Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 31 janvier 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons passer à huis clos pour

6 permettre au témoin d'entrer dans le prétoire.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos.

8 [Audience à huis clos]

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11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 [Audience publique]

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin K90.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons poursuivre votre

17 déposition. Je vous rappelle que la déclaration solennelle que vous avez

18 prononcée au début de votre déposition par laquelle vous vous êtes engagé à

19 dire la vérité s'applique toujours aujourd'hui.

20 Maître Ivetic, allez-y.

21 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

22 LE TÉMOIN: TÉMOIN K90 [Reprise]

23 [Le témoin répond par l'interprète]

24 Contre-interrogatoire par M. Ivetic : [Suite]

25 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je vais reprendre là où nous nous

26 étions arrêtés hier, lorsque nous avons évoqué le carrefour où se trouvait

27 le poste de contrôle à Meja Orize-Djakovica. Au paragraphe 54 de votre

28 déclaration, vous dites que les policiers vérifiaient les papiers

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1 d'identité des personnes et leur prenaient de l'argent.

2 Vous n'avez pas été témoin oculaire de cela. C'est ce que vous nous

3 avez dit, n'est-ce pas ?

4 R. Hier, je vous avais dit qu'il y avait eu un malentendu sur ce point.

5 Nous nous sommes mal compris. Ce poste de contrôle au niveau du pont

6 Djakovica existait. Il y avait ce poste de contrôle que j'ai indiqué sur le

7 croquis, au niveau du carrefour, sur le sentier qui va vers les hauteurs,

8 vers l'autre partie du village.

9 C'est là que se trouvait le nouveau poste de contrôle, l'autre poste

10 de contrôle, pas celui Djakovica où se trouvait l'ancien poste de contrôle

11 régulier habituel, mais je les ai vus qui prenaient de l'argent.

12 Q. Je pense que nous parlons du même poste de contrôle, celui qui se

13 trouvait entre votre poste de commandement de la VJ et le reste de l'unité.

14 C'est bien de ce poste de contrôle-là que vous parlez, n'est-ce pas ?

15 R. Oui, c'est bien celui-là. Oui, c'est celui-là.

16 Q. Lorsque vous vous trouviez au poste de commandement de la VJ avec votre

17 commandant, personnellement vous n'avez pas été témoin de meurtres à ce

18 poste de contrôle, n'est-ce pas ?

19 R. Je ne les ai vus tuer personne, mais je les ai vus tirer à côté des

20 gens; en fait, ils les jetaient à terre et ils tiraient à côté. J'ai vu

21 cela plusieurs fois, car je me suis rendu là-bas à plusieurs reprises,

22 j'allais et venais.

23 Q. Vous avez observé cela depuis le poste de commandement de la VJ, et

24 alors que vous observiez cela, votre commandant se trouvait juste à côté de

25 vous puisque vous étiez son garde du corps, n'est-ce pas ?

26 R. Nous étions dans la cour tous les deux. Je ne peux pas vous expliquer

27 cela maintenant. Cette cour n'est pas très grande, peut-être un peu plus

28 grande que cette salle, 10 mètres carrés peut-être. Il y avait ce poste

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1 d'observation où les soldats de la section du commandement se trouvaient,

2 et l'herbe était haute.

3 Le commandant ne voulait pas se mouiller. J'étais sur la route entre

4 le carrefour et le poste de commandement dans la cour, par là.

5 Q. Je crois que vous n'avez pas vraiment répondu à ma question. Je vous ai

6 demandé la chose suivante : alors que vous observiez cela depuis le poste

7 de commandement de la VJ, est-ce que votre supérieur, le commandant, était

8 à côté de vous au poste de commandement ? Je ne sais pas pourquoi vous avez

9 parlé de l'herbe qui était haute au mois d'avril.

10 R. L'herbe haute au mois d'avril; il y avait de la rosée dans la cour. Les

11 soldats étaient mouillés. Vous parlez de cette herbe haute au mois d'avril.

12 J'étais au poste de commandement. Voilà, c'est sûr.

13 Q. Tandis que vous étiez au poste de commandement, est-ce que votre

14 commandant était avec vous, à côté de vous, pendant toute la période que

15 vous avez passée au poste de commandement de la VJ ? Est-ce qu'il était

16 toujours là ?

17 R. Parfois, il était à côté de moi, parfois j'étais un petit peu plus

18 loin. Cela dépendait. Lorsque j'étais là, j'étais à côté de lui, mais si je

19 n'étais pas là, je n'étais pas à côté de lui. Parfois, nous parlions, il

20 avait des choses à faire, moi aussi j'avais des choses à faire. Enfin,

21 voilà.

22 Q. Est-ce que vous avez eu l'impression qu'il avait observé la même chose

23 que vous au poste de commandement ?

24 R. Je pense que oui.

25 Q. Bien. L'autre jour, vous avez évoqué différents groupes d'hommes qui

26 avaient été séparés du reste du groupe. Il y avait des groupes plus ou

27 moins importants, le dernier groupe comptait huit à 10 personnes. Est-ce

28 que vous pouvez préciser un point, je vous prie, s'agissant des tirs

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1 nourris dont vous avez dit qu'ils provenaient de la propriété ? Est-ce que

2 ces tirs visaient ce dernier groupe composé de huit à 10 personnes dont

3 vous avez dit qu'elles avaient été séparées du reste du groupe et conduites

4 à cet endroit ?

5 R. Tout à l'heure, vous m'avez posé une question. Je suis sûr qu'il a vu

6 ce que j'ai vu, car il m'a envoyé sur place pour voir ce qui se passait

7 avec ces gens. Il y avait des petits groupes qu'ils amenaient. Parfois, il

8 y avait trois à cinq personnes, mais dans le dernier groupe, il y avait

9 huit à 10 personnes. Il a vu ce que j'ai vu et j'ai vu ce qu'il a vu.

10 Q. Nous n'avons pas beaucoup de temps à notre disposition. J'essaie de

11 terminer mon contre-interrogatoire. Il me reste quelques questions

12 seulement à vous poser. J'apprécierais que vous répondiez précisément à mes

13 questions. Lorsque vous avez déclaré que vous aviez entendu des tirs

14 nourris provenant de la propriété, est-ce que vous aviez à l'esprit ce

15 dernier groupe composé de huit à 10 personnes qui avaient été séparées du

16 reste de la foule et amenées à cet endroit ?

17 R. Non, cela concernait également le groupe précédent.

18 Q. Vous nous dites qu'il y avait des tirs nourris qui provenaient de la

19 propriété; ces tirs ont commencé à 8 heures du matin et se sont poursuivis

20 jusqu'à quelle heure, grosso modo ?

21 R. Non. Il y avait des tirs de temps à autre. Ils amenaient des gens là-

22 bas, ensuite on entendait des tirs, mais dans l'intervalle on n'entendait

23 rien.

24 Q. Qu'avez-vous à nous dire au sujet du fait qu'un autre témoin, M.

25 Pnishi, pages 1 480 et 1 481 du compte rendu d'audience, a déclaré sous

26 serment qu'il avait observé ce même carrefour, ce même poste de contrôle

27 depuis le deuxième étage de la maison où il se trouvait ? Il a observé la

28 situation à cet endroit jusqu'à 10 heures 30 du matin ce jour-là. En fait,

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1 il n'a pas entendu ces tirs nourris, il a vu que les hommes qui avaient été

2 amenés à cet endroit, que l'on avait fait sortir de l'école, étaient

3 vivants.

4 M. HANNIS : [interprétation] J'ai une objection à soulever, car je ne suis

5 pas sûr que l'on parle du même endroit. Me Ivetic parle de l'école. Je ne

6 suis pas sûr que ce soit la même chose que la propriété évoquée par le

7 témoin.

8 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous allez pouvoir présenter des

11 arguments à ce sujet. Que le témoin réponde ou non à votre question, cela

12 ne changera rien à vos arguments.

13 M. IVETIC : [interprétation] Bien.

14 Q. Monsieur le Témoin, s'agissant du policier que vous dites avoir vu à la

15 propriété "deremo Siptare", pouvez-nous me dire si cet homme avait un

16 accent kosovar ?

17 R. Je ne m'en souviens pas. Je ne sais plus. Il n'a pas dit qu'ils avaient

18 pris un couteau pour dépecer les Siptar. Il a dit : "On détruit les

19 Siptar."

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Répondez à la question. Inutile de

21 revenir sur ce que vous nous avez déjà dit à plusieurs reprises.

22 Maître Ivetic, poursuivez.

23 M. IVETIC : [interprétation] Merci.

24 Q. Lorsque vous êtes entré dans la propriété, combien de cadavres y avez-

25 vous vus ?

26 R. Pas dans la propriété. C'était une annexe dans la cour. Je suis passé

27 par le portail comme si j'avais franchi cette porte. Le portail était de

28 l'autre côté; l'annexe était au niveau de l'endroit où sont assis les Juges

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1 de la Chambre.

2 Je suis entré dans ce secteur. Je ne suis pas entré dans le bâtiment. Je

3 n'ai pas vu plus de trois ou quatre cadavres qui gisaient là, par terre. Je

4 ne suis pas entré dans le bâtiment. J'ai vu certaines choses en entrant,

5 j'ai vu ces corps qui gisaient là.

6 Q. Ai-je raison de dire, Monsieur, que vous avez regardé par le portail

7 qui mène à la propriété; vous n'êtes pas entré dans le bâtiment lui-même ?

8 R. Non, non. Je suis entré dans la cour.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic, le témoin vous a dit

10 que ce n'était pas une propriété. Vous enchaînez en posant une autre

11 question où il est question d'une propriété. Il va vous fournir la même

12 explication que précédemment. Il va vous expliquer pourquoi ce n'est pas

13 une propriété, donc essayons de nous concentrer sur la question et essayez

14 d'obtenir une réponse.

15 M. IVETIC : [interprétation] Excusez-moi, mais hier cela a été traduit par

16 propriété tout le temps.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez obtenu une explication à ce

18 sujet. Bon, si vous voulez poursuivre cette question, cela vous regarde,

19 mais je pense que cela ne vous avancera guère.

20 M. IVETIC : [interprétation] Je suis d'accord.

21 Q. Monsieur, est-ce que vous êtes entré véritablement dans la cour ou est-

22 ce que vous avez regardé ce qu'il y avait dans la cour depuis le portail ?

23 R. Non, je suis entré dans la cour. A gauche --

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez répondre à la question.

25 Merci.

26 M. IVETIC : [interprétation]

27 Q. Combien de temps avez-vous passé à cet endroit ? Etiez-vous seul ?

28 R. Non. Il y avait des policiers à cet endroit. Pour ce qui est des

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1 membres de l'armée, j'étais le seul soldat et j'y suis resté quatre ou cinq

2 minutes, pas plus.

3 Q. Après cela, lorsque vous avez quitté cet endroit, est-ce que vous avez

4 signalé cela à des supérieurs du MUP ? Hier, vous nous avez dit qu'il n'y

5 avait pas d'officiers supérieurs du MUP à cet endroit.

6 R. Non, mais j'ai fait rapport à mon commandant, celui qui m'avait envoyé

7 sur place pour que j'aille voir ce qui s'y passait.

8 Q. Bien.

9 M. IVETIC : [interprétation] Il ne me reste que quelques questions à poser

10 au témoin, et je pense que pour ce faire il faudra passer à huis clos

11 partiel. Ainsi, nous pourrons protéger l'identité du témoin.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

13 Nous allons passer à huis clos partiel.

14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

15 [Audience à huis clos partiel]

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21 [Audience publique]

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que vous

23 avez un exemplaire de votre déclaration préalable sous les yeux ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

25 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, j'allais dire que nous

26 avons maintenant un exemplaire du document que nous avons préparé.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons y venir.

28 Monsieur le Témoin, est-ce que vous pourriez examiner le paragraphe

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1 60 de votre déclaration préalable, s'il vous plaît ? Au paragraphe 60, il

2 est question de ce que vous avez évoqué il y a quelques instants, à savoir

3 du fait que votre commandant vous a envoyé sur place afin de voir ce qui

4 s'y passait. Vous poursuivez en disant que le policier était très

5 indifférent. Il vous a ensuite dit quelque chose. Veuillez me regarder,

6 s'il vous plaît. Que vous a-t-il dit ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'a dit : "Deremo Siptare."

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que les interprètes pourraient

9 m'expliquer en anglais ce que cela signifie ?

10 L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine anglaise précisent que cette

11 expression peut être interprétée de différentes manières. Elle peut

12 signifie "nous détruisons les Siptar" ou "nous dépeçons les Siptar". Mais

13 il est plus vraisemblable que cela signifie "nous détruisons les Siptar".

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci beaucoup.

15 Monsieur Hannis, vous avez préparé une nouvelle mouture de la déclaration

16 préalable. Malheureusement, vous n'avez pas supprimé les paragraphes dont

17 nous ne tiendrons plus compte; il faudra donc préparer une nouvelle version

18 après celle-ci.

19 M. HANNIS : [interprétation] Oui, et nous allons préparer également une

20 version expurgée de ce document.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je comprends. Mais les

22 paragraphes 2 à 23 devront être supprimés. C'est ce que nous avons décidé.

23 M. HANNIS : [interprétation] Oui, mais j'ai maintenu la numérotation, car

24 j'ai pensé que c'était important.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Absolument, car sinon le compte rendu

26 d'audience sera incompréhensible. Même si les paragraphes 2 à 23 sont

27 supprimés, le paragraphe 24 ne peut pas devenir tout à coup le deuxième

28 paragraphe. Vous allez remettre une nouvelle version de cette déclaration

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1 au témoin, n'est-ce pas ?

2 M. HANNIS : [interprétation] Oui, c'est ce que j'avais l'intention de

3 faire. J'avais quelques commentaires à faire concernant la manière dont la

4 déclaration a été recueillie.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Allez-y.

6 M. HANNIS : [interprétation] J'ai essayé d'entrer en contact avec les

7 personnes concernées, et d'après les renseignements que j'ai obtenus

8 jusqu'à présent, apparemment il est vrai qu'il y avait un deuxième

9 interprète dont le nom ne figure pas dans cette déclaration.

10 Cet interprète était présent le premier jour également, en compagnie de

11 Bretton Randall dont le nom est indiqué sur cette déclaration. Cet

12 interprète a participé au recueil de la déclaration concernant la Croatie

13 et la Bosnie.

14 Je vois que le témoin hoche la tête. Peut-être qu'il souhaitera ajouter

15 quelque chose lorsque j'en aurai terminé.

16 D'après ce que j'ai compris, John Zdrilic a terminé l'audition en compagnie

17 du deuxième interprète dont le nom est mentionné sur le document. Nous

18 n'avons pas pu contacter M. Zdrilic.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Inutile d'en dire davantage. Vous

20 pouvez poser des questions supplémentaires au témoin à ce sujet; peut-être

21 que c'est la meilleure manière de procéder, d'ailleurs. Ensuite, vous

22 déciderez de ce qu'il convient de faire. Si les choses sont trop confuses,

23 vous aurez peut-être besoin d'interroger un autre témoin sur certaines

24 questions.

25 Mais ce qui est important, c'est ce que le témoin déclare dans le

26 prétoire, si ses propos correspondent à ce qu'il a dit dans sa déclaration

27 préalable, peu importe comment celle-ci a été recueillie, même si l'on peut

28 avoir des doutes sur la fiabilité du témoignage. Mais c'est à vous qu'il

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1 appartient de prendre cette décision.

2 Peut-être que ce qui s'est passé pendant ces deux jours n'était pas

3 très clair. Le témoin a également dit que quelqu'un était présent le

4 deuxième jour, alors une personne qui n'était pas présente le premier jour

5 qui a fait son apparition le deuxième jour, mais il n'est pas dit dans la

6 déclaration qu'il y avait une autre personne le deuxième jour.

7 Nous savons qui était présent le premier jour, c'est ce qui est

8 indiqué sur la page de garde de la déclaration, mais nous ne savons pas qui

9 était présent le deuxième jour, donc il y a certaines choses qu'il peut

10 être nécessaire de tirer au clair.

11 Quelle cote va-t-on attribuer à ce document ? P2391A, peut-être ?

12 M. HANNIS : [interprétation] Je pense qu'il s'agira de P2646. Il devrait

13 s'agir d'une nouvelle cote.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Vous allez pouvoir

15 maintenant interroger le témoin au sujet des ajouts qui ont été faits dans

16 sa déclaration et vous pourrez vérifier l'exactitude de ces informations.

17 M. HANNIS : [interprétation] Effectivement, il me semble que cette pièce a

18 une cote, mais qu'elle ne figure pas encore dans le système électronique,

19 parce que nous essayons simplement de faire porter les numéros ERN sur les

20 pages et ce n'est qu'après que nous les ferons figurer dans le système

21 électronique et que nous retirerons peut-être les paragraphes 2 à 23, comme

22 vous l'avez suggéré.

23 Nouvel interrogatoire par M. Hannis :

24 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, je vous ai remis un exemplaire de

25 votre déclaration. Je vous demande un instant de patience. J'aimerais

26 passer en revue les différents changements que nous avons apportés à ce

27 document. Nous allons voir si ces changements répondent bien aux

28 préoccupations que vous avez exprimées par rapport à votre déclaration.

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1 Première modification, elle porte sur le paragraphe 28. Il s'agit

2 maintenant de la "549e Brigade motorisée", n'est-ce pas ?

3 R. [aucune interprétation]

4 Q. Au paragraphe 36, il est question de l'usage d'un spray comme une

5 espèce de lance-flammes. Nous avons ajouté les termes "dans cette

6 situation, nous avons utilisé" pour expliquer que ceci ne s'est produit

7 qu'à une seule reprise, n'est-ce pas ?

8 R. J'ai dit "iskoristili", ce qui veut dire "nous l'avons utilisé une

9 fois". Vous avez dit "koristili", alors que cela veut dire "nous

10 l'utilisions constamment" ou en tout cas "à plus d'une reprise". Mais

11 enfin, bon, je ne vais pas m'opposer à cela.

12 Q. [aucune interprétation]

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac.

14 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois qu'il y a une

15 différence très importante, ici. Le témoin a dit "iskoristili", "une seule

16 fois", alors qu'ici il est dit "koristili", "dans de telles situations,

17 nous utilisions". C'est une forme grammaticale qui donne à penser que

18 c'était là assez fréquent ou régulier, en tout cas, alors que la forme

19 verbale utilisée par le témoin tend à indiquer que cet objet n'a été

20 utilisé qu'à une seule reprise. Je vois que le témoin acquiesce, confirmant

21 ma version.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est précisément ce que j'ai dit.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Nous allons modifier le

24 document, supprimer les termes, à ce moment-là, "dans cette situation", et

25 nous utiliserons un autre mot; nous parlerons d'"un" conteneur ou d'"un"

26 spray, un spray aérosol au singulier. Le témoin nous a bien expliqué quelle

27 était la situation, et nous en tiendrons compte dans la déclaration.

28 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

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1 Q. Au paragraphe 39, nous avions omis une référence à l'homme de la

2 Défense territoriale. Vous aviez dit qu'il travaillait dans le bâtiment de

3 la Défense territoriale, ou plutôt le bâtiment de la municipalité. Nous

4 l'avons omis.

5 Ensuite, au paragraphe 41, nous avons ajouté une phrase après la première

6 phrase pour dire : "Ce n'était pas la tâche primordiale de mon unité."

7 Puis, la quatrième phrase, nous l'avons également ajoutée : "Mon commandant

8 n'a jamais ordonné l'expulsion des villageois, à savoir leur expulsion vers

9 l'Albanie."

