Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 3 novembre 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Mazrekaj.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons poursuivre votre audition.

9 N'oubliez pas que la déclaration solennelle que vous avez prononcée au

10 début de votre témoignage, qui consiste à dire la vérité, continue de

11 s'appliquer à la déposition que vous allez faire ce matin.

12 Monsieur Stamp.

13 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

14 LE TÉMOIN : MEHMET MAZREKAJ [Reprise]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 Interrogatoire principal par M. Stamp : [Suite]

17 Q. Merci. Bonjour, Monsieur Mazrekaj.

18 R. Bonjour.

19 Q. Hier, nous nous étions arrêtés au moment où vous nous aviez dit que

20 vous et les autres habitants du village avez décidé de partir, parce que

21 vous avez été contraints à le quitter, et que vous êtes allés à Carrabreg,

22 au poste de contrôle de la police serbe, afin de demander aux hommes qui

23 s'y trouvaient si vous pouviez le traverser; c'est exact ? Vous en

24 souvenez-vous ?

25 R. Oui, je m'en souviens très bien, mais je dois apporter une précision.

26 C'était la deuxième fois que nous quittions le village.

27 Q. Quand avez-vous quitté le village pour la première fois ?

28 R. La première fois c'est quand les premiers pilonnages ont commencé,

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1 lorsque Decani et d'autres villages environnants ont été bombardés en mai

2 1998.

3 Q. Parfait. Nous en étions maintenant à la date du 23 mars 1999. C'est là

4 que nous nous sommes interrompus hier.

5 R. Oui.

6 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais maintenant

7 vous renvoyer au quatrième paragraphe complet de la page 5 de la version

8 anglaise. C'est le premier paragraphe de la page 5 de la version en B/C/S.

9 Q. Monsieur, dans votre déclaration, vous dites en page 5, je ne sais pas

10 si vous l'avez avec vous, que les policiers au poste de contrôle vous ont

11 demandé combien vous étiez, et vous avez dit que vous étiez 525, et ils

12 vous ont dit de rentrer au village. Je lis ce que vous écrivez : "Ils nous

13 ont laissé repartir vers le village et nous ont dit d'attendre là-bas." Je

14 suppose que ce sont les policiers du poste de contrôle qui vous ont dit que

15 vous alliez pouvoir passer ce poste avec les autres habitants du village,

16 n'est-ce pas ?

17 Q. Voulez-vous apporter une réponse orale, s'il vous plaît, à cette

18 question.

19 R. Mes camarades et moi-même avons dû nous arrêter au poste de contrôle et

20 j'ai posé la question : Pouvons-nous passer le poste de contrôle ? Ils

21 m'ont demandé : Combien de villageois y a-t-il avec vous ? J'ai répondu :

22 Il y en a 520 et nous voulons nous rendre à Irzniq.

23 Q. Ce que j'aimerais savoir en réalité est la chose suivante.

24 M. STAMP : [interprétation] C'est au paragraphe suivant en réalité de votre

25 déclaration.

26 Q. Lorsque vous êtes revenu à Drenoc, vous avez dit qu'il ne faudrait pas

27 passer par Carrabreg parce que les femmes et les enfants étaient séparés

28 des hommes. Alors pourquoi avoir dit aux villageois de ne pas passer par ce

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1 poste de contrôle ?

2 R. Nous avons dit cela aux habitants du village parce que ces choses-là

3 arrivaient tous les jours. Les femmes étaient séparées des hommes et c'est

4 la raison pour laquelle j'ai dit cela aux habitants du village parce que je

5 craignais que la même chose se produise pour nous.

6 Q. D'après votre déclaration finalement vous-même et les autres habitants

7 du village sont partis et vous êtes tous allés à Beleg ?

8 R. Oui.

9 Q. Alors que vous étiez à Beleg, avez-vous vu --

10 R. Nous sommes allés à Beleg parce qu'on nous a expulsés du village.

11 Q. Alors que vous étiez à Beleg en tant que réfugié, comme vous le dites

12 vous-même dans votre déclaration, dans la maison d'autres gens, avez-vous

13 vu --

14 R. Oui.

15 Q. -- des véhicules blindés qui auraient pu servir à des activités de

16 combat ?

17 R. Ce soir-là lorsque nous sommes arrivés à Beleg, il n'y en avait pas. Le

18 lendemain, la police est venue et a procédé à des fouilles. Le

19 surlendemain, dans la soirée, les transporteurs de troupes blindés sont

20 arrivés, l'armée, la police et les paramilitaires.

21 Q. Dans votre déclaration, vous parlez d'un agent de police qui se

22 trouvait à l'intérieur des transporteurs de troupes blindés. C'est ce sur

23 quoi j'aimerais que vous précisiez les choses. Combien de véhicules

24 blindés, de transporteurs de troupes blindés avez-vous vus à Beleg ?

25 R. Il y avait beaucoup de véhicules blindés. J'ai été séparé du reste du

26 groupe de la population. On m'a fait me mettre contre le mur mais il y en

27 avait beaucoup autour de nous.

28 Q. Les véhicules blindés que vous avez vus à quelle organisation ou à qui

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1 appartenaient-ils ?

2 R. Ils appartenaient à la police et à l'armée.

3 Q. Vous avez dit avoir vu des membres de la police à Beleg. Comment le

4 saviez-vous, les connaissiez-vous avant ?

5 R. Oui, je les connaissais déjà. Particulièrement les policiers de Decan.

6 Q. Qu'en est-il des soldats ? Comment avez-vous pu déterminer qu'il

7 s'agissait bien de soldats ?

8 R. Je les ai reconnus parce qu'ils portaient des vêtements militaires et

9 que certains d'entre eux portaient des cagoules.

10 Q. Lorsque vous dites qu'il y avait des paramilitaires, qu'entendez-vous

11 par là ? Vous avez dit avoir vu des paramilitaires.

12 R. Oui, c'étaient des paramilitaires aussi.

13 Q. Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez par "paramilitaires" lorsque

14 vous utilisez ce terme ?

15 R. Ce que j'entends par paramilitaires, j'entends par là des gens qui

16 avaient des liens avec l'armée de Yougoslavie, des gens qui portaient aussi

17 des tenues militaires.

18 Q. Je vois. Vous avez dit qu'il y avait des policiers, des militaires et

19 des paramilitaires. Ce que j'aimerais que vous expliquiez c'est la

20 distinction que vous établissez vous, entre des paramilitaires et des

21 soldats ?

22 R. Oui, d'après moi ils étaient plus âgés que les soldats.

23 Q. Je vous renvoie maintenant à la page 6 de votre déclaration en anglais,

24 quatrième paragraphe complet de cette page et c'est le dernier paragraphe à

25 la page 5 de la version que vous avez. Dans ce paragraphe vous dites

26 comment les villageois à Beleg vous ont demandé d'aller parler aux

27 policiers afin d'obtenir l'autorisation de quitter le village. On vous a

28 alors dit de vous rendre dans un sous-sol. Y êtes-vous allé de votre plein

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1 gré ? Comment vous a-t-on dit de vous y rendre ?

2 R. Nous y sommes allés avec d'autres personnes d'un certain âge afin de

3 leur demander l'autorisation de quitter Beleg. Ils nous ont dit d'aller

4 dans ce sous-sol, ils nous y ont conduits. Ils nous ont dit : "Nous vous

5 donnerons notre réponse dans cinq minutes," mais ils ne l'ont pas fait.

6 Q. Vous dites qu'à peu près une heure plus tard, ils ont également conduit

7 les autres villageois dans le sous-sol de cette maison ?

8 M. STAMP : [interprétation] C'est à la page 7, Monsieur le Président. Les

9 deux premières lignes, c'est le cinquième paragraphe en bas de la page 6 de

10 la version en B/C/S.

11 Q. Vous avez dit qu'ils ont conduit également les autres villageois dans

12 ce même endroit. Ce que j'aimerais savoir c'est combien d'autres gens ont-

13 ils conduits dans la maison ? Vous avez dit vous étiez arrivé de votre

14 village de Drenoc avec 520 personnes de Drenoc et 37 personnes du village

15 envoisinant de Slup. Maintenant vous êtes dans le sous-sol de cette maison,

16 combien êtes-vous à peu près ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous estimez combien ?

19 R. Lorsque nous sommes arrivés dans le sous-sol, nous y avons trouvé des

20 gens qui avaient déjà été emmenés là plus tôt que nous, 20 personnes à peu

21 près qui s'étaient trouvées à proximité de la maison et que l'on avait

22 conduites dans le sous-sol. Par la suite, au cours de la journée, ils ont

23 conduit plusieurs groupes d'individus dans le sous-sol.

24 Q. Très bien. Vous dites que la police vous a maintenus dans ce sous-sol

25 et que de temps en temps des paramilitaires vous infligeaient de mauvais

26 traitements, vous frappaient et qu'il y avait d'autres gens qui se

27 trouvaient également dans le sous-sol et qui subissaient le même sort.

28 Connaissiez-vous certains de ces policiers avant déjà ? Pouvez-vous nous

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1 dire d'où ils venaient ?

2 R. Après le début du pilonnage, nous avons entendu les bruits des tirs et

3 dans l'après-midi lorsqu'ils nous ont fait sortir du sous-sol, ils ont

4 commencé à nous maltraiter. L'un de ces gens était Zoran Gjurishiq du poste

5 de police de Decani.

6 Q. Y a-t-il d'autres agents de police que vous ayez reconnus ou était-il

7 le seul ?

8 R. C'est celui qui menait le groupe. Ils étaient alignés. J'ai reconnu

9 quelques autres agents du poste de police, mais je ne connais pas leurs

10 noms. J'ai également reconnu certaines personnes de Gjakova, mais je ne

11 connais pas non plus leurs noms.

12 Q. Vous avez dit également que vous-même et les autres habitants du

13 village qui cherchaient à se réfugier à Beleg avez été placés dans un

14 convoi et êtes partis dans ce convoi, et d'après votre déclaration : "Un

15 véhicule transporteur de troupes blindé a mené le convoi." C'est ce que

16 vous dites dans votre déclaration.

17 M. STAMP : [interprétation] A la page 10, premier paragraphe de la version

18 anglaise et premier paragraphe, page 9 de la version en B/C/S.

19 Q. A qui ce véhicule blindé transporteur de troupes appartenait-il ? A

20 quelle organisation appartenait ce véhicule blindé transporteur de troupes

21 qui a mené ou escorté le convoi de réfugiés vers l'extérieur de Beleg ?

22 R. Il y avait de nombreux véhicules sur place, mais il y en a un qui a

23 attiré mon attention et qui était un véhicule de l'armée.

24 Q. Bien. J'aimerais que nous nous penchions plus précisément sur le nombre

25 de véhicules blindés transporteurs de troupes qui vous ont escortés. Dans

26 la version anglaise, vous parlez de véhicules au pluriel, alors j'aimerais

27 savoir combien il y en avait, de ces véhicules, combien de véhicules

28 militaires ou de la police ont escorté les gens hors de la ville ou du

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1 village.

2 R. Dans la mesure où j'ai pu véritablement compter précisément le nombre

3 de véhicules, il y avait trois véhicules blindés transporteurs de troupes à

4 l'avant, parce que j'étais au bout. Le tracteur dans lequel je me trouvais

5 était le dernier à quitter le village de Beleg. C'est la raison pour

6 laquelle j'ai vu ce que j'ai vu.

7 Q. Bien. Vous dites que l'un d'entre eux en particulier était un véhicule

8 de l'armée. Qu'en est-il des autres, des deux autres véhicules blindés

9 transporteurs de troupes qui escortaient les gens, les réfugiés ? A quelle

10 organisation appartenaient-ils ?

11 R. Les deux autres étaient des véhicules de police.

12 Q. Pouvez-vous nous dire combien de réfugiés ou de villageois ont été

13 placés dans ce convoi ? Des Albanais du Kosovo, j'entends.

14 R. Dans ce convoi se trouvaient des gens de tous les villages de la

15 municipalité de Decan. Il y en avait beaucoup, des gens. On nous a dit

16 d'aller vers Decan, mais c'est vers Gjakova et l'Albanie que l'on nous a

17 emmenés.

18 Q. Pouvez-vous me donner un chiffre approximatif du nombre de gens qui se

19 trouvaient dans ce convoi parti pour l'Albanie ?

20 R. Je dirais des centaines de gens.

21 Q. Plus de 1 000 ou moins de 1 000 ?

22 R. Moins de 1 000. La première fois que les gens se sont enfuis, des

23 milliers de personnes ont fui au travers des montagnes vers l'Albanie, mais

24 cette fois il y en avait moins de 1 000.

25 Q. Vous avez dit qu'il y en avait 520 de votre village, à peu près 37 de

26 Slup; cela fait à peu près 550.

27 R. Oui.

28 Q. Est-ce que les réfugiés étaient plus nombreux ou moins nombreux que

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1 cela ?

2 R. Non, plus. Il y avait nous, mais il y avait également les habitants

3 d'autres villages. Il y en avait plus de 1 000. S'agissant des gens de

4 notre village, il y en avait environ 520, 560 en tout.

5 Q. Vous êtes arrivé à Beleg le 27 mars. Quand avez-vous quitté Beleg dans

6 ce convoi ? A quelle date ?

7 R. Nous avons quitté Beleg le 29, si mon souvenir est exact.

8 Q. Dans votre déclaration, j'ai lu que vous n'avez pas poursuivi votre

9 chemin dans le convoi vers l'Albanie. Vous avez sauté de ce convoi parce

10 que des membres de votre famille n'avaient pas suivi. Vous avez fini par

11 quitter le Kosovo pour l'Albanie avec votre famille au sein d'un groupe

12 distinct. Quand ? A quelle date, si toutefois vous vous en souvenez, avez-

13 vous quitté le Kosovo et vous êtes-vous rendu en Albanie avec votre

14 famille ?

15 R. Je me souviens très bien de cette date. J'ai quitté ce convoi et je

16 suis allé chercher les membres de ma famille. Le 30, je suis arrivé à

17 Isniq, j'ai retrouvé ma famille. Le 30, le pilonnage a commencé, nous avons

18 donc dû quitter les lieux en masse. Tous les habitants qui se trouvaient à

19 Isniq à ce moment-là ont dû partir, et nous avons dû partir en Albanie.

20 Q. Puis, vous finissez par dire qu'ils ont pris vos documents d'identité

21 au pont de Djakovica.

22 M. STAMP : [interprétation] C'est la dernière phrase du dernier paragraphe

23 de cette déclaration, Monsieur le Président.

24 Q. Qui a pris vos papiers ? Enfin, je ne cherche pas à obtenir de noms de

25 votre part, mais j'aimerais simplement savoir à quelle organisation, à

26 quelle entité appartenaient ces individus. Je parle de ceux qui ont

27 confisqué vos papiers.

28 R. Les gens qui ont confisqué nos papiers étaient à la fois membres de la

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1 police et de l'armée. Ceci a eu lieu à "Ura e Shejte," en Albanie, à savoir

2 le pont sacré. On l'appelle aussi parfois, "Ura e Drinit," le pont de

3 Drini.

4 Q. Merci.

5 M. STAMP : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

6 Président, dans le cadre de l'interrogatoire principal.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Stamp.

8 Monsieur Mazrekaj, lorsque vous avez décrit les gens qui sont arrivés dans

9 des transporteurs de troupes blindés, vous avez parlé de Zoran Gjurishiq et

10 vous avez dit que vous l'aviez reconnu. Dans votre déclaration, vous dites

11 également avoir reconnu un policier qui se trouvait à l'intérieur d'un

12 véhicule blindé, le fils de Mushe Jakupi. Vous souvenez-vous de cela ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je le connaissais très bien.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

15 Monsieur Zecevic.

16 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous allons suivre

17 l'ordre suivant : le général Lukic, le général Pavkovic, M. Sainovic, M.

18 Milutinovic, le général Lazarevic et le général Ojdanic.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic.

20 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

21 Contre-interrogatoire par M. Ivetic :

22 Q. [interprétation] Bonjour. Je m'appelle Dan Ivetic. Je suis l'avocat qui

23 représente M. Lukic. J'aimerais vous poser un certain nombre de questions.

24 Je vous demande de bien les écouter, et si vous ne comprenez pas, n'hésitez

25 pas à me faire répéter.

26 Dans votre déclaration, vous dites que dans votre village d'origine,

27 Drenovaca, il y avait six familles serbes. Pourriez-vous me dire quel est

28 le nombre total d'habitants qui vivaient dans votre village ? Où se

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1 trouvaient également ces six familles serbes ?

2 R. Au total, il y avait 2 000 habitants à Drenoc à peu près et 200

3 maisons, des Albanais et des Serbes.

4 Q. Sur ces 2 000 habitants, combien d'habitants étaient formés par les

5 membres de ces six familles serbes ?

6 R. Parmi ces six familles serbes, deux vivaient dans la partie supérieure

7 du village, tandis que les autres étaient des voisins à moi. Je ne peux pas

8 vous dire quel était le pourcentage représenté par les membres de ces six

9 familles. Je ne sais pas combien ils étaient en tout.

10 Q. Très bien. Vous souvenez-vous des noms de famille de ces voisins

11 serbes ?

12 R. Oui, très bien. Zecevic, Jokic, des voisins. Il y avait trois familles

13 de Zecevic et une Antic, donc quatre familles, et les autres, Marijanovic

14 et Antic, vivaient dans la partie supérieure du village, dans le haut.

15 Q. Merci. Dans votre déclaration, vous parlez d'une famille serbe qui a

16 fui votre village vers la Serbie avant le début de la guerre. Pourriez-vous

17 nous dire quand cette famille s'est enfuie du village et dans quelles

18 conditions ils ont dû le faire ?

19 R. Je ne peux pas vous dire exactement quand ils sont partis. Ils sont

20 partis pour des raisons économiques. C'était Mija Antic. Je me souviens

21 très bien de lui. Les autres sont restés, ils sont restés.

22 Q. Bien, mais au cours de l'interrogatoire principal, vous avez dit et

23 vous avez d'ailleurs précisé cette partie de votre déclaration dans

24 laquelle vous avez dit que toutes les familles serbes étaient parties, et

25 vous avez précisé que toutes les familles serbes étaient parties en 1998.

26 Savez-vous pourquoi ces familles serbes sont parties en 1998 ?

27 R. Je n'ai pas un souvenir très précis de cela. Je crois avoir dit qu'au

28 cours de l'offensive, ils sont allés à Decan pour s'y abriter dans leurs

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1 maisons. Je n'ai pas dit qu'ils avaient quitté le Kosovo.

