Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 16 janvier 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes. Soyez les

6 bienvenus. Nous espérons que vous êtes revigorés et que vous pourrez

7 répondre aux défis qui nous attendent tout au long de cette année.

8 Monsieur Hannis.

9 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour. Bonne

10 année à tous et à toutes. Notre premier témoin pour cette année sera M.

11 Adnan Merovci. Monsieur le Président, ce témoin va témoigner en application

12 du 92 ter, en viva voce, sa déclaration constitue la pièce à conviction

13 P2588. Nous avons reçu des informations complémentaires hier. Il y a deux

14 nouveaux paragraphes qui sont ajoutés à sa déclaration. Je ne sais pas si

15 les Juges de la Chambre ont reçu copie ou pas.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, nous avons reçu cela. Merci.

17 M. HANNIS : [interprétation] J'ai déjà indiqué au conseil de la Défense que

18 nous allons passer à une modification, à un amendement du résumé en

19 application du 65 ter, nous allons le faire dans le courant du témoignage

20 viva voce aujourd'hui.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Y aurait-il opposition pour ce qui est

22 d'entendre le témoignage de ce témoin de cette façon ?

23 Bien, cela semble ne pas être le cas. Monsieur Hannis, nous allons vous

24 autoriser à amender cela en application du 65 ter.

25 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maintenant, nous allons entendre ce

27 témoin.

28 M. HANNIS : [interprétation] Oui, certainement, merci.

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1 On m'a indiqué qu'il y a une page manuscrite en langue albanaise qui

2 constitue une liste de dates et de noms ou d'événements sur le côté. J'ai

3 fait une copie et je l'ai distribuée à la Défense. Le témoin a indiqué

4 qu'il se référerait probablement à ce document, et je lui ai demandé de

5 nous le faire savoir si besoin était de le faire.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

7 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Merovci.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez, je vous prie, faire votre

11 déclaration solennelle disant que vous allez dire la vérité, et dites-le à

12 voix haute.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

14 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

15 LE TÉMOIN: ADNAN MEROVCI [Assermenté]

16 [Le témoin répond par l'interprète]

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.

18 Je suis certain que vous le savez déjà, mais je précise que vous allez être

19 interrogé par toute une série de conseils. Cela va d'abord être le cas du

20 bureau du Procureur. Le premier des conseils qui vous interrogera sera

21 celui de l'Accusation.

22 Monsieur Hannis, à vous.

23 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

24 Monsieur le Président, ce témoin témoignera en application des

25 paragraphes dont nous vous avons fait notification la semaine passée.

26 Interrogatoire principal par M. Hannis :

27 Q. [interprétation] Monsieur Merovci, bonjour. Je crois comprendre que

28 vous êtes un Albanais du Kosovo, que vous êtes marié et que vous avez

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1 quatre enfants; est-ce exact ?

2 R. Oui, c'est exact.

3 Q. Mis à part le fait de parler votre langue maternelle qui est

4 l'albanais, vous parlez et vous comprenez également l'anglais et le serbe ?

5 R. C'est exact.

6 Q. Excusez-moi -- oui, c'est bon. Je voudrais d'abord vous montrer la

7 pièce à conviction qui porte la cote P2588. Monsieur Merovci, je vous ferai

8 parvenir une copie papier de la version anglaise du même document. Savez-

9 vous nous dire si vous identifiez ce document ?

10 R. Oui, c'est la déclaration que j'ai faite et signée.

11 Q. Avez-vous eu l'occasion de réexaminer cette déclaration avant de venir

12 témoigner ici aujourd'hui ?

13 R. Oui, j'ai eu l'occasion de la relire et tout est clair.

14 Q. Vous êtes-vous assuré du fait que cela était conforme à la vérité et

15 exact ?

16 R. Oui, la déclaration est exacte dans sa totalité.

17 Q. Pouvez-vous confirmer aux Juges de la Chambre que si l'on vous posait

18 ces questions, vous fourniriez les mêmes réponses aujourd'hui ?

19 R. Oui.

20 Q. Merci.

21 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais que cette

22 déclaration soit versée en application du 92 ter.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Hannis.

24 M. HANNIS : [interprétation]

25 Q. Monsieur Merovci, depuis la déclaration que vous avez faite, j'aimerais

26 savoir quels sont les emplois que vous avez eus. Une fois que vous avez

27 quitté M. Rugova, avez-vous eu l'occasion de travailler avec l'OSCE ?

28 R. Oui, j'ai été responsable exécutif du secrétariat aux élections. Je me

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1 suis trouvé à la tête de l'institution chargée de l'organisation des

2 élections locales au Kosovo.

3 Q. Quand est-ce que ces élections ont eu lieu et en quelle année ?

4 R. Nous sommes en train de parler des élections de 2004.

5 Q. Depuis, avez-vous travaillé dans des entreprises privées ?

6 R. Avant cette période, j'ai été directeur des services postaux du Kosovo.

7 Après les élections, j'ai travaillé dans le secteur privé et j'y travaille

8 de nos jours encore. Je me trouve à être directeur exécutif dans une

9 industrie alimentaire.

10 M. HANNIS : [interprétation] Je vais revenir à mon exemplaire de votre

11 déclaration pour que je puisse me référer aux notes que j'y ai apposées.

12 Q. Au paragraphe 1, vous faites référence au fait qu'en 1981, vous avez

13 travaillé à la Banque du Kosovo. Quel type de travail avez-vous effectué ?

14 R. J'ai été chargé du traitement des données au département IT,

15 département informatique.

16 Q. Vous avez continué à travailler dans cette banque jusqu'en 1990, si

17 j'ai bien compris votre déclaration, n'est-ce pas ?

18 R. Oui, j'ai travaillé jusqu'en 1990, avec une interruption d'une année à

19 l'occasion de quoi j'ai fait mon service militaire.

20 Q. Est-ce que cela a été le service militaire obligatoire au sein de la

21 JNA ?

22 R. Oui, dans le courant des années 1983-1984.

23 Q. Dans quel type d'unité avez-vous fait votre service militaire

24 obligatoire dans la JNA ?

25 R. Dans l'artillerie.

26 Q. Monsieur Merovci, je voudrais passer maintenant au paragraphe numéro 8

27 de votre déclaration. Là, vous parlez des années 1980 et vous précisez :

28 "Dès l'époque, la stratégie de M. Milosevic visait à faire partir les

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1 Albanais du Kosovo pour amener des Serbes aux fins de créer une province

2 ethniquement pure au Kosovo."

3 Quelles sont les preuves que vous aviez en votre possession ? Quelles sont

4 les choses qui vous ont fait tirer cette conclusion-là au sujet de la

5 stratégie de M. Milosevic ?

6 R. Entre autres, il y a eu ce programme prévoyant le retour des Serbes qui

7 a absolument discriminé les Albanais. Je peux vous fournir plusieurs

8 arguments à cet égard. Par exemple, les Serbes pouvaient avoir accès à

9 l'emploi, au logement. Il y a eu des lois discriminatoires en application

10 desquelles les Serbes n'avaient pas le droit de vendre des biens

11 immobiliers à des Albanais. Ce sont les quelques éléments qui me viennent à

12 l'esprit.

13 Q. Quand vous dites que les Serbes avaient accès à l'emploi, au logement

14 et à la construction d'une maison, en quoi cela différait-il de l'accès

15 qu'avaient les Albanais au travail ou au logement ?

16 R. Lorsque j'ai dit qu'il y avait eu ce programme de discrimination

17 délibéré des Albanais et de favorisation des Serbes, cela avait été un

18 programme organisé par le gouvernement à l'époque et cela a été fait de

19 façon à se faire au détriment très souvent des Albanais. Par exemple, s'il

20 y avait une maison ou un appartement qui était censé être attribué à un

21 Albanais employé à un endroit déterminé, nous sommes en train de parler de

22 l'époque où il y avait ces propriétés sociales ou collectives et qu'il n'y

23 avait pas de propriétés privées, ce type de maisons ou d'appartements

24 étaient attribuées à des gens qui travaillaient dans d'autres entreprises.

25 C'est ce qui m'est arrivé également. Mon nom était sur une liste

26 d'attente pour un logement, une collègue est venue travailler là et elle

27 s'est fait attribuer l'appartement en l'espace de quelques jours,

28 appartement qui était destiné à m'être attribué.

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1 Q. Bien. Vous avez dit que les Serbes n'avaient pas le droit de vendre

2 leurs propriétés aux Albanais. De quel type de propriétés êtes-vous en

3 train de parler ?

4 R. Cela est exact. C'était une loi discriminatoire qui a été critiquée par

5 la communauté internationale. S'agissant des biens immobiliers, les Serbes

6 s'étaient vu interdire de vendre. Bien qu'il y ait eu des transactions

7 privées, cette loi en réalité était discriminatoire également à l'égard des

8 Serbes parce qu'il y avait des Serbes qui souhaitaient vendre certains de

9 leurs biens. Cela fait que cette loi se faisait au détriment des Serbes

10 aussi, mais cela a aussi bien affecté les Albanais.

11 Q. Vous avez mentionné une loi qui interdisait aux Serbes de vendre des

12 biens aux Albanais. Y avait-il une loi similaire qui empêchait les Albanais

13 de vendre des biens aux Serbes ?

14 R. Non, les Serbes étaient les seuls à s'être vu interdire de vendre des

15 biens aux Albanais. Nous ne pouvions pas de façon légale nous procurer ce

16 type de biens, mais le contraire pouvait être fait.

17 Q. Bien. Nous allons maintenant revenir au paragraphe 11 de votre

18 déclaration, où vous êtes en train de parler du fait qu'en 1989, il y a eu

19 création de ce parti politique qui s'appelle la Ligue démocratique du

20 Kosovo dont faisaient partie Rugova et autres. Comment se fait-il que vous

21 ayez été actif au sein de ce parti, le LDK ?

22 R. Je suis devenu actif au sein de cette Ligue démocratique du Kosovo

23 depuis le tout début de sa création. J'ai été l'un des premiers militants à

24 avoir participé à la réalisation des affaires techniques. Mon engagement a

25 consisté à organiser les activités du bureau du feu président Rugova. A

26 aucun moment je n'ai été impliqué dans les affaires politiques tout au long

27 de ma carrière et de l'organisation que j'ai effectuée pour le compte de M.

28 Rugova.

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1 Q. Mais êtes-vous devenu membre dudit parti ?

2 R. En réalité, sur un plan formel, je n'en ai pas été membre, mais compte

3 tenu du fait qu'il s'agissait d'une organisation qui ressemblait davantage

4 à un mouvement qui s'était voué à l'organisation de la vie au Kosovo, aux

5 services de santé, à l'éducation, aux activités culturelles, et ainsi de

6 suite, il s'est agi d'une forme d'organisation qui rassemblait les

7 activités de la totalité des Albanais parce que cela facilitait leur vie

8 dans ce type de circonstances.

9 Q. Bien que vous n'ayez pas été membre, avez-vous été payé pour les

10 services que vous avez fournis au LDK ?

11 R. Au début, tous les activistes ont travaillé sur la base du bénévolat.

12 Ils venaient se joindre à ces types d'activités de leur plein gré. Cela

13 fait que nos activités se sont fondées sur des contributions personnelles

14 de tout un chacun. Au début, il a été difficile à l'organisation de

15 collecter des fonds. C'est ainsi que cela s'est passé au fil des trois

16 premières années.

17 C'est à bord de ma voiture privée que j'ai conduit M.Rugova pendant trois

18 ans, à mes propres frais. Par la suite, nous avons organisé un système de

19 financement qui s'est traduit par la collecte d'une cotisation mensuelle.

20 C'est ainsi que nous avons finalement pu être payés.

21 Q. Bien. Au paragraphe 13, vous parlez de votre emploi à la banque du

22 Kosovo et de votre qualité de membre au sein de la présidence des

23 syndicats. Dites-nous brièvement quel a été votre rôle au sein de

24 l'organisation syndicale de la banque.

25 R. A l'époque, un peu avant qu'il n'y ait eu des élections pluripartites

26 d'organisées en Yougoslavie, les employés ont commencé à organiser des

27 organisations syndicales qui étaient qualifiées d'organisations syndicales

28 indépendantes. Chaque organisation, chaque entreprise ou institution, mêmes

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1 les institutions publiques pouvaient constituer ce type d'organisation, et

2 j'ai été l'un des organisateurs de cette organisation indépendante des

3 syndicats à la banque, à la United Bank du Kosovo, et j'ai été membre de la

4 présidence de cette organisation syndicale.

5 Q. Vous avez mentionné le fait qu'en 1989, il y a eu des mesures d'urgence

6 et il a été fait référence à ces mesures comme étant des mesures spéciales.

7 Cela se situe vers l'époque où il y a eu suppression de l'autonomie du

8 Kosovo. Vous souvenez-vous encore de l'événement ?

9 R. Oui. Après l'adoption des amendements constitutionnels et adoptions

10 forcées de ces amendements constitutionnels, toutes les institutions

11 publiques, économiques et sociales, mais essentiellement économiques, ont

12 été exposées à des mesures de contrainte. Ce sont des mesures qui ont été

13 imposées à l'encontre de la volonté de la société et des employés qui

14 travaillaient au sein de ces différentes institutions. Après la mise en

15 place desdites mesures, il a été entamé des mesures visant à éliminer,

16 liquider ou faire en sorte que ces institutions aillent vers le dépôt de

17 bilan. Ce processus d'évaluation a duré sur des années entières, ensuite

18 des commissions d'experts étaient censées décider du destin desdites

19 entreprises, ce qui impliquait des procédures de liquidation de société ou

20 de banqueroutes. Je suis en train de parler de l'époque où Markovic a été

21 premier ministre et où son programme de notoriété publique a été publié.

22 Q. C'est bien. Vous avez parlé de mesures qui ont été qualifiées en

23 anglais de mesures de contrainte. Dites-nous quel est le nom utilisé en

24 serbe.

25 R. En serbe, on a appelé cela "prisilne mere", mesures de contrainte en

26 traduction.

27 Q. Comment vous a-t-il affecté vous et les autres employés au sein de la

28 banque du Kosovo lorsqu'il y a eu mise en place desdites mesures ? Dites-

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1 nous comment cela s'est passé dans la vie réelle.

2 R. Ces mesures avaient pour objectif la destruction, l'anéantissement de

3 toutes les institutions au Kosovo. Elles ont, en particulier, visé à faire

4 licencier les Albanais de leur travail au sein de toutes les institutions.

5 Au niveau de la banque où je travaillais, où il y avait à peu près 500

6 employés dont environ 300 se trouvaient être des Albanais alors que les

7 autres étaient Serbes, à quelques exceptions près d'Albanais qui occupaient

8 des positions- clés au niveau de la banque et j'étais l'un de ceux-là. Nous

9 étions une soixantaine, nous avons été les seuls à rester au sein de

10 l'institution. Les 240 autres ont été licenciés.

11 Comme je vous l'ai dit, j'ai été l'un de ceux qui étaient restés au

12 sein de la banque. Mais au bout de quelques semaines, j'ai connu le même

13 sort moi aussi, j'ai été licencié.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Merovci, vous vous êtes

15 référé il y a quelques instants à la façon dont les entreprises ont été

16 dirigées vers des dépôts de bilan, ont été liquidées. Quand vous parlez de

17 la banque dans votre déclaration, vous dites que les Serbes en ont pris le

18 contrôle. Une fois qu'ils ont exercé un contrôle vis-à-vis de la banque,

19 pourquoi ont-ils liquidé celle-ci ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Au départ, ils ont mis en place ce programme

21 de mesures de contrainte au sein de toutes les institutions. Quand je dis

22 "toutes les institutions," j'entends bien toutes les institutions, y

23 compris les institutions sociales, celles de l'Etat et autres. Dans la

24 banque, ils ont procédé à une procédure de liquidation sous prétexte que ce

25 n'était pas une banque profitable.

26 Je suis en train de parler de l'époque où cela se trouvait être la

27 seule banque intervenant au niveau du Kosovo et qui faisait partie de

28 l'association des banques de l'ex-Yougoslavie. Ce processus de liquidation

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1 a été utilisé seulement lorsqu'il se trouvait être déterminé qu'il

2 s'agissait d'une institution non profitable. Mais cela n'a pas été le cas

3 de la banque en question puisque c'était la seule qui y opérait, qui y

4 fonctionnait. Quand je parle de mesures de contrainte, je voulais entendre

5 la mise en place d'une administration imposée.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que vous n'avez pas

7 compris ma question. Je n'ai pas posé de question relative au processus,

8 mais je ne vois pas les motifs. De quelle façon pouvait-on s'assurer du

9 contrôle de la banque en licenciant la totalité des Albanais et en assurant

10 aux Serbes des positions dirigeantes. Pourquoi a-t-il alors été nécessaire

11 de liquider ladite banque parce que cela, d'après moi, lui avait fait

12 cesser ses activités ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une opinion qui est la mienne,

14 mais elle se fonde sur des faits. Ce que je voudrais expliquer à votre

15 égard c'est que ces mesures de contrainte ont été imposées au niveau de

16 toutes les institutions. Ceci est un fait. Maintenant, pour le cas de

17 certaines institutions, comme cela est le cas de la banque qui est une

18 institution financière, la seule façon de licencier des employés de cette

19 institution, qui n'a rien à voir avec la politique, avait été de la mettre

20 dans un processus de liquidation.

21 C'est la raison pour laquelle la banque a été soumise à ce type de

22 procédure. Les procédures dans leur ensemble ont été diligentées par

23 Belgrade. Pour être tout à fait clair, le processus de liquidation n'a pas

24 découlé d'une violation du statut de la banque en sa qualité d'institution

25 financière, mais la seule intention avait été celle de licencier les

26 employés.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais une fois que le personnel

28 albanais a été licencié, est-ce que la banque a continué à exercer ses

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1 activités sous le contrôle des Serbes ou est-ce qu'elle a cessé de

2 fonctionner ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] La banque a continué à fonctionner, mais ce

4 n'était pas dans le même statut. Il y a d'abord eu une réduction du nombre

5 du personnel et il y a eu un changement de son nom.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Je vous comprends mieux. Merci.

7 Monsieur Hannis.

8 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

9 Q. Monsieur Merovci, y a-t-il eu des Serbes qui ont travaillé à l'époque

10 dans cette banque et qui ont été licenciés ?

11 R. Non, non seulement au sein de la banque mais au sein d'aucune autre

12 institution il n'y a eu licenciement des Serbes. Je ne me souviens pas d'un

13 cas où des Serbes auraient été licenciés. Il s'est passé le contraire, les

14 Serbes sont venus remplacer ceux des Albanais qui ont été licenciés.

15 Q. J'aimerais maintenant que nous passions au paragraphe 17 de votre

16 déclaration. Une fois que vous avez été expulsé de votre emploi au sein de

17 la banque, vous avez rejoint les rangs de l'organisation de M. Rugova à

18 temps plein. Est-ce que vous avez eu un titre pour le travail qui a été le

19 vôtre auprès du Dr Rugova ?

20 R. Oui. J'ai été responsable essentiellement de l'administration de son

21 cabinet. Ma position se fondait sur le travail que j'effectuais. J'étais le

22 secrétaire personnel de M. Rugova. Une fois de plus, on disait de moi que

23 j'étais le chef de protocole, parfois on disait que j'étais une espèce de

24 secrétaire technique ou de secrétaire personnel, mais mon travail a

25 consisté à effectuer le type de choses qui sont la tâche d'un secrétaire

26 personnel.

27 Q. Bien. M. Rugova a été votre supérieur direct, il n'y avait personne

28 entre lui et vous ?

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1 R. Oui, ma relation avec M. Rugova était directe. Mon travail consistait à

2 accomplir des activités en corrélation avec les siennes.

3 Q. Quel type de choses avez-vous accompli pour le compte du Dr Rugova à

4 cette fonction ?

5 R. Depuis 1989, à savoir depuis le moment où M. Rugova a été élu aux

6 fonctions du président du LDK et en 1992, au moment où il a été élu

7 président du Kosovo, à des élections organisées à l'époque par les

8 Albanais, mon travail a consisté à organiser les rencontres protocolaires;

9 à envoyer et à recevoir les documents. J'ai été également chargé de sa

10 sécurité. Il s'agissait d'une sécurité improvisée pour ses déplacements et

11 j'ai également pris soin de sa famille.

12 Q. Au paragraphe 19, vous indiquez que, lors de vos voyages avec le Dr

13 Rugova, vous avez eu bon nombre de contacts avec la police frontalière et

14 le personnel frontalier. Vous dites que parfois vous avez été persécuté sur

15 des bases de conviction personnelle des individus en question et des fois

16 que cela a été des persécutions organisées.

