriée et qui convient au vu des problèmes et des questions

8 que l'on étudie.

9 Alors, vous, vous soulevez que vous voulez une objection et vous ne

10 voulez pas que l'on pose cette question à ce témoin; c'est bien cela ? Vous

11 confirmez que vous soulevez une objection ?

12 M. VISNJIC : [interprétation] Oui. Je soulève une objection.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, quelle est votre

14 réponse ?

15 M. STAMP : [interprétation] Je certifie que nous sommes dans l'exception à

16 la règle, mais nous aimerions quand même que nous puissions poser cette

17 question, parce que si cela nous donne une réponse positive, il est bien

18 évident que cela va aller à l'encontre de nos intérêts, mais il y a quand

19 même un but, là derrière.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Nous allons étudier la

21 chose.

22 [La Chambre de première instance se concerte]

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous ne pensons pas que cette question

24 porterait préjudice aux accusés. Quand il y a un problème -- s'il y avait

25 un problème et si l'Accusation considère que le témoin n'est pas en train

26 de tout dire et donc qu'il convient de le diriger un petit peu, il nous

27 semble qu'il est normal, après tout, que l'Accusation pose une question qui

28 pourrait être peut-être plutôt vue comme une question de contre-

Page 3170

1 interrogatoire. Mais du moment que cela ne porte pas préjudice aux accusés,

2 nous considérons que cette question est acceptée. Donc, nous attendons une

3 réponse.

4 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

5 Q. Monsieur Loku, je reprends ma question : savez-vous s'il y a des

6 personnes exhumées qui auraient été enterrées dans un cimetière ayant une

7 relation quelconque avec l'UCK ? En avez-vous entendu parler peut-être par

8 la suite ?

9 R. Oui. Certaines autres personnes ont été enterrées au carré des héros

10 dans le cimetière de Kacanik.

11 Q. Pour être bien sûr de ce que vous venez de nous répondre, quand vous

12 dites il y a "d'autres personnes" qui ont été enterrées dans ce fameux

13 carré, vous parlez de personnes qui auraient été massacrées ce jour du 24

14 mars, n'est-ce pas, personnes de votre village ?

15 R. Oui, je parle de personnes qui avaient été tuées le 24 mars et ainsi

16 que le 9 mars. Il s'agit de personnes qui ont trouvé la mort ces deux

17 jours-là.

18 Q. Pourriez-vous nous dire à peu près combien de personnes ont été

19 enterrées dans ce carré des héros au cimetière de Kacanik ? Donnez-nous un

20 ordre d'idée.

21 R. Moins de la moitié. Sept ou huit. Je n'ai pas de chiffre exact en tête.

22 Q. Et le --

23 R. Cela comprend les personnes qui ont été tuées le 9 mars.

24 Q. Donc, ce carré des héros à Kacanik, au cimetière de Kacanik, est-ce

25 associé à l'UCK ?

26 R. Oui. Il y a un lien avec l'UCK. C'est un cimetière qui appartient à

27 l'UCK, mais toutes les personnes tuées n'y sont pas. La description a été

28 faite par quelqu'un d'autre.

Page 3171

1 Q. Je vais vous reposer cette question. Vous nous dites que toutes les

2 personnes n'ont pas été tuées et que la description a été faite par

3 quelqu'un d'autre. Pouvez-vous nous réexpliquer ce que vous venez de dire ?

4 Qu'est-ce que vous voulez dire exactement dans votre réponse précédente

5 parce qu'elle n'est pas très claire ?

6 R. En disant cela, je veux dire, qu'après avoir examiné les corps exhumés,

7 la plupart des personnes trouvées là ont été enterrées dans la cour de

8 l'école. Mais il y avait deux autres cimetières aussi -- il y avait deux

9 autres tombes. Il y avait deux autres tombes. Les personnes qui ont été

10 exhumées depuis les trous ont été enterrées dans le cimetière des martyrs à

11 Kacanik. On les trouve encore là, d'ailleurs, dans ce cimetière des

12 martyrs, ou des héros.

13 Q. Très bien. Quand vous étiez en Macédoine, avez-vous été interviewé par

14 des membres de l'OSCE, de l'Organisation de Sécurité et de Coopération en

15 Europe ?

16 R. Oui. J'ai été interviewé par l'OSCE ainsi que par le TPY.

17 Q. Lors de cette interview, avez-vous parlé à l'OSCE de ces événements

18 auxquels vous aviez assisté le 24 mars 1999 à Kotlina ?