10 R. Il aurait été plus approprié de dire : "Mon commandant n'a jamais

11 ordonné la réinstallation des villageois." Vous dites "expulsion". Je crois

12 qu'il y a là une connotation distincte liée à ce terme par rapport à

13 réinstallation. Le terme que j'ai utilisé, c'est celui de "réinstallation",

14 et non pas "expulsion". Nous nous sommes mis d'accord pour reconnaître

15 qu'il n'y avait pas eu d'"expulsion", mais simplement des

16 "réinstallations".

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne comprends pas votre remarque,

18 Monsieur le Témoin. Je croyais que vous aviez convenu que l'on avait dit à

19 des gens de partir dans leur propre intérêt, et vous, vous aviez qualifié

20 cela de réinstallation.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce qu'a fait M. Hannis, tout

23 simplement, c'est d'éclaircir les choses, à savoir qu'aucune expulsion

24 n'avait été ordonnée.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Parfait. Dans ce cas, c'est parfait. Si c'est

26 bien cela que vous dites, c'est très bien.

27 M. HANNIS : [interprétation]

28 Q. Aux paragraphes 43 et 44, nous avons modifié le terme "expulsion" ou

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1 "expulser" et nous l'avons remplacé par "réinstallation" ou "réinstaller."

2 R. C'est bien.

3 Q. Au paragraphe 43, il ne s'agit plus de "la plupart des villages", mais

4 de "quelques-uns des villages".

5 R. Oui, c'est bien.

6 Q. Merci.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est bien, continuez.

8 M. HANNIS : [interprétation]

9 Q. Au paragraphe 45, il y a eu une discussions sur le pillage, et nous

10 avons ajouté une phrase, je cite : "Tous les soldats ne se rendaient pas

11 coupables de cela; certains individus seulement."

12 R. [aucune interprétation]

13 Q. Au paragraphe 46, à la fin du paragraphe, nous avons ajouté : "Ce que

14 je dis dans ce paragraphe ne reflète pas des informations que j'ai obtenues

15 directement, mais de la bouche d'autres individus."

16 R. Oui, c'est cela.

17 Q. Au paragraphe 47, nous avons modifié l'avant-dernière phrase par

18 rapport aux hommes de Frenki, et ce que nous avons ajouté, c'est ce qui

19 suit : "Il y avait deux unités PJP ou Frenki, Frenkijevci dans une

20 voiture."

21 R. J'ai dit que j'avais vu deux hommes avec des petits chapeaux, le genre

22 de petits chapeaux que portaient les membres des unités lors d'opérations

23 spéciales, et c'est comme cela qu'il faut que ce soit dit.

24 Q. Le paragraphe se poursuit. Vous lisez vous-même le reste du paragraphe

25 : "J'ai reconnu les hommes de Frenki dans leurs uniformes. J'ai échangé un

26 cigare contre de l'eau et des cigarettes. Ils portaient le couvre-chef

27 habituel des Frenki"; c'est cela ?

28 R. Oui, oui, c'est cela. Des masques.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pas besoin d'ajouter cela parce que

2 vous avez témoigné à cet égard et tout ceci figure dans le compte rendu.

3 M. HANNIS : [interprétation]

4 Q. Le paragraphe 52 --

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant de passer à cela --

6 M. HANNIS : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne comprends pas très bien ce que

8 dit le témoin. Il les a reconnus comme étant des hommes de Frenki. Il dit

9 qu'ils faisaient partie d'une unité d'opérations spéciales. Maintenant,

10 vous dites que cette unité d'opérations spéciales était connue sous le nom

11 des hommes de Frenki ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, pas du tout.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Alors pourquoi --

14 LE TÉMOIN : [interprétation] PJP, c'est PJP, alors qu'une unité chargée des

15 opérations spéciales, c'est une SAJ --

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que c'est SAJ ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] JSO.

18 M. IVETIC : [interprétation] Je crois qu'il y a une erreur de traduction,

19 Monsieur le Président. Votre question a été traduite de la manière suivante

20 : "Dites-vous que le PJP était en réalité les hommes de Frenki plutôt

21 qu'une unité d'opérations spéciales ?"

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pensais que je parlais d'une SAJ.

23 Ce n'est pas cela ?

24 M. IVETIC : [interprétation] Il en a parlé hier, Monsieur le Président. Je

25 ne sais pas.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que ce n'est pas de cela dont

27 il s'agit lorsque l'on parle d'une unité chargée d'opérations spéciales ?

28 M. IVETIC : [interprétation] Non, une SAJ, c'est une unité spéciale

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1 antiterroriste.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, c'est moi qui me suis

3 trompé.

4 Tout ce que je voulais savoir, Témoin K90, c'est ce que vous voulez dire

5 lorsque vous faites référence à ces deux hommes de Frenki dans un véhicule.

6 A quelle unité appartenaient-ils ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] A en juger par l'uniforme qu'ils portaient,

8 ils auraient dû être JSO; mais d'où venaient-ils, je n'en sais rien. Nous

9 les avons aperçus sur la route au carrefour. Nous avons échangé des

10 cigarettes, de l'eau, et ensuite ils sont partis en direction du village de

11 Korenica. Voilà le seul contact que j'ai eu avec ces hommes.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi les avez-vous appelés "deux

13 hommes de Frenki" ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que j'ai vu leurs chapeaux et leurs

15 uniformes.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

17 Poursuivons.

18 M. HANNIS : [interprétation] Merci.

19 Q. Paragraphe 52, première phrase, nous avons modifié le nombre de civils

20 albanais et nous avons ajouté "environ 500".

21 R. Oui.

22 Q. Paragraphe 55, à la deuxième phrase, nous avons ajouté : "Ils n'ont

23 forcé que le dernier groupe à chanter, pas tous."

24 R. Oui, c'est exact.

25 Q. Et --

26 R. Au 52, vous avez également changé la partie où il est question de cette

27 partie de mon unité qui a été déployée. La première fois, vous avez parlé

28 des "hommes", mais maintenant ce qui figure dans le document est plus

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1 exact.

2 Q. Oui, c'est exact. Effectivement, nous avons remplacé "hommes" par

3 "UCK". Excusez-moi, j'avais omis cette modification apportée au paragraphe

4 52. La phrase débutait ainsi : "Il y avait un petit ruisseau et ils

5 devaient s'assurer que les UCK ne s'enfuient pas."

6 R. C'est exact, oui.

7 Q. Au paragraphe 60, nous avons modifié l'anglais où l'on disait

8 "massacrer les Siptar", et on a remplacé cela par "dépecer les Siptar", ce

9 qui vient d'être traduit, si j'ai bien compris, par "détruire les Siptar".

10 Nous avons ajouté une phrase : "J'ai compris que ceci voulait dire qu'ils

11 les tuaient." C'est bien exact ?

12 R. Oui, je suis d'accord avec ce que vous venez de dire, mais ici vous

13 avez dit "dépecer". Je n'ai pas dit dépecer vraiment, enlever leur peau. Je

14 vais vous donner un exemple. Par exemple, vous pourriez dire ou prendre un

15 exemple de football, une équipe de football et dire que Manchester a

16 débarrassé la peau. C'est ce que je voulais dire.

17 M. HANNIS : [interprétation] Je ne sais pas très bien quoi faire de cela,

18 Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour ce qui est de la déclaration,

20 nous allons modifier en anglais "skinning Siptars" "dépecer ou faire la

21 peau", par "massacrer", puis nous bifferons la partie suivante de manière à

22 ce que nous exprimions bien ce que le témoin vient de dire par rapport à ce

23 qu'a dit le policier plutôt que les termes exacts.

24 M. HANNIS : [interprétation] Très bien.

25 Q. Ensuite, Témoin, au paragraphe 61, nous avons ajouté à la fin : "Seul

26 le dernier groupe comptait huit à 10 hommes."

27 R. Oui, c'est exact.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne sais pas si vous avez bien lu la

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1 phrase précédente. Si vous regardez la phrase précédente, on lit : "J'ai vu

2 de mes yeux au moins quatre groupes d'hommes qui étaient amenés vers la

3 propriété, et ils étaient composés de cinq à plus de 10 hommes." Est-ce

4 précis ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai écrit dans ma déclaration et j'ai dit à

6 la Défense et je vous l'ai dit à vous en réponse à des questions du

7 Procureur qu'il y avait deux, trois ou quatre hommes, qu'il n'y en avait

8 pas 10 ou huit à chaque fois. Ils étaient là, mais en nombre limité. Ce

9 n'est que le dernier groupe qui était constitué de huit à 10 hommes, et

10 c'est ce que j'ai dit au Procureur au cours de la séance de récolement.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Alors nous allons supprimer la mention

12 "et ils comptaient entre cinq et parfois plus de 10 hommes". Nous n'allons

13 pas ajouter cela puisqu'il a expliqué tout cela dans sa déposition orale.

14 M. HANNIS : [interprétation] Je suis d'accord.

15 Monsieur le Président, dois-je laisser de côté la dernière modification que

16 nous avions apportée à la référence faite au dernier groupe ?

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non, conservez-la.

18 M. HANNIS : [interprétation] Très bien. Merci.

19 Q. Témoin, je n'ai pas apporté d'autres modifications. Y a-t-il quoi que

20 ce soit que vous souhaitiez changer ?

21 R. Est-ce que l'on va expurger ce sur quoi nous nous sommes mis d'accord

22 dans la dernière déclaration, les noms, et cetera ?

23 Q. Oui, bien sûr. La version que nous nous proposons de déposer

24 publiquement sera expurgée comme la première.

25 R. Dans ce cas-là, cela me convient.

26 Q. Etes-vous satisfait et êtes-vous prêt à confirmer et à jurer devant la

27 Cour que la déclaration telle que modifiée est bien la vôtre et qu'elle

28 reprend bien les éléments que vous seriez prêts à évoquer si cela vous

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1 était demandé dans la présente affaire ?

2 R. Oui, oui.

3 Q. Merci.

4 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, une fois que nous

5 aurons apporté toutes les modifications nécessaires, nous demanderons le

6 versement de ce document.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant.

8 M. HANNIS : [interprétation] Oui.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman.

11 M. ACKERMAN : [interprétation] Il s'agit plus d'une observation sans doute

12 que d'une objection, mais il me semble que ce processus de révision de la

13 déclaration ressemble un peu à une longue visite chez le dentiste. Il me

14 semble que nous en sommes rendus à un stade où cette déclaration dans sa

15 nouvelle forme n'est plus qu'un résumé médiocre de la déposition que le

16 témoin a faite dans cette affaire et qu'il ne s'agit plus du tout d'un

17 élément de preuve indépendant.

18 Il me semble donc que nous avons essayé de dépasser le cadre de

19 l'article 92 ter, la disposition en l'espèce, et peut-être que la

20 déclaration a perdu tout son sens. Mais ce n'est pas une objection

21 particulière que je fais ici. Je dis simplement que le cadre établi par

22 l'article 92 ter, nous l'avons dépassé de manière tout à fait exagérée.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Y a-t-il d'autres observations quant à

24 la Défense ?

25 Je crois que c'est une leçon à tirer de cet exercice, Maître

26 Ackerman. J'ai prononcé quelques mots à ce sujet hier moi-même. Lorsqu'une

27 partie de la déposition d'un témoin doit être versée par écrit, il y a

28 obligation de prudence et de minutie dans la préparation de ce document.

Page 9488

1 Avant le début du procès, dans un autre contexte, j'ai passé beaucoup de

2 temps à inviter prestement l'Accusation à préparer ces déclarations à un

3 stade tout à fait préalable au cours de la phase préliminaire. J'ai répété

4 cela au cours du procès et au cours de la phase préliminaire.

5 Malheureusement, pour des raisons qui me semblent relever directement de

6 l'Accusation, cela ne s'est pas fait.

7 Je dois dire que cet exercice s'est révélé très peu satisfaisant

8 s'agissant de ce témoin-ci; toutefois, nous comprenons également la

9 situation dans laquelle s'est trouvée M. Hannis et nous allons réfléchir au

10 traitement que nous devrons réserver à cette déclaration. Toutefois, les

11 choses sont tout à fait claires : à l'avenir, il est peu probable que nous

12 fassions preuve de la même patience. Il se peut que l'Accusation se

13 retrouve confrontée à la même situation. Si tel est le cas, il se peut que

14 l'Accusation soit amenée à abandonner la déclaration et à faire en sorte

15 que le témoin dépose sur l'intégralité des éléments compris dans sa

16 déclaration pour éviter ce qui vient de se passer ici.

17 Prenez-en bonne note, Monsieur Hannis, pour l'avenir. Je le répète, nous

18 comprenons la situation dans laquelle vous vous êtes trouvé dans ce cas-ci

19 et nous en tiendrons compte au moment de décider si oui ou non nous allons

20 accepter la déclaration au dossier.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, nous allons accepter

23 la pièce P2646, mais pour l'instant elle a été enregistrée aux fins

24 d'identification en attendant que sa version définitive soit présentée.

25 Nous vous demandons de bien vouloir remettre cette dernière version avant

26 la fin de notre journée de travail, et nous donnerons à la Défense la

27 journée de demain afin que celle-ci fasse toute observation qui lui semble

28 appropriée. Cette observation ne devra porter que sur des modifications que

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1 vous aurez apportées. Je crois que nous avons déjà entendu toutes les

2 observations sur le reste de la déclaration, mais s'il y a quelque chose de

3 nouveau sur lequel la Défense souhaite s'exprimer, elle aura 24 heures pour

4 le faire. En l'absence de toute observation, nous recevrons la pièce, mais

5 à ce stade elle n'est enregistrée qu'aux fins d'identification.

6 Nous aimerions également indiquer qu'à ce stade, il nous paraît que nous

7 allons rencontrer de grandes difficultés vis-à-vis de la déposition et de

8 la déclaration de ce témoin du fait de l'existence à la fois d'éléments de

9 preuve oraux et de cette déclaration écrite, du fait de la confusion qui

10 s'est installée tout au long de l'exercice. C'est sans doute également

11 peut-être une question de personnalité du témoin. Ce n'est pas une critique

12 que je lui adresse, mais il faudra aussi que nous évaluions ce facteur en

13 temps opportun.

14 Ceci toutefois met l'accent sur l'importance d'une décision

15 concernant les cas dans lesquels nous allons utiliser des déclarations

16 écrites et dans lesquels les témoignages seront entendus directement, de

17 vive voix. Toutefois, pour tenir compte de la situation en l'occurrence, ce

18 que nous devons dire, et nous nous limiterons à cela, c'est que nous allons

19 rencontrer de nombreuses difficultés dans le traitement que nous allons

20 accorder à cette déclaration. N'oubliez pas cela. Nous demandons

21 l'assistance des deux parties afin que celles-ci parviennent à la bonne

22 conclusion au moment de décider quelles déclarations du témoin orales et

23 écrites nous devrions accepter et lesquelles nous devrions rejeter.

24 Bien. Monsieur Hannis, nous allons nous tourner vers le conseil de la

25 Défense si l'admission, l'acceptation de cette déclaration dans sa forme

26 révisée amène à certains besoins en matière de contre-interrogatoire.

27 Personne ne souhaite procéder à un contre-interrogatoire; par conséquent,

28 Monsieur Hannis, si vous avez des questions supplémentaires, poursuivez.

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1 Sommes-nous en audience publique ?

2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Parfait, continuez, Monsieur Hannis.

4 M. HANNIS : [interprétation] Merci. Avant de poursuivre, je voudrais vous

5 remercier du fait des circonstances tout à fait particulières de cette

6 situation. J'apprécie que vous en ayez tenu compte.

7 Je dois dire que ceci nous aurait compliqué la tâche si vous aviez

8 décidé d'exclure la déclaration, parce qu'il y a certaines portions de

9 celle-ci qui n'ont pas fait l'objet d'une déposition de vive voix.

10 Q. Témoin, Me Ackerman, le premier avocat de la Défense à vous avoir posé

11 des questions de l'autre côté de la salle hier, vous interrogé sur votre

12 déclaration et la session de récolement avec l'Accusation, avec moi-même et

13 Mme Neema. Votre déclaration vous a été remise dans votre chambre d'hôtel

14 jeudi dernier. Elle a été glissée sous votre porte, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Jeudi dernier, vous avez refusé de vous rendre au bureau pour une

17 session de récolement parce que vous n'aviez pas mangé ou vous n'aviez pas

18 dormi pendant deux jours. C'est ce qu'on m'a dit, en tout cas; c'est

19 exact ?

20 R. Je n'ai pas refusé, j'étais malade. J'ai donné cette déclaration en

21 2002, comme on le voit ici, et je n'ai plus eu de contact avec le bureau du

22 Procureur. Le 12 septembre --

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez, la question est simple. Vous

24 n'avez pas souhaité vous rendre au bureau pour passer en revue la

25 déclaration parce que vous ne vous en sentiez pas capable, parce que vous

26 n'aviez pas mangé ni dormi pendant deux jours; c'est exact ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement. J'étais malade, je me

28 sentais indisposé, c'est la raison pour laquelle je n'y suis pas allé.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Vous et moi sommes sans doute

2 d'accord pour reconnaître que l'Accusation aurait dû vous faire venir plus

3 tôt afin de régler toutes les choses. Pas besoin de nous le préciser.

4 Concentrez-vous simplement sur les questions qui vous sont posées et

5 répondez-y dans la mesure du possible.

6 Maître Hannis.

7 M. HANNIS : [interprétation]

8 Q. Témoin K90, vous ne vouliez pas être ici, n'est-ce pas ?

9 R. C'est faux, c'est faux. J'ai fait cette déclaration de mon plein gré,

10 et mon premier contact avec vous remonte au 12 septembre. J'étais en

11 voyage, et vous avez envoyé la police afin de me signifier cette injonction

12 à comparaître.

13 Il n'y a eu aucun contact entre nous entre 2002 et la date en

14 question. Ensuite, je vous ai demandé de me donner le temps d'obtenir le

15 passeport nécessaire, de me préparer. Vous vivez dans un pays organisé, et

16 il faut préparer ce dont votre famille aura besoin; dans notre pays, par

17 exemple, du bois pour qu'elle puisse se chauffer, de la nourriture pour

18 l'hiver, il faut obtenir de l'argent, et cetera, et cetera.

19 Si vous m'aviez prévenu à temps, mais vous ne m'avez prévenu que le 16

20 janvier. L'un de mes amis est décédé, je suis allé à l'enterrement. Vous

21 avez dit : "Pas de problème, nous dirons aux représentants de vos autorités

22 de vous arrêter." J'ai répondu : "Pas de problème." Deux heures plus tard,

23 quelqu'un de votre bureau a téléphoné et a dit : "Pouvez-vous venir le

24 23 ?" J'ai répondu : "Pas de problème, lorsque je reviens." Parce que le

25 20, nous avons souhaité le saint de ma famille. Je ne pouvais donc pas me

26 déplacer à ce moment-là parce qu'il y avait des visites rendues à ma

27 famille.

28 Je ne sais pas si vous avez déjà participé à ce genre de chose, mais

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1 cela aurait été après le 25; puis vous avez dit le 23; puis le 26, c'était

2 décembre; après, novembre, le 25, donc finalement le 23. Chaque fois que

3 vous appeliez, vous changiez la date à laquelle j'étais censé témoigner, et

4 tout ceci sous la pression et sous des mesures coercitives.

5 Jusqu'à ce que je vous rencontre, aucune des conversations qui a eu

6 lieu n'a été honnête et correcte. J'ai dit à la dame qui est assise à votre

7 droite que le premier contact acceptable que j'ai eu avec le bureau du

8 Procureur, c'était avec vous, depuis les premiers contacts que j'ai eus

9 avec les Procureurs et les enquêteurs.