2 Q. Quand vous parlez d'une offensive, vous parlez toujours de l'année

3 1998, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Merci. Est-ce que vous habitiez dans un village si petit que vous

6 connaissiez tous les habitants de nom ?

7 R. Oui.

8 Q. Bien, formidable. Est-il exact que quand vous avez quitté le village

9 pour Lumbarda et Pec, c'est-à-dire en 1998, quand vous dites que 64 canons

10 ont encerclé votre village, est-il exact qu'avant cette époque, l'UCK était

11 active dans la municipalité de Decani et dans les environs et avait mené

12 des offensives contre les forces serbes ?

13 R. Oui, vous avez raison, mais ce n'est pas vrai qu'il y avait 68 canons

14 autour du village. Ils se trouvaient à Podi i Geshtenjane, au lieu-dit de

15 Podi i Geshtenjane, et c'est de cette position qu'on a procédé au pilonnage

16 de notre village ainsi que de tous les autres villages appartenant à la

17 municipalité de Decan.

18 Q. Je souhaiterais parler de manière plus détaillée de certaines activités

19 de l'UCK pour voir si vous les connaissiez. Avez-vous eu connaissance d'une

20 attaque dont on a beaucoup parlé qui a eu lieu le 25 avril 1996, où trois

21 membres de l'UCK ont attaqué le restaurant Cakor, en tuant trois personnes

22 et en en blessant plusieurs autres ?

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. Le témoin ne répondra pas à cette

24 question.

25 Ici, on retourne beaucoup trop en arrière. Maître Ivetic, la question

26 est de savoir quels sont les éléments ou les facteurs qui auraient pu

27 justifier ou expliquer la présence de la police ou de l'armée sur place

28 pendant la période qui nous intéresse dans ce procès, à savoir la période

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1 de 1998, donc deux ans après l'incident que vous mentionnez.

2 M. IVETIC : [interprétation] Je crois que l'incident de 1996 est

3 d'importance, parce que d'après les recherches que j'ai réalisées, c'est le

4 moment où il y a eu un tournant dans les relations entre les Serbes et les

5 Albanais de la région. Je vais finir -- enfin, j'allais finir ma question

6 en demandant si cela avait été un tournant dans les relations entre les

7 communautés, si cela avait marqué un tournant, puisque dans sa déclaration,

8 le témoin dit que les relations entre les Serbes et les Albanais étaient

9 correctes, mais il dit également que les Serbes partaient, sans donner

10 d'information sur la date. J'essaie de préciser justement cette question.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Ceci nous explique les raisons

12 pour lesquelles vous posez votre question, donc vous pouvez poursuivre.

13 M. IVETIC : [interprétation]

14 Q. Je vais commencer par le début afin d'éviter toute confusion, Monsieur.

15 Avez-vous eu connaissance d'un événement qui a eu lieu le 25 avril 1996,

16 lorsque trois membres de l'UCK, et en particulier deux membres -- ou

17 plutôt, deux résidents de l'endroit, Agran Tolaj et Arif Vokshi, ont

18 attaqué le restaurant Cakor en tuant trois personnes et blessant plusieurs

19 autres personnes ? Vous souvenez-vous de cet incident et vous souvenez-vous

20 si les relations entre les Albanais et les Serbes dans la municipalité, en

21 particulier dans votre village, ont changé après cet événement ?

22 R. Je ne me souviens absolument pas de cela, mais pour ce qui est des

23 relations entre les communautés, je dois dire qu'elles étaient bonnes,

24 surtout avec la communauté monténégrine qui habitait sur place. Mais il est

25 vrai que les relations se sont quelque peu tendues.

26 Q. Est-ce qu'Agran Tolaj, il était du village de Drenovac ? Est-ce que

27 c'était un des membres de la famille Tolaj qui habitait dans le village de

28 Drenovac ?

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1 R. Non. Non, il ne venait pas de Drenoc.

2 Q. Nous allons maintenant passer à 1998 et au mois de juin de cette année

3 1998. Vous souvenez-vous d'une série d'attaques coordonnées qui se sont

4 déroulées sur une période de plusieurs jours en juin 1998 et au cours

5 desquelles des familles serbes, dans 18 villages mixtes de la municipalité

6 de Decani, ont été attaquées, ce qui a entraîné l'exode massif de 295

7 familles serbes de ces villages ?

8 R. Je travaillais dans l'enseignement, donc je n'avais rien à voir avec

9 l'UCK et ces attaques.

10 Q. Oui, mais est-ce que ce n'est pas quelque chose dont on a beaucoup

11 parlé à ce moment-là, dont tout le monde a parlé, dont le monde a entendu

12 parler au cours du mois de juin 1998 ?

13 R. Je ne m'en souviens pas.

14 Q. Bien. Mais est-ce que vous vous souvenez s'il y a eu des tensions très

15 fortes ou des relations qui se sont tendues comme vous l'avez dit après ce

16 mois de juin 1998 ?

17 R. Cela ne fait pas partie de ma déclaration.

18 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur Mazrekaj, les questions qui vous sont

19 posées ne sont pas forcément limitées à votre déclaration. Je vous ai

20 expliqué au départ qu'on vous a fait venir pour vous demander de parler de

21 choses qui ne figurent pas forcément dans votre déclaration. Rien n'empêche

22 qu'on vous pose ce type de questions. On n'est nullement en train de dire

23 que vous avez une relation quelconque avec l'UCK.

24 Ceci n'est nullement suggéré. Le conseil de la Défense est en train

25 de vous poser des questions au sujet d'événements dont il affirme qu'ils

26 étaient de notoriété publique. Vous êtes quelqu'un qui connaissiez bien la

27 région et vous êtes quelqu'un dont le conseil estime qu'il est à même de

28 dire si effectivement la situation se présentait de la manière dans cette

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1 région. C'est dans cette perspective que vous devez répondre à ces

2 questions et essayer de donner toutes les informations dont vous disposez

3 pour nous permettre de comprendre la situation à l'époque des faits.

4 Maître Ivetic.

5 M. IVETIC : [interprétation] Merci.

6 Q. Je répète, Monsieur, vous nous avez parlé de relations qui s'étaient

7 tendues entres les Serbes et les Albanais et je voudrais que vous nous

8 disiez si ces tensions se sont exacerbées en juin 1998 ou après juin 1998 ?

9 R. Oui, effectivement après le mois de juin 1998, les relations avec les

10 Monténégrins qui habitaient dans le village sont restées normales pendant

11 toute la période.

12 Q. Revenons à votre village, quelques instants. D'après les informations

13 dont vous disposez, d'après ce que vous savez, est-ce que dans votre

14 village il y avait des activités de l'UCK qui étaient manifestes, à savoir

15 est-ce qu'il y avait des membres de l'UCK dans votre village, ou est-ce

16 qu'il y avait dans votre village des gens qui apportaient un soutien actif

17 à cette organisation ?

18 R. Il n'y avait pas de membres de l'UCK dans notre village.

19 Q. Y avait-il des gens qui étaient armés dans votre village soit en 1998

20 soit 1999 ?

21 R. Non, à l'exception des deux policiers du village qui avaient des armes

22 qu'ils détenaient de la police de Decan.

23 Q. Vous nous dites que l'UCK n'était pas présente dans le village, qu'il

24 n'y avait pas d'armes dans le village. Est-ce que vous êtes vraiment

25 certain de ce que vous avancez ?

26 R. Oui, j'en suis assez certain, en tout cas pour la période que j'ai

27 passée dans le village. Je ne peux pas bien entendu parler de la période

28 qui a suivi mon départ du village.

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1 Q. J'imagine qu'il n'y avait dans votre famille personne qui ait eu des

2 liens avec l'UCK, qui était membre de l'UCK ou qui ait fait entrer en

3 contrebande des armes depuis la République d'Albanie ?

4 R. Non, non personne.

5 Q. Fort bien. Connaissez-vous Rram Mazrekaj qui est né en 1967 et qui est

6 habitant du village de Drenovac dont vous nous dites qu'il comptait 2 000

7 habitants ?

8 R. Oui, je le connais très bien, c'est mon voisin.

9 Q. J'imagine que vous ne savez pas qu'il a ouvertement reconnu qu'il

10 appartenait à l'UCK et qu'il s'est ouvertement vanté d'avoir tué Selaji

11 Istrefa [phon] et d'avoir fait entrer en contrebande des armes au Kosovo

12 pour aider la cause de l'UCK ?

13 R. Rram, n'a jamais dit cela. Il a été arrêté à Isniq au moment où il

14 allait de ce village vers un autre village. Il a également été arrêté une

15 autre fois alors qu'il se dirigeait vers l'Albanie. Il a été arrêté dans

16 les montagnes, dans la région de Plava avec d'autres personnes. Il a été

17 jeté en prison et il a dû purger une longue peine d'emprisonnement.

18 Q. Une peine qui a été prononcée pour avoir fait entrer en contrebande des

19 armes depuis l'Albanie, n'est-ce pas ?

20 R. Non. On l'a arrêté alors qu'il se dirigeait vers le Monténégro dans les

21 montagnes. Il était avec d'autres personnes. Lui-même ainsi que certains de

22 ses amis se sont vus condamnés à une peine de 15 ans d'emprisonnement.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, est-ce que vous tirez

24 ces informations d'une déclaration faite volontairement par M. Rram

25 Mazrekaj au bureau du Procureur ou est-ce que cela vient d'une autre

26 source ?

27 M. IVETIC : [interprétation] Cela vient d'une autre source. J'essaie de

28 retrouver cette déclaration de M. Rram Mazrekaj. C'est une autre source que

Page 5821

1 j'ai identifiée. Ce n'est pas la même chose que le document du bureau du

2 Procureur dans lequel on parle de la peine de prison purgée par M.

3 Mazrekaj. Mais je vais passer à d'autres villages et pour ces villages-là

4 j'ai des documents.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Fort bien.

6 M. IVETIC : [interprétation]

7 Q. Est-ce que vous êtes sûr que les activités de l'UCK dans votre village

8 n'ont rien à voir avec le départ des Serbes et des Monténégrins de ce même

9 village ?

10 R. Non, il n'y a absolument aucun rapport entre les activités de l'UCK et

11 le départ des Serbes.

12 Q. Bien. Est-ce que vous vous souvenez, on parle toujours ici de 1998 du

13 mois de mai et juin, vous souvenez-vous que la route Pec- Djavokica a été

14 complètement bloquée par l'UCK, à tel point que toute la circulation devait

15 être déviée vers le Monténégro et que ceci était nécessaire si l'on

16 souhaitait se rendre de Pristina à Pec ou de Pec à Pristina ?

17 R. Oui, je m'en souviens.

18 Q. Cette route, elle se trouve tout près de votre village, n'est-ce pas ?

19 R. C'est la route de Gjakova à Decani. C'est pas très loin de mon village,

20 c'est à environ un kilomètre.

21 Q. J'aimerais vous interroger au sujet de certaines personnes de votre

22 village, certains résidents de Drenovac, municipalité de Decani. Est-ce que

23 vous connaissez certaines des personnes suivantes : Zek Mazrekaj, Dukaj,

24 Nitaj, Baqaj Milanim, Bajram Alaj, Dukaj Halil, Dukaj Vlaznim, Nitaj Gzim,

25 Baqaj Bashkim ou Iber Alaj. Est-ce que vous connaissez certaines de ces

26 personnes ou toutes ces personnes ?

27 R. Oui.

28 Q. Est-ce que vous connaissez toutes ces personnes ?

Page 5822

1 R. Oui, je connais tous ces gens, ils viennent tous de mon village.

2 Q. Est-ce que vous seriez surpris d'apprendre qu'en 1998, l'UCK a mis en

3 place un QG dans votre village sous la direction de Dukaj Halil avec Nitaj

4 Gzim, Baqaj Bashkim et Dukaj Vlaznim, notamment ?

5 R. Je ne sais pas, je n'étais pas là parce que mon père était souffrant.

6 J'étais à Peje pendant un certain temps. Je ne sais pas quand ce QG a été

7 constitué.

8 Q. Est-ce que vous étiez en avril 1998, à un moment quelconque, est-ce que

9 vous vous êtes trouvé dans le village de Drenovac ?

10 R. Je ne m'en souviens pas.

11 Q. Voyons voir si je peux vous aider à vous en souvenir ? D'abord, qui est

12 Zek Mazrekaj ?

13 R. Il y a deux Zek et je ne sais pas si vous parlez du plus jeune ou du

14 plus âgé ?

15 Q. Est-ce que c'étaient des voisins ?

16 R. Oui, ce sont mes voisins.

17 Q. Seriez-vous surpris d'apprendre qu'en avril 1998, Zek Mazrekaj, Dukaj,

18 Nitaj, Baqaj Milanim et Bajram Alaj ont amené 50 fusils automatiques dans

19 votre village, des fusils en provenance de l'Albanie pour le détachement de

20 l'UCK qui s'y trouvait. Est-ce que cela vous surprendrait ou est-ce que

21 vous le saviez déjà ?

22 R. Cela ne me surprend pas. Je sais que pendant cette période Zek Mazrekaj

23 travaillait en Allemagne.

24 Q. Les deux Zek Mazrekaj ?

25 R. Le plus âgé des deux était mort et l'autre travaillait en Allemagne, le

26 plus jeune.

27 Q. Tahir Alaj, le fils de Rexhep, Dukaj Bajram, Abdullah Mazrekaj et Sami

28 Mazrekaj. J'imagine que vous les connaissez aussi ces personnes

Page 5823

1 puisqu'elles viennent aussi de Drenovac ?

2 R. Non, ces gens-là ne viennent de Drenoc. Il y a des Mazrekaj à Prilep,

3 Sllup et ailleurs. En tout cas, ces gens-là ne viennent pas de mon village.

4 Q. J'en déduis que vous niez le fait que ces quatre membres de l'UCK aient

5 péri au cours des combats opposant l'UCK et les forces serbes dans votre

6 village ?

7 R. De qui parlez-vous exactement ? Qui a été tué dans mon village ?

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quand vous répéterez la question,

9 Maître Ivetic, pouvez-vous également donner une date ?

10 M. IVETIC : [interprétation] Nous parlons, je crois, toujours de 1998,

11 Monsieur le Président, et pour être plus précis encore, il s'agit de mars

12 et avril 1998. Les noms sont les suivants : Tahir Alaj, c'est le fils de

13 Rexhep; Dukaj Bajram; Abdullah Mazrekaj; et Sami Mazrekaj.

14 Q. Savez-vous si ces personnes sont mortes dans votre village de Drenovac

15 en mars ou en avril 1998, alors qu'elles combattaient dans les rangs de

16 l'UCK contre les forces serbes ?

17 R. Tahir Alaj, c'était un homme âgé que je connaissais très bien. Il est

18 allé alors qu'il se rendait de sa maison vers Skola Bajramit [phon]. Il

19 n'appartenait absolument pas à l'UCK. Quant aux trois autres, dont vous

20 n'avez pas dit correctement les noms, ces trois personnes ne viennent pas

21 de mon village.

22 Q. D'accord --

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Mazrekaj, comment est-il mort

24 ce monsieur ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Tahir a été retrouvé mort à proximité de notre

26 école. Je ne sais pas quelle est la cause de sa mort ?

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il est mort de cause

28 naturelle ou est-ce qu'il s'agit, en ce qui le concerne, d'une mort

Page 5824

1 violente ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Une mort violente. Non, il n'est pas mort de

3 cause naturelle. Il est mort suite à un acte de violence.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

5 M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais que l'on place à l'écran, grâce au

6 système de prétoire électronique, la pièce 6D103, déclaration d'Ibir Alaj.

7 Q. L'un des hommes dont vous reconnaissez qu'il vient de votre village. En

8 attendant, Monsieur, je précise que je ne dispose de ce document qu'en

9 serbe et en anglais. Je serai obligé de vous en donner lecture en partie

10 pour vous poser des questions.

11 M. STAMP : [interprétation] Une question au sujet de cette déclaration.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

13 M. STAMP : [interprétation] Est-ce que c'est une déclaration que vous tenez

14 du bureau du Procureur ? Je vérifie parce que cette personne a peut-être

15 bénéficié de mesures de protection dans une autre affaire.

16 M. IVETIC : [interprétation] Oui. C'est le bureau du Procureur qui nous a

17 communiqué cette déclaration, peut-être vaut-il mieux passer à huis clos

18 partiel par mesure de sûreté.

19 M. STAMP : [interprétation] Je n'en sais rien. Je me renseigne juste pour

20 savoir. Peut-être pourrions-nous, devrions-nous expurger le nom de la

21 personne qui a fait cette déclaration et ne pas utiliser ce nom si cela

22 n'est pas absolument nécessaire pendant que nous procédons à ces

23 vérifications.

24 M. IVETIC : [interprétation] Je ne vois pas d'inconvénients à passer soit à

25 huis clos partiel soit à huis clos, la moins restrictive de ces deux

26 options --

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons passer rapidement et

28 brièvement à huis clos partiel pour discuter de la chose.

Page 5825

1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

2 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par une ordonnance ultérieure de la Chambre]

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, pouvez-vous nous

4 expliquer la cause de votre intervention ?

5 M. STAMP : [interprétation] Dans une affaire qui est liée à celle-ci et au

6 cours de laquelle sont poursuis des dirigeants de l'UCK, nous rencontrons

7 de grandes difficultés s'agissant de la difficulté des témoins. Si cette

8 déclaration a été communiquée à la Défense par le bureau du Procureur, elle

9 concerne peut-être un témoin protégé.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cela ne devrait pas

11 apparaître clairement dans la déclaration que vous fournissez aux parties ?

12 M. STAMP : [interprétation] Non. Cela n'apparaîtrait pas clairement, parce

13 que cette déclaration ici, apparemment elle a été recueillie par les

14 autorités serbes locales.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Premièrement, nous ne savons pas si

16 cette personne est un témoin ?

17 M. STAMP : [interprétation] Effectivement.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Deuxièmement, vous ne nous donnez

19 aucune raison pour que nous ne continuions pas nos débats en audience

20 publique, et que ceci ne soit pas communiqué. Pourquoi souhaitez-vous une

21 expurgation ou que nous passions à huis clos partiel ?

22 M. STAMP : [interprétation] Je ne demande pas que l'on passe à huis clos

23 partiel. Je souhaite simplement que le nom soit expurgé pendant qu'on

24 procède aux vérifications nécessaires. Si je me rends compte que la

25 personne est un témoin, à ce moment-là, l'ordonnance d'expurgation pourra

26 être annulée.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce que nous allons faire dans ce cas-

28 là, c'est d'expurger ce nom du compte rendu d'audience, la seule fois où il

Page 5826

1 a été prononcé et Maître Ivetic, n'utilisez pas ce nom si c'est possible.

