Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 28 février 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic, la première chose à

6 rappeler ce matin, je confirme que la pièce 3D515 sera versée au dossier

7 comme vous l'aviez demandé.

8 M. VISNJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voulais

9 simplement vous faire part de ceci. Ce document concerne la déposition de

10 Jusuf Zhuniqi, Ali Hoti et Sabri Popaj.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Fort bien.

12 Nous allons maintenant entendre les arguments qu'ont les parties en ce qui

13 concerne le témoin Philip Coo et la déposition qu'il est censé faire, ainsi

14 que les moyens de preuve qui le concernent. Mais auparavant, quels sont les

15 documents que nous devrions avoir sous les yeux ? Nous ne voulons pas faire

16 double emploi en matière d'utilisation des documents. Soyons le plus clair

17 possible.

18 Monsieur Hannis, aidez-moi, s'il vous plaît.

19 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, vous devriez avoir le

20 rapport en deux parties de M. Coo en ce qui concerne les forces de la RFY

21 et de la Serbie. Est-ce que vous avez l'original non expurgé et la version

22 expurgée ?

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne pense pas qu'on ait besoin de la

24 version non expurgée, parce qu'apparemment ces expurgations sont faites par

25 suppression. Cela veut dire que les numéros de page seront ajustés dans la

26 version expurgée qu'on a maintenant.

27 M. HANNIS : [interprétation] Je voulais savoir si vous vouliez voir la

28 version non expurgée pour voir s'il y avait eu des omissions et quelles

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1 omissions c'étaient.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'avais demandé parce que j'avais mal

3 compris ce qu'on voulait dire par expurgation. Je pensais que cela

4 concernait des questions délicates. Je ne savais pas que cela concernait

5 uniquement la forme qui avait été utilisée pour adapter le rapport.

6 Maintenant, ce n'est pas nécessaire.

7 Document en deux parties.

8 M. HANNIS : [interprétation] Oui. Il y a un addendum.

9 Vous devriez avoir aussi un document de M. Coo qui s'appelle

10 "Document d'origine" et qui explique par quelle filière nous avons reçu les

11 documents qu'il utilise dans son rapport.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

13 M. HANNIS : [interprétation] Outre cela, il vous faudra avoir -- et ici,

14 c'est le document le plus récent, c'est sa déclaration préalable.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je l'ai.

16 M. HANNIS : [interprétation] J'ai reçu hier soir, avec un ajout, un

17 document en annexe qui reprend certains documents qui n'avaient pas été

18 décrits dans son rapport.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je viens de recevoir un nouveau

20 document qui comporte plusieurs cotes. Je ne vois pas où ceci s'intègre

21 dans cet ensemble.

22 M. HANNIS : [interprétation] Vous pourriez me décrire l'intitulé général.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cote, intercalaire, document en

24 anglais, onglet, part 1 un du rapport d'expert, puis date de communication

25 à la Défense.

26 M. HANNIS : [interprétation] Uniquement pour vous aider et pour mieux

27 suivre, les points repris en bas de page dans le rapport ou dans les

28 rapports. On énumère les numéros d'onglet, d'intercalaire, ainsi que les

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1 cotes concernées. Ce document que vous avez en main vous donne les cotes et

2 les onglets, parce qu'au moment où il a préparé son rapport, on n'avait pas

3 encore de cote.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Au fond, c'est une espèce de table des

5 matières.

6 M. HANNIS : [interprétation] Oui. En fait, voici ce que je vous propose de

7 faire si nous parvenons à un accord aujourd'hui à propos des expurgations

8 et si nous allons parvenir à l'examen de ce rapport. J'ai l'intention de le

9 compléter, ce rapport, en insérant les numéros de cotes dans les notes de

10 bas de page, outre les numéros d'onglets et d'intercalaires, parce que cela

11 vous fera une lecture plus aisée si vous avez ces cotes plutôt que de

12 devoir retourner à ce document, à cette table des matières.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Personnellement, je crois que c'est

14 essentiel. Merci de le faire.

15 M. HANNIS : [interprétation] Ce sera tout pour ce qui est de ces documents.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan, si j'avais bien

17 compris, c'est vous qui alliez prendre la tête, mais on nous a dit qu'il y

18 avait d'autres conseils qui voulaient apporter leur écho. Je suppose que

19 vous vous êtes mis d'accord de façon générale quant à la façon dont vous

20 allez présenter ces rapports sans empiéter l'un sur l'autre.

21 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Oui. C'est bien comme cela que nous

22 voulons faire.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez la parole.

24 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 Vous avez rendu une décision le 13 juillet en ce qui concerne M. Coo, page

26 840 du compte rendu d'audience, et vous avez décidé qu'il ne pouvait pas

27 témoigner en tant qu'expert parce qu'il était trop près, trop proche de

28 l'équipe chargée des poursuites, et que ceci ne met pas en cause son

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1 intégrité, son indépendance. Vous dites que c'est une question de

2 sensibilité, de perception davantage, et que la justice ne doit pas

3 simplement être rendue, mais que ce soit visible dans ce genre de cas de

4 figure.

5 Vous avez ajouté qu'il y aurait d'autres arguments quant aux

6 modalités suivies dans la déposition de M. Coo. Je me pencherais sur deux

7 points saillants. Le premier est le fait que M. Coo est très proche de

8 l'équipe chargée des poursuites. Les termes que vous avez utilisés dans

9 votre décision pour qualifier son indépendance, quand vous demandez si

10 c'est une indépendance réelle ou perçue, je pense qu'hier vers 19 heures

11 nous avons reçu la déclaration préalable de M. Coo préparée et signée de sa

12 main. Il présente de nouveaux éléments d'information que la Chambre devrait

13 tenir en compte pour ce qui est de ce premier point, sa proximité de

14 l'équipe du bureau du Procureur.

15 Deuxième élément, s'il vient témoigner en fin de compte, nous

16 aimerions parler des modalités suivies et qu'il conviendrait d'adopter vu

17 la situation de M. Coo. Parlons d'abord de la déclaration préalable reçue

18 hier soir, paragraphe 9, page 3. Voici ce qu'il dit de lui-même et de ses

19 rapports : "C'est surtout une synthèse, une présentation d'informations qui

20 se trouvent dans les documents cités dans les notes de bas de page des

21 rapports. Ce sont des informations obtenues dans des interviews de témoins

22 ou par la lecture des déclarations. Ce genre d'information n'est pas

23 inclus."

24 Je m'arrête un instant parce qu'ici, cette déclaration donne beaucoup

25 plus de détails sur la mesure dans laquelle il a mené des enquêtes dans ce

26 procès, dans la mesure dans laquelle il a procédé au récolement et à

27 l'interrogatoire de témoins. Je poursuis la lecture de ce paragraphe 9 :

28 "Là où il y a des évaluations, des commentaires contenus dans le rapport,

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1 c'est en appliquant mon expérience militaire générale à ces informations

2 contenues dans les pièces jointes que ceci a été fait, davantage qu'en me

3 basant sur d'autres sources."

4 Sauf le respect que je dois à M. Coo, s'il veut que nous croyions

5 qu'il peut simplement saucissonner les informations qu'il a absorbées en

6 tant qu'enquêteur, en tant que membre de l'équipe, qu'il travaille depuis

7 l'an 2000 à cette affaire, ceci met tout à fait en cause sa crédibilité. On

8 peut se demander pourquoi, pourquoi il ferait ce genre de saucissonnage, de

9 division, parce qu'il fait partie de l'équipe du bureau du Procureur, il a

10 pour mandat d'aider l'Accusation pour parvenir à la condamnation de nos

11 clients. Ce n'est pas un observateur objectif. Il n'est pas ici en tant que

12 Juge des faits, juriste, membre d'une fonction judiciaire, membre des

13 Juges. Il a travaillé dans ce procès, dans le procès Milosevic. Vraiment,

14 cela défie l'imagination que de croire que cet homme peut dire : "Ne vous

15 en faites pas, je ne vais pas tenir compte des interrogatoires que j'ai

16 menés. Je ne vais pas tenir compte des réunions d'équipe, de stratégies

17 dont j'ai fait partie alors que c'est le cas et je vais simplement vous

18 présenter des faits."

19 Il y a un instant, je l'ai dit. Je lisais ce qu'il y avait au

20 paragraphe 9. Il dit : "Les interrogatoires, les lectures de déclarations

21 préalables du témoin ne sont pas incluses." Mais si vous prenez le

22 paragraphe 10, il dit qu'il a participé à l'interrogatoire de trois des

23 accusés en l'espèce. Il a contribué à l'interrogatoire du général Pavkovic,

24 du général Lazarevic et du général Lukic lorsque ceux-ci ont fourni des

25 déclarations au bureau du Procureur. Paragraphe 11, que dit-il ? Il a aidé

26 à l'identification de témoins factuels, potentiels. Nous faisons valoir

27 ceci.

28 Ce n'est pas simplement un analyste militaire. Cet homme est un

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1 enquêteur qui travaille de façon très intense à la préparation de ce

2 procès, et ceci est confirmé, étayé par ces rapports.

3 Paragraphe 12, il dit, M. Coo, qu'il a apporté un conseil technique

4 au moment du récolement des témoins, les témoins John Crossland, Richard

5 Ciaglinski, Zlatimir Pesic et K82. Ce qu'il omet de dire, c'est ceci.

6 Ces témoins qu'il a interrogés, pas simplement dont il a fait le

7 récolement, qui sont-ils ? De la VJ, il a interrogé Nike Peraj. Il a

8 interrogé K73, Aleksandar Vasiljevic. Rappelez-vous, ces interrogatoires de

9 M. Vasiljevic se sont effectués sur une très longue période. Enfin, les

10 documents concernés faisaient deux classeurs. Il a interrogé John Crossland

11 de la MVK, de la Mission d'observation du Kosovo. Il a interrogé le général

12 Drewienkiewicz, Richard Ciaglinski, M. Loncar, Dusan Loncar du MUP, K25 et

13 Ljubinko Cvetic.

14 Pourquoi sommes-nous opposés à sa déposition ? C'est parce qu'il fait

15 le travail qu'a fait l'Accusation dans la rédaction de son mémoire

16 préalable au procès dans la présentation de ses propos liminaires. C'est là

17 que l'Accusation a présenté ses allégations retenues contre les accusés.

18 Elle a présenté les événements supposément survenus, et c'est dans le sujet

19 de cet acte d'accusation. C'est tout ce que fait M. Coo : il se contente ni

20 plus ni moins de répéter les allégations préparées par l'Accusation à

21 partir de ce que lui a lu de toutes ces sources, de tous ces documents

22 qu'il a examinés au cours des nombreuses années au cours desquelles il a

23 servi en tant que membre de l'équipe chargée des poursuites.

24 Ceci n'aide pas les Juges à se décider sur les chefs retenus contre

25 les accusés s'ils entendent M. Coo. Il fait l'analyse d'énormément de

26 documents. Certains de ces documents ont été versés au dossier, d'autres

27 pas. Vous avez indiqué le problème que posaient les notes de bas de page,

28 les intercalaires. A ce stade, il était pratiquement impossible à la

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1 Défense de déterminer, en lisant les notes de bas de page, si les points

2 qui sont mentionnés sont des pièces ou pas. Nous avons reçu ce tableau pour

3 la première fois hier soir. Certains de ces documents sont versés au

4 dossier, d'autres pas. M. Coo ne peut pas parler d'éléments versés au

5 dossier. Vous avez décidé de cela dès octobre dernier. Vous avez pris une

6 décision quant à la recevabilité d'éléments de preuve. Qu'est-ce qu'il

7 examine ? Il examine des constitutions.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense -- parce que cela,

9 c'est un sujet séparé. Il est important de tenir compte que dans cette

10 décision du mois d'octobre, nous avons dit clairement qu'une partie des

11 motifs que nous présentons, c'était l'absence de clarté. Quant à l'origine,

12 la provenance de certains de ces documents, et quant aux effets recherchés

13 en présentant ces documents, nous tenions compte d'éléments qui avaient été

14 exclus à ce stade, qui pourraient être présentés dans d'autres modalités,

15 dans d'autres circonstances, notamment par la présentation à travers la

16 déposition de témoin, donc je ne pense pas que cela ait été du tout une

17 décision définitive. Nous essayons de garder la maîtrise du feu du

18 document.

19 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je vous comprends. Est-ce qu'il est chargé

20 de montrer la filière de conservation de documents ? Cela, c'est une chose.

21 Quand on lit son rapport, on voit que cela va beaucoup plus loin que ceci.

22 Mais je tiens compte de ce que vous avez dit et j'accepte tout à fait ce

23 que vous avez déclaré.

24 Cependant, il y a des constitutions, la législation, mais il y a aussi des

25 références à des sources publiques, des livres, des sites Web, des

26 interrogatoires avec les accusés, comme j'ai déjà dit, des déclarations

27 faites par ceux-ci, des déclarations publiques dans certains cas. Un examen

28 de documents montre que M. Coo extirpe des phrases de procès-verbaux du

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1 conseil suprême sans aucun contexte. Alors qu'on peut avoir un document de

2 10 à 20 pages, il en retire une phrase et il vous dit ce que cette phrase

3 veut dire et ce que le locuteur de cette phrase voulait dire à cette

4 réunion-là. Cela se fait sans arrêt.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous pourriez me donner un exemple ?

6 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Dans un instant, s'il vous plaît.

7 Pratiquement tout, tout ce que M. Coo dit dans son rapport à propos des

8 éléments mentionnés en notes de bas de page, ce sont soit des commentaires,

9 des interprétations, des opinions, des conjectures, mais aussi des

10 conclusions. Prenons les rapports. Je fais valoir qu'ici, c'est un livre

11 qu'on ne peut pas juger simplement à regarder la couverture. On dit que

12 c'est un "Rapport d'analyste du bureau du Procureur". C'est présenté comme

13 étant un avis d'expert, et à part quelques expurgations qui s'appellent

14 "conclusions", c'est un rapport d'analyste.

15 Je ne vais pas parcourir tout le document avec vous, ce serait

16 inutile. Mais prenez la première partie du rapport de synthèse, première

17 partie, introduction. Ce sommaire va de la page 2 à la

18 page 5. Comparez ceci au mémoire préalable au procès. Il n'y a pratiquement

19 pas de différence. C'est ce que je vous disais auparavant. On parle

20 d'organisations armées, on parle de la VJ, du commandement Suprême, du MUP,

21 de la défense locale, du commandement conjoint, de la discipline, et cela

22 se termine par une partie intitulée "conclusion", la matière même de ce

23 document. Elle est pratiquement identique à ce que vous trouvez dans le

24 mémoire préalable au procès intitulé, elle est pareille, la conclusion

25 présentée sous forme de sommaire est pareille."

26 Prenons quelques exemples de cette première partie. Puis-je vous

27 demander de consulter la page ou la section A6 de cette première partie,

28 paragraphe 13 ? Je ne vais pas vous lire les paragraphes 13 à 15, mais ces

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1 paragraphes contiennent uniquement des avis des preuves quant à l'armement,

2 aux armes, la façon dont ces armes sont utilisées, l'effet que peuvent

3 avoir ces armes, la façon dont on peut les utiliser lors de combat, la

4 planification de combat. Ici, c'est un rapport d'expert. Il n'y aucun fait

5 dans tout ceci.

6 Je vous demande maintenant -- mes confrères vous demandaient

7 d'examiner d'autres parties de ces rapports. Maintenant, toute la première

8 partie, et je répète ce que je disais, vous ne trouverez que des

9 commentaires, des hypothèses, des histoires, des récits et l'avis qu'il a à

10 propos de ces documents.

11 Deuxième partie de ce rapport, première page, une fois de plus dans

12 cette deuxième partie on dit exactement les faits recherchés. Première page

13 de cette deuxième partie, introduction, page 1, deuxième paragraphe. Il dit

14 que cette partie examine les structures adoptées par les forces de la RFY,

15 la Serbie et Kosovo. On voit comment ces forces étaient commandées et

16 contrôlées. "En substance, ce rapport cherche à établir les structures et

17 les méthodes utilisées en première partie dans le contexte des événements…"

18 Le texte se poursuit, paragraphe 3, même page de ce document : "Les

19 documents évalués dans la deuxième partie étaient les descriptions faites

20 de l'organisation interne de la VJ du MUP …"

21 Il le reconnaît lui-même. Il dit que ce rapport, cette déclaration

22 n'est rien d'autre que ce qu'un expert peut faire, non pas ce qu'un témoin

23 des faits est autorisé à faire. Il n'y a donc aucune qualité d'indépendance

24 à cet élément de preuve qui a été préparé aux seules fins de ce procès par

25 l'équipe chargée de la poursuite en l'espèce. C'est préparé par une des

26 parties au procès. En fait, ce témoin n'a pas le droit de déposer sur des

27 questions que la Chambre aura en définitive à trancher.

28 Vous m'avez demandé de donner d'autres exemples. Je le ferai grâce à

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1 cette deuxième partie. Page 13 de cette partie 2A, paragraphe 28, ici il

2 parle de la composante albanaise d'une défense locale. Dans ce même

3 paragraphe 28, il dit : "Cette capacité aurait pu s'avérer utile, aurait pu

4 s'avérer dangereuse." Il ne dit pas ce qu'il aurait dû y avoir sur place,

5 comment cela aurait pu se passer, et c'est vrai de toute cette deuxième

6 partie.

7 Prenons pour le prouver la partie 2D, paragraphe 1. Je vous le lis :

8 "Plusieurs mesures prises fin 1998 et début 1999 peuvent être prises comme

9 indices de l'intention aux plus hauts échelons à Belgrade de faire face au

10 problème de la sécurité interne au Kosovo avec cette force. Cette force

11 devrait prendre la forme d'une grande campagne au cours de laquelle les

12 forces de la RFY et de la Serbie allaient prendre l'initiative davantage

13 que de réagir en état de légitime défense ou de mener de petites attaques."

14 Là, il dit déjà, il dit ses propres opinions, son intention, c'est

15 une question de droit. Il affirme que ce n'est pas un acte de légitime

16 défense. Alors, est-ce qu'un témoin des faits peut venir vous dire ce qu'il

17 en est ? C'est à vous de déterminer quels sont les faits.

18 Nous sommes toujours à cette partie 2D, page 4, paragraphe 7. Voici

19 ce qu'il dit : "Les sentiments exprimés par Milosevic et Milutinovic en ce

20 qui concerne la conduite du Corps de Pristina sous le commandement de

21 Pavkovic lors de la 8e Séance du conseil suprême de la Défense étaient

22 assez négatifs ou rejetaient de la main les inquiétudes exprimées notamment

23 par Perisic et d'autres observateurs internationaux."

24 Maintenant, il parle des sentiments et dit que c'étaient des

25 sentiments qu'on rejetait. Voilà, en une phrase, il présente sa version

26 tout à fait fleurie des événements alors que ceci est tiré de son contexte,

27 et c'est pareil tout de long.

28 Un dernier exemple, je ne vais pas insister. Partie 2(F), page 9,

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1 paragraphe 13, voici ce qu'on trouve : "Une réponse raisonnable à des

2 problèmes d'indiscipline répétée, ce serait de demander des comptes aux

3 responsables de ce groupe."

4 Alors, qu'est-ce que serait une réponse raisonnable ?

5 Je m'arrête là pour ce qui est des exemples que je voulais vous présenter.

6 Tout lecteur de ce texte et de ces documents le verra. Ce sont des exemples

7 qui émaillent le texte.

8 Prenons les questions de droit. Je vais vous fournir à vous et à

9 l'Accusation un document sur support papier. Il s'agit de deux décisions.

10 Il y a une copie pour chaque Juge ainsi qu'un exemplaire pour l'Accusation.

11 Première décision sur laquelle j'appelle votre attention, c'est celle prise

12 dans l'affaire Kordic le 29 juillet 1999, décision relative à la demande de

13 l'Accusation aux fins de faire admettre au dossier le rapport de Tulica et

14 le document y afférant. Cette décision est analogue à la situation qui est

15 la nôtre. Paragraphe 7 de ladite décision qui montre la proposition que

16 fait l'Accusation. Elle veut, par le truchement d'un enquêteur, présenter

17 un rapport et un dossier. Vous voyez ce paragraphe 7. L'Accusation présente

18 deux documents, d'abord un dossier décrit au paragraphe 7(1) ainsi qu'un

19 rapport préparé par M. Raatikainen, chef de l'équipe d'enquête du bureau du

20 Procureur.

21 Il y a eu vraiment accumulation de documents examinés par

22 l'enquêteur, après quoi il a préparé un rapport. Ce ne sont pas les mêmes

23 documents que ceux que nous avons, mais vous voyez qu'il y a une

24 distinction sans différence. C'est précisément ce qu'a fait

25 M. Coo. Il a accumulé des documents, des connaissances quant au cas qui

26 nous concerne, et il prépare un rapport.

