Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 8 novembre 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.

5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Haxhiu.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Allez-vous témoigner en anglais ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] En albanais.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En albanais. J'aimerais d'abord que

11 vous prononciez la déclaration solennelle indiquant que vous allez dire la

12 vérité, en donnant lecture du document qui vous est tendu.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

14 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

15 LE TÉMOIN: BATON HAXHIU [Assermenté]

16 [Le témoin répond par l'interprète]

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.

18 La situation a un peu changé par rapport à la dernière fois où vous êtes

19 venu témoigner ici. La Chambre de première instance dispose du témoignage

20 que vous avez fait préalablement. Nous avons également votre déclaration.

21 Nous avons déjà beaucoup d'informations. Vous êtes ici de façon à ce que

22 les représentants des parties, Accusation et Défense, puissent vous poser

23 des questions afin de rassembler des informations supplémentaires, soit en

24 complétant celles que vous avez déjà communiquées ou en tirant au clair

25 certains éléments, donc bien entendu, vos propos risquent d'être remis en

26 question afin que nous puissions tirer au mieux partie de cette audience.

27 Il serait très utile que vous concentriez vos réponses sur les questions

28 qui vous sont posées.

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1 La première personne qui vous interrogera sera la représentante de

2 l'Accusation, Mme Moeller.

3 Mme MOELLER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Avant

4 j'aimerais présenter M. Michael Hehn, qui m'aide aujourd'hui. C'est un

5 analyste chargé de l'analyse du renseignement au sein du bureau du

6 Procureur.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

8 Interrogatoire principal par Mme Moeller :

9 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Pourriez-vous décliner votre

10 identité aux fins du compte rendu ?

11 R. Je m'appelle Baton Haxhiu.

12 Q. Quelle est votre profession ?

13 R. Je suis journaliste. Pour l'instant, je suis éditeur de l'Express, un

14 journal à Pristina.

15 Q. Avez-vous fait une déclaration au bureau du Procureur le 20 août 2001 ?

16 R. Oui.

17 Q. En mai 2002, avez-vous signé une déclaration et rajouté quelques

18 éléments à cette déclaration-là ?

19 R. Oui. C'est ici même au Tribunal que j'ai procédé à cet addendum.

20 Q. Cette semaine, avez-vous eu la possibilité de lire votre déclaration et

21 son addendum ?

22 R. Oui, oui je les ai lus.

23 Q. Je n'avais rien à y ajouter puisque ces déclarations étaient semblables

24 à celles que j'avais faites plus tôt.

25 Q. Lorsque vous avez passé en revu cette déclaration, avez-vous mis

26 l'accent sur un point en particulier ? La date qui se trouve à la page 3 de

27 la version anglaise et où vous dites, je lis : "Pour moi la guerre au

28 Kosovo a commencé le 1er octobre 1998 lorsque les étudiants ont mis sur pied

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1 leur première manifestation pacifique."

2 Avez-vous apporté une correction à cette date ?

3 R. Oui. La correction a trait à l'année. C'était le 1er octobre 1997, et

4 non pas 1998.

5 Q. Bien. Une fois cette correction apportée, pouvez-vous certifier

6 aujourd'hui que cette déclaration et son addendum sont exacts et que vous

7 feriez une déclaration semblable à celle que vous avez faite si l'on vous

8 posait ces questions aujourd'hui ?

9 R. Absolument. Je n'ai rien à ajouter à ce qui figure déjà dans ma

10 déclaration, et je répondrai à toute question qui me sera posée.

11 Mme MOELLER : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais demander

12 le versement de la pièce P2478 à ce stade; il s'agit de l'ensemble des

13 documents que nous souhaitons déposer au titre de l'article 92 bis

14 concernant ce témoin-ci avec la déclaration et son addendum.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Madame Moeller.

16 Mme MOELLER : [interprétation] Bien.

17 Q. Avez-vous également témoigné dans l'affaire Milosevic le 23 mai 2002 ?

18 R. Oui. Ce n'était pas dans ce prétoire, je crois.

19 Q. Bien. Cette semaine, à votre arrivée, avez-vous eu la possibilité de

20 prendre connaissance du compte rendu correspondant au témoignage que vous

21 avez fait à l'époque ?

22 R. Oui, je l'ai lu hier. Le compte rendu d'audience et ma déclaration, les

23 deux.

24 Q. Vous avez une bonne maîtrise de l'anglais, n'est-ce pas ?

25 R. Je le parle assez bien. C'est une langue que les journalistes utilisent

26 beaucoup pour communiquer.

27 Q. Après avoir pris connaissance du compte rendu reflétant votre

28 déposition, confirmez-vous que votre déposition aurait la même teneur si

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1 vous deviez déposer sur ces différents éléments aujourd'hui et que ce que

2 vous avez dit à l'époque est véridique et exact, en tout cas pour autant

3 que vous le sachiez ?

4 R. Oui. J'ai déjà dit ces choses-là par le passé, je les ai publiées dans

5 les médias et je redirais les mêmes choses aujourd'hui.

6 Q. Merci.

7 Mme MOELLER : [interprétation] J'aimerais demander le versement de la pièce

8 2479, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

10 Mme MOELLER : [interprétation]

11 Q. Monsieur Haxhiu, j'aimerais maintenant couvrir un certain nombre

12 d'éléments évoqués dans votre témoignage et dans votre déclaration en

13 commençant par ce que vous avez dit sur le système d'enseignement tel qu'il

14 existait au début des années 1990.

15 Mme MOELLER : [interprétation] Monsieur le Président, je vous renvois à la

16 page 3 de la déclaration et dans le compte rendu d'audience, il s'agit des

17 pages 5 388 à 5 393.

18 Q. Monsieur Haxhiu, vous avez dit qu'en 1991, le cursus avait changé, à

19 savoir que le système ne permettait plus l'usage de l'albanais. Pourriez-

20 vous dire à la Chambre pourquoi ce changement a été jugé si important par

21 les Albanais du Kosovo ?

22 R. Les problèmes se sont multipliés jusqu'à cette décision. Il y a eu des

23 amendements apportés à la constitution en 1989; par la suite, l'état

24 d'urgence a été déclaré. C'est alors qu'est intervenu cette décision visant

25 à modifier le système d'enseignement. Un nouveau cursus, un nouveau

26 programme d'enseignement a été imposé. Celui-ci prévoyait que tous les

27 étudiants albanais devaient recevoir leurs cours en serbe, sauf à l'école

28 primaire. Il y a eu ex-communication des Albanais, exclusion physique, à

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1 savoir qu'ils n'étaient plus autorisés à accéder aux bâtiments des écoles

2 au Kosovo, il leur fallait également apprendre et étudier en serbe.

3 Ceci a provoqué la crise, cela et le licenciement en masse des

4 individus, employés, ouvriers de leur travail. Ce n'est pas l'Etat serbe

5 qui a contribué à la création de cette université, les Kosovars eux-mêmes.

6 Ceci a marqué l'origine du conflit qui a aboutit à une guerre totale.

7 Q. Vous avez évoqué la mise en place d'un système parallèle, d'une

8 université parallèle, il me semble que c'est là que vous avez obtenu votre

9 diplôme universitaire. Vous avez dit dans votre déclaration que les

10 diplômes obtenus au sein de cette université parallèle n'étaient pas

11 reconnus par la Serbie. Les jeunes, après avoir obtenu leur diplôme au sein

12 de cette université, que faisaient-ils ? Quelle qualification leur donnait

13 ce diplôme, quelles chances avaient-ils de trouver un travail ?

14 R. Permettez-moi de préciser quelque chose. Le système d'enseignement

15 établissait un apartheid total. D'abord les classes au sein de l'école

16 primaire étaient séparées par des murs, les élèves plus âgés n'étaient pas

17 autorisés à accéder à leurs bâtiments. Au départ, nous avions deux

18 possibilités; soit nous établissions un système parallèle, soit nous

19 décidions à entrer en conflit et entrer en guerre. Un conflit aurait été

20 suicidaire pour les Albanais parce que nous savions que les Serbes étaient

21 très puissants, et nous savions que toute l'armée de la Yougoslavie pouvait

22 se retourner contre le Kosovo, comme contre la Bosnie et la Croatie. Nous

23 ne voulions pas que la situation dégénère en un conflit.

24 La création de ce système parallèle était la seule possibilité pour

25 créer une illusion de changement et pour donner du temps à tout le monde

26 dans l'espoir que la situation changerait et que les choses

27 s'amélioreraient à l'avenir. Nous espérions que le gouvernement Milosevic

28 se rendrait compte de la situation et qu'il établirait un dialogue de

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1 manière à sortir de l'impasse. C'est la raison pour laquelle ce système

2 parallèle a été mis en place. C'était une tentative pour éviter la guerre

3 après 1991.

4 Q. Pour en revenir à ma question, les jeunes diplômés de cette université

5 parallèle, puisque les diplômes n'étaient pas reconnus par les Serbes, ces

6 jeunes quelles chances avaient-ils, quelles opportunités ?

7 R. Il y avait deux possibilités. En réalité, au départ il n'y en avait

8 qu'une seule parce que l'Etat serbe effectivement ne reconnaissait pas ces

9 diplômes. La seule possibilité était de faire ses bagages et de partir vers

10 l'ouest. L'autre possibilité c'était le conflit et les malaises en raison

11 de la présence importante de la police.

12 La situation était très difficile parce qu'à l'époque, l'Etat serbe

13 demandait aux jeunes de rejoindre les rangs de l'armée. La seule

14 possibilité qui s'offrait à ces jeunes, de 1991 à 1995, c'était d'intégrer

15 ce système d'enseignement parallèle et de quitter le Kosovo. Voilà la

16 première option.

17 La seconde était de s'organiser contre ce régime qui avait enfreint ou

18 compromis la dignité de chaque albanais en s'introduisant chez eux, sur

19 leurs lieux de travail et quelque chose qui ne s'était jamais produit sous

20 d'anciens régimes serbes. Ils s'introduisaient chez les gens, et ce,

21 jusqu'en 1997.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Haxhiu, je vous interromps.

23 Ce qui nous intéresse principalement, c'est la période 1998 et 1999.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il est important de donner des

26 informations relatives au contexte global, on ne peut par entrer dans

27 autant de détails. On vous a posé une question sur les opportunités qui

28 s'offraient à ces jeunes diplômés issus du système parallèle. Vous avez dit

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1 que l'une des possibilités c'était de faire ses bagages et d'aller vers

2 l'ouest. Peut-être pourriez-vous nous dire s'il y avait d'autres

3 possibilités qui s'offraient à eux ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils pouvaient sinon s'enfuir dans les

5 montagnes et rejoindre l'embryon de l'UCK à l'époque. S'agissant de la

6 situation à proprement parler, il y a eu une dernière tentative d'éviter

7 les problèmes, à savoir de signer un accord sur l'enseignement, accord

8 d'ailleurs signé par Milosevic et Rugova. C'est la dernière tentative qui a

9 été faite afin d'éviter que les jeunes --

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant cet accord toutefois, intervenu

11 en 1997, peut-on dire réalistement, objectivement, que des jeunes albanais

12 rejoignaient ce qui était à l'époque un embryon d'UCK ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, jusqu'à l'accord, il n'y avait pas

14 d'embryon d'UCK au Kosovo, en tout cas, nous n'en étions pas informés.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne crois pas que la question de Mme

16 Moeller portait sur cela. Elle vous demandait ce qu'il en est du système

17 parallèle au moment où il a été créé. Vous avez dit que la seule option

18 possible était de quitter l'Albanie et d'aller chercher du travail

19 ailleurs, de quitter le Kosovo et d'aller dans les pays de l'ouest.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, bien ceci nous a demandé

22 beaucoup de temps afin de tirer les choses au clair. N'oubliez pas que nous

23 devons tirer partie au maximum du peu de temps qu'il nous est imparti.

24 Madame Moeller.

25 Mme MOELLER : [interprétation]

26 Q. Monsieur Haxhiu, vous avez parlé de cet accord en 1996. Dans cet accord

27 relatif à l'enseignement, on trouve certaines clauses dont une qui précise

28 que les enseignants et les élèves albanais doivent réintégrer les

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1 universités. Cette clause est-elle entrée en vigueur ?

2 R. Non, absolument pas, jamais. La seule institution autorisée était

3 l'Institut albanologique.

4 Q. En octobre 1997, il y a eu cette manifestation estudiantine dont vous

5 parlez en page 3 de votre déclaration, en tout cas dans sa version

6 anglaise. Ces manifestations ont-elles été annoncées avant d'avoir lieu ?

7 R. Oui, dans les médias, au travers de conférences de presse mis sur pied

8 par les organisateurs, et le recteur de l'université y était également.

9 Leur message était que si les installations n'étaient pas ouvertes aux

10 Albanais, des manifestations allaient avoir lieu.

11 Q. Vous avez dit que la police était intervenue violemment. Combien de

12 policiers ont pris part à ce mouvement, à cette

13 opération ?

14 R. Je dirais de 500 à 700 à l'endroit où se tenait la manifestation, la

15 ville entière était pleine de policiers. Chaque rue, chaque carrefour,

16 partout il y avait des policiers. Après le communiqué des organisateurs, à

17 savoir que cette manifestation allait bien avoir lieu, les policiers ont

18 été positionnés dans tous les lieux stratégiques, et leur intervention a

19 été extrêmement brutale.

20 Q. Des véhicules ont-ils été utilisés dans le cadre de cette opération de

21 polices ?

22 R. Je ne suis pas expert en matière de véhicules, il y avait un véhicule

23 avec une espèce de grille devant qui faisait front devant les étudiants. Je

24 me trouvais à 20 ou 30 mètres de l'endroit où se trouvaient les étudiants.

25 Il y avait aussi un hélicoptère qui survolait le groupe d'étudiants à 100

26 mètres, 150 mètres je ne sais pas très bien. Il y avait des centaines de

27 policiers et beaucoup de véhicules derrières eux. Les étudiants à aucun

28 moment n'ont donné à penser que leur manifestation allait aboutir à des

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1 violences.

2 Q. Pourquoi dites-vous que l'intervention a été brutale ? Qu'a fait la

3 police ?

4 R. D'abord, ce véhicule avec cette grille a reçu pour ordre de se mettre

5 en branle, et derrière se trouvaient des policiers. A ce moment-là tous les

6 étudiants se sont assis, et ce véhicule qui était blindé s'est approché

7 très près du premier groupe d'étudiants, tout près d'eux. Les policiers qui

8 portaient des casques sont intervenus. Il y avait d'autres personnes en

9 civil qui sont intervenus également et qui ont commencé à passer à tabac

10 les organisateurs.

11 Ensuite, les gaz lacrymogènes ont été utilisés contre les étudiants

12 qui étaient à peu près au nombre de 20 000. Des centaines de bombes

13 lacrymogènes dans un lieu très dangereux puisque c'était une rue très

14 étroite. Je n'avais jamais vu une telle brutalité de la part de la police

15 et cela a été un événement fondamental, un véritable tournant dans la crise

16 du Kosovo, et à partir de là, tout a dégénéré.

17 Q. A un moment donné ou à un autre, avez-vous appris qui avait été

18 responsable de cette violence policière au cours de cette opération ?

19 R. Je l'ai appris par la suite en réalité, mais lors de la réunion ou de

20 l'entretien que j'ai eu avec Jovica Stanisic, Bakalli, et moi-même, le nom

21 de Lukic a été évoqué. A l'époque, je ne savais pas qui c'était, mais on

22 m'a dit qu'il était le chef de Drzavna Bezbednost, le chef de la sûreté

23 publique. Mais avant ce jour-là, je n'en n'avais jamais entendu parler. En

24 tout cas, le jour où ces événements ont eu lieu, nous ne savions pas qui

25 avait donné l'ordre à la police d'intervenir.

26 Mme MOELLER : [interprétation] Il s'agit de la page 9 de la déclaration.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans votre addendum, vous avez, entre

28 autres corrections, modifié une référence, référence à la deuxième

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1 manifestation estudiantine. Celle dont nous parlons a eu lieu le 1er

2 octobre. Quand a eu lieu ce que vous appelez la seconde manifestation

3 d'étudiants ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Elle a eu lieu à peu près un mois plus tard et

5 les organisateurs étaient les mêmes que la première fois --

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois qu'il y a une erreur dans la

7 date ici parce qu'on voit le 1er novembre 1998 dans votre déclaration, cela

8 devrait être le 1er novembre 1997.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, oui, 1997.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.

11 Mme MOELLER : [interprétation]

12 Q. En octobre 1997, le jour de cette manifestation ou à peu près, vous

13 dites en page 4 de votre déclaration, que la police a fait irruption dans

14 le bureau de Koha Ditore, et vous avez dit également qu'ils vous avaient

15 frappé vous, ainsi que certains de vos collègues. Pourriez-vous nous dire

16 ce qu'ont fait les policiers à ce moment-là ?

17 R. Après la manifestation, nous sommes rentrés au bureau. Dix minutes

18 après notre arrivée, un groupe important de policiers qui portaient des

19 casques est entré. Ils ont cassé la porte. Ils ont frappé le directeur,

20 Luan Dubroshi d'abord, ensuite ils m'ont attrapé par la gorge et ils m'ont

21 frappé. Ensuite, ils ont poursuivi le groupe de journalistes qui avait

22 enregistré cette manifestation.

23 Fatos Berisha, qui était le caméraman, a sauté du deuxième étage et il

24 s'est cassé la jambe. Aujourd'hui, il travaille au centre de télévision et

25 cette jambe continue de le faire souffrir. Heureusement, Nicholas Hill

26 était à l'intérieur et il a assisté à l'incident personnellement parce

27 qu'il était présent au bureau. Nicholas Hill était de l'ambassade

28 américaine.

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1 Q. Merci. J'aimerais que nous passions à autre chose. Dans votre

2 déclaration, vous évoquez également la fermeture de certains bureaux de

3 journaux et de magazines albanais au début des années 1990, vous parlez

4 notamment de la fermeture de Bota e Re par la police --

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Moeller, ces événements

6 justifient-ils que l'on y consacre des questions dans le cadre de cette

7 déposition orale ?

8 Mme MOELLER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je le crois

9 parce que ceci établit le contexte global.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous savez ce que ceci va provoquer,

11 cela va pousser la Défense à présenter des arguments en long et en large

12 sur ce qui s'est passé au début des années 1990. Je dois vous avouer qu'à

13 ce stade, il est très difficile d'en percevoir la pertinence.

14 Ceci risque d'avoir des répercussions sur l'ensemble du procès. Quel est

15 l'intérêt d'un examen d'événements qui se sont produits au début des années

16 1990, puisqu'ici nous parlons dans cet acte d'accusation des périodes 1998

17 et 1999 ?

18 Mme MOELLER : [interprétation] Nous avons présenté des allégations

19 relativement concrètes dans la partie consacrée au contexte général de

20 l'acte d'accusation, et je crois que le témoin en parle dans son

21 témoignage. Il s'agit de discriminations qui ont eu lieu au début des

22 années 1990 et qui ont joué un rôle important au cours d'événements

23 ultérieurs, nous présentons tout cela dans l'acte d'accusation dans les

24 allégations présentes au paragraphe 80, je crois -- 80 à 102.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous savez qu'il y a des opinions

26 multiples et divergentes sur tout ce qui s'est passé à ce moment-là. Il

27 nous faut vraiment nous concentrer sur ce qui est important pour le cas en

28 l'espèce.

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1 Dites-moi quelle est la pertinence de tous ces événements survenus au

2 début des années 1990, de la fermeture de journaux avant de décider si, oui

3 ou non, nous allons en entendre davantage.

4 Mme MOELLER : [interprétation] Comme je l'ai dit, ceci fait partie de

5 l'acte d'accusation, et nous avons été invités à présenter des preuves

6 relatives à chaque aspect de l'acte d'accusation.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qui vous a invité à le faire ?

8 Mme MOELLER : [interprétation] Je pense que c'est la procédure normale dans

9 tout système juridique que je connais. Je pense qu'il faut présenter des

10 preuves venant étayer les allégations que vous faites dans un acte

11 d'accusation.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quel est le paragraphe ou quels sont

13 les paragraphes sur lesquels je dois me concentrer ?

14 Mme MOELLER : [interprétation] Le paragraphe 88, troisième phrase : "Au

15 cours de la fin des années 1990/1991, les gens ont été licenciés, les

16 tribunaux locaux ont été abolis, des juges ont été démis de leurs

17 fonctions."

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Comment ceci contribue-t-il à apporter

19 quoi que ce soit sur les chefs d'accusation portant sur la période 1999 ?