2 M. IVETIC : [interprétation] Peut-être devrais-je, à ce moment-là, vous

3 soumettre les pièces à conviction concernées et sous pli scellé ?

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez des copies papiers ?

5 M. IVETIC : [interprétation] Oui.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous voulez les montrer au témoin,

7 il faudra lui remettre une copie papier. On ne pourra pas faire apparaître

8 cela à l'écran.

9 M. IVETIC : [interprétation] Oui, mais je crois qu'il ne parle aucune des

10 deux langues concernées. Je pense que ce n'est pas nécessaire d'afficher la

11 déclaration.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

13 M. STAMP : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait peut-être demander au

14 témoin s'il parle serbe ?

15 M. IVETIC : [interprétation] Je crois que non si je me souviens bien. Il

16 est indique que non sur sa déclaration. Oui, il parle serbe. Je peux lui

17 remettre une copie papier.

18 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

19 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être pourrions-

20 nous obtenir des explications supplémentaires --

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais avant, peut-être faudrait-il

22 passer en audience publique ? Est-ce que vous souhaitez rester à huis clos

23 partiel ?

24 M. ACKERMAN : [interprétation] Non, on peut tout à fait passer en audience

25 publique.

26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

27 [Audience publique]

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman.

Page 5827

1 M. ACKERMAN : [interprétation] M. Stamp parle du danger que peuvent courir

2 ces témoins dans le cadre d'affaires engageant la responsabilité des

3 membres de l'UCK. J'imagine qu'il parle du danger encouru par les témoins

4 s'ils déposent contre l'UCK. J'imagine que c'est de cela qu'il s'agit,

5 parce qu'à ce moment-là, cela peut nous concerner nous aussi dans cette

6 affaire, si effectivement, c'est de cette manière que se présente la

7 situation.

8 M. STAMP : [interprétation] Non. Non, je n'ai rien dit de précis. Dans

9 toutes les affaires entendues par le Tribunal, il y a toujours des témoins

10 qui doivent bénéficier de mesures de protection, surtout si elles nomment

11 des personnes mises en accusation. Or, c'est le cas, là. Le témoin en

12 question donne les noms de personnes mises en accusation.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous ne pouvons pas aller plus loin

14 sur cette question. Vous savez que les Juges de la Chambre sont très

15 réticents à autoriser des expurgations ou à passer en audience publique.

16 C'est ce que nous avons fait cependant dans le cas d'espèce par précaution,

17 et nous allons continuer cependant à interroger le témoin en audience

18 publique.

19 Je vous rappelle, Maître Ivetic, que vous devez trouver l'équilibre

20 dans votre contre-interrogatoire entre la nécessité de présenter vos

21 arguments et les questions que vous posez au témoin à charge. Je pense que

22 vous avez passé pour l'instant l'essentiel de votre temps à présenter votre

23 thèse.

24 M. IVETIC : [interprétation] Tout à fait.

25 Q. Dans votre déclaration au bureau du Procureur, il est indiqué que vous

26 parlez serbe. Est-ce que vous pouvez également lire cette langue ?

27 R. Je lis le serbe, mais je n'ai pas vraiment la compétence nécessaire

28 pour pouvoir lire ce document. Ce n'est pas pour cela qu'on m'a fait venir.

Page 5828

1 Q. Ce n'est pas grave. Je vais donner lecture de la déclaration ou des

2 extraits qui m'intéressent en anglais, et cela sera traduit en albanais,

3 pour ce qui est des questions limitées que je souhaite vous poser ici.

4 Nous avons ici la déclaration d'une personne que nous n'allons pas nommer,

5 qui vient du village de Drenovac, et dans sa déclaration, il dit qu'il a dû

6 retourner à Drenovac au cours du mois de mars 1998, depuis l'endroit où il

7 a étudié. Il a dû rentrer parce que sa mère avait dû quitter le village

8 pour échapper aux combats opposant l'UCK à la police serbe.

9 N'est-il pas exact qu'au cours du mois de mars 1998, non seulement il

10 y avait une présence de l'UCK dans votre village, mais qu'ils ont lancé des

11 attaques à partir de votre village et qu'ils ont mené des combats acharnés

12 contre la police locale, à tel point que les habitants du village ont dû

13 quitter le village ?

14 R. Je n'en ai plus le souvenir. Il y avait des combats sporadiques,

15 mais je ne me souviens plus d'Ibir Alaj, même si je le connaissais. A

16 partir de ce jour-là, je ne lui ai plus parlé. Je ne l'ai jamais rencontré.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Jusqu'à ce que cette partie de

18 la déposition soit terminée, nous allons passer en audience à huis clos

19 partiel, et cette partie de la réponse du témoin sera expurgée.

20 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

22 partiel.

23 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par une ordonnance ultérieure de la Chambre]

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Maître Ivetic.

25 M. IVETIC : [interprétation] Merci. Je vais continuer à parler de cette

26 personne sans prononcer son nom.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais cela n'a pas empêché le

28 témoin de l'évoquer, lui.

Page 5829

1 M. IVETIC : [interprétation] Oui, je sais.

2 Q. Dans cette déclaration, à la page 2 de la version en anglais et à la

3 page 2 de la version en B/C/S, on lit, et je cite :

4 "Je sais que les premières armes dans le village de Drenovac sont arrivées

5 au cours du mois d'avril 1998. Cinq personnes de sont rendues en RA," donc

6 République d'Albanie, "et sont revenues avec trois chargements à dos de

7 cheval aux villages -- de AP --

8 "Dukaj, Binak, Baqaj Milanim et Bajram Alaj, avec Dem Nitaj. Les

9 armes ont été stockées dans la maison du commandant de l'état-major du DTG,

10 Dukaj Halil. D'autres armes sont ensuite arrivées au village, des armes

11 supplémentaires, mais puisque j'étais à ce moment-là à Pristina, je ne sais

12 pas qui les a fait venir en grandes quantités."

13 Monsieur, ceci vous rafraîchit-il la mémoire ? En réalité, une cellule

14 terroriste de l'UCK se trouvait dans votre village et a reçu des armes en

15 mars 1998.

16 R. Je n'ai le souvenir d'aucune base terroriste présente dans mon village.

17 Q. Connaissiez-vous l'un ou l'autre de ces individus qui, semble-t-il, ont

18 participé à l'armement ?

19 M. STAMP : [interprétation] Excusez-moi. On m'informe juste que cette

20 personne n'est pas un témoin protégé, et par conséquent, l'expurgation

21 n'est plus nécessaire, ni la tenue d'une audience à huis clos partiel.

22 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons d'abord revenir en

24 audience publique.

25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous y sommes.

26 [Audience publique]

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maintenant que nous savons ce qu'il en

28 est de ce nom, la Chambre annule l'ordonnance d'expurgation des deux

Page 5830

1 passages concernés dans le compte rendu et annule également la tenue

2 d'audience à huis clos partiel. La déposition correspondante sera donc

3 rendue publique, et nous allons poursuivre nos travaux en audience

4 publique, Maître Ivetic.

5 M. IVETIC : [interprétation] Merci. Il ne me reste que deux ou trois

6 questions sur ce point, et je passerai ensuite je crois en 1999.

7 Q. Monsieur le Témoin, je crois que je vous ai demandé si vous connaissiez

8 ces individus en mars et en avril 1998, dont on dit qu'ils faisaient partie

9 du quartier général de l'UCK à Drenovac ou dont on dit qu'ils avaient

10 acheminé des armes jusqu'à Drenovac. Les avez-vous vus au cours de cette

11 période ? Les avez-vous fréquentés ?

12 R. J'étais ami avec eux. J'étais allé à l'école avec eux, mais ce que vous

13 dites n'est pas crédible.

14 Q. Ce n'est pas ce que je dis, moi, Monsieur. C'est ce que cet homme de

15 votre village affirme. J'aurais maintenant une autre question sur cette

16 déclaration. Dans sa déclaration, il donne le nom de Tahir Rexhep Alaj,

17 Mazrekaj Abdullah, Mazrekaj Sami et Dukaj Bajram, et il dit que ces hommes

18 étaient membres du groupe armé présent dans votre village et qu'ils ont

19 péri au cours de combats les opposant aux autorités serbes. Ce sont les

20 hommes dont vous avez dit que vous ne les aviez pas reconnus. Est-ce que

21 ceci vous aide à vous souvenir qu'en réalité, ces hommes étaient bien dans

22 votre village à un moment donné, qu'il s'agisse du mois de mars ou du mois

23 d'avril 1998 ?

24 R. Tahir Alaj a été tué dans notre village. S'agissant des autres, je ne

25 les connais pas.

26 Q. Bien. Vous avez parlé de certaines escarmouches et de certaines

27 activités dans la zone. J'aimerais savoir où précisément opérait l'UCK ?

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais vous dire quelque chose,

Page 5831

1 Maître Ivetic.

2 M. IVETIC : [aucune interprétation]

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons imposer des limites à ce

4 contre-interrogatoire, alors soyez prudent. Faites attention à ce que vous

5 faites quant au périmètre que vous explorez, s'agissant de la thèse que

6 vous serez en mesure de présenter par la suite.

7 M. IVETIC : [interprétation] Très bien. C'était la seule question qui me

8 restait sur la période 1998. Je vais parler maintenant de 1999.

9 Q. Vous avez parlé de deux Albanais de votre village dont vous avez dit

10 qu'ils collaboraient avec le gouvernement serbe. Comment étaient considérés

11 les Albanais qui choisissaient de ne pas combattre contre l'Etat considéré

12 par les autres habitants du village ?

13 R. Ils étaient frères, Shaban et Ali Haxhi Kadriu. Shaban est âgé de 60

14 ans à peu près, Ali de 58. C'étaient des policiers de notre village. Il y

15 avait d'autres habitants du village, ou plutôt il y avait d'autres villages

16 qui comptaient des policiers parmi eux, mais là je parle précisément de mon

17 village. Nous avions de bons rapports avec eux. Ils collaboraient avec la

18 police serbe et ils portaient des armes.

19 Q. Leurs uniformes différaient-ils des uniformes habituels de la police ?

20 R. Peut-être qu'ils avaient leurs uniformes chez eux, mais ils étaient

21 habillés en civil lorsqu'ils parcouraient le village.

22 Q. Avant mars 1999, est-il exact de dire que lorsque vous êtes revenu dans

23 votre village en 1998 et jusqu'à cette date, et malgré la présence et les

24 attaques constantes de l'UCK, vous n'avez eu aucun problème avec la police

25 serbe ?

26 R. Lorsque nous sommes rentrés au village la deuxième fois, nous avons

27 trouvé un poste de contrôle dans le village. Ils nous ont demandé de leur

28 remettre nos papiers.

Page 5832

1 Q. Oui, c'est déjà dans votre déclaration, mais à part ceci, avez-vous

2 rencontré des difficultés ou des problèmes avec la police ?

3 R. A partir du moment où l'OSCE a été présente, nous n'avons plus eu de

4 problèmes.

5 Q. Bien. Parlons maintenant de la période au cours de laquelle vous avez

6 quitté votre village. Vous nous avez donné quelle était la source qui vous

7 a poussé à dire aux autres villageois qu'ils allaient être séparés, les

8 femmes et les hommes. Nous voyons qu'il s'agit bien d'une invention de

9 votre part. Vous ne saviez pas, personne d'ailleurs n'avait menacé de le

10 faire, à savoir de séparer les hommes des femmes au poste de contrôle ou

11 ailleurs, n'est-ce pas ?

12 R. Ce que j'ai dit est vrai. C'est arrivé à Beleg par la suite.

13 Q. Pour aller à Beleg, êtes-vous passé par le village de Prilep, et là

14 avez-vous trouvé des policiers à Prilep ?

15 R. Nous sommes passés par la partie nord de Prilep, par les champs, les

16 chemins, et nous sommes arrivés à Beleg. Nous n'avons pas vu les policiers

17 à Beleg, mais ils étaient stationnés au niveau des collines à Beleg.

18 Q. Le 28 mars, lorsque vous étiez chez Zenel Vishaj à Beleg, vous avez

19 entendu des tirs. Avez-vous vu qui que ce soit tirer sur la police ?

20 R. Oui, j'étais chez Zenel Vishaj, effectivement, avec Qazim Hulaj et des

21 amis de Prilep. Nous avons entendu des tirs et nous sommes sortis. Qazim

22 est parti. Il est allé dans le jardin et il a été tué. Je ne l'ai pas vu,

23 mais j'ai appris par la suite qu'il avait été tué. Je n'ai plus quitté la

24 maison.

25 Q. Je vous ai demandé si vous aviez vu qui que ce soit tirer sur la

26 police, oui ou non.

27 R. Non. Je n'ai vu personne tirer sur la police.

28 Q. Avez-vous entendu dire que ce jour-là et le jour suivant, il y avait eu

Page 5833

1 des combats violents près de Pozhar entre des membres de l'UCK et la police

2 serbe et qu'au total, deux policiers avaient été tués et 15 policiers

3 avaient été blessés au cours de cette période de deux jours dans ce village

4 seulement ?

5 R. Zoran Gjurishiq me l'a dit à Beleg, au poste de contrôle. Il m'a dit :

6 professeur, vos élèves nous ont tués à Pozhar, et ils ne nous permettent

7 pas d'aller tuer. C'est ce que Zoran m'a dit.

8 Q. Bien. Avant l'arrivée de la police à Beleg, les Albanais armés ou les

9 membres de l'UCK étaient aussi à Beleg, n'est-ce pas ?

10 R. Non. Je n'ai vu aucun membre de l'UCK à Beleg.

11 Q. Bien. Il me reste quelques questions à peine. Je vais les passer en

12 revue rapidement. D'abord, Daut Alickaj, le mari de votre sœur, était dans

13 quelle maison à Beleg ?

14 R. Dans la maison d'Adem Vishaj. Nous étions ensemble dans la maison.

15 Q. Parfait. Maintenant, sur ce Zoran Gjurishiq, quel type d'uniforme

16 portait-il ce jour-là ?

17 R. L'uniforme normal de la police.

18 Q. Pourriez-vous nous en faire une description, s'il vous plaît, en nous

19 donnant les couleurs ou d'autres détails importants ?

20 R. C'était l'uniforme normal bleu, l'uniforme normal de la police.

21 Q. Avez-vous quoi que ce soit d'autre sur cet uniforme ?

22 R. Non, rien. Je ne me suis pas approché de lui. Je n'y étais pas

23 autorisé.

24 Q. Bien. D'après ce qu'il vous a dit et de la manière dont il a agi, avez-

25 vous eu le sentiment qu'il était en colère du fait des policiers blessés et

26 tués qui étaient morts à cause de l'UCK et dont les corps ne pouvaient être

27 récupérés, l'UCK l'interdisant ? Avez-vous eu le sentiment qu'il était en

28 colère ce jour-là ?

Page 5834

1 R. Je ne le sais pas. C'est lui qui le sait le mieux. Je ne suis pas

2 psychologue. Je ne sais pas s'il était en colère ou pas.

3 Q. Etait-il calme lorsqu'il vous a parlé ?

4 R. Je ne vous ai pas compris. Le policier ? Non, ils m'ont parlé de

5 manière violente.

6 Q. Dans votre déclaration, vous avez dit qu'ils buvaient. Est-ce qu'ils

7 buvaient à l'époque, à cette période-là, ces gens qui étaient là et qui

8 portaient des uniformes ?

9 R. Après nous avoir capturés et nous avoir amenés au deuxième étage, en

10 bas ils ont continué à boire, à manger et à s'adonner à ce genre

11 d'activités.

12 Q. Très bien. Je vais vous poser des questions maintenant sur les

13 transporteurs de troupes blindés. D'abord, j'aimerais que vous nous

14 décriviez les véhicules transporteurs de troupes blindés dont vous avez dit

15 qu'ils appartenaient à la police. J'aimerais connaître leur couleur, leur

16 nombre, là où se trouvaient les portes et toute autre indication que

17 pouvaient porter ces véhicules.

18 R. J'ai vu ces véhicules de loin. Ils n'étaient pas à proximité de

19 l'endroit où nous nous trouvions. Je sais qu'ils étaient bleus, le bleu de

20 la police. Ils étaient faciles à voir. Je vois bien la distinction entre la

21 couleur de l'armée et les autres couleurs.

22 Q. Y avait-il de quelconques indications sur le véhicule, ou signes

23 distinctifs ?

24 R. Non, c'était trop loin.

25 Q. Combien de portes avait le véhicule ?

26 R. Je ne le voyais pas parce que nous étions encerclés par la police et

27 les soldats de l'armée dans cette cour ou ce jardin, là où nous étions.

28 Q. Lorsque vous êtes allé à Isniq pour rejoindre votre famille et lorsque

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1 vous avez décidé de partir pour l'Albanie, est-il exact de dire qu'à ce

2 moment-là, il n'y avait pas de policiers présents qui vous aient ordonné ou

3 dit de vous rendre en Albanie, n'est-ce pas ?

4 R. Il y avait un groupe très important de personnes à Isniq, venues de

5 différents villages. Lorsque le pilonnage a commencé de Strellc, de la

6 partie occidentale d'Isniq et de Podi i Geshtenjane, les habitants des

7 villages, nous nous sommes dit qu'il fallait partir et nous nous sommes

8 tous mis en route vers l'Albanie.

9 Q. Il n'y avait aucun policier qui était là à ce moment-là dans le

10 village, lorsque les habitants du village ont décidé de partir et que vous

11 vous êtes mis en route vers l'Albanie ?

12 R. Je n'en ai pas vu. J'étais épuisé.

13 Q. Merci.

14 R. J'étais épuisé.

15 Q. Merci.

16 R. En fait, j'étais couché.

17 Q. Merci, Monsieur Mazrekaj.

18 M. IVETIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions. Mes collègues vont

19 prendre ma suite.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Ivetic.

21 Maître Ackerman.

22 M. ACKERMAN : [interprétation] Combien de temps reste-t-il pour le reste du

23 contre-interrogatoire ?

24 M. IVETIC : [interprétation] Si j'ai bien compté, 40 minutes.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un peu plus, je crois.

26 M. ACKERMAN : [interprétation] Bien. Merci.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A peu près 50 minutes.