17 Pouvez-vous expliquer la différence que vous faites entre ce harcèlement

18 organisé ?

19 R. Oui, à l'occasion de ce travail, je l'escortais et je l'accompagnais

20 tout le temps; j'étais la personne qui était censée communiquer avec les

21 autres parties et j'ai été témoin des harcèlements dont il a fait l'objet

22 par la police. Par exemple, lorsque nous allions en Macédoine pour aller

23 dans un autre pays étranger, les harcèlements ou les mauvais traitements

24 revêtaient un caractère personnel. Quand je dis "caractère personnel,"

25 j'entends que parfois lorsqu'on arrêtait nos véhicules, d'habitude on

26 roulait à bord de trois véhicules; il y en avait un devant, un derrière le

27 président, son véhicule se trouvant au milieu -- alors il laissait, par

28 exemple, le premier ou le dernier véhicule passer, et là où M. Rugova et

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1 moi nous étions, ce véhicule-là était arrêté.

2 On nous demandait d'abord de montrer nos papiers d'identité, parfois il

3 arrivait d'entendre le policier me dire à titre confidentiel qu'il le

4 faisait rien que parce que ses supérieurs le lui ont dit. Ils n'avaient pas

5 d'ordre visant à nous stopper, mais il fallait juste faire preuve et montre

6 de qui était qui. Après cela, ils faisaient des commentaires du style, nous

7 avons stoppé M. Rugova, nous nous sommes entretenus avec lui, et ainsi de

8 suite. C'est ce type de choses qui nous arrivait de la part d'individus qui

9 étaient chargés de le faire par la police. Quand on nous a arrêtés ou

10 malmenés de façon organisée, ce que je veux dire c'est que de Pristina à la

11 frontière, je parle d'une soixantaine de kilomètres, il nous arrivait

12 d'être stoppés sept à huit fois sur notre chemin pour nous poser et reposer

13 les mêmes questions et s'adresser à nous de la même façon juste pour nous

14 faire perdre notre temps.

15 Il arrivait lorsque nous leur montrions nos billets d'avion et lorsqu'ils

16 voyaient à quelle heure les vols étaient prévus, ils nous retenaient

17 davantage encore et cela nous faisait rater nos vols. Parfois nous étions

18 invités à assister à des activités des institutions internationales du type

19 Parlement européen et autres, et nous leur montrions les documents

20 afférents, mais ils n'ont fait preuve d'aucune compréhension pour la

21 position qui était la nôtre. Une fois arrivée à la frontière, nous n'avons

22 plus eu de problèmes. Tout cela nous convainc du fait que la chose a été

23 arrangée d'avance.

24 Q. Merci.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être que cela sera résolu plus

26 tard, mais il semble qu'à la ligne 4 -- en fait, non, il s'agit de la ligne

27 3, le témoin a dit : j'étais la personne qui devait communiquer avec

28 l'homologue.

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1 M. HANNIS : [interprétation] C'est ce que j'ai entendu moi aussi, Monsieur

2 le Président.

3 M. HANNIS : [interprétation]

4 Q. Monsieur Merovci, je vais passer à un autre sujet. Au paragraphe 28 de

5 votre déclaration, vous avez dit qu'en début 1998, l'UCK a commencé à

6 s'établir et à devenir plus active. Est-ce que vous-même ou le Dr Rugova

7 avez eu des contacts directs avec l'UCK ?

8 R. Non. A ma connaissance, M. Rugova n'a eu aucun contact que ce soit avec

9 l'Armée de libération du Kosovo.

10 Q. Je vais limiter cela, mais je comprends, d'après certaines parties de

11 votre déclaration, qu'à Rambouillet, lors des pourparlers à Paris, il y

12 avait des représentants de l'UCK qui faisaient partie de la délégation

13 albanaise. Ce que je veux dire c'est qu'en dehors de cela où est-ce que

14 vous avez été membres de la même délégation, il n'a pas eu de contacts,

15 n'est-ce pas ?

16 R. Si nous parlons de l'époque avant la guerre, avant la Conférence de

17 Rambouillet, la réponse est non. Je n'ai pas eu de contacts personnels avec

18 eux. Il s'agit de personnes que je connaissais avant qu'elles deviennent

19 actives dans un cadre militaire.

20 Q. Très bien. Le Dr Rugova, de la même façon, avant Rambouillet, c'est la

21 même chose ?

22 R. M. Rugova non plus n'a eu aucun contact avec ces personnes.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais éclaircir deux choses avant

24 que nous continuions.

25 Dans votre déclaration au paragraphe 28, vous dites : un des dirigeants du

26 LDK, Fehmi Agani, avait eu des contacts avec l'UCK. Vous dites, d'après la

27 traduction anglaise, qu'il s'agissait d'une relation formelle entre Agani

28 et l'UCK. Qu'entendez-vous par cela, "il s'agissait d'une relation

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1 formelle" entre eux ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Agani, qui est décédé, était le vice-

3 président du LDK. Il était un collaborateur très proche de M. Rugova, donc

4 je dirais que M. Agani avait des contacts indirects avec l'UCK par

5 l'intermédiaire de militants ou de personnes qui, à un moment, avaient fait

6 partie de l'organisation du LDK, ensuite elles sont devenues des membres de

7 l'UCK.

8 Quand je parle de "relation formelle", c'est de cela que je parle. Il

9 s'agit de contacts de courtoisie de nature informelle. En ce qui concerne

10 M. Rugova, il n'a jamais eu de contacts directs avec ces personnes.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vois que vous dites non pas

12 formelles, mais plutôt informelles avec l'UCK. Mais d'après la réponse que

13 vous venez de donner, il n'y avait pas de relations établies ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact, ce que vous dites est

15 exact. Lorsque ma déclaration a été faite, ce que je voulais dire, je

16 disais "formalisht" en albanais, qui est "formally" en anglais, formelle.

17 Cela change la nature de la déclaration, mais c'est une autre question.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans le paragraphe précédent, qui n'a

19 aucun rapport au paragraphe 27, vous parlez de l'achèvement de l'accord

20 concernant l'éducation et vous dites que la communauté de San Egidio y

21 participait. Est-ce que le Dr Rugova et Milosevic se sont rencontrés à un

22 moment ou à un autre pour signer cet accord ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous parlons à nouveau de l'accord qui a été

24 signé en 1996, et comme vous l'avez déjà fait remarquer, il a eu lieu grâce

25 à la médiation de cette organisation, il a été signé par ce qu'on appelle

26 la diplomatie de navette, c'est-à-dire qu'il n'y a jamais eu de contact

27 direct entre ces deux personnes, mais que l'accord a été signé d'abord par

28 M. Milosevic à Belgrade, ensuite par M. Rugova à Pristina.

Page 8427

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

2 Monsieur Hannis.

3 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

4 Q. Monsieur Merovci, nous allons en quelque sorte revenir à un sujet dont

5 nous avons déjà parlé tout à l'heure. Au paragraphe 30, vous avez dit que

6 la violence augmentait au Kosovo, que le Dr Rugova avait réduit ses

7 déplacements à l'intérieur du Kosovo, en particulier dans les zones

8 isolées, mais qu'il continuait tout de même à voyager à l'étranger.

9 Vous avez dit qu'il y avait à peu près tout le temps systématiquement

10 un certain harcèlement du côté du Kosovo de la frontière avec la Macédoine

11 lorsque vous reveniez de ces voyages et que vous avez remarqué que le

12 niveau de harcèlement variait en fonction de l'endroit où vous étiez allés

13 pendant votre déplacement qui avait immédiatement précédé ce passage de la

14 frontière. Pouvez-vous nous donner des exemples ?

15 R. Oui. M. Rugova, lors de ses déplacements à l'étranger, ses déplacements

16 officiels - lorsque je dis "officiels", c'est-à-dire qu'il s'agissait de

17 réunions qui étaient prévues; qui étaient organisées et auxquelles il était

18 invité à prendre part, il s'agissait de meetings de haut niveau, et lorsque

19 ces réunions étaient rendues publiques, lorsque nous revenions de ces

20 réunions où nous étions traités comme des personnes importantes, dans tous

21 ces pays en dehors de notre propre pays - là où nous étions chez nous, nous

22 étions traités comme des ennemis et, à de nombreuses occasions, nous avons

23 été harcelés en raison de ces réunions.

24 Par exemple, il y a eu la réunion avec le président Clinton. Au

25 moment où nous avons passé la frontière, nous sommes entrés dans le pays et

26 nous avons été maltraités comme jamais nous n'avions été maltraités jusque-

27 là. M. Rugova a dû sortir du véhicule plusieurs fois, trois ou quatre fois.

28 On lui a demandé de retourner dans le véhicule. Tout a été fouillé. Les

Page 8428

1 personnes qui se trouvaient à l'intérieur de la voiture et les véhicules

2 qui l'escortaient ont été suivis également. C'est ce type de mauvais

3 traitements qui ont eu lieu. Si la route était libre jusqu'à Pristina, il y

4 avait un arrêt qui était rendu obligatoire par la police, qui n'avait rien

5 à voir avec, par exemple, une contravention au code de la route, mais

6 simplement pour poser des questions.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous

8 rappeler la date de cette rencontre avec le président Clinton ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas de la date, mais

10 si je ne me trompe pas, je crois que c'était en 1994 ou 1995. Lorsque le

11 président Rugova a reçu le prix Sakharov, je crois que c'était en 1998.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que M. Hannis souhaite

13 à présent passer en 1998 ou 1999, tout du moins je l'espère.

14 M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'ai simplement

15 une question de suivi suite à cette réponse.

16 Q. Vous avez mentionné le prix Sakharov en 1998. De quoi s'agissait-il ? Y

17 a-t-il eu un incident à votre retour de ce voyage ?

18 R. Vous connaissez certainement la nature de ce prix parce qu'il a été

19 remis à de nombreuses autres personnalités, des personnalités connues.

20 Après que M. Rugova ait reçu ce prix, au moment où nous rentrions au

21 Kosovo, nous avons été maltraités par la police serbe à la frontière. Ce

22 comportement de la part de la police constituait l'expression d'une

23 certaine nervosité parce que M. Rugova avait reçu ce prix. Ils essayaient

24 de faire passer un message : quels que soient les récompenses ou les prix

25 que vous recevez, ils ne sont pas valables dans ce pays, ils ne valent

26 rien.

27 Q. Continuons.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous êtes en train de dire

Page 8429

1 que c'est au moment où vous avez reçu le prix que vous avez également

2 rencontré le président Clinton, ou est-ce que la seule fois où vous avez

3 rencontré Clinton, c'était en 1994 ou 1995 ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] L'incident après la rencontre avec Clinton,

5 c'est un autre incident. Je voulais simplement souligner ces deux incidents

6 de mauvais traitements.

7 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

8 Q. Monsieur Merovci, au paragraphe 31, vous avez mentionné l'accord

9 Holbrooke-Milosevic d'octobre 1998 et qu'après que cet accord ait été

10 signé, le Dr Rugova et vous-même vous vous êtes rendus dans différentes

11 régions du Kosovo avec l'ambassadeur Chris Hill. Vous avez dit que lors de

12 ce voyage, vous avez vu des troupes de la VJ dans les collines entre Shtime

13 et Suva Reka. De quel type de troupes s'agissait-il, que vous avez vues

14 dans cette région ? S'agissait-il d'infanterie ?

15 R. Oui, il s'agissait principalement de troupes d'infanterie avec

16 différents types de chars, de véhicules blindés. Ils étaient camouflés, de

17 temps en temps nous les voyions de la route, nous les voyions là-bas dans

18 la montagne, mais on voyait simplement les canons des véhicules, bien que

19 conformément à l'accord, ces véhicules auraient dû se retirer.

20 Q. Dans le paragraphe suivant, au paragraphe 32, vous dites que M.

21 Milosevic n'a pas respecté l'accord consistant au retrait des troupes et

22 vous dites : "Il a même fait arriver des troupes supplémentaires au

23 Kosovo."

24 Comment savez-vous que des troupes supplémentaires ont été envoyées au

25 Kosovo ? Quelle est votre source d'information pour dire cela ?

26 R. Ma source d'information ou plutôt la source d'information pour le

27 bureau de M. Rugova était un centre d'information qui faisait partie du LDK

28 au Kosovo, qui avait un comité d'information, une agence de renseignements

Page 8430

1 qui s'appelait le centre de Renseignements du Kosovo. Les militants et les

2 activistes du LDK ramenaient des renseignements du terrain à ce centre.

3 Ces renseignements provenaient principalement de la région de

4 Podujeva, à la frontière avec la Serbie, où des activistes voyaient eux-

5 mêmes les mouvements du matériel militaire serbe. Ils faisaient des

6 rapports à ce sujet et ils envoyaient les rapports au centre de

7 Renseignements. Leur centre de Renseignements rendait ensuite ces

8 renseignements publics par l'intermédiaire des médias de l'époque.

9 Q. Merci. J'aimerais à présent passer au paragraphe 38 de votre

10 déclaration. Il s'agit du moment qui se situe après les événements dont

11 vous avez parlé à Rambouillet, et vous expliquez comment, pendant les trois

12 semaines entre Rambouillet et la suite des pourparlers à Paris, vous dites,

13 je cite : "Les Serbes ont profité de cela, de cette possibilité pour

14 amasser encore plus de troupes et de matériel au Kosovo, alors que cela

15 était strictement contraire à l'accord Holbrooke de 1998."

16 Tout d'abord, comment êtes-vous au courant des termes de l'accord

17 Milosevic-Holbrooke ?

18 R. Les termes de l'accord Milosevic-Holbrooke ou l'accord lui-même

19 comprenait la désorganisation, la fin, la dispersion des membres de la

20 Mission de vérification au Kosovo, les observateurs de l'OSCE. Ce groupe,

21 cette mission avait pour tâche de voir et de vérifier le niveau

22 d'application de cet accord. L'échéance avait été fixée.

23 Nos militants avaient un certain nombre d'informations et ont pu se

24 rendre compte qu'une quantité impressionnante de matériel était entré au

25 Kosovo à partir de la Serbie. Il s'agit de quelque chose qui est connu du

26 grand public. A ce moment-là, plus de 30 000 troupes sont entrées au

27 Kosovo, et le chiffre ne faisait qu'augmenter. Ces renseignements

28 provenaient principalement des activistes qui suivaient l'évolution de la

Page 8431

1 situation de ce côté-là et qui comptaient chaque pièce de matériel.

2 Q. A nouveau, votre source de renseignement, votre source

3 d'information est ce centre de Renseignements du Kosovo du LDK ?

4 R. Notre principale source d'information était le centre de

5 Renseignements du Kosovo. Les renseignements dont nous disposions étaient

6 corroborés par les faits dans la réalité. Après la Conférence de

7 Rambouillet, après la Conférence de Paris, la Mission de vérification, son

8 travail n'avait plus aucun sens parce que l'accord Holbrooke avait été

9 violé, n'avait pas été respecté. La réalité montrait une situation

10 totalement différente de ce qui était prévu dans l'accord Holbrooke.

11 Q. Je vais donc passer à la suite --

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

13 M. HANNIS : [interprétation] Oui.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] S'agit-il de matériel de la MVK que

15 vous allez nous présenter ? Je ne me souviens pas que DZ nous ait donné des

16 chiffres particuliers comme le chiffre, par exemple, que nous venons

17 d'avoir.

18 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je ne me souviens pas.

19 Il faudrait que je vérifie --

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

21 M. HANNIS : [interprétation] -- sur le compte rendu de sa déposition.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Puis-je poser une question

23 supplémentaire qui a un lien avec ceci, mais ce n'est pas directement lié

24 au témoignage que vous êtes en train d'élucider de votre témoin ? Hashim

25 Thaci est mentionné comme étant un des délégué à Rambouillet. Est-ce que

26 vous savez exactement quelle position il occupait au sein de l'UCK ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Officiellement, il était le directeur du

28 bureau politique de l'UCK, c'est-à-dire que l'UCK avait une division

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1 politique, et Thaci était le directeur de ce service. Pour rendre les

2 choses un peu plus explicites, un peu plus claires, il était le

3 représentant politique de l'UCK.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quel était le lien entre ce poste et

5 les autres postes de direction au sein de l'UCK ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Autant que je sache, d'après les informations

7 que nous avons reçues et d'après ce que j'ai lu, l'UCK avait un état-major,

8 et ces personnes étaient principalement membres de cet état-major alors que

9 M. Thaci, lui, était l'un d'entre eux, mais en tant que représentant

10 politique.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

12 Monsieur Hannis.

13 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

14 Q. Vous avez mentionné le chiffre de 30 000 troupes qui entraient au

15 Kosovo. Lorsque vous dites "troupes", est-ce que vous parlez de la VJ, de

16 l'armée ?

17 R. Il est difficile de déterminer exactement la composition. J'ai parlé de

18 30 000 parce que plus tard, l'évaluation qui a été faite par la communauté

19 internationale était supérieure, allait même jusqu'à 50 000 troupes

20 déployées au Kosovo. Lorsque je dis cela, je ne suis pas en mesure de vous

21 donner une description exacte concernant le nombre de membres de la police

22 et de l'armée, parce que j'ai l'impression que cela recouvre les deux en

23 fait.

24 Q. Très bien. Nous allons maintenant passer au paragraphe 44 de votre

25 déclaration, qui se situe après les pourparlers en France, après qu'ils

26 furent conclus et que vous soyez retourné à Pristina. Vous avez dit qu'il y

27 avait un nombre très important de paramilitaires serbes partout. Pouvez-

28 vous préciser plus exactement votre définition de paramilitaires ? Comment

Page 8433

1 vous les différenciez de la VJ et du MUP ? De qui parlons-nous, ici ?

2 R. Les groupes paramilitaires sont des paramilitaires, et dans ce cas à

3 présent, il s'agit de personnes qui portent des armes légales ou pour être

4 plus précis sont évidents, c'est-à-dire que tout le monde pouvait les voir.

5 Ils étaient évidents. Les armes étaient partout, tout le monde pouvait les

6 voir. Il s'agissait de personnes qui portaient un uniforme qui n'était pas

7 reconnaissable. Certains étaient en civil, d'autres portaient des uniformes

8 noirs. Parfois, ils portaient des uniformes à motif camouflage. Parfois le

9 haut de leurs uniformes était vert alors qu'ils portaient des pantalons

10 civils. En général, nous les reconnaissions comme étant des membres de la

11 JNA ou de la police qui étaient des uniformes que nous connaissions, puis

12 le reste pour nous était des paramilitaires.

13 Q. A la fin du paragraphe, vous dites et je cite : "Dans la plupart des

14 cas, ils semblaient simplement avoir mis une veste militaire ou quelque

15 chose de semblable. Ils avaient retiré les plaques minéralogiques de leurs

16 véhicules et ils avaient pris une arme. Malgré tout, ils semblaient être

17 très organisés."

18 Pouvez-vous nous dire quels éléments donnaient à penser qu'ils étaient

19 organisés ou très organisés ?

20 R. Lorsque j'ai dit qu'ils étaient organisés, je parle de Pristina où j'ai

21 été témoin oculaire de ce qui se passait. A Pristina, les unités étaient

22 coordonnées. Comme vous le savez peut-être, il y avait l'équipe d'Arkan qui

23 s'était déployée dans l'hôtel Grand. Il s'agissait d'un état-major qui

24 organisait le soir les activités qu'ils allaient lancer.

25 Le fait qu'ils étaient envoyés dans différents quartiers, qu'ils

26 démolissaient des magasins, des restaurants de manière très organisée;

27 c'est cela qui montrait que leurs activités étaient organisées.

28 Q. Dans votre réponse, la traduction indique qu'il y avait un "Arkan

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1 staff," un état-major d'Arkan déployé à l'hôtel Grand. Est-ce que vous

2 pouvez nous dire ce que vous entendez par "Arkan staff," QG, équipe

3 dirigeante, état-major d'Arkan ?

4 R. Oui. Il s'agit de quelque chose dont tout le monde était au courant.

5 Personnellement, je n'étais pas à l'hôtel Grand moi-même pour voir de mes

6 propres yeux, mais j'ai entendu dire - il s'agit ici de rumeurs - qu'il

7 s'agissait d'un QG ou d'un état-major qui fonctionnait parce que la plupart

8 du personnel partait. Les Serbes qui restaient, certains d'entre eux, ont

9 parlé avec des Albanais et leur ont fourni ces renseignements. L'hôtel

10 Grand était un endroit qui était interdit aux Albanais. En fait, les gens

11 disaient que les Albanais et les chiens n'avaient pas le droit de pénétrer

12 dans l'hôtel Grand.

13 Q. Au paragraphe suivant, paragraphe 45, vous dites et je cite : "Les

14 paramilitaires ont commencé à détruire tous les biens qui appartenaient à

15 des Albanais."

