Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 7 mai 2007

2 [Audience de l’article 98 bis]

3 [Audience publique]

4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, veuillez poursuivre,

7 je vous prie.

8 M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie. Mesdames, Messieurs les

9 Juges, bonjour.

10 Je vais reprendre là où je m'étais interrompu. La semaine dernière, j'avais

11 indiqué en réponse à une objection présentée par mon estimé confrère, Me

12 O'Sullivan, que j'allais vérifier ce qu'il en était à propos de la citation

13 eu égard à la déclaration de M. Tanic. Et je dois vous indiquer que Me

14 O'Sullivan avait tout à fait raison. La situation, pour ce qui est de la

15 déclaration de M. Tanic, est qu'entre les paragraphes 1 à 45, cette

16 déclaration est admissible, le reste étant censé fournir le contexte eu

17 égard au contre-interrogatoire.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

19 M. STAMP : [interprétation] Lorsque nous nous sommes interrompus la semaine

20 dernière, Monsieur le Président, j'étais en train de vous faire valoir

21 certains éléments de preuve relatifs à la connaissance que l'on peut

22 conclure, une connaissance directe de la part de l'accusé Sainovic pour ce

23 qui est des crimes qui étaient sur le point d'être commis au Kosovo, et

24 pour ce qui est du fait qu'il était vraisemblable que ces délits et crimes

25 allaient continuer à être commis. J'avais fait référence à une réunion du

26 17 mai 1999, et il est avancé que sa connaissance des événements a été

27 indiquée lors de cette réunion, car il a été indiqué que les crimes avaient

28 été commis par des membres de la VJ et par des volontaires. Plusieurs

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1 représentants officiels ont également fait état du fait qu'un groupe de

2 volontaires étaient entrés dans Grocka sans pour autant qu'ils aient fait

3 l'objet de l'entraînement habituel ou des vérifications d'usage. M.

4 Vasiljevic, qui a témoigné à propos de cette réunion, a pris des notes

5 durant la réunion et a indiqué qu'il y avait une référence qui avait été

6 faite à la SAJ qui était en train de s'intégrer à l'organisation à

7 proprement parler, et qu'il y avait des groupes et certaines forces qui

8 n'avaient pas respecté les critères du service au sein du MUP. Cela, nous

9 l'avons dans sa déclaration écrite qui fait l'objet de la pièce P2592 à la

10 page 8 873 du compte rendu d'audience.

11 On peut donc en déduire que M. Sainovic était parfaitement conscient de la

12 nature des forces de réserve, de leur enclin à commettre des crimes, et qui

13 plus est, il avait été indiqué que les forces avaient été responsables des

14 crimes commis à Podujevo sans que cela n'ait résulté en des enquêtes ou en

15 des sanctions pour ce qui est des forces qui avaient commis en plus des

16 crimes supplémentaires. Les représentants officiels à la réunion ont

17 également entendu de la part de l'armée qu'il y avait une unité, qui

18 incluait les Tigres d'Arkan, qui avait commis des crimes dans le secteur du

19 Kosovo.

20 Donc voilà l'un des exemples où M. Sainovic a entendu des

21 informations importantes à propos des crimes qui étaient commis par les

22 forces de la RFY et de la Serbie, notamment par les forces de volontaires

23 ou par des forces qui étaient incorporées aux unités du MUP et il a

24 également été renseigné sur cette propension qui était la leur de commettre

25 des crimes.

26 De surcroît, des moyens de preuve ont été présentés dans le document

27 P2594, il s'agit toujours d'une déclaration de M. Vasiljevic. Il est

28 indiqué dans ce document que M. Sainovic disposait de tout un système

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1 structuré de rapports et de présentations de rapports dans le cadre duquel

2 les membres supérieurs de la VJ et du MUP au Kosovo, ainsi que les

3 structures civiles établies au Kosovo, présentaient leurs rapports à M.

4 Sainovic pour ce qui est des événements qui se déroulaient au Kosovo, et

5 ce, dans le cadre de réunions qui avaient eu lieu régulièrement, et ils

6 avaient transformé en quelque sorte ces instructions en des opérations de

7 combat et en des activités qui ont conduit aux crimes qui sont reprochés

8 dans l'acte d'accusation. D'ailleurs, le général Loncar a témoigné du fait

9 que M. Sainovic insistait pour être toujours informé, et ce à temps, des

10 incidents qui se déroulaient sur le terrain, notamment lorsqu'il y avait de

11 nombreuses victimes. Lorsqu'il y a des incidents tels que ceux qui se sont

12 déroulés à Racak en janvier 1999, M. Pavkovic ainsi que le général Lukic

13 devaient contacter le général Sainovic directement, cela faisant l'objet du

14 témoignage de Dusan Loncar à la page 7 575 et 7 577 du compte rendu

15 d'audience.

16 Il faut également savoir que dans le cadre de sa déposition, le

17 général Loncar a également indiqué que même lorsque certains officiers

18 supérieurs sur le terrain essayaient de faire les rapports d'incidents à M.

19 Sainovic à propos des événements de Racak, manifestement il était

20 absolument informé des détails de ces événements. Il a été indiqué que ce

21 système de responsabilité de rapports était tel qu'il suffisait pour le

22 tenir informé des événements qui se déroulaient sur le terrain, et que, ce

23 faisant, il était tout à fait informé des événements qui font l'objet de

24 l'acte d'accusation.

25 Dans la citation d'ouverture de la déclaration du général Vasiljevic,

26 je souhaiterais faire référence à l'évaluation présentée par le général

27 Vasiljevic, évaluation suivant laquelle M. Sainovic recevait des rapports

28 de personnes aussi haut placées que le général Lazarevic, le général Lukic,

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1 et ce de façon extrêmement régulière, probablement au jour le jour du fait

2 de la nature des événements et du fait de ce système qui permettait de

3 présenter des rapports en tout temps. J'ai déjà fait référence face à la

4 Chambre de première instance aux nombreuses réunions auxquelles il a

5 participé avec des représentants officiels supérieurs, réunions au cours

6 desquelles il aurait été informé de ce qui se passait.

7 De surcroît, il a également eu des interlocuteurs internationaux qui

8 lui fournissaient des moyens de preuve supplémentaires, ce qui nous indique

9 qu'en fait M. Sainovic était tout à fait informé des activités criminelles

10 qui se déroulaient au Kosovo. J'en veux pour preuve, par exemple, ce qu'a

11 dit le général DZ lors de la réunion du 4 décembre 1992, M. Sainovic a été

12 informé que la police à Malisevo avait harcelé des Albanais et qu'elle

13 faisait donc partie du problème. Non seulement M. Sainovic a refusé

14 d'admettre qu'il y avait cette présence policière, mais il n'a pas pris les

15 moyens et les mesures pour mener à bien une enquête à propos de ces

16 allégations présentées par le général DZ; cela fait l'objet de sa

17 déposition aux pages 7 777 à 7 782.

18 D'après le général Naumann, M. Sainovic était également présent lors

19 d'une réunion où M. Milosevic s'est vu fournir une liste des infractions à

20 l'accord d'octobre, infractions qui étaient commises par les forces serbes.

21 Cela fait l'objet des déclarations du général Naumann dans la pièce P2512,

22 qui correspond à sa déposition à l'affaire Milosevic, et il s'agit des

23 pages 7 008 à 7 009.

24 Des observations semblables ont été présentées à propos de la réunion

25 qu'il a eue avec les dirigeants des Albanais du Kosovo, tout comme

26 d'ailleurs il est indiqué qu'à la suite de cette réunion, M. Milutinovic

27 avait une certaine conscience de ce qui se passait. Sans autant entrer dans

28 les détails, il y avait à cette réunion les dirigeants reconnus du peuple

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1 albanais du Kosovo. M. Merovci ainsi que M. Rugova, d'après les moyens de

2 preuve avancés, ont indiqué que M. Sainovic était présent lorsque M. Rugova

3 a présenté ses griefs auprès de M. Milutinovic à propos des membres des

4 forces de la RFY, du MUP notamment, qui forçaient les Albanais à quitter

5 leurs foyers et qui détruisaient leurs domiciles. Cela correspond à la

6 pièce P2588, déclaration de M. Merovci au paragraphe 72, et vous avez

7 également la page 11 de la pièce P2613, qui est la déclaration de M.

8 Rugova.

9 Donc, il avait cette connaissance, et dans une situation où il n'a pas agi

10 pour mettre une terme à ce qui se passait ou prévenir ce qui se passait et

11 faire en sorte que ces délits ne soient plus commis au Kosovo, nous

12 indiquons que ces moyens de preuve ont été présentés, et que cela a été

13 présenté de façon tout à fait légitime devant la Chambre de première

14 instance, ce qui fait que M. Sainovic partageait l'intention de

15 l'entreprise criminelle commune, et il partageait l'intention de parvenir

16 aux buts et aux objectifs de l'entreprise criminelle commune, qui

17 consistait en quelque sorte à remodeler la composition ethnique du Kosovo.

18 D'après Ratomir Tanic aux pages suivantes du compte rendu d'audience, 6 325

19 è 6 326, dès le printemps de l'année 1998, M. Sainovic n'était plus

20 intéressé par une résolution pacifique des problèmes au Kosovo. De

21 surcroît, Klaus Naumann a témoigné que lors d'une réunion avec la

22 communauté internationale qui s'était tenue aux environs du 24 octobre

23 1998, soit M. Sainovic ou si ce n'est pas lui, M. Milosevic en présence de

24 M. Sainovic a fait des déclarations portant sur les taux de naissance des

25 Albanais du Kosovo, et le besoin qui consistait à instaurer un meilleur

26 équilibre ethnique. Cela fait l'objet du paragraphe 29 de la déclaration de

27 M. Naumann, qui est la pièce P1767.

28 Est-ce qu'il s'agit de M. Sainovic qui a fait cette déclaration ou est-ce

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1 qu'il s'agit de M. Milosevic qui l'a faite en présence de M. Sainovic, mais

2 cela indique qu'il avait au moins une connaissance tacite, et qu'il

3 acceptait également de façon tacite la position qui avait été avancée et

4 déclarée.

5 J'ai déjà renvoyé la Chambre de première instance à certains éléments de

6 preuve qui portent sur l'exercice de l'autorité de facto, ainsi que les

7 pouvoirs de M. Sainovic, et je vais mettre un terme à ce que je dis à ce

8 sujet en faisant référence à d'autres moyens de preuve qui ont déjà été

9 présentés et qui prouvent qu'il exerçait le contrôle et le commandement, et

10 qu'il avait ce contrôle effectif en tant que représentant de M. Milosevic

11 au Kosovo. Il était officiellement le représentant de M. Milosevic. Il

12 avait été envoyé dès le début de l'année 1998 au Kosovo par M. Milosevic

13 dans le cadre au moins de deux missions d'enquête, donc il avait l'autorité

14 pour présenter un rapport à M. Milosevic à propos de la situation ou de la

15 façon dont il percevait la situation sur le terrain au Kosovo. Cela

16 d'ailleurs a été compris lorsque nous avons entendu son entretien, pages 27

17 et 28 de la pièce P605. Outre l'exemple que je vous ai déjà donné un peu

18 plus tôt, Veton Surroi a fait remarquer à propos des négociations de

19 Rambouillet que chaque fois qu'il y avait des consultations directes qui

20 étaient nécessaires avec M. Milosevic, c'était M. Sainovic qui prenait

21 l'avion pour Belgrade afin d'être son interlocuteur.

22 Et qui plus est, outre ce pouvoir d'approbation et de délimitation

23 des principes directeurs qui permettaient aux généraux sur le terrain de

24 préparer leurs stratégies de campagne, il y a eu également des occasions où

25 M. Sainovic est intervenu directement, ou encore où il a exercé directement

26 son autorité sur la VJ. Nous avons déjà vu que dans une grande mesure, il

27 exerçait directement cette autorité sur le MUP lors de réunions du MUP,

28 qu'il donnait des consignes et des instructions bien précises, et cela nous

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1 l'avons entendu présenté par les moyens de preuve avancés par M. Cvetic. Il

2 y a eu également des moments bien précis où en tant que chef du

3 commandement conjoint, il a exercé en quelque sorte une sorte d'autorité

4 sur la VJ. Le général Naumann a indiqué lors de sa déposition qu'avant que

5 M. Milutinovic ne signe en toute dernière minute et vraiment à contrecoeur

6 l'accord du 28 octobre 1998, il y a eu un procès-verbal de la réunion tenue

7 entre les représentants de l'OTAN et ceux de la RFY et de la Serbie, M.

8 Sainovic a signé, et il pouvait en fait signer à la fois au nom de la VJ et

9 de la RFY. Il a été le seul à signer.

10 Ratomir Tanic, aux pages 6 373 à 6 374 du compte rendu d'audience, a

11 témoigné que M. Pavkovic -- ou plutôt je m'excuse, que le général Pavkovic

12 a pris ou a entendu des ordres de M. Sainovic, ces ordres consistaient à

13 engager des unités militaires afin qu'elles prêtent main-forte au MUP et

14 afin qu'elles fournissent au MUP des mortiers ainsi que des chars,

15 contrairement d'ailleurs aux dispositions constitutionnelles. Nous voyons

16 que le général Vasiljevic, toujours lors de sa déposition dans l'affaire

17 Milosevic, cela fait l'objet de la pièce P2589, aux lignes 16 429 à 16 430

18 du compte rendu d'audience, a indiqué que M. Sainovic s'engageait également

19 lorsqu'il s'agissait de fournir des ordres très précis, et cela d'ailleurs

20 a été démontré lorsqu'il a donné des ordres aux détachements qui se

21 trouvaient sur le mont Rudnik afin qu'ils attaquent en 1998, et vous avez

22 également entendu les critiques avancés par l'ancien chef d'état-major de

23 la VJ, le général Perisic justement, qui a indiqué que Sainovic dirigeait

24 les forces de la VJ. Cela se trouve dans la lettre qui est le document

25 P717.

26 Outre le fait qu'il détenait de facto cette responsabilité du

27 commandement et qu'il commandait la VJ et la RFY, il y a également la

28 déposition du général Loncar suivant laquelle M. Sainovic, avec M.

