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Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 29 septembre 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [L'accusé Milutinovic n'est pas présent]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan, je remarque que M.

7 Milutinovic n'est pas là, mais j'ai reçu une déclaration par laquelle il

8 renonçait à son droit à assister à l'audience d'aujourd'hui. Merci.

9 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je voulais simplement

10 présenter une nouvelle collègue, Tamara Margitic, qui remplacera Susan

11 Grogan qui nous rejoindra plus tard au cours du procès.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

13 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Ramadani.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons poursuivre votre

17 déposition. Je vous rappelle que la déclaration solennelle que vous avez

18 prononcée au début de votre déposition par laquelle vous vous êtes engagé à

19 dire la vérité s'applique toujours aujourd'hui.

20 LE TÉMOIN: LUFTI RAMADANI [Reprise]

21 [Le témoin répond par l'interprète]

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Me Bakrac, au nom du général

23 Lazarevic, va vous interroger aujourd'hui.

24 M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Comme vous venez

25 de me présenter, point n'est besoin de me présenter à nouveau.

26 Contre-interrogatoire par M. Bakrac :

27 Q. [interprétation] Monsieur Ramadani, j'aurais seulement quelques

28 questions à vous poser et je crois que très rapidement nous pourrons les

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1 parcourir au cas où vous réponses venaient à être brèves et précises.

2 M. BAKRAC : [interprétation] J'aimerais demander maintenant à M. l'huissier

3 de faire placer sur l'écran la pièce à conviction de l'Accusation P99.

4 Q. Monsieur Ramadani, est-ce que vous voyez sur votre écran le document ?

5 R. Oui. Est-ce que l'on pourrait agrandir l'image un peu, s'il vous

6 plaît ?

7 Q. Est-ce que cela va mieux maintenant, Monsieur Ramadani ?

8 R. Je m'excuse, je dois d'abord mettre mes lunettes. C'est bien

9 maintenant.

10 Q. Monsieur Ramadani, nous avons parlé à plusieurs reprises hier de cette

11 photographie, j'ai une question à vous poser s'agissant de cette photo.

12 Pourriez-vous nous dire si l'on voit sur cette photo la route principale

13 reliant Djakovica à Prizren ?

14 R. Non. La route principale qui mène de Djakovica à Prizren n'est pas

15 indiquée sur la photo, car elle passe par les abords du village ici.

16 Q. Dans le coin en haut à droite, tout à fait en haut de la photo, est-ce

17 qu'on voit une partie de cette route ?

18 R. Oui, c'est ici. On voit une partie de la route entre Prizren et

19 Gjakova, c'est une partie mais ce n'est pas très clair sur la photo.

20 Q. Pouvez-vous prendre ce stylo bleu et nous indiquer ce coin en haut sur

21 la photo, là où se trouve la route reliant Prizren et Djakovica ? Vous

22 pouvez juste tracer un trait.

23 R. Ici, il y a la cave.

24 Q. Pourriez-vous apposer un numéro 1 à côté de ce point là, peut-être le

25 point suffira-t-il ? Mais un numéro 1 serait préférable.

26 Est-ce qu'on voit sur cette photo votre maison à vous ? Pouvez-vous

27 nous montrer votre maison ?

28 R. Ma maison, c'est celle-ci.

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1 Q. Pouvez-vous mettre le numéro 2 à côté, je vous prie, pour que les

2 choses soient tout à fait correctes ?

3 M. LE JUGE CHOWHAN : [hors micro]

4 R. [Le témoin s'exécute]

5 M. BAKRAC : [interprétation]

6 Q. Bien, Monsieur Ramadani. Hier, vous nous avez montré le ruisseau où

7 vous avez été, puis la maison.

8 R. Oui, le ruisseau se trouve ici, à peu près.

9 Q. Vous n'avez pas à nous l'indiquer parce qu'on l'a déjà. Monsieur

10 Ramadani, vous n'avez pas à le faire à nouveau parce que nous avons déjà

11 une photo où on voit le ruisseau, la maison de M. Batusha et l'emplacement

12 où se trouvait l'étable de M. Batusha. Cela vous nous l'avez montré hier.

13 Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que ces trois endroits, étant donné

14 notamment des maisons concentrées au niveau du village, il est évident qu'à

15 partir de la route principale, il n'est pas possible de voir les endroits

16 que nous venons d'indiquer ?

17 R. Ici dans le coin, vous voyez la route et vous voyez en contrebas vers

18 le ruisseau, la prairie, mais pas vers le haut.

19 Q. Merci, Monsieur Ramadani.

20 M. BAKRAC : [interprétation] J'aimerais qu'on nous accorde une cote pour

21 cette photo avant de passer à une question autre.

22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce IC68.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

24 M. BAKRAC : [interprétation]

25 Q. Monsieur Ramadani, je vous remercie. Point n'est besoin de continuer à

26 regarder sur cette photo. J'ai ici la transcription de votre témoignage

27 dans l'affaire Milosevic. Serait-il exact de dire qu'à l'occasion de votre

28 témoignage dans cette affaire-là, vous aviez déclaré que, concernant la

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1 localité de Mala Krusa, les Albanais n'ont pas été tués par l'armée de la

2 Yougoslavie et que cela était également valable pour ce qui était des

3 villages voisins ?

4 Mme MOELLER : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir une

5 référence, s'il vous plaît ?

6 M. BAKRAC : [interprétation] Oui, page 6 723, lignes 16 à 22.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, je n'ai pas très bien compris

8 votre question.

9 M. BAKRAC : [interprétation]

10 Q. Je me suis référé à la page concernée et je vous ai demandé s'il était

11 vrai de dire que lors du procès Milosevic vous aviez bien dit que les

12 Albanais n'ont pas été tués par l'armée de Yougoslavie pour ce qui était du

13 village Mala Krusa, et que la même chose pourrait être dite par les autres

14 villages. Est-ce exact ou pas ?

15 Mme MOELLER : [interprétation] Je soulève une objection parce que d'après

16 le compte rendu, la question posée par M. Milosevic portait sur le fait de

17 savoir si des Albanais avaient été tués par les bombardements de l'OTAN. Il

18 n'est pas question de l'armée du tout.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac.

20 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, la question a été

21 celle-ci : "Si personne a été tué à l'occasion des combats et des

22 bombardements de l'OTAN, d'abord ceux qui ont péri, d'après votre

23 témoignage, ce sont des civils, des civils qui ont péri de la main de la

24 police serbe et de l'armée".

25 Il est question de civils, il vous a posé une question au sujet des civils,

26 et M. Ramadani a répondu s'agissant de civils.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'a-t-il a répondu ? Car je n'ai pas

28 le compte rendu sous les yeux.

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1 M. BAKRAC : [interprétation] La réponse a été celle-ci :

2 "Les Albanais n'ont été tués que par la police serbe, c'est ce qui se

3 rapporte au village de Mala Krusa, la police serbe seulement et tout cela

4 est aussi valable pour les villages voisins."

5 Je pense que l'objection ne tient pas debout parce qu'il est clairement

6 indiqué qu'il s'agit ici d'Albanais et de civils. La réponse en fin de

7 compte nous le précise bien.

8 Mme MOELLER : [interprétation] Je ne vois pas de référence aux villages

9 voisins dans la réponse.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le problème vient ici de la manière

11 dont la question a été formulée. Le compte rendu d'audience est inutile par

12 rapport à la question que vous avez posée, mais seulement si vous obtenez

13 une réponse qui vous semble ne pas concorder avec ce qui a été dit

14 précédemment, là vous pouvez vous référer au compte rendu. C'est la raison

15 pour laquelle il y a souvent des confusions par rapport à ce type de

16 questions. Je vous propose de poser la question, ensuite si vous souhaitez

17 tester le témoin en le renvoyant au compte rendu d'audience, vous pourrez

18 alors utiliser le compte rendu.

19 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est bien le type de

20 question qu'il me semble avoir posé, suite à quoi il y a eu objection. La

21 seule chose que j'ai dite c'est que le témoin en avait déjà parlé. Je n'ai

22 pas procédé à une citation de la transcription tant que l'objection n'avait

23 pas été soulevée. Je vais poser ma question.

24 Q. Monsieur Ramadani, est-il exact de dire que Mala Krusa et dans les

25 villages environnants, les civils albanais n'ont pas péri de la main de

26 l'armée de Yougoslavie ?

27 R. Des civils innocents ont été tués par la police; la police les a tués

28 et les a brûlés.

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1 Q. Monsieur Ramadani, serait-il exact de dire aussi que l'artillerie n'a

2 pas été utilisée à Mala Krusa à l'époque au sujet de laquelle vous avez

3 témoigné ici ?

4 R. On s'est est servi. L'armée était tout autour de Krusha e Vogel, à

5 l'extérieur du village non pas à l'intérieur. Comme je l'ai dit plus tôt à

6 l'intérieur du village il y avait la police, tandis que l'armée se trouvait

7 tout autour du village. Il y avait des Praga et des chars, mais les

8 transporteurs de troupes étaient dans les rues à l'intérieur du village.

9 Q. Monsieur Ramadani, je me propose de vous donner lecture de ce que vous

10 avez dit au procès Milosevic. Je me réfère à la page

11 6 721 du compte rendu d'audience, lignes 23 à 24 -- ou plutôt, 21, 22, 23

12 et 24. L'accusé Milosevic :

13 "Q. Bien, est-ce que l'on s'est servi de l'artillerie ou pas ? Dites-le

14 moi ?

15 LE JUGE MAY : Le témoin a déjà dit que l'artillerie n'avait pas été

16 utilisée.

17 LE TÉMOIN RAMADANI : L'artillerie n'a pas été utilisée. Il a fait que tirer

18 à partir des véhicules blindés."

19 Alors, qu'est-ce qui est exact, ce que vous nous dites aujourd'hui ou

20 ce que vous avez affirmé à l'occasion du procès de

21 M. Milosevic ? Parce que vous avez, de façon explicite, répondu à une

22 question claire en disant que l'artillerie n'avait pas été utilisée.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, enfin, veuillez répondre à la

24 question, s'il vous plaît.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai déjà dit, hier notamment,

26 l'artillerie, l'armée était autour du village, mais pas à l'intérieur du

27 village. Là, je vous parle maintenant de mon village, pas des autres

28 villages.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que l'armée s'est servie de

2 l'artillerie ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas vu qu'ils se servaient de ces

4 armes, mais ils ont nettoyé le terrain et la police a ouvert le feu.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez dit autre chose, c'est ce

6 qui ressort du compte rendu Milosevic. Vous avez dit que l'on tirait

7 simplement depuis les véhicules blindés. Qu'entendez-vous par là ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, depuis les transporteurs de troupes. Mais

9 les chars et les Praga étaient autour du village. Les véhicules blindés de

10 transport de troupes avaient des canons et ils ont ouvert le feu sur le

11 village.

12 M. BAKRAC : [interprétation]

13 Q. Monsieur Ramadani, vous avez fait une autre déclaration en date du 5

14 octobre 2001; est-ce bien exact ? Vous l'avez faite à l'intention du bureau

15 du Procureur.

16 R. J'ai fait de nombreuses déclarations, mais je ne me souviens plus à

17 quelle date.

18 Q. Monsieur Ramadani, je me propose de donner lecture d'un passage de

19 votre déclaration, au sujet précisément, de ceux dont nous avons parlé tout

20 à l'heure.

21 "On m'a demandé combien de véhicules de l'armée de la Yougoslavie se

22 trouvaient sur la route goudronnée à l'extérieur de Mala Krusa. Ils étaient

23 alignés le long de la route Djakovica-Prizren, route goudronnée. Pour la

24 première fois, ils s'y sont mis le 25 mars à 15 heures. Les véhicules que

25 j'ai vus étaient quelque chose entre les blindés de transport de troupes,

26 des voitures blindées et des Praga. Ce n'était pas des véhicules à

27 treillis. Les blindés de transport de troupes étaient de couleur bleus.

28 C'était des véhicules du MUP. Les Praga étaient d'une couleur verte et cela

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1 appartenait à la VJ. On m'a demandé si dans la région de Mala Krusa il y

2 avait un char T-55, à quelque moment que ce soit."

3 Vous avez répondu que non. Dans cette déclaration faite, comme je

4 vous l'ai déjà dit, le 5 octobre 2001, vous avez nié que vous aviez vu un

5 char de l'armée de Yougoslavie. Vous avez dit que vous n'avez vu que des

6 Praga et des blindés de transport de troupes; vrai ou faux ?

7 R. Dans toutes les déclarations que j'ai faites, j'ai dit que les chars et

8 les Praga se trouvaient sur la route reliant Prizren à Gjakova. Autour du

9 village, il y avait des chars et des Praga. Les véhicules blindés de

10 transport de troupes, quant à eux, se trouvaient dans les rues du village.

11 Je ne sais pas comment mieux vous l'expliquer. Je pense que tout est clair.

12 Q. J'ai compris votre explication, Monsieur Ramadani. Je n'ai pas de

13 questions autres à vous poser.

14 En dernier lieu, je voudrais vous demander de nous indiquer si cette

15 déclaration-là, vous l'avez faite - parce qu'on vous avait concrètement

16 demandé si vous avez vu un char. Vous avez dit qu'à l'époque, à Mala Krusa,

17 vous n'en aviez pas vu. Vous l'avez dit clairement, de façon explicite.

18 Alors, si vous n'avez pas d'autres explications si ce n'est celle que vous

19 nous avez donnée, je n'ai plus de questions à vous poser. Merci.

20 R. Ma maison se trouve aux abords de la ville. On voit très bien la route

21 goudronnée depuis la maison. Je vous le répète aujourd'hui : il y avait des

22 chars et des Praga. Merci.

23 M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai plus de

24 questions. Mais je suppose, Monsieur le Président, que les transcriptions

25 et la déclaration que je viens de mentionnées, étant donné que cela a déjà

26 été mentionné et versé au dossier auparavant, j'imagine que je n'ai pas à

27 demander à réclamer un nouveau versement au dossier.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le compte rendu d'audience a déjà été

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1 versé au dossier sous la cote 6D87, mais je ne crois pas que la déclaration

2 a été versée au dossier. Nous n'avons pas de cote.

3 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être ce moment se

4 prêterait-il, de façon opportune à le faire. Mon commis à l'affaire avait

5 déjà voulu le faire hier, mais je crois n'avoir qu'un numéro, une cote, le

6 6D82 -- non 87, comme cote. Non, non, c'est 82. Excusez-moi une fois de

7 plus. La transcription de la déclaration, c'est le 82. 6D82. La déclaration

8 que je viens de mentionner à M. Ramadani.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait voir à

10 l'écran ce que vous avez soumis au témoin ?

11 M. BAKRAC : [interprétation] Oui.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait voir la pièce

13 6D82, je vous prie ?

14 Est-ce que vous connaissez la référence dans le système e-court pour

15 ce qui est de la dernière question que vous avez posée ?

16 M. BAKRAC : [interprétation] [interprétation] Je ne sais pas dans quel

17 système électronique on se trouve maintenant, mais je crois que c'est la

18 même page; c'est la page 3. Pour être concret, ce que j'ai lu tout à

19 l'heure, c'est le tout dernier paragraphe de cette page-là, le paragraphe

20 qui porte sur les chars. C'est à la cinquième à ligne à partir du bas qu'on

21 voit la question et juste après la réponse. Il y a eu une question

22 concernant des missiles, s'il en avait vus sur ces véhicules et la réponse

23 a également été négative.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais ici, on lui a demandé s'il avait

25 connaissance de la présence de chars T-55 à Mala Krusa à l'époque. Bien.

26 Mme MOELLER : [interprétation] Monsieur le Président, Me Bakrac a aussi

27 donné lecture du paragraphe qui se trouve maintenant tout en haut de la

28 page. C'est un passage qu'il a également lu au témoin. Voilà. "On m'a

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1 demandé combien de, et cetera." Ce passage a également été lu au témoin.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, en effet. Je vous remercie.

3 Maître Visnjic.

4 M. VISNJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

5 Contre-interrogatoire par M. Visnjic :

6 Q. [interprétation] Monsieur Ramadani, je m'appelle Tomislav Visnjic, et

7 je suis l'avocat du général Ojdanic. Je me propose de vous proposer

8 plusieurs questions. En réalité, j'aurais besoin d'un éclaircissement de

9 votre part.

10 M. VISNJIC : [interprétation] A cette fin, j'aimerais qu'on montre au

11 témoin la pièce à conviction P99, page 2.

12 Q. Monsieur Ramadani, ceci est également une prise de vue portant sur

13 votre village, où l'on voit un peu mieux la route goudronnée dont nous

14 avons parlé. C'est la route reliant Prizren et Djakovica. Ma question est

15 la suivante : est-ce que vous pourriez, sur cette photographie, nous

16 montrer l'endroit où se trouvait l'étable de Batusha ?

17 R. Voici la route principale qui mène de Prizren à Gjakova. Ici. C'est là

18 que se trouve l'étable de Batusha.

19 Q. Bien. Serait-il exact de dire, Monsieur --

20 R. Oui, c'est ici.

21 Q. -- serait-il exact de dire que depuis cette route goudronnée Prizren-

22 Djakovica, il n'est pas possible de voir cette cour et la maison à Batusha,

23 et encore moins l'étable de Batusha ? Ai-je raison ? Ceci pour deux motifs.

24 D'un, parce que c'est au niveau d'une petite colline et c'est assez

25 éloigné. Si quelque chose pouvait être visible, cela se trouverait

26 dissimulé par les maisons qui sont devant et cette espèce de colline qui se

27 trouve devant également. Ai-je raison de l'affirmer ?

28 R. Oui. On ne peut pas voir la maison depuis la route goudronnée, mais on

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1 peut la voir depuis Suka Brdo.

2 Q. Oui, certes. Mais cela se trouve de l'autre côté de la route.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Comment la photographie a-t-elle été

4 annotée ? Car je ne vois rien sur mon écran.

5 M. VISNJIC : [interprétation] Il y a un point bleu, Monsieur le Président.

6 Peut-être serait-il bon que le témoin mette un numéro 1 juste à côté de ce

7 point.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Avant de poursuivre, Maître

9 Visnjic.

10 Monsieur Ramadani, vous nous avez dit qu'il y avait des véhicules blindés

11 sur la route principale. Vous avez ajouté que les chars et les Praga de

12 l'armée, que vous avez mentionnés plus tôt, se trouvaient tout autour du

13 village. Est-ce que vous pourriez nous indiquer sur cette photographie ce

14 que vous entendez par "tout autour du village" ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà ma maison ici. On peut voir la route

16 goudronnée depuis le deuxième étage. Lorsque nous nous sommes réveillés à 4

17 heures, nous avons vu ce qui se passait sur la route goudronnée. Nous avons

18 vu les chars, les Praga. Donc, depuis la maison, on peut voir la route

19 goudronnée et Suka Brdo.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que je dois déduire de votre

21 réponse que ces véhicules se trouvaient simplement sur la route

22 principale ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic, poursuivez.

25 M. VISNJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je viens

26 d'épuiser le sujet, mais j'aimerais que la photo reste sur l'écran.

27 Q. Parce que, Monsieur Ramadani, je vais vous demander, dans la cour où se

28 trouvait cet édifice que l'on qualifie d'étable à Batusha, il y a une autre

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1 maison que l'on voit ici démunie de son toit. Ai-je tort ou raison ? Si

2 vous avez du mal à voir --

3 M. VISNJIC : [interprétation] J'aimerais qu'on montre au témoin la

4 pièce à conviction 3D121, page 3.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous voulez que l'on

6 saisisse la photo qui est à l'écran pour le moment ?

7 M. VISNJIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce IC69.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

10 Est-ce qu'on pourrait avoir maintenant la pièce 3D121.

11 M. VISNJIC : [interprétation] 3D121, page 3.

12 Q. Monsieur Ramadani, ici, nous voyons une vue de la cour où se trouvait

13 l'étable à Batusha. D'après les renseignements que j'ai, ce bâtiment

14 devrait être la maison à Batusha. Alors, ce qui m'intéresse, c'est ce qui

15 se trouve au milieu de la cour. Cela appartient à qui; le savez-vous ?

16 R. Cela appartenait à Qazim Batusha. Je veux parler de l'édifice sans

17 toit. Je crois que cette photographie a été prise récemment. Elle ne date

18 pas de l'époque.

19 Q. Oui, c'est exact. C'est une photo prise récemment.

20 Mme MOELLER : [interprétation] Est-ce que la Défense pourrait nous indiquer

21 quand la photo a été prise ?

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic.

23 M. VISNJIC : [interprétation] Le 25 mai 2006.

24 Q. Monsieur Ramadani, la maison qu'on voit à gauche, elle appartenait à

25 qui ?

26 R. A Beli Avdyli. C'est la maison de Beli Avdyli. Mais cette photo a

27 également été prise récemment car ce mur ne se trouvait pas là auparavant.

28 Q. Oui, en effet. Merci.

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1 M. VISNJIC : [interprétation] Je voudrais maintenant qu'on montre au témoin

2 le 3D121, pages 1 et 2.

3 Q. Monsieur Ramadani, serait-il exact de dire que les avions de l'OTAN ont

4 bombardé deux fois, le 13 mai 1999 et le 2 juin 1999; et pour être plus

5 précis la cave à vin qui se trouve juste à côté de la route goudronnée ?

6 R. A l'époque où je me trouvais sur place, l'OTAN n'a pas bombardé. Les

7 bombardements ont commencé le 24 dans la soirée, mais c'était loin de chez

8 nous. Nous avons seulement vu les avions qui se dirigeaient en cette

9 direction, mais ils n'ont pas bombardé le village.

10 Q. A votre retour - et vous avez dit que vous êtes retourné en juin 1999 -

11 auriez-vous vu les conséquences du bombardement de la cave à vin ?

12 R. Les bombardements n'ont pas eu de conséquences dans le village,

13 seulement pour ce qui est de cette cave à vin. On a vu quelques dégâts là-

14 bas, mais pas dans le village. Lorsque nous sommes rentrés d'Albanie, voilà

15 ce que nous avons constaté.

16 Q. Merci. Monsieur Ramadani, est-ce que l'une des personnes de votre

17 liste, Aziz Shehu, avait travaillé dans cette cave à vin; vous pouvez nous

18 le dire ou pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Monsieur Ramadani, une autre question --

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] De quelle liste parlez-vous, Maître

22 Visnjic ?

23 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est la liste que le

24 témoin a communiquée au Tribunal. Je n'ai pas ici le numéro de la pièce à

25 conviction, mais cette personne est mentionnée dans l'une de ses

26 déclarations.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est l'une des victimes ?