19 R. Oui.

20 M. STAMP : [interprétation] Merci, Messieurs et Mesdames les Juges. Je n'ai

21 plus de questions en ce qui concerne l'interrogatoire principal.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

23 Monsieur Loku, êtes-vous toujours directeur de l'école ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, j'ai emménagé à Ferizaj et j'y habite

25 depuis quatre ans maintenant. Je travaille dans une autre école maintenant.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] L'école de Kotlina a été reconstruite,

27 c'est ce que vous nous avez dit. Est-ce qu'elle est en tant

28 qu'établissement scolaire à l'heure actuelle ?

Page 3172

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, c'est une école. Elle a été

2 reconstruite et il y a des élèves. Les élèves sont retournés à l'école et

3 il y a d'autres enseignants aussi maintenant dans cette école.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

5 Monsieur O'Sullivan.

6 M. STAMP : [interprétation] Avant que M. O'Sullivan ne prenne la parole,

7 j'ai une chose à dire pour le compte rendu. Il y a une autre pièce qui se

8 trouve sur le formulaire. Il s'agit de la pièce P26 -- non, je me reprends,

9 la pièce P358. Il s'agit d'une carte qui a été prise sur l'atlas du Kosovo,

10 qui montre Kotlina, Ivaja ainsi que les villages avoisinants qui ont été

11 mentionnés par le témoin. Toutes ces localités sont marquées. Je pense

12 qu'il n'y a pas besoin de montrer tout cela au témoin à l'heure actuelle.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

14 Monsieur O'Sullivan.

15 M. O'SULLIVAN : [interprétation] L'ordre sera le général Ojdanic, le

16 général Pavkovic et le général Lukic, M. Sainovic,

17 M. Milutinovic et le général Lazarevic.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

19 Monsieur Visnjic, c'est à vous.

20 M. VISNJIC : [interprétation] Merci.

21 Contre-interrogatoire par M. Visnjic :

22 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Loku. Je m'appelle Tomislav Visnjic

23 et je représente M. Ojdanic avec mon collègue,

24 M. Sepenuk. Nous avons quelques questions pour vous.

25 Tout d'abord, commençons par les événements portant sur la présence de la

26 mission de l'OSCE dans votre village. Dans votre déclaration à la page

27 0081732 [comme interprété], vous dites que la Mission de l'OSCE a quitté

28 votre village le 23 mars 1999, dans l'après-midi. Lors du procès Milosevic,

Page 3173

1 au compte rendu à la

2 page 2 003, vous avez aussi confirmé la même chose.

3 Vous affirmez à nouveau aujourd'hui que la Mission de l'OSCE a quitté votre

4 village le 23 mars 1999 ?

5 R. Oui. L'OSCE est partie le 23 mars 1999. On ne savait pas qu'ils

6 n'allaient pas revenir. Ils étaient dans le village. Ils étaient tout le

7 temps dans le village entre le 10 et le 23 mars. Ils étaient là absolument

8 de façon permanente, mais ils sont partis le

9 23 et ils ne sont jamais revenus.

10 Q. Bien, Monsieur Loku, concernant la date du 23 mars, nous avons un

11 certain nombre de problèmes avec cette date, puisque toute la mission OSCE

12 et son personnel ont quitté le territoire de la République fédérale de la

13 Yougoslavie le 20 mars 1999. Ils ne pouvaient pas se trouver dans votre

14 village les 21, 22 et 23 mars.

15 R. Ils se trouvaient dans le village. Est-ce que je peux parler ?

16 Q. Oui, poursuivez.

17 R. Bien, nous habitons le sud du Kosovo et peut-être que les

18 -- ils étaient peut-être les derniers -- le dernier endroit qu'ils ont

19 quitté. En tout cas, ils y étaient jusqu'au 23. Quelqu'un de l'OSCE peut le

20 vérifier si ceci est vrai ou pas.

21 Q. Bien. Merci. Alors que l'OSCE était sur les lieux dans votre village,

22 est-ce qu'ils étaient présents 24 heures sur 24 ou s'y rendaient-ils chaque

23 jour ?

