Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 31 octobre 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Riedlmayer.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous allez poursuivre votre

9 déclaration. N'oubliez pas que la déclaration solennelle que vous avez

10 prononcée au début de votre témoignage continue d'exiger de vous que vous

11 disiez la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

12 Monsieur Hannis.

13 M. HANNIS : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président. Hier,

14 j'ai dit que je n'avais plus de questions pour le témoin. Toutefois, un

15 certain nombre de questions se sont posées s'agissant des photos satellites

16 et s'agissant de la question de savoir si ou non il y avait des pages de

17 texte supplémentaires dans sa base de données sur un certain nombre de

18 mosquées à Vushtrri. Nous n'avons pas montré les pages, hier. Puis, il y

19 avait également quelques points relatifs au Livre blanc contenant des

20 allégations serbes faisant état de dégâts provoqués à des monuments serbes.

21 Nous en avions parlé. J'aimerais donc lui poser un certain nombre de

22 questions sur ces différents éléments pour confirmer si ou non les photos

23 satellites sont bien celles dont nous parlions, les photos satellites que

24 nous avons en notre possession.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous en prie.

26 M. HANNIS : [interprétation] Et s'agissant également du Livre blanc,

27 quelques questions aussi.

28 LE TÉMOIN: ANDRAS JANOS RIEDLMAYER [Reprise]

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1 [Le témoin répond par l'interprète]

2 Interrogatoire principal par M. Hannis : [Suite]

3 Q. [interprétation] Monsieur Riedlmayer, à plusieurs reprises hier,

4 vous avez parlé de photos satellites. Elles figurent dans votre base de

5 données comme étant des références ou comme étant un partie des sources

6 d'information que vous avez utilisées pour établir l'existence d'un site

7 particulier et les dégâts provoqués à ces sites ou les deux.

8 M. HANNIS : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on demande

9 au Greffier de l'audience de bien vouloir nous présenter la pièce P98.

10 Q. Sur Bela Crkva. Vous avez dit avoir vu une photo satellite

11 montrant des dégâts, ou en tout cas, montrant la mosquée avant la guerre et

12 les dégâts provoqués par celle-ci. Je ne sais pas si la photo est de

13 qualité suffisante. Je vais toutefois demander à l'Huissier de vous

14 remettre une copie papier puisque la qualité de la photo sur e-court n'est

15 peut-être pas très bonne. Je ne sais pas si la photo sur papier ressortira

16 mieux sur le rétroprojecteur que la photo que l'on voit à l'écran.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez placer la copie papier

18 sur le rétroprojecteur.

19 M. HANNIS : [interprétation]

20 Q. Pendant que l'on allume le rétroprojecteur, Monsieur Riedlmayer,

21 pouvez-vous me dire si vous reconnaissez cette photo ?

22 R. Oui.

23 Q. Est-ce la photo dont vous parliez hier ?

24 R. Oui. Sur la copie papier en tout cas on voit sur la gauche, la mosquée

25 intacte. On voit son minaret, son grand dôme ainsi qu'une série de dômes de

26 plus petite taille sur la gauche.

27 Q. Pouvez-vous vous servir du pointeur et indiquer ces différents éléments

28 sur la photo ?

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1 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

2 M. HANNIS : [interprétation] "Sur la gauche, des bâtiments intacts, 11 mars

3 1999." C'est ce que l'on lit. Alors pouvez-vous nous dire où se trouve la

4 mosquée sur cette photo ?

5 R. Sur la photo de gauche, ici, en plein milieu, c'est la mosquée que l'on

6 voit. Au milieu on voit le minaret, cette structure élancée. Sur la droite,

7 on voit le principal dôme de la salle de prière principale, puis de l'autre

8 côté on voit le dôme au-dessus de l'entrée.

9 Q. La partie droite de cette pièce, on lit dans cette partie, "Bâtiments

10 endommagés, 2 avril 1999." Je me souviens que lorsque l'on a entendu la

11 déclaration liminaire, et au bas de cette photo il y a une annotation qui

12 apparaît indiquant qu'il s'agit de la même zone, mais après rotation 280

13 degrés en suivant l'axe de la rivière. Vous êtes d'accord ?

14 R. Oui, effectivement. On peut se réorienter sur cette photo. Cette fois,

15 le dôme principal de la mosquée est sur la gauche et les dômes de plus

16 petite taille sont sur la droite.

17 Q. Et le minaret, où est-il ?

18 R. Il ne semble plus s'y trouver.

19 Q. Merci.

20 J'aimerais maintenant vous montrer --

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Riedlmayer, comment avez-vous

22 obtenu cette photo ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Cette photo était disponible sur le site Web

24 de l'OTAN.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

26 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

27 Q. Nous allons maintenant voir à l'écran, s'il vous plaît, la pièce 2455.

28 Hier, lorsque nous parlions de la bibliothèque et de la mosquée à

Page 5525

1 Djakovica, vous nous avez dit avoir vu une photographie, une photographie

2 satellite montrant cette zone en flammes alors que le minaret était encore

3 intact.

4 R. Oui, Monsieur.

5 Q. J'ai une copie papier qui est peut-être un peu plus claire que la photo

6 que l'on voit à l'écran.

7 R. Non, mais la photo à l'écran n'est pas si mal que cela.

8 Q. Très bien.

9 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

10 M. HANNIS : [interprétation]

11 Q. Très bien. Et bien, travaillons sur la base de cette photo à l'écran.

12 R. Au centre de l'image on voit la mosquée avec le minaret sur sa gauche -

13 c'est cette structure très fine et élancée - et sur la gauche on voit la

14 bibliothèque. La rue, c'est la rue des échoppes dont j'ai parlé. Et de part

15 et d'autre, on aperçoit des rues le long desquelles des bâtiments n'ont

16 plus de toits. L'intérieur de ces bâtiments est vide. Ils sont partis en

17 flammes. Ce qui est particulièrement intéressant, c'est qu'aucun des

18 bâtiments qui se trouve à gauche de la rue au-delà de ce rang d'échoppes ne

19 semble endommagé.

20 On voit un gros nuage de fumée qui s'élève juste au-dessus de la

21 mosquée. Si vous regardez la copie papier, je suis sûr que vous verrez les

22 choses plus en détail, et vous verrez très précisément d'où provient cette

23 fumée. Je pense qu'elle provient de l'une ou l'autre des échoppes, mais il

24 semble aussi que cette fumée s'échappe du bâtiment de la bibliothèque.

25 Q. Comment avez-vous obtenu cette photo ?

26 R. Cette photo était et est toujours disponible sur le site Web du

27 ministère de la Défense américain.

28 Q. Merci.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Comment établissons-nous la date de

2 cet événement ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Sur le site Web, la date est indiquée. Et là

4 je fais appel à ma mémoire uniquement, je crois que la date est celle du 25

5 mars, donc le lendemain des premières frappes aériennes de l'OTAN.

6 M. HANNIS : [interprétation]

7 Q. Ceci correspond-il à d'autres informations que vous avez recueillies

8 sur les dégâts occasionnés dans la zone s'agissant de l'incendie des

9 bâtiments par opposition à la destruction du minaret ?

10 R. Oui. S'agissant de cette mosquée-ci, Monsieur le Président - et avec

11 votre autorisation j'aimerais ajouter quelque chose à propos d'une question

12 qui m'a été posée hier.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Rappelez-moi la question.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] La question était de savoir qui m'avait

15 informé des détails relatifs à la destruction de la mosquée.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] J'y ai repensé un peu hier hoir. C'était un

18 matin d'octobre il y a sept ans, jour pour jour presque. J'ai réfléchi aux

19 personnes à qui j'avais parlé ce matin-là, et je suis sûr pratiquement que

20 c'était M. Boshi. C'est la seule personne à laquelle nous avons parlé sur

21 le site de la mosquée. Ce n'était pas l'imam de la mosquée, mais un membre

22 éminent de la congrégation de fidèles de la mosquée.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

24 M. HANNIS : [interprétation] Enfin, j'aimerais que l'on voie la pièce 2456

25 au témoin.

26 Q. Monsieur Riedlmayer, hier, nous vous avons montré quelques photos

27 représentant des dégâts occasionnés à la mosquée de Vushtrri. La première

28 photo représentait une destruction complète, et les deux autres photos

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1 montraient un minaret qui s'était effondré. Mais nous n'avions pas établi

2 de lien entre ces photos et le texte figurant dans votre base de données.

3 D'abord, nous allons regarder une photo de la mosquée de Karamanli. La page

4 que l'on voit ici est la page correspondante à cet événement, n'est-ce pas,

5 cette mosquée ?

6 R. Oui.

7 Q. [aucune interprétation]

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suis un peu perdu avec ce chiffre,

9 Monsieur Hannis, parce que nous avions hier P2445. C'est ce que nous avons

10 vu hier. C'était une photo prise avant la guerre de la mosquée de Celine.

11 M. HANNIS : [interprétation] Non, c'était 2445.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, et c'est ce que semble indiquer

13 le compte rendu, à moins que je me trompe dans les chiffres.

14 M. HANNIS : [interprétation] Je crois que ceci devrait être 2456.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, c'est donc une erreur de

16 compte rendu.

17 M. HANNIS : [interprétation] C'est peut-être un lapsus de ma part. Peut-on

18 maintenant faire défiler la page vers le bas.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà les deux photos montrées hier en

20 audience.

21 M. HANNIS : [interprétation] Passons à la page suivante.

22 Q. Une photo prise avant la guerre sur la droite ?

23 R. Oui.

24 M. HANNIS : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît.

25 Q. Voici votre bibliographie, n'est-ce pas, s'agissant de cette entrée

26 dans votre base de données.

27 M. HANNIS : [interprétation] Page suivante.

28 Q. Ce texte a-t-il trait à la troisième photo de la mosquée de Vushtrri

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1 que nous avons regardée hier ?

2 R. Oui, Monsieur.

3 M. HANNIS : [interprétation] Faisons défiler la page jusqu'au bas.

4 Q. La photo d'en haut, c'est celle que nous avons vue hier ?

5 R. Oui.

6 Q. Qui a-t-il en dessous ?

7 R. En dessous, c'est une deuxième photo de la mosquée que j'ai prise.

8 M. HANNIS : [interprétation] Parfait. Passons à la page suivante.

9 Q. [aucune interprétation]

10 R. C'est une photo prise avant la guerre. Le minaret est encore intact.

11 M. HANNIS : [interprétation] Page suivante. Merci.

12 Q. Voilà les pages de votre base de données qui portaient sur les deux

13 photos supplémentaires que nous avons vues hier, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. J'aimerais vous poser une autre question sur le Livre blanc. Vous

16 souvenez-vous du titre intégral de ce document ?

17 R. On le trouve dans la dernière partie de mon rapport, de mon rapport

18 d'expert. Je l'ai cité parmi les sources d'allégations, et le titre est

19 indiqué dans cette partie-là.

20 Q. Est-ce "Crimes de l'OTAN en Yougoslavie" ?

21 R. Oui. Et ce sont deux volumes.

22 Q. Divisés de manière chronologique entre le 24 mars et le

23 24 avril, dans le volume I ?

24 R. Oui. Je les vois devant vous.

25 Q. Dans ces volumes se trouvaient des allégations de bombardement de

26 l'OTAN, que vous avez vérifiées, n'est-ce pas ? Tout ceci semble être

27 exact.

28 R. Oui, nous avons tenté de vérifier chacune de ces allégations.

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1 M. HANNIS : [interprétation] Bien. Ce sont les seules questions

2 supplémentaires que je souhaitais poser, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Hannis.

4 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] J'ai une question pour apporter des

5 précisions sur un certain nombre de points. A des fins de vérification,

6 vous êtes-vous contenté de ne consulter que les archives de l'Université

7 d'Harvard ou bien avez-vous vérifié un certain nombre de faits ou

8 d'éléments auprès d'autres sources, Topkapi à Istanbul ou le musée

9 britannique; le British Museum, ou le Louvre en France ? Parce que se sont

10 également des musées, des institutions qui contiennent des informations

11 pertinentes, Topkapi, entre autres.

12 Puis l'autre question est la suivante. Vous avez parlé de "crimes de l'OTAN

13 en Yougoslavie." C'est un ouvrage ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est un ouvrage en deux volumes.

15 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Merci.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant des bibliothèques et archives, j'ai

17 travaillé pendant trois mois pour rassembler les documents, surtout de

18 documents issus de la bibliothèque d'Harvard. Je me suis également adressé

19 à d'autres personnes dans d'autres bibliothèques lorsque les documents que

20 je recherchais n'étaient pas disponibles à Harvard.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, voulez-vous formuler

22 vos objections par rapport à un certain nombre de pièces ?

23 M. IVETIC : [interprétation] J'ai dit effectivement que nous le ferions à

24 l'issue de l'interrogatoire principal. Je pense que pour les témoins

25 précédents, nous avions des objections semblables, et nous avons attendu

26 jusqu'à ce que tous les éléments de preuve soient rassemblés. Je propose

27 donc à ce que nous le faisions.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

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1 Maître O'Sullivan.

2 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, voici l'ordre.

3 Le général Lazarevic, M. Sainovic, général Pavkovic, général Ojdanic, M.

4 Milutinovic et le général Lukic.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac.

6 M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 Contre-interrogatoire par M. Bakrac :

8 Q. [interprétation] Monsieur Riedlmayer, je suis Mihajlo Bakrac, avocat,

9 l'un des membres du conseil de la Défense du général Vladimir Lazarevic. Je

10 souhaite d'abord revenir sur votre CV. Je vois dans votre CV que vous êtes

11 membre de l'association ou de la Société d'études turques, également membre

12 de l'Association des historiens d'arts islamiques, Association des

13 bibliothécaires du Moyen-Orient, Société pour les études iraniennes,

14 Société des bibliothèques d'art d'Amérique du Nord, Association pour les

15 études sur le Moyen-Orient d'Amérique du Nord et Association internationale

16 des bibliothécaires orientalistes; c'est exact ?

17 R. Oui.

18 Q. En août, lorsque vous avez parlé de votre expérience professionnelle et

19 du début de votre carrière professionnelle, vous avez dit avoir travaillé

20 sur l'Empire ottoman et la culture islamique ou musulmane; est-ce

21 exact également ?

22 R. Oui, c'est exact.

23 Q. Lorsqu'on lit la liste de vos publications, on se rend compte que pour

24 la plupart, elle porte sur l'Empire ottoman et sur le patrimoine culturel

25 musulman; est-ce exact ?

26 R. La plupart, oui. J'ai également écrit certaines publications sur le

27 patrimoine serbe, toutefois.

28 Q. Monsieur Riedlmayer, ceci ne figure pas dans la liste de vos

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1 publications. Je vois que vous avez publié certaines choses sur le

2 patrimoine culturel orthodoxe ou catholique. Peut-être que vous l'avez dit

3 en passant ou lorsque vous avez témoigné sur la situation en Bosnie. Mais

4 dans cette liste-là, je ne vois rien qui ait trait à ce patrimoine-là.

5 R. J'ai effectivement écrit sur le patrimoine orthodoxe en Bosnie. Si vous

6 avez la version la plus récente de mon CV, vous verrez qu'il figure un

7 article sur Zito Mislic, le monastère orthodoxe serbe en Herzégovine qui a

8 été détruit au cours de la guerre en Bosnie. J'ai également écrit un

9 article -- deux, en fait, sur la destruction de monuments orthodoxes serbes

10 au Kosovo, à la fois au cours de la période de 1999 et plus récemment en

11 mars 2004.

12 Q. Monsieur Riedlmayer, peut-être n'ai-je pas avec moi la dernière version

13 de votre CV, mais vous conviendrez avec moi que les deux articles

14 mentionnés par rapport à tout ce qui figure des les huit autres pages de

15 votre CV sont assez limités, puisque tout le reste porte sur le patrimoine

16 culturel musulman et sur l'Empire ottoman. Vous serez donc d'accord avec

17 moi pour dire que vous avez consacré le gros de votre carrière à l'étude de

18 l'Empire ottoman et du patrimoine culturel musulman.

19 R. Je ne vais pas le contester; c'est ma spécialité en tant

20 qu'universitaire.

21 Q. Merci, Monsieur Riedlmayer. Hier, vous avez dit avoir mis sur pied un

22 projet sur le patrimoine culturel au Kosovo en juin 1999. Vous nous avez

23 dit également qu'en juin et en juillet, vous aviez obtenu quelques

24 informations sur les événements au Kosovo. Où avez-vous glané cette

25 information ?

26 R. En juin et en juillet, je ne m'étais pas encore rendu sur place, et

27 j'ai trouvé la plupart des informations auprès de sources publiques, au

28 moment où la guerre au Kosovo a été couverte par les médias internationaux.

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1 J'avais quelques contacts avec certaines personnes qui s'étaient rendues au

2 Kosovo et qui m'ont communiqué des informations par courrier électronique,

3 des membres de ma profession et des journalistes.

4 Q. Aviez-vous alors des contacts avec des gens ou des experts de "Human

5 Rights Watch" ?

6 R. Non.

7 Q. Avez-vous pris connaissance de leurs rapports sur les événements sur le

8 terrain ?

9 R. J'ai vu leurs rapports. Mes principaux contacts dans le domaine des

10 droits de l'homme et organisations des droits de l'homme étaient avec

11 l'organisation Médecins pour les droits de l'homme, "Physicians for Human

12 Rights", dont je parle dans mon rapport comme étant l'une des sources des

13 allégations.

14 Q. Avez-vous également lu des rapports reprenant des allégations formulées

15 par des réfugiés du Kosovo ?

16 R. Oui. C'est ce dont je viens de parler, "Physicians for Human Rights"

17 avait mis sur pied un projet d'entretiens pendant la guerre, au cours

18 duquel ils interviewaient des chefs de famille qui se trouvaient parmi les

19 réfugiés du Kosovo.

20 Q. En juin et en juillet 1999, lorsque vous avez formulé l'idée de mener à

21 bien ce projet, saviez-vous qu'un acte d'accusation venait d'être dressé

22 contre Slobodan Milosevic, qui était encore président ?

23 R. Ceci faisait partie du domaine public. C'était de notoriété publique.

24 Q. Savez-vous ce que contenait cet acte d'accusation ? L'aviez-vous lu ?

25 R. Oui.

26 Q. Avant de vous mettre en route vers le Kosovo, vous avez d'abord rendu

27 visite au bureau du Procureur à La Haye afin de lui proposer vos services,

28 n'est-ce pas ?

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1 R. J'ai proposé mes services avant même de me mettre en route. J'ai

2 simplement demandé au bureau du Procureur si celui-ci était intéressé par

3 toute donnée recueillie, et ils ont suggéré et m'ont instamment prié de me

4 rendre à La Haye avant d'aller sur le terrain.

5 Q. Monsieur Riedlmayer, n'était-il pas logique que vous vous rendiez

6 d'abord sur place, que vous recueilliez des informations le plus rapidement

7 possible plutôt que de passer par le bureau du Procureur avant de vous

8 mettre en route ?

9 R. La visite a duré une demi-journée, un après-midi, visite au bureau du

10 Procureur entre Boston et Skopije et Pristina. Ceci n'a pas provoqué de

11 retard important dans nos recherches.

12 Q. Quelle tâche le bureau du Procureur vous a-t-il assignée, si je puis

13 parler de tâche ? Sur quoi vos recherches devaient-elles porter, sur

14 place ?

15 R. On ne nous a pas chargés de --

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un moment, Monsieur Riedlmayer.

17 Cette question a déjà été posée. Je sais que vous avez le droit de contre-

18 interroger, mais à moins qu'il y ait un point particulier sur lequel vous

19 souhaitiez procéder au contre-interrogatoire, allez-y, Monsieur Bakrac. Le

20 témoin a déjà expliqué la nature et la teneur de ses contacts avec le

21 bureau du Procureur. Si vous avez quoi que ce soit à contester dans ce

22 domaine, faites-le, mais de manière précise.

23 M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

24 Q. Monsieur Riedlmayer, quel était le principal objet de vos recherches,

25 sur place ? Quelle tâche vous êtes-vous assignée dans le cadre de ces

26 recherches, principalement ?

27 R. Dans la mesure de nos capacités, je parle du temps que nous avions et

28 du nombre de sites qui étaient accessibles, nous avons entrepris de visiter

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1 chaque site ayant fait l'objet d'allégations de dommages, de dégâts,

2 pendant la guerre ou juste après la guerre. Après avoir effectué ces

3 visites, l'idée était de rassembler des informations étayant nos

4 observations.

5 Q. De rassembler des informations et d'établir les dégâts qui avaient été

6 occasionnés; c'est cela ?

7 R. Oui.

8 Q. Votre tâche ne consistait pas à mener l'enquête et à déterminer qui

9 était à l'origine des dégâts et comment ces dégâts étaient survenus ?

10 R. Disons de manière indirecte. Notre tâche fondamentale était

11 effectivement de dresser la liste des dégâts. Si des observations pouvaient

12 être faites à propos des dégâts permettant d'établir quand et comment ces

13 dégâts avaient été infligés, nous le notions également.

14 Q. Vous étiez seuls, vous-même et M. Herscher, à réaliser ces

15 inspections ?

16 R. Nous étions effectivement les seuls à avoir réalisé ces inspections et

17 ces évaluations. Bien entendu, nous étions aidés de photographies et

18 d'autres informations recueillies auprès d'autres sources.

19 Q. Aviez-vous quelqu'un d'autre dans votre équipe qui s'y connaisse en

20 balistique on en questions militaires ? Aviez-vous des experts militaires

21 parmi vous ?

22 R. Non.

23 Q. Est-ce que vous avez vous-même des connaissances en balistique ? Est-ce

24 que vous vous y connaissez en questions militaires ?