20 Mme MOELLER : [interprétation] Je crois que ceci contribue à illustrer la

21 mise en place d'une entreprise criminelle conjointe existante en 1998. Cela

22 veut dire que cette entreprise criminelle conjointe pouvait être déjà en

23 place avant et qu'il y a eu une escalade au fil des années qui a abouti à

24 cette situation et à son apogée, disons, en 1998 et en 1999. C'est la

25 raison pour laquelle nous avons fait figurer dans l'acte d'accusation un

26 chapitre relatif au contexte général parce que nous pensons qu'il est

27 important de donner ce qui a abouti à ces événements.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donnez-moi une idée de la pertinence

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1 de ces événements par rapport à ce que les Serbes ont fait aux Albanais en

2 1999. Dites-moi le lien direct entre ces différents éléments, dans votre

3 théorie, s'il vous plaît, expliquez-moi comment on va arriver à mieux

4 comprendre ce qui se passait grâce à tout ce contexte.

5 Mme MOELLER : [interprétation] Nous faisons valoir que ce qui est arrivé en

6 1999 n'était que le résultat de quelque chose qui avait commencé au début

7 des années 1990, et que ce sont les politiques qui étaient déjà en vigueur

8 au début des années 1990 qui faisaient partie de la discrimination contre

9 les Albanais, portent aussi sur ce qui s'est passé en 1999.

10 Le témoin pourra parler de ce qui s'est passé dans son journal le 24 mars

11 1999, la dernière étape de ce qui est arrivé à son quotidien et à lui-même,

12 en fait c'est le résultat de ce qui s'était passé depuis beaucoup de

13 choses, et il serait totalement artificiel de traiter cela sans traiter le

14 contexte. Plus généralement, nous avons inclus cette section portant sur le

15 contexte dans l'acte d'accusation et nous présentons des preuves à ce

16 propos parce que jusqu'à présent cela a été une pratique de ce Tribunal de

17 toujours donner un peu de contexte.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le contexte est déjà dans la

19 déclaration écrite.

20 Nous avons besoin d'un petit moment avant d'en décider.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous considérons qu'il ne serait à

23 rien de poursuivre ces questions lors de la déposition orale. Il y a déjà

24 énormément de documents écrits qui sont consacrés à ce contexte, donc nous

25 vous demandons de vous concentrer sur 1998 et 1999, s'il vous plaît.

26 Mme MOELLER : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

27 Q. Monsieur Haxhiu, où vous trouviez-vous -- non, passons d'abord à

28 l'année 1998. Dans le compte rendu, vous avez déposé à propos d'un voyage

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1 que vous avez fait à Malisevo en mai 1998. Pouvez-vous nous dire quelle

2 était la situation à Malisevo à l'époque ?

3 R. C'était le seul endroit qui pouvait être considéré comme un endroit

4 libre puisque c'était un endroit contrôlé par l'UCK. Il y avait des

5 réfugiés qui s'y trouvaient, qui venaient d'un peu partout au Kosovo,

6 surtout de la Drenica. On voyait des maisons qui étaient surpeuplées; cela

7 dit, on voyait aussi que les gens se préparaient à des attaques. On pouvait

8 voir des maisons qui avaient été incendiées le long de la route Pristina-

9 Peje, à Pec, et les gens avaient très peur d'attaques éventuelles,

10 d'attaques qui rendraient la situation à Malisheve, contrôlée à l'époque

11 par l'UCK, pire qu'elle ne l'était.

12 Q. Pouvez-vous nous donner un ordre d'idées à propos de la taille des

13 groupes de réfugiés que vous avez vus ? Est-ce que vous pouvez nous donner

14 un ordre d'idées ?

15 R. Je ne peux pas vous dire combien ils étaient. Il y avait des gens sur

16 les routes. Il y avait des gens dans les maisons de tous les hameaux. Cette

17 ville était habitée principalement par des réfugiés qui venaient de la

18 Drenica où il y avait eu des attaques, il y avait aussi des gens de la

19 zone de Dukagjini qui s'y étaient rendus après la célèbre réunion que

20 Milosevic avait eue avec la délégation kosovare.

21 Q. Vous êtes-vous rendu dans d'autres dans d'autres endroits au Kosovo

22 entre juin et octobre 1998 ?

23 R. Nous voyagions principalement avec des journalistes de Reuters et de

24 "l'Associated Press". Je m'y suis rendu juste après l'offensive lancée par

25 les forces serbes sur Rahovec. Donc toute la population de Rahovec était

26 partie vers les montagnes de Berisha, et c'est pour cela qu'avec David

27 Slinn et Jan Kickert, nous nous sommes rendus dans cette zone, notre but

28 était de convaincre l'UCK d'entamer les négociations afin d'en finir avec

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1 le conflit et de mettre en place un gouvernement provisoire afin de

2 permettre le dialogue.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Moeller, pouvez-vous m'aider

4 pour me dire où se trouve dans la déclaration la référence à ce qui s'est

5 passé à Malisevo en mai ?

6 Mme MOELLER : [interprétation] C'est une référence qui se trouve au compte

7 rendu, Monsieur le Président, à la page 5 427 [comme interprété].

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

9 Mme MOELLER : [interprétation]

10 Q. Vous dites qu'il y a des réfugiés qui se sont enfuis vers les montagnes

11 de Berisha. Pouvez-vous nous dire combien ils étaient environ ?

12 R. Nous trois nous avons vus des situations absolument épouvantables. Dans

13 les montagnes de Berisha et dans toute cette zone, je pense qu'il y avait

14 au moins 100 000 réfugiés. Le nombre d'ailleurs n'est pas si important que

15 cela, ils étaient surtout extrêmement nombreux et dans des conditions

16 épouvantables. Les représentants de l'UCK ont demandé aux deux diplomates

17 de fournir une aide humanitaire aux réfugiés puisque leurs conditions

18 étaient vraiment atroces.

19 Q. Vous êtes-vous rendu dans d'autres zones à ce moment-là ?

20 R. Personnellement, je me suis rendu dans cette zone, mais Veton Surroi et

21 Chris Hill sont allés ailleurs, dans un autre endroit parce qu'ils

22 voulaient vraiment arriver à convaincre l'UCK d'entamer un dialogue en vue

23 de mettre en place un gouvernement provisoire. Mais leur conversation était

24 si difficile parce qu'ils étaient très fermes dans leur conviction, mais la

25 discussion finalement s'est arrêtée. Le long de la route toutes les maisons

26 qu'on a vues avaient brûlé.

27 Q. Pourriez-vous nous dire de quelle route il s'agissait ?

28 R. Nous avons emprunté une route qui allait jusqu'à Lipjan, qui est un

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1 petit village près de Pristina. C'est une route qui passait par des petits

2 villages. Je ne connaissais pas bien cet endroit. Pendant tout le voyage,

3 j'ai demandé où se trouvait la zone Berisha. Il y avait des policiers

4 postés un peu partout sur le chemin, sur la gauche de la route allant de

5 Peje à Prishtine. C'est sur cette route que l'on voyait toutes les maisons

6 incendiées. Personnellement, je n'ai pas vu une seule maison qui était

7 indemne.

8 Q. Au printemps 1998, vous êtes-vous aussi rendu à Prekaz ?

9 R. J'étais au bureau du quotidien et un certain Julian --

10 L'INTERPRÈTE : Dont l'interprète n'a pas saisi le nom de famille --

11 LE TÉMOIN : [interprétation] -- a dit qu'il y avait une attaque sur Prekaze

12 au matin. Ils nous ont dit quelles étaient les routes qui avaient été

13 bloquées, ils nous ont demandé de nous y rendre pour faire rapport de ce

14 qui s'y était passé. Je lui ai dit que la seule façon de s'y rendre était

15 d'emprunter la route de Vushtrri, toutes les autres routes avaient été

16 bloquées.

17 On est monté à bord d'une Land Rover. On a pris la route de Vushtrri

18 qui allait jusqu'à Lipovec, je pense que c'était la destination finale, et

19 c'est par cette route que nous sommes arrivés à Prekaze.

20 Mme MOELLER : [interprétation]

21 Q. Comme vous a dit le président, nous devons aller vite.

22 Pourriez-vous répéter le nom de famille de la personne qui est allée

23 avec vous et qui s'appelait Julian quelque chose ?

24 R. C'était Julian Broadfight, qui était le premier secrétaire de

25 l'ambassade britannique. L'autre, Jonas, était le premier secrétaire de

26 l'ambassade suédoise.

27 Q. Ces deux diplomates ont fait rapport à propos de l'attaque sur Prekaz ?

28 R. Ils s'y sont rendus pendant deux jours. Ils ont rédigé des rapports sur

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1 les incidents, ensuite ont été proclamés persona non grata. Il y avait des

2 rapports qui ont été publiés dans les quotidiens de Pristina, et suite à

3 cela ils ont été proclamés persona non grata par les Serbes et remplacés

4 par d'autres diplomates.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Allons-nous voir ces rapports qui ont

6 été rédigés par ces diplomates ?

7 Mme MOELLER : [interprétation] Non, parce que ce ne sont pas des témoins.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi donc ? Ce serait le genre de

9 documents qui permettraient vraiment à la Chambre de savoir exactement ce

10 qui s'est vraiment passé, d'avoir une meilleure idée des différentes

11 versions de ce que l'on peut entendre.

12 Enfin, vous pouvez poursuivre.

13 Mme MOELLER : [interprétation]

14 Q. Passons maintenant en 1999. Un peu avant le début de la guerre, vous

15 avez été accusé pour avoir publié quelque chose dans Koha Ditore, vous

16 étiez le rédacteur en chef, n'est-ce pas ?

17 R. Oui, nous avions publié un communiqué délivré par l'état-major général

18 de l'UCK. D'autres quotidiens ont aussi repris ce communiqué, d'ailleurs

19 par exemple le Bujku.

20 Je me souviens bien, on était vendredi. Ensuite, nous avons

21 immédiatement été enjoints de comparaître pour une audience qui devait se

22 tenir le dimanche à 15 heures. Nous nous sommes rendus le matin. Le juge

23 nous a dit, vous avez publié ceci et cela. Pour faire durer un peu les

24 choses, je lui ai dit que je ne parlais pas le serbo-croate, bien que je le

25 parlais, j'ai demandé l'aide d'un interprète. Ils nous ont à nouveau

26 enjoints de comparaître le dimanche, c'est à ce moment-là qu'ils nous ont

27 communiqué leur verdict et la peine à laquelle j'avais été condamné. Le

28 juge a dit : Je suis désolé de faire cela, j'agis sur ordre de Belgrade.

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1 C'était le 22 ou le 23, je ne me souviens plus très bien, enfin c'était

2 deux jours avant le début des bombardements. Mon avocat, Bajram Kelmendi, a

3 été informé. Malheureusement, il a été tué plus tard avec ses deux fils.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si j'ai bien compris, dans votre

5 déclaration ou du moins dans le compte rendu, il me semble bien que ce

6 meurtre, enfin ces meurtres ont eu lieu aux environs de votre condamnation,

7 n'est-ce pas, à peu près au même moment ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, 24 à 48 heures plus tard.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pense pas que son meurtre ait eu quoi

11 que ce soit à voir avec les causes défendues par M. Kelmendi.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

13 Mme MOELLER : [interprétation]

14 Q. Vous dites que l'on vous a enjoint de comparaître le dimanche. Serait-

15 il normal pour un tribunal en Serbie de fonctionner même le dimanche ?

16 R. Non, je ne pense pas. Je pense qu'il s'agissait d'une exception.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, nous aussi nous cherchons à

18 avoir plus d'audience que ce que nous permet la semaine de travail, c'est

19 une possibilité très intéressante que nous allons explorer.

20 Mme MOELLER : [interprétation]

21 Q. Monsieur Haxhiu, vous dites dans votre article que la déclaration de

22 l'UCK a été publiée dans d'autres journaux. D'après vous, à votre

23 connaissance, d'autres rédacteurs en chef ont-ils aussi été condamnés ou au

24 moins accusés ?

25 R. Non, non. Les autres n'ont pas été accusés et n'ont même pas été

26 enjoints de comparaître. Koha Ditore était l'objet de pressions très fortes

27 exercées par la police. Ils savaient bien que nous ne réagirions pas à

28 leurs appels, qu'il fallait absolument qu'ils nous enjoignent de

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1 comparaître par écrit, sinon nous ne viendrions pas. Ils ont commencé à se

2 rendre à nos bureaux, à nous poser des questions à propos de choses qui ne

3 les regardaient absolument pas.

4 Q. Avant ce procès et votre condamnation du 22 mars, y a-t-il eu d'autres

5 moments où les autorités serbes ont essayé d'interférer avec le bon

6 fonctionnement de votre quotidien ?

7 R. Oui, à plusieurs reprises, je ne sais pas si qui que ce soit a été

8 condamné suite à cela mis à part un rédacteur en chef qui a été condamné à

9 Belgrade, un homme très courageux, qui avait un petit peu le même éditorial

10 que nous à Koha Ditore.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Haxhiu, juste pour remettre

12 ceci en contexte sans essayer de savoir ce qui était autorisé et ce qui

13 n'était pas autorisé, évidemment, il va être très difficile pour nous de

14 savoir exactement ce qu'il en est puisque nous n'avons pas le journal sous

15 la main. Cela dit, votre quotidien était autorisé à continuer à être

16 publié, n'est-ce pas, ou est-ce que vous avez dû fermer ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Deux jours plus tard, il a été fermé, le 24

18 mars, tous les ordinateurs ont été confisqués. L'entrée du bureau a été

19 bloquée et l'imprimerie a été incendiée.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, j'ai bien compris. Est-ce que

21 c'était lié d'une manière ou d'une autre avec une amende ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pense pas. Je ne pense pas.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais pourriez-vous nous dire quel a

24 été le sort de Koha Ditore à partir de ce moment-là ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] On l'a fermé parce que le bombardement avait

26 commencé et la police est entrée dans les bureaux, de plus l'imprimerie a

27 brûlée.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, la publication a repris à un

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1 moment ou à un autre ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, depuis Tetovo, c'était une publication en

3 exil. Puis après, plus tard quand on est revenu, la publication a repris au

4 Kosovo, après le 12 juin 1992 quand tous les Kosovars ont pu rentrer au

5 Kosovo. Au cours de la période qui nous intéresse, le bâtiment a été

6 confisqué par la police, les ordinateurs ont été confisqués, la porte

7 d'entrée à été barricadée, fermée et l'imprimerie a été incendiée.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

9 Mme MOELLER : [interprétation]

10 Q. Encore une question à propos de Koha Ditore. Si j'avais bien compris au

11 départ, c'était un hebdomadaire, ce n'est qu'en 1997 que c'est devenu un

12 quotidien politique. D'après la situation de la presse et des médias au

13 Kosovo à l'époque, comment Koha Ditore a-t-il réussi à obtenir

14 l'autorisation de devenir un quotidien politique ?

15 R. C'est grâce aux pressions exercées par les pays occidentaux qui

16 exigeaient qu'il ait des journaux qui fonctionnent au Kosovo. En partie,

17 nous avons été financés par Georges Soros. Bien sûr, nous fonctionnions

18 avec un budget très réduit. Nous sommes arrivés quand même malgré ce budget

19 minimum à avoir une diffusion maximum. Nous sommes devenus quotidien parce

20 qu'un magasine hebdomadaire n'était pas suffisant pour traiter de tous les

21 problèmes dont souffrait le Kosovo à l'époque. Bujku était un quotidien qui

22 était une sorte de compromis entre le gouvernement serbe, la ligue

23 démocratique du Kosovo et la communauté internationale.

24 Q. Je vous arrête ici, vous parlez de Bujku. Pourquoi Bujku n'a-t-il pas

25 été fermé alors qu'au début des années 1990, de nombreux quotidiens

26 albanais du Kosovo ont été fermés ou ont été repris par l'assemblée serbe ?

27 R. C'est le mot même de "Bujku" qui peut expliquer la chose. Cela signifie

28 "magasine agricole". C'est un magasine qui traite de questions agricoles

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1 puisque "Bujku" veut dire agriculteur, fermier. Peut-être que le

2 gouvernement serbe l'a autorisé pour des raisons extrêmement cyniques en

3 n'en faisant le seul journal toujours en existence. Il voulait tout d'abord

4 montrer qu'il y avait bel et bien un journal qui servait la ligue

5 démocratique du Kosovo. Hors, ce journal n'était qu'un tissu de mensonges

6 tout comme le régime d'ailleurs, et la situation qui prévalait à l'époque.

7 Q. Très bien, très bien. Maintenant, le 24 mars quand l'OTAN a commencé sa

8 campagne de bombardements, où vous trouviez-vous exactement ?

9 R. J'étais aux environs de Pristina dans un quartier qui s'appelle Bregu e

10 Diellit, chez l'un de mes amis, un journaliste et un écrivain Teki

11 Dervishi. Nous avons passé la moitié du temps dans son appartement et

12 l'autre moitié dans la cave.

13 Quand les bombardements ont commencé, nous pensions que la guerre allait se

14 terminer très vite et qu'il y aurait des bombardements que pendant trois ou

15 quatre jours, qu'on arriverait rapidement à une solution politique.

16 Q. Combien de temps êtes-vous resté dans la cave de cet appartement ?

17 R. J'y suis resté jusqu'au 29 mars, ensuite je me suis rendu ailleurs. Le

18 2, j'ai quitté Kodra e Diellit avec des centaines de milliers d'autres

19 réfugiés qui avaient été chassés de la ville par des soldats, je ne sais

20 pas qui c'était d'ailleurs. Ils nous montraient la route que nous devions

21 emprunter pour quitter Pristina.

22 Q. Vous dites que vous étiez "sous les ordres de soldats". Pouvez-vous

23 nous les décrire, s'il vous plaît ? Quel type d'ordres vous donnaient-ils ?

24 Les gens sont-ils partis de leur propre chef ou leur a-t-on ordonné de

25 quitter la ville ?

26 R. Non, non, non, ils étaient en ligne à l'arrière de la colonne et

27 d'autres donnaient des ordres aux gens qui étaient encore dans leurs

28 maisons de quitter leurs maisons. L'ordre était "napred", en avant. C'était

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1 un groupe de gens assez gros, je ne pense pas que c'était des soldats ou

2 des policiers parce que les soldats ou les policiers qu'on connaissait

3 étaient minces et étaient de bonne stature, c'était plutôt des

4 paramilitaires ou des membres de groupes. Dans chaque rue se trouvait un

5 véhicule soit de police, soit un véhicule militaire, et à chaque carrefour

6 il y avait des véhicules qui nous indiquaient la direction à prendre. On

7 est arrivé à la frontière, on est resté quelques jours parce que le

8 gouvernement de la Macédoine ne nous avait pas autorisés à rentrer en

9 Macédoine.

10 Q. Ces soldats, vous dites qu'ils étaient empâtés. Pourriez-vous nous dire

11 quelle était leur tenue, s'ils étaient en uniforme ? Eventuellement, si

12 vous pouviez être bref.

13 R. Je n'avais jamais vu d'uniformes de la sorte auparavant. C'était un

14 uniforme vert.

15 Q. Tenue de camouflage ou vert uni ?

16 R. Tenue de camouflage verte avec des taches de camouflages. Certains

17 avaient des combinaisons.

18 Q. Vous nous avez dit que vous pensiez que c'était des paramilitaires,

19 vous l'avez dit n'est-ce pas ? Pourriez-vous nous dire selon vous quelle

20 est la différence entre un paramilitaire et un membre de l'armée de la

21 police ?

22 R. C'est simple. D'abord, rien qu'à leur corpulence, quand on les voit, on

23 voit qu'ils sont différents. La façon dont ils donnaient des ordres aussi,

24 ils n'employaient pas des termes militaires, ils employaient plutôt des

25 termes brutaux comme des paramilitaires. Je ne sais pas si c'était vraiment

26 des paramilitaires. Vraiment leur corpulence, leur attitude, les mots

27 qu'ils employaient me faisaient penser que c'était des paramilitaires.

28 Q. Pour vous, ces hommes qui étaient revêtus de tenue de camouflage verte

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1 opéraient de façon totalement indépendante de l'armée et de la police à

2 Pristina ? Vous avez mentionné que la police et les véhicules armés se

3 trouvaient dans toutes les rues. Qu'entendez-vous par "paramilitaire",

4 paramilitaire pourrait vouloir dire qu'il s'agit d'une organisation

5 indépendante d'après la définition militaire.

6 R. Si l'on parle de paramilitaires au Kosovo, ce que l'on entend par là

7 c'est qu'il s'agissait d'un groupe qui est apparu en mai 1998 pour la

8 première fois, et qui est demeuré présent à partir de cette date. L'un de

9 ces groupes était dirigé par un grand criminel Arkan, dont la base se

10 trouvait au Grand Hôtel de Pristina. On en avait eu vent auparavant,

11 c'était pour la première fois que j'ai vu ces personnes et c'était à Kodra

12 e Diellit. Je ne peux rien vous dire sur l'hiérarchie et la manière dont

13 les ordres étaient transmis et d'autres choses de cette nature. En gros,

14 c'est tout ce que je peux vous dire sur cela.

15 Q. Vous dites que vous êtes parvenus à la frontière du Kosovo. Quelle

16 était la situation à la frontière ?