16 Qu'entendez-vous par cela ?

17 R. Il y avait de petites entreprises qui existaient et qui appartenaient à

18 des Albanais qui étaient détruites. Dans la période entre Rambouillet et

19 les accords de Paris, j'ai été témoin de telles destructions moi-même. Pour

20 vous donner un exemple, à Dardania dans ce quartier, il y avait une

21 clinique qui s'appelait Rezonanca qui a été minée, il s'agissait d'un

22 bâtiment en béton. Cette clinique a été totalement détruite en raison d'une

23 explosion d'une bombe posée par les paramilitaires. D'autres magasins, des

24 bijouteries, ont été attaqués et ont été pillés.

25 Q. Avez-vous entendu parler d'autres entreprises, d'autres magasins non-

26 albanais qui ont été détruits pendant cette époque ?

27 R. Non, je ne me souviens d'aucun exemple de magasins qui n'appartenaient

28 pas à des Albanais ayant été détruits.

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1 Q. Combien de bâtiments et de magasins parlons-nous ? S'agit-il de 10, 20

2 ou 100 ? Est-ce que vous pouvez nous donner une idée approximative ?

3 R. Pendant la période dont nous parlons, c'est-à-dire la période de trois

4 semaines entre Rambouillet et Paris, ces magasins qui ont été détruits et

5 dont nous parlons, il s'agissait de quatre ou cinq magasins. Je parle de

6 Pristina parce que je ne me déplaçais pas beaucoup à l'extérieur de

7 Pristina. Si on parle des mois suivants ou de la période qui a suivi, le

8 chiffre pourrait passer à plus de 100 parce que tous les magasins qui

9 appartenaient à des Albanais ont été détruits.

10 Q. Vous dites avoir vu un nombre important de paramilitaires lorsque vous

11 êtes rentré de Paris. Qu'en est-il des forces du MUP ou de la VJ, est-ce

12 que vous en avez vu à Pristina au cours de cette période, c'est-à-dire

13 entre le moment où vous êtes rentré de Paris et le début des bombardements

14 de l'OTAN ?

15 R. Oui, lorsque je suis rentré de Paris, c'est le moment où l'accord a été

16 signé par les membres de la communauté internationale et les Albanais. Les

17 Serbes ont refusé de signer cet accord. A l'époque, j'ai vu et rencontré

18 des groupes d'hommes du MUP et de la JNA, mais ces groupes étaient plus

19 organisés et opéraient sur la base d'un plan. Pour l'essentiel, ces groupes

20 se chargeaient d'expulser les Albanais de leurs foyers et les forces

21 paramilitaires les précédaient. Cela dépendait des quartiers et de la

22 composition des groupes albanais qui devaient être expulsés.

23 Les tactiques variaient. S'ils estimaient qu'il serait plus aisé de

24 les chasser en ayant recours à la police et à l'armée, ils le faisaient.

25 Mais dans d'autres cas, ils semaient d'abord la panique au sein de la

26 population en se servant des forces paramilitaires et de la police, ensuite

27 l'armée chassait les Albanais. C'est ce qui s'est passé en ce qui nous

28 concerne dans mon quartier.

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1 Q. Au paragraphe 46, vous dites qu'au cours de la première nuit des

2 bombardements le 24 mars 1999, plusieurs Albanais occupant une position

3 importante au sein de la société ont été enlevés et tués. Vous mentionnez

4 le nom de Bajram Kelmendi et de ses deux fils. D'où venaient-ils et où

5 habitaient-ils à l'époque ?

6 R. M. Kelmendi et ses deux fils ont été enlevés lors de la nuit où les

7 frappes aériennes ont eu lieu. Si je ne m'abuse, c'était le 24 mars. Ils

8 ont été enlevés chez eux en présence des membres de leur famille. Ils se

9 trouvaient dans leur chambre, c'est là que Bajram et ses deux fils ont été

10 kidnappés. Les responsables de cet enlèvement, d'après la description faite

11 par Mme Kelmendi, étaient des membres de l'armée, des membres de l'armée

12 yougoslave j'entends.

13 Q. D'où venait M. Kelmendi, de quelle ville était-il originaire ?

14 R. M. Kelmendi habitait au centre de Pristina, dans un quartier appelé

15 Vellusha, lequel est situé au cœur même de la ville de Pristina.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Merovci, dans votre

17 déclaration préalable au paragraphe 46, vous dites que ces décès sont le

18 fait de paramilitaires. Il me semble que maintenant vous dites autre

19 chose ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ma déclaration préalable, je parle de

21 personnes qui ont été tuées par des paramilitaires. Mais dans la deuxième

22 partie de la déclaration, mes propos sont plus généraux. En ce qui concerne

23 Bajram Kelmendi, nous disposons de preuves concrètes. Son épouse a décrit

24 l'arrivée de ces personnes, la manière dont elles se sont adressées aux

25 membres de la famille. Elle a évoqué les uniformes que portaient ces

26 personnes. Cela concernait M. Kelmendi et ses deux fils.

27 En ce qui concerne M. Hajrizi et Latif Berisha, qui était le

28 président du LDK à Mitrovica, il s'agissait du chef de la branche

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1 pacifiste, il a été tué chez lui. Il a été appelé et tué sur le pas de sa

2 porte. C'est ce qui s'est produit pour M. Hajrizi également.

3 M. HANNIS : [interprétation]

4 Q. Ils habitaient à Kosovska Mitrovica, n'est-ce pas, M. Berisha et M.

5 Hajrizi ?

6 R. M. Berisha et M. Hajrizi habitaient à Mitrovica. C'est là qu'ils ont

7 été tués. Comme je l'ai déjà dit, M. Berisha était président de l'antenne

8 du LDK à Mitrovica. Il était membre du comité central du LDK. En d'autres

9 termes, c'était un collaborateur de M. Rugova.

10 Q. S'agissant de ces deux meurtres, d'où tenez-vous ces informations ?

11 R. Au début, la communication se faisait par téléphone. Les lignes

12 téléphoniques fonctionnaient à l'époque. Ce type de renseignements a été

13 relayé par ledit échange entre les personnes. Il y avait également les

14 médias qui disposaient de leurs propres journalistes qui nous relayaient

15 les informations dont ils disposaient.

16 Q. Vous souvenez-vous du nom des personnes ou des médias qui vous ont

17 renseignés au sujet de M. Berisha et de M. Hajrizi ?

18 R. Je ne m'en souviens pas précisément. A l'époque, nous écoutions la voix

19 de l'Amérique, essentiellement la radio car il était plus facile de suivre

20 les événements en écoutant la radio. C'est essentiellement en se servant de

21 leurs transistors que les Albanais se renseignaient sur ce qui se passait.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, s'agissant de

23 Mitrovica, je ne pense pas que l'acte d'accusation dressé en l'espèce

24 mentionne des meurtres.

25 M. HANNIS : [interprétation] C'est exact. Il s'agit uniquement d'un lieu

26 mentionné à propos des expulsions.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais on ne parle pas de meurtres,

28 alors que s'agissant de Pristina, il est fait référence aux meurtres d'un

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1 certain nombre de personnes à partir de la date du 24 mars.

2 M. HANNIS : [interprétation] C'est exact, je vais passer à autre chose.

3 Q. Monsieur le Témoin, dans ce paragraphe, vous dites que le 24 mars, les

4 bureaux de M. Rugova ont été bombardés. Est-ce une bombe de l'OTAN qui a

5 frappé le bureau de M. Rugova ?

6 R. Le 25, c'est-à-dire le lendemain des frappes aériennes, les bureaux de

7 M.Rugova ont été détruits. Ce n'était pas le fait des frappes aériennes de

8 l'OTAN mais de divers groupes paramilitaires. Personnellement, le lendemain

9 je me suis rendu sur les lieux en voiture. Je suis passé par le bureau et

10 j'ai constaté que ce dernier avait été détruit. Il n'en restait plus que

11 des cendres. Une explosion importante avait eu lieu et tous mes documents

12 personnels avaient également été détruits à cette occasion.

13 Q. Pourquoi attribuez-vous cet incident aux paramilitaires ? Sur quelle

14 information vous fondez-vous pour affirmer cela ?

15 R. Il m'est très difficile de vous dire précisément quelle était ma

16 source. Ces renseignements venaient essentiellement d'habitants albanais

17 qui étaient sortis de chez eux pour mener à bien certaines tâches de base.

18 A l'époque, on ne pouvait pas se déplacer librement ou facilement. Il

19 s'agissait d'informations à propos desquelles on a fait des commentaires

20 par la suite, c'était très chaotique. Les gens avaient du mal à distinguer

21 entre les différents groupes en présence.

22 Q. Est-ce que l'on pourrait passer maintenant au paragraphe 49 de votre

23 déclaration préalable. Dans ce dernier vous dites que tous les hommes

24 serbes ont été mobilisés au sein d'un groupe ou d'un autre de façon

25 coordonnée. D'où tenez-vous ces informations concernant la mobilisation de

26 tous les hommes serbes ?

27 R. A l'époque dont nous parlons, la mobilisation en était à sa phase

28 finale. La mobilisation des Serbes avait commencé bien auparavant. Cela a

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1 été relayé par les médias également. Nous avons vu que différents groupes

2 distribuaient des armes aux familles serbes. Cela ressortait également

3 clairement des conversations que nous avions avec nos collègues serbes qui

4 évoquaient les armes qu'ils possédaient.

5 Ils portaient ces armes de façon visible. Je vous parle de la période

6 qui a précédé tout cela. S'agissant de la période des bombardements, je ne

7 crois pas que les Serbes qui possédaient des armes n'étaient pas autorisés

8 à s'en servir.

9 Q. Vous nous parlez de Pristina seulement ou est-ce que vous

10 disposez de renseignements concernant la distribution d'armes en dehors de

11 Pristina également ?

12 R. Je vous parle exclusivement de Pristina car j'ai été témoin des

13 événements qui s'y sont déroulés. Quant aux renseignements dont je dispose,

14 des événements similaires se sont produits sur l'ensemble du territoire du

15 Kosovo.

16 Q. Ces renseignements vous les tenez du centre de Renseignements du Kosovo

17 dont vous nous avez parlé précédemment. C'est bien cela ?

18 R. Vous savez que le LDK disposait d'antennes sur l'ensemble du territoire

19 du Kosovo. Des réunions se tenaient régulièrement entre les chefs de ces

20 antennes et M. Rugova. Ces réunions avaient généralement lieu le vendredi.

21 Les chefs des différentes branches faisaient rapport sur les événements qui

22 s'étaient déroulés dans leurs zones respectives. Au cours de la période qui

23 nous intéresse, les activistes qui étaient déployés sur les terrain, nous

24 faisaient rapport par écrit également concernant la mobilisation et

25 d'autres activités.

26 Q. Dans votre réponse précédente, vous dites à la page 28, ligne 10 du

27 compte rendu, que vous avez vu plusieurs groupes distribuer des armes aux

28 familles serbes. Qui distribuait ces armes aux familles serbes ? Le savez-

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1 vous ? De quel groupe s'agissait-il ?

2 R. C'est difficile à dire. Il s'agissait de groupes que l'on ne peut pas

3 désigner de façon précise.

4 Q. Je vous remercie. Je souhaiterais que l'on passe maintenant au

5 paragraphe 52.

6 M. HANNIS : [interprétation] Je souhaiterais également que l'on affiche une

7 pièce à conviction, la pièce 615, page 31. Il s'agit de l'atlas du Kosovo.

8 Q. Monsieur Merovci, nous en venons au 31 mars 1999. Si j'ai bien compris,

9 ce jour-là vous vous trouviez au domicile de M. Rugova. A l'écran, dans

10 quelques instants, vous allez voir une carte de Pristina. Je souhaiterais

11 vous poser un certain nombre de questions concernant des lieux situés à

12 Pristina. Dites-moi lorsque vous verrez cette carte à l'écran, je vous

13 prie.

14 R. Oui, je la vois maintenant.

15 Q. Est-ce qu'elle est suffisamment grande, est-ce que vous pouvez

16 reconnaître les lieux ?

17 R. C'est bien maintenant.

18 Q. Est-ce que vous pourriez nous indiquer où se trouvaient les bureaux de

19 M. Rugova à Pristina à l'époque ? En vous servant du stylet que l'on vient

20 de vous remettre, est-ce que vous pourriez indiquer à l'aide du chiffre 1

21 et d'un cercle l'endroit où se trouvaient les bureaux de M. Rugova ?

22 R. Les bureaux de M. Rugova se trouvaient à cet endroit, dans le bâtiment

23 numéro 85 à côté du stade. C'était là précisément. C'était là que se

24 trouvait son bureau. Quant à son domicile, c'est-à-dire la maison où il

25 habitait, c'était dans le quartier de Velania, ici à cet endroit.

26 Q. Très bien, vous avez tracé un demi-cercle à droite de la carte. C'est

27 là où vivait M. Rugova ?

28 R. Oui, d'après cette carte. Je vois Ladjja e Dodones à Velania 8, mais je

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1 ne retrouve pas l'endroit exact. Cela étant, cela doit se trouver dans ce

2 demi-cercle.

3 Q. Merci.

4 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait attribuer le numéro

5 IC suivant à cette carte annotée ?

6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce IC 114.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

8 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

9 Q. Au paragraphe 52, vous nous dites que le 31 mars 1999, le MUP s'est

10 présenté au domicile de M. Rugova. Avant tout, est-ce que vous pourriez

11 nous dire combien de personnes étaient présentes lorsqu'on a forcé l'entrée

12 de la maison ?

13 R. Au début, nous étions avec les membres de la famille de M. Rugova et

14 quelques amis à l'intérieur de la maison et nous avons vu que des forces

15 organisées de la police et de l'armée chassaient systématiquement les

16 Albanais de leurs domiciles. Nous savions avec certitude que notre tour

17 viendrait également. Lorsque ces groupes se sont présentés au niveau de la

18 première maison qui se trouvait à côté de la maison Rugova, nous sommes

19 tous montés au premier étage. Nous avons vu qu'ils démolissaient la maison

20 du voisin et qu'ils cherchaient des gens. Lorsqu'ils les trouvaient, ils

21 leur intimaient l'ordre de partir et c'est là que nous nous sommes rendus

22 compte qu'ils se présenteraient bientôt chez nous.

23 Lorsqu'ils se sont approchés du portail et de la maison, car il y a un

24 portail en métal et un mûr autour de la maison, j'ai pris les clés du

25 portail, je voulais ouvrir moi-même le portail afin de leur montrer qu'il y

26 avait des gens à l'intérieur de la maison, que c'était la maison de M.

27 Rugova. Mais les choses ne se sont pas passées ainsi. En effet, ils ont

28 démoli le portail en métal qui donnait sur le jardin et ils se sont dirigés

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1 vers la porte de la maison. Ils voulaient détruire la porte également, mais

2 depuis l'intérieur de la maison, je leur ai crié qu'il y avait des gens à

3 l'intérieur et que j'allais ouvrir la porte. Ils ne m'ont pas donné le

4 temps de le faire. Ils ont démoli la porte.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En fait, le témoin répète ce qui

6 figure dans sa déclaration plutôt que de répondre aux questions qui lui

7 sont posées.

8 M. HANNIS : [interprétation] Excusez-moi, je vais répéter ma question.

9 Q. Monsieur le Témoin, votre déclaration préalable a été versée au

10 dossier, les Juges disposent de ce document. Je souhaiterais vous poser des

11 questions précises. Est-ce que vous vous souvenez du nombre précis d'hommes

12 qui faisaient partie du groupe qui s'est présenté à la porte de la maison ?

13 R. Ce groupe comptait environ sept ou huit personnes au départ, c'est le

14 nombre d'hommes qui a franchi le portail. Ensuite, ils étaient plus

15 nombreux.

16 Q. Vous souvenez-vous du type d'uniformes qu'ils portaient ?

17 R. Oui, ils portaient des uniformes de l'ancienne armée yougoslave.

18 Q. Est-ce que vous pourriez nous décrire la couleur de ces uniformes, le

19 motif de ces uniformes ?

20 R. Il s'agissait d'uniformes de couleur vert foncé. Certains portaient

21 également des uniformes de couleur noire ou bleu marine. Ils étaient

22 entièrement équipés et ils portaient des lance-flammes sur le dos.

23 Q. Outre ces lance-flammes, avaient-ils d'autres armes ?

24 R. Ils étaient armés d'armes à canon long, de grenades à main et d'armes à

25 canon court également.

26 Q. Vous avez dit un plus tôt qu'à leur arrivée dans le quartier, ils

27 allaient de maison en maison pour en expulser les habitants. Un peu plus

28 loin dans votre déclaration préalable, vous dites qu'hormis les

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1 déplacements que vous avez entrepris entre 31 mars et le 4 mai, le Dr

2 Rugova et vous-mêmes se trouviez dans cette maison.

3 Au cours de cette période, est-ce que vous avez vu des Albanais dans

4 le quartier dont ils avaient été chassés revenir dans ce quartier, donc au

5 cours de ces cinq semaines ?

6 R. Non, il était impossible que les Albanais chassés de chez eux puissent

7 revenir à leurs domiciles.

8 Q. Vous dites qu'au départ, il y avait un groupe de sept ou huit hommes et

9 un peu plus loin dans votre déclaration, me semble-t-il, vous parlez de 10

10 hommes en bas, 10 hommes à l'étage. Dans la maison, le 31 mars, il y avait

11 environ 20 hommes, c'est bien cela ?

12 R. C'est ce que j'ai pu voir. A l'époque, nous étions isolés. Nous nous

13 trouvions dans une pièce à part et nous ne pouvions pas voir ce qui se

14 passait par la fenêtre. Au cours des sept ou huit premières heures, nous ne

15 pouvions pas voir qui était à l'extérieur.

16 Q. Nous avons des renseignements assez détaillés à ce sujet dans votre

17 déclaration. Au paragraphe 52, vous parlez d'un commandant local du MUP qui

18 s'appelait Jankovic, il venait de Suva Reka et il est arrivé. Dans les

19 informations supplémentaires que vous avez fournies, vous dites qu'il vous

20 a dit certaines choses au sujet de lui-même, d'où il venait et qui il

21 était.

22 R. Etant donné que cela figure dans ma déclaration, je ne vais pas rentrer

23 dans les détails. Après avoir attendu plusieurs heures sans communiquer

24 avec quiconque, sans eau, sans rien, un policier accompagné de deux

25 personnes est arrivé là où nous nous trouvions. Il y avait des soldats qui

26 nous gardaient et cette personne s'est adressée au groupe de personnes

27 présentes en demandant qui nous représentait ? J'ai répondu que c'était

28 moi. Il m'a dit alors que nous n'aurions aucun problème, qu'ils étaient là

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1 pour veiller sur nous. A quoi j'ai répondu : "Vous devez faire attention.

2 Si quoi que ce soit arrive aux personnes présentes, vous serez tenu

3 personnellement responsable."

4 Je me suis présenté. J'ai dit que je m'appelais Adnan Merovci. Je lui ai

5 demandé comment il s'appelait, il s'est présenté et il m'a dit que c'était

6 le commandant Stankovic de Suhareke. Il faisait partie de la police, il

7 était armé. Je voulais l'informer de la situation, mais il a compris que

8 d'une certaine manière je le menaçais.

9 Q. Monsieur Merovci, une question au sujet du compte rendu d'audience. La

10 réponse que vous venez de faire indique qu'il s'est présenté en disant que

11 c'était le commandant Stankovic de Suva Reka; c'est bien cela ?

12 R. Oui. Voilà ce qu'il a dit : "Je suis le commandant Stankovic de

13 Suhareke." Je ne connaissais pas les grades au sein de la police. Je

14 n'aurais pas pu dire quel était son grade. C'est lui qui me l'a dit.

15 Q. Dans les renseignements supplémentaires que vous avez fournis, il est

16 dit qu'il s'est présenté comme étant le maire de Suva Reka et qu'il

17 s'appelait Jankovic. S'agissait-il d'une erreur qui se serait glissée dans

18 les informations supplémentaires, donc il n'était pas le maire de Suva

19 Reka, mais c'était un commandant du MUP; c'est bien cela ?

20 R. Non, c'était un commandant, j'en suis sûr. Il venait de la municipalité

21 de Suhareke. Lorsque j'ai dit "Suhareke," je voulais parler de la région de

22 Suhareke.

23 Q. Il s'appelait Stankovic ou Jankovic ?

24 R. Je ne sais plus trop bien maintenant. Je voudrais apporter une

25 correction, il s'appelait Jankovic et non pas Stankovic. Ces deux noms se

26 ressemblent, c'est la raison pour laquelle je me suis trompé.

