Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 14 novembre 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant de passer à huis clos ce matin,

6 Monsieur Visnjic, je souhaiterais simplement que nous confirmions une chose

7 sur une question qui a été soulevée hier.

8 Les Juges attendront pour examiner la demande du Royaume-Uni pour une

9 prorogation et nous ne prendrons aucune mesure. C'est à vous qu'il

10 appartiendra de déclencher quelque action que ce soit en attirant notre

11 attention sur le fait que la question n'a pas été résolue. Nous nous

12 attendons également à ce que vous attiriez notre attention si vous parvenez

13 à résoudre cette question de manière à ce que nous ayons les dernières

14 informations en date.

15 M. VISNJIC : [interprétation] Très bien. Nous vous en informerons.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons passer à huis clos de

17 manière à ce que le témoin puisse entrer dans le prétoire.

18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames, Monsieur

19 les Juges, nous sommes à huis clos.

20 [Audience à huis clos]

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

26 [Audience publique]

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Tanic.

28 Votre contre-interrogatoire va se poursuivre à présent. J'imagine qu'un

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1 certain nombre de conseils auront des questions à vous poser. Je vous

2 invite à vous souvenir de ce que nous savons déjà. Je vous invite également

3 à ne pas vous répéter. Vous avez tout le loisir, comme vous le savez, de

4 justifier votre conduite, vos actions en réponse à des questions, en

5 précisant les raisons pour lesquelles vous le faites.

6 Ce faisant, je vous demanderais de faire tous les efforts nécessaires

7 pour vous concentrer sur les questions posées et de ne pas répéter ce qui a

8 déjà été dit préalablement. Je vous rappelle que vous avez prêté un serment

9 au début de votre déposition et je vous rappelle que ce serment reste

10 valable.

11 Maître O'Sullivan, vous avez la parole.

12 LE TÉMOIN: RATOMIR TANIC [Reprise]

13 [Le témoin répond par l'interprète]

14 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

15 Je demanderais à l'huissier de bien vouloir présenter le classeur qui

16 comporte 10 intercalaires au témoin en version anglaise ainsi qu'en version

17 B/C/S, déclaration écrite P2480.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] S'agit-il de la déclaration écrite

19 complète ou d'une des déclarations préliminaires ?

20 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Non, il s'agit de la déclaration écrite

21 complète préparée dans les deux langues avec paragraphes numérotés.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

23 Contre-interrogatoire par M. O'Sullivan : [Suite]

24 Q. [interprétation] Monsieur Tanic, hier, vous nous avez parlé de ce que

25 vous avez appelé les négociations discrètes avec les Albanais du Kosovo. Je

26 crois que vous avez dit à la Chambre que ces négociations se sont déroulées

27 entre 1995 et la fin de 1997.

28 Vous souvenez-vous nous avoir dit cela ?

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1 R. Oui.

2 Q. Dans votre déclaration, P2480, au paragraphe 5, vous indiquez qu'outre

3 vous et Dusan Mihajlovic, un homme répondant au nom de Dojcilo Maslovaric,

4 l'envoyé yougoslave au Vatican ainsi que le Pr Ratko Markovic, vice-premier

5 ministre de Serbie, avaient également été désignés pour mener des

6 négociations discrètes avec les Albanais du Kosovo. Vous souvenez-vous nous

7 avoir dit cela ?

8 R. Oui. Le général Dojcilo Maslovaric et Ratko Markovic ont effectivement

9 participé à ces négociations.

10 Q. Vous nous avez dit également que ces négociations se sont déroulées

11 dans le cadre de rencontres organisées par la Fondation Bertelsmann.

12 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Aux fins du compte rendu, je fais

13 référence aux pièces à conviction P704, P705, P707, P708, P709 et P718. Il

14 s'agit d'articles de journaux et de documents qui ont été présentés aux

15 rencontres Bertelsmann au Kosovo, y compris le programme des réunions qui

16 se sont tenues entre 1995 et 1998 qui contiennent également le nom des

17 intervenants et des participants à ces rencontres.

18 Q. Monsieur Tanic, cela vous surprendrait-il d'entendre que Dusan

19 Mihajlovic, Dojcilo Maslarovic et le Pr Markovic n'apparaissent dans aucune

20 de ces pièces à conviction ?

21 R. Je suis désolé, mais ce que vous venez de nous dire n'est pas vrai. Je

22 n'ai jamais prétendu qu'ils aient participé à d'autres négociations,

23 exception faite de celles qui se sont déroulées sous l'égide de la

24 Fondation scientifique Bertelsmann. C'était un des groupes des ONG qui

25 étaient associés à ces négociations.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous demanderais de bien vouloir

27 poursuivre. Il y a un petit problème à l'écran, c'est probablement moi.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] La Fondation Bertelsmann n'était qu'une des

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1 ONG qui agissait au nom du ministère des Affaires étrangères allemand. J'ai

2 également mentionné les négociations menées par M. Paglia ainsi que

3 certaines rencontres directes. Ce que vous dites n'est pas vrai, je n'ai

4 jamais prétendu que ces négociations-là se faisaient sous l'égide des

5 efforts menés par la Fondation Bertelsmann et je demanderais aux Juges de

6 bien vouloir inviter le conseil à ne pas me faire dire des choses que je

7 n'ai pas dites, surtout lorsque je ne les ai vraiment pas dites.

8 Je vous ai expliqué le travail de la Fondation Bertelsmann qui

9 n'était qu'une des institutions associées. M. Dojcilo Maslarovic et M.

10 Ratko Markovic faisaient partie de la délégation menée par Mgr Paglia et

11 ont participé également à ces négociations.

12 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

13 Q. Dans votre déclaration écrite, au paragraphe 5, vous indiquez qu'à

14 certains moments, vous, M. Maslarovic et M. Markovic avez travaillé

15 ensemble au cours de ces négociations discrètes, vous trois. Donnez-moi un

16 endroit, une date et les points sur lesquels portaient ces négociations

17 auxquelles vous trois avez participé conjointement. Veuillez me donner un

18 exemple.

19 R. Tout d'abord, j'ai dit à plusieurs reprises que M. Maslarovic, Markovic

20 et moi-même avons travaillé ensemble; ce n'est pas ce que j'ai dit. Vous

21 ajoutez des choses. Par exemple, lorsque M. Maslarovic et moi-même avons

22 travaillé ensemble et Dojcilo a participé par la suite aux négociations, il

23 s'agissait d'une réunion avec les ambassadeurs allemand et britannique. Il

24 faudrait que je consulte mes notes pour en être certain. Il y avait un

25 autre représentant de la communauté internationale. Il s'agissait d'un

26 déjeuner de travail au cours duquel nous avons discuté des questions ayant

27 trait au Kosovo.

28 Les négociations à ce moment-là associaient directement la communauté

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1 internationale. J'avais quelques contacts avec Maslarovic, mais cela dans

2 d'autres contextes, mais je n'ai jamais prétendu que nous étions tous les

3 trois assis autour de la même table au cours de la même phase de

4 négociations. Le conseil de la Défense essaie de me faire dire des choses

5 que je n'ai pas dites du tout en fait.

6 Q. Donnez-moi un exemple au cours duquel vous et ces deux hommes vous vous

7 êtes assis avec des Albanais du Kosovo pour discuter de l'avenir du Kosovo.

8 Donnez-moi une date, un endroit et les points sur lesquels portaient cette

9 rencontre.

10 R. Je ne me souviens pas vous avoir dit que nous trois nous étions assis

11 autour de la même table avec la partie albanaise. Sauf le respect que je

12 dois aux Juges ainsi qu'à la Défense, je peux difficilement répondre à des

13 questions qui sont biaisées, des questions qui se fondent sur le produit de

14 l'imagination, sur des pures inventions. Je peux vous dire qui était là :

15 l'ambassadeur britannique, l'ambassadeur allemand, au nom de la communauté

16 internationale; Branko Brankovic, au nom du ministère des Affaires

17 étrangères serbes. Il faudrait que je consulte mes notes pour pouvoir vous

18 dire quand, et c'est à ce moment-là que nous avons discuté du Kosovo avec

19 la communauté internationale et les parties associées.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, il y a un certain

21 nombre de malentendus dans votre esprit, s'agissant de la réponse apportée

22 à la question. La question ne portait pas sur les moments auxquels vous

23 étiez assis avec les Albanais autour d'une même table. La question porte

24 sur le fait de savoir quand, vous trois, vous vous êtes assis ensemble

25 autour d'une même table pour discuter de la question du Kosovo. Il

26 semblerait que vous ayez identifié une occasion au cours de laquelle cela

27 s'est produit.

28 M. HANNIS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais la

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1 question la plus récente était : quand vous et les deux hommes avec les

2 Albanais étiez assis autour d'une même table.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez tout à fait raison, Monsieur

4 Hannis. Effectivement, cela m'a échappé.

5 Maître O'Sullivan, dans la déclaration écrite ce n'est pas ce qui est dit

6 aussi ?

7 Si je vous fais lecture de votre déclaration écrite, Monsieur Tanic,

8 vous comprendrez pourquoi la question est posée.

9 "A certains moments, Maslarovic, Markovic et moi avons travaillé

10 ensemble. Ceci étant dit, ils ont également parlé à des représentants

11 albanais du Kosovo de façon indépendante à d'autres moments."

12 On pourrait difficilement avoir l'impression que ce que vous dites

13 ici, c'est que vous trois avez mené des entretiens avec les Albanais. Je

14 crois que, si je vous comprends bien, ceci n'a jamais eu lieu et la seule

15 rencontre à laquelle vous avez participé en présence des deux autres

16 individus était une rencontre avec les ambassadeurs britannique et

17 allemand; cela est-il exact ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. J'ai été avec Markovic à plusieurs

19 occasions, mais le conseil de la Défense m'a demandé de lui citer un

20 exemple unique. Pour ce qui est de Dojcilo Maslarovic, il y a eu deux ou

21 trois rencontres de travail avec lui qui avaient trait aux négociations

22 menées par Mgr Paglia.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La question a trait au moment auquel

24 vous avez été ensemble tous les trois. Est-ce qu'il y a eu d'autres moments

25 où vous trois ensemble avez été associés aux négociations conjointement ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas nous trois ensemble. Je ne l'ai

27 jamais dit. J'ai dit que nous avons travaillé ensemble, et M. O'Sullivan

28 fait un abus linguistique en serbe.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, il s'agit d'une

2 remarque qui est parfaitement inacceptable.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Entendu. Nous travaillions ensemble au travail

4 mené par Vicenzo Paglia au nom du Vatican. Nous ne nous sommes jamais assis

5 autour d'une même table, mais nous y avons travaillé ensemble. Vous pouvez

6 demander à Mgr Paglia de corroborer cela.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan.

8 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

9 Q. Monsieur Tanic, au procès Milosevic, les 14, 15, 16 et 21 mai 2002,

10 vous avez déposé. Vous en souvenez-vous ?

11 R. Oui.

12 Q. Hier, nous avons examiné les paragraphes 4 et 5 de votre déclaration

13 écrite, à la fin de votre déposition d'hier. Vous y décrivez votre

14 habilitation à mener des négociations discrètes. Un rappel, votre

15 déclaration au paragraphe 4, je cite :

16 "Au fond, mon habilitation politique me permettant de mener ces

17 négociations émanait de trois sources, en somme : Milosevic, le SDB et mon

18 parti parce qu'il faisait officiellement partie du gouvernement."

19 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Le 1D30, Monsieur le Président. Il s'agit

20 de l'intercalaire numéro 3 du dossier qui vous a été remis.

21 Q. A l'intercalaire numéro 3, vous trouverez, Monsieur Tanic, un document

22 en version anglaise et ensuite un document en version serbe. Ce document a

23 été présenté par les services d'information du Parti Nouvelle Démocratie à

24 Belgrade le 14 mai 2002. Je souhaiterais que nous examinions ensemble ce

25 document, tout d'abord le titre du document. Vous voyez qu'il porte un

26 cachet ainsi qu'une signature d'un représentant du Parti Nouvelle

27 Démocratie, le titre du document donc est : "L'imagination est tout".

28 Première phrase : "S'agissant de la déposition de M. Ratomir Tanic dans le

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1 procès de Slobodan Milosevic à La Haye, Nouvelle Démocratie souhaiterait

2 faire un rappel auprès du public, rappeler un certain nombre de faits au

3 public."

4 Ensuite, au paragraphe suivant, deuxième paragraphe, première phrase :

5 "Vladimir Tanic [comme interprété], fondateur de l'Association pour

6 l'initiative démocratique yougoslave et un réformateur pour l'alliance pour

7 la Serbie n'est devenu un sympathisant de Nouvelle Démocratie qu'en 1995,

8 et il a rejoint le secteur des relations internationales de ce parti à ce

9 moment-là."

10 Si nous nous interrompons à ce moment-là, si nous repassons à la

11 pièce à conviction 1D31, en l'occurrence le document que nous avons examiné

12 hier, vous verrez que cette déclaration de Nouvelle Démocratie vous décrit

13 comme étant un sympathisant, même description que celle qui figurait dans

14 la fiche d'information que vous avez signée; c'est bien exact, n'est-ce pas

15 ?

16 R. Qu'est-ce qui est correct ? Que le document me décrive comme étant un

17 sympathisant ou que j'étais sympathisant ?

18 Q. Les deux.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci ne mène à rien, Maître

20 O'Sullivan. Nous pouvons lire ces documents. Je ne pense pas que cela

21 permettra de faire avancer les choses énormément. Nous en avons déjà parlé

22 hier.

23 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

24 Q. Je suis toujours au deuxième paragraphe de cette pièce à conviction

25 1D30 et je vais vous lire les quelques dernières phrases de ce deuxième

26 paragraphe. Il est dit :

27 "Il n'y avait aucun plan visant à résoudre le problème du Kosmat et

28 aucune personne n'était habilitée à rédiger de tels projets au nom de

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1 Nouvelle Démocratie avec qui que ce soit, y compris les personnes

2 mentionnées par M. Ratomir Tanic; Ratko Markovic, Dojcilo Maslarovic,

3 Jovica Stanisic, Momcilo Perisic, Mira Markovic, Slobodan Milosevic ou

4 d'autres représentants des missions diplomatiques dans notre pays. Personne

5 à Nouvelle Démocratie n'a été informé des contacts présumés de M. Tanic

6 avec les services de Sécurité nationaux ou étrangers." Puis, ensuite, il y

7 a un élément illisible. Puis, il est dit : "N'ont pas de liens, quels

8 qu'ils soient, avec son association avec Nouvelle Démocratie dans les

9 activités internationales."

10 Puis, je passe à l'avant-dernier paragraphe de la page suivante. La

11 première phrase :

12 "Il appartiendra au Tribunal de mener une évaluation de

13 l'authenticité de la déposition de M. Tanic, et Nouvelle Démocratie n'a

14 rien à voir avec cela. Nouvelle Démocratie ne souhaite pas faire de ce

15 procès un cirque et les témoins sur un niveau d'articles de journaux et

16 d'information publiée dans les médias."

17 Enfin, dernière phrase :

18 "Les histoires narrées par M. Tanic l'ont été partout dans les

19 médias, et des milliers de citoyens de notre pays pourraient les répéter

20 comme étant le fruit de ouï-dire."

21 Monsieur Tanic, le Parti Nouvelle Démocratie vous dénonce comme étant

22 un imposteur, n'est-ce pas ?

23 R. Excusez-moi, peut-être serait-il préférable que vous appeliez à la

24 barre les représentants de Nouvelle Démocratie, ici. Je ne peux pas vous

25 livrer de commentaires. Enfin, je pourrais vous en livrer, mais cela serait

26 absurde. Savez-vous combien de personnes ont été tuées en Serbie,

27 s'agissant des négociations avec le Kosovo ? Bien entendu qu'il faut qu'ils

28 me dénoncent parce que sinon, ils vont perdre leur tête, alors invitez-les

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1 à témoigner et je serai heureux d'appeler M. Mihajlovic pour qu'il vienne

2 témoigner. Cela ne me posera aucun problème.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan, ce document est

4 intéressant parce que la partie que vous avez choisie de ne pas lire - et

5 je comprends que vous ayez choisi de ne pas la lire, ce n'est pas une

6 critique - indique que le témoin était un participant aux discussions entre

7 les Serbes et les Albanais. Il a maintenu ses contacts avec les

8 organisateurs de ces réunions et a poursuivi et a continué d'y participer.

9 Il dénonce le problème du Kosovo-Metohija. Il souhaite parvenir à une

10 solution pacifique qui passe par un compromis entre les parties albanaises

11 et serbes avec l'appui de la communauté internationale, ce sont des

12 politiques publiques de Nouvelle Démocratie qui ont été décrites par tous

13 les représentants de Nouvelle Démocratie, y compris M. Tanic comme étant un

14 tel, et aucun projet visant à résoudre le problème du Kosovo-Metohija

15 n'avait été élaboré et personne n'avait été autorisé à faire de tels plans

16 au nom de qui que ce soit.

17 De quoi s'agit-il, juste après le témoignage dans l'affaire

18 Milosevic ? Est-ce que ce que dit le témoin est que Nouvelle Démocratie,

19 pour des raisons politiques, essayait de se distancer et pourtant

20 parallèlement essayait également de recueillir les fruits de l'association

21 d'un de ses membres à ces négociations ? Très franchement, je ne vois pas

22 très bien à quoi ce type de pressions peut mener. Ce type de communiqués de

23 presse n'apporte pas grand-chose d'une manière générale. Si nous entendons

24 ce que dit le témoin, là les choses pourraient être différentes.

25 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

26 Q. Monsieur Tanic, vous évoquez le nom de Dusan Mihajlovic à plusieurs

27 reprises dans votre déposition et, d'ailleurs, vous venez à peine il y a

28 quelques instants de le mentionner à nouveau. M. Mihajlovic a donné une

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1 interview en direct à la télévision à Belgrade le soir du 15 mai 2002, et

2 la pièce à conviction 1D29 est le compte rendu d'audience du procès

3 Milosevic du 21 mai 2002. Il s'agit de l'intercalaire numéro 4. Le clip

4 vidéo vous a été présenté au Tribunal, un enregistrement vidéo de cette

5 interview en direct donnée à la télévision serbe par M. Mihajlovic qui dit

6 :

7 "Vous voyez, le Tribunal de La Haye, c'est une institution très

8 sérieuse sur laquelle portent de nombreuses attentes de la part du monde.

9 Il a investi beaucoup de temps, beaucoup d'argent et bien des espoirs. Vous

10 voyez, ce qui se passe maintenant, c'est que l'on se retrouve dans une

11 situation absurde et assez attristante, à savoir que l'Accusation annonce à

12 grands bruits un témoin-clé, personne qui ne peut pas l'être parce que tout

13 ce qu'il a fait, c'est trouver des articles de journaux. Il a préparé un

14 livre sur la crise du Kosovo, livre qu'il a mis à la disposition du

15 Tribunal de La Haye. On est en train de mélanger des pommes et des poires.

16 On est en train de mélanger des négociations politiques avec la partie

17 albanaise organisées par différentes fondations venues de partout dans le

18 monde et d'autres efforts qui ont été déployés de manière à éviter qu'il y

19 ait un conflit, de manière à éviter qu'il y ait bombardement, et cetera.

20 "Mais quoi qu'il advienne, M. Tanic n'a ni participé à ces

21 négociations, ni été un exécutant actif de quelque projet que ce soit

22 auquel il fait référence. Il s'agit simplement de ouï-dire, de rumeurs, de

23 bruits qui courent qui remettent en question le sérieux de l'Accusation.

24 Ceci ne peut pas être prouvé de quelque façon que ce soit parce qu'il n'a

25 participé à aucune des réunions de prise de décisions à propos desquelles

26 il dépose et il n'a eu aucun rôle dans la présente décision. Il n'était

27 qu'un observateur comme pratiquement tous les citoyens de Serbie. S'il

28 s'agit là d'une exagération, alors toute personne qui a participé à la vie

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1 politique et à la vie publique pourrait lui être comparée, et l'on peut

2 retrouver cela dans les articles aux programmes figurant dans les médias."

3 M. Mihajlovic, ici, vous dénonce comme étant un imposteur, n'est-ce pas ?

4 R. Si les Juges m'y autorisent, je souhaiterais vous faire part de mes

5 commentaires à propos de cette déclaration, point par point. Tout d'abord,

6 M. Mihajlovic, dans cette déclaration, confirme qu'il y a effectivement eu

7 différents entretiens qui se sont tenus en vue de négociations et que des

8 efforts ont été déployés pour résoudre la crise au Kosovo de façon

9 pacifique. Ma participation à cet effort est facile à prouver; il suffit de

10 le demander aux institutions qui y ont participé. Je me permettrais

11 d'attirer votre attention sur le point suivant.

12 Souvent, on entend dire que ma déposition repose sur des choses que

13 j'aurais lues dans les journaux. Ceci aurait été vrai si ma déposition

14 était intervenue en 2004, en 2003 ou en 2005, puisqu'à l'époque j'aurais

15 effectivement pu lire tout cela dans les journaux, mais ma déclaration

16 remonte jusqu'à 1999, début de l'an 2000. Quelque expert que ce soit, à

17 partir du moment où il est indépendant, vous dira comment 40 % à 50 % des

18 choses à propos desquelles j'ai déposé en 2000, je n'aurais pas pu les lire

19 où que ce soit. Je n'aurais pu les lire dans aucun livre, dans aucun

20 journal, parce qu'il s'agissait de choses qui tombaient sous le coup du

21 plus haut secret. Après 2002, effectivement, certains éléments se sont fait

22 jour, et en 2002, j'aurais effectivement pu le lire. Mais j'ai parlé au

23 Tribunal de La Haye en 1999 et en 2000.

24 Il s'agissait d'abord des projets de paix visant à éviter la guerre,

25 d'un plan de paix visant à éviter la guerre. Cela est apparu dans le livre

26 de Milic en 2002, et j'ai parlé au bureau du Procureur en 2000. A ce

27 moment-là, personne n'en savait quoi que ce soit. Puis, il y a un certain

28 nombre d'éléments qui ont été utilisés ou qu'on a essayé d'utiliser pour

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1 résoudre la crise du Kosovo et dont personne n'avait connaissance. Autre

2 exemple, lorsque Maslarovic, Markovic et moi-même avons travaillé ensemble,

3 parce qu'on ne me rafraîchit pas la mémoire, et peut-être puis-je retourner

4 à la question précédente qui avait trait à notre coopération. Tout ce que

5 M. Mihajlovic dit ici est exact, j'aurais pu le lire dans les journaux,

6 mais en 2004, alors que je me suis exprimé en 1999 et en 2000 --

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je vous demanderais de bien

8 vouloir dire ce que vous avez à dire, mais une fois seulement.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je souhaite revenir à la question qui avait

10 trait à Maslarovic, Markovic et moi-même, parce que je ne m'en souvenais

11 pas à ce moment-là.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons travaillé ensemble tous les trois

14 effectivement, même si nous n'avons pas pris place autour d'une même table.