28 M. ACKERMAN : [interprétation] Je crois que cela suffira largement.

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1 Contre-interrogatoire par M. Ackerman :

2 Q. [interprétation] Monsieur Mazrekaj, je n'aurai que de très brèves

3 questions à vous poser. Je pense que nous pourrons même peut-être en

4 terminer juste avant la pause. Lorsque vous êtes allé à Beleg pour la

5 première fois, vous dites que les habitants vous ont dit que vous devriez

6 rester sur place parce que 18 soldats serbes avaient été tués et que les

7 routes étaient bloquées. Je suppose qu'on vous a dit que ces soldats

8 avaient été tués par l'UCK ?

9 R. Ces personnes étaient des personnes tout à fait normales qui avaient

10 peur et qui avaient entendu dire que la route à Isniq avait été coupée et

11 qu'il serait plus sage que nous restions sur place soir-là jusqu'au

12 lendemain. Nous verrions alors ce qu'il allait arriver le lendemain.

13 Q. Avez-vous entendu la question que je vous ai posée ? Je vous ai demandé

14 si les soldats avaient été tués par l'UCK. Avez-vous entendu cette question

15 que je vous ai posée ?

16 R. Je ne sais pas quel combat était en cours à ce moment-là parce que

17 j'étais à Beleg et que ce village, Pozhar, était loin de Beleg.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Mazrekaj, on vous a dit que

19 18 soldats serbes avaient été tués. D'après vous, d'après ce que vous avez

20 compris, qui les avaient tués ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Les habitants du village m'ont dit qu'ils

22 avaient été tués dans le cadre d'une confrontation avec l'UCK. C'est ce que

23 j'ai entendu dire.

24 M. ACKERMAN : [interprétation]

25 Q. J'aimerais maintenant passer à la période au cours de laquelle vous

26 avez quitté le pays, à ce pont, lorsque vous avez dit que les gens qui

27 avaient pris vos papiers étaient des membres de la police et de l'armée.

28 Leur avez-vous remis des documents ou des papiers, ce jour-là ?

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1 R. Ce jour-là, j'étais sur le tracteur. Le tracteur était plein --

2 Q. Vous ne répondez pas à ma question. Ma question est très simple : avez-

3 vous remis ce jour-là des documents ou des papiers ?

4 R. Non. Je n'avais pas de papiers sur moi, je n'ai donc rien remis.

5 Q. Personne, ni de l'armée ni de la police, n'a pris vos papiers ce jour-

6 là, n'est-ce pas ?

7 R. Ils ont pris les papiers d'autres personnes qui étaient avec moi sur ce

8 même tracteur.

9 Q. Lorsque vous dites "ils", ces papiers ont-ils été remis à un membre de

10 l'armée ou un membre de la police ?

11 R. Les documents, les papiers ont été remis à un policier.

12 Q. M. Ivetic vous a posé des questions sur les activités de l'UCK dans

13 votre village. Vous avez dit à Me Ivetic qu'il n'y avait pas d'armes, qu'il

14 n'y avait pas de membres de l'UCK, qu'il n'y avait pas d'armement au sein

15 de votre village. Serait-il donc juste de dire que ce qui est arrivé dans

16 votre village n'avait rien à voir avoir un quelconque conflit armé qui

17 aurait pu opposer l'UCK aux forces serbes ?

18 R. Je ne suis pas au courant de tout cela. S'il y avait des armes dans

19 notre village ou s'il y avait l'UCK, je n'en sais rien.

20 Q. Bien, je crois que nous aurions pu gagner du temps si vous nous l'aviez

21 dit plus tôt. J'ai deux questions encore. Lorsque vous étiez à Isniq, vous

22 avez dit que le pilonnage avait commencé. Lorsque vous parlez de pilonnage,

23 de quoi parlez-vous exactement ? Qu'entendez-vous par là ?

24 R. Vous parlez de Irzniq ou de Isniq ? De quel village ?

25 Q. Je suis perdu. Dans quel village vous trouviez-vous, là où vous êtes

26 allé lorsque le pilonnage a commencé, puisque c'est de celui-là dont je

27 parle, moi ?

28 R. La dernière fois, nous étions à Isniq, et non pas à Irzniq.

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1 Q. D'accord, Isniq. Qu'entendez-vous par "pilonnage", lorsque vous dites

2 lorsque "le pilonnage a commencé" ? Qu'appelez-vous pilonnage ?

3 R. Ils ont commencé à pilonner le village, Isniq aussi. Nous avons donc dû

4 partir.

5 Q. Cela veut dire quoi pour vous, "pilonner" ?

6 R. Pilonner avec des canons, avec des pièces d'artillerie. Ils le savent.

7 Ils savent ce qu'ils ont fait, eux. L'objectif, c'était de détruire le

8 village et de nous détruire, nous.

9 Q. Quelles pièces d'artillerie étaient utilisées pour tirer sur ce

10 village ?

11 R. Je l'ai dit plus tôt. Ils étaient à Zalli i Strelcit, et à Podi i

12 Geshtenjane. C'étaient les principales sources du pilonnage, ou origines.

13 Q. Les obus tombaient sur le village où vous vous trouviez ?

14 R. Oui. Des obus sont tombés sur notre village et sur d'autres aussi.

15 Q. Ils ont touché le village, ils ont touché les maisons du village,

16 n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Combien de gens sont morts dans ce pilonnage, dans Isniq, là où vous

19 vous trouviez ? Avant de partir, combien de gens ont succombé au

20 pilonnage ?

21 R. Je ne sais pas ce qu'il en est d'Isniq, mais des gens sont morts à

22 Strelle.

23 Q. Je vous pose des questions sur Isnig puisque vous avez dit que vous y

24 étiez lorsque le pilonnage a commencé et que vous avez dû partir à cause de

25 cela. Combien de personnes ont été tuées par ce pilonnage dont vous dites

26 qu'il visait le village ?

27 R. Je ne sais pas. Il y avait beaucoup de gens. Tout le monde essayait de

28 trouver un véhicule qui l'amènerait vers l'Albanie.

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1 Q. Après votre départ, les gens qui se trouvaient dans le village ne

2 parlaient-ils pas d'amis ou de parents qui n'avaient pas quitté le village

3 parce qu'ils avaient été touchés par des obus ? N'en parlaient-ils pas, ou,

4 en réalité, la situation est autre, à savoir qu'il n'y a pas eu de

5 pilonnage et que personne n'a été blessé sur place ?

6 R. Je ne sais pas. Après avoir quitté le village, je ne sais pas combien

7 de personnes sont restées sur place.

8 Q. Bien. Une dernière question. Même si vous n'en avez rien dit dans votre

9 témoignage, si vous n'en avez pas parlé au bureau du Procureur, alors même

10 que vous avez eu à plusieurs reprises l'occasion de passer en revue cette

11 déclaration et de la corriger éventuellement, vous dites que dans une autre

12 conversation que vous avez eue avec des membres du bureau du Procureur,

13 vous avez évoqué des membres de l'armée dans le village de Beleg, lorsque

14 vous étiez là-bas.

15 Voici donc ma question. S'il s'avère par la suite qu'il n'y avait pas

16 de membres d'armée présents à Beleg à ce moment-là, qui, selon vous,

17 pourraient être ces gens si ce ne sont pas des membres de l'armée ?

18 M. STAMP : [interprétation] Objection. Il me semble que la question pousse

19 à la spéculation.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Effectivement, cela ne me semble pas

21 être une question convenable, Maître Ackerman. Je comprends pourquoi vous

22 la posez, mais je ne pense pas qu'elle soit ni nécessaire ni appropriée.

23 M. ACKERMAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a deux questions administratives

25 que j'aimerais traiter sans attendre. On a attiré mon attention ce matin

26 sur une requête ou sur une objection plus précisément conjointe de la

27 Défense vis-à-vis du programme de cette Chambre pour la semaine du 27

28 novembre. Si nous modifions le programme tel qu'il a été établi pour une

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1 demi-journée et si nous envisageons une réorganisation, un réaménagement de

2 ce programme, il faudra délivrer une ordonnance portant calendrier. Dans le

3 programme, on prévoit l'éventualité de séances plus longues au cours de

4 cette semaine-là, plus longues qu'une demi-journée. Je crois que c'est

5 aussi ce qui est prévu pour une autre semaine du mois de décembre

6 Je peux vous dire qu'il est hors de question que si effectivement nous

7 prolongeons les séances, nous les prolongions à six heures. Nous ne

8 prolongerons pas non plus nos travaux si ceci doit rendre le travail des

9 parties très difficiles et si elles ne peuvent pas réaliser leur

10 préparation convenablement. C'est ce que nous avions dit dans notre

11 ordonnance précédente, et nous n'avons aucunement l'intention de changer

12 d'avis sur la question. Je ne sais pas s'il y a eu un malentendu là-dessus,

13 mais je voulais simplement préciser la chose.

14 J'inviterais donc la Défense à retirer sa requête, puisqu'elle est

15 sans objet étant donné les circonstances actuelles.

16 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, avec

17 l'autorisation de mes confrères, je vous dis que nous allons la retirer. Je

18 suis sûr qu'il y a eu un malentendu. Je pensais que nous pouvions nous

19 appuyer sur les ordonnances portant calendrier qui nous ont été envoyées de

20 temps en temps. Je pensais qu'elles étaient agréées par la Chambre.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si nous devions nous écarter de

22 la routine habituelle, nous rendrons une ordonnance portant calendrier et

23 vous devriez attendre de l'avoir entre les mains, ou alors vous pouvez vous

24 renseigner auprès de M. Dawson si vous avez un quelconque souci à ce sujet.

25 M. ACKERMAN : [interprétation] J'apprécie grandement, et ce sera le

26 cas à l'avenir. Je vous présente mes excuses.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pas du tout, pas du tout. Je comprends

28 ce qui s'est passé.

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1 M. ACKERMAN : [interprétation] D'accord.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je souhaite simplement que tout soit

3 clair, à savoir que nous ne reviendrons pas sur ce qui a été dit et que

4 nous n'avons aucune intention de le faire. Manifestement, si des événements

5 inattendus surviennent, nous vous ferons connaître la possibilité de

6 commenter éventuellement, si nous décidons de modifier quelque chose dans

7 ce qui s'est passé.

8 La deuxième chose, c'est qu'une demande a été faite pour des mesures de

9 protection concernant un témoin que l'Accusation demande de nommer K85.

10 Compte tenu du calendrier, il sera nécessaire de traiter de cette requête à

11 un moment aujourd'hui. J'alerte la Défense par rapport à cela de façon à ce

12 que l'un des membres de la Défense s'apprête à répondre. Je souhaite

13 également qu'il soit clair que la Chambre -- excusez-moi, Maître Ackerman -

14 -

15 M. ACKERMAN : [interprétation] Je pense que vous êtes au milieu d'une

16 phrase, Monsieur le Président, et Me O'Sullivan s'occupe de cette question.

17 Après la pause, il sera prêt à en traiter oralement. En tout cas, c'est ce

18 que je crois savoir.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

20 Je tiens à dire cependant que cette pratique d'aborder certaines

21 questions en dernière minute est inacceptable pour la Chambre. J'en ai

22 vraiment assez de commentaires relatifs à des défaillances dans le travail

23 de l'Accusation qui ne présenterait pas les choses dans l'ordre. C'est un

24 autre exemple de ce que je suis en train de dire. S'il faut qu'il y ait des

25 retards dans l'organisation de la déposition des témoins, des demandes de

26 ce genre ne doivent pas être présentées à la Chambre dans des conditions

27 qui créent une quelconque pression sur les Juges pour rendre leur décision.

28 Ceci est tout à fait inacceptable. Ces requêtes doivent être adressées aux

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1 Juges de la Chambre en temps et en heures afin de permettre à la Défense de

2 répondre comme il convient.

3 A l'avenir, si cela devait se répéter, le témoin dont l'audition aura

4 été retardée, à moins qu'il n'y ait de bonnes raisons à cela pour justifier

5 la présentation de la requête à la dernière minute, cela donnera lieu à des

6 diminutions de temps disponible. Le fait que l'Accusation ait décidé de ne

7 pas s'entretenir avec le témoin jusqu'à la dernière minute ne sera pas

8 considéré par la Chambre comme un argument valable. Par conséquent, nous

9 traiterons du problème qui nous occupe maintenant, puisque c'est celui que

10 nous devons résoudre, mais l'attitude que je viens de décrire sera celle

11 que nous adopterons à l'avenir.

12 Nous suspendons et reprendrons à 11 heures moins 5.

13 Monsieur le Témoin, nous allons faire une pause. L'huissier va vous

14 indiquer où vous devez passer le temps de la pause.

15 [Le témoin se retire]

16 --- L'audience est suspendue à 10 heures 36.

17 --- L'audience est reprise à 11 heures 09.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suis désolé de cette reprise un peu

19 retardée. Je ne m'étais pas rendu compte que les expurgations feraient

20 durer un peu plus longtemps que d'habitude le processus de changement des

21 cassettes audio à la régie.

22 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila.

24 M. FILA : [interprétation] Je n'ai pas de questions, Monsieur le Président.

25 Je vous remercie.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

27 Maître O'Sullivan.

28 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Pas de questions, Monsieur le Président.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

2 Maître Bakrac.

3 M. BAKRAC : [interprétation] J'ai des questions, Monsieur le Président,

4 mais elles sont peu nombreuses.

5 Contre-interrogatoire par M. Bakrac :

6 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Mazrekaj. Je m'appelle Mihajlo

7 Bakrac. Je suis l'un des conseils de la Défense du général Lazarevic,

8 avocat de mon état.

9 Dans votre première déclaration écrite de février 2003, vous n'avez

10 rien dit du fait que des membres de l'armée yougoslave se seraient trouvés

11 à Beleg en mars 1999. C'est un fait que vous avez évoqué pour la première

12 fois le 30 octobre 2006. Eu égard à ce fait, il y a un point qui

13 m'intéresse. Ces membres de l'armée yougoslave à Beleg, vous les avez vus à

14 bord de leurs véhicules, n'est-ce pas ?

15 R. Pas en 1998, mais en mars 1999.

16 Q. Je ne sais pas, Monsieur Mazrekaj, ce qu'on vous a dit de la cabine

17 d'interprète, mais c'est ce que j'ai dit. J'ai dit mars 1999. En mars 1999,

18 vous avez vu des membres de l'armée yougoslave à bord de leurs véhicules.

19 C'est cela, ma question; est-ce exact ?

20 R. Oui, c'est exact.

21 Q. Vous n'avez pas pu distinguer de façon tout à fait précise les détails

22 de leurs uniformes ou les insignes que l'on voyait sur ces uniformes,

23 n'est-ce pas ?

24 R. Je n'ai pas pu le faire, mais le fils de Mushe Jakupi portait un

25 uniforme de l'armée.

26 Q. Vous saviez aussi que Mushe Jakupi était membre de la police locale,

27 n'est-ce pas ?

28 R. Ce n'était pas Mushe Jakupi lui-même. C'était son fils.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Mazrekaj, voyons ceci d'un

2 peu plus près. La personne que vous avez reconnue comme étant le fils de

3 Mushe Jakupi portait, comme vous venez de le dire à l'instant, un uniforme

4 de l'armée. D'après ce que vous dites. Dans votre déclaration écrite,

5 lorsque vous dites l'avoir reconnu, vous parlez de lui comme étant un

6 policier. Pourriez-vous tirer au clair cette contradiction, je vous prie ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Mushe Jakupi avait deux fils. L'un portait un

8 uniforme de policier et l'autre un uniforme de l'armée.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac.

10 M. BAKRAC : [interprétation]

11 Q. Je dois apporter une correction compte tenu d'une erreur qui s'est

12 glissée au compte rendu d'audience. Est-ce que vous étiez au courant que

13 les deux fils de Mushe Jakupi faisaient partie des forces de sécurité

14 locales ?

15 R. Non, je ne sais pas s'ils faisaient partie de la police locale ou de

16 l'armée, mais je les connais bien.

17 Q. Le fils de Mushe Jakupi qui, comme vous l'avez affirmé, portait un

18 uniforme de l'armée, est-ce que vous pourriez nous décrire l'uniforme qu'il

19 portait.

20 R. L'uniforme courant que portaient les soldats de l'armée yougoslave, les

21 soldats de la VJ.

22 Q. Monsieur Mazrekaj, je n'ai pas fait mon service militaire, alors je

23 vous demande de m'apporter votre aide en décrivant à mon attention l'aspect

24 de cet uniforme, si vous voulez bien.

25 R. Excusez-moi, cela ne m'intéresse pas de savoir si vous avez fait ou pas

26 votre service militaire, mais je connais parfaitement bien l'aspect d'un

27 uniforme militaire.

28 Q. Oui, Monsieur Mazrekaj. Je vous demanderais, si vous le voulez, de

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1 partager vos connaissances avec nous en décrivant cet uniforme, je vous

2 prie.

3 R. Je ne sais pas ce que vous me demandez de faire. Vous dites ne pas

4 savoir quel est l'aspect d'un uniforme. Je connais parfaitement l'aspect

5 d'un uniforme de policier ou de soldat. Je sais quel uniforme portaient les

6 soldats de la VJ de l'armée yougoslave.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Mazrekaj, pourriez-vous nous

8 donner une description générale de cet uniforme.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas comment le décrire. Cette

10 question me semble absurde. On me demande de décrire un uniforme militaire.

11 Même les petits enfants savent quel est l'aspect d'un uniforme militaire.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce serait peut-être utile de savoir de

13 quelle couleur était cet uniforme, peut-être.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vois rien ici qui ait la même couleur

15 que cet uniforme.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Les différentes armes d'une armée ont

17 des uniformes qui souvent sont différents. Il est tout à fait raisonnable

18 pour le conseil de la Défense de vous demander votre aide sous forme de

19 description de l'uniforme que vous avez vu. Vous ne pouvez pas nous

20 apporter une aide quelconque dans ce domaine ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pourrais le dire. Je peux dire quel est

22 l'uniforme qui était porté par les membres de l'armée, par les membres de

23 la police. Il n'y en avait que deux. Il n'y en avait pas trois.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac.

25 M. BAKRAC : [interprétation] Je ne vais pas continuer à insister. Je

26 prierais le témoin, M. Mazrekaj, de nous dire s'il n'est pas davantage en

27 mesure de définir la différence entre les véhicules de l'armée et les

28 véhicules de la police. Plus précisément, s'il est en mesure de nous

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1 décrire l'aspect que présentaient les véhicules en question.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Les véhicules de l'armée avaient une couleur

3 particulière quant aux véhicules de la police, ils étaient bleus.

4 M. BAKRAC : [interprétation]

5 Q. Quand vous dites que les véhicules militaires avaient leur propre

6 couleur, quelle était cette couleur ?