27 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce que le moment serait bien venu pour

28 faire la pause, Monsieur le Président ? Je vous remercie.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Tout à fait. Merci, Monsieur Hannis.

2 Monsieur Merovci, nous allons devoir faire une brève pause de 20 minutes.

3 L'huissier vous indiquera où attendre. Dans l'intervalle, je vous demande

4 de bien vouloir le suivre.

5 [Le témoin se retire]

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous reprendrons nos travaux à 11

7 heures moins dix.

8 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

9 --- L'audience est reprise à 10 heures 52.

10 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis à vous.

12 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 Q. Monsieur Merovci, un autre point a figuré dans le supplément

14 d'informations, à savoir que dans la maison de Rugova, il y avait une

15 personne en plus au moment où la police et les soldats sont arrivés et cela

16 n'a pas été mentionné dans votre déclaration initiale. Il s'agissait d'une

17 personne d'origine non-albanaise. Pouvez-vous nous dire davantage des

18 choses sur Renata Flottau ? Qui était-ce et comment se fait-il que cette

19 personne se soit trouvée dans la maison du Dr Rugova en cette journée du

20 mois de mars ?

21 R. Mme Flottau était le correspondant du journal Der Spiegel avec pour

22 siège à Belgrade. Elle couvrait la région des Balkans. Ce 31, elle se

23 trouvait dans la maison de Rugova pour une interview. M. Rugova a

24 clairement fait savoir qu'il fallait continuer avec les frappes aériennes.

25 Ce même jour, il est arrivé des gens qui ont fait irruption dans la maison

26 en cassant les portes.

27 Mme Flottau était là-bas. En plus il y avait des membres de la

28 famille. Elle est restée dans cette maison jusqu'au 5 avril, date où il a

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1 été tenu une conférence de presse improvisée, et celle-ci a eu lieu lors de

2 l'arrivée de l'ambassadeur de M. Kotov dans la résidence de M. Rugova.

3 Q. Le fait qu'il se soit agi d'une journaliste allemande a été gardé

4 secret à l'égard des personnes qui vous ont gardé dans cette maison, n'est-

5 ce pas ?

6 R. Je ne saurais vous le dire vraiment, je ne sais pas s'il en a été ainsi

7 parce que les choses se sont passées plutôt vite et les personnes qui ont

8 fait irruption dans la maison n'ont guère procédé à l'identification des

9 personnes présentes, on nous a tout juste dit de nous rassembler dans le

10 hall. Cela explique peut-être le fait qu'ils n'aient pas su qu'il y avait

11 de présente une journaliste allemande, mais nous n'avons pas non plus

12 estimé nécessaire de le préciser parce que nous nous demandions tout

13 d'abord si l'on allait rester vivants. Ultérieurement pendant la conférence

14 de presse, elle a rejoint les autres journalistes et elle est repartie.

15 Q. J'aimerais que nous passions maintenant au paragraphe 54. Vous y faites

16 mention de Ljubo Joksic. Vous nous dites que c'était le chef de la Sûreté

17 de l'Etat à Pristina et qu'il est venu à la maison à 8 heures 30 du soir.

18 Le connaissiez-vous avant ?

19 R. Je ne le connaissais que de nom. C'était un nom que nous connaissions

20 tous, nous autres au Kosovo, mais ce n'était pas quelqu'un que je

21 connaissais en personne. Je ne l'ai rencontré qu'une fois par hasard dans

22 la cafétéria, et il s'est agi d'une réunion plutôt brève. Il était

23 accompagné d'une personne que je connaissais. C'est tout ce que je sais

24 vous dire. C'était la première fois que je comprenais qu'il s'agissait en

25 réalité de M. Ljubo Joksic.

26 Q. Mais comment avez-vous su que c'était le chef de la DB à Pristina ?

27 R. Parce que bon nombre d'Albanais ont été interviewés à l'occasion

28 d'entretiens informatifs, tel que cela était appelé. Les Albanais

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1 connaissaient la structure en question. Je ne sais pas vous dire exactement

2 comment j'ai su son nom, mais ce sont des Albanais qui ont commenté à son

3 sujet, et cela a également été le cas pour ce qui est d'autres Serbes qui

4 avaient des entretiens d'information avec des Albanais. C'est ainsi que

5 l'information a été diffusée au centre d'information du Kosovo.

6 Q. Vous dites que cette nuit-là, il était venu avec un autre homme qui

7 était chargé du centre serbe des médias. Vous souvenez-vous du nom de cet

8 autre homme qui était venu avec M. Joksic ?

9 R. Il s'agissait d'une personne qui travaillait au centre d'information

10 serbe qui se trouvait sis à l'hôtel Grand. Si vous me donniez trois noms,

11 je pourrais vous donner le sien, mais maintenant je n'arrive plus à m'en

12 souvenir.

13 Q. Bien. Ces deux-là, portaient-ils des uniformes ou étaient-ils en

14 vêtements civils ?

15 R. En vêtements civils.

16 Q. Lorsqu'il s'agit de ce groupe de policiers et de soldats qui se

17 trouvaient dans la maison et autour de celle-ci, savez-vous nous dire qui

18 était leur chef ce 31 mars ? Est-ce qu'il y en a un qui se serait présenté

19 comme étant la personne en exercice ?

20 R. Non. Personne n'a dit de soi comme étant le responsable du groupe, mais

21 à l'arrivée de M. Joksic, nous avons tout de suite compris que c'était lui,

22 l'homme numéro 1, l'homme avec qui il convenait de s'entretenir. Du reste,

23 il l'a dit lui-même.

24 Q. Bien. Au paragraphe 54, vous nous dites que dans la nuit où Joksic et

25 cet homme des médias serbes étaient partis, vous nous dites qu'il y a eu

26 une attaque improvisée de lancée contre la maison. Pourquoi dites-vous

27 "attaque improvisée" ? Pourquoi ne pensez-vous pas que c'était une attaque

28 tout court contre la maison ?

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1 R. Cette nuit, dès la tombée du soir, nous nous trouvions dans une pièce,

2 et il y avait des policiers en uniforme. Lorsque les enfants voulaient

3 aller aux toilettes, il fallait demander leur autorisation. Nous ne

4 pouvions aller nulle part. Je suis en train de vous parler du début, de la

5 première nuit. Ensuite, il y a eu une coupure de courant, mais les coupures

6 de courant étaient constantes.

7 On a entendu des coups de feu de tirés non loin de la maison. Des

8 policiers ont commencé à se déplacer dans la maison, ils sortaient sur la

9 terrasse, ils tiraient des coups de feu depuis la terrasse. Il y a eu une

10 situation chaotique avec beaucoup de bruit. Les enfants étaient très petits

11 et ont eu peur. Nous étions dans la pièce, on ne nous a fourni aucune

12 explication au sujet de ce qui se passait. Je vous parle de la première

13 nuit. Puis, à minuit, une fois de plus M. Joksic est revenu. Si mes

14 souvenirs sont bons, il est arrivé tout seul. Il a voulu que nous parlions

15 de notre déplacement sur Belgrade.

16 Q. Mais de quel déplacement vers Belgrade voulait-il parler ? Je crois

17 qu'au paragraphe 54, auparavant, vous aviez dit que c'était le Dr Rugova

18 qui devait aller s'entretenir avec Milosevic. Est-ce que c'est de ce

19 voyage-là que vous parlez ?

20 R. En effet. Nous avons au début été traités comme des détenus. Nous

21 n'avions guère l'autorisation d'aller où que ce soit. Les policiers nous

22 avaient encerclés, et compte tenu de la situation, nous avons estimé que

23 nous ne pouvions pas accomplir nos devoirs, notre mission de leaders,

24 j'entends M. Rugova et moi-même, en ma qualité d'associé.

25 Je voulais dire que s'agissant de ce voyage à Belgrade, on nous a dit

26 qu'il fallait que nous y allions pour trouver une solution à la situation.

27 Mais la décision d'aller là-bas n'a pas été une décision prise par M.

28 Rugova. Comme je vous l'ai déjà dit, le voyage vers Belgrade s'est produit

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1 dans les circonstances que j'ai décrites. Cela n'a pas été de plein gré que

2 M. Rugova y est allé.

3 Q. Oui, mais au paragraphe 56, je crois que vous expliquez que M. Joksic

4 avait insisté en dépit des protestations de M. Rugova. Ensuite, le 1er

5 avril, vous avez fait le voyage, vous le dites au paragraphe 57. J'aimerais

6 vous poser plusieurs questions concrètes. Quelle a été l'importance de

7 l'escorte policière lorsque vous avez fait ce déplacement sur Belgrade ? Y

8 avait-il juste une voiture avec vous et M. Rugova avec M. Joksic ?

9 R. Pendant le premier déplacement au 1er avril au matin, on nous a donné

10 l'ordre de nous préparer rapidement et de monter à bord du véhicule. Il y

11 avait une voiture qui nous escortait derrière. Nous étions dans la voiture

12 avec M. Joksic, derrière nous une voiture nous escortait.

13 Q. S'agissant de vos familles, dites-nous si les membres de vos familles

14 sont restés dans la maison sécurisée par la police et la VJ.

15 R. Oui. Nos familles sont restées derrière, à l'exception de ma famille et

16 de mes enfants qui, sur demande de ma part, ont été relâchés et ont eu

17 l'autorisation de partir pour Skopje. Ils ont été raccompagnés jusqu'à la

18 maison de mon frère où séjournait le reste de ma famille. Eux sont partis à

19 Skopje pendant que nous faisions le déplacement sur Belgrade.

20 Q. Dites-nous quand est-ce qu'ils ont été relâchés. Etait-ce dans la nuit

21 du 31 ?

22 R. Ma famille a eu l'autorisation de rejoindre le reste de la ma famille

23 et de la famille de mon frère, on les a escortés jusqu'à la frontière à la

24 date du 1er avril, le jour où nous avons fait le voyage. C'est ce qui s'est

25 produit d'abord. Ensuite, nous sommes allés à Belgrade.

26 Q. Vous avez dit dans votre déclaration qu'après être allé à Belgrade, M.

27 Rugova a eu une rencontre en tête-à-tête avec M. Milosevic pendant une

28 demi-heure. Est-ce que le Dr Rugova vous aurait dit de quoi ont parlé

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1 Milosevic et lui à cette réunion ?

2 R. D'abord, ils ont été seuls pendant un moment, puis ils m'ont convié à

3 me joindre à eux, chose que j'ai faite. Nous nous sommes entretenus

4 brièvement et, lorsque le même jour nous sommes rentrés à Pristina, nous

5 avons présenté des commentaires brefs au sujet de cette entrevue.

6 Q. Le Dr Rugova, ce jour-là ou plus tard, vous aurait-il dit de quoi il a

7 été question à l'occasion de cette réunion privée avec M. Milosevic, si

8 tant est que vous vous en souveniez ?

9 R. Lorsque je les ai rejoints, la raison pour laquelle l'on m'avait fait

10 venir était celle en réalité de faire en sorte que M. Rugova gagne du

11 temps, afin qu'il évite aussi que toute l'attention ne soit concentrée que

12 sur lui. M. Milosevic avait insisté pour que nous fassions un communiqué de

13 presse, M. Rugova, lui, hésitait. Il disait que cela n'était pas

14 nécessaire. Ensuite, je suis intervenu en disant qu'il s'agissait là de

15 questions techniques et que les communiqués de presse ne se signaient pas,

16 mais qu'ils étaient envoyés à la presse. A ce moment-là, M. Milosevic a

17 insisté une fois de plus, M. Rugova a signé ce communiqué de presse qui ne

18 comportait que quelques lignes, deux ou trois lignes.

19 M. Rugova a dit que cette conversation a eu lieu sur insistance de M.

20 Milosevic. Nous avons, nous, insisté à l'occasion de la réunion d'avoir

21 l'autorisation de quitter le Kosovo parce que M. Rugova ne pouvait pas y

22 jouer son rôle. Il n'avait pas ses associés avec lui, et nous nous sommes

23 sentis comme des otages et qu'il s'agissait d'un combat pour la survie.

24 C'est là la façon dont nous nous sommes sentis.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je vois qu'à la ligne 17,

26 il est fait référence à Milutinovic, alors qu'il faudrait que ce soit

27 Milosevic.

28 M. HANNIS : [interprétation] Oui, c'est exact.

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1 Q. Revenons à cette réunion, au paragraphe 57, où vous n'étiez que vous

2 quatre, le Dr Rugova, M. Milosevic, Goran Milenovic et vous-même, n'est-ce

3 pas ?

4 R. Oui, il n'y avait que nous quatre.

5 Q. Je crois qu'une fois auparavant, vous aviez déjà eu l'occasion de

6 rencontrer M. Milosevic, n'est-ce pas ?

7 R. En 1998, il s'est tenu une réunion sur l'initiative de l'ambassade des

8 Etats-Unis à Belgrade. M. Surroi Agani, Bakalli et moi-même avons été

9 présents. J'étais chargé des questions techniques. Nous nous sommes

10 rencontrés dans le couloir.

11 Q. Oui, mais en cette occasion-là, vous n'étiez que vous quatre, j'entends

12 au 1er avril 1999, et vous lui avez dit que des maisons ont été incendiées,

13 que l'on s'attaquait à des Albanais et qu'on les expulsait, n'est-ce pas ?

14 R. Oui. Dans ces circonstances, j'ai essayé de lui expliquer la situation

15 au Kosovo et ce que vivaient les Albanais. J'ai soulevé des questions de

16 personnes comme celles que j'ai citées, M. Agani, M. Gashi, M. Tahiri, M.

17 Hajrizi et autres, au sujet de qui on avait dit que c'étaient des personnes

18 disparues et personne ne savait ce qu'il était advenu d'eux. Je lui ai

19 exprimé mes préoccupations et je lui ai expliqué que l'on expulsait en

20 masse les Albanais du Kosovo, et je ne parlais que de Pristina et de choses

21 que j'avais vues moi-même.

22 Q. Avez-vous dit à M. Milosevic qui est-ce qui le faisait, qui est-ce qui

23 incendiait les maisons et expulsait des gens ?

24 R. Pendant cette entrevue, j'ai évoqué la question, mais on ne m'a pas

25 demandé de savoir qui est-ce qui le faisait. On a laissé entendre que cela

26 avait été l'œuvre de structures formelles et informelles. On a parlé de

27 notre insistance pour ce qui était d'être autorisés à quitter Pristina et

28 le Kosovo avec nos familles respectives. J'ai insisté sur ce point, tout

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1 comme M. Rugova.

2 Nous avons également demandé de nous attribuer une ligne fixe de

3 téléphone, qui fonctionnait jusque-là, mais qui a été coupée. C'étaient là

4 les deux requêtes que nous avions présentées avec insistance, et nous avons

5 exprimé une préoccupation au sujet de ce qui se passait avec nos

6 collaborateurs et associés ainsi qu'avec la population du Kosovo en

7 général.

8 Q. Dans votre déclaration, vous lui avez fait savoir que près de 600 000

9 personnes avaient quitté le Kosovo. D'où avez-vous sorti ce chiffre ?

10 Quelle a été la source d'information à ce sujet ?

11 R. Les chiffres ont été publiés dans divers articles par les soins du

12 centre d'information et des médias que j'ai mentionnés tout à l'heure.

13 Q. Dans votre déclaration, vous l'auriez dit à Milosevic, qui a répliqué

14 que les gens s'en allaient à cause des bombardements de l'OTAN, et vous lui

15 avez dit que ce n'était pas le cas. Lui avez-vous dit pourquoi les gens

16 s'en allaient en disant que ce n'était pas là l'effet des bombardements de

17 l'OTAN ?

18 R. Oui. Cela a également fait partie de notre conversation, compte tenu de

19 notre situation et des circonstances dans lesquelles nous nous trouvions.

20 Ceci n'a pas été une véritable rencontre entre hommes politiques. Nous

21 n'étions pas sur un pied d'égalité. Nous avions peur pour nous-mêmes et

22 nous étions également préoccupés par le sort de nos familles.

23 A cette réunion-là et à d'autres réunions, nous nous sommes efforcés

24 de ne pas l'irriter, de ne pas aggraver notre position, parce que l'enjeu,

25 c'étaient nos vies et les vies de nos familles, ce qui fait que cette

26 affirmation au terme de laquelle c'était l'OTAN qui avait causé le départ

27 des Albanais du Kosovo, nous avons répondu de façon négative, mais nous

28 l'avons niée de façon assez souple. Nous avons voulu répondre d'une manière

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1 diplomatique en expliquant que cela n'était pas important que de savoir qui

2 est-ce qui avait causé la situation, mais que la chose importante était de

3 trouver une solution. Si l'OTAN était la raison du départ des Albanais du

4 Kosovo, pourquoi les Albanais étaient-ils bombardés pendant qu'ils allaient

5 vers la Macédoine -- vers le Monténégro ? C'était plutôt un entretien

6 diplomatique, des échanges d'opinions.

7 M. HANNIS : [interprétation] Merci. Je voudrais passer maintenant au

8 paragraphe 60 de votre déclaration, le jour d'après, le 2.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant de faire cela, Monsieur Merovci,

10 c'était Milosevic qui avait arrangé cette entrevue. Quel était l'objectif

11 de celle-ci ? Qu'essayait-il d'atteindre comme objectif ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien que j'aie été interrogé à plusieurs

13 reprises sur cet événement, je ne puis dire qu'il semblait vouloir utiliser

14 M. Rugova à des fins à lui, de façon perfide, aux fins de faire cesser les

15 bombardements. Au cas où cela se solderait par un échec, il avait souhaité

16 tuer M. Rugova sur le plan politique, politiquement parlant. Parce que

17 tenir une réunion de ce type en de telles circonstances aurait constitué le

18 fait d'aller contre soi-même, si je puis m'exprimer ainsi.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous nous dites qu'il avait demandé ce

20 qui suit. Il aurait dit à M. Rugova qu'il fallait aboutir à un accord

21 provisoire aux fins de permettre le retour des gens. Il n'y avait que vous

22 et moi, pas de parties tierces d'impliquées.

23 Qu'y a-t-il d'erroné au niveau de cette suggestion ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] On m'a demandé de faire un commentaire. Ce

25 n'est pas une question à laquelle je pourrais répondre par un oui ou par un

26 non.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, ce n'est pas seulement un

28 commentaire, parce que Rugova ne voulait y répondre. Vous nous avez dit

Page 8455

1 qu'il voulait gagner du temps et qu'il n'a pas accepté cette proposition.

2 Il devait y avoir quelque chose d'erroné. Je voudrais savoir ce qu'il y

3 avait d'erroné.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Milosevic, à cette réunion, a été très

5 strict. Il s'est servi de mots plutôt graves à l'encontre de la communauté

6 internationale. M. Rugova avait continué à parler de mécanismes

7 internationaux pour ce qui est de l'opération. Il disait qu'il n'y avait

8 que lui à pouvoir interrompre le processus. M. Rugova avait proposé une

9 communication entre lui et Milosevic et une partie tierce qui se porterait

10 garante. Je ne pensais pas être un élément pertinent dans cette rencontre,

11 aussi mon consentement ne pouvait-il pas avoir d'effet.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais il est possible de comprendre

13 qu'une personne bombardée ne saurait choisir des mots agréables à

14 l'intention des personnes qui étaient en train de le bombarder. Mais

15 laissons cela de côté. Que pouvait faire Milosevic à cette phase-là ? Que

16 pouvait-il faire d'autres si ce n'est qu'entamer des discussions avec des

17 gens comme Rugova aux fins de faire cesser les bombardements ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne souhaite pas faire de commentaires sur

19 votre question. C'était les Albanais qui vivaient cette tragédie et non pas

20 lui. Dans la mesure où les exigences posées par la communauté

21 internationale qui allaient commencer les bombardements, en raison de ces

22 exigences, il n'y avait pas d'autres possibilités que d'accepter les

23 conditions de la communauté internationale qui leur étaient imposées. Nous

24 ne voyions pas d'autres moyens de s'en sortir que celui-là. C'est ce que M.

25 Rugova a dit directement à M. Milosevic. C'est-à-dire : "Vous avez la clé

26 au problème. Vous avez la solution au problème."