24 R. Au départ, ils restaient jour et nuit dans le village. Mais les deux,

25 trois derniers jours, ils ne s'y rendaient que le soir car le village était

26 complètement dans le noir. Il n'y avait pas d'électricité et la population

27 et les enfants, en particulier, étaient traumatisés. Pour ces raisons, ils

28 mettaient les phares de leurs véhicules des deux côtés du village pour que

Page 3174

1 les enfants aient un peu moins peur.

2 Q. Oui, Monsieur Loku, vous l'avez dit dans votre déposition.

3 Ma question est la suivante : est-ce que vous savez que l'OSCE, pendant

4 chacune de ses visites dans votre village, avait besoin de l'autorisation

5 des autorités yougoslaves; le saviez-vous ? Les villages dans la zone

6 frontalière, c'était applicable à ces villages.

7 R. Je n'étais pas au courant.

8 Q. Merci. Monsieur Loku, pour revenir maintenant aux événements qui ont eu

9 lieu avant le 24 mars, avant cette date-là, avez-vous constaté si, oui ou

10 non, certaines personnes dans votre village étaient revêtues d'habits verts

11 ou de vert camouflage ? Est-ce qu'ils portaient des vestes de ce type-là ?

12 R. Non, aucune personne ne portait ce type d'uniforme.

13 Q. Avant cette même date, à savoir le 24 mars 1999, avez-vous remarqué si

14 quelqu'un dans votre village portait des pantalons ou des chemises en tissu

15 de camouflage ?

16 R. Non, je n'ai rien remarqué de la sorte.

17 Q. Avez-vous vu des personnes qui portaient peut-être un béret rouge ?

18 R. Non.

19 Q. Savez-vous si quelqu'un dans votre village avait en sa possession ou

20 utilisé un dispositif radio de la marque Motorola ?

21 R. Non, je ne le savais pas.

22 Q. Est-ce que, dans votre village, il y avait quelqu'un qui avait en sa

23 possession ou alors portait des fusils semi-automatiques de manufactures

24 chinoises ?

25 R. Il n'y avait aucune arme dans notre village. Même les fusils de chasse

26 avaient été pris par la police serbe avant.

27 Q. Si je vous posais la question de savoir si quelqu'un dans votre village

28 portait ou utilisait un fusil M-95 ou s'il possédait des grenades, et bien,

Page 3175

1 j'imagine que vous allez me donner la même réponse; est-ce exact ?

2 M. CEPIC : [interprétation] Je suis désolé, mais nous n'avons pas

3 d'interprétation B/C/S.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A quel point cela s'est interrompu,

5 Monsieur Cepic ?

6 M. CEPIC : [interprétation] Ligne --

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] S'il vous plaît, Monsieur Cepic, votre

8 micro.

9 M. CEPIC : [interprétation] Désolé. Page 84, à partir de la ligne 17. C'est

10 à partir de ce moment-là que nous avons perdu la traduction B/C/S.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, la réponse est qu'il est dit :

12 "Qu'il n'y avait aucune arme dans notre village. Même les fusils de chasse

13 que possédaient certains villageois avant avaient été pris par la police

14 serbe." Ensuite, il y avait une autre question qui n'a pas encore reçu de

15 réponse. Peut-être, Monsieur Visnjic, vous pouvez répéter la question afin

16 que toutes les parties puissent avoir la teneur.

17 M. CEPIC : [interprétation] Oui.

18 M. VISNJIC : [interprétation]

19 Q. Monsieur Loku, si je vous posais la question de savoir si oui il y

20 avait dans votre village quelqu'un qui utilisait ou portait un fusil M-95,

21 appelé Steyr, ou une grenade, vous allez sans doute me répondre de la même

22 façon que vous l'avez fait pour mes précédentes questions; est-ce exact ?

23 R. Comme je l'ai dit, en effet je n'ai vu aucune personne qui portait une

24 arme dans le village, en autant que je le savais. Il n'y avait aucune arme

25 dans le village.

26 Q. Très bien.

27 M. VISNJIC : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait préparer pour le témoin

28 la pièce 3D74 alors que j'évoque la question suivante.