17 R. La situation était horrible. Il y avait un convoi de plus de 15

18 kilomètres de long avec des milliers de personnes qui arrivaient de

19 Vushtrri, Mitrovica, Pristina, et qui venaient des villages qui se

20 trouvaient sur la route. Parce que Bllace, qui était un village proche de

21 la frontière, proche de Skopje, avait été vidé de ses habitants, il n'y

22 avait plus de place pour que les gens puissent y rester. Les gens se

23 voyaient donné l'ordre d'aller vers la frontière, c'était sous la pression

24 que le gouvernement de Macédoine a permis à ces gens d'entrer en Macédoine.

25 J'y ai été pendant quatre jours, mais d'autres personnes y sont restées

26 plus longtemps.

27 Q. Merci.

28 Mme MOELLER : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

2 Monsieur Haxhiu, est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus sur les

3 circonstances dans lesquelles vous avez quitté Pristina ? Vous y êtes

4 demeuré en cachette pendant quatre jours, pouvez-vous nous expliquer

5 comment vous êtes sorti de votre clandestinité et comment vous avez quitté

6 Pristina par la suite ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans la mesure où j'étais un personnage public

8 connu, je ne dormais pas à mon domicile, comme d'autres personnes connues.

9 Nous nous déplacions d'un quartier de la ville à l'autre. Il était très

10 dangereux de se déplacer pendant la nuit, donc on essayait d'organiser les

11 déplacements au début de la matinée ou à l'aube, à une période où il n'y

12 avait pas trop de policiers dans les rues.

13 A l'époque, je regardais l'actualité par CNN, par la BBC. Nous

14 pensions que la guerre serait terminée en trois ou quatre jours, mais ce

15 n'est pas ce qui s'est produit.

16 Quelques jours plus tard, nous nous trouvions dans ces caves ou dans

17 des maisons qui n'étaient pas les nôtres, c'était les habitations d'autres

18 familles. Le matin du 2 avril, ces forces revêtues de tenues vertes, comme

19 je l'ai expliqué, sont arrivés dans ce quartier de la ville et ont commencé

20 à chasser les habitants des maisons. C'est un processus qui avait déjà

21 commencé dans une autre section de Kodra e Diellit, mais ils se

22 rapprochaient de nous. Des milliers de personnes ont dû quitter leurs

23 maisons.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Sur ce point-là, nous avons besoin

25 d'éclaircissements. Quel a été le facteur qui les a poussés à quitter leurs

26 domiciles ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Qu'est-ce qui les a poussés à quitter leur

28 domicile ? Je pense que c'est très clair. Il s'agissait de purification

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1 ethnique dans la région. Ils ne voulaient pas qu'il y ait des Albanais dans

2 la région.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Que s'est-il passé ? Qu'ont fait les

4 gens ? Tenez-vous en aux faits, ne me dites pas qu'il s'agissait de

5 purification ethnique. Cela c'est quelque chose que nous nous devons nous

6 prononcer à terme. Expliquez-moi juste ce qui se passait sur le terrain, là

7 où vous étiez, qui a provoqué le départ de ces gens ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Plus concrètement, ce groupe de personnes

9 revêtues d'uniforme en vert, en tout cas une partie de ce groupe, gardait

10 les gens qui étaient sur les routes, alors qu'une deuxième partie du groupe

11 se rendait de maisons en maisons et forçait les gens à quitter leurs

12 domiciles. C'est comme cela qu'en deux ou trois heures toutes les maisons

13 ont été vidées de leurs habitants. Tous les habitants ont été incités à

14 quitter le quartier.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez vraiment vu ce processus,

16 c'est-à-dire des gens revêtus d'uniforme qui se rendaient dans les maisons

17 et forçaient les habitants à quitter leurs domiciles ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je l'ai vu de mes yeux vu. Je l'ai déjà

19 déclaré d'ailleurs dans une déclaration lors d'une conférence de presse à

20 Bonn, puis également à Londres et à Paris, les 8 et 11 avril.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je n'ai pas besoin d'entendre

22 l'ensemble de l'histoire sur la manière dont vous avez traité cela par le

23 passé.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez constaté que

26 certains habitants refusaient de partir ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était impossible de refuser, les gens

28 avaient peur, il y avait un climat de peur généralisé.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais si quelqu'un refusait de

2 quitter son domicile, que lui arrivait-il ? J'essaie d'en venir aux faits,

3 je ne cherche pas à obtenir des généralisations sur les circonstances, cela

4 n'aidera pas cette Chambre à aboutir à des conclusions dans un Tribunal. Je

5 suis désolé d'avoir à expliquer cela, nous travaillons sur des faits, et

6 j'aimerais que les faits qui se sont produits à cet endroit et à cette

7 époque nous soient expliqués sur les raisons qui incitaient les gens à

8 quitter leur domicile. Je crois que c'est assez simple, mais cela n'a pas

9 l'air si simple que cela.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Comment pouviez-vous dire non à des gens qui

11 portaient des armes ?

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela, c'est un bon début. C'est la

13 première fois que je vous entends mentionner des armes, je crois. Venons-en

14 aux faits. Ce n'est pas à moi de mettre des mots dans votre bouche. Je veux

15 savoir ce qui s'est passé à ce moment-là.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que finalement certains faits

17 s'imposent d'eux-mêmes dans la mesure où ces personnes portaient des armes.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez dire "ces

19 faits parlent d'eux-mêmes" ? Nous, nous n'étions pas là, heureusement nous

20 n'étions pas là. Nous devons entendre les faits des personnes qui étaient

21 présentes à l'époque. Je suis désolé, mais nous ne pouvons pas deviner les

22 faits.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord. Alors je vais vous dire que ces

24 soldats portaient des armes, qu'ils portaient des masques, ils étaient

25 masqués et ils se rendaient d'une maison à l'autre pour donner des ordres

26 et inciter les habitants à quitter leurs domiciles. C'est pour cette raison

27 qu'il y avait un groupe très important de personnes qui ont quitté leur

28 domicile le 2 avril, j'ai été témoin de ce qui s'est passé ce jour-là.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il pouvait y avoir une

2 raison d'inciter les gens à quitter leurs domiciles qui était justifiée par

3 des motifs de sécurité ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Le 24 et le 25 seulement, des nouvelles

5 ont circulées que des gens avaient été tués, Bajram Kelmendi et d'autres.

6 Les gens avaient peur. Je ne peux pas remonter suffisamment loin dans le

7 temps, c'était il y a tellement longtemps et le climat de peur qui régnait

8 à l'époque était hors du commun.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous n'avez pas bien compris ma

10 question. J'essaie de comprendre s'il y avait une autre raison qui pouvait

11 inciter les gens à quitter leurs domiciles. Par exemple, quelque chose qui

12 serait survenu, quelque chose d'autre qui serait survenu et qui justifiait

13 le fait qu'en dehors de leur domicile, ils seraient plus en sécurité.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis désolé, mais je dois expliquer cela et

15 le contexte, je ne peux pas expliquer tout en une phrase, mais je vais

16 essayer néanmoins.

17 Tout Albanais qui vivait à Pristina à l'époque était mort sur le plan

18 métaphorique. Ils ne pouvaient rien faire pour sauver leur vie, nous

19 courrions tous le risque d'être tués. Vous ne pouvez même pas essayer de

20 commencer à comprendre la situation qui prévalait à l'époque deux jours

21 avant les bombardements et deux jours après les bombardements d'ailleurs

22 aussi. Il y avait des centaines et des centaines de policiers dans les

23 rues.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que je ne me fais pas bien

25 comprendre. Nous avons eu dans d'autres circonstances des témoignages sur

26 des personnes déplacées parce que c'était pour des raisons de sécurité,

27 elles seraient plus en sécurité ailleurs. Ce que j'essaie de vous demander,

28 c'est s'il y avait une bonne raison pour déplacer ces gens et les faire

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1 quitter leurs domiciles, peut-être seraient-ils plus en sécurité ailleurs ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] La peur c'est humain et il est possible que

3 certains individus aient été extrêmement effrayés et avaient envie de

4 quitter une région où il y avait des meurtres et des tueries pour regagner

5 une région plus sûre comme la Macédoine, donc fuir la mort et aller

6 quelque part où ils pouvaient espérer rester en vie. C'était une

7 satisfaction pour nous.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est pour cela que je ne peux pas nier le

10 fait qu'il y a des gens qui sont partis parce qu'ils voulaient regagner un

11 endroit où ils seraient plus en sécurité. Ils étaient effrayés.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais maintenant en venir à un

13 autre point dans votre déclaration datant de 2001. Vous faites référence à

14 votre participation à une tentative de négociations, et vous déclarez au

15 début de votre déclaration : "Au début de novembre 1997," dites-vous, vous

16 avez reçu un appel téléphonique d'un homme appelé Stijovic. S'agissait-il

17 effectivement de novembre 1997 ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a eu des tentatives à

20 l'instigation des Serbes pour faire participer des Albanais à des

21 discussions en novembre 1997 ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] En fait, c'était une tentative qui venait des

23 Albanais et non pas des Serbes. Nous voulions que des médiateurs émanant de

24 la communauté internationale participent à ces négociations ?

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai compris que ce processus a été

26 lancé au moment où vous étiez en état d'arrestation et qu'il y a eu une

27 supposée conversation et que c'était cette détention --

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, c'est exact.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] -- cette détention était à

2 l'instigation des autorités serbes. Est-ce que j'ai bien compris ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, maintenant je comprends mieux la

4 situation. Oui, effectivement, cela s'est produit après que j'ai été appelé

5 pour une réunion d'information ou une discussion d'information où j'ai fait

6 l'objet de questionnement. C'était soit le 2 soit le 3 octobre 1997.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

8 Maintenant, Madame Moeller, vous pouvez peut-être apporter votre aide

9 sur un autre point. Plusieurs corrections ont été apportées à l'addendum et

10 l'une de ces corrections parle de l'envoi d'une lettre à plusieurs

11 personnes. Cela commence par une référence à Rugova. Où dans la déclaration

12 ce passage s'intègre-t-il ?

13 Mme MOELLER : [interprétation] Si j'ai bien compris, cette correction à

14 l'addendum fait référence à la période qui suit la réunion avec la Sécurité

15 d'Etat.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous n'en n'êtes pas sûre, peut-

17 être le témoin peut nous éclairer ?

18 Mme MOELLER : [interprétation] Oui.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A un moment donné, vous avez envoyé

20 une lettre à plusieurs individus dont Rugova, Fehmi Agani, Nicholas Hill,

21 et d'autres. C'était tout.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, non. Ce n'était pas le cas. Je n'ai

23 envoyé de lettre qu'à M. Rugova.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suis désolé. J'ai mal lu. J'ai mal

25 compris. Vous avez raison. C'était à quelle période ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était après la réunion qui a eu lieu avec

27 Jovica Stanisic; c'était mi-décembre. Après ce qui s'était passé avec les

28 étudiants, nous essayions à l'époque d'engager un dialogue et nous

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1 essayions de ne pas nous engager sur la voie du conflit, parce que nous

2 avions vu ce qui s'était produit en Bosnie et en Croatie.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] …dans votre déclaration. J'essaie

4 simplement d'avoir un tableau d'ensemble et l'ordre dans lequel les

5 événements se sont produits est important ici.

6 Il y a ensuite une référence à une réunion avec Stanisic qui a eu

7 lieu par la suite. Cette réunion a-t-elle eu lieu en novembre 1998 ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. C'est un malentendu. Je n'ai rencontré

9 Stanisic qu'une fois lors d'une réunion préliminaire qui visait à préparer

10 les réunions, cette rencontre a eu lieu dans l'appartement de M. Bakalli.

11 Je crois que c'était deux de ses aides, Hadzic et Gajic. Ils étaient très

12 gros.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est à cette date que vous avez

14 rencontré Stanisic approximativement ? J'ai simplement besoin de connaître

15 le mois.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 20 décembre, c'était avant Noël.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] De quelle année ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] De 1997.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord. Cela c'est une autre

20 correction qui a besoin d'être apportée à l'addendum qui se réfère à cet

21 événement comme datant de 1998. Effectivement, je ne voyais pas la

22 corrélation, donc 1997, cela a beaucoup plus de sens par rapport à votre

23 déclaration générale. Merci.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai rencontré cette personne qu'une fois

25 en 1997.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Lors du contre-interrogatoire de

27 Milosevic, vous avez fait référence au fait que vous aviez rencontré des

28 représentants de ses services de sécurité à trois reprises; une fois dans

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1 l'appartement de Bakalli; une autre fois à Brezovica; et à une autre

2 reprise où ils vous ont saisi et interrogé.

3 S'agit-il là d'une référence à la première occasion où vous avez été

4 pris et où cette conversation a eu lieu ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'était le 2 et le 3 octobre, c'est la

6 première fois qu'ils m'ont fait parvenir cette demande d'interrogatoire.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. J'essaie simplement d'avoir une

8 idée de la chronologie des événements.

9 J'en reviens maintenant au sujet des déplacements de personnes pour avoir

10 un bon tableau d'ensemble.

11 Dans le compte rendu d'aujourd'hui indiquant que vous avez déclaré à

12 un moment donné que lorsque vous êtes parti, ce serait autour du 2 avril ou

13 le 2 avril, vous avez quitté la ville avec des centaines de milliers de

14 personnes. Les chiffres sont-ils exacts ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Exact.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Centaines de milliers ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, disons qu'il y avait plus de 100 000

18 personnes dans le groupe dont je faisais partie et avec lequel j'ai quitté

19 la ville.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Zecevic.

21 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, nous procéderons dans

22 l'ordre suivant : général Lukic, général Pavkovic, général Lazarevic, M.

23 Milutinovic, M. Sainovic et général Ojdanic. Mais je crois que l'heure est

24 venue de prendre une pause.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non.

26 M. ZECEVIC : [interprétation] D'accord. Je suis désolé.

27 M. IVETIC : [interprétation] Nous avons encore sept minutes.

28 M. ZECEVIC : [interprétation] Désolé.

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1 M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais effectivement commencer et faire

2 une déclaration avant la pause.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ivetic.

4 M. IVETIC : [interprétation] Merci.

5 Contre-interrogatoire par M. Ivetic :

6 Q. [interprétation] Je me présente. J'aimerais tout d'abord vous demander

7 de prêter attention à mes questions et nous répondre de la manière la plus

8 honnête et concise possible dans la mesure où le temps qui nous est imparti

9 est limité. J'aimerais en terminer avec votre contre-interrogatoire

10 aujourd'hui pour que vous puissiez repartir ce soir.

11 Tout d'abord, j'ai deux questions à vous poser sur la déclaration qui a été

12 faite en 2001 par le bureau du Procureur. Cette déclaration précise que

13 vous avez fait l'objet d'un entretien avec M. Fred Abrahams du bureau du

14 Procureur. Est-ce que M. Abrahams s'est présenté comme enquêteur pour le

15 bureau du Procureur ?

16 R. Non, il y avait quelqu'un d'autre avec Fred Abrahams, et lui il s'est

17 présenté comme enquêteur. Il s'agissait de Jonathan Sutch, si je ne

18 m'abuse. Il était avec Fred Abrahams.

19 Q. Est-ce que M. Abrahams a joué un rôle actif dans les questions qui vous

20 ont été posées afin de préparer votre déclaration écrite ?

21 R. Oui. Il a posé un certain nombre de questions.

22 Q. Pour en revenir maintenant au fond de votre déclaration, vous avez

23 éclairé un certain nombres de points, il semblerait que dans les réunions

24 que vous avez eues avec la sécurité d'Etat, celle qui a eu lieu dans

25 l'appartement de M. Bakalli et l'autre à la villa de Brezovica, c'est deux

26 réunions ont eu lieu en 1997 et non pas en 1998; est-ce exact ?

27 R. L'une de ces réunions était deux à trois semaines avant l'autre. La

28 première était en fait la réunion préliminaire où nous avons préparé la

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1 réunion suivante, et l'autre s'est tenue à Brezovica avec Stanisic.

2 Q. D'accord, pour que tout soit bien clair, par rapport à ces deux

3 réunions auxquelles vous avez participé, les participants serbes à ces

4 réunions étaient composés de membres des services de la sécurité d'Etat, la

5 RDB exclusivement; est-ce exact ?

6 R. Dans la maison de Bakalli, deux personnes se sont présentées comme

7 adjoint de Stanisic, leurs noms étaient Hadzic et Gajic. Ils étaient très

8 gros, comme je vous l'ai déjà dit, et c'est tout.

9 Q. A l'époque vous avez compris que M. Stanisic dirigeait la RDB; est-ce

10 exact, la Drzavne Bezbednosti ?

11 R. Non, il était le chef. Il nous a dit que c'était ses adjoints, et que

12 le chef était Jovica Stanisic.

13 Si cela vous intéresse, j'ai interrogé 21 personnes fonctionnaires de cette

14 organisation et ils m'ont dit qu'il était le chef de cette organisation au

15 Kosovo.

16 Q. C'est effectivement ce que je vous ai demandé. Merci d'avoir apporté

17 cette réponse. Si nous pouvons nous concentrer maintenant sur cette

18 première réunion dans l'appartement de M. Bakalli. Vous avez parlé d'un

19 individu appelé Hadzic ou Adzic. L'avez-vous revu depuis ?

20 R. Non, je ne l'ai jamais revu.

21 Q. D'accord, lorsque vous êtes arrivé pour cette deuxième réunion avec les

22 représentants serbes, vous avez indiqué que des personnes en civil vous

23 avaient demandé de les accompagner à Brezovica. Avez-vous reconnu ces

24 individus en civil comme étant des membres des forces de sécurité de

25 l'Etat ?

26 R. Oui.

27 Q. Est-ce que M. Bakalli et vous-mêmes les avez suivis volontairement ?

28 R. Bien entendu, il s'agissait de la dernière tentative pour essayer

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1 d'obtenir la paix de créer un dialogue.

2 Q. D'accord, très bien, lorsque vous êtes arrivé à votre destination

3 finale à Brezovica, cette villa où vous avez été amené, la sécurité en

4 était-elle assurée correctement ?

5 R. Je n'ai vu que des civils très bien habillés. Il s'agissait de jeunes

6 gens qui avaient l'air de jumeaux, qui avaient l'air tous de porter les

7 mêmes vêtements, on aurait dit des clones. Ils étaient à l'extérieur de la

8 villa, puis Jovica Stanisic nous a accueillis. J'avais une image totalement

9 différente dans mon esprit de ce qu'il allait être. En fait, il était

10 agréable.

11 Q. Ces personnes dont vous dites que c'était des clones, est-ce qu'il

12 s'agissait -- ces civils, est-ce qu'on vous a dit qu'il s'agissait de

13 membres de la DB de la sécurité d'Etat ou est-ce que vous êtes venu vous-

14 mêmes à cette conclusion ?

15 R. Je n'ai pas dit cela. J'ai dit qu'il s'agissait de jeunes gens, qui se

16 tenaient très droit. Je crois que c'était des gardes ou peut-être les

17 gardes du corps de Stanisic.

18 Q. Vous avez indiqué dans votre déclaration que M. Bakalli vous avait dit

19 qu'il reconnaissait cette villa comme étant un bâtiment qui était entre les

20 mains du gouvernement ou de l'Etat. Est-ce qu'il vous a expliqué un peu

21 plus qu'il pensait qu'il s'agissait d'une propriété qui était entre les

22 mains de la sécurité publique ?

23 R. On m'a dit qu'au cours de la période communiste ces logos étaient

24 utilisés par le gouvernement d'alors qui était communiste, et il savait

25 qu'il s'agissait d'une villa publique en quelque sorte ou qui appartenait à

26 l'Etat. Il ne m'a pas dit qu'il s'agissait d'un bâtiment de la sécurité

27 d'Etat. Je n'avais jamais entendu parler de cette villa auparavant.

28 Q. A l'époque où vous étiez présent, pourriez-vous nous dire si vous avez

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1 pensé que les procédures et les discussions étaient enregistrées d'une

2 manière ou d'une autre; et si vous avez eu cette idée, sur quelle base ?

3 R. Au cours de la première réunion à la maison de Bakalli, je prenais des

4 notes sur tout ce qui était dit, alors qu'eux parlaient sans prendre de

5 notes, sans témoigner d'un intérêt quelconque pour nos suggestions. C'est

6 cela qui m'a donné l'idée que peut-être ils étaient en train d'enregistrer

7 nos discussions. Je ne savais pas avec certitude que ces discussions

8 étaient enregistrées.

9 Q. Alors, je vais vous demander de vous concentrer sur la villa de

10 Brezovica. Avez-vous eu des indications sur le fait que ces discussions,

11 les discussions qui se sont tenues dans cette villa étaient effectivement

12 enregistrées par des membres de la sécurité d'Etat ?

13 R. Compte tenu du fait qu'ils ont déclaré qu'ils feraient état des

14 discussions à Milosevic le lendemain matin à 8 heures, je suppose que oui.