7 R. La couleur était grise.

8 Q. Ces véhicules de l'armée étaient-ils de couleur grise unie ? Vous dites

9 "gris," cela veut dire qu'ils étaient de couleur unie ces véhicules, n'est-

10 ce pas ?

11 R. Non, ce n'était pas du tout mélangé. C'était ce que j'appelle la

12 couleur de l'armée.

13 Q. Avez-vous vu sur ces véhicules des insignes quelconques ?

14 R. Non. Je n'étais pas tout près, je n'aurais pas pu lire.

15 Q. Ces véhicules avaient des roues, n'est-ce pas ?

16 R. Nous étions un peu en hauteur, dans une cours, et il y avait des hommes

17 à bord de ces véhicules.

18 Q. Si je comprends bien, Monsieur Mazrekaj, vous êtes en train de dire que

19 vous n'étiez pas en mesure de voir quelque détail que ce soit concernant

20 ces véhicules car vous étiez trop loin et le terrain était accidenté,

21 n'est-ce pas ?

22 R. Oui, le terrain était accidenté. C'était une colline mais nous voyions

23 parfaitement bien les hommes à bord de ces véhicules. J'ai très bien pu

24 voir les couleurs car nous étions les cibles.

25 Q. Quand vous dites les cibles de leurs armes, quelles sont les armes

26 qu'ils utilisaient ?

27 R. Leurs canons, leurs canons étaient tous dirigés sur nous.

28 Q. Monsieur Mazrekaj, j'ai encore une question à vous poser. Si je vous ai

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1 bien compris, vous étiez à la fin de la colonne qui a pris la route à

2 partir de Beleg, n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Au sein de cette colonne, on trouvait à peu près 1 000 personnes,

5 n'est-ce pas, comme vous l'avez dit aujourd'hui ?

6 R. Oui.

7 Q. Quelle était la longueur approximative de cette colonne ?

8 R. Un peu plus même. Cette colonne a suivi la route qui allait à plat en

9 direction de Carrabreg, mais je n'ai pas pu mesurer quoi que ce soit.

10 Q. Monsieur Mazrekaj, je ne vous demande pas une précision totale mais je

11 pars du principe que vous avez un sens de l'orientation minimum. Je vous

12 demande approximativement, en gros quelle était la longueur de cette

13 colonne à votre avis ?

14 R. Le convoi s'étendait sur à peu près un kilomètre et demi et peut-être

15 un peu plus.

16 Q. Si je vous ai bien compris, Monsieur Mazrekaj, avant que la colonne

17 n'atteigne Djakovica, vous avez quitté le convoi, n'est-ce pas ?

18 R. Je ne faisais pas partie du convoi. J'en suis sorti au niveau du pont

19 de Bajram Hasani. Je n'ai pas donné le nom de ce pont dans ma déclaration

20 écrite.

21 Q. Vous en êtes sorti à bord de votre tracteur ou à pied ?

22 R. Oui.

23 Q. Où êtes-vous allé à bord de votre tracteur ?

24 R. J'étais autonome et quelqu'un d'autre conduisait le tracteur.

25 Q. Vous avez quitté la colonne et quand vous avez quitté la colonne vous

26 étiez au volant de votre tracteur, n'est-ce pas ?

27 R. Non, non une jeune femme conduisait le tracteur. J'ai marché à pied et

28 traversé les champs, je n'étais pas avec eux.

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1 Q. Monsieur Mazrekaj, vous n'aviez absolument pas le moyen de voir quels

2 étaient les véhicules qui étaient en tête de colonne, contrairement à ce

3 que vous avez déclaré ici aujourd'hui, n'est-ce pas ?

4 R. Non, vous ne m'avez pas bien compris. Ce que je viens de dire c'est

5 quand nous allions dans la direction de Beleg, cela n'a rien à voir avec le

6 jour où nous nous sommes dirigés vers Djakova et l'Albanie.

7 Q. Non, Monsieur Mazrekaj, je vous interroge au sujet de la colonne qui a

8 pris le départ à Beleg. Dans votre déclaration écrite, en dernière page,

9 vous dites que : "Sur le chemin de Decani, je me suis rendu compte qu'on

10 était en train de nous amener à Djakovica. Quand les véhicules ont ralenti,

11 j'ai sauté de mon tracteur." Alors qu'à l'instant vous venez de nous donner

12 des renseignements complètement différents. Ce qui m'intéresse c'est de

13 savoir quelle est l'information exacte.

14 R. Quand nous avons pris la route de Beleg, nous nous dirigions vers

15 Decan. Mais à Carrabreg, nous avons changé de direction, et on nous a

16 dirigés vers Gjakova. Quand nous sommes arrivés au niveau du pont, il y

17 avait un camion et une colonne de tracteurs, et je suis sorti de la

18 colonne, mais les autres ont continué leur route vers Gjakova. Cela, c'est

19 le trajet qui a commencé à Beleg, dont je parle. Il y avait là des gens qui

20 allaient vers l'Albanie.

21 Q. Puisque vous étiez à l'arrière de la colonne qui s'étendait sur environ

22 2 kilomètres, vous n'avez pas été en mesure de voir qui se trouvait en tête

23 de colonne, n'est-ce pas ? Par ailleurs, qui plus est, vous avez vous-même

24 quitté cette colonne à un certain moment ?

25 R. J'ai quitté la colonne quand elle a atteint la grande route menant à

26 Gjakova. Il y avait là un gros camion de la police avec le fils de Male

27 Vishaj au volant de ce véhicule de la police, et c'est à ce moment-là que

28 je suis sorti de la colonne et c'est à ce moment-là que j'ai pu voir sur

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1 quelle distance s'étendait la colonne et combien de véhicules il y avait

2 dans cette colonne.

3 Q. Merci, Monsieur Mazrekaj. Monsieur le Président, je n'ai plus de

4 questions pour ce témoin.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

6 Monsieur Mazrekaj, vous avez dit à un moment que vous avez laissé le

7 tracteur et que vous étiez à pied, que vous aviez traversé les champs à

8 pied et que c'était une jeune femme qui conduisait le tracteur. Qui était

9 cette jeune femme ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Elle venait de mon village.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cette situation, a-t-elle eu lieu au

12 moment où vous étiez dans le convoi qui s'est ébranlé à Beleg ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

15 Maître Visnjic, c'est à vous.

16 M. VISNJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

17 Contre-interrogatoire par M. Visnjic :

18 Q. [interprétation] Monsieur Mazrekaj, je m'appelle Tomislav Visnjic. Je

19 suis avocat et conseil de la Défense du général Ojdanic. Je vais vous poser

20 quelques questions.

21 Monsieur Mazrekaj, est-il exact que le village d'Istinic est situé à 5

22 kilomètres de votre village ?

23 R. A 5 kilomètres à peu près ou un peu plus.

24 Q. Connaissez-vous quelqu'un qui répond au nom de Sinanaj Brahim Beta

25 [phon] ? Il était propriétaire d'un magasin d'alimentation à Istinic ou

26 dans les environs immédiats.

27 M. VISNJIC : [interprétation] Je demande que l'on prépare la pièce 3D39,

28 page 2.

Page 5851

1 Q. Vous connaissez cette personne ?

2 R. J'ai entendu parler de Beta à Istinic. Je ne connais pas l'homme dont

3 vous venez de prononcer le nom, mais je suis au courant qu'il y a des Beta

4 là-bas.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que les choses sont claires,

6 Maître Visnjic, mais Istinic comme vous le prononcez correspond-il à Isniq

7 dont parle le témoin ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Isniq et Irzniq, ce sont deux endroits

9 différents.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai compris cela.

11 Mais Maître Visnjic, est-ce que le village qui vous intéresse est un

12 village qui en albanais s'appelle Isniq; c'est bien cela ?

13 M. VISNJIC : [interprétation] Excusez-moi, j'attendais la fin de

14 l'interprétation, mais je crois qu'Istinic et Isniq sont deux dénominations

15 différentes dont l'une est serbe et l'autre albanaise pour la même

16 localité. Comme tout à l'heure il y a eu un peu de confusion entre Irzniq

17 et Isniq, j'ai délibérément utilisé le toponyme serbe pour qu'il n'y ait

18 pas de confusion.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

20 M. VISNJIC : [interprétation]

21 Q. Connaissez-vous peut-être quelqu'un qui répond au nom de Mehaj, Alija,

22 un habitant d'Isniq également ?

23 R. Non, je ne le connais pas.

24 Q. Ou encore quelqu'un qui s'appelle Islamaj, Islam ?

25 R. Non, je ne le connais pas.

26 Q. Monsieur Mazrekaj, savez-vous peut-être que durant le mois de février

27 1999, à plusieurs reprises, des membres de l'UCK en uniforme ont rendu

28 visite à plusieurs familles dans les environs d'Istinic en proférant des

Page 5852

1 menaces de mort pour les raisons suivantes : parce que ces familles avaient

2 organisé une distribution d'armes en septembre 1998, parce qu'elles avaient

3 coopéré avec la police et parce qu'elles n'avaient apporté aucun soutien à

4 l'UCK en y enrôlant des membre de leur famille ? Est-ce que vous êtes au

5 courant de ces incidents qui ont eu lieu à Istinic en février 1999 ?

6 R. Non. Non, je ne suis pas au courant de cela. Non.

7 Q. Merci.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, Maître Visnjic.

9 Monsieur Mazrekaj, vous nous avez dit hier que vous aviez été nommé ou élu,

10 je ne me souviens plus très bien, en tant que responsable de votre village.

11 Est-ce que quelqu'un a appelé votre attention sur le fait que des membres

12 de l'UCK en uniforme lui auraient rendu visite à la maison ? Personne ne

13 l'a fait ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, personne ne l'a fait.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

16 Maître Visnjic, vous pouvez continuer.

17 M. VISNJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 Q. Monsieur Mazrekaj --

19 M. VISNJIC : [interprétation] Je demande que l'on prépare la pièce 3D99,

20 page 6. Monsieur Mazrekaj, suis-je en droit de dire que le village voisin

21 de Locane est à un kilomètre à peu près de votre village de Drenovac ?

22 R. Oui, et même sans doute moins d'un kilomètre. C'est un village qui

23 jouxte le nôtre.

24 Q. Vous nous avez dit qu'il n'y avait pas de familles serbes dans votre

25 village, qu'il n'y en avait plus en mars 1999. Est-ce que je vous ai bien

26 compris ?

27 R. Ils ont quitté le village pour aller s'installer dans des appartements

28 inoccupés à Decan.

Page 5853

1 Q. Ils sont partis avant mars 1999 ?

2 R. Oui. Certains sont partis avant d'autres. Il leur arrivait de revenir

3 pour s'occuper du bétail qui était resté sur place, pour aller voir leur

4 maison.

5 Q. Savez-vous, Monsieur Mazrekaj, que dans le village de Locane, les

6 familles Antic, Simic, Popovic, Danicevic et Mijatovic sont parties le 22

7 mars 1999 parce que les soldats de l'UCK leur avaient ordonné de partir ?

8 R. Je connais ces familles, je les connais pratiquement toutes, mais je ne

9 sais pas exactement quand ces personnes ont quitté le village.

10 Q. Je vais vous rafraîchir la mémoire, dans ces conditions. Ils sont

11 partis le 22 mars 1999. Est-ce que ce faisant, je vous rafraîchis un petit

12 peu la mémoire ?

13 R. Non, je ne me souviens pas de la date exacte de leur départ du village.

14 Q. J'aimerais que l'on -- ou plutôt, cela vous aidera peut-être de savoir

15 que leurs maisons ont été incendiées le 24 et le 25 mars 1999.

16 R. Je n'étais pas à Locane, donc, je ne connais pas la date de l'incendie

17 des maisons, et je parle aussi bien des maisons serbes qu'albanaises.

18 Q. Le 24 et le 25 mars 1999, vous étiez dans votre village ?

19 R. Oui.

20 Q. Vous n'avez vu aucune fumée au-dessus du village avoisinant qui était à

21 moins d'un kilomètre du vôtre ?

22 R. Notre village est un village qui est en longueur. Je suis au bout du

23 village, donc je n'étais pas suffisamment près pour pouvoir voir cela.

24 Q. Vous nous avez dit que vous étiez le doyen du village. Personne n'est

25 venu vous dire alors ce qui s'était passé, ce qu'il était advenu aux autres

26 habitants du village, de l'autre village ? Personne ne vous a dit qu'à

27 quelque 500 mètres ou un peu plus de votre village, il y a des maisons qui

28 étaient la proie des flammes ?

Page 5854

1 R. Non, parce qu'à ce moment-là, nous ne pouvions pas nous déplacer

2 librement.

3 Q. Monsieur Mazrekaj, êtes-vous en train d'affirmer aujourd'hui dans le

4 cadre de votre déposition que vous n'avez rien vu, parce que vous savez

5 dans le village de Locane, dans la période commençant au moins à partir du

6 22 mars 1999 jusqu'au 25 mars 1999, il y avait là des membres de l'UCK, des

7 soldats de l'UCK ?

8 R. Non. Je n'ai absolument pas connaissance d'une telle présence. Quand

9 nous avons quitté le village le 22 mars, nous sommes allés à Beleg. Pendant

10 les deux ou trois qui ont précédé cette date, je n'ai reçu aucune

11 information au sujet de l'UCK.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Mazrekaj, quand avez-vous

13 appris pour la première fois que des maisons serbes du village de Locane

14 avaient été incendiées ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en ai jamais entendu parler, Monsieur le

16 Président.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

18 Maître Visjnic.

19 M. VISNJIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser au témoin,

20 Monsieur le Président. Je souhaiterais simplement --

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, il reste encore sept ou

22 huit minutes. Si vous souhaitez les utilisez, vous êtes libre de le faire.

23 M. IVETIC : [interprétation] Non, merci. Je vais m'en tenir au contre-

24 interrogatoire que j'ai déjà mené.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.

26 Monsieur Stamp.

27 M. STAMP : [interprétation] Je n'ai pas de questions supplémentaires à

28 poser au témoin.

Page 5855

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Mazrekaj, nous en sommes

4 arrivés au terme de votre déposition. Je vous remercie d'être venu ici au

5 Tribunal pour ce faire. Vous pouvez maintenant disposer.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup. Je vous présente tous mes vœux

7 de réussite dans le cadre de vos travaux.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

9 [Le témoin se retire]

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, est-ce que c'est

11 maintenant M. Zogaj qui va venir ?

12 M. STAMP : [interprétation] Oui. Je crois qu'effectivement, le témoin

13 suivant, c'est Shefqet Zogaj.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

15 M. STAMP : [interprétation] Avant qu'on fasse entrer le témoin, permettez-

16 moi de sortir quelques instants.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Certainement.

18 [La Chambre de première instance se concerte]

19 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Zogaj.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez prendre place. Vous êtes venu

23 déposer déjà dans le cadre de ce procès.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A ce moment-là, vous aviez prononcé

26 une déclaration solennelle au terme de laquelle vous vous engagiez à dire

27 la vérité. Cette déclaration continue à s'appliquer aujourd'hui dans cette

28 déposition.

Page 5856

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

2 LE TÉMOIN: SHEFQET ZOGAJ [Reprise]

3 [Le témoin répond par l'interprète]

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous allez être interrogé par les

5 conseils de la Défense et je vais leur demander dans quel ordre ils vont

6 procéder. Je vais poser la question à Me O'Sullivan.

7 M. O'SULLIVAN : [interprétation] D'abord, il s'agira de la Défense de

8 général Pavkovic, ensuite le général Lukic, le général Lazarevic, M.

9 Milutinovic, M. Sainovic et le général Ojdanic.

10 [La Chambre de première instance se concerte]

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman.

12 M. ACKERMAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 Contre-interrogatoire par M. Ackerman :

14 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Zogaj.

15 R. Bonjour.

16 Q. Je ne vais pas vous interroger pendant très longtemps. Vous avez fait

17 plusieurs déclarations dans le cadre des contacts que vous avez eus avec le

18 bureau du Procureur. Il y a une chose qui m'a frappé dans certaines parties

19 de vos déclarations c'est qu'elles ont un caractère quelque peu

20 journalistique. Ce qui s'explique sans doute par l'expérience qui est la

21 vôtre, votre expérience de journaliste. Est-ce que vous en conviendrez avec

22 moi ?

23 R. Oui.

24 Q. Un exemple, si l'on regarde votre déclaration d'avril 1999, paragraphe

25 2, on voit que vous parlez là du 20 mars 1999 quand vous étiez pour la

26 dernière fois à Suva Reka et vous dites, je cite : "La ville était

27 déserte." Dans toute la ville, vous n'avez trouvé que sept personnes en

28 tout et pour tout. Ensuite, vous dites : "Une grande terreur régnait sur

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1 place." C'est ce que je veux dire quand je parle de style journalistique

2 puisque les seules personnes qui auraient pu ressentir cette terreur, c'est

3 les sept personnes qui étaient encore au village, n'est-ce pas ?

4 R. Il faut que je précise une chose ici, si vous me le permettez. Le 20

5 mars 1999, c'est le jour où la mission de l'OSCE s'est retirée de Suhareke.

6 A Suhareke, il ne restait plus que quelques véhicules serbes. La ville

7 était complètement désertée. Il n'y avait pas de mouvement dans la

8 population puisqu'il n'y avait personne en ville.

9 Certains des commerces étaient ouverts mais il n'y avait personne.

10 S'agissant de Suhareke, après le départ de l'OSCE, on peut dire que c'est à

11 ce moment-là que la police, l'armée, les paramilitaires serbes ont commencé

12 leurs opérations vers le village de Rreshtan. Voilà ce que je voulais dire.

13 Q. Oui, cela figure dans votre déclaration. C'est au dossier. Il était

14 inutile je pense de répéter tout cela. Ce qui m'a frappé et vous venez de

15 le souligner d'ailleurs, c'est que la ville était presque complètement vide

16 et vous dites que la terreur régnait. Ce que je dis c'est que cette grande

17 terreur, seules les sept personnes qui restaient sur place, les sept Serbes

18 apparemment pouvaient la ressentir.

19 R. Absolument pas.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Précisons la chose. Où étaient les

21 habitants ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces gens-là se déplaçaient dans les rues de

23 Suhareke.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous dites qu'il y avait sept

25 personnes, mais le reste des habitants, où étaient-ils ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand on parle de "sept personnes," il s'agit

27 de sept Serbes qui se déplaçaient. Alors qu'au bureau du Conseil pour la

28 Protection des droits de l'homme qui se trouvait à Suhareke, il y avait un

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1 bureau-là, il y avait quatre ou cinq personnes.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman.