28 M. VISNJIC : [interprétation] C'est l'une des victimes.

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1 Mon collègue vient de m'indiquer que c'est le P2357.

2 Q. Monsieur Ramadani --

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je comprends bien que c'est la

4 liste, mais il y avait plusieurs catégories dans cette liste et d'autres

5 éléments. Il y avait d'autres éléments également, mais veuillez poursuivre,

6 s'il vous plaît.

7 M. VISNJIC : [interprétation] Il me semble, Monsieur le Président, je n'ai

8 pas le document sous les yeux, je pense que c'est la personne qui est sur

9 la liste --

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je voulais simplement savoir de quelle

11 liste vous parliez. Votre explication me suffit amplement.

12 Mme MOELLER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je viens

13 de relever une erreur dans le compte rendu d'audience. On peut lire, pièce

14 2537, mais il s'agit de la pièce 2357, 2-3-5-7.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je ne m'en étais pas rendu

16 compte. Le Greffier d'audience a attiré mon attention là-dessus. Il avait

17 relevé cela tout de suite. Merci.

18 M. VISNJIC : [interprétation]

19 Q. Monsieur Ramadani, au meilleur de vos connaissances, serait-il juste de

20 dire que tous les Albanais ont quitté le village à la date du 26 mars

21 1999 ?

22 R. Seules les femmes sont parties le 26 mars. Pour ce qui est des hommes,

23 ils sont tous restés dans le village. Ils ont tous été brûlés. A partir de

24 l'âge de 13 ans et ainsi que les vieillards, ils ont tous été brûlés.

25 Q. Au meilleur de vos connaissances, dans le village, il ne serait resté

26 que des Serbes et des Rom; est-ce exact ?

27 R. Oui. C'est vrai.

28 Q. Merci.

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1 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

2 questions pour ce témoin.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

4 Est-ce que l'on pourrait voir à l'écran la pièce T2357, s'il vous

5 plaît ? Tournons à la page suivante ? Je pense qu'il y a une autre page sur

6 laquelle on voit une liste plus courte. Voilà. Merci beaucoup. Nous n'en

7 avons plus besoin maintenant.

8 Madame Moeller ?

9 Mme MOELLER : [interprétation] Je n'aurais que quelques questions à poser,

10 Monsieur le Président.

11 Pourrait-on revoir la pièce P99, page 2, s'il vous plaît ?

12 Nouvel interrogatoire par Mme Moeller :

13 Q. [interprétation] Monsieur Ramadani, nous avons déjà examiné ensemble

14 cette photo ce matin. Vous nous avez indiqué sur cette photo où se trouvait

15 votre maison par rapport à la route goudronnée, mais vous n'avez pas annoté

16 cet endroit.

17 Mme MOELLER : [interprétation] Je demanderais à l'huissier de vous aider et

18 de vous remettre un stylet afin que vous puissiez nous indiquer cela.

19 Q. Est-ce que vous voulez que l'on déplace l'image ou est-ce que cela va

20 comme cela ?

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi on ne pourrait pas se servir

22 de la photo déjà annotée ? Je ne me souviens pas de la cote.

23 Mme MOELLER : [interprétation] Me Visnjic a demandé au témoin d'annoter

24 l'étable de Batusha, mais il n'a pas demandé au témoin d'indiquer la route

25 depuis laquelle il voyait la route goudronnée.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est sur une autre photographie,

27 c'est bien cela ?

28 Mme MOELLER : [interprétation] Oui, c'est cela.

Page 4353

1 Q. Monsieur Ramadani, est-ce que vous voyez votre maison sur cette

2 photographie ou est-ce que vous voulez que l'on agrandisse l'image un petit

3 peu ?

4 R. Cela ne me pose pas de problème. Voilà la maison. Depuis cet endroit,

5 on voit la route principale qui relie Prizren à Gjakova. C'est à

6 l'extérieur du village.

7 Q. Est-ce que vous pourriez tracer une ligne le long de cette route qui

8 mène de Prizren à Gjakova ou est-ce que vous pourriez indiquer à l'aide de

9 petits points les endroits où vous avez vu des chars sur la route ? Est-ce

10 que vous pourriez indiquer cela à l'aide de pointillés ?

11 R. On voit tout depuis ma maison.

12 Q. A vol d'oiseau, quelle est la distance qui sépare votre maison de la

13 route goudronnée approximativement ?

14 R. Je m'excuse, je ne suis pas un expert pour ce qui est des distances à

15 vol d'oiseau. Mais je dirais qu'il s'agit de 500, 600 mètres, peut-être

16 moins encore, 400 mètres à vol d'oiseau.

17 Q. Merci.

18 Mme MOELLER : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait saisir cette image,

19 s'il vous plaît ?

20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce IC70, Monsieur le

21 Président.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

23 Mme MOELLER : [interprétation]

24 Q. Monsieur Ramadani, savez-vous ce qu'est un char T-55 ?

25 R. Je n'ai pas vu le nombre exact depuis l'endroit où je me trouvais. Je

26 ne sais pas si c'était 55 ou un autre chiffre. Je ne sais pas.

27 Q. C'est un modèle de char particulier. Est-ce que vous êtes en mesure de

28 faire la distinction entre les différents types de chars militaires ?

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1 R. Si vous me montriez des photos, je pourrais faire la différence entre

2 les différents modèles. Peut-être pourriez-vous me montrer des photos de

3 chars.

4 Q. Sans photographie, est-ce que vous seriez en mesure de nous décrire à

5 quoi ressemble un char de type T-55 ou est-ce que vous ne connaissez pas

6 les caractéristiques de ce type de char ?

7 R. Je suis un agriculteur. Je ne suis pas expert pour ce qui est de ce

8 genre de choses. Je ne peux pas vous dessiner un char, ni vous expliquer

9 ses caractéristiques.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Moeller, nous comprenons où

11 vous voulez en venir, Madame Moeller, mais c'est l'enquêteur qui a posé

12 cette question au témoin.

13 Mme MOELLER : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

14 Q. Monsieur Ramadani vous avez dit que des véhicules blindés avaient

15 également pénétré à l'intérieur du village, est-ce que vous pouvez nous

16 montrer sur cette photo où vous les avez vus ? Se trouvaient-ils à

17 proximité du village ou un peu plus loin ?

18 Mme MOELLER : [interprétation] Est-ce que l'huissier pourrait remettre au

19 témoin un stylet ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Cette route pénètre à l'intérieur du village

21 et relie l'autre route qui se trouve ici. Il y a un carrefour, mais on ne

22 voit pas cela à cause des arbres. Il y a des arbres maintenant, il n'y en

23 avait pas à l'époque. C'est le long des maisons ici, il y avait des chars

24 ici, enfin ceux que j'ai vus se trouvaient ici. Les gens ont dit qu'il y

25 avait des chars de ce côté également, mais je ne l'ai pas vu de mes propres

26 yeux. Je vous raconte simplement ce que j'ai vu par moi-même.

27 Mme MOELLER : [interprétation]

28 Q. Bien.

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1 Mme MOELLER : [interprétation] Est-ce que ces annotations sont claires.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le témoin a répondu à une question que

3 vous n'avez pas posée, car si j'ai bien compris, il y avait des blindés

4 transporteurs de troupes dans le village, mais là, là on parle de chars qui

5 se trouvent ailleurs, c'est différent de ce qui a été dit précédemment.

6 Peut-être serait-il utile de préciser les choses, peut-être il faudrait

7 préciser de quels véhicules il s'agit ici ?

8 Mme MOELLER : [interprétation] Oui.

9 Q. Monsieur Ramadani, est-ce que vous pourrez aider les Juges de la

10 Chambre. Ces pointillés, ces petits points que vous avez tracés sur la

11 photo, en direction du village depuis la route goudronnée, quel type de

12 véhicules avez-vous vu ?

13 R. Je crois que je vous ai déjà expliqué. Les véhicules blindés se

14 trouvaient sur cette route ici, tandis que les chars et les Praga étaient

15 déployés le long de la route goudronnée. C'était ici à l'entrée du village.

16 Q. Est-ce que vous pourriez tracer une ligne plus épaisse à l'endroit où

17 vous avez vu les véhicules blindés ? Est-ce que vous pourriez nous indiquer

18 l'itinéraire qu'ils ont suivi, jusqu'où ils sont allés.

19 R. Les véhicules blindés étaient garés ici. C'est route mène à Krusha e

20 Madhe. On ne voit pas cela à cause des arbres. A l'époque, en mars, les

21 arbres n'avaient pas de feuilles. Donc, on pouvait les voir. Cette route

22 mène également à l'intérieur du village, au centre, à la cave à vin et à

23 Krusha e Madhe. Voilà le carrefour dont j'ai parlé.

24 Q. Est-ce que vous pourriez apposer le chiffre 1 à côté de l'endroit où

25 vous avez vu les véhicules blindés, pas les chars mais les véhicules

26 blindés que vous avez parlé ?

27 R. Les véhicules blindés ici, 1, et ici, 1.

28 Q. Excusez-moi, de m'appesantir dessus, mais ce n'est pas très clair à

Page 4357

1 l'écran. Est-ce que vous pourriez remplacer ces points par des croix pour

2 indiquer les endroits où vous avez vu les véhicules blindés de transport de

3 troupes de façon à ce qu'on puisse distinguer cela clairement ?

4 R. Je pense que c'est clair. Cette route croise la route goudronnée et

5 entre à l'intérieur du village. Elle mène à Krusha e Madhe, ce n'est pas

6 une route goudronnée. Voici le carrefour. La route se poursuit jusqu'au

7 centre du village, la cave à vin et Krusha e Madhe. Le char était ici, il

8 en avait un autre ici.

9 Q. Excusez-moi.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que cela suffira pour cette

11 carte, je crois que nous devons recommencer cet exercice, nous ne savons

12 plus où nous en sommes.

13 Mme MOELLER : [interprétation] Oui. Est-ce que l'on pourrait avoir un

14 exemplaire non annoté, s'il vous plaît.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman. Un instant, s'il vous

16 plaît.

17 M. ACKERMAN : [interprétation] Cela ne fonctionne pas, les explications ne

18 sont pas claires. Les questions supplémentaires ne sont peut-être pas

19 appropriées. Il a été question de véhicules, des endroits où ils se

20 trouvaient. Tout cela ressort clairement de la déclaration du témoin. Cela

21 aurait dû être abordé lors de l'interrogatoire principal si c'était

22 important aux yeux de l'Accusation. Je ne pense pas que l'on puisse

23 autoriser ce type de questions lors de l'interrogatoire supplémentaire. Il

24 s'agit davantage d'un interrogatoire principal.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vu le contre-interrogatoire de Me

26 Bakrac, l'Accusation est tout à fait en droit d'aborder ce sujet, c'est ce

27 qui est en train de se passer.

28 Mme MOELLER : [interprétation] Oui, je vous remercie.

Page 4358

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être que l'on pourrait quand même

2 verser ce document au dossier car on se rendra compte des difficultés qui

3 se posent ici.

4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce IC71.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait avoir un

6 exemplaire non annoté de cette pièce à l'écran ? Page 2 de la pièce P99.

7 Mme MOELLER : [interprétation]

8 Q. Monsieur Ramadani

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il est également possible qu'il y ait

10 un problème d'interprétation, je ne sais pas si c'est cela, mais c'est

11 possible. Il est très important que vous identifiiez des véhicules que vous

12 demandez au témoin d'indiquer sur la photo.

13 Mme MOELLER : [interprétation] Oui, merci, je vais essayer.

14 Q. Monsieur Ramadani, est-ce que vous pourriez tracer une ligne depuis la

15 route qui mène de Djakovica à Prizren jusqu'à votre village. Vous avez dit

16 qu'une partie de la route n'était pas visible à cause des arbres. Est-ce

17 que vous pourriez indiquer, depuis la route principale jusqu'à votre

18 village, quel était l'itinéraire suivi en indiquant cela avec des

19 pointillés rouges. Juste une ligne continue, je vous prie.

20 R. Oui. Je connais très bien cette route. Peut-être cela n'est-il pas

21 clair pour vous mais je la connais très bien. La route va ainsi, puis on

22 bifurque par ici en direction de Velika Krusa; et de l'autre côté, cela se

23 poursuit. Voilà, jusqu'à là. Cela, c'est la maison de Dimitrije, c'est là

24 qu'était stationnée la police. Cela se raccorde à cette route-ci ici, et à

25 la route là. Celle-ci va jusqu'au Batusha, et celle-ci va jusqu'à là puis

26 plus haut. Une fois de plus, cela rejoint par là la route goudronnée.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est cette route.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la route qui nous rattache à la route

Page 4359

1 principale entre Prizren et Djakovica. Je pense maintenant que c'est clair.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est clair maintenant. Merci.

3 Mme MOELLER : [interprétation]

4 Q. Oui, c'est tout à fait clair. Monsieur Ramadani, j'aimerais maintenant

5 que vous mettiez une petite croix à tous les emplacements sur cette route

6 où vous avez pu voir des véhicules blindés. Pas des chars, mais des

7 véhicules blindés.

8 R. Des véhicules blindés. Oui.

9 Q. Pourriez-vous mettre une croix plus grande là où vous l'avez vu ?

10 R. Ici.

11 Q. Est-ce qu'il y en a eu d'autres ou est-ce que c'est les seuls endroits

12 où vous en avez vus ?

13 R. Il y en a eu auprès de la cave à vin, mais je ne pouvais pas le voir de

14 chez moi. Cette partie-ci, elle peut être vue depuis chez moi. Ici, il y a

15 une route d'accès, ce qui fait que ceci j'ai pu le voir de chez moi, et

16 j'ai vu ces deux-là.

17 Q. Merci.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il faut que le compte rendu d'audience

19 dise clairement qu'il y a sur la photo deux petites croix; l'une au niveau

20 de la jonction et de la route principale et l'autre vers la fin de la

21 petite route qui mène vers la droite, à savoir vers le bas de la

22 photographie.

23 Mme MOELLER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

24 Q. Monsieur Ramadani, je voudrais maintenant que vous fassiez un cercle là

25 où vous avez vu des chars militaires.

26 R. On ne peut pas voir Suka Brdo depuis ici.

27 Q. Merci.

28 Mme MOELLER : [interprétation] J'aimerais que le compte rendu d'audience

Page 4360

1 indique bien que le témoin a tracé quatre petits cercles au coin droit en

2 haut vers la route principale reliant Gjakova-Prizren, je vous prie.

3 Q. Alors, Monsieur Ramadani, maintenant que vous nous avez indiqué les

4 rues et les routes arrivant jusqu'à votre village, vous aviez également mis

5 un petit point là où se trouvait la maison à Nikolic, là où vous avez dit

6 que la police s'était placée. J'aimerais qu'à présent vous indiquiez cet

7 endroit-là en y apposant un triangle.

8 R. Ceci est la maison à Dimitrije. Je vais mettre une croix.

9 Q. Est-ce que vous pouvez placer un cercle autour de cette croix-là, de

10 cette croix que vous venez de dessiner, j'entends.

11 R. Oui, oui.

12 Q. Merci.

13 Mme MOELLER : [interprétation] J'aimerais que le compte rendu d'audience

14 note bien que le témoin a mis une croix avec un cercle autour de celle-ci

15 pour indiquer l'emplacement de la maison à Nikolic, l'emplacement où

16 s'était trouvée la police ensuite. Je crois que ceci a tout à fait tiré les

17 choses au clair.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

19 Mme MOELLER : [interprétation] J'aimerais que l'on conserve cette vue.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En effet.

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce IC72, Monsieur le

22 Président.

23 Mme MOELLER : [interprétation] Peut-être pourrions-nous enlever cette pièce

24 à conviction de l'écran.

25 Q. Monsieur Ramadani, à l'occasion du contre-interrogatoire, vous avez

26 indiqué que Dimitrije Nikolic, dans le village, avait une espèce de cafèt,

27 et que c'est là que les Serbes avaient coutume de se retrouver. Avez-vous

28 vu des hommes en uniforme se rassembler là-bas, ou portaient-ils tous des

Page 4361

1 vêtements civils ?

2 R. C'est là qu'ils ont dressé leurs plans. Ils y allaient le matin, les

3 jeunes gens du village. Puis, venaient des policiers en uniforme. Lorsque

4 nos enfants allaient à l'école, les enfants étaient menacés à l'aide de

5 fusils. On leur disait : "Pourquoi allez-vous à l'école ? Qu'allez-vous y

6 chercher ? Vous cherchez des Américains et l'OTAN ?"

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ramadani, ce n'est pas la

8 question qu'on vous a posée. Ceci est une chose importante dans cette

9 phase-ci de votre témoignage. Nous ne pouvons pas prendre en considération

10 les éléments complémentaires que vous présentez parce que les règles de

11 procédure sont précisément celles-là. Il importe donc que vous prêtiez une

12 oreille aux questions.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La question était de savoir si vous

15 avez vu des uniformes rassemblés au niveau de la cafèt ou est-ce qu'il n'y

16 avait que des gens en civil. Veuillez vous concentrer sur la question et

17 répondre.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait des gens en vêtement civil et en

19 uniforme.

20 Mme MOELLER : [interprétation]

21 Q. Quand est-ce que vous avez vu ces deux groupes de gens se rassembler

22 là-bas, à quelle date ? Pouvez-vous vous en souvenir ?

23 R. A partir de 1996, ils avaient l'habitude de s'y retrouver régulièrement

24 l'après-midi. La police y séjournait, elle se trouvait là-bas.

25 Q. Le 25, le matin, est-ce que vous avez également vu des personnes en

26 civil ou en uniforme se rassembler à cet endroit ?

27 R. Le 25, nous n'avons pas osé sortir de chez nous. C'était simplement

28 pour nous enfuir que nous sommes sortis des maisons. Au moment où nous nous

Page 4362

1 sommes rendus vers le ruisseau, il y avait des coups de fusil. Il y avait

2 des coups de fusils, c'était impossible de sortir à cause des balles.

3 Q. Merci. Une dernière question. Lors de votre contre-interrogatoire, vous

4 avez parlé de Nebojsa Nikolic. Savez-vous de qui il s'agit ?

5 R. Nebojsa Nikolic ? Ce n'est pas Nebojsa Nikolic, mais Nebojsa

6 Djordjevic, je pense. Nebojsa Djordjevic.

7 Q. Qui est cette personne dont vous venez de nous donner le nom ? S'agit-

8 il de quelqu'un de Mala Krusa, de Krusha e Vogel ?

9 R. Oui, de Krusha e Vogel.

10 Q. Savez-vous où il travaillait ?

11 R. Il travaillait à Prizren. Ils pouvaient choisir où ils travaillaient

12 parce qu'ils n'avaient pas de problèmes à trouver du travail. Donc, il

13 travaillait à Prizren.

14 Q. Est-ce que vous savez quelle était sa profession ?

15 R. Au début, il était chauffeur, Nebojsa. Il avait un camion. Il portait

16 un uniforme aussi. Il était aussi mécanicien auto, autant que j'en m'en

17 souvienne.

18 Q. Est-ce que vous l'avez vu le 25 ou le 26 mars dans votre village ?

19 R. Le 25, je n'ai pas pu voir s'il était là-bas ou pas. Peut-être qu'il y

20 était, mais je n'ai pas pu le voir.

21 Q. Très bien.

22 Mme MOELLER : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que j'en ai

23 terminé avec mes questions.

24 Questions de la Cour :

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ramadani, quel type

26 d'uniforme portait-il ?

27 R. Je crois que j'ai déjà expliqué tout à l'heure. Ils portaient tous

28 types d'uniformes. Il y avait des uniformes de l'armée, de la police, tous

Page 4363

1 types d'uniformes.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le problème avec votre témoignage

3 précédent, c'est que vous avez appelé quelqu'un Nebojsa Nikolic, et

4 maintenant, vous précisez les choses. C'est pour cela qu'on vous pose des

5 questions supplémentaires concernant cette personne. Pouvez-vous me dire à

6 nouveau quel type d'uniforme vous l'avez vu porter ?

7 R. Avant, c'était en civil. Puis, après, par la suite, je l'ai vu porter

8 un uniforme de la police, pas de l'armée.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que c'est tout ce que vous

10 l'avez vu porter ?

11 R. Seulement de la police, mais pas de l'armée.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Hier, pendant votre témoignage, vous

13 avez dit que de temps à autre, il portait des vêtements de paramilitaires.

14 Est-ce que ce n'est pas exact ?

15 R. J'ai dit plus tôt qu'ils portaient tous types de vêtements.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends, mais c'est cette

17 personne en particulier qui m'intéresse. Est-ce que vous l'avez vu porté

18 des vêtements paramilitaires ?

19 R. Oui. Même des vêtements paramilitaires et de la police.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Au cours des questions supplémentaires

21 qui vous ont été posées, il y a des pièces qui ont été produites. Y a-t-il,

22 du côté de la Défense, certaines personnes qui souhaitent poser des

23 questions supplémentaires au sujet de ces pièces ? Non. Merci.

24 Monsieur Ramadini, nous voici au terme de votre déposition.

25 Mme MOELLER : [interprétation] Puis-je poser une question portant sur la

26 question que vous avez posée ?

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle est la question que vous

28 posez ?

Page 4364

1 Mme MOELLER : [interprétation] Vous parlez de vêtements paramilitaires. Je

2 ne suis pas sûre de ce qu'on entend par "uniforme paramilitaire". Il me

3 semble qu'il a parlé de camouflage et d'uniformes noirs, mais je ne me

4 souviens pas qu'il ait employé le terme "uniformes paramilitaires"

5 auparavant.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Une des choses que j'ai notées du

7 témoignage d'hier, c'est que, parfois, il portait des vêtements

8 paramilitaires.

9 Mme MOELLER : [interprétation] Je ne suis --

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] -- vous n'êtes pas d'accord avec

11 cela ? Vous pensez que ce n'est pas le témoignage qui a été donné hier ?

12 Mme MOELLER : [interprétation] Je pense --

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous prie de vouloir m'excuser.

14 Vous pensez que c'est le cas ?

15 Mme MOELLER : [interprétation] Je ne sais pas si cela a été précisé

16 exactement, ce qu'il entendait par là. Mais je m'en remets à vous, Monsieur

17 le Président, pour cela.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ramadani, ici, on ne parle

19 que de la personne qu'à présent vous appelez Nebojsa Djordjevic. Quand vous

20 dites que vous l'avez vu en uniforme paramilitaire, est-ce que vous pouvez

21 nous le décrire ?