15 Je suppose qu'ils ont enregistré les débats. Je n'avais pas peur. J'avais

16 fait une offre qui a été rejetée, et la situation s'est détériorée et la

17 guerre a commencé.

18 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ivetic, le moment est-il

20 bienvenu pour faire la pause ?

21 M. IVETIC : [interprétation] Tout à fait.

22 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur Haxhiu, nous allons faire une pause

23 de 20 minutes. Nous reprendrons dans 20 minutes, l'huissier va vous

24 raccompagner.

25 [Le témoin se retire]

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous reprendrons à 16 heures cinq.

27 --- L'audience est suspendue à 15 heures 47.

28 --- L'audience est reprise à 16 heures 07.

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1 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic.

3 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

4 Q. Bien. Lorsque nous nous sommes interrompus, nous parlions de la réunion

5 que vous avez eue avec M. Bakalli à Brezovica, ainsi qu'avec plusieurs

6 représentants serbes de l'organisme de Sûreté de l'Etat. J'aimerais vous

7 poser la question suivante : lorsque nous avons été interrompus, nous

8 parlions de votre impression selon laquelle les discussions étaient

9 enregistrées ou qu'on en gardait la trace d'une manière ou d'une autre.

10 Avez-vous compris que toutes les discussions, y compris celles qui ont eu

11 lieu lorsque vous étiez sur la terrasse, étaient enregistrées et Stanisic,

12 Gajic, Bakalli et Stijovic étaient présents à ce moment-là au cours de ces

13 discussions sur la terrasse ?

14 R. Oui.

15 Q. C'est une réponse par l'affirmative à mes deux questions, puisque que

16 j'ai posé une question finalement qui en contenait deux. D'abord, je vous

17 ai demandé si les conversations qui se sont tenues sur la terrasse de la

18 villa avaient été enregistrées. Je vous reposerai la deuxième partie de la

19 question tout à l'heure. J'aimerais d'abord que vous donniez réponse à la

20 première partie.

21 R. Pour ce qui est de la première question, j'ai déjà répondu. J'ai dit

22 que cela avait été mon impression puisqu'ils n'avaient pris aucune note.

23 S'agissant de la deuxième question que vous avez posée, j'y réponds par

24 l'affirmatif.

25 Q. Bien. Vous savez, Monsieur, n'est-ce pas, qu'un journal serbe Europa,

26 le 12 janvier 2006, a publié la retranscription de certaines des

27 discussions qui ont eu lieu sur le mont de Brezovica en 1997. Le saviez-

28 vous ?

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1 R. Je ne l'ai pas lu.

2 Q. Bien. Passons à autre chose.

3 S'agissant de vos liens directs avec M. Stanisic, d'après ce que je

4 vois dans votre déclaration, l'homme dont vous avez dit que c'était M.

5 Stijovic était également toujours présent à vos côtés, n'est-ce pas ?

6 R. Oui. Il était là assis à côté de Stanisic.

7 Q. Bien. M. Stijovic suivait de près la conversation que vous aviez avec

8 M. Stanisic à l'époque ?

9 R. Oui. M. Stijovic suivait, il n'a suivi que la partie de la conversation

10 qui a portée sur les manifestations des étudiants et sur l'intervention,

11 non le reste.

12 Q. Il était là qu'à ce moment-là. et pour que les choses soient tout à

13 fait claires, vous aviez déjà vu M. Stijovic, n'est-ce pas ?

14 R. C'était un invité venu de Pristina. Il était membre de l'association

15 des jeunesses socialistes à Krajina. C'était un personnage connu à

16 Pristina.

17 Q. Bien. En haut de la page 9 de votre déclaration, on lit les questions

18 que vous avez posées à Stanisic sur les manifestations estudiantines du

19 mois d'octobre, et nous savons maintenant que c'est octobre 1997. Vous nous

20 avez dit aujourd'hui qu'il vous avait dit qu'un dénommé Lukic avait été

21 l'instigateur de cette intervention policière. M. Stanisic a-t-il indiqué

22 le nom entier de M. Lukic, a-t-il utilisé un surnom, un pseudonyme ?

23 R. Ma question était la suivante : Pourquoi êtes-vous intervenu lors de la

24 manifestation estudiantine avant même que vous connaissiez l'importance de

25 cette manifestation ? Il a dit - et je cite ses propos : "Nous étions en

26 conflit." C'est ce qu'il a dit M. Stanisic. Il a dit que : "Nous étions en

27 conflit avec les gens de la Sûreté de l'Etat."

28 Il n'a pas mentionné M. Sreten Lukic. Il a dit M. Lukic, qu'il ne

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1 partageait pas notre avis et qu'il était en faveur d'une intervention.

2 Q. Pour que les choses soient tout à fait claires, aujourd'hui vous avez

3 dit que M. Lukic vous a été présenté comme étant le directeur des services

4 de la Sûreté de l'Etat, n'est-ce pas?

5 R. Oui.

6 Q. Est-ce que c'est M. Stanisic qui à l'époque, en 1997, a présenté M.

7 Lukic comme étant le directeur de la Sûreté de l'Etat ?

8 R. Pour vous dire la vérité, cette partie-là de la conversation n'était

9 pas particulièrement importante. Nous n'avons pas réussi à nous mettre

10 d'accord sur des questions importantes pour notre avenir. J'ai évoqué la

11 question simplement pour rappeler qu'il y avait eu intervention. Le cœur de

12 notre conversation n'était pas l'intervention à proprement parler au cours

13 des manifestations. Ceci a fait partie des questions que nous avons

14 abordées au cours de nos conversations, c'était lui qui avait évoqué le nom

15 de M. Lukic.

16 Q. Bien. J'aurais quelques questions supplémentaires à vous poser sur ce

17 M. Lukic, ensuite, je passerai à un autre sujet.

18 Dans votre déclaration, vous dites qu'à ce moment-là, vous ne saviez

19 absolument pas qui était M. Lukic. A un moment donné ou à un autre, avez-

20 vous découvert le poste ou les fonctions occupé par M. Lukic en 1997, et

21 notamment en octobre ou novembre 1997 au moment où vous avez eu ces

22 conversations avec M. Stanisic ?

23 R. Je l'ai entendu parler de M. Lukic lorsqu'il a été mis en accusation

24 par le Tribunal de La Haye et lorsque j'ai vu sa photo. Avant cela, je

25 n'avais pas entendu parler de lui.

26 Q. Ce qui veut dire qu'en 1998 ou 1999, à aucun moment que ce soit vous

27 n'avez pas entendu parler de lui; c'est exact ?

28 R. Je ne m'intéressais pas à des personnes en particulier, plutôt au

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1 régime de Milosevic, et c'est Milosevic qui représentait ce régime. Par

2 conséquent, je ne m'intéressais pas particulièrement au nom des hommes de

3 Milosevic.

4 Q. Depuis, avez-vous appris qu'au cours de cette période, octobre,

5 novembre 1997, que Sreten Lukic en réalité n'occupait aucune fonction de

6 commandement vis-à-vis du MUP de la République de la Serbie, mais qu'il

7 était en réalité adjoint du chef de la police dans le SUP de la ville et

8 dans une partie de Belgrade et qu'il était ni de près ni de loin présent au

9 Kosovo-Metohija ?

10 R. Je vous ai déjà dit ce que Stanisic m'a dit. Je ne sais pas de quel

11 Lukic il faisait référence. Je sais simplement qu'il a évoqué le nom de

12 Lukic et qu'il a parlé de la Sûreté de l'Etat, la DB. Si vous me demandez à

13 moi, je vous dirais, je ne sais pas qui c'est. Je ne fais que vous relayiez

14 ce qu'il m'a dit et ce qu'il a dit à propos de la personne qui avait donné

15 l'ordre d'intervenir.

16 Q. Vous avez également dit que ce Lukic-là était directeur de la Sûreté de

17 l'Etat. Savez-vous que Sreten Lukic n'est devenu le directeur de la Sûreté

18 de l'Etat qu'en janvier 2001, par ailleurs, quelques mois seulement avant

19 que vous fassiez votre déclaration au bureau du Procureur ?

20 R. Je n'ai jamais dit que M. Lukic était directeur de la Sûreté d'Etat. Je

21 n'ai fait qu'interpréter une phrase qui a été prononcée par M. Stanisic.

22 Q. Bien. Etes-vous en train de dire ici aujourd'hui que vous n'avez pas de

23 certitude vous permettant d'affirmer que la personne évoquée par M.

24 Stanisic était bien Sreten Lukic, l'homme qui se trouve assis ici

25 aujourd'hui dans ce prétoire et qui a été mis en accusation par le bureau

26 du Procureur ?

27 R. J'ai déjà dit que dans ma déclaration je n'ai fait figurer que le nom

28 de famille de cet homme, Lukic. Par la suite, j'ai établi la correspondance

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1 avec Sreten Lukic, mais au cours de cette réunion-là, le nom n'a pas été

2 évoqué, le nom de Sreten Lukic.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ivetic, que dit la

4 retranscription publiée de cette réunion ?

5 M. IVETIC : [interprétation] Rien n'y figure s'agissant de cette

6 conversation-là ou de cette partie de la conversation.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

8 M. IVETIC : [interprétation] Mais si cela vous intéresse, nous pourrions

9 éventuellement numériser ce document et nous pourrions le communiquer.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non. Je voulais simplement savoir

11 si la question avait été évoquée. Je voulais savoir si cette partie de la

12 conversation figurait dans la retranscription.

13 M. IVETIC : [interprétation] Non.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

15 M. IVETIC : [interprétation] Merci.

16 Q. Nous allons passer un instant à la manifestation d'étudiants survenue

17 en 1997. Vous avez dit que ces manifestations avaient fait l'objet d'une

18 annonce publique. Savez-vous si en réalité ces manifestations ont respecté

19 la législation qui était en vigueur à l'époque, à savoir que tous les

20 manifestants devaient se manifester auprès de la police et qu'ils devaient

21 préciser quelle allait être l'ampleur de la manifestation, où elle allait

22 se dérouler et le nombre de manifestant attendus ? Savez-vous si les

23 organisateurs de ces manifestations ont suivi ces règles et ces exigences ?

24 R. Ceci s'applique à un système dans lequel on respecte les lois. A ce

25 moment-là le système ne respectait aucune loi ni aucune réglementation. On

26 n'y reconnaissait pas le droit à la manifestation. C'est la raison pour

27 laquelle les organisateurs ont jugé que la seule manière de faire passer

28 l'information était de passer par les médias. Le régime serbe n'acceptait

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1 aucun projet de manifestation à ce moment-là.

2 Q. Des manifestations ont-elles eu lieu simultanément au même endroit,

3 manifestations d'étudiants serbes, en octobre 1997 ?

4 R. Des manifestations d'étudiants serbes ? Ils n'avaient pas besoin de

5 protester, eux. Ils bénéficiaient d'un climat de sécurité absolu, leur

6 avenir était assuré dans la mesure où ils étaient largement représentés au

7 sein des organismes de l'Etat, c'est une sécurité dont jouissait chaque

8 individu et étudiant serbe et dont étaient privés les étudiants albanais.

9 Q. Monsieur, je vous ai demandé si au même endroit où a eu lieu cette

10 manifestation d'étudiants albanais, il n'y avait pas eu une contre-

11 manifestation ce même jour et au même endroit d'étudiants serbes ?

12 R. Il n'y a pas eu de manifestations d'étudiants serbes.

13 Q. Les forces de police ne sont pas intervenues du tout au cours de la

14 deuxième manifestation qui a eu lieu une quinzaine de jours plus tard au

15 début du mois de novembre 1997, n'est-ce pas ?

16 R. Ils ont donné aux manifestants 40 minutes au cours desquelles ces

17 derniers avaient le droit d'être là. La police a formé un cordon tout

18 autour du quartier, une fois les 40 minutes écoulées, la police a avancé

19 vers les manifestants et ces derniers ont quitté l'endroit. Nous parlons

20 ici des manifestations qui ont lieu le 30 octobre.

21 Q. S'agissant de cette manifestation, vous avez dit que la police avait

22 donné 40 minutes, la police a donné 40 minutes lorsque les organisateurs de

23 la manifestation en question se sont présentés en suivant la législation

24 en vigueur et ont informé la police de la tenue de cette manifestation

25 lorsqu'ils ont demandé l'autorisation de manifester, n'est-ce pas ? C'est

26 quelque chose qu'ils n'avaient d'ailleurs pas fait pour la précédente

27 manifestation ?

28 R. En fait, lorsqu'ils ont vu comment la situation avait évolué après la

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1 première manifestation, ils se sont conduits de cette manière-là la

2 deuxième fois. Mais, d'ores et déjà, malheureusement, des jeunes étudiants

3 s'étaient déjà dirigés vers les montagnes et il était trop tard pour les

4 arrêter. N'oubliez pas le contexte politique d'alors. Le contexte politique

5 qui prévalait le 1er octobre était un équilibre fragile entre la paix ou la

6 guerre. Pour moi, la guerre a commencé le 1er octobre. Tout ce qui a été

7 fait un mois plus tard a été vain parce que personne ne croyait plus à la

8 paix.

9 Q. Très bien. J'en ai presque terminé de la question des manifestations

10 estudiantines et je vais passer à autre chose. J'ai entendu très

11 précisément ce que je cherchais.

12 Votre déclaration faite au bureau du Procureur en août 2001 ne dit

13 pas seulement que M. Lukic était à l'origine de l'intervention faite contre

14 les manifestations. Page 9, le premier paragraphe complet dit : "Sreten

15 Lukic avait convaincu Milosevic de briser les manifestations en recourant à

16 la force. A ce moment-là je ne savais pas qui était Sreten Lukic."

17 Puisque vous avez maintenant dit que le nom de Sreten Lukic n'avait pas été

18 utilisé par M. Stanisic, comment ce nom a-t-il fini par atterrir dans votre

19 déclaration donnée au bureau du Procureur en 2001 ? Ce nom vous a-t-il été

20 suggéré par M. Abraham ou par l'autre enquêteur du bureau du Procureur qui

21 était présent ?

22 R. Je ne suis pas influençable aussi facilement que cela. Il s'agit du

23 contexte politique. Il s'agit de gens qui ont été accusés par le Tribunal

24 de La Haye. Je ne connaissais pas d'autres Lukic de la Sûreté de l'Etat à

25 part Sreten Lukic. C'est la raison pour laquelle il m'a paru logique

26 d'évoquer le nom de Sreten Lukic. Je crois que je suis tout à fait clair

27 dans ma déclaration s'agissant de ce qui s'est dit au cours de la réunion.

28 Q. Monsieur Haxhiu, je me perds un peu. L'acte d'accusation contre M.

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1 Sreten Lukic a été dressé deux ans après le recueil de votre déclaration.

2 Comment cet acte d'accusation a-t-il pu vous servir de base, et comment

3 ceci a-t-il pu vous pousser à faire figurer le nom de "Sreten Lukic" dans

4 votre déclaration de témoin recueilli par le bureau du Procureur en août

5 2001 ? Eclairez-moi.

6 R. Je m'en tiens à ce que j'ai déjà dit, le nom de "Sreten" a été placé

7 dans ma déclaration au vu du contexte politique et sur la base de ce qui a

8 été confirmé par la suite par une personne qui était membre de la police.

9 Au cours de la réunion avec Stanisic, le nom de "Sreten" n'a pas été

10 évoqué; mais seul le nom de "Lukic" l'a été. On a dit que c'était une

11 personne qui faisait partie de la Sûreté de l'Etat et qui avait convaincu

12 Milosevic qu'il était nécessaire d'intervenir. C'est tout ce qui a été dit

13 s'agissant des événements du 1er octobre au cours de ces conversations que

14 nous avons eues sur l'avenir du Kosovo.

15 Q. Bien. Je crois que j'ai épuisé le sujet. J'aimerais que l'on revienne

16 sur ce que vous avez dit sur 1998.

17 Notamment lorsque vous avez dit que vous êtes rendu à Malisevo et

18 dans les monts Berisha. A ce moment-là vous avez servi d'interprète pour

19 plusieurs représentants officiels occidentaux et de l'OSCE, n'est-ce pas ?

20 R. Oui. Oui. En fait j'y suis allé pour entendre l'avis de l'UCK en temps

21 de crise, crise que traversait le Kosovo à ce moment-là. Je pensais que les

22 médias de par leur influence pourraient améliorer la situation. C'était une

23 tentative de ma part visant à convaincre l'UCK d'entamer un processus

24 susceptible d'aboutir à un dialogue.

25 Q. Très bien. Albert Rohan, Jan Kickert et Wolfgang Petritsch, vous les

26 mentionnez sur cette même page pour la date de juillet 1998, où vous vous

27 êtes rendu sur place pour la première fois et par la suite avec d'autres

28 personnes, vous avez interprété les propos de combattants de l'UCK pour

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1 eux, n'est-ce pas ?

2 R. Vous parlez d'un autre moment et moi d'un autre. La rencontre en

3 juillet 1998 était une rencontre entre Petritsch, Kickert et des

4 représentants de l'UCK. M. Johan Petritsch et Jan Kickert étaient allés à

5 Malisevo pour se rendre compte de la situation des réfugiés à Malisheve. En

6 route, cette rencontre a eu lieu et elle n'a pas duré plus de 15 à 20

7 minutes.

8 Q. C'est précisément la rencontre dont j'aimerais que nous parlions.

9 N'est-il pas exact, vous l'avez dit au bureau du Procureur le 7 novembre

10 2006 au cours de la séance de récolement, qu'au cours de cette rencontre, à

11 dessein, vous avez mal interprété les propos des combattants de l'UCK de

12 manière à atténuer quelque peu la rhétorique extrémiste de l'UCK, pour

13 adoucir la version aux oreilles des représentants officiels occidentaux qui

14 étaient présents, parmi eux, M. Petritsch et M. Kickert.

15 R. Pour tout vous dire, ces mots m'ont paru un peu vide de sens et

16 intraduisibles. Ce n'était pas une réunion habituelle, et je ne voulais pas

17 qu'ils en retirent une mauvaise impression des gens qui portaient

18 l'uniforme. Je ne voulais pas participer à quelque chose qui ne me plaisait

19 pas. C'est la raison pour laquelle j'ai déformé les propos que j'ai

20 interprétés.

21 Q. En réalité vous avez modifié la teneur des propos prononcés par ces

22 gens-là afin peut-être d'y mettre un bémol ?

23 R. Non. J'ai refusé de faire en sorte que ce qu'ils disaient à ce moment-

24 là, et qui était finalement accessoire, devienne la version officielle.

25 Q. Mais ce n'est pas la première fois que vous rapportiez de manière

26 erronée les propos des membres de l'UCK alors que ces derniers parlaient à

27 des observateurs occidentaux, n'est-ce pas ? Vous l'avez fait à nouveau

28 avec l'ambassadeur Petritsch qui vous a même demandé à un moment donné

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1 pourquoi la traduction était-elle beaucoup plus brève que la version qui

2 avait été donnée en Albanais de ce qui venait d'être dit. Cela n'est-il pas

3 exact, comme vous l'avez dit au bureau du Procureur l'autre jour ?

4 R. Non, non, ce n'est pas exact. Il était question du même événement. Vous

5 parlez du même événement. Je n'ai jamais refait cela par la suite.

6 Q. C'est juste à cette occasion-là que vous avez déguisé la vérité, n'est-

7 ce pas ? C'est bien ce que vous dites aujourd'hui ?

8 R. Je vous l'ai déjà dit, nous parlons du même événement. Vous avez

9 mélangé différentes rencontres. Il y avait Johan Petritsch et Jan Kickert

10 qui étaient présents cette fois-là. Vous ne parlez pas de deux événements

11 ou de deux rencontres distinctes, mais de la même.

12 Q. Bien. Cela veut dire que vous vous êtes contenté de déformer la réalité

13 une seule fois lors de cet événement ?

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Passons à autre chose.

15 M. IVETIC : [interprétation] Très bien.

16 Q. Parlons d'Orahovac en juin 1998, avant juin 1998, n'est-il pas vrai que

17 l'UCK s'est engagée dans une offensive de grande envergure dans la ville

18 d'Orahovac en juillet 1998, juste avant que vous vous retrouviez à Malisevo

19 et dans les montagnes, les collines Berisha, attaque au cours de laquelle

20 l'UCK a pratiquement pris d'assaut le commissariat en l'encerclant pendant

21 presque deux jours sous un feu nourri avant que des renforts ne puissent

22 arriver ? L'UCK a d'ailleurs aussi pris le contrôle du dispensaire et

23 d'autres bâtiments importants de la ville d'Orahovac ?

24 R. C'est votre interprétation. Je ne les ai pas vus prendre le contrôle de

25 Rahovec. Je sais bien qu'il y a eu cette offensive et qu'en résultat il y a

26 eu des centaines de milliers de réfugiés. Le régime et la police serbe

27 savaient exactement combien de réfugiés se trouvaient à Malisheve et quel

28 était le risque qui pouvait découler d'une intervention à Malisheve et

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1 Rahovec.