3 M. ACKERMAN : [interprétation]

4 Q. Au paragraphe 3 de cette même déclaration, il y a quelque chose qui ne

5 m'apparaît pas très clair. Vous dites que vous avez quitté Suva Reka pour

6 vous diriger vers le village de Pecane. Vous avez traversé la route

7 principale qui traversait Restane et Studencane vers Orahovac. Vous avez

8 marché le long de cette route. Vous avez vu un convoi. Vous dites qu'il y

9 avait un point de contrôle de police serbe à Restane. Vous ajoutez, je cite

10 : "Les autres zones étaient contrôlées par l'UCK." A quelles autres zones

11 faites-vous référence ? Quelles autres zones étaient contrôlées par l'UCK ?

12 R. Il faut que j'ajoute quelque chose ici.

13 Q. Non, répondez à ma question avant d'ajouter quoi que ce soit. Vous

14 parlez d'autres zones contrôlées par l'UCK. Quelles étaient ces zones ?

15 R. Je ne peux pas répondre à votre question sans auparavant apporter une

16 précision.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Zogaj, si vous pouvez

18 répondre à cette question et si on a besoin d'informations supplémentaires

19 quelqu'un vous les demandera. Vous dites que d'autres zones étaient

20 contrôlées par l'UCK. Voulez-vous nous dire, je vous prie, de quelles

21 autres zones vous parlez à ce moment-là ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Au cours de cette période, les zones

23 contrôlées par l'UCK étaient : Decan, Semetisht, Doberdolan, Pagarusha,

24 Samadrazhe ainsi que certains autres villages.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.

26 Maître Ackerman.

27 M. ACKERMAN : [interprétation] Merci.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Auparavant, il y a une chose que je

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1 voudrais demander au témoin. Je reviens à la question que nous avons

2 abordée en tout premier lieu. Dans votre déclaration on peut lire la chose

3 suivante, je cite : "Je n'ai trouvé que peu de personnes en ville. D'un

4 bout à l'autre de la ville, je n'ai pu trouvé que sept personnes. Je n'ai

5 vu que des voitures de police qui n'avaient pas de plaques

6 d'immatriculation. Toutes les voitures qui appartenaient à la population

7 civile étaient immobiles. Une grande peur régnait."

8 Où était la population albanaise ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] La population albanaise était dans les

10 maisons, les gens étaient dans leurs maisons à Suhareke.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

12 Maître Ackerman.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie.

14 M. ACKERMAN : [interprétation]

15 Q. Je vais maintenant passer au paragraphe 11 qui se situe à la page 4.

16 Vous dites la chose suivante : "Un grand convoi d'unités paramilitaires, de

17 militaires et de policiers serbes était arrivé jusqu'à Malisheve d'Orllat.

18 Ce convoi comptait quelque 40 véhicules militaires. J'ai vu ce convoi

19 depuis la colline de Banja." Je souhaiterais vous interroger au sujet de ce

20 convoi.

21 Quand l'avez-vous vu ? Pouvez-vous nous donner une date ?

22 R. Je ne pense pas avoir dit que j'avais vu depuis la colline d'Orllat.

23 C'était depuis le district de Malisheve, village d'Ajkali [phon].

24 L'INTERPRÈTE : Les interprètes signalent que le nom du village n'est peut-

25 être pas le bon.

26 M. ACKERMAN : [interprétation] Il y a peut-être un problème

27 d'interprétation ici.

28 Q. Vous dites que le convoi est arrivé à Malisheve et qu'il venait de la

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1 direction d'Orllat, O-r-l-l-a-t. Vous dites que vous l'avez vu alors que

2 vous vous trouviez en haut d'une colline à Banja; est-ce que cela c'est

3 correct ou pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Quand tout cela s'est-il produit ? Quand avez-vous vu cela ?

6 R. Cela s'est produit le 28 mars 1999, le 27 et le 28 mars.

7 Q. Vous avez vu ce convoi arriver depuis cette colline et vous l'avez vu

8 arriver au cours de deux journées successives, le 27 et le 28 ?

9 R. Il y a très longtemps maintenant que ces événements se sont produits.

10 Je pense que c'était le 28 mars. Je pense que c'est ce jour-là que le

11 convoi de la police, des paramilitaires, et cetera, est arrivé, et ils ont

12 commencé à bombarder Banja, Dragobil et d'autres villages. Le même jour, il

13 y a une famille entière qui a été affectée par ce pilonnage et Velime

14 Begaj, une femme, est décédée.

15 Q. Monsieur, ce que je souhaiterais vous demander, c'est si vous ne vous

16 souvenez pas d'une date de ne pas essayer de faire des suppositions, mais

17 de me dire simplement que vous n'en êtes pas sûr ou que vous ne vous en

18 souvenez pas. Vous n'avez pas à me donner de date même si je vous la

19 demande si vous ne vous en souvenez pas. Est-ce que vous avez bien

20 compris ?

21 R. Non. C'était le 28 mars.

22 Q. Pouvez-vous me dire comment vous parvenez à différencier les membres de

23 la police, de l'armée et des unités paramilitaires ?

24 R. A partir de leurs uniformes.

25 Q. Pour chacune de ces trois entités, pouvez-vous nous décrire les

26 uniformes correspondants ?

27 R. Oui.

28 Q. Allez-y.

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1 R. J'avais amené précédemment des photographies de la police serbe. Il y

2 avait aussi des photographies de leurs chars. Les policiers sont habillés

3 de bleu. Quant à l'armée serbe, ces membres sont vêtus d'uniformes de

4 camouflage, alors que pour ce qui est des unités paramilitaires, il y a

5 différentes sortes d'uniformes. Eux, ils avaient des uniformes noirs avec

6 des bandanas noués autour de la tête et autour du cou. Certains avaient le

7 crâne rasé. Certains avaient de très longues barbes, n'est-ce pas le cas ?

8 Nous disposons de photographies de toutes ces personnes. Si vous le

9 souhaitez, je peux vous montrer les photographies, je les ai ici ?

10 Q. Je n'étais nullement en train de mettre en doute vos propos. Je vous

11 demandais simplement sur la base de quoi vous pouviez arriver à ces

12 conclusions. Vous l'avez fait. Je vous en remercie.

13 Au paragraphe 13 de votre déclaration, cela commence à la page 4 pour

14 se terminer à la page 5 du document, il y a là une formulation un petit peu

15 confuse. J'ai du mal à comprendre ce que vous voulez dire. Vous allez vous

16 souvenir de ce dont il s'agit dès que j'aurai commencé à lire. Je cite :

17 "Je n'avais avancé que d'environ un mètre sur ce chemin lorsque deux

18 soldats serbes et paramilitaires vêtus d'uniformes noirs et portant des

19 écharpes autour du cou sont arrivés. Ils m'ont fait sortir de la voiture."

20 Vous vous en souvenez ?

21 R. Oui, cela s'est passé le 1er avril 19 --

22 Q. La question que j'ai à vous poser à ce sujet : ces deux soldats serbes

23 et paramilitaires, est-ce que c'étaient des soldats, des membres d'unités

24 paramilitaires, est-ce que c'étaient les deux ? S'ils portaient des

25 uniformes noirs et qu'ils avaient des espèces de foulards, ce devait être

26 des membres des unités paramilitaires parce que je ne comprends plus.

27 Comment se fait-il que vous ayez utilisé le terme de "soldats serbes,"

28 ici ?

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1 R. Les hommes politiques serbes ne comprennent jamais ce qui s'est

2 vraiment passé. Le 1er avril, deux policiers serbes m'ont extrait de mon

3 véhicule et m'ont emmené jusqu'au sous-sol de ma maison. On m'a roué de

4 coups. On m'a volé ce que j'avais et puis on m'a frappé --

5 Q. Je vous interromps. Vous ne répondez pas à ma question.

6 R. Je crois que j'ai répondu à votre question.

7 Q. Non. Je vous parle de ces deux soldats et paramilitaires serbes qui

8 avaient des uniformes noirs et qui portaient des foulards autour du cou.

9 Pourquoi est-ce que vous dites qu'il s'agit de "soldats serbes" ? S'ils ont

10 des uniformes noirs et s'ils avaient des foulards autour du cou, c'est ce

11 que c'étaient des membres d'unités paramilitaires, n'est-ce pas ?

12 R. Dans ma déclaration, j'ai déclaré que dans le village de Bellanice, des

13 paramilitaires, des soldats et des policiers sont entrés dans mon village,

14 mais j'ai été passé à tabac par des policiers. J'ai été passé à tabac à

15 trois reprises dans l'espace d'une demi-heure.

16 Q. Mais vous ne répondez pas à ma question.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais peut-être, Maître Ackerman. Si

18 vous lisez la suite du paragraphe --

19 M. ACKERMAN : [interprétation] J'y arrive.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En particulier, la troisième ligne à

21 partir du bas du paragraphe, est-ce que là il n'y a pas encore une

22 confusion supplémentaire s'agissant des responsables de ces actes ?

23 M. ACKERMAN : [interprétation] Justement, j'essayais d'y arriver, mais

24 j'aimerais d'abord traiter avec le témoin de la première partie de sa

25 déclaration.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais il faut rappeler au témoin

27 ce qu'il a dit ensuite, parce qu'à ce moment-là, cela lui permettra de

28 traiter de l'ensemble globalement.

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1 M. ACKERMAN : [interprétation] Je vais le faire.

2 Q. D'abord, vous nous dites que : "Deux soldats paramilitaires serbes

3 avaient des uniformes noirs et des foulards autour du cou vous ont extrait

4 de votre véhicule. Vous dites que vous aviez là une caméra vidéo et un

5 enregistreur et que c'était un cadeau qu'on vous avait fait."

6 Ensuite, vous dites : "La police m'a extrait de mon véhicule." R. On m'a

7 attrapé au cou, à la gorge.

8 Réponse : Non, non, je n'ai fait de cadeau à personne. Les serbes ne

9 méritent pas de recevoir des cadeaux. Deux policiers m'ont pris tout cela

10 par la force mais ne riez pas, je vous prie.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Zogaj, vous n'avez pas

12 compris la situation. Il est indiqué clairement dans votre déclaration que

13 tout cela vous l'aviez reçu en cadeau de quelqu'un d'autre, mais cela n'a

14 rien à voir avec ce dont on parle maintenant. Oubliez cela, c'est très

15 clair. Essayez de vous concentrer sur les deux extraits de votre

16 déclaration où vous parlez de ceux qui sont responsables, de ceux qui vous

17 ont extrait de votre véhicule, parce qu'à un moment donné, vous parlez de

18 "deux soldats et paramilitaires serbes vêtus d'uniformes et de foulards

19 vous ont fait sortir de votre véhicule par la force. Ensuite, vous avez dit

20 : "Des policiers m'ont attrapé par le cou et m'ont fait sortir du véhicule

21 par la force."

22 Là, cela entraîne certaines confusions chez nous. Donc, nous, nous

23 voudrions que vous nous apportiez des précisions sur ce point.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque la police est arrivée dans notre rue,

25 ce que je crois avoir dit, c'est qu'il y avait des paramilitaires et des

26 soldats. Alors que l'on me tirait de mon véhicule vers l'extérieur ce sont

27 deux policiers serbes qui l'ont fait. On m'a ensuite mis au sous-sol. On

28 m'a volé. Ils ont pris mon caméscope et d'autres types de matériel que

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1 j'avais, matériel journalistique, puis de l'argent également. Ils ont

2 également utilisé leurs armes, tiré dans le sous-sol. On peut toujours en

3 voir les traces encore aujourd'hui.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela ira pour l'instant. Me Ackerman

5 va sans doute avoir d'autres questions visant à tirer au clair les points

6 qui nous concernent directement.

7 M. ACKERMAN : [interprétation]

8 Q. Etes-vous en train d'affirmer maintenant que ce sont des membres de la

9 police qui vous ont extirpé du véhicule, et non pas les militaires,

10 paramilitaires serbes dont vous parlez ?

11 R. Oui, c'était la police.

12 Q. Je vais passer à un autre sujet.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez également dit que l'armée et

14 les paramilitaires étaient là au moment où ces choses se sont produites, si

15 j'ai bien compris.

16 R. Oui.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous les décrivez comme étant deux

18 soldats serbes et paramilitaires qui sont venus. Ils étaient vêtus

19 d'uniformes noirs et ils portaient des foulards autour du cou. C'est ce que

20 vous avez dit et c'est la raison de toute cette confusion. Alors,

21 qu'étaient-ils ? Ces deux-là, étaient-ils des soldats ou étaient-ils

22 membres d'unités paramilitaires ?

23 R. Ce sont les policiers qui m'ont extirpé du véhicule, mais dans le

24 secteur, il y avait des paramilitaires et des soldats.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Malheureusement, ceci ne ressort pas

26 clairement de votre déclaration, mais les choses sont peut-être un peu plus

27 claires maintenant.

28 M. ACKERMAN : [interprétation]

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1 Q. J'aimerais maintenant passer à la déclaration suivante que vous avez

2 faite en juin 2001. Vous parlez là encore du 1er avril et de ce qui s'est

3 passé vers 11 heures. Vous dites que le village de Belanica a été pilonné.

4 Vous dites que de nombreuses forces militaires, paramilitaires et

5 policières avaient incendié et détruit tout ce qui appartenait aux Albanais

6 dans les villages susmentionnés, donc ces villages doivent être d'autres

7 villages que Belanica. Pourriez-vous me dire de quoi vous parliez, de quels

8 villages vous parliez ?

9 R. Oui. Semetishte, Decan, Bllace, Banje, et cetera.

10 Q. Vous n'avez pas assisté aux incendies et à la destruction des biens

11 albanais dans ces villages au moment où ces événements ont eu lieu, n'est-

12 ce pas ? Vous n'avez pas vu qui était à l'origine de ces actes ?

13 R. Je l'ai vu de mes yeux. Les forces de l'armée et de la police ont été à

14 l'origine de ces actes, avec à leur tête les six accusés ici présents.

15 Q. Les accusés étaient là ce jour-là ? Vous les avez vus sur place ce

16 jour-là ?

17 R. Ils n'étaient pas présents, mais ce sont eux qui ont donné les ordres

18 qui ont abouti à tout ce qui s'est passé au Kosovo.

19 Q. Oui ? Vraiment ? Où avez-vous vu ces ordres ? Où les avez-vous vus ?

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous n'allons pas procéder ainsi,

21 Maître Ackerman. La réponse donnée par le témoin a été que ces actes ont

22 été perpétrés par les forces militaires et policières avec à leur tête les

23 six accusés ici présents. Dans sa déclaration, on ne lit que ces personnes

24 avaient un certain angle de responsabilité vis-à-vis des forces militaires

25 et policières. Concentrons-nous sur les questions qui nous intéressent

26 vraiment.

27 M. ACKERMAN : [interprétation] Enfin, comment le saurait-il ? Comment

28 pourrait-il savoir ce genre de chose ? Comment pourrait-il savoir qu'ils

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1 assumaient des responsabilités de telle sorte ? Avez-vous vu des ordres ?

2 R. Je les vois ici parmi nous. C'est la raison pour laquelle ils sont ici,

3 pour répondre de leurs crimes.

4 Q. Parce qu'ils sont ici, assis dans cette salle, vous partez du principe

5 qu'ils sont coupables ? Est-ce la position que vous défendez ?

6 R. S'ils n'avaient pas été coupables, ils ne seraient pas ici.

7 M. ACKERMAN : [interprétation] Je suis heureux que les Juges n'aient pas la

8 même opinion que vous sur la question. Je suppose que vous, vous pensez que

9 votre tâche, ici, c'est de déposer en vue de confirmer l'opinion qui est la

10 vôtre, à savoir qu'ils sont responsables d'une manière ou d'une autre de ce

11 que vous dites ? Est-ce que c'est ainsi que vous envisagez l'objet de votre

12 témoignage ?

13 R. Ils sont responsables des crimes commis au Kosovo.

14 Q. Oui, je comprends bien que c'est votre avis. Lorsque vous dites que

15 vous avez vu des forces militaires, paramilitaires et policières serbes,

16 c'est simplement une petite expression que vous utilisez systématiquement

17 sachant que ceci va aider à confirmer la responsabilité qui pour vous est

18 déjà acquise des personnes qui sont derrière moi ? Ce n'est pas parce que

19 vous avez véritablement vu ces forces sur place, n'est-ce pas ?

20 R. J'ai vu l'armée et la police serbe incendier des villages entiers,

21 tuant, massacrant même le bétail. J'ai des photos en ma possession qui

22 prouvent ce qu'ont fait les Serbes au Kosovo, des maisons incendiées. Ceci,

23 ce n'est pas un crime ?

24 M. ACKERMAN : [interprétation] Au paragraphe 45 de votre déclaration, il

25 est question du 2 avril, et vous y dites que vous étiez au poste frontière

26 de Morina et que vous avez vu un Serbe civil vêtu de noir et portant un

27 pistolet. Ce Serbe s'est approché du poste frontière en votre direction.

28 Sur quelle base avez-vous pu conclure que cet homme était un Serbe civil ?

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1 R. Je savais qu'il était Serbe. Il était présent, il était là afin de

2 maltraiter les Albanais qu'ils expulsaient de leur propre pays. Il était là

3 constamment à nous maltraiter constamment. Il n'était pas Américain, il

4 n'était pas Allemand, il était Serbe.

5 Q. Comprenez-vous la question ?

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Zogaj, vous n'êtes pas ici

7 pour défendre telle ou telle thèse. Vous êtes ici en tant que témoin, et

8 j'aimerais que vous n'oubliiez pas que vous êtes ici pour répondre à ces

9 questions. On vous a posé une question précise, ici. Sur quelle base ou sur

10 quel critère avez-vous conclu que cette personne était un civil serbe ?

11 Franchement, vous ne nous avez donné aucune base nous permettant de

12 comprendre pourquoi vous en êtes arrivé à une telle conclusion. Vraiment,

13 si nous n'allons pas plus loin dans cette réponse, nous devrions conclure

14 que nous n'avons aucun élément nous permettant, nous, de conclure que cet

15 homme était effectivement un Serbe. Pourquoi ne pas simplement écouter la

16 question et répondre à cette question ? Je peux vous assurer que vous

17 défendriez mieux la cause de l'Accusation en le faisant qu'en vous décidant

18 à défendre telle ou telle thèse plutôt qu'à répondre aux questions.

19 M. ACKERMAN : [interprétation] Vous n'avez peut-être pas compris la

20 question. Comment avez-vous déterminé que cette personne était un civil ?