15 Ceci dit, nous étions dans une même pièce lorsqu'il y a eu des discussions

16 à propos de l'association de Mgr Paglia en tant qu'un des négociateurs et

17 est-ce que Milosevic l'accepterait. Vous trouverez cette information dans

18 le livre publié par M. Predrag Simic, qui était le conseiller du président

19 à Kostunica. Vous verrez très clairement que Maslarovic, moi-même et un

20 certain nombre d'autres personnes ont veillé à ce que Mgr Paglia puisse

21 être associé aux négociations. Marcovic a également participé à ces

22 négociations. C'est là la première fois où nous avons travaillé ensemble.

23 Certes, nous n'étions pas assis autour de la même table, mais nous

24 déambulions. Toutes mes excuses si je m'écarte un petit peu.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A quel endroit cela s'est-il produit ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] A l'ambassade italienne.

27 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que c'était en 1995, mais là encore

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1 il faudrait que je consulte le livre ou mes notes. Cela figure dans le

2 livre.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est le livre de Simic, qui était le

4 conseiller de qui, déjà ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Simic a également participé aux

6 négociations. A l'époque, il était directeur de l'institut des recherches

7 stratégiques; à l'époque, c'est-à-dire que nous sommes en train de parler

8 de 1998 ou de 1999. Cependant, quand il a écrit cet ouvrage, il allait

9 devenir le conseiller du président Kostunica. Il a écrit un livre au sujet

10 du Kosovo dans lequel il dit très clairement que j'ai participé aux

11 négociations. Simic aussi y participait en tant qu'expert. Il parle

12 également de Maslarovic, de moi-même, et il dit sans équivoque que

13 Maslarovic et moi-même, nous avons contribué à faire avancer tout ce

14 processus. Il parle également de l'intervention de Milutinovic, et cetera,

15 et cetera.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

17 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

18 Q. J'ai une autre question à vous poser au sujet de l'interview de M.

19 Mihajlovic, la séquence vidéo qui vous a été présentée dans l'affaire

20 Milosevic pendant votre déposition dont je vous ai lu la transcription. Cet

21 extrait a été diffusé le 15 mai au soir. Le lendemain, le 16 mai 2002,

22 pièce 1D28, page 5 108, on vous a demandé, je cite : "Avez-vous

23 connaissance des déclarations qu'il a faites hier et que l'on a pu entendre

24 en direct à la télévision de Belgrade ?"

25 Ce à quoi vous avez répondu : "Oui, je sais. Je suis au courant."

26 Je voudrais savoir si vous avez été en mesure de regarder M. Mihajlovic

27 intervenir à la télévision. Est-ce que vous l'avez vue, cette interview ?

28 R. Non, je ne l'ai pas vue à la télévision, mais je me suis entretenu avec

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1 des membres de ma famille qui habitent en Serbie, et on m'a dit qu'on me

2 dénonçait. Ils m'ont dit : c'est ton patron, c'est ton patron qui parle de

3 toi comme cela. Etant donné que vous essayez de présenter des articles de

4 presse, vous pourriez peut-être rappeler que M. Mihajlovic, deux ou trois

5 mois après ma déposition, a dit dans le magazine Vreme, dans une interview

6 avec moi et Mihajlovic, que ce que j'avais dit, c'était vrai à 90 %. Cela

7 diffère de cette déclaration. Si vous voulez me parler de l'interview qu'il

8 a donnée là, je peux vous donner d'autres interviews, moi.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan, c'est quand même

10 une coïncidence incroyable que ceci soit diffusé juste avant le contre-

11 interrogatoire du témoin dans Milosevic. Vous n'avez peut-être pas

12 d'informations à ce sujet, mais cela me paraît extraordinaire. Cela a été

13 diffusé sur quelle chaîne ?

14 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Cela a été diffusé à la télévision de

15 Belgrade, télévision RTS.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La télévision serbe ? Bien.

17 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, une correction à

18 apporter au compte rendu d'audience, page 14, ligne 20. Je crois que le

19 témoin a déclaré : "Etant donné que vous me montrez cette interview, nous,

20 nous avons une autre interview qui l'affirme." Alors que dans le compte

21 rendu d'audience, on lit : "J'en ai une autre." Je crois que là, il y a une

22 différence qui est importante. Mon éminent confrère, Me Petrovic, estime

23 que le témoin a sans doute voulu parler également du bureau du Procureur.

24 Peut-être faudrait-il faire une vérification avec l'enregistrement audio

25 des propos du témoin.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Inutile, j'ai simplement demandé au Procureur

27 de présenter cette interview s'ils en disposent, l'interview qui a été

28 accordée au magazine Vreme. Quand j'ai dit que nous avions l'interview, je

Page 6458

1 pensais à moi, au bureau du Procureur. Il y a beaucoup d'interviews qui

2 circulent.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan.

4 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

5 Q. Dernière chose sur ce point. Lorsque M. Mihajlovic a accordé cette

6 interview en mai 2002, il était ministre de l'Intérieur, n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. A ce moment-là, M. Kostunica était président, et M. Djindjic, lui,

9 était premier ministre, n'est-ce pas ?

10 R. Oui.

11 Q. J'aimerais que nous parlions maintenant d'un autre sujet et je voudrais

12 vous renvoyer au paragraphe 108 de votre déclaration écrite. Voici ce que

13 vous dites au paragraphe 108, et je vais vous en donner lecture. Puis,

14 j'aurai quelques questions à vous poser. Paragraphe 108 : "Au cours des

15 bombardements de l'OTAN, j'ai eu une conversation animée avec Milosevic au

16 cours d'une petite réception" --

17 R. Excusez-moi. Excusez-moi, c'est où dans le paragraphe, à quelle ligne ?

18 Q. Excusez-moi.

19 R. C'est où exactement ? Je ne trouve pas cela dans la version en B/C/S,

20 enfin, pour utiliser le terme que vous employez ici pour désigner la langue

21 serbo-croate.

22 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

23 Q. A ce moment-là, on va utiliser le paragraphe -- on va utiliser la

24 version en anglais. En anglais, c'est page 27, paragraphe 108. J'ai

25 commencé à vous donner lecture de cet extrait à partir de la phrase --

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que c'est la troisième

27 phrase, Monsieur.

28 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Oui, effectivement. Merci.

Page 6459

1 Q. Troisième phrase, vous dites, je cite :

2 "Pendant les bombardements de l'OTAN, j'ai eu une conversation très

3 animée avec Milosevic lors d'une petite réception. Je venais de rentrer de

4 l'étranger où, avec l'approbation du SDB et de Milosevic" -- non, je

5 reprends.

6 "Je venais de rentrer de l'étranger où, avec l'approbation du SDB et

7 de Milosevic, j'avais tenté de négocier avec des contacts étrangers une

8 sortie honorable de la crise. J'avais transmis une offre discrète à

9 Milosevic, mais n'avais reçu aucune réponse. Milosevic a explosé et il m'a

10 traité d'imbécile, et il m'a dit que je ne comprenais absolument pas leur

11 stratégie. Il a dit : 'Nous avons besoin de suffisamment de victimes

12 civiles, parce que quand il y aura beaucoup de victimes civiles là-bas,

13 leur 'opinion publique', c'est-à-dire l'opinion publique des pays de

14 l'OTAN, fera savoir à ses dirigeants qu'ils peuvent aller se faire voir.

15 C'est de cette façon que nous allons vaincre l'OTAN'."

16 Voilà ce que vous avez dit au bureau du Procureur, et lorsque vous avez

17 rencontré les représentants du même bureau les 4 et 5 novembre de cette

18 année, vous n'avez apporté aucune correction à votre déclaration, n'est-ce

19 pas ? Il y a quelques jours, vous n'avez apporté aucune correction, n'est-

20 ce pas ?

21 R. Non.

22 Q. Bien. Examinons comment vous parlez de tout cela lorsque vous déposez

23 dans l'affaire Milosevic. Pièce 1D27, 15 mai 2002, page 5 007,

24 interrogatoire principal. M. Nice vous pose la question suivante :

25 "Etant donné que vous avez souhaité déposer en public, êtes-vous prêt

26 à nous dire ce qui s'est passé en 1999, lorsque vous avez rencontré

27 l'accusé en avril 1999 ? Dites simplement oui ou non. Inutile de donner des

28 explications supplémentaires.

Page 6460

1 "Réponse : Oui, mais il faut quand même que j'apporte une correction,

2 puisque ce que vous dites ne correspond pas tout à fait. C'est sans doute

3 moi qui ai fait une erreur dans cette description."

4 R. Quoi ? Je ne comprends pas. Vous me posez quelque chose, vous me posez

5 une question, vous voyez que je suis allé à l'étranger pour participer à

6 des négociations. Cela peut se retrouver dans les archives de la Sûreté de

7 l'Etat.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez, pour l'instant on ne vous a

9 posé aucune question.

10 Maître O'Sullivan.

11 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je faisais une pause en attendant que les

12 interprètes me rattrapent.

13 Q. Je vais poursuivre ma lecture. M. Nice, ligne 4, page

14 5 008, poursuit, où il dit :

15 "Monsieur Tanic, il est possible que toutes ces informations de contexte

16 soient utiles. Nous, ce qui nous intéresse au plus haut point, c'est de

17 savoir ce que l'accusé vous a dit à vous lorsque vous l'avez rencontré

18 directement, de visu. Pourriez-vous, s'il vous plaît, parler de cela assez

19 vite et répondre à mes questions ou à celles de M. le Juge Kwon ?

20 "Réponse : Voilà de quoi il retourne. Etant donné qu'on ne s'est pas

21 rencontrés en direct, dirons-nous, nous avons eu une conversation

22 téléphonique et j'en prends la responsabilité. En fait, je n'allais pas

23 parler de cela, mais d'autre chose. Peut-être que je n'y ai pas accordé

24 suffisamment d'attention. Nous avons eu une conversation téléphonique, mais

25 pas une rencontre directe.

26 "Question : Qu'est-ce qui a été dit ?

27 "Réponse : Ce qui a été dit, c'est qu'il n'y aurait pas de cessez-le-feu

28 dans un avenir proche, que la Serbie et la Yougoslavie avaient besoin de

Page 6461

1 plus de victimes civiles, ceci afin de mettre un terme à la guerre aussi

2 rapidement que possible, mais je ne veux rien ajouter à tout cela parce

3 qu'il y a d'autres éléments qui indiquent que ces accusations sont exactes.

4 "Question : Qui a dit cela ? Qui était à l'autre bout du fil ?

5 "Réponse : Pour prouver que l'OTAN était une organisation criminelle, les

6 communications entre Milosevic et Draskovic. J'ai entendu cela au haut-

7 parleur du téléphone. C'était une réception, mais c'était notre réception.

8 Maintenant, nous avons expliqué le contexte, qui est très important."

9 Monsieur Tanic, vous avez dit avoir eu une conversation animée avec

10 Milosevic lors d'une petite réception. C'est ce que vous avez dit au

11 départ. Ensuite, vous changez quelque peu parce que vous dites que vous

12 avez entendu une conversation entre Draskovic et Milosevic par le haut-

13 parleur d'un téléphone. Là, il y a quelque chose qui cloche, n'est-ce pas ?

14 R. Permettez-moi de donner autant de détails que possible pour vous aider

15 au maximum. D'abord, je vais vous rappeler que M. Milosevic n'est pas ici.

16 Ce n'est pas son procès, mais je comprends bien où vous voulez en venir.

17 Comme vous le savez, il s'agissait là d'un procès extrêmement complexe, où

18 il y a eu au cours de ma déposition des échanges extrêmement conflictuels,

19 mais j'ai décidé de dire uniquement des choses qui pouvaient être

20 corroborées par des sources indépendantes. Je l'ai dit, d'ailleurs, je l'ai

21 précisé. J'ai choisi un exemple de ce que je pouvais dire et qui pouvait

22 être confirmé par d'autres personnes, par des tiers --

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Répondez à la question.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était quoi la question ?

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, combien de fois vous

26 ai-je déjà demandé de vous concentrer sur les questions qui vous sont

27 posées et uniquement sur ces questions ? Dans le cadre de la question, on

28 vous demande d'expliquer pourquoi il y a une telle différence entre ce que

Page 6462

1 vous dites au paragraphe 108 de votre déclaration écrite et ce que vous

2 avez dit au cours de votre déposition dans l'affaire Milosevic, si

3 effectivement vous parlez de la même chose. Est-ce que vous pouvez éclairer

4 notre lanterne sur ce point ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je viens de répondre. J'ai dit que j'avais

6 décidé de parler uniquement, lors de mes dépositions, de ce qui pouvait

7 être corroboré par des tiers. Or, une conversation avec Milosevic ne

8 pouvait être corroborée par personne.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous refusez de répondre à la

10 question. Ce n'est pas vous qui avez à décider à quoi vous devez répondre

11 et de ne donner que des réponses qui peuvent être confirmées par d'autres.

12 Vous êtes là pour répondre à toutes les questions qui vous sont posées.

13 Veuillez répondre.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était quoi la question ? Est-ce que je l'ai

15 rencontré à deux reprises ? Est-ce que je n'ai eu qu'une conversation avec

16 lui ? Je peux dire ce que je veux parce que cet homme, il n'est plus parmi

17 nous. Excusez-moi --

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous pouvons décider que c'est là une

19 troisième question à vous poser, ce qui compromet votre crédibilité. Est-ce

20 que cela ne vous intéresse pas d'essayer de faire la lumière sur cette

21 question, sur cette apparente contradiction ? Si vous estimez que ce n'est

22 pas important, on va passer à autre chose, ou si on me le demande, je peux

23 vous ordonner de répondre à la question. Me O'Sullivan, cela lui convient

24 tout à fait peut-être qu'on passe à autre chose.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je pense avoir répondu

26 à la question et s'il y a encore des zones d'ombre, je suis prêt à les

27 éclairer, mais il me semble que j'ai tout à fait répondu à la question.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant de patience, s'il vous

Page 6463

1 plaît.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, Maître O'Sullivan,

4 nous estimons que M. Tanic n'a pas répondu à votre question. C'est à vous

5 de décider comment vous souhaitez poursuivre, Maître O'Sullivan.

6 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je vais poursuivre.

7 Q. Je vous ai donné lecture d'un extrait de la pièce 1D27; c'est un

8 extrait de l'interrogatoire principal mené par le Procureur. A la pièce

9 1D29 en date du 21 mai 2002, nous avons le contre-interrogatoire qui a

10 porté exactement sur ce point, à savoir la différence entre ce que vous

11 avez dit dans votre déclaration : "J'ai eu une conversation très animée

12 avec Milosevic lors d'une réception," et ce que vous dites quand vous

13 affirmez que la conversation, vous l'avez entendue entre Milosevic et

14 Draskovic par un haut-parleur. Page 5 186, on vous pose la question

15 suivante :

16 "Bien, bien, Monsieur Tanic, est-ce que vous avez connaissance de ce

17 qu'a dit Draskovic au sujet de ce dont nous parlons, justement ?"

18 Dans un quotidien de Belgrade, Blic, on dit la chose suivante :

19 "Au cours de la réunion avec Mihajlovic, il a dit que Tanic avait dit

20 n'importe quoi.

21 "Donc, c'est Draskovic qui dit que vous mentez, Monsieur Tanic ?"

22 Ce à quoi vous répondez, puis nous sommes en train de relater vos

23 propos des questions qui vous sont posées, n'est-ce pas ? Ce à quoi vous

24 répondez :

25 "Manifestement, il y a quelqu'un qui veut se laver les mains de toute

26 cette affaire."

27 N'est-il pas exact qu'on se lave les mains de tout ce que vous dites

28 parce que vous ne cessez d'inventer des tas de choses ?

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1 R. [aucune interprétation]

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Petite pause, parce qu'apparemment la

3 cabine anglaise ne vous entend pas. Il y a un problème technique et la

4 cabine anglaise n'a pas le son.

5 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Toutes nos excuses, Monsieur Tanic. Le

8 problème est maintenant résolu, mais il va falloir que malheureusement je

9 vous demande de bien vouloir reprendre votre réponse.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que j'ai à vous répondre au sujet de Vuk

11 Draskovic, c'est très clair au sujet de sa participation, et il y a

12 d'autres témoins qui peuvent le confirmer. Quant à la question de savoir

13 qui se lave les mains de quoi, c'est autre chose, pas de moi. C'est de la

14 responsabilité en rapport avec la guerre. Personne, bien entendu, en

15 Serbie, ne va abonder dans mon sens, parce que tout cela n'a pas trait

16 uniquement aux crimes commis contre les Kosovars, mais cela a trait à la

17 trahison de la Serbie.

18 Le régime de Milosevic a commis des crimes non seulement contre les

19 Albanais du Kosovo, mais aussi contre des Serbes, c'est la raison pour

20 laquelle je bénéficie d'une protection en tant que témoin. Ce que je dis,

21 cela peut être confirmé par au moins deux ou trois témoins. Quant à la

22 stratégie de Milosevic consistant à augmenter au maximum le nombre de

23 victimes pour mettre un terme aux attaques de l'OTAN, personne ne va

24 confirmer ce que je dis à ce sujet. Je suis le seul qui va l'accuser dans

25 ce sens.

26 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

27 Q. Hier, page 6 398 du compte rendu d'audience, on vous a posé la question

28 suivante, je cite :

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1 "S'agissant des paragraphes 108, 117 et 118 de votre déclaration,

2 est-ce que pendant les bombardements de l'OTAN vous avez eu une

3 conversation personnelle avec Milosevic au sujet du bombardement et au

4 sujet des bombardements de civils serbes ?"

5 Vous avez répondu :

6 "La conversation a été brève. Je ne peux pas vous donner de détails,

7 mais je me souviens qu'il a dit que nous avions besoin de victimes civiles

8 pour tout justifier. Aujourd'hui, il est mort, mais il y en avait d'autres

9 qui étaient là. C'était un secret d'Etat, et il appartient au Tribunal

10 d'établir la véracité de tous mes propos."

11 Voilà une troisième version des événements, n'est-ce pas ?

12 R. Je pense que fondamentalement, on parle de la même chose. Cela reste la

13 même chose, mais on ne peut pas entrer dans tous les détails, sinon aucun

14 programme de protection de témoins ne pourra me sauver. Je ne peux

15 condamner personne à mort en citant leurs noms. Je ne peux pas condamner ma

16 famille à mort en accusant plusieurs pays. La situation en temps de guerre,

17 vous savez, c'est très chaotique.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, revenons sur Terre. On

19 vous demande ce que vous vous souvenez des événements. On ne vous demande

20 pas ce que d'autres personnes pourraient nous dire sur ce sujet. On ne vous

21 demande pas de citer le nom de personne d'autre, personnes qui auraient été

22 présentes au moment des faits. Pour l'instant, on ne vous demande pas cela.

23 On vous demande simplement de dire précisément ce qui s'est passé.

24 Or, vous persistez à refuser de nous parler de cette contradiction

25 apparente entre les différentes explications que vous nous avez données.

26 Or, nous ne sommes pas des journalistes. Nous ne sommes pas des hommes

27 politiques. Nous sommes un Tribunal. Nous sommes des Juges et nous avons

28 besoin de faits. Si vous ne donnez pas de faits, la justice ne saura être

Page 6466

1 rendue.

2 Maître O'Sullivan.

3 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Merci.

4 Q. J'aimerais passer à autre chose.

5 R. Monsieur le Président, ma position est claire. Est-ce que je peux vous

6 aider à faire la lumière sur cette contradiction ? Il y a eu une

7 conversation téléphonique et un tête-à-tête, il y a eu les deux. Je ne suis

8 pas en mesure de corroborer ni de dire les circonstances dans lesquelles

9 tout cela s'est déroulé. S'agissant de la conversation téléphonique, je

10 peux vous dire qu'elle a eu lieu. Toutes les petites différences n'ont

11 aucune importance. Ce qui compte, c'est l'essentiel, l'essence même de

12 cette conversation. Voilà, j'essaie de faire de mon mieux pour vous aider.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan.

14 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Bien.

15 Q. On va passer à autre chose, Monsieur Tanic, en l'occurrence, au

16 paragraphe 125 de votre déclaration écrite. Je vais vous donner lecture de

17 l'avant-dernière phrase. Vous dites, je cite :

18 "Le cessez-le-feu n'a pas commencé au moment de la Pâques catholique et les

19 trois soldats américains n'ont pas été libérés. A ce moment-là, j'ai appelé

20 Milutinovic au téléphone et je lui ai demandé quelle était la raison de ce

21 retard. Il m'a dit, je cite : 'On n'a pas fini le boulot. On va le

22 proclamer, ce cessez-le-feu unilatéral, mais on a encore besoin de quelques

23 jours'."

24 Quand vous avez rencontré les représentants du bureau du Procureur le 4 et

25 le 5 novembre 2006, vous avez un peu modifié votre version des faits et

26 vous avez dit la chose suivante. Je cite :

27 "Le cessez-le-feu n'a pas commencé au moment de la Pâques catholique et les

28 trois soldats américains n'ont pas été remis en liberté. A ce moment-là,

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1 j'ai appelé Milutinovic au téléphone et je lui ai dit que Mihajlovic

2 voulait lui parler de ce retard. Il dit : 'On n'a pas terminé le boulot. On

3 va le proclamer, ce cessez-le-feu unilatéral, mais on a encore besoin de

4 deux ou trois jours.' Quand j'ai eu Mihajlovic au téléphone, Milutinovic

5 lui a répété qu'il avait besoin de temps pour finir le boulot."

6 Or, quand vous avez déposé dans l'affaire Milosevic, pièce 1D27, 15 mai

7 2002, vous avez dit que vous aviez surpris une conversation entre

8 Milutinovic et Mihajlovic. Enfin, vous aviez entendu cette conversation

9 téléphonique au moyen d'un haut-parleur, du haut-parleur d'un combiné

10 téléphonique. Hier, quatrième version, page 6 403 de notre compte rendu

11 d'audience en l'espèce, vous avez dit que Mihajlovic était dans son bureau

12 quand il a appelé Milutinovic. Vous avez dit que Mihajlovic avait utilisé

13 un téléphone spécial pour appeler Milutinovic. Milutinovic se trouvait dans

14 un poste de commandement secret. Milutinovic a déclaré qu'il y avait encore

15 des choses à terminer sur place, le travail n'était pas terminé et qu'il y

16 aurait cessez-le-feu, le cessez-le-feu aurait lieu lors de la Pâques

17 orthodoxe.