10 Q. Mais vous dites tous ces contacts avec "vous" et le bureau du

11 Procureur à partir du mois de septembre et jusqu'avant votre venue ici;

12 vous ne parlez pas de moi personnellement, vous parlez d'un enquêteur du

13 bureau du Procureur, n'est-ce pas ?

14 R. Non, pas avec vous. La première fois que je vous ai parlé, c'est

15 quand je suis venu ici, pas avant.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais la référence du témoin ne vous a

17 donc pas suffi, Monsieur Hannis ?

18 M. HANNIS : [interprétation] Cela dépend de la source, Monsieur le

19 Président.

20 Q. La première fois que vous m'avez rencontré, moi-même ainsi que Mme

21 Neema, c'était vendredi de la semaine dernière, au cours de la séance de

22 récolement ?

23 R. C'est exact.

24 Q. Avez-vous été satisfait du traitement qui vous a été réservé au cours

25 de cet entretien ? On vous a proposé les boissons, de la nourriture ?

26 R. Absolument, absolument.

27 Q. Avez-vous rencontré des problèmes d'interprétation au cours de la

28 séance de récolement ? La jeune femme qui était avec nous vous a-t-elle

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1 semblé professionnelle ?

2 R. Aucun problème, c'était très bien. J'ai dit il y a quelques jours que

3 mon contact avec vous et avec la dame était très bon. C'était le premier

4 bon contact que j'avais avec le bureau du Procureur, le tout premier.

5 Q. Est-il exact de dire que lorsque vous êtes arrivé vendredi et lorsque

6 vous nous avez rencontré pour entamer la séance de récolement, vous étiez

7 un peu agité par rapport à tout ce qui s'était passé depuis le mois de

8 septembre dans vos rapports avec le bureau du Procureur ?

9 R. Oui, oui.

10 Q. Hier, quand M. Ackerman vous a posé quelques questions au sujet de

11 cette séance de récolement, ceci figure à la page 9 372, quand on a parlé

12 de cette question d'expulsion, vous avez dit : "Ecoutez, je ne me souviens

13 pas de tout. Je ne me souviens pas de quoi nous avons parlé exactement."

14 Est-ce que vous avez bien dit cela ?

15 R. Qui a demandé quoi ? Nous ? Nous deux ?

16 Q. Est-ce qu'il est exact que vous ne vous souvenez pas de tout ce dont

17 nous avons parlé vendredi ?

18 R. Je me souviens de ce dont nous avons parlé. Nous avons parlé pas plus

19 d'une heure de la déclaration en soi, mais ensuite vous êtes sorti à

20 plusieurs reprises puisque vous aviez autre chose à faire. Ensuite, vous

21 êtes revenu, nous en avons parlé, puis en ce qui concerne la question des

22 expulsions, je vous ai bien dit qu'il ne s'agissait pas d'expulsion, mais

23 de réinstallation.

24 J'ai apporté la déclaration préalable que j'ai apportée de l'hôtel.

25 Il y a des changements que j'ai apportés au niveau de cette déclaration

26 préalable et ils y figurent à présent. Je me suis dis qu'à partir du moment

27 où vous alliez entendre ces corrections, que ces corrections allaient être

28 apportées véritablement à la déclaration préalable.

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1 Q. Est-ce que qui que ce soit, moi, Mme Neema, est-ce que qui que ce soit

2 n'a jamais refusé d'apporter les changements que vous vouliez ?

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Bakrac.

4 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, ce qui figure au compte

5 rendu d'audience est l'inverse de ce que le témoin a dit. Le témoin a dit :

6 "On s'était mis d'accord qu'il s'agissait de réinstallation, et pas

7 d'expulsion." C'est exactement le contraire qui figure au compte rendu

8 d'audience. Il s'agit de la ligne 17.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie. C'est très utile.

10 M. HANNIS : [interprétation] Bien.

11 Q. Je voudrais passer à quelques questions que M. Ackerman vous a posées

12 au niveau de la page 9 375, ligne 8. C'était une discussion assez longue au

13 sujet des pillages, et cetera, cette portion-là de votre déposition où vous

14 avez dit que ce sont des individus qui se sont livrés à des pillages. Mais

15 ce pillage était finalement un problème à grande échelle pendant tout le

16 conflit et c'était chose commune, finalement ?

17 R. Vous pensez vraiment qu'il n'y avait que les nôtres qui pillaient ? Si

18 vous aviez si peu d'officiers sur terrain, vous non plus vous ne pourriez

19 pas faire mieux que nous. Ils ne pouvaient pas physiquement contrôler ces

20 gens. Vous savez, on n'est pas tous venu là-bas avec les mêmes intentions.

21 Vous avez des voleurs partout, dans chaque pays vous avez des

22 voleurs. Si vous attrapez un voleur, c'est très bien, vous l'arrêtez, mais

23 si vous ne l'attrapez pas, il continue à piller, il continue à voler. Un

24 voleur, c'est un voleur. Chez vous, chez nous, c'est la même chose.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je me demande si vous êtes vraiment

26 juste avec les militaires en général, Monsieur le Témoin. J'accepterais

27 évidemment très volontiers ce que vous avez dit au sujet de la nature

28 humaine, mais est-ce que vous dites que c'est normal, que c'est habituel

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1 que dans l'armée, dans les forces régulières de l'armée, que l'on pille et

2 que l'on vole ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne dis pas que tous

4 les hommes volent, mais vous ne pouvez pas dire non plus que l'armée de

5 Yougoslavie soit faite de voleurs. J'étais dans l'armée et je n'ai pas

6 volé. Ce n'est pas logique. Vous avez des individus qui volent partout. Un

7 voleur, c'est un voleur. C'est simple. Celui qui vole, c'est un voleur.

8 Vous ne pouvez pas caractériser toute une armée en disant qu'ils

9 pillaient tous, qu'ils étaient tous des voleurs. Je n'ai pas volé. Je ne

10 serais pas comme cela aujourd'hui, sans rien, sans rien. J'ai trois

11 enfants. J'avais la possibilité de voler. J'ai été en Bosnie, j'ai été en

12 Croatie, j'ai été au Kosovo. Je pouvais voler et je ne l'ai pas fait. Je

13 n'ai rien.

14 [La Chambre de première instance se concerte]

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Allez-y, Maître Hannis.

16 M. HANNIS : [interprétation] Bien.

17 Q. Ce que j'essaie de faire valoir, Monsieur le Témoin, c'est qu'à

18 l'époque, l'armée yougoslave, en ce qui concerne les comportements

19 criminels des soldats, je veux dire que les problèmes les plus graves, les

20 plus fréquents communs dans l'armée à l'époque, c'étaient justement les

21 problèmes de pillage. Est-ce que vous conviendrez que c'est exact ?

22 R. Oui. Vous savez, ces gens qui sont venus comme des réservistes,

23 c'étaient sans doute des voleurs même avant de venir en tant que civils. Je

24 doute qu'ils faisaient mieux en tant que civils. S'il est venu voler,

25 piller, il a continué à le faire, mais l'armée ne peut pas le savoir. Il a

26 été convoqué par la Défense territoriale, on l'a envoyé sur le terrain.

27 Comment voulez-vous que le commandant de l'unité sache quelle est la

28 nature de cet homme, quel est son caractère ? On s'en rend compte que trop

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1 tard. Si c'était un voleur en civil, il continue à voler dans l'armée. Un

2 voleur, c'est un voleur. Vous ne changerez pas de caractère. Quelqu'un qui

3 s'est habitué à voler, il va continuer à voler. Il va voler à chaque fois

4 que l'occasion se présente.

5 Il y en avait d'autres. Il y en avait qui sont allés fouiller dans

6 les appartements, mais pour d'autres raisons, avec d'autres objectifs. Ils

7 cherchaient par exemple certaines marchandises. Par exemple, je me souviens

8 d'un toxicomane qui est allé chercher de la drogue dans un appartement.

9 C'est pour cela qu'il est allé fouiller dans les appartements. Je l'ai

10 trouvé et je lui ai sauvé la vie. J'avais du mal; vous savez, c'était très

11 dur. Mais des choses comme cela se produisent partout.

12 Q. Merci.

13 M. HANNIS : [interprétation] Par rapport à cette pièce 962, la pièce

14 du Procureur, je pense qu'au cours du contre-interrogatoire on a fait

15 référence à cette pièce. C'est la liste du général Delic quant aux auteurs

16 des crimes au sein de la 549e Brigade motorisée et valable pour la période

17 allant du mois de mai 1998 au mois de juillet 1999. Vous allez voir cela,

18 on y retrouve 132 actes séparés dont 73 vols.

19 Q. A la page 9 391, Me Ackerman vous a posé une question au sujet du

20 journal de guerre, ceci en date du 27 avril, concernant les deux soldats

21 qui ont été blessés. M. Visnjic vous a aussi posé des questions à la page 9

22 432 à ce sujet. Monsieur le Témoin, vous avez dit que ces soldats ont été

23 blessés un jour et ensuite vous avez aussi parlé d'un autre soldat qui a

24 été blessé et que vous connaissiez personnellement.

25 En dépit de ce que dit le journal de guerre, d'après vous, vous pensez que

26 ces deux soldats, vous considérez que ces deux soldats n'ont pas été

27 blessés le même jour ?

28 (expurgé)

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1 (expurgé)Je sais exactement quand est-ce qu'il a été blessé. En ce

2 qui concerne les deux autres, c'est moi qui les ai mis dans cette

3 ambulance. Je pense que c'est le même jour. Je ne sais pas ce qui est écrit

4 là-bas, mais d'après moi c'était le même jour que cela s'est produit.

5 Vous m'avez dit que c'était le 27 ou le 28, mais cela ne change rien.

6 Q. Est-ce que vous êtes sûr que c'est vous qui étiez ce jour-là au poste

7 de commandement, le jour du bouclage ?

8 R. Oui, je suis sûr que j'étais là au niveau du bouclage et que j'y ai

9 passé juste une journée. J'en suis sûr, et d'ailleurs même pas toute la

10 journée.

11 Q. Dans le journal de guerre, si on dit que différentes parties du

12 bataillon ont participé à ce bouclage et que ceci a duré trois ou quatre

13 jours, personnellement vous avez indiqué ne pas avoir été là-bas pendant

14 toute cette période. Mais est-ce que vous savez si votre bataillon a été

15 présent là-bas, a participé à cela pendant trois ou quatre jours ?

16 R. Je n'en sais rien. J'étais sur la route au moment où l'incident s'est

17 produit et j'en ai parlé, pas avant, pas après. Je suis allé le lendemain,

18 et le lendemain le bouclage était terminé et l'armée n'était plus là.

19 Personne n'y était.

20 Q. M. Visnjic vous a demandé si vous étiez le commandant de ce peloton.

21 Est-ce que vous aviez un grade ? Vous étiez juste un simple soldat ou vous

22 aviez un grade ?

23 R. J'étais un sergent. J'avais un grade de sergent. D'ailleurs, j'ai mon

24 livret militaire. Si vous le voulez, je peux vous le montrer, je peux

25 l'apporter. Ceci figure dans mon livret militaire.

26 M. HANNIS : [interprétation] Je voudrais vous montrer la pièce P1322 [comme

27 interprété]. C'est une pièce qui ne figure pas sur ma liste de pièces, et

28 il s'agit des différents uniformes qui ont été utilisés et différents

Page 9499

1 couvre-chefs.

2 Je me suis demandé si le chapeau dont a parlé le témoin n'est pas

3 dépeint sur cette pièce.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

5 M. HANNIS : [interprétation]

6 Q. Monsieur, vous allez voir plusieurs photos décrivant différents

7 uniformes utilisés. Je vais vous demander d'examiner cela et de me dire si

8 vous y trouvez une ressemblance avec ces chapeaux, les chapeaux dont vous

9 parliez.

10 M. IVETIC : [aucune interprétation]

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Le chapeau est ici. Il est là, je le vois.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez un instant.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Agrandissez-le, je pense que c'est bien cela.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Arrêtez-vous un instant, Monsieur le

15 Témoin.

16 Maître Ivetic, vous avez soulevé une objection ?

17 M. IVETIC : [interprétation] On a demandé au témoin d'examiner la photo et

18 s'il y a quoi que ce soit qui ressemble au chapeau qui se trouve sur la

19 photo. Je pense que la question n'est pas très bien posée. Il demande au

20 témoin de se livrer des conjectures.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, la question n'était pas très bien

22 posée effectivement, Maître Hannis. Je pense que vous auriez tout

23 simplement dû demander au témoin d'examiner toutes les photos qui sont là

24 et de lui demander s'il est en mesure d'identifier le chapeau où que ce

25 soit sur ces photos. De toute façon, il n'y a qu'un seul chapeau qui

26 correspond à la description d'un chapeau, si vous le voulez, sur ce

27 document. J'ai l'impression que vous avez considérablement affaibli

28 l'argument que vous vouliez faire valoir.

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1 M. HANNIS : [interprétation] Oui, je comprends l'objection. Je comprends,

2 mais vous savez, je ne demande pas à quelqu'un d'identifier un voleur,

3 quelqu'un qui a braqué une banque. Nous avons entendu d'autres éléments à

4 ce sujet.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Nous prenons note de

6 l'objection et nous vous permettons de poser la question.

7 M. HANNIS : [interprétation]

8 Q. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez, à regarder cette photo ?

9 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

10 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

11 M. HANNIS : [aucune interprétation]

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce chapeau ressemble beaucoup à ce petit

13 chapeau.

14 Effectivement, la personne avait aussi le même masque et pratiquement

15 le même chapeau, peut-être pas exactement le même, mais très semblable ou

16 peut-être même le même. Je pense que c'est bien cela. On ne voit pas très

17 bien, la photo n'est pas très claire, je pense que c'est bien cela.

18 En ce qui concerne le masque, c'est bien cela, c'est le même.

19 Q. Je vous remercie.

20 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus d'autres

21 questions à poser à ce témoin.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur le Témoin K90, avec ceci se

23 termine votre déposition -- excusez-moi, Maître Visnjic.

24 M. VISNJIC : [interprétation] J'ai une objection quant à plusieurs pièces

25 que le Procureur a souhaité verser. Je ne sais pas s'il convient mieux de

26 le faire en présence du témoin ou une fois le témoin sorti du prétoire.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelles sont ces pièces ?

28 M. VISNJIC : [interprétation] Pièces 1596, 1599 et 1600. Il s'agit des

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1 photos des différentes personnes arborant des uniformes différents. Vu que

2 ce témoin a déposé au sujet de certaines de ces photos, j'ai décidé de

3 demander au Procureur de nous faire connaître ses sources et si l'on

4 obtient ses sources.

5 Si on connaît les sources, peut-être que mon objection perdra de sa

6 pertinence. Là, je fais référence surtout à la partie de la déposition du

7 témoin où le témoin a dit que certaines de ces photos ont été prises en

8 Bosnie.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

10 M. HANNIS : [interprétation] Ces photos ont déjà été versées au dossier. Je

11 pense qu'elles ont été versées le 13 septembre par le biais du Témoin K73.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Les photos en soi ne prouvent rien, Me

13 Visnjic. Elles sont là pour dépeindre le contexte par rapport aux

14 commentaires formulés par le témoin. Vous avez tout à fait raison de dire

15 que si le Procureur voulait vraiment prouver que ces personnes ont

16 participé au conflit au Kosovo, il devrait le prouver.

17 Je ne pense pas que c'est ce qu'il voulait faire. Il ne voulait pas faire

18 valoir cela par le biais de ce témoin.

19 M. HANNIS : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que vous ne devez pas avoir

21 des soucis par rapport à cela, Maître Visnjic.

22 M. VISNJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur le Témoin K90, avec ceci se

24 termine votre déposition. Nous savons que vous avez eu du mal pour venir

25 déposer ici. Vous avez éprouvé des difficultés pour venir ici. C'est

26 d'autant plus que nous vous remercions d'être venu pour déposer et pour

27 nous aider à l'espèce. A présent, vous pouvez partir, et pour cela nous

28 allons à nouveau passer en audience à huis clos.

Page 9503

1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos.

2 [Audience à huis clos]

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 [Audience publique]

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le prochain témoin, Monsieur Hannis.

12 M. HANNIS : [interprétation] Le prochain témoin, c'est l'ambassadeur

13 Vollebaek, et c'est M. Marcussen qui va lui poser ses questions. Je vois

14 que nous sommes à peu près à cinq minutes avant la pause. J'ai voulu vous

15 poser quelques questions au sujet de ce témoin qui va venir, le prochain

16 témoin qui est un témoin protégé. Si nous allons le faire déposer

17 aujourd'hui, je pense qu'il convient de poser la question des mesures de

18 protection.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que nous devrions faire cela

20 immédiatement après avoir entendu le témoin ou au moins un petit peu tard

21 aujourd'hui. Je pense qu'à présent, nous pourrions tout d'abord prendre une

22 pause. Je ne suis pas d'accord sur ce point. Peut-être que nous pourrions

23 revoir le programme. A quel moment souhaitez-vous commencer avec le témoin,

24 Monsieur Marcussen ?

25 M. MARCUSSEN : [interprétation] Vous savez, j'ai besoin d'une demi-heure

26 avec le témoin, pas plus que cela.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le contre-interrogatoire, Maître

28 O'Sullivan ?

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1 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous ne nous sommes pas encore consultés.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons prendre une pause

3 maintenant et nous allons reprendre à 11 heures et quart. Ensuite, en ce

4 qui concerne la journée de demain, les sessions de travail vont être un

5 petit peu différentes à cause des différents arrangements administratifs au

6 sein de la Chambre. Nous n'allons travailler qu'une heure pour la première

7 session, ensuite nous allons prendre une pause entre 10 heures et 10 heures

8 30. Ensuite, nous allons travailler de 10 heures 30 à 12 heures et prendre

9 la pause à 12 heures 20, pour ensuite continuer de 12 heures 20 à 1 heures

10 45 ou 1 heures 50. Si vous voulez, on va travailler la même quantité de

11 temps, mais avec des horaires un peu modifiés.

12 A présent, nous allons prendre une pause.

13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 26.

14 --- L'audience est reprise à 10 heures 47.

15 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Vollebaek.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez prononcer la déclaration

19 solennelle par laquelle vous vous engagez à dire la vérité, toute la vérité

20 et rien que la vérité.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

22 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

23 LE TÉMOIN: KNUT VOLLEBAEK [Assermenté]

24 [Le témoin répond par l'interprète]

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Veuillez prendre place.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous avons déjà pris connaissance

28 d'une déclaration que vous avez faite il y a quelque temps aux

Page 9505

1 représentants du bureau du Procureur et nous avons également lu le compte

2 rendu de la déposition que vous avez faite dans le cadre du procès intenté

3 contre Slobodan Milosevic. Etant donné que nous disposons déjà de toutes

4 ces informations, il est vraisemblable que l'interrogatoire principal de

5 l'Accusation ne sera pas long.

6 Peut-être que le contre-interrogatoire durera plus longtemps, mais je

7 ne peux pas vous dire à ce stade combien de temps il durera. Nous allons

8 donc commencer.

9 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La première personne à vous interroger

11 est le représentant de l'Accusation, M. Marcussen.

12 Monsieur Marcussen, allez-y.

13 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

14 Interrogatoire principal par M. Marcussen :

15 Q. [interprétation] Merci d'avoir pris le temps de venir ici pour

16 témoigner, Monsieur Vollebaek. Je sais que vous avez un emploi du temps

17 chargé. Merci encore une fois d'être venu nous aider ici. Avant de

18 comparaître aujourd'hui, avez-vous eu la possibilité de revoir la

19 déclaration que vous avez faite en janvier 2002 aux représentants du bureau

20 du Procureur ?