25 R. Je ne suis pas un expert militaire, non.

26 Q. Dans votre analyse, vous avez indiqué que vous aviez fait des

27 recherches sur le patrimoine musulman, orthodoxe serbe et catholique.

28 S'agissant du patrimoine musulman, vous avez dressé la liste précise du

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1 nombre de mosquées et de monuments culturels, alors que pour ce qui est de

2 votre rapport concernant le patrimoine culturel catholique et orthodoxe, le

3 nombre exact de ces monuments n'est pas indiqué. Pourquoi ?

4 R. S'agissant des mosquées et des églises qui existaient avant la guerre,

5 nous avons dû nous appuyer sur les informations qui faisaient partie du

6 domaine public. Pour ce qui est des mosquées, nous avons eu la chance de

7 trouver une source datant d'avant la guerre. En ce qui concerne les églises

8 orthodoxes, si vous vous reportez à la partie pertinente de mon rapport,

9 vous verrez que nous avons indiqué que la plupart des sources ne faisaient

10 pas de distinction claire entre les ruines archéologiques et les églises

11 intactes.

12 Nous avons exclu des sites archéologiques et nous nous sommes uniquement

13 intéressés aux bâtiments qui étaient intacts avant la guerre. Nous nous

14 sommes appuyés sur une parution, une publication de l'Institut républicain

15 pour la préservation du patrimoine, préservation des monuments en Serbie,

16 qui a été publiée très peu de temps après la guerre et qui dressait la

17 liste de 210 églises orthodoxes serbes et de monastères considérés comme

18 des monuments protégés. Je suppose que le nombre total était plus important

19 et qu'on n'avait pas pris en compte les bâtiments qui n'étaient pas

20 considérés comme suffisamment importants pour bénéficier d'une protection

21 juridique.

22 Q. En dehors de cette liste de monuments protégés, est-ce que vous avez

23 examiné d'autres documents comme vous l'avez fait pour les monuments

24 musulmans ? S'agissant des monuments orthodoxes serbes, est-ce que vous

25 êtes intéressés à ceux qui ne bénéficiaient pas de la protection

26 juridique ?

27 R. Oui. Au sein de l'Eglise orthodoxe serbe, pendant la période où nous

28 avons effectué nos recherches -- l'Eglise orthodoxe serbe, plutôt, était

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1 très active et cherchait à faire des recherches, et a publié des recherches

2 concernant les églises orthodoxes serbes au Kosovo qui avaient subi des

3 dégâts. Un livre a été publié, appelé "Le Kosovo crucifié". Il venait de

4 paraître lorsque nous sommes arrivés. Ces informations également étaient

5 mises à disposition sur Internet. Au total, on a dressé la liste de 80

6 églises qui avaient été endommagées ou détruites dans les mois qui avaient

7 suivi la guerre.

8 Nous en avons inspecté autant que possible. Et pour ce qui est du reste,

9 nous avons obtenu des informations sur le site Web de l'Eglise et dans

10 l'ouvrage intitulé "Le Kosovo crucifié". Nous avons échangé des

11 photographies avec le père Sava Janjic. Certaines de nos photos ont paru

12 plus tard sur le site de l'Eglise orthodoxe serbe.

13 Q. Monsieur Riedlmayer, compte tenu des questions que je vous ai posées,

14 ce qui m'intéresse tout particulièrement, c'est le fait que dans votre

15 rapport d'expert concernant les monuments musulmans, vous avez parlé des

16 mosquées qui étaient intactes, celles qui avaient été détruites, et nous

17 n'avons pas de telles informations concernant les temples orthodoxes

18 serbes. Nous ne savons pas combien d'entre eux étaient encore intacts,

19 combien vous en avez inspecté. Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi ?

20 R. S'agissant de ces chiffres, je pense qu'ils sont indiqués dans notre

21 rapport. Pour ce qui est du nombre d'édifices qui étaient intacts ou

22 détruits, aucune source publique ne fournissait ce chiffre.

23 Q. Vous n'avez trouvé ce chiffre nulle part, dans aucune source ?

24 R. Comme j'ai essayé de vous expliquer un peu plus tôt, nous avons examiné

25 de nombreux documents concernant le patrimoine orthodoxe au Kosovo. L'une

26 des sources la plus récente et exhaustive est un ouvrage de Gojko Subotic

27 qui inclut de nombreux sites, mais ne fait pas distinction entre les sites

28 qui sont intacts, ceux qui sont en ruine ou ceux qui sont simplement

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1 mentionnés sur la carte qui date du Moyen-Âge et dont il n'existe plus de

2 traces aujourd'hui. Etant donné qu'aucune statistique n'est indiquée, nous

3 n'avons pas jugé nécessaire de procéder à ce calcul nous-mêmes.

4 Q. Merci, Monsieur Riedlmayer. Si j'ai bien compris ce que vous avez

5 déclaré hier, vous avez personnellement inspecté

6 144 monuments au Kosovo avant de rédiger votre rapport d'expert; est-ce

7 exact ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire combien de ces bâtiments que vous avez

10 personnellement visités appartiennent à la catégorie des bâtiments

11 appartenant au patrimoine musulman ?

12 R. Je pense que je l'ai mentionné dans mon rapport. Je ne m'en souviens

13 pas de mémoire.

14 M. HANNIS : [interprétation] Le témoin a une version papier.

15 Je pense que cela figure à l'intercalaire 1 789 du rapport.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous donner une approximation, une

17 estimation, si vous le souhaitez.

18 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur Riedlmayer, nous n'allons pas perdre

19 de temps là-dessus. Je vais essayer de vous aider. Est-ce que vous

20 conviendrez avec moi que vous avez personnellement inspecté une centaine de

21 bâtiments du patrimoine musulman ?

22 R. C'est sans doute exact. Pour ce qui est du patrimoine orthodoxe, pour

23 gagner du temps et compte tenu que de nombreux documents avaient été mis à

24 disposition par l'Eglise orthodoxe serbe, nous avons cherché plutôt à nous

25 concentrer sur les sites au sujet desquels il n'y avait pas d'informations

26 disponibles, et nous avons échangé des informations.

27 Q. Monsieur Riedlmayer, si j'ai bien compris la teneur de votre déposition

28 hier, sur les 225 monuments musulmans endommagés, vous en avez visité moins

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1 de la moitié, c'est-à-dire une centaine; est-ce exact ?

2 R. Oui. Pour le reste nous nous sommes appuyés sur des documents émanant

3 d'autres sources, des photographies et autres.

4 Q. Monsieur Riedlmayer, S'agissant des monuments que vous n'avez pas

5 visités vous-même, vous vous êtes appuyé pour rédiger votre rapport sur des

6 photographies; est-ce exact ?

7 R. A chaque fois que cela était possible, nous avons fait de notre mieux

8 pour confirmer les informations obtenues auprès de sources multiples et

9 indépendantes. Nous n'avons pas inclus de sites à propos desquels nous

10 n'avions pas de photos. S'il y avait d'autres éléments de nature à

11 corroborer ces informations, si, par exemple, l'Institut chargé de la

12 protection des monuments indiquaient qu'un site avait été détruit, nous en

13 avons parlé dans notre rapport. Mais nous nous sommes essentiellement

14 appuyés sur les photos.

15 Q. Monsieur Riedlmayer, ce qui m'intéresse, c'est de savoir si l'on peut

16 apprécier et évaluer les dégâts de façon sérieuse en se fondant uniquement

17 sur des photos ?

18 R. Oui. Les preuves étaient manifestes. Nous n'avons pas procédé à des

19 tests d'ordre technique, et lorsque les photos étaient claires et

20 indiquaient clairement les dégâts, les choses sont claires. Si l'on voit un

21 bâtiment dont le toit manque, si vous voyez un tas de décombres, vous

22 pouvez tirer certaines conclusions.

23 Q. Oui, peut-être sur la gravité des dégâts. Mais vous conviendrez avec

24 moi que l'on ne peut pas tirer de conclusions sur la manière dont les

25 dégâts sont survenus ?

26 R. Je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point. Si le bâtiment a été

27 détruit par une explosion, les ruines sont bien différentes de celles d'un

28 bâtiment qui a été incendié ou saccagé. Il existe des manières permettant

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1 de tirer des conclusions concernant la nature des dégâts, l'origine des

2 dégâts.

3 Q. Lorsque vous parlez "d'explosions," est-ce que vous savez qu'il y a des

4 missiles de croisière, des obus qui contiennent des explosifs également ?

5 Il y a des roquettes incendiaires. Est-ce que vous avez connaissance de

6 cela ? Vous dites que vous n'êtes pas un expert militaire, que vous ne vous

7 y connaissez pas en balistique. Est-ce que vous pouvez faire la

8 distinction ?

9 R. Je ne suis pas un expert militaire. Par conséquent, je ne peux faire la

10 distinction entre les différents calibres ou les munitions utilisées. Mais

11 dans le cadre de mon expérience sur le terrain, j'ai vu des centaines de

12 bâtiments endommagés. J'ai lu des ouvrages techniques. Je sais, par

13 exemple, qu'un bâtiment qui a été brûlé ou incendié à l'intérieur n'a pas

14 la même apparence qu'un bâtiment qui a été touché suite à des frappes

15 aériennes, par exemple. Je peux vous donner un exemple si vous le

16 souhaitez.

17 Dans de nombreux cas, au Kosovo, des bâtiments ont été incendiez. Lorsque

18 vous pénétrez à l'intérieur du bâtiment, vous constatez que l'intérieur

19 était que, en fait, les tuiles du toit n'avaient pas subi de dégâts. Même

20 si on n'est pas expert militaire, on peut conclure que le toit s'est

21 effondré à cause d'un incendie et non parce qu'un objet ou un engin a

22 traversé le toit. C'est une question de bon sens.

23 Q. Tout à fait. Lorsque vous avez procédé à vos évaluations, vous avez été

24 guidé par le bon sens; c'est bien cela ?

25 R. Oui. Mais également par l'expérience et les recherches que j'ai menées.

26 Q. Monsieur Riedlmayer, je vais passer à un autre sujet. Je dois vous dire

27 malheureusement que moi-même j'ai connu un bombardement, et je sais que les

28 missiles de croisière peuvent traverser une fenêtre.

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1 M. HANNIS : [aucune interprétation]

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Bakrac, je pense qu'il est

3 important que les questions se limitent à l'expérience du témoin.

4 M. BAKRAC : [interprétation] Je voulais mentionner le fait que j'avais moi-

5 même connu un bombardement. Vous devez garder cela à l'esprit.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela ne se voit pas, Monsieur Bakrac.

7 M. BAKRAC : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

8 J'espère que cela venait du fond du coeur.

9 Q. Monsieur Riedlmayer, je vais reformuler ma question. Est-ce que vous

10 savez qu'il existe des roquettes avec une charge moins puissante, très

11 précise, qui peuvent traverser toutes sortes de choses, une cheminée, par

12 exemple ?

13 R. Oui. Je vous ai dit que je n'étais pas expert militaire.

14 Q. Merci, Monsieur Riedlmayer. Lorsque vous travailliez sur le terrain,

15 lorsque vous inspectiez ces bâtiments, est-ce que vous vous êtes entretenu

16 avec des témoins oculaires ou des gens qui, soi-disant, auraient vu ce qui

17 s'était passé ?

18 R. Oui, parfois.

19 Q. Pour autant que je m'en souvienne, vous nous avez dit hier que vous

20 aviez des formulaires tout prêts pour chacun des bâtiments.

21 R. Oui.

22 Q. Lorsque vous avez parlé aux témoins de ces événements, est-ce que vous

23 avez tout de suite noté leurs propos dans ces formulaires ?

24 R. Dans la plupart des cas, j'ai simplement résumé leurs propos et j'ai

25 noté également les renseignements les concernant, là où je pouvais les

26 contacter, si possible. M. Herscher et moi-même visitions les sites

27 ensemble et nous nous répartissions généralement les tâches. Donc, l'un

28 d'entre nous avait l'appareil photo, l'autre notait les informations.

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1 Q. Monsieur Riedlmayer, vous ne m'en voudrez pas si je me trompe car j'ai

2 lu de nombreux documents. Je pense avoir vu quelque part que vous avez mis

3 de l'ordre dans ces notes concernant les entretiens que vous aviez eus avec

4 les témoins oculaires après la journée que vous avez passée à Pristina.

5 R. Je mettais de l'ordre dans mes papiers au bout d'une journée. Nous

6 craignions les problèmes techniques, nous craignions les vols et nous

7 n'avons pas pris d'ordinateurs avec nous. Chaque fois, tous les jours nous

8 partions sur le terrain, nous étions munis de photocopies concernant toutes

9 les informations relatives aux sites que nous allions inspecter ce jour-là.

10 Nous avions également des formulaires vierges à remplir concernant

11 chacun des sites que nous allions visiter. Lorsque nous rentrions le soir,

12 nous mettions de l'ordre dans nos documents et nous nous assurions que tout

13 était en ordre.

14 Q. Pendant la journée, vous vous entreteniez avec un certain nombre de

15 personnes, ensuite le soir, lorsque vous mettiez de l'ordre dans vos

16 documents, vous résumiez les conversations que vous aviez eues; c'est bien

17 cela ?

18 R. Non. Tout ce qui concernait ces conversations était couché sur le

19 papier immédiatement.

20 Q. Comme vous preniez vos notes au fur et à mesure pendant ces entretiens,

21 est-ce qu'ensuite vous relisiez à la personne qui vous avait fourni ces

22 informations les notes que vous aviez prises ? Est-ce qu'ensuite la

23 personne à qui vous aviez parlé donnait son aval en signant vos notes ?

24 R. Comme je l'ai expliqué aux Juges de la Chambre, nous n'avons pas repris

25 de dépositions. Nous avons simplement recueilli des informations

26 essentielles. Je pense qu'il appartient ensuite au Tribunal de voir s'il

27 convient d'enjoindre ces témoins de comparaître.

28 Q. Merci. Dans votre rapport, lorsque vous avez évoqué l'objet de votre

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1 recherche et les méthodes que vous avez employées, vous avez dit que vous

2 n'étiez pas intéressé uniquement aux monuments mentionnés par l'Institut de

3 la culture comme étant des monuments protégés; est-ce exact ?

4 R. Oui.

5 Q. Pourquoi est-ce que vous ne vous êtes pas limités uniquement aux

6 bâtiments qualifiés de monuments historiques par l'Institut chargé du

7 patrimoine culturel du Kosovo ?

8 R. Je pense avoir indiqué les raisons de cela dans mon rapport d'expert,

9 mais je peux vous résumer tout cela maintenant. Tout d'abord, nous nous

10 sommes assignés pour tâche de mener une enquête sur les allégations faites

11 concernant la destruction du patrimoine. Nombre des sites mentionnés dans

12 ces allégations ne bénéficiaient pas de protection juridique, et parce que

13 la liste de monuments protégés avait changé plusieurs fois, nous ne savions

14 pas si on pouvait s'y fier.

15 Et en raison de la répartition des sites, parmi ces monuments

16 protégés - en fait il y avait de nombreux sites protégés qui étaient des

17 monuments -- il y avait plus de monuments orthodoxes que de monuments

18 musulmans. Seuls une dizaine de monuments musulmans sur l'ensemble du

19 territoire du Kosovo avaient obtenu une protection juridique, alors que 210

20 sites orthodoxes étaient répertoriés.

21 Q. Excusez-moi. Dans l'interprétation de vos propos, il est dit : "Il est

22 question d'une dizaine de monuments musulmans." Est-ce une erreur

23 d'interprétation ou est-ce bien ce que vous avez dit ?

24 R. Je pense avoir mentionné un total de 15 monuments.

25 Q. Monsieur Riedlmayer, vous dites que cela s'explique par des motifs

26 idéologiques et politiques ?

27 R. C'est ce que j'ai dit.

28 Q. Monsieur Riedlmayer, savez-vous qu'en 1977, à l'époque où le Kosovo

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1 jouissait d'une pleine autonomie, même alors que l'Institut chargé de la

2 protection des monuments du Kosovo employait essentiellement des Albanais,

3 une loi a été votée concernant la protection des monuments culturels, et on

4 a établi une liste répertoriant tous les sites protégés ?

5 R. Je sais, oui.

6 Q. Savez-vous également que cette loi s'est appliquée jusqu'en 1994 ?

7 R. Je ne sais pas quand la loi a été modifiée. Ce que je sais, c'est que

8 dans les documents plus récents qui datent d'avant la guerre et que nous

9 avons examinés, les documents qui ont été publiés par l'Institut chargé de

10 la protection des monuments, on a répertorié un certain nombre de bâtiments

11 dans différentes catégories datant des années 1990. Je pense que ces

12 bâtiments n'étaient pas inclus dans la liste de 1977.

13 Q. Est-ce que vous savez qu'en vertu d'un décret de la MINUK de décembre

14 1999, on a pris une décision concernant les lois applicables au Kosovo ? Il

15 a été décidé que la loi sur la protection des monuments culturels au Kosovo

16 en 1977 serait appliquée ? Est-ce que vous le saviez ?

17 R. J'ai connaissance de ce décret de la MINUK. J'ai également connaissance

18 d'autres décrets ultérieurs, même si je ne sais pas si ensuite ils auraient

19 véritablement été appliqués, dont l'objet était d'éviter tout litige en

20 qualifiant tous les édifices religieux de monuments protégés.

21 Q. Etant donné que nous sommes convenus que ce décret de la MINUK datant

22 de décembre 1999 a remis au goût du jour ce décret, cette loi de 1977,

23 n'est-il pas exact que dans l'intervalle, de nouveaux édifices culturels

24 ont été inclus dans la liste des biens culturels protégés au Kosovo ?

25 R. Je ne crois pas avoir compris votre question. Est-ce que vous pourriez

26 la répéter, s'il vous plaît.

27 Q. Vous dites que vous n'êtes pas certain que cette liste répertoriant les

28 monuments culturels protégés soit dénuée d'arrière-pensées politiques ou

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1 idéologiques. Ce que je voudrais savoir, c'est la chose suivante : depuis

2 l'arrivée de la MINUK au Kosovo et après que ce décret ait été pris

3 concernant l'application de la loi de 1977, n'est-il pas vrai que de

4 nouveaux monuments ont été inclus dans cette liste ?

5 R. Je ne sais pas quelle est la situation actuelle au Kosovo, mais

6 s'agissant des qualificatifs, il y a certains critères objectifs qui

7 peuvent être appliqués pour savoir quels sites méritent d'obtenir une

8 protection juridique : leur ancienneté, leur importance dans la

9 littérature, ce qui est important pour un pays, ce que les autorités

10 doivent protéger. Il y a toujours des considérations subjectives.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous permettez, Maître Bakrac.

12 J'avais compris la question de la manière suivante : est-il possible que la

13 liste, lorsqu'elle a été remise à l'ordre du jour en décembre 1999, ait vu

14 son contenu changer par rapport à ce qui figurait en 1977 parce qu'on y

15 aurait, par exemple, ajouté des bâtiments ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ignore.

17 M. BAKRAC : [interprétation]

18 Q. Monsieur Riedlmayer, savez-vous que la mission des experts de l'UNESCO

19 s'est rendue au Kosovo après la guerre, après la fin des hostilités, en

20 2004 et avant d'ailleurs, aussi ? Est-ce que vous le savez ?

21 R. En 2004, c'est après la fin de mon étude. J'ai lu des informations là-

22 dessus dans les médias, mais je n'ai pas vu les rapports préparés.

23 Q. Oui. J'entends bien que vous n'avez pas vu les rapports qui ont été

24 établis, mais savez-vous s'ils ont dit quoi que ce soit, eux, au sujet de

25 la liste des biens culturels, aux termes de la loi relative aux biens

26 culturels, la loi de 1977 ?

27 R. Je l'ignore. Monsieur, en tant que membre de l'Eglise orthodoxe, je ne

28 souhaite nullement en chanter les louanges. Je souhaite uniquement parler

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1 de faits, ici. Mais savez-vous que la mission de l'UNESCO, qui est restée

2 au Kosovo du 12 au 18 mars 2004, a préparé un rapport dans lequel on

3 désignait six biens culturels appartenant au patrimoine orthodoxe comme

4 étant les plus importants, comme Gracanica, Banjska, Decani, Sveti

5 Archangel à côté de Prizren, ainsi que d'autres ?

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il est possible que tout ceci devienne

7 pertinent ultérieurement, mais pour l'instant, limitons-nous à votre

8 question. Pouvez-vous en expliquer la pertinence immédiate ?

9 M. BAKRAC : [interprétation] C'est la raison pour laquelle j'ai fait ce

10 petit préambule en disant que je ne souhaitais nullement chanter les

11 louanges d'une culture aux dépens d'une autre. Je parle de faits, ici. Le

12 témoin, dans son rapport d'expert et dans sa déclaration, semble vouloir

13 dire que la liste des monuments avait un caractère éminemment politique et

14 idéologique, et ses seuls arguments à l'appui de cette thèse, ce sont des

15 statistiques avec la proportion des sites orthodoxes qu'on trouve sur la

16 liste par rapport à la proportion des sites islamiques. Or, je souhaiterais

17 faire le parallèle avec les conclusions d'une commission indépendante de

18 l'UNESCO et ses conclusions après la guerre au Kosovo, est-ce qu'ils ont

19 mis en lumière des discordances manifestes en rapport avec ce qu'a dit M.

20 Riedlmayer.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que les conclusions de cette

22 instance dont vous nous parlez consistent à dire que

23 15 sites islamiques, c'était finalement un chiffre raisonnable, donc 15

24 sites qui avaient été désignés comme sites protégés en 1999 ? Si je

25 comprends bien, c'était là la législation en vigueur au moment de la

26 période visée à l'acte d'accusation.