18 Vous avez parlé à quatre fois de tout cela et à chaque fois vous avez

19 donné une version différente des faits. Là, cela ne concorde absolument

20 pas, n'est-ce pas ?

21 R. Non, en l'essence, c'est exactement la même chose. C'est vrai que cela

22 peut prêter à confusion, tout cela, parce que je ne me souviens pas avec

23 beaucoup de précision de tout cela et on a mis beaucoup de temps à le

24 joindre. C'était la guerre, voyez-vous, ce qui explique la confusion qui

25 est apparue, mais j'ai corrigé la chose lorsque je me suis entretenu avec

26 le bureau du Procureur. Mais essentiellement, c'est la même chose que je

27 dis. Il a dit que le travail n'avait pas été fini. Essentiellement, c'est

28 la même chose, mais les circonstances varient quelque peu.

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1 Enfin, la description des circonstances varie quelque peu. C'est un

2 problème auquel je suis souvent confronté parce qu'il y a beaucoup de

3 choses qui se sont passées, et tout cela a un impact sur moi, cela me

4 touche beaucoup. Mais en l'essence, je ne change absolument pas ce que je

5 dis dans mes diverses déclarations. C'est simplement les circonstances, les

6 détails qui peuvent varier un petit peu. Peut-être est-ce à cause de ma

7 mémoire qui est défaillante, une mémoire qui est chargée de centaines

8 d'événements.

9 Q. En 1999, M. Mihajlovic n'était pas au gouvernement, n'est-ce pas ?

10 R. M. Mihajlovic a toujours été un des hommes politiques les plus

11 influents de Serbie, qu'il ait siégé au gouvernement ou pas.

12 Q. Monsieur, je ne suis pas en train de contester sa fonction d'homme

13 politique, je vous dis simplement qu'en 1999, M. Mihajlovic n'était pas au

14 gouvernement; c'est vrai, n'est-ce pas ?

15 R. C'est exact. Je n'ai pas dit qu'il était un homme politique, j'ai dit

16 que c'était un homme politique très influent. Maintenant, vous présentez

17 quatre ou cinq versions différentes, et il me faut bien y répondre. Enfin,

18 vous présentez votre cause de façon calme, ici dans ce prétoire. Vous

19 n'avez pas à craindre pour votre vie, et manifestement, je suis coupable du

20 fait que je ne me souviens pas de petits détails techniques. Mais pour ce

21 qui est du fondement, de la quintessence de ce que j'ai dit, il n'y a pas

22 de différence.

23 Je persiste à dire que c'était un des hommes les plus influents de

24 Serbie, qu'il soit au gouvernement ou pas. A ce moment-là, il ne l'était

25 pas, mais il avait gardé tous les contacts qu'il avait précédemment et il

26 avait placé de grands espoirs en Milutinovic.

27 Q. Savez-vous ce qui s'est passé au niveau du cessez-le-feu unilatéral

28 déclaré par les Serbes ?

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1 R. On a offert de mettre fin plus rapidement à la guerre, mais ceci ne

2 s'est pas fait sous la forme que je vous ai présentée. Il y a eu

3 augmentation des bombardements, poursuite des bombardements, et la

4 capitulation de Kumanovo s'est passée sans qu'il y ait possibilité de

5 garder le Corps de Pristina où il était.

6 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous avons la pièce 1D37, intercalaire 5.

7 Ce document a été saisi de l'internet, vous le voyez en en-tête.

8 Q. On dit qu'en 1999, vous aviez comme Pâques orthodoxe le 11 avril, la

9 Pâques catholique étant le 4.

10 M. O'SULLIVAN : [interprétation] J'aimerais ici demander oralement à ce

11 qu'il y ait constat judiciaire de ceci.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

13 M. HANNIS : [interprétation] Je n'ai pas de raison pour le moment de

14 contester cela.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

16 Il est fait droit à votre demande, Maître O'Sullivan.

17 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Examinons la pièce 1D36, et c'est

18 l'intercalaire 6.

19 Q. Déclaration conjointe du gouvernement fédéral et du gouvernement de la

20 République de Serbie, la date est celle du 6 avril 1999. Examinons, si vous

21 le voulez bien, le premier paragraphe qui dit :

22 "Dans le respect de la fête religieuse la plus importante, à partir

23 du 6 avril 1999, à 8 heures du soir, toutes les activités de l'armée et de

24 la police au Kosovo à l'encontre de l'organisation terroriste de l'UCK vont

25 cesser de façon unilatérale.

26 Vous voyez qu'ici, le 6 avril, il y a bien eu un cessez-le-feu unilatéral,

27 à l'inverse de ce que vous venez d'affirmer, n'est-ce pas ?

28 M. HANNIS : [interprétation] Objection quant à la question parce qu'on a

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1 dit que la Pâques catholique, c'était le 4. Ici, le 6, c'est deux jours

2 après.

3 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je pense que vous avez dit qu'il n'y a pas

4 eu de cessez-le-feu.

5 M. HANNIS : [interprétation] Le 4 --

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, excusez-moi. Je vous en prie. Cela,

7 c'est vraiment la fin. Je vous ai dit qu'il n'y avait pas eu de cessez-le-

8 feu sous la forme convenue, mais il y a eu une forme de cessez-le-feu.

9 Disons que cela avait été un peu fait à la hâte comme à l'accoutumée dans

10 le régime de Milosevic, mais cela ne s'était pas fait sous la forme

11 convenue.

12 Je voudrais que la Chambre me protège de ces allusions formulées par

13 la Défense, allusions immorales et illégales. Je m'excuse auprès des Juges

14 de la Chambre, auprès de toutes les personnes présentes ici, mais je ne

15 saurais tolérer que la Défense m'impute des différences. Vous savez, ici on

16 me fait dire des phrases que je n'ai jamais prononcées. C'est une

17 différence linguistique sémantique entre l'anglais et le B/C/S.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez, ne soyez pas si défensif. Ce

19 n'est pas nécessaire. Ici, on ne vous attribue rien du tout. On se contente

20 de suggérer que vous avez monté de toutes pièces ce que vous dites dans

21 votre déposition. C'est la seule chose. Ce qu'on avance ici, c'est qu'il

22 n'y a pas eu de cessez-le-feu le jour de la Pâques orthodoxe, en

23 l'occurrence le 11 avril. A l'appui de cette affirmation, un document vous

24 est présenté, et on en dit que cela a été une déclaration faite le 6 avril.

25 Monsieur Hannis.

26 M. HANNIS : [interprétation] Je vois bien ce que dit le compte rendu

27 d'audience. Ce qu'on dit ici, c'est qu'il n'y a pas eu de cessez-le-feu le

28 jour de la Pâques orthodoxe le 11, mais je pense qu'on faisait valoir du

Page 6472

1 côté de la Défense que ce cessez-le-feu n'avait pas eu lieu le jour de la

2 Pâques catholique, à savoir le 4, à l'inverse, à la différence de la Pâques

3 orthodoxe. Peut-être ai-je mal compris le conseil de la Défense ?

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi. C'est moi qui me suis

5 trompé. Vous avez tout à fait raison, Monsieur Hannis.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci dit, c'est une déclaration, rien de plus.

7 Cela n'a pas été mis en vigueur tout de suite. On a attendu un ou deux

8 jours.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela me semble être une réponse tout à

10 fait raisonnable face à la question posée. Vous essayez de vous concentrer,

11 mais je m'excuse de vous avoir induit en erreur, parce que j'ai parlé de la

12 Pâques orthodoxe plutôt que la Pâques catholique.

13 Maître O'Sullivan, M. Hannis fait valoir que ce document ne fait que

14 confirmer qu'il n'y a pas eu cessez-le-feu le jour de la Pâques catholique.

15 M. O'SULLIVAN : [interprétation] J'ai demandé à M. Tanic s'il savait s'il y

16 avait eu cessez-le-feu ou pas. Je lui ai présenté ce document à la seule

17 fin de montrer qu'il y avait une déclaration conjointe des deux instances

18 gouvernementales, mais je ne conteste pas la date.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, ma question vous est

20 adressée. Est-ce qu'il y a eu cessez-le-feu ou pas ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a pas eu cessez-le-feu le jour de la

22 Pâques catholique comme cela avait été convenu, pas plus qu'il n'y a eu

23 cessez-le-feu complet tel qu'il avait été convenu.

24 J'aimerais demander ceci. Si je n'avais pas été partie prenante à

25 tout ceci, comment est-ce que j'aurais pu être au courant de l'existence de

26 ces informations des plus confidentielles s'agissant de la fin de la

27 guerre, le jour de la Pâques catholique, si je n'avais pas participé à ces

28 négociations ? Personne d'autre ne savait ce qui se passait, alors de quoi

Page 6473

1 parlons-nous ? Permettez-moi de faire un autre commentaire à l'égard de ces

2 déclarations.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, je vous saurais gré de

4 répondre à la question. C'était celle-ci : est-ce qu'il y a eu cessez-le-

5 feu ou pas ? Peu importe la date, dites-nous s'il y a eu un cessez-le-feu à

6 un moment donné.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y a bien eu un cessez-le-feu, mais pas

8 dans les modalités convenues. Il n'y a pas eu de retrait --

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voilà, vous avez répondu à la

10 question.

11 Quelle était la différence entre ce à quoi on s'attendait et ce qui

12 s'est passé en réalité ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'étais pas sur le terrain à ce moment-là

14 pour vous le dire. J'ai reçu des informations qui semblaient dire qu'une

15 fois de plus, l'accord politique posait problème parce qu'un des éléments

16 de l'offre de paix faite par l'OTAN revenait à parvenir à un accord

17 politique. Je pense que cela a été vraiment une pomme de discorde, un objet

18 portant à litige, et c'est la raison pour laquelle l'OTAN a poursuivi son

19 intervention. Mais je dois vous dire que je n'étais pas là pour le voir et

20 je n'ai pas d'information de première main, d'information directe sur les

21 événements qui se sont produits. Je pense qu'il y a eu des problèmes

22 d'écoulant de l'aspect politique, de la dimension politique davantage que

23 la dimension militaire au Kosovo.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas la question qui vous est

25 posée. Vous avez dit qu'il y avait eu, Monsieur Tanic, un cessez-le-feu,

26 mais qu'il n'avait pas été appliqué de la manière prévue. Nous voulons

27 savoir ce qui s'est passé en réalité et où il y a une différence par

28 rapport à ce à quoi on s'attendait.

Page 6474

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce fut un cessez-le-feu partiel. Il y a eu un

2 début de repli du retrait des troupes, mais le retrait des troupes n'a pas

3 été complet. L'accord politique n'a pas été exécuté, et je pense que

4 Milosevic et ces gens auraient signé n'importe quoi, mais ne songeaient

5 jamais à l'appliquer. Si Milosevic avait exécuté tout ce qu'il a promis, il

6 aurait eu le prix Nobel pour la paix.

7 Le problème, c'est que ce fut un cessez-le-feu partiel qui n'a pas

8 été vraiment respecté et que le retrait fut partiel et qu'il n'a pas été

9 complet. Là, je m'aventure dans un terrain où je ne suis pas parfaitement

10 informé. Je ne peux pas vous dire pourquoi les combats se sont poursuivis.

11 Bien sûr, l'UCK a saisi l'occasion pour tirer parti de la situation, et

12 puisque tout ceci se passait dans les coulisses et qu'il y avait beaucoup

13 de membres de l'armée et de la police qui n'avaient jamais entendu parler

14 de cet accord de paix, ils étaient restés bouche bée parce que tout d'un

15 coup on leur disait qu'ils devaient se replier. Milosevic a manipulé aussi

16 bien l'armée que la police.

17 C'était le chaos qui régnait. Bien sûr, je ne connais pas tous les

18 détails.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan.

20 M. HANNIS : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre.

21 Je voulais simplement acter mon objection au dossier de l'audience

22 parce que nous avons un document qui n'est pas signé, qui n'a pas de sceau.

23 On voit bien qu'il y a une indication disant que c'est une télécopie qui

24 vient du YUFMFA -- c'est peut-être le ministère des Affaires étrangères

25 yougoslaves, la date étant celle du 6 avril 1999, mais je n'ai pas plus

26 d'information, d'où mon objection pour l'heure.

27 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous sommes en train de nous mettre

28 d'accord sur certains points avec l'Accusation, et je suis sûr que nous

Page 6475

1 pourrons trouver une solution. Sinon, je vous le dirai.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Lorsqu'un tel document est utilisé par

3 la Défense, nous avons pour habitude de le verser au dossier, mais ceci ne

4 prouve rien. Cela replace uniquement la déposition d'un témoin dans son

5 contexte, et cela s'est déjà passé au niveau des pièces à charge qui sont

6 des déclarations préalables qui ont été acceptées en tant que documents à

7 examiner dans leur totalité par la Chambre. Ici, la Défense, puisque vous

8 l'avez dit, est avisée du fait que vous allez peut-être contester

9 l'authenticité de ce document.

10 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan, poursuivez.

12 M. O'SULLIVAN : [interprétation] J'aimerais passer à autre chose.

13 Q. Veuillez confirmer que le parti politique de Draskovic était un parti

14 appelé le Parti du Renouveau serbe.

15 R. Est-ce que je peux répéter ma question ? Comment est-ce que j'aurais pu

16 être au courant de l'existence de cela si je n'avais pas été partie

17 prenante ? Je n'aurais pas pu lire ceci dans les journaux. Un simple rappel

18 --

19 Q. J'ai changé de sujet.

20 R. Oui. Oui, je le vois bien. Je vois bien que vous avez changé de sujet.

21 Effectivement, le Mouvement du Renouveau serbe, c'est le parti de

22 Vunka Draskovic.

23 Q. Merci. Veuillez vous remémorer l'assemblée nationale de Serbie le 23

24 mars 1999, séance qui s'est tenue ce jour-là. A l'occasion de cette séance,

25 est-ce que Vuk Draskovic a pris la parole le 23 mars 1999, à l'assemblée

26 nationale de Serbie ? Vous en souvenez-vous ?

27 R. Il faudrait que vous m'autorisiez à consulter mes notes. Est-ce que

28 cela se trouve dans les documents que vous m'avez remis ?

Page 6476

1 Q. Je vais peut-être essayer de vous rafraîchir la mémoire. Le 23 mars,

2 nous avons le compte rendu du procès Milosevic du 15 mai 2002, pièce 1D27,

3 et là vous y parlez de personnes qui ont pris la parole à l'assemblée --

4 M. HANNIS : [interprétation] Référence de la page ?

5 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Référence 4 927.

6 Q. Là, vous avez dit que M. Milutinovic s'était adressé à l'assemblée, et

7 M. Nice vous a demandé si Vuk Draskovic avait proposé une solution de

8 rechange.

9 Vous avez dit : "A ma connaissance, oui, au nom d'un groupe de

10 personnes qui avaient cherché à trouver une autre solution à l'assemblée

11 nationale, solution qui aurait dû permettre d'éviter le conflit avec le

12 pacte de l'OTAN, ce qui aurait été un acte suicidaire."

13 Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que M. Draskovic a pris la parole à

14 l'assemblée, ou pas ? Si vous ne le savez pas, dites-le, répondez

15 simplement.

16 R. Non, je vous en prie. Maître O'Sullivan, ici, allons droit au but. Bien

17 sûr, ne faisons pas de détour. Bien sûr qu'il s'est adressé à l'assemblée.

18 Q. [aucune interprétation]

19 R. Vous avez ici un document du domaine public. Si je me souviens bien, il

20 s'est adressé à l'assemblée et il a pris la parole.

21 Q. Vous étiez présent ce jour-là, ou est-ce que vous avez vu cela à la

22 télévision ? Est-ce que vous vous souvenez que M. Draskovic a pris la

23 parole ?

24 R. Vous savez, j'ai lu le procès-verbal de cette séance de travail de

25 l'assemblée en ce qui concerne Milutinovic. Je n'ai pas vraiment fait

26 attention à ce qu'a dit Draskovic parce que ce qui m'intéressait, c'était

27 ce que Milutinovic a dit, puisque Holbrooke était dehors; il attendait la

28 décision de l'assemblée derrière la porte. Vous voyez tout cela si vous

Page 6477

1 lisez le procès-verbal officiel de sa décision.

2 M. O'SULLIVAN : [interprétation] C'est la pièce 1D32, intercalaire 9,

3 document assez long. Nous avons sur support papier tant la version en

4 anglais que celle en B/C/S.

5 Q. Vous voyez la page de garde, on dit que c'est un procès-verbal abrégé

6 de la 1ère Séance de travail de la 1ère Réunion régulière de l'assemblée

7 nationale de la République de Serbie qui s'est tenue le 23 mars 1999.

8 Page suivante, contenu ou sommaire, rapport de la délégation d'Etat

9 suite aux pourparlers à Rambouillet et à Paris. Vous voyez que cette séance

10 commence avec M. Dragan Tomic qui déclare ouverte la réunion.

11 Page 60 en anglais, s'il vous plaît, 79 en B/C/S. Vous l'avez, Monsieur le

12 Témoin, 79 en B/C/S ?

13 R. Oui, oui.

14 Q. Vous voyez la liste des participants ou de ceux qui ont pris la parole.

15 On n'y voit pas le nom de Vuk Draskovic.

16 R. Oui, oui.

17 Q. Où est-ce que vous le voyez ?

18 R. Non, je ne vois pas son nom. On ne parlait pas de Draskovic, on parlait

19 de l'intervention de Milutinovic à l'assemblée.

20 Pourquoi est-ce que vous parlez de Draskovic ? Il ne se trouve pas

21 dans la liste des intervenants. Peut-être qu'il n'est pas intervenu et

22 peut-être que je me suis trompé là-dessus aussi. Quand j'ai compris que

23 cela avait capoté, je voulais savoir ce que Milutinovic allait dire, parce

24 que c'était ses paroles qui allaient déterminer si cela allait entre la

25 guerre ou la paix. Ce qui m'intéressait, ce n'était pas Draskovic.

26 Quand j'ai compris au cours de la nuit que les choses tournaient mal,

27 j'ai voulu suivre ce qui se disait à cette réunion et j'ai fait attention à

28 ce que disait Milutinovic. Je n'étais pas là pour savoir si Draskovic

Page 6478

1 allait parler. Ce qui devrait vous intéresser, c'est l'intervention de

2 Milutinovic. C'est ce dont je parle dans ma déposition.

3 Q. Il y a un moment, je vous ai demandé si Draskovic est intervenu. Vous

4 avez dit que oui. Apparemment, ici, d'après cette liste, ce n'était pas un

5 des intervenants. Vous comprenez à quoi je veux en venir ?

6 R. Monsieur, je sais et je vois à quoi vous voulez en venir. Vous voulez

7 tirer profit des trous de mémoire que je peux avoir. Je comprends

8 parfaitement. Je ne vous en veux pas, c'est de bonne guerre. Poursuivez

9 avec vos stratagèmes techniques, mais pour une fois, allez à l'essentiel.

10 Là, je suis poli en m'adressant à vous en ma qualité de témoin. Vous avez

11 parlé des accords de Pâques, et après, quand je vous ai demandé comment

12 j'aurais pu être au courant de cela, s'il n'a pas participé, vous êtes

13 passé à autre chose.

14 Effectivement, je m'excuse. Apparemment, je me suis trompé.

15 Apparemment, Draskovic n'est pas intervenu. Je me suis uniquement intéressé

16 à l'intervention de Milutinovic parce que c'était elle qui allait faire la

17 différence entre la guerre et la paix. C'est elle qui était décisive. Je

18 m'excuse auprès des Juges et auprès de vous.

19 [Le conseil de la Défense se concerte]

20 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

21 Q. Une autre question. Monsieur, savez-vous que l'accord de Rambouillet

22 n'a jamais envisagé la présence d'effectifs au Kosovo qui seraient sous le

23 drapeau des Nations Unies, mais avec un mandat émanant du Conseil de

24 sécurité des Nations Unies ? Vous êtes au courant de cela ?

25 R. Enfin, Dieu merci, je reçois une question essentielle qui porte sur la

26 substance même de ce qu'il faut être.

27 Ce n'est pas vrai. Le projet d'accord n'envisageait pas la présence

28 d'effectifs sous le drapeau de l'ONU, mais plus tard au cours de

Page 6479

1 négociations, comme cela a été confirmé par Milutinovic et d'autres, la

2 Serbie avait toujours l'attitude d'accepter la présence de soldats onusiens

3 sous le drapeau des Nations Unies.

4 Enfin, on parle de quelque chose d'essentiel. Faites preuve de

5 prudence parce qu'il y a beaucoup de témoins qui peuvent parler de la

6 substance et de la teneur même.

7 Je nie catégoriquement que dès Rambouillet et après Rambouillet, on

8 ait offert à la délégation serbe la possibilité de modifier le mandat de

9 l'OTAN qui n'était pas bon pour nous et de le placer sous les auspices du

10 Conseil de sécurité sous le drapeau de l'ONU. Cette possibilité a été

11 donnée d'une solution pacifique, ce qui a été confirmé par Milutinovic.

12 La communauté internationale voulait la présence d'hommes qui

13 assureraient le maintien de la paix sur place. Elle ne s'intéressait pas à

14 autre chose. Effectivement, je suis d'accord avec vous. Au départ, on ne

15 prévoyait pas la présence de troupes de l'OTAN. On laissait la porte

16 ouverte à l'idée du dialogue.

17 Markovic est allé à Rambouillet. Lorsqu'il y est allé, on en a ri,

18 mais lorsqu'il y a eu participation plus tard de Milutinovic, les choses se

19 sont arrangées, mais il a dû défendre les idées de Milosevic et causer la

20 guerre.

21 M. ZECEVIC : [interprétation] Il y a un problème de compte rendu

22 d'audience. Il faudrait peut-être qu'on demande au témoin de parler plus

23 lentement parce que je suppose que les interprètes ne sont pas à même de

24 suivre un débit aussi rapide que le sien. Page

25 3 624 : "La communauté internationale voulait la présence de soldats de

26 maintien de la paix sous une forme, quelle qu'elle soit, donc ils ne

27 s'intéressaient pas à une chose ou à une autre."