21 R. Oui.

22 Q. Lorsque vous avez examiné cette déclaration, avez-vous remarqué une

23 erreur de date qui s'est glissée au paragraphe 71 de votre déclaration

24 préalable ? Je vais vous remettre un exemplaire de cette déclaration.

25 R. Merci.

26 Q. Au paragraphe 71, vers le milieu du paragraphe, il est fait référence

27 au mois de novembre 1999, à la fin du mois de novembre 1999. Il s'agit de

28 l'année 1998, n'est-ce pas ?

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1 R. Oui. Je suis devenu président en exercice au début de l'année 1999, et

2 cette réunion s'est tenue à Oslo, fin 1998.

3 Q. Merci. Hormis cette correction, est-ce que cette déclaration reflète

4 les propos que vous tiendriez aujourd'hui si l'on vous interrogeait sur les

5 mêmes points ?

6 R. Oui. Mon anglais aurait pu être plus élégant, mais le contenu est

7 exact.

8 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette

9 déclaration.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle est la cote ?

11 M. MARCUSSEN : [interprétation] P2634.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Trente-quatre, c'est ce que vous avez

13 dit ?

14 M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui, 34.

15 Q. Monsieur Vollebaek, avez-vous eu la possibilité de revoir le compte

16 rendu de la déposition que vous avez faite dans l'affaire Milosevic le 8

17 juillet 2002 ?

18 R. Oui.

19 Q. Est-il exact de dire que vous avez repéré une erreur dans ce compte

20 rendu, page 7 657, ligne 13, n'est-ce pas ?

21 R. Oui, c'est exact.

22 M. MARCUSSEN : [interprétation] Monsieur le Président, le compte rendu

23 auquel je fais référence figure dans le système électronique. Il s'agit du

24 document P2632. La référence que j'ai donnée précédemment dans le compte

25 rendu d'audience de l'affaire Milosevic correspond à la page 23 de la pièce

26 P2632.

27 Q. A la ligne 13 du compte rendu, vous parlez de votre réunion avec

28 Milosevic et de la question de savoir si une force internationale pouvait

Page 9507

1 être mise en place au Kosovo. Il est question à savoir si cette décision a

2 été imposée ou non à Milosevic.

3 Vous dites à ce sujet : "J'ai essayé de lui expliquer que ce n'était

4 pas une invitation." En fait, c'est le contraire. L'idée était que

5 Milosevic invite l'OSCE ou la communauté internationale à mettre en place

6 une force au Kosovo; c'est bien cela ?

7 R. Oui, c'est exact. Si je me souviens bien, c'est ce qui ressort de ce

8 paragraphe un peu plus loin. Il y a eu un malentendu dans la déclaration.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je pense que les choses étaient

10 claires, Monsieur Marcussen.

11 M. MARCUSSEN : [interprétation]

12 Q. Pour ce qui est du reste du compte rendu de cette déposition, est-ce

13 qu'il reflète les propos que vous tiendriez si l'on vous interrogeait au

14 sujet sur le même point ?

15 R. Oui.

16 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je demande également le versement au

17 dossier de ce document, la pièce P2632.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

19 M. MARCUSSEN : [interprétation]

20 Q. Monsieur Vollebaek, est-ce que vous pourriez examiner le paragraphe 19

21 de la déclaration que je vous ai remise ?

22 M. MARCUSSEN : [interprétation] Nous parlons donc du document qui porte

23 maintenant la cote P2634. Je précise cela pour les besoins du compte rendu

24 d'audience.

25 Q. Vous indiquez dans ce paragraphe que M. Sainovic était la personne

26 chargée du Kosovo au sein du gouvernement fédéral. Pourquoi affirmez-vous

27 cela ? Comment le savez-vous ?

28 R. Je dois reconnaître que tout cela s'est passé il y a huit ans, mais en

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1 relisant ce paragraphe, ces souvenirs me reviennent. Je crois que c'est ce

2 que l'on nous a dit lorsque l'on nous a expliqué les différentes fonctions

3 occupées par les membres du gouvernement. Mais j'ai eu clairement

4 l'impression que c'est lui qui était chargé du Kosovo au sein du

5 gouvernement.

6 Q. Merci. Dans ce même paragraphe, vous dites qu'il y avait un gouverneur

7 pour le Kosovo à Pristina. Est-ce que vous vous souvenez de son nom

8 aujourd'hui ?

9 R. Zoran Andjelkovic.

10 Q. Cette personne est mentionnée un peu plus loin dans la déclaration,

11 donc je voulais tirer cela au clair. Dans ce même paragraphe toujours, vous

12 dites que vous avez eu l'impression que les décisions se prenaient à

13 Belgrade. Qu'est-ce qui vous a donné à penser cela ?

14 R. D'après mes souvenirs, il y a eu trois rencontres à Pristina avec des

15 représentants des autorités locales. Pour autant que je m'en souvienne, une

16 ou deux fois au moins il y avait un représentant de Belgrade présent à ces

17 réunions, et des décisions ont été prises à l'occasion de ces réunions.

18 On faisait généralement référence à Belgrade ou au président

19 Milosevic en disant que l'on ne pouvait pas respecter telle ou telle

20 décision.

21 Q. A diverses reprises dans votre déclaration, vous décrivez vos réunions

22 avec Milosevic. Vous expliquez que M. Milutinovic était également présent

23 lors de ces réunions, Sainovic aussi. Pourriez-vous décrire le rôle joué

24 par M. Milutinovic lors de ces réunions ? Est-ce que vous pourriez nous

25 relater cela en termes généraux ? Est-ce que vous pourriez parler d'abord

26 de la première réunion, quelles ont été vos impressions, et cetera ?

27 R. Lorsque j'ai rencontré pour la première fois le président Milosevic,

28 c'était après avoir été nommé premier ministre. Je crois que c'était en

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1 avril 1998. Pour ce qui est des réunions suivantes, j'étais président en

2 exercice de l'OSCE, et ces réunions se sont tenues au mois de janvier. Je

3 crois qu'il y a eu une réunion le 11 janvier 1999.

4 Il y avait un certain nombre de personnes présentes à ces réunions.

5 Je ne sais pas si M. Milutinovic était toujours là, mais lorsqu'il était

6 là, il était habituellement assis à côté de M. Milosevic et il le

7 soutenait. Il ne me soutenait pas vraiment, moi.

8 Q. Est-ce qu'il s'est adressé à vous lors de ces réunions ?

9 R. D'après mes souvenirs, il faisait parfois des observations, parfois

10 non. Peut-être que j'étais trop sensible, mais il disait clairement ce

11 qu'il pensait. L'impression qu'il avait de moi se lisait clairement sur son

12 visage. Je voyais bien ce qu'il pensait de moi et de ma présence.

13 Q. Au paragraphe 30, page 6 de votre déclaration, vous décrivez le

14 déplacement que vous avez fait au Kosovo en mars 1999. D'autres paragraphes

15 mentionnent ceci également, mais nous allons parler de cette visite en

16 particulier. Qu'avez-vous vu à cette occasion sur le terrain, au Kosovo ?

17 R. Nous avons observé de nombreuses destructions. Je ne me souviens pas de

18 tous les endroits où je me suis rendu, mais je suis allé au village de

19 Podujevo. Ce village avait été considérablement endommagé, d'après mes

20 souvenirs. Beaucoup de toits avaient été endommagés ou détruits, donc il y

21 avait beaucoup de maisons sans toits.

22 Nous avons également rencontré des gens qui étaient sur les routes à

23 bord de tracteurs, ces tracteurs dans lesquels ils transportaient tous

24 leurs effets, et des familles entières se trouvaient là. Il y avait

25 beaucoup de soldats dans les environs, beaucoup plus que ce qui avait été

26 convenu dans l'accord conclu avec Milosevic. Nous avons également vu des

27 incendies à différents endroits.

28 Q. S'agissant de la fumée que vous avez pu observer à différents

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1 endroits, Milosevic vous a dit, et vous l'expliquez dans votre déclaration,

2 qu'il s'agissait de bottes de foin qui brûlaient. Est-ce que vous vous êtes

3 rapproché de ces endroits ? Est-ce que vous avez pu voir qu'il s'agissait

4 en réalité de maisons ?

5 R. Je vous répète que tout cela s'est passé il y a huit ans, mais pour moi

6 il ne faisait aucun doute qu'il s'agissait de maisons qui brûlaient. Nous

7 ne nous sommes pas rapprochés très près des maisons, mais nous avons vu des

8 ensembles de maisons en feu, de la fumée qui s'élevait de ces maisons.

9 Lorsque M. Milosevic m'a dit cela au téléphone, lorsqu'il m'a dit

10 qu'en réalité j'avais vu des bottes de foin en feu, j'ai presque ri. Bon,

11 il n'y avait pas matière à rire, mais j'ai grandi à la campagne et je sais

12 faire la différence entre une botte de foin qui brûle et une maison qui

13 brûle.

14 Q. Certaines de ces maisons détruites, est-ce qu'elles portaient des

15 traces d'incendie ?

16 R. D'après mes souvenirs, les maisons de Podujevo avaient été incendiées à

17 d'autres endroits également. C'était clair.

18 M. ACKERMAN : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Est-ce que l'on

19 pourrait préciser la date de ces visites afin de savoir si tout cela est

20 pertinent par rapport à la période couverte par l'acte d'accusation ?

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'allais vous demander de le faire,

22 mais j'attendais simplement que le témoin finisse cette partie de sa

23 déposition.

24 Monsieur Vollebaek, est-ce que vous pourriez nous préciser, pour ce qui est

25 de ces dommages que vous avez constatés à Podujevo, quand vous vous êtes

26 rendu sur les lieux ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela s'est passé il y a quelques années déjà,

28 je vous le répète. J'ai eu trois rencontres, d'après mes souvenirs, avec M.

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1 Milosevic, et je suis allé au Kosovo trois fois avant le début de la guerre

2 en 1999. La première rencontre que j'ai eue, si mes souvenirs sont exacts,

3 a eu lieu le 11 janvier. La deuxième visite a eu lieu le 21 janvier. Il y a

4 eu une autre réunion le 1er mars.

5 D'après mes souvenirs, cette visite à Podujevo était en rapport avec

6 la visite du 1er mars, donc je pense que c'était juste après le 1er mars, car

7 d'habitude il y avait d'abord une réunion à Belgrade, dans la capitale, et

8 ensuite nous allions au Kosovo.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est à cette occasion-là que vous

10 avez vu de la fumée s'élever; c'est bien cela ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, début mars.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Au cours de cette visite ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ensuite, vous avez parlé d'une

15 présence militaire supérieure à ce qui avait été convenu dans l'accord.

16 C'était à cette occasion également ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez parlé de vos impressions

19 concernant le rôle joué par Milutinovic lors de ces réunions. Je n'ai as

20 très bien compris votre réponse. A combien de réunions avez-vous assisté

21 auxquelles il était présent lui aussi ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qui m'intéressait essentiellement, c'était

23 M. Milosevic, c'était la personne clé. C'est lui avec qui j'étais en

24 contact et c'est avec lui que j'ai eu des conversations, donc je ne

25 m'intéressais pas vraiment aux autres personnes présentes.

26 Je me souviens qu'il était là lors des réunions, mais en toute honnêteté,

27 je ne peux pas vous dire s'il a été présent lors de ces trois réunions ou

28 seulement lors de deux d'entre elles ou une d'entre elles seulement.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous parlez de la période au cours de

2 laquelle vous étiez président de l'OSCE et vous ne parlez pas des réunions

3 que vous avez eues en votre qualité de ministre des Affaires étrangères

4 avant cela ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Je ne me souviens pas s'il était

6 là en avril 1998.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avez-vous rencontré Milosevic avant

8 1999 ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je l'ai rencontré lorsque j'étais

10 coprésident adjoint de la conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie en

11 1993. On m'a désigné pour mener les négociations entre le gouvernement et

12 Zagreb de juin 1993 jusqu'à la fin de cette année. Je l'ai rencontré à ces

13 occasions et je l'ai rencontré à Belgrade.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

15 Monsieur Marcussen, poursuivez.

16 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci.

17 Q. Au paragraphe 39 de votre déclaration ainsi que les paragraphes

18 connexes 40 et 46, dans ces trois paragraphes vous parlez de la question de

19 savoir si M. Milosevic et d'autres personnes étaient informés de la

20 situation au Kosovo. Au cours de ces réunions que vous mentionnez ici, est-

21 ce que vous avez exprimé vos préoccupations concernant le traitement des

22 civils albanais au Kosovo ?

23 R. Absolument. J'étais plus que préoccupé par cela. Nous étions préoccupés

24 par la situation, mais nous étions catégoriquement opposés au traitement de

25 ces civils, car il s'agissait d'une violation des droits de l'homme

26 fondamentaux.

27 Q. Au cours de ces réunions, est-ce que vous avez mentionné des exemples

28 particuliers d'incidents survenus au Kosovo dont vous aviez connaissance ?

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1 R. M. Milosevic ne nous a pas fourni d'exemples de cela, mais nous avions

2 les rapports de la MVK. La MVK nous présentait des rapports. Il y a eu

3 d'autres rapports également, mais ce sont également ces rapports de la MVK

4 qui nous ont informés des violations qui avaient lieu et dont nous pensions

5 que les Albanais du Kosovo étaient victimes.

6 Q. Peut-être que ma question n'était pas formulée très clairement, mais

7 ces informations que vous avez obtenues de la MVK, est-ce que vous les avez

8 présentées lors des réunions auxquelles vous avez participé ?

9 R. D'après mes souvenirs, oui. Je ne peux pas vous donner d'exemples, mais

10 je suis sûr que oui.

11 Q. Merci.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cette question porte sur le

13 fait de savoir si ces informations ont été transmises à Milosevic lors de

14 ces réunions ?

15 M. MARCUSSEN : [interprétation] Tout à fait. Je pense que le témoin a

16 expliqué qu'à ces occasions, il y avait au moins Sainovic et Milutinovic

17 présents lors de ces réunions.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

19 M. O'SULLIVAN : [interprétation] J'ai une objection à soulever par rapport

20 à une remarque faite par mon confrère. Le compte rendu de la déposition

21 faite par le témoin dans l'affaire Milosevic a été versé au dossier. Cela

22 fait partie du témoignage de ce témoin. Si mon confrère souhaite poser des

23 questions au sujet des questions qui ont été évoquées lors de la réunion,

24 il doit formuler sa question sur la base des propos tenus par le témoin.

25 Dans l'affaire Milosevic, vous avez dit ceci ou cela; est-ce exact ?

26 La question doit être ouverte.

27 M. MARCUSSEN : [interprétation] Monsieur le Président.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il s'agit d'une interprétation

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1 exagérément stricte des dispositions de l'article 92 ter. Nous avons élargi

2 la portée de cet article après l'ouverture de ce procès. L'interprétation

3 que vous faites de cet article donne à penser que si l'on se sert d'un

4 compte rendu d'audience, on doit se limiter aux questions abordées dans le

5 compte rendu et aller au-delà.

6 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Si l'on pose une question au témoin,

7 question à laquelle il a déjà répondu, je pense que dans un souci d'équité

8 à l'encontre du témoin, il faut lui présenter cela : voilà ce que vous avez

9 dit. Est-ce que vous maintenez ces propos ou est-ce que vous souhaitez vous

10 en écarter ?

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je comprends, il s'agit d'une

12 critique raisonnable de votre part.

13 Tout cela est très vague, Monsieur Marcussen. Nous avons parlé de la

14 présence de M. Sainovic ou de Milutinovic à une réunion particulière, mais

15 cela n'est pas très clair. Il a été fait référence aux atrocités

16 mentionnées dans les rapports de la MVK, mais c'est vague. Si vous voulez

17 vous fonder sur ces éléments pour prouver que deux des accusés avaient

18 connaissance des faits incriminés, vous devez être plus précis.

19 M. MARCUSSEN : [interprétation] Cette question a été abordée précédemment,

20 je ne peux pas obtenir d'éléments plus précis. Vous pourrez décider du

21 poids à accorder à ces éléments plus tard à la lumière d'autres témoignages

22 et des arguments qui seront présentés sur ces points.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan, c'est simplement

24 que vous limitiez vos observations à un minimum.

25 M. MARCUSSEN : [interprétation] Très bien, j'essayais simplement de vous

26 expliquer comment je comprenais la teneur du témoignage. Nous allons faire

27 attention à cela afin de ne pas semer la confusion.

28 Q. Monsieur l'Ambassadeur Vollebaek, une question au sujet du paragraphe

Page 9516

1 41. Nous revenons à une question évoquée précédemment, à savoir la présence

2 d'une force internationale plus importante au Kosovo. Vous avez discuté de

3 cette question avec M. Milosevic en mars 1999.

4 Est-ce que vous pourriez expliquer aux Juges de la Chambre en quoi

5 consistait la proposition, s'agissant de cette force ?

6 R. Comme vous le savez, l'OSCE avait la responsabilité politique de

7 trouver une solution pacifique au conflit du Kosovo. Nous avons créé la

8 MVK, la mission d'observation pour remplir cette mission. Nous avons

9 compris qu'une mission d'observation dont les membres n'étaient pas armés

10 ne pourrait pas nous aider à remplir cette mission. Il y a ensuite eu les

11 pourparlers de Rambouillet qui visaient à trouver une solution permettant à

12 l'OSCE de poursuivre ses activités.

13 Dans ce cadre ou en raison de la situation il a été proposé de mettre

14 en place une force militaire internationale, je ne me souviens pas

15 exactement de sa composition. Nous ne sommes pas arrivés au stade où nous

16 en avons véritablement parlé. Nous n'avons pas évoqué le nombre de

17 personnel qui la composerait, les effectifs. Il devait s'agir d'une force

18 armée, d'une force militaire dont les membres seraient armés. C'est la

19 seule manière, selon nous, qui nous permettrait de poursuivre nos

20 activités. M. Milosevic était fermement opposé à cela. Il n'acceptait pas

21 la présence d'une force armée sur le territoire serbe. C'est ce qu'il a

22 dit.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez dit au début de votre

24 réponse : "Comme vous le savez, l'OSCE avait la responsabilité politique de

25 trouver une solution pacifique au conflit du Kosovo."

26 Dans quel document est-ce que cette responsabilité était conférée à

27 l'OSCE ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous posez une question difficile. Il y a eu

Page 9517

1 différents accords conclus entre le gouvernement de la République fédérale

2 de Yougoslavie et l'OSCE, documents au terme desquels nous avions ce

3 mandat. D'après mes souvenirs, le président Milosevic était d'accord sur ce

4 point également, et ces documents ont été mentionnés précédemment dans le

5 cadre de mes conversations avec M. Milosevic et le gouvernement.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous faites référence à un accord

7 conclu par votre prédécesseur ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Le Pr Geremek avait effectivement conclu un

9 accord, et ce, pour le compte de l'OSCE. Un accord a donc été signé entre

10 M. Geremek, le ministre des Affaires étrangères polonais. Du côté

11 yougoslave, je crois que c'était M. Milosevic.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant cela, il y a eu un accord que

13 vous n'avez jamais vu entre Holbrooke et Milosevic ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Marcussen, y a-t-il des

16 numéros de pièces qui ont été attribués à ces accords ?

17 M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui. Je ne les ai plus en tête, cela dit.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous les avez.

19 M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui, ce sont des pièces.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être que dans le courant de la

21 journée, vous pourriez nous aider en présentant toutes ces pièces dans leur

22 contexte. Nous aurions ainsi le numéro des accords pertinents ayant défini

23 le mandat de l'OSCE dans le cadre de cette mission simplement pour que nous

24 puissions les lire à la lumière du témoignage de M. Vollebaek.

25 M. MARCUSSEN : [interprétation] Tout à fait. Nous y reviendrons dans un

26 instant.