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1 Andjelkovic, avaient œuvré de concert afin d'établir une force de police

2 locale au Kosovo, et comment également, comme chef du commandement

3 conjoint, M. Sainovic avait cette autorité et exerçait son autorité sur la

4 défense locale.

5 Les éléments de preuve que je souhaiterais porter à votre attention,

6 Mesdames, Messieurs les Juges, permettent d'établir que M. Sainovic

7 partageait l'intention de l'entreprise criminelle commune, qu'il était tout

8 à fait conscient du comportement de persécutions des forces de la RFY et de

9 la Serbie à l'encontre des Albanais du Kosovo, et ce, avant le 23 mars

10 1999, et après d'ailleurs le 23 mars 1999; et qu'il a exercé son autorité

11 en étant informé de tout cela, et ce, afin d'apporter sa contribution à

12 l'entreprise criminelle commune; il a participé à la planification de ces

13 activités qui ont abouti à l'expulsion des Albanais du Kosovo; il a aidé et

14 encouragé les protagonistes qui étaient partie prenante de ces expulsions.

15 De façon répétée, il n'a pas su ou n'a pas pu prendre les mesures

16 appropriées sur lesquelles je vais revenir bientôt, il a ainsi encouragé et

17 instigué que soient commis de façon continue ces crimes et délits.

18 J'aimerais maintenant, si je le puis, passer aux éléments de preuve

19 relatifs à M. Lukic. Je pense que dans un premier temps je vais présenter

20 des éléments plus généraux pour ensuite aborder les questions plus

21 précises, et j'aborderai ainsi les critiques précises qui ont été soulevées

22 par mon estimé confrère de la Défense.

23 L'Accusation avance que le général Lukic était un membre de

24 l'entreprise criminelle commune qui fait l'objet de l'acte d'accusation et

25 qu'il a activement contribué à sa mise en vigueur. En tant que chef de

26 l'état-major du MUP pour le Kosovo-Metohija, il était l'officier de police

27 ayant le plus haut grade au sein du MUP au Kosovo, et ce, pendant la

28 période visée par l'acte d'accusation. Il a participé à l'entreprise

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1 criminelle commune en utilisant l'état-major du MUP, l'effectif du MUP et

2 en les utilisant pour planifier, diriger et coordonner les activités des

3 opérations des forces du MUP au Kosovo. Il a également donné des ordres et

4 des instructions à des subordonnés et, ce faisant, a apporté sa

5 contribution à l'entreprise criminelle commune, et ce, en fonction

6 d'instructions obtenues de la part de membres supérieurs de l'entreprise

7 criminelle commune, notamment ceux qui faisaient partie du commandement

8 conjoint.

9 M. Lukic avait une position primordiale dans la filière du MUP, dans la

10 filière de commandement, dans la voie hiérarchique du MUP. Il a été nommé

11 chef de l'état-major du MUP au Kosovo le 11 mai 1998 par décision signée

12 par le chef du secteur de la sûreté publique du MUP, le général Djordjevic.

13 Cela fait l'objet de la pièce P1252. Il a conservé ce titre et ce mandat

14 pendant toute la guerre en 1999. Cela peut être établi à la lecture de la

15 pièce P1811. En tant que responsable de l'état-major du MUP il a commandé,

16 contrôlé et exercé son autorité sur le MUP et sur ses unités qui étaient

17 subordonnées au Kosovo. Cela figure à la pièce 1251 où on voit la décision

18 sur la formation de cet état-major du MUP qui date du 15 mai 1998, et qui a

19 été signée par le général Djordjevic qui définit le mandat de l'état-major

20 du MUP et qui constitue le plan d'organisation visant à guider, coordonner

21 le travail de l'organisation au sein du ministère et des unités qui

22 travaillaient ou qui, hiérarchiquement, rendaient des comptes au ministère

23 lors de leur engagement pour mettre un terme aux actes terroristes dans le

24 territoire de la province du Kosovo. Donc c'est important, parce que c'est

25 l'autorité qui a été donnée non seulement aux unités qui étaient des unités

26 qui étaient en poste au Kosovo-Metohija, et ce, sur une longue période,

27 mais aussi concernait les unités qui étaient détachées ou qui étaient

28 envoyées d'autres zones ou d'autres juridictions d'unités du MUP. L'état-

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1 major du MUP a été élargi en juin 1990 pour regrouper le RDB et le RJB, et

2 l'intégrer au sein du QG de l'état-major du MUP à Pristina. Donc cet état-

3 major élargi incluait les chefs des sept secrétariats des Affaires

4 intérieures concernant le Kosovo. Cela est dans la pièce 1505 qui concerne

5 une décision de créer un état-major ministériel et qui indique, comme je

6 viens de le présenter, la manière dont les différents groupes

7 s'organisaient, groupes qui étaient subordonnés à l'état-major du MUP au

8 Kosovo.

9 Ljubinko Cvetic, l'ancien responsable SUP dans Mitrovica a déclaré dans sa

10 déposition que quelles que soient les unités spéciales, que ce soit des

11 unités de police spéciale, la PJP, les unités spéciales antiterroristes, la

12 SAJ, les groupes opérationnels ou les groupes opérationnels spéciaux

13 divers, ces JSO ou ces OPG étaient engagés dans les opérations au Kosovo et

14 ces unités étaient placées sous le commandement et la structure de l'état-

15 major du MUP. L'état-major du MUP donnait ses ordres aux commandants de ces

16 différentes unités, cela figure aux pages 8 073 à 8 075 du compte rendu

17 d'audience.

18 L'état-major du MUP de par son contrôle, sa direction et des ordres qui

19 étaient donnés auprès de ces différents éléments, cela a étayé par les

20 différents témoins qui sont venus déposer. Cet état-major du MUP a joué un

21 rôle très important et M. Velika Kudja [comme interprété] a joué un rôle

22 important dans la mise en œuvre de l'entreprise criminelle commune, dans le

23 contrôle de ces groupes. Par l'intermédiaire de l'état-major du MUP, M.

24 Lukic a planifié, dirigé, et coordonné ces différents groupes et leurs

25 activités au Kosovo. Il a reçu ses instructions de la part de ses

26 supérieurs et qui étaient aussi des membres du JCE, et il les a mises en

27 œuvre en communiquant et en dirigeant, et en donnant des ordres aux unités

28 du MUP et du SUP, les unités spéciales du MUP qui étaient déployées au

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1 Kosovo, il a procédé de la sorte en donnant ces éléments de communication

2 et en dirigeant ces unités.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pouvez-vous répéter ce que vous avez

4 dit au sujet de Velika Krusa ?

5 M. STAMP : [interprétation] Excusez-moi ?

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pouvez-vous répéter ce que vous avez

7 dit au sujet de Velika Krusa ?

8 M. STAMP : [interprétation] Je ne pense pas avoir dit quoi que ce soit au

9 sujet de Velika Krusa juste à l'instant.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Moi non plus, mais c'est ce qui figure

11 au compte rendu d'audience.

12 M. ACKERMAN : [interprétation] Monsieur le Président, les mots qui ont été

13 utilisés c'est "ont joué un rôle crucial" et non pas Velika Krusa. "L'état-

14 major du MUP a joué un rôle crucial dans la mise en œuvre de l'entreprise

15 criminelle commune."

16 M. STAMP : [interprétation] Je n'ai pas encore retrouvé cet élément, mais

17 je pense que c'est tout à fait juste.

18 L'INTERPRÈTE : C'est à la ligne 21 du compte rendu.

19 M. STAMP : [interprétation] Dans son entretien avec le bureau du Procureur,

20 le général Lukic a déclaré que le rôle du commandement général consistait à

21 coordonner les actions de police et de l'armée au Kosovo, et qu'elle était

22 dirigée par M. Sainovic. Cela figure à la pièce P948 et la partie à

23 laquelle je fais référence figure aux pages 34 à 35. Il a déclaré que les

24 membres de l'état-major conjoint, qui comprenait le responsable de l'état-

25 major du MUP, c'est-à-dire lui-même, le commandant de la 3e Armée, et

26 d'autres personnes, tenaient des réunions conjointes pour faire le bilan,

27 revoir la situation de sécurité, et échanger des informations. Selon M.

28 Cvetic, cela figure aux pages 8 094 et 8 095 du compte rendu d'audience, en

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1 tant que membre du commandement conjoint, le général Lukic était chargé de

2 la mise en œuvre des décisions qui avaient été prises par l'état-major

3 conjoint du MUP.

4 Le général Lukic régulièrement participait à des briefings et autres

5 réunions de l'état-major conjoint concernant des questions liées au MUP,

6 concernant les opérations à mener. C'est ce que le général Lukic lui-même a

7 déclaré dans son entretien et cela figure à sa déposition, page 35 à 36.

8 Lui, ainsi que d'autres membres de l'état-major conjoint ont ordonné,

9 planifié et coordonné des opérations conjointes qui devaient être menées

10 par des unités militaires et policières au Kosovo. Ainsi, sans entrer trop

11 dans les détails de ces documents, parce qu'ils ont déjà été cités

12 précédemment, il s'agit de la pièce 1968, il y a un ordre du commandement

13 conjoint du 24 mars 1999 qui donne l'ordre au Corps de Pristina de soutenir

14 les forces du MUP dans ses opérations de lutte antiterroristes, et ce, dans

15 le secteur -- Un autre exemple est constitué par la pièce P1998 qui

16 concerne le rapport concernant une opération de commandement conjoint de

17 novembre 1998 qui met en exergue le rôle du commandement conjoint dans la

18 coordination des activités aussi bien du MUP que de la VJ.

19 Le général Lukic, cela est notre thèse, a participé à la planification et à

20 la coordination des opérations antiterroristes conjointes menées par le MUP

21 et la VJ en 1998 et 1999, ce qui, entre autres, concerne le recours trop

22 important à la force à l'encontre des Albanais du Kosovo, et in fine à

23 aboutir à l'usage d'une force visant à en expulser une grande partie du

24 territoire du Kosovo et du Metohija.

25 Les éléments de preuve donnés par les témoins montrent que les opérations

26 antiterroristes, comme elles sont décrites dans les documents de police,

27 très souvent faisaient recours à une force extrêmement excessive à

28 l'encontre de la population albanaise kosovare. Pendant sa visite du Kosovo

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1 en 1999, John Crosland, un attaché de la Défense du Royaume-Uni, a observé

2 des opérations conjointes entre le MUP et la VJ qui étaient menées pour

3 expulser des villageois albanais. Dans sa déclaration à la pièce P2645 au

4 paragraphe 37 à 42, il dit lui-même qu'entre 200 et 300 villages ont été

5 incendiés au cours de l'année 1998 et pendant 1999, qu'il y avait une

6 politique de la terre brûlée et que, par exemple, des stations-services et

7 des bureaux des entreprises ont fait l'objet de pillages. Parmi ces villes,

8 il cite Decani, Pec, Djakovica, des villages albanais qui ont été

9 totalement incendiés.

10 Il décrit les tactiques qui ont étaient employées communément dans le

11 cours de ces opérations, et il est manifeste qu'il s'agissait d'unités

12 spéciales du MUP comme les PJP et les SAJ qui entraient dans les villages à

13 pied et dans les hameaux pendant que la VJ faisait un cordon et apportait

14 un soutien avec des blindés et de l'artillerie. Nous savons que nous avons

15 des éléments de preuve pour dire que les unités du MUP et de la VJ ont

16 employé des tactiques semblables au cours de l'année 1999 qui ont abouti à

17 la perpétration de ces crimes.

18 Au début de 1999, Richard Ciaglinski a observé des pratiques tout à fait

19 semblables dans le cadre d'une opération conjointe entre la VJ et le MUP.

20 Il a déclaré que la méthode normale de fonctionnement consistait à faire

21 mener l'opération par le MUP pendant que des fantassins de la l'armée de

22 terre soutenaient cette opération et que le rôle de la VJ consistait à

23 appuyer avec un feu très nourri. Ceci figure à la page 12 de sa déclaration

24 qui est la pièce P2488. M. Hannis aussi a fait la liste des différents

25 témoins qui ont apporté leurs témoignages et a parlé des attaques

26 conjointes menées par le MUP et la VJ à l'encontre de ces villages,

27 attaques au cours desquelles la population locale a été expulsée. Les

28 éléments de preuve, comme je l'ai dit, montrent que c'est le général Lukic

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1 qui était parmi les instigateurs et l'un des participants au grade le plus

2 élevé, l'un des plus grands planificateurs et coordinateurs de ces

3 attaques.