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pouvez-vous nous rappeler quelle était

28 la situation précise à ce moment-là, juste après que les négociations à

Page 8456

1 Paris n'aient pas abouties ? Quelles étaient précisément les conditions

2 qu'il n'acceptait pas ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Les conditions étaient bien connues par la

4 communauté internationale. Je crois qu'il y en avait cinq au départ. Je

5 vais vous citer celles dont je me souviens. Vous avez des documents à ce

6 sujet. L'une de ces conditions était le retour des personnes expulsées et

7 la création des conditions nécessaires pour que ces personnes puissent

8 vivre là-bas. Le retrait de toutes les troupes serbes, police, armée et

9 paramilitaires compris, ainsi que d'autres conditions qui m'échappent au

10 moment présent. Il s'agit de conditions qui sont publiques et officielles.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A ce moment-là, une des conditions

12 consistait-elle à ce qu'il y ait d'ici à trois ans un référendum sur le

13 statut du Kosovo ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il s'agissait d'une sous-clause de

15 l'accord de Rambouillet. En fait, les frappes ont eu lieu en raison du

16 refus de la partie serbe de signer cet accord. Dans une des sous-clauses

17 garanties par le secrétaire d'Etat américain, Mme Albright, était qu'après

18 cet accord, dans un délai de trois ans, un référendum devait être tenu sur

19 l'avenir du Kosovo.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

21 Monsieur Hannis.

22 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

23 Q. A ce sujet, vous souvenez-vous si l'une des cinq exigences posées par

24 l'OTAN était que la Serbie signe l'accord de Rambouillet ?

25 R. Je ne me souviens pas précisément. Vous pouvez retrouver ce

26 renseignement facilement. Je sais que le prétexte pour commencer les

27 frappes aériennes était le fait que l'accord n'avait pas été signé et le

28 fait que les exigences augmentaient en demandant d'abord le retrait total

Page 8457

1 des forces de police et des forces militaires. De savoir si la signature de

2 l'accord était une condition supplémentaire ou non, je ne me souviens pas.

3 Mais je ne pense pas que c'était le cas si ma mémoire ne me trompe

4 pas. Ensuite, l'accord n'a pas été signé et les frappes aériennes ont

5 commencé. Le fait que cela ait eu lieu, c'est-à-dire que les frappes

6 aériennes aient eu lieu, est une conséquence logique du fait qu'on ne

7 pouvait pas repartir en arrière.

8 Q. Au paragraphe 58, il est dit que M. Milosevic aurait dit à M. Rugova,

9 je cite : "Uniquement vous et moi, pas de tierces parties." Ensuite, vous

10 dites, je cite : "Le Dr Rugova a déclaré qu'il était nécessaire qu'il y ait

11 des tiers de façon à pouvoir s'assurer que l'accord soit mis en œuvre."

12 Est-il exact de dire qu'à ce moment-là, le Dr Rugova ne faisait pas

13 confiance à M. Milosevic pour honorer l'accord ?

14 R. La question de cet accord dont nous parlons était un règlement ad hoc

15 proposé par M. Milosevic dans le simple but de créer un prétexte pour avoir

16 un accord, pour pouvoir exiger la fin des bombardements sinon, aucun accord

17 n'aurait fait partie de son programme, de ce qu'il souhaitait faire. Cela

18 n'aurait eu aucun effet. Le fait est que dans la situation dans laquelle

19 était M. Rugova, il devait donner une réponse.

20 La réponse était que cet accord ne pouvait avoir aucun effet

21 juridique ou politique à cause de la situation dans laquelle nous étions et

22 que la communauté internationale avait posé un certain nombre d'exigences

23 sans résultat, les bombardements ne s'arrêteraient pas. M. Rugova a

24 toujours insisté sur la présence d'un tiers, mais M. Milosevic s'y est

25 toujours opposé.

26 Q. Je pense que --

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce que je vois dans tout cela, M.

28 Merovci, c'est que la seule façon de s'en sortir pour Milosevic était de

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1 capituler. A ce stade, les frappes aériennes avaient commencé et tout ce

2 qu'il pouvait faire était se rendre, parce que personne ne souhaitait

3 engager des négociations avec lui.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait d'une condition qui était

5 imposée par la communauté internationale. Tout cela était fait aux dépens

6 de la population albanaise. Sous ce prétexte, la population albanaise a été

7 expulsée de la manière la plus brutale.

8 Les Albanais du Kosovo attendaient les frappes aériennes parce qu'ils

9 voyaient cela comme étant le seul moyen d'atteindre la liberté. Il

10 s'agissait du prétexte qu'ils ont utilisé pour pouvoir expulser les

11 Albanais, les détruire et détruire leurs biens.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

13 Monsieur Hannis.

14 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

15 Q. Vous avez dit que dans une de vos réponses précédentes qu'avant

16 le début des bombardements de l'OTAN ou à peu près au moment où les

17 bombardements de l'OTAN ont commencé, M. Rugova a dit aux médias

18 internationaux, leur a déclaré qu'il soutenait les bombardements; c'est

19 exact ?

20 R. C'est exact et cela peut être prouvé par des faits. L'interview avec

21 Der Spiegel du 31 est une preuve du fait que M. Rugova a déclaré clairement

22 pendant cette interview qu'il souhaitait que ces frappes aériennes

23 continuent. Le premier jour après son retour de Paris, il s'agissait d'un

24 dimanche, M. Rugova était attendu chez lui par des journalistes. Je me

25 souviens des mots qu'il a prononcés. Il a dit en anglais: "Now it is the

26 time for the NATO," "C'est maintenant le moment venu pour l'OTAN."

27 Le troisième fait qui existait, c'est que les soldats lorsqu'ils ont

28 pénétré dans sa maison, ils m'ont dit : "C'est la maison de la personne qui

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1 voulait l'OTAN."

2 Q. Quelle était la teneur essentielle de la déclaration à la presse qui a

3 été signée par M. Rugova ce 1er avril, si vous vous souvenez ?

4 R. Je ne me souviens pas exactement de la teneur mais il s'agissait plus

5 ou moins d'une solution pacifique à la situation. Si je ne me trompe pas,

6 elle ne contenait que trois ou quatre lignes. J'aimerais dire à nouveau

7 qu'il s'agissait d'un document qui était à l'intention des médias. Il ne

8 s'agissait pas d'un accord sous quelque forme que ce soit. Simplement un

9 communiqué de presse qui était signé.

10 Q. Pensez-vous que M. Milosevic tentait d'utiliser cette déclaration de

11 presse signée par M. Rugova pour introduire une dissension entre les

12 différents membres de l'OTAN, quant à savoir s'il fallait continuer ou pas

13 les frappes aériennes ?

14 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Monsieur le Président, je forme une

15 objection quant à la forme de cette question qui est directrice.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je pense qu'il y a un fondement à

17 cette objection, Monsieur Hannis.

18 M. HANNIS : [interprétation] Très bien. Je vais reformuler ma question.

19 Q. Avez-vous une idée de comment M. Milosevic pouvait tenter d'utiliser

20 cette déclaration à la presse qu'il avait signée au Dr Rugova ?

21 R. Ce communiqué de presse n'a eu aucun effet. J'aimerais souligner à

22 nouveau que cette déclaration a été signée sous la contrainte. On m'a

23 demandé de me joindre à eux dans la pièce dans laquelle se tenait cette

24 réunion pour que M. Rugova puisse gagner du temps de façon à faire

25 prolonger les choses. M. Rugova essayait de gagner du temps. Cette

26 déclaration de la presse n'est pas une expression de son plein gré. Dans la

27 situation dans laquelle nous étions, M. Rugova l'a signée en sachant que

28 cela n'aurait aucun effet. Ensuite, on s'est aperçu qu'effectivement dans

Page 8460

1 les faits, cette déclaration n'a eu aucun effet que ce soit.

2 Q. Juste après que cette déclaration de presse soit rendue, est-ce que des

3 membres de la communauté internationale ont tenté de contacter le Dr Rugova

4 de façon à confirmer s'il disait effectivement ou non ce qu'il disait dans

5 cette déclaration de presse ? Y a-t-il eu des questions de posées par la

6 communauté internationale ?

7 R. Les questions se concentraient sur savoir si cela était vrai que nous

8 étions allés à Belgrade ou non. Nous avons confirmé le même jour parce que

9 le téléphone fonctionnait. La première chose que j'ai faite était d'appeler

10 l'ambassadeur américain en Macédoine, à Skopje, Chris Hill, et je l'ai

11 informé de ce qui s'était passé. Il a été confirmé que M. Rugova s'était

12 rendu là-bas. Je ne me souviens pas si cette déclaration a été mentionnée

13 par des structures importantes pendant cette période ou par la suite.

14 Q. Je pense que vous avez fait référence au paragraphe 61 de votre

15 déclaration. De cela, il semblerait que vous ayez fait passer une

16 communication le jour suivant, le 2 avril, lorsque vous êtes rentrés à

17 Pristina. Cela est-il exact ?

18 R. C'est le même jour. Nous y sommes allés le 1er avril et nous sommes

19 rentrés le même jour dans l'après-midi et j'ai appelé M. Hill le même jour.

20 Q. Très bien, vous décrivez les conditions dans lesquelles vous étiez et

21 M. Hill vous a demandé si vous étiez en résidence surveillée. Vous avez dit

22 que vous ne souhaitiez pas dire cela de manière ouverte mais vous lui avez

23 dit qu'il pouvait tirer ses propres conclusions. Pourquoi ne vous

24 souhaitiez-vous pas parler de façon ouverte à ce moment-là ?

25 R. Les policiers se trouvaient à l'endroit où le téléphone se trouvait. Je

26 savais que les communications téléphoniques étaient interceptées. Comme je

27 l'ai déjà dit, nous avions peur pour nos propres vies. C'est la raison pour

28 laquelle j'étais prudent dans les commentaires que je faisais et dans les

Page 8461

1 réponses que je donnais. Je lui ai dit la chose suivante : "Ils ont dit

2 qu'ils sont venus pour d'autres raisons mais vu les circonstances dans

3 lesquelles nous nous trouvons, vous pouvez tirer vos propres conclusions."

4 C'est ce que j'ai dit à l'ambassadeur Hill et à des membres d'autres

5 médias.

6 Q. Dans ce même paragraphe, vous parlez de Blerim Shala, S-h-a-l-a. Qui

7 était Blerim Shala ?

8 R. M. Shala est un intellectuel indépendant. Il est le rédacteur en chef

9 du journal Zedi [phon]. Il était membre de la délégation à Rambouillet,

10 membre du groupe des intellectuels indépendants. Lorsqu'il est parti à la

11 frontière, la police a appelé M. Rugova et lui a demandé : "Souhaitez-vous

12 que M. Shala revienne et vous rejoigne ?" M. Rugova a répondu : "Que ce

13 n'était pas à lui de prendre cette décision et qu'il pouvait partir," donc

14 il est parti.

15 Q. Au paragraphe 60, vous dites que le 2 avril, M. Milenovic - je crois

16 qu'il s'agit de l'assistant de M. Milosevic - vous a appelé et vous a dit

17 que vous deviez rencontré Ratko Markovic. Tout d'abord, qui est Ratko

18 Markovic ? Quel était son rôle, quelle était sa fonction, quel était son

19 poste ?

20 R. M. Goran Milenovic m'a appelé et m'a dit que nous devrions nous

21 rencontrer. M. Ratko Markovic était une personne qui participait aux

22 questions d'éducation. A ce moment-là, si je ne me trompe pas, il était

23 vice-premier ministre du gouvernement serbe.

24 Q. Proposait-il que vous, Adnan Merovci, rencontriez Markovic ou que le Dr

25 Rugova le rencontre ou les deux ?

26 R. Il s'agissait d'une communication assez désagréable parce que même

27 pendant cette discussion, nous avons insisté sur le fait qu'il fallait

28 qu'on nous autorise à partir. Notre priorité était de quitter le Kosovo.

Page 8462

1 Ils avaient plusieurs idées. Ils ont apporté plusieurs propositions sur

2 plusieurs sujets, mais sur ce cas particulier, il voulait nous rencontrer.

3 Il a dit : "Je peux vous voir d'abord, puis M. Rugova par la suite." Il

4 s'agissait du résultat de la première réunion à Belgrade. Le prétexte était

5 que ces réunions devaient continuer pour aborder des sujets différents.

6 C'est tout du moins comme cela que j'ai compris les choses.

7 Q. Au paragraphe 62 alors, quelques jours plus tard, le 4 avril, vous

8 dites que Nikola Sainovic est venu dans cette maison pour la première fois

9 et souhaitait que le Dr Rugova rencontre Ratko Markovic. A nouveau, dites-

10 nous si vous savez pourquoi M. Sainovic souhaitait que cette réunion ait

11 lieu.

12 R. Il s'agissait de la première fois que nous le rencontrions, et j'en ai

13 parlé effectivement comme d'une demande de réunion. Il a insisté; il

14 souhaitait qu'une réunion ait lieu entre Markovic et M. Rugova, si je ne me

15 trompe pas, le 4 avril, que l'arrivée de l'ambassadeur Kotov aussi à

16 Pristina soit discutée.

17 Q. L'ambassadeur Kotov est l'ambassadeur russe à Belgrade, n'est-ce pas ?

18 R. Oui, c'est exact.

19 Q. Qu'est-ce qui aurait pu être fait ou qu'est-ce qui aurait dû être fait

20 par Ratko Markovic ? Qu'était-il en mesure de faire que Slobodan Milosevic

21 ou Nikola Sainovic ne pouvait pas faire ? Pourquoi était-il important que

22 le Dr Rugova rencontre quelqu'un qui semblait être à un niveau beaucoup

23 plus bas ?

24 R. A mon avis, cela avait pour but de gagner du temps, de donner

25 l'impression à la communauté internationale que le processus continuait,

26 que la communication existait. Mais on voit bien que les choses n'étaient

27 pas bien organisées.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila.

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1 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, je ne souhaite pas

2 interrompre l'interrogatoire principal de M. Hannis, mais la façon dont il

3 a posé des questions ne devrait pas être permise. Tout d'abord, il semble

4 apposer le signe égal entre Milosevic et Sainovic. Que pouvait faire

5 Markovic que Sainovic ne pouvait pas faire ? Comment se fait-il, il dit

6 maintenant que Markovic était sous Sainovic, alors que nous savons que

7 Markovic était le chef de la délégation, et non pas Sainovic ?

8 Il s'agit d'une manière de poser des questions qui ne nous amène

9 nulle part. Je ne souhaitais pas interrompre son interrogatoire ni les

10 réponses, mais je souhaite simplement attirer l'attention sur le fait que

11 ce type de questions ne devrait pas être autorisé parce qu'il a inclus à

12 l'intérieur deux affirmations dans ses questions qui rendent ses questions

13 directrices.

14 [La Chambre de première instance se concerte]

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que votre commentaire

16 est très facilement compréhensible dans le contexte d'un échange qui aurait

17 pu avoir lieu devant une juridiction civile. Mais dans le cadre de la

18 procédure qui est menée ici, il s'agit de questions qui peuvent très bien

19 être résolues dans le cadre d'un contre-interrogatoire.

20 Vous pouvez, par exemple, signaler à ce moment-là que cette

21 déclaration est inexacte. Au moment présent, nous ne pensons pas qu'il

22 s'agit d'une question directrice et nous pensons qu'il est important que

23 cela soit réglé le moment voulu pendant le contre-interrogatoire, donc nous

24 rejetons votre objection, mais nous comprenons très bien la raison pour

25 laquelle vous l'avez formulée.

26 Monsieur Hannis.

27 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

28 Q. Monsieur Merovci, vous aviez pratiquement terminé votre réponse. Y

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1 avait-il quelque chose de plus que vous souhaitiez dire concernant la

2 raison pour laquelle il souhaitait que vous rencontriez M. Markovic et

3 concernant ce qu'il aurait pu faire que Sainovic et Milosevic ne pouvaient

4 pas faire eux-mêmes ?

5 R. Non. Pas à cette époque-là et pas non plus maintenant. Je ne comprends

6 pas, je n'avais pas l'impression qu'il s'agissait de quelqu'un qui puisse

7 faire quelque chose de plus. Cette chose, tout cela avait simplement pour

8 but d'envoyer un signal à la communauté internationale que le processus

9 était en marche, que les pourparlers avaient lieu.

10 Q. Très bien. Merci. Vous nous dites ensuite qu'il y a eu une rencontre

11 supplémentaire le 5 avril, M. Sainovic est venu, ensuite le 9 avril, au

12 paragraphe 75, Sainovic et Ratko Markovic sont venus dans la maison. Y a-t-

13 il eu quoi que ce soit d'abordé en dehors de l'arrêt des bombardements et,

14 à la demande du Dr Rugova de partir à l'étranger ? Y avait-il d'autres

15 sujets d'abordés le 9 avril ?

16 R. J'aimerais faire une petite correction. Au début, vous avez dit le 5

17 avril, et maintenant vous vous êtes corrigé et vous avez dit le 9 avril.

18 C'est ce qui s'est passé le 9 avril, mais le 5 avril, il y a eu une réunion

19 avec l'ambassadeur Kotov et il y a eu une conférence de presse. Le 9 avril,

20 une réunion semblable a eu lieu, et chacune de ces réunions commençait par

21 notre demande, une demande qui venait de nous de pouvoir quitter le Kosovo.

22 Q. Le 10 avril, au paragraphe 66, vous dites que Joksic a appelé pour

23 trouver un certain nombre des assistants du Dr Rugova et vous donnez des

24 détails. Je n'ai pas de question à ce sujet-là. Nous allons passer plutôt

25 au paragraphe 67.

26 Le 13 avril, M. Sainovic est à nouveau revenu et a proposé que le Dr

27 Rugova rencontre M. Milutinovic, on vous a dit que la date de la réunion

28 serait trois jours plus tard, le 16, à Pristina. M. Sainovic vous a-t-il

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1 dit à l'époque quel était le but de cette réunion ?

2 R. Oui, c'est exact. Il nous a informés du fait que la réunion avec

3 Milutinovic aurait lieu le 16 à Pristina. Je répète à nouveau et je le

4 répèterai à chaque fois qu'on me posera cette question : nous étions

5 devenus des gens, des personnes à qui on ne demandait pas leurs opinions.

6 Nous avons accepté ce processus de façon à pouvoir survivre et vivre.

7 Les réunions et les sujets qui devaient faire l'objet des négociations

8 concernaient plus ou moins tout ce que nous avons dit au préalable :

9 convenir d'un accord, améliorer les conditions, créer un organe

10 d'autogouvernement, des choses qui avaient déjà commencé, qui avaient déjà

11 été mises en œuvre par le passé, des différents groupes, G15.

12 Concernant notre demande pressante de quitter le Kosovo, on nous a toujours

13 dit que nous pouvions trouver de l'aide et les faire venir. C'est ce qui

14 s'est passé avec deux assistants, M. Ramaj et M. Kurteshi.

15 Q. Merci. Le 16 avril, vous avez reçu un appel de M. Joksic de la DB, on

16 vous a dit que la réunion aurait lieu à Belgrade au lieu de Pristina. Au

17 paragraphe 68, vous nous dites que vous êtes allé là-bas et que vous avez

18 rencontré Milutinovic et Sainovic, et qu'à votre arrivée il y avait des

19 journalistes ou des photographes là-bas. Milutinovic, dans votre

20 déclaration, aurait dit qu'il y avait une unité entre "nous tous", en

21 parlant du gouvernement, et une loyauté totale à Milosevic. Ensuite, il a

22 dit au Dr Rugova : "Le Kosovo est à vous."

23 Dans ce contexte, d'après-vous, comment avez-vous compris cette déclaration

24 qui a été faite au Dr Rugova, cette déclaration comme quoi, je cite : "Le

25 Kosovo est à vous" ? Il semblait que le Dr Rugova n'était même pas en

26 mesure de quitter sa propre maison sans la permission de qui que ce soit.

27 Comment le Kosovo pouvait être à lui ?

28 R. Cette réunion a eu lieu telle que vous la décrivez. Nous, on nous a dit

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1 de nous préparer et que nous devions partir à Belgrade. Il est vrai qu'à ce

2 moment-là il a dit cela, et à ce moment-là j'ai compris cela comme voulant

3 dire : "Vous êtes une personne, un dirigeant des citoyens du Kosovo, et

4 c'est vous qui êtes responsable de ce qui se passe." C'est comme cela que

5 j'ai compris.

6 Il a simplement dit d'une manière diplomatique le Kosovo est à vous. Mais

7 d'un autre côté, il y avait notre demande pressante d'être autorisés à

8 quitter le Kosovo. Ensuite, nous avons abordé la question de mon départ du

9 Kosovo de façon à ce que je puisse aller Shkup.

10 Q. La première fois, les choses ont un peu avancé concernant cette demande

11 et ils ont convenu que vous, M. Merovci, vous seriez autorisé à aller

12 Skopje, n'est-ce pas ?

13 R. Ils savaient que dans de telles circonstances, il s'agirait là de notre

14 demande principale, de notre première exigence, peut-être qu'ils pensaient

15 qu'ils pourraient trouver une solution en faisant un petit pas en avant.