27 J'aimerais que l'on voie la pièce P460, s'il vous plaît.

28 Q. Excellence, vous allez le voir sur votre écran dans un instant.

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1 Monsieur l'Ambassadeur, il s'agit d'un rapport de la MVK daté du 1er mars.

2 M. MARCUSSEN : [interprétation] J'aimerais que l'on agrandisse la première

3 partie du deuxième paragraphe. Son titre est la première partie de ce

4 paragraphe.

5 Q. Excellence, l'apercevez-vous sur votre écran ou devons-nous agrandir

6 encore l'image ?

7 R. Je n'en vois qu'une partie, mais si vous me posez la question, je vais

8 peut-être pouvoir y répondre. Maintenant, c'est bon, je vois.

9 Q. Dans ce paragraphe, on trouve une déclaration faite par vous-même sur

10 la réaction causée par votre proposition d'établissement d'une force

11 militaire internationale au Kosovo. Voici ma question. Vous êtes en mesure

12 de lire ce qui figure dans ce document; ce paragraphe reflète-t-il bien ce

13 que vous avez dit à l'époque ?

14 R. Oui, je pense.

15 Q. Merci.

16 M. MARCUSSEN : [interprétation] J'aimerais demander le versement de cette

17 pièce. Il s'agit de la pièce P460.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans le procès de Milosevic, on s'est

19 posé pendant un certain temps la question de savoir si cette force devait

20 être dirigée par l'OTAN, mais ce document tire la question au clair, n'est-

21 ce pas ? Il s'agit bien d'une proposition consistant en une force dirigée

22 par l'OTAN.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Effectivement, je crois que c'était le

24 cas. Il n'était pas proposé que cette force soit placée sous l'égide des

25 Nations Unies, mais qu'il y ait au moins mandat des Nations Unies, comme

26 c'est le cas aujourd'hui en Afghanistan.

27 M. MARCUSSEN : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on examine la

28 pièce 461.

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1 Q. En attendant qu'elle apparaisse à l'écran, c'est un rapport de la MVK

2 du 2 mars 1999 qui suit de quelques jours le document précédent.

3 M. MARCUSSEN : [interprétation] J'aimerais que l'on voie l'avant-dernier

4 paragraphe de la première page, un paragraphe qui commence par : "Une

5 déclaration du bureau de Milutinovic" --

6 Q. Monsieur Vollebaek --

7 R. Oui, j'aimerais que l'on agrandisse un petit peu le passage en

8 question. Merci.

9 Q. Ce rapport reflète une déclaration émanant du bureau de Milutinovic

10 après une rencontre avec l'ambassadeur Hill. Dans cette déclaration, on lit

11 qu'un accord politique n'avait pas été conclu à Rambouillet. Pensez-vous

12 que cette déclaration est exacte ?

13 R. Non, je ne le crois pas. Pourriez-vous me donner la date de ce rapport,

14 s'il vous plaît ?

15 Q. Le 2 mars.

16 R. Le 2 mars. Si mon souvenir est exact, j'ai reçu un courrier de M.

17 Jovanovic, alors ministre des Affaires étrangères, avec une déclaration

18 placée en annexe de cette lettre, signée ou écrite de la main de M.

19 Milutinovic au moment où les pourparlers de Rambouillet avaient été

20 interrompus. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais il y a eu les

21 pourparlers dans un premier temps et ensuite il y a eu un temps d'arrêt

22 dans ces pourparlers.

23 Q. Oui, entre les pourparlers de Rambouillet et les pourparlers à Paris ?

24 R. C'est exact.

25 Q. Merci.

26 R. Après les pourparlers de Rambouillet, au moment de ce temps d'arrêt,

27 disons, il me semble qu'il y a eu un accord, ou disons qu'on pourrait

28 l'appeler un accord ou une déclaration qui a été signée par les Serbes,

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1 mais pas les Albanais du Kosovo. Les problèmes à ce moment-là se posaient

2 plutôt du côté des Albanais du Kosovo que du côté des Serbes. C'est la

3 raison pour laquelle je juge qu'il est faux de dire que les Serbes

4 n'avaient pas accepté d'accord, quel qu'il soit, à Rambouillet.

5 Q. Par conséquent, d'après vous, il y a eu un accord politique à

6 Rambouillet, mais les choses ont changé par la suite ?

7 R. Il y a eu une acceptation politique de la part des Serbes, mais cela

8 n'a pas été le cas dans le camp albanais, et les dirigeants présents aux

9 négociations, je ne sais pas s'ils avaient pris la décision eux-mêmes ou,

10 enfin, il leur a été suggéré de prendre un temps d'arrêt.

11 Si je me souviens bien, cela a duré deux semaines à peu près, et là

12 encore, si mon souvenir est bon, lorsque la déclaration serbe s'est rassise

13 à la table des négociations, les choses avaient changé de manière assez

14 radicale. Certaines choses qu'ils avaient acceptées plus tôt soudain

15 n'étaient plus acceptables.

16 Q. Merci beaucoup.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît,

18 Monsieur Marcussen.

19 Ce n'est pas une critique que je vous adresse, Monsieur Vollebaek, mais

20 comprenez que cette réponse est relativement vague. Elle montre un

21 changement dans les attitudes, mais c'est tout. La raison n'en est pas tout

22 à fait claire, bien sûr. Vous dites que certaines choses qui avaient été

23 acceptées préalablement n'étaient soudain plus acceptables.

24 Il doit y avoir quelqu'un qui était neutre, mais si étroitement impliqué

25 dans ces discussions qu'il peut nous donner un récit précis de la situation

26 à la fin des pourparlers de Rambouillet et des raisons pour lesquelles les

27 choses ont changé une fois à Paris, parce que si vous voulez, nous

28 entendons des récits différents. Nous entendons dire par exemple que les

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1 Albanais n'ont pas rejeté l'accord à Rambouillet, mais qu'ils voulaient

2 tout simplement consulter les autorités afin d'accepter certaines choses.

3 Ce n'est pas ce que vous avez dit ici.

4 N'y avait-il pas un administrateur qui conservait les traces de ce

5 qui se faisait, de ce qui se disait, qui pourrait nous dire les choses,

6 auquel nous pourrions faire confiance ? Ce serait alors un observateur tout

7 à fait impartial ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je l'espère et je le sais, même. Vous le

9 savez, je ne faisais pas partie des négociations en tant que telles. Le

10 président en exercice de l'OSCE était un observateur. Je n'étais pas

11 présent au cours des négociations, mais j'étais invité à intervenir

12 lorsqu'il y avait des réunions avec eux. J'ai participé deux fois ainsi au

13 cours de ce processus.

14 Les négociations étaient organisées par le ministre des Affaires étrangères

15 français Vedrine, et je suppose que les Français ont pris des notes. Cette

16 réunion, ce processus était coprésidé par feu le ministre britannique des

17 Affaires étrangères Robin Cook. Je suppose également que les Britanniques

18 ont dû prendre bonne note de tout ce qui s'est dit et fait. Puis, il y a le

19 Groupe de contact qui était impliqué dans ce processus, ses membres étaient

20 là.

21 Je suis tout à fait d'accord avec vous, Monsieur le Président, qu'il

22 doit y avoir trace de tout cela. Je n'en ai pas moi-même. Je n'y étais pas

23 autorisé à l'époque.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

25 Monsieur Marcussen.

26 M. MARCUSSEN : [interprétation] Il y aura un témoin, Petric, que nous

27 entendrons par la suite, qui nous parlera également de ce qui s'est fait et

28 dit à Rambouillet. Nous espérons alors pouvoir tirer au clair cette

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1 situation.

2 Q. Je pensais que c'était clair, je m'excuse.

3 Excellence, j'aimerais vous poser une dernière question s'agissant de

4 ce document ou plus précisément s'agissant de votre déclaration. C'est au

5 paragraphe 74. Vous dites que des gens ont quitté le Kosovo. Si j'ai bien

6 compris, vous vous êtes trouvé à un moment donné à la frontière entre le

7 Kosovo et l'Albanie.

8 R. Oui, c'est exact. Lorsque la guerre a éclaté, nous avons envoyé

9 les observateurs du MVK en Macédoine et nous en avons également remplacé

10 certains, ou plutôt nous les avons réinstallés en quelque sorte ou envoyés

11 en Albanie, parce qu'il y avait un certain nombre de réfugiés, un nombre

12 assez important de réfugiés qui affluaient vers la Macédoine et vers

13 l'Albanie.

14 Même si c'est le HCR qui était la principale organisation ou

15 institution des Nations Unies responsable en la matière, nous avions des

16 véhicules et nous avions du personnel susceptible de l'aider. C'est pour

17 cela que des observateurs de la MVK ont été placés aux frontières, à la

18 fois aux frontières avec la Macédoine et l'Albanie. A l'époque, si mon

19 souvenir est bon, il y avait un flux important de réfugiés qui se

20 dirigeaient vers l'Albanie, et un camp de réfugiés avait été établi de

21 l'autre côté de la frontière en Albanie.

22 Je m'y suis rendu pour y rencontrer les gens et voir dans quelles

23 conditions ils se trouvaient, ils vivaient. L'un des problèmes que nous

24 avons rencontré, c'est qu'ils avaient perdu en quelque sorte les preuves de

25 leur identité. Leurs cartes d'identité leur avaient été prises et elles

26 avaient été détruites ainsi que les plaques d'immatriculation des

27 véhicules, donc nous étions très préoccupés, nous souhaitions véritablement

28 rétablir leur identité et noter l'endroit d'où ils venaient de manière à

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1 établir toutes ces informations et les placer dans un système bien

2 organisé.

3 Il me semble que j'ai supervisé cette procédure pendant un certain

4 temps, que j'ai rencontré certains des gens qui avaient traversé la

5 frontière et que je leur ai parlé à l'aide d'interprètes.

6 Q. Où vous trouviez-vous sur la frontière, si vous en avez le souvenir ?

7 Quand vous êtes-vous trouvé à la frontière, si vous vous en souvenez ?

8 R. Non, je ne me souviens pas de la date. Il y a sans doute des documents

9 de l'OSCE qui portent la trace de ces déplacements. J'avais également des

10 réunions à l'époque avec le gouvernement, donc je n'ai plus la date en

11 tête.

12 Q. Peu de temps après le début du bombardement de l'OTAN, par exemple ?

13 Quelques jours ou quelques semaines, je ne sais pas ?

14 R. Non, pas des semaines. Mais bien sûr, il pourrait s'agir d'une semaine.

15 En tout cas, c'était peu de temps après. A cette époque-là, on voyait de

16 nombreuses personnes qui fuyaient le Kosovo.

17 Q. Pourriez-vous nous donner une idée de ce que vous avez vu au moment où

18 vous vous êtes trouvé à la frontière ? Est-ce que vous aperceviez le Kosovo

19 de l'endroit où vous vous trouviez ?

20 R. Oui. Je pense qu'on le voit bien dans le compte rendu. J'ai vu

21 énormément de gens sur des tracteurs. Il y avait des milliers de tracteurs

22 et des gens dans ces tracteurs avec leur famille, des couples, des gens qui

23 marchaient aussi, mais il y en avait moins.

24 La plupart se trouvaient sur les tracteurs et ils venaient de

25 différentes régions, d'après ce que l'on m'a dit. J'avais l'impression que

26 tout était bien organisé, d'après les déclarations. Les gens parlaient de

27 rubans de différentes couleurs qui leur permettaient d'organiser l'exode.

28 Q. Oui, nous y reviendrons dans un instant. Une question connexe. Vous

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1 avez dit dans votre déclaration qu'un grand nombre de personnes avaient été

2 expulsées. Qu'est-ce qui vous a poussé à dire cela ?

3 R. Ils me l'ont dit, ils m'ont dit qu'ils avaient été expulsés. Il y avait

4 plusieurs récits quant à la manière dont cette expulsion avait eu lieu, des

5 histoires assez émouvantes sur des couples ou des familles qui étaient

6 juste en train de se balader dans la rue à Pristina, qui étaient rentrés

7 chez eux et qui avaient trouvé leur appartement occupé.

8 Il y avait aussi d'autres histoires de gens qui se trouvaient chez

9 eux et qui avaient été chassés par la police ou d'autres représentants des

10 autorités, je ne sais pas, représentants qui leur avaient dit de partir.

11 Avec ceux avec qui j'ai parlé, j'ai vraiment eu l'impression qu'on leur

12 avait ordonné de quitter --

13 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic.

15 M. IVETIC : [interprétation] J'ai une objection par rapport à cette série

16 de questions. Il y a eu déjà une décision rendue dans cette affaire selon

17 laquelle s'agissant de certains entretiens avec les réfugiés, sans

18 connaître l'identité des personnes entendues, sans donner à la Défense la

19 possibilité de mettre en question ce processus et sans possibilité du

20 moindre contre-interrogatoire, justement que ces éléments de preuve

21 n'étaient pas véritablement recevables.

22 Je vois ici que l'on pose des questions au témoin sur ce point, mais le

23 témoin y répond en faisant référence de manière très générale à des

24 discussions particulières avec des gens inconnus que nous ne pouvons faire

25 venir ici. Il profère des accusations contre différentes entités qui se

26 trouvaient au Kosovo, au Kosovo-Metohija, donc nous entrons ici dans un

27 domaine dans lequel l'Accusation obtient des éléments de preuve qui, il me

28 semble, ont été interdits, sous cette forme-là en tout cas, dans une forme

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1 semblable à la publication de l'OSCE "As Seen, As Told".

2 Je pense qu'il ne faut pas oublier les décisions antérieures prises par la

3 Cour et l'incapacité de la Défense à remettre en question ce type

4 d'éléments de preuve si toutefois il est utilisé. Je crois qu'à la lumière

5 des décisions précédentes, il est difficile d'accepter ce genre d'éléments

6 de preuve.

7 [La Chambre de première instance se concerte]

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La différence fondamentale entre cette

9 déposition et les dépositions qui ont été exclues, c'est qu'ici nous avons

10 une personne qui a parlé directement avec les gens qui se prétendent des

11 victimes. Nous comprenons la remarque, à savoir que nous ne disposons pas

12 de l'identité de ces interlocuteurs et que ceci, bien sûr, influence sur le

13 poids, la valeur à accorder à ces propos. Mais nous pensons qu'en contre-

14 interrogeant ce témoin, il sera possible d'aider la Cour à déterminer le

15 degré de fiabilité des récits faits au témoin. Nous ne sommes donc pas dans

16 la même situation que celle qui nous a amenés à rejeter certains éléments

17 de preuve.

18 Nous sommes toutefois tout à fait conscients des risques associés à une

19 utilisation trop accrue, en quelque sorte, des éléments de preuve

20 indirects, de l'ouï-dire, quel qu'il soit. Nous savons que ces éléments de

21 preuve exigent d'être prudents, s'agissant d'éléments de preuve qui

22 revoient directement aux questions qui nous occupent ou s'agissant

23 d'éléments de preuve relatifs à la commission de crimes ou la question de

24 responsabilité pénale. Ces réserves ayant été énoncés, nous allons entendre

25 le reste de la déposition sur ce point.

26 M. IVETIC : [interprétation] Si vous me le permettez, j'ai une autre

27 remarque à faire s'agissant de cette objection. S'agissant de ce qui vient

28 d'être entendu de la bouche du témoin, nous ne savons pas ce que les gens

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1 ont dit véritablement et ce dont il se souvient, et quelle est la

2 différence entre les deux. Il dit : "Oui, je suppose que c'est cela, je

3 suppose que c'est ceci."

4 Je dirais quant à moi que c'est tout à fait vague et qu'il serait

5 différent que le témoin dise par exemple : cette personne X a dit A, B, C

6 et D. Or, ici il ne donne que des récits tout à fait généraux, et il n'est

7 pas en mesure d'établir un rapport entre ces récits-là et leur fiabilité

8 parce qu'il ne renvoie pas à des individus particuliers. Il ne s'agit que

9 de déclarations générales sur un ensemble de choses, et il y a beaucoup de

10 supputations, ici.

11 Je suppose que ce n'est pas véritablement quelque chose qui pourra être

12 réglé par le biais du contre-interrogatoire parce que nous n'avons pas de

13 données nous permettant de nous fonder sur quoi que ce soit. Nous n'avons

14 pas les discussions qui ont eu lieu, les mots exacts qui ont été prononcés,

15 l'identité des personnes à qui il a parlé. Voilà la difficulté à laquelle

16 nous sommes confrontés, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. L'exemple que j'ai vu, et il

18 pourrait y en avoir d'autres, c'est une référence à la police, je suppose,

19 ou des représentants, des autorités. J'espère que vous connaissez

20 suffisamment cette Chambre pour savoir, Monsieur Ivetic, que si quelqu'un

21 dit "la police, je suppose, ou des représentants des autorités", et cetera,

22 nous n'allons pas conclure qu'il s'agissait véritablement de la police.

23 Ce que nous pourrions faire, bien sûr, c'est de voir l'ensemble des

24 éléments de preuve, mais ici la question de savoir qui était-ce ne nous

25 intéresse pas particulièrement, mais nous n'irions pas jusqu'au point de

26 dire : c'est tel ou tel policier qui a participé à cela. De toute façon,

27 tout ceci sera tiré au clair par d'autres questions qui seront posées. Mais

28 ceci renvoie exclusivement à la valeur probante, ceci ne renvoie pas à la

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1 recevabilité fondamentale des éléments de preuve.

2 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

3 Q. Excellence, vous avez commencé à nous expliquer quelque chose sur un

4 système de rubans, et je vous ai interrompu à ce moment-là. Pourriez-vous

5 nous expliquer ce que l'on vous a dit par rapport à ces rubans ? Vous a-t-

6 on dit dans quelle région ces rubans avaient été distribués, dans quelle

7 partie du Kosovo ?

8 R. Ce qu'on nous a dit --

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Bakrac.

10 M. BAKRAC : [interprétation] Je pense qu'il était suffisant de lui demander

11 quelles étaient les informations dont il disposait s'agissant de ces

12 rubans. Je crois que c'est une question directrice, la question qui

13 consiste à lui demander où ils ont été distribués et qui l'a fait au

14 Kosovo. Je crois que mon éminent confrère de la partie adverse brûle les

15 étapes. Il suffisait simplement de demander au témoin quelles sont les

16 informations dont il dispose sur les rubans.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est vrai que la question est peut-

18 être partiellement directrice, mais connaissant le sujet qui nous intéresse

19 et le témoin, je ne pense pas que ceci compromette la nature de la

20 question, et là encore c'est quelque chose qui renvoie à la valeur probante

21 à accorder à la réponse du témoin. Mais nous allons autoriser la question

22 et la réponse à cette question.

23 M. MARCUSSEN : [interprétation] Le témoin a dit qu'il avait été informé par

24 des gens qui quittaient le Kosovo qu'on leur avait remis des rubans. Ma

25 question se fondait sur sa réponse précédente. Il n'est pas directeur

26 d'attirer l'attention du témoin sur un contexte particulier. Ma question,

27 ma question qui n'est pas directrice --

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voulez-vous que nous prononcions une

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1 décision à votre encontre ? N'êtes-vous pas heureux de la décision qui a

2 été rendue qui est en votre faveur d'ailleurs ?

3 M. MARCUSSEN : [interprétation] Non, elle me satisfait pleinement, Monsieur

4 le Président. Je pense que c'est important parce que c'est une question qui

5 renvoie effectivement à la valeur probante, et il faut que nous tirions les

6 choses au clair. Il faut voir si effectivement il y avait un problème dans

7 ma question.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous posez la question : dans

9 quelle partie, dans quelle région ont été remis ces rubans, cela suggère

10 que ce processus s'était limité à une partie particulière, et c'est une

11 suggestion de votre part. C'est pour cela que je dis qu'il y avait quelque

12 chose de partiellement directeur dans votre question. C'est tout ce que

13 nous avons dit.