27 Paragraphe 8 : "L'Accusation dit qu'elle propose que ce dossier soit

28 inséré, intégré dans le dossier de l'espèce et que l'enquêteur qui a

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1 préparé ce rapport soit présenté en tant que témoin qui fera la synthèse de

2 la portée et des éléments de l'enquête. Il pourra être interrogé sur les

3 points pertinents contenus dans le dossier par la Défense."

4 J'arrête la citation.

5 La Chambre a tranché, elle a pris une décision dans l'affaire Kordic aux

6 paragraphes 19 et 20. Le dispositif est le paragraphe 19. Après examen du

7 fait qu'il n'y a pas interdiction de présenter des éléments de ouï-dire

8 dans l'appel Aleksovski, il dit ceci : "L'enquêteur ne fait pas rapport en

9 tant que témoin contemporain des faits. Ce n'est que récemment qu'il a

10 examiné notamment des déclarations préalables aux fins de la présente

11 requête. En réalité, il ne pourrait déposer que pour dire si ces éléments

12 se trouvaient ou non dans ce dossier. Ce rapport a donc peu de valeur

13 probante, voire aucune, et ne sera pas versé au dossier."

14 Nous disons que cette décision que je viens d'évoquer, c'est un droit qui

15 est bon, qui est équitable envers les accusés, mais outre cela maintient

16 l'intégrité de la procédure lorsqu'on demande à un enquêteur de se

17 présenter en tant que témoin des faits. On dit que

18 M. Coo ne peut pas être objectif. C'est qu'il a un parti pris et qu'il ne

19 peut pas intervenir de façon objective sur l'issue de ce procès.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Une différence entre cette affaire-là

21 et la nôtre, c'est peut-être que M. Coo pourra établir une corrélation

22 entre un document et un autre d'une façon qui nous serait utile pour

23 pouvoir bien utiliser ces documents. En effet, il connaît la structure de

24 l'armée grâce aux enquêtes qu'il a menées. Enfin, on pense qu'il a étudié

25 la question en tant qu'expert. Vous venez de citer cette affaire. Là, il

26 est aisé de voir pourquoi l'enquêteur n'allait rien ajouter à la

27 connaissance qu'avait déjà la Chambre de première instance.

28 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai le sentiment

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1 que la question, c'est précisément ce que va faire

2 M. Hannis. C'est lui qui va rassembler le tout. Il vous dira s'il a des

3 éléments pour tirer des conclusions pour que vous, vous tiriez des

4 conclusions. Mais si on demande à un membre de son équipe de se présenter

5 ici pendant la présentation des moyens à charge pour dire exactement la

6 même chose, ce n'est pas utile et ce n'est pas juste envers nous. Lorsque

7 nous contre-interrogeons quelqu'un qui a choisi certains documents, les a

8 sélectionnés, on va lui demander : est-ce que vous avez examiné celui-ci ou

9 celui-là, Monsieur Coo ? Est-ce que vous êtes objectif ? Est-ce que vous

10 voulez maintenant que nous empilions 100 documents à nous et que nous lui

11 demandions : est-ce que ceci va vous faire changer d'avis ? Quelles seront

12 les incidences pratiques dans notre contre-interrogatoire ?

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Vous avez parlé de la nature des

14 éléments contenus dans les paragraphes mentionnés, mais cet argument ici

15 est quelque peu différent. Je vois bien les éléments communs entre les deux

16 affaires, mais vous avez mentionné une affaire dans laquelle une décision

17 est prise, décision qui dit que la Chambre n'aurait pas été aidée par la

18 comparution d'un enquêteur qui aurait dit : voilà les déclarations que nous

19 avons recueillies. Je vous laisse entendre qu'ici, il y a peut-être une

20 distinction. Quelqu'un qui a une formation militaire a participé à des

21 enquêtes, il peut assurer une espèce de coordination des documents. Là, ce

22 n'est pas exprimer un avis comme ce fut le cas apparemment dans cette

23 affaire ou lorsque vous aviez des sentiments du premier accusé et de

24 Milosevic. Je pense qu'il y a une différence.

25 M. O'SULLIVAN : [interprétation] A mon avis, ce que vous laissez entendre

26 s'agissant de l'utilisation possible de ce rapport, c'est quelque chose

27 plus difficile. On dit : voilà, ce sont les documents que j'ai reçus, voilà

28 le lien qu'il semble y avoir entre eux. Si vous regardez les dates de ces

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1 pièces, nous en avons reçu de telles ou telles archives, de telle ou telle

2 source, mais ce n'est pas aussi simple que cela, parce qu'il examinait des

3 déclarations --

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je comprends bien. Mais est-ce

5 que vous ne comprenez pas que ce qu'il peut faire risque de nous être

6 utile ? Je ne dis pas que c'est ce que fait le rapport à l'heure actuelle.

7 M. O'SULLIVAN : [interprétation] C'est exact.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous ne comprenez pas que

9 ceci pourrait nous être grandement utile si l'on avait des éléments

10 présentés de façon raisonnable par quelqu'un qui sait de quoi il parle

11 lorsqu'il s'agit d'examiner des documents émanant d'une source militaire en

12 réponse à telle ou telle chose.

13 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Mais pas de cette personne, bien entendu.

14 Il est utile d'essayer de donner un certain sens dans cette montagne de

15 documents. Mais --

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Alors qui pourrait le faire ?

17 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Ce sont les parties qui doivent s'en

18 charger.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Vous devez nous inviter à tirer

20 des conclusions. Je ne dis pas que c'est la tâche qu'aurait ce témoin

21 aujourd'hui. Je suis sûr que M. Hannis aura des arguments à présenter à cet

22 égard, et nous pourrons en traiter. Mais de façon beaucoup plus

23 restrictive, je pense qu'il est possible de voir une différence entre ce

24 que faisait l'enquêteur dans l'affaire Kordic et ce que quelqu'un qui a un

25 bagage militaire essaie de faire pour nous aider en l'espèce, bien sûr sans

26 tirer de conclusions de ces documents. Enfin, peu importe, je pense que

27 vous avez une autre source à mentionner.

28 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Si quelqu'un va faire cela, il faut

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1 d'abord que cette personne soit qualifiée. Avec tout le respect que je

2 dois, il ne faut pas que ce soit un capitaine de l'armée canadienne.

3 Deuxièmement, il ne devrait pas être employé par le bureau du Procureur

4 comme membre de son équipe qui inscrit le procès. Je ne peux pas aller plus

5 loin dans cet exposé.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais là encore c'est un argument

7 qui a de la force, mais je me demande si c'est un argument pratique dans le

8 contexte de ce type d'affaire. Il faut que quelqu'un puisse consulter les

9 archives et venir avec les documents préparatoires pour les présenter à la

10 Chambre de première instance. Ce n'est pas simplement une question de faire

11 déposer des personnes qui ont été victimes d'actes criminels, nous avons

12 besoin de voir quels documents dans les archives pourraient permettre

13 d'établir un lien entre cette conduite par rapport aux actions de l'accusé,

14 aux actes de l'accusé, si un tel lien existe.

15 Nous ne sommes pas ici en tant qu'enquêteurs nous-mêmes pour faire

16 ceci au fur et à mesure, bien que ceci pourrait suggérer que c'est de cette

17 manière que ces Tribunaux devraient être constitués. Mais nous ne sommes

18 pas dans ce rôle. Toutefois, nous avons un rôle qui est plus vaste ici que

19 simplement le fait de le trancher dans un système contradictoire. Ce n'est

20 pas aussi vaste que ceci nous permette de procéder à nos propres enquêtes,

21 des enquêtes de cette nature.

22 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Maintenant, avant que je ne réponde au

23 point de savoir si nous cherchons une personne qui pourrait faire cela, et

24 cette personne devrait avoir ce rapport concernant les éléments de preuve,

25 les documents prévus à l'article 68 qui pourraient nous être parvenus et

26 qui ont été choisis, sélectionnés par M. Coo, il aurait dû participer à

27 cela. Il a participé à la recherche des documents à charge. Son rapport

28 présente cette documentation devant vous, et il ne faut pas que ceci soit

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1 pris en considération par rapport à la culpabilité de l'accusé dans ce

2 rapport d'éléments de preuve, et cela devrait aller beaucoup plus loin. Il

3 faudrait dire : "Voilà les documents qui sont à décharge et qui, ici,

4 permettraient de --"

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais vous pouvez l'interroger en

6 contre-interrogatoire là-dessus.

7 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Certainement. On ne peut pas tout faire

8 lors d'un contre-interrogatoire, Monsieur le Président, avec tout le

9 respect que je vous dois. C'est un point de vue un peu étroit que ceci.

10 Nous avons besoin de votre aide si quelque chose était en jeu pour ce qui

11 est du respect du procès.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela peut être fait de deux manières;

13 cela peut être fait au cours du contre-interrogatoire ou d'un témoin de la

14 Défense, que la Défense présente, ou d'une chose de nature similaire qui

15 pourrait présenter des documents à décharge sous une forme analysée, et

16 ceci, je veux dire sous une forme coordonnée qui rendrait les choses

17 compréhensibles pour les Juges.

18 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Bien, mais ceci ne fait pas progresser les

19 choses d'avoir des témoins de cette nature.

20 [La Chambre de première instance se concerte]

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître O'Sullivan, vous avez une autre

22 autorité à laquelle vous pouvez vous référer.

23 M. O'SULLIVAN : [interprétation] La deuxième décision, c'est la décision de

24 la Chambre d'appel dans l'affaire Milosevic le 30 septembre 2002, décision

25 sur l'admissibilité d'éléments de preuve présentés par l'enquêteur

26 d'Accusation, et là la Chambre d'appel a accueilli et maintenu la décision

27 de la Chambre de première instance de ne pas admettre ces éléments de

28 preuve résumés de l'enquêteur Barney Kelly en ce qui concernait Racak. Sur

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1 le plan des faits, cette décision n'est peut-être pas précisément

2 comparable dans ce sens qu'elle traite essentiellement de résumés ou

3 d'analyses de déclaration de témoins.

4 Mais nous disons que pour l'essentiel, les termes et le principe sont

5 les mêmes dans la présente affaire. Je voudrais vous demander de regarder

6 plus particulièrement les mots qui sont à la conclusion du paragraphe 23,

7 où la Chambre d'appel souscrit à ce que la Chambre de première instance

8 avait conclu en ce qui concerne ce témoin. Elle dit : "Lorsque le résumé

9 d'un document est préparé par un employé d'une partie qui cherche à se

10 fonder sur ce résumé, plus particulièrement lorsque l'accusé n'est pas

11 représenté par un conseil, il y a trois points à prendre en considération."

12 Je ne vais pas les répéter parce que vous pouvez les voir. Nous disons que

13 cette opinion de la Chambre d'appel est applicable et s'applique dans une

14 certaine mesure, souscrit également la décision Kordic selon laquelle un

15 employé, un enquêteur qui examine des documents de façon sélective et offre

16 des conclusions ou une opinion ou des commentaires qui sont favorables aux

17 thèses de sa partie n'ont pas de valeur, ne peuvent pas avoir de valeur

18 probante et ne devraient donc pas être pris en considération comme éléments

19 de preuve puisqu'elles proviennent de quelqu'un qui prétend être un témoin

20 des faits alors que ceci n'est pas présenté comme éléments de preuve.

21 Telles sont mes conclusions, Monsieur le Président. Nous disons qu'à

22 la lumière de cette nouvelle déclaration que nous avons reçue hier, nous

23 avons davantage de renseignements que ce qui n'était pas disponible pour

24 nous au mois de juillet lorsque vous avez pris votre première décision et

25 que nous pouvons maintenant voir, par ce qu'admet M. Coo lui-même et par

26 l'examen des personnes qu'il a interrogées et avec qui il a travaillé,

27 qu'il n'est pas indépendant ou impartial. Il ne l'est pas. Subsidiairement,

28 si vous étiez disposé à l'entendre, nous dirons que les rapports qu'il a

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1 écrits sont plein d'éléments, sont incomplets dans la mesure où ils ne

2 peuvent pas faire partie de cette base des éléments de preuve qu'il

3 présenterait dans ces dépositions, et tels sont les arguments que je

4 voulais présenter.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci est tout simplement une

6 répétition des arguments que vous avez avancés en réponse à ce que je

7 disais il y a un moment, à savoir que nous devions prendre une vue plus

8 générale, plus complète de la documentation, notamment du point de vue des

9 dispositions de l'article 68.

10 M. O'SULLIVAN : [interprétation] C'est incomplet pour cette raison et parce

11 que les documents ont été choisis de façon sélective. Il a sorti un certain

12 nombre de phrases, de citations, de phrases ou parties de documents, de

13 comptes rendus, d'interrogatoires.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] L'ensemble de votre argumentation,

15 mais sous une perspective différente, c'est que ce qu'il présente n'est pas

16 suffisamment partisan pour l'exclure, mais néanmoins nous devrions exclure

17 sa déposition parce qu'elle a des tendances générales, elle est

18 tendancieuse d'une façon générale. C'est cela, la suggestion ?

19 M. O'SULLIVAN : [interprétation] En résumé, oui.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

21 Maître Petrovic.

22 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous souscrivons

23 pleinement à ce que notre confrère Me O'Sullivan vient de dire. Toutefois,

24 nous voudrions ajouter quelques éléments qui sont précis, soit qui

25 s'appliquent à notre situation ou qui pourraient venir s'ajouter comme

26 arguments par rapport à ce qu'il a dit.

27 Il semble pour nous qu'en l'espèce, le bureau du Procureur n'a pas

28 respecté l'essentiel de la décision du 13 juillet et vos décisions prises

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1 par la suite qui ont trait à Philip Coo, à savoir notre façon de comprendre

2 votre décision du 13 juillet et aussi, comme vous l'avez dit il y a un

3 moment, c'est le rôle que M. Coo a peut-être pu jouer pour identifier les

4 documents, indiquer la provenance de ces documents, dire comment ils ont

5 été trouvés et éventuellement les interpréter. Toutefois, pour les

6 interpréter du point de vue du fond sans les relier entre eux ou donner un

7 certain sens dans le contexte des thèses de l'Accusation.

8 L'Accusation, depuis de votre décision du 13 juillet jusqu'à ce jour,

9 n'a pas fait le moindre effort pour examiner, observer l'essence même et

10 l'esprit de votre décision. Que s'est-il passé ? Le rapport d'expert de

11 Philip Coo qui comporte plusieurs centaines de pages demeure pratiquement

12 le même de la façon dont il a été présenté ce jour-là le 13 juillet.

13 Toutefois, récemment, ils ont simplement expurgé quelques éléments,

14 quelques parties qui sont moins importantes, et il vous est présenté comme

15 base de sa déposition. Le rapport de Philip Coo en ce qui concerne les

16 éléments essentiels de la méthode suivie, la façon dont il a été rédigé,

17 demeurent les mêmes. Rien n'a été changé. Ce qui a été expurgé, c'était

18 superficiel, c'était en quelque sorte des modifications de style qui n'ont

19 pas d'incidence sur l'essence, la substance du problème principal qui a

20 trait à Philip Coo, c'est-à-dire que le bureau du Procureur depuis le mois

21 de juin jusqu'à maintenant aurait pu, aurait dû faire deux choses.

22 Ils devaient faire ceci. Le rapport de Philip Coo, la déclaration de

23 Philip Coo en tant que témoin dans cette situation aurait dû se conformer à

24 l'idée qui vous a guidés lorsque vous avez décidé que Philip Coo ne pouvait

25 pas être un expert. Une autre chose, c'est qu'il aurait mieux valu trouver

26 une autre personne indépendante, une analyste indépendant qui n'ait pas de

27 tels liens avec le bureau du Procureur. C'est la façon dont je comprends la

28 décision que vous avez prise l'an dernier. Le Procureur n'a fait ni l'une

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1 ni l'autre de ces deux choses. Vous avez là devant vous un rapport qui ne

2 diffère du rapport précédent que du point de vue de détails notamment

3 stylistiques par rapport à ce que vous avez eu en juillet. Mais il reste en

4 essence le même rapport. Ceci ne peut pas constituer une déclaration de

5 témoins telle que les autres déclarations de témoin qui sont présentées à

6 ce Tribunal devant cette Chambre de première instance.

7 Il y a également une autre chose qui a trait au document lui-même

8 dont nous parlons, et je voudrais pouvoir signaler ceci plus

9 particulièrement, à savoir que puisque rien n'a été fait concernant ce

10 document, ceci constitue différents niveaux d'opinion que Coo voudrait

11 faire présenter comme éléments de preuve dans le présent procès. Il analyse

12 les documents et ensuite il donne son propre jugement. Parfois, il a une

13 situation concernant une année précise, disons à partir de 1998, puis il

14 recourt à une analogie telle qu'une opération logique, puis il infère des

15 choses concernant d'autres années. Il y a même certains cas dans lesquels

16 il n'a pas véritablement d'éléments de preuve et là encore derechef il tire

17 certaines conclusions sur la base, enfin je peux supposer cela, d'après son

18 expérience militaire ou son rôle dans l'équipe du bureau du Procureur dont

19 mon confrère Me O'Sullivan a parlé.

20 Tout simplement, le rapport qui vous est présenté, le rapport qui est

21 devant vous n'est pas une base. Si la Chambre n'accepte pas les arguments

22 de M. O'Sullivan selon lesquels M. Coo ne devrait pas être entendu du tout,

23 mais en tous les cas, même si tel ne devait pas être le cas, ce que vous

24 avez par écrit ne devrait pas être admis au dossier tel qu'il se présente.

25 J'ai bien des éléments à l'appui de ce que je viens de dire.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous allez nous

27 donner des exemples ?

28 M. PETROVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

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1 Je vais vous en donner quelques-uns, mais si la Chambre de première

2 instance pense que je devrais les énumérer tous, nous pouvons faire ceci

3 assez brièvement par écrit. Je pense que je peux en donner certains qui, je

4 pense, illustrent bien ce que je viens de dire. Par exemple, dans les

5 paragraphes qui précèdent, l'additif au rapport de Philip Coo, à savoir le

6 rapport de novembre 2006, et dans les paragraphes qui précèdent, en ce qui

7 concerne le paragraphe 10 de l'additif, Philip Coo analyse les minutes au

8 compte rendu de la réunion du 29 octobre 1998. Au paragraphe 10, il dit :

9 "Pendant que la réunion du personnel interministériel du 29 novembre

10 traitait les événements en 1998, elle n'était pertinente qu'en 1999." Il

11 dit : "Ceci permettait de voir comment la situation au point de vue de

12 sécurité était traitée au Kosovo en utilisant le commandement. Ceci devait

13 être traité en 1999."

14 Lorsqu'il y a un état de guerre, lorsque la situation est

15 complètement différente sur le terrain au Kosovo, Coo, en recourant à une

16 analogie, établit ce qui s'est passé en 1998 et il dit que c'est la façon

17 que cela a dû avoir lieu en 1999. Ceci n'est pas admissible. Ce sont des

18 conclusions. C'est une approche qui n'est pas admissible. Ce sont des

19 conclusions qui ne sont pas admissibles. La pensée va contre l'essence de

20 votre décision qui était qu'il devait simplement y avoir un raisonnement

21 rationnel. Puis, on voit au paragraphe 14 du même document de 2006, Coo

22 conclut en disant : "Les ordres du commandement commun, conjoint, étaient

23 des décisions qui étaient prises par le commandement conjoint. Ces

24 décisions, on y est parvenu avec la participation de la direction civile de

25 la VJ et du MUP au Kosovo."

26 Là encore, c'est une conclusion arbitraire de la part de Coo. Il ne

27 donne pas le moindre élément de preuve dans ce paragraphe de la base sur

28 laquelle quelqu'un pourrait soutenir qu'il y ait eu des civils en 1999 qui

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1 aient été membres d'un organe qu'il appelle commandement conjoint. Là

2 encore, il établit un parallèle par rapport à 1998 et conclut que si en

3 1998 il y avait certains civils dans cet organe qu'il décrit alors, alors à

4 ce moment-là tel aurait été le cas également en 1999.