4 Le général Lukic a aussi participé au fait d'armer les civils non

5 albanais du Kosovo. Nous avons pris connaissance d'un certain nombre de

6 rapports, y compris ceux dont j'ai parlé auparavant et qui ont été

7 présentés par M. Cvetic et qui évoquent la participation de ce qui est

8 décrit comme étant la population armée de Siptar -- population armée non-

9 siptar et son rôle dans les opérations de police, opérations de police et

10 de la VJ. Ces éléments de preuve nous disent que le MUP a eu recours aux

11 citoyens locaux et à ceux qui avaient le statut de réserviste du MUP dans

12 les unités de Défense de villages; ceci est la pièce P1064 et qui concerne

13 les instructions de commandement conjoint de juillet 1998 et qui concerne

14 la Défense des zones peuplées et qui donne les différents ordres aux unités

15 de Défense locale et le rôle du MUP.

16 En juillet 1998, la situation était telle que le général Lukic a pu envoyer

17 une lettre à tous les secrétariats de l'Intérieur, les SUP, en y joignant

18 des extraits de registre d'armes émanant de la

19 VJ pour : "Les citoyens de manière à ce qu'ils mènent des opérations de

20 défense des villages et des villes par les pelotons de réserve de police

21 dans les municipalités," et qui étaient placés sous le contrôle des sept

22 SUP. Dans cette lettre, il enjoint les chefs du SUP de mettre à jour leurs

23 différents registres de réserve pour étayer leurs plans de défense.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne comprends pas votre

25 argumentaire. C'est peut-être quelque chose qui a été mal redonné dans le

26 compte rendu d'audience. Vous dites : "En juillet 1998, la situation était

27 telle que le général Lukic a envoyé une lettre à tous les secrétariats de

28 l'Intérieur, et qui concernait quoi --

Page 12730

1 M. STAMP : [interprétation] Oui, je vais essayer d'éclaircir. Il s'agit de

2 la pièce 1150 [comme interprété], c'est une lettre envoyée par le général

3 Lukic à tous les responsables des différents SUP à laquelle il ajoute des

4 extraits des registres d'armes qui étaient donnés par la VJ aux différents

5 citoyens. Dans ce courrier, il enjoint les responsables des SUP de mettre à

6 jour leurs registres de police réservistes, de manière à respecter les

7 citoyens qui ont reçu ces armes. L'argumentaire concernant cette lettre

8 figurant au P1115 indique que le général Lukic, par sa position en tant que

9 responsable de l'état-major du MUP au Kosovo, a aussi exercé un contrôle

10 sur les membres non armés des non-Siptar de la population, comme cela

11 figure dans cette lettre.

12 En effet, il existe une page d'accompagnement de cette pièce qui couvre non

13 seulement la zone de Mitrovica, du SUP de Mitrovica, qui note que 7 436

14 armes avaient été distribuées -- pardon, une page d'accompagnement indique

15 que 7 436 armes ont été attribuées aux six municipalités qui étaient

16 couvertes par le MUP. Donc, ceci montre que les militaires, la VJ, ont

17 donné des armes à ces unités et que ces unités étaient formées de manière à

18 constituer des unités réservistes du MUP, et qu'elles étaient placées sous

19 le contrôle de l'état-major du MUP. Cela est aussi étayé par la déposition

20 de M. Cvetic aux pages 8 054 et 8 546 du compte rendu d'audience.

21 Deux des pièces à conviction qui font référence au recours à ces civils

22 lors d'opérations de police sont les pièces 1968 et P1878. M. Cvetic a

23 explicité l'expression "population armée non-siptar" qui figurait dans ces

24 différents documents. Il a aussi expliqué au document, à la page 8 098 du

25 compte rendu d'audience, que dans le passé la population serbe dans la zone

26 de Drenica avait été armée, et qu'elle rendait des comptes soit à des

27 unités de la VJ, soit à des unités du MUP.

28 De surcroît, en sus de ces éléments de preuve, l'on voit que

Page 12731

1 contrairement aux volontaires qui venaient au Kosovo et qui étaient armés

2 et engagés par le MUP, on voit la pièce 1990, dans le compte rendu de la

3 réunion de l'état-major du MUP du 17 février 1999, on voit comment dans ce

4 rapport le ministre Vlajko Stojiljkovic parle de la manière dont on doit

5 engager des volontaires au Kosovo; ce rapport fait aussi état des

6 instructions à donner concernant ces modalité d'engagement et l'inclusion

7 au sein du MUP dans les forces réservistes de police. Vous vous souvenez de

8 la déposition de M. Cvetic qui a déclaré que, contrairement à ce qui s'est

9 passé, la règle ne permettait pas au MUP d'engager des volontaires, et que

10 seul la VJ avait la possibilité d'engager des volontaires. M. Cvetic se

11 souvient qu'à une réunion du MUP ou à une réunion de l'état-major du MUP

12 qui s'est tenue le 17 mars 1999, le général Lukic avait dit qu'au cas où

13 des volontaires arrivaient au Kosovo, il fallait conserver ces hommes et

14 les inclure dans les opérations du MUP après le début de la guerre. Cela

15 figure à la page 8 099 du compte rendu d'audience.

16 Cette référence est aussi pertinente, Monsieur le Président, concernant la

17 question de ne pas avoir réussi à prévenir ce qui s'est passé. Comme cela

18 se produit dans des circonstances de ce type, il existe un grand nombre

19 d'éléments de preuve afférents à ces différents éléments où il y a parfois

20 fusion ou chevauchement. Je mentionne ceci de manière à ne pas avoir à

21 revenir sur ce document, et l'on voit, Monsieur le Président, Monsieur,

22 Mesdames les Juges, que le général Lukic a participé à la planification,

23 l'instigation et aux ordres visant à cacher par les membres du MUP et des

24 éléments subordonnés au MUP -- les unités subordonnées qui perpétraient les

25 crimes. Les éléments de preuve nous montrent que le général Lukic a

26 participé à la coordination du transfert de cadavres d'Albanais kosovars,

27 et de transfert de charniers vers la Serbie.

28 Bozidar Protic, l'un des chauffeurs qui a participé à ce transfert de

Page 12732

1 corps, a déposé et a dit que M. Lukic l'avait contacté à au moins trois

2 reprises, et lui avait donné des instructions concernant le transport de

3 ces cadavres, et qu'il avait agi conformément à ces instructions. Des

4 questions de crédibilité ont été soulevées eu égard à M. Protic, en

5 particulier pourquoi est-ce que c'était la première fois qu'il intervenait

6 ou qu'il avait été interviewé en 2001 ou 2000, et pourquoi il n'avait pas

7 mentionné M. Lukic; il l'a expliqué. Ici, il est dit -- ce n'est pas le bon

8 moment pour poser les différents éléments de crédibilité, mais je

9 présenterai l'argumentation suivante : son témoignage concerne son contact

10 avec le général Lukic avant qu'il soit engagé pour enlever les corps;

11 pendant la période pendant laquelle il était engagé pour faire ce travail,

12 lorsqu'il a parlé au général Lukic a plusieurs reprises; et après cette

13 période, lorsque le général Lukic et le général Djordjevic -- il a parlé à

14 ces deux personnes concernant un certain nombre d'arrangements, et là, l'on

15 sait que le général Lukic a participé à l'action visant à cacher le

16 transport de ces corps. Je voudrais rappeler à la Cour que cette déposition

17 est la première qui donne des informations sur ce transport pendant la

18 première semaine, les premiers jours d'avril; que cela s'est fait en très

19 peu de temps après le début des hostilités.

20 On n'en a pas beaucoup parlé de ces différents éléments concernant

21 les cadavres, donc si vous me permettez, je ne parlerai pas de cela pour

22 l'instant en détail, sauf à mettre en lumière la chose suivante, à savoir

23 que plus 800 cadavres d'Albanais du Kosovo ont été découverts dans

24 plusieurs charniers au Kosovo; 820 corps nous disent les chiffres.

25 Batajnica, pour sa part, avait 705 cadavres, dont 300 ont pu être

26 identifiés comme étant des victimes de Meja et Suva Reka, qui fait l'objet

27 de l'acte d'accusation. Il apparaît clairement d'après la déposition que

28 ces cadavres ont été transportés en l'espace de quelques jours uniquement,

Page 12733

1 après que les crimes qui sont reprochés aient été perpétrés.

2 A Petrovo Selo, il y avait 75 corps, dont 22 ont été identifiés comme

3 étant des victimes du massacre d'Izbica, et au lac Perucac il y avait 48

4 cadavres, qui étaient tous des victimes de massacre au Kosovo.

5 Monsieur le Président, les 828 cadavres qui ont pu être retrouvés ont été

6 retrouvés dans des charniers en Serbie et pour ceux qui ont été identifiés,

7 il s'agit de personnes dont le nom apparaît dans la liste du CICR, de

8 personnes manquantes au Kosovo pendant la période qui couvre l'acte

9 d'accusation. Cette liste du CICR a été incluse dans la liste de la MINUK

10 des personnes manquantes et a été présentée par le Dr Baraybar. Je pense

11 avoir noté le numéro de la pièce, mais ce n'est pas le bon numéro, je vous

12 donnerai ce numéro ultérieurement. Toujours est-il que pour la plupart de

13 ces personnes, suite aux autopsies qui ont été réalisées par les médecins

14 légistes, en particulier concernant les fragments osseux, on sait qu'il

15 s'agit des personnes qui ont été tuées par balle.

16 On peut déduire à partir de ce qui précède concernant l'intention de

17 M. Lukic qu'il partageait bien cette intention de perpétrer une entreprise

18 criminelle commune et qu'il partageait l'intention de cacher ces crimes,

19 qu'il connaissait l'existence de ces crimes qui étaient perpétrés au Kosovo

20 par les forces de la RFY et par la Serbie pendant la période qui est

21 couverte par l'acte d'accusation. Il en avait connaissance et ses actions

22 ont contribué à la réalisation de ces crimes. Il a été informé du

23 déplacement massif d'Albanais du Kosovo et informé du fait qu'un grand

24 nombre d'autres crimes ont été perpétrés par le système de remontée

25 d'information qui devait être à la disposition du MUP, et par le fait qu'il

26 ait participé à un grand nombre de réunions d'état-major. Nous pensons

27 aussi qu'il est inconcevable que les responsables de police chargés des

28 opérations sur le terrain dans une zone de la taille du Kosovo ne soient

Page 12734

1 pas mis au courant de crimes d'une telle étendue et de tels mouvements de

2 personnes.

3 Les éléments de preuve de cette Chambre montrent qu'à tous les

4 moments qui sont couverts par cet acte d'accusation, que le MUP disposait

5 de structures efficaces et fonctionnantes [phon] de retour d'information au

6 Kosovo. Le général Lukic donnait des instructions, des instructions

7 parfaitement détaillées à ses subordonnés immédiats, de manière à s'assurer

8 que des rapports périodiques, y compris des rapports quotidiens, soient

9 envoyés à la chaîne de commandement et qu'il soit tenu au courant de

10 l'évolution de la situation sur le terrain et de la tenue des opérations.

11 La pièce 2528 le montre.

12 Ljubinko Cvetic a déclaré que tous les postes de police et les OUP

13 ont eu à informer les SUP, et partant des instructions émanant du général

14 Lukic, les secrétariats ont compilé les informations pour les envoyer vers

15 le haut de la chaîne de commandement. En février 1999, les postes de police

16 tout au large du Kosovo ont reçu l'ordre de présenter des rapports

17 concernant les incidents importants de façon directe et immédiate au siège

18 des opérations du MUP à Belgrade ainsi qu'au QG du MUP chargé du Kosovo.

19 C'est ce qui a renforcé le contrôle exercé par Lukic vis-à-vis de la

20 situation. C'est la pièce P1092.

21 Les pièces à conviction P1990 sont des PV de réunions du MUP ou plutôt ce

22 sont des PV d'une réunion du MUP datée du 17 février où l'on voit que

23 lesdits rapports ont bel et bien été présentés. Une fois de plus, la pièce

24 à conviction P1998 constitue un autre PV d'une réunion du MUP datée du 4

25 avril 1999, où l'on voit que Lukic est en train de rappeler au chef du SUP

26 et aux commandants des unités du devoir qu'ils ont de présenter des

27 rapports.

28 En outre, Lukic a été tenu au courant de la situation par le biais

Page 12735

1 des contacts qu'il a eus avec les membres haut placés du JCE aux réunions

2 du MUP. Bon nombre de ces réunions ont été également fréquentées par M.

3 Sainovic, le chef du commandement conjoint; le ministre des Affaires

4 intérieures, M. Stojiljkovic; le chef de la RDB, M. Djordjevic; le chef des

5 opérations de police du RJB, M. Stevanovic; et le commandement des unités

6 spéciales du MUP.

7 Ces réunions et ce que M. Lukic avait à dire à l'occasion desdites

8 réunions montre qu'il a exercé un contrôle direct vis-à-vis des événements

9 sur le terrain.

10 Le général Lukic a également su qu'il y avait probabilité de voir les

11 unités du MUP commettre des crimes dans le courant de 1998 du fait qu'il y

12 avait des rapports à grande échelle informant des crimes commis au Kosovo

13 dans le courant de 1998. Il a été informé de crimes commis sous son

14 commandement en 1998 suite à bon nombre de complaintes émanant des

15 observateurs internationaux, et cela s'applique à la totalité des accusés.

16 Ces allégations ont été énoncées de façon publique, de façon évidente aux

17 Nations Unies, au sein des organisations internationales. Fred Abrahams a

18 témoigné pour dire que dans bon nombre de rapports auprès des autorités de

19 police, aux médias nationaux et à l'intention des diplomates étrangers ont

20 fait connaître au reste du monde du fait qu'il y avait, des allégations du

21 moins, de graves violations du droit humanitaire des Albanais du Kosovo.