22 R. Je ne suis pas très bon en ce qui concerne les couleurs. Les couleurs,

23 il y en avait plusieurs. C'était un motif camouflage avec beaucoup de

24 couleurs, avec un uniforme bleu. Puis, il y avait des uniformes noirs.

25 Enfin, ce n'était pas vraiment noir, mais j'appelle cela noir.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense qu'il est important que vous

27 compreniez bien, qu'ici, la question que nous vous posons porte sur les

28 uniformes paramilitaires, non pas les uniformes de la police, au stade où

Page 4365

1 nous en sommes maintenant, paramilitaires. Cela, c'est concernant une seule

2 et unique personne, Djordjevic. Parce que votre dernière question

3 concernant la description - est-ce là votre réponse définitive concernant

4 la description des uniformes paramilitaires que vous les avez vu porter ?

5 R. L'uniforme paramilitaire avait beaucoup de couleurs, pas exactement

6 bleu. Je ne sais pas comment l'appeler.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Ramadani.

8 Nous arrivons donc au terme de votre témoignage. Il est important que vous

9 compreniez, que même si, naturellement, ce qui vous intéresse vous

10 principalement, c'est les événements tragiques que vous nous avez décrits,

11 nous, nous devons nous concentrer sur -- tenter de reconnaître ou de

12 comprendre si certaines personnes doivent être reconnues ou responsables

13 pour ces épisodes, ces événements. C'est la raison pour laquelle nous avons

14 posé des questions qui se concentraient sur certains points particuliers,

15 qui ne sont peut-être pas les mêmes que celles que vous, vous estimez

16 importantes. Mais soyez assuré que nous nous concentrons sur la tâche de

17 tenter de savoir si ces crimes ont été commis et si certaines personnes

18 peuvent être tenues responsables pour ces crimes.

19 Donc, je vous remercie à nouveau d'être venu au Tribunal pour faire

20 ce témoignage. Vous êtes maintenant libre de quitter le prétoire.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. Je vous remercie beaucoup.

22 Merci.

23 [Le témoin se retire]

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Moeller.

25 Mme MOELLER : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin suivant est

26 Mehmet Krasniqi, dont le nom était préalablement Mehemet Avdyli.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] S'agit-il du même épisode ?

28 Mme MOELLER : [interprétation] C'est le même épisode. C'est un autre des

Page 4366

1 six survivants du massacre et son témoignage porte sur les mêmes

2 paragraphes que le témoignage de M. Ramadani. Je ne sais pas si vous

3 souhaitez que nous les répétions.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, vous n'avez pas besoin de les

5 répéter. Nous avons le compte rendu d'audience, puis la déclaration ou plus

6 exactement, les déclarations.

7 Mme MOELLER : [interprétation] Effectivement, il s'agit d'un témoin 92 ter.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

9 Mme MOELLER : [interprétation] Qui, autrefois, était

10 l'article 92 bis(D).

11 [La Chambre de première instance se concerte]

12 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Krasniqi.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vais vous demander de prononcer la

16 déclaration solennelle de dire la vérité, en lisant à voix haute le

17 document qui vous est présenté.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

19 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

20 LE TÉMOIN: MEHMET KRASNIQI [Assermenté]

21 [Le témoin répond par l'interprète]

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, veuillez vous asseoir.

23 Monsieur Krasniqi, à présent des questions vont vous être posées afin de

24 préciser des points sur le témoignage que vous avez déjà donné, pour

25 contester éventuellement ce témoignage ou pour ajouter des renseignements

26 concernant ce témoignage. Ce qui est important et que vous devez garder à

27 l'esprit, c'est que nous avons déjà ce témoignage, que nous l'avons en main

28 et que nous souhaitons nous concentrer sur des choses supplémentaires ou

Page 4367

1 des choses que vous pouvez préciser ou rajouter et ne par revenir sur les

2 mêmes points. Parce nous savons déjà ce que vous avez déjà dit. Je vous

3 prie de bien vouloir vous concentrer sur les questions précises qui vous

4 sont posées et de limiter vos réponses au point particulier qui est abordé

5 par la question.

6 La première personne qui va vous poser des questions sera du bureau du

7 Procureur, en la personne de Mme Moeller.

8 Madame Moeller.

9 Mme MOELLER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

10 Interrogatoire principal par Mme Moeller :

11 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.

12 R. Bonjour.

13 Q. Pouvez-vous décliner votre identité pour le compte rendu d'audience,

14 s'il vous plaît.

15 R. Mehmet Krasniqi.

16 Q. Est-ce que votre nom de famille était autrefois Avdyli ?

17 R. Oui.

18 Q. Quand avez-vous changé votre nom de famille d'Avdyli en Krasniqi ?

19 R. Je l'ai changé en 1999, parce que mon frère, mon père et ma sœur

20 avaient le nom de famille Krasniqi, alors que moi auparavant j'avais le nom

21 de famille de mon grand-père, Avdyli. Par la suite, j'ai décidé d'avoir le

22 nom de famille de mon père, de mon frère, de ma sœur, Krasniqi, c'est-à-

23 dire le nom de famille de notre famille tout entière.

24 Q. Dans la mesure où vous avez changé votre nom de famille en 1999, est-ce

25 que certaines des déclarations que vous avez faites aux enquêteurs de ce

26 Tribunal, avec le nom de famille Avdyli et certaines autres avec le nom de

27 famille Krasniqi ?

28 R. Certains m'ont dit qu'il fallait que je conserve le nom de famille

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1 précédent, mais je voulais garder le nom de famille Krasniqi.

2 Q. Monsieur, lorsque vous êtes venu ici cette semaine, avez-vous montré

3 votre carte d'identité avec photo aux représentants du bureau du

4 Procureur ?

5 R. Oui, à tous.

6 Q. Monsieur Krasniqi, d'où venez-vous ? D'où êtes-vous ?

7 R. Krusha e Vogel, municipalité de Prizren.

8 Q. En mars 1999, où habitiez-vous ?

9 R. Jusqu'au 26 mars, je vivais à Krusha e Vogel.

10 Q. Etes-vous marié ?

11 R. Oui. J'ai trois enfants.

12 Q. Quelle est votre profession ?

13 R. Je suis agriculteur.

14 Q. Monsieur Krasniqi, avez-vous fait une déclaration aux enquêteurs de ce

15 Tribunal le 4 avril 1999 ?

16 R. Oui, à Kukes.

17 Q. A ce moment-là, y a-t-il eu également une séquence vidéo qui a été

18 réalisée des blessures que vous aviez à l'époque ?

19 R. Oui. On m'a fait signé des choses et on m'a également photographié mon

20 visage et mes mains.

21 Mme MOELLER : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais qu'une

22 brève séquence vidéo de 90 secondes soit passée. Il s'agit de la pièce

23 P2243. C'est une vidéo qui a été prise en même temps que la déclaration

24 d'avril 1999, au moment où le témoin a été interviewé.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien

26 [Diffusion de la cassette vidéo]

27 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

28 "Aujourd'hui, nous sommes le 4 avril 1999, il est 7 heures 50. Nous

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1 sommes à Kukes avec le témoin Mehmet Avdyli. Il est un témoin qui vient du

2 Kosovo, du village de Krusha e Vogel. Il a eu des blessures -- il prétend

3 avoir eu des blessures, des blessures sous forme de brûlure parce qu'il a

4 été mis dans une maison par des policiers serbes, il a survécu à l'attaque

5 au cours de laquelle 110 personnes ont péri. Ils ont été abattus, ensuite

6 ils sont été brûlés jusqu'à ce que mort s'ensuive. Nous sommes à présent en

7 mesure de montrer ces blessures sur vidéo, afin qu'elles deviennent un

8 élément de preuve.

9 Question : Pouvez-vous me dire quel est votre nom ?

10 Réponse : Mehmet Avdyli.

11 Question : D'où venez-vous ?

12 Réponse : De Krusha e Vogel, la municipalité de Prizren."

13 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

14 Mme MOELLER : [interprétation] Il y a une deuxième petite séquence vidéo.

15 [Diffusion de la cassette vidéo]

16 Mme MOELLER : [interprétation] Merci.

17 Q. Monsieur Krasniqi, quel était votre état physique à ce moment-là ?

18 C'était environ dix jours après les événements ?

19 R. Mon état physique ?

20 Q. Oui. Comment vous sentiez-vous à ce moment-là ? Dans quel état physique

21 étiez-vous ?

22 R. J'avais de la fièvre. Je souffrais beaucoup et tout cela. Mais je

23 rendais grâce à Dieu d'avoir pu survivre au massacre. Je me sentais assez

24 bien d'être en vie, parce que tous les autres ont péri. Ils sont morts et

25 on n'a pas retrouvé leurs restes au jour d'aujourd'hui. Ils ont tout

26 simplement disparus.

27 Q. Monsieur Krasniqi, avez-vous fait une déclaration suivante au Tribunal

28 en 2001, le 5 octobre ?

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1 R. Oui.

2 Q. Le 7 mars 2002, avez-vous signé une déclaration dans laquelle vous avez

3 déclaré que les deux déclarations que vous aviez données auparavant étaient

4 au mieux de vos connaissances, autant que vous le sachiez, véridiques et

5 exactes ?

6 R. Oui. J'ai donné des déclarations. J'ai certifié des choses pour le

7 Tribunal. J'ai fait des déclarations et tout ce que j'ai dit était vrai.

8 Q. Lorsque l'on vous a revu en 2002, avez-vous apporté des corrections aux

9 deux déclarations que vous aviez données auparavant et est-ce que deux

10 addendum ont été faits à cet égard ?

11 R. Oui, oui. Je crois.

12 Q. Lorsque vous êtes venu ici cette semaine, vous a-t-on donné la

13 possibilité de relire dans leur intégralité les deux déclarations et les

14 deux addendum ?

15 R. Je ne me souviens pas. C'était il y a longtemps. C'était il y a quatre

16 ans. Que nous ne nous sommes pas bien compris. Cette semaine lorsque vous

17 êtes arrivé à La Haye, est-ce que l'on vous a remontré vos déclarations

18 préalables, les quatre déclarations ?

19 R. Oui, oui, tout. Je crois qu'effectivement je n'avais pas bien compris

20 votre question.

21 Q. Est-ce que vous les avez relues dans leur intégralité ou est-ce que

22 quelqu'un vous les a relues ?

23 R. Oui, oui, on les a toutes relues.

24 Q. Déclarez-vous aujourd'hui aux Juges de cette Chambre que ces

25 déclarations reflètent de manière exacte votre témoignage et que si vous

26 deviez refaire ce témoignage aujourd'hui, vous rediriez la même chose ?

27 R. Exactement la même chose. J'ai toujours dit la même chose, la vérité.

28 Q. Merci.

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1 Mme MOELLER : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais à ce stade

2 verser au dossier la pièce P2341 qui consiste aux déclarations et

3 l'attestation, et également la pièce 2243, qui est la brève séquence vidéo

4 qui a été montrée tout à l'heure.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

6 Souhaitez-vous que nous abordions la question du compte rendu de

7 déposition également ?

8 Mme MOELLER : [interprétation] Oui, je vais le faire tout de suite.

9 J'aimerais tout simplement apporter une correction. La séquence vidéo est

10 en réalité la pièce P2343.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

12 Mme MOELLER : [interprétation]

13 Q. Monsieur Krasniqi, en 2002, êtes-vous venu devant ce Tribunal pour

14 témoigner dans le procès contre Slobodan Milosevic ?

15 R. Oui.

16 Q. Déclarez-vous que vous avez à ce moment-là fait un témoignage qui est

17 exact et véridique ?

18 R. Oui, toute la vérité.

19 Q. Merci.

20 Mme MOELLER : [interprétation] J'aimerais également verser au dossier la

21 pièce 2342 qui est la transcription de la vidéo.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

23 Le moment est-il opportun pour nous interrompre ?

24 Mme MOELLER : [interprétation] Oui, je pense, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

26 Monsieur Krasniqi, il faut que nous fassions une pause à présent, nous

27 allons reprendre à 11 heures. L'huissier va vous montrer où vous pouvez

28 attendre en attendant, vous pouvez quitter le prétoire. Je vous remercie.

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1 [Le témoin se retire]

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous reprendrons à 11 heures.

3 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

4 --- L'audience est reprise à 11 heures 05.

5 [Le témoin est introduit dans le prétoire.]

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Krasniqi, votre témoignage va

7 maintenant continuer.

8 Mme MOELLER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Q. Monsieur

9 Krasniqi, dans votre déclaration, vous avez dit que le 25 mars au matin,

10 vous avez été réveillé par des chars proches de vos maisons. De quel type

11 de chars s'agissait-il ? S'agissait-il de chars militaires ?

12 R. Des chars militaires et de tous types de chars.

13 Q. Quel autre type de chars ? Qu'entendez-vous par "tous type de chars,"

14 si vous savez ?

15 R. Des chars, des véhicules blindés, des Praga, de l'artillerie lourde.

16 Q. A quelle distance étaient-ils des maisons dans le village où vous

17 étiez ?

18 R. Sur la route goudronnée Prizren-Gjakova, la route principale, ils

19 étaient là-bas. Parce que cette route passe aux abords du village, à

20 l'extrémité du village.

21 Q. Votre maison, à quelle distance environ se trouve-t-elle par rapport à

22 cette route ?

23 R. Environ 250 mètres.

24 Q. Ce jour-là, avez-vous également vu des personnes en uniforme pénétrer

25 dans votre village ?

26 R. Ce jour-là, le jeudi, le matin, toute la population s'est enfuie dans

27 les montagnes. Donc, je n'ai rien vu, je n'ai vu personne ce jour-là.

28 Q. Le matin suivant, le 26 mars, vous dites dans votre déclaration qu'un

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1 groupe de 15 policiers vous ont fait sortir des bois, vous et les autres.

2 Comment étaient-ils ces policiers, que portaient-ils comme vêtements ?

3 R. Ils avaient des uniformes différents. Il y avait des uniformes

4 camouflage, puis des vêtements militaires.

5 Q. De quelle couleur étaient les vêtements militaires si vous vous

6 souvenez ?

7 R. Ils avaient cette couleur jaune foncé avec un motif.

8 Q. Lorsque vous dites jaune - attendez, je vais vous poser la question

9 autrement. De quelle couleur est la chemise que vous portez aujourd'hui ?

10 R. C'était cette couleur-là, mais plus foncé, beaucoup plus foncé, avec un

11 motif. Les autres, c'était la couleur de l'herbe avec un motif, couleur

12 militaire.

13 Q. Merci.

14 Mme MOELLER : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais que le

15 compte rendu d'audience reflète le fait que le témoin porte une chemise

16 bleue avec des rayures blanches.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Madame Moeller.

18 Mme MOELLER : [interprétation]

19 Q. Monsieur Krasniqi, le 26 mars, lorsque le massacre a eu lieu dans

20 l'étable de Batusha, avez-vous remarqué les villageois serbes que vous

21 connaissiez déjà, qui étaient présent à ce moment-là ?

22 R. A ce moment-là, nous n'avons pas pu voir cela, parce qu'on nous a

23 demandé de mettre nos mains derrière la tête et de nous agenouiller. Ce

24 n'était que quand on nous a emmenés vers l'étable et exécutés, un étudiant,

25 Shevqet Shehu de Krusha e Vogel, qui étudiait à Pristina, s'est levé une

26 fois que les coups de feu ont été tirés, et il a vu un Serbe du village par

27 la fenêtre, qui avait une arme à feu dans les mains. Il lui a dit :

28 "Momcilo, mon voisin, c'est toi qui fait cela ?" Puis, il a réouvert le

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1 feu, mais il n'avait plus de balles.

2 Q. Où étiez-vous lorsque Shefqet Shehu a prononcé ces termes ? Où étiez-

3 vous par rapport à lui, par rapport à Shefqet ?

4 R. J'étais dans la même pièce que lui, dans cette pièce où les corps sont

5 tombés sur moi. Je n'ai rien dit parce que les corps étaient sur moi. Il y

6 avait Muharem Asllani dernière moi. Il était très lourd. Zenun Adnani a

7 saigné sur moi. J'entendais les cris et les hurlements des personnes qui

8 étaient blessées. Certains étaient très gravement blessés, d'autres moins.

9 Quand ils ont mis le feu à l'étable, ils ont jeté ce liquide qui avait une

10 odeur très bizarre. J'étais là-bas au moment où ils ont commencé à mettre

11 de la paille et du foin sur les corps.

12 Q. Je vais vous interrompre un instant. J'aimerais simplement préciser si

13 vous avez entendu vous-même Shefqet Shehu dire ces mots : "Momcilo, mon

14 voisin, c'est toi qui est en train de faire cela ?" Est-ce que vous l'avez

15 entendu ?

16 R. Oui, oui, je l'ai entendu moi-même. J'étais dans la même pièce avec

17 lui.

18 Q. A qui pensez-vous qu'il s'adressait quand il a dit "Momcilo" ?

19 R. Il parlait d'un Serbe du village qu'il connaissait.

20 Q. Sauriez-vous quel est le nom de famille de ce Momcilo ?

21 R. Momcilo Nikolic.

22 Q. Merci. Vous-même, à ce moment-là, vous n'avez pas regardé ce qui se

23 passait autour. Vous n'avez pas vu Momcilo Nikolic vous-même, n'est-ce pas

24 ?

25 R. Non, je ne pouvais pas le voir parce qu'il y avait ces corps qui

26 étaient sur mon dos. Après avoir mis la paille, le foin sur les corps,

27 j'étais sur le sol, quand la fumée a commencé à arriver. Je me suis dit :

28 C'est mieux que je sorte de cette pièce et que je meure d'une balle plutôt

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1 que par le feu. Donc, au moment où je suis sorti de l'étable, je n'ai pas

2 eu le temps de m'arrêter et de regarder.

3 Q. Après que vous ayez réussi à quitter l'étable qui était en feu, vous

4 avez déclaré que vous êtes retourné dans la forêt et que vous êtes resté à

5 proximité de votre village environ deux jours. Qu'avez-vous pu observer,

6 qu'avez-vous pu voir qui se passait dans le village pendant ces deux

7 jours ?

8 R. Les Serbes du village ramassaient du foin et ils mettaient le foin sur

9 les corps pour faire brûler les corps.

10 Q. Pendant ces deux jours, y avait-il également des personnes en uniforme

11 qui étaient encore dans le village mais que vous ne connaissiez pas, qui

12 n'étaient pas des Serbes du village ?

13 R. J'étais dans les montagnes. Je n'ai pas osé sortir pendant la journée.

14 Le soir, je ne pouvais pas m'approcher du village non plus. Je voulais m'en

15 éloigner le plus possible tout simplement.

16 Q. Avez-vous été en mesure de reconnaître les personnes qui rajoutaient du

17 foin sur les corps dans l'étable ou est-ce que c'était trop loin ?

18 R. C'était loin. Puis, il faisait sombre aussi. C'était à peu près 150

19 mètres.

20 Q. Très bien. Monsieur Krasniqi, je vais à présent en arriver avec vous au

21 moment où vous êtes arrivé à Nagavc. Vous avez dit dans votre déclaration

22 que vous aviez été soigné par un docteur, Xhemal Dana. Avez-vous été soigné

23 par un autre docteur pendant que vous étiez là-bas à Nagavc ?

24 R. Lorsque je suis allé au village de Nagavc, j'ai rencontré le Dr Ali

25 Hoti. Il m'a soigné ce jour-là avec les quelques médicaments qu'il avait.

26 Un peu plus tard, j'ai rencontré Xhemal Dana dans une autre maison à Nagavc

27 mais il n'avait pas de médicaments. Pendant les jours que j'ai passés à

28 Nagavc, c'était le 2 avril, il m'a soigné avec des remèdes naturels. Par

Page 4377

1 exemple, il a mis du yaourt sur mes mains pour faire partir la fièvre.

2 Q. Oui. Merci. Monsieur Krasniqi, dans la première déclaration que vous

3 avez donnée peu de temps après les événements, vous avez fourni une liste

4 des hommes qui étaient avec vous dans la grange et qui, à votre

5 connaissance, sont morts dans la grange. Cela est-il exact ?

6 R. C'est tout à fait vrai parce qu'au jour d'aujourd'hui leurs propres

7 enfants se demandent où sont les corps de leurs pères. Chaque enfant se

8 demande où se trouve la tombe de son père. Nous ne savons pas où leurs

9 tombes sont, où sont les traces des restes, où leurs os reposent.

10 Q. Dans cette liste, vous mentionnez également Lutfi Ramadani comme étant

11 parmi ces personnes. A ce moment-là, le 4 avril 1999, saviez-vous que Lutfi

12 Ramadani était vivant ? Est-ce que vous l'avez vu pendant ces événements à

13 un moment ou à un autre avant que vous ne fassiez cette déclaration ?

14 R. Lorsque nous avons été emmenés à l'étable, que nous avons été exécutés

15 et qu'on nous ait mis en feu, je savais que tout le monde était rentré dans

16 cette salle. Lorsque je suis sorti, je croyais être le seul qui était

17 sorti. Je ne savais pas à ce moment-là que Lutfi puis d'autres personnes

18 avaient réussi à sortir de la pièce. Nous sommes six à avoir survécu au

19 massacre.

20 Q. Avez-vous également dit au bureau du Procureur dans une déclaration

21 ultérieure que vous avez donnée, qu'une personne supplémentaire qui était

22 dans votre première déclaration, un jeune garçon du nom de Sefer Batusha,

23 n'était pas mort mais vivant ?

24 R. Oui.

25 Mme MOELLER : [interprétation] J'aimerais, Monsieur le Président, signaler

26 à ce stade que l'annexe C contient le nom de Sefer Batusha. Les annexes ont

27 été relues lorsque nous avons modifié l'acte d'accusation, mais ce nom y

28 est resté. Nous n'allons pas introduire d'éléments de preuve concernant

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1 cette personne comme étant morte.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce nom devrait être retiré de l'acte

3 d'accusation ?

4 Mme MOELLER : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.

5 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Votre position est notée,

7 Madame Moeller, veuillez poursuivre.

8 Mme MOELLER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 Q. Monsieur Krasniqi, quand êtes-vous retourné à Mala Krusa après ces

10 événements, approximativement ?