16 Cette idée a fait surface, qui ne ressemblait pas à ce que nous

17 souhaitions, mais tout au moins cela a un peu adouci l'atmosphère. Ils

18 pensaient que j'irais retrouver les assistants, les aides de Rugova et que

19 j'allais leur dire que tout allait bien et que tout allait continuer, mais

20 ce n'est pas ce qui s'est passé en réalité.

21 Q. Vous dites au paragraphe 68 qu'à la fin de cette réunion Sainovic vous

22 a donné un certain nombre d'instructions sur ce que vous deviez dire à

23 Skopje. L'une d'entre elles était de dire que vous et M. Rugova n'étiez pas

24 aux arrêts et que vous n'étiez pas en résidence surveillée, et de ne pas

25 mentionner le nom de M. Sainovic de trop. Vous a-t-il dit ce qui pourrait

26 vous arriver si vous ne suiviez pas ces instructions ? Ou s'est-il contenté

27 de vous donner ces instructions ?

28 R. La question de mon voyage à Shkup peut être expliquée de la manière

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1 suivante. Lorsque j'ai parlé de cela avec Rugova, nous avons convenu, il a

2 même insisté sur le fait que la communauté internationale devait être

3 informée de la situation dans laquelle nous étions, de manière à ce que

4 nous puissions discuter de la possibilité d'évacuer M. Rugova et sa

5 famille.

6 Il s'agissait là de l'objectif ou de la raison pour laquelle nous

7 insistions pour que ce déplacement puisse avoir lieu et que nous le

8 souhaitions à ce point. L'objectif qui était poursuivi par la partie

9 adverse était que nous allions là-bas et que nous informions les

10 assistants, les aides de M. Rugova que tout se passait bien et que tout

11 pouvait continuer normalement.

12 Q. Au vu de votre réponse, j'en déduis que vous n'avez pas dit à M.

13 Sainovic ni à M. Milutinovic que vous alliez dire aux représentants de la

14 communauté internationale que M. Rugova et vous-même étiez placés en

15 résidence surveillée.

16 R. Non, je ne l'ai jamais dit.

17 Q. Au paragraphe 69, nous savons que vous vous êtes rendu à la frontière

18 pour aller à Skopje et que vous êtes resté là quelques jours. Est-ce que

19 vous y êtes allé tout seul ?

20 R. Je n'étais pas seul, car je n'étais pas autorisé à me déplacer seul.

21 J'ai été escorté jusqu'à la frontière. Au poste de frontière de Kumanova,

22 j'ai été accueilli par --

23 L'INTERPRÈTE : Une personne dont l'interprète n'a pas saisi le nom.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis allé chez lui et le lendemain j'ai

25 rencontré les représentants de la communauté internationale.

26 M. HANNIS : [interprétation]

27 Q. Vous avez été escorté sur le territoire du Kosovo, mais arrivé à la

28 frontière macédonienne, vous étiez seul -- ou plutôt, permettez-moi de

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1 reformuler ma question. Aucune des personnes présentes au domicile de M.

2 Rugova ne vous a accompagné lors de ces déplacements; c'est bien cela ?

3 R. Non. J'ai été escorté par une voiture de la police, et au moment où

4 j'ai franchi la frontière, j'étais seul. De l'autre côté de la frontière,

5 Edmund Kerliu, mon ami, m'attendait. Ce n'était pas un collaborateur de M.

6 Rugova au sein du parti, c'était un ami, un habitant de Skopje.

7 Q. Bien. Au paragraphe 70, vous nous dites qu'à Skopje, vous avez

8 rencontré l'ambassadeur Hill. Vous avez débattu de la situation, il l'avait

9 bien comprise et il savait pertinemment que M. Rugova et vous-même étiez

10 placés en résidence surveillée. Etait-ce le cas ? Etiez-vous en résidence

11 surveillée ?

12 R. Au cours de la première rencontre que j'ai eue avec M. l'Ambassadeur

13 Hill à sa résidence, la réunion a duré deux heures. Nous étions juste tous

14 les deux et nous avons parlé de notre déplacement de Belgrade, des

15 circonstances, du fait que nous avions été contraints de nous rendre là-

16 bas. Tandis que nous décrivions ce qui s'était passé, nous avons mentionné

17 le fait que nous étions placés en résidence surveillée. M. Hill m'a

18 félicité d'être allé à Skopje.

19 J'ai rencontré M. Hill également le dernier jour alors que je

20 m'apprêtais à retourner à Pristina, nous avons parlé à cette occasion de la

21 possibilité d'évacuer la famille de M. Rugova, ce qui était pratiquement

22 impossible. Toujours est-il que ceci fut un des sujets abordés lors de

23 notre conversation.

24 Q. Vous êtes rentré, maintenant je souhaiterais que l'on parle du

25 paragraphe 72. Il y a eu une rencontre le 28 avril 1999, à Pristina cette

26 fois-ci. M. Rugova et vous-même avez rencontré M. Milutinovic, M. Sainovic,

27 Ratko Markovic et Zoran Andjelkovic. Est-ce que vous avez été prévenus à

28 l'avance de la tenue de cette réunion ?

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1 R. Oui. On nous a prévenus à l'avance, comme c'était d'habitude le cas.

2 Q. D'après ce que l'on vous a dit, quel était l'objet de la réunion qui

3 allait se tenir le 28 avril ?

4 R. Après mon retour de Shkup, une réunion a été organisée. Aucun autre

5 collaborateur ne pouvait rentrer, vu les circonstances. Il s'agissait peut-

6 être là de leur dernière tentative de se servir de M. Rugova. La communauté

7 internationale exerçait de fortes pressions pour le libérer, je peux vous

8 parler des appels officiels passés par le ministre allemand des Affaires

9 étrangères, M. Fischer, et Mme Madeleine Albright a appelé officiellement à

10 la libération de M. Rugova et de sa famille. Elle a dit qu'elle voulait les

11 voir à Bruxelles.

12 Vu les pressions exercées, je pense qu'il voulait faire avancer les

13 pourparlers. On a parlé de la réparation de sa maison, du retour des

14 Albanais, de choses qui paraissaient sans pertinence, nous nous sommes

15 considérés comme des outils inutiles. M. Milutinovic a dit qu'il ne pouvait

16 pas donner de réponse immédiate concernant notre libération, mais il a

17 promis de donner une réponse dans les 24 heures. Si je ne m'abuse, la

18 réponse a été faite trois jours plus tard, le 4.

19 Q. Je vous arrête un instant. Je souhaiterais vous poser quelques

20 questions concrètes. Vous avez dit que M. Milutinovic ne comprenait pas la

21 raison pour laquelle les gens quittaient la ville. Vous lui avez dit que

22 les gens étaient obligés de quitter leurs domiciles, que votre propre

23 appartement avait été détruit et que le MUP en était responsable. M.

24 Milutinovic s'est alors tourné vers Sainovic et a demandé, je cite : "Est-

25 ce vrai ?" Qu'a dit M. Sainovic en réponse à la question posée par

26 M. Milutinovic ? A-t-il répondu quoi que ce soit ?

27 R. S'agissant de ce que j'ai dit au sujet des événements de Pristina, j'ai

28 cité l'exemple de la destruction de ma propre maison, qui était vide à ce

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1 moment-là, car comme je l'ai dit j'étais au domicile de M. Rugova.

2 J'ai dit : comme vous avez détruit ma maison et que je suis ici,

3 personne ne peut se sentir en sécurité. Il a effectivement posé la question

4 que vous avez citée, mais il n'y a pas eu de réponse. Il y a eu un simple

5 hochement de la tête et ils sont passés à un autre sujet.

6 Q. Qui a hoché la tête et de quelle manière ? C'était un hochement de tête

7 approbateur ou un hochement de tête qui constituait une réponse par la

8 négative ?

9 R. Il a hoché la tête pour exprimer sa surprise.

10 Q. M. Sainovic ?

11 R. Oui, on pourrait le dire.

12 Q. Je n'étais pas présent. Est-ce que vous pourriez nous dire qui a hoché

13 la tête ?

14 R. Il y avait six personnes. La question a été posée en leur présence, M.

15 Milutinovic a posé cette question à ses collaborateurs. Ils ont feint la

16 surprise, puis ils ont parlé d'autres sujets.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant de passer à un autre sujet,

18 quelles sont les preuves indiquant que le MUP était responsable de la

19 destruction de votre appartement ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque j'ai quitté mon appartement, c'était

21 le 31 mars. Nous parlons ici du 28 avril. Au cours de cette période, je

22 suis allé deux fois à mon appartement, escorté par des policiers. Les

23 policiers ont pu constater également la destruction de mon appartement. Ils

24 ont été témoins de ce qui s'était passé. Lorsque j'ai indiqué que mon

25 appartement avait été détruit par les membres de l'armée, je me fonde sur

26 le fait que lors d'une de mes visites, j'ai rencontré un voisin qui m'a dit

27 en albanais que c'était le fait de soldats de l'armée régulière qui étaient

28 accompagnés --. Les gens qui m'accompagnaient ont pu le voir de leurs

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1 propres yeux.

2 M. HANNIS : [interprétation] A la ligne 17, la dernière partie de la phrase

3 n'a pas été consignée et je n'ai pas bien compris ce qu'a dit le témoin.

4 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine anglaise précise qu'il s'agissait

5 de chiens entraînés.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, des "chiens entraînés".

7 Monsieur Merovci, dans la déclaration préalable que vous avez faite que

8 nous avons sous les yeux, il est indiqué que votre appartement a été

9 détruit et que le MUP était responsable de cela. Si je vous ai bien

10 compris, c'est un membre de la VJ qui l'a fait ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse, car il est possible que je

12 mélange les choses dans ma déclaration. J'ai affirmé que c'étaient les

13 forces du MUP qui étaient responsables de cela. Maintenant, je souhaiterais

14 apporter une correction à cet égard. Il s'agissait d'une interprétation

15 erronée. Mon voisin m'a dit que des policiers en uniforme accompagnés de

16 chiens étaient venus. Je ne me souviens pas avec précision s'il m'a parlé

17 uniquement de gens avec des chiens ou de gens en uniforme de la police.

18 C'est la vérité.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

20 Poursuivez, Monsieur Hannis.

21 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

22 Q. Vous nous avez dit qu'à la fin de cette réunion, M. Milutinovic vous

23 avait dit qu'il ne pouvait pas trancher la question des déplacements à

24 l'étranger de M. Rugova et de vous-même. Ils avaient besoin de 24 heures

25 pour vous répondre à ce sujet. M. Milutinovic était président de la Serbie

26 et M. Sainovic était vice-premier ministre de la République fédérale. Qui

27 était mieux placé que ces deux-là pour décider s'il convenait de vous

28 autoriser à voyager à l'étranger ?

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1 R. C'est ce que j'ai dit lors de cette réunion. Il s'agissait de personnes

2 haut placées. J'ai demandé : "Comment est-il possible que l'on n'ait pas de

3 réponse, puisque nous sommes libres de partir, comme ils l'affirment ?" Ils

4 m'ont dit : "Vous aurez une réponse dans les 24 heures." J'ai eu

5 l'impression qu'il fallait obtenir une autorisation et que cette

6 autorisation dépendait de la manière dont serait présentée notre demande.

7 Q. A l'issue de cette réunion tenue le 28 avril, un document a-t-il été

8 signé par M. Rugova et M. Milutinovic ?

9 R. Nous parlons ici d'un document qui avait déjà été présenté. M. Rugova a

10 mentionné ce communiqué de presse. En toute honnêteté, ce document n'a pas

11 été signé en ma présence. Je me trouvais dans le couloir et je parlais avec

12 les journalistes qui attendaient la sortie de la délégation; ce document a

13 été signé pendant ce temps. Pour être tout à fait franc avec vous, j'en ai

14 entendu parler lors de la déposition faite par M. Rugova devant ce

15 Tribunal.

16 Q. Avez-vous vu ce document depuis ? Depuis, le mois d'avril 1999,

17 j'entends.

18 R. Si je ne m'abuse, ce document a été présenté dans le cadre de sa

19 déposition. A l'époque, on pouvait suivre cela dans les médias, et c'est là

20 que je l'ai vu.

21 M. HANNIS : [interprétation] Pourrait-on voir la pièce à conviction P416,

22 je vous prie ?

23 Q. En attendant que ce document soit affiché, dans votre déclaration, vous

24 dites que 30 heures environ après la réunion, on vous a appelé pour vous

25 dire qu'ils allaient rencontrer Milosevic pour régler cette question

26 concernant vos voyages à l'étranger. Qui vous a rappelé ?

27 R. D'abord, Ljubo Joksic. Il m'a dit que ma demande avait été approuvée et

28 que j'étais autorisé à partir. Ensuite, si je ne m'abuse, M. Sainovic m'a

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1 appelé aussi et il m'a informé de la même chose.

2 Q. Maintenant, nous avons la pièce P416 affichée à l'écran. Reconnaissez-

3 vous ce document ?

4 R. J'ai vu ce document à l'écran lors de la déposition de M. Rugova. Je le

5 vois maintenant également. Si je ne me trompe pas, il s'agissait également

6 d'un communiqué, d'une "déclaration commune" comme il est indiqué ici. Cela

7 a été lu aux journalistes. Je souhaite répéter que je n'ai pas été témoin

8 oculaire de la signature de ce document.

9 Q. Est-ce que vous avez des raisons de douter du fait qu'il s'agit bien de

10 la signature de M. Rugova sur ce document ?

11 R. D'après ce que je peux voir, non. Il s'agit bien de sa signature. Comme

12 je l'ai déjà indiqué, à l'époque où ce document a été signé, je me trouvais

13 à l'extérieur de la pièce dans le couloir. Il faut quelques secondes pour

14 signer un document. Je n'étais pas présent à ce moment-là. C'est tout.

15 Q. Merci.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que je vous ai bien compris

17 lorsque vous dites qu'il s'agit de la même déclaration commune que celle

18 signée avec M. Milosevic ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce document s'appelle déclaration

20 commune. C'est son titre. C'est ce qui est indiqué en serbe, déclaration

21 commune.

22 M. HANNIS : [interprétation] La même idée m'a traversé l'esprit, mais je

23 crois qu'il est bien clair --

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Merovci, on vous a demandé

25 s'il existait un document signé par M. Rugova et M. Milutinovic à l'issue

26 de la réunion tenue le 28 avril ?

27 Vous avez répondu, je cite : "Nous parlons du document qui a été

28 présenté lorsque M. Rugova a parlé d'un communiqué de presse." Il s'agit

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1 donc d'un autre communiqué de presse que celui dont vous parlez qui a fait

2 suite à la réunion tenue avec M. Milosevic. C'est bien cela ? Lequel était

3 beaucoup plus court.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il s'agit de deux déclarations

5 différentes.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

7 Monsieur Hannis, poursuivez.

8 M. HANNIS : [interprétation] Merci. Nous avons également la pièce à

9 conviction P833. Je souhaiterais la présenter en rapport avec ceci. Il

10 s'agit d'un rapport paru dans les médias concernant cette réunion. On peut

11 voir qui était présent à la réunion. En fait, je ne vais pas présenter ce

12 document au témoin. Je voulais simplement indiquer que je me proposais de

13 présenter ce document afin de corroborer les souvenirs du témoin à propos

14 des personnes présentes à la réunion.

15 Au paragraphe 73, vous dites que Joksic vous a appelé, en disant que vous

16 deviez être prêt à vous rendre à Belgrade. M. Rugova et vous-même deviez

17 aller rencontrer M. Sainovic. Quel était l'objet de cette réunion tenue le

18 4 mai ?

19 R. D'après ce qui nous a été dit, il devait s'agir d'une réunion afin de

20 convenir des détails de notre voyage. Nous voulions nous déplacer ensemble

21 comme une famille. Nous sommes partis le 4 mai. Nous avons noté que l'on

22 avait tendance à séparer les familles. M. Rugova et moi-même avons insisté

23 pour que ce ne soit pas le cas. Nous avons catégoriquement refusé cette

24 séparation.

25 Nous ne voulions pas partir, car nous souhaitions quitter le Kosovo

26 ensemble, comme une famille. M. Milosevic était favorable à cela. Je pense

27 qu'il a décidé de nous autoriser à partir tous ensemble comme famille, M.

28 Rugova et moi-même. Nous avons pris l'avion pour Rome le 5 mai.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je croyais que vous avez affirmé plus

2 tôt que votre famille était partie le 1er avril à Skopje.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque je parle de "famille", je parle des

4 proches de M. Rugova. Il y avait environ 16 personnes. Je peux vous donner

5 leurs noms, si vous m'accordez quelques instants. Mais il y avait plus de

6 10 personnes.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

8 Monsieur Hannis, allez-y.

9 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

10 Q. On vous a autorisés à partir. Vous vous êtes rendus à Rome le 5 mai. Le

11 lendemain, vous êtes arrivé à Belgrade; est-ce bien cela ?

12 R. Oui, c'est exact.

13 Q. Au paragraphe 74 de votre déclaration préalable, vous nous dites que

14 vous avez eu des conversations avec M. Sainovic pendant toute la période où

15 vous étiez aux arrêts. Dans le cadre de l'une de ces conversations, vous

16 avez dit à M. Sainovic qu'il pourrait se retrouver à La Haye, accusé de

17 crimes de guerre. A-t-il répondu quoi que ce soit ?

18 R. Lors de ces réunions, qui pour la plupart étaient officieuses, il

19 s'agissait de rencontres entre être humains, nous étions tous des êtres

20 humains. Au cours de ces conversations, nous avons parlé de beaucoup de

21 choses, y compris de Racak. J'ai dit cela. Il a répondu en disant qu'il

22 s'agissait d'un jeu de la part de l'ambassadeur Walker.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A cet égard, vous dites que M.

24 Sainovic a affirmé que la MVK était exclusivement composée de militaires

25 qui avaient installé des gens pour aider l'OTAN. Est-ce bien le cas, ou

26 est-ce qu'il y a eu une erreur de traduction ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas ce que j'ai dit. Il s'agit de

28 suppositions de la part des Serbes.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais vous citez les propos de M.

2 Sainovic. Qu'a-t-il dit à propos des militaires ? La traduction de la

3 déclaration en anglais n'est pas très claire.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai dit, il s'agissait de

5 conversations brèves et officieuses, alors que nous quittions ou entrions

6 dans la pièce. L'une de ces conversations a porté sur le massacre de Racak

7 et la réponse faite a été celle que j'ai citée. Il a également été dit que

8 la mission aurait installé des locateurs, des instruments qui par la suite

9 ont été bombardés par l'OTAN. C'est ce qui a été dit.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

11 Monsieur Hannis.

12 M. HANNIS : [interprétation]

13 Q. Monsieur Merovci, au paragraphe 76 de votre déclaration, vous parlez

14 des tactiques de propagande utilisées par le MUP. Des personnes haut

15 placées ont été tuées. Vous dites que cela visait à effrayer des Albanais.

16 Comment le savez-vous ? D'où tenez-vous ces informations ?

17 R. Une campagne a été organisée pour semer la terreur. Tous les Albanais,

18 je parle de gens qui habitaient chez eux dans les villes, devaient sauver

19 leur peau et celle de leurs proches. On a essayé de cette manière primitive

20 d'instiller la peur parmi la population pour faciliter le nettoyage. A

21 titre d'exemple, je citerai un tract qui a été distribué au cours des

22 premiers jours des frappes aériennes selon lequel, soi-disant l'UCK et M.

23 Rugova auraient donné pour instruction à la population de quitter le

24 Kosovo.

25 Mais ce tract a été rejeté plus tôt, c'était incompatible. L'UCK et M.

26 Rugova, au plan politique, défendaient des positions opposées. Ce tract

27 contenait des erreurs et au vu de ces erreurs il est clair qu'il n'avait

28 pas été préparé par ceux qui soi-disant l'avaient préparé.

Page 8478

1 Q. Je vous interromps ici.

2 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait voir la pièce P839

3 pour enchaîner sur le sujet.

4 Q. Vous avez vu ce tract n'est-ce pas ?

5 R. Oui, je l'ai vu. Ils l'ont distribué à différents endroits dans les

6 rues, dans les maisons. S'il s'était agi d'un tract rédigé par Rugova,

7 j'aurais été le premier à le savoir.

8 M. HANNIS : [interprétation] Je vois que nous avons une version manuscrite.

9 Est-ce que l'on pourrait voir la page suivante. Je crois qu'il y a une

10 traduction en anglais. Est-ce que l'on pourrait voir également l'original ?

11 Q. Est-ce que M. Rugova avait quoi que ce soit à voir avec ce tract qui

12 porte l'en-tête de l'UCK et qui appelle soi-disant les Albanais à évacuer

13 le Kosovo et à se rendre en Macédoine et en Albanie ?