27 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames, Monsieur les

28 Juges, j'essaie simplement de découvrir si les affirmations de M.

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1 Riedlmayer, selon lesquelles tous ces monuments ont été négligés pour des

2 raisons idéologiques et politiques, si tout cela a un fondement. Si c'était

3 le cas, j'imagine qu'une commission indépendante de l'UNESCO aurait eu à

4 corriger de telles irrégularités.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac, mais il semble que dans

6 ce cas-là, simplement la liste de 1977 avait été rétablie. Ils n'étaient

7 pas en train de comparer la situation de 1999, période couverte par l'acte

8 d'accusation. Ou est-ce que je vous ai mal compris ?

9 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, ce que je souhaite

10 déterminer, c'est si la loi de 1977, ou plutôt, si le témoin a connaissance

11 d'un monument culturel quel qu'il soit, qui ne figure pas dans la liste de

12 1977 mais qui aurait été ensuite ajouté à la liste suite aux conclusions de

13 l'UNESCO. Voilà ce que je souhaite découvrir.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle est la pertinence de cette

15 question pour le cas d'espèce ?

16 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, il est pertinent de

17 déterminer l'objectivité du témoin. Toutes mes questions ont pour objectif

18 de déterminer si le rapport d'expert de M. Riedlmayer est compromis, si son

19 objectivité est peut-être remise en cause sur la base des faits, le fait

20 notamment qu'il s'est intéressé principalement dans le cadre de ses

21 recherches à la culture islamique. Je ne vais pas répéter toutes les

22 questions que j'ai posées précédemment.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne conteste pas que toute la série

24 de questions que vous avez posées soit tout à fait logique. On arrive à

25 vous suivre, bien entendu, mais j'étais en train de limiter ma question au

26 thème que vous êtes en train d'aborder à l'instant. Impossible pour nous de

27 déterminer si cela est pertinent. Apparemment non. Mais puisque vous nous

28 assurez que cette pertinence apparaîtra bientôt - Monsieur Hannis, vous

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1 voulez parler ?

2 M. HANNIS : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre, mais avant de

3 laisser Me Bakrac finir, j'ai une autre objection.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] De quelle nature ?

5 M. HANNIS : [interprétation] Cela va plus loin que simplement le fondement

6 de la question qu'il faut établir. Je vois bien où il veut en venir, Me

7 Bakrac, mais nous avons besoin d'informations sur ce rapport, sur la

8 manière dont il a été établi. Je ne crois pas qu'on puisse faire une

9 comparaison sans tous ces éléments pour déterminer si M. Riedlmayer a été

10 objectif dans son rapport ou pas.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais il est possible que les

12 questions posées à M. Riedlmayer permettent d'établir, de justifier les

13 questions posées. Cependant, s'il n'a pas connaissance suffisante de ces

14 conclusions pour répondre de manière appropriée. Je pense que dans ces

15 conditions, votre objection est tout à fait recevable, Monsieur Hannis.

16 Je vais vous autoriser à continuer, Maître Bakrac, mais pensez bien à la

17 pertinence, sachant que c'est vous qui nous avez dit que la loi de 1977

18 avait été révoquée en 1994. Pour l'instant, c'est le point qui ressort le

19 plus clairement de tout ce qui a été dit ces dernières minutes dans le

20 cadre de cette déposition.

21 M. BAKRAC : [interprétation] J'essayais de gagner du temps. Comme

22 M. Riedlmayer ne l'a pas nié, je vais me référer au document suivant, PD13,

23 décret de la MINUK, qui se trouve dans le système e-court, 5D14, "Décision

24 du comité chargé du patrimoine de l'humanité", et 5D18 et 5D54, ou plutôt

25 B54. Tout ceci, nous pouvons le consulter sur le système e-court, et c'est

26 sur ces questions que je fonde toutes mes questions, mes questions sur le

27 décret de la MINUK et sur le rapport de l'UNESCO.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous faites référence d'abord à la

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1 pièce PD13 ?

2 M. BAKRAC : [interprétation] En fait, il s'agit de 5D13.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, 5D13. Quoi qu'il en soit, je

4 pense qu'il faut que vous essayiez d'obtenir une réponse à votre première

5 question. Si vous n'arrivez pas à obtenir de la part de M. Riedlmayer une

6 question [comme interprété] digne de ce nom, il sera à ce moment-là

7 nécessaire peut-être d'examiner toutes ces pièces à conviction.

8 M. BAKRAC : [interprétation]

9 Q. Monsieur Riedlmayer, savez-vous que conformément aux décisions dont

10 j'ai donné lecture et suite à l'inspection menée à bien par l'UNESCO au

11 Kosovo, ces six monuments orthodoxes ont été placés sur la liste du

12 patrimoine de l'humanité ?

13 R. A ma connaissance, seul le monastère de Decani a été proclamé, ou

14 plutôt inscrit au patrimoine de l'humanité.

15 Q. C'était en 2004. En juillet 2006, tous les autres monastères que j'ai

16 cités ont été ajoutés à Decani. En avez-vous connaissance ?

17 R. Non, je n'ai pas connaissance de cela. Mais quoi qu'il en soit --

18 Q. [aucune interprétation]

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Permettez au témoin de finir sa

20 réponse.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je voudrais dire que ces six sites se

22 trouvaient déjà sur la liste des sites protégés au départ, mais cela fait

23 six sur 210.

24 M. BAKRAC : [interprétation]

25 Q. Je suis en train de parler des monuments qui ont été inscrits au

26 patrimoine de l'humanité.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maintenant, il est clair que vous

28 posez des questions au sujet de quelque chose que je n'avais pas tout à

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1 fait compris en premier lieu, parce que vous parliez d'une liste qui était

2 interne au Kosovo, enfin, à la Serbie-et-Monténégro et qui concernait le

3 Kosovo. Il me semble, Maître Bakrac, que l'inscription de ces sites au

4 patrimoine de l'humanité en 2004 et en 2006 n'a rien à voir avec notre

5 affaire. Donc, il ne convient pas que vous continuiez à poser des questions

6 sur ce thème. Veuillez passer à autre chose, s'il vous plaît.

7 M. BAKRAC : [interprétation] Je vais passer à autre chose. Cependant, la

8 dernière question que je souhaiterais poser, c'est de savoir si M.

9 Riedlmayer sait que la commission de l'UNESCO, s'agissant de la liste

10 établie par la Yougoslavie aux termes de la loi de 1977, a ajouté des

11 monuments à cette liste.

12 Q. En savez-vous quelque chose ?

13 R. Si on y a ajouté quoi que ce soit, si l'UNESCO y a ajouté quoi que ce

14 soit ? Je vous ai dit que je n'avais pas lu leur rapport.

15 Q. Merci, Monsieur Riedlmayer.

16 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur et Mesdames

17 les Juges, je vais maintenant passer aux sites qui sont cités dans l'acte

18 d'accusation. J'espère que nous pourrons procéder rapidement.

19 Q. Dans votre rapport, Monsieur Riedlmayer, et dans le cadre de vos

20 déclarations au cours de l'interrogatoire principal, vous dites vous être

21 rendu à l'église de Djakovica, l'église Saint-Antoine de Djakovica.

22 R. [aucune interprétation]

23 Q. D'après ce que j'ai pu comprendre, cette église se trouvait à proximité

24 immédiate de la caserne de la JNA; est-ce bien exact ?

25 R. Oui.

26 Q. Quand vous avez inspecté cette église, vous avez établi que seules les

27 vitres avaient volé en éclats suite aux bombardements par l'OTAN de la

28 caserne de la JNA; est-ce bien exact ?

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1 R. Oui.

2 Q. Quand vous avez visité cette église, avez-vous constaté d'autres dégâts

3 ou bien est-ce que les vitres ou vitraux avaient déjà été remplacés ?

4 R. Je n'ai remarqué aucun autre dégât. Effectivement, les vitres avaient

5 été réparées.

6 Q. Vous déclarez avoir reçu des informations selon lesquelles tout de

7 suite ou avant, juste avant le début des bombardements, la base de

8 commandement et la base opérationnelle de l'armée yougoslave se trouvaient

9 à cet endroit. C'est ce qui figure dans votre rapport.

10 R. Oui. C'est ce que le prêtre de la paroisse m'a dit.

11 Q. Savez-vous qu'il n'y avait pas de commandement de zones opérationnelles

12 à cet endroit, mais qu'il s'agissait d'une section médicale et qu'on

13 procédait là à des opérations chirurgicales avec l'approbation du prêtre

14 catholique ?

15 R. Ce n'est pas ce que le prêtre de la paroisse m'a dit. Je lui ai parlé

16 en personne sans l'aide d'un interprète.

17 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais qu'on

18 affiche grâce au système de prétoire électronique la pièce 5D11. Etant

19 donné que le témoin est anglophone. Mais si j'ai bien compris, il est

20 capable certes de lire le serbe. Malgré tout, j'aimerais qu'on affiche à

21 l'écran la version en anglais du document.

22 Q. Monsieur Riedlmayer, il s'agit là d'un ordre délivré par le commandant

23 de la 52e Brigade d'artillerie, Défense antiaérienne, en date du 19 mai

24 1999. Il s'agit du déplacement du peloton -- plutôt de la section sanitaire

25 à partir du monastère catholique --

26 M. HANNIS : [interprétation] Ici, je vois qu'on parle simplement du

27 déplacement de cette section à partir du lieu actuel sans indiquer de quoi

28 il s'agit.

Page 5552

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac.

2 M. BAKRAC : [interprétation] Au point 3, il est indiqué : "Après départ de

3 la section, remettre au monastère catholique ou rendre le monastère

4 catholique dans le même état qu'on l'avait trouvé au moment où il avait été

5 réquisitionné." Il est indiqué que le bâtiment doit se trouver dans le même

6 état où il se trouvait au moment de l'arrivée de la section.

7 Q. Il y avait là seulement une section sanitaire qui n'était pas armée,

8 qui s'occupait des blessés avec l'accord des prêtres catholiques ?

9 R. Je vais répéter ce que j'ai déjà dit. Je ne sais que ce que le prêtre

10 catholique de la paroisse m'a déclaré.

11 Q. Vous dites que le prêtre catholique vous a dit qu'il y avait eu des

12 actes de vandalisme. Est-ce qu'il les a décrits, ces actes et leurs

13 conséquences ?

14 R. Oui, il m'a dit que des ordinateurs, des télévisions et d'autres

15 équipements avaient été volés, il y avait eu donc pillage, que des murs

16 avaient été salis et que le lieu n'était pas habitable quand ils sont

17 revenus sur place.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il me semble que dans votre rapport,

19 il est indiqué que cela a duré deux mois ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A partir du début de la guerre ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce qui correspond à un départ le 19

24 mai ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Le prêtre m'a dit qu'il était resté à

26 Djakovica pendant toute la guerre.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cet ordre est en date du 19 mai.

28 M. BAKRAC : [interprétation]

Page 5553

1 Q. Il vous a dit que quelqu'un avait abîmé, gratté le mur à dessein, et

2 que c'était un des signes de vandalisme, des actes de vandalisme.

3 R. Il n'a pas dit qu'on avait gratté le mur; il a dit qu'il avait été

4 sali. On parlait en turc. Il venait de Prizren, donc il parle le turc. J'ai

5 vécu en Turquie pendant trois ans, donc je parle le turc.

6 Q. Oui, j'entends bien. Mais il ne vous a pas parlé de la nature des

7 dégâts; il vous a simplement dit qu'il était nécessaire de passer une

8 couche de peinture sur les murs, mais il n'a pas dit quelle était la nature

9 des dégâts.

10 R. Non, non. Il a dit que les fenêtres et les portes avaient été cassées,

11 qu'on avait volé et emporté des meubles, des télévisions et toutes sortes

12 d'équipements.

13 Q. Fort bien. Nous entendons bien, nous comprenons bien. Les portes et les

14 fenêtres, cela s'explique par le bombardement de l'OTAN. Bien entendu, je

15 ne justifie nullement les vols s'il est vrai effectivement que ces

16 équipements, ces ordinateurs ont été volés. Je ne le justifie nullement,

17 mais on ne peut pas à ce moment-là parler de destruction de biens

18 culturels. Il s'agit de vols ordinaires.

19 Passons maintenant à un autre site, Monsieur Riedlmayer. Le vieux bazar de

20 Pec, le vieux marché. Est-ce que vous-même vous vous êtes rendu sur ce

21 site ?

22 R. Effectivement.

23 Q. J'ai sous les yeux vos conclusions, une partie de vos conclusions. Vous

24 déclarez que la photographie avait été prise par

25 Begolli et que l'autre avait été prise par Xhavit Lokaj, mais il n'est pas

26 indiqué qui a visité le site. On ne dit pas non plus que c'est vous qui

27 avez procédé à cette inspection. On ne peut pas le lire dans vos notes.

28 R. Hier, dans le prétoire, j'ai précisé que c'était moi qui avais inspecté

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1 ce site.

2 Quant aux photographies, les photographies d'avant-guerre de

3 M. Begolli, c'est moi-même qui les lui ai demandées. M. Begolli, c'est un

4 photographe en ville, il a un magasin. On m'avait dit qu'il disposait de

5 photographies prises peu avant la guerre. Je suis allé le voir. Il a

6 cherché dans ses négatifs et il m'a fourni plusieurs photos. J'ai choisi

7 cette photo-là, parce qu'elle correspondait à l'image ou à la prise de vue

8 qui avait été réalisée par M. Lokaj un mois après la fin de la guerre.

9 J'ai inclus cette photographie dans la base de données, parce que

10 cela nous montre clairement quelle était la situation tout de suite après

11 la guerre. Au moment où je me suis rendu sur place, il y avait des magasins

12 qui commençaient à ouvrir. On voyait encore les dégâts très clairement,

13 mais ce n'était pas exactement ce qu'on aurait pu voir tout de suite après

14 la guerre.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pouvez-vous nous donner la cote de

16 cette pièce, Maître Bakrac ?

17 M. BAKRAC : [interprétation] Cela fait partie de la pièce P1550.

18 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

19 M. BAKRAC : [interprétation]

20 Q. Monsieur Riedlmayer, vous n'avez pas non plus dit le nom des personnes

21 qui vous avaient fourni des informations ou les personnes avec qui vous

22 vous étiez entretenu; est-ce bien exact ?

23 R. Vous voulez dire dans cette partie du rapport consacrée à ce site ?

24 Q. Oui. Il s'agit du vieux bazar de Pec. J'ai le rapport sous les yeux en

25 anglais. On indique "Information déclarations", puis là il y a un blanc. Là

26 où on voit "Informations parues dans les médias", il n'y a rien non plus.

27 R. [aucune interprétation]

28 Q. Donc aucune information issue des médias; ce qui pourtant ne vous a

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1 nullement empêché de procéder à une évaluation des dégâts. Cela ne vous a

2 pas empêché non plus de dire que ce bâtiment avait été incendié par la

3 police serbe en juin 1999. Pourquoi avez-vous inscrit cela dans votre

4 rapport alors que vous auriez dû simplement décrire les dégâts ? C'était là

5 votre mission.

6 R. Dans ce cas-là, je n'ai rencontré personne qui, officiellement ou

7 formellement, m'ait donné des informations. Non. Je me suis entretenu avec

8 plusieurs habitants du lieu qui m'ont fourni des informations, qui m'ont

9 plutôt bombardé d'informations, dirons-nous. J'imagine que j'aurais dû m'en

10 tenir à une simple description puisque c'était quand même très visible. Les

11 dégâts étaient visibles; on voyait les traces de l'incendie, les traces

12 laissées par les bulldozers, puisque les décombres avaient été repoussés

13 vers l'arrière du site.

14 Q. Monsieur Riedlmayer --

15 R. [aucune interprétation]

16 M. HANNIS : [interprétation] Il faudrait quand même que le conseil laisse

17 le témoin finir de répondre.

18 M. BAKRAC : [interprétation]

19 Q. Toutes mes excuses.

20 R. Quand les gens m'ont dit que les commerces avaient été incendiés,

21 détruits ensuite au bulldozer, cela m'a semblé intéressant, raisonnable.

22 J'ai simplement couché sur le papier ce qui m'a été dit par les gens. Bien

23 entendu, j'aurais dû donner le nom d'une personne qui m'avait donné ces

24 informations au moins. Je regrette de ne pas l'avoir fait dans ce cas

25 précis.

26 Q. Monsieur Riedlmayer, vous venez de nous dire que vous avez tout de

27 suite ou plutôt que vous avez noté sur place ce que les gens vous disaient.

28 Est-ce que ce n'est pas ce que vous venez de nous dire à l'instant; vous

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1 avez écrit tout ce que les gens vous disaient immédiatement ? Maintenant on

2 constate que ce n'est pas le cas.

3 R. Que voulez-vous dire ? Dans la base de données figure ce que j'ai

4 recopié à partir des formulaires manuscrits que je réalisais sur le terrain

5 sous forme de notes. Quand j'étais sur place, je prenais des notes qui

6 étaient assez concises, parce qu'on avait beaucoup de travail à faire,

7 beaucoup de sites à visiter.

8 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, j'attendais la fin de

9 l'interprétation. J'avais l'impression que vous souhaitiez intervenir.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, finalement, j'ai changé d'avis,

11 Maître Bakrac.

12 M. BAKRAC : [interprétation]

13 Q. Monsieur Riedlmayer, le moment est presque venu de faire la pause. Est-

14 ce que vous êtes en train d'essayer de me dire que vous disposez des noms,

15 des coordonnées des personnes avec qui vous vous êtes entretenus mais que

16 vous ne les avez pas fait figurer dans le formulaire en question ?

17 R. Non. Ce que j'essaie de vous dire, c'est que dans ce cas-là j'ai été

18 négligent. Ces noms, je ne les ai pas consignés sur le papier.

19 Q. Sur place, vous avez vu des éléments vous indiquant que c'était la

20 police serbe qui avait incendié le bazar en juin. Est-ce que c'est ce que

21 vous êtes en train d'essayer de dire ?

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. Ne répondez pas à cette question,

23 Monsieur Riedlmayer.

24 Si votre question véritablement a un objectif concret et sérieux,

25 Maître Bakrac, veuillez poser votre question en conséquence.

26 M. BAKRAC : [interprétation] Je vois, Monsieur le Président, que le moment

27 est venu de faire la pause, ensuite je passerai à un autre site.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Rien en vous empêche de ne pas

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1 demander au témoin d'où il tire ces informations. Je crois qu'hier nous

2 avons dit, de manière très claire, que lorsqu'une information de ce type

3 reposait, par exemple, sur les informations fournies par M. Riedlmayer par

4 des organisations précises ou bien lorsque ces informations venaient de

5 personnes qui le bombardaient d'informations, comme il l'a dit lui-même,

6 jamais nous n'arriverons nous-mêmes à la conclusion que c'était forcément

7 la vérité, que c'était forcément ce qui s'était passé. Il l'a déjà reconnu.

8 M. Hannis l'a dit à plusieurs reprises hier. Pour déterminer ce qui s'est

9 effectivement passé, il faudra consulter d'autres sources. Ce qu'on peut

10 retirer du travail de Riedlmayer, c'est la nature des dégâts occasionnés

11 aux bâtiments.

12 Il peut également y avoir des informations fournies par des personnes

13 qu'il nomme dans son rapport au sujet de la cause de ces dégâts. Et cela,

14 nous pouvons en tenir compte. Bien entendu, nous en tiendrons en temps

15 utile dans la mesure du possible. C'est trop facile de votre part de

16 trouver les parties du rapport justement sur lesquelles on ne doit pas

17 s'appuyer, puis les autres parties du rapport qui, elles, tiennent.

18 Nous allons maintenant faire une pause de 20 minutes, Monsieur Riedlmayer.

19 On se retrouve dans le prétoire à 11 heures moins 10. Je vous demande de

20 quitter le prétoire, puisque maintenant nous avons décidé d'adopter la

21 pratique suivante : les témoins s'en vont avant les Juges.

22 [Le témoin se retire]

23 L'audience reprendra à 11 heures moins 10.

24 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

25 --- L'audience est reprise à 10 heures 51.

26 [Le témoin vient à la barre]

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac.

28 M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

Page 5558

1 Q. Monsieur Riedlmayer, avant la pause, nous avons parlé d'un couvent

2 catholique, ensuite du bazar de Pec. J'ai oublié un élément qui figure

3 pourtant dans mes notes, à savoir que dans votre rapport, vous avez dit

4 également que l'armée de Yougoslavie avait utilisé l'église catholique de

5 Pristina et qu'elle y avait placé un radar aérien sur son clocher; c'est

6 exact ?

7 R. C'est ce que m'a dit le prêtre de la paroisse.

8 Q. J'aimerais savoir si vous avez creusé la question. Savez-vous comment

9 fonctionne un radar et son système d'antenne ? Ce genre d'équipement ne

10 peut pas être placé sur un clocher, parce qu'il émet des ondes électriques

11 et magnétiques et qu'il ne fonctionne pas en cas d'obstacle. Ceci rend

12 l'allégation du prêtre totalement absurde et illogique, n'est-ce pas ?

13 Puis, j'aurais une autre question. Pouvez-vous donner une estimation du

14 temps qu'il aurait fallu à l'OTAN pour localiser ce radar et le détruire ?

15 M. HANNIS : [interprétation] J'objecte à cette question. C'est une question

16 multiple. Je ne sais pas à laquelle des trois il est censé répondre.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Prenons chacune des questions

18 successivement, Maître Bakrac.