14 M. MARCUSSEN : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

15 Q. Excellence, vous a-t-on dit où ces rubans avaient été distribués ?

16 R. Si l'on me l'a dit, je ne m'en souviens plus. J'ai eu l'impression et

17 l'on nous a dit que cet exode, cette expulsion, si vous voulez, était bien

18 organisé, et l'on m'a parlé de ces rubans et on m'a dit que c'était là un

19 signe de l'organisation de tout ce processus. J'ai jugé à l'époque que ceci

20 était un signe que les choses avaient été préparées. Ce n'est pas quelque

21 chose qui était arrivé spontanément. Il y avait eu planification. C'est ce

22 que j'ai compris à l'époque.

23 Q. Que vous a-t-on dit à propos de ces rubans ?

24 R. Il y avait différentes couleurs afin de guider les gens qui se

25 trouvaient sur la route, de les guider afin de suivre les voies qui leur

26 permettraient d'éviter les bouchons, en quelque sorte. C'est quelque chose

27 qui était tout à fait compréhensible. Lorsqu'on se trouvait à la frontière

28 et qu'on se tournait vers le Kosovo, si je me souviens bien, il y avait des

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1 kilomètres et des kilomètres de tracteurs les uns derrière les autres et il

2 y avait véritablement un vrai embouteillage à la frontière.

3 Lorsque toutes ces routes convergeaient à proximité de la frontière, il

4 était assez difficile bien entendu de la traverser. Vous comprendrez

5 aisément que ces gens souhaitaient véritablement la traverser, cette

6 frontière, parce qu'ils avaient peur, et ce, jusqu'à leur arrivée en

7 Albanie.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Marcussen -- Maître Bakrac,

9 vous êtes debout ?

10 M. BAKRAC : [interprétation] Excusez-moi de vous avoir interrompu, mais je

11 voulais faire objection. Voulez-vous que je vous laisse parler ?

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En général, les objections sont basées

13 sur des questions. Objectez-vous à une réponse, cette fois-ci ?

14 M. BAKRAC : [interprétation] Non, Monsieur le Président. J'objecte à la

15 question et à la réponse. S'agissant de cette partie de l'interrogatoire

16 principal, je dois dire que nous n'avons reçu aucune déclaration. C'est la

17 première fois que nous entendons parler de ces rubans.

18 Il va falloir faire revenir tous les témoins factuels et procéder à un

19 contre-interrogatoire de ces derniers sur cette question. Jusqu'à présent,

20 on ne nous avait communiqué aucune information sur une quelconque

21 organisation ni sur de quelconques rubans, ni dans le cadre des documents

22 soumis au titre de l'article 65 ter ni dans les autres déclarations de

23 témoins ou de celui-ci, en tout cas.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que certains de vos collègues

25 ne vont pas être très contents d'entendre cette proposition. Ils risquent

26 même d'être horrifiés. J'allais demander à M. Marcussen, si vous m'en aviez

27 laissé le temps, si vous n'aviez pas été en mesure de trouver le moindre

28 témoin qui s'était vu remettre un ruban dans le cadre de cet exode.

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1 Je dois dire que c'est la première fois que j'entends parler de cela

2 puisque nous n'avons pas entendu de réfugiés qui aient reçu de tels rubans,

3 même si M. Bakrac propose de les faire revenir pour vérifier.

4 M. MARCUSSEN : [interprétation] Ce témoin présente des éléments de preuve

5 indirects faisant état de rubans remis aux gens qui ont quitté le Kosovo.

6 C'est son témoignage. C'est un témoignage fondé sur le ouï-dire. Nous ne

7 disons rien d'autre que cela.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais les réponses font état d'un

9 processus bien organisé permettant de répartir ces flux de réfugiés se

10 dirigeant vers la frontière. Vous ne pensez pas que la Chambre de première

11 instance va confirmer cette procédure bien organisée si vous n'êtes pas en

12 mesure de nous présenter quelqu'un qui a bénéficié d'un tel système, n'est-

13 ce pas ?

14 M. MARCUSSEN : [interprétation] Il faudra consulter l'ensemble des

15 témoignages et des éléments de preuve. Une fois que nous les aurons tous,

16 et peut-être que sur la base de votre observation, il faudrait que je tire

17 au clair quelque chose avec le témoin, si vous me le permettez, à savoir

18 d'où --

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] S'agissant de la question de la

20 notification de l'information, c'est quelque chose dont la Défense n'a

21 jamais été informée ?

22 M. MARCUSSEN : [interprétation] Manifestement, les résumés présentés au

23 titre de l'article 65 ter dans la présente affaire sont des résumés de

24 déclarations dans une forme synthétique, déclarations de témoins. Ce témoin

25 se trouvait manifestement à la frontière. Je lui ai posé une question à

26 savoir ce qu'il avait vu au moment où il s'y trouvait, et nous avons

27 entendu sa réponse.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] L'une des questions fondamentales pour

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1 nous en l'espèce, c'est d'établir un lien entre tout acte criminel dont

2 l'existence a été prouvée et un ou les accusés. Si vous me le permettez, il

3 n'y a guère d'éléments de preuve qui nous permettent d'établir ce lien.

4 Chaque fois que vous en trouvez, ce sont des éléments importants.

5 Ici, on vous suggère un système bien organisé qui consiste à guider les

6 gens quittant le Kosovo. On pourrait interpréter cela comme la réflexion

7 d'un nettoyage ethnique, et j'aurais pensé - et je m'exprime à titre

8 individuel - j'aurais pensé que si vous saviez que c'était là la manière

9 dont cet exode avait été partiellement organisé, que vous en auriez fait

10 part à la partie adverse. Etes-vous en train de nous dire que c'est quelque

11 chose que vous saviez et que vous n'avez pas fait figurer dans votre

12 résumé ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le permettez

14 --

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, je m'adresse à M.

16 Marcussen.

17 Excusez-moi.

18 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je ne me souviens pas si pendant la séance

19 de récolement, on a parlé de cela. Nous avons eu une session d'une heure.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci ne figure pas dans la déclaration

21 préalable. Ceci ne figure pas dans la transcription de l'affaire Milosevic.

22 Peut-être que c'est à cause du temps perdu dans la façon dont le contre-

23 interrogatoire a été mené, mais en tout cas le Procureur, dans l'affaire

24 Milosevic, n'a pas présenté cette information. A quel moment cette

25 information est apparue pour la première fois ?

26 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je ne me souviens pas si cela a été

27 mentionné hier quand j'ai rencontré l'ambassadeur Vollebaek. J'essaie de

28 m'en souvenir.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il propose de nous aider. Je me

2 demande si vous pouvez nous aider, mais si vous avez vraiment quelque chose

3 à nous dire sur ce point précis, nous allons vous écouter.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. Je suis désolé si j'ai

5 compliqué les choses en vous donnant une mauvaise réponse. C'est vrai que

6 je n'ai pas cela dans la déclaration préalable. Je ne sais pas pourquoi que

7 je ne l'ai pas dit à nouveau, mais c'est quelque chose qu'on nous a dit.

8 Evidemment, il s'agit de preuve indirecte.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne veux pas aborder à nouveau ce

10 sujet.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour l'instant, nous souhaitons savoir

13 de quelle façon le Procureur a appris cela.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je lui ai mentionné cela hier.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.

16 [La Chambre de première instance se concerte]

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il est possible, on m'a dit que nous

18 avons peut-être entendu quelques éléments corroborant cette information.

19 Cette information viendrait de ces hommes de foi qui -- mais là on vous

20 parle vraiment de mémoire et il est difficile de se souvenir de tout ce qui

21 a été dit en l'espèce. Cet homme de religion a dit qu'il portait quelque

22 chose de blanc, quelque chose qu'on lui avait donné. Peut-être qu'il y a

23 des éléments allant dans ce sens, mais peut-être c'est quelque chose qui ne

24 s'est jamais présenté.

25 Qu'il s'agisse de quelque chose qui est vrai ou non, on ne pourrait

26 pas ne pas accepter cette information. C'est malheureux qu'au cours de la

27 phase préalable au procès, on ne se soit pas concentré sur les points qui

28 sont vraiment importants pour le procès en l'espèce. C'est malheureux que

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1 des déclarations préparées pour un autre procès soient utilisées sans

2 qu'elles soient revues et corrigées, ou en tout cas, si c'est le cas, cela

3 s'est fait à la dernière minute.

4 Nous avons déjà dit cela, mais nous considérons qu'il est important de le

5 répéter parce que ceci pourrait porter préjudice dans ce système

6 contradictoire par rapport à la présentation de preuves du Procureur. Nous

7 allons tout de même permettre que l'on présente ces éléments. Je sais que

8 cela rend les choses plus difficiles pour la Défense. Ensuite, on va

9 aborder cette nouvelle difficulté à laquelle la Défense doit faire face.

10 Nous allons leur accorder le délai nécessaire pour qu'il n'y ait pas de

11 problème par rapport à l'admission de ces nouveaux éléments.

12 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je vais m'arrêter à ce point avec ce

13 témoin. Je n'ai pas d'autres questions à lui poser dans le cadre de

14 l'interrogatoire principal.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Vollebaek, vous étiez à la

16 frontière, et quand vous étiez à la frontière vous avez pu parler avec les

17 gens. Cette période a duré une journée ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pendant combien de temps vous avez pu

20 parler avec les gens, avec ces gens directement ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Si mes souvenirs sont exacts, on est arrivé de

22 Tirana et je pense qu'on est arrivé à peu près à midi ou autour de midi, et

23 on est resté jusqu'à peu près dans l'après-midi.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez parlé avec des

25 personnes individuellement ou est-ce que vous vous êtes tout simplement

26 contenté d'observer le processus auquel participait votre personnel quand

27 il s'agissait de connaître les détails des réfugiés qui arrivaient ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais là, en train d'observer. J'ai vu

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1 différentes activités qui se sont passées; il y a eu beaucoup

2 d'organisations qui ont participé à tout cela. Les gens avaient voyagé

3 depuis un moment. Il y avait des organisations qui leur donnaient de l'eau

4 dès qu'ils passaient la frontière, ou une miche de pain. La deuxième fois

5 qu'ils se sont arrêtés ensuite, au niveau du troisième point d'arrêt, je me

6 souviens que l'OSCE était là et qu'ils prenaient leurs informations, ou la

7 Croix-Rouge internationale.

8 J'étais là près de la frontière et, par le biais des interprètes, je me

9 suis entretenu avec les gens au fur et à mesure qu'ils passaient la

10 frontière.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez parlé avec ces

12 gens ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, par le biais des interprètes.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez aussi entendu ce

15 qu'ils racontaient aux personnes qui les interviewaient, aux personnes qui

16 enregistraient les informations les concernant ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, brièvement, mais pas longtemps.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

19 Monsieur O'Sullivan, quel sera l'ordre des contre-interrogatoires ?

20 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous allons suivre l'acte d'accusation, et

21 je n'ai pas de questions.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

23 Monsieur Fila.

24 M. FILA : [interprétation] J'ai des questions, en revanche.

25 Contre-interrogatoire par M. Fila :

26 Q. [interprétation] Monsieur Vollebaek, je vous souhaite bonjour. Je

27 m'appelle Toma Fila et je suis l'avocat qui représente les intérêts de

28 Nikola Sainovic. Je voudrais commencer par la question de Rambouillet. Vous

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1 en avez parlé.

2 M. FILA : [interprétation] Je voudrais vous rappeler les faits que M.

3 O'Sullivan a versés en tant que pièce de la Défense, un livret contenant

4 des documents de Rambouillet. Dans ce livret se trouve l'accord Milosevic-

5 Holbrooke ainsi que les documents dont a parlé M. Vollebaek. Ces documents

6 parlent pour eux-mêmes, mais M. Vollebaek a décrit la situation d'une façon

7 un peu différente, donc je me vois obligé de lui poser quelques questions.

8 Q. Nous, le conseil de la Défense, nous défendons l'argument qu'à

9 Rambouillet, la délégation serbe était dirigée par le Pr Ratko Markovic qui

10 a signé un document politique. C'était un document politique, il était

11 appelé comme cela. On s'est mis d'accord, on a accepté un principe de

12 réfléchir à la portée, à l'importance de la présence internationale quand

13 il s'agit de mise en œuvre de cet accord. Ce que la délégation serbe n'a

14 pas accepté, c'était la présence militaire de l'OTAN. Est-ce que vous êtes

15 d'accord avec cela ?

16 R. Je ne me souviens pas exactement de la nature de cet accord

17 puisque je n'ai pas participé aux négociations, mais à l'époque,

18 effectivement, j'ai pu avoir accès à cet accord politique, comme vous

19 l'avez appelé. Je pense que vous avez raison, puisque je discutais avec M.

20 Milosevic et nous avons parlé justement de la présence d'une force

21 internationale à la tête de laquelle se retrouverait l'OTAN. Je pense que

22 c'est à peu près cela, que c'est ce qui s'est passé il y a huit ans, même

23 si je n'ai pas pu revoir les papiers.

24 Q. Très bien. Ensuite, à Paris, quand ils se sont à nouveau rencontrés, la

25 délégation serbe n'a pas abandonné cet accord politique qui était déjà fait

26 - ou la délégation yougoslave, puisqu'à l'époque c'était encore la

27 Yougoslavie - n'a pas voulu signer les documents en entier où on parlait de

28 l'entrée des troupes de l'OTAN et de la teneur d'un référendum sur

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1 l'indépendance du Kosovo.

2 C'est le document que la délégation serbe ou yougoslave ne voulait pas à

3 l'époque signer, et en ce qui me concerne personnellement, je peux vous

4 dire qu'aucune personne normalement constituée, saine d'esprit, ne le

5 signerait aujourd'hui. Mais ce n'est pas une question, cette dernière

6 partie, c'est un commentaire que je vous fais.

7 R. Je ne sais pas exactement ce qui a fait l'objet de cet accord et ce qui

8 n'a pas fait l'objet de cet accord. Je me souviens qu'à l'époque, quand on

9 s'était à nouveau rencontré à Paris, il y a toute une série de questions

10 qui ont été acceptées, et ensuite il y a eu une petite pause à nouveau des

11 discussions, et c'est tout simplement mes souvenirs, ce dont je vous parle

12 à présent.

13 Q. Très bien. C'était pour situer tout cela dans le contexte, mais là je

14 vais vous poser mes vraies questions.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non, ce n'est pas une question

16 que vous deviez poser, Monsieur Fila. Si les choses étaient aussi simples,

17 à savoir que le terme qui entrait dans l'équation, c'est-à-dire, que

18 faisait partie de ces négociations un point qui devait mener de façon

19 inévitable à un référendum en l'espace de trois ans ou au bout de trois

20 ans, c'est un point très important par rapport à ces négociations et

21 probablement par rapport à la non- réussite de ces négociations, puisque le

22 Procureur s'efforce de prouver que les accusés avaient leur mot à dire là-

23 dedans, c'est-à-dire qu'ils sont la cause de la non-réussite de ces

24 négociations.

25 Monsieur Vollebaek, est-ce que vous dites que vous n'étiez pas au courant

26 d'un changement aussi radical entre Rambouillet et Paris ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci s'est passé il y a huit ans, et je dois

28 faire attention, mais si mes souvenirs sont exacts, pour être un peu

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1 personnel, si vous voulez, je n'étais pas d'accord et à l'époque j'ai été

2 mécontent de voir que ceux qui ont négocié ont permis qu'il y ait une pause

3 puisque j'ai pensé que c'était vraiment quelque chose qu'il ne fallait pas

4 faire parce que ces négociations sont allées assez loin.

5 Comme je n'étais pas un expert, je voyais que c'était contradictoire,

6 que c'était quelque chose qui allait contre l'expérience que j'avais. Quand

7 vous êtes tout près d'un accord et tout d'un coup les gens qui négocient

8 s'en vont, c'est quelque chose qui n'est pas toujours très utile.

9 C'était, si vous voulez, comme cela que je voyais les choses. Je

10 pensais que ceci ne devait pas se passer et qu'il y avait un certain nombre

11 de points que les Serbes ou les Yougoslaves pouvaient tout simplement ne

12 pas accepter. Il y avait toute une série de questions qui étaient de cette

13 nature-là. Il n'y en avait pas une seule.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est encore plus important, je pense.

15 Corrigez-moi si j'ai tort, mais je pense que la position de la Défense ici

16 était qu'ils ne voulaient pas que ces négociations ne soient pas une

17 réussite, mais au contraire qu'ils voulaient que les négociations

18 réussissent. C'est plutôt l'équipe internationale qui a fait en sorte que

19 cela ne marche pas, que ceci ne soit pas couronné de succès puisqu'ils ont

20 ajouté une clause qui n'était pas acceptable.

21 M. FILA : [aucune interprétation]

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il a été proposé que les Américains

23 insistaient sur la question de référendum dans cet accord et qu'ils avaient

24 aussi l'intention que l'OTAN bombarde la Serbie. Si vous n'avez pas cette

25 impression-là, est-ce que vous pouvez dire ce que vous pensez de ce qui se

26 passait ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous devriez poser la question aux Américains

28 au sujet de cela, et pas à un Norvégien. J'avais l'impression au moment de

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1 cette pause que le gouvernement yougoslave pensait que les questions

2 concernant les Albanais de Kosovo étaient des questions difficiles et je ne

3 comprenais pas pourquoi.

4 Pour être plus clair, à l'époque j'ai été parfaitement contre

5 l'indépendance du Kosovo et, de mon point de vue en tant que le chef de

6 l'OSCE, je n'avais aucune raison de souhaiter une Kosovo indépendante.

7 C'était une question de principe, mais il y avait quand même toute une

8 série de questions avec lesquelles nous devions faire face, nous, au sein

9 de l'OSCE et qu'il fallait résoudre.

10 Je me suis dit qu'un Kosovo indépendante pourrait ouvrir d'autres

11 problèmes. Personnellement, j'avais un problème là-dessus.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

13 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] J'ai une question, Mon Excellence.

14 Est-ce que vous pensez que ceci devait être comme Aaland en Finlande ? Est-

15 ce que vous avez suggéré cela ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je sais qu'il y avait quelques

17 organisations non gouvernementales qui ont travaillé là-dessus. Ils

18 prenaient la solution du gouvernement local à Aaland, c'est un exemple qui

19 a été cité. Je n'ai jamais cité cela comme un exemple.

20 J'ai dit à M. Milosevic à plusieurs reprises qu'il fallait trouver

21 une espèce d'"autonomie" ou une façon dont les Albanais du Kosovo pouvaient

22 avoir le droit d'utiliser leur langue, leurs écoles, leur religion, avoir

23 quelques droits humains de base. C'était quelque chose qui me préoccupait

24 vraiment.

25 Mais je me souviens qu'on a discuté de différentes façons dont ceci

26 pouvait être organisé, et vous saviez qu'il y a eu différentes

27 constitutions en Yougoslavie. En vertu de ces différentes constitutions, le

28 statut du Kosovo a été différent. Je me souviens que j'avais dit à

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1 Milosevic que je n'allais pas discuter de cela, mais qu'il fallait quand

2 même accepter qu'il y ait différentes façons d'aboutir à la réalisation de

3 ces droits.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Fila.

5 M. FILA : [interprétation] Tout d'abord, d'après cet accord politique, les

6 Albanais avaient le droit à l'éducation et à la langue. En ce qui concerne

7 la question que vous avez posée, Monsieur le Président, au sujet de Aaland,

8 justement c'est ce que la délégation serbe offre aux Albanais à présent. On

9 l'a à l'époque aussi proposé, mais ce qu'ils voulaient et ce qu'ils

10 souhaitaient, c'est l'indépendance.