5 Au paragraphe 14 également, ce même paragraphe, il dit : "Les ordres du

6 commandement conjoint de 1999, il leur manque un sceau, un tampon, et ceci

7 est une carence." Ceci serait faux pour un rapport de combat. En fait, il

8 n'a rien de solide sur cette question et il a affirmé ceci comme cela, mais

9 c'est faux.

10 Du point de vue de la structure, si vous regardez son rapport, vous

11 allez voir qu'il a recours à des analogies chaque fois qu'il ne peut pas

12 trouver les faits. Par exemple, dans la deuxième partie de son rapport, à

13 la section B, la partie B, il dit qu'il y a quelque chose qui est appelé un

14 commandement conjoint en 1998. En 2001, en Serbie méridionale sud, il y a

15 quelque chose qu'il essaie de comparer à ce qui existe en 1998, puis il

16 conclut si quelque chose existait en 1998, alors c'est dans le même état et

17 selon les mêmes lois, il y a quelque chose en 2001, donc c'est ce qui

18 devait être fait en 1999 aussi. Ceci, c'est dans la deuxième partie de son

19 rapport, au paragraphe 40 jusqu'à 45.

20 Dans la première partie de son rapport où il y a la section A

21 concernant la direction et le commandement, l'armée de la Yougoslavie par

22 exemple, il y a 114 paragraphes. Au paragraphe 113 --

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vais essayer de vous suivre,

24 Maître Petrovic.

25 Je vais essayer de retrouver l'endroit. J'étais en train d'essayer de

26 voir ce que les paragraphes 40 à 45 de la deuxième partie traitaient. Je

27 suis cela, maintenant, je vous suis sur ce point.

28 Votre point suivant, c'était la section A.

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1 M. PETROVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. A la première

2 partie du rapport dans la section A, il parle de la direction et du

3 commandement de l'armée de Yougoslavie. Comme je l'ai dit, il y a 114

4 paragraphes dans cette section. Au paragraphe 113, dans "Conclusions", Coo

5 déclare, en fait il parle des principes de commandement de l'armée

6 yougoslave et il dit qu'il y avait des nuances affirmant ceci qui étaient

7 liées à un organe appelé commandement conjoint. Or dans les 112 paragraphes

8 de cette même section, il n'y a pas un seul mot à ce sujet. Le commandement

9 conjoint, toutefois, dans "Conclusion", après les 112 paragraphes en

10 question, au paragraphe 113, il fait cette affirmation.

11 Je vais vous donner encore un autre exemple où Coo fait une sélection

12 inadmissible d'éléments de preuve qui est présentée dans son rapport, et il

13 fait son choix d'une façon qui est constituée et conçue pour démontrer les

14 thèses de l'Accusation. Au paragraphe 115, il dit : "Le commandement

15 conjoint a été créé sur les ordres de la présidence de la RFY en juin 1998"

16 --

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Où se trouve le paragraphe 115 ?

18 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit de la

19 première partie du rapport, à la section D de ce rapport, au paragraphe

20 115.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je n'ai pas de

22 paragraphe 115 dans la section D.

23 M. PETROVIC : [interprétation] Un instant, Monsieur le Président, je peux

24 vous donner un numéro ERN. Il s'agit du paragraphe --

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous parlez de la première partie du

26 rapport, la section D ?

27 M. PETROVIC : [interprétation] Oui.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il s'agit du "conseil suprême de la

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1 Défense, du commandement conjoint pour le Kosovo".

2 M. PETROVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il s'agit d'une section qui n'a que 20

4 paragraphes.

5 M. PETROVIC : [interprétation] La version que j'ai sous les yeux, le

6 premier paragraphe, c'est le paragraphe 100. Ensuite, le paragraphe dont je

7 parle, c'est le paragraphe 115. En anglais, dans la version en langue

8 anglaise, il y a un changement --

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que c'est le paragraphe qui

10 commence par : "Les membres réguliers du SDC où se trouve le président de

11 la FRY --" ?

12 M. PETROVIC : [interprétation] Apparemment, il y a un problème et une

13 différence au niveau des paragraphes en versions serbe et anglaise. Mes

14 collègues viennent de m'aider, c'est pour cela que je vous demande

15 d'examiner le seizième paragraphe.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qui commence par : "Le commandement

17 adjoint pour le Kosovo a été créé au mois de juin 1998."

18 M. PETROVIC : [interprétation] Effectivement.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

20 M. PETROVIC : [interprétation] Voici un cas où on procède à un choix

21 inacceptable au niveau d'une même pièce à conviction. Cette phrase que vous

22 venez de lire relève bien d'une lettre du ministère de la Justice en date

23 du 12 juillet de l'an 2000. Effectivement, elle est telle que citée par Me

24 Coo. Cependant, dans le même rapport du

25 12 juillet 2002, dans la phrase suivante, déjà on dit : "Le commandement a

26 su mentionner, fonctionner jusqu'en octobre 1998." Coo fait fi complètement

27 de cette phrase.

28 Puisque dans la première phrase il dit oui, effectivement, ceci

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1 existe depuis 1998, et il ignore complètement la phrase suivante où l'on

2 donne la durée exacte de cet organe. Ces types de choix ne sont absolument

3 pas acceptables. Ils démontrent à quel point il est partial dans ces choix.

4 Ceci va à l'appui de ce qu'a dit

5 Me O'Sullivan tout à l'heure.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je n'arrive pas à trouver cette

7 phrase.

8 M. PETROVIC : [interprétation] Justement, c'est cela, le problème. Le

9 document, donc le paragraphe 16, si je n'ai pas été suffisamment clair, la

10 première phrase provient d'un document. La deuxième phrase, c'est la phrase

11 suivante du même document qu'il a choisi de ne pas citer. C'est la note de

12 bas de page 25 correspondant à cette citation figurant dans le rapport

13 d'expert.

14 Ensuite, Monsieur le Président --

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, allez-y.

16 M. PETROVIC : [interprétation] Dans la partie B de la deuxième partie du

17 rapport, au niveau du paragraphe 34, M. Coo tire des conclusions. Il nous

18 donne des informations en se basant sur le procès-verbal du commandement

19 conjoint. Par exemple, au niveau du petit A de ce même paragraphe, il

20 évoque la forme de cette réunion où il s'agit de tirer des conclusions sans

21 se borner d'analyser tout simplement le document. Ensuite, au niveau B, au

22 niveau du petit B de ce même paragraphe, il analyse ce document pour

23 catégoriser les participants à la réunion. C'est lui qui prend cette

24 décision, il décide qui sont les membres de ce commandement conjoint et il

25 dit les membres du commandement conjoint pour lesquels on évalue qu'ils

26 faisaient partie du groupe clé. Ensuite, il les énumère, et ceci, en

27 caractères gras.

28 Non seulement qu'il fasse une analyse des participants, mais aussi il

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1 tire ses propres conclusions quant à l'importance des participants à la

2 réunion, nous considérons qu'il n'est pas approprié que M. Coo fasse des

3 conclusions semblables et de façon hautement sélective.

4 Ensuite, sous petit C, dans ce même paragraphe 34, il va analyser ce

5 même document et il va dire qui prend des décisions, qui donne des

6 instructions, qui est autorisé à donner des instructions. Tout cela

7 démontre qu'il a sa propre opinion et qu'il nous présente ses opinions,

8 qu'il ne s'est pas borné à analyser le document.

9 Sous le petit F de ce même paragraphe, il dit : "Tout ceci mène à la

10 conclusion que le commandement conjoint a reçu ses directions du président

11 de la République fédérative de Yougoslavie."

12 Là, à nouveau, on a l'exemple qui va à l'appui de cette thèse, à savoir

13 qu'il nous présente là ses conclusions au lieu d'analyser tout simplement

14 le document présenté et qu'elles sont parfaitement contraires à la décision

15 que vous avez prise.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, mais dans quelle partie

17 on parle de cela ?

18 M. PETROVIC : [interprétation] Le paragraphe 34(F).

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Excusez-moi.

20 [La Chambre de première instance se concerte]

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Maître Petrovic.

22 M. PETROVIC : [interprétation] Le problème avec ce paragraphe relève du

23 fait que vous, par votre décision en date du

24 15 février 2007, justement, ce document, le document P1468, vous l'avez

25 écarté en décidant que ce document, il n'a pas été démontré que ce document

26 était suffisamment fiable pour qu'il soit revêtu d'une valeur probante

27 suffisante, alors que tout ce que M. Coo dit dans ce paragraphe est basé

28 justement sur ce document qui a fait déjà l'objet d'une décision, la

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1 décision que je viens de vous rappeler.

2 Ensuite, le paragraphe suivant, le paragraphe 35.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est une décision qui a été prise le

4 15 février.

5 M. PETROVIC : [interprétation] Oui. C'est une décision que vous avez prise

6 par rapport aux éléments de preuve que l'on a souhaité verser par le biais

7 du témoin Aleksandar Vasiljevic, et par votre décision, vous avez décidé

8 que cette pièce P1468 n'allait pas être admise. Tout le paragraphe se

9 réfère justement à ce document-là.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

11 M. PETROVIC : [interprétation] Le paragraphe suivant - et là je vous cite

12 un exemple, donc paragraphe 35(F), j'essaie de trouver un exemple qui va

13 vous parler suffisamment pour illustrer mon argument - donc dans ce

14 paragraphe on parle du plan de communications au niveau du commandement

15 conjoint, où il est dit : "Les codes d'appel pour le commandement conjoint

16 confirment qu'il existait une action planifiée qui a été mise en œuvre sous

17 la direction de ce commandement conjoint."

18 A nouveau, il tire ses conclusions sur le fonctionnement de ce commandement

19 conjoint.

20 Ensuite, dans ce même paragraphe, il continue à tirer des conclusions

21 qui vont encore plus loin. Il dit que le commandement conjoint avait une

22 fonction double, c'est-à-dire qu'il était chargé de la planification

23 stratégique et aussi il avait une composante opérationnelle qui a participé

24 aux opérations de combat.

25 Là, il s'agit vraiment d'une démarche complètement qui n'est absolument pas

26 permissible de la part de M. Philip Coo puisqu'il s'agit d'une conclusion

27 hautement sélective.

28 Ensuite, 35(M), il analyse le document du 23 mars 1999 où il parle d'un

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1 ordre. Il dit que le document, c'est un ordre. C'est sur cette base-là

2 qu'il en arrive à la conclusion que le commandement conjoint avait une

3 autorité de commandement, et cetera, et cetera.

4 Là, il tire sa conclusion, mais il fabrique finalement des moyens de

5 preuve. Il se livre à des conjectures pures et simples.

6 Nous avons un problème avec le compte rendu d'audience.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, puisque vous avez fait une

8 référence à l'article 35(R).

9 M. PETROVIC : [interprétation] Effectivement. Tout ce que j'ai dit au sujet

10 de l'article 35(R) n'a pas été consigné.

11 L'INTERPRÈTE : L'interprète signale qu'on n'a pas le document.

12 M. PETROVIC : [interprétation] "Stevanovic a pris les notes." Il dit :

13 "Même si l'on ne mentionne personne des autres personnes que l'on lie avec

14 le commandement conjoint, par exemple Sainovic." Nous, on se pose la

15 question de savoir pourquoi il cite Sainovic. Il continue. Cela ne veut pas

16 dire qu'ils ont été présents. Là, il ne s'agit pas seulement de tirer des

17 conclusions. Il se livre à des conjectures. Il rajoute par rapport aux

18 pièces présentées.

19 Ensuite, il y a dans le rapport, dans l'annexe du rapport, un

20 tableau, un tableau qu'il a fait lui-même, M. Coo. Il dit qu'il s'agit des

21 tableaux, de personnalités clés qui avaient les positions clés. Il en

22 arrive à la conclusion que Nikola Sainovic était le commandant du

23 commandement conjoint pour le Kosovo.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pouvez-vous nous donner la page,

25 s'il vous plaît ? Il s'agit des pièces jointes --

26 M. PETROVIC : [interprétation] Oui, c'est l'annexe 1 qui est la pièce

27 jointe après la deuxième partie du rapport. A la fin de la deuxième partie,

28 on trouve l'annexe 1, à savoir les "personnalités clés," et cetera.

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1 Ensuite, l'annexe 2, les "promotions", les "nominations", et cetera.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie. Je l'ai

3 trouvé.

4 M. PETROVIC : [interprétation] Dans ce document, Monsieur le

5 Président, on donne la source qui a servi de base pour en arriver à cette

6 conclusion. Il dit que cette source est le procès-verbal des discussions

7 d'une réunion du 7 avril 1998, entre le 17 février,

8 25 décembre 1998 et le 7 avril 1999. A nouveau, il se sert d'analogie pour

9 faire ses propres évaluations, l'analyse de la situation. Il dit que par

10 rapport à ces réunions, c'est Sainovic qui avait le rôle le plus important

11 au sein du commandement conjoint. Là, à nouveau, il ne fait rien d'autre

12 que tirer des conclusions de façon tout à fait arbitraire. Je pense que je

13 pourrais vous citer encore des tas d'exemples similaires. Cela pourrait

14 durer des heures. C'est pour cela que je vais m'arrêter. Je vous remercie

15 du temps que vous nous avez alloué.

16 Mes conclusions sont comme suit. Philip Coo n'est pas un témoin approprié

17 par rapport aux arguments que le Procureur souhaite présenter puisque son

18 rapport d'expert ressemble davantage au réquisitoire du Procureur, qui

19 ressemblerait sans doute à cela fortement. Nous considérons que le document

20 proposé n'est tout simplement pas acceptable comme un document de base pour

21 sa déposition. Nous vous demandons de ne pas l'accepter, de ne pas lui

22 permettre de déposer.

23 Mais si vous n'acceptez pas notre proposition, nous demandons que le

24 Procureur prépare une déclaration de témoin qui va correspondre à l'esprit

25 de la décision que vous avez prise le 13 juillet l'année dernière,

26 puisqu'il doit dans ce document identifier des documents qui ne vont pas

27 être contraires à la décision prise par le Juges de la Chambre. C'est

28 exactement ce que M. Coo fait tout le long de son rapport d'expert.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

2 Maître Visnjic, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter ?

3 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes tout à

4 fait d'accord avec ce que les autres conseils viennent de dire. Nous

5 n'avons rien à ajouter par rapport à cela.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ackerman.

7 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, je vais essayer

8 d'être très bref puisque je pense que les autres conseils ont couvert pas

9 mal de points importants, je le pense.

10 Dès le départ, je vais vous dire ce que je vous demanderais de faire.

11 Tout d'abord, je vais vous demander de refuser le rapport de M. Coo puisque

12 ce n'est rien d'autre que le rapport d'expert qui existait au moment où

13 vous avez pris votre décision au mois de juillet. Vous devez vraiment faire

14 beaucoup d'efforts pour trouver des expurgations. Il y en a une toutes les

15 50 pages, pas plus que cela.

16 Au cours des discussions que vous avez eues avec M. O'Sullivan, vous

17 lui avez dit que pour les Juges de la Chambre il serait utile que M. Coo

18 fasse le lien entre différents documents qui existent en l'espèce, et ceci

19 serait utile pour les Juges de la Chambre. Quelqu'un devrait le faire. Mais

20 le capitaine Coo a sélectionné les documents qu'il souhaite évoquer, sur

21 lesquels il souhaite s'appuyer. Il a fait cela en tant que membre du bureau

22 du Procureur, donc vous n'allez pas avoir de liens indépendants de la part

23 de ce témoin, en tout cas.

24 Comme M. O'Sullivan l'a dit, il ne s'est pas référé à tous les

25 documents qui sont pertinents et qui existent en l'espèce, mais uniquement

26 par rapport aux documents qui vont servir au Procureur, aussi bien dans

27 l'acte d'accusation que dans le mémoire préalable au procès.

28 Votre décision dans laquelle vous n'avez pas accepté le capitaine Coo

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1 de venir déposer en tant que témoin expert a été faite il y a très

2 longtemps. Le bureau du Procureur aurait pu trouver un expert militaire

3 indépendant, pas membre de leur équipe, qui aurait pu venir vous aider pour

4 établir ces liens, trouver quelqu'un compétent de le faire, un colonel, un

5 général, pas un capitaine. Les capitaines sont des gens qui ont des

6 connaissances techniques, mais pas stratégiques. Il est ici pour vous faire

7 part des conclusions et des opinions et qui auraient été écrites à un

8 niveau stratégique. Il n'en sait rien. Ce n'est pas quelqu'un qui a fait

9 West Point, Sandhurst ou n'importe quelle autre académie militaire qui lui

10 permettrait de s'y connaître en question de stratégie. Il n'était rien

11 d'autre qu'un sous-officier subordonné à quelqu'un qui était en effet le

12 commandant des unités de l'armée. Il n'est pas suffisamment compétent, tout

13 simplement, pour faire ce qu'il vous serait utile de faire.

14 Le Procureur veut que le capitaine Coo vous raconte quelles sont les

15 conclusions auxquelles il est arrivé sur la base de documents présentés.

16 Avec tout le respect que je vous dois, je pense que ce travail est le

17 vôtre, et ce n'est pas au capitaine Coo d'en arriver aux conclusions, aux

18 conclusions définitives. Qu'est-ce qu'il peut faire ? Il peut faire quelque

19 chose de très utile. Il peut être utile à M. Hannis pour qu'il arrive à

20 présenter ses arguments. Il peut vous dire de quelle façon ils ont assemblé

21 les documents. Mais il n'est pas permissible de le laisser venir ici pour

22 parler à la place de M. Hannis.

23 Dans le rapport, vous avez déjà décidé qu'il n'est pas approprié de

24 le présenter en tant que témoin expert. Le Procureur a dit qu'il n'allait

25 pas citer un expert et il continue à vouloir présenter le capitaine Coo en

26 tant que témoin expert. Dans votre décision du 13 juillet, vous avez dit :

27 "En tant qu'enquêteur, il peut effectivement venir déposer au sujet des

28 faits et il pourrait être très utile par rapport aux questions factuelles

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1 quant aux documents qu'il a trouvés."

2 Je ne sais pas ce que vous vouliez qu'il fasse, mais je pense qu'il

3 aurait été raisonnable de s'attendre à ce qu'il présente une déposition de

4 témoin qui vous aurait aidés à avoir la réponse aux questions que vous avez

5 posées. Des mois se sont passés, le Procureur n'a rien fait à ce sujet. A

6 plusieurs reprises, le bureau a dit, il nous a annoncé qu'on allait en

7 parler, qu'on allait discuter à ce sujet.

8 Mais maintenant, j'ai une plainte à vous formuler. Hier, à la fin de

9 la session, M. Hannis nous a dit que M. Petritsch pourrait venir déposer

10 aujourd'hui plutôt que demain. A peu près à 12 heures 25, M. Hannis nous a

11 dit que la question de M. Coo pourrait être posée ce matin même si ce

12 n'était pas sûr. A 4 heures 53 de l'après-midi hier, M. Haider a envoyé un

13 e-mail disant que la question de M. Coo va être débattue ce matin. A 5

14 heures 53 hier, un e-mail a été envoyé dans lequel on a inclus la nouvelle

15 déclaration préalable de M. Petritsch ainsi que des pièces. A 6 heures, on

16 a envoyé une déclaration expurgée de M. Coo avec le nouveau rapport de M.

17 Coo expurgé. Ensuite, à 6 heures 55, avant donc hier soir, un e-mail a été

18 envoyé avec une toute nouvelle déposition de M. Coo avec une liste de

19 pièces proposées que l'on souhaite utiliser pendant sa déposition.

20 Nous considérons que ceci n'est absolument pas admissible. Ce témoin

21 est prévu depuis des mois. On nous présente la veille de sa déposition des

22 documents complètement nouveaux. Je peux comprendre que cela peut arriver

23 avec certains témoins, mais la question de M. Coo est complètement

24 différente. Il est tous les jours au bureau du Procureur. Il y travaille.

25 Ils savent depuis le mois de juillet qu'il vous déposer, et je suis

26 absolument sûr que le Procureur a fait cela exprès pour rendre la

27 présentation de nos arguments plus difficile ce matin par rapport justement

28 à ces nouveaux éléments, parce que je ne vois pas comment interpréter cela

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1 différemment. Il n'y a pas d'autres explications puisque depuis le mois de

2 juillet, ils ont eu le temps de s'en occuper.