19 M. BAKRAC : [interprétation]

20 Q. Bien. Premièrement, vous avez reçu cette information du prêtre

21 catholique. Alors ma première question est la suivante : avez-vous vérifié

22 ces allégations d'une quelconque manière ?

23 R. Je n'étais là que pour vérifier ce qui était arrivé à l'église pendant

24 la guerre. L'église semblait être en bon état. J'ai eu une conversation

25 avec le prêtre qui avait passé toute la guerre dans le bâtiment de la

26 paroisse juste à côté de l'église. Lorsque je lui ai demandé ce qui s'était

27 passé, ce qui était arrivé à son église, c'est ce qu'il m'a dit, et je l'ai

28 noté. Comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas expert en installations

Page 5559

1 militaires. Il m'était impossible de vérifier si d'un point de vue

2 technique, c'était possible ou si les choses s'étaient effectivement

3 produites de la manière dont on me les a décrites. J'ai noté les

4 informations données par le prêtre, j'ai noté également ses coordonnées et

5 j'ai jugé ma tâche accomplie.

6 Q. Si je vous comprends bien - et il faut que les choses soient claires

7 aux fins du compte rendu - vous ne connaissez pas le poids d'un radar. Vous

8 ne savez pas non plus comment il a été hissé en haut du clocher.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] M. Riedlmayer n'est pas en train de

10 plaider en faveur d'une partie ou de l'autre. M. Riedlmayer avait une tâche

11 à accomplir. Il a expliqué à M. Hannis et à vous-même quel était ce

12 travail, quelle était cette tâche, la manière dont il l'a accomplie et

13 quelles étaient les contraintes rencontrées. Je ne sais pas si vous êtes

14 tout à fait juste avec lui en entrant dans des détails tels que ceux-ci

15 pour essayer de prouver quelque chose alors qu'il apparaît extrêmement

16 clairement de par sa réponse qu'il n'avait aucun moyen de vérifier cette

17 information qui lui avait été donnée, qu'il n'est pas expert en questions

18 militaires et qu'évidemment, il n'aura pas d'informations détaillées sur

19 les installations de ce radar ou sur quoi que ce soit d'autre de cet ordre.

20 Je crois que c'est quelque chose que vous avez compris, et c'est

21 quelque chose qui sera pris en considération au moment d'évaluer l'intérêt

22 de ce rapport, sans oublier que ce rapport poursuivait d'autres fins.

23 M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais

24 poursuivre.

25 Q. J'aimerais que l'on voie la pièce de l'Accusation P1773, qui porte sur

26 la mosquée d'Orahovac construite en 1916, bâtiment contemporain, donc.

27 Avez-vous inspecté la mosquée sur place ?

28 R. Quelle mosquée ? Excusez-moi.

Page 5560

1 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

2 M. BAKRAC : [interprétation]

3 Q. Dans le village de Celine, municipalité d'Orahovac.

4 R. D'accord.

5 Q. Vous ou M. Herscher avez procédé à l'inspection de ce site.

6 R. Non. Nous ne nous sommes pas rendus en personne dans ce village. C'est

7 l'un des sites que nous avons évalués sur la base de photographies. Je

8 crois que dans ce cas-ci, la conclusion selon laquelle le bâtiment a été

9 complètement détruit est facile à tirer sur la base de photographies,

10 justement.

11 Q. Sur la base des photos, vous avez conclu que la mosquée avait été

12 incendiée par des Serbes et que les Serbes l'avaient rasée complètement à

13 l'aide d'un bulldozer. C'est ce que vous avez conclu sur la base de photos.

14 R. Non. Comme je l'ai expliqué dans le cadre de l'interrogatoire

15 principal, ce sont des informations qui m'ont été données par la communauté

16 musulmane ou communauté islamique. Je l'ai indiqué dans le rapport. Les

17 éléments, les indications visuelles, ce que vous voyez ici concorde tout à

18 fait avec ce récit. J'ai remarqué qu'il y avait un tas de débris, qu'il y

19 avait du bois de construction carbonisé, et j'ai remarqué également que des

20 maisons intactes apparaissaient en fond.

21 Q. Monsieur Riedlmayer, n'aurait-il pas été suffisant de dire que la

22 mosquée avait été incendiée et détruite complètement ? N'était-ce pas là

23 l'objectif de votre mission, d'établir les dégâts plutôt que d'établir qui

24 les avait occasionnés en faisant appel à une source indirecte ? Ici, vous

25 n'avez pas de témoins et vous n'avez pas non plus de récits parus dans les

26 médias.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous nous impatientons, Maître Bakrac.

28 Vous savez très précisément quelle était la tâche accomplie par M.

Page 5561

1 Riedlmayer. Il s'agissait notamment de noter des informations qui

2 pourraient être utiles au moment d'établir les circonstances dans

3 lesquelles les dégâts avaient été occasionnés. Il vous a précisé que sur la

4 base de ces informations, il espérait pouvoir donner des orientations qui

5 pourraient servir à d'autres et qui assureraient la suite du travail. Je

6 crois qu'il a précisé très clairement dans son témoignage que ce qu'il

7 faisait consistait à noter les éléments sur ces circonstances dans le

8 chapitre auquel vous faites référence, donc noter les informations issues

9 d'autres personnes.

10 M. BAKRAC : [interprétation]

11 Q. Monsieur Riedlmayer, vous avez dit que c'est la communauté islamique

12 qui avait communiqué ces informations. Or, ce que je vois ici, c'est l'IMG,

13 l'"International Management Group", comme source de ces informations. C'est

14 donc de leur base de données que provenaient ces données,

15 R. Non. Si vous regardez au bas de la page, M. Sabri Bajgora est également

16 cité. Il était notre contact au sein de la communauté islamique et c'est

17 lui qui communiquait les photos et certaines des informations.

18 Q. Pourquoi n'est-il pas mentionné à la ligne où l'on voit "Citoyens ayant

19 communiqué des informations" ? On le voit seulement comme photographe.

20 R. Non. En bas, on lit "Surveyor" en anglais, ceci recouvre la notion de

21 personne fournissant des informations, tout en bas de la page.

22 Q. Je vois. Mais il y a aussi une ligne indiquant "Récits fournis par des

23 citoyens," avec le nom d'une ou deux personnes. Or, ici, vous ne dites pas

24 que M. Bajgora a fourni un récit. Je ne le vois que dans une section

25 différente, juste à côté de la base de données IMG.

26 M. HANNIS : [interprétation] Je ne sais pas de quelle page nous parlons,

27 Monsieur le Président.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que c'est déclarations des

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1 personnes ayant fourni des informations. C'est de cela dont on parle dans

2 la version anglaise.

3 M. HANNIS : [interprétation] Je croyais que l'on parlait de la mosquée de

4 Celine.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il n'y a pas de déclarations ici de

8 personnes ayant fourni des informations.

9 M. BAKRAC : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Alors quelle est votre question ?

11 M. BAKRAC : [interprétation]

12 Q. Ma question est : avez-vous reçu des informations de l'"International

13 Management Group" ?

14 R. Non. Je n'ai fait que recevoir leur base de données constituée dans son

15 intégralité de photographies et de descriptions techniques de bâtiments.

16 Q. Qui vous a donné des informations sur les événements qui étaient

17 survenus et sur les responsables de ces dégâts ?

18 R. Ces informations-là m'ont été communiquées par M. Bajgora.

19 Pourquoi son nom apparaît-il ici plutôt que dans la catégorie "Déclarations

20 issues de personnes ayant fourni des informations" ? Puisque je crois que

21 c'est là que vous voulez en venir, c'est pour des raisons pratiques.

22 Puisqu'un nombre important de mes photos de mosquées émanait de la

23 communauté musulmane. Pour faire bref, j'ai souvent incorporé cette

24 information-là à la première page plutôt que de me rapporter à la deuxième

25 page du rapport d'inspection, étant donné que l'information était souvent

26 partielle.

27 Q. Monsieur Riedlmayer, j'aimerais maintenant vous parler des questions

28 sur la mosquée de Bela Crkva, municipalité d'Orahovac. Vous personnellement

Page 5563

1 ou M. Herscher, avez-vous inspecté ce site vous-mêmes ? C'est la pièce

2 P1774.

3 R. Non. Bela Crkva n'est pas l'un des sites sur lesquels nous nous sommes

4 rendus en personne. Toutefois, nous avions des photos provenant de sources

5 multiples. Nous avons formulé notre avis sur la base des photos et des

6 informations que nous avions obtenues, et non pas sur la base d'une

7 observation directe sur place.

8 Q. S'agissant des informations, il me semble qu'aucun nom de personnes

9 vous les ayant communiquées ne figure dans le document.

10 R. Si vous faites défiler la page sur l'écran, s'il vous plaît. Merci.

11 Q. On pourrait peut-être passer à la page suivante.

12 Vous verrez bien dans la rubrique, "Personnes ayant communiqué les

13 informations".

14 R. Je crois qu'il se passe la même chose qu'avec Celine. Nous avions les

15 photos et nous avons reçu des informations très sommaires de M. Bajgora.

16 Nous avons reçu des photos de deux autres sources également représentant

17 les mêmes dégâts, donc nous avons pu formuler notre évaluation sans guère

18 de doute. Nous avons jugé que ce bâtiment avait subi de graves dommages et

19 que le minaret avait disparu suite à une explosion.

20 Q. Vous avez également mentionné que vous disposiez de certains récits

21 parus dans les médias, alors qu'hier, vous avez dit que vous n'utilisiez

22 jamais ces récits issus de la presse sans les étayer par des informations à

23 l'appui de ces récits émanant de témoins ou témoins oculaires. Est-ce que

24 je vous avais bien compris ?

25 R. Non, je ne crois pas que vous ayez bien compris. Nos critères étaient

26 les suivants. Nous n'avons jamais fait mention d'un site dans notre rapport

27 sur la base exclusive de récits parus dans les médias. Les récits parus

28 dans les médias étaient un complément d'information. Si nous avions des

Page 5564

1 informations issues des sources que nous jugions fiables qui figurent dans

2 notre rapport et qu'il y avait également un récit tiré des médias qui

3 pouvait nous aider à préciser la date ou l'ampleur des dommages, nous

4 précisions également cela, mais nous n'avions aucun critère précisant que

5 nous n'allions pas utiliser de récits parus dans les médias sans avoir de

6 témoins, par ailleurs.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Bakrac, si vous regardez les

8 récits parus dans les médias, vous verrez qu'il y a certaines parties qui

9 ont été surlignées, parties considérées par M. Riedlmayer comme

10 pertinentes. Chacune de ces parties surlignées porte sur l'état de la

11 mosquée. Vous avez une date pour ces différents récits et publications, et

12 M. Riedlmayer dit que l'état de la mosquée tel que décrit dans ces articles

13 coïncide tout à fait avec les photographies et que c'est à cette seule fin

14 qu'étaient utilisés ces rapports ou récits publiés dans les médias, comme

15 il l'a d'ailleurs expliqué hier.

16 M. BAKRAC : [interprétation] Je vais passer à un autre site et je vous

17 renvoie à la pièce 175, la mosquée à Brestovac.

18 Q. Vous seriez d'accord avec moi pour reconnaître que vous ne vous êtes

19 jamais rendu en personne sur les lieux ?

20 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui --

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que c'est la pièce P1775,

23 pour corriger le compte rendu.

24 M. BAKRAC : [interprétation] Oui, c'est ce que j'avais dit, ou j'ai peut-

25 être commis un lapsus.

26 Q. C'est donc un autre site sur lequel vous ne vous êtes pas rendu en

27 personne. Est-il également exact d'affirmer que là encore vous ne disposez

28 d'aucune déclaration de personnes vous ayant renseignés ni d'aucun récit

Page 5565

1 paru dans les médias ?

2 R. Non, c'est inexact.

3 Faites défiler la page tout en bas.

4 Ici, nous avions des photos de deux sources indépendantes et nous avons

5 tiré nos conclusions sur la base de ces photos.

6 Q. Monsieur Riedlmayer, vous dites que vous avez basé vos conclusions sur

7 la base de photos de la base de données de l'IMG. N'avez-vous pas dit dans

8 votre rapport que ce groupe ne s'intéressait qu'aux bâtiments modernes ?

9 R. Non, je n'ai pas dit qu'ils ne s'intéressaient qu'à des bâtiments

10 modernes; j'ai dit que leur principale mission consistait à établir l'état

11 des infrastructures dans ces municipalités. Par conséquent, ils

12 s'intéressaient principalement aux bâtiments publics de tous types.

13 Toutefois, ils ont inclus des monuments du patrimoine de par leur usage

14 public. Il s'agissait notamment de lieux du culte. Dans la mesure où ils

15 étaient en mesure de fournir des photos prises sur ces différents sites,

16 ils ont communiqué ces informations sous la forme de photos, puisque leurs

17 équipes ont pu couvrir un nombre de villages beaucoup plus important que

18 les villages que nous avons été en mesure de visiter.

19 Chaque fois nous avons fait en sorte de corroborer l'information en

20 faisant appel à des sources multiples. Même dans le cas où nous avions déjà

21 des photos d'autres sources, la base de données de l'IMG servait à

22 corroborer les informations que nous avions déjà. C'était une organisation

23 professionnelle qui, principalement, répondait aux besoins de l'Union

24 européenne et qui avait pour mission de procéder à des évaluations en

25 prévision des efforts de reconstruction au Kosovo. C'est vrai qu'au niveau

26 local, la mise en œuvre du projet était parfois inégale, comme je le

27 précise dans mon rapport.

28 Q. Monsieur Riedlmayer, puisque nous en sommes à cette mosquée de

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1 Brestovac, municipalité d'Orahovac, d'après ce que je vois, vous n'avez

2 utilisé que la photo de Sabri Bajgora de 1999. A quoi renvoie la référence

3 concernant la base de données IMG, Union européenne ? Où sont les photos

4 émanant de ce groupe ?

5 R. Si vous consultez mon rapport d'expert, vous verrez que pour des

6 raisons techniques, nous n'avons pas pu extraire les photos de la base de

7 données de l'IMG et les faire figurer dans notre rapport. Nous avons

8 présenté ou ajouté au rapport un CD contenant la base de données de l'IMG.

9 Le fait que l'on ait publié qu'une seule photo ici ne signifie pas

10 nécessairement que nous en avions qu'une seule.

11 De même, pour essayer de limiter la taille, le volume de la base de

12 données, nous avons essayé d'y inclure un nombre réduit de photos. Si vous

13 la surchargez de photos, la base de données ralentit et devient plus

14 difficile à exploiter. Dans de nombreux cas, le nombre de photos que vous

15 voyez dans la base de données ne constitue qu'une partie des photos que

16 nous avions à notre disposition au moment de réaliser notre évaluation.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce CD contient la base de données de

18 l'IMG ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Y a-t-il un numéro de pièce à

21 conviction, Monsieur Hannis ?

22 M. HANNIS : [interprétation] Non, c'est une pièce à part, et nous n'en

23 avons pas demandé le versement.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Merci.

25 M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

26 Q. Monsieur Riedlmayer, conviendriez-vous également avec moi du fait que

27 vous n'avez pas procédé à une inspection directe de la mosquée de Velika

28 Krusa non plus ?

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1 R. Je ne l'ai pas fait.

2 Q. Et que là encore, pour cette mosquée -- non, excusez-moi. Oubliez cela.

3 Là encore, s'agissant de cette mosquée, vous avez fait état d'un rapport du

4 groupe de protection des droits de l'homme, sans toutefois préciser le nom

5 de la personne qui vous a fait ce rapport; c'est exact ?

6 R. Pourrait-on voir le document sur l'écran, s'il vous plaît.

7 Q. 1776, donc la pièce P1776.

8 R. Ici, il est question d'une mosquée gravement endommagée. Si vous faites

9 défiler la page vers le bas, vous allez y trouver un descriptif. Le minaret

10 a subi une explosion. Il y a un trou béant dans le mur latéral. Des dégâts

11 ont été occasionnés à la structure. L'intérieur de la mosquée a été

12 vandalisé et en partie incendié. Voilà quelle est la nature de notre

13 évaluation. Toute information ou déclaration faite par d'autres personnes

14 ne vient que compléter cette évaluation, quelle que soit la valeur que

15 choisira de leur accorder les Juges de la Chambre.

16 M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Monsieur Riedlmayer.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être que le moment est venu de

18 préciser le rôle de Sabri Bajgora. Dans quelle mesure la conversation que

19 vous avez eue avec lui a-t-elle porté sur la nature des dégâts ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Lors de nos trois séjours au Kosovo, je me

21 suis rendu au bureau de la communauté musulmane à chaque fois, et à chaque

22 fois je ressortais avec un sac plein de photos. A chaque fois, nous avons

23 eu des conversations de plusieurs heures au cours desquelles j'ai pris des

24 notes. A chaque fois qu'il me donnait une photo en particulier, il me

25 disait ce qu'elle représentait. Et dans certains cas, il apportait des

26 précisions sur la date de la destruction ou la date de construction, et

27 cetera. Lui-même se servait de ses notes personnelles. Il ne m'a pas remis

28 de document à proprement parler.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Lorsque vous dites "minaret détruit

2 par une explosion, trou béant dans le mur latéral", et cetera --

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce sont mes propres conclusions après étude

4 des photos. Vous regardez la photo et vous voyez qu'il reste un morceau du

5 minaret. On voit des fissures importantes dans le mur en éventail, dont

6 l'origine se trouve au niveau de l'endroit où se trouvait le minaret

7 auparavant. Après avoir vu plusieurs dizaines de bâtiments, pour moi, ceci

8 suggère qu'il y a eu une explosion à l'intérieur du minaret.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je comprends, Monsieur

10 Riedlmayer, mais c'est la démarche que vous avez suivie à chaque fois,

11 n'est-ce pas, de procéder à une évaluation indépendante --

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] -- des photos ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. S'il y avait des sources

15 extérieures, j'essayais en général d'indiquer d'où venaient ces

16 informations.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac.

18 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, merci.

19 Q. Monsieur Riedlmayer, j'aimerais maintenant que l'on regarde la pièce

20 P1777, pièce de l'Accusation. Je vois que là encore c'est vous qui avez

21 procédé à l'inspection en personne de ce bâtiment, en tenant compte de

22 chaque bâtiment de chaque communauté. Je vois que ce bâtiment-ci a été

23 construit en 1997, deux ans avant la guerre. Dans quelle mesure ce

24 bâtiment-là fait-il partie du patrimoine culturel et historique ?

25 R. C'était un lieu de culte, et en tant que tel, il répondait à un

26 objectif culturel. Je ne crois pas qu'un bâtiment doit être vieux de

27 plusieurs siècles pour être considéré comme un monument culturel. Comme je

28 l'ai déjà dit, dans la liste des monuments classés au Kosovo par les

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1 autorités yougoslaves, il y avait un certain nombre de bâtiments qui

2 n'étaient pas particulièrement des antiquités. Je pense notamment à

3 l'église de Djakovica, église construite juste avant la guerre, à peu près

4 au même moment que ce bâtiment-ci, et c'était un monument à la mémoire des

5 Serbes morts pendant la guerre.

6 Q. Monsieur Riedlmayer, bien que cette question ait pu vous manquer de

7 sérieux, c'est la raison pour laquelle je vous l'ai posée. Lorsque vous

8 dites que cette liste était teintée de motifs politiques et idéologiques,

9 vous avez donné un exemple. Vous avez dit que certains bâtiments construits

10 en 1930 et 1990 avaient été ajoutés à la liste. Si je ne m'abuse, c'est

11 également l'une des raisons pour lesquelles vous avez contesté la validité

12 de cette liste.

13 R. Non. J'ai contesté la validité de cette liste au motif que le nombre et

14 l'ancienneté des monuments islamiques au Kosovo laisse entendre que 15

15 présentaient les conditions requises; en fait, non. Etant donné que les

16 subventions publiques pour la reconstruction et la restauration dépendaient

17 du statut accordé à ces bâtiments, j'ai considéré qu'il y avait peut-être

18 des raisons idéologiques derrière cela.

19 Q. Monsieur Riedlmayer, est-il également exact de dire que la mosquée de

20 Cirez, dans la municipalité de Srbica, vous ne l'avez pas non plus

21 inspectée personnellement ? Il s'agit de la pièce à conviction de

22 l'Accusation 1778.

23 R. C'est exact.

24 Q. Vous n'avez obtenu aucune information de la part d'habitants de la

25 région ou dans des articles de presse écrite concernant cette mosquée ?

26 R. Non, je n'ai pu décrire que son état.

27 Q. Merci. Monsieur Riedlmayer, je vous renvoie à la pièce à conviction de

28 l'Accusation 1785 concernant la mosquée de Vlastica. Est-il également exact

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1 de dire que vous n'avez pas inspecté personnellement ce site, que vous ne

2 vous y êtes pas rendu ?

3 R. C'est exact.

4 Q. Est-il également exact que dans votre rapport, il n'est fait mention

5 d'aucun récit fait par des habitants de la région ?

6 R. C'est exact.

7 Q. Monsieur Riedlmayer, je souhaiterais savoir sur quelle base vous avez

8 affirmé dans votre rapport que le village avait été le théâtre d'un crime

9 commis par les forces serbes au printemps 1999.

10 R. Est-ce que vous pourriez faire défiler le texte vers le bas pour que je

11 puisse lire ce que j'ai indiqué.

12 Oui, je ne faisais que répéter les informations contenues dans l'acte

13 d'accusation.

14 Q. Vous vous êtes servi de l'acte d'accusation dressé contre Milosevic

15 lorsque vous avez rédigé votre rapport. Je vous ai déjà posé cette

16 question, et maintenant vous semblez confirmer ce fait. Vous confirmez que

17 vous vous êtes servi de l'acte d'accusation contre M. Milosevic.