28 Le témoin a dit tout à fait autre chose à propos des effectifs de

Page 6480

1 l'OTAN.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'a-t-il dit ?

3 M. ZECEVIC : [interprétation] Il a dit que la communauté internationale

4 voulait la présence d'hommes chargés du maintien de la paix sur place, ils

5 avaient d'abord insisté sur l'OTAN -- je ne me souviens plus des termes

6 utilisés par le témoin parce que je m'intéressais à autre chose.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic, merci.

8 Monsieur le Témoin, veuillez répéter ce que vous avez dit. Que voulait voir

9 la communauté internationale pour ce qui est d'effectifs chargés du

10 maintien de la paix ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] La communauté internationale voulait qu'il y

12 ait des hommes chargés du maintien de la paix au Kosovo, ce qui permettrait

13 de garantir l'exécution de l'accord politique et garantirait aussi qu'il

14 n'y aurait plus de conflit. Il était possible de négocier sur la nature du

15 drapeau sous lequel ces forces seraient, est-ce que cela allait se faire

16 sous les auspices du Conseil de sécurité.

17 Cette possibilité était offerte au côté serbe pour autant qu'ils

18 fassent preuve d'un esprit de coopération. Il était même possible que le

19 Corps de Pristina reste là pour assurer cette coopération jusqu'à une

20 certaine mesure avec des effectifs de l'ONU. Je l'affirme catégoriquement,

21 je vous dis que c'est la vérité, il y a au moins une dizaine de témoins qui

22 pourraient le dire, ainsi que Milutinovic.

23 S'agissant des modifications éventuelles qui seraient en notre

24 faveur, par exemple d'avoir le Corps de Pristina sous le drapeau de l'ONU,

25 c'était à condition que les effectifs chargés du maintien de la paix soient

26 acceptés. Cela aurait été bon pour nous aussi, parce que cela aurait été

27 davantage en faveur des Serbes que des Albanais, mais Milutinovic peut le

28 confirmer. Pourtant, Milosevic a dit : non, on ne veut pas de troupes

Page 6481

1 d'effectifs. C'était son excuse.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Tanic.

3 Maître O'Sullivan.

4 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

5 Q. Je vous ai dit que l'accord de Rambouillet, le processus des

6 pourparlers de Rambouillet et de Paris n'envisageaient pas autre chose que

7 la présence de l'OTAN en RSFY, pas quelque chose qui viendrait du Conseil

8 de sécurité des Nations Unies. C'était l'OTAN, rien que l'OTAN. La Russie,

9 un membre permanent du Conseil de sécurité, n'était pas d'accord pour que

10 soit exécuté l'accord de Rambouillet parce qu'on ne parlait que de l'OTAN,

11 n'est-ce pas ?

12 R. Non. Cet avocat n'est pas qualifié, n'a pas les connaissances

13 nécessaires à l'interprétation d'accords politiques complexes. Ce n'est pas

14 exact. Je ne parlais pas maintenant des aspects techniques en ce qui

15 concerne les forces armées. Est-ce qu'on peut demander à l'avocat de ne pas

16 se mêler de politique, des hautes sphères de la politique ? La réponse est

17 non. Le projet initial de Rambouillet prévoyait la présence de l'OTAN, mais

18 au cours des négociations, il est toujours possible de changer les choses.

19 Milutinovic aurait pu dire : oui, on acceptera la présence de ces

20 troupes, mais ce sera sous le drapeau de l'ONU et sous les auspices de

21 l'ONU. Peut-être que Milutinovic aurait pu prendre cette option-là, mais

22 Milosevic lui a dit : non, on ne veut pas de troupes. Parce que pour lui,

23 c'était une possibilité de créer la guerre, surtout qu'il en avait besoin.

24 Donc, nous n'avons pas pu accepter. Si on avait accepté le drapeau de

25 l'ONU, on aurait pu être des participants aussi.

26 Pour ce qui est du reste, vous pourrez citer au moins cinq ou 10

27 témoins dignes de foi, d'un niveau bien plus élevé que Tadic ou

28 Milutinovic, et vous verrez. Ils ont tout simplement dit des mensonges à

Page 6482

1 propos de Rambouillet. Ils en avaient déjà proférés avant, mais ils ont

2 menti là aussi, Milosevic et ses associés.

3 Milosevic a rencontré Madeleine Albright bien des fois, mais on n'a

4 jamais trouvé d'option pour le déplacement des troupes sur ces territoires.

5 L'option, c'était de rester dans les bases, mais à quoi cela servait à ce

6 moment-là ?

7 Je comprends bien que Milutinovic était dans une situation difficile.

8 C'était un diplomate chevronné. Je ne pense pas que c'était là son avis à

9 lui, mais il a choisi d'obéir à Milosevic, à ses idées et à ses ordres.

10 Pour Milosevic, toute excuse était la bienvenue pour commencer une guerre

11 au Kosovo. Il a utilisé cette occasion pour mal interpréter Rambouillet et

12 pour mentir.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous n'avez pas répondu à la question

14 posée, en tout cas pas dans les sujets que vous avez abordés.

15 Maître O'Sullivan, vous en avez encore pour longtemps ?

16 M. O'SULLIVAN : [interprétation] J'ai encore quelques questions.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez vu la façon dont s'y est

18 pris M. Hannis. Je comprends l'importance que revêt ceci pour vous, mais

19 n'oubliez pas le temps consacré de façon générale à tous les contre-

20 interrogatoires.

21 Monsieur Tanic, il nous faut faire une pause. Nous allons baisser les

22 stores.

23 [Audience à huis clos]

24 (expurgé)

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26 (expurgé)

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28 (expurgé)

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1 (expurgé)

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5 (expurgé)

6 [Audience publique]

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan.

8 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Merci.

9 Q. Monsieur Tanic, avez-vous entendu parler d'un homme répondant au nom de

10 Spasoje Krunic, membre du Parti du Renouveau serbe ? Vous n'en avez jamais

11 entendu parler ?

12 R. Non. A vrai dire, il me semble avoir déjà entendu ce nom, donc oui.

13 Q. Oui, vous en avez entendu parler ?

14 R. Je pense.

15 Q. Saviez-vous qu'il était membre d'une commission comportant cinq

16 membres, qui avait été mise sur pied pour rédiger les conclusions de

17 l'assemblée de la République serbe en date du 23 mars 1999 ?

18 R. Non, ce genre de détail, cela ne m'intéressait pas.

19 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit de la

20 pièce à conviction 1D32, compte rendu de l'assemblée, page 12. C'est à la

21 page 12 que je faisais référence dans ma dernière question.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Une référence à un document rédigé

23 avant les discussions à l'assemblée ?

24 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je vous demande de vous reporter à la page

25 12 du compte rendu effectif, où le président de l'assemblée, M. Tomic,

26 suite à la présentation par le Pr Markovic, présentation du rapport de M.

27 Markovic, suite à Rambouillet à Paris, met sur pied une commission

28 comportant cinq membres dont M. Krunic, devant rédiger les conclusions

Page 6484

1 ultimes de l'assemblée serbe, s'agissant du rapport présenté par M.

2 Markovic à l'assemblée.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ce compte rendu, fait-on

4 référence au document dont on a dit qu'il a été rédigé avec l'aide de

5 Draskovic et Mihajlovic ?

6 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Les conclusions figurent tout à la fin de

7 ce document et les conclusions commencent en page 56 de la version anglaise

8 du rapport. La référence que je fais à la commission comportant cinq

9 membres et faisant référence à ces personnes commence à la page 56.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La question que je pose, c'est une

11 question assez différente. Elle a trait au témoignage du témoin faisant

12 état d'une proposition présentée par l'entremise de Draskovic. Est-ce qu'on

13 fait référence à cette proposition de quelque manière que ce soit dans les

14 discussions ?

15 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je ne pense pas.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je peux le lire moi-même, mais je

17 souhaitais simplement accélérer un petit peu les choses.

18 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Dans la même veine, ce que je vous

19 propose, c'est d'offrir le compte rendu, page 32, qui inclut les

20 interventions des 28 personnes qui sont intervenues à l'assemblée ce jour-

21 là, y compris M. Milutinovic, ainsi que les conclusions adoptées par

22 l'assemblée serbe ce jour-là. Le moment venu, je souhaiterais évoquer tant

23 les conclusions P710 rédigées par M. Draskovic et ensuite j'évoquerai ce

24 que M. Tanic a dit à propos du discours de M. Milutinovic sur la base de ce

25 qu'il a utilisé. Je propose de poursuivre et de procéder de la sorte, cela

26 me paraît être le meilleur usage du temps, 1D32 auquel je fais référence

27 dans son intégralité.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne vois pas franchement comment

Page 6485

1 vous allez pouvoir le faire à ce stade-ci. Est-ce que vous proposez que

2 l'on évoque cela le moment venu dans les arguments de l'Accusation ?

3 M. O'SULLIVAN : [interprétation] "Le moment venu", je veux dire lorsque

4 nous en arriverons à notre réquisitoire, à notre plaidoirie. Nous avons ce

5 que le témoin nous a dit à propos du discours de Milutinovic, et je

6 demanderais le versement au dossier de ce discours dans le contexte de ce

7 que je vous ai dit.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'imagine que cela ne peut se faire

9 que dans le contexte des arguments présentés par l'Accusation ou alors en

10 le stipulant par le truchement de ce que le témoin nous a vraiment dit.

11 M. O'SULLIVAN : [aucune interprétation]

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela figure dans le compte rendu de la

13 réunion. J'imagine que le témoin n'est pas à même de le dire. Oui, je ne

14 veux pas rendre les choses plus difficiles qu'elles le sont.

15 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, il y a de fortes

16 chances que ce genre de chose puisse intervenir.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous prenons bonne note de ce qui a

18 été dit.

19 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

20 Q. Monsieur, la semaine dernière, vous avez indiqué qu'une personne des

21 services secrets britanniques était présente au cours des entretiens avec

22 le bureau du Procureur et vous nous avez dit que vous avez le droit de

23 confirmer l'identité des personnes au Tribunal de La Haye et votre propre

24 identité parce que vous ne vous étiez pas rencontrés au préalable. Est-ce

25 que vous vous souvenez avoir dit cela ? Est-ce que je viens de résumer de

26 façon juste ?

27 R. Non, comme d'habitude. J'ai dit que cette personne était présente pour

28 vérifier mon identité ainsi que l'identité du représentant du Tribunal de

Page 6486

1 La Haye puisque nous ne nous étions pas vus avant cela. Nous ne nous étions

2 jamais rencontrés. Il a dit simplement : "Oui, il s'agit de Ratomir Tanic."

3 Il n'était pas là tout le temps. Il n'était là qu'au début, au moment où

4 les identités ont été confirmées. Puis, ensuite, cette personne s'est

5 retirée, puis elle n'a plus participé à nos entretiens. Mais il y a quelque

6 chose que je souhaitais corriger au compte rendu, lorsque je disais que

7 Milutinovic offrait une base pour les troupes sans qu'elles puissent se

8 déplacer, mais peut-être pourra-t-on vérifier cela sur base de

9 l'enregistrement audio. Toutes mes excuses.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, vous écoutez accusé et

11 conseil de la Défense sans aucun fondement. Cela commence à devenir un

12 petit peu pénible. Vous avez confirmé que ce que M. O'Sullivan disait

13 n'était pas 100 % précis. Vous avez indiqué : "Non, comme d'habitude." Là,

14 je vous inviterais à être beaucoup plus prudent dans votre façon de

15 répondre à des questions parfaitement raisonnables posées par le conseil de

16 la Défense.

17 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

18 Q. Lorsque vous avez déposé dans l'affaire Milosevic, 1D27, pièce à

19 conviction 1D27, le 15 mai 2002, pages 5 029 à 5 030, vous avez donné des

20 détails un peu plus précis quant à la présence de représentants des

21 services secrets britanniques. Je vais à nouveau résumer ce que vous nous

22 avez dit. Vous avez dit qu'ils étaient là pour apporter la sécurité parce

23 qu'ils s'étaient rendu compte que vous étiez victimes de torture et peut-

24 être même de tentative de meurtre, vous ainsi que votre femme. Vous

25 souvenez-vous avoir dit cela, et est-ce que je viens de résumer de façon

26 juste ce que vous avez dit ?

27 R. Oui, c'était là une raison supplémentaire. Il y en avait plusieurs, et

28 cela vient s'ajouter.

Page 6487

1 Q. Il me semble que vous l'avez dit il y a quelques instants, et M. Hannis

2 vous a posé la question. L'agent des services secrets britanniques était

3 présent au cours de la première, peut-être de la deuxième séance

4 d'entretien avec le bureau du Procureur; cela est-il exact ?

5 R. Oui. Je peux décrire cette personne. Il était là, mais dans une autre

6 pièce.

7 Q. Monsieur Tanic, il y a un problème --

8 R. Il y a un problème d'interprétation une fois de plus.

9 Je n'ai pas dit que je ne pouvais pas décrire cette personne, j'ai dit que

10 je pouvais décrire les circonstances.

11 Q. Très bien. J'ai une base pour ma question suivante, mais vous voyez,

12 votre façon de narrer les événements pose un problème. Vous avez dit qu'au

13 cours de votre premier entretien avec le bureau du Procureur le 21 juin et

14 le 27 juillet 1999 [comme interprété], et l'on voit en page couverture de

15 votre déclaration écrite où sont indiquées les deux premières dates de vos

16 entretiens que je viens de vous citer. Or, le problème est le suivant. Vous

17 prétendez avoir été enlevé en octobre 1999, et il aurait été impossible au

18 service secret britannique de veiller à votre sécurité en raison

19 d'enlèvement et de torture.

20 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je crois qu'il y a une

21 grande confusion qui règne ici, parce que si vous regardez la page 5 029,

22 au bas de la page 5 029, il est dit :

23 "Le témoin ne dépose pas sur des événements politiques, mais sur la

24 séquence d'événements que l'on essaie d'établir et fournir protection pour

25 moi. J'imagine que parce qu'avec les vérifications qu'ils ont faites, ils

26 se sont rendu compte que j'avais été victime de torture et peut-être même

27 de tentative de meurtre."

28 Il fait référence à l'époque où il témoignait à propos de la présence d'un

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1 agent des services secrets ou de renseignements britanniques. Il n'a pas

2 prétendu avoir été protégé en juin et juillet 1999 en raison tout cela, il

3 dit que c'est au moment où il témoignait ou déposait qu'il était tombé sous

4 le coup d'une protection.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan.

6 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

7 Q. Monsieur, vous reconnaissez avoir dit à ce Tribunal au cours du procès

8 Milosevic que vous aviez été enlevé dans la rue en octobre 1999. C'est ce

9 que vous avez dit à la Chambre durant le procès Milosevic, n'est-ce pas ?

10 R. Oui. Oui, c'est exact. Je suis d'accord, en juin et juillet, je n'avais

11 pas été victime d'enlèvement, mais une personne des services secrets

12 britanniques était là pour plusieurs raisons, d'abord pour vérifier mon

13 identité et ensuite à des réunions qui avaient trait à la protection.

14 Ensuite, mes réunions, mes entretiens avec le bureau du Procureur en juin

15 et juillet étaient courtois par nature, et nous avons discuté de choses,

16 mais ma vraie déclaration, je l'ai faite en 2000.

17 En juin et juillet 1999, à Bruxelles, nous avons discuté des mêmes choses,

18 ces choses de la même manière, mais d'une manière générale, s'agissant de

19 l'échange d'opinions et des précisions à apporter sur certains problèmes.

20 Mais ma déclaration officielle à l'équipe d'enquêteurs du Tribunal a

21 commencé au début de 2000, après que ma femme et moi-même avions été

22 enlevés.

23 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Il y a là quelque chose qui pourrait être

24 contesté. Nous apporterons des arguments plus tard. Ici, s'agissant de la

25 déposition du témoin, 1D27, 15 mai 2002, affaire Milosevic, voilà à quoi je

26 fais référence et je m'en tiendrai là.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître O'Sullivan.

28 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

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1 Q. Lorsque vous avez témoigné dans l'affaire Milosevic, encore une fois il

2 s'agit du 15 mai 2002, 1D27, page 4 949 [comme interprété], vous dites

3 avoir été enlevé dans la rue, frappé, asphyxié, et vous dites que votre

4 femme n'a pas été droguée, mais qu'elle a été passée à tabac. Vous vous

5 souvenez avoir dit cela ?

6 R. Oui. Tout ce qu'elle a reçu, ce sont des calmants par voie

7 intraveineuse. Lorsqu'on a été enlevés, nous avons reçu des piqûres. Ils

8 n'ont pas reçu de piqûres pendant la torture. C'étaient des vitamines.

9 Pendant la torture, on ne lui a pas fait d'injections, mais elle a reçu des

10 calmants par voie intraveineuse pendant l'enlèvement. Le reste est précis;

11 c'est exact.

12 Q. Est-ce que vous avez vu qu'on lui a injecté des calmants de quelque

13 sorte que ce soit pendant que vous étiez tous les deux détenus ? Est-ce que

14 vous avez vu qu'on lui a fait cela ?

15 R. Nous étions détenus dans des pièces séparées. Elle m'a dit plus tard

16 qu'on ne lui avait pas fait d'injections au cours de la torture et du

17 passage à tabac. Je sais que je les ai reçues. Je sais que c'étaient des

18 vitamines très puissantes visant à me remettre en forme. Je sais qu'elles

19 étaient efficaces parce que j'avais été passé à tabac très sérieusement,

20 mais nous étions détenus dans des pièces séparées, voyez-vous, dans une

21 prison privée, pas une prison classique. Ceci, vous en trouverez la

22 confirmation dans un ouvrage, dans un livre rédigé par un haut responsable

23 des services de Sécurité indiquant que les unités de la JSO nous avaient

24 kidnappés, et ceci n'est pas contesté par personne; je ne fais pas partie

25 des services de Sécurité.

26 L'INTERPRÈTE : Oui, services de Sûreté de l'Etat.

27 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

28 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

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1 Q. En résumé, vous avez été conduits dans ce que vous appelez une prison

2 privée, au même endroit, mais dans des pièces différentes. Est-ce que c'est

3 exact comme description des faits ?

4 R. Oui, Monsieur O'Sullivan.

5 Q. Oui, mais en page 4 981, vous dites :

6 "Nous avons été kidnappés, drogués et conduits dans deux prisons

7 différentes où nous avons chacun passé deux jours, ma femme et moi-même."

8 Il s'agit de la page 4 981 du compte rendu d'audience de l'affaire

9 Milosevic.

10 Est-ce que c'est là une fois de plus un élément de preuve monté de

11 toutes pièces, Monsieur Tanic ?

12 R. Mon Dieu, vous êtes une personne impossible. Nous avons été kidnappés

13 tous les deux. Oui, bien sûr, moi d'abord et, une heure et demie plus tard,

14 elle. Nous avons été menés dans des prisons différentes, mais vous ergotez.

15 J'ai dit deux prisons différentes, mais je ne pouvais pas le savoir parce

16 que j'avais une cagoule, j'étais frappé, passé à tabac. Comment voulez-vous

17 que je sache exactement à quel endroit était ma femme, à ce moment-là ? Je

18 vous en conjure, ne me dites pas que je monte des éléments de preuve de

19 toutes pièces. Vous avez eu des déclarations du numéro 2 des services de

20 Sûreté de l'Etat qui ont indiqué des circonstances assez différentes.

21 Ils ont dit que c'étaient les agents de la JSO, les mêmes qui avaient

22 essayé de s'occuper de Draskovic, qui avaient tué Ivan Stanovic. N'essayez

23 pas de jouer avec le destin des gens et cessez de dire "monter de toutes

24 pièces".

25 C'est quoi, cela, comme question, Monsieur O'Sullivan ? J'aimerais

26 bien vous voir dans ce genre de situation. J'aurais bien aimé vous voir

27 réagir et j'aurais bien aimé vous voir après, lorsqu'on vous dit que vous

28 montez cela de toutes pièces. De toute façon, un des plus hauts

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1 fonctionnaires l'a confirmé. Bien sûr que c'est vrai, comme tout ce que

2 j'ai dit d'autre dans ma déposition. Je ne sais pas où était ma femme

3 exactement. Elle était peut-être dans la pièce d'à côté, peut-être qu'elle

4 était dans une autre prison. Comment voulez-vous que je sache alors qu'on

5 était en train de m'asphyxier, qu'on était en train de me passer à tabac et

6 qu'on était en train de me forcer à reconnaître que j'avais fomenté un coup

7 d'Etat contre différents officiels ? Comment voulez-vous que je vous le

8 dise ? Est-ce que vous avez déjà été passé à tabac à telle enseigne que

9 vous en sentez encore les conséquences à l'heure actuelle ?

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Autre question, Maître

11 O'Sullivan.

12 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

13 Q. Oui, la question suivante, page 4 981 [comme interprété] du compte

14 rendu d'audience de l'affaire Milosevic, vous dites que les gens qui vous

15 ont enlevés, qui vous ont conduits ailleurs et qui vous ont ensuite

16 torturés étaient des personnes qui voulaient que vous établissiez le lien

17 entre eux et les services de Renseignements britanniques de manière à

18 pouvoir déposer M. Milosevic; est-ce exact ?

19 R. Oui. Après la torture, ils ont joué à ce petit jeu. S'ils ne pouvaient

20 pas obtenir ce qu'ils voulaient en me frappant, alors ils essayaient de

21 jouer avec mes sentiments. Ils disaient qu'ils voulaient un lien avec les

22 services de Renseignements britanniques, qu'ils souhaitaient qu'un coup

23 d'Etat soit mené contre Milosevic. C'était une façon un petit peu presque

24 ludique de faire les choses, parce qu'à Belgrade, on disait qu'il fallait

25 un coup d'Etat pour sauver le pays. Il y avait des réflexions qui étaient

26 menées dans ce sens-là, mais aucune action n'avait été menée. C'était une

27 façon un peu ludique de faire les choses, un peu coquine, mais j'ai vu

28 qu'il y avait différentes façons de faire les choses au cours du

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1 gouvernement Djindjic, mais cela ne doit pas faire l'objet de ce dont

2 s'occupe le Tribunal.