3 Cette nouvelle déclaration qui est arrivée hier soir est tout à fait

4 significative par rapport à la décision que vous devez prendre, à savoir si

5 vous devez accepter le rapport du capitaine Coo et sa déposition qu'il va

6 faire sur la base de ce rapport. Au niveau du paragraphe 9, page 3, Coo dit

7 : "Dans la forme la plus simple, mon rapport devrait être une consolidation

8 des points techniques des organisations armées et des différentes

9 informations venant de différents documents." C'est d'ailleurs la même

10 chose que ce qu'il fait déjà au mois de juillet.

11 Tout d'abord, ces rapports vont plus loin que ce qu'a dit

12 M. O'Sullivan. Il parle de la constitution des lois sur la défense de lois,

13 des différentes lois, et quelqu'un qui a quelques connaissances techniques

14 en organisation des armées n'est absolument pas capable de faire des

15 commentaires à ce sujet. On vous a cité des exemples pour vous montrer que

16 là, il ne s'agit pas d'un véritable témoin, il s'agit des conclusions

17 tirées par des avocats.

18 Il ne s'agit pas de trouver des paragraphes qui entrent dans cette

19 catégorie, il s'agirait plutôt de trouver le paragraphe dans le rapport qui

20 ne tombe pas dans cette catégorie. Comme M. Petrovic vous a dit, je

21 pourrais rester debout pendant des heures pour vous montrer, pour vous

22 citer des paragraphes sur les bases où il tire des conclusions au lieu de

23 faire ce qu'il doit faire.

24 C'est quelqu'un qui est un expert, mais un expert extrêmement

25 spécialisé sur des informations très précises, et il n'est pas à même de

26 tirer des conclusions que les Juges doivent tirer eux-mêmes. Les Juges de

27 la Chambre, dans leur décision du 13 juillet, ont fait un ordre très clair

28 demandant que le témoin analyse les informations basées sur ses

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1 compréhensions et connaissances techniques des organisations armées, mais

2 en tant qu'enquêteur, vous l'avez dit très clairement.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ackerman, je comprends ce que

4 vous voulez dire, mais au fond dans votre argument vous dites que dans sa

5 phrase, il se comporte comme un expert. Par exemple, quand vous avez un

6 ordre, et cet ordre, par le biais d'autres documents, on dit qu'il ne

7 s'agit pas d'un ordre, mais d'un plan d'action, c'est utile pour nous

8 d'entendre de quelqu'un qui apparemment s'y connaît en ces choses-là, a

9 certaines connaissances en ces choses-là, de nous dire quels sont les

10 rapports qui lui permettent d'en arriver à de telles conclusions. Un expert

11 militaire d'un grade supérieur qui pourrait aussi être indépendant pourrait

12 tirer de telles conclusions sur lesquelles nous pourrions nous appuyer.

13 Mais nous avons décidé de ne pas nous fier à M. Coo par rapport à de telles

14 décisions. Nous lui avons tout simplement demandé de nous présenter les

15 documents qui lui permettent de tirer de telles conclusions à faisant la

16 comparaison entre différents documents. Vous pourriez peut-être le faire

17 aussi. C'est un enquêteur, quelqu'un qui a été dans l'armée; il pourrait le

18 faire.

19 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, mais vous ne voulez pas que je

20 témoigne.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, effectivement. Mais vous pourriez

22 aussi le faire dans une certaine mesure.

23 Pour nous il ne s'agit pas là d'une démonstration que M. Coo essaye

24 de se revêtir du rôle d'expert. Il propose de nous expliquer quelques

25 documents, d'interpréter quelques documents qui ont été présentés pour nous

26 les rendre plus compréhensibles.

27 Ce n'est pas la critique que vous avancez, c'est que vous avez été

28 plus détaillé, mais nous devons vraiment décider là-dessus.

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1 M. ACKERMAN : [interprétation] Vous avez dit par exemple que vous vouliez

2 comprendre quels sont les rapports qui existent entre différents documents,

3 mais ce n'est pas ce qu'il fait. Ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'il

4 ne fait pas cela.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce que j'essaie, c'est de faire

6 distinction dans ce contexte, un définition étroite que vous étiez peut-

7 être en train d'avancer en ce qui concerne les experts.

8 M. ACKERMAN : [interprétation] Bien. Mais si vous regardez avec soin ce

9 rapport, vous allez voir que c'est le rapport d'un avocat qui fait avancer

10 une position comme étant partie de l'équipe de l'Accusation et qui,

11 essentiellement, a la nature d'argument ou de résumé d'une déposition qui,

12 je pense, n'est pas appropriée, ne convient pas.

13 Maintenant, l'autre chose que je dois dire est, je crois, très, très

14 importante, et ceci, c'est qu'hier soir très tard, on nous a donné ce

15 document qui donne la liste de tous les documents et pièces avec leurs

16 numéros. C'est à cause du caractère tardif de leur arrivée qu'il n'y a eu

17 absolument aucune possibilité pour déterminer laquelle de ces pièces à

18 conviction avait été déjà versée, lesquelles n'avaient pas encore été

19 versées, plus particulièrement celles qui n'ont pas encore été admises ou

20 versées, comme l'a fait remarquer M. Petrovic. Avant que vous n'entendiez

21 quoi que ce soit de M. Coo concernant l'un quelconque de ces documents, il

22 me semble que ces décisions devraient d'abord être prises sur le point de

23 savoir si oui ou non ces documents doivent être versés au dossier et admis

24 ou s'ils doivent au contraire être exclus.

25 Je sais par exemple que plusieurs d'entre eux, si on regarde

26 simplement les intercalaires avec le rapport Coo, ce sont des choses qui

27 ont été prises d'articles de journaux, de sites Web et de choses de ce

28 genre. Je n'ai absolument aucune idée quant à l'authenticité de cela. Vous

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1 ne les avez pas vus et je pense vous ne le savez pas non plus. Tout rapport

2 ou toute déposition basée sur les documents en question, je suggère que

3 ceci ne fasse pas partie des éléments de preuve en l'espèce. Il serait tout

4 à fait inacceptable, et pour le moment nous ne sommes même pas approchés du

5 stade où nous pourrions finalement savoir où nous en sommes par rapport à

6 hier, enfin, vu le grand nombre, vu le volume de ces documents et pour ce

7 qui est de la concordance entre les intercalaires, les numéros et le statut

8 de telle ou telle pièce à conviction.

9 Je pense que j'ai pris suffisamment de temps.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En dépit de ce problème qui

11 évidemment devra être examiné, nous pouvons avoir beaucoup d'aide du

12 conseil pour ce qui est de l'approche que nous devrions prendre cela. Je

13 vous remercie, Maître Ackerman.

14 Maître Bakrac, est-ce que vous avez des conclusions ?

15 M. BAKRAC : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Nous avions

16 quelque chose qui a été dit.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Ivetic.

18 M. IVETIC : [interprétation] Devrais-je commencer maintenant ?

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Combien de temps est-ce que vous

20 pensez que cela va prendre ?

21 M. IVETIC : [interprétation] Je pense, huit minutes, c'est ce que j'ai

22 prévu.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourrais-je demander aux interprètes

24 s'ils peuvent encore tenir pour ce délai supplémentaire, ce qui permettrait

25 d'avoir une suspension de séance un peu plus longue ?

26 L'INTERPRÈTE : Oui, Monsieur le Président.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

28 Alors, nous allons vous entendre et nous suspendrons la séance avant

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1 d'entendre M. Hannis.

2 M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

3 vais essayer de ne pas répéter ce qui a déjà été dit par mes confrères et

4 je voulais simplement éclairer deux points, souligner deux points.

5 Comme mes collègues l'ont dit, les documents Coo tendent à être

6 fondés sur son "expérience générale dans les choses militaires". Vous avez

7 également dit que le fait que M. Coo connaisse la structure de l'armée

8 pourrait vous aider d'une certaine façon qui n'a pas été plus

9 particulièrement soulignée. Mais M. Coo n'a pas d'expérience en ce qui

10 concerne la police.

11 Ce rapport nous a été présenté simplement au-delà de la présentation de ces

12 documents qu'il acquis dans son rôle d'enquêteur auprès du Tribunal, auprès

13 du bureau du Procureur, mais il s'agit de l'analyse de ces documents, du

14 fait de tirer des conclusions de ces documents, plus particulièrement en ce

15 qui concerne les documents du MUP, du MUP, l'analyse de ces documents du

16 point vue de la perspective militaire, en utilisant une terminologie

17 militaire, une compréhension militaire de la façon dont ces unités

18 fonctionnaient.

19 D'un bout à l'autre, ce rapport, lorsqu'il traite des questions du

20 MUP, dit "c'est probablement ainsi" ou "il en est probablement ainsi".

21 Effectivement, en ce qui concerne ces divers exemples que je peux me

22 rappeler pour avoir examiné le RDB : "Les quelques renseignements qui sont

23 disponibles à cause du caractère secret du RDB, il n'y a pas de documents

24 disponibles, mais il est évalué qu'il fonctionnait de telle ou telle

25 manière."

26 Ceci ne convient pas de la part d'un témoin expert. Quelle que soit

27 la façon dont on l'appelle, il base ceci sur l'ordonnance qui a été donnée

28 par la Chambre en juillet, ne peut pas faire que des conclusions, des

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1 spéculations, et cetera, dans son rapport, même si ces conclusions et

2 spéculations sont basées sur des documents qu'il présente comme éléments de

3 preuve, qu'il nous donne des informations concernant leur provenance.

4 Je voudrais donc souligner deux points. Par exemple, la deuxième

5 partie de son rapport. Il y a une section intitulée (E) : "Association de

6 la RFY et organisations serbes et lien avec les crimes." Cette section n'a

7 pas trait aux documents que M. Coo présente ou a analysés. Ceci vise

8 simplement à donner comme un cours à la Chambre de première instance sur la

9 façon dont les témoins devraient être entendus, interprétés, comment les

10 témoignages et dépositions de témoins devraient être interprétés et ce que

11 veulent véritablement dire les témoins lorsqu'ils parlent de paramilitaires

12 et quelles déductions on peut tirer de la déposition de témoins comme étant

13 les descriptions d'unités et à qui ils appartenaient.

14 Cette section, elle est reliée aux appendices (A) à (C), la partie 1 de

15 cette partie-là effectivement du rapport. Je crois que c'est la page 127.

16 Il y a des paragraphes particuliers où il est dit : "Ceci pourrait être

17 probablement ce que le témoin ou les témoins voulaient dire lorsqu'ils ont

18 parlé de paramilitaires." Ce type de déduction n'est pas admissible sous

19 une forme quelconque indépendamment de la personne qui est censée avoir été

20 un témoin des faits et d'établir pour l'essentiel un lien pour ces

21 documents qui ont été reçus de sources officielles pour la Chambre de

22 première instance pour l'aider du point de vue de la compréhension de ces

23 documents.

24 Ce rapport et ces sections dans cet additif par rapport à d'autres sections

25 -- je ne fais que souligner quelque chose qui n'a pas encore été abordé,

26 parce que je pense que c'est important d'aller bien au-delà et d'examiner

27 la question de la provenance de ces documents lorsqu'il y a tel ou tel

28 argument, déposition.

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1 Je suis très surpris que, dans ce rapport, on ait ces formes-là, à savoir

2 qu'il y a un témoin, témoin de faits présenté par le bureau du Procureur,

3 l'un de leurs enquêteurs, qui dit à la Chambre : "Lorsque les témoins dits

4 X, Y et Z, en fait, ils voulaient vraiment dire ceci et il faudrait déduire

5 qu'ils se réfèrent à ceci." Je pense que ceci est une forme qui ne convient

6 pas.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous

8 donner un exemple précis de cela ?

9 M. IVETIC : [interprétation] Certainement. A la page 98 que j'ai à l'écran.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

11 M. IVETIC : [interprétation] Excusez-moi. Je suis en train d'essayer de

12 retrouver le paragraphe exact que je lisais --

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je pense que je vois le

14 paragraphe 2 de cette page.

15 M. IVETIC : [interprétation] Paragraphe 2 de cette page, c'est un des

16 exemples. Mais il y en a un autre, je pense, plus particulièrement

17 intéressant du point de vue -- paragraphe 4 de la page suivante, c'est

18 également un de ceux qui sont troublants, parce qu'on peut y lire :

19 "Lorsqu'une distinction entre militaire et MUP ne peut pas être aisément

20 faite, il demeure possible de démontrer que l'organisation qui attaquait

21 était néanmoins un groupe armé et organisé officiel." Pour l'essentiel,

22 ceci poursuit en disant : "Avec le nombre de personnes qu'il y avait,

23 c'était organisé, il n'y avait pas de possibilité pour d'autres, de l'autre

24 côté, d'avoir ce genre de groupe." Je pense que ceci se trouve dans les

25 paragraphes suivants.

26 Pour l'essentiel, ce qu'on essaie de faire ici, c'est de fournir un lien

27 entre les entités officielles armées, organes de l'Etat sur lesquels

28 l'accusé aurait pu avoir des rapports, des liens avec les événements sur

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1 lesquels les témoins ont déposé. Pour l'essentiel, M. Coo est en train

2 d'essayer de remplir des trous, en quelque sorte, dans les dépositions des

3 témoins de faits dans cette section en particulier. Je pense que ceci ne

4 devrait pas être autorisé, et une bonne partie de cette section, la plupart

5 des paragraphes ont trait à cela plusieurs fois. Au paragraphe 6 : "Les

6 témoins parlent également de ce qu'on peut rappeler un mélange

7 d'uniformes." Là encore, ceci est en train de donner un cours ou une leçon

8 ou des instructions sur la façon dont ceci devrait être comparé et

9 considéré comme compatible. Là encore, il ne s'agit pas de relater

10 simplement ces documents. Ceci, on ne devrait pas pouvoir l'admettre par le

11 truchement de M. Coo. Je pense que pour ces raisons et les raisons qui ont

12 été évoquées par mes confrères, ou M. Coo ne devrait pas déposer, ou la

13 déposition qu'il devrait faire concernant ces documents reçus de sources

14 officielles pour assister les membres de la Chambre en ce qui concerne le

15 lien entre ces documents, je ne sais pas s'il peut ainsi tirer certaines

16 conclusions.

17 Comme par exemple, on voit à la page 29 de la partie 1 où il suppose

18 tout simplement que les lois de l'ex-JNA pourraient être identiques aux

19 documents de la VJ qu'il n'avait pas en sa possession et par conséquent qui

20 pourraient s'appliquer. Je pense qu'un tel type de spéculation, je suis sûr

21 que la Chambre de première instance ne se fondera pas là-dessus et je pense

22 que sur la base de cette absence de document, sur la base de cela, les

23 déclarations faites par M. Coo, je pense qu'il n'est pas plus qualifié que

24 je ne le suis pour faire des spéculations de ce genre ou aller en sens

25 contraire.

26 Tels sont les arguments qui devront être examinés si nous allons permettre

27 à M. Coo de présenter des arguments qui puissent avoir une valeur probante

28 ou pertinente.

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1 Je vous remercie pour le moment.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Maître Ivetic.

3 Maître Hannis, combien de temps vous faudra-t-il pour

4 répondre ?

5 M. HANNIS : [interprétation] Pas plus d'une demi-heure.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne pense pas que nous allons

7 pouvoir prendre une décision immédiate sur ceci, donc votre témoin doit

8 être disponible après la suspension.

9 Nous allons maintenant nous interrompre jusqu'à 11 heures 05.

10 --- L'audience est suspendue à 10 heures 42.

11 --- L'audience est reprise à 11 heures 13.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, vous avez la parole.

13 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

14 Je voudrais commencer par indiquer que c'est à vous de juger, à vous de le

15 déterminer en application de l'article 89(C). Vous devriez estimer que cet

16 élément de preuve est utile et pertinent et vous devriez autoriser la

17 déposition de M. Coo. Vous devriez autoriser le versement de son rapport.

18 Qu'on l'appelle expert, analyste, témoin de synthèse chargé de la filière

19 de conservation des documents ou témoin factuel, ce sera utile. Est-ce que

20 ceci risque de le léser ? La Défense, si cet élément de preuve est

21 autorisé, nous disons que non pour les raisons que je vais évoquer.

22 Je voudrais revenir sur certaines des observations faites par les

23 avocats de la Défense, à commencer par Me O'Sullivan. Il a dit qu'un des

24 problèmes, c'était que M. Coo était proche de l'équipe chargée des

25 poursuites. Il a dit qu'il faisait partie de l'équipe, qu'il avait témoigné

26 dans le procès Milosevic. Il a oublié une chose. C'était peut-être commode.

27 Il a aussi témoigné ici en tant que témoin expert dans l'affaire Limaj où

28 l'Accusation avait mis en accusation des membres de l'UCK. Ceci montre que

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1 M. Coo n'est pas entaché de parti pris et qu'il est impartial.

2 Tout ce qui se trouve dans son rapport est en rapport avec un

3 document ou des documents. Il y a des questions qui ont été posées quant

4 aux sources, mais nous estimons que c'est là un élément qui intervient dans

5 le poids à donner à son rapport. On dit aussi que certains de ses dires

6 sont des conclusions, donc on peut tirer toutes sortes de conclusions. Il y

7 a aussi une échelle graduée de valeur des conclusions. Par exemple, on peut

8 me demander de témoigner à propos de ce procès-ci ou à propos d'avocats en

9 l'espèce. Je ne suis peut-être pas qualifié en tant que témoin expert. Cela

10 fait 25 ans que je plaide. J'ai vu beaucoup d'avocats, beaucoup de procès,

11 et je pourrais dire que tel ou tel avocat de la Défense a pris beaucoup de

12 temps, des détours, ou je pourrais peut-être dire qu'un avocat de la

13 Défense a été très précis, très concis. Puis, je vais citer une référence

14 du compte rendu d'audience à l'appui de ma thèse. Ce serait peut-être utile

15 pour les Juges de faits dans cette espèce-là, dans ce procès-là. Je

16 pourrais faire référence aux documents que j'ai utilisés pour tirer ces

17 conclusions, des conclusions qui ne sont pas celles d'un expert.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais si vous n'êtes pas expert comme

19 témoin, est-ce que vous devriez indiquer la longueur des arguments

20 présentés pour décider vous-même ou si vous laissez le soin aux Juges de

21 dire qu'il a pris trop de détours ? A la suite des avocats qui vous

22 défendent et qui parlent pendant 25 minutes, est-ce que ce serait trop de

23 détours ?

24 M. HANNIS : [interprétation] Oui, mais s'il y a 50 000 pages de compte

25 rendu d'audience, il sera peut-être utile que le Juge des faits dans ce

26 procès-là reçoive une référence.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je suis d'accord, mais vous allez

28 peut-être dire que cette personne prend beaucoup de détours pour parler ou

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1 est au contraire concis. Cela, c'est un élément que vous ne pouvez donner

2 que si vous êtes expert, à mon avis.

3 Vous pourriez être qualifié comme expert. Mais prenez comme hypothèse que

4 vous ne l'êtes pas pour le moment. Je me demande si vous n'allez pas trop

5 loin dans votre raisonnement. Vous me prenez comme exemple, mais un exemple

6 de quelqu'un qui n'est pas expert, puis vous tirez une conclusion qui est

7 une conclusion d'expert. Où est-ce que vous dites que vous ce n'est pas une

8 conclusion d'expert, est-ce que c'est une conclusion que tout profane peut

9 tirer ?

10 M. HANNIS : [interprétation] Oui, mais je peux dire que je suis témoin

11 factuel parce que j'étais présent et je peux aider ce Juge des faits à

12 trouver l'endroit dans le compte rendu d'audience où il est parlé de cela.

13 Sinon, l'Accusation peut vous soumettre ces 50 000 pages. Il dira que cela

14 se trouve quelque part dans ces 50 000 pages.M. LE JUGE BONOMY :

15 [interprétation] Je suppose qu'on n'aura pas trop de difficulté à l'idée de

16 penser que M. Coo nous permettra de trouver des documents pertinents et

17 peut nous informer et nous renseigner sur leur authenticité. Mais nous

18 parlons ici des conclusions à tirer, et même dans cette hypothèse qu'une

19 personne prenne des détours pour parler ou pas, ce n'est peut-être pas une

20 conclusion d'expert, mais un Juge des faits va tirer ces conclusions, et

21 pas un témoin.