18 R. Ce n'est pas ce que j'affirme. L'acte d'accusation dressé contre

19 Milosevic, si nous nous en étions servis pour nos visites, nous nous

20 serions sans aucun doute rendus sur ces sites. A la fin de la préparation

21 de notre rapport, nous avons pensé qu'il serait peut-être utile pour le

22 bureau du Procureur à qui nous allions remettre ce rapport, d'indiquer les

23 sites mentionnés dans l'acte d'accusation en son espèce. Nous avons essayé

24 d'être utiles. Nous ne nous sommes pas servis de l'acte d'accusation que

25 vous mentionnez comme d'une base.

26 Q. Lorsqu'il est indiqué que le village a été le théâtre d'atrocités

27 commises par les forces serbes, vous essayez tout simplement d'aider le

28 bureau du Procureur et d'étayer les informations contenues dans l'acte

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1 d'accusation. C'est la seule raison pour laquelle vous avez inclus ce

2 village ? Un instant, s'il vous plaît.

3 [Le conseil de la Défense se concerte]

4 M. BAKRAC : [interprétation]

5 Q. Page 49, ligne 10 du compte rendu d'audience, vous avez déclaré que

6 vous ne faisiez que répéter les informations contenues dans l'acte

7 d'accusation et que cela pourrait être utile au bureau du Procureur.

8 R. Je me suis contenté de noter les sites qui pourraient les intéresser.

9 C'était sans doute idiot, ils auraient pu faire ce travail eux-mêmes.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas cohérent car vous ne

11 l'avez pas fait à chaque fois.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Certes. En fait, l'acte d'accusation définitif

13 a été dressé après que nous ayons présenté ce rapport.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] L'acte d'accusation que vous avez

15 consulté était celui avec un seul accusé ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que nous avons présenté ce rapport au

17 mois de septembre 2001. L'acte d'accusation, dans sa version définitive, a

18 été émis en octobre 2001. Nous nous sommes servis de ce qui était

19 disponible début septembre.

20 M. BAKRAC : [interprétation]

21 Q. Je vous remercie. Monsieur Riedlmayer, est-il également exact de dire

22 que vous n'avez pas inspecté la mosquée de Kacanik ? Je vous renvoie à la

23 pièce à conviction P1786.

24 R. Est-ce que vous pourriez afficher ce document à l'écran, s'il vous

25 plaît ?

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous perdons du temps, Monsieur

27 Bakrac. Nous savons que ce n'est pas le cas sur la base du rapport. Si vous

28 avez une question concrète à poser, posez-là.

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1 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aurais peut-être une

2 question à poser. En fait, je ne vois pas de photographies. Il y a peut-

3 être un élément qui me manque. On ne voit pas qui a inspecté le site. Il

4 n'y a pas de photographies. Il n'y a aucune information obtenue auprès des

5 habitants de la région.

6 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais il est clair que la photo émane

8 de la base de données de l'IMG. Donc, nous savons quelle est la source de

9 cette information. Peut-être que vous souhaitez faire valoir que

10 l'Accusation ne s'est pas préoccupée de nous communiquer cette base de

11 données. C'est peut-être un argument que vous pouvez avancer dans le cadre

12 de vos plaidoiries. Je ne vois pas où vous voulez en venir avec cette

13 question ?

14 M. BAKRAC : [interprétation] Justement, je ne sais pas comment l'inspection

15 a été menée. Nous ne voyons pas l'église ou la mosquée. On ne pas vérifier

16 quel type de dégâts a été occasionné. Ceci n'apparaît pas sur la photo.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] M. Hannis va nous renvoyer sans aucun

18 doute à d'autres éléments de preuve concernant cette mosquée. Donc, vous

19 devez prendre en considération tout ce qui a été présenté en rapport avec

20 cela.

21 M. BAKRAC : [interprétation] Fort bien, Monsieur le Président. Je

22 souhaiterais maintenant demander l'affichage de la pièce P1788. Il s'agit

23 d'une photographie de la mosquée en question. Ou plutôt, excusez-moi. Mon

24 assistant vient de me faire remarquer qu'il s'agit de la pièce P1799. Est-

25 ce que l'on pourrait afficher ce document à l'écran grâce au système e-

26 court.

27 Q. Monsieur Riedlmayer, vous avez déclaré qu'il s'agissait du marché de la

28 mosquée à Vucitrn ?

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1 R. Oui.

2 Q. Cette photographie qui date d'avant la guerre, vous l'avez comparée

3 avec la photo que vous avez prise sur les lieux, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Je suppose que vous vous êtes efforcé de prendre la deuxième photo

6 depuis le même endroit que celui où avait été prise la première photo,

7 n'est-ce pas ?

8 R. Dans ce cas précis, j'aurais préféré le faire. En fait, j'ai eu de la

9 chance. Vucitrn est le premier site que nous avons visité au Kosovo. Je

10 n'ai reçu la photographie de M. Virmica que plusieurs jours après, lorsque

11 nous sommes allés à Prizren où il habite. Donc, il se trouve que grâce à un

12 heureux hasard, je dispose d'une photographie prise du même angle. Lorsque

13 je me trouvais sur les lieux, je ne possédais pas la photographie qui

14 datait d'avant la guerre.

15 M. BAKRAC : [interprétation] Pouvons-nous voir la page 2 de ce document.

16 Excusez-moi. Avant cela, je souhaiterais que l'on revoie la page

17 précédente. J'ai une autre question à poser à M. Riedlmayer.

18 Q. Monsieur Riedlmayer, on voit un bâtiment élevé de type résidentiel qui

19 se trouve à gauche de la mosquée. Vous avez indiqué qu'il s'agissait d'un

20 élément caractéristique, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Conviendrez-vous avec moi que ce bâtiment ainsi que la mosquée, ou

23 plutôt conviendrez-vous avec moi que le mur de droite est parallèle au mur

24 gauche de la mosquée ? En fait, les deux murs sont quasiment parallèles. La

25 mosquée se trouve à droite par rapport au mur de ce bâtiment, n'est-ce pas

26 ?

27 R. Le bâtiment de type résidentiel est bien à l'arrière. Il est situé à

28 une distance plus éloignée que la mosquée.

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1 Q. Monsieur Riedlmayer, si je me souviens bien, hier, en nous expliquant

2 ce que représentait la deuxième photographie, vous avez montré une entrée.

3 Est-ce que vous conviendrez que l'entrée de la mosquée se trouve face au

4 bâtiment qui, selon vous, est un élément caractéristique ?

5 R. Non. Si cette photographie était de meilleure qualité, vous

6 constateriez que la mosquée qui est un bâtiment a une entrée moderne qui a

7 été ajoutée. Cela se trouve juste en face de l'endroit où se tenait la

8 personne qui a pris la photo. Des deux côtés il y a des marches et le

9 minaret se trouve à droite de l'entrée.

10 M. BAKRAC : [interprétation] L'Huissier pourrait-il nous montrer maintenant

11 la page de ce document.

12 Q. Monsieur Riedlmayer, est-ce que vous reconnaissez ce que l'on voit à

13 l'arrière-plan ?

14 R. Oui.

15 Q. Conviendrez-vous que si nous avons établi sur la base de la photo

16 précédente que le mur de droite de ce bâtiment élevé est parallèle au mur

17 gauche de la mosquée, nous pourrons convenir que la mosquée se trouve en

18 dehors du cadre de cette photo ? Est-ce que vous êtes d'accord avec moi ?

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

20 M. HANNIS : [interprétation] Objection. Cette question n'a pas de

21 fondement. Nous ne savons pas quel appareil photo a été utilisé, quel est

22 l'angle de la photo, et cetera.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que la question est fondée.

24 R. Si nous examinons la photo numéro 1, nous constatons qu'elle a été

25 prise à quelque distance de là, au bas de la colline. En fait, nous sommes

26 plus près du bâtiment, ici. Il est très difficile de s'orienter dans ce

27 terrain vague. Mais si l'on revient à la photo précédente, donc la photo

28 numéro 1 dans ce jeu de photos, on voit que les éléments que j'ai pu

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1 identifier font partie de la fontaine d'ablutions, qui est distincte de la

2 mosquée. Il y a ce pylône qui se trouvait sur le site; il était carbonisé

3 d'un côté. Il y avait des décombres où on voyait de la peinture, des

4 sculptures. Je pense que ces éléments provenaient de la mosquée. Etant

5 donné que des engins de terrassement étaient passés par là, il était

6 difficile de reconnaître les éléments caractéristiques de ce site.

7 Outre la mosquée, on voit qu'il y a deux bâtiments moins élevés à l'arrière

8 qui venaient notamment du marché. Nous donnons le nom de la personne qui

9 nous a renseignés. Le marché avait été réduit en cendres et avait fait

10 l'objet de pillage au même moment, au moment où la mosquée a été incendiée.

11 Ces événements se sont déroulés simultanément. J'étais sur les lieux. Je

12 peux vous assurer qu'il n'y avait pas de mosquée à cet endroit en octobre

13 1999. Peut-être qu'elle a été reconstruite depuis.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac, pour nous aider à bien

15 comprendre les choses, est-ce que vous pourriez nous dire où vous voulez en

16 venir ?

17 M. BAKRAC : [interprétation] Hier, le témoin a reconnu la photo et a

18 indiqué l'endroit où se trouvait précédemment la mosquée. La Défense est

19 convaincue que les ruines indiquées par le témoin ne peuvent correspondre

20 au site, car il ressort clairement de la photo que la mosquée se trouve à

21 droite au bas de la route et que les ruines indiquées par le témoin comme

22 étant les ruines de la mosquée ne peuvent être les ruines de la mosquée, vu

23 l'endroit où elles sont situées.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous dites que la photographie est

25 quelque peu étrange et que la mosquée a pu être détruite, mais que les

26 ruines ne sont pas celles qui ont été examinées par le témoin; c'est ce que

27 vous nous dites ?

28 M. BAKRAC : [interprétation] Oui.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Merci.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux intervenir, s'il vous

3 plaît ? Si l'on se penche de plus près sur la photo qui date d'avant la

4 guerre, on voit la fontaine consacrée aux ablutions, qui se trouve à gauche

5 de la mosquée. Il y a des marches en béton à cet endroit. Peut-être que

6 j'ai confondu les marches menant à la fontaine consacrée aux ablutions sur

7 les photos datant d'avant la guerre avec les fondations de la mosquée. Mais

8 je peux vous assurer qu'à l'endroit où se trouvait précédemment la mosquée,

9 il n'y avait plus que des ruines, des décombres.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac, poursuivez.

11 M. BAKRAC : [interprétation]

12 Q. Monsieur Riedlmayer, est-ce que vous savez combien de monuments

13 historiques serbes ont été détruits après le départ des forces serbes du

14 Kosovo ?

15 R. Oui, et je les ai répertoriés dans ma base de données. Lorsque les

16 chiffres que j'ai cités et ceux cités par l'Eglise orthodoxe serbe dans sa

17 publication "Rasveta Kosovo," correspondent plus ou moins, donc 80. Sur ces

18 80 monuments, la moitié environ ont subi des dégâts légers ou ont été

19 vandalisés, et la moitié ont été complètement détruits, donc moins de 100

20 au total.

21 Q. Un peu moins de 100 monuments historiques culturels serbes ont été

22 endommagés ou détruits en présence de la KFOR, alors que ces monuments

23 étaient censés être protégés et alors qu'il n'y avait pas d'opérations de

24 combat au Kosovo ?

25 M. HANNIS : [interprétation] Objection.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir un

27 fondement ? Quelle est la pertinence de cette question par rapport à l'acte

28 d'accusation ?

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1 M. BAKRAC : [interprétation] Dans son rapport d'expert, le témoin a conclu

2 que l'attaque avait pour objet, semble-t-il, de détruire les monuments

3 culturels ayant une importance pour la population albanaise à l'époque où

4 la guerre faisait rage au Kosovo. En fait, je souhaiterais savoir si un

5 nombre équivalent de monuments ont été détruits à l'époque où il n'y avait

6 plus d'opérations militaires. Le témoin lui-même a dit que nombre de ces

7 monuments culturels et historiques étaient protégés par la KFOR. Dans

8 l'analyse que nous avons faite ultérieurement afin de déterminer si cela

9 s'inscrivait dans le cadre d'un plan commun, je pense qu'il faut garder

10 cela à l'esprit.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis ?

12 M. HANNIS : [interprétation] Je ne vois pas en quoi cela est pertinent.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et bien, si, cela me semble pertinent,

14 car Me Bakrac laisse entendre que nombre de documents ont pu être

15 endommagés alors qu'ils étaient gardés par les forces militaires. Cela

16 semble pertinent par rapport aux activités menées durant la partie

17 pertinente de l'année 1999. Voyons ce que le témoin a à dire à ce sujet,

18 ensuite nous verrons ce qu'il convient de faire de ces informations.

19 Maître Bakrac, poursuivez.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que vous pourriez répéter votre

21 question, s'il vous plaît.

22 M. BAKRAC : [interprétation]

23 Q. Ma question est la suivante : suis-je en droit de dire que la grande

24 majorité de ces sites culturels et historiques étaient gardés par les

25 membres de la KFOR, et que malgré cela ils ont été endommagés ou détruits ?

26 Vous-même avez indiqué qu'il était nécessaire de protéger ces monuments.

27 R. Oui. Lors de ma visite au Kosovo, j'ai essayé de bien faire comprendre

28 aux fonctionnaires avec lesquels nous nous sommes entretenus à Pristina,

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1 qu'il convenait de protéger ces sites isolés. Au cours du premier été qui a

2 suivi la guerre, au mois d'octobre lorsque nous nous sommes rendus sur les

3 lieux, les sites qui sont mentionnés dans les guides, donc le monastère de

4 Pec, les monuments de Prizren étaient gardés par les membres de la KFOR

5 dans les villages où se trouvaient encore des Serbes.

6 Les endroits où nous nous sommes rendus et où nous avons constaté que des

7 églises serbes avaient été dynamitées, se trouvaient dans des localités

8 rurales désertées par la population serbe juste après la guerre. Je suppose

9 que la KFOR avait ses priorités pour ce qui est de savoir où il convenait

10 de placer des gardes. A Drsnik, à Dolac, nous n'avons trouvé personne. Les

11 lieux étaient vides. En fait, nous avons risqué notre vie en gravissant les

12 ruines, alors qu'il aurait pu y avoir des mines terrestres à ces endroits.

13 Il n'est pas vrai de dire que ces monuments étaient tout le temps

14 gardés. Finalement, ils se sont rendu compte que le sujet était sensible et

15 ils ont commencé à placer des soldats devant chaque église qui était encore

16 debout et devant certaines églises en ruines. Comme vous le savez, il y a

17 eu des attaques même après cela.

18 Q. Monsieur Riedlmayer, il ne me reste plus qu'une question à vous poser.

19 Je suis sûr que la Chambre en sera ravie. Vous avez conclu que l'attaque

20 visait sans doute à détruire le patrimoine culturel de la population

21 albanaise. Est-ce que la majorité des monuments historiques et culturels du

22 Kosovo dataient de l'Empire ottoman ?

23 R. Je ne dirais pas cela. L'Empire ottoman a contrôlé le Kosovo pendant

24 plus d'un millénaire, jusqu'en 1912. Les bâtiments qui tiennent encore

25 debout sont les bâtiments les plus récents. Je dirais que pour ce qui est

26 des églises orthodoxes qui tiennent encore debout, la plupart d'entre elles

27 datent du XXe siècle, certaines du Moyen-Âge.

28 Q. Monsieur Riedlmayer, apparemment, nous nous sommes mal compris. Vous

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1 parlez de 600 mosquées. Est-il exact de dire que plus de la moitié d'entre

2 elles datent de l'époque de l'empire Ottoman, l'époque turque ? Nombre de

3 celles qui ont été endommagées remontent à cette époque, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Monsieur Riedlmayer, est-ce que le patrimoine ottoman n'est pas

6 également le patrimoine des Serbes, des Albanais, des Turcs, des Egyptiens

7 et de tous ceux qui habitaient dans la région, et qu'il n'y a pas eu de

8 destruction occasionnée à ces bâtiments avant le début de la guerre ?

9 R. Bien évidemment, la totalité de l'architecture du Kosovo, cela

10 constitue le patrimoine commun de tous ceux qui vivent sur place. Mais il y

11 a certaines communautés, bien évidemment, qui ont des relations plus fortes

12 avec cette partie du patrimoine. Les pratiquants de la religion orthodoxe

13 qui, pour l'essentiel, sont des Serbes, attachent une grande importance au

14 patrimoine orthodoxe. De même, les Albanais sont très attachés à leur

15 propre patrimoine islamique ou catholique. C'est un fait, un fait que la

16 division ethnique dans les Balkans suit des lignes de division religieuses.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pouvez-vous m'indiquer, je vous prie,

18 Monsieur Bakrac, où on peut trouver cette conclusion dans le rapport ?

19 M. BAKRAC : [interprétation] Page 6, Monsieur le Président. Je crois

20 d'ailleurs que c'est la même page dans la version en anglais. Cela commence

21 par la mention suivante : "Trois des quatre centres urbains conservés au

22 Kosovo ont connu des dégâts très importants au cours du printemps 1999."

23 C'est la dernière phrase dans ce paragraphe.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Ensuite, on peut lire : "Les

25 monuments religieux associés à la population albanaise du Kosovo," et

26 cetera.

27 Il faut bien se souvenir qu'ici, on est en train de parler du chef 5, c'est

28 un chef de persécutions, et il ne s'agit pas tant de culture que de

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1 religion, en l'occurrence.

2 M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai plus de

3 questions.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

5 Maître Fila.

6 Contre-interrogatoire par M. Fila :

7 Q. [interprétation] Monsieur Riedlmayer, je m'appelle Toma Fila. Avec mon

8 collègue Me Petrovic, j'assure la Défense de M. Sainovic. Je vais vous

9 poser des questions qui ne dureront pas très longtemps. Si vous me répondez

10 brièvement, on en aura vite fini.

11 J'ai l'impression que vous avez un peu précipité ces recherches, que vous

12 avez été un peu vite en besogne. Je ne vois pas d'autre manière d'expliquer

13 cette division que vous dites avoir vue dans le patrimoine culturel, que

14 vous avez abandonnée finalement au profit de sources secondaires. Je ne

15 sais pas si le Tribunal acceptera ou pas. Est-ce qu'il y a des raisons à

16 cela ? Bien entendu, je reconnais que vos recherches étaient tout à fait

17 louables, vous avez eu tout à fait raison de les mener, mais est-ce qu'il y

18 a une raison qui explique que vous ayez abandonné la chose ? Parce que

19 cette impression, je ne peux m'empêcher de la ressentir.

20 R. D'abord, comme je l'ai dit précédemment dans mon rapport, l'une des

21 raisons pour lesquelles ce projet a été mené, c'est parce qu'il y avait la

22 guerre au Kosovo et que la guerre arrivait. S'il fallait déterminer la

23 nature des dégâts pour quelque objectif que ce soit, que ce soit pour le

24 Tribunal ici ou pour la reconstruction et la préservation de ce qui pouvait

25 encore être sauvé, il était absolument essentiel de réunir des informations

26 aussi rapidement que possible avant l'arrivée de l'hiver.

27 En effet, si des bâtiments sont en ruines, remplis de décombres, et

28 si la neige tombe et le gel s'installe, à ce moment-là, cela risque de

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1 repousser les murs vers l'extérieur. Au bout de quelques saisons, ce qu'on

2 aurait pu sauver ne peut plus être sauvé. C'est une des raisons pour

3 lesquelles nous ne disposions que d'un mois pour accomplir notre mission.

4 Nous avons fait ce que nous avons pu. Nous avons essayé d'utiliser notre

5 temps de la manière la plus efficace possible. C'est ainsi que, par

6 exemple, pour les sites orthodoxes, nous avons inspecté les sites

7 orthodoxes pour lesquels l'Eglise orthodoxe n'avait pas de photographies.

8 De même, pour les sites albanais, nous nous sommes rendus sur les

9 sites qui étaient le plus menacés et qui aussi étaient accessibles.

10 Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question.

11 Q. Excusez-moi, mais il faut que je vous interrompe. Il est manifeste que

12 vous n'avez pas bien compris. Je ne vous reproche pas d'être allé à

13 certains endroits; je vous reproche de ne pas être allé partout. Vous dites

14 que vous avez dû agir très rapidement à cause des conditions climatiques,

15 et cetera. Cela, vous n'avez nullement besoin de m'en convaincre, vous

16 prêchez un convaincu.

17 Ce que je voulais savoir, c'est pourquoi vous avez dû en terminer aussi

18 rapidement et pourquoi il y a certaines localités où vous ne vous êtes même

19 pas rendu et que pour ces localités, vous vous êtes servi de sources

20 secondaires, comme par exemple, M. Bajgora. Je ne dis nullement que ces

21 sources ne sont pas dignes de foi, mais je voudrais savoir pourquoi vous ne

22 vous êtes pas rendu sur place, pourquoi vous n'avez pas pris de

23 photographies sur place. Qu'est-ce qui vous en a empêché ?

24 R. Comme je l'ai dit précédemment, l'hiver s'approchait. Nous avons mené

25 ces recherches en octobre. Dans cette partie des Balkans, les premières

26 neiges tombent en novembre.

27 Deuxièmement, il faut savoir que nous avions des ressources financières

28 limitées et nous voulions les utiliser au mieux. Nous avons fait deux

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1 visites de suivi par la suite au Kosovo pour essayer de remplir certains

2 blancs, et ceci, en 2000 et en 2001.