11 R. Je suis rentré le 26 juin, à 2 heures du matin. Dans une voiture avec

12 un cousin, ma femme et mes enfants, nous sommes tous retournés à Krusha e

13 Vogel.

14 Q. Est-ce que vous vivez à Krusha e Vogel depuis ?

15 R. Oui.

16 Q. En dehors de Lutfi Ramadani et Sefer Batusha, avez-vous vu l'un

17 quelconque des hommes que vous indiquez dans votre déclaration comme étant

18 vivant depuis que vous les avez vus dans l'étable Batusha ?

19 R. Non, personne ne les a vus vivants.

20 Q. Est-ce que les parents qui vivaient dans le village, les parents de ces

21 personnes, ont-ils un jour dit quelque chose qui tendrait à faire penser

22 qu'ils sont en vie ?

23 R. Non, personne n'a dit qu'ils étaient vivants.

24 Q. Après que vous soyez rentré à Krusha e Vogel, êtes-vous retourné à la

25 grange de Batusha, à l'étable de Batusha ?

26 R. Oui. Avec certaines personnes du village qui m'ont posé des questions

27 sur ces personnes, nous y sommes allés pour voir. Nous avons trouvé les

28 restes d'un crâne, nous avons trouvé des côtes, des jambes, puis des

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1 chaussures. Ils avaient nettoyé l'endroit, et ils l'avaient dynamité. Au

2 jour d'aujourd'hui, cet endroit, on voit que cela a été dynamité. Il y a un

3 trou. On a également trouvé des cartouches.

4 Q. Est-ce que vous savez ce qui est arrivé à cette étable ?

5 R. Ils ont emmené tous les parpaings à Drini. Des hommes du village ont

6 trouvé des restes là-bas aussi, et ils ont reconnu 14 corps, c'est-à-dire

7 des corps en plus -- encore de la centaine et plus dont j'ai déjà parlé.

8 Q. Merci, Monsieur Krasniqi.

9 Mme MOELLER : [interprétation] Monsieur le Président, je remarque que j'ai

10 déjà dépassé les 30 minutes qui m'étaient allouées. Avec votre permission,

11 j'aimerais montrer à ce témoin une photo de la rivière Drini et j'aurais

12 une dernière question à lui poser après cela.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne comprends pas la dernière

14 réponse, Madame Moeller. "Ils ont emmené tous les parpaings à Drini."

15 Mme MOELLER : [interprétation] Oui, j'aimerais effectivement --

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] S'agit-il d'hommes du village ?

17 Mme MOELLER : [interprétation] Oui, je vais essayer de préciser les choses.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous en prie, faites-le.

19 Mme MOELLER : [interprétation]

20 Q. Monsieur Krasniqi, qu'entendez-vous quand vous dites, "Ils ont emmené

21 les parpaings à Drini" ? Qui est "ils" ? Qui sont "ils" ?

22 R. Ceux qui ont nettoyé la zone, ceux qui ont brûlé tous ces hommes, ils

23 ont tout emmené, les restes, les parpaings, ils les ont emmenés à Drini, à

24 la rivière Drini, les Serbes du village. Je n'étais pas là-bas pour voir

25 précisément qui l'a fait, mais ce sont les Serbes du village.

26 Q. Merci.

27 Mme MOELLER : [interprétation] J'aimerais que soit affichée à présent la

28 pièce 102, page 2, s'il vous plaît.

Page 4380

1 Q. Monsieur Krasniqi, je vais vous demander de regarder cette photo et de

2 me dire si vous reconnaissez ce que vous voyez?

3 R. Oui. Il s'agit de la rivière Drini.

4 Q. Y êtes-vous allé après être rentré à votre village ?

5 R. Non, pas à l'endroit où ils ont emmené les parpaings. Je ne pouvais pas

6 y aller. Je ne me sentais pas bien. Je ne me sentais pas capable d'y aller

7 et de voir des choses qui me rappelaient ce qui s'était passé dans le

8 village. D'autres hommes du village y sont allés.

9 Q. Ce sont ces hommes qui vous en ont parlé ?

10 R. Oui.

11 Q. Merci, Monsieur Krasniqi. Mes deux dernières questions seront les

12 suivantes : quelle est la situation actuelle à Krusha e Vogel pour la

13 population qui y vit ?

14 R. Au jour d'aujourd'hui, la population à Krusha e Vogel a diminué. La

15 centaine de personnes qui a été massacrée ont disparu. Les enfants ont

16 grandi. Ils ont commencé à aller à l'école, ils ont commencé à travailler.

17 Voilà comment je peux décrire la situation.

18 Q. Comment vous sentez-vous, Monsieur Krasniqi, après tout ce que vous

19 avez vécu ?

20 R. Je ne me sens pas bien, mais je crois en Dieu et j'ai prêté serment

21 devant Dieu de faire attention à moi-même parce que je ne me sens pas bien.

22 J'ai vécu beaucoup de choses. A chaque fois que je parle du massacre qui a

23 eu lieu dans le village avec qui que ce soit, je ressens de nouveau ce que

24 j'ai vécu et tout ce que j'ai souffert.

25 Q. Merci, Monsieur Krasniqi.

26 Mme MOELLER : [interprétation] Monsieur le Président, pour l'instant, je

27 n'ai pas d'autres questions.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

Page 4381

1 Monsieur O'Sullivan.

2 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous allons suivre l'ordre donné dans

3 l'acte d'accusation. Je n'ai personnellement pas de questions à poser.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Petrovic.

5 M. PETROVIC : [interprétation] Pas de questions.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic.

7 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que Me

8 O'Sullivan s'est trompé. Je dois passer en dernier, je viens de

9 m'entretenir avec mon collègue Me Lukic à l'instant.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

11 Maître Ackerman.

12 M. ALEKSIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Merci nous

13 n'avons de questions à poser à ce témoin.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

15 Maître Cepic.

16 M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'aurais que

17 quelques questions à poser à ce témoin. Excusez-moi, j'ai un petit problème

18 technique également.

19 Contre-interrogatoire par M. Cepic :

20 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Krasniqi. Je m'appelle Djuro Cepic,

21 je suis l'un des avocats de M. Lazarevic. Je souhaiterais vous poser

22 quelques questions. J'essaierai d'être concret et clair, je vous

23 demanderais de bien vouloir répondre de façon concise.

24 Entre autres, vous avez fait une déclaration le 5 octobre 2001 aux

25 enquêteurs du TPIY. Dans cette déclaration, vous avez décrit les uniformes

26 portés par les personnes que vous avez vues le 26 mars. Entre autres, vous

27 avez déclaré que certains portaient des uniformes de camouflage bleus et

28 qu'ils sont entrés dans la maison de Dimitrije Nikolic; est-ce exact ?

Page 4382

1 R. Oui.

2 Q. Merci. Vous dites ensuite que certains portaient des uniformes de

3 camouflage verts et des rubans blancs, mais vous n'avez pas vu d'insignes

4 sur ces uniformes. Est-ce exact ?

5 R. Non, je n'en ai pas vu.

6 Q. Merci. Ensuite, vous dites que certains portaient des uniformes avec

7 des pantalons de camouflage et des chemises, mais vous n'avez pas vu

8 d'insignes sur ces uniformes non plus. Est-ce exact ?

9 R. Non, je n'ai pas vu d'insignes.

10 Q. Merci. Le dernier groupe ne portait rien sur la tête, non plus. Est-ce

11 exact ?

12 R. Non. Je n'ai vu personne avec un couvre-chef.

13 Q. Certains étaient moustachus ou barbus, n'est-ce pas ?

14 R. Oui. Certains d'entre eux, il y en avait qui portait la barbe mais elle

15 n'était pas très longue.

16 Q. Ils étaient âgés de 30 à 40 ans. Est-ce exact ?

17 R. Oui.

18 Q. Je vous remercie.

19 M. CEPIC : [interprétation] Pourrait-on voir la pièce D99, s'il vous

20 plaît ? Notamment, l'image dont le numéro de référence se termine par les

21 chiffres 06. Merci.

22 Q. Monsieur Krasniqi, sur cette photo nous voyons le village de Mala

23 Krusa. Pourriez-vous indiquer où se trouve votre maison sur cette photo,

24 s'il vous plaît ?

25 R. Est-ce qu'on pourrait agrandir l'image un petit peu, s'il vous plaît ?

26 Je ne vois pas très bien ce qui figure à l'écran. Voilà ici. Voici ma

27 maison, ici.

28 Q. Est-ce que vous pourriez apposer le chiffre 1 à côté de cette maison,

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1 s'il vous plaît ?

2 R. C'est sur la route ici, vous voulez que j'indique la rue ou la maison ?

3 Q. Juste la maison, merci.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous souhaiteriez que le

5 témoin fasse d'autres annotations sur cette photo ?

6 M. CEPIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, je pense que cela suffira, pour

8 le moment du moins.

9 M. CEPIC : [interprétation]

10 Q. Monsieur Krasniqi, depuis votre maison jusqu'à la route goudronnée

11 reliant Prizren à Gjakova, il y a entre 400 et 500 mètres à vol d'oiseau,

12 n'est-ce pas ?

13 R. Non. Non, cela ne fait pas 400 mètres. Je n'ai pas mesuré les

14 distances, mais je vous ai donné une estimation. Je ne sais pas quelle est

15 la distance exacte, mais selon moi il s'agit de

16 250 mètres environ.

17 Q. Merci. Dans la déclaration que vous avez faite le

18 4 avril 1999, page 2, paragraphe 4, vous dites que vers 3 heures du matin

19 vous avez été réveillé par les chars qui avaient fait leur apparition sur

20 cette route. A 3 heures du matin, il faisait nuit, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Depuis votre maison, vu la distance, vous ne pouviez pas voir la route

23 reliant Prizren à Djakovica. Il était 3 heures du matin, il faisait encore

24 nuit, n'est-ce pas ?

25 R. Je les ai vus. Leurs phares étaient allumés. Il y avait beaucoup de

26 bruit. Lorsqu'ils se sont arrêtés - en fait, nous avons tout pu voir depuis

27 la maison.

28 Q. Merci. Avant cela, avez-vous entendu une forte explosion et le bruit

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1 d'avions qui vous survolaient ce soir-là ?

2 R. Non, je n'ai pas entendu d'avions. La nuit où les chars sont arrivés,

3 toute la population s'est réveillée et est partie. C'était tôt le matin.

4 Q. Merci. Ce n'était pas ma question. Est-ce que vous pourriez répondre à

5 mes questions, s'il vous plaît. Vous avez fait des déclarations, et c'est

6 ce que vous avez dit notamment dans le cadre du procès Milosevic.

7 R. Je vous parle de ce que j'ai entendu et de ce que j'ai vécu; je ne vous

8 ai rien dit d'autre que cela.

9 Q. Merci, Monsieur Krasniqi. Cette nuit-là, avez-vous également entendu

10 une forte explosion ? Je ne vous parle pas de chars ici mais d'une

11 explosion.

12 R. Il n'y a pas eu d'explosion dans mon village cette nuit-là. Rien. Je

13 n'ai entendu aucune explosion.

14 Q. Je vous remercie.

15 M. CEPIC : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

17 Maître Ivetic.

18 M. IVETIC : [interprétation] Merci. J'aurais quelques questions à poser au

19 témoin pour ma part. Je vais changer de place.

20 M. CEPIC : [interprétation] Excusez-moi, je souhaiterais demander le

21 versement au dossier de la photographie. Peut-on lui attribuer une cote. Je

22 m'excuse auprès de mon collègue, Me Ivetic, de l'avoir interrompu.

23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce IC73.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

25 Maître Ivetic, allez-y.

26 Contre-interrogatoire par M. Ivetic :

27 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Krasniqi. Je m'appelle Dan Ivetic.

28 Je suis l'un des avocats de M. Lukic. En l'espèce, j'aurais quelques

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1 questions à vous poser aujourd'hui, et je vous demanderais de bien vouloir

2 vous concentrer sur mes questions afin d'y répondre de façon précise et

3 concise.

4 Tout d'abord, pourriez-vous nous dire combien de villageois habitaient à

5 Krusha e Vogel en mars 1999 ?

6 R. Est-ce que vous pourriez répéter votre question ? Je ne vous ai pas

7 bien entendu.

8 Q. Tout à fait. S'agissant du village de Krusha e Vogel où vous habitiez,

9 combien y avait-il d'habitants serbes dans ce village au mois de mars

10 1999 ?

11 R. Des habitants albanais ? Non, des habitants serbes. Je ne sais pas. Il

12 y avait 23 foyers. Je ne sais pas ce qu'il en était.

13 Q. Vous dites qu'il y avait 23 foyers serbes. Est-il exact de dire qu'il y

14 avait une centaine de foyers albanais ?

15 R. Non, il n'y en avait pas 100.

16 Q. Excusez-moi. Aurais-je raison de dire qu'il y avait 100 maisons

17 albanaises ?

18 R. Non, il n'y avait pas 100 maisons albanaises. A l'époque, il y en avait

19 environ 70.

20 Q. Bien. Serait-il exact de dire que les habitants serbes du village

21 provenaient de familles élargies, les Nikolic, les Stankovic, les Petkovic,

22 et cetera ?

23 R. Leur cercle familial proche.

24 Q. Ce que je voulais dire, c'est qu'il s'agissait de familles élargies. Il

25 y avait de nombreux frères --

26 R. Non, il n'y avait que quelques parents.

27 Q. Bien. Est-il exact de dire qu'avant le mois de mars 1999, et plus

28 particulièrement avant le début des frappes aériennes de l'OTAN, vous et

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1 les autres habitants albanais du village n'aviez pas subi de violence

2 quelconque ?

3 R. Non, nous n'avions jamais eu de problèmes avec les Serbes. Mon voisin

4 était Serbe. Je n'ai jamais eu de problèmes avec lui. Je ne sais pas

5 pourquoi ils ont fait cela ce jour-là, ce massacre. Nous ne nous attendions

6 absolument pas à ce qu'une chose pareille se passe. Nous ne nous attendions

7 pas à une telle chose de leur part.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez parlé d'un voisin qui était

9 Serbe. Comment s'appelait-il ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Ranko Petkovic.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

12 M. IVETIC : [interprétation] Cela fera une question en moins pour mon

13 contre-interrogatoire, Monsieur le Président.

14 Q. Monsieur Krasniqi, est-ce que d'autres habitants du village ont changé

15 leur nom de famille, comme vous l'avez fait ?

16 R. Non.

17 Q. Bien. Ce qui m'intéresse maintenant, ce sont les secteurs entourant

18 votre village. Est-il exact de dire qu'il y avait des forces de l'UCK dans

19 les environs, notamment dans les villages voisins situés autour de Krusha e

20 Vogel en 1999 ?

21 R. En 1999, nous n'osions même pas monter dans les montagnes, nous, les

22 villageois de Krusha e Vogel. Nous n'osions pas à cause des Serbes. Il y

23 avait des forces serbes dans le village. Nous ne pouvions pas nous rendre

24 dans la forêt. Personnellement, je ne suis pas allé dans la forêt pour

25 aller y chercher du bois pour l'hiver. Cet hiver-là, nous avons acheté du

26 bois au marché. Nous ne pouvions pas aller dans la forêt.

27 Q. Je croyais que vous aviez dit qu'avant les bombardements de l'OTAN,

28 vous n'aviez pas de problèmes avec les Serbes. Donc, je ne comprends pas

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1 très bien pourquoi vous auriez eu peur de vous déplacer à cause de la

2 présence des Serbes.

3 R. Parce qu'ils n'avaient pas une bonne opinion de nous, si bien que nous

4 n'osions pas aller dans les montagnes à cause de cela.

5 Q. Bon. Je vais vous poser une question au sujet de votre village. Savez-

6 vous si dans votre village il y avait des membres de l'UCK à l'époque, donc

7 à partir de 1998 et jusqu'au début des bombardements de l'OTAN ?

8 R. Je n'ai pas été témoin de cela personnellement. Les gens parlaient

9 entre eux et disaient qu'il y avait des membres de l'UCK ailleurs, mais pas

10 dans mon village. J'en suis sûr.

11 Q. Bien. Est-ce que vous avez également entendu parler d'enlèvements ou

12 d'attaques menées par l'UCK dans votre village ou dans les environs ?

13 R. L'UCK était présente au Kosovo, mais il n'y avait pas de présence de

14 l'UCK dans mon village.

15 Q. Bien. Avez-vous eu connaissance d'enlèvements ou d'attaques menées par

16 l'UCK dans votre village ou dans les environs ?

17 R. J'ai entendu dire qu'ils combattaient l'armée, mais personne de notre

18 village n'a été enlevé. Pas non plus des villages avoisinants. Je n'en ai

19 jamais entendu parler.

20 Q. Merci. Pendant la période qui a précédé les bombardements de l'OTAN,

21 est-ce que vous et d'autres villageois ont entendu dans les médias ou

22 autres des informations selon lesquelles l'OTAN envisageait une action

23 contre la Yougoslavie ? Est-ce que vous avez pu avoir des informations à ce

24 sujet dans votre village au cours des journées qui ont précédé le début des

25 bombardements de l'OTAN ?

26 R. Je ne lis jamais les journaux. Je ne suis pas les actualités. Je

27 m'occupe de mes affaires. Je travaille.

28 Q. Bien. Qu'en est-il des autres villageois ? Est-ce que d'autres

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1 habitants du village ont parlé entre eux de la possibilité d'une guerre

2 entre l'OTAN et la Yougoslavie à propos de la question du Kosovo ?

3 R. Je n'ai rien entendu à ce sujet.

4 Q. Est-ce qu'il y avait des peurs, des craintes parmi les villageois,

5 qu'ils soient Serbes ou Albanais, pendant les jours qui ont précédé

6 l'attaque de l'OTAN ?

7 R. Non, pas dans le village.

8 Q. S'agissant des habitants serbes du village, avant le mois de mars 1999,

9 est-il exact de dire que la plupart des villageois serbes valides, voire

10 tous, portaient des pièces d'uniforme soit des éléments d'uniforme de

11 camouflage bleu ou d'autres uniformes d'autres couleurs ?

12 R. Oui, c'est exact. On a vu ces Serbes du village porter des uniformes;

13 des uniformes de réservistes de l'armée, d'autres types d'uniformes. Ils

14 changeaient constamment de tenue.

15 Q. Quand est-ce que l'on a commencé à observer cela ? Etait-ce bien avant

16 le mois de mars 1999 ou après cette date ? Est-ce que vous pourriez nous

17 donner une idée de la période, s'il vous plaît ?

18 R. C'était en 1998. C'est là que nous avons vu qu'ils portaient différents

19 types d'uniformes.

20 Q. Pour ce qui est des personnes de votre village qui portaient ces

21 différents types d'uniformes, est-il exact de dire qu'ils exerçaient des

22 emplois réguliers, en d'autres termes, que leur profession n'exigeait pas

23 qu'ils servent à plein temps dans les rangs de la police ou de l'armée ?

24 R. Oui, nous les avons vus. Je suis certain qu'ils exerçaient un emploi ou

25 peut-être qu'ils étaient au chômage. Je ne les ai pas vus travailler où que

26 ce soit. Je les ai vu porter des uniformes.

27 Q. Bien. Maintenant, je souhaiterais que l'on parle concrètement des

28 personnes qui portaient des uniformes de la police. Est-il exact de dire

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1 que vous ignorez quelle était leur affiliation avec la police, s'il y en

2 avait une ?

3 R. Ils se rendaient bien quelque part dans leurs uniformes. Je ne leur ai

4 pas demandé où ils allaient.

5 Q. Est-ce qu'ils se déplaçaient à bord de véhicules civils plutôt qu'à

6 bord de véhicules de la police ?

7 R. A bord de véhicules privés.

8 Q. Vous avez dit que ces civils serbes du village ont commencé à porter

9 ces uniformes en 1998. Est-il exact de dire qu'ils étaient également armés

10 en plus du fait d'être en uniforme ?

11 R. Oui. On les a vu porter des armes. Je les ai vus personnellement porter

12 des armes en 1999.

13 Q. Avant le 25 mars 1999, pourtant, ces villageois armés portant

14 différents types d'uniformes n'ont jamais lancé d'attaques à votre encontre

15 ou à l'encontre d'autres Albanais du village, n'est-ce pas ?

16 R. Non, pas dans le village. Aucun villageois n'a été attaqué.

17 Q. Merci. Un instant, je vous prie.

18 [Le conseil de la Défense se concerte]

19 M. IVETIC : [interprétation]

20 Q. Je souhaiterais maintenant vous poser des questions concrètes au sujet

21 de certaines personnes dont vous avez parlé, notamment au sujet d'un

22 certain Dimitrije Nikolic. Est-il exact de dire qu'il était cafetier dans

23 votre village ?

24 R. Oui, c'est exact. Il avait un café où il y avait un billard. Ils

25 étaient là tout le temps. Il y avait des policiers, des gens en uniforme

26 bariolé qui se réunissaient là.

27 Q. Est-il exact de dire que dans la famille Nikolic, beaucoup résidaient à

28 Krusha e Vogel ?

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1 R. Oui. Il y a une famille comptant plusieurs membres; je ne sais pas

2 combien au juste.

3 Q. Est-il exact de dire que Dimitrije Nikolic travaillait dans ce café du

4 village de Krusha e Vogel plus ou moins tous les jours ?

5 R. Dans son café, oui, bien sûr. Il était propriétaire du café, son fils y

6 travaillait également. Tous les policiers en uniforme s'y rendaient.

7 Q. Lorsque vous dites que "tous les policiers en uniforme s'y rendaient,"

8 est-ce que vous voulez parler des villageois qui portaient des uniformes de

9 la police ?

10 R. Non, non. D'autres. Nous ne les connaissions absolument pas.

11 Q. Bien. Dans votre déclaration de 1999, vous dites que le soir où

12 l'attaque de l'OTAN a commencé, tous les Serbes ont éteint les lumières et

13 vous avez vu votre voisin descendre au sous-sol avec sa famille. Est-ce que

14 vous avez eu l'impression que les gens du quartier avaient peur pour leur

15 sécurité à cause du survol des avions de l'OTAN ?

16 R. Je ne sais pas à quoi ils pensaient, je ne sais pas s'ils avaient peur,

17 ni pourquoi ils sont allés au sous-sol. Je sais simplement que je les ai

18 vus descendre au sous-sol.

19 Q. Est-ce que les habitants des maisons albanaises ont également éteint

20 leurs lumières pour aller s'abriter au sous-sol ?