22 M. HANNIS : [interprétation] Je vous comprends, Monsieur le Président.

23 Me O'Sullivan, mais aussi Me Petrovic et Me Ackerman ont présenté des

24 griefs analogues à l'encontre du rapport que nous demandons à verser après

25 expurgation. Il y a une différence entre ce rapport et ce qui avait été au

26 départ présenté. Nous sommes d'accord sur ce point. Mais rappelez-vous ce

27 que vous avez dit vous-même en juillet; vous avez laissé entendre qu'à

28 partir de ce qui s'était lu à l'époque, il ne semblait pas qu'il y aurait

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1 beaucoup d'éléments d'expert. Parce que M. Coo a été très prudent dans son

2 rapport, c'est pour cela qu'il n'a pas été nécessaire d'apporter beaucoup

3 de modifications pour enlever les éléments qui étaient des opinions ou qui

4 étaient des conclusions qu'il tirait.

5 Me O'Sullivan vous a cité deux affaires dont il estime qu'elles

6 étaient sa thèse, à savoir qu'il faut exclure sa position, décision Kordic

7 et décision Milosevic. Une des distinctions qu'il faut opérer entre ces

8 deux affaires-là et celle-ci, c'est que dans ces deux affaires-là, le

9 résumé ou l'enquêteur essayait de présenter à la Chambre des déclarations

10 préalables de témoins. Nous sommes d'accord pour le dire. Ce n'est pas

11 comme cela qu'il faut agir parce que ceci s'oppose aux règlements. On ne

12 peut pas présenter des éléments d'ouï-dire sans donner une occasion à la

13 Défense de contre-interroger. Ceci aurait été l'effet si ces deux témoins

14 avaient été autorisés à témoigner selon les modalités proposées par

15 l'Accusation.

16 S'agissant de la décision Milosevic, Me O'Sullivan a fait référence au

17 paragraphe 23 de ladite décision. La Chambre de première instance a dit que

18 si elle allait autoriser une synthèse ou un résumé, il faudrait notamment

19 que la Chambre soit convaincue de la fiabilité de la méthode utilisée pour

20 établir ce résumé, énumérer trois choses. Le résumé de ces éléments ne doit

21 pas être considéré fiable si ces documents n'ont pas eux-mêmes été versés

22 de façon à permettre à la Chambre de procéder elle-même à l'évaluation de

23 ces documents.

24 En l'espèce, les documents résumés par M. Coo, ces documents mis en

25 notes de bas de page, aucun de ces documents n'a encore été versé au

26 dossier, mais ils sont à la disposition pour examen par la Chambre. Nous

27 avons l'intention de faire verser la plupart de ces documents par le

28 truchement de M. Coo. A partir de son rapport sur la provenance qui

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1 montrera comment ces documents sont entrés en possession du bureau du

2 Procureur, il pourra vous dire pourquoi, à notre avis, ce sont des

3 documents authentiques à partir de cachets, de tampons, des moyens

4 d'obtention de ces rapports, des parties qui nous les ont fournis, des

5 liens, des liens logiques avec d'autres documents connus déjà versés au

6 dossier, et cetera.

7 Deuxième élément, la Chambre de première instance, en ce paragraphe 23, dit

8 : "Si la Chambre devait s'appuyer sur ce résumé sans avoir l'occasion

9 d'apprécier elle-même la fiabilité de ce document, l'opinion publique

10 estimerait que le verdict ultime n'est pas sûr s'il n'est pas possible de

11 faire cette appréciation."

12 Mais vous aurez l'occasion de le faire, vous, avant de tirer vos

13 conclusions. On dit aussi que si les déclarations sont admises, le résumé

14 n'est pas nécessaire. Mais ici, le résumé, c'est une feuille de route pour

15 vous qui vous permettra de traverser ce labyrinthe, cette avalanche de

16 documents que vous avez.

17 Me O'Sullivan a également déclaré ou fait observer que le rapport de

18 M. Coo suit le mémoire préalable au procès, l'acte d'accusation. Je dis que

19 c'est plutôt l'inverse. A bien des égards, le mémoire préalable au procès

20 suit le rapport de M. Coo. C'était un rapport qui avait été établi dans le

21 contexte de l'affaire Milosevic, et l'acte d'accusation déposé en l'espèce

22 a été rédigé après.

23 M. Coo démontre qu'il y a un problème dans cette institution lorsqu'il

24 s'agit d'experts qui font partie du bureau du Procureur. Nous savons qu'il

25 est périlleux d'utiliser ce genre d'expert. Mais nous, nous l'avons fait au

26 bureau du Procureur dans plusieurs procès qui se sont tenus dans ce

27 bâtiment, dans cette enceinte. La difficulté, lorsqu'on cherche des experts

28 externes, c'est que les personnes qui sont sans doute les plus qualifiées

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1 pour parler des choses liées au conflit dans les Balkans, ce sont souvent

2 des personnes qui ont vécu dans cette région et qui seront automatiquement

3 entachées de parti pris pour l'un ou pour l'autre, en fonction de l'endroit

4 où elles travaillaient, de l'organisation pour laquelle elles

5 travaillaient. Il est difficile de trouver des experts qui viennent de la

6 région.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez maintenant présenté de

8 nouveaux arguments sur une question déjà tranchée. Il n'est pas question de

9 revenir sur la décision qui disait que nous allions refuser de considérer

10 ceci comme étant une déposition d'expert. Ce n'est pas pour cela. Ce n'est

11 pas parce qu'il est trop proche du bureau du Procureur que nous ne lui

12 accorderons aucune valeur. Je pense qu'ici, effectivement, le fait que ce

13 genre d'élément reste dans ce rapport sera un peu difficile.

14 M. HANNIS : [interprétation] Mais effectivement, un des arguments, c'était

15 qu'il ne devrait pas témoigner parce qu'il est parti prenante dans l'issue

16 du procès. Mais rappelez-vous, il a été témoin dans le procès Milosevic,

17 mais aussi dans le procès Limaj et il reçoit la même paye quel que soit le

18 procès dans lequel il témoigne ou il ne témoigne pas.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais je suppose que le bureau du

20 Procureur a cherché une condamnation dans les deux procès.M. HANNIS :

21 [interprétation] En tant que Procureur, je cherche la justice. Alors, la

22 justice serait condamnation ou pas, cela dépend. Mais il ne reçoit pas de

23 bonus, de primes. Il n'a pas de butin parce qu'il vient témoigner ici. En

24 tout cas, ce n'est pas en fonction de l'issue du procès qu'il recevra une

25 prime ou pas.

26 Indépendamment de cela, comme on vous l'a dit, M. Coo a cerné plusieurs

27 éléments en application de l'article 68, donc à la décharge des accusés,

28 documents qu'il a fournis à la Défense. Il nous a aidés à les trouver. Une

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1 des questions en litige ici, c'est de savoir si le MUP était subordonné à

2 la VJ, à l'armée de Serbie pendant la guerre. Dans son rapport, il exprime

3 certains doutes sur la question. Est-ce que cela s'est vraiment passé ou

4 pas ? Il n'en est pas sûr. Nous estimons que là aussi, c'est un autre point

5 qui montre son impartialité.

6 Me Petrovic, quant à lui -- oui, effectivement, on dit qu'on aurait

7 dû trouver un autre expert après la décision rendue. Mais je vais prendre

8 un des exemples mentionnés dans l'addendum, paragraphe 10, lorsqu'on parle

9 du commandement conjoint. Il dit : "Il n'y avait pas preuve de présence de

10 civils au commandement conjoint en 1999." Ceci intervient pour déterminer

11 la valeur, le poids à donner, mais cela ne va pas être une raison

12 d'exclusion de son rapport. Paragraphe 16(D), partie 1 du rapport, il se

13 plaint du fait que M. Coo aurait omis une note de bas de page ou plutôt une

14 phrase du document mentionné à la note 25. Mais M. Coo en parle, il parle

15 de cette deuxième phrase. En ce qui concerne la date d'octobre 1998, plus

16 tard, dans la partie 2(B) du rapport, page 46, il en parle, ou plutôt

17 paragraphe 36.

18 Me Petrovic s'est également plaint du fait que page 52, première

19 partie, paragraphe 113, il mentionne pour la première fois le commandement

20 conjoint. Mais si vous lisez le reste de la phrase, vous voyez qu'il parle

21 ailleurs dans son rapport, plus loin, du commandement conjoint.

22 Me Petrovic a fait valoir que la pièce 1468, ce serait le procès-verbal

23 d'une réunion du commandement conjoint de 1998 qui n'a pas été versé.

24 Effectivement, nous avions demandé le versement par le truchement du témoin

25 Vasiljevic, et vous avez estimé qu'il n'y avait pas suffisamment

26 d'authenticité et de valeur probante à ce moment-là et vous avez rejeté le

27 versement du document. Nous allons reprendre nos arguments pour essayer de

28 vous convaincre de l'utilité de ce versement. Une première décision

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1 n'exclut pas une décision différente.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quel était le problème que posait ce

3 document ?

4 M. HANNIS : [interprétation] C'étaient des notes manuscrites sans

5 signature, sans sceau, sans tampon. Mais je pense que je vous présenterai

6 mes arguments plus tard.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est simplement que je ne me

8 souvenais pas des circonstances particulières. Il y avait quelque chose

9 d'inusité à ce propos, mais vous avez confirmé ce que je pensais.

10 M. HANNIS : [interprétation] En conclusion, Me Petrovic dit que M. Coo n'a

11 pas le droit d'être témoin, il n'a pas les qualifications nécessaires.

12 C'est cette décision que vous, vous devez prendre, Messieurs les Juges, et

13 pas lui, pour voir si l'élément de preuve qu'il présente est pertinent.

14 Me Ackerman a dit que M. Coo n'était qu'un capitaine, il n'est pas colonel

15 ni général, mais ceci ne peut intervenir que si on voit le poids, parce

16 qu'effectivement si on est dans l'armée, le fait que quelqu'un est général

17 ne veut pas dire nécessairement qu'il sera meilleur témoin, meilleur chef,

18 meilleur dirigeant. Il faut juger un individu à partir de ses qualités

19 intrinsèques, et pas du grade qu'il a. Voilà. Tout ceci de toute façon fera

20 l'objet de contre-interrogatoire et d'une décision de votre part.

21 Me Ackerman a également soulevé un grief qui dit qu'on ne sait pas trop de

22 quelle pièce il s'agit. Mais nous avons fourni un document quant à la

23 provenance du 14 février, donc on sait très bien où se trouvent ces pièces.

24 Me Ivetic a fait valoir que M. Coo a de l'expérience en matière militaire,

25 mais il n'est pas un expert en matière policière. Nous ne sommes pas en

26 désaccord avec lui; cependant, voyez le contexte de ce procès de cette

27 guerre. La police était plutôt ou fonctionnait plutôt comme une unité

28 militaire davantage que la police dont on a l'habitude autrement.

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1 En conclusion, nous disons que, bien sûr, c'est votre pouvoir

2 discrétionnaire visé par l'article 89 qui va déterminer ceci. Nous pensons

3 que M. Coo et son rapport peuvent vous être utiles. Les griefs de la

4 Défense sont des questions qu'il est possible de régler au moment du

5 contre-interrogatoire. En conclusion, je pense qu'il est utile que vous le

6 voyiez pour que vous compreniez que ce n'est pas l'homme qu'on vous a

7 dépeint.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois qu'on l'avait déjà vu.

9 M. ACKERMAN : [interprétation] Vous me donnez cinq secondes, Monsieur le

10 Président ?

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

12 M. ACKERMAN : [interprétation] M. Hannis a dit, peut-être à juste titre,

13 que j'avais omis de mentionner qu'il avait été témoin dans l'affaire Limaj.

14 Mais ceci montre que c'est un fonctionnaire très loyal du bureau du

15 Procureur. Il dit ce qu'on lui demande de dire en fonction de l'acte

16 d'accusation.

17 M. HANNIS : [interprétation] Je voudrais que ceci soit supprimé du compte

18 rendu d'audience.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que là, c'est une rivalité de

20 l'humour qui joue ici. C'est un "qui est le plus malin". Tout ce qui devait

21 être dit a été dit.

22 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous rendrons une décision sous peu

25 après avoir examiné complètement tous les arguments. Dans l'intervalle,

26 nous allons faire venir le témoin suivant.

27 Monsieur Stamp, votre témoin suivant.

28 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Ce sera M.

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1 Wolfgang Petritsch.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Petritsch.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vais vous demander de prononcer la

7 déclaration solennelle en faisant lecture du document qu'on est en train de

8 vous remettre.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

10 Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien

11 que la vérité.

12 LE TÉMOIN : WOLFGANG PETRITSCH [Assermenté]

13 [Le témoin répond par l'interprète]

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Veuillez-vous asseoir.

15 Monsieur Stamp, vous avez la parole.

16 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Est-ce que vous

17 avez une question ou est-ce que je peux commencer ?

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Allez-y.

19 M. STAMP : [interprétation] Merci.

20 Interrogatoire principal par M. Stamp :

21 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur l'Ambassadeur. Je vais vous demander

22 tout d'abord de décliner votre identité et de nous dire quelles sont vos

23 fonctions actuelles.

24 R. Je m'appelle Wolfgang Petritsch. Je suis aujourd'hui représentant

25 permanent de l'Autriche auprès des Nations Unies à Genève.

26 Q. En 1997, avez-vous été désigné à un poste précis ?

27 R. Oui. En 1997, j'ai été nommé ambassadeur autrichien à Belgrade auprès

28 de la République fédérale de Yougoslavie, en septembre, en octobre 1997.

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1 Q. En 1998, est-ce qu'on vous a remis des attributions supplémentaires ?

2 R. En septembre 1998, j'ai été chargé d'être l'envoyé spécial de l'Union

3 européenne au Kosovo. J'ai été nommé à ce poste par les ministres des

4 Affaires étrangères de l'Union européenne.

5 Q. C'est un poste que vous avez occupé pendant que vous étiez ambassadeur

6 de l'Autriche en Yougoslavie ?

7 R. Oui. En somme, j'étais l'envoyé spécial de l'Union européenne. C'était

8 un accord interne conclu entre mon gouvernement et l'Union européenne. Ma

9 capacité complète était celle d'envoyé spécial de l'Union européenne.

10 Q. Vous avez exercé ces fonctions jusqu'en juillet 1999, je veux dire par

11 rapport à la Yougoslavie ?

12 R. Exact.

13 Q. Où étiez-vous posté ? Je parle là de la période 1999, 2000, 2002.

14 R. En 1999, fin juin, l'Union européenne, plus exactement les chefs d'Etat

15 des gouvernements européens m'ont nommé haut représentant de la communauté

16 internationale pour la Bosnie-Herzégovine.

17 Q. C'est un poste que vous avez gardé jusqu'à quand ?

18 R. Jusqu'au mois de mai 2002, pendant trois ans.

19 Q. Monsieur l'Ambassadeur, je pense que récemment vous avez reçu un prix

20 pour les activités que vous aviez ?

21 R. Oui. J'ai reçu le Prix européen des droits de l'homme.

22 Q. Quand exactement ?

23 R. La semaine dernière, à Strasbourg.

24 Q. Avez-vous fourni une déclaration préalable au TPIY concernant les

25 activités que vous avez eues en tant qu'envoyé européen au Kosovo ?

26 R. Oui. Je pense que je l'ai fournie en 1999.

27 Q. Oui, je vois la date du 14 mai 1999 ainsi que la date du

28 9 juin 1999.

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1 R. Exact.

2 M. STAMP : [interprétation] Il s'agit de la pièce 2792, Mesdames et

3 Messieurs les Juges.

4 Q. Par la suite, le 2 juillet 2002, avez-vous été témoin ici même dans le

5 procès intenté contre Slobodan Milosevic ?

6 R. Oui. J'ai été témoin dans ce procès.

7 Q. Récemment, avez-vous eu l'occasion de relire le compte rendu d'audience

8 de votre déposition dans le procès Milosevic ?

9 R. Oui, récemment j'ai relu ceci et j'ai apporté quelques corrections que

10 je voulais faire.

11 Q. Prenons, si vous le voulez bien, la page 7 256.

12 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit de la pièce

13 2793 -- P2793 [comme interprété], page 72 567.

14 Q. Dans votre déclaration comme dans votre déposition dans le procès

15 Milosevic, vous avez parlé des événements qui portaient ou qui entouraient

16 les événements des négociations à Rambouillet, et des questions vous ont

17 été posées à ce propos.

18 R. C'est exact.

19 Q. A la page 7 256, je vois que vous faites référence, ainsi que la page

20 suivante, ligne 18 plus exactement, vous dites ceci : "Je ne veux pas

21 donner trop de détails ni de détails techniques de ce 257, ce qu'on a

22 appelé les chapitres d'application des accords de Rambouillet :

23 l'application par la police civile, l'application par la police ainsi que

24 l'application militaire. J'ai déjà essayé de l'expliquer, c'était l'aspect

25 technique qui explique pourquoi il faut un volet politique de l'accord. A

26 partir de cela, on a le texte et les aspects concrets de l'accord politique

27 qu'on applique, ensuite on traduit dans des paragraphes et chapitres

28 d'exécution technique."

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1 Je saute un passage, si vous me le permettez, pour arriver à la fin

2 de cette page 7 257. On vous demande ceci par rapport à ces parties. Avant

3 de poursuivre, avant d'oublier, je tiens à préciser, Monsieur le Président,

4 que la cote est 2793. Je le précise aux fins du compte rendu d'audience. Il

5 me semble que la cote n'a pas bien été reprise au compte rendu d'audience

6 d'aujourd'hui. Je parle de la ligne 6.

7 Monsieur le Témoin, prenons la fin de cette page 7 257. On vous demande

8 ceci : "Dites-moi, ces 83 pages de la partie militaire du projet, pourquoi

9 est-ce qu'elles ont été remises à la partie yougoslave après le dernier

10 jour des négociations de Rambouillet ?"

11 Vous répondez ceci : "C'est parce que c'était le moment où les

12 prérequis de la part de l'accord étaient négociés. C'était le moment qui se

13 prêtait à la transmission de la partie militaire de l'accord."

14 Interpréter ces termes voudrait dire que vous acceptiez cette partie

15 de l'accord de 257, la partie militaire qui a été transmise après la fin

16 des négociations. Est-ce là bien interpréter vos termes ?

17 R. Non. J'ai du mal à comprendre la question ou la question posée

18 par l'accusé parce que c'était clair - et ceci est étayé par des documents,

19 d'ailleurs - la première mouture définitive a été transmise le 18 février.

20 Le projet de texte final après la deuxième partie, le prolongement des

21 négociations de Rambouillet a été transmis le 23 février dans la matinée.

22 Les parties ont été appelées à présenter des commentaires, des réponses à

23 ce texte définitif avant 13 heures ce jour-là.

24 Q. Merci.

25 R. Là, c'est une correction que j'aimerais apporter parce que

26 manifestement ici il y a eu un malentendu. Il est clair que ces documents

27 ont été transmis dans le cadre même des négociations de Rambouillet.

28 Techniquement, il n'aurait pas été possible de les transmettre après que

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1 les négociations de Rambouillet aient été terminées.

2 Q. Quel était le dernier jour des négociations de Rambouillet ?

3 R. C'était le 23 février.

4 Q. Mis à part cette correction et quelques petits points techniques, est-

5 ce que la transcription de votre déposition est véridique, selon votre

6 souvenir ? Si on vous posait les mêmes questions, est-ce que vous

7 répondriez de la même façon ?

8 R. Au fond, oui. Il y a quelques nouvelles réponses et quelques erreurs de

9 faits qu'à l'époque je faisais parce qu'à l'époque je venais de Bosnie-

10 Herzégovine, donc je l'ai dit, au lieu de dire Kosovo, mis à part quelques

11 lapsus de cette nature-là, je dirais exactement la même chose qu'en 2002.

12 Q. Dans votre déclaration de 1999, on vous a demandé si, d'après votre

13 meilleur souvenir, si ce que vous disiez correspondait à la vérité. Est-ce

14 que vous diriez la même chose aujourd'hui ?

15 R. D'après mon meilleur souvenir, effectivement, je répondrais de la même

16 façon aux questions posées, je présenterais les mêmes arguments.