3 Q. La raison pour laquelle je vous pose cette question, c'est que j'ai le

4 sentiment que le fait que vous ayez mis un terme de façon aussi précipitée

5 à votre mission, c'est l'arrestation de M. Milosevic, et que le Procureur,

6 l'Accusation vous a demandé d'en terminer au plus vite pour joindre votre

7 rapport à l'acte d'accusation. C'est le sentiment que j'ai. Si je me

8 trompe, ne le prenez pas personnellement, mais c'est l'impression que j'ai.

9 R. M. Milosevic était bien la dernière personne à qui l'on pensait. A

10 partir de 1999, l'idée qu'il puisse être renversé, arrêté et transféré au

11 Tribunal, c'était quelque chose de très possible, si bien qu'en 2000 et en

12 2001, ce sur quoi nous nous sommes concentrés, c'était le deuxième objectif

13 de cette étude, à savoir une aide à la reconstruction.

14 Q. Ce qui m'amène à ma question suivante. Dans ces conditions, pourquoi

15 vous n'avez pas poursuivi votre travail ensuite ? Parce que si vous l'aviez

16 fait, nous n'aurions même pas à vous poser les questions que nous sommes en

17 train de vous poser, les questions que vous a posées, par exemple, Me

18 Bakrac. Pourquoi avez-vous dit qu'il y avait des crimes commis par les

19 Serbes, et cetera. Pourquoi n'avez-vous pas poursuivi vos travaux au

20 printemps ? Parce que certes, la neige commence à tomber à un moment donné,

21 mais elle disparaît un peu plus tard.

22 R. La réponse est en partie une réponse financière puisque l'argent, c'est

23 la source de tous les maux, mais c'est également malheureusement aussi cela

24 qui nous permettait d'accomplir notre travail. Il faut savoir également

25 qu'en mai 2000, la MINUK avait mis en place un service chargé de la

26 culture, et nous partions du principe que la MINUK mènerait à bien sa

27 propre évaluation de la situation. Puis, au fil du temps, ce qui était

28 encore tout à fait manifeste en octobre 1999 le serait de moins en moins au

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1 fur et à mesure qu'on déblayerait les décombres et qu'on procéderait à des

2 reconstructions.

3 Nous avons essayé de suivre l'évolution de la situation au mieux, mais

4 l'essentiel de notre travail sur le terrain, la partie de ce travail que

5 nous estimions la plus importante a pris fin, ou plutôt a eu lieu au cours

6 de l'automne 1999.

7 Q. Merci. Permettez-moi de ne pas être d'accord avec ce que vous avez dit

8 au début de votre réponse, quand vous avez dit que l'argent est la clé de

9 tous les maux. Je dis cela parce que je suis avocat. Mais passons à autre

10 chose.

11 Quand vous avez quitté Harvard pour venir à La Haye vous entretenir avec un

12 représentant du bureau du Procureur, ce que je voudrais savoir -- je n'ai à

13 redire au fait que vous ayez parlé au représentant du bureau du Procureur,

14 mais pourquoi est-ce que vous n'avez pas consulté des bases de données au

15 Etats-Unis, dans votre pays natal ainsi qu'à l'OTAN pour constater ce qui

16 avait été bombardé, à quel moment, pour voir ce qui avait été filmé par

17 l'OTAN au Kosovo pendant les bombardements ?

18 Je suis désolé de vous poser cette question, mais c'est une question

19 que je ne peux pas poser au Procureur et c'est une question qui me

20 travaille depuis le début du procès Milosevic. L'OTAN nous a fourni des

21 photographies qui l'arrangent, et ces photographies, ce sont les mêmes que

22 vous avez utilisées.

23 Ma question est la suivante : pourquoi n'avez-vous pas sollicité

24 auprès de l'OTAN des photographies sur ce qui avait été bombardé et à quel

25 moment ? J'espère que ma question est claire. Je ne veux pas m'appesantir

26 sur cette question non plus.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que vous avez vous-même

28 répondu à la question, Maître Fila. Voyons voir si M. Riedlmayer peut y

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1 ajouter quoi que ce soit.

2 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

3 M. FILA : [interprétation] C'est un expert, Monsieur le Président. Ce n'est

4 pas un témoin comme les autres. Ce n'est pas quelqu'un que je pourrais

5 influencer même si je le souhaitais.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je serais ravi de rencontrer un expert

7 qui sache obtenir des éléments d'information ou des documents de l'OTAN.

8 Continuez, Monsieur Riedlmayer.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas la procédure que nous avons

10 suivie pour une simple raison. Nous, nous sommes partis sur la base de ce

11 qui nous était dit, de ce qui nous était affirmé. Tout ce qui était

12 affirmé, nous l'avons pris au sérieux, ce qui venait du gouvernement

13 yougoslave, le Livre blanc, l'Eglise orthodoxe serbe, les interviews des

14 réfugiés, et cetera. C'est de cette manière que nous avons travaillé.

15 S'agissant des gouvernements, des institutions militaires, comme l'a

16 dit le Président, ce ne sont pas des institutions qui ont l'habitude

17 partager les renseignements dont elles disposent avec des personnes

18 extérieures, donc nous n'avons jamais pris contact avec ces institutions.

19 M. FILA : [interprétation]

20 Q. Je le sais. Je sais parce que moi aussi j'ai essayé. La seule

21 question que je voudrais vous poser, c'est si vous avez essayé d'obtenir

22 ces informations. Je voudrais simplement savoir combien nous sommes à ne

23 pas avoir obtenu ces informations. Est-ce que vous êtes un des membres de

24 ce club, du club de ceux qui ont essayé d'obtenir des informations en

25 vain ?

26 R. Nous nous sommes servis de tout ce qui était public, comme vous avez pu

27 le constater, de tout ce qui avait été rendu public, mais nous n'avons pas

28 d'illusions. Nous ne pensions pas que si nous prenions contact avec eux,

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1 ils nous permettraient de consulter leur base de données.

2 Q. Ceci est vrai de l'OTAN, mais aussi de votre propre pays, les Etats-

3 Unis d'Amérique qui dirigent l'OTAN, si je ne me trompe ?

4 R. Nous n'avons eu aucun contact avec le gouvernement.

5 Q. Ma question suivante, c'est de savoir si vous avez jugé utile de vous

6 rendre à Paris, siège de l'UNESCO. Je vous pose la question, parce que vous

7 avez cité les propos de l'ambassadeur de la Yougoslavie auprès de l'UNESCO,

8 Mme Nada Perisic-Popovic, lorsqu'elle a exigé la restauration de bâtiments

9 dont elle affirmait qu'ils avaient été endommagés par les frappes aériennes

10 de l'OTAN. Je voudrais savoir si vous êtes entré en contact avec les

11 représentants de l'UNESCO, y compris l'ambassadeur de la Yougoslavie auprès

12 de l'UNESCO qui est à Paris.

13 R. Non. Oui, Nada Perisic-Popovic a fait une conférence de presse au

14 centre culturel à Paris, au centre culturel yougoslave. Cela a fait l'objet

15 d'un communiqué de l'agence France-Presse, et j'ai trouvé cela sur la base

16 de données LexisNexis.

17 Pour ce qui est des contacts éventuels avec l'UNESCO, avant de commencer

18 notre mission, nous nous sommes renseignés pour savoir s'ils envisageaient

19 une mission à l'UNESCO parce que nous ne voulions pas qu'il y ait doublon.

20 On nous a informés que non, ils n'avaient pas l'intention de le faire, et

21 ils nous ont également informés qu'ils n'avaient pas d'information directe

22 sur ce qui était en train d'advenir du patrimoine culturel du Kosovo.

23 Q. Ensuite, vous êtes allé à La Haye, et de La Haye, vous vous êtes rendu

24 directement au Kosovo. Où ? Quel itinéraire avez-vous emprunté ?

25 R. Nous sommes partis d'Amsterdam en avion jusqu'à Skopije, et de là, nous

26 avons continué notre voyage en voiture.

27 Q. Quand vous êtes arrivés à La Haye pour rencontrer les représentants du

28 bureau du Procureur pour obtenir des informations directes sur ce qui était

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1 en train de se passer au Kosovo, est-ce qu'il ne vous est pas venu à l'idée

2 d'aller à Belgrade ? Parce qu'il y a des avions aussi qui volent entre

3 Amsterdam et Belgrade. A l'académie des sciences, vous auriez pu obtenir

4 des informations supplémentaires, en particulier des informations relatives

5 au Livre blanc. Est-ce que vous avez fait de tels efforts ?

6 R. En premier lieu, nous ne sommes pas allés voir les représentants du

7 bureau du Procureur pour savoir ce qui était en train de se passer en

8 Serbie ou ailleurs. Non. Les seules informations qui nous ont été

9 communiquées par le bureau du Procureur, ce sont des informations qui

10 étaient relatives au protocole à suivre, aux procédures à suivre. A aucun

11 moment, on ne nous a dit ce qui était en train de se produire au Kosovo.

12 Jamais on ne nous a donné de consignes sur la manière dont nous devions

13 procéder, sur ce que nous devions trouver sur place.

14 Pour ce qui est maintenant de la Serbie, nous avons eu accès à toutes les

15 publications émanant du gouvernement serbe et du gouvernement yougoslave

16 qui font diligence pour publier tous ces documents, aussi bien sous format

17 électronique que sous format papier.

18 Q. En conséquence, vous avez estimé que vous ne pourriez obtenir aucune

19 explication supplémentaire de la part du gouvernement de la Yougoslavie

20 s'agissant de la manière dont avait été préparé ce Livre blanc que vous

21 avez cité. Vous avez estimé que c'était quelque chose dont vous n'aviez pas

22 besoin; c'est bien le cas ?

23 R. Oui, c'est exact.

24 Q. Ensuite, vous avez lu ce livre, le livre dont vous nous avez parlé

25 hier, un livre qui n'a pas été versé au dossier. Je n'en dispose pas en

26 anglais, mais je vous rappelle qu'hier, vous nous avez expliqué que les

27 autorités serbes vous avaient expliqué qu'à Gracanica, l'église de Notre-

28 Dame-de-l'Assomption avait été bombardée et endommagée, et vous-même et

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1 votre collègue, munis d'un appareil photo, vous avez établi que les

2 autorités serbes ne disaient pas la vérité; est-ce exact ?

3 R. Notre objectif n'était pas de disculper l'OTAN ou de montrer du doigt

4 le gouvernement de Belgrade. Ce que nous essayions de déterminer, c'était

5 quelles étaient les affirmations qui étaient confirmées par les faits ou

6 pas. Nous sommes allés sur place. A Gracanica, nous avons pris des photos.

7 Nous avons pris des renseignements auprès d'experts chargés de la

8 conservation des monuments. Nous avons également parlé aux moines, et les

9 informations relatives aux dégâts occasionnés à l'église avaient été

10 publiées sur le site Internet du ministère serbe de l'Information pendant

11 la guerre.

12 Q. Oui. Vous l'avez déjà dit hier. Inutile de se répéter. Nous n'avons pas

13 beaucoup de temps. Mon objection principale est la suivante : où, dans le

14 Livre blanc, avez-vous trouvé un passage où il est dit que le gouvernement

15 serbe a affirmé que le monastère avait été endommagé par une frappe

16 aérienne par l'OTAN ? Parce que personne n'a jamais rien dit de tel. Je

17 vais vous dire ce qui a été dit et je vais en donner lecture. Je cite :

18 "Dans la nuit du 30 mars, le village de Gracanica était bombardé pour la

19 troisième fois. Trois obus sont tombés à 500 mètres du monastère de

20 Gracanica." Voilà tout.

21 A aucun moment il n'est écrit dans ce rapport que Gracanica a été

22 endommagé, détruit ou quoi que ce soit, ce qui justifie que vous vous

23 rendiez sur place munis d'un appareil photographique pour déterminer qu'il

24 s'agissait là d'allégations erronées. Voilà ce qui en est pour Gracanica.

25 Jamais personne en Serbie n'a affirmé que l'OTAN ait détruit Gracanica.

26 Qu'avez-vous à dire à cela ? Vous nous avez dit une chose, et nous avons

27 constaté dans un texte écrit quelque chose de complètement différent. Je

28 signale que ceci se trouve à la page 226 du livre.

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1 R. Le Livre blanc n'a pas été la seule source dont je me sois inspiré pour

2 cela. Si vous consultez les notes de bas de page de mon rapport, vous

3 constaterez que j'y indique un certain nombre de sources, d'institutions

4 officielles de Belgrade qui ont lancé ce type d'allégations à plusieurs

5 reprises. S'agissant de Gracanica, je me souviens d'images un peu floues

6 publiées sur des sites du ministère de l'Information serbe, images qui

7 montraient des fragments de munition qui s'étaient fichés dans les murs. Je

8 me souviens très bien que dans ce prétoire même où nous sommes aujourd'hui,

9 l'un des amis de la Chambre qui aidait à la Défense de M. Milosevic a

10 essayé de démontrer que des peintures étaient tombées des murs et que

11 l'église, la décoration historique de l'église avait été endommagée.

12 Q. Oui, mais endommagée suite à un choc. Cela, c'est quelque chose de

13 complètement différent. Hier, en parlant du Livre blanc, vous avez déclaré

14 que le gouvernement yougoslave aurait affirmé dans ce Livre blanc que

15 Gracanica avait été endommagé. Or, j'ai dit que ce n'était pas le cas, et

16 vous avez confirmé effectivement que ce n'était pas le cas. Ou bien, est-ce

17 que je donne lecture d'un livre qui est erroné ? Ne me dites pas ce qu'ont

18 dit d'autres sources. Montrez-moi simplement le passage du Livre blanc où

19 le gouvernement affirme que l'alliance de l'OTAN a incendié, endommagé,

20 bombardé, que sais-je encore, le monastère de Gracanica. L'endroit le plus

21 proche qui a été endommagé, c'est un lieu qui se trouve à 500 mètres au

22 moins du monastère. Ne me donnez pas d'autres sources; convenez simplement

23 avec moi que ceci ne figure pas dans le Livre blanc.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, dans le rapport, pouvez-

25 vous nous dire où il est indiqué que le Livre blanc est la source des

26 informations du témoin ?

27 M. FILA : [interprétation] Il l'a dit hier à l'audience. Il en a parlé

28 hier. C'est la raison pour laquelle je mentionne la chose.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

2 M. FILA : [interprétation] Je vais vous en donner lecture. Note de bas de

3 page 11 de son rapport. Je ne sais pas si vous parviendrez à trouver cette

4 note. On y mentionne le Livre blanc.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Certes, mais cette note de bas de page

6 n'a pas trait aux dégâts dont nous sommes en train de parler actuellement.

7 M. FILA : [interprétation] Hier, au cours de sa déposition, il a déclaré

8 que le monastère n'avait pas été endommagé, contrairement à ce qui avait

9 été affirmé.

10 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

11 M. FILA : [interprétation] Dans cette note de bas de page, on fait

12 référence au Livre blanc.

13 Q. Continuons notre lecture et notre étude de ces éléments. Vous avez

14 parlé du Patriarcat de Pec. Vous nous avez dit que c'était un monument très

15 important pour la Serbie. C'est un euphémisme, puisque c'est quand même le

16 berceau de toute notre culture. En tout cas, vous vous êtes rendu sur place

17 et vous avez dit que, contrairement à ce qu'affirmait le Livre blanc, ce

18 lieu n'avait pas été endommagé par une frappe aérienne de l'OTAN. C'est ce

19 que vous avez dit hier.

20 Q. Je n'ai pas dit que cela avait été touché. J'ai dit que cela avait été

21 endommagé, si l'on devait en croire le Livre blanc. Mais il n'avait jamais

22 été affirmé que le site avait été touché directement, mais qu'il y avait

23 des bombardements qui s'étaient déroulés à côté et qui avaient occasionné

24 des dégâts importants. Il y a des experts plus compétents que moi. Par

25 exemple l'Institut de conservation italien a réalisé une enquête et a

26 constaté qu'aucun des dégâts qu'il pouvait constater n'était dû à autre

27 chose qu'à une humidité qui remontait dans le bâtiment et un entretien

28 négligent du site.

Page 5591

1 Q. Je ne suis pas en train de polémiquer avec vous sur ce point. Je vous

2 dis simplement que rien de tel n'est indiqué dans le Livre blanc. Il est

3 indiqué dans le Livre blanc : "Dans la nuit du

4 31 mars, pendant les attaques de l'OTAN, le réservoir d'eau a été touché,

5 celui qui se trouve à 500 mètres du Patriarcat de Serbes."[comme

6 interprété]

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ralentissez, Maître Fila.

8 M. FILA : [interprétation] J'en ai terminé, mais je peux répéter.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous, nous en étions arrêtés au moment

10 où il était indiqué : "Le système d'approvisionnement en eau, c'est-à-dire

11 le réservoir ou la citerne, avait été touché à 500 mètres du Patriarcat de

12 Pec."

13 Est-ce que c'est là la totalité de ce que vous vouliez citer dans le

14 document ou dans le livre ?

15 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

16 M. FILA : [interprétation]

17 Q. C'est tout ce qui est dit au sujet du Patriarcat de Pec. Rien d'autre

18 n'y est dit ?

19 R. [aucune interprétation]

20 Q. [aucune interprétation]

21 R. J'ai essayé d'expliquer dans deux notes de bas de page de mon rapport

22 ce que je voulais dire par là. C'était dans le volume 2.

23 Q. Mais moi, je n'ai que le volume 1.

24 R. Dans le volume 2, il y est également question du patrimoine culturel,

25 et aux notes de bas de page 9 à 11 de mon rapport, tout à la fin du

26 rapport, vous verrez que j'évoque les sources yougoslaves. Je ne me suis

27 pas inspiré uniquement de ce que j'avais lu dans le Livre blanc.

28 [Le conseil de la Défense se concerte]

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1 M. FILA : [interprétation]

2 Q. Là où je veux en venir, c'est la chose suivante. Aussi bien pour

3 Gracanica que pour le Patriarcat de Pec, vous avez indiqué que vos

4 informations, vous les avez tirées du Livre blanc. Je dis que ce n'est pas

5 exact. Je n'ai rien d'autre à dire sur ce point. Voilà où je souhaitais en

6 venir.

7 Question suivante à votre intention --

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous passez à un autre sujet, le

9 moment est sans doute bien choisi pour faire la pause.

10 M. FILA : [interprétation] C'est ce que je viens de faire, passer à autre

11 chose.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons maintenant faire notre

13 deuxième pause. Monsieur Riedlmayer, vous pouvez quitter le prétoire.

14 M. FILA : [interprétation] Je n'ai qu'une seule question à poser.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je n'avais pas compris. Terminez-en

16 donc, Maître Fila.

17 M. FILA : [interprétation]

18 Q. Quand vous avez inspecté ce qui restait de la mosquée à Kosovska

19 Mitrovica - cela se trouve à côté d'un pont que tout le monde connaît du

20 côté serbe - enfin pour l'instant, je voudrais savoir si vous êtes allé

21 voir les autorités serbes ou si vous avez vu des autorités serbes lorsque

22 vous êtes allé voir ce qui restait de la mosquée. Est-ce qu'on vous a

23 empêché d'aller sur place ?

24 R. Je me trouvais avec un représentant de la MINUK à ce moment-là, et

25 personne ne m'a importuné.

26 Q. Fort bien. Exact, effectivement, puisque nous disposons d'information

27 de la part d'un témoin de l'Accusation, Mahmut Halimi, selon lesquelles il

28 y a là un charnier où des Serbes auraient enterré des Albanais. Est-ce que

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1 vous avez vu quoi que ce soit de semblable ou de correspondant ?

2 R. Non.

3 Q. Merci.

4 M. FILA : [interprétation] J'en ai terminé.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Riedlmayer, nous reprendrons

6 à 12 heures 50. Veuillez, je vous prie, quitter le prétoire en compagnie de

7 l'Huissier.

8 [Le témoin se retire]

9 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous reprendrons l'audience à 12

11 heures 50.

12 --- L'audience est suspendue à 12 heures 20.

13 --- L'audience est reprise à 12 heures 51.

14 [Le témoin vient à la barre]

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Aleksic.

16 M. ALEKSIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

17 Contre-interrogatoire par M. Aleksic :

18 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Riedlmayer. Je n'aurai que

19 quelques questions à vous poser.

20 D'abord, j'aimerais revenir sur un élément évoqué lors du contre-

21 interrogatoire de mes confrères. Au début de votre rapport, au paragraphe 2

22 plus précisément, sous-paragraphe 1, vous parlez de vos recherches sur des

23 bâtiments dont les dégâts lourds avaient été provoqués par des frappes

24 aériennes de l'OTAN. Sur ce point en particulier au paragraphe suivant,

25 vous dites qu'aucun signe de dommage ne pouvait être attribué à une frappe

26 ou une attaque aérienne dans les sites en question.

27 Ma question est de savoir quels sont les critères qui ont présidé à

28 cette conclusion.

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1 R. J'ai déjà expliqué nos critères, s'agissant de la description des

2 dommages. S'agissant de la cause de ces dégâts, bien entendu, les choses

3 sont un peu plus complexes, mais je peux vous donner des exemples précis.

4 Il y a eu notamment des allégations à propos de la mosquée de Pec. On en a

5 parlé au cours de l'interrogatoire principal, Barakli Xhamia, je crois, au

6 centre de Pec. On a dit que la mosquée avait été touchée par des frappes

7 aériennes. Nous nous sommes rendus sur place, et le dôme était intact. La

8 porte était calcinée, mais intacte. A l'intérieur, il y avait eu un

9 incendie fort, à tel point que les colonnes en marbre qui soutenaient la

10 corbeille ou la partie réservée aux femmes ainsi que les revêtements en

11 marbre à l'intérieur étaient abîmés et avaient fondu sous l'effet de la

12 chaleur. Pourtant, aucun signe ne montrait qu'il y avait eu des dégâts

13 provoqués par une explosion. Sans toutefois être expert militaire, je crois

14 qu'il est tout à fait raisonnable d'affirmer qu'il y avait eu un incendie

15 qui avait été allumé et que le feu n'était pas le résultat d'un

16 bombardement aérien.