21 R. Je ne sais pas ce qu'il en est des familles albanaises.

22 Personnellement, il n'y a pas de sous-sol dans ma maison, donc je suis

23 resté là où j'étais et les lumières sont restées allumées.

24 Q. Si vous aviez-vous eu un sous-sol, est-ce que vous seriez descendu au

25 sous-sol à ce moment-là ?

26 R. Pourquoi donc ? Il n'y avait aucune raison que je descende au sous-sol.

27 Les forces de l'OTAN ne s'intéressaient pas aux familles.

28 Q. Bien. Dans la déclaration que vous avez faite en 1999, vous parlez

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1 également du fait que le 25 mars 1999 au matin, votre foyer, un autre foyer

2 albanais sont allés trouver refuge dans les forêts et les montagnes. Quelle

3 est la distance qui sépare votre maison de ces forêts et des ces

4 montagnes ?

5 R. Cela se trouvait aux abords du village, je n'ai pas mesuré la distance.

6 Mais disons que c'était à dix minutes à pied. Il y avait là-bas, un chemin

7 qui pouvait vous emmener vers la montagne.

8 Q. Bien. Vous souvenez-vous de la période de la journée que c'était ?

9 Faisait-il encore jour ou est-ce qu'il avait déjà commencé à faire nuit ?

10 R. Le 25 mars, c'était à l'aube.

11 Q. Bien. Plus loin dans votre déclaration, vous indiquez qu'on a commencé

12 à incendier le village et que cela s'est poursuivi jusqu'au jour d'après.

13 Dites-nous l'endroit où vous vous trouviez, avez-vous personnellement pu

14 voir qui est-ce qui mettait le feu aux maisons de votre village ?

15 R. Non, non. Nous étions loin, nous n'avons pu voir que la fumée s'élever

16 du village.

17 Q. Bien. Savez-vous nous dire quel est le pourcentage ou le nombre de

18 maisons dans le village qui, de cette façon-là, ont été mises à feu, ce

19 jour-là ?

20 R. Nous n'avons pas vu combien de maisons avaient brûlé le 25 ou le 26

21 mars. Nous ne pouvions pas le voir. Personne d'ailleurs n'avait réfléchi au

22 nombre de maisons qui étaient en train de brûler. Chacun était préoccupé

23 par sa propre famille et pour soi-même, pour savoir s'ils allaient survivre

24 ou pas.

25 Q. Oui, je comprends. Dites-nous, avez-vous eu l'occasion de voir si

26 toutes les familles albanaises avaient quitté le village pour partir dans

27 la forêt ce matin du 25 mars 1999 ? En d'autres termes, là où vous vous

28 trouviez, avez-vous pu voir que certaines familles manquaient, n'y étaient

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1 pas ?

2 R. Oui. Il y a une partie du village que les gens ont fui dans la

3 direction de Drini.

4 Q. Savez-vous nous dire si des familles sont restées au village ce jour-

5 là et le jour d'après, le 26 mars 1999 ?

6 R. Pas une seule famille n'est restée au village le 25 ou le 26 mars. Ils

7 ont complètement nettoyé le village de tous ses habitants.

8 Q. Connaissez-vous la famille Hajdari Isuf et le reste de sa famille ?

9 R. Oui.

10 Q. Savez-vous nous dire s'ils ont quitté le village eux, ce 25 mars 1999 ?

11 R. Personne ne savait s'il avait fui le village ce jour-là ou s'il a été

12 tué, s'il avait brûlé. Nous savions quelque chose au sujet des gens qui

13 avaient fui le village pour se trouver à ses abords ou dans les montagnes.

14 C'est ainsi que j'ai appris que les villageois n'avaient tous pu fuir vers

15 les abords, dans la montagne.

16 Q. Bien. Alors, on va parler de votre déclaration de 1999. Vous avez dit

17 que pendant que vous vous trouviez dans le secteur de la forêt, vous avez

18 vu des policiers, des membres du MUP, en train d'emmener des véhicules et

19 des tracteurs. D'abord, dites-nous comment avez-vous pu voir que c'étaient

20 des policiers qui étaient en train de s'emparer de ces biens ?

21 R. On pouvait voir leurs uniformes, ils portaient des uniformes de la

22 police.

23 Q. De cette distance-là, avez-vous pu identifier les personnes portant

24 l'uniforme et avez-vous pu déterminer si c'étaient des villageois locaux,

25 des habitants de votre village ou pas ?

26 R. Je n'ai pas pu identifier ces gens-là. Bien sûr il y avait à leurs

27 côtés des villageois du coin.

28 Q. Bien. Vous nous dites qu'à ce moment-là, 15 policiers sont venus dans

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1 la forêt là où des gens étaient en train de se cacher et, d'après votre

2 déclaration, il y aurait eu trois policiers avec des rubans blancs autour

3 de leur bras en train de donner des instructions. Ce que je voudrais savoir

4 c'est quel type d'uniforme portait les trois individus avec ces rubans

5 blancs et qu'est-ce qui vous a permis de conclure qu'il s'agissait de

6 policiers ?

7 R. Ils portaient des vêtements variés ou toutes sortes d'uniformes. Ils

8 portaient également des rubans autour de leur bras et ils donnaient des

9 ordres. Comment voulez-vous que je les qualifie ?

10 Q. Ce que j'essaie de déterminer, c'est de savoir s'ils ont tous eu des

11 rubans blancs autour de leur bras ou alors si c'est seulement certains des

12 individus qui en portaient ?

13 R. Certains d'entre eux.

14 Q. Bien. Permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire. Dans votre

15 déclaration faites auprès du TPIY à la date du 5 octobre 2001, vous avez

16 dit que des personnes portant des rubans blancs autour de leur bras,

17 c'étaient en réalité des paramilitaires en uniforme de camouflage vert.

18 Vous souvenez-vous d'avoir dit cela ?

19 R. Oui. Comme je l'ai dit, ils changeaient d'uniforme. Ils changeaient

20 tout le temps d'uniforme.

21 Q. Bien. Mais dans l'addendum à votre déclaration daté du 7 mars 2002,

22 vous continuez à expliquer et vous dites que ces trois paramilitaires

23 portant des rubans blancs autour de leur bras avaient également des rubans

24 jaunes du côté gauche de leur poitrine. Vous en souvenez-vous ?

25 R. Oui.

26 Q. Bien. Ces 15 policiers qui seraient venus là-bas, comme vous nous

27 l'avez dit, ont-ils tous porté le même uniforme ou alors portaient-ils des

28 uniformes différents ?

Page 4395

1 R. Certains d'entre eux portaient le même uniforme, d'autres des uniformes

2 différents, mais ils n'avaient pas tous le même uniforme.

3 Q. Bon. Qui est-ce qui a dit aux femmes et aux enfants d'aller en Albanie

4 à ce moment-là ? Le savez-vous ?

5 R. Ceux qui se trouvaient là-bas ont dit aux femmes : "Vous pouvez soit

6 aller vous noyer dans le Drini soit aller en Albanie."

7 Q. Avez-vous personnellement entendu proférer ces mots ?

8 R. Oui, je les ai personnellement entendu dire.

9 Q. Est-ce que cela a été dit en serbe ou en albanais ?

10 R. En serbe.

11 Q. Avez-vous reconnu la voix de celui qui l'a dit de par sa façon dont il

12 a prononcé ?

13 R. J'ai entendu la voix, oui.

14 Q. Non, mais je vous demande si vous avez reconnu la personne qui a

15 parlé ? Etait-ce quelqu'un que vous connaissiez ?

16 R. Non.

17 Q. Bien. Dites-nous, je vous prie, si ces personnes qui portaient des

18 uniformes différents c'étaient bien les mêmes personnes qui vous ont forcés

19 à vous mettre à genoux en disant que l'OTAN vous sauverait bientôt et vous

20 ont escortés jusqu'à la maison de Haxhi Batusha ?

21 R. Nous ne les connaissions pas. Nous avions nos mains au-dessus de nos

22 têtes. Nous étions à genoux. Nous n'osions même pas les regarder.

23 Q. Bien. J'aimerais vous demander des éléments de clarification pour ce

24 qui est de l'endroit où on vous a emmené. Parce que dans votre déposition,

25 vous indiquez que c'était la maison de Haxhi Batusha, Haxhi, nom de

26 famille, mais il me semble que s'agissant de ce même endroit, vous aviez

27 dit que c'était la maison de Razim Batusha. Dites-nous quelle est

28 l'identité du propriétaire de cette maison ?

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1 R. Rasim Batusha est le père de Haxhi. Rasim Batusha se trouvait en

2 Allemagne. Cette maison, nous l'appelions la maison des Batusha. Rasim

3 Batusha se trouve maintenant à la maison, alors que Haxhi Batusha est

4 toujours considéré disparu aux côtés des 28 membres de sa famille.

5 Q. Bien. Donc nous sommes en train de parler d'une seule et même maison,

6 n'est-ce pas ?

7 R. Oui, c'est la même maison.

8 Q. Est-ce que c'est dans cette maison que vous avez été amené vous-même et

9 d'autres personnes du village et c'est là que les tirs se sont produits ?

10 R. Oui.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Y a-t-il une personne qui répondrait

12 au nom de Qazim Batusha ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le grand-père de Haxhi Batusha.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

15 M. IVETIC : [interprétation]

16 Q. Pour apporter un éclaircissement, Monsieur, veuillez nous dire ce qui

17 suit : lors de l'interrogatoire principal, il a été dit au sujet de cette

18 maison que c'était en réalité une étable. Dans votre déclaration, il est

19 question d'une maison; on vient de parler là à l'instant même d'une maison.

20 Dites-nous ce que ce bâtiment était ?

21 R. Lorsque cela avait été construit, c'était une maison avec deux chambres

22 à coucher et un corridor. Lorsque nous avons été emmenés à cette maison,

23 dans l'une des parties de la maison, il y avait de la paille, dans la

24 partie où j'étais, du côté droit, il y avait de la paille. C'est pourquoi

25 nous l'avons parfois appelé l'étable et parfois la maison. Pour moi cela

26 n'avait pas trop d'importance. Ce qui est important c'est que des personnes

27 sont disparues.

28 Q. Bien. J'aurais encore une question au sujet du bâtiment en tant que

Page 4397

1 tel. Les fenêtres étaient-elles déjà été terminées ? Y avait-il des

2 fenêtres et des vitres ou est-ce que cela était des ouvertures béantes

3 encore ?

4 R. Il y avait des fenêtres, mais il n'y avait pas de vitres au-dessus.

5 Q. Bien. Dans votre interrogatoire principal, vous avez déjà dit que

6 Shefqet Shehu s'était adressé à l'un des Serbes locaux du village parmi

7 ceux qui étaient là-bas et qu'ensuite il y a eu des échanges de tirs

8 jusqu'à ce que les gens n'aient plus eu de cartouches à tirer. Savez-vous

9 nous dire combien de temps cela a duré ? Est-ce qu'un seul des individus

10 qui a tiré ou est-ce qu'il y a eu plusieurs personnes à ouvrir le feu, et

11 combien de temps ces tirs ont-ils duré ?

12 R. Après avoir exécuté des gens dans cette pièce, Shefqet Shehu était

13 allongé. Il s'est relevé. Ils ne lui ont pas dit de se mettre debout pour

14 l'exécuter, mais lui avait cru qu'ils n'étaient plus là. Il voulait

15 s'évader. Il est arrivé qu'un Serbe du village était là à côté de la

16 fenêtre. Lorsque Shefqet l'a vu, il lui a dit : "Voisin, est-ce que c'est

17 toi qui est en train de faire cela ?" L'autre a commencé à tirer une fois

18 de plus. Je ne sais pas exactement vous dire combien de temps les coups de

19 feu ont encore duré.

20 Q. Bien. Mais --

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez.

22 Est-ce que vous pouvez nous dire s'il n'y avait qu'une seule personne

23 à tirer ou est-ce qu'il y en a eu plusieurs ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ma pièce à moi, il n'y avait qu'une

25 personne qui était en train de tirer par la fenêtre.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

27 M. IVETIC : [interprétation] Puis-je continuer ?

28 Q. A un moment donné, les gens du village ont mis le feu en jetant quelque

Page 4398

1 chose sur les corps. Vous, vous étiez à l'intérieur du bâtiment à ce

2 moment-là. Savez-vous nous dire ou avez-vous une idée du temps que vous

3 avez passé dans ce bâtiment en train de brûler ? Vous avez dit dans votre

4 déclaration qu'on vous avait poussés à l'intérieur de la maison vers 11

5 heures et que vous avez pu vous enfuir vers 15 heures. Est-ce que vous

6 pouvez être plus précis vis-à-vis de ces quatre heures de temps et nous

7 dire combien de temps vous êtes restés à l'intérieur une fois que le feu

8 s'est déclaré ?

9 R. Une fois que le feu a été mis, nous, qui étions blessés, nous nous

10 sommes trouvés bloqués par ce feu. Lorsqu'ils ont jeté de la paille sur les

11 corps, il a commencé à y avoir de la fumée et j'ai décidé de sortir. J'ai

12 préféré mourir par balle. Je n'ai pas prêté attention à la durée ou au

13 temps que j'ai passé là-bas. Cela ne m'intéressait pas du tout compte tenu

14 de ce qui était en train de se passer.

15 Q. Bien. Une fois que vous avez quitté le bâtiment et que vous êtes arrivé

16 jusqu'à la maison de votre oncle, dites-nous d'abord à quelle distance de

17 là cette maison de l'oncle se trouvait-elle ?

18 R. De la maison à mon oncle, il n'y a qu'un seul petit sentier que j'ai

19 emprunté quand j'ai sauté par la fenêtre, et je suis allé à la cave de la

20 maison de mon oncle.

21 Q. Bien. La maison de votre oncle se trouve juste à côté de la propriété

22 des Batusha, n'est-ce pas ?

23 R. C'est juste à côté de la maison où les exécutions ont été effectuées et

24 où ils ont mis le feu aux gens.

25 Q. Bien. Dans votre déclaration originale, celle de l'an 1999, vous avez

26 indiqué que vous avez vu deux policiers qui avaient ajouté du maïs pour que

27 le feu prenne mieux. Alors aujourd'hui, vous dites, qu'en vérité, c'était

28 des villageois de votre village qui l'ont fait, et vous ne vous souvenez

Page 4399

1 pas du tout si vous avez vu des personnes en uniforme ou vous n'avez pas pu

2 vous en rappeler. Or, je vais rafraîchir votre mémoire avec la déclaration

3 de 2002, qui a également été versée au dossier. Vous apportez des

4 corrections. Vous dites

5 que :

6 "S'agissant du maïs qui a été jeté sur les corps, il s'agissait de

7 deux civils serbes, Slavisa Petkovic et Ljubisa Stankovic. Ils ne portaient

8 pas d'uniformes de la police. C'était quelqu'un que je connaissais bien,

9 puisque nous avions vendu ensemble des légumes au marché."

10 Vous souvenez-vous d'avoir identifié ces personnes en disant que ces

11 gens qui ont ajouté du maïs sur les corps étaient, en réalité, des civils

12 de votre village, que vous aviez coutume de voir lorsque vous alliez vendre

13 des légumes ?

14 R. Lorsque j'ai quitté l'étable pour aller vers la cave dans la maison de

15 mon oncle, je suis allé, après, au deuxième étage. C'est de ce deuxième

16 étage de la maison que l'on pouvait voir l'étable des Krasniqi, et c'est de

17 là qu'on a pu voir ce maïs qu'on jetait sur les corps.

18 Q. Est-ce que vous avez identifié ces civils ou ces villageois comme étant

19 les dénommés Petkovic et Stankovic, n'est-ce pas ?

20 R. Oui, je les ai vus tous les deux.

21 Q. Bien. Vous souvenez-vous si en 1999 vous avez fait une déposition

22 manuscrite, une fois revenu d'Albanie, et vous y avez indiqué les personnes

23 que vous aviez vu commettre des crimes dans Mala Krusa au-delà du 25 et 26

24 mars 1999, n'est-ce pas ?

25 R. Je ne sais pas. Peut-être que oui, mais je ne sais pas.

26 Q. Bien.

27 M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais que M. l'Huissier nous aide en

28 affichant la pièce 6D89 sur nos écrans. Les trois premières pages de la

Page 4400

1 pièce à conviction sont en réalité une traduction anglaise fournie par les

2 soins du bureau du Procureur. C'est pourquoi j'aimerais qu'on nous

3 communique la quatrième page de la même pièce à conviction, et que celle-ci

4 soit placée sur le système d'affichage électronique à l'intention du

5 témoin.

6 Q. Monsieur, pouvez-vous vous pencher sur l'écran et nous dire si vous

7 reconnaissez ce document manuscrit, et vous souvenez-vous de l'avoir

8 rédigé ?

9 R. Oui.

10 Q. Vous vous souvenez du fait de l'avoir écrit ?

11 R. Oui.

12 Q. Bien. J'aimerais à présent attirer votre attention sur la page

13 suivante, page suivante de la partie manuscrite. Dites-nous d'abord si vous

14 vous souvenez du moment où vous avez écrit ce document ?

15 R. Non. Cela, je ne m'en souviens pas.

16 Q. Vous souvenez-vous de l'avoir remis aux autorités internationales qui

17 se trouvaient à l'époque au Kosovo ?

18 R. Je ne sais pas.

19 Q. Bien. S'agissant de cette page qui défile sur notre écran, on y voit

20 une liste de plusieurs personnes. Vous avez énuméré une liste de 37

21 personnes que vous avez qualifiées de "criminels de guerre serbes,

22 originaires de Mala Krusa". Suite à cela, il y a encore trois personnes

23 dont on dit que c'est les noms de Serbes locaux. Vous avez dit que c'était

24 des fils du numéro 26, mais il n'y a pas les noms de ces derniers. Alors,

25 était-ce également des Serbes locaux, des voisins à vous ?

26 R. Oui.

27 Q. Est-ce que c'est toutes les personnes qui ont participé à la

28 perpétration de crimes contre vous et d'autres villageois du village à la

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1 date du 25 et 26 mars 1999 ?

2 R. Je ne les ai pas vus prendre part à cela. Mais quand il s'agit de

3 Momcilo Nikolic, lui, il a été vu par Shefqet. Et c'est Shefqet qui m'a dit

4 qu'il avait pris part aux exécutions. J'ai vu les fils de Dobri Petrovic en

5 train de porter des armes le

6 25 mars 1999 dans l'après-midi.

7 Q. Bien. Pendant que vous étiez encore en Albanie, vous souvenez-vous de

8 vous être entretenu avec une personne en poste à l'OSCE ou au Groupe de

9 crise international ?

10 R. Je ne sais plus à qui j'ai fait cette déclaration. Il se peut que ce

11 soit cette organisation, mais je ne m'en souviens pas.

12 Q. Je vais vous poser une question d'ordre plus général. J'espère que vous

13 serez à même d'y répondre. Vous souvenez-vous d'avoir accordé, pendant que

14 vous étiez en Albanie, une interview à qui que ce soit, et en vous

15 entretenant, vous auriez décrit les événements de cette nuit-là dans votre

16 village en précisant que vous aviez vu des auteurs de ces agissements en

17 train de s'injecter des drogues avec quelque chose de plus petit qu'un

18 briquet ?

19 R. Non, je ne me souviens pas de l'avoir dit.

20 Q. Bien. J'aurais plusieurs questions pour vous encore. Est-ce que dans

21 votre village il y aurait un petit pont au-dessus de la rivière ?

22 R. Du ruisseau ? Des deux côtés du village il y en a un.

23 Q. Cela ferait au total deux petits ponts au-dessus d'un ruisseau et non

24 pas d'une rivière; c'est bien cela ?

25 R. Oui, c'est au-dessus du ruisseau qu'ils se trouvent.

26 Q. L'un de ces ponts se trouve-t-il à proximité du village, en d'autres

27 termes, non loin de la route principale reliant Prizren à Djakovica ?

28 R. Oui. La route principale entre Djakovica et Prizren comporte deux

Page 4402

1 ponts; il n'y en a pas d'autres.

2 Q. Non, j'étais en train de parler de petits ponts par-dessus un ruisseau

3 ou un petit cours d'eau. Y a-t-il quoi que ce soit de ce genre non loin de

4 l'entrée du village en quittant la route principale ? Quand je dis "non

5 loin," je ne sais pas vous dire quelle est la distance réelle. Il se peut

6 qu'elle soit un peu plus grande. Y a-t-il un pont qui soit plus proche de

7 l'entrée du village que l'autre ?

8 R. Oui, sur la route principale entre Prizren et Gjakova, entre ces

9 villages de Mala Krusa et l'autre Krusha. Si vous parlez de l'entrée du

10 village, je crois que vous vous référez à ce pont-là.

11 Q. Y a-t-il un pont en direction du Drini ?

12 R. Non. Non, pas en direction du Drin.

13 Q. Bien. Le 25 ou le 26 mars 1999, y a-t-il eu des combats dont vous

14 auriez eu connaissance non loin de l'un quelconque de ces ponts entre les

15 membres de l'UCK, d'une part, et les forces serbes, d'autre part ?

16 R. Je ne sais rien de tout cela.

17 Q. Est-ce que l'un quelconque des ponts aurait été endommagé pendant la

18 guerre ? Est-ce qu'en revenant d'Albanie au village, avez-vous constaté que

19 l'un des ponts était endommagé ?

20 R. Non. Pas à Madhe Krusha, pas à Velika Krusha non plus. Le pont entre

21 ces deux villages n'a pas été endommagé.

22 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

23 questions pour ce témoin.

24 Q. Je vous remercie, Monsieur Krasniqi.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, Monsieur Krasniqi, nous

26 allons interrompre maintenant. Nous allons faire une pause déjeuner.

27 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, si je puis.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, excusez-moi.

Page 4403

1 M. VISNJIC : [interprétation] Je voudrais faire une suggestion. Mes

2 questions pour ce témoin sont épuisées. Mais en page 49, il a entamé un

3 nouveau sujet. Il s'agit des lignes 17 à 25. A ce sujet, j'aimerais lui

4 poser trois ou quatre questions. Je ne sais pas si on peut le faire

5 maintenant, et je ne sais pas du tout non plus si vous allez m'autoriser à

6 le faire ou alors peut-être pourrions-nous le laisser pour après ?

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, en ce qui me concerne, je n'y

8 vois pas d'inconvénient. Je veux bien, à condition d'être bref. Vous pouvez

9 commencer et on peut voir comment cela va se passer.