22 C'est dans cet état des choses qu'il y avait une raison justifiée ou

23 probable de voir l'OTAN s'impliquer au Kosovo.

24 A une occasion lors d'une réunion entre le général Lukic et le

25 général DZ en décembre 1998, le général DZ informait le général Lukic du

26 fait que le MVK avait reçu des rapport non confirmés de recours excessif à

27 la force par la police à l'occasion des fouilles des villages à Kosovo

28 Polje. Lukic a cherché à réfuter ce type d'allégations. Shaun Byrnes, l'ex-

Page 12736

1 responsable du KDOM originaire des Etats-Unis, a déclaré qu'en été 1998 il

2 a rencontré le général Lukic, et que ce sont des réunions qui se sont

3 tenues de façon régulière, à l'occasion de quoi il a informé l'équipe du

4 KDOM, à savoir le KDOM des Etats-Unis, pour faire savoir que les forces du

5 MUP par recours à la force ont expulsé les Albanais kosovars de leurs

6 villages en détruisant leurs biens et en incendiant leurs maisons. Byrnes

7 en a lui, personnellement, informé Lukic. Byrnes a une fois vu ce type

8 d'événements en personne. Les réactions de Lukic s'agissant de ces

9 observations de la part de Byrnes avaient été celles de les rejeter ou de

10 dire que ce n'était pas vrai et d'affirmer que ces comportements du MUP

11 constituaient une réaction aux attaques de l'UCK. C'est ce qui ressort du

12 témoignage au compte rendu d'audience de Shaun Byrnes, des pages 12 148 à

13 12 153.

14 Mis à part ce que M. Cvetic a dit étant une pratique illégale d'acceptation

15 de volontaires au sein du MUP, le général Lukic a également approuvé

16 l'incorporation au sein du MUP de groupes de volontaires qui auparavant

17 avaient déjà un historique disant qu'ils étaient impliqués dans des crimes

18 graves commis à l'égard de civils, ainsi qu'à l'occasion des conflits

19 survenus au Kosovo dans le courant de 1998. Le général Lukic a également

20 approuvé l'incorporation de quelque 128 membres des Skorpions au sein des

21 SAJ et des réservistes en mars 1999 --

22 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais faire

23 objection. Je crois que le conseil est en train de se référer à un document

24 qui n'a pas été versé au dossier et qui a fait l'objet de toute une série

25 d'objections et qui a fait objet également de décisions rendues par les

26 Juges de la Chambre rejetant ce document parce qu'il s'agissait d'un

27 document sans cachet, sans signature et où l'on présente ce type

28 d'allégations. En tout état de cause, ce n'est pas versé au dossier.

Page 12737

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp.

2 M. STAMP : [interprétation] Ce que je voudrais c'est être absolument précis

3 et je voudrais revenir ultérieurement. Je crois que ce document a bel et

4 bien été versé au dossier, mais je me propose de le retirer à présent et de

5 revenir à ce document ultérieurement.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez un numéro pour ce

7 document ?

8 M. STAMP : [interprétation] En réalité, je me suis référé au témoignage de

9 Goran Stoparic, au document P2224.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne pense pas, du moins au compte

11 rendu d'audience, il n'est pas apparent le fait que vous ayez mentionné le

12 nom de Stoparic. L'avez-vous mentionné ?

13 M. STAMP : [interprétation] Oui.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais le nom de "Stoparic" n'apparaît

15 pas au compte rendu. L'avez-vous mentionné comme étant votre source ?

16 M. STAMP : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je ne l'ai pas

17 fait. M. Ivetic s'est levé en réalité avant que je n'aie eu le temps de me

18 référer à ma source, mais je crois comprendre de quoi parle Me Ivetic dans

19 son objection. Je ne suis pas d'accord avec lui, mais je préfère vérifier

20 parce qu'à mon avis il existe une source, et je crois que la question a été

21 en quelque sorte contestée. Une autre allégation ou un autre argument me

22 fait dire que la source devrait être Goran Stoparic.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, vous n'avez qu'à voir cela

24 pendant la pause.

25 M. STAMP : [interprétation] Oui, je vais le faire pendant la pause

26 certainement.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous allez nous le dire

28 ultérieurement.

Page 12738

1 M. STAMP : [interprétation] Goran Stoparic, un ex-membre des Skorpions, a

2 déclaré que son unité, une fois arrivée au Kosovo, avait reçu de la part du

3 MUP des uniformes, des équipements, du matériel et qu'elle avait été

4 rattachée aux SAJ, chose qui n'a fait que conforter les dires aux termes

5 desquels les volontaires avaient bel et bien été incorporés aux unités du

6 MUP. Très rapidement après leur déploiement au Kosovo, les membres des

7 Skorpions ont exécuté un groupe de femmes et enfants à Podujevo et ont été

8 renvoyés en Serbie. Toutefois, en avril 1999, 108 membres de la même unité

9 se sont vus redéployés au Kosovo sous le commandement de la SAJ et ils sont

10 intervenus au Kosovo jusqu'en mai 1999.

11 Quand on se réfère au système de présentation des rapports que le général

12 Lukic avait à sa disposition, ainsi que sur le détail qu'il devait fournir

13 forcément dans ses rapports à l'intention de ses supérieurs à lui, il est

14 clair qu'il devait forcément savoir qu'il y a eu déploiement et

15 redéploiement de cette unité placée sous son commandement. En sus, la pièce

16 à conviction 1505, qui constitue une décision mettant en place une équipe

17 ministérielle visant à combattre le terrorisme, est datée du mois de juin

18 1999 et démontre que l'un des membres du QG du MUP en 1998 se trouvait être

19 Milorad Ulemek, également connu sous le surnom de Legija. Legija était

20 l'homme qui se trouvait à la tête des opérations spéciales au QG du MUP.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle est la date de cette pièce à

22 conviction ?

23 M. STAMP : [interprétation] Il s'agit de juin 1999, date --

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il est fait référence à la position

25 qu'il occupait en 1998, n'est-ce pas ?

26 M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Mais je pense qu'en

27 réalité il est question de la position qu'il occupait en 1999 et non pas en

28 1998. Désolé.

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1 La date de la pièce à conviction en réalité est celle de juin 1998, c'est

2 la date du 16 juin 1999 [comme interprété]. On se réfère à cette personne

3 pour dire qu'à cette période-là c'était l'adjoint du commandant chargé des

4 opérations spéciales au QG du MUP. Le général Vasiljevic en ce document

5 P2594, paragraphe 30, a dit que l'unité en question, l'Unité Legija, a été

6 impliquée dans la perpétration des crimes en 1999.

7 Le général Lukic a omis de prendre les mesures qui s'imposaient pour

8 empêcher ses subordonnés de commettre les crimes allégués ou pour les punir

9 d'avoir commis ces crimes. C'est de notre avis, bien qu'il n'y ait guère de

10 nécessité de déterminer les causes en application de ce qui est stipulé à

11 l'article 7(3), nous affirmons que le fait d'avoir omis d'exercer son

12 contrôle de façon adéquate et responsable vis-à-vis des unités qui étaient

13 les siennes a contribué de façon significative à la réalisation de

14 l'entreprise criminelle commune et compte tenu --

15 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je regrette d'avoir à

16 le faire, mais la déclaration de Vasiljevic ne se réfère pas à l'Unité de

17 Legija, mais à une unité qui s'appelait la Légion Legija, et c'est un point

18 important que j'ai à évoquer, entre autres, que je vais certainement citer

19 à la fin de la présentation des éléments de M. Stamp concernant les

20 références erronées qui ont été faites pour ce qui est des pièces à

21 conviction citées jusqu'à présent.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, nous y viendrons une fois que sa

23 présentation des arguments aura été terminée.

24 M. STAMP : [interprétation] Pour ce qui est du QG du MUP, en sa qualité de

25 chef d'état-major, le général Lukic avait la possibilité matérielle de

26 prévenir les crimes commis et de discipliner ces unités, y compris les

27 unités spéciales. Il y a eu un système de discipline et un système

28 judiciaire de mis en place pour assurer une discipline et le respect du

Page 12740

1 droit au sein du MUP. Mais en dépit de la connaissance qu'il a eue des

2 crimes systématiquement commis à grande envergure par les forces placées

3 sous son commandement en 1998 et 1999, il a omis de prendre ce type de

4 mesures adéquates afin d'empêcher ses subordonnés de commettre d'autres

5 crimes encore, pas plus qu'il ne les a punis des crimes qu'ils ont commis

6 au fil de cette période de temps assez longue au Kosovo. En sus de la

7 conclusion qui est celle de dire que, ce faisant, il a fait se perpétrer

8 l'entreprise criminelle commune, nous estimons que la seule conclusion à

9 tirer était celle de voir ces crimes se produire.

10 C'est la raison pour laquelle nous affirmons à la lumière des pièces

11 à conviction présentées par l'Accusation concernant les crimes commis par

12 le MUP sur le territoire du Kosovo, nous pensons qu'une Chambre de première

13 instance saurait à juste titre tirer la conclusion qui serait celle dire

14 que le général Lukic est responsable, en sa qualité de co-auteur, de

15 perpétration de crimes énoncés à l'acte d'accusation.

16 Nous affirmons également que le général Lukic est responsable en

17 application de l'article 7(1) d'avoir ordonné, incité, aidé à commettre les

18 crimes figurant à l'acte d'accusation. Les pièces à conviction déterminent

19 qu'il y a une responsabilité pénale du général Lukic partant de la

20 planification qui était la sienne ou des ordres émanant de lui en

21 application de l'article 7(1) du Statut. Qui plus est, les pièces à

22 conviction, combinées avec l'omission qu'il a faite de discipliner ses

23 unités ayant commis des crimes, constituent une base pour la détermination

24 de sa responsabilité au pénal pour avoir incité, aidé et encouragé la

25 perpétration desdits crimes. En dépit de la connaissance qu'il avait des

26 crimes commis par les unités du MUP au fil de cette période, à savoir de la

27 période englobée par l'acte d'accusation, le général Lukic a omis de

28 prendre des mesures adéquates pour empêcher ses subordonnés de commettre

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1 d'autres crimes, et en omettant de le faire, il a créé une ambiance

2 d'impunité, chose qui n'a fait qu'encourager et inciter à la perpétration

3 des crimes qui figurent à l'acte d'accusation.

4 Il a également aidé et incité à commettre la perpétration des crimes

5 du fait d'avoir permis, instruit et facilité l'implication du personnel du

6 MUP et le recours aux ressources du MUP pour la perpétration desdits

7 crimes. Il a su que sans l'implication des unités du MUP au Kosovo, les

8 objectifs de l'entreprise criminelle commune n'auraient pas pu être

9 réalisés et son rôle a consisté à employer, engager ces unités à ces fins

10 précises. En mettant en œuvre les instructions émanant du ministre du MUP à

11 Belgrade et du commandement conjoint, il a apporté un soutien matériel et

12 moral aux membres de cette entreprise criminelle commune. En s'abstenant de

13 prendre des mesures adéquates de discipline à l'égard des membres du MUP

14 qui ont commis des crimes au Kosovo, il a encouragé et moralement appuyé

15 directement les auteurs des crimes commis vis-à-vis de la population

16 albanaise du Kosovo.

17 Pour ce qui est des dispositions de l'article 7(3), le général Lukic en sa

18 qualité de commandant ou de commandant nommé du QG du MUP au Kosovo et

19 Kosovo-Metohija, avait de jure un commandement vis-à-vis des unités du MUP,

20 y compris les unités spéciales. Je crois m'être déjà référé devant les

21 Juges de cette Chambre aux documents de création de ce QG expliquant les

22 compétences de ce QG.

23 En sa qualité de membre du commandement conjoint, le général Lukic a

24 également exercé une autorité de facto vis-à-vis des autres forces

25 intervenant sous l'autorité du commandement conjoint. Il avait donc la

26 possibilité matérielle de prévenir la perpétration desdits crimes et

27 d'assurer la mise en place d'une discipline parmi les unités du MUP, y

28 compris les unités spéciales. En sa qualité de chef d'état-major du MUP, le

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1 général Lukic avait la possibilité matérielle de donner des ordres aux

2 officiers subordonnés, y compris les commandants des unités spéciales qui

3 devaient convoyer ces instructions.

4 Pendant la période pertinente de l'acte d'accusation, il y a eu un système

5 de mesures disciplinaires et de mesures de droit visant à assurer la

6 discipline et le respect de la loi au sein du MUP. La loi relative aux

7 Affaires intérieures met en place un cadre pour ce qui est de la discipline

8 et des responsabilités au sein du MUP; c'est la pièce à conviction P1016.

9 Le décret relatif à la discipline et à la responsabilité réglementait les

10 devoirs des officiers du MUP, et l'un des devoirs consistait à diligenter

11 des enquêtes et à conduire une procédure préliminaire à l'encontre des

12 subordonnés qui auraient enfreint la loi. Il s'agit de la pièce P1016,

13 ainsi que de la loi relative aux Affaires intérieures que j'ai citée tout à

14 l'heure, à savoir le P1757.