3 Après, n'ayant pas obtenu les preuves de moi, après le coup d'Etat

4 contre Perisic et Mihajlovic et d'autres qui étaient associés à la vie

5 politique de Serbie, après, ils ont changé leur fusil d'épaule. Ils ont

6 essayé de se montrer un peu joueurs avec moi en disant qu'ils voulaient

7 entrer en contact avec les services secrets britanniques. Ils souhaitaient

8 que je les y aide. C'était un test, je crois, pour voir si j'étais capable

9 d'accepter ce genre de pression. Ce sont des techniques utilisées par les

10 services de Renseignements, mais c'est quelque chose dont vous n'y

11 connaissez strictement rien, vous, Monsieur O'Sullivan, à cela.

12 Ils ont commencé par me frapper, après ils ont commencé à s'amuser un

13 petit peu avec moi.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan.

15 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

16 Q. Je fais référence à votre déclaration écrite, paragraphe 98 je ne vais

17 pas vous le lire. Monsieur, là, vous y racontez votre enlèvement, mais vous

18 ne faites nullement référence à votre femme, n'est-ce pas ? Paragraphe 98.

19 R. Monsieur O'Sullivan, vous devriez avoir honte. Je ne veux pas encore

20 susciter un drame. Je ne veux pas sortir les violons, mais j'étais très

21 laconique quant à la description de cet enlèvement. Ma femme est devenue

22 grise du jour au lendemain après ces événements.

23 Zoran Mijatovic, qui était le haut responsable des services de

24 Renseignements, a préparé son livre. Il était vice-président des services

25 de Sûreté d'Etat sous le nouveau gouvernement. Il a confirmé que ma femme

26 et moi-même avions été enlevés, que c'étaient les unités d'opérations

27 spéciales JSO qui s'en étaient chargées, qu'ils avaient commencé à remettre

28 les morceaux du puzzle à leur place. Ils ont dit que les membres du JSO

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1 étaient ceux qui avaient assassiné Curuvija et Stambolic, qui avaient

2 essayé de tuer Vuk Draskovic, et cet assassinat, c'était un ou deux jours

3 après mon enlèvement et c'est quelque chose qui a contribué au fait que

4 l'on ait pu quitter la prison. Mais, bien entendu, tout cela --

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur le Témoin, veuillez vous

6 concentrer. Vous avez répondu au début de votre réponse à cette question.

7 Maintenant, Maître O'Sullivan.

8 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

9 Q. Dans votre déposition au cours du procès Milosevic, vous avez dit que

10 vous avez été kidnappé par ceux qui souhaitaient renverser Milosevic. Mais

11 il est vrai qu'au cours de votre déposition, vous avez également indiqué

12 que c'était Milosevic qui était responsable de votre enlèvement et du fait

13 que vous ayez été torturé; est-ce exact ?

14 R. Oui, c'est exact. Ils souhaitaient renverser Milosevic. C'est ce qu'ils

15 disaient, mais c'était un truc qu'ils utilisaient. Ils essayaient de me

16 tromper. S'ils n'y arrivaient pas en me passant à tabac, je vous le disais,

17 ils essayaient en jouant un petit peu, en trichant, en quelque sorte. Ils

18 ne voulaient pas renverser Milosevic. J'ai accusé Milosevic parce que cette

19 unité était sous les ordres de Milosevic, il y a différentes sources qui

20 peuvent en témoigner. Rade Markovic, chef des services de Sûreté à l'époque

21 où j'ai été enlevé, a également confirmé cela. J'ai été kidnappé, moi, et

22 ma femme. Je tiens à revenir sur cela une fois de plus.

23 Q. Vous avez évoqué à plusieurs reprises un livre dont Mijatovic est

24 l'auteur. Il a été écrit en 2004, ce livre, n'est-ce pas ?

25 R. C'est ce qu'on peut lire en page couverture, mais il a été préparé

26 lorsqu'il était pour la deuxième fois vice-chef des services de Sécurité.

27 Mais restons-en là, parce que j'ai dit que l'information figurait dans le

28 livre.

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1 Q. Vous pouvez confirmer que la date de publication du livre est 2004;

2 c'est exact ? Répondez par oui ou par non.

3 R. Oui.

4 Q. Deux ans après que vous aviez déposé dans l'affaire Milosevic

5 publiquement; c'est exact ?

6 R. Oui.

7 Q. Revenons au service secret britannique. Vous avez reçu une aide

8 financière de la part des services secrets britanniques, n'est-ce pas ?

9 R. Oui. Sept ans après que nous avions fait connaissance, six ou sept ans

10 après le premier contact, j'ai reçu un soutien financier de la part des

11 services de Renseignements britanniques, mais je ne peux pas décrire cela

12 parce que je n'ai pas été autorisé à mentionner cela.

13 Q. Combien les services britanniques vous ont donné ? Combien d'argent ?

14 R. Non, pas les britanniques. Les représentants des services de

15 Renseignements britanniques, SAS, non pas les Britanniques. Il ne faut pas

16 parler de Serbes ou de Britanniques, ici. Le montant total s'élevait

17 approximativement à -- mais je crois l'avoir déjà dit dans ma déposition

18 dans l'affaire Milosevic, vous pouvez vous y reporter.

19 Je crois que c'était 10 000 marks allemands, à peu près 5 000 euros

20 pour les dépenses liées à la préparation de différentes informations devant

21 être utilisées dans le livre. Je n'aurais pas pu financer cela de ma propre

22 poche.

23 C'était en 1999. C'était la première fois que j'ai reçu de l'argent

24 de la part des services de Renseignements britanniques, mais nous avons eu

25 des contacts à partir de 1992. Nous n'avons pas agi contre les intérêts de

26 la Serbie; nous avons agi contre le régime de Milosevic.

27 Q. Vous nous parlez de 5 000 euros; comment vous ont-ils été versés, ces 5

28 000 euros ?

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1 R. Directement. Cela fait à peu près 5 000 euros. Vous pouvez retrouver

2 cela au compte rendu d'audience, M. Nice m'a interrogé sur ce point.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Contentez-vous de répondre aux

4 questions. Comment cet argent vous a-t-il été remis ? Est-ce que cela a été

5 en numéraire, sous forme de chèque ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] En espèces.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Vous voyez, c'est facile si

8 vous vous concentrez.

9 Maître O'Sullivan.

10 M. O'SULLIVAN : [interprétation]

11 Q. Vous ne disposez d'aucun reçu. C'est ce que vous dites ?

12 R. Bien entendu qu'il n'y a pas de reçu.

13 Q. On vous a remis 5 000 euros, c'est ce que vous dites.

14 R. Je crois que le montant --

15 Q. Excusez-moi, on vous a remis 10 000 deutsche marks.

16 R. C'est exact.

17 Q. Cet argent, il était dans un sac, une enveloppe ? On vous l'a remis en

18 main personnellement et en une seule fois ? C'est cela, n'est-ce pas ?

19 R. Non, deux fois. Cela ne fait pas beaucoup d'argent, donc il n'y a pas

20 besoin d'avoir un sac. D'abord, on me l'a remis en deux fois.

21 Q. Est-ce que les Britanniques vous ont donné de l'argent à d'autres

22 occasions ?

23 R. Après ma fuite vers la Hongrie, six mois après, on m'a donné encore de

24 l'argent, mais moins. Bien entendu, je ne pouvais pas travailler en

25 Hongrie, je ne pouvais pas trouver d'emploi. Au début, je ne pouvais pas

26 travailler aux Pays-Bas, donc j'ai reçu un petit peu d'argent pour acheter

27 à manger.

28 Q. Cela fait combien ? Cela faisait combien ?

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1 R. Je ne m'en souviens pas.

2 Q. Est-ce que si je vous disais que cela faisait à peu près

3 4 000 à 6 000 deutsche marks, ce serait à peu près cela ?

4 R. Il faudrait relire le compte rendu d'audience de l'affaire Milosevic.

5 C'est possible.

6 Q. Après votre départ de la Yougoslavie en automne 1999, vous avez été

7 accueilli par le gouvernement hongrois et des services de Renseignements

8 occidentaux, n'est-ce pas ? Ce sont eux qui vous ont réceptionné ?

9 R. Oui. Auparavant, ils ont fait des vérifications. Ils ont vérifié que

10 j'avais véritablement été enlevé avec mon épouse et que tout s'était passé

11 comme je l'avais dit. On a estimé qu'il y avait eu tentative de meurtre

12 contre moi, et c'est la raison pour laquelle le gouvernement hongrois ainsi

13 que les services de Renseignements occidentaux ont décidé de m'accueillir

14 après avoir vérifié le niveau objectif de risques que je courais moi-même,

15 et ma femme.

16 Q. J'en arrive maintenant, Monsieur, au dernier thème que je souhaite

17 aborder avec vous. Un thème différent.

18 Pièce 1D28, compte rendu d'audience de votre déposition dans l'affaire

19 Milosevic dont je vais vous donner lecture, réponse à une question posée

20 par le Juge Kwon, vous dites, je cite : "Je suis tout à fait prêt à

21 préciser la chose. L'accusé, M. Milosevic, a tout nié, à commencer par mon

22 existence et pour finir par mon rôle. Moi, ce que je dis, c'est qu'au cours

23 de ma déposition devant ce Tribunal, je ne vais faire état que de choses

24 qui puissent être corroborées par deux ou trois sources indépendantes."

25 Autre passage, 1D27, 15 mai 2002, page 5 025, lignes 12 à 18. Vous

26 dites, je cite : "Je peux toujours prouver tous mes contacts à partir d'au

27 moins deux ou trois sources indépendantes."

28 Permettez-moi de lire encore un passage très bref avant de poser ma

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1 question.

2 Le dernier passage que je souhaiterais vous lire vient de la pièce

3 1D28, 16 mai 2002, compte rendu d'audience dans l'affaire Milosevic de

4 votre déposition, page 5 092. On vous pose la question suivante, je cite :

5 "Question : Vous dites que vous m'avez rencontré au Club des députés

6 en secret.

7 "Réponse : Non, je n'ai pas dit cela. Je n'ai pas dit que c'était en

8 secret. Je crois que vous êtes allé une fois au Club des députés, mais j'ai

9 passé sous silence tout ce que je n'étais pas en mesure de corroborer à

10 partir de sources autonomes indépendantes, donc il ne faut pas en tenir

11 compte."

12 On voit ici que vous retirez les parties de votre déclaration qui ne

13 pouvaient pas être confirmées par deux ou trois sources indépendantes; est-

14 ce bien le cas ?

15 R. C'est exact. Je sais que le Tribunal n'est pas très satisfait de cette

16 prise de position de ma part, mais je parle de politique, je parle de

17 renseignements, parce que c'est là-dedans que j'étais actif, et nous, quand

18 on intervient de la sorte, quand on fait des observations, il faut toujours

19 que ce soit corroboré par des sources indépendantes. C'est une habitude que

20 j'ai.

21 Je sais que la Chambre de première instance n'est pas satisfaite de

22 cette façon de faire. C'était la même chose avec la précédente Chambre de

23 première instance, mais j'ai retiré dans ma déposition contre Milosevic

24 tout ce qui ne pouvait pas être corroboré par deux ou trois sources

25 indépendantes. Lui, il a fait de son procès un véritable cirque, et je ne

26 voulais pas en remettre encore. Je ne voulais pas que la situation soit

27 encore aggravée ni pour la Chambre, ni pour l'Accusation.

28 Q. N'est-il pas exact que dans le communiqué de presse de Nouvelle

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1 démocratie, Dusan Mihajlovic ou Draskovic disent que votre déposition est

2 un tissu de rumeurs et de contrevérités ?

3 R. Non. Non, parce que quand je parle de "vérification" par deux ou trois

4 sources, je ne parle pas d'articles de presse.

5 Si vous souhaitez vérifier la chose, il faut les appeler eux et

6 vérifier une information, donner des éléments qui permettent de la

7 vérifier, cela ne se limite pas à lire les journaux, ni dans le cadre d'une

8 procédure judiciaire, ni dans le cadre d'un travail de renseignements, ni

9 dans la vie normale.

10 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je n'ai plus de questions. Je souhaite

11 demander le versement au dossier de la totalité de la déposition du témoin

12 dans l'affaire Milosevic, pièces 1D26, 1D27, 1D28, 1D29. Je ne demande pas

13 le versement au dossier en raison de la véracité des propos qui y sont

14 tenus, mais pour que la Chambre puisse voir comment s'est déroulée la

15 déposition du témoin dans Milosevic, qui l'a contre-interrogé, qui a remis

16 en question sa crédibilité, notamment s'agissant des déclarations faites

17 par le témoin au sujet de ses rencontres avec M. Milosevic. Il y a

18 également des contestations de ces propos venant de tiers en Serbie ou

19 d'autres institutions. J'estime qu'il est bon que les Juges de la Chambre

20 puissent évaluer la déposition du témoin à la lumière de son contre-

21 interrogatoire et de la totalité de sa déposition dans l'affaire Milosevic.

22 De même, cette déposition nous a permis nous-mêmes de préparer notre

23 contre-interrogatoire du témoin.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître O'Sullivan.

25 Maître Hannis, observations, puisque certains passages n'ont pas été

26 utilisés pendant le contre-interrogatoire.

27 M. HANNIS : [interprétation] Je vous encourage à verser au dossier la

28 totalité du document, parce que je pense que si on retire de leur contexte

Page 6500

1 les brefs passages dont il a été donné lecture, vous n'aurez pas une idée

2 de la totalité du contexte, donc je ne m'oppose pas à l'admission de cette

3 pièce, et vous pourrez y accorder le poids que vous souhaiterez y accorder.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan, j'imagine que cette

5 pièce n'existe pas avec une seule cote, parce que j'aurais eu tendance à

6 insister pour que ce soit le cas.

7 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Le document en question a été saisi dans

8 le système e-court.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans sa totalité ?

10 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Oui, les quatre jours dans leur totalité.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avec quelle cote ? Sous la cote 1D27 ?

12 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Non, 1D26, 27, 28, 29.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.

14 [La Chambre de première instance se concerte]

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons accepter le versement de

16 la déposition du témoin dans l'affaire Milosevic, mais dans ces conditions,

17 il sera possible que les Juges souhaitent interroger eux-mêmes le témoin.

18 De toute façon, c'est toujours une possibilité qui existe, mais il est peu

19 probable que cela se déroule dans les jours qui viennent.

20 M. HANNIS : [interprétation] Si vous estimez nécessaire de faire revenir le

21 témoin à une date ultérieure, il faudra avoir l'amabilité de nous prévenir

22 suffisamment à l'avance, parce que pour organiser son déplacement, ce n'est

23 pas chose aisée.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Nous avons bien entendu,

25 Monsieur Hannis.

26 Maître Fila, avant de vous laisser commencer, j'imagine qu'au cours de

27 votre contre-interrogatoire, on risque de se lancer dans des échanges

28 extrêmement rapides, extrêmement animés qui risquent d'entraîner des

Page 6501

1 difficultés en matière d'interprétation puisque tous les deux vous parlez

2 la même langue. A côté de ce que vous êtes, Maître Fila, de votre façon de

3 faire, puisque vous avez souvent tendance à vous lancer dans des

4 discussions avec les témoins au lieu de vous concentrer sur des questions

5 bien précises. Je ne veux nullement vous limiter, vous empêcher d'être qui

6 vous êtes, parce que cela peut être utile aussi cette manière de procéder,

7 mais il faudrait que vous essayiez de vous concentrer sur l'essentiel et

8 d'inviter le témoin lui aussi à parler des questions qui vous intéressent

9 au plus haut point.

10 Contre-interrogatoire par M. Fila :

11 Q. [interprétation] Bien, on va s'essayer de se mettre d'accord, Monsieur

12 Tanic. On va essayer de se mettre d'accord pour ne pas parler trop vite.

13 R. Tout à fait, Maître Fila.

14 Q. En premier lieu, je n'ai nullement l'intention de vous insulter, et ce

15 n'était pas mon intention hier. Peut-être m'avez-vous mal compris. J'étais

16 juste simplement en train de citer Mihajlovic.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Autre chose, Maître Fila, avant de

18 vous laisser continuer, un peu à l'image des concertistes en mal

19 d'expérience qui ont besoin de quelqu'un pour tourner les pages de la

20 partition. Il serait bon que quelqu'un s'occupe de votre micro, parce que

21 j'ai l'impression que vous risquez de connaître quelques petits problèmes

22 techniques justement avec votre micro. Ce serait bon d'y penser.

23 M. FILA : [interprétation] Tout à fait.

24 Q. Au risque de paraître incompétent, j'aimerais vous poser quelques

25 questions au sujet de Rambouillet. Vous conviendrez avec moi que les

26 négociations de Rambouillet portaient sur le Kosovo, et non pas sur les

27 troupes, sur les unités armées.

28 R. Cela portait sur les deux.

Page 6502

1 Q. Bon, on ne va pas se lancer dans une discussion sémantique, ici.

2 Saviez-vous que la délégation serbe s'est prononcée sur son désir ou sur le

3 fait qu'elle était prête à accepter la présence de troupes étrangères pour

4 que l'accord de Rambouillet puisse être conclu ?

5 R. A un certain point, cela a été mentionné, mais ensuite on a retiré tout

6 cela. Vous savez comment cela s'est passé.

7 Q. C'est la raison pour laquelle j'ai dit qu'on pouvait simplement aborder

8 la question en passant. Est-ce que vous savez que la communauté

9 internationale, pour déterminer la situation et la position, la situation

10 au Kosovo, avait décidé d'imposer un accord dont l'obligation était

11 d'accepter les résultats du référendum sur l'avenir du Kosovo qui devait

12 avoir lieu plus tard ?

13 R. Oui. Je sais qu'il y avait une date butoir de trois ans qui pouvait

14 être repoussée.

15 Q. Oui, je vois que vous savez de quoi je parle, trois ans. Est-ce que

16 vous reconnaissez que la Serbie ne pouvait accepter cette condition et ces

17 résultats du référendum ni à l'époque, ni maintenant ?

18 R. Non, il y avait un jeu politique qui était en cours, des moyens pour se

19 protéger pendant cette situation.

20 Q. Si le référendum avait été conservé dans les dispositions, cela aurait

21 été inacceptable, mais si cela avait été fait comme vous le demandiez,

22 oui ?

23 R. A ce moment-là, on en vient à la question du sujet du référendum, sur

24 quoi devait porter ce fameux référendum.

25 Q. Pouvez-vous répéter votre réponse affirmative ?

26 R. Il faudrait demander aux interprètes d'ajouter un "oui" à la réponse.

27 Q. [hors micro]

28 L'INTERPRÈTE : Question de Me Fila inaudible pour cause de microphone non

Page 6503

1 allumé.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez reformuler ou répéter votre

3 question, Maître Fila.

4 M. FILA : [interprétation]

5 Q. Est-ce que cela signifie que la Serbie était censée accepter la

6 sécession, si on avait accepté le référendum et si ce référendum s'était

7 prononcé ou était allé dans le sens d'une sécession ?

8 R. La situation était fort complexe, mais la guerre l'a rendue encore plus

9 complexe. Je vois que vous êtes un expert en la matière. Cela me fait

10 plaisir.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela ne marche pas avec le micro. Le

12 micro ne cesse de s'éteindre. Il faut quand même procéder correctement,

13 donc il faut que votre assistant ait conscience du fait que le micro doit

14 être allumé au moment opportun. C'est essentiel.

15 M. PETROVIC : [interprétation] Toutes mes excuses, Monsieur le Président,

16 mais je souhaiterais intervenir au sujet du compte rendu d'audience, page

17 60, ligne 11. On a l'impression que c'est une question qui a été posée

18 alors qu'en fait, c'est une réponse.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous voulez dire la phrase : "Est-ce

20 que vous pouvez répéter ce 'oui' ?"

21 M. PETROVIC : [interprétation] Non. En fait, c'est parfait.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

23 M. FILA : [interprétation]

24 Q. Saviez-vous que Mme Madeleine Albright, en face de toute notre

25 délégation, en parlant à trois négociateurs et à toute la délégation

26 américaine, savez-vous qu'elle a dit que seule l'OTAN pouvait être

27 envisagée, seule l'OTAN pouvait éventuellement entrer en Yougoslavie ?

28 R. Je ne sais pas. Cela, je ne sais pas. Cela ne veut rien dire. Vous

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1 savez, quand il y a négociations, il y a toujours pression. On essaie

2 d'utiliser toutes les manœuvres possibles. On fait un pas en avant, un pas

3 en arrière. Vous voyez, vous savez comment se passe. D'autre part, il y

4 avait eu des négociations avant Rambouillet. J'ai toujours pensé que

5 Rambouillet, c'était arrivé beaucoup trop tard, qu'on aurait dû signer un

6 accord avec les Albanais avant Rambouillet. Rambouillet, c'était vraiment

7 les négociations de la dernière chance, il faut le comprendre, alors qu'il

8 y avait eu des négociations avant. On aurait pu mettre en place

9 l'arrangement ou l'accord Holbrooke, et à ce moment-là, Rambouillet aurait

10 été inutile parce que Rambouillet, c'était très difficile.

11 Q. Savez-vous que le 24 mars 1999 - vous n'étiez pas en Yougoslavie à ce

12 moment-là - Holbrooke a amené un bout de papier sur lequel il y avait une

13 offre qui était à prendre ou à laisser, qui ne pouvait faire l'objet

14 d'aucune négociation ?

15 R. Holbrooke n'a jamais présenté un tel document qui aurait dû obéir au

16 principe à prendre ou à laisser. Il ne procédait pas de la sorte quand il

17 négociait. Il avait toujours une solution de réserve et il a toujours

18 négocié avec Milosevic. Je ne l'ai jamais vu présenter une telle offre. Je

19 n'en ai jamais entendu parler. Mais bien entendu, vous parlez de 1999, là.

20 Q. Le 22 mars 1999, la veille de la séance de l'assemblée, il est arrivé

21 avec une feuille de papier sur laquelle il y avait une offre à prendre ou à

22 laisser, faute de quoi le lendemain il y aurait bombardement.

23 R. Faux. Faux, il avait une solution de réserve qui impliquait le mandat

24 du Conseil de sécurité sous les auspices de l'ONU. Si nécessaire, on

25 pourrait faire appel à des témoins experts.

26 Q. Vous n'êtes pas d'accord avec moi ? Il aurait fallu la guerre, une

27 guerre véritablement déclenchée pour que l'OTAN accepte le drapeau de

28 l'ONU. C'est ce que j'essaie de dire.

Page 6505

1 R. Maître Fila, on n'avait pas besoin de la guerre. On aurait pu tout

2 résoudre en 1997 et 1998 avec les Albanais directement. Moi, c'est

3 l'essentiel même de ma déposition. Je pense qu'on aurait pu également se

4 passer du terrorisme, à l'époque.