17 Voilà donc le type d'observations que nous avons faites -- ou par

18 exemple les observations de l'église de Saint-Paraskeva à Drsnik. Là

19 encore, des allégations faisaient état de bombardement de l'OTAN. Or, en

20 regardant les photos, on voyait bien que le toit était intact, qu'il y

21 avait eu un petit incendie qui avait été allumé à l'intérieur du bâtiment

22 et qu'il y avait eu des graffitis sur les murs. Là encore, ce n'est pas le

23 type de dégâts auxquels on peut s'attendre après un bombardement aérien.

24 Q. Merci, Monsieur Riedlmayer. Vous l'avez dit et vous venez de le

25 répéter, vous n'êtes pas un expert militaire. Toutefois, en réponse aux

26 questions de Me Bakrac, vous avez dit ne pas vous y connaître en

27 projectiles et en armes. Ma question est la suivante : n'avez-vous pas

28 envisagé la possibilité qu'un projectile puisse entrer dans un bâtiment par

Page 5596

1 le côté plutôt que par le toit ? Je ne parle pas nécessairement de ce site

2 en particulier. C'est une question que je pose en termes généraux.

3 R. La seule chose que je puisse faire, c'est de vous parler des sites que

4 nous avons inspectés. Dans ces deux cas-ci, nous n'avons relevé aucun signe

5 de dégâts occasionnés par une explosion, ce à quoi on peut s'attendre

6 lorsque cette explosion résulte d'un projectile. Je crois qu'il y a un type

7 de dégâts particuliers qui accompagnent ce genre d'événement. Je crois

8 qu'il s'agit simplement de faire preuve de bon sens, sans toutefois être

9 expert technique en munitions ou en projectiles, pour tirer certaines

10 conclusions.

11 Q. Merci, Monsieur Riedlmayer. Vous parlez de bon sens. Or, l'un des sites

12 mentionnés dans ce premier paragraphe, c'est l'église catholique de Saint-

13 Antoine à Djakovica. Vous en avez parlé hier et vous en avez reparlé

14 aujourd'hui au cours du contre-interrogatoire mené par Me Bakrac. Je suis

15 désolé de ne pouvoir vous donner le numéro de page correspondant du compte

16 rendu, mais je crois qu'il est clair que le prêtre catholique vous a dit

17 que les dégâts occasionnés à la porte et aux fenêtres l'avaient été par une

18 bombe tombée du ciel, qui n'était pas tombée directement sur le bâtiment,

19 mais à proximité.

20 R. Non. Ce n'est pas ce qu'il m'a dit. Il m'a dit qu'ils avaient été

21 expulsés, que l'armée yougoslave avait occupé le bâtiment et que lorsqu'ils

22 étaient revenus, ils avaient trouvé le bâtiment endommagé. Puisqu'il

23 n'était pas présent, il n'était pas en mesure de me dire si ces dégâts

24 avaient été occasionnés par ceux qui se trouvaient à l'intérieur du

25 bâtiment ou par d'autres. Ceci vaut, je pense, pour tout autre dégât à des

26 biens occasionné à ce moment-là.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez bien attribué les dégâts aux

28 fenêtres à une explosion ?

Page 5597

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Il faut faire une distinction, ici. Il y a

2 l'église, un monument éminent construit au XIXe siècle --

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] -- et juste à côté, un rectorat moderne.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Les deux se trouvaient à proximité de la base

7 militaire yougoslave. Ce que m'a dit le prêtre, c'est qu'avant le

8 bombardement, à peu près une demi-heure avant, l'armée est venue et l'a

9 expulsé ainsi que les religieuses, expulsé des lieux. Une fois l'action en

10 question terminée, les seuls dégâts subis par l'église se sont limités à

11 quelques fenêtres brisées. Dans le cas du rectorat ou du presbytère, il y

12 avait eu vandalisme et pillage.

13 L'allégation qui m'a amené à inspecter les lieux, c'est une

14 allégation selon laquelle le bâtiment de l'église avait été touché par des

15 bombardements de l'OTAN. En fait, il n'y avait aucun dégât. Je suis entré.

16 J'ai examiné l'extérieur et le bâtiment avait l'air en bon état.

17 Il y avait une autre église qui se trouvait à quelque

18 200 mètres de là, un peu plus loin dans la rue, qui était tombée en

19 désuétude. Ils planifiaient de reconstruire ou de rénover le lieu. Cet

20 endroit semblait avoir subi certains dégâts liés à des bombardements, mais

21 aucune allégation n'a jamais été formulée à l'égard de ce bâtiment-ci par

22 une quelconque des parties.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez dit plus tôt qu'il y avait

24 eu des fenêtres -- je croyais que dans l'église, les fenêtres avaient --

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, les fenêtres avaient sauté.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, sauté.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est bien celle-là ?

Page 5598

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Merci.

3 Maître Aleksic.

4 M. ALEKSIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

5 Q. Au paragraphe 2.2 de votre rapport, vous mentionnez "kulla" et la

6 destruction, ou plutôt, des tours, et que ces tours étaient la principale

7 cible d'attaque et qu'elles étaient parfaites en tant que bases d'activités

8 militaires pour l'UCK, n'est-ce pas ?

9 R. Ceci a déjà été abordé dans le cadre du contre-interrogatoire de

10 M. Milosevic. Il a affirmé la même chose. J'ai répondu que ces "kulla",

11 dont la plupart avaient été construites avant la Première Guerre mondiale,

12 effectivement avaient été utilisées comme refuges lorsque les conditions

13 d'insécurité régnaient, lorsque notamment des actions de vendetta étaient

14 engagées. C'est vrai qu'elles étaient une bonne défense contre les fusils

15 de chasse et les armes de petit calibre. Elles n'auraient pas tenu un seul

16 instant devant des armes modernes.

17 J'ai parlé au propriétaire d'un certain nombre de "kulla", qui m'ont

18 dit qu'ils avaient fui les flancs du relief qui se trouvaient au-dessus et

19 qu'ils avaient regardé la situation pendant que leurs "kulla" étaient en

20 train d'être détruites. Ils ont dit qu'un seul projectile avait suffi, que

21 le projectile avait visé le toit de la structure inflammable et que ceci

22 avait suffi à détruire toute la structure par le feu, structure qui s'était

23 ensuite effondrée. Par conséquent, face aux activités de guerre de la fin

24 du XXe siècle, ces "kulla" n'auraient servi absolument à rien.

25 Q. Bien. Je voudrais savoir si elles ne pouvaient pas être utilisées comme

26 abris de tirs. Je ne vous demande pas quoi que ce soit s'agissant du type

27 d'armes utilisées pour les détruire. Aux pages 28, 29 et 30 du compte rendu

28 d'hier, vous avez fait état de deux nouvelles références qui n'étaient pas

Page 5599

1 disponibles à l'époque, lorsque vous avez témoigné dans le procès de

2 Milosevic, et ce sont les publications de M. Krasnici et de M. Krunic.

3 Au cours de la journée d'hier, j'ai regardé ces publications. M.

4 Krasnici y dit que l'objectif principal de ces "kulla", c'était d'assurer

5 une défense, qu'elles faisaient deux ou trois étages de haut, qu'en général

6 le sol du rez-de-chaussée était fait de pierre et qu'au lieu de fenêtres,

7 ces petits bâtiments présentaient des ouvertures qui ressemblaient à des

8 meurtrières.

9 R. En général, ces structures servaient d'abris pour les gens et les

10 animaux. Comme de nombreux bâtiments très modernes en Europe, les animaux

11 et les gens vivaient sous un même toit. Les gens occupaient les parties

12 supérieures, les étages supérieurs qui avaient des fenêtres, tandis que les

13 parties inférieures étaient utilisées pour stocker les provisions et

14 servaient d'étables pour les animaux.

15 Puisque les "kulla" avaient également une fonction de défense, bien

16 entendu, il y avait des ouvertures également aux étages inférieurs, et

17 effectivement on aurait pu tirer de là. Mais le simple fait de leur

18 vulnérabilité les rendaient peu utiles, à mon avis, si l'on menait des

19 activités de guerre moderne. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre

20 question.

21 Q. Merci, Monsieur Riedlmayer. Je vais passer à autre chose. Dans votre

22 rapport, au point A2.3, page 19, vous faites état d'informations reçues de

23 la communauté musulmane du Kosovo et vous dites que dans certains cas, des

24 descriptifs oraux de la nature des dégâts ont été exagérés.

25 Vous dites également que les dates de construction données devraient

26 être prises avec des pincettes, puisqu'elles avaient souvent trait à la

27 date de la pose des fondations plutôt qu'à la date à laquelle la

28 construction se terminait. On vous a donné ces informations, mais elles

Page 5600

1 devaient être vérifiées; c'est cela ?

2 R. Oui. S'agissant de la destruction, ceci posait problème pour

3 toutes les communautés religieuses, y compris l'Eglise orthodoxe serbe. Ils

4 parlaient de destruction en termes généraux et ne disposaient pas d'une

5 terminologie très spécifique.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne crois pas qu'il faille élaborer

7 là-dessus, sur la question. Si le conseil a davantage de questions, il

8 pourra vous les poser, mais je crois que vous avez couvert très largement

9 la question hier.

10 M. ALEKSIC : [interprétation]

11 Q. Hier, au cours de l'interrogatoire principal, page 26, lignes 1 à 4 du

12 compte rendu, vous avez donné une réponse à une question de M. Hannis et

13 vous avez dit que manifestement, si un bâtiment était endommagé par un

14 projectile et qu'il y avait une forte explosion, ceci provoquerait des

15 trous dans les murs, des traces de balles sur les côtés et qu'il serait

16 donc logique de conclure que de tels dégâts n'avaient pas été occasionnés

17 en tant de paix.

18 De même, lorsque vous avez témoigné dans l'affaire Milosevic, vous avez

19 parlé de la mosquée de Djakovica. Page 26, lignes 18 et suivantes, vous

20 dites que le minaret était tombé et que vous aviez aperçu quelques impacts

21 ou quelques petits trous ronds dans cette structure. Pouvez-vous les

22 décrire ?

23 R. Je crois que je l'ai déjà fait. Ils faisaient, disons, 30, 40

24 centimètres de diamètre. Je ne peux pas vous donner de chiffre exact,

25 puisque j'étais en bas, et les toits en haut. Il y en avait à peu près

26 quatre ou cinq dans la partie du minaret, qui était toujours debout. La

27 partie supérieure du minaret au-dessus de la corbeille ou du balcon avait

28 été soufflée. C'est vrai que les trous qui se trouvaient là auraient pu

Page 5601

1 être faits par un projectile.

2 Q. Peut-être que je n'ai pas été suffisamment précis. D'après la première

3 partie du compte rendu d'hier, première partie que j'ai citée, vous auriez

4 aperçu des impacts de balles de toutes parts sur certains sites; ce n'est

5 pas exact ?

6 R. Sur certains sites, j'ai vu des bâtiments qui, effectivement, avaient

7 fait l'objet de tirs issus d'armes de petit calibre, mais c'était une

8 minorité des cas. On ne savait pas très bien si les bâtiments avaient été

9 pris entre deux feux ou si les dégâts étaient le résultat d'actes de

10 vandalisme. Je peux vous donner un exemple, l'exemple de Pec, lorsque j'ai

11 visité la mosquée, la mosquée qui avait brûlé.

12 Puisqu'il n'en était pas question dans les publications que j'avais à

13 disposition, j'ai essayé de trouver une inscription particulière, peut-être

14 pour savoir très précisément de quelle mosquée il s'agissait. J'ai trouvé

15 une inscription sur la fontaine à droite de la mosquée. Quelqu'un avait

16 abîmé l'inscription avec des balles. Il y avait des impacts de balles sur

17 l'inscription en arabe qui se trouvait sur la partie supérieure de la

18 fontaine. C'est juste quelqu'un qui avait ainsi exprimé sa colère, ce

19 n'était pas là des signes d'affrontement.

20 Q. Est-ce que sur d'autres sites, vous avez constaté des traces de balles

21 qui auraient pu être les conséquences d'opérations de combat ?

22 R. De mémoire, je ne peux pas vous donner d'exemple, mais certains

23 bâtiments ont été gravement endommagés, et on voyait effectivement des

24 traces de balles sur les murs. J'aurais besoin de me reporter à ma base de

25 données pour retrouver ces informations.

26 Q. Merci, Monsieur Riedlmayer. Une dernière question sur ce point. Dans le

27 cadre du procès Milosevic, page 2 684, lignes 21 et 22 du compte rendu

28 d'audience, vous avez déclaré, je cite : "Nous n'avons pas pu constater que

Page 5602

1 les mosquées avaient été touchées par des balles provenant d'armes de petit

2 calibre;" est-ce que c'est exact ?

3 R. Je n'ai pas le compte rendu sous les yeux, donc je ne peux pas vous

4 faire de commentaires. De façon générale, je peux vous dire que dans le cas

5 des mosquées que nous avons inspectées, qui avaient été endommagées, il

6 était inhabituel de voir des traces de balles provenant d'armes de petit

7 calibre. Si quelqu'un essaie, par exemple, de neutraliser un tireur

8 embusqué, la manière la plus efficace est de l'abattre.

9 M. ALEKSIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai pas

10 d'autres questions à poser.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître Aleksic.

12 Monsieur Visnjic.

13 M. VISNJIC : [interprétation] Pas de questions, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan.

15 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Pas de questions.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic.

17 M. IVETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

18 Contre-interrogatoire par M. Ivetic :

19 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Riedlmayer. Je m'appelle Dan Ivetic,

20 je suis l'un des avocats de M. Lukic en l'espèce. J'ai quelques questions à

21 vous poser. J'essaierai de les poser de façon rapide. Beaucoup de sujets

22 ont déjà été abordés, et nous avons des limites de temps.

23 Je veux d'abord vous demander la question suivante : vous avez dit

24 plusieurs fois que vous n'étiez pas un expert militaire --

25 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à Me Ivetic de ralentir.

26 M. IVETIC : [interprétation] -- je voulais accélérer les choses, mais tant

27 pis.

28 Q. On vous a posé des questions, et vous avez dit que n'avez pas

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1 d'expérience dans le domaine militaire. J'aimerais vous poser des questions

2 au sujet d'autres domaines qui me semblent pertinents en l'espèce.

3 Vous avez dit que vous n'aviez pas suivi de formation officielle dans le

4 domaine des enquêtes sur des lieux où des bombardements ou des incendies

5 ont eu lieu ?

6 R. Non, c'est exact. Je ne suis pas expert en incendie.

7 Q. En fait, vous n'avez pas consulté d'expert dans le domaine lorsque vous

8 étiez sur le terrain, n'est-ce pas ?

9 R. Non, mais ce que je peux vous dire, c'est que dans le cadre de mes

10 enquêtes au Kosovo et en Bosnie, j'ai vu personnellement des centaines de

11 sites. J'ai vu de nombreuses photos au sujet desquelles j'avais des

12 informations et une certaine expérience. J'ai également lu des ouvrages

13 spécialisés, donc dans une certaine mesure, j'ai construit ma propre

14 expérience, mais je n'ai pas de formation officielle dans le domaine.

15 Q. Qu'en est-il du génie civil ? Est-ce que vous avez une formation dans

16 ce domaine ?

17 R. Non, nous n'avons pas essayé de tester les structures, mais sur le

18 terrain au Kosovo, j'étais accompagné par M. Herscher, qui est un

19 architecte chevronné. Il a essayé de procéder à des évaluations concernant

20 certains édifices. Comme je l'ai dit, nous n'avons pas pu procéder à des

21 tests techniques.

22 Q. C'est un architecte, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Conviendrez-vous avec moi que pour décrire et tirer des conclusions en

25 tant qu'expert sur la manière dont ces bâtiments et ces mosquées ont été

26 endommagés, il vous faudrait avoir l'aide d'un expert en bombardement, en

27 incendie, en génie civil, comme il ressort des ouvrages spécialisés ?

28 R. C'est ce que nous aurions espéré de façon idéale, mais dans le cadre de

Page 5604

1 nos inspections sur le terrain, nos objectifs étaient beaucoup plus

2 modestes. Nous nous sommes contentés d'observer les bâtiments et

3 d'appliquer certains critères de base.

4 Q. Vous avez déjà parlé de ces objectifs modestes que vous vous étiez

5 fixés et des résultats obtenus, donc je ne vous poserai pas de questions

6 sur ce sujet.

7 Parlons maintenant des faits de la situation sur le terrain, de vos

8 connaissances et de votre expérience. Vous avez parlé de la Bosnie. Est-ce

9 que vous êtes toujours d'accord avec ce que vous avez dit dans le cadre du

10 procès Milosevic, page 2 714, lignes 18 à 21, à savoir que pour ce qui est

11 des Balkans, "ce qui motivait essentiellement la profanation et le pillage

12 des sites religieux était différent des motifs politiques. Il s'agissait

13 simplement de la cupidité humaine."

14 R. Je n'ai pas la référence sous les yeux, donc je ne connais pas

15 exactement le contexte. D'après ce dont je me souviens, il s'agissait du

16 fait que dans de nombreux cas, avant la destruction d'un site, ce dernier

17 était pillé. Par exemple, dans le cas de Vucitrn, la mosquée du marché

18 autour de laquelle se trouvait le bazar, tous ces commerces étaient reliés

19 à la mosquée avant que l'on y mette le feu. D'après ce qu'ont déclaré les

20 habitants du coin, les commerces ont été systématiquement pillés, puis

21 incendiés.

22 Lorsque les gens parlent d'idéologie, de haine interethnique, de soldats

23 incontrôlables, ce qu'ils oublient de mentionner, c'est le profit.

24 Q. Vous avez déjà répondu à ma question. Je voulais vous demander si vous

25 étiez d'accord pour dire que cela s'appliquait au Kosovo-Metohija. D'après

26 votre réponse, vu l'exemple que vous avez fourni, vous êtes d'accord pour

27 dire que la cupidité et le profit sont également un motif ?

28 R. Tout à fait.

Page 5605

1 Q. Sur la base de mon interprétation de votre déposition dans le cadre du

2 procès Milosevic, vu le compte rendu d'audience, j'ai cru comprendre qu'à

3 ce moment-là, lorsque vous avez été contre-interrogé, vous avez appris pour

4 la première fois que certaines informations, notamment concernant

5 Djakovica, provenaient de membres de l'UCK, notamment un certain Petrik

6 Domi, qui était membre de la 24e Brigade de l'UCK.

7 Depuis le procès Milosevic, est-ce que vous avez procédé à des

8 vérifications afin de savoir si certains de vos informateurs ou certaines

9 de vos sources avaient des liens potentiellement compromettant avec l'UCK ?

10 R. La photographie dont vous parlez a été présentée dans le prétoire. On

11 pouvait y voir le marché de Djakovica en feu. Ce n'est pas M. Domi qui me

12 l'a donnée directement. En fait, je l'ai obtenue auprès de l'agence de

13 presse qui l'a distribuée en 1999. Il s'agissait simplement d'un élément de

14 preuve parmi d'autres concernant la destruction du bazar. Donc, même si

15 vous mettez cet élément de côté, je ne pense pas que cela changera en quoi

16 que ce soit mon évaluation. Il appartient aux Juges de la Chambre de se

17 prononcer sur la question.

18 Je n'ai reçu que de rares photos provenant de personnes. La plupart

19 provenaient de communautés religieuses ou d'autres sources

20 institutionnelles, mais toutes les personnes concernées sont nommées.

21 Q. [aucune interprétation]

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La personne qui vous a fourni cela,

23 son nom est mentionné en rapport avec l'un des sites, n'est-ce pas ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] En fait, il s'agit de la source de l'une des

25 photos concernant le marché en flammes. C'est un habitant de Djakovica. Il

26 affirme avoir pris cette photo au moment où le marché était en feu.

27 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

28 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

Page 5606

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez parlé de Reuters, n'est-ce

2 pas ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Cela provenait d'une agence de presse.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

5 M. IVETIC : [interprétation]

6 Q. Afin de préciser un point abordé par M. Hannis hier, vous avez parlé de

7 "kulla". M. Hannis vous a demandé si dans les propriétés familiales, comme

8 il les appelle, si ces propriétés familiales étaient des "kulla". Ai-je

9 raison de dire que certaines de ces propriétés familiales sur le territoire

10 du Kosovo-Metohija sont des "kulla" et d'autres sont de simples lieux de

11 résidence ?

12 R. Oui. A la campagne, les Albanais, tout comme les Serbes dans une

13 certaine mesure, habitaient avec leur famille élargie. On appelle cela des

14 zadrugas, dans les Balkans. Ces lieux sont construits sous forme de

15 complexes, d'enceintes où se trouvent plusieurs maisons entourées d'un mur.

16 Au Kosovo occidental et au Kosovo septentrional, c'est là que se trouve la

17 majorité de ces "kulla". Les propriétés familiales peuvent se trouver

18 n'importe où au Kosovo. Il s'agit surtout de bâtiments modernes.

19 Q. Sans avoir examiné toutes les preuves évoquées par M. Hannis, vous ne

20 pouvez pas nous dire si ces propriétés étaient véritablement des "kulla",

21 n'est-ce pas ?