2 Souvenez-vous que lors de cette intervention sur la droite de la

3 route entre Pristina et Peje, toutes les maisons ont été incendiées; et de

4 l'autre côté, au cours de l'intervention, toute la population a été chassée

5 vers les montagnes. On parle ici d'une situation très délicate.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Haxhiu, est-ce que cela

7 signifie qu'en juillet 1998 l'UCK n'a pas essayé de prendre le contrôle du

8 moindre quartier d'Orahovac ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, l'UCK n'avait pas

10 l'envergure militaire pour capturer Rahovec.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Certes, mais on voudrait juste savoir

12 s'ils ont essayé de prendre Orahovac, rien de plus ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas déposer ni dans un sens ni dans

14 l'autre, puisque je n'étais pas présent. Il s'agit ici de l'interprétation

15 de ce qui s'est passé par la police et l'armée à l'époque. Si tant est

16 qu'ils aient essayé de prendre Rahovec, cette tentative aurait été une

17 erreur puisqu'ils savaient qu'il y avait énormément de réfugiés à Malisheve

18 et qu'ils auraient ensuite couru un enjeu. Je pense que tout ceci a été mis

19 en scène puisque l'UCK n'avait absolument pas l'envergure nécessaire pour

20 prendre Rahovec.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

22 Monsieur Ivetic, vous pouvez poursuivre.

23 M. IVETIC : [interprétation] Très bien.

24 Q. Vous dites que c'est l'interprétation de la police. Je vais vous poser

25 une question qui se fonde sur ce que M. Fred Abrahams a déposé ici devant

26 ce Tribunal à propos de ce qui s'était passé à Orahovac à peu près au même

27 moment, puisque M. Abrahams a dit que l'UCK avait kidnappé 80 civils serbes

28 lors de cette offensive. Le saviez-vous, alors que vous êtes en train de

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1 dire que l'UCK n'était pas capable, il n'avait pas l'envergure pour mener

2 tout action offensive ?

3 R. Dans le cas dont vous dites de Fred Abrahams, je n'en sais rien.

4 Q. Je lui ai justement posé la question et c'est ce qu'il m'a répondu.

5 Alors est-ce que cela modifie votre opinion à propos de la présence de

6 l'UCK et de sa puissance dans la zone ?

7 R. Non, je suis toujours absolument certain que l'UCK n'avait pas

8 l'envergure nécessaire pour prendre une ville; je suis absolument certain.

9 Q. Très bien. Maintenant je vais vous poser des questions à propos de

10 Pristina. Vous nous avez parlé des bureaux de Koha Ditore à propos du fait

11 que ces bureaux avaient subi des fractions, et cetera. Vous avez dit que

12 c'était le jour du bombardement de l'OTAN. Alors soyons clairs, vous

13 n'étiez pas là ce jour-là pour assister de visu à ce qui s'est passé dans

14 les bureaux de Koha Ditore, n'est-ce pas ?

15 R. Non, je suis ravi de votre question. Notre garde a été tué ce jour-là à

16 l'intérieur du bâtiment par la police. Son corps a été jeté dehors devant

17 le portail de Koha Ditore. Je me sens encore coupable de sa mort parce que

18 c'est moi qui lui ai demandé de rester pour monter la garde ce soir-là. Je

19 ne pensais vraiment pas qu'il y aurait un crime. Je pense que c'est une

20 preuve quand même de ce qui s'est passé. Il y a eu le meurtre de ce garde.

21 Q. Répondez à ma question. Vous n'étiez pas présent et vous n'avez pas

22 assisté de visu à ce qui s'est passé dans les bureaux de Koha Ditore le 24

23 mars 1999; vous étiez ailleurs dans un autre quartier de la ville, n'est-ce

24 pas ?

25 R. Oui, c'est vrai. Je vous ai quand même dit que le garde a été tué. Je

26 pense que quand même cela prouve ce qui s'est passé. Que pouvez-vous

27 demander de plus comme preuve ?

28 Q. Vous avez dit que vous êtes partis avec d'autres réfugiés qui partaient

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1 aussi. Pouvez-vous nous dire exactement ce que vous avez entendu qui a fait

2 que vous êtes partis ce jour-là ?

3 R. On ne m'a pas dit quoi que ce soit, pas personnellement en tout cas.

4 J'étais parmi des milliers d'autres personnes qui sont parties sur ordre de

5 ces personnes en tenue verte.

6 Q. J'ai encore quelques questions à vous poser à ce propos, et surtout à

7 propos de ces personnes en tenue verte. Avez-vous vu le moindre badge,

8 emblème, insigne sur ces tenues vertes qu'arboraient ces personnes ?

9 R. Non, la seule chose qui permettait de les distinguer des autres, c'est

10 qu'ils parlaient dans un dialecte serbe du Kosovo.

11 Q. Très bien, très bien. Autre question à ce propos toujours. Vous avez

12 déclaré au bureau du Procureur lors de votre séance de récolement le 7

13 novembre 2006 que le jour où vous étiez dans la rue, où il y avait ces

14 hommes en tenue verte, vous n'avez vu aucun homme en uniforme bleu qui

15 semblerait agir de concert avec ces personnes en vert, n'est-ce pas ?

16 R. Ils ne participaient pas à l'expulsion activement, ils étaient présents

17 à tous les carrefours. Ils empêchaient que les gens ne s'échappent par les

18 rues latérales. Ils participaient plus ou moins en bloquant les routes. Il

19 est vrai que l'expulsion activement a été menée par les personnes en tenue

20 verte.

21 Q. Vous nous dites que la police était postée aux carrefours. Avez-vous

22 tenté d'entrer en contact avec ces policiers ?

23 R. J'apprécie beaucoup votre cynisme. Vous me voyez en train d'aller voir

24 quelqu'un qui essaie de me tuer pour essayer d'entrer en contact avec lui ?

25 Q. Aucune de ces personnes n'a verbalement déclaré qu'ils allaient vous

26 tuer ?

27 R. Il y a certaines choses qui vont sans dire. On les ressent, on les

28 voit. Les blindés, les armes, les canons, les masques, les casques, tout

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1 cela est très parlant.

2 Q. Cela dit, à l'époque il y avait quand même une guerre avec des

3 bombardements de l'OTAN sur Pristina tous les jours ?

4 R. Oui.

5 M. IVETIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin,

6 Monsieur le Président.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ackerman -- Aleksic.

9 M. ALEKSIC : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur le Président. Nous

10 n'avons pas de questions à poser à ce témoin.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce sera, Monsieur Cepic.

12 M. CEPIC : [interprétation] Tout à fait. C'est à moi.

13 Contre-interrogatoire par M. Cepic :

14 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Haxhiu. Je suis Djuro Cepic, je suis

15 un des conseils de M. Lazarevic. J'ai quelques questions à vous poser.

16 Monsieur Haxhiu, vous venez de Pristina, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous savez où se trouve le bureau du Procureur à Pristina, vous savez

19 qu'il y a un bureau du Procureur à Pristina ?

20 R. Vous parlez du Tribunal ?

21 Q. Oui – non, plutôt je parle du bureau du Procureur du Tribunal du TPY,

22 savez-vous où il se trouve à Pristina exactement ? C'est la question que je

23 vous pose.

24 R. Oui, je sais où c'est à Pristina.

25 Q. C'est là que vous êtes allé pour faire votre déclaration les 20, 21 et

26 22 août 2001, n'est-ce pas ?

27 R. Une partie de ma première déclaration a été donnée chez moi, l'autre

28 partie à Koha Ditore. En fait, à ce moment-là, je n'ai fait que confirmer

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1 l'exactitude de la déclaration. L'interview s'est conduite chez moi et au

2 bureau de Koha Ditore. Comme je l'ai dit, à Koha Ditore je n'ai fait que

3 lire ce que j'avais dit lors de l'interview.

4 Q. Très bien. Ensuite vous avez signé cette déclaration et vous l'acceptez

5 comme reflétant fidèlement vos propos, n'est-ce pas ?

6 R. Oui. Je voulais l'avoir par écrit. L'interview s'est fait verbalement,

7 il avait été enregistré.

8 Q. Très bien. Le 22 mai 2002, vous avez fourni un addendum à cette

9 déclaration juste la veuille de votre déposition lors de l'affaire

10 Milosevic, c'est bien cela ?

11 R. Oui.

12 Q. Vous l'avez signée et vous l'avez acceptée comme reflétant la vérité,

13 n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Monsieur Haxhiu, pour tous ces documents, vous n'avez jamais mentionné

16 que vous aviez été expulsé ou chassé, vous n'avez mentionné le fait que

17 cette expulsion avait été le fait de paramilitaires en vert, vous êtes en

18 train de nous dire tout cela aujourd'hui. Pourquoi avez-vous changé votre

19 déposition aujourd'hui ? Quelqu'un vous a-t-il persuadé de modifier votre

20 déposition pour qu'elle aille dans un autre sens par rapport à ce qui a été

21 dit dans les écrits ? De toute façon, je tiens à vous lire ce qui est écrit

22 à l'addendum à la page 2.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Moeller.

24 Mme MOELLER : [interprétation] Je ne pense pas qu'il est correct d'affirmer

25 devant le témoin qu'il a modifié son témoignage, il n'a fait que le

26 compléter.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Sur quoi vous basez-vous pour dire que

28 ce témoin a complètement modifié sa déposition et sa déclaration ?

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1 M. CEPIC : [interprétation] Si vous me permettez de lire le paragraphe 3,

2 page 2, et je le dis en anglais : "Le 2 avril 1999, lorsque je suis allé en

3 Macédoine, J'ai continué de publier Koha Ditore. au cours du mois d'avril

4 après mon départ du Kosovo," et cetera, et cetera. Il n'a jamais mentionné

5 qu'il a été chassé d'où que ce soit. Il n'a jamais dit qui l'avait chassé

6 de quoi que ce soit. Tout ce qu'il a dit c'est qu'il avait quitté le

7 Kosovo.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Vous pouvez lui poser une

9 question et vous pouvez lui demander pourquoi il n'avait pas mentionné

10 l'expulsion.

11 M. CEPIC : [interprétation] C'est ce que je lui demande d'ailleurs, si vous

12 me le permettez.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est une question complètement

14 différente. Vous lui avez demandé pourquoi il avait modifié sa déposition.

15 Là je suis d'accord avec l'objection que je retiens parce que ce n'est pas

16 une interprétation correcte de ce qui vous a été dit jusqu'à présent. En

17 revanche, vous avez tout à fait le droit de lui demander pourquoi il n'a

18 pas mentionné l'expulsion. C'est une question quand même différente que

19 celle que vous avez posée.

20 M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. j'ai vu une

21 différence entre les mots "quitté" et "être chassé". Dans l'addendum, il

22 est écrit explicitement qu'il avait quitté le Kosovo, et aujourd'hui il dit

23 qu'il a été chassé. Je vous remercie de vos conseils quant à la formulation

24 de mes questions.

25 Q. Monsieur Haxhiu, répondez à ma question. Pourquoi avez-vous modifié

26 votre déclaration ?

27 Mme MOELLER : [interprétation] Je soulève une objection.

28 M. CEPIC : [interprétation] Monsieur Bonomy --

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Moeller, je pense que le témoin

2 est parfaitement capable de répondre à cette question. Vous n'avez pas à

3 vous lever.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis désolé pour cette erreur de

5 vocabulaire. Je vous dis que je ne suis pas parti, j'ai été chassé. Je

6 trouvais que c'était assez évident quand même quand on part avec des

7 centaines de milliers d'autres personnes, on s'en rend bien compte qu'on ne

8 part pas à 100 000, tous de notre propre chef. Nous avons été chassés. S'il

9 faut mettre les points sur les "i", je les mets. J'ai été chassé.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Haxhiu, dans votre

11 déclaration, vous ne faites aucune mention de centaines de milliers de

12 personnes, ce n'est pas une explication.

13 Pourriez-vous vraiment nous dire pourquoi vous n'êtes pas rentré dans

14 les détails de votre départ du Kosovo ? Pourquoi n'avez-vous pas donné les

15 détails sur les circonstances entourant votre départ du Kosovo ? Pourquoi

16 ne l'avez-vous pas écrit dans votre déclaration ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, écoutez je vais être franc. Les

18 enquêteurs du Tribunal ne m'ont pas posé la question, alors qu'hier, lors

19 de l'entretien que j'ai eu avec les membres du bureau du Procureur, je leur

20 en ai parlé au passage, presque par accident. C'est pour cela que c'est

21 repris dans la déclaration. Ce passage de la déclaration a été ajouté à ma

22 déclaration initiale après mon entretien d'hier avec le bureau du

23 Procureur. Je ne réfute pas du tout ce qui est écrit dans ma déclaration,

24 dans ma première déclaration. Les deux déclarations sont correctes. C'est

25 tout.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Cepic, vous pouvez y aller.

27 M. CEPIC : [interprétation] Je vous remercie. Malheureusement, j'ai encore

28 les mêmes mauvaises habitudes qui me viennent de mon propre système

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1 juridique. Je vais quand même essayer de poursuivre mon contre-

2 interrogatoire comme il convient de le faire dans ce prétoire.

3 Q. Ce chiffre que vous nous avez mentionné, ces centaines de milliers de

4 personnes, vous en avez parlé à la page 5 429. Vous avez parlé de votre

5 séjour aussi dans les collines près de Malisevo en 1998. Cela dit, lors du

6 procès Milosevic, dans vos déclarations, vous n'avez jamais parlé de ces

7 réfugiés et vous ne nous avez jamais mentionné ces chiffres de 100 000

8 personnes.

9 Je reprends ma question : comment se fait-il ici que vous avez fait à

10 nouveau une erreur de vocabulaire, ou est-ce que c'est autre chose ?

11 R. Oui, on ne m'a pas posé la question à l'époque. En revanche, on me l'a

12 posée aujourd'hui. C'est pour cela que j'ai répondu de la sorte quand j'ai

13 déposé dans le procès Milosevic, il ne m'a pas posé ce genre de questions,

14 alors que l'Accusation aujourd'hui m'a posé ce genre de questions,et je

15 suis renté dans les détails. C'est tout.

16 Q. Pendant tout ce temps, cela fait quand même sept ans, pendant sept ans

17 alors que vous habitez même à Pristina,et vous savez très bien où se trouve

18 le bureau du Procureur, vous n'avez jamais eu l'idée de vous rendre chez le

19 Procureur pour corriger votre déclaration ? Vous attendez le dernier

20 moment, aujourd'hui, pour nous produire tout d'un coup, de nouveaux faits

21 que vous n'avez jamais parlés auparavant. C'est ce que vous êtes en train

22 de nous dire ?

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Moeller, est-ce que vous avez

24 une objection à soulever ?

25 Mme MOELLER : [interprétation] Oui, j'objecte pour en ce qui concerne le

26 mot "correction." Il s'agit d'ajouts, absolument pas de corrections.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Cepic, je pense que vous êtes

28 en train de fourvoyer à l'heure actuelle. L'enquête en ce qui concerne tous

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1 ces faits est du ressort du Procureur et de l'Accusation. Je ne pense pas

2 qu'il soit bon et utile de savoir les circonstances entourant la façon dont

3 l'enquête a été menée. Parfois certes, cela peut se révéler pertinent. Je

4 pense que là vous êtes vraiment en train de fourvoyer. Vous devriez passer

5 à autre chose.

6 M. CEPIC : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, j'en ai terminé. Je

7 vous remercie, Monsieur le Président.

8 Q. Je vous remercie, Monsieur Haxhiu.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien, Monsieur Cepic. Maintenant,

10 nous allons passer la parole à M. Zecevic.

11 M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, je pense que c'est mon tour.

12 Contre-interrogatoire par M. Zecevic :

13 Q. [interprétation] J'avais quelques questions pour vous, Monsieur Haxhiu.

14 En 1999, vous étiez le rédacteur chef de Koha Ditore, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. J'imagine qu'étant donné votre poste, vous connaissez la loi sur

17 l'information de la République de Serbie adoptée en octobre 1998 ?

18 R. Oui. Je l'ai reçue par courrier au bureau. D'ailleurs tous les bureaux

19 de tous les journaux ont reçu cette loi par voie de courrier. Je trouvais

20 que c'était une loi sur les médias, je dirais vraiment la pire loi sur les

21 médias qui pouvait avoir été inventée.

22 Nous avons ici dans la salle une des personnes responsables pour la

23 rédaction de ce texte de lois.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Je pense que s'il y a des

25 commentaires à faire, vous devriez peut-être les faire en dehors du

26 prétoire puisqu'ici il s'agit quand même d'une audience publique et tout à

27 fait officielle.

28 M. ZECEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

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1 Q. Monsieur Haxhiu, je pense que vous vous souvenez que cette loi a été

2 fortement critiquée même en Serbie dans les médias, en public en tout cas,

3 parce qu'elle envisageait des sanctions extrêmement draconiennes et

4 prévoyait aussi qu'il y aurait des délais extrêmement courts avant que des

5 poursuites soient engagées et avant que des amendes soient infligées. Vous

6 vous en souvenez ?

7 R. Oui, oui, tout à fait. Il n'y a eu qu'un cas, le cas du rédacteur en

8 chef de Blits, le journal Blits. Lui aussi a été condamné, ensuite éliminé.

9 Koha Ditore a subi le même sort. C'était une procédure extrêmement rapide,

10 en deux jours. Moi aussi j'y ai droit à Koha Ditore. Vous savez très bien

11 de qui je parle évidemment.

12 Q. Je voulais savoir si vous vous souvenez que selon cette loi, le juge

13 d'instruction -- plutôt d'ailleurs le juge chargé de ce type d'affaires

14 devait prendre des décisions concernant toute infraction à la loi en 24

15 heures. Donc 24 heures après la publication d'une publication jugée

16 offensante, la décision devait tomber.

17 R. Vous pensez qu'il pouvait procéder de la sorte un dimanche ?

18 Q. Je vous demandais juste si vous vous souvenez que le préavis était

19 aussi court, si vous vous souvenez bien de ce délai de 24 heures dont

20 disposait le juge d'instruction jugeant ce type d'affaire.

21 R. J'ai été condamné un dimanche, c'est vrai que ce que vous dites est

22 tout à fait correct en revanche.

23 Q. Très bien. Est-ce que vous vous souvenez que le délai, le délai

24 concernant l'amende imposée par le juge était encore 24 heures après la

25 décision rendue ?

26 R. Je n'ai pas eu le temps de payer mon amende parce que les bombardements

27 ont commencé. Nous, nous avons su que nous avions une amende qu'il fallait

28 payer immédiatement, sinon nous allions être enfermés et que j'irais en

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1 prison, mais on a pas eu le temps de réagir à cause du début des

2 bombardements.

3 Nous disposions de 48 heures en tout, alors que dans d'autres

4 affaires, ils ne disposaient que de 24 heures. Mais il n'y a eu que deux

5 affaires de ce type, l'une jugée à Belgrade et l'autre à Pristina.

6 Q. Tout simplement, vous avez été privilégié. Saviez-vous que la loi

7 prévoyait que si l'amende n'était pas réglée dans les 24 heures, elle sera

8 collectée par biais de confiscation de biens, par saisie ?

9 R. Je n'ai pas eu le temps de me pencher là-dessus puisque les

10 bombardements ont commencé. C'est presque tragicomique quand on y pense.

11 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Je suis désolé d'intervenir, mais

12 quand il y a un délai avec une date butoir et qu'il y a un jour férié,

13 normalement on laisse tomber le jour férié et le préavis court jusqu'au

14 prochain jour ouvert. Enfin, en tout cas c'est ce qui se passe dans le

15 monde civilisé. Donc ces 24 heures supplémentaires, est-ce parce que

16 c'était un dimanche, un jour férié ? On ne comprend plus bien où en est.

17 M. ZECEVIC : [interprétation] Je ne sais pas moi non plus, je peux vous

18 donner une explication peut-être, je ne sais pas si je peux demander ce

19 type d'informations au témoin, je lui demande juste s'il se souvient de ce

20 qui s'est passé.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Zecevic, vous pouvez peut-

23 être nous aider à apporter des éclaircissements sur le fait de savoir si

24 les procédures pénales pouvaient se tenir le dimanche, à l'époque, en

25 Serbie.

26 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, d'après la loi sur les

27 délits, il y avait un juge qui était de permanence, le samedi, le dimanche

28 ou n'importe quel jour férié. Donc vous aviez un juge de permanence pour

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1 les délits dans le tribunal chargé de juger les délits.

2 Par conséquent, cela ne relevait pas du droit pénal. Cela relevait de

3 la loi sur l'information. La loi sur l'information contenait un certain

4 nombre de dispositions relatives à des délits et les amendes qui étaient

5 imposées à certains quotidiens ou aux rédacteurs en chef figuraient dans

6 cette loi.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pouvez-vous nous donner un exemple

8 d'un autre type de délit qui justifiait des procédures aussi expéditives ?