17 M. STAMP : [interprétation] La déclaration préalable et le transcript, à

18 savoir les pièces 2793 et 2792, sont versés au dossier. Je demande leur

19 versement.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

21 M. LUKIC : [interprétation] Je présente mes excuses et je présente mes

22 excuses à l'ambassadeur Petritsch. Nous souhaitons soulever une objection

23 par rapport aux petites portions de ces documents, et c'est l'endroit où

24 l'ambassadeur Petritsch fait mention de mon client. Je pense que cette

25 chose a fait l'objet d'une enquête du bureau du Procureur. Il a été établi

26 qu'une telle conversation n'a pas été interceptée. On parle de la

27 déclaration de l'ambassadeur du 14 mai 1999, la page 7, le dernier

28 paragraphe, P2792, donc la transcription dans l'affaire Milosevic, page 1

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1 295, pages 22 à 24.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez. Vous avez parlé de la page 7

3 --

4 M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le dernier paragraphe, Maître Lukic.

6 M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous parlez de la page en anglais ?

8 M. LUKIC : [interprétation] Oui.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Où est-ce qu'on parle de la

10 conversation interceptée ?

11 M. LUKIC : [interprétation] Pas vraiment la conversation interceptée, mais

12 on parle d'une conversation concernant Racak entre --

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quand vous avez dit la conversation

14 interceptée, vous vous êtes mal exprimé --

15 M. LUKIC : [interprétation] Justement, elle n'a pas été interceptée. Une

16 enquête a été faite à ce sujet. M. Hannis a accepté que cette conversation

17 n'ait pas été enregistrée où que ce soit, qu'ils n'ont pas de traces de

18 cette conversation. Elle a été publiée dans une publication new-yorkaise,

19 mais je pense qu'en réalité, c'est quelque chose qui a été publié au

20 Washington Post.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans cette déclaration, on peut lire :

22 "La discussion entre Sainovic, Sreten, Lukic a aussi fait l'objet d'une

23 publication dans la presse." Ceci indique une référence préalable qui a été

24 faite à cette conversation. Est-ce que quelque part ailleurs dans cette

25 déclaration on y fait référence ?

26 M. LUKIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Petritsch, est-ce que vous

28 pouvez nous aider à ce sujet ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. A l'époque, il existait un rapport. Je

2 pense que c'était dans un journal, enfin, dans une publication américaine

3 où l'on parlait d'une conversation qui aurait eu lieu entre M. Sainovic et

4 M. Lukic. Ceci a été rapporté dans les médias, dans la presse écrite, et en

5 même temps on y parle ici, la date est du 15 janvier. J'ai fait référence

6 sans me porter garant de la véracité de cela.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends.

8 Je comprends. M. Lukic dit que puisque cet élément a été présenté, le

9 Procureur a fait sa propre enquête à sujet, il a accepté que ce rapport n'a

10 jamais été fait. Que me répondez-vous ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai vu moi-même. J'ai vu moi-même cet

12 article de journal et j'ai pu le vérifier. J'ai pu vérifier si un article

13 existe ou non. D'après mon meilleur souvenir, cela existe.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce qui peut être difficile, parce que

15 vous avez plusieurs éditions parfois d'un même journal, enfin, d'une même

16 publication dans la journée, et parfois cela peut être un exercice

17 difficile.

18 M. STAMP : [interprétation] Oui, cet article de journal existe.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

20 M. STAMP : [interprétation] Ce qui s'est passé, c'est que quand la question

21 a été posée, M. Hannis a dit qu'il n'était pas en mesure de vérifier si

22 ceci a été publié ou non, si cet article existe oui ou non. C'est sur cette

23 base-là que mon confrère de la Défense a accepté que le Procureur ait dit

24 que cet article n'existait pas. On en a parlé ce matin, et j'ai vérifié

25 cela, donc cet article existe.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En ce qui nous concerne, ceci ne peut

27 pas figurer parmi les pièces à conviction.

28 M. STAMP : [interprétation] Effectivement.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Là, il s'agit d'une question de

2 l'ordre académique, je dirais, théorique. C'est intéressant à savoir, mais

3 nous n'allons pas prendre en compte ceci au moment où nous allons prendre

4 notre décision, à moins d'entendre le journaliste qui a écrit cet article.

5 M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons expurger cette phrase de

7 la déclaration de la transcription puisqu'elle n'est pas pertinente.

8 M. LUKIC : [interprétation] J'ai aussi cité ce transcript,

9 page 1 295, lignes 22 à 24.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

11 M. LUKIC : [aucune interprétation]

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci beaucoup.

13 M. LUKIC : [interprétation] Merci.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous n'allons pas prendre en

15 considération ces informations-là non plus.

16 Monsieur Stamp.

17 M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

18 Monsieur le Président, je propose que l'on parle de la question de

19 Rambouillet avant de revenir sur 1998.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

21 M. STAMP : [interprétation] Je voudrais que l'on présente la pièce 474.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez. Il y a un petit élément qui

23 m'a échappé.

24 Monsieur Lukic, la référence que vous nous avez donnée par rapport au

25 transcript est exacte ? Il s'agit de la page 1 295 ? Ce n'est pas la page 7

26 295 ?

27 M. O'SULLIVAN : [interprétation] C'est 7 295.

28 M. LUKIC : [interprétation] Je ne sais pas. Je l'ai sous mes yeux. C'est

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1 une page qui a été scannée et j'ai l'impression que l'on peut y lire 1 295.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que c'est 7 295.

3 M. LUKIC : [interprétation] Oui, effectivement.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

5 M. STAMP : [interprétation] Page, enfin, le document P494.

6 Q. Ambassadeur, c'est la page de garde de ce document que vous avez eu la

7 possibilité de relire hier. Est-ce que ceci correspond -- enfin, je vais

8 vous poser une question ouverte.

9 Ce document, qu'est-ce que c'est ?

10 R. C'est un exemplaire des accords de Rambouillet, donc l'accord intérim

11 de paix et de l'autogouvernance au Kosovo en date du 23 février 1999.

12 Q. Voyez-vous à quel moment ce projet a été remis aux parties présentes à

13 Rambouillet ?

14 R. Le texte en entier a fait l'objet de négociations, de discussions

15 approchées, comment dire, entre deux parties. La version définitive avec

16 toutes les corrections s'y référant et avec le temps, la structure a changé

17 aussi. La version que l'on a sous les yeux comporte tous les petits

18 changements techniques, des questions techniques, s'il s'agit d'un article

19 ou d'un paragraphe, et cetera. Tout cela a été présenté aux deux côtés, aux

20 deux parties le

21 23 février 1999, entre 9 heures 30 et 10 heures du matin.

22 Q. Est-ce que les parties ont signé cet accord ?

23 R. A l'époque, notre intention était, puisqu'au cours des journées qui ont

24 précédé la journée du 23 février, que nous n'allions pas être en mesure de

25 finaliser les discussions, que nous allions proposer une pause de deux

26 semaines et demie à peu près, puisqu'il a été indiqué qu'au cours des

27 quelques derniers jours, alors que les parties connaissaient pratiquement

28 le texte en entier, il nous a été dit qu'ils avaient besoin de plus de

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1 temps. Les deux côtés nous ont dit cela, aussi bien les Albanais du Kosovo

2 que la délégation de Serbes et Yougoslaves, ils nous ont dit des deux côtés

3 qu'ils avaient besoin de plus de temps.

4 Ce que nous avons demandé le 23 au matin en leur remettant le projet

5 définitif était de répondre avant 13 heures en nous disant s'ils

6 accepteraient de participer au deuxième cycle des négociations après cette

7 pause qui devait durer à peu près deux semaines et demie sur la base de ce

8 texte-là. Il a été compris que le volet politique de l'accord ne faisait

9 plus ou moins pas l'objet de contestation, alors que le volet mis en œuvre

10 devrait être revu avec plus de détails au moment où la conférence allait

11 reprendre ses travaux à la mi-mars.

12 Q. Brièvement, pourriez-vous nous dire ce que comprenait le volet

13 politique de l'accord et ce que comprenait le volet mis en œuvre de

14 l'accord ?

15 R. Oui, le volet politique était guidé par des principes de base, à

16 savoir où l'on a invité les deux parties, alors il a été dit qu'il allait y

17 avoir un degré d'autonomie assez important, amélioré, et que la

18 souveraineté de la République fédérale de Yougoslavie allait être

19 maintenue. Puis, aussi, on a dit que la communauté internationale

20 respectait la souveraineté et l'intégrité territoriale de la République

21 fédérative de Yougoslavie. C'était notre cadre de travail, de principes de

22 base. Puis, parmi les principes de base, il y avait cet engagement

23 international sur la base de l'accord de Rambouillet concernant le Kosovo.

24 Là, c'était une référence faite à la résolution des Nations Unies 1199 en

25 date du mois de septembre 1998.

26 A Rambouillet, ce que les deux parties ont compris, ce que tout le

27 monde a compris, c'est que le volet politique voulait dire que la

28 constitution, le président, le président de l'assemblée, les questions des

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1 autorités judiciaires, et cetera, enfin toutes les institutions

2 démocratiques feront l'objet d'un accord avec le postulat de base qui doit

3 être d'accord sur tout. Normalement, ce que l'on a compris, c'est que ceci

4 n'allait pas être renégocié à nouveau quand nous allions reprendre nos

5 négociations à Paris.

6 En ce qui concerne la mise en œuvre, il y avait deux des points qui

7 se posaient par rapport à la mise en œuvre. Si vous aviez les accords sur

8 la mise en œuvre I et les accords II, la phase I et la phase I, là il

9 s'agit des paragraphes 5 et 7. Aussi nous sommes-nous mis d'accord que nous

10 allions aussi examiner le chapitre 2, la sécurité civile et la police.

11 Toute la question de la sécurité et de la mise en œuvre, elle devait faire

12 l'objet du deuxième cycle des négociations, et c'était la chose comprise

13 par tout le monde.

14 Ensuite, le chapitre 5, il s'appelle la mise en œuvre chiffre romain

15 I, et là on parle des institutions telles que l'OSCE, la coopération avec

16 l'Union européenne, et là à nouveau on évoque les principes qui sont les

17 postulats de base de cette invitation et qu'il s'agit donc que les deux

18 parties acceptent l'invitation et qu'en acceptant cette invitation les deux

19 parties acceptent les principes de base, y compris le fait que cette mise

20 en œuvre allait être faite en demandant à l'OSCE de participer ou de mettre

21 en œuvre une Mission d'observation au Kosovo. Cette mise en œuvre constitue

22 la partie civile de tout exercice de mise en œuvre, donc d'un accord.

23 La parenthèse que je pourrais ajouter, c'est que nous avions aussi un

24 modèle déjà. Le modèle, c'étaient les accords de Dayton qui ont été signés

25 par le côté yougoslave qui existaient. Nous savions exactement ce que

26 c'était. Je dois répéter que les accords de Dayton avaient un volet de mise

27 en œuvre des questions civiles et la mise en œuvre des questions

28 militaires. Là, je vais parler de la mise en œuvre de questions civiles, à

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1 savoir le chapitre 5.

2 Maintenant, le chapitre 7 --

3 Q. Vous avez parlé du chapitre 2 qui figure à la page 557 du document.

4 M. STAMP : [interprétation] Le numéro ERN K0364658. Le chapitre 5 de la

5 mise en œuvre que vous venez d'évoquer, c'est le numéro 4654. LE TÉMOIN :

6 [interprétation] Le chapitre 5 comporte le numéro 568 sur l'exemplaire que

7 j'ai.

8 M. STAMP : [interprétation] Oui, effectivement, 568, donc le numéro ERN est

9 K0364654, et le chapitre 7 correspond au numéro ERN K0364656.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi vous ne nous donnez pas juste

11 le numéro de page ? Je m'en fiche des numéros ERN et autres chiffres moins

12 compréhensibles.

13 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

14 M. STAMP : [interprétation] Page 573.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est tout ce dont nous avons besoin.

16 Je vous remercie.

17 M. STAMP : [interprétation]

18 Q. Avant de parler du chapitre 7, vous avez fait référence au Conseil de

19 sécurité des Nations Unies, d'une résolution. C'est un document qui figure

20 déjà parmi les pièces à conviction et c'est un document qui comporte la

21 cote P456. Je dis cela pour vous donner la référence. Vous pouvez

22 continuer.

23 R. Le chapitre 7, c'est la phase d'argumentation numéro II. C'est le volet

24 militaire de la mise en œuvre des accords. Elle a été signée et écrite par

25 les experts militaires de l'OTAN. C'est souvent le cas. Dans ce chapitre,

26 il y avait quelque chose qui était important pour le côté yougoslave, à

27 savoir l'acceptation des forces des garde-frontières de l'armée yougoslave,

28 1 500 membres du Bataillon yougoslave des frontières qui devraient

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1 s'ajouter à l'armée yougoslave et qui, au total, ne devraient pas dépasser

2 1 000 soldats.

3 C'est important de dire que dans le contexte militaire, les forces

4 yougoslaves devaient être présentes là-bas.

5 Ce qui était important dans ce contexte, c'est l'article 8, les

6 opérations et l'autorité de la KFOR. Je voudrais vous en parler davantage,

7 si vous me le permettez, puisque c'est un point clé de cet accord, puisque

8 là-dedans on dit que la KFOR et ses personnels devraient avoir un statut

9 juridique, les droits et les obligations qui sont tels que spécifiées dans

10 la pièce jointe B jointe à ce paragraphe. On pourra en parler plus tard.

11 Dans ce volet concernant la mise en œuvre militaire, il est dit

12 spécifiquement qu'elle aura sa mission par rapport uniquement au Kosovo.

13 Il est dit : "La KFOR jouira d'une liberté de circulation totale et

14 non limitée par air, terre et eau, pour entrer dans le Kosovo et partout

15 dans le Kosovo." J'ai dit "entrer dans le Kosovo et partout dans le

16 Kosovo". Ensuite, il est dit : "Dans le Kosovo, elle a le droit à exercer

17 des manœuvres", et cetera.

18 Ensuite, dans l'appendice (B), donc dans la pièce jointe (B), on trouve ces

19 éléments qui se réfèrent à l'article VIII des accords.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous éclaircir un point ?

21 Quand vous dites que l'armée yougoslave va créer des garde-frontières, une

22 forme de garde-frontières, vous parlez de quelles frontières

23 internationales ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Des frontières yougoslaves avec la Macédoine

25 et l'Albanie.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais en réalité, il s'agit de la

27 frontière entre le Kosovo et la Macédoine et l'Albanie ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bien sûr, nous ne parlons que du Kosovo.

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1 Mais par rapport à l'autorité, la responsabilité de la République

2 fédérative de Yougoslave, leur autorité devait être entièrement respectée

3 en ce qui concerne le passage des frontières internationales le long d'une

4 zone de sécurité de 5 kilomètres en ce qui concerne la frontière entre le

5 Kosovo et les deux Etats voisins, à savoir la Macédoine et l'Albanie.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

7 M. STAMP : [interprétation] Une autre question de suivi.

8 Q. Quelle est la signification de cela ? Peut-être que cela vous paraît

9 clair, mais quelle est la signification de cela, à savoir le fait que l'on

10 mentionne cela dans cet accord ? Est-ce que cela veut dire qu'on reconnaît

11 ou qu'on ne reconnaît pas l'intégrité territoriale de la République

12 fédérative yougoslave par rapport au Kosovo ?

13 R. C'était une référence directe quant à l'intégrité territoriale et à la

14 souveraineté de la République fédérative de Yougoslavie par rapport à cette

15 région, et ceci a été mentionné à plusieurs reprises dans ce texte. C'était

16 une des conséquences pratiques de ces accords. C'était la communauté

17 internationale qui s'est engagée au cours de ces négociations d'inclure de

18 façon active les côtés yougoslave et serbe dans la mise en œuvre ou la

19 réalisation de ces accords.

20 Q. Vous avez fait référence à l'annexe (B), le document K0364663. C'est la

21 page 566 du texte imprimé. Il s'agit également de la page 23 sur le

22 logiciel e-court.

23 R. C'est l'appendice (B), page 586 ?

24 Q. Page 586, oui. Pour la photographie qu'il y a là, je passe rapidement

25 sur la définition de l'OTAN, et au paragraphe 2 il est question de

26 l'obligation du personnel de l'OTAN de respecter les lois de la République

27 fédérative de Yougoslavie et leur obligation de s'abstenir d'activités qui

28 ne seraient pas compatibles avec la nature de l'opération.

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1 M. STAMP : [interprétation] Pourrait-on passer maintenant à la page

2 suivante ?

3 Q. Je crois que sur la gauche, vous avez le paragraphe 8. Pouvons-nous le

4 regarder un moment et en parler ?

5 R. Bien.

6 Q. Pouvez-vous faire des commentaires à ce sujet ? Comment est-ce que vous

7 comprenez le sens de ce paragraphe ?

8 R. Je pense que de façon à dresser la scène pour faire des préparatifs

9 pour cette question relativement technique de cet appendice (B), il est

10 nécessaire d'entrer un petit peu dans les questions du langage militaire,

11 du jargon de l'OTAN, pour ainsi dire. Ce statut de cette force de mise en

12 œuvre militaire multinationale est fondamentalement modelé selon le statut,

13 l'accord de statut des forces surface qui font que toutes les troupes

14 internationales, qu'elles se trouvent sous la direction de l'ONU ou

15 d'autres organisations régionales, doivent conclure avec l'Etat haut, pour

16 ainsi dire. Ceci concerne un peu la question des immunités diplomatiques

17 qui sont la routine, une base de routine établie entre les pays qui ont des

18 relations diplomatiques.

19 Quant à, maintenant, la question de l'aspect militaire, là vous avez

20 l'accord sur le statut des forces de surface fondamentalement chaque fois

21 qu'une force nationale importante est invitée à venir s'occuper de mise en

22 œuvre ou de maintien de la paix quelque part. C'est quelque chose qui est

23 davantage un élément de routine qu'autre chose, et il est clair que ceci a

24 trait au statut juridique avec les droits et les obligations des personnels

25 militaires.

26 Comme vous pouvez le voir, ici, cela commence par des définitions. De quoi

27 s'agit-il ? De quoi parlons-nous ? Nous parlons de l'OTAN. Que veut dire

28 OTAN ? Nous parlons des autorités de la République fédérative de

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1 Yougoslavie. Qu'est-ce que cela veut dire, le personnel de l'OTAN ? Et

2 ainsi de suite. On arrive à ce que vous venez de mentionner, à savoir que

3 les personnels de l'OTAN vont respecter les lois applicables dans la

4 République fédérative de Yougoslavie et ils vont s'abstenir pour que ce

5 soit les autorités de la république fédérale ou au Kosovo et ainsi de

6 suite. Ils doivent s'abstenir de certaines activités, et ainsi de suite.

7 Fondamentalement, on traite d'aspects administratifs entre KFOR et

8 Belgrade, la capitale. Le deuxième point important consiste à dire que ceci

9 est le premier projet que les experts de l'OTAN ont fourni pour les accords

10 de Rambouillet, de sorte que comme nous le savons, ceux-ci n'ont jamais été

11 négociés. Alors, les choses ont été présentées telles que rédigées, sans

12 aucune négociation, sans entretien parce que la partie yougoslave refusait

13 d'en parler, et seulement la partie yougoslave bien entendu était partie à

14 cela. On ne pouvait pas traiter avec un représentant kosovar de cette

15 question parce que vous traitez uniquement avec un Etat souverain, et non

16 pas avec une personne qui n'appartient pas à un Etat ou un représentant de

17 quelque chose qui n'est pas un Etat, comme c'est le cas pour le Kosovo. Par

18 conséquent, il est très clair que le partenariat était entre la communauté

19 internationale représentée par les négociateurs et le gouvernement de

20 Belgrade représenté par la délégation. C'est un deuxième point important

21 qu'il y a lieu de connaître.

22 Troisièmement, comme j'ai déjà dit, il n'y a pas eu de négociations. Par

23 conséquent, nous avons le texte tel qu'il a été rédigé par ces experts de

24 l'OTAN. Comme j'ai déjà dit, ceci pourrait créer une impression qu'il y

25 avait eu des critiques très vastes, si on lit ceci en ne regardant pas en

26 même temps ce que veut dire l'OTAN qui aurait le droit, disons les choses

27 de cette manière, d'occuper la République fédérative de Yougoslavie. Il est

28 clair que ceci n'a jamais été une intention, et je pense qu'avec du bon

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1 sens, on ne peut pas en faire un argument.