15 En sus de la date du 24 mars 1999, il y a un décret relatif aux affaires

16 régissant l'intérieur en état de guerre, et c'est là un document amendant

17 les chapitres relatifs à la discipline et aux responsabilités des

18 représentants officiels du MUP, afin de tenir compte du fait qu'il y a un

19 état de guerre de proclamé. Il s'agit de la pièce P993. Ce décret indique

20 également que le système disciplinaire a également existé en état de guerre

21 dans le courant de l'année 1999. Ce dernier décret a renforcé les autorités

22 des responsables du MUP, des cadres du MUP, pour ce qui est de la mise en

23 détention de suspects, de restreindre leurs déplacements, et de procéder à

24 des fouilles, tant de personnes que de biens immobiliers. Il a été

25 également énoncé des dispositions pour ce qui est des responsabilités

26 découlant de la manifestation de l'intolérance ethnique, raciale ou

27 religieuse en application de l'article 9, ce qui venait simplifier le

28 système disciplinaire mis en place au sein du MUP et les mesures de

Page 12743

1 discipline en son sein.

2 Il y avait une structure également pour ce qui est de la prévention

3 des crimes et la poursuite des crimes commis à l'encontre des Albanais du

4 Kosovo.

5 Comme je l'ai dit auparavant, le général Lukic s'était vu informé des

6 crimes ou avait pu être informé de ces crimes. Lorsqu'il s'agit de la

7 prévention des crimes et du sanctionnement de ces crimes, il en a été

8 régulièrement discuté à l'occasion des réunions du QG du MUP, ainsi qu'aux

9 réunions du MUP avec les représentants internationaux, y compris la Mission

10 d'observation au Kosovo; je me réfère notamment à la pièce P2544.

11 Indépendamment de la connaissance qui était la sienne et des pouvoirs et de

12 l'autorité qui lui étaient conférés, il a omis de prendre quelque mesure

13 que ce soit ou quelque mesure adéquate que ce soit aux fins de prévenir ces

14 crimes et de punir leurs auteurs. C'est ce que nous a dit Ljubinko Cvetic,

15 qui a affirmé que pendant son séjour au Kosovo - et je précise qu'il s'agit

16 de la période allant de janvier 1997 à fin avril 1999 ou à avril 1999 - il

17 n'a pas eu connaissance de quelque cas que ce soit où un policier aurait

18 été poursuivi en justice pour crimes graves commis à l'encontre de la

19 population ethnique albanaise. Il s'agissait de crimes du type : meurtre

20 d'Albanais du Kosovo, mise à feu de biens appartenant à des Albanais du

21 Kosovo ou transfert forcé des Albanais du Kosovo de leurs domiciles. Les

22 Juges de la Chambre peuvent se douter du fait qu'au moins l'un des sept SUP

23 du Kosovo aurait été poursuivi ou fait l'objet d'une enquête. Or, jamais de

24 telles enquêtes ou de telles poursuites n'ont été évoquées aux réunions du

25 QG du MUP, chose qui apparaît aux pages 8 112 à 8 113 du compte rendu

26 d'audience.

27 Pour ce qui est des informations relatives aux enquêtes diligentées

28 et aux poursuites en justice requises de la part du MUP, un rapport de

Page 12744

1 l'OSCE relatif à la poursuite de crimes de guerre tire la conclusion qui

2 est celle de dire que le MUP a en grande mesure enquêté sur les crimes

3 commis par les soldats de l'UCK, et rien que dans certains cas où les

4 auteurs étaient des Serbes ou des membres serbes de la police ou des forces

5 de Sécurité serbe. D'après ce rapport de l'OSCE, les quelques enquêtes

6 diligentées à l'encontre des membres de la police serbe ou des forces de

7 Sécurité serbe, il n'y a eu de telles enquêtes que lorsque le public a eu

8 vent de tels crimes, et le MUP n'a pas eu d'autre choix que de diligenter

9 ce type d'enquêtes. C'est ce que nous dit la pièce P846.

10 D'autres observations générales ont été fournies par l'OSCE suite aux

11 informations reçues subséquemment à des requêtes émanant du MUP. Les Juges

12 de la Chambre en ont été informés pour ce qui est du témoignage d'un témoin

13 protégé impliqué dans les enquêtes sur le camion frigorifique où l'on a

14 retrouvé des cadavres. Mais pour ce qui est de sa déclaration, pour ce qui

15 est de la séquence des événements à l'occasion de l'enquête, lorsque ces

16 cadavres ont été retrouvés dans un camion frigorifique au MUP de Kladovo en

17 Serbie, début avril 1999, il y a eu un grand effort d'investi pour

18 camoufler la chose, et ces cadavres de civils albanais sont restés presque

19 pendant une année. La chose n'a été rendue publique que du fait d'un

20 journaliste courageux, et c'est ce qui a attiré l'attention publique sur la

21 responsabilité des uns ou des autres, chose qui a conduit à une enquête.

22 C'est un exemple de ce que l'OSCE a établi au sujet du comportement du MUP

23 concernant les enquêtes en question.

24 Je ne sais pas, Monsieur le Président, si l'heure est venue de faire

25 la pause.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, le moment est opportun.

27 Nous allons reprendre à 11 heures moins 5.

28 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

Page 12745

1 --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp.

3 M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie.

4 Mesdames, Messieurs les Juges, étant donné que nous reprenons juste après

5 la pause, je souhaiterais soulever une ou deux questions parce que dans le

6 compte rendu d'audience d'aujourd'hui à la page 2, ligne 6, il semblerait

7 que j'aie fait référence à la déclaration du général Vasiljevic, or il

8 s'agissait des notes du général Vasiljevic qui font objet de la pièce

9 P2592. La référence au compte rendu d'audience est le numéro de page 8 873.

10 Puis à la page 11, ligne 8, la cote de la pièce est la cote P1198, et

11 non pas P1998. A la page 13, ligne 14, la pièce à conviction a pour cote la

12 cote suivante : P1115 et non pas P1150 tel que cela avait été écrit. A la

13 page 25, ligne 2, vous avez toujours pour la pièce à conviction le numéro

14 P1737 et non pas P1757.

15 J'avais également indiqué en outre que j'allais donner les références de

16 certains documents, il s'agit de la liste des personnes portées disparues

17 au Kosovo. Ce document est le document de l'OMPM, il s'agit de la pièce

18 P298.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

20 M. ACKERMAN : [interprétation] Pour que nous n'ayons pas à nous livrer à ce

21 même exercice une fois de plus, il s'agit de la pièce P2798 et non pas

22 P298.

23 M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Maître.

24 J'avais indiqué à propos du groupe Legija que le général Vasiljevic dans sa

25 déclaration P2594, paragraphe 30, fait référence à l'unité de Legija - il

26 s'agit de Milorad Ulemek, Legija - son unité a participé à la commission de

27 crimes en 1998 -- ou plutôt 1999, je m'excuse. Le paragraphe 30 fait

28 référence à la commission de crimes au Kosovo tel que cela est indiqué par

Page 12746

1 mon estimé confrère. Il s'agit d'un autre groupe connu sous le nom de

2 Legija, mais aux paragraphes 31, 32 et 33 dudit document, il est question

3 des activités criminelles et de l'indiscipline du groupe de la JSO qui

4 était placé sous le contrôle de Milorad Ulemek, en d'autres termes connu

5 également sous le nom de Legija.

6 La référence qui est faite à la déclaration du général Vasiljevic pour ce

7 qui est du manque de discipline et du comportement criminel de ce groupe,

8 ce groupe de la JSO, la référence, disais-je, est les paragraphes 31, 32 et

9 33 de sa déclaration.

10 Il faut savoir que le conseil de la Défense de M. Lukic a avancé

11 plusieurs idées à propos des moyens de preuve à charge. Il a indiqué eu

12 égard à l'article 7(3) la responsabilité ou la responsabilité du général

13 Lukic au titre de l'article 7(3), et a indiqué qu'il n'y avait aucun moyen

14 de preuve avancé prouvant que Lukic avait assuré le contrôle effectif des

15 unités du MUP. Le conseil a indiqué que les éléments de preuve et les

16 formules présentées dans le cadre de moyens de preuve ne semblaient pas

17 corroborer ou étayer l'idée de l'autorité supérieure que Sreten Lukic avait

18 et d'autres moyens de preuve pourraient être présentés. Nous indiquons en

19 réponse, Mesdames, Messieurs les Juges, qu'en tant que chef - et je vous ai

20 déjà indiqué certains éléments de preuve - mais en tant que chef de l'état-

21 major du MUP, Lukic -- le général Lukic a exercé de jure et de facto le

22 commandement de toutes les unités du MUP, notamment des unités spéciales et

23 qu'il avait l'autorité lui permettant de contrôler et de coordonner toutes

24 les actions et opérations menées à bien par le MUP dans les municipalités,

25 et ce, dans l'ensemble du Kosovo.

26 J'ai déjà fait référence aux documents qui sont ses documents de nomination

27 et les documents qui délimitent son secteur, sa zone de responsabilité.

28 Vous avez la pièce à conviction P1251 qui indique très précisément que le

Page 12747

1 mandat de l'état-major du MUP consistait à guider et à diriger le travail

2 des unités du MUP ou des unités attachées au MUP, et ce, durant leur

3 engagement dans la lutte contre le terrorisme sur le territoire du Kosovo.

4 Donc, même ces unités, qui étaient en quelque sorte détachées au

5 Kosovo, étaient placées sous le mandat de l'état-major du MUP.

6 Dans son entretien, le général Lukic lui-même dit dans la pièce P948,

7 aux pages 37 et 38, que le rôle essentiel de l'état-major du MUP était de

8 coordonner, de planifier et de diriger l'organisation des unités du MUP

9 déployées au Kosovo. Donc, il a accepté la responsabilité ou il a accepté

10 le fait que l'état-major du MUP qu'il commandait était placé sous son

11 commandement et qu'il avait la responsabilité de commander et de contrôler

12 ces unités.

13 J'ai déjà fait référence à la pièce 1505 qui délimite la mission de

14 l'état-major du MUP.

15 Des références précises doivent être faites, c'est ce que j'avance en

16 tout cas, et je pense à la déposition de Ljubinko Cvetic à ce sujet, parce

17 qu'il a dit à la page 8 075 du compte rendu d'audience, qu'eu égard aux

18 différentes unités, la SAJ, l'OUP, les PJP, la JSO, qui étaient parfois

19 envoyées de certains endroits en Serbie pour être engagées et manœuvrer au

20 Kosovo-Metohija, il a dit qu'il acceptait que l'état-major du MUP leur

21 donnerait des consignes. Il a dit, et je cite : "Les ordres seraient

22 transmis à cette unité par l'entremise de l'état-major du MUP à Pristina et

23 le commandement direct des unités est assuré par le commandant de l'unité

24 en question."

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Stamp, ce n'est pas la peine

26 de revenir sur des choses que vous avez déjà expliquées aujourd'hui.

27 M. STAMP : [interprétation] Très bien. Alors, je vais passer rapidement à

28 d'autres éléments.

Page 12748

1 Je voulais également dire que les OUP et les PJP étaient rattachées au

2 secrétariat de l'Intérieur et étaient commandées par le secrétariat de

3 l'Intérieur et par ces chefs, et non pas par l'état-major du MUP. La pièce

4 à conviction P1247 ainsi que la pièce à conviction P1249 sont des pièces à

5 conviction citées pour étayer cette idée. Ces documents sont ni plus ni

6 moins que des listes de personnes qui doivent recevoir leurs allocations

7 journalières et ils nous montrent que le SUP conservait quand même une

8 certaine partie de la gestion administrative de ces unités; toutefois et

9 une fois de plus lors de la déposition de Cvetic, il avait été indiqué que

10 ce sont les secrétariats eux-mêmes responsables des manœuvres et des

11 opérations qui étaient placés directement sous le QG du MUP ou sous l'état-

12 major à Pristina. L'état-major élargi du MUP à Pristina incluait également

13 les sept SUP, cela se voit dans la pièce à conviction P1505.

14 La Défense a également indiqué que le document P1505 ne permet pas d'étayer

15 l'idée suivant laquelle le général Lukic commandait la RDB. Il y a de

16 nombreux témoins, notamment Cvetic, Byrnes, le général DZ, le colonel

17 Ciaglinski, le colonel Maisonneuve, le colonel Phillips, et cetera, qui

18 sont autant de personnes à avoir témoigné que Gajic de la DB n'était pas

19 l'adjoint du général Lukic, mais que c'était plutôt le colonel Mijatovic.

20 Et il a été indiqué que la pièce à conviction 1505 précise que l'état-major

21 du MUP a été créé en juin 1998 et a ramené sous leur contrôle la RDB et le

22 RJB, et ce, toujours sous le contrôle et la coordination du QG de l'état-

23 major du MUP à Pristina. Donc, je demanderais respectueusement à la Chambre

24 de première instance de bien vouloir analyser à cet égard la pièce P1505.

25 Il y est d'ailleurs indiqué de façon très claire que l'état-major élargi du

26 MUP incluait également les chefs des secrétariats responsables des Affaires

27 intérieures et les différentes filiales ou les différentes branches de la

28 RDB pour la zone du Kosovo-Metohija. C'est un ordre qui est signé, comme je

Page 12749

1 l'ai déjà indiqué, par le ministre responsable du MUP, Vlajko Stojiljkovic.