9 M. ZECEVIC : [interprétation] Lorsqu'il y avait infraction de la loi sur

10 l'ordre public, par exemple si quelqu'un cassait une fenêtre au milieu de

11 la nuit ou une vitrine sans voler quoi que ce soit, cela serait évidemment

12 une infraction pénale, mais c'était un délit mineur, je ne sais pas comment

13 s'est organisé une manifestation, cela serait considéré comme des délits et

14 serait à ce moment-là référé devant le juge par la police. Voilà quelles

15 étaient la règle et la procédure.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

17 Madame Moeller.

18 Mme MOELLER : [interprétation] Monsieur le Président --

19 M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, mon éminent collègue,

20 M. Fila, a fourni un exemple parfait. Par exemple les jeux, les matchs de

21 foot avec les hooligans, serait ce type de situation et cela se tient

22 généralement un dimanche.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

24 Oui, Madame Moeller.

25 Mme MOELLER : [interprétation] Si l'on considère la preuve que l'on

26 aimerait entendre ici parce que nous ne comprenons pas la loi sur

27 l'information, ce n'est pas ce que le témoin dit, il dit qu'il y avait un

28 procès à part entière le dimanche, ce qui est tout à fait différent du fait

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1 de déférer quelqu'un devant le juge de permanence, quelque chose qui existe

2 aussi dans mon système. Ce n'est pas du tout la même chose comme procès qui

3 est suivi d'une condamnation le jour suivant. Si la Défense prétend que

4 c'était une procédure normale, alors j'aimerais avoir des preuves de cette

5 normalité affirmée par M. Zecevic.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais je ne traite pas cela comme

7 une preuve, à l'heure actuelle j'essaie d'avoir des indications sur la

8 situation pour nous aider à avoir des éléments d'informations

9 supplémentaires. C'est le devoir de l'Accusation de prouver qu'il ne

10 s'agissait pas de pratique habituelle ou normale. Ce n'est pas à la Défense

11 de prouver que c'était une pratique normale.

12 Pour l'instant, tout ce que le témoin nous dit qui nous paraît inhabituel,

13 c'est que c'était quelque chose qui était contraire à l'habitude. Vous

14 devez apporter la preuve du fait que c'était contraire au droit ou à la

15 loi.

16 Poursuivez le contre-interrogatoire.

17 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 Q. Monsieur Haxhiu, j'ai juste une question sur ce point. Vous nous avez

19 rappelé une affaire concernant un rédacteur en chef du magazine Blits. Est-

20 ce que vous vous souvenez de cette affaire du Dnevni Telegraf ?

21 R. En fait, je voulais dire le Dnevni Telegraf, et non pas le Blits. Je

22 dois apporter cette correction parce que je voulais parler du Dnevni

23 Telegraf, et non pas du Blits. Le Blits venait d'être publié à l'époque.

24 Q. Le Dnevni Telegraf était un quotidien à l'époque; est-ce exact ?

25 R. Il s'agissait d'un journal extrêmement courageux avec des gens

26 courageux.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais apporter un élément de

28 correction sur le transcript avant qu'il ne disparaisse, à la page 60,

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1 ligne 14, j'aurais dû dire que ce n'est pas à la Défense de prouver qu'il

2 s'agissait de pratiques habituelles et normales. Il faut biffer le terme

3 "non" qui figure dans le transcript en anglais.

4 Poursuivez, Monsieur Zecevic.

5 M. ZECEVIC : [interprétation] Merci. Monsieur le Président.

6 Q. N'est-il pas exact que le Dnevni Telegraf était un quotidien publié à

7 Belgrade ?

8 R. Ceux qui étaient contre Milosevic et son régime, qu'il s'agisse de

9 Serbes ou d'Albanais, exprimaient leurs vues dans ce quotidien. Le Dnevni

10 Telegraf, pour vous dire la vérité, était un quotidien extrêmement

11 courageux qui était rédigé par des journalistes courageux.

12 Je ne comprends pas votre question. Si vous voulez diviser les Albanais des

13 Serbes, il y avait des Albanais comme des Serbes qui étaient opposés à

14 Milosevic, effectivement vous pouvez les séparer. Mais ce que je peux dire

15 c'est qu'il y avait des personnes courageuses à l'époque qui étaient à la

16 fois Serbes et à la fois Albanaises, et il y a encore des personnes

17 courageuses aujourd'hui. Je ne comprends pas où vous voulez en venir avec

18 votre question.

19 Q. Il apparaît qu'il y a sans doute un malentendu. Ce que je vous ai

20 demandé c'est si vous savez que le Dnevni Telegraf était un quotidien de

21 Belgrade et que les bureaux du Dnevni Telegraf se trouvaient à Belgrade. Je

22 vous ai simplement demandé si vous aviez connaissance de ce fait. Il s'agit

23 simplement d'une question extrêmement simple.

24 R. Je connais Belgrade, je sais où se trouvent les bureaux et je comprends

25 aussi où vous voulez en venir.

26 Q. Dans votre interrogatoire principal, je crois que c'était à la page 20,

27 lignes 3 à 5, vous avez parlé d'un certain nombre de choses lorsque vous

28 avez dit que vous aviez eu vent de l'affaire à Belgrade qui impliquait des

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1 personnes extrêmement courageuses. Je suppose que vous parliez de cette

2 affaire. Vous avez déclaré que cette affaire était très similaire à celle

3 qui concernait Koha Ditore; est-ce exact ?

4 R. Ce qui s'est produit concernant le Dnevni Telegraf est survenu

5 seulement quelques jours avant ce qui s'est passé à Koha Ditore, seulement

6 quelques jours avant.

7 Q. Précisément. Leurs biens ont été saisis exactement de la même manière

8 parce que justement ils n'avaient pas payé l'amende dans le délai prescrit

9 de 24 heures après avoir reçu la décision. Avez-vous souvenir de cela ?

10 R. Ce n'est pas exact. La procédure a duré quelques jours. Il y a eu

11 appel, mais la saisie des biens n'a commencé qu'une semaine plus tard, dix

12 à 12 jours plus tard.

13 Q. Merci, Monsieur Haxhiu.

14 M. ZECEVIC : [interprétation] Plus de questions. Merci beaucoup.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Zecevic.

16 Monsieur Fila.

17 M. FILA : [hors micro]

18 Contre-interrogatoire par M. Fila :

19 Q. [interprétation] Je représente Nikola Sainovic, et je m'appelle Toma

20 Fila.

21 Simplement pour éclairer un point. Nous savons quel était le tribunal des

22 affaires régulières à Pristina, où se trouvait la cour du district, où se

23 trouvait la cour suprême. Vous avez été déféré devant le juge des délits et

24 notre ami commun --

25 L'INTERPRÈTE : Dont les interprètes n'ont pas saisi le nom.

26 M. FILA : [interprétation]

27 Q. -- vous a défendu; est-ce exact ? Il s'agissait de Bajram Kelmendi. Je

28 sais qu'il était votre ami, l'ami de M. Surroi, mon ami, et l'ami de mon

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1 père. C'était un homme bien.

2 R. Puis-je retirer mon casque ?

3 Q. Oui, ce sera plus facile de communiquer de cette manière.

4 Donc Bajram vous a défendu devant le juge des délits; est-ce exact ?

5 R. Oui.

6 Q. La question est que la cour régulière ne tient pas d'audience le

7 dimanche, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Je suis d'accord avec vous sur le fait que la loi au titre de laquelle

10 vous avez été sanctionnée ne valait rien. Je crois que nous pouvons nous

11 mettre d'accord ?

12 R. Oui.

13 Q. J'aimerais passer maintenant à un autre sujet.

14 En tant que journaliste, vous savez que dans le Grand Hôtel de Pristina en

15 1998, et je crois également en 1999, c'est-à-dire jusqu'à la guerre il y a

16 eu un centre des médias mis en place dans le Grand Hôtel parce que des

17 conférences de presse y étaient tenues et que des reporters étrangers s'y

18 rendaient, y compris des Serbes ?

19 R. Oui.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] L'une des difficultés que nous allons

21 rencontrer ici tient à la rapidité des questions, réponses. Il faut qu'il y

22 ait un petit délai entre la fin d'une question et le début de votre réponse

23 parce que vous parlez tous les deux la même langue, mais vous n'écoutez pas

24 la même langue, vous n'attendez pas l'interprétation. Vous devez avoir à

25 l'esprit qu'il y a interprétation.

26 Monsieur Fila.

27 M. FILA : [interprétation] Oui.

28 Q. Nous savons que le centre de média se trouvait au Grand Hôtel. Etes-

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1 vous sûr que vous avez pu voir Arkan parmi les journalistes qui étaient

2 présents ? Je vous assure, il était à Belgrade, et on a pris une photo de

3 lui au Hyatt d'ailleurs à l'époque.

4 R. A dire vrai, Arkan avait réservé un appartement dans l'hôtel, nous

5 avons vu Arkan au Grand Hôtel, malheureusement. Son arrogance était

6 évidente et en 1998 notamment, il a été présent au Grand Hôtel à maintes

7 reprises.

8 Q. En 1998 ? Vous avez parlé d'état-major.

9 R. Je n'ai pas parlé d'état-major.

10 Q. Je vous prie de m'excuser. Nous voulions savoir s'il y avait des

11 représentants de l'état-major des troupes ou des forces armées. Nous savons

12 tous de quel type de personne il s'agissait. Je pense que nous nous

13 comprenons, mais nous ne parlons pas ici de représentants de l'état-major.

14 Il ne suffit pas que vous opiniez du chef. Vous devez donner des réponses

15 orales.

16 Il y a eu un malentendu. Il n'y avait pas d'état-major organisé par Arkan

17 au Grand Hôtel; est-ce exact ?

18 R. Arkan et ses gens étaient présents au Grand Hôtel, quelque soit le nom

19 que vous vouliez leur donner. Un groupe terroriste, un groupe de criminels,

20 je ne sais pas comment vous voulez les appeler, mais ils étaient là et sa

21 présence était évidente.

22 Q. A quel moment ?

23 R. En 1998.

24 Q. Je suppose que c'est votre réponse. Je ne peux rien y changer. Mais

25 j'aimerais vous poser une autre question. De toute évidence, vous êtes ami

26 avec M. Surroi et vous coopériez à l'époque.

27 R. Nous avons travaillé ensemble pendant 12 ans.

28 Q. Dans son témoignage, M. Surroi a déclaré avoir participé à des

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1 négociations, quel que soit le terme que l'on choisisse, organisées par la

2 Fondation Bertelsmann. Avant de passer à un autre point, je tiens à vous

3 poser une question : à un certain moment dans votre déclaration vous

4 affirmez avoir eu connaissance du fait que Fehmi Agani conduisait des

5 négociations d'un type ou d'un autre et Dusan Mihajlovic y participait

6 également et son adjoint, M. Ratomir Tanic. Cela figure dans votre

7 déclaration; est-ce exact ? Est-ce exact que dans votre déclaration datant

8 de 2001 ?

9 R. Je n'en ai pas parlé comme d'un adjoint, j'ai simplement mentionné

10 Ratomir Tanic. A une époque, effectivement, il était adjoint de Dusan

11 Tanic.

12 Q. Adjoint est précisé dans votre déclaration.

13 R. Oui.

14 Q. Ne nous attardons pas sur ce point. Il est important que nous nous

15 comprenions, je voulais simplement souligner une partie de votre

16 déclaration. M. Surroi, lorsqu'il parle de Ratomir Tanic, lorsqu'il

17 mentionne Ratomir Tanic, déclare qu'il était conseiller auprès de

18 Mihajlovic, et même si ce n'est pas important, il a dit que Tanic a déclaré

19 avoir des liens directs avec Milosevic, qu'il ne lui faisait pas confiance,

20 qu'il ne faisait jamais confiance à Tanic.

21 Dans la mesure où vous étiez amis, est-ce que vous pouvez nous dire

22 pourquoi il ne lui faisait pas confiance ? Est-ce que vous avez des

23 explications à fournir ?

24 R. Moi-même et Shkelzren Maliqi l'avons rencontré lors d'une conférence à

25 Ohrid et nous en avons retiré la même impression qu'il était très proche de

26 Milosevic, qu'il lui rendait visite. La facilité avec laquelle il exposait

27 les questions relatives au dialogue était trompeuse dans la mesure où la

28 réalité était beaucoup moins facile que ceux qu'ils l'ont laissé entendre.

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1 Q. Bien. Peut-être ne m'avez-vous pas bien compris du fait de la

2 formulation que j'ai choisie. M. Surroi a dit je n'avais jamais fait

3 confiance à M. Tanic. Je ne lui faisais pas confiance. Pourquoi disait-il

4 cela ? Est-ce que vous avez des éléments d'informations sur ce point ?

5 Qu'est-ce qui a pu provoquer chez lui cette impression de méfiance ?

6 Puisque vous connaissez cet homme.

7 R. Vous parlez de deux personnes, moi-même et Surroi. Nous avons eu des

8 réunions beaucoup plus importantes que celles que nous avons pu avoir avec

9 M. Tanic. Tanic pour nous n'est qu'un individu marginal. Parfois, même les

10 individus marginaux peuvent avoir leur importance dans certains processus.

11 Q. On va peut-être passer au Serbe. Cela marchera sans doute mieux. Surroi

12 a dit qu'il ne lui faisait pas confiance et qu'il se méfiait toujours de

13 Tanic. Veton a dit qu'il se méfiait toujours de Tanic. Dans la mesure où

14 vous étiez amis avec M. Surroi depuis 12 ans, est-ce que vous pouvez nous

15 éclairer sur les raisons pour lesquelles il a déclaré cela ? Est-ce que

16 vous pouvez me répondre maintenant ?

17 R. Je vous ai dit que nous étions des figures publiques, et en tant que

18 figures publiques, nous connaissions beaucoup d'individus qui étaient

19 beaucoup plus puissants et plus forts que lui, à la fois sur le plan

20 politique et en termes d'intelligence. Tanic finalement était un homme qui

21 en faisait trop. Il discourait sur des questions sérieuses de manière

22 beaucoup trop légère, et par conséquent, il ne transmettait pas le

23 sentiment d'être sérieux, même s'il voulait donner cette image de sérieux.

24 Q. Il ne donnait pas cette impression d'être sérieux, même s'il voulait

25 apparaître en tant que personne sérieuse. C'est exact ?

26 R. J'ai déjà répondu à cette question, je ne comprends vraiment pas

27 pourquoi Tanic figure dans cette question.

28 Q. Cela n'a pas besoin d'être clair pour vous tant que c'est clair pour

Page 6137

1 moi. Juste une minute, le temps de réorganiser mes pensées. Oui, passons à

2 un autre point. Il ne s'agit plus de Tanic. Dans votre addendum, les années

3 1997 et 1998 semblent toujours être problématiques. Il est heureux que vous

4 n'ayez mentionné que 1998 et non pas 1997, sinon le compte interrogatoire

5 aurait pu durer deux jours. Corriger les dates précédentes pour 1997 et

6 1998 non pas 1987 et 1988. Vous avez dit au bureau du Procureur les raisons

7 pour lesquelles vous aviez participé aux négociations qui comprenaient

8 Stijovic, Stanisic et cetera, et cetera. Je voulais en savoir plus. Vous

9 avez dit que vous étiez peut-être la personne la mieux informée du Kosovo,

10 dans la mesure où vous aviez eu des entretiens avec quelque 21 hommes

11 politiques serbes qui occupaient tous des fonctions très importantes. Vous

12 avez dit que vous n'aviez jamais interrogé Milosevic ou sa femme, je ne

13 comprends pas. Vous dites également je n'ai interrogé personne du parti

14 socialiste, du parti démocratique socialiste, est-ce que vous vouliez dire

15 Korac ? Ils ont un membre n'est-ce pas ?

16 R. Je ne comprends pas.

17 Q. A quel parti social démocratique faites-vous référence lorsque vous

18 dites que vous n'avez interrogé aucun des politiques de ce parti ? Est-ce

19 que vous aviez à l'esprit le SPS ? Est-ce que vous voulez votre

20 déclaration ?

21 R. Je voulais dire le parti de Mme Milosevic. C'est-à-dire que je n'ai

22 interrogé personne du parti de Mme Milosevic.

23 Q. Maintenant c'est logique. Vous poursuivez en disant que tous les hommes

24 politiques que vous avez interrogés ont déclaré que la Serbie contrôlait le

25 Kosovo par le truchement des forces de police et que seul Milosevic et

26 Stanisic pouvaient décider de la destinée du Kosovo. En quelle année était-

27 ce ? Avez-vous une année donnée en tête ou est-ce que c'était des

28 déclarations générales ? Soyez bref, s'il vous plaît.

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1 R. Il ne s'agit là que de questions publiques. Les interviews dates de

2 1994, 1995, 1996 et 1997. Après 1997, je n'ai pas eu l'occasion

3 d'interroger des officiels serbes. Pour autant que je m'en souvienne, la

4 dernière interview que j'ai menée était en juin 1997.

5 Q. Lorsque vous avez organisé cette réunion à Belgrade avec Beta, vous

6 avez organisé également un service internet. Aviez-vous toujours la même

7 impression, vous pouviez entendre les opinions émanant de Belgrade par le

8 truchement de l'internet ?

9 R. Pour mettre un terme aux conflits armés, nous avons mis en place un

10 site Web. Nous avons mis en place ce site internet avec un universitaire de

11 Cosic et un autre de Pristina. Notre impression était que Milosevic était

12 la personne qui décidait de la destinée du Kosovo. L'universitaire Markovic

13 qui était membre du parti socialiste, lorsque je l'ai interrogé, m'a dit

14 que deux autres personnes décidaient de la destinée du Kosovo, qu'il

15 s'agissait de Milosevic et de Stanisic. Je ne parle même pas de Predrag

16 Simic et d'autres personnes que j'ai également interrogées.

17 Q. J'ai oublié Surroi, maintenant je vous pose

18 la question : pourquoi n'avez-vous pas organisé une élection plutôt que

19 d'entrer dans le conflit armé ?

20 R. En fait, nous ne voulions pas entrer dans un régime qui ne pourrait

21 jamais être débouté par des Albanais. Deuxièmement, il n'y avait pas de

22 cohabitation entre les Albanais et les Serbes. Toutes les occasions ont été

23 offertes, rejetées ou perdues. En 1997, Stanisic a dit qu'autour de

24 Milosevic il y avait des nationalistes structurels, des nationalistes qui

25 ne reconnaîtraient jamais le Kosovo en tant que république.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis fatigué.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Fila.

28 Monsieur Sepenuk, vous avez des questions ? Nous pouvons peut-être les

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1 entendre après la pause ?

2 M. SEPENUK : [interprétation] Oui, cela me va. Je ne vais poser que des

3 questions pendant trois minutes. Avant la pause, après la pause, peu

4 importe.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous entendrons vos questions après la

6 pause.

7 M. SEPENUK : [interprétation] Merci.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous devons nous interrompre pour une

9 demie heure, Monsieur Haxhiu.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] A nouveau ?

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne vais pas entrer dans les détails

12 des raisons pour lesquelles nous devons prendre une pause, je pense que

13 tout le monde sait que je ne prendrais pas la pause maintenant si c'était

14 possible, cette possibilité n'existe pas. Si vous préférez --

15 LE TÉMOIN : [interprétation] N'est-il pas possible de ne pas prendre de

16 pause ?

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, cela n'est pas possible.

18 Suivez l'huissier, merci.

19 [Le témoin se retire]

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous reprendrons la séance à 18

21 heures.

22 --- L'audience est suspendue à 17 heures 32.

23 --- L'audience est reprise à 18 heures 01.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Sepenuk.

25 M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

26 Contre-interrogatoire par M. Sepenuk :

27 Q. [interprétation] Monsieur Haxhiu, je suis Norman Sepenuk, je suis

28 avocat, l'avocat du général Ojdanic, je n'aurai que quelques questions à

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1 vous poser.

2 Si j'ai bien compris, vous avez quitté le Kosovo le 2 avril 1999 et vous

3 êtes allé en Macédoine. Vous avez continué à publier Koha Ditore, n'est-ce

4 pas ?

5 R. Oui, c'est exact.

6 Q. Vous êtes arrivé à Tetovo en Macédoine le 7 avril 1999, n'est-ce pas ?

7 R. Le 7 avril, vers 15 heures 30 ou 16 heures.

8 Q. Pendant combien de temps êtes-vous resté en Macédoine ?

9 R. Du 7 avril au 26 juin. Toutefois, je suis revenu au Kosovo pour la

10 première fois le 15 juin. Les jours suivants, je me suis occupé à ramener

11 le bureau de Tetovo vers Pristina. J'ai fait des allers-retours entre les

12 deux endroits.

13 Q. Merci. Pourrait-on dire que lorsque vous vous trouviez en Macédoine au

14 cours de cette période, vous avez suivi de très près la guerre au Kosovo ?