10 Monsieur Krasniqi, je pensais que nous allions en finir avec votre

11 témoignage, mais peut-être cela a-t-il été le cas. Peut-être pourrions-nous

12 laisser poser M. Visnjic ses quelques questions, puis prendre la pause

13 déjeuner après.

14 Maître Visnjic.

15 M. VISNJIC : [interprétation] Merci.

16 Contre-interrogatoire par M. Visnjic :

17 Q. [interprétation] Monsieur, vous nous avez dit qu'en 1999 vous n'avez

18 pas pu aller dans les montagnes, vous, habitants de Mala Krusa, et vous

19 avez dit que vous-même n'êtes pas allé à la forêt pour aller ramasser du

20 bois pour du feu, parce que vous avez eu peur des forces serbes qui se

21 trouvaient au village. Monsieur Krasniqi, est-ce qu'il serait exact de dire

22 que dans les forêts au-dessus de votre village il y avait des membres de

23 l'UCK pendant cet hiver de 1999 ?

24 R. Non. Je n'ai jamais vu personne. Nous n'allions pas là-bas simplement

25 parce que nous ne voulions pas que les Serbes du village aient de mauvaises

26 pensées à notre égard.

27 Q. Monsieur Krasniqi, connaissez-vous Cvetko Nikolic du village de Mala

28 Krusa ?

Page 4404

1 R. Non, je ne m'en souviens pas.

2 Q. Monsieur Krasniqi, est-ce que cela vous rafraîchirait votre mémoire si

3 je vous disais que le 27 février 1999, au-dessus du village de Mala Krusa,

4 des membres de l'UCK ont enlevé Cvetko Nikolic; après l'avoir enlevé, ils

5 l'ont conduit vers une prison illégale de l'UCK dans le village de

6 Randobrava, également situé dans la municipalité de Prizren ? Monsieur

7 Krasniqi, où se truove Randovrava par rapport à votre village ? N'y a-t-il

8 pas une distance de 2 kilomètres entre ces deux endroits ?

9 R. C'est loin. Je ne sais pas à quelle distance exactement. Je ne le

10 saurais vous le dire.

11 Q. Bien. A votre connaissance, est-ce que les Serbes de votre village

12 aurait été enlevés en février 1999 ?

13 R. Nous avons entendu parler de ce genre de chose, mais il ne s'agissait

14 pas d'enlèvements. Je ne suis pas aller poser des questions aux gens à ce

15 sujet, mais d'après ce que j'ai pu entendre, il ne s'agissait pas

16 d'enlèvements. Il est revenu chez lui juste après. Je ne connais pas le nom

17 de la personne. Je ne sais pas si vous avez la même personne à l'esprit que

18 moi.

19 Q. Monsieur Krasniqi, je parle ici de Cvetko Nikolic, qui a été enlevé par

20 l'UCK et libéré grâce aux membres de la Mission de l'OSCE du centre

21 régional de Prizren. Cvetko Nikolic, un handicapé mental.

22 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas s'il était handicapé mental. Je ne sais

23 pas ce qu'il faisait du côté de Randobrava. Je ne peux rien vous dire à ce

24 sujet.

25 Q. Il se trouvait dans la forêt, Monsieur Krasniqi. Il a été enlevé et

26 conduit à Randobrava.

27 M. VISNJIC : [interprétation] Je n'ai pas d'autre questions, Monsieur le

28 Président. Je m'appuie sur le document communiqué par l'Accusation, qui se

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1 trouve dans le système de communication électronique des documents. La

2 référence est le 01383968. Ce document ne figure pas dans le système car le

3 témoin n'a abordé ce sujet qu'aujourd'hui. Merci.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic, je vous remercie.

5 Madame Moeller.

6 Mme MOELLER : [interprétation] Juste deux questions si vous m'y autoriser.

7 Nouvel interrogatoire par Mme Moeller :

8 Q. [interprétation] Monsieur Krasniqi, dans le cadre de votre contre-

9 interrogatoire, on a parlé de la famille Nikolic, la famille de Dimitrije

10 Nikolic. A un moment donné, vous avez dit que son fils travaillait lui

11 aussi dans le café du village. Quel est le prénom du fils, si vous le

12 connaissez ?

13 R. Cvedan Nikolic.

14 Q. Avait-il d'autres fils à votre connaissance, et le cas échéant,

15 connaissez-vous leurs noms ?

16 R. Il avait un autre fils, mais je ne me souviens plus de son nom.

17 Mme MOELLER : [interprétation] Ce sera tout, Monsieur le Président. Merci.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Krasniqi, ceci met un terme à

19 votre déposition. Je vous remercie d'être revenu témoigner devant ce

20 Tribunal afin de compléter ce que vous avez dit précédemment. Vous pouvez

21 maintenant disposer.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

23 [Le témoin se retire]

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous reprendrons nos travaux à 14

25 heures 15.

26 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 39.

27 --- L'audience est reprise à 14 heures 19.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois comprendre que vous voulez

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1 dire quelque chose, Madame Moeller ?

2 Mme MOELLER : [interprétation] Oui, effectivement. J'aimerais verser au

3 dossier deux documents supplémentaires concernant les témoins que nous

4 avons entendus hier et aujourd'hui. L'un est la pièce P2333, qui est une

5 demande d'aide du Tribunal à la Serbie-et-Monténégro, une demande de

6 renseignements concernant des noms, et le deuxième document est la réponse

7 à cette demande, qui est la pièce 2335. Ces deux documents contiennent les

8 noms au sujet desquels nous avons entendu les dépositions des deux témoins

9 en question. C'est la raison pour laquelle j'aimerais les verser au

10 dossier.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez des copies qui sont

12 disponibles parce qu'il faut que nous les voyions à l'écran ?

13 Mme MOELLER : [interprétation] Non, je n'ai pas de versions papier pour

14 l'instant, mais effectivement elles pourraient apparaître à l'écran.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

16 Mme MOELLER : [interprétation] Oui. Effectivement, il s'agit du document.

17 Pouvons-nous passer à la page 3, s'il vous plaît, sur ce document ? Le

18 faire défiler vers le bas, s'il vous plaît ?

19 M. LE JUGE BONOMY : [hors micro]

20 Mme MOELLER : [interprétation] La réponse est la pièce 2335, page 2, s'il

21 vous plaît. Pouvons-nous également avoir la pièce jointe en anglais ? C'est

22 la même page. C'est également la page 2 de la version anglaise. Si vous le

23 souhaitez, Monsieur le Président, je puis vous fournir les références

24 auxquelles ces noms sont apparus dans le témoignage qui ont été présentés

25 pendant les deux jours précédents.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce ne sera pas nécessaire, je vous en

27 prie.

28 M. IVETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, j'ai une objection

Page 4408

1 à l'introduction des documents pour plusieurs raisons. Nous avons fait

2 remarquer déjà notre objection lorsqu'on a déjà été tenté de verser ce

3 document, par exemple la première personne sur cette liste, Dimitrije

4 Nikolic, d'après les renseignements qui sont donnés ici, il ne s'agit

5 vraiment pas du Dimitrije Nikolic, puisqu'on nous a dit que c'était un

6 propriétaire de café à temps plein à Krusha e Vogel. Ici, il s'agit de

7 renseignements pour une personne qui vit à Urosevac, qui est très loin de

8 Mala Krusa.

9 Si vous regardez les cotes, d'après ce qu'on m'a dit concernant le

10 système yougoslave, il y a une certaine série de chiffres qui vous dit à

11 peu près d'où viennent les personnes. Il y a le chiffre 95 qui est celui de

12 la municipalité de Prizren, mais il y a des chiffres qui montrent qu'il ne

13 s'agit pas de la municipalité où ce village est situé. On ne peut pas être

14 sûrs que c'est ces personnes au sujet desquelles on nous a fait un

15 témoignage. C'est peut-être d'autres personnes. Ce sont des noms assez

16 courants et il nous semble à présent que ce qui a été fait, c'est que la

17 demande qui a été faite aux Serbes en Serbie-et-Monténégro a été faite dans

18 la base de données du MUP sur des noms sans vraiment regarder un lieu

19 particulier.

20 C'est la raison pour laquelle nous pensons que les renseignements qui

21 sont dans cette pièce ont une valeur probante qui est assez faible et, sur

22 ce fondement, je pense qu'il pourrait y avoir un préjudice assez important

23 qui pourrait être causé à l'égard de ces personnes si on se trompe de

24 personnes parce que, je répète, il y a plusieurs personnes dont nous avons

25 entendu parler, mais tout au moins le premier, par exemple Dimitrije

26 Nikolic, c'est clair que ce n'est pas de celui-là dont on a parlé dans le

27 témoignage, puisque les deux personnes ont dit qu'il avait un café là-bas,

28 je crois que même le témoin l'a dit aujourd'hui, ce Dimitrije Nikolic

Page 4409

1 travaillait dans son café toute la journée et tous les jours. Je ne vois

2 pas comment il aurait pu à la fois et en même temps travailler tous les

3 jours dans son café à Mala Krusa et également être un assistant du chef

4 d'équipe du SUP d'Urosevac qui est à plusieurs kilomètres. C'est à

5 plusieurs municipalités de là.

6 Sur ce fondement, nous faisons une objection à ce que ce document

7 soit versé au dossier, tant que nous ne pouvons pas avoir les informations

8 qui permettent de vérifier qu'il y a un rapport direct avec les personnes

9 au sujet desquelles le témoignage a été fait, tout au moins, sous la forme

10 actuelle qui nous est présenté.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Les autres semblent tous être du

12 bureau de Prizren ?

13 M. IVETIC : [interprétation] En fait, non. Il y a le numéro 20. Il est

14 d'Urosevac; le 25, c'est Pristina.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce ne sont peut-être pas les noms sur

16 lesquels des références ont été faites.

17 Auxquels voulez-vous faire référence, Madame Moeller ?

18 Mme MOELLER : [interprétation] Nous voulions faire référence à plusieurs de

19 ces noms, surtout toutes les personnes qui, d'après ces renseignements,

20 dépendent du SUP de Prizren. Le numéro 3, Sava Nikolic; le numéro 4,

21 Momcilo Nikolic; numéro 5, Ranko Nikolic; numéro 10, Novica Nikolic; numéro

22 13, Borislav Cvetkovic; le numéro 19, Zlatko Djordjevic; numéro 23, Dejan

23 Petkovic; numéro 25, Goran Petkovic. On nous dit ici qu'il dépend du SUP de

24 Pristina, mais je pense que sur le fondement de cette information, cela

25 s'applique également à Dimitrije Nikolic, il n'est pas clair ici que les

26 renseignements qui sont donnés ici excluent la possibilité que cela puisse

27 effectivement être la même personne. Nous pensons que cela a un impact sur

28 le poids de ce document. Nous avons également des demandes pour des

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1 renseignements supplémentaires concernant ces personnes, nous n'avons pas

2 encore reçu de réponse. Ces renseignements arriveront quand ils arriveront.

3 Je pense que la Défense, quand elle présentera ses moyens de preuve, aura

4 également la possibilité de faire des enquêtes supplémentaires concernant

5 ces personnes.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

7 Mme MOELLER : [interprétation] -- et sur les documents que nous avons

8 actuellement.

9 M. IVETIC : [interprétation] C'est exactement ce que je voulais dire, c'est

10 que nous n'avons pas de renseignements supplémentaires, ce document n'est

11 pas fiable, en particulier parce que les personnes auxquelles ils veulent

12 faire référence, en tout cas ceux qui sont sur la liste ici semblent être

13 des personnes totalement différentes pour des raisons complètement

14 différentes.

15 Même si on ne prend que les personnes qui sont à Prizren, je ne sais

16 pas combien il y a de Nikolic là-bas. Nous avons vu tout à l'heure une

17 liste. Je crois qu'il y avait 37 personnes, et dessus il y avait 15 Nikolic

18 simplement dans ce village. Il y en a certainement beaucoup plus à Prizren;

19 c'est une ville assez grande. Je n'ai aucun moyen de savoir s'il s'agit des

20 personnes de ce village dans la mesure où je n'ai pas de renseignements

21 complémentaires à vous fournir.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons faire droit à la requête

25 concernant P2323 [comme interprété] et nous allons, par contre, faire droit

26 à la réponse dans la mesure où cela porte sur les différents officiers

27 identifiés par Mme Moeller avec l'exception des numéros 1 et 25 sur le

28 fondement. Nous les excluons donc sur le fondement qu'il n'y a rien dans ce

Page 4411

1 document qui indique qu'il s'agit des personnes qui servaient dans la zone

2 de Prizren et, en particulier, à Krusha e Vogel au moment pertinent.

3 Cela n'exclut pas la possibilité que l'Accusation nous fournisse des

4 documents à l'appui de ce document à la suite des enquêtes qu'ils

5 pourraient faire. Mais ceux qui indiquent clairement qu'ils sont à

6 l'intérieur de la juridiction de Prizren seront versés au dossier. Nous

7 acceptons qu'il y ait un argument concernant le poids et le fait de savoir

8 si cela établit quelque chose en particulier ou pas. Mais avec d'autres

9 témoignages qui arriveront en temps voulu, nous pèserons le pour et le

10 contre, et une décision sera prise en fin de compte pour déterminer

11 l'identité du personnel qui est impliqué dans l'incident, afin d'établir

12 leur identité.

13 M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

14 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent que M. Ivetic ralentisse.

15 M. IVETIC : [interprétation] Je vais ralentir.

16 Pour que le compte rendu d'audience soit bien complet et que le contexte

17 soit complet, il faut également ajouter les autres personnes pour

18 lesquelles le MUP dit qu'il n'a pas d'information concernant cette

19 personne, dans la mesure où je pense qu'il s'agit aussi de noms qui étaient

20 sur les différentes listes des déclarations des témoins et qui ont été

21 présentés par le bureau du Procureur concernant cet événement, et qui

22 pourraient avoir un certain impact lorsqu'on essaie d'évaluer l'élément de

23 preuve qui est présenté et les identifications qui sont faites.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez des objections,

25 Madame Moeller.

26 Mme MOELLER : [interprétation] Nous objectons dans le sens où tous les noms

27 sur ce document n'ont pas fait l'objet du témoignage du témoin. Je demande

28 à la Défense de nous dire quels noms ont été évoqués par les deux témoins

Page 4412

1 sur lesquels il est dit que le MUP n'a pas de renseignements. Nous

2 n'aurions pas d'objection à ce que ces noms soient indiqués également.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ivetic.

4 M. IVETIC : [interprétation] Je pourrais faire une liste et la présenter à

5 la Chambre de façon à ne pas perdre plus de temps maintenant.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous êtes d'accord avec le

7 principe que nous avons donné, c'est-à-dire que nous devrions nous limiter

8 aux noms que vous indiquez ?

9 M. IVETIC : [interprétation] Je suis d'accord. Je suis d'accord pour tous

10 les témoignages. Je voudrais rajouter quelque chose, c'est que le numéro 9

11 est une des personnes de l'OUP de Kacanik.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, je ne crois pas.

13 M. IVETIC : [interprétation] Je pense que celui-là devrait être exclu car

14 je ne l'ai pas dans mes notes. Je ne sais pas s'il est apparu dans une

15 liste.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Moeller, pouvez-vous préciser

17 cela ?

18 Mme MOELLER : [interprétation] Nous avons indiqué ce nom dans la liste

19 parce qu'il a été donné aujourd'hui lorsque le document a fait l'objet d'un

20 contre-interrogatoire par le conseil de la Défense. Nous pensons tout de

21 même que le témoin a dit qu'il y avait également des policiers qu'ils ne

22 connaissaient pas de leur propre village qui étaient présents et qu'il

23 pouvait s'agir d'une des personnes. C'est à vous de décider, Monsieur le

24 Juge.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est un argument qui est un peu

26 faible parce qu'il n'y a pas de fondement sur lequel aucun des témoins

27 aurait pu identifier cet officier. Mais le numéro 5 -- ou plutôt le numéro

28 9 que vous nous avez donné n'est pas un des chiffres que vous nous avez

Page 4413

1 donnés.

2 Mme MOELLER : [interprétation] Je croyais que si.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous êtes allée de 2 à 5, ensuite 10,

4 13, 19, 23 et 25, je crois.

5 Mme MOELLER : [interprétation] Oui. Vous avez raison, Monsieur le

6 Président. Peut-être que nous y reviendrons pour avoir plus de

7 renseignements sur cette personne en particulier. Pour l'instant, oui.

8 Merci.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour que les choses soient bien

10 claires et qu'il n'y ait pas de confusion, le numéro 9 n'est pas inclus

11 dans ceux qui seront admis comme étant versé au dossier.

12 M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Comme

13 je l'ai dit, nous allons vous soumettre une liste avec les autres noms, une

14 fois que nous aurons étudier les comptes rendus de façon à ne pas perdre

15 plus de temps pendant l'audience. Merci.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

17 Le témoin suivant.

18 Mme DRAGULEV : [interprétation] Merci. Monsieur le Président, l'autre

19 témoin est Edison Zatriqi. C'est un témoin dont le témoignage a été proposé

20 au départ au titre de la règle 92 bis (B), mais maintenant il est appelé au

21 titre de la règle 92 ter. Son témoignage est pertinent à la municipalité de

22 Pec et en particulier aux paragraphes 72(e) et 77 de l'acte d'accusation.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous passons à un nouveau chapitre,

24 n'est-ce pas, Madame Dragulev ?

25 Mme DRAGULEV : [interprétation] Oui, c'est exact.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

27 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Zatriqi.

Page 4414

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous demande faire la déclaration

3 solennelle de dire la vérité en lisant le document qui vous est présenté.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

5 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

6 LE TÉMOIN: EDISON ZATRIQI [Assermenté]

7 [Le témoin répond par l'interprète]

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir. Monsieur

9 Zatriqi, nous avons votre déclaration devant nous, et vous êtes ici de

10 façon à pouvoir répondre à des questions que les différents juristes vont

11 vous poser pour éclaircir les choses dans votre déclaration, peut-être pour

12 ajouter des éléments ou peut-être contester certaines choses que vous avez

13 dites. Les premiers qui vont vous poser des questions sont ceux de

14 l'Accusation en la personne de Mme Dragulev.

15 Madame Dragulev.

16 Mme DRAGULEV : [interprétation] Merci.

17 Interrogatoire principal par Mme Dragulev :

18 Q. [interprétation] Monsieur, pouvez-vous définir votre identité pour le

19 compte rendu d'audience, s'il vous plaît, Monsieur Zatriqi.

20 R. Je m'appelle Edison Zatriqi.

21 Q. Merci. Pouvez-vous épeler vos nom et prénom, s'il vous plaît.

22 R. Oui. E-d-i-s-o-n, Z-a-t-r-i-q-i.

23 Q. Merci. Monsieur Zatriqi, avez-vous fourni une déclaration au bureau du

24 Procureur en date du 20 juin 2001 ?

25 R. Oui.

26 Q. Avez-vous apporté une correction à cette déclaration le

27 29 janvier 2002 ?

28 R. Oui.

Page 4415

1 Q. Avez-vous eu la possibilité de relire ces deux déclarations lors de

2 notre séance de récolement hier ?

3 R. Oui. Je les ai réétudiées et relues.

4 Q. Ces deux déclarations sont-elles véridiques et exactes, à votre

5 connaissance, autant que vous le sachiez et autant que vous vous en

6 souveniez ?

7 R. Oui, absolument vrai.

8 Q. Merci.

9 Mme DRAGULEV : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais verser au

10 dossier la pièce numéro P2347, qui contient la déclaration du témoin en

11 date du 20 juin 2001, et l'addendum à cette déclaration en date du 29

12 janvier 2002. Il a également signé une déclaration, une attestation 92 bis.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

14 Mme DRAGULEV : [interprétation] Merci.

15 Q. Monsieur Zatriqi, j'aimerais à présent passer aux événements qui ont eu

16 lieu à Pec le 27 mars 1999. Avez-vous vu des personnes armées ce jour-là ?

17 R. Ce jour-là, j'ai vu de nombreuses personnes armées dans mon voisinage,

18 dans mon quartier, des personnes en uniforme, puis des personnes civiles

19 qui avaient des armes.

20 Q. Les personnes en uniforme, de quelle couleur étaient les uniformes

21 qu'ils portaient ?

22 R. Les gens en uniforme, leurs uniformes étaient bleus, camouflage, un

23 mélange de couleur bleu et noir.

24 Q. Merci. Ces civils armés, est-ce que vous en connaissiez certains ?

25 R. Oui, j'en connaissais la plupart, parce qu'il s'agissait de mes voisins

26 qui étaient des civils mais qui étaient armés. Ils se déplaçaient.

27 Q. Quelle était leur appartenance ethnique à ces voisins ?

28 R. Ces voisins qui étaient armés étaient d'appartenance ethnique serbe.

Page 4416

1 Q. Merci. Vous avez dit que vous avez quitté Pec le lendemain, le 28 mars

2 1999. Pourquoi avez-vous quitté Pec ce jour-là ?

3 R. Je suis parti de Peje parce que la police serbe nous a chassés de nos

4 maisons. Nous avons été obligés de quitter nos logis et notre ville.

5 Q. Comment vous ont-ils forcés ? Comment vous ont-ils expulsés ?

6 R. Le dimanche, qui était le 28 mars, je n'étais pas chez moi, j'étais

7 dans une autre maison, dans un autre quartier. Un policier est passé de

8 maison en maison en disant aux gens de partir de chez eux. Il leur donnait

9 cinq minutes au maximum pour ce faire.

10 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais bien vouloir

11 m'excuser.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Lukic.

13 M. LUKIC : [interprétation] J'aimerais demander à mon éminente collègue de

14 l'autre côté de la pièce de bien vouloir m'indiquer la partie de la

15 déclaration où le témoin a déclaré ceci.

16 Mme DRAGULEV : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons fourni

17 une fiche de renseignements supplémentaires hier, et les renseignements y

18 apparaissent. C'est également référencé dans le compte rendu d'audience de

19 l'affaire Milosevic.

20 M. LUKIC : [interprétation] Mais le compte rendu d'audience de l'affaire

21 Milosevic ne fait pas partie de cette série de documents, d'après ce qu'on

22 me dit.

23 Mme DRAGULEV : [interprétation] Cela est exact. Vous avez raison, mais

24 c'est dans cette fiche de renseignements supplémentaires.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En ce qui concerne l'objection, Madame

26 Dragulev, c'est quoi exactement -- en fait, non, cela concerne une question

27 précédente.