2 Est-ce qu'on pourrait imaginer qu'un pays, quel qu'il soit, comme la

3 France, la Grande-Bretagne, ou qu'ils sont très traditionnellement très

4 proches de la Yougoslavie, puissent signer quelque chose qui autorise

5 l'OTAN à occuper l'ensemble du territoire de la République fédérative de

6 Yougoslavie ? Je développe un peu plus sur ce point parce que je considère

7 que c'est un point essentiel dans toute cette controverse. Il est clair

8 qu'à cause du non-engagement de la partie yougoslave, nous n'avons jamais

9 réussi à parvenir au stade où on pourrait tenir compte de suggestions de la

10 partie yougoslave. Cela encore, c'est, je le répète, le premier texte en

11 vue comme une base d'entretiens futurs, de négociations pour essayer

12 d'éprouver, de tester, de rendre les choses plus précises et plus

13 compréhensibles, et tout cela. C'est cela que je voudrais dire à titre de

14 commentaire sur ce texte.

15 Q. Je vous remercie. Alors, depuis ce qui vient d'être dit, j'aurais juste

16 quelques --

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous souhaitiez le faire

18 juste maintenant ?

19 M. STAMP : [interprétation] Non, excusez-moi.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bon. Peut-être que nous sommes arrivés

21 au moment qui convient pour une suspension.

22 M. STAMP : [interprétation] Je ferai comme le souhaite la Chambre.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être que ceci pourrait être utile

24 si les questions pourraient être un peu plus centrées et si nous avions des

25 réponses quelque peu plus brèves et plus directes, en particulier pour des

26 questions que vous voyez comme particulièrement pertinentes. Après cela,

27 nous pouvons lire et interpréter les documents nous-mêmes.

28 M. STAMP : [interprétation] Très bien.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Petritsch, nous allons

2 maintenant suspendre la séance pendant environ une demi-heure. L'huissière

3 va vous accompagner. Si vous pouviez, s'il vous plaît, quitter maintenant

4 la salle d'audience avec l'huissière. Je vous remercie.

5 [Le témoin se retire]

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous reprendrons l'audience à 1 heure

8 moins quart.

9 --- L'audience est suspendue à 12 heures 24.

10 --- L'audience est reprise à 12 heures 48.

11 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp.

13 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

14 Q. Les aspects ou volets militaires auxquels vous vous êtes référé du

15 point de vue des parties concernant la mise en œuvre de l'accord, je pense

16 que vous saviez que cela avait été rédigé par des experts de l'OTAN. Est-ce

17 que vous-même ou quelques personnes de votre équipe ont participé à la

18 rédaction dans ce domaine ?

19 R. Non.

20 Q. Le Groupe de contact. Pourriez-vous nous rappeler qui c'étaient, les

21 membres du Groupe de contact ?

22 R. Ceux qu'on a appelés le Groupe de contact consistaient en représentants

23 des Etats-Unis, de la Russie, de la Grande Bretagne, de la France, de

24 l'Italie et de l'Allemagne et en plus de l'Union Européenne.

25 Q. Pendant les entretiens de Rambouillet, les discussions de Rambouillet,

26 y avait-il aussi un groupe de médiateurs ?

27 R. Oui. Le Groupe de contact avait une troïka, donc trois personnes comme

28 médiateurs pour les travaux quotidiens. Il y avait l'ambassadeur de Russie

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1 Boris Mayorski; pour les Etats-Unis, Christopher Hill; et pour l'Union

2 européenne moi-même.

3 Q. En ce qui concerne l'aspect militaire de la mise en œuvre de l'accord

4 des dispositions de l'accord, qui était responsable de cela ?

5 R. Cela, c'était, comme je l'ai déjà dit très clairement, la tâche des

6 experts de l'OTAN. Dans notre troïka, puisque la Russie n'était pas membre

7 de l'OTAN, non plus que l'Autriche dont je suis originaire, il est clair

8 que Chris Hill s'occupait davantage de la partie militaire de ces accords,

9 tandis que Boris Mayorski traitait davantage de l'aspect politique.

10 L'action était davantage sur les aspects politiques de l'accord.

11 Q. Je voudrais vous demander de vous rapporter aux conversations

12 proprement dites, aux entretiens. Pourriez-vous nous dire brièvement ce qui

13 était des travaux préparatoires de cette troïka pour la conférence de

14 Rambouillet ?

15 R. Ce n'était pas tant pour la troïka, mais les Etats-Unis avaient dans la

16 région un envoyé spécial pour le Kosovo qui est Chris Hill, qui, déjà, dès

17 1998, avait présenté un premier projet pour un tel accord de paix pour les

18 deux parties, pour la direction albanaise kosovare et pour Belgrade, le

19 gouvernement, le président de la Serbie, M. Milutinovic et bien sûr aussi

20 le président de la Yougoslavie, M. Milosevic, et d'autres, leurs experts,

21 et ainsi de suite.

22 Par la suite, j'ai été désigné comme envoyé spécial de l'ONU de façon

23 à travailler avec Chris Hill. Ceci était au début d'octobre 1998, quand

24 Chris Hill avait déjà une troisième ou quatrième version de ce qu'on avait

25 appelé la diplomatie par navette, navette diplomatique entre Pristina et

26 Belgrade, reprenant des idées des deux parties, des deux côtés, pour

27 essayer de les intégrer dans cet accord. C'était peut-être au niveau de la

28 quatrième, la cinquième ou la sixième version. Ceci, à ce moment-là, a

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1 servi, pour ainsi dire, de base aux accords de Rambouillet. Lorsque nous

2 nous sommes réunis à Rambouillet, les deux côtés connaissaient déjà les

3 aspects politiques et civils d'un accord possible. Ils les connaissaient

4 assez bien déjà.

5 Q. Pendant que vous étiez à Rambouillet, quel était le cadre dans lequel

6 ces entretiens se sont déroulés ? En d'autres termes, quels étaient les

7 mécanismes utilisés par les médiateurs de façon à essayer de parvenir à un

8 accord entre les parties ?

9 R. D'une certaine façon, c'était la poursuite de ces navettes entre les

10 deux délégations. Il y avait des grandes difficultés au début, parce que la

11 délégation yougoslave ne voulait pas partager la même pièce pour

12 l'ouverture, l'inauguration. Nous avons dû demander séparation et qu'il y

13 ait des messagers qui aillent de l'un à l'autre, et nous procédions à des

14 entretiens de proximité, comme on les a appelés. Nous nous trouvions dans

15 le même château, mais à une exception près, il n'y a jamais eu de réunion

16 directe entre les deux délégations. Mais cela, on pouvait s'y attendre.

17 C'était probablement nécessaire aussi de façon à pouvoir réaliser des

18 progrès, quels qu'ils fussent.

19 Q. Monsieur l'Ambassadeur, je souhaiterais vous présenter certains

20 documents qui ont trait aux entretiens de Rambouillet, les discussions.

21 Pour commencer le document P02662.

22 M. STAMP : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait le présenter, s'il vous

23 plaît, à l'écran ?

24 Q. Il s'agit là d'un courriel qui a été envoyé le

25 10 février 1999, émanant de l'ambassade d'Autriche à Paris adressé à au

26 ministère des Affaires étrangères à Vienne. Pour nous aider, pourriez-vous

27 nous dire premièrement par quel système ces dépêches diplomatiques sont

28 créées ?

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1 R. Oui. Ceci, c'était un rapport qui a été préparé et autorisé par moi-

2 même et par mon assistant, M. Kickert, donc je l'ai autorisé. Ceci traite

3 des quelques premiers jours de Rambouillet. Ce rapport a été envoyé à des

4 fins internes, pour utilisation interne d'informations à mon quartier

5 général à Vienne, au département à Vienne, de façon à ce qu'il sache ce qui

6 se passait et qu'ils soient au courant puisqu'ils n'étaient pas partie aux

7 négociations.

8 Q. Au point 2, où il y a un point noir. Il est question d'une demande,

9 d'une exigence de la délégation yougoslave pour que le Groupe de contact

10 signe ce qui est appelé "Eléments généraux". Pourriez-vous nous expliquer

11 brièvement ce que c'est ?

12 R. Oui. Fondamentalement, il s'agit d'établir un cadre général dans lequel

13 l'essentiel des négociations vont se dérouler, vont avoir lieu. Ceci avait

14 déjà été envoyé avec l'invitation adressée aux deux parties, et c'étaient

15 des éléments non négociables. En acceptant l'invitation, il fallait

16 accepter aussi les éléments de base, les éléments généraux ainsi définis

17 comme base, comme cadre des négociations à venir. La délégation yougoslave,

18 à ce moment-là, pour une raison que je ne connais pas, a voulu que ceci

19 soit signé par les deux parties. Nous avons considéré que ceci n'était pas

20 nécessaire, parce qu'en acceptant l'invitation, on acceptait également ces

21 éléments de base non négociables. C'était à l'évidence quelque chose qui

22 aurait fait double emploi. En fait, au bout de quelques jours, le 10

23 février, la délégation de Belgrade a finalement décidé ou s'est laissée

24 convaincre qu'il n'était pas nécessaire de recevoir ces signatures.

25 Ce qu'ils visaient, mais qui était tout à fait légitime, c'était de

26 souligner la souveraineté et l'intégrité territoriale de la République

27 fédérale de Yougoslavie qui était un élément fixe, c'est compréhensible,

28 qui a été évoqué tout au long des négociations. Puisque c'était également

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1 inclus là-dedans, les deux présidents de ces négociations, les ministres

2 des Affaires étrangères Cook pour le Royaume-Uni et Vedrine pour la France,

3 à ce moment-là, dans cette réunion avec la partie yougoslave, ont également

4 dit verbalement de façon très claire que ceci était les fondements de nos

5 négociations.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être que je ne me rappelle pas

7 très exactement les choses, mais n'y a-t-il pas eu un stage et un stade

8 plus tardif dans lesquels ces éléments ont été modifiés ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ils n'ont jamais été modifiés. En fait,

10 je l'aurais consulté, mon livre dont j'ai un exemplaire - je me rappelle

11 depuis que j'ai écrit cela - j'ai en quelque sorte négligé. Enfin, il y

12 avait la question de l'intégrité territoriale, et peut-être que j'ai oublié

13 la souveraineté ou quelque chose de ce genre. Ceci avait déclenché un

14 certain soupçon qu'il y avait quelque chose. Bien entendu, c'était une

15 négligence de ma part. Par conséquent, nous avons dit ceci très clairement,

16 souligné très clairement en ce qui concerne l'intégrité territoriale et la

17 souveraineté, mais nous --

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai à l'esprit qu'à la toute dernière

19 minute de ces négociations, on a introduit l'idée que dans les trois ans à

20 venir il y aurait un référendum sur l'avenir du Kosovo.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais cela, c'est une question tout à fait

22 différente qui appartient aux clauses finales. Je crois que nous pourrons y

23 venir et en discuter. Je suis tout à fait prêt, bien entendu, à expliquer

24 ce que je sais à ce sujet.

25 M. STAMP : [interprétation]

26 Q. Finissons-en avec ce document. Retournons-y, si nous pouvons. Il s'agit

27 de l'avant-dernier point désigné par un point noir. On indique que la

28 délégation yougoslave de Serbie avait déjà fini de rédiger ce texte et

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1 attendait des directives de Belgrade, ce qui était typique de la façon dont

2 la délégation yougoslave menait ces négociations ou -- est-ce que c'était

3 typique, en l'occurrence, ou est-ce que c'était atypique ?

4 R. Je suis un petit peu perdu. Vous voulez dire l'avant-dernier ? Oui. Je

5 dois dire que c'était effectivement clairement le cas. Il est clair qu'ils

6 étaient constamment en rapport avec Belgrade, et parfois ils ont fait

7 savoir qu'il leur faudrait attendre d'avoir les directives de Belgrade, ce

8 qui, bien entendu, était quelque chose qu'il fallait respecter, mais qui

9 pouvait évidemment amener un certain retard.

10 Q. Au point suivant, il est fait référence à un travail préparatoire

11 parallèle, à l'annexe 2 (sécurité), et à l'annexe 1-A (militaire) de la

12 part des experts de l'OTAN, et que "ce travail préparatoire est terminé".

13 R. Oui.

14 Q. On dit plus loin : "Cependant, il faut que les instances ou organes de

15 l'OTAN s'en occupent encore." Le texte se poursuit.

16 Je suppose que même à ce stade-là, s'agissant de la mise en œuvre

17 militaire, ces travaux étaient terminés. Est-ce que vous avez un

18 commentaire à faire à cela ?

19 R. Il faut se souvenir que le plan initial était une réunion qui durerait

20 une semaine à Rambouillet. Si, à la fin de cette première semaine, un

21 certain progrès était enregistré, il y aurait une autre semaine de travail,

22 mais ceci serait décidé par le Groupe de contact des ministres des Affaires

23 étrangères qui se réunissaient à Paris, Rambouillet. Par conséquent, il

24 fallait en théorie et en principe que tout soit prêt dès la fin de première

25 semaine. Ceci vous indique ce que j'avais dit avant, que les experts de

26 l'OTAN ou de l'état des Groupes de contact travaillaient à l'époque à

27 l'élaboration des annexes 2 et 1-A.

28 La nomenclature a évolué, a changé au fil du temps, comme je vous l'ai dit

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1 tout au début. Par conséquent, ici, vous avez

2 l'annexe 2. Cela a porté un autre nom par la suite. Il y a aussi l'annexe

3 militaire qu'on appelait annexe à l'époque. Pourquoi ? C'est facile à

4 expliquer. Parce qu'à l'époque, nous suivions encore le modèle donné par

5 Dayton qui contient des annexes, si je me souviens bien. Je pense qu'il y

6 avait 12 ou 14 annexes aux accords de Dayton. Il y a une partie générale,

7 puis les annexes, donc c'était l'idée de départ puisque ce modèle de Dayton

8 a servi, si vous voulez, d'inspiration pour les pourparlers de Rambouillet.

9 Q. L'intention, comme vous le dites, était de veiller à ce que ces

10 dispositions soient prêtes très tôt dans ce processus ?

11 R. Oui.

12 Q. Prenez la deuxième page de ce document, sous l'intitulé : "Programme à

13 venir".

14 R. Oui.

15 Q. Premier point, on dit : "Jeudi 11 février, réunion des négociateurs

16 avec Cook/Vedrine (et sans doute une nouvelle réunion samedi soir ou

17 dimanche matin) avec éventuellement transmission des annexes concernant la

18 mise en œuvre au niveau de la sécurité et militaire."

19 Est-ce que ceci nous dit quelque chose à propos des intentions et de la

20 mise en exécution de tout ceci ?

21 R. Oui. Effectivement, nous étions pressés par le temps. Il y avait des

22 limites en matière de temps, comme nous le disait le Groupe de contact.

23 Nous devions avoir terminé fin de la première semaine. Il fallait aussi

24 tenir compte, dans notre planification des travaux, le moment où ces

25 annexes allaient être présentées à la partie yougoslave en particulier,

26 mais aussi de façon, à titre d'information aux Albanais du Kosovo. Ceci a

27 été rédigé le 10. Cela peut être un mercredi, puisqu'on a le jeudi 11 qui

28 est mentionné ici. A l'époque, on prévoyait qu'à la fin de cette semaine,

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1 samedi ou dimanche, nous serions à même de fournir ces documents, pour

2 autant que les volets civils, politiques et institutionnels des

3 négociations soient terminés. Malheureusement, ce ne fut pas le cas, comme

4 nous le savons tous.

5 Q. Juste au-dessus de ce paragraphe que nous venons de voir, "Programme à

6 venir", il y a un paragraphe qui dit ceci : "Suite à la proposition faite

7 par les négociateurs, il y aura une réunion brève avec le ministre

8 Sainovic, puis avec la totalité de la délégation serbo-yougoslave, afin de

9 préciser les questions relatives à la signature des éléments de base et à

10 la souveraineté et l'intégrité territoriale de la RFY une fois pour

11 toutes."

12 Avez-vous un commentaire à faire, ici ? Y avait-il des raisons

13 particulières à cette réunion avec Sainovic ? Est-ce que ceci nous donne

14 une idée du rôle qu'il a joué, de l'importance qu'il avait dans ces

15 négociations ?

16 R. Oui, les deux coprésidents de ces pourparlers de paix, nous avons ces

17 deux ministres des Affaires étrangères, on parle de la façon d'avancer, et

18 une de ces façons, c'était de demander aux deux ministres des Affaires

19 étrangères de s'adresser à M. Sainovic, qui à nos yeux était le chef

20 politique de la délégation. Sainovic était aussi, comment dire, c'était

21 aussi un interlocuteur tout à fait valable et agréable. Nous avons donc

22 suggéré que les deux ministres des Affaires étrangères s'adressent à lui

23 pour voir dans quelle mesure il pouvait le convaincre de la nécessité

24 politique de permettre la réussite de ces négociations et de lui

25 transmettre les éléments de base qui sont la condition sine qua non, puis

26 aussi qu'il fallait veiller à ce que la souveraineté et l'intégrité

27 territoire de la République de Yougoslavie soient assurées et garanties et

28 fassent partie intégrante de ce document de Rambouillet.

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1 Q. Merci. Vous parlez des ministres des Affaires étrangères. C'étaient

2 Cook et Vedrine ? Je le précise aux fins du compte rendu d'audience.

3 R. Oui. Cook, Britannique; et Vedrine, Français.

4 Q. Pouvons-nous maintenant afficher la pièce P2661, 18 février 1999 ? A

5 peu près une semaine après le document que nous venons d'aborder, trois

6 premiers points qui indiquent l'avancée ou l'absence de progrès enregistré.

7 Mais j'aimerais de votre part un commentaire sur le quatrième point.

8 L'ambassadeur Hill s'est rendu à Belgrade le 16 février accompagné du PD,

9 qui veut dire le directeur politique. C'est cela, en français ?

10 R. Oui.

11 Q. "Errera et du directeur politique adjoint britannique Rickards [phon].

12 Il y a eu une réunion conjointe d'une heure de ces trois personnes, suivi

13 de discussions qui ont duré trois heures entre Hill, Milosevic et

14 Milutinovic [phon]. Mis à part la menace de bombardement des cibles serbes

15 et la question du stationnement de troupes de l'OTAN, d'après les Etats-

16 Unis, les points saillants suivants sont apparus au cours de la rédaction

17 de l'accord comme étant les plus sensibles pour la RFY."

18 Ici, je suppose qu'on vous a fait ce rapport de cette réunion avec

19 Milosevic et Milutinovic ?

20 R. Oui.

21 Q. Qui vous en a parlé ?

22 R. M. Hill.

23 Q. Quel serait votre commentaire à la lecture de ce passage que je viens

24 de faire, cette dépêche, surtout en ce qui concerne la question du

25 cantonnement, du placement d'effectifs de l'OTAN ?

26 R. Oui. Il est apparu clairement, au cours de la première mission

27 internationale au Kosovo - ce qu'on appelle la Mission des observateurs

28 diplomatiques de KDOM qui se fondait sur un accord entre le président

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1 Milosevic et le président Yeltsin, ce qu'on a appelé l'accord de Moscou

2 conclu en juin 1998, le KDOM a commencé à fonctionner en juillet 1998 - il

3 est apparu clairement, disais-je, que s'il n'y avait pas une composante

4 militaire robuste, une présence internationale au Kosovo ne serait pas à

5 même d'enrayer l'escalade du conflit que du contraire. L'OTAN devenait de

6 plus en plus nerveuse sur ce point parce que ceci se transformait de plus

7 en plus en confrontation militaire entre les forces de la sécurité

8 yougoslave et l'UCK, dans le cadre de la mission diplomatique qui était

9 présente sur place au Kosovo entre juillet et octobre 1998. Il y a eu à ce

10 moment-là déplacement de centaines de milliers de personnes au Kosovo. Il y

11 a eu des réfugiés qui franchissaient la frontière pour aller en Albanie, en

12 Macédoine et dans d'autres contrées de la région, même au-delà de cette

13 région. Il est donc apparu très clairement que cette Mission d'observation

14 diplomatique au Kosovo, en observant simplement le conflit, n'aboutirait

15 pas à sa tâche.