21 Avez-vous compris la question ?

22 R. Il était vêtu en civil.

23 Q. Vous avez dit qu'il était habillé en noir et vous avez parlé du fait

24 que les paramilitaires portaient une tenue noire. Quelle est la différence

25 entre ces vêtements noirs à lui et la tenue noire des paramilitaires ?

26 R. Un instant.

27 Q. Je vous en prie, laissez-moi finir ma question avant d'y donner

28 réponse. Ce serait utile, je pense. Avez-vous entendu ma question ?

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1 R. Oui, j'ai entendu la question. Voilà. Ici, aujourd'hui, moi aussi je

2 porte des vêtements noirs, mais lui, il était Serbe.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour des raisons qu'il n'est pas

4 besoin d'évoquer ici, le conseil de la Défense voudrait que vous expliquiez

5 comment vous avez conclu que cet homme était un Serbe. Peut-être que la

6 question ne vous paraît pas particulièrement sensée, je ne sais pas, mais

7 c'est une question qui est tout à fait recevable devant ce Tribunal.

8 Pourriez-vous donc essayer de nous aider en répondant à cette question ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Il était Serbe. Je n'ai pas d'autres

10 commentaires à faire.

11 M. ACKERMAN : [interprétation] Très bien.

12 Q. En février 2002, vous avez donné un très brève déclaration dans

13 laquelle vous avez apporté une correction sur un certain Zoran Lazic. Dans

14 une autre déclaration, vous aviez dit que Zoran Lazic était président de la

15 municipalité de Suhareke. Vous avez souhaité ensuite modifier votre

16 déclaration en disant que Zoran Lazic était le principal criminel de la

17 municipalité de Suharece. Pourriez-vous nous donner des explications là-

18 dessus ? Pourquoi l'avoir appelé d'abord président de la municipalité pour

19 ensuite le rebaptiser principal criminel ?

20 R. Lorsque j'ai parlé du président de la municipalité, c'est une version

21 que j'ai tirée de l'UCK. Du jour au lendemain, la police serbe a modifié

22 ses effectifs au sein de la police de la municipalité et partout ailleurs.

23 Q. Certaines des choses que l'UCK vous avait dites et que vous avez fait

24 figurer dans votre déclaration se sont avérées erronées, n'est-ce pas ?

25 Vous voulez bien répondre ?

26 R. Qu'est-ce qui s'est avéré erroné ?

27 Q. Vous avez dit que les premières informations que vous avez obtenues sur

28 Zoran Lazic avaient émané de l'UCK, ensuite vous vous êtes rendu compte que

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1 l'information n'était pas bonne et que c'est pour cela que vous l'avez

2 rebaptisé "principal criminel". Ou le fait qu'il était le principal

3 criminel de la municipalité vous a-t-il été soufflé par l'UCK ?

4 R. Ce que j'ai dit, c'est qu'il était président, mais que du jour au

5 lendemain, des changements sont survenus au Kosovo. Les responsables des

6 services internes de la Serbie ont été remplacés.

7 Q. Très bien. Nous allons passer plus en détail à cette question ou

8 l'explorer plus en détail.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien, nous le ferons après la

10 pause.

11 M. ACKERMAN : [interprétation] Nous avons perdu du temps à la dernière

12 pause. Nous allons donc limiter celle-ci dans le temps et nous reprendrons

13 à une heure moins 20. Monsieur Zogaj, nous allons donc faire une pause de

14 20 minutes, l'huissier va vous accompagner jusqu'à la salle d'attente, et

15 nous nous retrouverons à une heure moins 20.

16 [Le témoin se retire]

17 --- L'audience est suspendue à 12 heures 21.

18 --- L'audience est reprise à 12 heures 45.

19 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman.

21 M. ACKERMAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

22 Q. Monsieur Zogaj, nous parlions de cette dernière correction que vous

23 avez apportée dans une déclaration que vous avez faite par la suite.

24 Correction relative à Zoran Lazic. En réponse à ma question, vous avez dit

25 ceci et je l'ai sous les yeux, je vais pouvoir vous citer de manière

26 précise : "Lorsque j'ai dit 'le président de la municipalité,' j'ai obtenu

27 cette version de l'UCK." Ce qui montre clairement que vous entreteniez des

28 conversations avec l'UCK sur la teneur de votre déposition devant ce

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1 Tribunal, n'est-ce pas ?

2 R. Lorsque j'ai fait cette déclaration, je me suis fondé sur des

3 informations recueillies auprès de l'UCK. Je ne pouvais demeurer aux côtés

4 des Serbes et eux savaient qu'il était président de cette municipalité.

5 M. ACKERMAN : [interprétation] Je crois que je n'ai plus de questions,

6 Monsieur le Président. Merci.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il semblerait qu'une partie de la

8 réponse soit dénuée de sens. Vous dites : que lorsque vous avez fait votre

9 déclaration, vous l'avez fondée sur la base d'informations recueillies

10 auprès de l'UCK. Ensuite, si j'en crois à la correction apportée, vous

11 continuez en disant : "Je ne pouvais pas rester avec les autres Serbes, et

12 ils savaient qu'il était président de cette municipalité." C'est ce que

13 vous avez dit ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que nous, les Albanais, nous ne

15 pouvions pas nous mélanger avec les Serbes. Nous devions rester entre

16 Albanais. Au cours de la conversation, deux conversations que nous avons

17 eues avec des Albanais à l'époque, ils m'ont dit que Lazic était président

18 de la municipalité. Je l'ai répété déjà par le passé et je le répèterai à

19 nouveau s'il le faut. La police serbe a remplacé ses dirigeants du jour au

20 lendemain.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne vois pas comment vous en êtes

22 arrivé à la conclusion selon laquelle il était le principal criminel ?

23 Pouvez-vous m'éclairer ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, parce qu'il avait été identifié au sein

25 de la population comme l'auteur de crimes après les bombardements de l'OTAN

26 sur le Kosova, le 25 mars à Suhareke et dans les villages environnants.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ne poursuivez pas sur ce point, en

28 particulier. Si les conseils souhaitent s'appesantir sur la question, ils

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1 le feront.

2 Vous en avez terminé, Maître Ackerman ?

3 M. ACKERMAN : [interprétation] Je crois.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

5 Maître Ivetic.

6 M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

7 Contre-interrogatoire par M. Ivetic :

8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je suis Dan Ivetic et je représente

9 M. Lukic. J'ai quelques questions à vous poser aujourd'hui et je vous

10 demanderais de bien écouter attentivement mes questions et d'y répondre de

11 la manière la plus concise et la plus véridique possible, de manière à ce

12 que nous puissions avancer le plus rapidement et le plus efficacement

13 possible.

14 Q. Premièrement, commençons. Vous avez indiqué qu'une partie de votre

15 déclaration était fondée sur des informations qui vous avaient été

16 communiquées par l'UCK. Y a-t-il d'autres segments de cette déclaration qui

17 se fondent également sur l'UCK ? Doit-on considérer que ce qui constitue

18 votre déclaration sont en fait des souvenirs de ce que vous avez vu et de

19 ce que vous savez, ou au contraire un reflet de ce que l'UCK voulait que ce

20 Tribunal entende ?

21 R. Il ne s'agit que de cette seule information qui émane de mes

22 conversations avec l'UCK et pas le reste.

23 Q. Bien. Vous étiez ici il y a quelques semaines pour l'interrogatoire

24 principal. A la page 3 792 du compte rendu, ligne 23, vous avez dit qu'un

25 char était un char de la police serbe. Il me semble qu'aujourd'hui vous

26 avez dit avoir amené des photos des uniformes de la police serbe et de

27 leurs chars également. Alors, s'il vous plaît, veuillez me dire ce à quoi

28 ressemblent ces chars de la police serbe. Comment les différenciez-vous

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1 d'autres chars ?

2 R. A la couleur.

3 Q. Quelle est la couleur de ces chars de la police serbe ?

4 R. Bleue.

5 Q. Monsieur, vous n'êtes pas en train de me dire qu'au cours de la période

6 que vous avez passée au Kosovo-Metohija, vous avez vu des chars de la

7 police bleus, se trouvant dans les municipalités dans lesquelles vous vous

8 trouviez vous-même, n'est-ce pas ?

9 R. Il y avait près de 30 000 hommes, policiers, militaires et

10 paramilitaires. M. Lukic était à la tête de ces forces.

11 Q. Je vous ai posé une question sur ces chars.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Zogaj, avez-vous avec vous

13 une photographie de ce que vous décrivez comme étant un char de la police

14 serbe ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourrais-je la voir ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

18 Une précision si vous me le permettez.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donnez cette photo à l'Huissier, s'il

20 vous plaît. Donnez d'abord cette photo à Me Ivetic de manière à ce qu'il

21 puisse examiner la pièce, et ensuite nous la placerons sur le

22 rétroprojecteur.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic.

24 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 Q. [interprétation] Monsieur, il semblerait que ceci soit un BOV, et non

26 pas un char. Est-ce donc le type de chars dont vous affirmez qu'ils étaient

27 utilisés par la police serbe à Suva Reka en 1999, au moment où vous y étiez

28 vous-même ?

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1 R. Oui, c'est très précisément ce dont il s'agissait. Je ne suis pas un

2 expert militaire. Je ne peux pas donner de chiffre ou de nombre, mais oui,

3 c'est le type de véhicules qui étaient utilisés par la police serbe.

4 Q. Ai-je raison de dire que ce véhicule n'est pas équipé de quelconque

5 armement, qu'il n'y a pas de canon sur ce véhicule ?

6 R. S'il y en avait, on les verrait. S'il n'y a pas de canon, il a des --

7 Q. Ce qui me pose un peu problème par rapport au véhicule que vous

8 décrivez au compte rendu d'audience, page 3 792, ligne 23, c'est que ce

9 véhicule ne correspondait pas à celui qu'on voit sur cette photo. Vous

10 parliez d'un véritable char équipé d'un canon à l'avant. Comment expliquez-

11 vous cette différence ?

12 R. La photo que j'ai montrée, je l'ai prise à Pristina pendant les

13 manifestations de 1997, mais le même genre d'armes et d'artillerie liées

14 aux forces serbes étaient opérationnelles un peu partout.

15 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce qu'il y a une

16 méthode de conserver ce qui est actuellement montré sur le rétroprojecteur

17 pour en demander le versement au dossier en tant que pièce à conviction ?

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais avant d'en arriver là, vous

19 avez cité la page 3 792; est-ce que c'était bien le numéro de la page que

20 vous souhaitiez citer ?

21 M. IVETIC : [interprétation] C'est ce que l'on voit dans mes notes, ligne

22 23.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce ne serait pas page 3 692 ?

24 M. IVETIC : [interprétation] Dans mes notes, c'est 3 792. Il s'agit de la

25 pièce à conviction 1325, si cela peut vous aider.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La conclusion du témoin sur cet

27 exemplaire figure en page 3 699.

28 M. IVETIC : [interprétation] Vous savez, Monsieur le Président, cela s'est

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1 peut-être passé le jour où l'on a eu le problème avec le système de

2 sténotypie. Il est possible que cela explique la différence des numéros.

3 Quoi qu'il en soit, il s'agit de la pièce à conviction P1325 --

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'était une citation de notre procès-

5 verbal, de notre compte rendu ?

6 M. IVETIC : [interprétation] Oui, de notre compte rendu d'audience.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'étais penché sur les comptes rendus

8 de l'affaire Milosevic.

9 M. IVETIC : [interprétation] Je cite une partie de l'audience du 22

10 septembre 2006.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La photographie peut être numérisée à

12 partir du rétroprojecteur et introduite dans le système e-court avec un

13 numéro de pièce à conviction.

14 M. IVETIC : [interprétation] D'accord.

15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce IC103, Monsieur le

16 Président.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

18 Si vous en avez terminé avec cette photographie, elle peut être

19 restituée au témoin, puisque nous en avons maintenant une copie.

20 M. IVETIC : [interprétation] Tout à fait. Je vais passer à la suivante.

21 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi. Pour que tout soit clair,

23 devons-nous conserver la photographie avant qu'elle soit complètement

24 numérisée, ou peut-on la restituer à M. Zogaj immédiatement ?

25 M. IVETIC : [interprétation] Je suppose que je peux poursuivre pendant la

26 numérisation de la photographie.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Alors procédez.

28 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

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1 J'aimerais que l'on affiche grâce au système e-court la pièce P1325,

2 pièce qui a été discutée le 22 septembre 2006. La page qui m'intéresse,

3 c'est la page 2.

4 Q. Monsieur Zogaj, le 22 septembre, le Procureur vous a demandé, et ceci

5 figure à la ligne 19 de la page 3 692 [comme interprété], je cite :

6 "Pouvez-vous dire si vous voyez ici des véhicules utilisés au cours de

7 l'opération de Belanica, oui ou non ?"

8 Vous avez répondu, je cite : "Oui."

9 La question suivante était : "Lequel de ces véhicules correspond ?"

10 Vous avez répondu : "Celui que l'on voit sous le regard du numéro 5,

11 il appartenait à la police serbe," avez-vous dit.

12 Monsieur, la photographie que l'on trouve au niveau numéro 5 ne correspond

13 en rien au véhicule dont vous venez de nous montrer une photographie,

14 n'est-ce pas ?

15 R. Ce que l'on voit au niveau de la photographie numéro 5, oui, cela

16 appartenait à la police serbe.

17 Q. Sur quoi vous fondez-vous pour conclure que le véhicule du numéro 5

18 appartenait aux forces serbes ?

19 R. La couleur, sur la base de la couleur.

20 Q. La couleur, pour moi, c'est du vert camouflage. Ce que vous nous dites

21 aujourd'hui dans votre déposition est que la police serbe se déplaçait dans

22 des chars de couleur verte de camouflage ? Vous nous aviez dit jusqu'à

23 présent que la couleur était bleue.

24 R. C'est la photographie d'une arme utilisée par la police serbe. C'est

25 une pièce du genre qu'utilisait la police serbe.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous vous avons entendu dire cela

27 déjà, Monsieur Zogaj. La question que l'on vous pose correspond à des

28 propos que vous avez tenus précédemment. Vous avez dit que les véhicules de

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1 la police étaient bleus. Or, celui que l'on voit sur cette photo n'est

2 certainement pas bleu.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Si, c'est bleu, et de camouflage.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp.

5 M. STAMP : [interprétation] Je ne sais pas si cela pourrait aider

6 d'agrandir un peu la photographie.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous dites que c'est du bleu de

8 camouflage, cela, Monsieur ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a plusieurs couleurs, là, sur ce type de

10 char. On y voit du bleu, du vert, on voit un peu de rouge tirant sur

11 l'orange, du blanc aussi.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avez-vous pris à quelque moment que ce

13 soit des véhicules de ce genre en photo, comme vous l'avez fait pour le

14 véhicule que vous nous avez montré tout à l'heure ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai d'autres photographies, oui.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] De ce véhicule-ci ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis en possession d'autres photographies

18 de ce que les forces serbes ont laissé derrières elles après leur retour du

19 Kosovo. Nous avons des photographies de tout cela aujourd'hui.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne vous demandais pas cela. Je vous

21 demandais si vous aviez des photographies prises par vous de véhicules que

22 vous avez vus de vos yeux. Avez-vous des photographies prises par vous de

23 véhicules similaires à celui que l'on voit en ce moment même sur nos

24 écrans ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Heureusement, et je l'ai déjà dit au début de

26 ma déclaration à Tirana, si Dieu l'avait voulu et que j'aie pu retrouver

27 les fondations de ma maison intactes, j'aurais pu y découvrir des preuves

28 de crimes commis par les Serbes au Kosovo. Toutefois, à mon retour au

Page 5878

1 Kosovo, j'ai découvert que ma maison avait été incendiée. J'ai sur moi ici

2 un certain nombre de photographies que je peux remettre au Tribunal pour

3 démontrer les traces des actes commis par les Serbes au Kosovo.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je considère que votre réponse est une

5 réponse négative à la question que j'avais posée.

6 Maître Ivetic, à vous.

7 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne pense pas qu'il s'agisse d'une

9 réponse négative.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez, Monsieur Zogaj, si vous

11 refusez de répondre à mes questions, je traiterai simplement cette réponse

12 comme un non. Ma question, très simple, d'ailleurs, consistait à vous

13 demander si vous possédiez des photographies prises par vous d'un

14 quelconque véhicule ressemblant à celui que l'on voit en ce moment sur

15 l'écran. C'est tout ce qui m'intéresse en ce moment.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Celle-ci, mais ce n'est pas le même véhicule.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ce cas-là, je n'ai aucun intérêt

18 à la regarder à l'instant. Cela pourra faire l'objet de questions de la

19 part de l'une des parties si elle le souhaite. J'ai posé une question

20 particulière et j'ai obtenu une réponse.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Sur cette photo, on voit une arme d'un type

22 différent, une autre pièce d'artillerie.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'après vous, il s'agit de quoi ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une pièce d'artillerie qui est de

25 couleur comparable, mais comme je l'ai déjà dit précédemment, j'ai du mal à

26 distinguer les différents types d'armes puisque je ne suis pas militaire

27 personnellement. Mais ceci, c'est une pièce qui était utilisée typiquement

28 par la police.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce qui m'intéresse en moment, c'est

2 l'équipement de la police. Est-ce que vous dites que ce qu'on voit sur la

3 photographie que vous tenez dans votre main maintenant est une arme qui

4 était utilisée par la police ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Où cette photographie a-t-elle été

7 prise ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons trouvé ceci à Suhareke.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Zogaj, je crois avoir été

10 amplement clair sur le sujet. Ma question porte uniquement sur les

11 photographies que vous auriez prises personnellement. Est-ce que vous avez

12 compris ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] La photographie que j'ai remise précédemment

14 est une photographie prise par moi, mais les autres photographies prises

15 par moi ont malheureusement brûlé.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, vous pouvez poursuivre.

17 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 Q. Une question encore sur ce sujet, après quoi nous passerons à autre

19 chose. Etes-vous en train de dire dans votre déposition que le véhicule de

20 ce type, et je sais que vous n'êtes pas un militaire de carrière, est-ce

21 qu'un véhicule de ce genre, celui que vous avez photographié en 1997,

22 ressemble à ceux dont vous avez parlé ? Est-ce que c'est ce que vous

23 affirmez ?

24 R. Non, ils ne se ressemblent pas. Ce qu'on voit à l'écran est bleu, et je

25 crois que c'est une pièce appartenant à la police.