28 Quelle est votre objection exactement, Monsieur Lukic ?

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1 M. LUKIC : [interprétation] Cette partie du groupe de document est un

2 mélange de ces deux déclarations, et dans ces deux déclarations, on ne

3 trouve aucune mention d'officiers de police expulsant les gens de leurs

4 maisons.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

6 M. LUKIC : [interprétation] Et cela ne fait pas partie de la requête 65 ter

7 non plus.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Mais cela, c'est un autre

9 point.

10 Quelle est la réponse à cette question ? Effectivement, on ne nous a

11 pas prévenus que les éléments de preuve concernant ceci seraient présentés

12 par ce témoin.

13 Mme DRAGULEV : [interprétation] Comme j'ai dit, nous avons fourni une fiche

14 avec des renseignements supplémentaires hier, et c'était mentionné au

15 paragraphe 9 de cette fiche de renseignements supplémentaires.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.

17 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

18 [La Chambre de première instance se concerte]

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le résumé de la déposition du témoin

20 indique que : "Le témoin est parti craignant pour sa vie." Compte tenu des

21 documents communiqués hier, nous estimons qu'il s'agit d'éléments

22 supplémentaires concernant sa déposition telle qu'elle était résumée dans

23 le résumé de 65 ter. Nous résumons donc la question.

24 Mme DRAGULEV : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 Q. Monsieur Zatriqi, ces policiers qui se sont présentés à votre domicile

26 et qui vous ont donné cinq minutes pour partir, est-ce qu'ils portaient des

27 uniformes ?

28 R. Oui, ils portaient le même uniforme que celui que j'ai décrit plus tôt,

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1 un uniforme de camouflage bleu.

2 Q. Je vous remercie. Vous avez déclaré que vous aviez rejoint un convoi.

3 Est-ce que vous pouvez nous décrire ce convoi ?

4 R. Oui. Après avoir quitté la maison, nous avons rejoint le convoi sur la

5 route par là, celle où nous vivions. Le convoi de voitures était très long,

6 mais il y avait une colonne de personnes très longue. Ces personnes

7 marchaient.

8 Q. Est-ce que vous êtes resté dans ce convoi jusqu'à votre arrivée au

9 Monténégro ?

10 R. Oui. Je faisais partie de ce convoi de voitures tout le temps.

11 Q. Monsieur Zatriqi, vous avez dit que vos autocars avaient été confisqués

12 par des policiers. Est-ce que vous avez vu l'un quelconque de ces autocars

13 alors que vous conduisiez dans ce convoi ?

14 R. Après avoir rejoint le convoi, au premier carrefour qui se trouvait à

15 quelque 200 mètres de là, j'ai vu l'un de mes autocars bondé. Le conducteur

16 de l'autocar portait un uniforme de camouflage bleu.

17 Q. Est-ce que les personnes qui se trouvaient à bord de l'autocar étaient

18 armées ?

19 R. Non. Non. Il y avait des gens de ma ville qu'on obligeait à partir. On

20 les avait fait embarqués à bord de l'autocar.

21 Q. Avez-vous vu d'autres autocars alors que vous conduisiez dans ce

22 convoi ?

23 R. Oui. Outre mon autocar, il y en avait d'autres. Ils avaient été

24 confisqués à mes collègues. Ces autocars étaient bondés également.

25 Q. Merci. En page 3 de votre déclaration, vous dites que vous avez vu des

26 policiers armés à différents carrefours et ces policiers vous dirigeaient

27 vers le Monténégro. Est-ce que ces policiers armés étaient en uniforme ?

28 R. Oui. Au premier carrefour, où la police nous avait envoyés - en fait,

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1 les policiers portaient les mêmes uniformes. Ils étaient armés.

2 Q. Monsieur Zatriqi, je souhaiterais vous poser une question maintenant au

3 sujet de votre retour à Pec le 26 juillet 1999. Vous avez déclaré que votre

4 maison avait été incendiée ainsi que vos bureaux et vos autocars. Est-ce

5 que vous avez vu d'autres maisons dans le village qui avaient été

6 incendiées elles aussi ?

7 R. Lorsque je suis rentré à Peje, j'ai vu que de nombreuses maisons

8 avaient été détruites et incendiées en plus de la mienne.

9 Q. Savez-vous à qui appartenaient ces maisons incendiées ? Quelle était

10 l'appartenance ethnique de leurs propriétaires ?

11 R. Toutes les maisons qui avaient été incendiées et détruites étaient des

12 maisons appartenant à des Albanais.

13 Q. Avez-vous vu des maisons incendiées qui appartenaient à des Serbes ?

14 R. Non. Dans les maisons où je savais que des Serbes habitaient, aucun

15 dégât n'avait été causé.

16 Q. Avez-vous vu des mosquées ou des lieux de culte qui avaient été

17 endommagés ou incendiés lorsque vous êtes rentré ?

18 R. Oui, j'en ai vu beaucoup. Des mosquées, par exemple, ainsi que d'autres

19 édifices. Il y a cette Qarshia Xhamia, une mosquée, qui était protégée par

20 l'UNESCO. Cette Qarshia, cette mosquée, avait été complètement détruite,

21 ainsi que la mosquée rouge de Kapeshnica et d'autres lieux de culte

22 également.

23 Q. Merci.

24 L'INTERPRÈTE : Les interprètes remarquent que le témoin a également parlé

25 de la mosquée de Hamam.

26 Q. Merci, Monsieur Zatriqi.

27 Mme DRAGULEV : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser pour

28 le moment.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

2 Maître O'Sullivan.

3 M. O'SULLIVAN : [interprétation] L'ordre sera le suivant. D'abord, le

4 général Lukic, ensuite, le général Pavkovic, le général Ojdanic, M.

5 Milutinovic, M. Sainovic et le général Lazarevic.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

7 Maître Lukic, vous avez la parole.

8 M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 Contre-interrogatoire par M. Lukic :

10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Zatriqi. Je m'appelle Branko Lukic,

11 et j'aurais quelques questions à vous poser aujourd'hui. L'emploi du temps

12 a été très chargé cette semaine, et je dois reconnaître que c'est la

13 première fois que je vois les documents complémentaires qui nous ont été

14 fournis par l'Accusation au sujet de votre déposition.

15 Vous avez dit aujourd'hui qu'un policier s'était présenté à la maison où

16 vous logiez. Ce policier vous a dit que vous deviez quitter la maison. Ce

17 policier était-il seul ?

18 R. Dans le quartier où je logeais, il y avait deux entrées ou deux

19 sorties. A ces deux endroits, il y avait deux voitures de police qui

20 étaient garées. Le policier qui est venu dire aux occupants de la maison de

21 partir était seul.

22 Q. Connaissiez-vous ce policier ?

23 R. Non.

24 Q. Est-ce qu'il y avait beaucoup de policiers dans votre ville que vous ne

25 connaissiez pas ?

26 R. Bien sûr. Bien sûr, que je ne pouvais pas connaître tout le monde.

27 Q. Ce policier s'est-il adressé à vous personnellement ?

28 R. Non, il ne m'a pas parlé personnellement. Mais vu la manière dont il se

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1 comportait et dont il parlait, il ne faisait aucun doute que nous devions

2 tous quitter la maison.

3 Q. Il n'a parlé à aucun des occupants de la maison où vous logiez ?

4 R. C'est vrai qu'il n'a parlé à personne en particulier, mais il s'est

5 adressé à nous tous en tant que groupe.

6 Q. Nous reviendrons là-dessus plus tard. Maintenant, je souhaiterais vous

7 poser une autre question.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Lukic, si vous me le permettez,

9 je ne comprends pas très bien ce qu'a fait ce policier.

10 Comment vous a-t-il exprimé ce message selon lequel vous deviez partir ?

11 Est-ce que vous pourriez nous expliquer cela, s'il vous plaît ? Merci.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est très simple. Il marchait le long de la

13 route dans le quartier et il disait aux habitants qu'ils devaient quitter

14 leurs maisons. Cela s'est passé deux jours après des pilonnages importants.

15 Nous avions bien compris qu'il nous fallait quitter les maisons.

16 Non loin de la maison où j'étais, il y avait une colline. On voyait

17 que les policiers descendaient de cette colline. C'est pourquoi nous avons

18 rassemblé les familles afin de partir vers un endroit plus sûr.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous décrire

20 le ton de sa voix et nous rapporter ses propos ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Il avait un ton haut perché et il nous a dit

22 que nous avions cinq minutes au plus pour quitter la maison.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

24 Maître Lukic, poursuivez.

25 M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

26 Q. Pourriez-vous nous dire dans quel quartier de la ville vous vous

27 trouviez ce jour-là, le 28 mars ?

28 R. Oui. Ce jour-là je me trouvais à Jarina, un quartier de Peje.

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1 Q. Merci. Vous étiez propriétaire d'une entreprise avant la guerre.

2 Combien d'employés y avait-il au sein de cette entreprise ?

3 R. Oui. Je possédais l'entreprise Flamingo Tours qui comptait environ 17

4 employés.

5 Q. Y avait-il des Serbes parmi vos employés ?

6 R. Non. Non.

7 Q. Aviez-vous des amis parmi les forces de police ? Vu le travail que vous

8 exerciez, on pourrait s'attendre à ce que vous ayez des amis parmi les

9 policiers ?

10 R. Non, je ne dirais pas que j'avais des amis ni des connaissances, mais à

11 chaque fois que j'avais besoin de quelque chose, il y avait des gens à qui

12 je pouvais m'adresser. Mais ce n'étaient pas des amis.

13 Q. Vous vous adressiez à eux pour obtenir des faveurs; c'est bien cela ?

14 R. Non, je ne m'adressais pas eux. On se rencontrait quelque part dans la

15 rue, par exemple. C'était pour des petites choses, rien de plus.

16 Q. Lorsqu'ils sont arrivés le 23, ils vous ont demandé vos autocars --

17 vous mentionnez un jour particulier dans le courant du mois de mars 1999,

18 si j'ai bien compris, c'était le 23, car vous dites que c'était sans aucun

19 doute la veille du début des bombardements de l'OTAN. Pouvons-nous dire que

20 c'était le 23 mars 1999 ?

21 R. Sans doute. Car c'était un jour avant le début des bombardements de

22 l'OTAN. C'est là que les policiers se sont présentés chez moi. Ils m'ont

23 demandé de me rendre à un endroit où se trouvaient les autocars. Ils

24 voulaient que je déplace les autocars car ils avaient besoin de cet espace.

25 Je me suis caché. Ils ont parlé à ma mère. Plus tard, je suis allé à un

26 endroit où ma présence était requise.

27 Q. Lorsque vous vous êtes rendu à cet endroit, vous avez rencontré

28 Bulatovic et Misljen, n'est-ce pas ?

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1 R. Oui, j'y ai rencontré Bulatovic et Misljen.

2 Q. Connaissiez-vous ces deux hommes ? Les aviez-vous déjà vus avant ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous leur avez demandé une attestation selon laquelle vos autocars

5 avaient été saisis, n'est-ce pas ?

6 R. Oui. Parce qu'ils m'ont demandé de démarrer le moteur de chacun des

7 autocars, et après avoir fait cela, on m'a dit que je pouvais partir. Pour

8 moi, il n'y avait aucune raison de laisser ces autocars là avec le moteur

9 allumé sans avoir la moindre attestation. C'est la raison pour laquelle je

10 leur ai demandé de me remettre une attestation selon laquelle on m'avait

11 pris ces autocars et en indiquant les raisons pour lesquelles ces autocars

12 avaient été pris.

13 Q. Après cela, ils vous ont menacé; c'est bien cela ?

14 R. Oui. On peut considérer qu'il s'agissait d'une menace. Le temps n'était

15 pas aux attestations, mais aux calibres. Lorsqu'ils ont parlé de calibres,

16 j'ai bien compris de quoi ils parlaient.

17 Q. Après cela vous n'avez pas signalé cet incident au SUP ?

18 R. Non. Je ne suis pas allé au secrétariat pour y déposer une plainte car

19 Misljen était commandant adjoint de la police, tandis que Bata Bulatovic

20 était inspecteur. Par conséquent, je savais que même si je me présentais

21 là-bas, cela ne servirait à rien.

22 Q. Vous ont-ils expliqué pourquoi ils avaient besoin de ces autocars ?

23 R. Non. Ils n'ont rien dit du tout. Lorsque j'ai démarré le moteur, ils

24 m'ont dit que je pouvais partir.

25 Q. Aviez-vous jamais eu des querelles personnelles avec ces deux hommes ?

26 R. Non, jamais.

27 Q. Savez-vous quand vos autocars ont été incendiés ?

28 R. Je suis rentré assez longtemps après. Mais d'après les informations que

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1 j'ai recueillies auprès de mes collègues et d'autres personnes, c'était

2 juste avant le retrait des forces serbes de Peje. C'est à ce moment-là que

3 les autocars ont été détruits et incendiés.

4 Q. Savez-vous qu'au moment où les civils serbes ont dû quitter Pec, il y

5 avait une pénurie importante de véhicules ? Ce que j'essaie de vous dire,

6 c'est qu'il paraît assez illogique qu'au moment où on a besoin d'autant de

7 véhicules que possible, des autocars soient incendiés et les civils doivent

8 partir à pied ?

9 R. Comme je l'ai déjà dit, lorsque je suis rentré, un long moment s'était

10 écoulé. Je ne sais pas ce qu'il en est des déplacements de la population

11 serbe. Ce que je sais, c'est qu'outre mes trois autocars, dix autres ont

12 été incendiés. Au total 15 autocars environ ont été détruits et incendiés.

13 Q. Vous ne savez pas qui a mis le feu à ces autocars, n'est-ce pas ?

14 R. Non. Je ne connais pas le nom des personnes qui sont responsables de

15 cela, mais sur la base des informations que j'ai obtenues auprès de mes

16 amis et de collègues, ils ont été détruits par la police serbe.

17 Q. Vous avez dit que vous n'aviez eu aucun problème au cours du trajet qui

18 vous a conduit jusqu'à Rozaje. Est-ce bien cela ?

19 R. Oui. On peut dire les choses ainsi. A l'exception de quelques

20 provocations sur le chemin, nous n'avons rencontré aucun problème majeur.

21 Q. Les policiers que vous avez vus en route ne vous ont pas attaqués, ils

22 n'ont pas tiré sur vous ? Peut-on, par conséquent, en conclure qu'ils

23 essayaient de réglementer la circulation vu le chaos qui régnait en raison

24 de la présence de tous ces gens sur la route ?

25 R. Non. On ne peut pas décrire les choses ainsi. Il est vrai qu'il y avait

26 des policiers au carrefour, mais ils n'étaient pas là pour réglementer la

27 circulation comme vous le dites. Ils nous donnaient des instructions. Par

28 exemple, je ne pouvais pas aller tout droit ou à droite au carrefour, mais

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1 simplement suivre la direction que m'indiquait le policier. En ce qui me

2 concerne, je devais me diriger vers Rozaje.

3 Q. Ils ne vous ont pas dirigés vers l'Albanie ou la Macédoine; ils vous

4 ont dirigés vers le Monténégro. C'est bien cela ?

5 R. Oui, c'est vrai. Ils nous ont donné pour instructions de nous diriger

6 vers le Monténégro du côté gauche de la ville -- donc les gens qui venaient

7 du côté gauche de la ville, alors que les gens qui venaient du côté droit

8 de la ville ont été dirigés vers l'Albanie.

9 Q. Le Monténégro et la Serbie n'étaient qu'un seul et même pays à

10 l'époque, n'est-ce pas ? C'est ma dernière question. A l'époque, cet Etat

11 s'appelait la République fédérale de Yougoslavie, n'est-ce pas ?

12 R. Oui, c'est exact.

13 Q. Merci, Monsieur Zatriqi. Je vous remercie d'avoir répondu à mes

14 questions. Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman ?

16 M. ACKERMAN : [interprétation] J'allais dire que je n'avais plus de

17 questions. Je n'ai pas de questions, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

19 Maître Visnjic ?

20 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas de

21 questions non plus.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan.

23 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je n'ai pas de questions non plus.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Petrovic ?

25 M. PETROVIC : [interprétation] Pas de questions, Monsieur le Président.

26 M. BAKRAC : [interprétation] Je vais vous décevoir, Monsieur le Président,

27 mais j'ai quand même deux ou trois questions. Je serai bref.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Allez-y.

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1 Contre-interrogatoire par M. Bakrac :

2 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Zatriqi. Je m'appelle Mihajlo

3 Bakrac. Je vais me référer aux quelques dernières questions qui vous ont

4 été posées par mon collègue. Vous venez de nous dire que vous êtes rentré

5 au mois de juillet, si je ne m'abuse, à Pec, vous étiez à Rozaje tout le

6 temps jusqu'à cette date-là, n'est-ce pas, jusqu'à votre retour à Pec ?

7 R. Non. J'ai été en Turquie durant cette période, dans une localité non

8 loin d'Antalya.

9 Q. Monsieur Zatriqi, pouvez-vous me dire, une fois que vous êtes revenu --

10 parce que vous avez parlé des autocars et de vos collègues, que vous vous

11 êtes procuré des informations à ce sujet de la bouche d'amis et collègues,

12 mais ces gens-là, ces collègues et amis, était-ce des Albanais ?

13 R. Oui. C'était tous des Albanais.

14 Q. Ce sont des Albanais qui sont restés tout le temps à Pec. Ce sont eux

15 qui vous ont fourni ces informations ? Ils ne se sont pas évadés.

16 R. Tous ces collègues avaient quitté Peje, vraiment. Certains d'entre eux

17 qui avaient résidé du côté droit de la rivière étaient partis en Albanie,

18 alors que d'autres, qui résidaient du côté gauche de la rivière sont allés

19 au Monténégro. Une fois rentrés, après l'arrivée des forces de l'OTAN au

20 Kosovo, ils ont été informés par des gens qui vivaient non loin de

21 l'endroit où étaient garés nos autocars, ils le leur ont raconté.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que la finalité de la

23 question posée par Me Bakrac, c'est qu'il devait forcément y avoir des gens

24 qui sont restés à Pec, parce qu'il n'y avait qu'eux à pouvoir voir vos

25 autocars mis à feu.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr. Il y a eu des citoyens qui n'ont pas

27 été capables de s'en aller, mais mes collègues, dont les autocars avaient

28 également été saisis, ne sont pas restés à Peje. Ils ont obtenu ces

Page 4428

1 informations de la bouche de personnes dont les maisons se trouvaient non

2 loin de l'endroit où les autocars étaient garés.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

4 Maître Bakrac, à vous.

5 M. BAKRAC : [interprétation]

6 Q. Vous venez de nous dire que c'étaient des gens dont les maisons se

7 trouvaient à côté. Mais ces gens-là c'étaient des Albanais, n'est-ce pas ?

8 R. Oui. Des Albanais.

9 Q. Lorsque les forces internationales sont arrivées à Pec, y avait-il des

10 Serbes du tout à Pec; et quand vous, vous êtes arrivé à Pec, est-ce qu'il y

11 en avait des Serbes ?

12 R. Comme je vous l'ai déjà dit, je suis revenu relativement tard. Il y

13 avait des Serbes dans notre ville, mais ils sont restés cantonnés à

14 Patrika, un quartier de Peje.

15 Q. J'ai une dernière question pour vous, Monsieur Zatriqi : lorsque vous

16 avez fait une déclaration le 20 juin 2001, nous avons cela ici, les raisons

17 de votre départ qui sont avancées ici se lisent comme suit : "Nous sommes

18 partis parce que toute la nuit, on pouvait entendre des coups de feu."

19 C'est cette raison-là que vous avez avancée et vous n'avez jamais dit que

20 quelqu'un vous aurait intimé de vous en aller. Pourquoi avez-vous chargé de

21 déposition entre-temps?

22 R. Je n'ai pas changé d'avis du tout. Vous pouvez voir dans ma déposition

23 que ces coups de feu qu'on pouvait entendre tout le long de la nuit, ils

24 pouvaient être entendus à partir de ma maison. Dès le lendemain matin, avec

25 ma famille, je suis allé dans le quartier de Jarina, dans la maison de ma

26 tante.

27 Q. Vous venez de nous donner l'explication de votre départ. Merci,

28 M. Zatriqi, je n'ai plus de questions pour vous.

Page 4429

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Dragulev.

2 Mme DRAGULEV : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser,

3 Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

5 Questions de la Cour :

6 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Excusez-moi, je vous prie. J'aimerais

7 obtenir une petite explication. Qu'entendez-vous par le patriarcat de

8 Peje ?

9 Qu'est-ce que c'est que cet endroit que "patrikana" ou patriarcat ? Parce

10 que les interprètes n'ont pas bien entendu.

11 R. La question est pour moi, Monsieur le Juge.

12 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Oui, oui. C'est pour vous, je vous en

13 remercie.

14 R. C'est une église orthodoxe à Peje.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci beaucoup.

16 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Est-ce que les gens se trouvaient

17 confinés là - j'entends par là, les Serbes - ces Serbes se trouvaient-ils

18 là lorsque ces forces sont arrivées ?

19 R. Je n'étais pas là-bas lorsque les forces de l'OTAN sont entrées dans

20 Peje. Mais lorsque je suis rentré, j'ai vu que dans le patriarcat de Peje

21 il y avait des Serbes.

22 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Je veux dire par là, que c'est un

23 endroit où ils s'étaient tous rassemblés ou est-ce que c'est là que vous en

24 avez vu quelques-uns ?

25 R. Je n'en connais pas la raison, parce que je ne m'y trouvais pas

26 lorsqu'ils sont passés à l'intérieur de l'église. Mais on peut voir la

27 route qui mène vers Rugova et on a pu voir des gens se déplacés vers le

28 monastère.

Page 4430

1 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Combien de gens avez-vous vus ?

2 R. Lorsqu'il m'est arrivé de passer par là, après deux ou trois mois après

3 l'arrivée des forces de l'OTAN au Kosovo, je pouvais voir depuis la route

4 30 à 40 personnes.

5 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Merci.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Zatriqi.

7 Ceci met un terme à votre témoignage. Merci d'être venu au Tribunal pour le

8 fournir. Vous pouvez à présent vous en aller.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

10 [Le témoin se retire]

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maintenant, j'espère que vous êtes

12 prêts pour le témoin suivant.