14 R. Non. C'est bien loin de la vérité. Cela a été réfuté par l'UCK et par

15 M. Rugova. Si nous parlons de la première lettre, elle est manuscrite, en

16 lettre cyrillique. Il est absurde d'adresser une lettre aux citoyens en

17 alphabet cyrillique; c'est vraiment primitif.

18 Pour ce qui est de l'autre document, comme je l'ai dit, il s'agit d'un

19 tract qui est mieux présenté car on voit l'en-tête de l'UCK. Il y a un

20 texte improvisé qui comportait beaucoup d'erreurs en albanais.

21 M. HANNIS : [interprétation] Je crois qu'il y a encore une autre page où

22 nous pouvons voir un original en langue albanaise. Est-ce disponible en

23 affichage électronique ? Nous voyons maintenant la version manuscrite en

24 cyrillique, la version anglaise, je crois qu'il doit y avoir une autre

25 version imprimée mais cette fois-ci en albanais.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, je crois que l'heure est venue

27 de faire la pause, Monsieur Hannis. Il n'est guère nécessaire de nous

28 indiquer qu'il y a bien des erreurs de grammaire en langue albanaise, à

Page 8479

1 moins que vous n'estimiez que cela revête une importance particulière.

2 M. HANNIS : [interprétation] Ce que je voulais c'est qu'on le mette sur

3 l'écran et ceci compléterait mon interrogatoire principal avant la pause.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Faites-le voir sur les

5 écrans.

6 M. HANNIS : [interprétation] Je crains que la copie ne soit pas très bonne.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, mais avant que de prendre la

8 pause, Monsieur Merovci, j'ai une question pour vous : le 4 mai, avez-vous

9 rencontré Milosevic ou pas ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, la rencontre a été très brève. Il nous a

11 juste informé des plannings de voyage.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais Rugova était avec vous à cette

13 réunion ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] En réalité, c'était moi qui étais avec M.

15 Rugova.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En effet, alors à quelque moment que

17 ce soit ce 4 mai, M. Milosevic et Rugova ont-ils été ensemble sans que vous

18 n'ayez été présent ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne m'en souviens pas parce qu'il s'est agi

20 d'une réunion véritablement à caractère technique pour des arrangements de

21 voyage.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

23 Nous allons faire cette fois-ci une pause d'une demi-heure. Je vous prie

24 d'accompagner l'huissier. Nous allons reprendre à une heure moins cinq.

25 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Merovci, les interprètes ont

27 manqué un début de phrase, veuillez répéter.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai une requête pour vous et cela concerne la

Page 8480

1 durée de mon témoignage. Je suis arrivé ici samedi. J'ai eu du mal à

2 trouver du temps pour venir témoigner. Je voudrais vous demander fort

3 aimablement d'en terminer aujourd'hui parce que j'ai beaucoup d'engagements

4 professionnels dont il convient de prendre soin. Je vous demanderais

5 d'avoir de la compréhension.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons nous pencher sur ce que

7 vous venez de dire pendant la pause, mais il sera difficile de répondre à

8 cette demande. Je crois que votre témoignage sera terminé non pas

9 aujourd'hui mais demain. Nous allons nous pencher sur la question et on

10 verra quand est-ce que vous serez en mesure de rentrer. En attendant, je

11 vous demande de vous retirer avec l'huissier et de revenir ici dans une

12 demi-heure.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

14 [Le témoin se retire]

15 --- L'audience est suspendue à 12 heures 25.

16 --- L'audience est reprise à 12 heures 55.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant que de faire revenir le témoin,

18 Monsieur Hannis, je suppose que vous n'avez pas eu connaissance de la

19 requête qui vient d'être présentée tout à l'heure ?

20 M. HANNIS : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Je n'étais

21 pas au courant.

22 Pouvez-vous me dire de quelle requête vous parlez au juste ?

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non. C'est la requête qu'il vient

24 de faire au sujet de l'achèvement de son témoignage aujourd'hui.

25 M. HANNIS : [interprétation] Je lui ai parlé hier et je lui ai dit que nous

26 allions faire des efforts, mais que les chances étaient plutôt maigres de

27 voir cela se produire. Ceci étant dit, je voudrais présenter ici les

28 quelques personnes qui sont présentes à mes côtés : M. Michael Hehn est

Page 8481

1 quelqu'un qui fait partie de l'équipe des conseils de l'Accusation et nous

2 avons Mme Priya Gopalan, qui fait également partie de notre équipe.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Hannis.

4 Faites donc entrer le témoin, à présent.

5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Merovci, votre requête visant

7 à faire prendre fin votre témoignage aujourd'hui nous a quelque peu

8 surpris. Il y a maintenant un contre-interrogatoire qui doit se produire,

9 il y a six accusés en l'affaire et chacun est représenté par un conseil.

10 Ils vous poseront des questions. Peut-être chacun d'entre eux ne vous

11 interrogera-t-il pas aussi longtemps que l'Accusation, mais nous devons

12 leur fournir des conditions d'égalité en droit, ce qui fait que le contre-

13 interrogatoire va nous amener jusqu'à la journée de demain.

14 Tout ce que je peux faire, c'est que nous allons faire des efforts

15 exceptionnels pour ce qui est d'en terminer avec votre témoignage demain.

16 Mais s'il s'avère que cela ne pourra pas se faire au cours d'une journée,

17 nous allons chercher à vous accommoder et nous efforcer d'en terminer

18 aujourd'hui. Alors il n'y a absolument aucune possibilité, j'en suis

19 désolé, d'en terminer aujourd'hui, donc je vous prie de rester parmi nous,

20 de comprendre la situation et de nous aider d'avancer le plus rapidement

21 possible dans ce que nous avons à faire.

22 Si vous vous concentrez sur la question qui vous est posée et si vous

23 confinez vos réponses à la question posée, vous verrez que cela ira bien

24 plus rapidement et bien plus vite que cela n'a été le cas jusqu'à présent.

25 Toujours est-il que nous vous sommes reconnaissants de votre indulgence et

26 nous vous remercions par avance.

27 Monsieur O'Sullivan.

28 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais

Page 8482

1 suivre l'acte d'accusation.

2 Contre-interrogatoire par M. O'Sullivan :

3 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Merovci.

4 R. Bonjour.

5 Q. Monsieur, dans votre témoignage, vous nous avez dit que vous avez été

6 un employé de la United Bank du Kosovo. Savez-vous nous donner le nom de

7 cette banque en serbe, je vous prie ?

8 R. Oui. C'était la Banque associée du Kosovo.

9 Q. Merci. Savez-vous nous dire si cette banque faisait partie du système

10 bancaire de la "Beogradska Banka", ou est-ce que cela faisait partie du

11 système bancaire "Yugoslasvenska Banka"? Savez-vous apporter une réponse à

12 cette question ?

13 R. A l'époque qui nous intéresse, il y avait deux systèmes bancaires. Il y

14 avait les banques commerciales et les banques d'Etat, une banque associée,

15 réunifiée de l'ex-Yougoslavie qui englobait toutes les banques associées au

16 niveau des six républiques et des deux provinces. Il y avait également une

17 banque nationale de Yougoslavie qui disposait de six plus deux banques

18 nationales et qui vaquaient à des questions légales concernant le système

19 bancaire.

20 Q. Merci.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais la réponse n'a pas été

22 apportée à la question, à savoir vous ne nous avez pas dit dans quel

23 système fonctionnait cette banque particulière, si tant est que cela revêt

24 de l'importance pour vous, bien sûr.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, il s'agissait d'une banque associée du

26 Kosovo. C'était une banque d'Etat ou commerciale qui avait pour mission

27 d'œuvrer en faveur du développement de l'économie du Kosovo. Il y avait

28 d'autres branches et d'autres banques, à savoir la "Jugobanka", la

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1 "Investbanka" ou la "Beogradska Banka", qui étaient des banques tout à fait

2 différentes.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous nous avez expliqué que cela

4 faisait partie de la toute première des catégories qui a été mentionnée.

5 Monsieur O'Sullivan.

6 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 Q. Monsieur, dans la déclaration que vous venez de faire et dont s'est

8 servi le Procureur, je dirais qu'au paragraphe 64 - vous n'avez pas à le

9 consulter - vous nous avez indiqué que vous avez suivi les réunions à la

10 télévision et que vous y avez vu que M. Milosevic et d'autres personnes

11 telles que M. Milutinovic, Momir Bulatovic et Mirko Mujanovic faisaient

12 leur apparition. Vous souvenez-vous d'avoir vu tous ces gens à la

13 télévision en 1999 ?

14 R. C'est là une instance qui s'adressait au public, il s'agissait de

15 quelque chose de semblable au QG de crise.

16 Q. Vous avez pu le voir à la RTS, à la Radio Télévision de Serbie, n'est-

17 ce pas ?

18 R. Je ne me souviens pas exactement à quelle télévision, mais jusqu'au

19 début des bombardements, nous avions la Radio Télévision du Kosovo qui

20 était placée sous le contrôle des autorités serbes et sous mesures

21 d'oppression. Comme je l'ai dit, je ne me souviens pas exactement de la

22 télévision où j'ai vu cela, mais il se peut que je l'aie vu également à la

23 Radio Télévision du Kosovo.

24 Q. Vous l'avez vu soit à la RTS, soit à la télévision locale du Kosovo,

25 n'est-ce pas, pour que les choses soient bien claires ?

26 R. La télévision locale du Kosovo, comme vous l'avez appelée, était une

27 chaîne de télévision contrôlée par les Serbes à l'époque pertinente.

28 D'après ce que j'ai pu en savoir, tout était contrôlé par le régime.

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1 Q. Ce que je voulais vous poser comme question, ce sont des éléments que

2 vous avez vus à la télévision. Ne serait-il pas exact de dire que vous avez

3 vu M. Milosevic assis en tête de table et qu'à sa gauche et à sa droite, il

4 y avait des groupes d'individus qui se trouvaient assis le long de cette

5 table de conférence ? Est-ce que c'est à peu près la description qui

6 correspondrait aux souvenirs que vous avez de ce que vous avez vu à la

7 télévision ?

8 R. Cela a été une portion très courte, un clip qui n'a duré que quelques

9 secondes. Je ne sais pas vous décrire exactement comment les personnes

10 présentes étaient disposées. Ce que je sais, c'est que Milosevic avait

11 présidé à la réunion et que les personnes présentes étaient des gens, des

12 personnes que je connaissais, j'en ai parlé dans ma déclaration.

13 Q. Je crois bien que vous avez vu cela à la télévision plus d'une fois.

14 Vous n'avez pas vu un seul clip de ce genre. Cela apparaissait vers les

15 informations du soir, n'est-ce pas ?

16 R. Non. Je ne l'ai vu qu'une fois. Ces fragments ou les communiqués

17 émanant de l'instance en question n'étaient pas très fréquents. Pour ce qui

18 est de la période de temps dont nous sommes en train de parler, la

19 télévision était fermée, nous n'avons pas pu suivre les nouvelles.

20 Q. Le dénommé Momir Bulatovic que vous avez pu voir était premier ministre

21 au gouvernement fédéral à l'époque, n'est-ce pas ?

22 R. Momir Bulatovic était originaire du Monténégro, mais je ne me souviens

23 pas des fonctions qu'il avait accomplies à ce moment-là.

24 Q. Pendant cette émission de télévision, vous souvenez-vous d'avoir vu

25 Zividan Jovanovic qui, à l'époque, était ministre des Affaires étrangères

26 de la Yougoslavie ?

27 R. Vous parlez de "ces" émissions. Or, je n'ai parlé que d'une émission,

28 d'un clip que j'ai pu voir, je ne peux vous parler que de ce qui est déjà

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1 dit dans ma déclaration. C'est un clip qui n'a duré que quelques secondes.

2 Q. Je voudrais passer maintenant à la réunion qui s'est passée à Belgrade

3 avec M. Milosevic qui est à la date du 1er avril. D'accord. Si l'on se

4 penche sur la déclaration, pour situer le contexte, vous vous êtes joint à

5 la réunion où il y avait M. Milosevic et le Dr Rugova quelque 30 minutes

6 après son début et vous êtes resté à peu près une heure. Il y avait M.

7 Milosevic, le Dr Rugova, vous-même, M. Milenovic, M. Milenovic étant le

8 chef de cabinet de M. Milosevic, n'est-ce pas ?

9 R. Lorsque vous dites "une heure", c'est assez vague. C'est une

10 approximation, compte tenu des circonstances. Il est probable que je les

11 aie rejoints suite à une demande, une requête faite par M. Rugova. Je n'ai

12 été présent à la réunion que pendant 15 minutes au maximum. D'une manière

13 générale, lorsqu'il s'agit de la réunion en question, elle n'a duré en tout

14 et pour tout qu'une heure.

15 Q. Juste un petit point. Dans votre déclaration, lorsqu'il s'agit du chef

16 de cabinet de M. Milosevic, on dit Milenovic, mais en réalité il s'appelait

17 Milinovic, n'est-ce pas ?

18 R. Oui. Je veux bien qu'il en soit ainsi. Il s'appelait Goran Milinovic.

19 Q. Vous avez précisé que pendant cette réunion où vous avez été présent

20 après votre arrivée, M. Milosevic aurait dit qu'il souhaitait procéder à un

21 accord intérimaire avec le Dr Rugova pour permettre le retour des gens;

22 est-ce bien cela ?

23 R. Lorsque j'ai rejoint la réunion, il n'a pas du tout été fait mention du

24 terme "accord". M. Rugova m'a juste montré une feuille de papier où il y

25 avait un intitulé disant "communiqué de presse", et il a dit qu'on lui

26 demandait de signer ce communiqué de presse. Comme je l'ai déjà indiqué

27 tout à l'heure, il voulait gagner du temps --

28 Q. Je dois vous interrompre ici, Monsieur. Je ne veux pas être malpoli,

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1 mais au paragraphe 58 de votre déclaration, je vais citer ce qui est dit

2 pour situer le contexte de mes questions à venir, vous avez dit que cette

3 déclaration était conforme à la vérité et exacte; or, on y dit : "Milosevic

4 a dit au Dr Rugova que lui et Rugova devaient procéder à la signature d'un

5 accord intérimaire pour permettre aux gens de rentrer chez eux."

6 Tout ce que je voulais, c'est que vous acceptiez ce que vous avez dit

7 auparavant.

8 R. Cela est tout à fait exact, mais quand il est question d'un accord

9 auquel on était censé aboutir, cela ne signifie pas que la déclaration de

10 presse avait constitué un accord en soi. C'est le point que je voulais

11 relever.

12 Q. Excusez-moi, je ne vous ai pas posé de question, je n'ai même pas

13 mentionné la déclaration de presse, Monsieur. Au paragraphe 58, vous dites

14 également que le Dr Rugova a remarqué qu'il y avait une tierce partie pour

15 assurer la réalisation de l'accord et qu'il devait consulter ses collègues.

16 Or, il n'avait aucun contact avec ses collègues ou ses assistants à

17 l'époque. Cela est exact également, n'est-ce pas ?

18 R. On pourrait dire que cela est exact, mais ce n'est pas une question à

19 laquelle je pourrais apporter une réponse affirmative ou négative. Si vous

20 êtes en train d'affirmer qu'il y avait eu un accord, ma réponse est

21 catégoriquement non. Cela n'a été qu'une première réunion. Pendant cette

22 réunion-là, il n'y a eu que signature d'une déclaration de presse. A

23 l'occasion de la même réunion, il a été question d'un accord potentiel. M.

24 Rugova a souligné qu'il ne pouvait y avoir un accord sans la présence d'une

25 partie tierce.

26 Q. Mais l'un des collègues du Dr Rugova, l'un de ses assistants qu'il ne

27 pouvait pas contacter se trouvait au Kosovo et d'autres se trouvaient en

28 Macédoine à l'époque, n'est-ce pas ?

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1 R. Plus de 90 % d'entre eux n'étaient pas au Kosovo, j'entends par là ses

2 associés les plus proches.

3 Q. Monsieur, j'aimerais que vous vous concentriez sur ma question et que

4 vous répondiez directement à celle-ci. Cela nous permettrait d'aller plus

5 vite et d'avancer plus facilement. Je vous laissais entendre que ses

6 collègues étaient au Kosovo et qu'ils étaient quelque part en Macédoine. Je

7 crois que vous pouvez bien répondre par un oui ou par un non.

8 R. Quand vous dites : "Ils étaient au Kosovo, quelque part en Macédoine",

9 je ne peux pas vous répondre par un oui, parce qu'il faudrait que vous

10 définissiez le mot de "plusieurs" ou "certains". Combien avez-vous à

11 l'esprit ?

12 Q. Ecoutez, indépendamment du chiffre, nous pouvons tomber d'accord sur le

13 fait que certains étaient encore au Kosovo et que d'autres étaient partis

14 en Macédoine ?

15 R. J'allais tomber d'accord sur la chose suivante : la plupart étaient

16 partis et quelques-uns seulement étaient restés au Kosovo.

17 Q. Au moment de cette réunion - et une fois de plus, je cite vos propres

18 propos au paragraphe 58 - vous avez dit à M. Milosevic que M. Rugova et

19 vous-même deviez aller à l'étranger pour contacter des personnalités clés

20 aux fins de travailler sur une solution pacifique à la situation, n'est-ce

21 pas ?

22 R. Notre requête se rapportait en effet à notre départ. Il fallait que

23 nous justifiions la requête que nous avions faite de partir.

24 Q. Vous avez mentionné cette déclaration que M. Rugova et M. Milosevic ont

25 signée. Vous le dites dans votre déclaration auprès du bureau du Procureur

26 : "Avant que l'avoir signée, M. Rugova en a pris lecture, il l'a trouvée

27 acceptable, ensuite il l'a signée", n'est-ce pas ?

28 R. M. Rugova était sous pression, comme je vous l'ai dit déjà. Il m'a fait

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1 venir pour assister à cette réunion parce que vous savez que moi, je

2 n'étais que partie intégrante du personnel technique. Etant donné que

3 Milosevic insistait tant et exerçait des pressions, il a dû signer

4 officiellement cette déclaration.

5 M. O'SULLIVAN : [interprétation] J'aimerais que l'on place sur les écrans

6 la pièce à conviction 1D59.

7 Q. Vous dites que la déclaration signée par M. Rugova et M. Milosevic

8 était plutôt courte. Ce que je veux laisser entendre, c'est que le texte de

9 cette déclaration que nous allons bientôt voir sur nos écrans, à savoir ce

10 document 1D59 --

11 Malheureusement, nous n'avons pas ce texte dans votre langue à vous.

12 Vous n'allez le voir qu'en langue anglaise et en serbe. J'espère que vous

13 allez pouvoir suivre au moins le texte en serbe, parce que pour le moment,

14 nous n'avons rien en albanais.

15 R. L'original était en serbe également. Cela ne me dérange pas du tout.

16 Q. Sur la gauche de l'écran, il s'agit de la page de garde de Politika.

17 S'agit-il bien de la page de garde du quotidien de Belgrade Politika ?

18 M. O'SULLIVAN : [interprétation] J'aimerais à présent que l'on montre la

19 partie de droite.

20 Q. Comme vous pouvez le voir, il s'agit du 2 avril 1999, et on voit

21 M. Milosevic et le Dr Rugova qui sont assis ensemble.

22 M. O'SULLIVAN : [interprétation] J'aimerais que le point soit fait plus

23 précisément sur les deux personnes et sur le texte au-dessus avec les

24 signatures, afin que tout un chacun puisse les voir. J'aimerais à présent

25 que l'on descende un peu -- non, que l'on monte. Je vous prie de bien

26 vouloir m'excuser. Très bien.

27 Q. On y dit :

28 "Le président de la République fédérale de Yougoslavie, Slobodan

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1 Milosevic, a reçu le Dr Ibrahim Rugova à Belgrade concernant la discussion

2 afin de discuter de problèmes au Kosovo-Metohija. Il a été convenu qu'ils

3 s'engageaient tous deux à un processus politique et que les problèmes

4 pouvaient être résolus de manière permanente uniquement à travers des

5 moyens politiques."

6 Il s'agit du texte bref dont vous avez parlé tout à l'heure ce matin,

7 n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Il me semble que vous avez dit à de nombreuses reprises qu'à partir du

10 moment où cette réunion avec Milosevic a eu lieu, il y a eu deux questions

11 ou deux problèmes qui intéressaient le Dr Rugova et vous-même. Le premier

12 était de pouvoir partir à l'étranger, et le second était de trouver les

13 assistants et collègues du Dr Rugova. S'agit-il de quelque chose d'exact,

14 ce que je viens de dire ?