26 Q. Très bien.

27 M. IVETIC : [interprétation] Je m'arrête là pour le moment, Monsieur le

28 Président.

Page 5880

1 Q. j'aimerais appeler maintenant votre attention à un passage de votre

2 déclaration écrite de 1999, où vous décrivez que le 20 mars 1999, à minuit

3 20, les premières attaques ont commencé sur les villages de Pecane,

4 Studencane et Doberdolan. Où vous trouviez-vous à ce moment-là qui ait pu -

5 - et comment avez-vous pu savoir que dans trois villages différents, les

6 attaques avaient commencé en même temps ?

7 R. A l'époque où les attaques ont commencé, j'étais à Semetisht, et depuis

8 Semetisht, j'ai décidé de partir pour Peqan et j'ai vu que les forces

9 serbes étaient en train de pilonner.

10 Q. Suis-je en droit de dire, par conséquent, que tout ce que vous avez vu

11 -- non, je reformule.

12 Suis-je en droit de dire que lorsque vous dites dans votre

13 déclaration écrite que le 20 mars 1999 à minuit 20, les premières attaques

14 ont commencé, ce que vous savez de première main au sujet de ces attaques

15 concerne uniquement Pecane ?

16 R. Dans ma déclaration écrite, je n'ai pas parlé que de Peqan. J'ai parlé

17 aussi des villages environnants, Studencane, Doberdolan, Semetisht.

18 Q. Je vous demandais où vous vous trouviez personnellement, depuis quel

19 endroit vous avez vu cela personnellement. Vous vous trouviez à Pecane à ce

20 moment-là, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Eu égard à ce que vous avez vu de vos yeux, le 20 mars à minuit 20,

23 vous n'avez rien vu d'autre que ce qui se passait à Pecane, n'est-ce pas ?

24 R. Je n'ai vu que ce qui se passait à Peqan, mais j'ai vu des pièces

25 d'artillerie tirer dans la direction de ces autres villages également.

26 Q. Je vais vous interroger au sujet de Pecane, puisque vous vous trouviez

27 dans ce secteur à ce moment-là. Je suis certain que vous avez dû voir, ou

28 en tout cas avoir entendu parler de la résistance féroce contre les forces

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1 serbes de la part de l'UCK locale pendant cette période, en particulier à

2 Pecane. Est-ce que vous êtes au courant ?

3 R. L'UCK était dans des endroits particuliers choisis par elle et elle

4 protégeait la population civile albanaise.

5 Q. Monsieur, nous avons entendu M. Ilmet Fondaj, le commandant de l'UCK de

6 Pecane, qui dit autre chose, à savoir que l'UCK a ordonné aux civils de

7 Pecane de quitter le village de façon à ce que l'UCK puisse organiser une

8 embuscade contre les Serbes, et c'est ce qui s'est passé dans la réalité.

9 Est-ce que ceci vous rafraîchit la mémoire, eu égard à la situation de

10 Pecane ?

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, j'ai quelques doutes

12 quant au caractère équitable de votre question. Vous avez posé une question

13 il y a quelques instants et vous avez reçu une réponse affirmative. Votre

14 question consistait à interroger le témoin sur une "éventuelle résistance"

15 féroce de la part de l'UCK, et la réponse, pour l'essentiel, a été un oui.

16 M. IVETIC : [interprétation] Je suis d'accord.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous devriez avoir quelque mal à

18 critiquer le témoin pour la réponse qu'il vient de vous faire.

19 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, si je lis la réponse,

20 je vois que le témoin a déclaré que l'UCK était là pour défendre la

21 population civile albanaise du village. Or, ce n'était pas le cas à Pecane,

22 d'après ce que nous avons entendu de la bouche d'autres témoins.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous ne pouvez pas critiquer le témoin

24 pour s'être exprimé comme il l'a fait dans sa réponse.

25 M. IVETIC : [interprétation] Je suis d'accord. Peut-être ma question était-

26 elle mal formulée.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Reformulez-la.

28 M. IVETIC : [interprétation]

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1 Q. Est-ce que vous connaissez quelqu'un qui s'appelle Ilmet Fondaj ?

2 R. Oui.

3 Q. Suis-je en droit de dire qu'Ilmet Fondaj était membre de l'UCK et qu'il

4 était le responsable de l'UCK pour le village de Pecane, dans la

5 municipalité de Suva Reka en 1999 ?

6 R. Oui.

7 Q. D'accord. Avez-vous connaissance du fait que M. Fondaj et les autres

8 membres du contingent de l'UCK placés sous ses ordres ont eu recours à une

9 stratégie consistant à ordonner aux civils de partir pour leur permettre de

10 tendre une embuscade ou un piège aux forces serbes dans les villages

11 habités par des Kosovars albanais, et notamment à Pecane ?

12 R. Monsieur Fondaj et les autres ont fait cela parce que la police

13 militaire et les forces serbes paramilitaires pilonnaient le village. Pour

14 éviter que les civils ne risquent la moindre blessure, l'UCK a demandé à la

15 population de partir.

16 Q. D'accord. N'est-ce pas également un fait, Monsieur, qu'à partir du 20

17 mars 1999, les forces de l'UCK de Pecane et des environs ont combattu les

18 forces pendant huit jours d'affilée, avant finalement de se retirer vers

19 Belanica et vers les montagnes situées à l'arrière de Belanica ?

20 R. C'est vrai, mais la vérité est tout de même un peu différente parce que

21 la police, l'armée et les paramilitaires sont mis à pilonner ces villages.

22 Ce sont eux qui ont commencé. Cela c'est la vérité et l'UCK protégeait la

23 population.

24 Q. L'UCK était dans ces villages avant l'apparition des Serbes, n'est-ce

25 pas ?

26 R. Bien sûr.

27 Q. Suis-je en droit de dire que pendant cette période de huit jours

28 pendant laquelle l'UCK s'est battue contre les forces serbes, vous vous

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1 comptiez au nombre des villageois de la municipalité de Suva Reka ? Vous ne

2 vous trouviez pas dans la ville de Suva Reka, mais dans un village, n'est-

3 ce pas ?

4 R. A partir du 20 mars, personne ne pouvait pénétrer dans Suhareke en

5 provenance d'autres localités comme Nishor, Bellanice, Pagarusha, et

6 cetera, où il n'y avait pas de combats. Nous ne pouvions pas pénétrer dans

7 Suhareke. Nous ne pouvions que regarder ce qui s'y passait de loin.

8 Q. Suis-je en droit de dire que vous ne vous trouviez pas à Suva Reka le

9 25 mars 1999, alors que selon votre déclaration écrite de 1999, page 3,

10 paragraphe 2, vous affirmez vous être trouvé là-bas et y avoir observé

11 certains événements survenus dans la ville de Suva Reka ?

12 R. Nous avons vu la population civile en train de quitter la ville de

13 Suhareke, parce qu'à ce moment-là, la population de Suhareke était en train

14 de se faire massacrer. Les maisons étaient en train de se faire incendier.

15 J'ai vu la population civile quitter la ville nu-pied. Cela se passait dans

16 les toutes premières heures de la matinée.

17 Q. A ce moment-là, vous étiez à quelle distance de la ville de Suva Reka ?

18 R. Environ 2 kilomètres.

19 Q. Est-ce que vous étiez muni de jumelles ?

20 R. Non, je n'avais pas de jumelles, mais mon esprit aussi bien que mon

21 corps fonctionnaient correctement, donc j'ai pu tout voir de loin, de

22 l'endroit où je me tenais.

23 Q. A une distance de 2 kilomètres, là où vous étiez, depuis ce point vous

24 n'avez vu personne se faire massacrer, n'est-ce pas ?

25 R. Cela je ne l'ai pas vu. Mais comme je l'ai déclaré dans ma déclaration

26 écrite, je me suis entretenu avec les habitants qui quittaient Suhareke,

27 sans même pouvoir emporter des biens de première nécessité pour survivre.

28 C'est ce qu'ils m'ont dit et c'est la vérité.

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1 Q. Suis-je en droit d'en conclure que la description que vous faites de ce

2 qui s'est produit à Suhareke en ville, après le 20 mars 1999, ce récit

3 repose uniquement sur ce que des personnes vous ont raconté, et non pas sur

4 ce que vous-même, vous avez vu de vos yeux ?

5 R. J'ai vu les incendies. J'étais là quand on a mis le feu à Suhareke.

6 C'est un fait et je crois ce que m'ont dit les personnes qui sortaient et

7 qui sont venues dans ma direction. Je leur ai parlé. Ils m'ont parlé de

8 certains membres de leurs familles qui avaient été tués ainsi, par exemple,

9 le Pr Sejdi Bytyqi, un professeur d'histoire. Il fait partie de ceux qui

10 ont été exécutés, mais il a malgré tout réussi à échapper au massacre. Tous

11 ses amis ont été tués.

12 Q. Je conclu que vous n'avez pas été témoin oculaire de ces faits. Je

13 voudrais maintenant reparler de Pecane.

14 Dans votre déclaration, celle de 1999, vous parlez de Pecane et vous

15 dites au sujet des forces qui sont entrées, je cite : "Ce n'étaient pas des

16 policiers qui portaient des uniformes standards, mais leurs uniformes

17 semblaient être de plusieurs couleurs, surtout dans les tons noirs. Ils

18 portaient des cagoules ou ils avaient le visage peint."

19 Est-ce que vous avez vu de vos yeux ces hommes entrer dans Pecane ?

20 R. Je ne crois pas avoir dit cela. Je sais une chose, c'est que les

21 policiers étaient là. Il y avait également l'armée et les paramilitaires.

22 Je les ai vus. C'est la réalité.

23 Q. Je suis en train de vous donner lecture de votre déclaration en

24 haut de la page 3 dans la version en anglais, déclaration de 1999. Ce dont

25 j'ai donné lecture est extrait de cette déclaration. Etes-vous vous en

26 train d'affirmer maintenant que vous n'avez pas vu de policiers -- non, je

27 reprends.

28 Est-ce que vous êtes en train de me dire que vous n'avez pas vu de

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1 personnes portant des uniformes de différentes couleurs, surtout dans les

2 tons noirs, qui avaient des cagoules ou le visage peint ? Vous n'affirmez

3 pas qu'il s'agisse là de policiers ?

4 R. Ils sont entrés dans Peqan. Je crois que ce que j'ai dit, c'est

5 qu'à Bellanice, ils avaient des bandanas, ils avaient des peintures sur le

6 visage, mais je ne crois pas avoir dit la même chose sur Peqan. J'ai

7 déclaré qu'il y avait des forces armées qui étaient entrées à Peqan.

8 Q. Je vais revenir à la page 2, où vous dites :

9 "Dans le seul village de Peqan, j'ai vu huit chars, sept véhicules

10 blindés et deux Praga (type véhicule blindé muni d'un canon sur le toit.)

11 Il ne s'agissait pas de policiers vêtus d'uniformes standards. Leurs

12 uniformes étaient de couleurs différentes, surtout dans les tons de noir.

13 Ils portaient des cagoules et avaient le visage recouvert de peinture. Ceux

14 qui ont dirigé ces attaques étaient notamment les personnes suivantes."

15 Je vous le redemande encore une fois : est-ce qu'il s'agit là d'une

16 description exacte de ce que vous avez vu à Peqan ?

17 R. Je ne crois pas que j'ai dit cela au sujet de Pecane. Je peux

18 vous parler de Bellanice. Cela ne me dit rien ce chiffre que vous avez

19 donné; 7.

20 Q. Je vais vous parler un peu plus avant de Peqan. Vous avez donné

21 le nom d'une personne, un certain Zika. Ce Zika, est-ce que précédemment

22 vous l'aviez vu vêtu d'un tel uniforme, l'uniforme que vous décrivez dans

23 la déclaration que vous aviez faite en 1999 ?

24 R. Zika c'était un membre de la police régulière. Il appartenait à

25 la police serbe de Suhareke et autant que je m'en souvienne, je n'ai pas

26 dit au sujet de Pecane, cela a eu lieu à Bellanice, cela. Il m'a pris les

27 clés de ma voiture et avec ses amis il m'a frappé. Il ne portait pas de

28 cagoule.

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1 Q. Ah, c'est lui qui vous a passé à tabac. Ce ne sont plus les deux

2 soldats paramilitaires en uniformes noirs, ni les deux policiers. En fait,

3 c'est Zika qui vous a roué de coups dans votre voiture ?

4 R. Zika. La troisième fois, c'est lui qui m'a frappé parce que j'ai

5 dit précédemment qu'en l'espace d'une demi-heure, j'ai été passé à tabac à

6 trois reprises par la police serbe. Au moment où Zika m'a pris mes clés de

7 voiture, il y avait là quatre policiers. Il a emmené ma voiture et ils ont

8 utilisé ma voiture pendant toute la période qu'ils ont passée au Kosova et

9 je dispose d'une photographie de cette voiture.

10 Q. J'aimerais que vous me parliez de Zika et des policiers que vous

11 avez identifiés. Veuillez, je vous prie, nous décrire les uniformes qu'ils

12 portaient ?

13 R. C'étaient des uniformes bleus, les uniformes de la police.

14 Q. Bien, Monsieur, j'habite aux Etats-Unis. Dans chaque ville des Etats-

15 Unis, les policiers portent un uniforme différent de la ville voisine, si

16 bien que je veux et j'ai besoin que vous m'expliquiez ce que cela veut dire

17 lorsque vous dites : "Il s'agissait des uniformes bleus de la police,"

18 décrivez-moi ces uniformes en dehors de leur couleur.

19 R. Des tenues de camouflage ou des uniformes de camouflage bleus.

20 Q. Avez-vous vu des inscriptions ou autre chose sur ces uniformes de

21 camouflage bleus portés par les policiers dont vous nous dites-vous ont

22 soit frappé ou on regardé JK [phon] vous porter des coups ?

23 R. Ils nous ont frappés sans aucune pitié, implacablement. Si bien

24 qu'aujourd'hui, je ne peux pas vous dire que c'est telle ou telle personne

25 qui a fait telle ou telle chose. Je sais simplement que JK était là, qu'il

26 avait un uniforme de camouflage bleu. Cela c'est la vérité vrai.

27 Q. J'imagine Monsieur que, s'ils vous ont passé à tabac, ils étaient assez

28 près de vous; est-ce que vous avez remarqué quoi que ce soit sur leurs

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1 uniformes ? Quelque chose qui peut vous amener à conclure qu'il s'agissait

2 de policiers ?

3 R. C'était des policiers. C'était des policiers. C'était facile de

4 différencier les deux, de faire la différence entre un policer et un

5 soldat, un soldat ou un membre d'une unité paramilitaire, et cetera. Voilà

6 c'est tout. C'était un policier serbe qui portait une tenue de camouflage

7 bleue. Il n'avait pas de cagoule.

8 Q. Ces policiers que vous avez identifiés sur la base de leur uniforme,

9 que portaient-ils sur le thorax ? Est-ce qu'il y avait quelque chose à ce

10 niveau-là sur leurs uniformes ?

11 R. Ils avaient une protection, je ne me rappelle plus comment on appelle

12 cela. Ah oui, c'est cela, j'imagine que cela s'appelle un gilet pare-balle.

13 Ils étaient armés, de kalachnikov, fusils automatiques, pistolets. Ils

14 avaient aussi des couteaux et des pinces.

15 Q. Cette description, est-ce qu'elle vaut aussi bien pour JK que pour ces

16 deux hommes qui vous ont extrait de votre véhicule avant de vous rouer de

17 coups ?

18 R. Oui. Cela vaux également pour les autres.

19 Q. Ce gilet pare-balle, de quelle couleur était-il ?

20 R. Pareil que les autres.

21 Q. Les uniformes que portaient ces hommes, est-ce qu'ils comportaient

22 quelque chose de particulier au niveau des épaules ou sur les manches ?

23 R. Oui, pour la majorité, oui.

24 Q. De quoi s'agissait-il, Monsieur ?

25 R. Il y avait quelque chose d'écrit en Serbe en alphabet cyrillique, si je

26 ne me trompe il y avait une inscription qui signifiait police criminel,

27 enfin quelque chose de ce style.

28 Q. Est-ce qu'ils arboraient d'autres emblèmes ? Je ne vous demande pas de

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1 regarder des photographies. Je ne sais pas ce que vous êtes en train de

2 regarder. Je vais vous demander de vous souvenir s'ils arboraient autres

3 choses, autres emblèmes sur leurs uniformes ?

4 R. Oui, l'emblème serbe, l'emblème de la police, de l'armée et cetera.

5 Q. Leurs uniformes comportaient tous ces emblèmes-là ?

6 R. Pas les paramilitaires.

7 Q. Moi, Monsieur, je vous interroge plus particulièrement au sujet de ceux

8 dont vous nous dites que c'était des policiers qui portaient ces tenues de

9 camouflage bleues. Quel type d'emblème avez-vous pu voir sur leurs

10 uniformes ?

11 R. Le drapeau serbe ou le drapeau de la Yougoslavie, enfin je ne sais pas

12 exactement de quel drapeau il s'agissait, en tout cas, voilà c'est cela.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, je vais vous

14 interrompre, si le moment est bien choisi parce que vous savez que nous

15 avons d'autres engagements.

16 M. IVETIC : [interprétation] Bien.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Zogaj nous devons en terminer

18 pour aujourd'hui de votre déposition puisqu'il y a une autre audience qui a

19 lieu cet après-midi dans laquelle siège l'un des Juges de la Chambre. Il

20 faudra donc que vous reveniez au Tribunal lundi pour poursuivre le cours de

21 votre déposition, je crois que ce sera le matin, oui c'est cela. Le matin,

22 lundi matin à 9 heures. Vous devrez donc revenir suffisamment tôt au

23 Tribunal pour pouvoir recommencer à déposer à 9 heures. Dans l'intervalle

24 il est absolument essentiel que vous ne parliez à personne, je dis bien à

25 personne, de la nature de votre déposition. Il s'agit aussi bien de ce que

26 vous avez déjà dit que de ce que vous serez amené à dire. Vous pouvez

27 parler de n'importe quoi à n'importe qui mais il vous est absolument

28 interdit de parler avec qui que ce soit de votre déposition.

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1 Je vous demande maintenant de quitter le prétoire avec Monsieur le Huissier

2 et nous nous retrouverons dans ce même prétoire, lundi à 9 heures du matin.

3 [Le témoin se retire]

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons maintenant passer à huis

5 clos partiel pour traiter de la demande présentée au sujet du témoin.

6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

7 [Audience à huis clos partiel]

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2 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le lundi

3 6 novembre 2006, à 9 heures 00.

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