15 R. Le plus étroitement possible parce que je n'étais pas présent sur

16 place, mais nous écoutions attentivement toute déclaration, nous lisions

17 toute publication, toute interview qui avait quoi que ce soit à voir avec

18 le Kosovo.

19 Q. Je comprends. Vous avez dit que vous parliez bien l'anglais. Je vais

20 utiliser une expression américaine, "rooting for somebody." Qu'est-ce que

21 ce que cela veut dire ? Cela veut dire être supporter de quelque chose ou

22 apporter son soutien, "rooter" pour quelqu'un en réalité, pour une équipe,

23 par exemple, de football. Vous comprenez cette expression ? Lorsque vous

24 "rootez" pour quelqu'un ou quelque chose, oui ou non ?

25 R. Je dirais, oui.

26 Q. Bien. Peut-on dire que vous espériez de tout cœur que l'opération

27 aérienne de l'OTAN allait être couronnée de succès, que vous "rootiez" pour

28 les frappes aériennes de l'OTAN donc ?

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1 R. Je l'ai dit ouvertement, je ne vais pas le nier. J'étais convaincu que

2 l'OTAN allait gagner la partie.

3 Q. Vous étiez tellement heureux que l'OTAN ait procédé à ces bombardements

4 que si j'ai bien compris, juste avant la guerre, vous portiez un tee-shirt

5 où l'on voyait "NATO, just do it". C'est cela ?

6 R. Oui, c'est vrai, et je l'ai également fait paraître en première page de

7 mon journal en octobre 1998 parce que le climat était insupportable.

8 Q. Je comprends. Etiez-vous en contact avec les différents commandants de

9 l'UCK qui étaient en campagne afin d'en apprendre davantage sur leur rôle

10 en tant que guide des bombardements de

11 l'OTAN ?

12 R. Non. Je ne pense pas qu'ils étaient suffisamment bien préparés pour

13 donner des informations à l'OTAN permettant de guider ces bombardements. La

14 plupart des gens qui avaient rejoint les rangs de l'UCK étaient des

15 idéalistes et ils ne s'y connaissaient pas beaucoup en matière militaire.

16 Q. En avez-vous parlé avec des commandants de l'UCK au moment où vous vous

17 trouviez en Macédoine par liaison téléphonique satellite, par exemple ?

18 R. Je n'ai jamais parlé avec qui que ce soit par téléphone satellite

19 lorsque j'étais en Macédoine. Une fois j'ai rencontré M. Thaqi à Tetovo, le

20 12 ou le 13 juin 1999; soit après l'accord de Kumanova, après sa signature.

21 Q. Connaissez-vous un certain Timothy Garton Ash ?

22 R. C'est un ami, un journaliste lui aussi. C'est l'un de mes écrivains et

23 de mes journalistes favoris. L'un des meilleurs écrivains dans le domaine

24 du journalisme.

25 Q. Bien. Il a beaucoup écrit sur le Kosovo et la situation là-bas, n'est-

26 ce pas ?

27 R. Tant au cours du conflit qu'avant et qu'après la guerre. Il était

28 dévoué à la question du conflit dans les Balkans, et particulièrement du

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1 conflit au Kosovo, avec Michael Ignatieff et Kuchov [phon].

2 Q. Serait-il exact de dire qu'ils se fondaient au moins en partie sur

3 votre opinion et qu'il vous a demandé quel était avis, quelle était votre

4 opinion sur le Kosovo ?

5 R. Oui, on pourrait dire cela. Il a parlé à deux ou trois reprises avec

6 moi du Kosovo, et parmi ses écrits l'un d'entre eux est paru dans le "New

7 York Review of Books" et il me cite dans cet article, ainsi que dans

8 d'autres publications également.

9 Q. Pendant que nous y sommes, j'aimerais vous poser des questions sur cet

10 article "Le Kosovo et au-delà" signé par Timothy Garton Ash, c'est la pièce

11 3D382, article paru dans le "New York Review of Books".

12 R. Ce n'est pas le Kosovo et les armes, oui, pardon excusez-moi, "Le

13 Kosovo et au-delà".

14 Q. Vous souvenez-vous de cet article ?

15 R. Oui. "Kosovo and Beyond" en anglais.

16 Q. Etait-ce un bon article, exact et précis ?

17 R. Timothy Garton Ash est connu pour sa précision, son exactitude, mais

18 également pour la clarté de ses opinions qui parfois ne se fondent pas

19 nécessairement sur des faits, sur des informations mais sur sa propre

20 perception. Cela fait aussi partie du travail de journaliste.

21 Q. Très bien. Vous dites qu'il est connu pour sa précision. Je vais vous

22 lire ce qui figure dans la version anglaise, au premier paragraphe de

23 l'article, il dit : "'Je vais vous dire la vérité' dit le rédacteur en chef

24 du journal Kosovar. 'Ils ne savent pas.' Nous sommes à Tetovo en Macédoine

25 dans le café Arbi où les intellectuels en exil de Pristina rencontre la

26 communauté internationale. Ce ne sont pas des intellectuels mais les

27 commandants de l'UCK qui se trouvent encore au Kosovo à qui le rédacteur en

28 chef Baton Haxhiu parle au quotidien par téléphone satellite. Assiégés sur

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1 le sommet de leur colline, il voit un village en flammes ici, une

2 patrouille serbe là, un char au carrefour, mais ils n'ont pas de vision

3 globale, et pourtant une large proportion des cibles des bombardements de

4 l'OTAN au Kosovo émane de cette même source, des commandants de l'UCK les

5 informant de ces cibles par téléphone satellite. Lorsqu'on dit 'ils' ici on

6 parle de l'OTAN également".

7 Est-ce exact, Monsieur Haxhiu ?

8 R. Vous lisez dans cette phrase "parle au quotidien" ou

9 "s'entretient quotidiennement," ceci ne fait pas référence à moi, ceci ne

10 dit pas que je leur parlais tous les jours. Il s'agit des gens de l'UCK qui

11 avaient des liens par téléphone satellite et au travers d'autres moyens de

12 communication.

13 Q. Qu'est-ce que vous contestez, le terme "au quotidien" ou est-ce

14 que vous êtes en train de dire que vous ne vous êtes jamais entretenu avec

15 eux ?

16 R. Pour tout vous dire, j'ai reçu deux appels par téléphone satellite,

17 mais je n'ai fait pas part de mon opinion, l'opinion que j'ai donné à

18 Deutsche Welle et au New York Times. Je me suis senti humilié parce qu'il

19 n'y avait personne pour me protéger lorsque j'ai été expulsé. Puisque telle

20 était mon opinion, l'UCK qui avait acquis une certaine réputation à

21 l'époque, n'était pas là pour me protéger lorsque j'ai été expulsé du

22 Kosovo vers la Macédoine.

23 Voilà, à cette occasion, j'ai reçu deux appels téléphoniques à demi-

24 menaçant mais ils n'avaient rien à voir avec l'OTAN.

25 Q. Etiez-vous --

26 R. Comme je l'ai dit, j'évoquais que l'UCK n'avait pas été en mesure de me

27 protéger contre l'armée serbe et les paramilitaires. Cette déclaration, je

28 l'ai faite le 7 avril lorsque je suis arrivé à Tetovo, et je l'ai refaite à

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1 Deutsche Welle et au New York Times.

2 Q. Ma question est simple. Vous avez dit que vous n'aviez pas eu de

3 conversations quotidiennes. J'aimerais savoir si vous avez eu la moindre

4 conversation avec les commandants de l'UCK qui étaient sur le terrain sur

5 les bombardements de l'OTAN et sur l'endroit où se trouvait les cibles de

6 l'OTAN qui auraient éventuellement été indiquées par des commandants de

7 l'UCK ? J'aimerais savoir si en d'autres termes, vous contestez la véracité

8 de ce qui figure dans l'article de votre ami M. Ash ?

9 R. Je l'ai dit haut et fort, je ne leur ai jamais parlé de la question des

10 cibles de l'OTAN, jamais, parce qu'il n'y avait rien que je pouvais dire

11 sur ce point-là. Je n'ai jamais parlé avec des gens de l'UCK de cette

12 question-là. Je n'ai jamais parlé avec le moindre commandant de l'UCK de

13 cibles éventuelles, parce les représentants de la communauté internationale

14 étaient basés à Tetovo et nous avions des entretiens, des réunions très

15 fréquentes. Ils souhaitaient obtenir notre avis sur l'issue du conflit.

16 Q. Bien. Donc vous êtes en train de dire que vous n'avez jamais parlé à

17 des commandants de l'UCK et que pendant que vous étiez en Macédoine, vous

18 ne saviez pas que des commandants de l'UCK, voire même des membres simples

19 de l'UCK aidaient l'OTAN à décider des cibles des bombardements, c'est bien

20 ce que vous dites ?

21 R. Je répète ce que j'ai déjà dit, c'est tout à fait véridique que je n'ai

22 jamais parlé à qui que ce soit de l'UCK des cibles des bombardements.

23 Q. M. Ash, votre ami que l'on connaît pour la précision de ses propos

24 s'est trompé, c'est ce que vous dites tout simplement, il s'est trompé ?

25 R. Il a peut-être simplement dénaturé les propos que j'ai tenus.

26 Q. Bien merci.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Moeller.

28 Mme MOELLER : [interprétation] Merci.

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1 Nouvel interrogatoire par Mme Moeller :

2 Q. [interprétation] Sur ce point, précisément, le point évoqué avec vous

3 par M. Sepenuk, vous dites avoir reçu deux appels par téléphone satellite à

4 demi-menaçant. Je n'ai pas très bien compris à la lecture du compte rendu

5 d'audience qui vous avait menacé et pourquoi. Pouvez-vous l'expliquer ?

6 R. Ce n'était pas vraiment une menace à proprement parler mais ils étaient

7 furieux que j'aie dit à Deutsche Welle et au New York Times ce que personne

8 n'avait été là pour me protéger. Ma déclaration portait sur l'UCK. Tous les

9 gens qui avaient été expulsés n'avaient bénéficié d'aucune protection de

10 qui que ce soit. Telle était la substance des critiques que j'ai formulées

11 à ce moment-là. J'ai reçu deux appels téléphoniques de personnes qui m'ont

12 dit que c'était une erreur et qu'ils n'avaient pas eu le pouvoir de me

13 protéger et que c'était là la raison pour laquelle je n'avais bénéficié

14 d'aucune protection. La réputation acquise par l'UCK d'un groupe fort,

15 cette réputation elle l'a perdue au moment où des milliers de gens ont dû

16 quitter le pays sans bénéficier de protection.

17 Q. Y a-t-il eu d'autres occasions au cours desquelles vous avez tenu des

18 propos très critiques vis-à-vis de l'UCK et de leurs actions ?

19 R. Oui, à de nombreuses reprises. Parfois, mes critiques étaient

20 extrêmement dures. J'ai osé les critiquer sur des choses que je considérais

21 inappropriées, notamment s'agissant de la création d'un gouvernement qui

22 permettra de faire naître un nouvel esprit, d'engager un nouveau dialogue

23 afin de remédier à la situation. J'étais avec Jan Kickert et David Slinn

24 dans les monts Berisha et c'est à cette occasion-là que j'ai eu un dialogue

25 très vif avec des représentants de l'UCK.

26 Q. Pourquoi avez-vous également été très critique vis-à-vis l'UCK dans

27 certaines publications ?

28 R. C'est-à-dire ?

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1 Q. Dans votre journal, avez-vous publié des écrits très critiques sur les

2 actions menées par l'UCK ou des crimes commis par l'UCK ?

3 R. Nous n'avons pas parlé de crimes parce qu'ils n'ont pas eu l'occasion

4 d'en commettre, nous les avons critiqués parce qu'il fallait quitter

5 certains endroits. Nous les avons critiqués sur le fait qu'ils avaient

6 quitté leurs positions parce qu'ils avaient laissés la population à la

7 merci des forces serbes. Nous les avons critiqués quant à la manière qu'ils

8 se battaient et nous avons critiqué les symboles qu'ils utilisaient en

9 1998.

10 Q. Très bien. Pour en revenir à quelque chose qui a été soulevée M.

11 Ivetic. La deuxième manifestation estudiantine du 30 octobre 1997,

12 visiblement à l'époque la police n'a pas employé la force contre les

13 étudiants. La force aurait-elle été employée contre d'autres personnes qui

14 ont été présentes lors de ces manifestations et auriez-vous de plus aidé ou

15 seriez-vous venu au secours de certaines personnes victimes de ces

16 violences ?

17 R. Oui. Oui. C'est intéressant, ce jour-là, ils n'ont pas employé la force

18 contre les étudiants, ils ont employé la force dans la ville. Ils ont un

19 petit peu modifié leurs tactiques. Ils ont passé à tabac quelques

20 journalistes. Ibrahim Osmani, par exemple, a été vraiment maltraité. Un

21 journaliste de la Voice of America a aussi été passé à tabac ou tabassé,

22 que nous avons dû amener ces personnes dans des cliniques privées parce

23 qu'évidemment les hôpitaux publics locaux étaient contrôlés par les Serbes.

24 En ville, les choses étaient tout à fait critiques, pourtant en ce qui

25 concerne la manifestation, tout a été très calme.

26 Cela dit, j'ai quelque chose à rajouter à ce propos. Si la police serbe

27 était en train d'appliquer la loi parce qu'il n'y avait pas eu de préavis à

28 propos de la manifestation la première fois, quand il y avait la première

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1 manifestation, ils étaient intervenus par la force. Il y a des ambiguïtés

2 juridiques, et c'est ce qui fait la différence entre un état où il y a état

3 de droit et où il y a maintien de l'ordre public. Avec un état où en

4 revanche il n'y a plus d'état de droit et tout ce fait n'importe comment.

5 Q. Vous dites que "Nous" avons amené ces personnes dans une clinique

6 privée. Qui était avec vous, ce jour-là ?

7 R. Nous n'avions pas osé les transporter dans nos propres véhicules. Nous

8 avons utilisé un Land Rover diplomatique bleue qui appartenait à Julian

9 Broadfight. Nous leur avons demandé de nous aider à amener ces personnes à

10 l'hôpital parce qu'ils étaient très mal au point.

11 Q. Une dernière question portant sur quelque chose dont nous a parlé M.

12 Ivetic. Il s'agit du pillage et de la destruction du bureau de Koha Ditore

13 le 24 mars 1999, ou juste après ce jour-là. Selon votre déposition, vous

14 nous avez dit que vous étiez en train de vous cacher dans une cave à ce

15 moment-là. Vous n'avez rien vu de vos propres yeux, pourriez-vous nous dire

16 comment vous avez appris ce qui s'est passé dans le bureau de votre

17 quotidien ?

18 R. C'est le lendemain, il faut encore ici que je vous clarifie une petite

19 chose. On ne savait pas ce qu'allait nous amener la guerre, qu'est-ce que

20 signifiait la guerre. On s'est dit qu'on irait au bureau le lendemain. De

21 ce fait, le lendemain, plusieurs journalistes se sont rendus au bureau, ont

22 vu que le garde avait été tué. Son corps était là, juste au portail, devant

23 l'entrée. Il n'y avait aucune raison de tuer cette personne, de jeter son

24 corps sur le perron.

25 J'ai dit à M. Surroi que le garde avait été tué. Il m'a dit que je m'en

26 sens encore très coupable puisque c'est moi qui lui aie dit de rester la

27 nuit pour garder le bâtiment.

28 Mme MOELLER : [interprétation]

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1 Q. Vous nous parlez de quel jour exactement, vous dites que c'est le

2 lendemain ?

3 R. C'était le 25 mars vers 9 heures 15 du matin, c'est à ce moment-là que

4 j'ai reçu le coup de téléphone puisque le téléphone marchait ce jour-là.

5 Q. Vous avez reçu un coup de fil de ces collègues qui s'étaient rendus au

6 travail et qu'ils se sont rendus compte que le bureau avait été saccagé ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous avez aussi déclaré dans votre déclaration que votre appartement

9 avait été pillé. Avez-vous vu de vos yeux ou est-ce qu'on vous en a parlé ?

10 R. A ce moment-là dans mon appartement il avait ma mère et mon père.

11 Lorsque la police est arrivée, ils ont pris une photo de moi avec les corps

12 de ceux qui avaient été tués à Racak. Ils ont aussi pris toutes les

13 disquettes, les autres choses et une photo de moi avec mon fils.

14 Q. Vos parents étaient là quand cela est arrivé ?

15 R. Oui. Mes parents étaient présents. On leur a dit de se mettre dans une

16 pièce. Ils ont fouillé l'appartement.

17 Q. Qui vous en a parlé ?

18 R. Mon père. Plus tard, après que je sois allé en Macédoine, vers le 10

19 avril.

20 Q. Très bien, merci.

21 Mme MOELLER : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser, Monsieur

22 le Président.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Haxhiu, merci. Vous avez fini

24 avec votre déposition, nous vous remercions de vous être rendu à nouveau au

25 Tribunal pour déposer et vous pouvez maintenant rentrer chez vous.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

27 [Le témoin se retire]

28 [La Chambre de première instance se concerte]

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Moeller.

2 Mme MOELLER : [interprétation] J'aimerais poser une question à propos des

3 pièces de la Défense. Je voudrais savoir si la Défense a l'intention de

4 verser la pièce 6D108, qui est soi-disant l'enregistrement sténotypé de

5 l'entretien avec M. Bakalli et M. Stanisic dans le quotidien Europa, parce

6 que si c'est le cas et si la Défense veut verser cette pièce, je

7 soulèverais une objection.

8 M. IVETIC : [interprétation] Pour l'instant, je n'ai pas demandé son

9 versement et je maintiens.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, pour jusqu'à présent, cela n'a

11 pas été versé. Il a bel et bien -- enfin cette cote jusqu'à présent n'a pas

12 été utilisée comme pièce.

13 Mme MOELLER : [interprétation] Je voudrais juste m'en assurer.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman, combien de temps vous

15 prendra le contre interrogation de M. Zyrapi ?

16 M. ACKERMAN : [interprétation] C'est difficile à dire, cela sera assez

17 long.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce qui nous reste, le temps qui

19 nous reste aujourd'hui ne suffit pas ?

20 M. ACKERMAN : [interprétation] Absolument pas. J'aimerais vous dire

21 justement qu'il s'agit d'un de ces contre-interrogatoires, nous allons vous

22 demander un petit peu de temps supplémentaire. Je ne suis pas sûr qu'on

23 n'en ait besoin, je ne voudrais pas devoir raccourcir mon contre-

24 interrogatoire. Cela dit, nous allons peut-être vous demander un petit

25 délai de grâce, cela ne sera pas grand-chose.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ce cas-là, peut-être pouvons-nous

27 nous occuper de la façon dont les preuves apportées par M. Tanic seront

28 présentées. Pouvez-vous en parler maintenant ou faut-il faire venir

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1 quelqu'un d'autre ?

2 M. STAMP : [interprétation] Si vous le voulez, je peux très bien en parler,

3 c'est M. Hannis qui est vraiment au courant de ces points.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On n'a pas besoin de s'en occuper

5 maintenant, je pense que ce serait peut-être pratique pour lui s'il vaut

6 mieux que ce soit lui qui s'en occupe et qu'il vaut mieux que ce soit

7 demain, on peut toujours attendre demain quand même. Je pense que vous

8 préférez cela, n'est-ce pas ?

9 M. STAMP : [interprétation] Tout à fait.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ce cas-là, il faut faire revenir

11 M. Zyrapi.

12 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonsoir, Monsieur Zyrapi.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonsoir.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous allez continuer à déposer

16 malheureusement pour vous, vous avez dû attendre et nous en avons pour à

17 peu près une demi-heure jusqu'à la fin de l'audience, et la première

18 personne qui va vous contre interroger sera M. Ackerman.

19 Maître Ackerman, c'est à vous.

20 LE TÉMOIN : BISLIM ZYRAPI [Reprise]

21 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

22 Contre-interrogatoire par M. Ackerman : [Suite]

23 Q. [interprétation] Bonsoir, M. Zyrapi.

24 R. Bonsoir.

25 Q. Si vous vous souvenez bien de ce qui s'est passé hier, on essayait de

26 savoir à peu près où se trouvait les monts Berisa par sur l'une de nos

27 cartes qui est la pièce P2447. Tout d'abord, je vais m'assurer d'une chose.

28 Vous avez parlé du mont Berisa, vous avez dit que c'était un endroit où

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1 l'UCK avait situé ses bases, enfin son QG, qu'un grand nombre de ses

2 troupes se trouvaient sur le mont Berisa. C'est bien cela ?

3 R. Oui.

4 Q. Hier quand on a parlé des actions en cours dans les zones que vous avez

5 marquées, A, B, et C sur la carte P2447, l'UCK qui se retirait avec une

6 partie de la population civile, vous nous avez dit que vous étiez en train

7 de vous retirer vers cette zone des monts Berisa. C'est bien cela, n'est-ce

8 pas ?