2 La Défense a indiqué qu'en tant que chef de l'état-major du MUP, le général

3 Lukic ne jouait pas le rôle ou n'avait pas non plus l'autorité lui

4 permettant de discipliner les membres du MUP ou les employés du MUP, mais

5 nous indiquons que c'est un argument qui ne peut pas être retenu. Car il y

6 a des éléments de preuve qui ont indiqué qu'il avait le pouvoir et

7 l'autorité, non seulement d'ailleurs à partir des décrets auxquels j'ai

8 déjà fait référence et qui ont permis de mettre en place les structures,

9 mais au compte rendu d'audience à la page 8 156, en réponse à une question

10 posée par M. le Président de la Chambre, Lord Bonomy, M. Cvetic a déclaré

11 que le général Lukic pouvait prendre des mesures disciplinaires contre les

12 membres du MUP qui avaient commis des crimes graves. Alors, il s'agit d'un

13 élément de preuve, mais c'est une proposition qui s'inscrit dans le cadre

14 du bon sens, parce que la Chambre de première instance pourrait en déduire

15 d'après ces éléments de preuve que le chef de l'état-major du MUP, le chef

16 de la police, même s'il n'est pas à même de s'occuper ou de gérer les

17 infractions internes commises par les officiers de police, telles que par

18 exemple le port d'uniforme ou le manque de ponctualité au travail, pouvait

19 toutefois très certainement avoir une influence pour ce qui est de la

20 discipline lorsqu'il s'agissait de délits, tels qu'incendie, meurtre,

21 assassinat, lorsque la police était prise en considération. A la page que

22 je viens de citer, la page 8 156, le compte rendu d'audience indique que le

23 Juge Bonomy pose la question suivante ou indique, et je cite : "Il se peut

24 que ma question ne vous ait pas été bien traduite. La question a été : en

25 supposant que le chef de l'état-major du MUP à Pristina, à savoir M. Lukic,

26 venait à être informé du comportement de certains officiers du MUP qui

27 aurait été équivalent de meurtre, quelles sont les mesures que vous vous

28 seriez attendu qu'il prenne par rapport à ces crimes ?"

Page 12750

1 Le témoin a répondu, je cite : "Il devait notifier immédiatement le

2 chef de son unité, à savoir le chef du SUP, d'où venaient les policiers. Il

3 devait notifier le chef du département de la sûreté publique."

4 Il s'ensuit d'après cette réponse que lorsque nous prenons en

5 considération les autres moyens de preuve, les personnes qu'il devait

6 notifier devaient également lui présenter des rapports. Il les contrôlait,

7 à savoir il avait plus que les pouvoirs adéquats et satisfaits pour imposer

8 la discipline, et ce, dans des cas de crimes graves commis par l'état-major

9 du MUP.

10 La Défense a également avancé qu'il n'y avait aucun élément de preuve

11 présenté permettant d'indiquer que le général Lukic avait été au courant ou

12 était informé des crimes commis par ses subordonnés au Kosovo. Ce que

13 j'avance, c'est qu'il y a des griefs très précis qui lui ont été présentés,

14 et au vu des circonstances, il est absolument inconcevable d'imaginer que

15 le chef de la police, le chef de ces opérations menées à bien dans cette

16 zone, n'aurait pas été informé de ces allégations qui étaient quand même de

17 notoriété publique dans le monde entier.

18 Il a également été avancé que Lukic n'assurait pas le contrôle du

19 fonctionnement du système judiciaire, et que par conséquent il ne pouvait

20 pas discipliner ou sanctionner ses supérieurs. Ce que nous avançons, c'est

21 qu'il ne s'agit pas d'assurer le contrôle du système judiciaire, il s'agit

22 tout simplement de prendre des mesures efficaces et effectives afin

23 d'assurer que des enquêtes en bonne et due forme soient diligentées sur des

24 personnes qui sont censées avoir commis des crimes graves et afin que ces

25 personnes ne se trouvent plus dans la même situation où elles auraient

26 commis ces crimes. Il aurait pu prendre des mesures, je l'ai déjà indiqué

27 d'ailleurs, et je vais à nouveau vous parler de ces décrets car il

28 disposait du mécanisme, de la structure, qui était en vigueur, qui était en

Page 12751

1 place qui lui aurait permis de prendre des mesures effectives si telle

2 avait été son intention. Je me permets d'ajouter que la pièce P1736

3 correspond au code pénal de la RFY, que ce code stipule que le système de

4 justice pénale est valable également pour les membres du MUP s'ils ont

5 commis des crimes.

6 La Défense du général Lukic a également indiqué que le commandement

7 conjoint est un organe qui ne disposait pas de véritable pouvoir sur le

8 MUP. Cela va tout à fait à l'encontre des éléments de preuve apportés par

9 le général Vasiljevic, le général Cvetic, et même comme je l'ai indiqué

10 préalablement, cela va à l'encontre de ce qu'a indiqué le général Lukic

11 dans son entretien, ou cela va à l'encontre des conclusions que l'on peut

12 dégager de son entretien aux pages 35 et 36. J'ai déjà fait des

13 observations à propos de l'incorporation des Skorpions, ce groupe très

14 important, très large au sein du MUP, et j'ai indiqué qu'il y avait eu

15 déploiement et redéploiement après que les crimes si graves se soient

16 produits ou se sont produits, tels que ceux qui se sont produits à Podujevo

17 par exemple, j'avais avancé que cela n'aurait pas pu être commis sans que

18 le général Lukic n'en soit informé.

19 J'avancerais d'ailleurs respectueusement que plusieurs éléments ou

20 plusieurs paramètres qui ont été avancés à propos des éléments de preuve

21 relatifs au général Lukic sont présentés sans fondement. Comme je l'ai

22 indiqué, l'Accusation a déjà présenté des moyens de preuve qui

23 permettraient à une Chambre de première instance raisonnable d'être

24 informée eu égard aux chefs de culpabilité et aux chefs d'inculpation que

25 nous avons dans l'acte d'accusation. J'aimerais, avec votre permission,

26 faire quelques remarques générales à propos de l'article 7(3).

27 En ce qui concerne tous les accusés, nous avons essayé de faire des

28 références à certains moyens de preuve au moins qui permettent de respecter

Page 12752

1 plusieurs critères de l'article 7(3) eu égard à chacun des accusés ici

2 présents. Comme l'a mentionné M. Hannis, trois Chambres de première

3 instance ont maintenant adopté comme étant la pratique du Tribunal

4 l'interprétation de l'article 98 bis, tel que modifié en 2004. En fait de

5 quoi s'agit-il ? La Chambre de première instance doit seulement trouver des

6 éléments de preuve officiels relatifs à chaque chef d'inculpation et ne

7 doit pas considérer forcément chaque mode de responsabilité allégué pour

8 chaque chef d'inculpation. Il s'agit de l'affaire Martic et l'affaire

9 Mrksic, et je dirais que le 3 mai, cela a également été utilisé dans une

10 affaire lorsqu'il y a eu des présentations au titre de l'article 98 bis, il

11 s'agissait de l'affaire Dragomir Milosevic et il semblerait qu'en l'espèce,

12 cela a été accepté comme étant la pratique retenue qui correspond au bon

13 droit.

14 Au vu de tout ceci, je dirais pour ce qui est de la responsabilité

15 générale des accusés, que chaque accusé est responsable au titre de

16 l'article 7(3) du Statut, et nous indiquons à la Chambre de première

17 instance qu'elle doit seulement voir pour le moment, à cette phase de la

18 procédure, si elle n'est pas d'accord avec l'Accusation lorsque

19 l'Accusation avance qu'il y a eu des moyens de preuve présentés au titre de

20 l'article 7(1) sur lesquels peuvent se fonder la Chambre de première

21 instance.

22 Je dirais que l'article 7(3) a été mentionné dans le mémoire

23 préalable au procès de l'Accusation. J'invoque, par exemple, les

24 paragraphes 36, 37 et je ne vais pas trop revenir sur les questions

25 juridiques.

26 Mais je dirais toutefois que l'article 7(3) ne donne pas au supérieur

27 deux options lorsque le supérieur doit s'acquitter de ses obligations au vu

28 du droit humanitaire international, mais il y a quand même deux obligations

Page 12753

1 juridiques qui sont mentionnées : l'une visant la prévention de la

2 commission de l'offense; la deuxième visant la punition des auteurs du

3 crime. Le devoir à prévenir vient du fait pour un supérieur qu'à partir du

4 moment où il acquiert une certaine connaissance ou qu'il a de bonnes

5 raisons de penser qu'un crime est sur le point d'être commis ou est commis,

6 il n'a pas le droit d'attendre et de punir après les faits. Cela d'ailleurs

7 nous le trouvons au paragraphe 373 du jugement dans l'affaire Strugar.

8 Dans ce cas, la Chambre de première instance a tout à fait le droit

9 de trouver les éléments de preuve pour ce qui est de l'historique des

10 crimes menés contre les Albanais du Kosovo, et ce, pour la période allant

11 jusqu'à la campagne de bombardement, et la première et la responsabilité

12 essentielle de chacun des accusés était au vu des circonstances de prévenir

13 ces crimes. Des mesures très strictes auraient dû et auraient pu être

14 prises pour empêcher ce qui s'est passé après le 23 et le 24 mars 1999.

15 S'il n'y avait pas eu d'intention, d'intention partagée, ces crimes ou ces

16 événements ne se seraient pas produits.

17 Les accusés plutôt n'ont manifestement pas su prendre toutes ces mesures

18 pour mettre en place tout un système de mesures très strictes et très

19 précises, si nécessaire, par exemple pour prévenir les massacres ou, en

20 tout cas, certains des massacres. En dépit du fait que chacun des accusés

21 que nous avons a indiqué qu'il n'était pas au courant de l'étendue des

22 crimes qui ont été commis en 1998, je dirais que les dirigeants militaires

23 et civils peuvent être considérés comme responsables au pénal pour les

24 actes commis par leurs subordonnés. La doctrine de la responsabilité du

25 commandement est une doctrine qui confère le pouvoir à un supérieur afin

26 qu'il contrôle les actes de ses subordonnés. Ce qui est requis, c'est le

27 contrôle effectif au sens matériel du terme, à savoir il s'agit de

28 l'attitude à prévenir un comportement criminel ou à exercer des pressions

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1 contre ce comportement criminel. La question cruciale n'est pas de savoir

2 quel était le statut des accusés, mais quel était le degré d'autorité

3 qu'ils pouvaient exercer sur ses subordonnés.

4 Par conséquent, le concept de contrôle effectif pour les supérieurs

5 civils est différent dans une certaine mesure, en ce sens que lorsque vous

6 avez un supérieur civil qui sanctionne le pouvoir, cela doit être

7 interprété au sens le plus large du terme - je fais maintenant référence au

8 jugement dans l'affaire Brdjanin, au paragraphe 276 - c'est là qu'une

9 observation a été faite à propos des supérieurs civils. Il avait été dit

10 que le supérieur civil qui sanctionne les pouvoirs, que c'est un concept

11 qui doit être interprété dans un sens très large, et il avait été dit qu'on

12 ne peut pas s'attendre à ce que des supérieurs civils aient le pouvoir

13 disciplinaire sur leurs subordonnés équivalent aux pouvoirs conférés à un

14 supérieur militaire qui se trouverait dans une position de commandement

15 analogue, et ce, lorsque vous avez des supérieurs civils qui ont le

16 contrôle effectif sur leurs subordonnés. Il suffit que par le truchement de

17 leurs positions hiérarchiques, les supérieurs civils indiquent que ces

18 crimes ont été commis, et compte tenu de leur position, il faut qu'ils

19 indiquent qu'il est vraisemblable que ces rapports pourraient déclencher ou

20 diligenter une enquête ou pourraient être le début de mesures

21 disciplinaires ou pénales.

22 La Chambre reconnaît également qu'il s'agit d'une situation où le droit

23 doit être évalué avec un élément de bon sens également, car il y a beaucoup

24 de supérieurs civils qui ne se trouvent pas dans une situation rationnelle

25 qui serait-elle qu'ils pourraient exercer le contrôle disciplinaire.

26 Toutefois, à maintes reprises, l'influence et l'autorité des supérieurs

27 civils est telle qu'ils peuvent amorcer ou déclencher des rapports afin de

28 tirer sur la sonnette d'alarme. Plus la position est importante pour le

Page 12755

1 supérieur civil, plus il peut tirer sur la sonnette d'alarme, et ce, auprès

2 des personnes qui se trouvent bien placées, et lorsqu'il tire sur cette

3 sonnette d'alarme et qu'il déclenche le rapport et qu'il diligente le début

4 d'une enquête avec tout le suivi que cela suppose, il est possible ou il

5 est vraisemblable que ces mesures disciplinaires et ces enquêtes peuvent

6 aboutir et que cela peut être considéré eu égard aux supérieurs civils.

7 J'indiquerais que la position était telle, et j'en veux pour preuve

8 le jugement dans l'affaire Aleksovski au paragraphe 78. Vous avez

9 l'aptitude matérielle à donner des ordres qui exigent qu'il y ait eu des

10 plaintes présentées aux autorités pour que des mesures soient prises. Il se

11 peut que cela soit fait pour que des actions disciplinaires soient

12 diligentées dans la mesure où le supérieur lui-même n'a pas engagé cette

13 action disciplinaire, le simple fait par exemple de présenter un rapport

14 auprès des autorités compétentes de manière à ce qu'elles prennent les

15 mesures qui s'imposent ou qu'elles lancent ou qu'elles mettent en œuvre un

16 processus d'enquête de manière à déterminer les faits et de manière à

17 prendre les mesures de manière à ce que les auteurs de ces actions soient

18 traduits en justice.