5 Q. Je voulais vous demander qui était cette personne que vous avez

6 évoquée, cet homme du SDB. Vous savez, vous voyez de quoi je parle, de la

7 séance dont je parle ?

8 R. Quelle séance ?

9 Q. Vous ne vouliez pas parler, vous ne vouliez pas donner le nom de ce

10 membre du SDB.

11 M. FILA : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait en parler à huis clos

12 partiel ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne veux pas donner son nom à huis clos

14 partiel ou autrement, parce que c'est quelqu'un qui est toujours sur place

15 et cela pourrait le mettre en danger de mort. Il y a d'autres sources

16 indépendantes qui ont confirmé mes dires. Ceci ne peut être nullement

17 contesté.

18 M. FILA : [interprétation]

19 Q. Mais vous en avez parlé, vous avez donné son nom à huis clos partiel,

20 n'est-ce pas ? Vous vous en souvenez ?

21 R. Oui, mais il y avait plusieurs personnes --

22 Q. Ce n'est pas celui dont le nom de famille commence par un M ?

23 (expurgé)

24 Q. Je vais vous poser des questions au sujet de ce monsieur sans donner

25 son nom. Est-ce que vous savez que le SDB lui avait confié la mission

26 concernant la municipalité de Racak ?

27 R. Oui, je le connais depuis 25 ans. Oui, puis pour la municipalité de

28 Racak --

Page 6506

1 Q. Racak ?

2 R. J'ai entendu Vracak, donc il y a eu erreur d'interprétation; ils ont

3 écrit Racak.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez donné des initiales, et je

5 me demande si cela ne va poser problème étant donné que le nom de la

6 personne en question avait été précédemment mentionné à huis clos partiel.

7 M. HANNIS : [interprétation] Je ne sais pas. Je ne sais pas si le témoin a

8 une idée sur la question. Enfin, je pense qu'il serait bon de rappeler aux

9 deux intervenants de faire une pause entre leurs interventions respectives,

10 parce que cela semble poser un certain nombre de difficultés.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

12 J'en ai déjà parlé et je crois que si quelqu'un veut qu'on

13 intervienne, il faut me parler directement à moi.

14 Maître Visnjic.

15 M. VISNJIC : [interprétation] Correction à apporter au compte rendu

16 d'audience. La municipalité en question, c'est celle de Vracar. Etant donné

17 que je suis intervenu au moment où on parlait de l'audience publique ou de

18 l'audience à huis clos partiel, je voudrais simplement dire que pendant

19 l'affaire Milosevic, le nom de cette personne a été mentionnée à plusieurs

20 reprises en audience publique, si bien que donner ses initiales, cela ne

21 pose pas de problème.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Cela ne pose pas de problème parce

23 qu'il ne risque pas d'y avoir mort d'homme de ce simple fait. Aucun risque

24 n'est posé.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] De quelle municipalité sommes-nous en

26 train de parler ?

27 M. VISNJIC : [interprétation] Il s'agit de la municipalité de Vracar, à

28 Belgrade. C'est une des municipalités qui se trouve au centre de

Page 6507

1 l'agglomération belgradoise.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

3 M. FILA : [interprétation]

4 Q. Est-ce que ce monsieur, à un moment donné, est allé au Kosovo en 1998 ?

5 Est-ce qu'il a passé le premier semestre de 1998 sur place jusqu'au mois de

6 juin ?

7 R. Oui.

8 Q. Avec qui aviez-vous des contacts ? Parce que vous le voyiez cinq ou six

9 fois par semaine, alors quand il était absent qui était votre contact,

10 quand il était au Kosovo ?

11 R. Il y avait un autre agent, puis il y avait d'autres personnes; puis, il

12 m'arrivait de le voir quand il revenait du Kosovo. Cela fait 25 ans que je

13 le connais, on est amis.

14 Q. Vous êtes entré dans ce service en 1980 ou un petit peu avant.

15 R. Non, je ne suis pas entré dans le service; cela serait exagéré de dire

16 cela. Je suis devenu un collaborateur du service; ensuite, peu à peu, on

17 monte les échelons, on reçoit une formation. J'ai reçu une formation pour

18 devenir un agent en matière de sécurité politique. C'est une formation

19 standard qui est utilisée pendant la guerre.

20 Q. Vous êtes devenu un collaborateur de ce service, puis vous avez été

21 promu. Quand exactement ? Qu'est-ce que vous avez voulu dire ?

22 R. Quand ? Si parmi tous les collaborateurs peu à peu je suis montré en

23 grade, c'était inutile d'utiliser mon pseudonyme parce que tout le monde

24 savait que c'était de moi qu'il s'agissait. Je n'ai jamais dit que j'étais

25 allé au-delà de ce stade de collaborateur, parce qu'au début, ce qu'on fait

26 cela n'a strictement aucun intérêt.

27 Cela a été décrit par M. Mijatovic dans sa déclaration. On avait des

28 contacts avec les services étrangers, mais cela, c'était dans les années

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1 1980. Au début, bien entendu, je n'étais pas l'acteur principal là-dedans,

2 mais peu à peu j'ai fait mon petit chemin en tant que collaborateur et au

3 bout d'un certain temps, j'en étais arrivé à un stade où je n'avais plus

4 besoin d'un pseudonyme. Tout allait directement vers le haut.

5 Q. Directement à qui ?

6 R. Vers le haut du service.

7 Q. Qui était au sommet ?

8 R. Maître Fila, vous le savez. A l'époque, le chef du centre de Belgrade

9 c'était la personne en question et c'était le centre le plus important dans

10 tout le système des services de Sûreté de la Serbie. Il y avait M.

11 Mijatovic, puis M. Stanisic qui était le numéro 2.

12 Q. Je le sais, mais les Juges ne le savent pas. Je voulais que vous le

13 disiez vous-même.

14 R. Bien entendu, vous le savez aussi bien que moi.

15 Q. Lorsque vous étiez collaborateur, votre pseudonyme était-il Rabin ?

16 R. Impossible. Je ne peux pas répondre à cette question.

17 Q. Pourquoi est-ce que vous ne pouvez pas répondre ? Cela vous surprend

18 que je le sache ?

19 R. Non, cela ne me surprend pas. Mijatovic en parle dans son livre. Mon

20 collaborateur favori Rabin, cela veut dire rabbin, se balade avec le

21 ministre Mihajlovic à Paris. Cela, on peut le lire son livre. Je ne peux

22 pas répondre à votre question parce que je ne connais pas les pseudonymes

23 qui étaient utilisés à ce moment-là.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, qu'est-ce que vous

25 voulez dire en disant que Stanisic a toujours été le numéro 2 au service ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Encore une erreur d'interprétation. Je parlais

27 de Mijatovic. Il y a des problèmes d'interprétation, Monsieur le Président.

28 Je pense que le mieux, ce serait que Me Fila et moi-même, on s'abstienne

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1 d'entrer dans une discussion.

2 M. FILA : [interprétation] Zoran Mijatovic était le numéro 2, et Stanisic

3 numéro 1. Voilà ce qu'a dit le témoin.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Je voulais simplement qu'on me

5 le rappelle.

6 M. FILA : [interprétation]

7 Q. Après le départ de Stanisic et de Mijatovic en novembre 1998, avec qui

8 avez-vous eu des contacts ?

9 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent que le micro de Me Fila a de

10 nouveau été débranché.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas répondre parce que ceci risque

12 de m'attirer des ennuis ou à la personne plus exactement.

13 M. FILA : [interprétation]

14 Q. Est-ce que vous seriez prêt à changer d'avis, à nous donner un nom si

15 nous passions à huis clos partiel ?

16 R. J'aurais donné l'identité de ces personnes lorsque ces personnes ont

17 reçu l'accord de paix sans faire de commentaire sur le fait d'avoir ou pas

18 rencontré cette personne. C'est ce que je dirais à huis clos partiel parce

19 que cette personne était un agent de la Sûreté de l'Etat et en tant que tel

20 c'est lui qui a accueilli ou reçu l'accord de paix afin de mettre plus

21 rapidement fin à la guerre. C'est ce que je peux vous dire à huis clos

22 partiel sans faire de commentaire sur le fait d'avoir travaillé avec cette

23 personne ou pas.

24 Q. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir qui est la personne avec qui vous

25 travailliez, pas qui a reçu ou préparé l'accord de paix.

26 R. Excusez-moi, Maître Fila, je pourrais vous donner le nom d'une personne

27 avec qui j'ai travaillé à l'époque qui a reçu l'accord de paix. Pour ce qui

28 est de cette offre de paix venant de l'Occident, là, je ne veux pas donner

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1 de nom parce que j'ai travaillé avec beaucoup de noms et je ne peux pas

2 simplement révéler l'identité des personnes en risquant de leur attirer des

3 ennuis.

4 M. FILA : [interprétation] Est-ce que nous pourrions passer à huis clos

5 partiel, Monsieur le Président, afin que nous sachions du témoin avec qui

6 il a travaillé, puisque Mijatovic et Stanisic n'étaient plus en place à

7 cette époque-là, à savoir au mois d'octobre 1998 ?

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] De la façon dont je comprends le

9 témoin, il ne souhaite pas donner le nom de ces personnes avec qui il a

10 travaillé. Si je le comprends bien, il n'est pas prêt à confirmer

11 l'identité de ces personnes avec lesquelles il a travaillé après octobre

12 1998. Vous voyez les choses différemment, Maître Fila ?

13 M. FILA : [interprétation] Il a dit qu'il serait prêt à donner un nom, mais

14 pas un autre. C'est déjà quelque chose si on a un nom.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit une troisième chose. J'ai dit que je

16 pourrais donner le nom d'un agent qui au nom du service a réceptionné des

17 documents ou reçu des informations à propos de l'accord de paix afin qu'on

18 mette rapidement un terme à la guerre et qui a participé à mon expulsion du

19 pays, au fait que je sois parti à l'étranger. Je peux confirmer ce nom

20 parce que j'ai eu certaines missions que j'ai remplies, et cette personne a

21 reçu de moi au nom du service un document.

22 C'est le seul lien que je peux établir avec cette personne dans la

23 mesure où il est pertinent à ce procès. Pour ce qui est d'autres agents

24 avec lesquels j'ai travaillé, je peux confirmer que j'ai maintenu un

25 contact de travail avec cette personne, mais je vais effectivement demander

26 à la Chambre de ne pas exiger de moi que je donne ce nom parce que cela

27 peut causer des problèmes aux personnes là-bas.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour ce qui est du nom que vous êtes

Page 6511

1 prêt à donner, pourquoi est-ce qu'il faut le fournir à huis clos partiel ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour des raisons de sécurité, pour la sécurité

3 de cette personne en question.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Effectivement, c'est une bonne raison

5 suffisante pour que nous passions à huis clos partiel.

6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

7 [Audience à huis clos partiel]

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9 [Audience publique]

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

11 M. FILA : [interprétation]

12 Q. Monsieur Tanic, qui vous a fourni la bande de son, l'enregistrement de

13 la conversation qui a eu lieu entre Sainovic et Lukic ? Comment s'appelle

14 cet homme ?

15 R. Personne ne m'a remis ces enregistrements. C'est simplement que j'ai

16 été autorisé à écouter une partie de cette bande. Je ne peux pas vous

17 donner de nom.

18 M. FILA : [interprétation] Vous le voyez, Monsieur le Président, nous

19 rencontrons le même problème.

20 (expurgé)

21 pourra faire toute la lumière sur ce point, du moins de façon indirecte.

22 M. FILA : [interprétation]

23 Q. Il est vraiment important que vous m'expliquiez qui vous a remis cette

24 bande en tout ou en partie, où cela s'est passé, en quel lieu; qui, quand,

25 où ?

26 R. Oui. Cela pourrait compromettre la vie de cette personne. Vous

27 comprendrez qu'il m'est impossible de donner un nom.

28 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il vous faut

Page 6517

1 réagir, faute de quoi il me sera impossible de poursuivre.

2 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je intervenir ?

3 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Malheureusement, il y a une

5 expurgation qu'il faudra faire, et j'appelle le témoin surtout, puisque

6 c'est lui qui est concerné, à la prudence. Il ne faut pas faire de mention

7 de noms.

8 Maître Lukic, vous avez la parole.

9 M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Si le témoin

10 campe sur sa position, refuse de révéler le nom des témoins, il nous

11 deviendra impossible de mener le contre-interrogatoire dudit témoin, ou

12 demandons l'expurgation de cette partie-ci de sa déclaration. Nous

13 demandons que ceci ne fasse pas partie du dossier de l'instance.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, avez-vous plusieurs

15 questions dans la même veine ?

16 M. FILA : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il nous serait utile de savoir quelle

18 est l'ampleur du problème. Poursuivez, et nous verrons plus tard comment il

19 nous faut aborder cette question et voir dans quelle mesure le problème est

20 important ou pas.

21 M. ACKERMAN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

23 M. ACKERMAN : [interprétation] Je peux peut-être vous aider. Je ne sais pas

24 si c'est le genre d'aide que vous sollicitez.

25 Nous avons la déclaration préalable du témoin. Au moins à 31

26 reprises, il dit qu'il a reçu des renseignements d'un contact de la Sûreté

27 de l'Etat, de la SDB, qu'il ne nomme pas. Je peux vous donner le numéro du

28 paragraphe si ceci vous aide. Il y a encore trois ou quatre équipes de

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1 Défense qui vont intervenir, et je pense que nous pourrions examiner tous

2 ces paragraphes. Il serait peut-être utile que vous ayez des numéros de

3 paragraphe.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas nécessaire pour le

5 moment, Maître Ackerman.

6 M. ACKERMAN : [interprétation] Bien.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être que nous vous demanderons ce

8 conseil plus tard. Un instant, s'il vous plaît, je consulte mes notes.

9 Je pense qu'il serait utile de passer à huis clos partiel, si je poursuis

10 mes explications, parce que ceci, me semble-t-il, a été évoqué à huis clos

11 partiel.

12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

13 [Audience à huis clos partiel]

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1 [Audience publique]

2 M. FILA : [interprétation]

3 Q. Est-ce que vous avez votre déclaration préalable sous les yeux ?

4 R. Oui.

5 Q. Paragraphe 86 en serbe, puisque je me sers de la version serbe. Voici

6 ce que vous avez dit : "Grâce à mes sources occidentales, j'ai reçu

7 confirmation qu'il y avait au moins une conversation enregistrée dans

8 laquelle Sainovic donne l'ordre à Lukic de tuer des civils albanais du

9 Kosovo."

10 Vous n'en parlez nulle part ailleurs, n'est-ce pas ?

11 R. Avez-vous terminé votre question, ou pas ?

12 Q. J'attendais les interprètes. J'attendais qu'ils terminent. Lorsque vous

13 avez eu ces discussions les 4 et 5 novembre 2006, lorsque vous avez parlé

14 avec le bureau du Procureur, voici ce que vous avez dit : "Mes sources

15 occidentales et le service du SDB ont confirmé l'existence d'une bande

16 enregistrée qui fait référence à des conversations enregistrées entre

17 Sainovic et Lukic, qui remontent au début de 1999, dans lesquelles Sainovic

18 donne l'ordre à Lukic d'attaquer les villages où il y a une population

19 albanaise. J'ai entendu cette conversation dans un enregistrement du

20 service de l'Etat."

21 Puis, vous allez à la question de M. Hannis et vous dites

22 qu'effectivement, il y avait une interception de cette conversation et

23 qu'on a ainsi une idée des échanges qu'a eus Sainovic, de l'avis qu'il

24 avait également et des instructions qu'il a données à Lukic en ce qui

25 concerne les opérations de combat dans ce village pour effacer toutes les

26 traces. Vous avez ajouté que Sainovic et Lukic avaient vu leurs

27 conversations enregistrées également et que les sources occidentales

28 avaient ces enregistrements contenant les conversations de Sainovic et de

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1 Lukic. La Radio B92, avez-vous dit, avait aussi cet enregistrement. Vous

2 dites que ceci peut montrer que Sainovic a donné des instructions à Lukic

3 pour ce qui est de la nécessité de se débarrasser des camps de Racak.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila --

5 M. FILA : [interprétation] Oui, j'allais y venir.

6 Q. Est-ce que vous vous rendez compte que ce sont des déclarations qui ont

7 été faites sous serment ? Je peux vous la répéter depuis le début, si

8 nécessaire --

9 R. Pour ce qui est de la première déclaration qui a été modifiée,

10 j'insiste pour dire qu'il y a des corrections qui ont été apportées. Peut-

11 être que je me suis mal exprimé. Peut-être que j'étais trop fatigué, que je

12 parlais en anglais. Il serait injuste de dire que Sainovic a ordonné à

13 Lukic de tuer des Albanais du Kosovo. Non, mais l'attaque de villages

14 civils a eu pour conséquence finalement qu'il y a eu des victimes parmi les

15 civils albanais du Kosovo. J'ai demandé au bureau du Procureur, puisque la

16 formulation n'était pas très heureuse et qu'elle était lourde de sens. Cela

17 donnait l'impression que Lukic et Sainovic avaient une arme en main pour

18 aller tuer les Albanais. Effectivement, je voulais qu'une correction soit

19 apportée pour dire qu'il y a eu des attaques du village et qu'en plus des

20 terroristes se trouvant dans le village, il y avait eu beaucoup de pertes

21 parmi les civils, quand bien même.

22 Q. Je vous remercie.

23 R. [aucune interprétation]

24 M. HANNIS : [interprétation] Je pense qu'il est important d'indiquer pour

25 le compte rendu d'audience la traduction, la modification, le libellé

26 exact. C'est important parce qu'il y a quelques petites différences. "Mes

27 sources occidentales étaient à confirmer," et cetera. Cela, c'était

28 l'ancien libellé. Effectivement, il faut lire maintenant : "Mes sources

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1 occidentales et les sources du SDB ont confirmé qu'il y a une conversation

2 enregistrée de Sainovic avec Lukic début 1999, dans laquelle Sainovic donne

3 des instructions à Lukic pour attaquer les villages albanais du Kosovo.

4 J'ai entendu un enregistrement de cette conversation à la Sûreté de

5 l'Etat."

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

7 Nous allons faire la pause.

8 Maître Fila, vous pourriez voir quels sont les paragraphes permettant

9 d'identifier ces sources. Puis, vous pourrez poursuivre votre contre-

10 interrogatoire.

11 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, c'est exactement ce que

12 j'ai dit. Je parle maintenant de ce que vient de citer M. Hannis.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je reviens à ce que je vous disais. Je

14 pensais que vous alliez parcourir quelques paragraphes, me donner une idée

15 de l'ampleur de ce problème, mais vous ne l'avez pas fait, et j'espère que

16 vous allez bientôt le faire.

17 Maintenant, nous allons faire une pause et nous reprendrons à une heure

18 moins 10.

19 Nous allons tout d'abord, avant de suspendre l'audience, demander que

20 les stores soient baissés, et ils resteront baissés jusqu'à notre retour.

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos.

22 [Audience à huis clos]

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23 [Audience publique]

24 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila.

26 M. FILA : [interprétation] Nous avons identifié tous les paragraphes, mais

27 parmi les conseils de la Défense, nous nous sommes mis d'accord pour

28 n'aborder que ceux qui ont trait à M. Sainovic. Me Ackerman s'occupera des

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1 autres paragraphes, et je souhaite poursuivre à présent.

2 Q. Au cours de votre déposition, Monsieur Tanic, vous avez dit que par

3 différents canaux SDB, vous avez informé nos gens en Serbie du bombardement

4 imminent de la radiotélévision serbe. La question que je souhaiterais vous

5 poser est la suivante : par le truchement de quelle personne avez-vous

6 informé la partie serbe, par quel moyen ? Veuillez ne pas oublier qu'une

7 lettre de Goran Petrovic, qui travaillait à l'époque avec Rade Markovic,

8 indique qu'au sein des services SDB, une telle information n'était pas

9 disponible. Ceci figure dans le compte rendu.

10 R. Les canaux opérationnels ont été identifiés avant que je ne quitte le

11 pays. La personne a été identifiée en audience à huis clos. L'information a

12 été véhiculée par des liens de communication parce que j'étais à l'étranger

13 à l'époque. Je crois que c'est là la réponse à votre question.

14 Maintenant, s'agissant de la position de Goran Petrovic sur ce point, je ne

15 peux pas vous faire part de mes commentaires. L'information a été relayée

16 et l'autre personne a été citée en audience à huis clos, et cela peut être

17 confirmé.

18 Q. Je souhaite comprendre une chose. S'agissant de l'information, vous

19 nous avez dit que vous n'aviez reçu qu'un projet lorsque vous êtes parti en

20 1999. Vous voyez de quoi je parle ? Mais vous ne nous avez pas dit que vous

21 aviez fourni des informations à propos du bombardement de la

22 radiotélévision serbe. C'est ce que vous aviez dit en premier lieu.

23 R. En ajout à l'agent coopérant, mais il y allait dans les intérêts de la

24 justice. Nous parlons d'un agent opérationnel, une personne qui

25 transmettait.

26 Q. Pouvez-vous nous dire quand et où vous avez fourni ces informations ?

27 R. Pour autant que je m'en souvienne, c'était par des moyens de

28 communication. J'étais à l'étranger. Il se peut que je me trompe, pour ce

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1 qui est de la date précise. Cela a été enregistré. C'est là le mode

2 opératoire classique. Vous pouvez demander l'enregistrement auprès de nos

3 institutions, ensuite M. Petrovic changera d'avis.

4 Q. Pour autant que je le sache, Petrovic a dit non, et vous avez sa lettre

5 dans le dossier.

6 R. Certaines des personnes identifiées en audience à huis clos. A ce

7 moment-là, demandez à ce que vienne déposer la personne identifiée en

8 audience à huis clos. Je ne peux pas jouer le rôle du Tribunal, ici.

9 Q. Je ne vous demande pas cela, Monsieur Tanic. Je vous demande simplement

10 de répondre aux questions.

11 R. Non, je peux préciser les choses et vous dire que cette personne

12 n'était pas au niveau de la prise de décisions. C'était un agent

13 opérationnel qui n'avait pas de temps pour de telles réunions. Puis, nous

14 avions des moyens de communication qui nous permettaient de communiquer

15 avec le SDB avec des codes, et cetera.

16 Q. C'est cela qui m'intéresse. Qui disait ce qu'il fallait utiliser ?

17 C'était à l'époque de Mijatovic et Stanisic ? Qui étaient-ils qui

18 décidaient des individus qui allaient communiquer et quels étaient les

19 codes auxquels on allait avoir recours, les moyens, et comment, et quand ?