15 R. Oui, c'est exact.

16 Q. Pendant cette réunion avec M. Milosevic, vous lui avez donné une liste

17 des collaborateurs du Dr Rugova avec lesquels il souhaitait vivement

18 pouvoir communiquer, n'est-ce pas ?

19 R. Je ne lui ai pas donné une liste, mais je lui ai indiqué des noms par

20 oral. Il les a écrits sur un paquet de cigarettes.

21 Q. M. Milosevic lui a dit que les personnes chargées de la sécurité qui

22 travaillaient pour lui étaient en train de chercher à trouver ces

23 personnes, à savoir où elles se trouvaient, n'est-ce pas ?

24 R. Oui, c'est ce qu'il a dit. La première personne que nous cherchions

25 était Fehmi Agani, qui a été par la suite tué.

26 Q. Le 10 avril, vous avez informé M. Joksic de la Sécurité d'Etat que deux

27 assistants de M. -- ou plutôt du Dr Rugova, Abdyl Ramaj et Ilijas Kurteshi,

28 avaient été trouvés. Vous êtes allé les voir à Pristina. C'est au

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1 paragraphe 66 de votre déclaration.

2 R. C'est exact.

3 Q. Vous nous avez également dit que le journaliste, M. Shala, Blerim

4 Shala, une personne qui partageait des opinions politiques modérées, le

5 même type de tendances politiques que le Dr Rugova, avait été trouvé, le Dr

6 Rugova aurait dit que c'était à M. Shala de décider s'il souhaitait revenir

7 à Pristina ou pas, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Ensuite, vous nous avez dit qu'en réalité, vous êtes allé à l'étranger

10 le 5 mai, vous êtes allé de Belgrade à Rome, mais que dès le 5 avril,

11 lorsque vous avez rencontré M. Sainovic pour discuter du fait de partir à

12 l'étranger et de trouver les assistants du Dr Rugova, on vous a dit que

13 vous étiez libre de partir à l'étranger, mais que votre sécurité à

14 l'étranger demeurait un problème. C'est ce que l'on vous a dit le 5 mai --

15 le 5 avril, excusez-moi, au paragraphe 64, n'est-ce pas ?

16 M. HANNIS : [interprétation] Ce n'est pas une question --

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Juste un moment --

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Les dates ne sont pas claires.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

20 M. HANNIS : [interprétation] Il ne s'agit pas d'une citation exacte

21 concernant votre sécurité. Il est dit : "Nous ne pouvons pas garantir votre

22 sécurité, pas nécessairement votre sécurité à l'étranger. Cela peut

23 également vouloir dire votre sécurité au Kosovo ou en Serbie également."

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être qu'une précision sur cette

25 question pourrait permettre d'avoir une réponse plus claire de la part du

26 témoin.

27 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Merci.

28 Q. Le 5 avril, M. Sainovic vous avait dit : "Vous êtes libre de partir,

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1 mais nous ne pouvons pas garantir votre sécurité." Cela vous a été dit le 5

2 avril, n'est-ce pas ?

3 R. Vous avez mélangé les dates. Vous avez dit le 5 avril et ensuite le 5

4 mai. Le 5 avril, l'ambassadeur Kotov était présent, et nous avons tenu une

5 réunion, une réunion a eu lieu. Plus tard, sur les questions que vous

6 mentionnez, elles ont été abordées, y compris la question de ma sécurité

7 qui pouvait être mise en danger pendant ce voyage.

8 Q. Très bien, mais entre le 17 et le 21 avril, vous êtes allé en Macédoine

9 où votre famille se trouvait, où vous avez eu des contacts avec certaines

10 des personnes du LDK et certains diplomates internationaux, n'est-ce pas ?

11 R. Oui, c'est exact. Je suis allé dans la maison où était logée ma

12 famille, dans la maison de M. Nushi Kerliu dont j'ai déjà parlé. J'ai

13 rencontré deux militants du LDK. Le total des réunions que j'ai eues avec

14 des collègues, des assistants de M. Rugova s'est limité à ces deux réunions

15 avec ces deux activistes. Puis, il y a eu également des rencontres avec des

16 journalistes et des diplomates étrangers.

17 Q. J'aimerais vous parler du feu Dr Rugova pendant quelques instants. Dans

18 votre déclaration, vous le décrivez de la manière suivante. Au paragraphe

19 11, je cite : "Il était très stable. C'était un homme politique très

20 stable, démocratique et non radical. Je voyais en Dr Rugova la personne qui

21 serait capable de diriger les Kosovars et de régler les problèmes de

22 manière démocratique et pacifique."

23 C'est ce que vous avez dit à son sujet en 1999, j'imagine que c'est là une

24 des raisons pour lesquelles vous étiez attiré par cette personne et que

25 vous avez souhaité travailler avec lui, n'est-ce

26 pas ? Est-ce que ce que je viens de dire est exact ?

27 R. C'est exact.

28 Q. Serait-il exact également de dire qu'en tant qu'homme politique, les

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1 principes principaux du Dr Rugova étaient le dialogue politique et mettre

2 en œuvre des actions concrètes par des moyens pacifiques ?

3 R. Exact, c'est exact.

4 Q. Diriez-vous également qu'il est exact de dire que la manière de voir la

5 politique du Dr Rugova n'a pas changé tout au long de sa vie, jusqu'à sa

6 mort l'année dernière ?

7 R. Je l'ai quitté au début de l'année 2000; donc je ne peux parler que de

8 ce moment-là, mes commentaires ne peuvent porter que sur cette période.

9 Après 2000, les institutions légales internationalement reconnues ont été

10 organisées au Kosovo, et M. Rugova a occupé des postes auxquels je n'ai pas

11 participé, mais je pencherais pour dire ce que vous venez de dire.

12 Q. Serait-il exact de dire que le Dr Rugova était un porte-parole

13 principal, un interlocuteur principal, clé, pour trouver des solutions sur

14 des questions qui concernaient le Kosovo, un exemple de cela pourrait être

15 le travail qu'il a effectué avec Monsignor Palija de la communauté de Saint

16 Edigio concernant des questions d'éducation ?

17 R. Jusqu'à ce moment-là, oui, on peut dire cela, mais avec l'apparition de

18 l'UCK sur la scène et ses activités, les choses ont changé, parce que la

19 politique du Dr Rugova était vue d'une manière qui ne correspondait pas

20 avec leur manière à eux de voir les choses. Cela ne correspondait pas avec

21 ce que voulait l'UCK, donc son influence s'est amoindrie.

22 Concernant l'accord dont vous avez parlé, il s'agissait d'une

23 expression de cette mentalité du Dr Rugova d'utiliser la politique de

24 manière pacifique. Cet accord concernait le fait de libérer des locaux

25 d'éducation qui étaient occupés par le régime. Cet accord n'a jamais été

26 totalement mis en œuvre.

27 Q. Serait-il exact de dire également que les institutions que Dr Rugova a

28 tenté d'établir étaient pour l'ensemble des nationalités et de tous les

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1 groupes qui vivaient au Kosovo ? S'agit-il de quelque chose avec lequel

2 vous êtes en accord ?

3 R. Oui, cela aurait pu être le cas si nous avions tenu un référendum et

4 des élections. Si vous me permettez, j'aimerais rappeler que le résultat de

5 ces élections que nous avons eu au sein du parlement, il y avait des sièges

6 qui étaient réservés pour les Serbes et les autres nationalités, même s'ils

7 n'ont pas participé à ces élections et que les élections n'ont pas été

8 internationalement reconnues.

9 Q. Un autre point important de la manière de voir les choses en politique

10 du Dr Rugova était d'établir une confiance mutuelle entre les communautés

11 du Kosovo ainsi qu'avec les autorités de Belgrade, n'est-ce pas ?

12 R. Tout d'abord, Rugova était vu comme, je cite : "Un monstre du régime",

13 mais plus tard peut-être qu'ils ont changé d'opinion. Peut-être qu'ils ont

14 vu qu'il était un homme possédant une certaine autorité qui utilisait une

15 méthode qui était acceptée par le monde entier.

16 Q. Nous voyons dans votre déclaration, vous le dites dans votre

17 déclaration, le Dr Rugova a rencontré l'ambassadeur russe Kotov au début du

18 mois d'avril. Pendant que vous étiez parti en Macédoine, vous savez qu'il a

19 rencontré le patriarche Aleksey de l'Eglise orthodoxe russe, n'est-ce pas ?

20 R. Oui, c'est exact.

21 Q. J'aimerais vous poser une question sur quelque chose qui m'intrigue

22 concernant le Dr Rugova. C'était sa tradition, il avait une tradition qui

23 était de donner un cadeau, un cristal, une roche qui contenait des minéraux

24 précieux lorsqu'il rencontrait certaines personnes. Pourquoi a-t-il fait

25 cela et que cela représentait-il pour lui ?

26 R. C'était une passion pour lui, c'était un geste symbolique. Chaque fois

27 qu'il rencontrait quelqu'un, il lui donnait en cadeau une roche de ce type

28 qui représentait les ressources du Kosovo. Au cas que vous ne le saviez

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1 pas, le Kosovo est très riche en minéraux.

2 Q. Au printemps 1999, lorsque la guerre a éclaté, serait-il exact de dire

3 que le Dr Rugova pensait qu'il était important de ramener la paix ?

4 R. Pouvez-vous répéter la question, s'il vous plaît ?

5 Q. Une fois que le Dr Rugova et vous-même vous vous êtes retrouvés en

6 guerre au printemps 1999, le Dr Rugova estimait qu'il était important de

7 ramener la paix, n'est-ce pas ?

8 R. Cela a été le cas jusqu'à l'accord de Paris. Le fait que cet accord n'a

9 pas été signé a rendu clair que c'était la fin d'un processus. Le début des

10 frappes aériennes, d'une certaine manière, a imposé une solution. La façon

11 de voir les choses de M. Rugova a toujours été en faveur d'une solution

12 pacifique.

13 Q. Vous souvenez-vous qu'au début d'avril 1999, je vous demande de vous

14 concentrer sur le début du mois d'avril 1999, dans la période qui se trouve

15 entre la Pâques occidentale et la Pâques orthodoxe qui, cette année-là,

16 tombait au début de 1999, il y a eu un cessez-le-feu unilatéral de déclaré

17 par la partie serbe dans les médias. Vous souvenez-vous de cela ?

18 R. Non, je ne m'en souviens pas.

19 Q. Bien, peut-être que je puis vous rafraîchir la mémoire.

20 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je demande que la pièce 1D36 soit affichée

21 à l'écran, s'il vous plaît, 1D36. Je vois la version serbe à gauche. Est-ce

22 qu'on pourrait avoir la version anglaise également ?

23 Q. Il s'agit d'une déclaration commune des autorités fédérales et des

24 autorités de la République de Serbie. Je peux vous dire que la date qui

25 apparaît sur ce document est celle du 6 avril 1999. Au milieu de cette

26 page, au paragraphe premier, il est fait référence, comme je l'indiquais

27 plutôt, au cessez-le-feu unilatéral adopté par les autorités fédérales et

28 les autorités de la république.

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1 Un peu plus haut, sur cette même page, il est fait référence à la

2 réunion tenue entre M. Rugova et M. Milosevic, le 1er avril. Est-ce que vous

3 voyez cela ?

4 R. Oui, oui.

5 Q. Au paragraphe suivant, il est fait mention d'une réunion tenue entre M.

6 Rugova et M. Sainovic le 5 avril, réunion dont nous avons déjà parlée. Est-

7 ce que vous voyez cela ?

8 R. Oui.

9 Q. Un peu plus loin sur cette même page, au paragraphe 2, il est fait

10 référence au fait que :

11 "Les représentants du gouvernement doivent se préparer dès que

12 possible en vue d'un accord politique en coopération entre les

13 représentants des Albanais représentés pour le Dr Ibrahim Rugova, ainsi

14 qu'il est indiqué au point A, il s'agit avant tout de parvenir à un simple

15 accord provisoire permettant le fonctionnement d'autorités communes au

16 Kosovo-Metohija." Il est fait référence aux communautés nationales serbes

17 et albanaises et à d'autres communautés nationales. "Cet accord, au bout

18 d'un certain temps, devait ouvrir la voie à une autonomie durable pour le

19 Kosovo en Serbie."

20 Au paragraphe 3 dont je ne donnerai pas lecture, il est fait référence au

21 retour des réfugiés. Est-ce que vous connaissez ce document et est-ce que

22 vous vous souvenez de cette déclaration concernant cet accord provisoire ?

23 R. C'est la première fois que je vois ce document. D'après ce que je peux

24 voir, il ne s'agit pas de l'accord en question. Il s'agit d'un document

25 émis par deux dirigeants haut placés. C'est la première fois que je vois ce

26 document. Je n'ai aucun commentaire à faire à cet égard. J'ai l'impression

27 que tout cela a été orchestré, on ne voit pas d'approbation de la part de

28 M. Rugova, du moins pas dans le texte que j'ai sous les yeux.

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1 Q. Très bien. Je vais passer à un autre sujet. Vous avez indiqué en

2 réponse aux questions posées par M. Hannis ce matin que le 2 avril, lorsque

3 vous êtes rentré à Pristina, vous vous trouviez au domicile de M. Rugova.

4 Le téléphone a sonné, M. Milinovic, chef de cabinet de M. Milosevic vous a

5 appelé, vous a demandé de rencontrer le Dr Ratko Markovic.

6 Vous savez que le Dr Ratko Markovic dirigeait la délégation serbe

7 lors des pourparlers de Rambouillet, n'est-ce pas ?

8 R. Rambouillet.

9 Q. Vous devez me fournir une réponse. Est-ce que vous saviez, Monsieur,

10 que Ratko Markovic dirigeait la délégation serbe à Rambouillet ?

11 R. C'était aux Serbes de décider qui dirigerait la délégation. Il n'y

12 avait pas eu de rencontres directes entre les Serbes et les Albanais. Ce

13 sont eux qui ont pris cette décision. Nous avons appris qui était chef de

14 la délégation, mais cela ne nous a jamais été officiellement communiqué; M.

15 Thaci pour sa part était chef de la délégation albanaise.

16 Q. Très bien, vous saviez que le professeur Markovic était l'un des vice-

17 premiers ministres du gouvernement de la République de Serbie, n'est-ce pas

18 ?

19 R. Je me souviens de ce nom essentiellement à cause des débats concernant

20 l'éducation. S'agissant des autres postes qu'il a occupés, de ce qui s'est

21 passé ensuite, je ne peux pas en parler. Je ne le nie pas, mais je ne peux

22 pas vous dire ce qui s'est passé après cela.

23 Q. Vous savez que c'était un professeur de droit constitutionnel, une

24 personnalité éminente, un universitaire ?

25 R. Non. C'est la première fois que j'entends cela.

26 Q. Saviez-vous que le professeur Markovic dirigeait la délégation mise en

27 place par le gouvernement de Serbie en 1998 pour essayer de négocier une

28 solution politique avec les dirigeants albanais du Kosovo ?

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1 R. Si nous parlons des négociations qui ont eu lieu et qui sont de

2 notoriété publique, je me souviens qu'il était présent, mais je ne me

3 souviens pas qu'il ait joué le rôle de chef. J'entends par là que ces

4 négociations n'ont pas abouti et n'ont eu aucun effet. Pour être tout à

5 fait franc avec vous, je ne m'en souviens pas très bien. Comme je vous le

6 dis, je ne le nie pas. Je sais que c'était l'une des personnes présentes et

7 je sais qu'il a pris part à ces négociations, mais je ne peux pas vous dire

8 s'il était chef de la délégation en question.

9 Q. Si vous travailliez en collaboration étroite avec M. Rugova, vous

10 deviez savoir qu'en 1998, le professeur Markovic dirigeait cette délégation

11 et qu'il avait écrit au Dr Rugova ainsi qu'à d'autres dirigeants albanais

12 du Kosovo pour participer à des réunions avec les représentants de la

13 délégation serbe afin de discuter de ces questions. Vous deviez savoir

14 cela.

15 R. Oui, cela je le sais. J'ai reçu ces invitations car j'étais responsable

16 des questions relatives au protocole. Cela étant, je m'occupais

17 essentiellement de questions d'ordre technique non pas de questions

18 politiques. Parfois les choses évoluaient tellement rapidement. Je ne peux

19 pas toujours vous apporter des réponses. Le fait est que j'ai reçu ces

20 invitations, je ne le nie pas. Huit années se sont écoulées depuis. Je ne

21 peux pas vous dire avec certitude qu'il était chef de ce groupe.

22 Q. Vous devez savoir également, dans ce même contexte, que la délégation

23 avait invité les dirigeants albanais du Kosovo et s'était vue imposer au

24 moins 15 refus. La délégation serbe est venue à Pristina et la délégation

25 albanaise ne s'est pas présentée. Cela s'est produit au moins 15 fois. Vous

26 devez le savoir ?

27 R. Oui, je m'en souviens. La question portait sur l'endroit où la réunion

28 allait se tenir. On nous demandait souvent de nous présenter dans un

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1 bâtiment qu'ils appelaient le bâtiment du gouvernement serbe, là je veux

2 parler de la délégation albanaise. La délégation albanaise a refusé de se

3 rendre à cet endroit. Il est arrivé qu'ils se présentent au bureau de M.

4 Rugova. Une fois, accompagné de Lord Owen et de Chris Vance des Etats-Unis

5 qui était responsable de la Conférence sur l'ex-Yougoslavie, nous nous

6 sommes rendus à la réunion. Voilà, si je ne m'abuse, comment les choses se

7 sont passées.

8 Q. Je vous parle de 1998. Je ne crois pas que Vance et Owen aient

9 participé à ce processus à l'époque.

10 R. C'est exact, j'en parle à cause de la question sur l'endroit où les

11 réunions devaient se tenir; c'était un problème. Je n'étais pas d'accord et

12 j'ai mentionné la fois où nous sommes allés dans ce bâtiment. Nous avons

13 refusé de nous rendre à certaines réunions en raison de l'endroit où elles

14 se tenaient. Ensuite, nous avons commencé à tenir ces réunions au bureau de

15 M. Rugova à Pristina.

16 Q. Une réunion a été organisée à Pristina avec le Dr Rugova et la

17 délégation dirigée par le professeur Markovic. C'était après le

18 G5. Ce groupe a rencontré M. Milosevic au printemps de l'année 1998. C'est

19 la seule fois où les dirigeants albanais ont accepté de rencontrer la

20 partie adverse pour discuter d'une solution politique en 1998; est-ce

21 exact ?

22 R. Je ne saurais vous répondre par l'affirmative car je ne me souviens pas

23 de ce que vous me demandez. Je ne me souviens ni de l'événement, ni de la

24 date.

25 Q. En réponse à l'une des questions qui vous a été posée, vous avez

26 affirmé que la délégation albanaise avait refusé de participer à une

27 réunion au bâtiment des autorités serbes à Pristina. Les dirigeants

28 albanais du Kosovo refusaient de participer à quelque réunion que ce soit

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1 où qu'elle se tienne. Ils ne voulaient pas qu'il y ait de réunions à

2 Pristina. Ils ne voulaient qu'il y ait de réunions à Belgrade. Ils ont

3 refusé à chaque fois ces réunions, n'est-ce pas ?

4 R. Les Albanais ont toujours insisté pour que des représentants de la

5 communauté internationale soient présents lors de ces réunions. Vous le

6 savez peut-être, ces réunions ont été proposées, mais à chaque fois que

7 nous étions sur le point de participer à cette réunion, il y avait quelque

8 chose qui se passait. Soit quelque chose que nous avions demandé qui ne

9 s'était pas fait ou autre chose. C'est la raison pour laquelle nous avons

10 refusé de participer à ces réunions.

11 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Peut-être que le moment est bien venu pour

12 lever l'audience, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Merovci, nous devons

14 interrompre nos travaux pour la journée, nous reprendrons demain à 9

15 heures. Comme je vous l'ai déjà dit, même s'il convient de prendre des

16 mesures exceptionnelles, à moins que des circonstances exceptionnelles ne

17 se produisent, nous ferons de notre mieux pour terminer votre déposition

18 demain.

19 Dans l'intervalle, il est important que vous ne parliez à personne de la

20 teneur de votre déposition en l'espèce. Bien entendu, vous pouvez parler de

21 n'importe quoi d'autre avec n'importe qui, mais vous ne devez absolument

22 pas parler de votre déposition. Nous allons reprendre votre témoignage

23 demain à 9 heures.

24 Est-ce que vous pourriez suivre, M. l'Huissier, qui va vous raccompagner

25 hors de ce prétoire. Merci.

26 [Le témoin se retire]

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous reprendrons demain à 9 heures.

28 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le mercredi le 17

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1 janvier 2007, à 9 heures 00.

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