19 Un supérieur ne peut être tenu responsable au pénal pour de telles

20 mesures que dans cette mesure-là, et il existe cette possibilité

21 matérielle. On ne dit pas ici que le supérieur doit être tenu à

22 l'impossible, avoir un contrôle vraiment effectif. C'est plutôt quelque

23 chose qui est du ressort des éléments de preuve et des faits qui sont

24 présentés plutôt que des points de droit. Une évaluation de l'action

25 engagée par un supérieur pour savoir si son devoir a été rempli est liée de

26 manière inexplicable aux faits qui se sont vraiment produits dans la

27 situation d'espèce. Ce qui constitue les actes requis de la part d'un

28 commandant, c'est quelque chose qui est déterminé par des moyens de preuve

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1 et qui ne figure pas sur le plan du droit purement théorique. Donc, la

2 question de la présence matérielle n'est pas entièrement fermée et

3 délimitée, elle doit rester ouverte et doit rester à la sagacité de la

4 Chambre de première instance, puisqu'il y a une responsabilité de

5 commandement, et que c'est là la méthode la plus effective par laquelle un

6 organisme de droit international pénal peut mettre en vigueur et faire

7 respecter des valeurs humanitaires élémentaires.

8 L'analyse dépend essentiellement non seulement de ce qui pouvait être fait,

9 mais aussi de la nature et de la gravité des crimes qui font l'objet de ces

10 allégations. Donc, pour donner un exemple dans le cas du Tribunal pénal

11 pour le Rwanda dans Musema, M-u-s-e-m-a, où des meurtres de masse ont été

12 perpétrés, des actes de génocide, ce qui a été pris en compte, c'est le

13 fait que le directeur d'une usine où l'on fabriquait du thé disposait d'une

14 autorité de fait sur ses employés qui travaillaient dans son usine de thé,

15 et qui ont été engagés dans des actes de génocide, et qui ont utilisé un

16 certain nombre de ressources à cette fin, et que parmi ces ressources on

17 peut citer l'usine, les différentes ressources qui s'y trouvaient et qui

18 les ont aidés à perpétrer ces crimes. La gravité du crime impose aux

19 personnes qui ont le contrôle de leurs subordonnés, le fait qu'elles ont un

20 plus grand devoir de faire le maximum pour empêcher la perpétration de ces

21 crimes. Dans ce cas, dans le jugement au paragraphe 880, on lit que :

22 "La Chambre de première instance estime qu'il a été établi au-delà de

23 tout doute raisonnable que M. Musema disposait d'une autorité de droit sur

24 ces employés qui travaillaient dans son entreprise de thé au moment où ils

25 étaient sur leur lieu de travail et qu'ils exerçaient leurs activités

26 professionnelles dans ce lieu, même si ces devoirs ont été exercés à

27 l'extérieur du périmètre de l'entreprise.

28 "La Chambre de première instance souligne que Musema a exercé un

Page 12757

1 contrôle aussi bien juridique que financier sur ces salariés. La Chambre

2 note que Nusema était en mesure, du fait de l'existence de ces pouvoirs, de

3 prendre des mesures, par exemple le fait d'enlever ou de démettre un

4 individu ou de le mettre à pied s'il avait établi que cette personne était

5 un criminel qui aurait pu être répréhensible au titre du Statut."

6 Je donne l'exemple du civil dans ce cas de figure pour souligner le rôle de

7 cette catégorie. C'est quelque chose qui doit être laissé à la sagacité de

8 la Chambre de première instance à la lumière des éléments de preuve qui ont

9 été entendus.

10 Le fait que l'on soit commandant ou supérieur n'est pas forcément un

11 prérequis pour déterminer une responsabilité de supérieur hiérarchique.

12 C'est une considération qui dépend du fait que le commandant ou supérieur a

13 un rôle particulier; cela est le cas de M. Sainovic. Nous savons qu'il

14 était responsable d'un groupe qui était chargé d'entrer en contact avec un

15 certain nombre d'organismes internationaux qui travaillaient au Kosovo, et

16 qu'il était le bras droit du ministre -- parmi les cinq vice-ministres qui

17 travaillaient au sein de l'ex-République de Yougoslavie.

18 Il n'a pas été officiellement nommé commandant des forces du MUP au

19 Kosovo ou pour la Défense au sein du Kosovo, de la VJ au Kosovo. Mais les

20 éléments de preuve concernant sa conduite, essentiellement vis-à-vis des

21 généraux Vasiljevic et Cvetic, montrent qu'il a exercé un contrôle et une

22 autorité de fait sur le commandement des forces de la RFY au Kosovo à cette

23 époque. Je fais référence à un certain nombre de citations qui découlent du

24 témoignage du général Vasiljevic au début de la présentation des moyens à

25 charge concernant M. Sainovic.

26 Le commandement conjoint était une structure de commandement ainsi qu'une

27 structure de coordination, et il est clair dans notre thèse que M. Sainovic

28 avait une responsabilité de fait sur cet organisme.

Page 12758

1 Leur relation entre supérieur et subordonné, sur la base du contrôle

2 exercé au sein de la hiérarchie, est basée sur le contrôle qui peut être

3 exercé directement ou de manière indirecte. Il n'y a pas nécessairement

4 besoin que le responsable soit placé dans une chaîne directe de

5 commandement et soit directement placé sous la responsabilité de son

6 supérieur. Je fais ici référence au jugement d'appel de l'affaire Celebici

7 au paragraphe 251. Des relations directes et indirectes au sein de la

8 hiérarchie sont tout à fait possibles. Il y a aussi l'affaire Brdjanin avec

9 le jugement qui figure à la page 276 et qui a accepté ce fait.

10 Ainsi, M. Milutinovic -- si M. Milutinovic ou M. Sainovic, de par

11 leurs fonctions officielles ou de fait étaient capables de faire rapport ou

12 de lancer des enquêtes qui auraient pu ou qui auraient été susceptibles de

13 résulter en des sanctions par exemple, ou qui auraient pu limiter l'action

14 de criminels, ils peuvent dans cette mesure être tenus responsables s'ils

15 font preuve de manquement à ces devoirs, même si ces criminels directs qui

16 ont perpétré les crimes ne figuraient pas dans la chaîne directe de

17 commandement qui était placée sous leurs ordres directs. Quoi qu'il en

18 soit, de plus, aussi bien M. Milutinovic que M. Sainovic ont exercé un

19 contrôle réel et effectif de la structure militaire et policière sur les

20 généraux qui participaient aux actions sur le terrain.

21 Eu égard à ce qui précède, je voudrais dire, Messieurs et Mesdames

22 les Juges, qu'avant le 24 mars 1999, avant la période qui précède cette

23 date, conformément à ses devoirs visant à empêcher et après ce jour,

24 conformément à son devoir de sanction, l'accusé, M. Milutinovic aurait pu

25 exercer une autorité très importante de manière à influer en tant que

26 président de la Serbie pour enjoindre le MUP et ses hauts responsables de

27 lui faire rapport dans les 48 heures au sujet des allégations d'abus

28 perpétrés à l'encontre de citoyens albano-kosovars par les forces de la

Page 12759

1 RFY; il aurait fallu lui faire rapport après enquête et engager des

2 poursuites; et faire rapport concernant les mesures qui auraient été prises

3 à cette encontre. Nous pensons qu'il aurait pu user de son autorité légale

4 en tant que membre du conseil suprême de la Défense de manière à réunir une

5 réunion du conseil suprême de la Défense et pour définir un ordre du jour

6 au sujet de ces allégations de crimes et délits qui auraient été commis par

7 la JNA. Le fait de ne pas le faire, ce manquement à observer ce devoir est

8 punissable au titre du 7(3) de notre Statut.

9 En effet, Mesdames et Messieurs les Juges, il avait le pouvoir et il

10 disposait d'une influence considérable sur les fonctions et le devenir d'un

11 certain nombre de ces responsables qui se sont livrés à ces crimes aussi

12 bien au sein du MUP qu'au sein de la VJ; à la place de faire cela, comme

13 nous l'avons vu, il les a mis à des postes encore plus élevés, il a assuré

14 leur promotion.

15 Nous pensons que M. Sainovic était de fait le responsable du

16 commandement conjoint et disposait d'une responsabilité conjointe en tant

17 que commandant de la VJ et du MUP, et qu'il aurait pu prendre des mesures

18 effectives de manière à prévenir de manière efficace des crimes; il aurait

19 pu, par exemple, ordonner des enquêtes et des rapports et les présenter à

20 des tribunaux militaires ou civils. M. Sainovic était tout à fait à même de

21 présenter ces éléments aux autorités compétentes. Nous avons vu qu'il a été

22 envoyé de manière occasionnelle à diverses missions d'enquêtes de manière à

23 obtenir des informations sur ce qui se passait au Kosovo.

24 Il était tout à fait à même de présenter des rapports à la SDC ou autres

25 autorités compétentes concernant les allégations de crimes perpétrés au

26 Kosovo, et il était en mesure de procéder à des recommandations quant aux

27 mesures à prendre pour les empêcher et pour les sanctionner. En manquant à

28 ce devoir et en n'exerçant pas ces pouvoirs de prévention ou de sanction,

Page 12760

1 il est punissable au titre du 7(3). Je fais référence à la pièce P1000, qui

2 est le procès-verbal, je crois, de la 5e Session de la SDC; en tout cas, il

3 s'agit du PV d'une réunion de la SDC à la fin de 1988 à laquelle a assisté

4 M. Milutinovic, et M. Sainovic a fait rapport à la SDC dans ce procès-

5 verbal au sujet de la coopération existant entre la VJ et le MUP sur des

6 questions de sécurité au Kosovo. Il apparaît clairement de ces PV qu'ils

7 étaient en mesure de s'exprimer et de faire preuve d'énormément de

8 persuasion au sein de la SDC en tant que fournisseurs d'informations ou en

9 tant que décideurs.

10 De plus, nous disposons de la déposition de M. Cvetic dont nous avons

11 parlé; lors de plusieurs audiences M. Sainovic était présent et il était en

12 mesure de donner des instructions aux responsables du MUP.

13 Si vous me permettez, je voudrais brièvement revenir sur un certain nombre

14 d'éléments de preuve qui nous montrent également, si besoin était, qu'il y

15 a une intention de commettre ces crimes et qui établissent de manière très

16 claire qu'il y a un manquement à prendre les mesures appropriées pour

17 prévenir et sanctionner ces crimes.

18 Nous disposons de preuves montrant que les subordonnés de la VJ et du

19 MUP étaient envoyés au Kosovo sans avoir été entraînés correctement et sans

20 avoir été éduqués quant aux mesures légales à respecter dans les conflits

21 armés. Par exemple, le fait de ne pas passer en revue les différents

22 membres des unités sans connaître leur historique et leur propension à se

23 livrer à des actes criminels avant de les envoyer au Kosovo. Je fais

24 référence à la déposition de Goran Stoparic qui a indiqué qu'après les

25 crimes de Podujevo, il s'attendait à ce qu'il y ait des sanctions, à ce que

26 des gens soient mis à pied ou à ce qu'il y ait des amendes, mais que cela

27 ne s'était pas produit. Dans sa déposition au P2592 [comme interprété],

28 concernant les Tigres d'Arkan, Vasiljevic parle de l'unité de Radosavljevic

Page 12761

1 dont il fait partie et qui commet des crimes au Kosovo, et dont on parle à

2 une réunion en présence de M. Sainovic. Des personnels de la VJ, K54, K82,

3 K89 étaient envoyés au Kosovo juste après quelques mois d'entraînement,

4 sans aucune instruction particulière concernant les règles du droit de la

5 guerre et la responsabilité des soldats vis-à-vis des civils. Les preuves

6 données par K79, un membre du PJP - c'est d'ailleurs un policier comme

7 Goran Stoparic - montrent qu'il n'avait pas non plus reçu d'instructions

8 particulières avant d'être envoyé au Kosovo concernant le comportement

9 qu'il était censé tenir.

10 Pour ce qui est de la VJ et du MUP, les éléments de preuve montrent

11 qu'il y a eu très peu d'enquêtes sérieuses qui ont été menées sur les

12 crimes qui ont été perpétrées, des crimes importants, qui ont été commis à

13 l'encontre d'Albanais du Kosovo. Dans son évaluation, le Tribunal ne

14 manquera pas de revoir les éléments de preuve qui sont présentés et qui

15 montrent la nature vraiment très vaste de ces crimes.

16 J'ai déjà fait référence au rapport de l'OSCE qui dit que même après

17 le conflit, il y avait une certaine hésitation à procéder à une enquête sur

18 ces crimes et que, si enquêtes il y a eu, elles ont été menées quand il

19 était trop tard pour les ignorer, qu'elles étaient devenues trop publiques.

20 Les pièces P829 et P830 sont éloquentes. Le P829 est une lettre de la VJ et

21 l'OSCE concernant des enquêtes et des poursuites qui ont été menées, et qui

22 montrent finalement que très peu de choses ont été réalisées. P831

23 également, c'est une lettre du MUP envoyée à l'OSCE. La même chose, il y a

24 eu un petit peu de travail qui a été réalisé en matière d'enquête, mais

25 pour ce qui est des enquêtes menées sur des graves délits ou crimes à

26 l'encontre de Kosovars albanais, comme aussi dans le P845, où Lakic

27 Djorovic a déposé devant ce Tribunal, avec sa déclaration P2671, où il dit

28 qu'un grand nombre de responsables de la sécurité et de juges militaires

Page 12762

1 avaient pris résidence eux-mêmes dans les appartements d'Albanais du Kosovo

2 qui avaient été expulsés, et que certains représentants de la VJ avaient

3 volé des véhicules d'Albanais du Kosovo.