13 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons plus de

14 témoins pour cette semaine. Nous en avons perdu un que nous pensions avoir.

15 Je crois nous en sommes très près de la fin. Etant donné que la semaine

16 prochaine nous n'allons pas siéger, je me suis efforcé de procéder à une

17 estimation des meilleures. Quelques contre-interrogatoires se sont terminés

18 plus vite que je ne m'y attendais. J'espère que les Juges de la Chambre ne

19 seront pas trop déçus, et je crois que nous avons bien couvert un grand

20 nombre de territoires.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que l'on peut dire que vous

22 avez bien fait votre planning pour cette semaine.

23 M. HANNIS : [interprétation] Merci beaucoup.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Comme je l'ai indiqué de façon

25 informelle hier, peut-être serait-ce une bonne occasion de voir comment les

26 choses avancent. Pourrez-vous nous aider et nous dire comment ceci

27 progresse et dans quelle mesure ceci coïncide-t-il avec vos estimations de

28 départ, pour ce qui est de la présentation des éléments de preuve dans

Page 4431

1 cette affaire ?

2 M. HANNIS : [interprétation] Je dois dire que nous nous sommes, pendant le

3 premier mois, centrés sur les bases de crime, et à un certain nombre de

4 témoins en application de 92 bis, ont témoigné pendant moins de temps que

5 je m'y attendais. D'après mes calculs, je crois nous avons eu un témoin en

6 application de 92 bis(C), dont le témoignage a été versé au dossier. Puis,

7 maintenant, je pense avoir 49 témoins sur les quelque 170 de la liste. Ce

8 qui fait que nous en sommes à un peu plus de 25 %, mais moins de 30 % du

9 parcours. Je pense que nous avançons assez bien et nous allons avoir des

10 experts, des gens, des personnes du cercle des décideurs, et je crois que

11 nous allons assez bien.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le Règlement a été changé, et cela

13 nous donne beaucoup plus de souplesse pour ce qui est de l'application de

14 l'article 92 ter.

15 M. HANNIS : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Nous nous

16 sommes efforcés de prêter oreille aux suggestions que vous avez avancées.

17 Nous nous efforcerons d'aller plus vite, de l'avant. Et je voudrais dire

18 que nous avons pris des pas pour aboutir à cette fin.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci vous ramène aux

20 280 heures prévues à l'origine.

21 M. HANNIS : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Laissez-moi finir. Alors, vous nous

23 avez pris les bases de prime, et cela a été réduit par rapport à

24 l'estimation. Alors, vous avez refusé les témoins en application de 92 bis

25 sans contre-interrogatoire. Donc, si nous tenons compte de cet élément-là,

26 les deux facteurs que je viens de résumer peuvent constituer un résumé et

27 peut-être cela va-t-il nous ramener au point de départ.

28 M. HANNIS : [interprétation] Je n'ai pas fait de calcul précis, mais il est

Page 4432

1 probable que vous ayez raison.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais bien entendu, ce n'est pas

3 le contexte de ce que vous aviez voulu présenter comme éléments de preuve

4 dans la présentation de vos preuves.

5 M. HANNIS : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Une chose ne doit pas être perdue de

7 vue, à savoir qu'au tout début de ce procès, nous avons perdu une grande

8 partie du temps sur des points qui ne sont pas, en réalité, de présentation

9 d'éléments de preuve. J'espère que ceci se verra être réduit, et que cela

10 nous prendra bien moins de temps à l'avenir. Ce qui est quand même

11 troublant, c'est de voir quelle pourrait, au final, être la durée de la

12 présentation des éléments de preuve si on prend comme point de départ les

13 280 heures. Parce que je crois que c'est vous qui aviez parlé de cette

14 durée-là ?

15 M. HANNIS : [interprétation] Oui. Je comprends ce que vous voulez dire,

16 Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Fort bien. Merci. Pour ce qui est de

18 la durée des audiences, il y a eu certains points de vue qui ont été

19 exprimés de façon informelle pour faire savoir que c'était une semaine très

20 fatigante. Avez-vous des opinions à exprimer au nom de l'Accusation ?

21 M. HANNIS : [interprétation] Personnellement, Monsieur le Président, je

22 dois dire que je suis plutôt épuisé. C'est difficile à expliquer. Aux

23 Etats-Unis, nous avions travaillé de 9 heures à

24 5 heures régulièrement, peut-être étais-je plus jeune. Mais il y a tout un

25 tas d'éléments qui font pression sur nous. Il y a des problèmes de

26 traduction et des éléments complémentaires, ce qui fait que c'est une

27 semaine plutôt épuisante. Je ne pense pas -- enfin, je ne serais pas très

28 disposé à travailler ainsi chaque semaine.

Page 4433

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je comprends. Je n'ai pas non

2 plus pris l'habitude de travailler de 9 heures à 5 heures 30. Peut-être

3 cela est-il régulièrement le cas aux Etats-Unis. Aussi, vais-je admettre ce

4 que vous nous avez dit au sujet de la façon dont sont conduits les procès

5 ici. Il y a probablement beaucoup plus d'exigences qui sont posées par les

6 traductions, les affichages électroniques, la présentation des éléments de

7 preuve par système d'affichage électronique, et ainsi de suite.

8 M. SEPENUK : [interprétation] Excusez-moi. Je ne voulais pas vous

9 interrompre, Monsieur le Président.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais je reviendrai à vous dans un

11 instant.

12 M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Sepenuk. Vous allez voir que

14 dans les quelques mois à venir, à compter des quelques premiers mois de

15 l'année prochaine, peut-être allons-nous avoir à reprendre certains des

16 éléments qui ont déjà été faits. Nous allons peut-être avoir une fin de

17 présentation des éléments de preuve. J'estime que c'est plus civilisé que

18 de siéger suivant des façons, des modalités qui nous permettent de nous

19 concentrer pendant une matinée, puis de faire une pause. Cela ne signifie

20 pas non plus qu'il conviendrait de siéger autant d'heures que nous l'avons

21 fait. Et il ne faudrait pas non plus que chaque semaine soit utilisée comme

22 celle-ci. Toujours est-il que nous devons nous efforcer d'utiliser au mieux

23 le temps qui nous est disponible. Trois heures et trois quarts d'heures par

24 jour ne nous permettront pas de terminer ce procès dans un cadre temporel

25 raisonnable compte tenu du contexte général. Et je crois qu'il convient

26 d'utiliser de façon imaginative le temps qu'il nous est disponible.

27 Peut-être que si nous travaillons ça et là pendant plus longtemps, il

28 serait possible de procéder à des pauses qui pourraient être utilisées de

Page 4434

1 façon productive hors du prétoire, par exemple, ce que nous avons décidé de

2 faire pendant les vacances judicaires, celles de Noël, et peut-être y aura-

3 t-il d'autres occasions qui se prêteront à nous chemin faisant.

4 Alors, Monsieur Sepenuk, vous vouliez dire quelque chose.

5 M. SEPENUK : [interprétation] Monsieur le Président, à la lumière de

6 ce que vous venez de dire, j'ai décidé de ne plus parler de l'expérience

7 américaine. Mais peut-être la Chambre, les Juges de la Chambre vont se

8 poser la question de savoir pourquoi je ne l'ai pas fait plutôt que de se

9 poser la question pourquoi je l'ai fait. Je vous laisse cela. Je vous

10 confie ce soin.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Alors, je vois que vous

12 avez des points de vue sur la façon dont le travail est organisé et je suis

13 content d'entendre les opinions.

14 Monsieur O'Sullivan.

15 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Monsieur le Président, je crois de pouvoir

16 dire tout à fait franchement que les Juges de la Chambre ne vont pas perdre

17 de vue l'impact de ce type de semaine de travail. Parce que cela ne laisse

18 que très peu de temps pour les préparatifs ou pratiquement pas de temps du

19 tout pour s'asseoir et réfléchir sur ce qui s'est passé et sur ce qui doit

20 se passer dans la semaine à venir. Et ce sont des éléments qui sont très

21 importants pour ce type de procès. Il y a là bon nombre d'éléments à mettre

22 ensemble, bout à bout, côte à côte. Et il y a un autre élément à prendre en

23 compte; ce sont les éloignements, les distances. Nous avons des gens qui

24 sont de la région, nous avons des témoins potentiels qui se trouvent dans

25 des continents différents. J'espère que les Juges de la Chambre ne vont pas

26 perdre de vue ces facteurs-là, étant donné que nous n'avons pas du tout eu

27 le temps de nous pencher sur ce qui s'était passé, sur ce qu'il

28 conviendrait de faire.

Page 4435

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Nous sommes conscients de

2 ces éléments à long terme. Nous avons conscience du fait que les témoins

3 viendront, et ces témoignages-là vont être beaucoup plus longs que ceux que

4 nous avons eus jusqu'à présent, et ils seront plus importants parce que

5 cela influera davantage sur l'affaire. Il convient aussi de tenir compte du

6 fait qu'il y a six accusés et que chaque équipe de la Défense doit

7 présenter ses thèses. Il faut qu'elle se prépare, ces équipes, et il

8 faudrait qu'elles s'organisent.

9 Donc, il serait plutôt déraisonnable de ne pas mettre à profit

10 l'opportunité qui s'offre à nous d'exploiter le temps qui nous est rendu

11 disponible, et je crois que nous nous devons de tenir compte du personnel.

12 Nous sommes conscients également de la situation inhabituelle pour ce qui

13 est du travail à effectuer.

14 Je crois que nous n'allons pas procéder ainsi à chaque semaine, et

15 nous pouvons, bien entendu, procéder à des interruptions de temps à autre

16 et essayer de résoudre la question de la sorte.

17 Je pense, que d'une manière générale, nous pouvons essayer de

18 planifier de façon raisonnable, du moins pour ce qui est de la présentation

19 des éléments de preuve à charge par l'Accusation, nous pouvons également

20 mettre en place des lignes directrices ou des limites, des garde-fous pour

21 ce qui est des implications et des requêtes qui se rapportent aux délais ou

22 aux durées d'audience.

23 Je crois qu'il est intéressant également de se pencher sur ce qui

24 s'est passé cette semaine-ci, et peut-être -- notamment ce qui s'est passé

25 avec l'Accusation lorsqu'il a été question de l'organisation de l'arrivée

26 de leurs témoins. Je crois que là, il y a une amélioration de l'efficacité

27 de leur part. Je crois que c'est certainement un élément dont il tient de

28 tenir compte lorsqu'il s'agit d'organiser tout ceci avec aussi peu de

Page 4436

1 ressources.

2 A vous, Maître Ackerman.

3 M. ACKERMAN : [interprétation] J'hésite d'en parler une fois de plus,

4 Monsieur le Président. La seule chose qui nous a été rendue possible cette

5 semaine-ci, c'est que les témoins ont parlé de choses minimes, de choses,

6 d'éléments qui n'ont pas eu un impact très grand, notamment pour ceux qui

7 n'ont pas parlé des représentants de la police. C'est la raison pour

8 laquelle cette semaine a été gérable.

9 Mais j'espère que vous comprendrez que si nous siégeons de

10 9 heures à 5 heures 30, nous n'aurons pas le temps de travailler ailleurs,

11 à l'extérieur. Donc, cela ne nous laisserait que de

12 7 heures du soir à minuit. Ce type d'horaire risque de susciter une révolte

13 immédiate de la part du personnel du Tribunal, parce qu'il y aurait des

14 protestations pour traitement inhumain, et on comprendrait que l'on est en

15 train de nous forcer de travailler de 9 heures à

16 5 heures 30 et que c'est là une situation de travail de 15 heures par jour.

17 C'est un fardeau trop lourd. Je crois que c'est pratiquement inhumain.

18 Alors, ceci dure depuis deux semaines, mais il faut que nous fonctionnions

19 de la sorte pendant deux ans. Je crois que cela ne sera pas possible. Cela

20 ne peut tout simplement pas être fait. Je ne sais pas comment souligner la

21 chose davantage.

22 Nous n'avons pas pu examiner les documents que nous n'avons pas

23 encore eu le temps d'examiner, nous n'avons pas eu le temps de préparer la

24 présentation de nos éléments de preuve et nous n'avons pas été à même de le

25 faire. Alors, quand nous siégeons le matin, nous le faisons l'après-midi et

26 vice versa. Mais nous devons travailler avec les témoins qui doivent venir,

27 nous devons travailler sur la préparation de la présentation de nos

28 éléments à décharge et nous ne pouvons pas le faire lorsque nous siégeons

Page 4437

1 ici de 9 heures à

2 5 heures 30 tous les jours.

3 Vous allez probablement dire : "Vous êtes deux ou trois. Pourquoi il n'y en

4 a pas un qui vient au prétoire, alors que les deux autres resteraient à

5 faire autre chose ?" Mais nous devons faire bien des choses ensemble. Il a

6 fallu remplacer un conseil par un autre aux fins de pouvoir terminer la

7 semaine. Peut-être cela ne revêt-il pas l'importance que vous pourriez lui

8 accorder, mais ceci constitue un problème sérieux.

9 La proposition de siéger de 9 heures à 5 heures 30 ne nous semble pas

10 acceptable. Comme je l'ai dit, si cela n'était qu'un procès de deux

11 semaines, cela ne poserait pas de problème; mais on l'a fait, on peut

12 travailler de 10 heures à 5 heures. Nous avons eu des affaires de ce type,

13 mais cela a duré très peu de temps. Alors que là, vous avez 15 témoins et

14 c'est terminé. Ici, les choses sont différentes, nous avons 170 témoins et

15 il s'agit de préparer un procès de cette envergure.

16 Si on fait pression de la sorte sur notre efficacité, je crois que

17 nous allons de graves difficultés.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a plusieurs éléments à mentionner

19 à ce sujet.

20 Lorsque nous avons un procès de cette taille, vous avez l'opportunité

21 de mettre cela par écrit. Je l'ai mentionné, comme vous venez de le faire,

22 lorsqu'il s'agit de procès beaucoup plus courts.

23 Vous avez pu voir que bon nombre de personnes travaillent derrière la

24 scène dans ce Tribunal. Vous avez dit tout à l'heure que cela se traduirait

25 probablement par une révolte. Peut-être ces gens-là ne sont-ils pas dans le

26 prétoire, mais ils travaillent autant d'heures et j'ose quand même dire

27 qu'on ne saurait les qualifier de rebelles. C'est tout à fait le contraire.

28 M. SEPENUK : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Vous vous

Page 4438

1 êtes servi d'un mot tout à l'heure pour dire jeune, que c'étaient des

2 "jeunes gens".

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais avant que de conclure, y a-

4 t-il quelqu'un d'autre à vouloir prendre la parole ?

5 M. IVETIC : [interprétation] Etant l'un des plus jeunes ici, je dois

6 admettre que nous sommes quelque peu envieux lorsque nous entendons dire

7 que des collègues travaillent jusqu'à minuit. Nous avons eu des fois où

8 nous avons travaillé jusqu'à 4 heures du matin.

9 Ce que je tiens à mentionner aussi, c'est que lorsque des témoins

10 concernent davantage un accusé plus que d'autres, cela nécessite des

11 préparatifs et nous nous préparons pour chaque témoin. Si l'on voit un

12 témoin sauter, c'est-à-dire ne pas venir, à la dernière minute, il faut que

13 nous puissions être prêts pour le témoin d'après. Ceci est épuisant. Nous

14 avons dû des fois interchanger nos préparatifs, ceci est épuisant,

15 notamment compte tenu de la fatigue cumulée et de l'effet cumulatif de

16 cette fatigue, pour ce qui est notamment de la quantité de documents que

17 cela implique.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous n'avez pas une liste pour la

19 semaine prochaine, à compter de lundi ?

20 M. IVETIC : [interprétation] Nous avons reçu une liste, je crois, hier.

21 Non, nous l'avons reçu aujourd'hui, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. J'ai peut-être une autre

23 question à poser. Est-ce que d'autres membres des équipes de la Défense

24 souhaiteraient faire des commentaires sur le temps ? Je crois que vous avez

25 utilisé moins que le temps maximum imparti pour le contre-interrogatoire.

26 Aussi, les Juges estimeraient-ils que ce contre-interrogatoire s'était

27 beaucoup plus centré sur l'essentiel depuis que vous avez reçu des lignes

28 directrices. Il n'y a pas eu perte d'efficacité.

Page 4439

1 Si nous établissons des lignes directrices ainsi que des cadres

2 temporels, peut-être faudrait-il adopter également un élément de départ qui

3 serait une égalité en droit pour ce qui est du temps imparti; là, je dois

4 reconnaître qu'il y a aura des moments où il y aura une inégalité pour ce

5 qui est du temps imparti. Si une ordonnance venait à être rendue, il

6 faudrait qu'il y ait de bonnes raisons pour que ceci puisse être modifié.

7 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Une chose qui s'est passée, pour ce qui

8 est de la semaine écoulée et des 14 témoins que nous avons entendus, je

9 crois que cela s'est fait de façon quelque peu arbitraire, et je crois que

10 c'est ce que vous nous avez dit. Etant donné la façon dont les choses se

11 sont produites cette semaine et si l'on se penche sur les contre-

12 interrogatoires, je peux dire qu'ils ont été plus centrés sur l'essentiel

13 pour toute une série de raisons. Mais on ne pourrait pas le dire pour

14 chacun des 14 témoins.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais je crois que si l'on fait une

16 rétrospective de ce qui s'est passé, je crois qu'il n'y a pas eu de contre-

17 interrogatoires qui ont été plus centrés sur l'essentiel que cette semaine.

18 Je ne vois pas d'exemple où il y aurait pu être utilisé plus de temps sur

19 les témoins des faits.

20 [La Chambre de première instance se concerte]

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic.

22 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, brièvement, je

23 voudrais présenter un aspect des problèmes auxquels nous faisons face.

24 Cette semaine-ci, nous avons eu un certain nombre de témoins qui

25 proviennent de plusieurs municipalités différentes. A chaque municipalité,

26 il y a un certain de documents qu'il convient d'examiner. Ces documents

27 sont assez nombreux. S'il y a changement aussi rapide des témoignages à

28 partir de sites différents, nous avons des problèmes qui sont liés à la

Page 4440

1 découverte des documents appropriés.

2 Ici, nous avons eu pas mal de chance ou un certain malheur de nous

3 trouver dans des situations où il n'y a que très peu de documents à

4 utiliser pour ce qui est des contre-interrogatoires. Mais ce qui va arriver

5 dans les semaines à venir, s'agissant des documents que nous sommes

6 susceptibles d'utiliser en notre qualité de conseillers de la Défense, ces

7 documents vont croître de façon exponentielle au fur et à mesure que nous

8 nous rapprochons de la fin des témoignages.

9 A cet effet, je tiens à attirer votre attention sur le fait que très

10 probablement nous allons avoir des problèmes de traduction ou de rapidité

11 ou de vitesse de traduction de certains documents pour ce qui est de

12 certains témoins. Nous vous demandons d'être plus tolérant pour ce qui est

13 de certains documents, au cas où ces documents seraient véritablement

14 courts afin que, lorsque les parties utilisées du document sont limitées,

15 que ceci se fasse de façon à ce que le document ne soit pas traduit

16 intégralement dans son entièreté. Pour l'essentiel, ce sont des documents

17 que l'Accusation possède déjà. Donc je ne pense pas qu'ils viendraient dans

18 une situation à être pris de court pour ce qui est de certains documents.

19 Nous avons des difficultés pour ce qui est de la planification des

20 traductions parce que, d'après ce qu'on nous a dit, il n'est pas possible

21 d'obtenir une traduction sur un délai de deux ou trois semaines, qui est un

22 délai minimum. Si nous insistons, cela peut être raccourci. Il y a, par

23 exemple, des situations où on nous annonce sept jours à l'avance tel ou tel

24 témoin, cela nous place dans une impasse au niveau des délais impartis. La

25 seule façon de procéder, c'est d'utiliser certains passages limités, ne

26 serait-ce que des parties du document qui pourraient être utilisées rien

27 qu'à des fins de contre-interrogatoire.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Lorsque les passages sont assez

Page 4441

1 courts, il n'y a pas de problème. Cela ne pose pas de problème de les

2 mettre sur le système e-court et demander à ce qu'ils soient traduits au

3 fur et à mesure qu'ils soient lus. Je sais que ce n'est pas comme cela

4 qu'on est censé faire les choses. Si cela pose un problème à l'une des

5 parties, on verra à ce moment-là. Mais il me semble que c'est une manière

6 de contourner la difficulté s'il y a un problème et qu'il y a trop de

7 travail au service traduction de CLSS.

8 Il est sûr que je vais poser des questions pour savoir quelle est la

9 situation et pour voir si quelque chose peut être fait pour vous aider.

10 Mais je ne vois aucun problème à ce que des passages brefs soient lus si

11 vous n'avez pas eu les moyens de les faire traduire auparavant. En ce qui

12 concerne des traductions, des ébauches de traduction, je pense qu'il

13 faudrait quand même en discuter avec l'Accusation. Si l'Accusation est

14 d'accord avec cela, à ce moment-là, cela ne pose pas de problème. Mais je

15 pense que tout de même, il faudrait pouvoir discuter avec eux de la qualité

16 de ce qui est produit de manière non officielle, de manière officieuse.

17 Il me semble aussi qu'il est important quand vous utilisez des

18 documents pour le contre-interrogatoire qu'ils soient bien préparés. Parce

19 que le système est très lent comme nous le découvrons au fur et à mesure et

20 l'efficacité de votre priorité permet d'accélérer les choses.

21 Nous vous remercions. Monsieur Bakrac.

22 M. BAKRAC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Brièvement,

23 Monsieur le Président. Je regarde le compte rendu d'audience, si quelqu'un

24 le lit, vous aurez l'impression que j'étais satisfait des horaires que nous

25 avons suivis et c'est surtout l'impression inverse que je souhaiterais

26 donner.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je dirais que votre requête n'est pas

28 une bonne requête, Monsieur Bakrac. Vous auriez mieux fait de vous abstenir

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1 de cette requête.

2 Très bien. La semaine prochaine, vous allez pouvoir travailler des

3 journées uniquement de 12 heures par jour, ce qui sera une grande

4 amélioration par rapport à ce qui s'est passé cette semaine. J'espère que

5 vous pourrez utiliser le temps qui vous sera imparti en dehors du prétoire.

6 Nous reprendrons à 9 heures, le lundi 9 octobre.

7 --- L'audience est levée à 15 heures 50 et reprendra le lundi 9 octobre

8 2006, à 9 heures 00.

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