22 R. Les "kulla" sont mentionnés dans la littérature. Par exemple, dans la

23 vieille ville de Decani, il n'y avait presque rien que des "kulla", comme

24 dans la ville de Junik. Il y avait des villages entiers composés presque

25 exclusivement de "kulla". Dans d'autres endroits, il est inhabituel de voir

26 des "kulla", par exemple au sud du Kosovo.

27 Q. Excusez-moi, je dois ralentir. Vous parlez en anglais vous aussi, donc

28 je dois ménager une pause après vos réponses, sinon les interprètes auront

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1 du mal à vous suivre.

2 Est-ce qu'il vous semblerait normal qu'une personne parlant d'une propriété

3 de ce genre se serve du terme "kulla" ? Est-ce que c'est pour faire la

4 différence entre les "kulla" et les zadrugas ?

5 R. Zadruga, c'est le terme utilisé pour désigner la famille élargie. Ce

6 n'est pas le nom du bâtiment.

7 Q. [aucune interprétation]

8 R. Les familles élargies peuvent habiter dans des bâtiments modernes. Je

9 ne peux pas commenter les propos tenus par un témoin. S'il s'agissait d'une

10 "kulla", on le dirait. Mon étude ne portait pas sur ceci. Elle s'est

11 attachée simplement au nombre de "kulla" au Kosovo, que les experts

12 estiment au nombre de 500; 90 % environ de ces "kulla" ont été détruites en

13 1998 et 1999, ce qui paraît une proportion importante. Ceci est confirmé

14 par les études menées par la MINUK, qui a conclu que dans la municipalité

15 de Decani, par exemple, sur les 260 "kulla" et quelques qui s'y trouvaient,

16 230 avaient été endommagées ou détruites.

17 Q. Excusez-moi de vous interrompre. J'essaie de finir pour laisser du

18 temps à l'Accusation pour ses questions supplémentaires. Excusez-moi. Vous

19 avez déjà parlé de façon détaillée du fait que ces "kulla" étaient parfois

20 utilisées pour les opérations de combat. S'agissant du fait que vous vous

21 êtes entretenu avec certaines personnes qui vous ont dit que les "kulla"

22 avaient été endommagées ou détruites, j'aimerais vous poser la question

23 suivante : est-il exact de dire que vous ne pouvez pas exclure le fait que

24 dans certains cas, les informations étaient erronées et servaient des

25 objectifs de propagande pour l'UCK et qu'il s'agissait de protéger l'UCK ?

26 R. Je ne peux rien exclure étant donné que les déclarations que j'ai

27 recueillies n'étaient pas faites sous serment. Je peux vous dire que dans

28 certains cas - je parle notamment du village de Gornje Streoce situé entre

Page 5608

1 Decani et Pec, Gornje Streoce, S-t-r-e-o-c-e - les "kulla" ne portaient pas

2 de traces de balles et avaient été réduites en cendres, ce qui semblait

3 correspondre à ce qui m'avait été dit.

4 Q. Hier, nous avons examiné des extraits de votre rapport concernant un

5 certain nombre de sites. Sur la base de mon estimation approximative, je

6 dirais que la majorité de ces sites, environ sept ou huit -- des

7 informations concernant ces sites proviennent de Sabri Bajgora et de la

8 base de données de l'IMG. Ai-je raison de dire que cette base de données de

9 l'IMG ne comporte aucune information concernant la manière dont un édifice

10 avait été endommagé ? Il s'agit simplement de l'ampleur des dégâts et des

11 coûts de réparation.

12 R. Oui.

13 Q. La majorité des informations concernant la manière dont ces structures

14 avaient été endommagées provenaient de Sabri Bajgora, n'est-ce pas ?

15 R. Les informations concrètes sur les dates ou les auteurs de ces méfaits

16 provenaient de lui.

17 Q. [aucune interprétation]

18 R. S'il est indiqué qu'apparemment le bâtiment a été incendié, cette

19 information peut provenir de moi-même.

20 Q. En ce qui concerne la communauté islamique dirigée par M. Bajgora, vous

21 ne savez pas si celle-ci a procédé à des entretiens, ou si elle s'est

22 appuyée sur des récits reliés par les médias ?

23 R. S'il s'agissait de récits provenant des médias, je suppose que s'il

24 s'agissait de médias étrangers, j'aurais vu ces reportages. Ce que je sais,

25 sur la base de mes entretiens avec M. Bajgora, c'est qu'en juillet, août et

26 septembre, donc dans les trois mois qui ont suivi la fin de la guerre, il a

27 dit qu'il se trouvait tout le temps sur le terrain, qu'il a rendu visite à

28 différentes communautés islamiques, qu'il a pris des photos, qu'il a

Page 5609

1 rassemblé des informations sur ce qui s'était passé, ce qu'il est advenu

2 des biens pendant la guerre. Donc, il a fait ce travail de terrain. Dans

3 quelle mesure il a étayé ces informations en consultant d'autres sources ?

4 Je ne sais pas.

5 Q. [aucune interprétation]

6 R. Mais je suppose qu'il s'agissait d'informations directes. Il s'est

7 entretenu avec les gens du coin.

8 Q. Vous nous dites que si cela avait été mentionné dans les médias, vous

9 l'auriez vu, mais pour plusieurs sites, vous avez reçu des informations de

10 M. Bajgora et vous vous êtes également inspiré d'articles de presse. S'il

11 apparaît que M. Bajgora a utilisé ces mêmes articles de presse pour en

12 arriver à ses conclusions, on ne peut pas dire que ces articles de presse,

13 ils confirment les affirmations de M. Bajgora.

14 R. Oui, effectivement. C'est une façon d'interpréter la chose. Le fait est

15 que dans les cas où j'avais des rapports de presse ou des articles de

16 presse, cela se limite à certains sites qui étaient particulièrement

17 connus, tristement connus et qui ont attiré l'attention de médias

18 internationaux. Vu les circonstances qui existaient au Kosovo tout de suite

19 après la guerre, je doute que M. Bajgora et son groupe aient pu être en

20 relation aussi étroite que cela avec la presse internationale. Puisqu'il

21 n'y avait pas d'électricité, les lignes téléphoniques ne fonctionnaient

22 pas. A Pristina, il y avait un seul café Internet qui exigeait des tarifs

23 exorbitants.

24 Q. J'aimerais vous poser des questions au sujet d'un site en particulier,

25 celui de Rogovo, la mosquée Xhamija. Vous vous y êtes rendu avec M.

26 Herscher. Pièce P1784.

27 Vous décrivez les dégâts occasionnés, et à la dernière ligne, vous

28 dites : "Opération du MUP le 29 juillet 1999 au cours de laquelle 24

Page 5610

1 Albanais ont été tués."

2 Or, on ne parle pas de Sabri Bajgora, on ne parle pas des articles de

3 presse. Dans la déclaration de votre informateur qui est un commerçant dont

4 vous ne donnez pas le nom, on ne parle pas de ce qui s'est passé en janvier

5 1999.

6 R. Cet incident, on en a beaucoup parlé à l'époque, mais j'ignorais

7 totalement ce qu'ils allaient inclure dans l'acte d'accusation définitif.

8 J'ai simplement inclus cette information pour dire : "Voilà ce que j'ai

9 trouvé, si cela peut vous intéresser." La destruction de la mosquée s'est

10 produite après.

11 Q. Oui. C'est ce que vous dit votre informateur, en tout cas. Vous

12 l'avez inclus ici uniquement pour aider l'enquêteur dans ses autres

13 enquêtes, et cela ne fait pas partie du mandat qui vous avait été confié au

14 départ.

15 R. J'ai inclus cela au dernier moment.

16 Q. D'accord, je comprends. Pour chacun des incidents que nous avons

17 passés en revue au cours des deux derniers jours avec des dégâts

18 occasionnés à certains sites, vous ne pouvez exclure absolument la

19 possibilité ou le fait que si ces actes ont été commis intentionnellement,

20 les dégâts peuvent être une réaction spontanée qui s'explique par la

21 colère, la fureur ou la cupidité des habitants serbes de l'endroit pour

22 répondre aux attaques de l'OTAN ou de l'UCK, n'est-ce pas ?

23 R. Non, je peux l'exclure.

24 Q. Dans beaucoup des incidents qui ont été documentés avec articles de

25 presse, déclarations d'informateurs, et cetera, on peut dire que la plupart

26 de ces incidents, peut-être même presque tous, se sont déroulés après le

27 début des attaques de l'OTAN, n'est-ce pas ?

28 R. Je ne peux pas répondre à cette question.

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1 Q. En réalité, lorsqu'il y avait les ressources nécessaires -- enfin, je

2 reprends. Saviez-vous que lorsqu'il y avait suffisamment d'effectifs et de

3 moyens, les autorités serbes ont essayé de protéger les sites religieux

4 islamiques de la réaction de la foule incontrôlée, pendant les

5 bombardements de l'OTAN ?

6 R. Je n'en avais pas connaissance.

7 Q. Est-ce que vous avez entendu parler de la mosquée de Prizren ? Est-ce

8 que vous avez pris des renseignements à ce sujet ? Est-ce que vous saviez

9 que c'était au Kosovo-Metohija, cette mosquée de Prizren, un lieu central

10 très important ?

11 R. Oui. C'est la mosquée de Sinan Pasha.

12 Q. Savez-vous que la police de Prizren a fait monter la garde par ses

13 hommes devant cette mosquée pour en empêcher toute attaque par la foule de

14 l'endroit ?

15 R. Je n'en ai pas entendu parler, mais j'ai entendu dire qu'au cours de la

16 guerre, les prières à la mosquée et l'appel à la prière, tout cela a été

17 interdit à Prizren. C'est M. Virmica qui l'a dit. Il habite là-bas. Mais il

18 ne m'a jamais parlé d'autre chose. Il ne m'a jamais parlé de gardes.

19 Q. Hier, quand vous nous avez parlé d'une photographie que vous avez

20 achetée à un journaliste dont j'oublie le nom - mais c'est quelque chose

21 qui a trait à Pristina - vous avez déclaré sous serment que le 15 juin

22 1999, quelques heures avant l'arrivée des unités de la KFOR sur place, la

23 bibliothèque islamique, me semble-t-il, a été incendiée par la police serbe

24 qui est entrée dans le bâtiment et s'est enfuie ensuite en courant.

25 Aucune source ne nous est communiquée. Cela ne figure dans aucune

26 pièce qui est jointe à votre rapport. D'où tenez-vous cette information ?

27 Est-ce que c'est du journaliste qui vous a vendu ces photographies ?

28 R. C'est un autre article de presse qui figure dans ma base de données,

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1 mais cela ne figure pas dans la partie de ma base de données qui a été

2 versée au dossier. Le photographe, c'était un photographe de Reuters, Oleg

3 Popov, mais ce n'est pas à lui que j'ai acheté ces photographies. Cela

4 venait des archives de Reuters.

5 Q. Savez-vous que c'est le 12 juin 1999 que les premiers contingents de la

6 KFOR sont arrivés à Pristina ?

7 R. Il est peut-être possible que je me sois trompé. D'ailleurs, je l'avais

8 dit même dans le prétoire parce qu'en fait, je me reposais sur mes

9 souvenirs. En tout cas, l'incendie des archives islamiques - parce que

10 c'est bien cela, ce dont il s'agit - c'est là où il y avait le cadastre de

11 la communauté islamique, toutes sortes de documents de ce type. Cet

12 incendie, il a eu lieu quelques heures avant l'arrivée de la KFOR à

13 Pristina. Je ne me bats pas pour le dire. Sur une seule photographie, il y

14 a eu des images tournées par les médias, par CNN, la BBC, pour n'en citer

15 que quelques-uns. On a vu l'image ce bâtiment en flammes. Cela a été montré

16 par les nombreux journalistes qui sont arrivés avant la KFOR.

17 Q. On a vu des images où le bâtiment était en flammes, mais on n'a pas vu

18 les auteurs de l'incendie ?

19 R. Non, pas les auteurs de l'incendie, mais les reporters ont interviewé

20 des personnes qui avaient vu ceux qui avaient commis ces actes.

21 Q. Dans le cadre des entretiens que vous avez eus avec vos informateurs,

22 n'est-il pas exact que certaines personnes vous ont déformé la réalité, ont

23 essayé de faire reposer la responsabilité sur les Serbes, alors que les

24 dégâts occasionnés à certains sites l'avaient été autrement, et pas par des

25 Serbes ?

26 R. Oui, il y a au moins un exemple de ce type, mais cela n'avait pas trait

27 à des bâtiments. Il faut savoir qu'à Vucitrn, il y avait certaines pierres

28 tombales qui avaient été détruites, endommagées. Au début, quand j'ai parlé

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1 avec les habitants de l'endroit, certains d'entre eux m'ont dit : "Ce sont

2 sans doute les Serbes." Puis, quelqu'un a dit : "Non, non, ce n'est pas

3 vrai, cela s'est passé la semaine dernière." C'est une agence humanitaire

4 des Emirats arabes qui a dit que ces pierres tombales n'étaient pas

5 conformes à l'Islam. C'était une espèce de secte de fanatiques qui a

6 détruit, qui a fracassé ces pierres tombales. Voilà un exemple de cas où on

7 m'a donné des informations qui n'étaient pas justes. C'est le seul cas

8 d'ailleurs.

9 De même, à Djakovica, il y a aussi eu un cas où il y avait les fondations

10 d'une mosquée, un minaret, mais pas de mosquée. Quelqu'un a essayé de me

11 faire croire que cela avait été détruit pendant la guerre. Ensuite j'ai

12 demandé aux représentants de la communauté musulmane, et on m'a expliqué

13 que c'était "une vieille mosquée qui venait d'être détruite avant la

14 guerre" et qu'on avait l'intention de la reconstruire. Voilà les seuls cas

15 auxquels je peux penser maintenant.

16 Q. Reprenons le cas de Vucitrn, pour essayer de vous rafraîchir la

17 mémoire. Je crois qu'on pense à la même chose, mais peut-être d'une façon

18 différente.

19 Aujourd'hui, l'Accusation vous a présenté la pièce P2456. A la

20 cinquième page dudit document - et je dois dire que c'est un rapport qui

21 est issu de votre base de données qui parle de la mosquée de Gazi Ali Bej à

22 Vucitrn - on peut y lire la chose suivante : "Des vieillards rencontrés

23 dans la mosquée ont essayé de me faire croire que c'étaient les Serbes qui

24 avaient endommagé le cimetière, et plusieurs jeunes m'ont dit que ce

25 n'était pas le cas." Ces mensonges dont vous nous dites que c'étaient des

26 enfants qui vous les avaient dits, ce n'était pas des enfants de qui cela

27 venait, c'était un vieillard. Est-ce que cela ressemble plutôt à la

28 réalité ?

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1 R. Oui, c'est exact.

2 Q. Heureusement, il y a des personnes qui vous ont expliqué ce qui s'était

3 passé, que c'était cette agence humanitaire qui en était responsable. La

4 question que j'ai à vous poser à ce sujet est : vu cette expérience,

5 n'excluez-vous pas la possibilité que s'agissant d'autres déclarations

6 qu'on vous a faites, surtout que ces déclarations étaient la seule source

7 d'information, qu'on ait pu présenter les choses de manière déformée ou

8 qu'on ait tenté de le faire ?

9 R. J'ai simplement consigné ce qu'on m'a dit. Je n'ai pas demandé aux

10 personnes de prêter serment avant qu'elles ne me parlent.

11 Q. En ce qui concerne les autres informateurs, les articles de presse que

12 vous avez utilisés pour préparer votre rapport, il y a certaines de ces

13 informations qui me semblent contradictoires. Résumons. Pour l'essentiel,

14 il s'agit de la pièce 1781 qui traite de la mosquée de Hadum et du bazar de

15 Djakovica. D'après ce qu'on trouve dans votre base de données qui a été

16 versée au dossier, un de vos informateurs vous dit que les civils et la

17 police serbe sont responsables des dégâts occasionnés. L'autre informateur

18 que vous avez consulté vous dit que c'est l'armée et la police serbe, mais

19 il ne fait aucune mention des civils. Enfin, si on regarde les articles de

20 presse ou les rapports de presse, par exemple, nous avons Chris Stephen du

21 New York Times, lui, il dit très clairement que ce sont

22 50 personnes en uniforme militaire qui ont commis ces actes seuls.

23 Au sujet de ces discordances, j'ai une seule question à vous poser. C'est

24 que sur la base de ces informations, des informations que vous avez

25 recueillies, vous n'êtes pas en mesure de donner une explication à ces

26 contradictions ?

27 R. C'est la raison pour laquelle j'ai fait figurer tout cela dans mon

28 rapport, dans ma base de données.

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1 Q. D'accord. Je vous entends bien. Si on se réfère uniquement à ce que

2 nous dit Chris Stephen dans le New York Times, vous souvenez-vous que dans

3 son article il a dit que la vieille ville et la mosquée qui avaient été

4 libérées étaient "l'épicentre des activités kosovares et une sorte de

5 refuge pour la guérilla contre les Serbes" ?

6 R. Je ne me rappelle pas de tout cela. Cela fait sept ans.

7 Q. Oui. Est-ce que vous vous souvenez que le QG de l'UCK se trouvait au

8 centre ou dans cette partie de Djakovica en mars 1999, comme c'est indiqué

9 dans cet article que vous avez utilisé comme une source ?

10 R. J'ai utilisé cet article comme source pour parler des bâtiments. Tout

11 le reste ne m'intéressait pas franchement, tout ce qui n'avait pas trait

12 aux bâtiments.

13 Q. [aucune interprétation]

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic.

15 M. IVETIC : [aucune interprétation]

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez une cote pour le

17 reste de l'article ?

18 M. IVETIC : [interprétation] Non, parce que j'ai pensé que je ne pourrais

19 pas l'utiliser étant donné que je n'ai pris connaissance de cet article

20 qu'hier, c'est-à-dire que j'ai passé le délai prescrit pour communiquer de

21 nouvelles pièces.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense cependant que ce document

23 devrait être inclus dans le système.

24 M. IVETIC : [interprétation] Uniquement les extraits ?

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, l'extrait supplémentaire.

26 M. IVETIC : [aucune interprétation]

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous avons le rapport ou la partie du

28 rapport concerné ici qui complète cet article.

Page 5616

1 M. IVETIC : [aucune interprétation]

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il convient donc d'inclure cela au

3 système, dans le système, et la Chambre sera informée par écrit de la cote.

4 M. IVETIC : [aucune interprétation]

5 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

6 M. IVETIC : [interprétation] Merci. Justement, j'en ai terminé. J'espère

7 que l'on pourra finir l'interrogatoire du témoin aujourd'hui ou son

8 audition aujourd'hui.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

10 M. IVETIC : [aucune interprétation]

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis. Effectivement, vous

12 allez avoir un petit peu de temps, mais un petit moment de patience, s'il

13 vous plaît.

14 M. HANNIS : [aucune interprétation]

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Etant donné qu'il n'y a pas d'audience

17 dans ce prétoire cet après-midi, nous pouvons permettre à Mme le Juge

18 Nosworthy de quitter le prétoire pour aller siéger dans une autre affaire.

19 Et conformément à l'article 15 bis du Règlement, nous pourrons poursuivre

20 quelque peu notre audience pour parler également des pièces à conviction et

21 des questions supplémentaires. Cinq, 10 minutes au maximum --

22 Monsieur Hannis.

23 M. HANNIS : [interprétation] Au sujet de cet article, je voulais ajouter

24 qu'on lui a posé des questions, au témoin, sur le Livre blanc, sur des

25 sources venant des autorités yougoslaves, des sites Internet, et cetera --

26 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

27 M. IVETIC : [interprétation] J'avais l'intention de présenter des documents

28 où des extraits de documents pour compléter les questions qui ont été

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1 posées pendant le contre-interrogatoire.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Une demi-heure, cela vous suffirait ?

3 M. HANNIS : [interprétation] Oui, cela me suffirait, mais je n'ai pas tous

4 les documents ici.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous avons un témoin à qui nous avions

6 dit qu'il devrait rester seulement deux jours.

7 M. HANNIS : [interprétation] Oui, mais --

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous, nous pouvons nous adapter à la

9 situation. Il est un petit peu décevant que vous, vous ne soyez pas à même

10 de le faire. Est-ce que si on a une pause, vous arriverez à vous préparer ?

11 M. HANNIS : [interprétation] Peut-être.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ou bien alors, est-ce que cela vous

13 serait finalement peu utile ?

14 M. HANNIS : [interprétation] Cela pourrait effectivement m'aider. Mais

15 d'abord, est-ce qu'on pourrait demander au témoin si cela le gênerait de

16 revenir demain. Je ne sais pas ce qu'il avait prévu. Enfin, je m'en

17 remettrai à son dictat, parce que c'est lui qui est le premier concerné et

18 parce qu'il est venu à plusieurs reprises, donc je m'adapterai à ce qu'il

19 nous dira.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Mon vol de retour a été réservé pour vendredi.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dommage, Monsieur Hannis, que vous ne

22 puissiez pas profiter de cette occasion qui nous est donnée d'en terminer

23 avec l'audition de ce témoin aujourd'hui alors que tout est en place. Bon,

24 puisqu'il en est ainsi, il en sera ainsi et on terminera demain.

25 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

26 [La Chambre de première instance se concerte]

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Riedlmayer, malheureusement

28 il va vous falloir revenir dans ce même prétoire demain matin à 9 heures.

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1 Veuillez vous rappeler ce que je vous ai dit précédemment, à savoir que

2 vous ne devez parler à personne de votre déposition. Vous pouvez maintenant

3 quitter le prétoire. Nous nous reverrons demain à 9 heures.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

5 [Le témoin se retire]

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Reprise de l'audience demain à 9

7 heures du matin.

8 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le mercredi 1er

9 novembre 2006, à 9 heures 00.

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