9 R. Oui.

10 Q S'il vous plaît, si l'on peut afficher à l'écran la pièce de

11 l'Accusation 615, surtout sur sa page 23. L'huissier va vous donner un

12 stylo avec lequel vous pourrez faire des annotations sur la pièce à

13 l'écran. Il faudrait arriver à agrandir la zone qui se trouve entre Suva

14 Reka et Malisevo, il faudrait zoomer sur cette partie de la carte.

15 Vous voyez la zone dont nous parlions hier, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. S'il vous plaît, sur cette carte qui est un peu plus claire pour ce qui

18 est du relief et de la géographie physique, si vous pouviez encercler ces

19 fameux monts Berisa pour que nous sachions à peu près où ils se situent.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Zyrapi, il faut vraiment que

21 vous parliez dans le micro pour que l'on puisse vous entendre.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà, à l'aide du stylo j'entoure les monts

23 Berisa.

24 M. ACKERMAN : [interprétation] Pouvons-nous s'il vous plaît soulever,

25 lever, dérouler un peu le document dans l'autre sens ?

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, ce n'est pas possible. Sinon cela

27 va être très compliqué.

28 M. ACKERMAN : [interprétation] Non, cela va aller de toute façon.

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1 Q. Voilà ce que je voudrais que vous fassiez. Quand vous allez de B à C

2 sur la pièce P2447, pourriez-vous nous dessiner une ligne avec une flèche,

3 bien sûr, qui pointerait vers la direction que vous avez empruntée quand

4 vous vous êtes réfugié dans les monts Berisa ?

5 R. Quand on est parti de B vers C, c'est cela ?

6 Q. Oui. Quand vous vous êtes rendu vers les monts Berisa, du côté de

7 Velenica, j'imagine.

8 R. [Le témoin s'exécute]

9 Q. J'imagine qu'on ne va arriver à faire beaucoup mieux.

10 M. ACKERMAN : [interprétation] J'aimerais que l'on verse cette pièce au

11 dossier.

12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce IC --

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] M. Marcussen a quelque chose à dire.

14 M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui, je voudrais juste m'assurer pour le

15 compte rendu qu'il est bien écrit que le témoin a dessiné une flèche, enfin

16 du moins une ligne allant du sud vers le nord, étant donné qu'il n'y a pas

17 de flèche, il faut qu'on sache dans quel sens cette flèche est censée

18 pointer puisqu'elle n'a pas de pointe malheureusement.

19 M. ACKERMAN : [interprétation] Je vous remercie.

20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera donc la pièce IC106.

21 M. ACKERMAN : [interprétation]

22 Q. Vous nous avez montré le mouvement, et c'est le déplacement que vous

23 avez fait du 1er ou le 2 avril, n'est-ce pas ?

24 R. Non, absolument pas. C'était du 31 mars au 1er avril.

25 Q. Très bien, très bien. Nous avons fini.

26 Ensuite, juste après la guerre, je sais qu'il y a un moment où

27 Bernard Kouchner vous a nommé à un poste quelconque de co-directeur de je

28 ne sais quoi. Pourriez-vous nous dire exactement quel était ce poste auquel

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1 vous avez été nommé juste après la guerre ?

2 R. Oui. Au mois d'août 2000 j'ai été nommé directeur adjoint du service de

3 la gestion d'urgence; enfin c'est comme cela que c'était appelé en tout

4 cas.

5 Q. Pourriez-vous nous dire quelles étaient vos fonctions ?

6 R. Nous étions là pour d'abord pour mettre en œuvre ce département, pour

7 administrer le TMK, ensuite pour développer les antennes d'urgence au

8 Kosovo.

9 Q. Quel est le TMK, s'il vous plaît ?

10 R. Il s'agit du Corps de protection du Kosovo, le KPC.

11 Q. J'imagine que vous n'êtes plus à ce poste, n'est-ce pas ?

12 R. En effet. Maintenant j'ai un autre poste.

13 Q. Vous pourriez nous dire ce que vous faites maintenant et quel est votre

14 poste ?

15 R. Au service des plans d'urgence de la gestion des plans d'urgence,

16 c'est-à-dire la Brigade des pompiers ainsi que les municipalités qui sont

17 en création.

18 Q. J'aimerais savoir si du fait de votre poste vous avez un accès direct

19 aux archives dont vous nous avez parlé hier ? Si ce n'est pas le cas,

20 j'aimerais savoir comment vous avez eu accès à ces archives ?

21 R. J'avais accès à ces archives, non pas du fait de mon poste, parce que

22 je connaissais des gens qui travaillaient au KPC. C'est ainsi que j'ai

23 réussi à obtenir un certain nombre de documents.

24 Q. Pourriez-vous nous dire ce qu'est le KPC ?

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est le Corps de protection du

26 Kosovo.

27 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, on l'avait appelé TMK.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, TMK et KPC, c'est la même chose,

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1 dans une langue différente.

2 M. ACKERMAN : [interprétation] Très bien. Très bien.

3 Q. Hier, M. Sepenuk vous a posé des questions à propos de ces archives et

4 des documents que vous avez obtenus dans les archives. Voici la question

5 que l'on vous a posée : "Est-ce que le bureau du Procureur vous a demandé

6 d'obtenir ce type de papier et des papiers qui seraient similaires ?"

7 Votre réponse a été la suivante : "Ils ne m'ont pas dit directement, ils

8 m'ont dit à propos de quoi je témoignerais quand je viendrais ici. "

9 "Question : C'était quoi exactement ? Quelle était la conversation que vous

10 avez eue quand ils vous ont dit que vous pourriez déposer ? Pourriez-vous

11 nous dire quand ils vous ont dit que vous alliez déposer, et à propos de

12 quoi vous déposeriez ?"

13 Votre réponse était la suivante : "J'ai dit cela plus tôt, bien avant de

14 venir ici, quand j'ai fait ma déclaration en juillet."

15 Ensuite la question est venue : "Si je ne me trompe pas, l'Accusation vous

16 a dit à propos de quoi vous alliez déposer. Pourriez-vous être plus

17 précis ? Pourriez-vous dire exactement ce dont vous avez parlé avec

18 l'Accusation ?"

19 "Réponse : L'Accusation s'est entretenue avec moi à propos de choses

20 que je savais, donc à propos desquelles je pourrais témoigner. Ils ne m'ont

21 pas dit quoi dire. Bien sûr, ils m'ont demandé ce que je savais. Ils m'ont

22 dit de venir dire la vérité ici."

23 La question suivante a été : "Vous ont-ils demandé de trouver des papiers

24 montrant des actions disciplinaires qui auraient été prises, soit contre

25 des commandants locaux, soit contre des tribunaux militaires, contre les

26 soldats de l'UCK qui avaient soient assassinés, soient kidnappés des civils

27 serbes ou des Albanais qui auraient été soi-disant jugés collaborateurs ?"

28 "Réponse : En général, ils m'ont dit que si j'avais des documents qui leur

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1 seraient utile, il faudrait trouver cela, les documents utiles. Ils ne

2 m'ont pas spécifié le type de documents qu'ils voulaient."

3 C'était quand même une question assez longue et assez directrice. C'est le

4 moins qu'on puisse dire. Enfin c'est vrai qu'elle était utile pour savoir

5 exactement quel était le contexte de tout cela. Alors avez-vous bel et bien

6 compris quels documents, selon eux, étaient des documents utiles ?

7 R. Je n'ai pas dit des documents "utiles," j'ai simplement parlé de

8 documents que je pouvais intégrer à ma déclaration. C'est ce que j'ai dit

9 hier.

10 Q. Bien, j'ai cité votre déposition et le libellé précis qui apparaît dans

11 le compte rendu de votre déposition et ce qui est dit est que, et je cite :

12 "Ils ont dit si vous avez des documents que vous pouvez trouver qui

13 pourraient être utiles." Comment avez-vous décidé lorsque vous avez passé

14 en revue ces archives des documents que vous deviez montrer et des

15 documents que vous ne deviez pas montrer ? Quels critères ont présidé à

16 votre choix en la matière ?

17 R. Je n'ai utilisé aucun critère. C'était simplement des documents que je

18 pouvais trouver dans lesdites archives.

19 Q. Bien, j'ai l'impression qu'il y a énormément de documents dans ces

20 archives. Fais-je erreur ?

21 R. Bien, je ne sais pas le nombre exact de documents qui se trouvent dans

22 ces archives, ce sont les documents que j'ai pu trouver dans ces archives.

23 Q. Alors pourriez-vous nous décrire ces archives. Physiquement, à quoi

24 ressemblent ces archives ? Est-ce qu'il s'agit d'énormes cartons remplis de

25 choses ? Est-ce que ce sont des placards remplis de documents ? Comment

26 cela est-il aménagé ? A quoi ressemblent ces archives ?

27 R. Je ne saurais décrire ces archives dans leur intégralité. Il s'agit

28 simplement de salles dans lesquelles les documents sont conservés.

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1 Q. Comment sont-ils conservés ? Sont-ils conservés dans des classeurs,

2 dans des boites, dans des cartons, dans quoi ?

3 R. Dans des classeurs.

4 Q. Nous vous avons montré hier une pièce, je ne me souviens plus de sa

5 cote à l'heure actuelle, c'était l'un des documents que vous aviez apporté.

6 Il s'agit d'un ordre relatif à des rapports qui devaient être établis par

7 des commandants, des rapports sur les combats au quotidien, rapports qui

8 devaient être établis un le matin, l'autre le soir en provenance de chacun

9 de ces groupes. Je suppose que ces rapports quotidiens sur les combats

10 figuraient dans ces archives quelque part; est-ce exact ?

11 R. Ces rapports devaient excessivement être conservés dans les archives,

12 lorsque j'ai cherché ces documents, je n'ai pas pu trouver tous les

13 documents.

14 Q. Vous n'avez pas apporté tout ce que vous avez vu dans les archives,

15 n'est-ce pas ?

16 R. Ce que j'ai vu dans les archives, je l'ai apporté.

17 Q. Dans cette salle, vous décrivez une salle remplie de documents qui se

18 trouvent dans des dossiers, ce que vous apportez c'est 20 documents. C'est

19 tout ce qui se trouvait dans cette salle ? Cela n'est même pas un classeur

20 que vous avez apporté ?

21 R. C'est tout ce que j'ai pu trouver.

22 Q. L'intégralité des archives dont vous nous avez parlées hier consiste à

23 un peu moins du contenu d'un classeur de documents ?

24 R. Bien, comme je l'ai dit précédemment, j'ai apporté avec moi ici ce que

25 j'ai pu trouver. Il y avait sans doute d'autres documents dans ces

26 archives, je n'ai pas pu trouver l'intégralité.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Zyrapi, pendant un moment,

28 pourriez-vous regarder la pièce P2463.

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1 Avez-vous souvenir d'avoir trouvé ce document ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Où l'avez-vous trouvé ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce document a été trouvé dans les archives de

5 la zone opérationnelle de Pashtrik. Il est situé dans les archives de la

6 deuxième zone du KPC.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce document se trouvait-il dans un

8 classeur ou était-il mélangé à d'autres documents ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait également d'autres documents. Tous

10 ces documents ne concernaient pas forcément la guerre. Il y avait d'autres

11 documents également.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour quelles raisons l'avez-vous tiré

13 de ce classeur particulier ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai trouvé d'autres documents dans ces

15 archives également pas seulement celui-là. J'ai d'ailleurs remis au bureau

16 du Procureur à Pristina bien d'autres documents.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Sur la base de quels critères avez-

18 vous décidé des documents que vous alliez retirer des dossiers et des

19 documents que vous laissiez dans les dossiers ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] La majorité des documents, notamment dans ces

21 archives, ce que j'ai pu trouver, je l'ai apporté au bureau du Procureur à

22 Pristina, tout ce que j'ai pu trouver.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous donner une

24 indication du volume de documents que vous avez apportés au bureau du

25 Procureur à Pristina ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne saurais vous dire le nombre exact de

27 documents, mais je sais qu'il y en avait beaucoup, notamment en provenance

28 de la zone opérationnelle de Pashtrik. Mais je ne connais pas le nombre

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1 exact.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Marcussen ?

3 M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui, j'aurais une question à poser au

4 témoin pour être sûr que la réponse apportée est correcte.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais essayez de m'exposer la

6 manière dont vous comprenez les choses.

7 M. MARCUSSEN : [interprétation] Bien, je comprends qu'il s'agit d'un paquet

8 de 85 ou d'une centaine de pages autour de ce chiffre.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Zyrapi, est-ce que cela

10 ressemble au nombre de documents que vous avez remis au bureau du Procureur

11 à Pristina ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est approximativement le chiffre.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bon. Monsieur Ackerman, je ne suis pas

14 sûr que j'aie beaucoup aidé les choses, mais je vous redonne la parole.

15 M. ACKERMAN : [interprétation]

16 Q. Vous avez pris l'ensemble de ces documents. C'est tout ce que vous avez

17 pris et apporté au bureau du Procureur à Pristina, que vous avez pu

18 trouver ?

19 R. Oui, les documents que j'ai pu trouver.

20 Q. Si nous regardions maintenant les archives de l'UCK, nous ne verrions

21 pas d'autres documents que ceux que vous avez remis au bureau du Procureur

22 à Pristina; c'est cela votre déposition ?

23 R. Comme je l'ai dit plus tôt, j'ai apporté les documents que j'ai pu

24 trouver. Je n'ai pas dit qu'il y avait d'autres documents ou pas.

25 Q. C'était cela l'objet des fouilles ?

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Arrêtez, Monsieur Ackerman, nous avons

27 M. Marcussen qui s'est levé.

28 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je ne pense pas que le témoin ait dit qu'il

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1 avait passé en revue l'intégralité des archives. Il semble que M. Ackerman

2 suggère qu'il n'y aurait pas eu d'autres documents là parce que le témoin a

3 dit qu'il avait passé en revue chaque document qui était présent dans les

4 archives.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La seule distinction qui compte pour

6 moi pour l'instant c'est les documents qui avaient trait à la guerre et les

7 documents qui n'avaient pas trait à la guerre. En dehors de cela, je n'ai

8 pas entendu parler de distinction. Je ne vois pas quoi que ce soit d'erroné

9 dans la question.

10 Poursuivez, Monsieur Ackerman.

11 M. ACKERMAN : [interprétation]

12 Q. Au cours de votre déposition, et je n'ai pas toutes les références, on

13 vous a posé des questions sur plusieurs documents. Lorsqu'ils vous ont été

14 montrés, vous disiez à ce moment-là : ces documents-là venaient des

15 archives de l'état-major. Un autre document vous était montré et vous

16 répondiez à ce moment-là : ce document-là venait des archives de la zone de

17 Pastrik. Un autre vous était montré et vous disiez : ce document-là

18 provient d'autres archives encore. Excusez-moi si j'ai pu donner

19 l'impression que vous aviez passé en revue de nombreuses archives et pas

20 simplement une des archives. Est-ce exact ou non ?

21 R. Il est exact qu'hier j'ai mentionné le fait que j'avais vérifié les

22 archives de l'état-major et des zones concernées pour voir où je pourrais

23 trouver ces documents.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous vous êtes rendu dans

25 ces archives vous-même ou est-ce que vous avez demandé à quelqu'un d'autre

26 de vous apportez les documents en provenance de ces archives ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans certains cas, je me suis rendu moi-même

28 dans les archives. Dans d'autres cas, j'ai demandé aux collègues qui

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1 travaillaient de me rendre ce service, mais dans la plupart des cas, je m'y

2 suis rendu moi-même.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Marcussen, est-ce que le

4 bureau du Procureur a accès à ces archives ?

5 M. MARCUSSEN : [interprétation] Nous devrions demander assistance. Je crois

6 que c'est la procédure habituelle lorsque l'on demande accès à des

7 archives.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que ce n'est pas quelque chose

9 sur lequel le bureau du Procureur aurait pu ou dû se pencher s'ils en

10 avaient eu l'autorité ? Cela semble relativement facile à obtenir, n'est-ce

11 pas ?

12 M. MARCUSSEN : [interprétation] Bien, effectivement, nous essayons

13 d'obtenir accès à bien des archives différentes, dans des endroits

14 différents.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, est-ce qu'il s'agit là des

16 archives de l'UCK auxquelles vous avez essayé d'avoir accès ?

17 M. MARCUSSEN : [interprétation] Il faudrait que je me renseigne. Je ne sais

18 pas. Je n'ai pas vu, il faudrait que je me renseigne pour pouvoir répondre

19 à votre question correctement.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ackerman.

21 M. ACKERMAN : [interprétation]

22 Q. Les documents que vous avez trouvés, si je vous ai bien compris,

23 c'étaient tous les documents que vous avez pu trouver. Ces documents que

24 vous avez pu trouver, vous les avez remis au bureau du Procureur à

25 Pristina; est-ce exact ?

26 R. Oui.

27 Q. Depuis que vous êtes ici dans la phase de préparation de votre

28 déposition ici, avez-vous vu tous les documents que vous avez remis au

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1 bureau du Procureur à Pristina ?

2 R. J'ai vu les documents qui m'ont été montrés.

3 Q. Avez-vous souvenir d'avoir remis au bureau du Procureur à Pristina

4 d'autres documents que vous n'avez pas vu ici ?

5 R. J'ai soumis de nombreux documents mais --

6 Q. Pouvez-vous nous indiquer approximativement à quel moment vous avez

7 remis ces documents au bureau du Procureur à Pristina ?

8 R. C'était avant de venir ici au Tribunal.

9 Q. Oui, c'est relativement évident. Cela ne m'aide pas beaucoup. Est-ce

10 que vous pouvez peut-être m'indiquer une date à laquelle vous auriez remis

11 les documents ?

12 R. Je ne me souviens pas de la date précise.

13 Q. Etait-ce il y a un an, il y a deux ans ?

14 R. Non, ce n'était pas il y a si longtemps.

15 Q. Mais il y a combien de temps, donnez-moi une date approximative ? Je ne

16 sais pas pourquoi vous êtes en train de jouer au chat et à la souris, là.

17 C'était il y a combien de temps ?

18 R. Je ne sais pas précisément. C'était peut-être deux, trois semaines

19 avant de venir ici.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, Monsieur Ackerman, je crois que

21 nous allons devoir mettre un terme à l'interrogatoire pour ce soir, en tout

22 cas si ce n'est pas déjà fait. Je suggère que vous ayez au moins un bref

23 échange avec M. Marcussen pour voir si votre connaissance des faits peut

24 être approfondie de cette manière. Cela ne vous empêche pas de poursuivre

25 le contre-interrogatoire, mais cela pourrait vous permettre de mieux cibler

26 vos questions. Je ne vous en tiens pas pour responsable, mais cela pourrait

27 vous aider à cibler vos questions.

28 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons eu des

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1 échanges par e-mail et M. Marcussen m'a dit et je suis convaincu qu'ils

2 m'ont remis chaque document qui est à leur disposition. Il y a un mystère

3 qui est que le 31 octobre, nous avons reçu un e-mail du bureau du Procureur

4 disant : voilà le paquet de documents que le témoin a apporté avec lui et

5 nous n'avions pas vu ces documents auparavant.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien --

7 M. ACKERMAN : [interprétation] De toute évidence, ils ont été remis au

8 bureau de Pristina à une date bien antérieure à celle à laquelle ils nous

9 ont été remis, donc je ne sais pas. C'est un mystère et je ne comprends

10 pas, je ne suis pas en train de faire des accusations, mais certaines

11 informations manquent.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pensez que vous avez

13 eu 85 à 100 documents qui ont été remis à Pristina ou est-ce que vous avez

14 eu un peu moins de cela ?

15 M. ACKERMAN : [interprétation] C'est loin d'atteindre le chiffre de 85 ou

16 100 documents, c'est peut-être 30 ou 40 pages peut-être.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suggère que vous ayez une autre

18 discussion exploratoire avec M. Marcussen plutôt que par e-mail, en face à

19 face, pour voir si éventuellement vous pouvez résoudre un petit peu cette

20 situation avant de poursuivre votre contre-interrogatoire demain.

21 M. ACKERMAN : [interprétation] Merci.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Marcussen.

23 M. MARCUSSEN : [interprétation] Peut-être alors je ne peux pas remonter

24 dans le compte rendu, mais c'est 85 ou une centaine de pages et non pas 85

25 ou une centaine de documents. Je conférerai avec M. Ackerman par la suite.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Zyrapi, nous devons nous

27 interrompre, je le crains, nous nous retrouvons donc demain. Mais demain

28 vous ferez l'objet de notre attention dès le début des audiences à 14

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1 heures 15. Entre-temps, je vous rappelle ce que j'ai dit précédemment, ne

2 parlez d'aucuns des éléments de votre témoignage avec qui que ce soit, nous

3 nous retrouvons à 14 heures 15 demain.

4 Vous pouvez maintenant quitter la Chambre avec l'huissier. Merci.

5 [Le témoin se retire]

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous levons la séance, nous nous

7 retrouvons demain à 14 heures 15.

8 --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le jeudi le 9

9 novembre, à 14 heures 15.

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