11 Q. Monsieur, à quel moment vous avez pris la direction de l'OSCE et de la

12 mission ? C'était en janvier 1999 ?

13 R. Oui, c'était officiellement le 1er janvier 1999.

14 Q. Cette présidence a duré pendant une année ?

15 R. Oui, c'est exact.

16 Q. Vous avez dit que la mission a terminé son travail puisque le 20 mars

17 1999, vous avez demandé le retrait des observateurs, et c'était quatre

18 jours avant les frappes aériennes. C'est un terme que vous utilisez. Pour

19 nous, c'est un autre terme, c'est l'agression de l'OTAN, puisque le Conseil

20 de sécurité n'a pas pris de décision par rapport aux participants à ces

21 frappes.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous demande, Monsieur Fila, de

23 vous concentrer aux questions. On vous a déjà laissé beaucoup de marge,

24 beaucoup de liberté pour faire vos commentaires.

25 M. FILA : [interprétation] Merci de m'avoir permis d'avoir dit ce que j'ai

26 déjà dit. Je ne vais pas le répéter.

27 Q. Ensuite, voici ma question. Je me réfère à un témoin. Nous en avons eu

28 un certain nombre - mais là me réfère au témoin Adan Merovci, page 8 524,

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1 qui a dit que déjà à Paris - M. Robin Cook et M. Huber Vedrine - et vous

2 avez dit que vous avez participé à ces négociations - avaient dit que la

3 Serbie et la Yougoslavie allaient être bombardées en l'espace de deux ou

4 trois jours.

5 Ils sont ensuite allés voir M. Clark à Bruxelles, et M. Clark leur a

6 dit de déplacer leurs femmes et leurs enfants, et même eux-mêmes, qu'il ne

7 fallait pas qu'ils soient dans les rues puisqu'il allait y avoir des

8 frappes aériennes de l'OTAN au Kosovo d'ici quelques jours. Est-ce que vous

9 le saviez à l'époque ? Est-ce que vous saviez que si jamais on ne signait

10 pas l'accord à Paris, qu'il y allait y avoir des frappes aériennes ?

11 R. Permettez-moi de revenir un peu en arrière. Tout d'abord, quand la

12 Défense dit qu'il s'agissait d'une agression menée par l'OTAN, pour moi

13 c'était mené par l'ONU, même si le mandat n'était pas entier.

14 J'aurais voulu qu'il y ait un mandat plus clair, plus complet, mais

15 toujours est-il que l'ONU a accepté d'utiliser le langage du chapitre 7.

16 C'est une question de principe. Pour moi, c'est important de comprendre

17 cela.

18 Q. Excusez-moi, je vais vous interrompre parce que vous ne m'avez pas

19 compris, parce que là on a l'impression que vous avez dit autre chose.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je suis tout à fait d'accord. Il

21 a peut-être compris plus de choses par rapport à la question que vous avez

22 posée, mais laissez-le répondre.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous savez, j'étais ici il y a cinq ans, et à

24 l'époque on m'a accusé de cela. Mais bon, en ce qui concerne la situation

25 par rapport aux observateurs de la mission au Kosovo, cette situation s'est

26 détériorée. Ils étaient agressés et ils ont été attaqués à plusieurs

27 reprises, et certains de mes collègues, des ministres des Affaires

28 étrangères d'autres pays, ont menacé de retirer les membres de leurs

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1 équipes parce qu'ils disaient que ceci devenait politiquement impossible

2 d'avoir ces gens là-bas, sur place.

3 Je leur ai dit de ne pas le faire parce que ceci mettrait en danger la

4 mission toute entière et ceci montrerait à M. Milosevic qu'il y avait un

5 certain désaccord entre différents membres du groupe. Je leur ai dit :

6 "Tant qu'il y a des négociations, tant qu'ils y a des négociations en

7 cours, nous n'allons pas nous retirer. Soyez d'accord avec moi, tant que

8 Milosevic et le gouvernement yougoslave acceptent de négocier, nous devons

9 avoir les troupes et nos forces sur le terrain -- pas les troupes et les

10 forces, mais les observateurs."

11 La raison pour ceci, c'est que je ne voulais faire rien qui pouvait

12 mettre en danger ces négociations. Au moment où les négociations de

13 Rambouillet ont échoué, j'étais à court d'arguments, j'avais perdu, donc je

14 devais accepter que je n'avais plus aucune raison de garder les

15 observateurs sur le terrain puisqu'il n'y avait plus de négociations. Je

16 savais des médias, d'ailleurs, qu'il allait peut-être y avoir des attaques

17 militaires au Kosovo après cela. Mais je ne savais pas. Je savais que cela

18 allait se produire. Comme vous allez le voir dans la transcription de ma

19 déclaration, j'en ai parlé le 24 mars dans l'affaire Milosevic.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'avais du mal à comprendre à quel

21 moment la décision d'attaquer la Serbie a été prise. Est-ce qu'elle a été

22 prise avant les négociations, elle dépendait de l'échec éventuel de ces

23 négociations, ou est-ce que c'est quelque chose qui a été fait après les

24 négociations ? Est-ce que vous avez une réponse à cela ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour moi, c'était aussi difficile de

26 comprendre cela. C'est quelque chose que je ne sais pas. Vous devez poser

27 la question à quelqu'un d'autre.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous sommes plus près de celui qui

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1 connaît la vérité, mais je pense que nous n'avons pas vraiment la réponse.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me dites qui détient la réponse,

3 j'aurais aimé l'avoir, la connaître moi aussi.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Fila.

5 M. FILA : [interprétation]

6 Q. Peut-être que M. Huber Vedrine connaît la réponse. Puisque M. Cook est

7 maintenant avec nous, vous savez qu'il en savait plus. Est-ce que vous

8 savez si l'ambassadeur Mayorski, qui aussi ne voulait pas signer à Paris,

9 est-ce qu'il le savait, le représentant russe ?

10 R. Oui, peut-être qu'ils en savaient plus. C'est l'impression que j'ai moi

11 aussi.

12 Q. Bien. Vous avez parlé de votre rôle par rapport à la Mission de

13 vérification au Kosovo, et nous allons parler de cela. Vous avez dit que

14 vous aviez affaire avec les dirigeants de la mission et que celui qui

15 dirigeait la mission sur le terrain, c'était l'ambassadeur Walker. C'est ce

16 que vous avez dit.

17 R. Oui, c'est exact.

18 Q. Il y a quelque chose que je n'ai pas très bien compris. Qu'est-ce que

19 vous entendez par la direction de la mission et la structure de la

20 mission ? Je n'ai pas très bien compris, donc c'est pour cela que je vous

21 pose la question.

22 R. Excusez-moi, je n'ai pas compris la question. Est-ce que vous parlez

23 des dirigeants à Belgrade ?

24 Q. Non, non. Vous avez dit que vous étiez chargé de diriger la mission et

25 vous étiez aussi responsable de la structure de la mission au Kosovo, et

26 c'est cela qui m'intéresse. Qu'est-ce que cela comprend ? Qu'est-ce que ce

27 travail ? Cette fonction, qu'est-ce qu'elle comprend ?

28 R. Merci. L'OSCE, c'est une organisation basée sur le consensus, elle a

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1 son secrétaire général puis aussi un président en exercice qui est le

2 premier ministre d'un pays membre et qui change tous les ans. Les décisions

3 politiques au niveau de l'OSCE étaient des décisions politiques

4 quotidiennes de l'organisation et sont prises par le président en exercice,

5 parfois en consultation avec deux autres ministres ou les présidents des

6 années d'avant ou les présidents à venir. Il s'agit de trois personnes.

7 Mais il y a pas mal de missions sur le terrain qui dépendent de l'OSCE. La

8 Mission de vérification au Kosovo en était une, et ils ont aussi leurs

9 dirigeants. Ce dirigeant a une autorité au niveau du pouvoir, au niveau

10 local, mais le président en exercice peut aussi être consulté par rapport à

11 toute cette série de questions.

12 Q. Très bien, j'ai compris, mais en ce qui concerne les détails, par

13 exemple le nombre précis d'observateurs, le nombre de localités, et cetera,

14 qui décide de tout cela ?

15 R. A l'époque je le savais, j'étais au courant de tout cela, mais

16 maintenant je pense qu'ils étaient 300. Je ne me souviens pas de tout cela.

17 Q. Je ne vais pas vous forcer à vous rappeler de tous les détails, mais

18 vous comprenez que ce sont des choses importantes, donc je voudrais savoir

19 si l'ambassadeur Walker qui était le chef sur le terrain, est-ce qu'il

20 envoyait ses rapports écrits à l'OSCE ou à vous directement ? Ceci concerne

21 la situation sur le terrain.

22 R. Il existe des règles pour la transmission des rapports. Je ne sais pas

23 quelle était la fréquence de ces rapports, mais un certain nombre de

24 rapports ont été envoyés à l'OSCE concernant la situation sur le terrain.

25 Je ne pense pas avoir lu tous ces rapports. J'aurais pu, certes, mais le

26 secrétaire de l'organisation à Vienne les a tous.

27 Q. Très bien, je comprends. S'agissant des rapports présentés par M.

28 Walker, il faudrait que nous nous adressions au secrétariat de l'OSCE à

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1 Vienne; c'est bien cela ?

2 R. Oui, c'est exact.

3 Q. Merci.

4 [Le conseil de la Défense se concerte]

5 M. FILA : [interprétation]

6 Q. Vous avez déclaré que vous aviez contacté Zivadin Jovanovic, le

7 ministre des Affaires étrangères, à plusieurs reprises. Je dispose de ces

8 rapports. Je ne vous les présenterai pas, car ce n'est pas vous qui les

9 avez rédigés, mais d'autres personnes. Toujours est-il, j'aimerais savoir

10 si vous pouvez nous dire si les réunions auxquelles a participé Nikola

11 Sainovic étaient constructives. Comment est-ce que vous les qualifieriez ?

12 R. Il m'est difficile de vous décrire ces réunions. Parfois, elles étaient

13 un peu constructives, et j'avais l'impression que nous allions de l'avant,

14 que les choses progressaient. Mais très souvent, j'avais le sentiment que

15 nous allions droit dans le mur. Certains cas ont pu être résolus.

16 Il y a eu une affaire d'otage, notamment, que nous avons pu résoudre.

17 La déclaration de l'ambassadeur Walker, qui avait été qualifiée de persona

18 non grata, j'ai réussi à résoudre ce problème-là. Nous avons pu résoudre

19 certaines questions, mais avec le recul, je ne pourrais pas qualifier ces

20 réunions de réunions constructives.

21 Q. Merci. Comment se fait-il que vous n'ayez jamais vu l'accord conclu

22 entre Milosevic et Holbrooke ? Comment se fait-il que personne ne vous

23 l'ait jamais montré ? Nous l'avons dans un jeu de documents concernant

24 Rambouillet.

25 R. C'est une bonne question. A l'époque, tout du moins avant Rambouillet,

26 on considérait cela comme une entente. Il ne s'agissait pas vraiment d'un

27 accord conclu dans le cadre des activités de l'OSCE.

28 C'est l'ambassadeur Walker qui avait pris cette initiative. Il voulait

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1 apporter son concours. Je ne sais pas si c'est Holbrooke qui a préféré que

2 ce document ne soit pas public ou si c'est M. Milosevic; toujours est-il

3 que ce document n'a pas été mis à ma disposition à ce moment-là.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce le moment est bien venu pour

5 faire la pause, Maître Fila ?

6 M. FILA : [interprétation] J'ai encore une question à poser, et ensuite

7 nous pourrons suspendre l'audience.

8 Q. A ce sujet, je souhaiterais vous poser la question suivante. Vous avez

9 dit que vous étiez allé sur une position de l'UCK. Est-ce que les hommes

10 qui s'y trouvaient portaient un uniforme ? Est-ce qu'ils étaient armés ?

11 Quel type d'armes portaient-ils ? Quelle a été votre impression à ce

12 moment-là ? Est-ce que vous pouvez nous décrire cela ?

13 R. Je n'ai pas pu comprendre quelle était la taille de cette armée ni sa

14 structure. On m'a conduit à deux postes, un poste militaire serbe et un

15 poste militaire de l'UCK. On voulait me montrer la proximité entre ces deux

16 postes, quelle était la situation dans la région, les tensions qui

17 existaient. On voulait me montrer également comment la MVK travaillait des

18 deux côtés. C'était la raison de mes visites.

19 M. FILA : [interprétation] Merci beaucoup.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître Fila.

21 Monsieur Vollebaek, nous devons suspendre l'audience pendant 30 minutes. Je

22 vous invite de suivre l'huissier, qui va vous raccompagner hors de ce

23 prétoire et vous indiquer l'endroit où vous pourrez attendre pendant la

24 pause.

25 [Le témoin se retire]

26 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Marcussen, est-ce que vous

28 pourriez m'indiquer de nouveau les références des documents précédant

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1 Rambouillet, ceux qui étaient du mois d'octobre ?

2 M. MARCUSSEN : [interprétation] Nous avons certains de ces documents. Il y

3 a des doublons, donc je demande aux Juges de la Chambre de faire preuve de

4 patience. Nous allons obtenir les bonnes références et nous vous les

5 communiquerons ensuite.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Nous reprendrons à 1 heure

7 moins 10.

8 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci.

9 --- L'audience est suspendue à 12 heures 22.

10 --- L'audience est reprise à 12 heures 51.

11 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Sepenuk, c'est à vous ?

13 M. SEPENUK : [interprétation] Oui, et nous n'avons pas de questions,

14 Monsieur le Président.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

16 Maître Ackerman.

17 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, je serai très bref,

18 très, très bref.

19 Contre-interrogatoire par M. Ackerman :

20 Q. [interprétation] Excellence, j'aimerais que nous reparlions de ce

21 moment où vous vous trouviez à proximité de la frontière en Albanie. Vous

22 nous avez parlé de ces rubans. Qui vous a accompagné sur place ?

23 R. J'étais accompagné de membres de mon équipe de l'OSCE. Il y avait peut-

24 être quelqu'un du gouvernement albanais. Je ne m'en souviens plus, mais il

25 y avait des gens de l'OSCE.

26 Q. Les gens qui travaillaient sur place savaient-ils que vous alliez venir

27 vous rendre sur place ce jour-là ?

28 R. Je n'en sais rien. Je ne m'en souviens plus. Ce dont je me souviens,

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1 c'est que je n'étais pas très satisfait de la présence et de l'organisation

2 des représentants de l'UNHCR. En tout cas, s'ils avaient été prévenus, ils

3 n'avaient pas pris la nouvelle très sérieusement. Mais il y avait un

4 certain nombre d'autres personnes bien organisées cette fois, des groupes

5 confessionnels locaux, des ONG locales qui étaient là déjà depuis un

6 certain nombre de jours.

7 Q. Etant donné votre statut, la nouvelle de votre présence et de votre

8 arrivée devait s'être répandue comme une traînée de poudre. Je pense que

9 tout le monde probablement avait su très rapidement que l'ambassadeur

10 Vollebaek était présent.

11 R. C'est possible. C'est tout à fait possible, mais comme je l'ai dit,

12 personne n'a fait ce qu'ils auraient dû faire s'ils avaient été au courant.

13 Q. A quelle distance vous trouviez-vous de la frontière au moment où vous

14 avez parlé à ces gens qui l'avaient traversée, cette frontière ?

15 R. C'était à la frontière même.

16 Q. Très bien. Qui avaient-ils rencontré, d'après vos observations, avant

17 que vous-même ayez eu la possibilité de leur poser des questions ?

18 R. Je ne pense pas qu'ils avaient eu la possibilité de voir qui que ce

19 soit parce qu'il y avait une queue très longue de personnes qui

20 attendaient, et je me trouvais littéralement à la frontière même et je les

21 voyais arriver. D'après ce dont je me souviens, ils n'ont parlé à personne

22 à part, bien sûr, les conversations qu'ils ont eues entre eux probablement.

23 Puis, une ONG les accueillait dès qu'ils traversaient la frontière, et on

24 leur donnait de l'eau et du pain.

25 Q. L'interprète qui était avec vous, cet interprète d'où venait-il ou

26 elle ? Comment vous êtes-vous retrouvé aux côtés de cet interprète ?

27 R. J'utilisais toujours les interprètes de l'OSCE.

28 Q. C'était quelqu'un qui travaillait pour l'OSCE, c'était un interprète

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1 officiel de l'OSCE pour l'albanais ?

2 R. Oui, c'est ce dont je me souviens.

3 Q. Très bien. Comment étaient les gens à qui vous avez adressé la parole,

4 les gens avec qui vous avez eu une conversation au travers de cet

5 interprète ? Comment choisissait-on ces gens ?

6 R. J'allais jusqu'à eux. Je leur disais bonjour et je leur parlais au fur

7 et à mesure de leur passage.

8 Q. Très bien.

9 R. Personne ne les a choisis pour moi.

10 Q. Très bien. Merci.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

12 Maître Bakrac.

13 M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne serai

14 guère plus long que mon collègue Me Ackerman.

15 J'aimerais me fonder pour ma première question sur une question déjà posée

16 par Me Ackerman, précisément.

17 Contre-interrogatoire par M. Bakrac :

18 Q. [interprétation] Vous souvenez-vous du poste-frontière où vous vous

19 trouviez ce jour-là, ce poste dont vous venez de parler avec Me Ackerman ?

20 R. Non, je ne me souviens plus de son nom, mais on pourra le savoir.

21 C'était dans la partie nord de l'Albanie. Je me suis rendu dans deux

22 postes-frontières; l'un en Macédoine, l'autre en Albanie. Mais je ne me

23 souviens plus du nom du poste-frontière. Cela doit être quelque part dans

24 les dossiers, dans les archives. Cela ne devrait pas être très difficile à

25 déterminer.

26 M. BAKRAC : [interprétation] Peut-être que ce n'est pas un véritable

27 problème pour moi, mais il me semble qu'il n'y a pas d'interprétation, et

28 je suppose que les accusés n'ont pas entendu l'interprétation de la réponse

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1 fournie par le témoin.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il n'y a pas d'interprétation ?

3 M. BAKRAC : [interprétation] Cela y est, maintenant nous entendons

4 l'interprétation. La réponse n'a pas été interprétée du tout et les accusés

5 ont réagi, d'ailleurs.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons entendre à nouveau la

7 réponse qui figure à la page 85, ligne 3 du transcript en B/C/S.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous voulez que je réponde ?

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, pas du tout. Les interprètes vont

10 simplement réinterpréter ce qui figure au compte rendu en B/C/S, en tout

11 cas j'espère.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que c'est fait, n'est-ce pas

13 ?

14 M. BAKRAC : [interprétation] Oui, tout à fait. Maintenant, toute la réponse

15 a été interprétée.

16 Q. Est-ce qu'en ce jour-là, ce même jour, vous vous êtes rendu à deux

17 postes-frontières distincts, l'un en Albanie et l'autre en Macédoine ?

18 R. Non, c'est faux. Au cours de ce processus-là, je me suis rendu dans

19 deux postes-frontières, l'un à Macédoine et l'autre en Albanie, mais pas le

20 même jour, à deux reprises, tout à fait distincts. Si vous me le permettez,

21 j'ajouterais qu'il n'y avait qu'un passage vers l'Albanie. Il n'y en avait

22 qu'un poste-frontière qui avait été emprunté par les réfugiés pour passer

23 en Albanie, mais comme je l'ai dit, on pourrait très facilement retrouver

24 le nom de ce poste.

25 Q. Merci. Excellence, au cours de l'interrogatoire principal à la page 44,

26 les deux dernières lignes 24 et 25 et la page 45, tout en haut, M.