20 Si vous ne voulez pas répondre, je passerai à la suite.

21 R. Il me semble avoir expliqué les choses de façon suffisante. Vous pouvez

22 demander à la personne qui a été identifiée en audience à huis clos de le

23 confirmer. Vous pouvez également lui donner davantage d'informations, parce

24 qu'il ne s'agissait pas simplement des plans, des projets, mais j'ai dit

25 qu'il ne fallait que cette personne soit tenue responsable de tout et

26 qu'elle était informée de tout. Elle n'était qu'un agent opérationnel.

27 Q. Cela ne se faisait pas par lui ou avec lui, mais par quelqu'un qui

28 était plus haut placé dans la hiérarchie, s'agissant des moyens de

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1 communication, si je comprends correctement ? Oui ou non ?

2 R. Non. Vous n'avez pas compris.

3 Q. Alors, reprenons. Qui, avec qui vous êtes-vous mis d'accord pour le

4 plan de communication, les moyens à utiliser et les codes à utiliser si ce

5 n'est pas avec cette personne-là avec laquelle vous vous êtes mis

6 d'accord ?

7 R. J'imagine que cette personne pourrait vous le dire.

8 Q. Mais ce n'est pas lui ?

9 R. Il n'occupait pas ce poste-là. Il n'était pas à ce niveau-là dans la

10 hiérarchie. Il ne pouvait pas prendre de telles mesures.

11 Q. C'est très exactement ce que je vous ai demandé il y a quelques

12 instants. Est-ce que ce plan a été couché sur papier, les codes et le

13 reste ?

14 R. Maître Fila, vous connaissez la nature de ce genre de travail. Qu'est-

15 ce que vous voulez dire "couché sur papier" ? Vous voulez dire qu'on a

16 signé ce sur quoi on est tombés d'accord ? Non, nous avons utilisé les

17 codes. C'est la chose qui était couchée sur papier parce qu'on ne peut pas

18 mémoriser tout.

19 Q. En conclusion, vous ne voulez pas nous dire quel est le nom de la

20 personne avec laquelle vous avez rédigé un plan et fourni des codes ? Oui

21 ou non ?

22 R. Non.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, pourquoi ne voulez-

24 vous pas nous donner ces informations ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, excusez-moi d'être intervenu

26 tout à l'heure. Je ne m'étais pas rendu compte que vous étiez en train de

27 parler à la Défense.

28 Il y a deux raisons à cela. Tout d'abord, je souhaite protéger

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1 l'intégrité physique de cette personne. Deuxièmement, il s'agit d'éléments

2 relevant du renseignement. En temps de guerre, il est très difficile de

3 procéder à des évaluations. A ce moment-là, il se peut que cette personne

4 ait été associée à la tentative de meurtre sur moi-même. Peut-être que oui,

5 peut-être que non. Je ne vais pas commencer à me lancer dans des théories

6 et des conjectures. Cela pourrait être difficile pour n'importe quel

7 témoin, difficile de savoir ce que l'Etat de Serbie aurait dû faire. Comme

8 Petrovic nie cela maintenant, lorsque j'ai rencontré le ministre de

9 l'Intérieur, Mihajlovic, à Paris, en 2001, Goran Petrovic était présent. Il

10 était avec lui. J'ai parlé à Mihajlovic à propos de Milosevic et du fait

11 que Milosevic allait autoriser délibérément le bombardement de la

12 radiotélévision serbe, et Goran Petrovic l'a nié.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. Vous vous écartez du sujet. Je

14 vous ai demandé pourquoi vous refusiez de divulguer le nom de cette

15 personne. Votre première réponse a été de dire que vous souhaitiez protéger

16 son intégrité physique. Est-ce que c'est une personne qui continue de

17 travailler de travailler pour les services de Sûreté ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bien sûr.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous dites ensuite que si on commence

20 à se lancer dans des conjectures et théories, on se retrouvera dans une

21 situation beaucoup trop difficile pour un témoin. Qu'est-ce que vous

22 entendez par "se lancer dans des théories" ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Si je devais me lancer dans des théories quant

24 à qui a coopéré avec qui pendant la guerre, les services secrets

25 coopéraient pas mal. J'étais auprès des services du ministère des Affaires

26 étrangères qui coopéraient avec nous --

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous ne vous demandons pas de vous

28 lancer dans des théories, nous vous demandons de faire état de faits. Vous

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1 rendez-vous compte que si quelque chose se dit en audience à huis clos

2 partiel dans ce prétoire, ceci n'est disponible à personne en dehors du

3 prétoire ? Personne ne peut divulguer cette information, sauf si cela est

4 nécessaire aux fins d'enquêtes dans l'affaire. Est-ce que vous comprenez

5 cela ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais ce que je comprends aussi, c'est que

7 la Défense le sait. Dans ce cas-ci, c'est comme si je le publiais, je le

8 mettais à la disposition du public. Ce n'est pas la seule raison. Si je

9 devais divulguer de telles choses, ces personnes nieraient tout. Personne

10 ne peut admettre de telles choses. Je crois que cela devrait être la

11 responsabilité du bureau du Procureur. Au Tribunal, nous estimons que de

12 telles choses existent.

13 Tout a été enregistré. Tout était enregistré pendant la guerre. De

14 toute façon, l'Etat de Serbie ne veut pas fournir ces enregistrements et

15 s'ils mentent, je ne peux pas exercer d'influence sur cela. Cela est un

16 problème entre le Tribunal et l'Etat de Serbie. Ce n'est pas mon problème à

17 moi. Si je devais citer le nom des personnes avec lesquelles je travaille,

18 alors pas plus tard que demain, ces gens vous enverront des déclarations

19 dans lesquelles ils diront qu'ils ne m'ont jamais, de leur vie, vu.

20 Ensuite, il faut savoir que je bénéficie d'un programme de protection des

21 témoins, ma femme et mes enfants aussi, mais peut-être pourrait-on exercer

22 des menaces sur eux. Cela leur ferait changer d'avis. Nous sommes dans une

23 période houleuse, et c'est la raison pour laquelle j'ai fait état d'une

24 partie de l'enregistrement. J'ai dit que je l'ai entendue, et je ne suis

25 jamais attardé sur le comment ou le quoi. Mes communications étaient

26 également enregistrées. Je sais que mes communications avec les services

27 secrets, alors que j'étais dans le pays mais aussi lorsque j'étais à

28 l'extérieur du pays, étaient enregistrées. On estimait que c'était

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1 suffisamment important pour qu'on enregistre. Tout existe en Serbie. S'ils

2 ne veulent pas fournir cela au Tribunal, par exemple j'entends pour la

3 première fois de ma vie que Goran Petrovic nie les choses --

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

5 Maître Fila, veuillez poursuivre.

6 M. FILA : [interprétation] Si cela peut être utile, sachez que Goran

7 Petrovic était à la tête du service de la Sûreté d'Etat après la chute de

8 Milosevic. Il est à la retraite maintenant et il se porte très bien.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais Mihajlovic parlait différemment

10 quand il était avec lui. Bien entendu que maintenant il nie tout. Vous

11 savez, Maître Fila, comment les choses se font en Serbie. Le Tribunal le

12 sait également.

13 M. FILA : [interprétation] Si vous le permettez, Monsieur le Président, je

14 souhaiterais poser une question.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous en prie.

16 M. FILA : [interprétation]

17 Q. Vous nous avez dit que sous l'égide du SDB, vous êtes allé pendant les

18 bombardements en Hongrie. A deux reprises, vous êtes allé à l'étranger, si

19 je ne m'abuse ?

20 R. Oui, c'est exact. Je suis passé par la Hongrie pour aller à l'ouest.

21 Q. Oui, effectivement, vous avez passé par la Hongrie d'abord. Dans le

22 procès Milosevic, au cours de l'interrogatoire principal, mon éminent

23 collègue Nice vous a posé la question suivante : vous avez quitté le pays

24 pendant les bombardements, mais qui a pris la décision de vous faire

25 partir ? Vous avez répondu que ceci relevait d'une décision de l'état-major

26 conjoint de la défense à Belgrade. Je lis ceci dans le compte rendu 4 969,

27 lignes 6 à 7, et 4 970, 5 et 6, compte rendu du 15 mai 2002.

28 R. Oui. Pendant la guerre, le commandement était intégré, les personnes de

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1 la zone de Belgrade où j'habitais pouvaient quitter la ville. Si une

2 décision était prise par le commandement de la défense conjointe de

3 Belgrade, tout devait être approuvé par Milosevic. Pour autant que je le

4 sache, le public le savait. Seules deux personnes étaient associées dans

5 l'accélération, dans la précipitation de la fin de la guerre. Moi-même et

6 M. Milic sommes parvenus au même résultat, mais le commandement ou l'état-

7 major conjoint est mentionné parce que c'est quelque chose de technique.

8 J'étais une recrue de l'armée qui faisait son service à l'époque.

9 Q. Je souhaiterais arriver au passage sur lequel je souhaiterais vous

10 poser une question. Vous avez parlé de l'état-major conjoint. Qui est la

11 personne qui vous a ordonné de vous rendre à l'étranger à ces deux

12 occasions ? Qui a payé pour ce déplacement ? Combien avez-vous été payé et

13 à qui avez-vous fait rapport à votre retour ?

14 R. La deuxième personne citée en audience à huis clos partiel pourrait

15 vous aider.

16 Q. Qui vous a ordonné d'aller à l'étranger ? Est-ce que c'est cela, votre

17 réponse ?

18 R. L'ordre est venu du sommet du service, et le sommet de la hiérarchie du

19 service a dû consulter Milosevic.

20 Q. Veuillez donner le nom et prénom de la personne qui, en 1999, vous a

21 ordonné d'aller à l'étranger.

22 R. L'homme que j'ai cité en audience à huis clos partiel pourra vous

23 permettre de trouver une réponse à cette question.

24 Q. Vous ne voulez pas nous le dire. Vous dites qu'il faut que je pose la

25 question à la personne dont vous avez cité le nom en audience à huis clos

26 partiel ?

27 R. Oui, je crois que j'ai fait preuve d'un esprit de coopération largement

28 suffisant, s'agissant de cela.

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1 Q. Qui a payé et combien a-t-on payé pour que vous fassiez ce

2 déplacement ?

3 R. C'est le SDB qui a pris à sa charge les dépenses qui s'élevaient au

4 total à quelque 10 000 marks allemands pour les deux voyages, les deux

5 déplacements, ce qui couperait à peu près la moitié.

6 Q. Je vous demande le nom de la personne qui vous a donné cet argent.

7 R. C'est la personne mentionnée en audience à huis clos partiel.

8 Q. Est-ce que vous avez fait rapport à l'état-major ou au SDB à votre

9 retour ?

10 R. Oui, absolument.

11 Q. [aucune interprétation]

12 R. La personne citée à huis clos partiel pourrait vous apporter des

13 précisions sur ce point.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait avoir une date ?

15 A quelle date, à quelle période faites-vous référence, Maître Fila ?

16 M. FILA : [interprétation] Le témoin nous a demandé de ne pas nous

17 acharner sur lui s'agissant des dates, et j'essaie de répondre à sa

18 demande. Je ne vais pas lui demander si c'était un lundi ou un mardi. Il a

19 dit que c'était pendant les bombardements.

20 Q. Est-ce que vous vous souvenez de la date ? Je ne veux pas non

21 plus trop insister.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peu importe les dates, cela, ce n'est

23 pas le plus important. Ces visites, elles l'ont conduit où ?

24 M. FILA : [interprétation]

25 Q. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous êtes allé à l'étranger ?

26 Dans quel contexte ?

27 R. Bien entendu. La Hongrie, l'Italie et le Royaume-Uni. Voilà tout ce que

28 je peux dire, et je pense que c'est largement suffisant.

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1 Q. Les deux fois ?

2 R. Oui, les deux fois.

3 Q. Est-ce qu'il serait bon que nous sachions avec qui vous vous êtes

4 entretenu au cours de ces déplacements, si vous souhaitez le révéler ?

5 R. Non.

6 Q. Bien --

7 R. Mais on peut en partie le savoir en s'adressant à M. Sosa, ambassadeur

8 d'Italie à Belgrade, mais il ne m'a pas accompagné lors de ces

9 déplacements. Il est resté à Belgrade. Au cours du deuxième déplacement

10 cependant, il était à l'étranger. Mais ne vous concentrez pas exclusivement

11 sur l'Italie. Inutile de traîner l'Italie dans tout cela. Il faut savoir

12 que M. Milutinovic, lui, avait de très bons contacts en Italie, avec

13 l'ambassadeur italien, et il en sait beaucoup plus que moi.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Passons à huis clos partiel pour

15 une question connexe.

16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

17 [Audience à huis clos partiel]

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4 [Audience publique]

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila.

6 M. FILA : [interprétation]

7 Q. Monsieur Tanic, pour revenir à la question qui vient de vous être posée

8 par le Président. Vous savez que les dirigeants du SDB, c'était Rade

9 Markovic et Radonjic aussi.

10 R. Oui, bien sûr que je le sais.

11 Q. Est-ce que l'un d'entre eux, c'est celui qui vous a envoyé à

12 l'étranger ?

13 R. [hors micro]

14 Q. Il faut répondre, sinon on ne peut pas consigner votre réponse au

15 compte rendu d'audience.

16 R. Pas de commentaires.

17 Q. Quand vous avez été enlevé, enfin, je ne vais pas m'appesantir là-

18 dessus, cela a dû être horrible comme situation, mais savez-vous sur

19 l'ordre de qui cela s'est fait ? Est-ce que c'était sur l'ordre des plus

20 hauts dirigeants du SDB ou est-ce que c'était une initiative des JSO ?

21 R. Mijatovic et Mihajlovic m'ont confirmé que c'était quelqu'un d'autre,

22 ils m'ont confirmé cela en 2001, quand j'avais des contacts avec eux.

23 Mijatovic à l'époque était l'adjoint du chef des services de Sûreté de

24 l'Etat et Mihajlovic était ministre de la police. Ils ont confirmé

25 l'identité des personnes concernées et la participation des JSO. Tout a été

26 enregistré, de toute façon.

27 Q. Je ne vais pas vous ordonner ou vous forcer à nous donner leurs noms,

28 mais vous savez qui c'est ?

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1 R. Oui, bien entendu, je le sais, Maître Fila. Je connais les noms de ceux

2 qui étaient au commandement de cette opération. C'est la raison pour

3 laquelle je fais preuve de la prudence dont je fais montre actuellement.

4 Q. Est-ce qu'on vous a contraint à signer quoi que ce soit en rapport avec

5 les services secrets britanniques ou quoi que ce soit qui sont en rapport

6 avec vos relations avec les services secrets britanniques ?

7 R. Oui, cela, on peut en parler tout à fait librement. Il a bien fallu

8 qu'ils trouvent quelque chose, parce que tout ce qui avait trait à Vuk

9 Draskovic, cela s'est effondré, cela n'avait plus aucune valeur. Il a fallu

10 qu'ils trouvent autre chose très vite. Il faut que j'explique les

11 circonstances, sinon les Juges vont avoir l'impression que j'invente au fur

12 et à mesure. Après cette tentative sur la route principale d'Ibarska, cette

13 tentative d'assassinat qui a raté, ils sont revenus. J'étais complètement

14 bouleversé et désemparé. Il était manifeste qu'ils voulaient se débarrasser

15 de nous le plus rapidement possible. Ils ne voulaient plus avoir rien à

16 faire avec nous. Ils ne voulaient pas nous tuer, cependant.

17 Comme je l'ai dit, je n'ai pas voulu donner d'informations sur

18 Stanisic, Mijatovic, et cetera. Attendez, attendez, on y arrive. Il fallait

19 bien qu'ils donnent quelque chose à leur patron, à leur chef, qu'ils leur

20 fournissent des résultats, voyez-vous. Etant donné qu'ils n'ont pu obtenir

21 aucun aveu de ma part au sujet d'un coup d'Etat ou de choses de ce style,

22 au bout du compte, ils ont insisté pour que j'assume une partie de la

23 responsabilité. Alors j'ai dit : bon, d'accord, si cela me concerne

24 personnellement, je peux assumer personnellement une part de la

25 responsabilité. Mais étant donné que je suis là-dedans depuis 25 ans, je

26 savais bien qu'ils étaient contraints de fournir quelque chose à leur chef,

27 sinon cela ne saurait pas aller.

28 J'ai accepté d'endosser une part de la responsabilité, mais d'une

Page 6535

1 manière telle qu'on se rendait compte que j'avais accepté de le faire sous

2 la pression. J'avais un sourire entendu sur mon visage, les gens ont bien

3 compris que je n'étais pas d'accord. Ils ont enregistré quelque chose. Ils

4 ont des images, mais c'est manifeste vu le sourire cynique que j'arbore.

5 C'est bien évident que je ne crois pas à ce que je dis, donc j'ai raconté

6 un peu n'importe quoi. Ils n'ont pas pu tuer Vuk Draskovic, donc il a bien

7 fallu qu'ils se contentent de quelque chose.

8 Q. [aucune interprétation]

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais on peut savoir le rapport avec la

10 question qui vous a été posée ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] La question qu'on m'a posée, c'était de savoir

12 s'ils m'avaient contraint à signer quoi que ce soit en rapport avec les

13 services de Sécurité britanniques. Je n'ai rien signé.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ils l'ont fait ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien oui. Bien sûr. Comme je l'ai dit, il

16 fallait bien qu'ils fournissent quelque chose, qu'ils trouvent quelque

17 chose.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle est votre réponse à la question

19 de savoir s'ils vous ont forcé à signer quoi que ce soit en rapport avec

20 les services secrets britanniques ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être que cela a été complètement précis.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quand vous dites que vous avez raconté

23 n'importe quoi à l'époque, on peut presque penser que cela se rapporte à la

24 réponse que vous venez de nous rapporter, nous donner actuellement, parce

25 que si on regarde cette très longue réponse que vous venez de faire, on

26 voit qu'il n'y a absolument rien qui soit en rapport avec la question qui

27 vous a été posée initialement.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ils ne m'ont pas contraint à signer quoi

Page 6536

1 que ce soit, mais ils ont voulu me filmer, me filmer en train d'avouer

2 quelque chose.

3 M. FILA : [interprétation]

4 Q. Est-ce que --

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je n'ai toujours aucune idée de ce que

6 vous avez fait, alors si vous souhaitez que j'en arrive à une conclusion

7 sur ce qui s'est passé à ce moment-là, il faut que vous me le disiez

8 clairement. Est-ce que vous avez dit quoi que ce soit à ce moment-là au

9 sujet des services secrets britanniques, ou non ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais oui. Oui, mais ils le savaient même

11 avant. Tout cela, ils le savaient avant, parce que le SDB échangeait des

12 informations avec eux par mon truchement.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Tanic, est-ce que vous allez

14 enfin finir par comprendre que nous, ce qui nous intéresse, ce sont les

15 faits qui se sont produits ? Qu'est-ce que vous leur avez dit au sujet de

16 vos relations avec les services secrets britanniques ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] A ce moment-là, il faut passer à huis clos,

18 s'il vous plaît. Je peux le demander ?

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a 20 secondes, on pouvait en

20 parler tout à fait librement, c'est vous-même qui l'avez dit. Maintenant,

21 pourquoi vouloir soudain passer à huis clos ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que maintenant, vous me demandez de vous

23 donner des détails. Je peux vous répondre de manière générale en audience

24 publique. Maintenant que vous exigez que je vous donne des détails, je

25 préfère le faire à huis clos partiel ou complet.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ces informations, elles vous

27 intéressent, Maître Fila ?

28 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaitais qu'il me

Page 6537

1 dise s'il avait signé quoi que ce soit, un document ayant trait à lui-même

2 ou à une autre personne.

3 Q. Est-ce que vous avez tenu ces propos au sujet d'une autre personne ?

4 R. Non, on ne m'a pas contraint à rien signer du tout.

5 Q. [hors micro]

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On n'a toujours pas de réponse à la

7 question. Au bout du compte, la question était de savoir si vous aviez

8 déclaré cela au sujet d'une autre personne. Est-ce que vous avez dit quoi

9 que ce soit au sujet d'un tiers quand on vous a filmé dans cet

10 enregistrement vidéo ?

11 M. FILA : [interprétation] Le mieux, c'est peut-être de passer à huis clos

12 partiel pour qu'il puisse le dire.

13 Q. Je ne veux rien vous demander au sujet de Dusan Mihajlovic.

14 R. Il vaut mieux qu'on passe à huis clos partiel.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant de passer à huis clos partiel,

16 il faut qu'il y ait des motifs pour le faire. Nous sommes ici dans un

17 procès public; pourquoi passer à huis clos partiel ?

18 M. FILA : [interprétation] Ce n'est pas à moi qu'il faut poser la question,

19 Monsieur le Président. Je préfère qu'on reste en audience publique. C'est

20 lui qui veut qu'on passe à huis clos partiel. Je n'y peux rien.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous voulez savoir si on m'a demandé quoi que

22 ce soit au sujet Dusan Mihajlovic ?

23 M. FILA : [interprétation]

24 Q. Au sujet du service, parce que mes recherches m'indiquent des choses

25 contraires. Est-ce qu'on vous a interrogé au sujet des services secrets

26 britanniques, de la personne que j'ai mentionnée ?

27 R. Quelle personne ? Dusan Mihajlovic ?

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Stop. Tout a commencé quand on vous a

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1 demandé si on vous avait contraint à dire quoi que ce soit au sujet des

2 services secrets britanniques, cela à quoi vous nous avez fait une réponse

3 floue sans mentionner aucunement ces services secrets britanniques.

4 Maintenant, nous essayons d'avancer, de progresser, d'aller au-delà de ce

5 point-là, et maintenant on en arrive à une seule chose, c'est Dusan

6 Mihajlovic. Cela, il n'y a rien de plus vague. Depuis cinq minutes de

7 débat, rien n'est ressorti. Revenons en arrière, Maître Fila, recommencez,

8 et s'il est nécessaire de passer à huis clos partiel, il faudra nous donner

9 des justifications. Je vous redonne la barre. Vous êtes maintenant au

10 gouvernail parce que je pense que si j'interviens, cela risque de

11 simplement augmenter la confusion qui règne déjà ici.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis un peu perdu.