16 En octobre, Richard Holbrooke a négocié avec Milosevic. Une deuxième

17 mission internationale au Kosovo, mais celle-là une mission de l'OSCE,

18 Mission de vérification -- là non plus, il n'y avait pas d'éléments armés,

19 parce que la partie yougoslave n'acceptait pas l'idée d'une composante

20 militaire ou armée. Dans l'intervalle, l'OTAN avait déjà délivré ce qu'on a

21 appelé un acte d'ordre, à savoir que le secrétaire général, sans consulter

22 au préalable ses chefs politiques, pouvait ordonner une attaque sur les

23 pays concernés. La situation était des plus complexes, très tendue, mais il

24 y a eu une nouvelle escalade du conflit sur le terrain, si bien qu'il est

25 devenu clair que si on n'avait pas une composante militaire robuste du côté

26 des organisations internationales oeuvrant à la paix, ceci n'aboutirait

27 pas. Puis, ceci nous a rappelé éventuellement, bien sûr, la Bosnie-

28 Herzégovine où les choses n'ont commencé à marcher que lorsqu'il y avait eu

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1 des effectifs dirigés par l'OTAN en Bosnie-Herzégovine.

2 Manifestement, au cours des pourparlers politiques avec les dirigeants

3 politiques de la Yougoslavie et de la Serbie, la question d'une présence

4 militaire internationale a toujours été un point présent à l'ordre du jour.

5 C'était vrai de toutes les réunions de façon constante. Christopher Hill a

6 en parlé surtout en premier lieu puisque c'étaient les Américains qui

7 étaient à la tête de ce mouvement, mais cela a été dû aussi par les

8 Européens, c'était exprimés par les deux directeurs politiques, les deux

9 coprésidents des pourparlers de Rambouillet.

10 Q. Merci. Comment dire, comment dresser le contexte ? Vous avez parlé du

11 rôle incessant de l'armée yougoslave dans les questions, dans la gestion

12 des frontières. Qu'est-ce qui était envisagé à ce stade ? Quel devait être

13 le rôle qu'allait jouer la force internationale ?

14 R. La force internationale aurait surtout pour rôle de rétablir un

15 environnement sûr, sans danger. C'est ce qu'on appelle dans le langage

16 diplomatique au Kosovo. Dans le cas concret du Kosovo, il s'agissait aussi

17 de démilitariser l'UCK. Il était devenu trop évident que l'armée yougoslave

18 au sens conventionnel était bien supérieure à l'UCK, qu'elle pouvait, cette

19 armée yougoslave, remporter toutes les batailles, mais sans gagner la

20 guerre à l'égard de ce groupe de rebelles. On savait que le Kosovo avait

21 besoin d'un désarmement complet, et ceci devait être le rôle le plus

22 difficile que devrait assumer une présence de l'OTAN sur place. Les autres

23 pays qui n'étaient pas de l'OTAN, notamment la Russie, allaient bien sûr

24 s'associer, puisque l'exemple qu'on a suivi là aussi, c'était celui de la

25 Bosnie ou avec les accords de Dayton où ceci s'était passé.

26 Q. Merci. Suite à ce que vous venez dire, je voudrais vous renvoyer à la

27 pièce précédente, la pièce P2662. Il y a un point que j'aurais dû aborder

28 précédemment. Fin du cinquième point : "Dernière question polémique,

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1 suscitant polémique, ce serait un échéancier pour le MUP lié au désarmement

2 de l'UCK et mise en œuvre, supervision, participation du Conseil de

3 sécurité des Nations Unies."

4 Est-ce que c'était là le rôle que vous envisagiez pour une présence

5 internationale militaire ?

6 R. Oui.

7 Q. Au Kosovo ?

8 R. Oui, bien sûr. Nous parlons du Kosovo, c'est clair.

9 M. STAMP : [interprétation] Pouvons-nous revenir à la pièce 2661, deuxième

10 page de la traduction en anglais, avant-dernier paragraphe du document ?

11 Q. Il est dit : "Le nouveau projet d'accord a été révisé le 17 février à

12 la réunion du Groupe de contact au niveau des experts (sans présence de la

13 Fédération russe) et s'est terminé en consultation avec ladite Fédération

14 de Russie dans la nuit du 17 au 18 février."

15 On voit des initiales, RF; c'est la Fédération de Russie ?

16 R. Oui.

17 Q. Pourriez-vous, en quelques mots, nous dire pourquoi ce nouveau projet

18 de texte révisé le 17 février a été révisé en l'absence de la Fédération de

19 Russie ?

20 R. Ce n'est pas que cela s'est fait sans participation de la Fédération de

21 Russie, c'est plutôt que la réunion s'est située au niveau des experts. On

22 a d'abord déblayé le terrain avec certaines questions, après quoi on a eu

23 une réaction des deux parties. Ensuite, à l'aide d'un document de synthèse

24 de ce projet de texte, les experts russes ont rejoint le groupe, avant de

25 remettre le lendemain ce texte définitif. Il ne faut pas perdre de vue que

26 nous voulions terminer à la fin de la deuxième semaine, le 20; or nous

27 sommes ici le 18. Il était nécessaire de dire : voilà, nous sommes ici

28 maintenant au stade du dernier projet de texte, c'est ce qui est indiqué

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1 ici, et il faut que les parties considèrent ce texte comme étant définitif,

2 à savoir qu'il ne fallait pas apporter de modifications majeures dans la

3 structure, y insérer de nouvelles idées. On peut parler des nuances, des

4 subtilités et de points concrets. Il y a suffisamment de points concrets

5 qui sont importants, mais on peut les régler. Mais au fond, vous avez

6 devant vous le texte définitif, en tout cas le projet définitif qui sera la

7 base de la fin de nos travaux à Rambouillet, travaux qui devaient se

8 terminer le 20.

9 Q. Est-ce que nous pouvons examiner rapidement le document P563 ? Ici,

10 dépêche diplomatique du 19 février. Je lis : "Le 18 février…" Troisième

11 paragraphe :

12 "Le 18 février, à 19 heures, la délégation yougoslave serbe a

13 présenté son avis provisoire en faisant observer que le texte avait été

14 amélioré, mais sans indiquer un changement quant à sa position. Des

15 critiques ont été formulées sur les points suivants."

16 Plusieurs points sont indiqués. Ma première question sera celle-ci : la

17 délégation serbo-yougoslave donne son avis provisoire sur quoi ?

18 R. Vous vous souviendrez peut-être que nous avions remis l'intégralité du

19 projet d'accord, et il était clair qu'il fallait terminer les travaux à

20 Rambouillet de la partie politique, pour ainsi dire. Par conséquent, ils

21 avaient la totalité du texte; pour le reste du temps que nous avions à

22 Rambouillet, nous devions nous concentrer sur le volet politique. C'est

23 comme cela que nous l'avons appelé. Nous avons dès lors demandé à la

24 délégation de s'attacher désormais au volet civil, politique de l'accord

25 pour que nous soient indiqués les problèmes rencontrés par cette délégation

26 sur ces parties-là, sur ces volets-là de l'accord. C'est la réponse qui a

27 été ici fournie.

28 Q. Merci.

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1 M. STAMP : [interprétation] Prenons la page suivante.

2 Q. Au milieu de la page en anglais, nous voyons : "L'ambassadeur Hill a

3 rencontré Milutinovic à Paris le 18 février au soir. Résultat négatif

4 ('réunion tout à fait inutile'); Milutinovic est maintenant à Rambouillet."

5 Est-ce que vous avez été présent à cette réunion ?

6 R. Non. Ceci m'a une nouvelle fois été rapporté par M. Hill, et je cite ce

7 qu'il m'a dit : "Réunion tout à fait inutile." Effectivement, l'original

8 est en allemand, et il dit en anglais "absolutif unproductive".

9 Q. Sur quoi porte la réunion ?

10 R. Etant donné que M. Milosevic ne faisait pas officiellement partie de la

11 délégation serbo-yougoslave, il s'était installé à Paris. C'est là qu'il a

12 été contacté et il s'est impliqué de plus en plus dans le volet politique.

13 Comme on arrivait à la fin des négociations, il était important que nous

14 ayons des décideurs supplémentaires politiques de Belgrade. Nous avons donc

15 accueilli la présence du président Milutinovic, et M. Hill a saisi

16 l'occasion pour lui parler.

17 Je le répète, je n'ai pas une transcription intégrale de cette

18 réunion. M. Hill a résumé en disant qu'elle n'avait pas été productive.

19 Manifestement, ils ont abordé les points portant à polémique, les points en

20 litige, et ils ont parlé de la façon de les régler. Ceci comprenait aussi

21 l'aspect militaire.

22 Je pense que ceci a été écrit le 19. Dans l'intervalle,

23 M. Milutinovic était arrivé à Rambouillet et avait été plus actif

24 personnellement dans les négociations.

25 Q. Paragraphe suivant, Hill vous a informé qu'il avait reçu des

26 instructions d'Albright. On parle de Madeleine Albright --

27 R. Oui, secrétaire d'Etat à l'époque aux Etats-Unis.

28 Q. -- qui était allée voir M. Milosevic à Belgrade.

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1 R. Oui, il m'a dit qu'il allait délivrer un message bilatéral de Madeleine

2 Albright à Milosevic en personne et qu'il n'avait pas eu l'occasion de

3 rencontrer M. Milosevic lors de sa deuxième visite à Belgrade.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Petritsch, qu'est-ce que vous

5 appelez un message bilatéral ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je veux dire des Etats-Unis à la Yougoslavie,

7 alors que les négociations étaient, bien sûr, multilatérales. Il y avait

8 certains participants, surtout les Etats-Unis, qui sont devenus de plus en

9 plus actifs lors des dernières phases de négociations où il s'agissait de

10 trouver un juste équilibre entre les volets civils et militaires pour

11 insister auprès du président Milosevic afin qu'il comprenne qu'il y avait

12 nécessité d'avoir une composante militaire et que si ce n'était pas le cas,

13 qu'il ne serait pas possible de démilitariser l'UCK et d'assurer la

14 sécurité de l'environnement afin que le Kosovo évolue vers la paix.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que c'est un message qui veut

16 dire que les autres participants n'étaient pas prêts pour accepter ceci ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'était pas la question qui s'était

18 posée.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Alors, pourquoi est-ce que les Etats-

20 Unis estiment nécessaire de s'écarter et d'avoir un entretien particulier

21 avec Milosevic à ce stade-ci ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela, je ne sais pas, je n'ai pas

23 d'information, je ne sais pas pourquoi cela fut le cas. Manifestement,

24 c'était dans le contexte des négociations qui frustraient certains, qui

25 touchaient à leur fin. Il était clair que dans toutes ces questions

26 fondamentalement politiques, c'était Milosevic qui prenait les positions.

27 Il était préférable de transmettre un message qui viendrait directement de

28 Washington.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce que je ne comprends pas, c'est

2 pourquoi tout le monde ne lui a pas adressé un message. Si c'était

3 Milosevic qui décidait tout, pourquoi ne pas avoir envoyé quelqu'un qui

4 représente toute la communauté internationale, qui est préoccupé par la

5 situation ? Pourquoi ce sont les Etats-Unis qui le font, pourquoi ce sont

6 eux qui décident ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela s'est déjà passé, cela s'est déjà passé

8 deux journées auparavant, le 16, quand les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la

9 France avaient livré le même message.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le même message ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Un message, oui.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp.

13 M. STAMP : [interprétation]

14 Q. Est-ce que vous savez quel était ce message ?

15 R. Non, je ne voudrais pas me livrer à des conjectures.

16 Q. Très bien.

17 R. Cela concernait ou se situait de façon très précise dans les contextes

18 de la finalisation des accords de Rambouillet avec tous les éléments

19 comportant civils et militaires.

20 Q. Le dernier paragraphe, pour finir, je vais vous en donner lecture.

21 "La délégation serbo-yougoslave a écrit une opinion sur les nouveaux

22 projets d'accord, et la présentation de ceci était prévue pour le 19

23 février à 10 heures. Cependant, à 13 heures 30, ceci n'a toujours pas été

24 fait, cette présentation n'a toujours pas été faite."

25 Monsieur le Témoin, sur la base de ce qui est écrit ici, je pense que vous

26 avez dit que cet accord, que le projet d'accord leur a été présenté le 18 ?

27 R. Oui, c'est exact.

28 M. STAMP : [interprétation] Je voudrais demander à présent que l'on passe à

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1 la pièce P562.

2 Q. Nous voyons : "Le 19 février à 14 heures, la délégation serbo-

3 yougoslave a présenté par écrit son opinion concernant le dernier projet et

4 qui, d'après ce qui a été écrit ici, a été quelque peu différente de la

5 version précédente et demandait que l'on expurge des paragraphes entiers,

6 des sections entières."

7 R. Oui, c'est vrai. La première question concernait les événements qui

8 allaient jusqu'à 13 heures. Ensuite, la deuxième version, à partir de

9 février, 20 février, 6 heures du matin jusqu'à peu près 14 heures, il

10 s'agissait des commentaires formulés par la délégation yougoslave à 14

11 heures. Cela reflétait leurs commentaires à ce moment-là.

12 Q. Dans ce document, on discute du progrès des négociations. Je voudrais

13 vous demander de vous référer à la deuxième page où l'on peut lire : "Le

14 président serbe Milutinovic…" Je vais vous donner lecture de cela.

15 "Le président Milutinovic a passé la journée du 19 au château en

16 discutant longuement avec l'ambassadeur Mayorski, soussigné. Il n'y a pas

17 eu de progrès. Milutinovic, apparemment, n'était pas conscient du fait

18 qu'on avait besoin de prendre des décisions rapidement. Il n'a pas du tout

19 été proactif au cours des négociations. Lui-même, il a été intransigeant,

20 même plus intransigeant que sa délégation sur les problèmes politiques. Le

21 bombardement de la Serbie mènerait à des massacres. En comparaison avec

22 l'ultimatum austro-hongrois de 1914, ceci l'a-t-il dit de façon polie et

23 réservée."

24 La première question, "les bombardements de Serbie mèneraient à des

25 massacres", qui a dit cela ?

26 R. C'est Milutinovic qui a dit cela.

27 Q. Quelle langue parliez-vous à l'époque ?

28 R. Nous parlions anglais. Milutinovic parle un anglais parfait.

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1 Q. Dans le contexte de ces discussions, qu'est-ce que vous avez compris

2 qu'il a voulu dire ?

3 R. C'était très clair qu'il parlait de la composante militaire des accords

4 de paix, du volet militaire. A moins qu'il y ait un succès de ces

5 négociations, il allait y avoir un ordre portant activation de la part de

6 l'OTAN. Nous, les négociateurs, on ne ferait plus partie du jeu. C'est

7 devenu très, très clair qu'il était très important, il devenait très

8 important d'aboutir à un accord, y compris sur la composante militaire de

9 l'accord pour en arriver à un environnement sûr au Kosovo pour les gens qui

10 y vivent et aussi qu'il était très important de démilitariser l'UCK, et

11 ceci faisait partie de l'accord. A moins qu'il y ait un succès, il allait y

12 avoir un autre acteur principal, à savoir l'OTAN.

13 Pour répondre à cela, le président Milutinovic a parlé, a évoqué les

14 massacres, et ceci voulait dire les massacres contre les Albanais du

15 Kosovo. C'est comme cela que j'ai compris les choses.

16 Q. Dans votre déclaration, la déclaration que vous avez donnée au bureau

17 du Procureur, vous avez dit qu'une autre personne a assisté à ces réunions,

18 un certain Stambuk. Excusez-moi, je devrais peut-être aussi citer cette

19 partie, Vladimir Stambuk, au milieu de la page, page 3. Il vous a dit :

20 "S'il y a un bombardement de l'OTAN, il y aura un massacre au Kosovo."

21 Est-ce que vous pourriez nous dire dans quelles circonstances vous a-t-on

22 dit cela ?

23 R. Je ne me souviens pas de façon très précise parce que nous avons eu de

24 nombreuses réunions au château avec tous les membres de cette délégation.

25 Je me souviens que M. Stambuk était assis là avec Chris Hill et d'autres

26 membres de notre équipe après le dîner, parlant de la situation. Dans ce

27 contexte, M. Stambuk a dit cela, si mes souvenirs sont exacts. Je dois

28 ajouter que pendant que j'étais là, dans cette même pièce, Milosevic est

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1 revenu sur ce point après avoir contacté M. Stambuk, et M. Stambuk a dit ne

2 jamais avoir dit cela.

3 J'ai voulu que ceci figure clairement au compte rendu d'audience.

4 Cela étant dit, c'est la façon dont je me souviens de ce qu'il avait dit à

5 l'époque.

6 Q. Nous avons vu aussi la dépêche par rapport à ce que Milutinovic a dit.

7 Est-ce que vous vous en souvenez, de cela, aussi ?

8 R. Oui, absolument.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pensez qu'il s'agit là

10 de deux occasions séparées ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement, d'après mon meilleur

12 souvenir.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, la référence faite à

14 ce qu'aurait dit M. Milutinovic, est-ce qu'elle figure dans la

15 déclaration ?

16 M. STAMP : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne l'ai lue qu'après avoir vu nos rapports

18 internes qui étaient écrits sur mes souvenirs de la réunion avec M.

19 Milutinovic. Je n'avais pas consulté ces rapports avant de déposer en 1999

20 ni en l'an 2000 quand j'étais ici. Ce n'est que maintenant que je le vois.

21 Si j'ose ajouter, la nature de ces dépêches est telle qu'elles n'étaient

22 pas destinées à la connaissance du public, à l'origine. Il s'agissait de

23 rapports internes, de rapports faits de façon ad hoc qui ne couvraient pas

24 l'intégralité du processus des négociations à Rambouillet. A l'époque, nous

25 avions le téléphone, le fax, cela pouvait varier, donc ces rapports sont

26 vraiment des rapports écrits ad hoc, de façon immédiate juste après

27 l'événement, mais pas de façon systématique.

28 M. STAMP : [interprétation]

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1 Q. D'après ce que vous avez compris, à quoi a-t-il fait référence quand il

2 a parlé de l'ultimatum du Groupe de contact ?

3 R. Il parlait des accords de Rambouillet. C'était le 19. Les négociations

4 battaient leur plein. Il connaissait le texte intégral des accords de

5 Rambouillet, et c'était sa réaction.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pensez-vous que le moment est opportun

7 pour lever la séance ?

8 M. STAMP : [interprétation] Avec votre permission, Monsieur le Président,

9 j'aurais voulu terminer le document que j'étais en train d'évoquer avec le

10 témoin.

11 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

12 M. STAMP : [interprétation] Ce document.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

14 M. STAMP : [interprétation] Le dernier paragraphe, s'il vous plaît, de ce

15 document.

16 Q. Il est dit : "Au cours de la matinée, il y a eu un rapprochement de

17 points de vue sur les volets politiques. Ce qui est annoté à présent, c'est

18 surtout l'accord yougoslave quant à la mise en œuvre des pièces jointes, y

19 compris le positionnement des troupes de l'OTAN."

20 Vous avez l'original, le texte en anglais [comme interprété] ?

21 R. Oui.

22 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, vous référer à ce texte-là ? Pourriez-

23 vous le lire ?

24 R. Lire en allemand ?

25 L'INTERPRÈTE : Le témoin lit en allemand.

26 M. STAMP : [interprétation]

27 Q. Ce n'est pas cela que j'ai voulu vous demander.

28 R. D'accord.

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1 Q. Enfin, je vais être très précis. La phrase qu'on peut lire, c'est : "Au

2 cours de la matinée, il y a un rapprochement sur les volets politiques, et

3 ce qui est le plus important, c'est que la Yougoslavie à présent est

4 d'accord sur l'implantation, sur la mise en œuvre ou l'application des

5 annexes", ensuite "y compris le stationnement des troupes de l'OTAN."

6 R. Non. Ce n'est pas cela qui est dit en allemand. Ce qui est écrit :

7 "C'est surtout avant tout en allemand."

8 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. C'est tout.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous devons lever la séance

10 d'aujourd'hui. Monsieur, vous allez devoir revenir demain. Pendant la nuit,

11 comme on vous l'a déjà demandé je suis sûr, vous ne devez discuter avec qui

12 que ce soit de votre déposition. Nous allons reprendre nos travaux demain

13 matin à 9 heures. L'huissière va vous escorter, et nous nous attendons à

14 vous voir à nouveau demain à

15 9 heures.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

17 [Le témoin se retire]

18 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le jeudi 1er

19 mars 2007, à 9 heures 00.

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