27 Marcussen vous a posé une question s'agissant du début mars, où vous étiez

28 au Kosovo dans la région de Podujevo. Vous avez remarqué la présence de

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1 davantage de soldats que ne le permettait l'accord. De quel accord s'agit-

2 il ? Le compte rendu n'est pas très clair.

3 R. Il y avait un accord, un accord qui avait été signé entre, - et là

4 encore si ma mémoire ne me trompe pas - entre l'OSCE et le gouvernement de

5 la Yougoslavie concernant le nombre de soldats susceptibles d'être postés

6 au Kosovo. L'une des tâches de la caserne consistait à vérifier que les

7 dispositions de l'accord étaient bien respectées conformément à cet accord

8 signé avec l'OSCE.

9 Nous avons entendu, ou en tout cas j'ai reçu des rapports émanant de

10 la caserne faisant état d'un nombre croissant de soldats, ce qui pouvait

11 constituer une violation de l'accord. C'est aussi l'une des questions que

12 j'ai évoquée avec M. Milosevic lorsque je lui ai parlé au téléphone le 24

13 mars parce qu'il y avait une forte présence militaire lorsque j'ai visité

14 le Kosovo au début du mois de mars.

15 Q. Monsieur Vollebaek, vous souvenez-vous du nombre de soldats prévus dans

16 cet accord ?

17 R. Non.

18 Q. Excellence, que répondriez-vous si je vous disais que cet accord ne

19 prévoyait pas un nombre précis de soldats ?

20 R. Je vous dirais qu'à mon avis vous avez tort, mais je n'ai pas l'accord

21 sous les yeux. Mais j'avais l'impression et je continue à avoir

22 l'impression qu'il y avait eu un nombre de soldats qui avaient fait l'objet

23 d'un accord.

24 Q. En avez-vous l'impression ou en êtes-vous certain ?

25 R. Comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, tout ceci s'est passé il y

26 a huit ans et beaucoup de choses se sont produites dans la vie par la

27 suite. Je dois bien reconnaître, en toute sincérité, en toute honnêteté,

28 que je n'ai pas le souvenir exact de cela, mais en tout cas c'est

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1 l'impression que j'ai eue à l'époque.

2 Q. Vous m'avez répondu que c'était votre impression à l'époque, et cela

3 suffira. Merci. Je vais passer à une autre question.

4 Savez-vous que les représentants de l'OSCE, au moment des pourparlers de

5 Rambouillet avec des membres de l'armée de Yougoslavie, et nous avons

6 entendu des témoignages à cet effet, ont estimé qu'il y avait moins de

7 soldats sur place pour protéger la frontière de l'Etat d'incursions de

8 terroristes de l'Albanie ? Le savez-vous ?

9 R. Excusez-moi, je ne pense pas avoir compris la question. Pourriez-vous

10 la répéter, s'il vous plaît ?

11 Q. Savez-vous que les représentants de l'OSCE avec les membres de l'armée

12 de Yougoslavie ont estimé qu'il y avait une pénurie de soldats, notamment

13 afin d'assurer la protection de la frontière nationale, à l'époque qui nous

14 concerne, c'est-à-dire au moment où ont eu lieu les pourparlers de

15 Rambouillet ?

16 R. Pas à mon souvenir, mais peut-être que nous parlons de deux choses

17 différentes. La protection de la frontière, c'est une chose, puis il y a la

18 présence au sein du Kosovo qui en est une autre.

19 Q. Puisque vous nous avez dit qu'il y avait eu des rapports, vous

20 souvenez-vous du nombre de soldats qui étaient déployés sur le terrain ?

21 Avez-vous vérifié les chiffres ? Est-ce que vos vérificateurs disposaient

22 de chiffres s'agissant des effectifs déployés sur place ?

23 R. Peut-être, et c'est peut-être dans le rapport de Vienne. Je n'ai pas

24 les chiffres ici avec moi.

25 Q. Si je vous disais, Excellence, que des représentants de l'OSCE sont

26 venus déposer ici et que dans leurs dépositions se trouvent certaines

27 affirmations selon lesquelles ils n'avaient pas connaissance de chiffres

28 tels que cela, que diriez-vous ?

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1 R. Je serais surpris.

2 Q. Merci, Excellence. J'aimerais maintenant passer à un autre sujet. Il

3 s'agit du compte rendu, page 45, lignes 14 à 21. Il est question de la

4 visite du secteur de Podujevo au début du mois de mars. Je lis le compte

5 rendu, mais je ne comprends pas très bien.

6 Vous dites que vous étiez né dans le pays et que vous savez faire la

7 différence entre une botte de foin qui brûle et une maison en flammes. J'ai

8 pourtant eu l'impression, d'après ce que vous avez dit dans le cadre de

9 votre déposition, que vous n'avez vu que de la fumée plutôt que ce qui

10 était en train de brûler, n'est-ce pas ?

11 R. Si mon souvenir est bon, nous avons vu de la fumée, mais c'était de la

12 fumée qui provenait de groupes de maisons, et nous avons vu beaucoup de

13 maisons calcinées, des maisons détruites. Si je me souviens bien, à

14 l'époque, j'étais tout à fait convaincu qu'il ne s'agissait pas de bottes

15 de foin en train de brûler. Je l'ai dit à M. Milosevic de manière tout à

16 fait tranchée et claire. Je n'avais aucun doute à ce moment-là.

17 Q. Mais, Excellence, vous ne connaissiez pas les propriétaires de ces

18 maisons, n'est-ce pas ?

19 R. Les propriétaires, non.

20 Q. A la lecture des rapports, et nous avons ici aussi la déposition d'un

21 témoin de la MVK, ce n'était pas un témoin protégé, je peux même vous dire

22 qui c'était, Ciaglinski, page du transcript 6 902, et je peux même vous

23 lire ce qu'il dit, et je m'excuse de mon mauvais anglais. Je vais lire la

24 question et la réponse en anglais.

25 "Savait également du fait des activités de l'UCK et le fait qu'ils aient

26 pris le contrôle de grandes portions de territoires, 36 villages

27 supplémentaires ont fait l'objet d'un nettoyage ciblant les Serbes et

28 d'autres non-Albanais alors que la mission se trouvait au Kosovo."

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1 La réponse de M. Ciaglinski est la suivante : "Je pense que ce type de

2 nettoyage avait lieu de la part de l'UCK, oui."

3 Ce dont il est question ici, ce sont 36 villages, précisément dans le

4 secteur de Podujevo, là où vous vous trouviez. Avez-vous eu vent de ce type

5 de rapport ?

6 R. Oui, effectivement, nous avons reçu plusieurs rapports de la MVK

7 également sur les activités de l'UCK ou en tout cas par des Albanais du

8 Kosovo. Je ne sais pas si nous savions qu'il s'agissait de l'UCK, activités

9 ou actions qui constituaient des violations. Bien entendu, nous avons

10 réservé à ces actions-là le même traitement que nous avons réservé aux

11 autres. Au cours de cette visite, la MVK m'a dit, puisqu'elle le savait

12 sans doute, quel village était quoi et quel village je pouvais visiter.

13 J'ai vu que les villages qui avaient été détruits étaient les villages

14 albanais du Kosovo.

15 Q. Là encore, c'est une hypothèse, n'est-ce pas ?

16 R. Un peu plus qu'une hypothèse, parce que nous avions des rapports

17 d'assez bonne qualité précisant où vivait telle ou telle personne et qui

18 faisait quoi à qui. Au risque de me répéter, nous étions au courant

19 d'actions très graves d'Albanais du Kosovo qui ont fait l'objet d'objection

20 et de protestation de notre part, mais à cette occasion-là, il ne faisait

21 aucun doute que ces actes avaient été commis par des Serbes.

22 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas d'autres

23 questions à poser à ce témoin, Merci beaucoup.

24 Q. Merci, Excellence, d'avoir répondu à mes questions.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître Bakrac.

26 Maître Ivetic.

27 M. IVETIC : [interprétation] Je n'ai pas de questions à poser à ce témoin,

28 Monsieur le Président.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Marcussen, des questions

2 supplémentaires ?

3 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, mais je n'ai

4 pas de questions supplémentaires à poser au témoin.

5 [La Chambre de première instance se concerte]

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci met un terme à votre déposition

7 devant le Tribunal, du moins devant cette Chambre de première instance. Je

8 ne sais pas si vous serez rappelé plus tard. Je vous remercie une fois de

9 plus d'être venu témoigner ici. Vous pouvez disposer.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

11 [Le témoin se retire]

12 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous devons maintenant traiter de la

14 question des mesures de protection qui seront octroyées au témoin suivant,

15 le témoin K79.

16 Il vaudra sans doute mieux faire cela à huis clos partiel.

17 M. MARCUSSEN : [interprétation] Ce serait sans doute le mieux. Les

18 écritures portant sur cette question ont été déposées à titre confidentiel,

19 et je pense que nous devons continuer sur cette voie.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons passer à huis clos

21 partiel.

22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

23 [Audience à huis clos partiel]

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8 [Audience publique]

9 M. IVETIC : [interprétation] Nous avons dit que nous allons demander que le

10 bureau du Procureur ne soit pas permis de présenter les dépositions du

11 témoin à venir puisque cela va au-delà de l'acte d'accusation. Si vous

12 souhaitez, nous pouvons vous présenter des arguments oralement au sujet de

13 cela.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] De quoi il s'agit ?

15 M. IVETIC : [interprétation] Tout d'abord, il y a deux types d'informations

16 au moins qui se trouvent dans la déclaration du témoin qui sont

17 complètement en dehors de la période couverte par l'acte d'accusation. Il y

18 a des documents de 1998. Nous les avons répertoriés tous, et aucun des

19 événements de 1999 n'est lié aux actes d'accusation.

20 Il y a un certain nombre d'arguments que nous avons présentés par

21 rapport au Témoin 483, qui a été exclu, qui sont pertinents aussi pour ce

22 témoin, parce que le Procureur prend quelqu'un qui n'est pas pertinent pour

23 l'acte d'accusation et il essaie de le présenter en ayant pour but que les

24 Juges de la Chambre tirent des conclusions au sujet de la conduite alléguée

25 qui est pertinente par rapport à l'acte d'accusation. Pour nous, de telles

26 conclusions ne seront pas appropriées.

27 Le fait que ce témoin n'était pas sur la liste du mémoire préalable

28 au procès et des documents qui sont à l'appui de cette accusation et que

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1 l'acte d'accusation n'a pas été modifié pour inclure toutes les allégations

2 qui sont formulées par ce témoin nous met dans la situation carrément

3 identique à la situation dans laquelle nous étions avec le Témoin K83, où

4 nous avons eu beaucoup d'éléments, mais rien n'était lié de façon

5 spécifique ou générique avec l'acte d'accusation. C'est pour cela que nous

6 souhaitons que ceci soit enlevé de sa déposition.

7 Nous ne savons pas ce qui va rester avec ce témoin, si quoi que ce

8 soit va rester une fois qu'on allait enlever cela, mais nous avons besoin

9 d'avoir une décision claire, puisque ceci qui ne figure pas dans l'acte

10 d'accusation, nous n'avons pas à répondre à de telles allégations, puisque

11 les accusés n'ont pas été prévenus de cela.

12 Si vous souhaitez des détails, je peux faire une requête par écrit,

13 mais c'est la situation dans laquelle nous sommes.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'est-ce que vous pourriez ajouter

15 dans cette éventuelle requête écrite ?

16 M. IVETIC : [interprétation] Je pourrais identifier les paragraphes --

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Trouver ce qui n'est pas là ?

18 M. IVETIC : [interprétation] Oui, ce qui n'est pas là. Je n'ai pas trouvé

19 un seul paragraphe qui figure dans l'acte d'accusation, mais je pourrais au

20 moins essayer de les classer par catégorie, les séparer, donc séparer ceux

21 de 1998 par rapport aux autres, et cetera.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vos collègues sont d'accord

23 avec vous ?

24 M. IVETIC : [interprétation] Je n'ai pas eu la possibilité d'en parler avec

25 eux, donc je ne le sais pas.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Je pense que de toute

27 façon, la position d'un conseil suffit.

28 Monsieur Ackerman.

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1 M. ACKERMAN : [interprétation] Par rapport au dernier commentaire que vous

2 avez fait, ce témoin parle essentiellement des activités de police, et pour

3 nous il n'y a aucun intérêt à soulever une objection.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

5 M. ACKERMAN : [interprétation] Mais si cela va au-delà de la portée de

6 l'acte d'accusation, je suis tout à fait d'accord.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

8 Monsieur Marcussen.

9 M. MARCUSSEN : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez que je m'adresse

10 à ce sujet aux Juges de la Chambre ou est-ce que j'ai besoin de vous

11 présenter une requête par écrit ?

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous pouvez nous dire ce que vous avez

13 à dire à ce sujet.

14 M. MARCUSSEN : [interprétation] Ce témoin est clairement pertinent en

15 l'espèce même si mon collègue est tout à fait dans son droit pour dire

16 qu'il ne va pas parler de façon précise des événements qui figurent dans

17 l'acte d'accusation. Il a été mentionné qu'on n'a pas mentionné ce témoin

18 dans le mémoire préalable au procès, et cela aussi est exact, mais ce

19 témoin a uniquement donné sa déclaration au bureau du Procureur après que

20 le mémoire préalable au procès a été présenté ou à peu près à ce moment-là.

21 C'est pour cela qu'il n'y a pas de référence à ce témoin dans le mémoire

22 préalable au procès.

23 Le témoin a été ajouté à la liste des témoins juste avant le début du

24 procès. Sa déclaration a été communiquée à la Défense le 31 juillet. Il est

25 clair, depuis un moment, que ce témoin qui est pertinent pour nous allait

26 témoigner. C'est dommage que nous recevions ces objections au moment où le

27 témoin est déjà ici.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais, à votre avis, cette objection

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1 aurait dû être formulée quand ?

2 M. MARCUSSEN : [interprétation] Au moment où le témoin a été ajouté sur la

3 liste des témoins ou avant que nous avons dit que ce témoin allait venir,

4 et c'était il y a un mois. Nous donnons des notifications de façon

5 hebdomadaire par rapport aux témoins que nous souhaitons présenter.

6 Quand des choses comme cela se présentent au dernier moment, cela

7 veut dire que nous faisons venir le témoin, un témoin sensible de plus et

8 qui a été exposé à des dangers, a connu des dangers en venant ici pour

9 déposer, et c'est juste au dernier moment que nous recevons ces objections.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il y a un autre mécanisme

11 pour traiter de cela ? Je ne suis pas sûr qu'il y en a un.

12 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

13 M. MARCUSSEN : [interprétation] En tout cas, en ce qui concerne la

14 pertinence de sa déposition, une des questions qui va être soulevée, c'est

15 la question de savoir de quelle façon les opérations étaient menées au

16 Kosovo pendant la période de l'acte d'accusation. Comme il a été clairement

17 indiqué dans notre mémoire préalable au procès, le Procureur considère

18 qu'il existait un modèle qui a été créé en 1998, des opérations appelées

19 antiterroristes au Kosovo. Mais ceci comprenait une utilisation extensive

20 de la force. Nous avons reçu des dépositions concernant la planification de

21 ces opérations.

22 Ce témoin nous apporte des informations venant du terrain concernant la

23 façon dont ces opérations ont été exécutées. Le témoin a parlé des crimes

24 qui ont été commis au mois de septembre, au cours de la grande opération

25 qui a eu lieu au mois de septembre 1998. Nous avons mentionné cette

26 opération dans notre mémoire préalable au procès. Le témoin aura aussi à

27 déposer au sujet de la police, de la façon dont opéraient les unités

28 spéciales de la police de concert avec les membres de l'armée, à l'armée

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1 yougoslave à laquelle ils étaient attachés et par rapport à la compagnie

2 dont ils faisaient partie.

3 Ils ont reçu des chars et des Pragas qu'ils utilisaient pendant les

4 opérations, donc cette déposition concernant l'année 1998 est cruciale pour

5 évaluer la nature des opérations qui ont eu lieu en 1998, même de façon

6 similaire en 1999, d'après l'avis du Procureur. Le témoin peut aussi nous

7 raconter de quelle façon les troupes spéciales de la police ont été

8 organisées. Il va mentionner le nom d'un certain nombre de gens qui

9 faisaient partie des PJP. Il va aussi parler de leurs chiffres radio, ce

10 qui est des noms de code, ce qui est pertinent surtout quand il s'agit

11 d'évaluer la façon dont les PJP ont participé aux événements qui ont lieu à

12 Suva Reka les 25 et 26 mars 1999. C'est quelque chose qui est couvert par

13 l'acte d'accusation.

14 Puis aussi, il va parler des crimes qui ont été commis à 1999 de façon

15 assez précise, même si cela n'est pas directement lié avec nos sites où les

16 crimes ont été commis. Nous considérons que cette déposition est pertinente

17 pour évaluer la façon dont les opérations étaient menées à bien. Le témoin

18 va dire qu'il a reçu l'ordre d'expulser les Albanais du Kosovo, par

19 exemple, de leurs maisons, puis de leur dire de quitter le pays. Nous

20 considérons que ceci démontre bien qu'il existait un modèle de conduite, et

21 c'est particulièrement pertinent quand il s'agit d'évaluer les éléments

22 présentés en l'espèce et le niveau de préparation pour toutes ces

23 opérations qui ont eu lieu.

24 Le témoin a dit qu'avant les opérations, il a participé au mois de

25 septembre 1998, que son unité a reçu les ordres d'officiers qui étaient

26 avec Lukic à Pristina, il savait que son officier supérieur allait revenir

27 dans l'unité et lancer toutes ces opérations. Tout cela est extrêmement

28 pertinent.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman.

2 M. ACKERMAN : [interprétation] Si ce que dit M. Marcussen est correct, nous

3 avons un nouveau problème, et c'est le problème de ne pas avoir été

4 avertis, puisque nous n'avons pas été informés du fait que ce témoin allait

5 dire quoi que ce soit au sujet des opérations conjointes qu'il y a eu lieu

6 avec l'armée yougoslave.

7 Si le Procureur a ce type d'informations, il aurait dû nous les donner et

8 il ne l'a pas fait. Je n'ai pas été au courant de cela, ce n'est absolument

9 pas juste. Peut-être qu'il s'est trompé, peut-être que ce n'est pas cela

10 que le témoin va dire, mais si c'est le cas nous aurions dû en être

11 avertis.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Marcussen.

13 M. MARCUSSEN : [interprétation] La portée de sa déposition a été

14 communiquée entièrement à la Défense, ils ont été prévenus de cela. La

15 Défense avait pris très longtemps cette déclaration, à savoir depuis le 31

16 juillet de l'année dernière. C'est vrai que ce résumé en vertu de l'article

17 65 ter a été très bref, et c'était pour protéger le témoin, mais c'est

18 assez clair à partir du paragraphe 12 de la déclaration que l'unité du

19 témoin a mené des opérations de façon conjointe avec les unités de l'armée.

20 Il n'y a pas de surprise là-dedans. Quand nous avons dit que nous allions

21 présenter ce témoin la semaine dernière, nous avons dit de façon claire que

22 nous allions lui poser des questions par rapport à chaque paragraphe, à

23 chaque information figurant dans la déclaration préalable du témoin.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

25 Nous allons réfléchir à cela et décider de cela cet après-midi si

26 possible. Cette décision peut-être attendra demain matin, mais si possible,

27 dans la mesure du possible, nous allons prendre notre décision cet après-

28 midi et nous allons vous communiquer la décision demain, donc vous devez

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1 être préparés, prêts à toute éventualité demain. Nous levons la séance

2 jusqu'à demain, 9 heures.

3 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le jeudi 1er février

4 2007, à 9 heures 00.

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