13 M. FILA : [interprétation]

14 Q. Perdons-nous tous ensemble. La question fondamentale finalement est la

15 suivante : pourquoi est-il nécessaire de passer à huis clos pour que vous

16 nous expliquiez ce que vous leur avez dit au sujet des services secrets

17 britanniques ? C'est cela qu'il faut nous dire. A ce moment-là, on pourra

18 décider s'il convient de passer ou non à huis clos.

19 R. Ce qui a été dit, cela avait pour objectif de les induire en erreur.

20 C'était aussi parce que je voulais sauver ma peau. Cela, c'est des

21 techniques qu'on apprend nous en tant qu'agents. C'est des techniques qu'on

22 applique pour rester en vie. Je ne veux pas en parler en audience publique.

23 Je peux parler de Mihajlovic publiquement, mais tout ce que je veux savoir,

24 c'est ce que vous, vous voulez savoir. Mihajlovic, service secret

25 britannique, les JSO. Je ne sais pas où nous en sommes. Je m'excuse auprès

26 des Juges.

27 Q. Les JSO, cela ne m'intéresse pas. Vous avez parlé de Dusan Mihajlovic.

28 Première question : qu'est-ce que vous leur avez dit au sujet des services

Page 6539

1 secrets britanniques ?

2 R. J'ai menti. J'ai menti pour que ce que je leur donne, ces

3 renseignements que je leur donne soient sans aucune valeur absolument, mais

4 cela, je préférerais l'expliquer en détail à huis clos.

5 M. FILA : [interprétation] Cela dépend de vous. Est-ce qu'on doit passer ou

6 non à huis clos ?

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cela, c'est des

8 informations qui vraiment ont une utilité ici dans cette affaire ? Non,

9 alors continuons.

10 M. FILA : [interprétation] On est tous fatigués, ici. Le mieux, c'est de

11 continuer de passer à autre chose.

12 Q. Vous voulez nous dire maintenant ce qu'ils ont dit ? Est-ce qu'on est à

13 huis clos partiel ?

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne vois pas pourquoi on y

15 passerait. Si vous, Maître Fila, vous souhaitez obtenir ces informations, à

16 ce moment-là nous passerons à huis clos partiel.

17 M. FILA : [interprétation] Non, non.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

19 M. FILA : [interprétation]

20 Q. Ensuite, vous avez quitté le service, n'est-ce pas, après ces

21 événements malheureux, et vous avez quitté le pays, si j'ai bien compris ?

22 R. Oui. Oui, mais on ne peut pas vraiment parler d'événements malheureux.

23 Un mois plus tard, j'ai quitté le pays.

24 Q. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir pourquoi vous n'êtes pas revenu

25 quand votre Dusan Mihajlovic est devenu ministre. Goran Petrovic est devenu

26 le numéro 2, et Zoran Mijatovic, lui, était le numéro 3 ? Qu'est-ce qui

27 vous empêchait, à ce moment-là, de revenir ?R. Merci de me poser cette

28 question. Je savais que ceux qui étaient le plus susceptibles de me tuer,

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1 c'était eux-mêmes qui avaient aidé ces trois hommes à arriver au pouvoir,

2 et finalement j'ai eu raison. J'ai eu raison. L'avenir m'a prouvé que

3 j'avais raison, parce que M. Zoran Djindjic, le premier ministre, a été tué

4 ensuite. Vous le savez pertinemment, Maître Fila, il est peu correct de

5 votre part de le dissimuler aux Juges, mais vous savez pertinemment que le

6 nouveau gouvernement de Serbie est arrivé au pouvoir avec l'aide des unités

7 spéciales.

8 Q. [hors micro]

9 R. Je me suis entretenu avec deux membres de ce gouvernement plus tard à

10 l'étranger et j'ai eu l'impression qu'ils étaient redevables des JSO.

11 Laissez-moi finir. Mihajlovic a refusé de mettre un point final à l'affaire

12 qui me concernait de me laver de tout soupçon. Je lui ai demandé en tant

13 que ministre de la police de faire la lumière sur ce qui s'était passé, sur

14 cet enlèvement, sur ces tortures, de laver mon nom de tout soupçon.

15 Il était inutile de mettre en accusation qui que ce soit, mais il fallait

16 simplement régler la situation, il fallait que je sache qui était derrière

17 tout cela, derrière ces meurtres. J'ai demandé à ce que mes dettes soient

18 annulées. J'ai demandé que ce genre de chose soit écrit deux fois, mais

19 rien n'a été fait. Comment est-ce que j'aurais pu revenir dans ces

20 conditions si le ministre de la police était même dans l'impossibilité de

21 faire ce que je lui demandais, notamment de me rendre mes livres et le

22 piano de ma femme ? On m'a dit : mais non, oublie tout cela, laisse tomber

23 et reviens. Alors je me suis bien rendu compte que cela n'allait rien

24 donner et qu'il est resté encore pas mal des acolytes de Milosevic en

25 coulisse et qu'ils avaient encore beaucoup de pouvoir, beaucoup

26 d'influence. J'avais raison. Il suffit de penser au meurtre de Djindjic.

27 M. FILA : [interprétation]

28 Q. Cette réunion dont vous venez de parler, vous nous dites que cela a eu

Page 6541

1 lieu à Paris; est-ce qu'à ce moment-là vous étiez au service des

2 Britanniques, est-ce que vous étiez escorté par les services secrets

3 britanniques ?

4 R. Non, mais il y avait là des agents français, des agents qu'avait

5 trouvés Mijatovic ou quelqu'un d'autre.

6 Q. Je n'étais pas en bons termes avec Mijatovic. Pourquoi avez-vous

7 commencé à collaborer avec le SDB ? Est-ce que vous l'avez fait pour

8 l'argent, pour des raisons idéologiques ?

9 R. A cause de mes idées, à cause de mes convictions politiques. A

10 l'époque, je faisais de la politique, donc on peut dire que c'étaient des

11 raisons idéologiques qui m'y ont poussé.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous avons là une réponse qui ne

13 correspond pas à ce qui avait été dit précédemment, qui est en

14 contradiction.

15 On vous a demandé si, à Paris, vous étiez escorté par des membres des

16 services secrets britanniques. Qu'avez-vous répondu à cela, Monsieur ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que non, mais je l'ai appris plus

18 tard, qu'il y avait des agents secrets français. Je l'ai appris quand j'ai

19 lu le livre de Mijatovic. Ils étaient dans les parages, en tout cas. C'est

20 ce que Mijatovic dit. Peut-être qu'il ne dit pas la vérité. Je n'étais pas

21 escorté par personne. J'étais là simplement pour voir l'ancien chef de mon

22 parti, celui qui était alors ministre de la police, pour voir s'il pouvait

23 m'aider pour ce qui était de mes biens.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

25 Maître Fila, continuez.

26 M. FILA : [interprétation]

27 Q. Vous avez dit qu'à plusieurs reprises, vous vous êtes trouvé avec

28 Mijatovic. Est-il exact de dire qu'en 1995, dans le restaurant Vusce, il

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1 vous a remis 2 000 marks allemands ?

2 R. Oui. C'était comme défraiement de mes dépenses. Le restaurant s'appelle

3 Vusce, V-u-s-c-e. L'interprétation n'est pas exacte. C'était en 1995. Je le

4 connais depuis les années 1980.

5 Q. Est-ce que vous avez reçu plusieurs fois de l'argent, et qui vous l'a

6 donné, au nom du SDB ?

7 R. C'est exact. Oui, j'ai reçu plusieurs fois de l'argent pour les

8 dépenses que j'avais occasionnées. Mis à part la période de la guerre,

9 quand quelqu'un d'autre m'a remis de l'argent, c'était Mijatovic qui me le

10 donnait. C'était deux ou trois fois. Mais ce n'était pas une rémunération,

11 c'était simplement pour couvrir mes dépenses.

12 Q. Quel était votre statut au sein du service de la Sûreté de l'Etat ?

13 Est-ce que vous aviez la réputation d'être un homme fiable, ou pas ?

14 R. Maître Fila, je ne peux vous donner qu'une réponse indirecte, compte

15 tenu des sujets évoqués ici. Le côté du renseignement dans la politique,

16 surtout lorsqu'il s'agit du Kosovo et de la communauté internationale,

17 j'avais une excellente réputation. Bien sûr, ils vont dire que c'était une

18 très mauvaise réputation.

19 M. FILA : [interprétation] Je voudrais montrer la pièce 2D6 au témoin.

20 Peut-on l'afficher à l'écran ? Il s'agit d'un extrait d'un livre.

21 Monsieur le Président, ceci a été communiqué par l'Accusation en

22 application de l'article 68 du Règlement. Le témoin a plusieurs fois

23 mentionné ce livre. Il s'intitule : "Requiem pour un secret d'Etat." Nous

24 avons une traduction partielle. Dès que nous aurons la traduction complète,

25 nous la remettrons à la Chambre.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous dites une traduction complète de

27 quoi ?

28 M. FILA : [interprétation] Non, de cet extrait-ci, pas du livre. Nous y

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1 retrouvons plusieurs pages de ce livre.

2 Page 209, la traduction en anglais. Dans le système du prétoire

3 électronique, il s'agit de la page 5. Je vais donner lecture du passage

4 concerné. Je pense que les Juges en disposent déjà, de ce texte.

5 Q. Voici ce que dit Mijatovic --

6 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à Me Fila de dire quel est le

7 paragraphe lu.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Les interprètes ont un problème. Vous

9 ne leur avez pas dit quel passage vous lisez.

10 M. FILA : [interprétation] Page 209 de ce livre : "Requiem pour un secret

11 d'Etat." C'est la page 209 en serbe, et dans le système du prétoire

12 électronique --

13 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

14 M. FILA : [interprétation]

15 Q. "Nous avons établi un lien avec M. Tanic en tant qu'agent de liaison

16 avec une agence de renseignements étrangers avant l'établissement du

17 système pluripartite, et petit à petit nous avons commencé un petit jeu qui

18 était tout à fait habituel dans de telles occasions. Pour assurer notre

19 sécurité, nous avons obtenu des pièces, des documents assez compromettants

20 des événements qui n'étaient pas recherchés, et ils devaient se passer dans

21 nos activités d'agents."

22 Est-ce que vous avez eu des problèmes avec la sécurité ?

23 R. Non, non. Souvent, ils ont voulu déposer des plaintes contre moi, mais

24 il s'est avéré que tout ceci était tout à fait sans fondement.

25 Q. Aucun problème ?

26 R. Non.

27 Q. Connaissez-vous Nenad Milic ? Il était chef du cabinet de Djindjic et

28 le second de Mihajlovic dans le parti.

Page 6544

1 R. Cet homme a travaillé à l'établissement d'un dossier contre moi, mais

2 le dossier a été rejeté par les tribunaux.

3 Q. Est-ce qu'il vous a arrêté en 1996 et en 1997 pour contrebande de

4 produits chimiques ?

5 R. Non. Là, c'était quelque chose de tout à fait différent. Nous avons

6 essayé de recouvrer une dette de quelqu'un, et cette personne a déposé

7 plainte. Nenad Milic ne m'a pas arrêté, mais il m'a fait venir pour que je

8 sois interrogé. Je dois vous le dire, la SDB est intervenue et a insisté

9 pour qu'on respecte la procédure et qu'on utilise les bonnes filières, les

10 filières régulières, et que tout ceci se fasse par les tribunaux, pour que

11 Milic ne s'en mêle pas. Dès que le dossier est arrivé devant les tribunaux,

12 les éléments de preuve, je les ai présentés, et l'affaire a été déboutée.

13 M. FILA : [interprétation] Il faut lire "Milic", et non pas "Lilic" au

14 compte rendu d'audience.

15 Q. Citation suivante, nous sommes toujours à la même page :

16 "Un travail plus sérieux avec Tanic a commencé lorsqu'il s'est appuyé sur

17 les services de Renseignements britanniques. George Busby, des services de

18 Renseignements britanniques, le contactait régulièrement. Il avait beaucoup

19 de contacts avec des personnalités importantes et il a créé beaucoup de

20 contacts amicaux, et il en avait même recruté quelque-uns. Tanic avait été

21 persuadé par l'argent, et il n'était pas le seul."

22 Quel est votre commentaire ? C'est ici quelque chose que déclare Zoran

23 Mijatovic.

24 R. Pour autant que je sache, il doit comparaître ici comme témoin. Il sera

25 interrogé par le bureau du Procureur. Il n'est pas exact de dire qu'ils ont

26 commencé à travailler sérieusement avec moi quand je me suis mis à

27 collaborer avec les services de Renseignements anglais.

28 Je peux commenter la deuxième phrase, mais à huis clos, car des noms y sont

Page 6545

1 mentionnés.

2 Q. [hors micro]

3 L'INTERPRÈTE : Le micro de Me Fila n'était pas branché.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'était pas protégé pour M. Mijatovic.

5 C'est peut-être son bon nom. Quant à l'argent et à son effet persuasif, la

6 meilleure preuve, puisque j'ai été autorisé par les services de Sécurité

7 britannique à parler librement, c'est que nous avons travaillé en 1992 et

8 en 1993 contre le régime de Milosevic pour mettre fin à sa folie, et c'est

9 seulement en 1999 que j'ai reçu de l'argent pour la première fois. Jusque-

10 là, nous avons même partagé des notes de déjeuner. Je n'ai donc rien reçu

11 avant 1999. Je ne pense pas que l'argent ait pu me persuader. Il y a des

12 preuves que nous nous sommes partagés des frais de déjeuner. Je ne veux pas

13 faire de commentaires sur le nom de cette personne, parce que vous ne le

14 savez pas, Maître Fila, si c'est oui ou non son vrai nom.

15 M. FILA : [interprétation]

16 Q. Merci. Passons à autre chose. Page 6 du système du prétoire

17 électronique, citation suivante où Mijatovic s'adresse à M. Nice, il lui

18 dit ceci:

19 "Pendant les bombardements de l'OTAN, Tanic a essayé de nous rouler. Celui

20 qui était alors chef du centre de Belgrade n'était pas un incompétent sur

21 le plan opérationnel. Il a permis que des comptes soient réglés entre lui

22 et le service, et c'était clair que c'était l'habitude quand les agents

23 étaient surpris en train de mentir. Je voulais que Marina dise à M. Nice

24 que la personne susmentionnée avait reçu une fessée."

25 C'est donc comme cela que Mijatovic voit votre enlèvement.

26 R. Pas tout à fait, car quelques pages plus loin dans ce même livre, il

27 parle de mon enlèvement avec plus de sérieux et de détail. Ceci mis à part,

28 il est inexact de dire que j'aurais essayé de mentir au service de Sécurité

Page 6546

1 pendant la guerre; car j'aurais fait l'objet d'une arrestation légale pour

2 les avoir trompés et j'aurais écopé d'une longue peine de prison.

3 En tout état de cause, je n'aurais pas été envoyé à l'étranger et je

4 n'aurais pas pu revenir avec le même résultat que ce ne fût le cas pour

5 Milic et personne ne dit que Milic a menti. J'aurais été arrêté si j'aurais

6 menti, mais que puis-je faire ? Il va comparaître ici comme témoin. Il aura

7 à se laver les mains lui-même. C'est une description tout à fait inexacte.

8 On ne m'a pas donné la fessée et je n'aurais demandé à personne de faire

9 subir ce traitement, le traitement que j'ai reçu.

10 Peut-être pourrions-nous parcourir d'autres pages où M. Mijatovic parle de

11 mon enlèvement de façon différente.

12 L'INTERPRÈTE : Est-ce que Maître Fila peut répéter la question car il y a

13 eu chevauchement.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, veuillez reposer votre

15 question car il y a eu chevauchement avec la réponse du témoin.

16 M. FILA : [interprétation] Je voulais simplement obtenir un commentaire du

17 témoin, ce que j'ai obtenu.

18 Q. Citation suivante, M. Nice : "Je suis chef adjoint du service. M.

19 Mihajlovic est un ancien camarade de parti, ancien conseiller du ministère

20 de l'Intérieur et il a peur de revenir au pays. C'est illogique, n'est-ce

21 pas ? Nous avons examiné la question, et tiens, tiens, tout tourne autour

22 de M. Busby. La préparation du témoin en vue de son témoignage à La Haye

23 est déjà bien avancé. M. Tanic se balade sur le continent nord-américain,

24 c'est l'interprétation donnée, et dans toute l'Europe, et maintenant il a

25 de l'argent plein les poches et c'est la chose qu'il préfère."

26 Alors qu'est-ce que ceci veut dire, Monsieur, que vous avez été préparé par

27 cette personne ici, dont on dit qu'il s'agit d'un certain Busby, quel que

28 soit le nom qui était le sien véritablement ou qu'on a préparé votre

Page 6547

1 déposition ?

2 R. J'attends l'interprétation. Je n'ai pas dit le continent nord-

3 américain, j'ai parlé de l'Europe du Nord. Je voudrais cette erreur soit

4 corrigée. L'Europe du Nord, pas le continent nord-américain.

5 Voici le commentaire que j'ai à faire : à l'époque où ceci se préparait, je

6 parle du Tribunal de La Haye, du procès, la personne mentionnée ici comme

7 étant Busby - et je ne peux ni confirmer ni infirmer - n'était jamais

8 présente. Je ne l'avais jamais vu auparavant. Vous pouvez le voir grâce aux

9 comptes rendus. Nous ne nous sommes pas rencontrés à cette époque. Il n'a

10 pas effectué de préparatifs avec moi. Au contraire. Ils ont appris

11 certaines choses de ma part et c'est pour cela qu'il y a eu des

12 commentaires à mon égard à Belgrade, et j'ai expliqué qu'il avait un poste

13 de chef adjoint du service et que Mihajlovic était ministre de l'Intérieur.

14 C'est la raison pour laquelle je ne suis jamais retourné en Serbie. Ils

15 étaient très importants pour moi, ils comptaient beaucoup, et c'est clair à

16 mes yeux que cette personne n'aurait pas même rendu des livres volés, ne

17 m'aurait jamais rendu des livres volés.

18 Q. C'est la déposition que vous avez déjà faite, vous l'avez déjà dit.

19 R. Oui, mais cette personne, ce Busby, ne m'a jamais rencontré à l'époque;

20 cela peut se vérifier. Il n'a pas fait de préparatifs avec moi. Je n'ai pas

21 changé d'apparence, je n'ai pas changé de comportements non plus. Je

22 n'avais pas à changer d'actions, d'actes, parce qu'une partie de tout ceci

23 a été publié en 1997, une partie de ce que j'ai fait, de mes contacts, et

24 je ne me suis pas baladé en Europe du Nord. Le Tribunal peut le vérifier.

25 Je suis juste allé à Paris une seule fois pour voir Petrovic et Mihajlovic.

26 Q. J'ai deux autres citations et j'en aurai fini pour aujourd'hui.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, Maître Fila -- vérifions s'il y a

28 un autre procès cet après-midi dans ce prétoire.

Page 6548

1 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Désolé, il n'est pas possible de

3 continuer. Je sais que c'est ridicule, Maître Fila, de devoir travailler de

4 cette façon, mais vous savez qu'en général quand on pose des questions,

5 qu'il y a des réponses, on a tendance à s'étendre et il y a toujours des

6 points à tirer au clair.

7 Vous le dites -- dites-moi, je vais poser la question comme suit : Quand

8 est-ce que vous avez rencontré Busby ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai rencontré cette personne mentionnée dans

10 le livre comme étant George Busby, en 1992/1993 à Belgrade.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La réponse qui a été répercuté au

12 compte rendu d'audience n'est pas très claire. Est-ce que vous êtes en

13 train de dire que vous ne l'aviez pas rencontré à l'époque où vous

14 fournissez votre déclaration ici ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas du tout. Nous avons parlé une seule

16 fois, mais nous ne nous sommes pas rencontrés à l'époque en 1999/2000. Je

17 n'ai jamais rencontré cette personne. Demandez-le aux Britanniques. Il n'a

18 aucunement influé sur ma déposition, parce qu'il a appris beaucoup de

19 choses de moi à propos des secrets serbes et des secrets de Milosevic; des

20 secrets concernant la façon dont la guerre a été provoquée. Il a appris

21 beaucoup de choses de moi…

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, vous avez encore besoin

23 de beaucoup de temps pour votre contre-interrogatoire ?

24 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, je suis à mi-parcours,

25 mais je vais essayer d'accélérer. J'ai encore deux citations tirées de ce

26 livre, et j'en aurai terminé pour ce qui est du volet concernant la

27 carrière en matière de renseignements du témoin.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a un problème au niveau de

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1 l'interprétation. On dit : "Je n'ai jamais rencontré cette personne." Ce

2 que j'ai voulu dire, c'est que je ne l'ai jamais vu en 1999/2000. Nous nous

3 sommes parlés au téléphone une ou deux fois, et c'est tout. Cette personne

4 n'a pas participé à la préparation de mon témoignage au TPY, il n'y a pas

5 eu d'autres services secrets --

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous avons déjà obtenu ces éléments

7 d'information. Vous vous bornez à répéter ce que vous avez déjà dit.

8 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, nous constatons que le contre-

10 interrogatoire a déjà duré aussi longtemps que l'interrogatoire principal,

11 et c'est là notre critère de vérification. Alors, où en sommes-nous ?

12 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, nous devrons demander

13 davantage de temps parce que nous avons perdu beaucoup de temps

14 aujourd'hui, du fait que le témoin freine des quatre fers. Vous voyez, je

15 vais accélérer. Vous le verrez à mon comportement, je ne veux pas prolonger

16 ceci ou retarder les choses, mais c'est un témoin très important, Monsieur

17 le Président.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que vous devriez aussitôt

19 après cette audience discuter avec le greffier d'audience pour lui donner

20 une idée du temps que vous aurez besoin. Vous devrez sans doute consulter

21 M. Hannis également sur la question parce que j'aimerais savoir de combien

22 de temps il aura éventuellement besoin pour les questions supplémentaires.

23 Monsieur Tanic, ceci met fin à notre journée d'aujourd'hui étant donné

24 qu'il y a un autre procès dans ce prétoire cet après-midi. Nous devons

25 quitter ce prétoire très rapidement. Quittez le prétoire avec l'huissier

26 d'audience, et n'oubliez pas les instructions que je vous ai données, à

27 savoir que vous ne devez parler à personne de votre déposition d'ici à

28 demain. Revenez ici demain matin à 9 heures.

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1 Oui, nous allons passer à huis clos pour permettre que vous quittiez le

2 prétoire.

3 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président.

4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos, Monsieur le

5 Président.

6 [Audience à huis clos]

7 (expurgé)

8 --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le mercredi, 15

9 novembre 2006, à 9 heures 00.

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