Page 3176

1 Q. Monsieur Loku, par conséquent, vous n'avez aucune connaissance

2 concernant un éventuel dépôt d'équipement dans l'une des maisons de votre

3 village, qui contenait entre autres neuf sacs de couchage, neuf sacs à dos

4 de soldats, différents pantalons de l'uniforme de soldats en couleur verte,

5 des gilets, des T-shirts, des tentes, des Motorolas, deux grenades à main

6 de marque chinoise, six fusils semi-automatiques avec munitions, un fusil

7 style M-95 et

8 30 000 -- je m'en reprends, 224 pièces de munitions de calibre 7.62 avec

9 une charge augmentée, de même que 2 347 pièces de munitions de calibre 7.62

10 pour les fusils automatiques. Rien de tout ceci ne vous rappelle rien

11 j'imagine ?

12 L'INTERPRÈTE : L'interprète rajoute un autre élément, des lames chargeurs.

13 R. Ce n'est pas que cela ne me dit rien, mais aucun des objets que vous

14 venez de mentionner ne se trouvait dans mon village. Il n'y avait ni armes,

15 ni équipement.

16 Q. Très bien.

17 M. VISNJIC : [interprétation] On peut, par conséquent, montrer au témoin la

18 pièce 3D74. Je demanderais à l'Huissier, s'il veut bien, car je suis en

19 possession d'une meilleure copie, de la remettre au témoin.

20 Monsieur le Président, concernant cette pièce et la qualité des

21 photographies, je voudrais vous donner quelques explications. Je vais tout

22 d'abord donner la copie à M. l'Huissier. Je vous remercie de le mettre sur

23 le rétroprojecteur.

24 Q. Monsieur Loku, reconnaissez-vous si, oui ou non, cette maison était

25 dans votre village ?

26 On pourrait peut-être montrer la page 3 sur le rétroprojecteur. Il

27 s'agit toujours de la pièce 3D7, page 3.

28 Monsieur Loku, est-ce que cette maison vous semble être l'une des maisons

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1 qui était dans votre village ?

2 R. Non. Je ne pense pas qu'il s'agisse là d'une maison qui était dans mon

3 village.

4 Q. Vous ne la reconnaissez pas ou vous êtes certain que ce n'est pas une

5 maison qui était dans votre village ?

6 R. Je suis certain.

7 Q. Vous êtes certain que cette maison n'était pas dans votre village ?

8 R. Oui, je le suis.

9 Q. Concernant --

10 R. Sur la page de la photographie que je vois actuellement, je ne

11 reconnais pas cette maison comme étant une maison qui était dans mon

12 village, d'après ce que je vois devant moi.

13 Q. Très bien, Monsieur Loku. Maintenant, si on regarde les deux autres

14 pages, là aussi, j'imagine que vous n'allez pas pouvoir reconnaître

15 l'intérieur d'une maison qui aurait été dans votre village. Il s'agit

16 maintenant des pages 4 et 5, de la même pièce que vous avez devant vos

17 yeux.

18 R. On peut voir, d'après les photographies, qu'il y a quelque chose dans

19 ces pièces, mais je n'ai jamais vu ces vêtements et je ne pense pas qu'il

20 s'agisse de chambres ou de pièces qui se trouvaient dans des maisons

21 situées dans mon village.

22 Q. Merci, Monsieur Loku.

23 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, ce serait peut-être le

24 moment pour moi de m'interrompre, car je vais passer à une autre série de

25 documents qui relèvent de la même question, mais je peux attendre jusqu'à

26 demain.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Visnjic.

28 Monsieur Loku, nous allons nous interrompre jusqu'à demain car une autre

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1 affaire va occuper ce prétoire cet après-midi. Nous devons, par conséquent,

2 nous arrêter. Nous allons vous écouter à nouveau demain -- votre témoignage

3 demain. Là, il s'agira de la séance de l'après-midi, à 14 heures 15.

4 Il vous faut absolument être ici en mesure de témoigner à

5 14 heures 15 demain. En attendant, il est très important que vous vous

6 absteniez de parler de votre témoignage avec qui que ce soit, qu'il

7 s'agisse des éléments que vous avez évoqués auparavant ou ce que vous avez

8 évoqué ici dans le prétoire. Vous pouvez parler de toute autre chose avec

9 les personnes que vous rencontrez mais ne parlez en tout cas pas de votre

10 témoignage ici. On vous verra demain à 14 heures 15.

11 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le mardi 12 septembre

12 2006, à 14 heures 15.

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