4 P953 est un document qui a été présenté dans l'affaire Milosevic; il

5 s'agit d'un rapport concernant le travail mené par les organes judiciaires

6 militaires entre le 21 -- pardon, jusqu'au 21 juin 1999, et qui montre que

7 88 % des cas, il s'agissait de cas liés à des actes commis par des membres

8 de la VJ, et que seul 12 % de ces actes avaient trait à d'autres crimes.

9 De même, le P954 est un rapport comparable. Lorsqu'on l'analyse par

10 rapport au précédent, là encore il fait état du fait que très peu de crimes

11 majeurs ont été instruits à l'encontre des Albanais du Kosovo. Ils couvrent

12 essentiellement des crimes afférents à la propriété et des crimes

13 disciplinaires à l'encontre des membres de la VJ.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous revoyez le compte rendu

15 d'audience, vous faites référence au P953 -- que 88 % des affaires sont

16 liées à des actes commis par la VJ. Est-ce que c'est ça que vous avez dit ?

17 M. STAMP : [interprétation] Commis par des membres de la VJ à l'encontre

18 d'autres membres de la VJ.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien, merci.

20 Monsieur O'Sullivan.

21 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Monsieur le Président, je veux juste

22 revérifier à nouveau, mais d'après nous le P953 et le P954 ne sont pas

23 admis comme éléments de preuve.

24 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

25 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

26 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames et Monsieur les

27 Juges, je pense que mon éminent collègue a tout à fait raison. J'essaie de

28 voir s'il y a une requête particulière portée au sujet de ces pièces.

Page 12763

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. Elles n'ont pas été acceptées et

2 versées au dossier. D'après nos documents, Monsieur Stamp, toutes les

3 demandes ont été rejetées et ces pièces n'ont pas pu être versées au

4 dossier.

5 M. STAMP : [interprétation] Dans ce cas, je retire toute référence à ces

6 deux documents.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Stamp.

8 M. STAMP : [interprétation] Selon Lakic Djorovic, lorsque l'on a commencé à

9 prendre connaissance de crimes, les organismes de sécurité de la VJ ont

10 parfois pris des mesures pour dissimuler les crimes avant même qu'ils ne

11 puissent faire l'objet d'investigations ou de poursuites. Les juges

12 militaires qui souhaitaient engager des poursuites à l'encontre de membres

13 de l'armée ont même été l'objet d'intimidation. Dans sa déclaration P2671

14 au paragraphe 45, paragraphe 6, paragraphe 29, paragraphes 31 et 32, il dit

15 que même après la guerre il a fait l'objet de menaces répétées, parce qu'il

16 a voulu engager des poursuites en tant que responsable militaire à

17 l'encontre de crimes dont il avait pris connaissance qui avaient été

18 perpétrés au Kosovo. Il s'agit du P2671 aux paragraphes 1, 4 et 57.

19 De même, le MUP a instruit très, très peu de cas concernant ses membres

20 pour ce genre de crimes sérieux. J'ai déjà fait référence à un certain

21 nombre de documents. Ljubinko Cvetic, qui était responsable d'une unité du

22 SUP, a dit qu'en tant que chef du SUP, il n'avait pas pris connaissance du

23 fait que des responsables, des policiers gradés, en tout cas pas

24 d'officiers de police de grade supérieur, n'auraient fait de poursuites à

25 l'encontre de crimes qui auraient été perpétrés contre des Albanais du

26 Kosovo.

27 Mesdames et Messieurs les Juges, il y a aussi les preuves avancées par M.

28 Stevanovic dans ses carnets, la réunion qui s'est tenue avec le MUP, M.

Page 12764

1 Milosevic et M. Sainovic au cours de laquelle on indique que M. Milosevic a

2 parlé de fait qu'il fallait nettoyer le terrain, c'était le plus important,

3 et que les traces le long des routes et des chemins devaient être enlevées,

4 que s'il n'y avait pas de cadavres, il n'y avait pas de crimes.

5 Nous avons parlé des 828 cadavres retrouvés en Serbie et des circonstances

6 après les retards pris et la longueur des enquêtes. Cela nous montre qu'au

7 lieu d'enquêter sur l'intention première, il s'agissait avant tout de

8 dissimuler.

9 Concernant les connaissances acquises dans le cadre de l'article

10 7(3), nous avons entendu dans la Conférence de mise en état le Procureur

11 nous parler des éléments de droit au sujet de cette connaissance et l'on

12 parle d'une connaissance réelle ou d'une connaissance constructive. Le fait

13 est que l'accusé avait connaissance des crimes et délits ou avait de bonnes

14 raisons de savoir qu'un acte était sur le point d'être commis ou avait été

15 commis. Pour ma part, je ne voudrais pas vous assommer avec trop de points

16 de droit en matière de cet élément de connaissance, cela n'est pas mon

17 intention. Mais si je puis le faire, avec tout le respect dû aux Juges de

18 la Chambre, j'attirerais l'attention des Juges de la Chambre sur les

19 indices présentés par la Commission d'experts des Nations Unies dans son

20 rapport final sur les conflits armés en ex-Yougoslavie, et qui est cité

21 dans le jugement de première instance dans l'affaire Celebici, paragraphe

22 386. Dans le jugement de la Chambre de première instance, il est indiqué

23 que lorsque l'on détermine le fait de savoir si un supérieur hiérarchique a

24 le devoir de posséder d'une connaissance préalable de ce qui s'est passé,

25 les Juges de la Chambre ont estimé que ces indices, tels que cités par la

26 commission d'experts, étaient présents.

27 Les Juges de la Chambre peuvent se fonder sur des indices qui, en

28 l'occurrence, émanent de cette commission d'experts. Et c'est ce qui est

Page 12765

1 affirmé dans l'affaire Celebici, à savoir que ces indices ont englobé toute

2 une série d'actes illégaux, type d'actes illégaux, portée de ces

3 agissements illégaux et période pendant laquelle ces agissements sont

4 survenus, tout comme la logistique impliquée, les sites géographiques de

5 perpétration de ces actes et l'envergure de la perpétration de ce type de

6 ces agissements; alors, les cadences tactiques, les modus operandi de ces

7 agissements illégaux et les officiers et personnels impliqués.

8 Je pense que les Juges de la Chambre sont tout à fait en droit de

9 tirer la conclusion qui sera celle dire que chacun des accusés devait

10 certainement avoir des connaissances concernant les crimes perpétrés

11 figurant à l'acte d'accusation.

12 A titre alternatif, je dirais que chacun des accusés était en

13 possession d'informations suffisamment alarmantes, pour utiliser

14 l'expression adoptée par les Juges de la Chambre d'appel dans l'affaire

15 Krnojelac au paragraphe 154, du fait de quoi les supérieurs étaient censés

16 savoir qu'il y a eu perpétration d'agissements illégaux de la part des

17 subordonnés, ce qui fait que chacun des accusés avait des raisons de savoir

18 que de tels crimes allaient être commis ou étaient déjà commis.

19 Messieurs les Juges, je pense avoir -- ou plutôt j'aurais dû citer

20 les pièces à conviction 1219 [comme interprété], P1939, P1940, P1941, ce

21 qui constitue en réalité des rapports émanant d'organe de commandement de

22 la 3e Armée chargé des affaires juridiques dans le cadre des activités

23 déployées par le bureau du procureur militaire entre le 12 avril et le 30

24 mai. Ces documents montrent qu'il y a eu des enquêtes et des poursuites de

25 diligentées pour des délits mineurs, notamment des violations de la

26 discipline militaire.

27 Je me propose de vérifier si cela a déjà versé au dossier. Je ne vais

28 pas en parler davantage.

Page 12766

1 Puisque j'en suis à ces pièces, les pièces à conviction de 953 à 954

2 auxquelles s'était référé mon éminent confrère, Me O'Sullivan, je suis

3 d'accord pour dire que cela n'a pas été versé au dossier, mais je crois

4 pouvoir dire qu'il y a eu une erreur de fait pour ce qui est du registre

5 des pièces à conviction tenues à jour par le greffier. A la page 11 509 du

6 compte rendu d'audience du

7 12 mars 2007, il y a eu un échange de vue de survenu vers la fin du

8 témoignage de M. Djorovic ou pendant le témoignage de M. Djorovic.

9 Le Juge qui préside la Chambre, à savoir M. Bonomy, a dit : "Dans

10 votre déclaration au paragraphe 62 et au-delà, vous faites état de toute

11 une série de pièces à conviction ou d'un certain nombre de documents qui

12 vous ont été montrés dans le cadre d'une déposition dans une autre affaire

13 devant ce Tribunal, à savoir en votre qualité de témoin de la Défense de M.

14 Milosevic."

15 Mon éminent confrère a dit [inaudible] : "Je n'ai pas voulu parcourir

16 tous ces documents, je voulais juste vous indiquer où vous pourriez

17 retrouver cela. Il s'agit du paragraphe 2 [comme interprété] de la

18 déclaration, pièce à conviction 593; et il y est fait référence au

19 paragraphe 53 de la déclaration P2826; et dans le document qui est le P2825

20 paragraphe 54; le document P954 paragraphes 55 et 56.

21 Le Président Bonomy a répondu par : "Merci."

22 Je crois pouvoir dire que si ces documents ne sont pas officiellement

23 versés au dossier, c'est dû à une erreur, et j'aimerais que la question

24 soit réexaminée, parce que ces documents devraient figurer au dossier, et

25 ce, de façon à ce que les Juges de la Chambre puissent s'y référer.

26 Avant que --

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, Monsieur Stamp.

28 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

Page 12767

1 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce que vous dites, Monsieur Stamp,

3 nous fait dire que ces documents en réalité ont bel et bien été versés au

4 dossier et le registre des pièces à conviction versées au dossier, par

5 erreur, exclut ces documents. Si ceci occasionne d'une quelconque façon un

6 préjudice au conseil de la Défense, nous allons entendre l'argumentaire

7 qu'il y aurait à faire pour ce qui est de l'impact exercé par ces

8 documents. Mais d'après la pratique que nous avons mise en place ici, ces

9 documents devraient être versés au dossier puisqu'ils ont été présentés à

10 l'occasion du procès.

11 M. STAMP : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.

13 M. STAMP : [interprétation] Messieurs et Mesdames les Juges, avant d'en

14 finir, j'aimerais évoquer quelques points pour rendre la position de

15 l'Accusation tout à fait claire. Pendant les arguments présentés au sujet

16 des interviews --

17 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Je m'excuse de vous interrompre,

18 Monsieur Stamp, je voudrais vous demander une chose.

19 M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

20 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Vous voyez dans les constitutions

21 invariablement de par le monde, il y a une clause qui dit que ces

22 règlements doivent être conformes à la constitution. Alors, si un acte

23 juridique est su -- enfin devient inférieur, vient déterminer les relations

24 qu'il y a entre les différents départements subordonnés ou les différentes

25 sections, j'aimerais que vous nous indiquiez si vous savez nous préciser

26 quoi que ce soit au sujet de ces règlements de fonctionnement; et si cela

27 est le cas, nous aimerions obtenir un exemplaire de ces documents, parce

28 que cela nous fournirait une image plus claire concernant la façon dont

Page 12768

1 étaient censés se comporter les uns et les autres et quel devait être le

2 relationnel entre les différentes instances. Et si vous avez abouti à la

3 conclusion que ceci n'a pas existé, dites-le, parce que cela nous serait

4 utile, quoique tout à fait inhabituel. Merci.

5 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge, de m'en avoir fourni

6 l'opportunité.

7 [La Chambre de première instance se concerte]

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le Juge Chowhan vient d'évoquer un

9 point qui requiert un débat entre les Juges de la Chambre. Nous allons

10 lever l'audience pour nous en occuper. Nous allons donc lever l'audience,

11 et nous allons reprendre à une heure moins quart.

12 --- L'audience est suspendue à 12 heures 13.

13 --- L'audience est reprise à 12 heures 51.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous sommes reconnaissants à la

15 Défense, et notamment M. Zecevic, qui nous a fourni les références à

16 certains des documents qui traitent la question soulevée par M. le Juge

17 Chowhan, et pour ce qui est des autres documents, autres documents qui ont

18 trait en la matière, nous avons étudié tout cela et nous sommes maintenant

19 d'avis que c'est une question qui a été traitée et abordée par M. Stamp, et

20 nous souhaitons entendre le reste de votre intervention.

21 M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

22 Je souhaiterais maintenant aborder quelques questions diverses avant que je

23 ne mette un terme à cette intervention, Mesdames, Messieurs les Juges. Il y

24 a une question qui a été soulevée à propos de l'utilisation qui sera faite

25 par la Chambre de première instance des déclarations de chacun des accusés,

26 eu égard aux autres accusés. Au paragraphe 22 de la pièce de l'Accusation,

27 déposée le 18 août 2006, qui était une réponse apportée à une requête

28 présentée par la Défense, il y avait abordé la requête visant à verser au

Page 12769

1 dossier les déclarations des accusés. A la suite de quoi la Défense a

2 réagi. Nous avons donc réagi. L'Accusation indique son point de vue très

3 clairement, et nous voulons indiquer que nous nous en tenons toujours à ce

4 qui avait été dit à ce moment-là.

5 Au paragraphe 22, nous déclarons que : "L'Accusation précise sa

6 requête afin d'indiquer que les déclarations seront utilisées dans leur

7 intégralité en tant qu'éléments de preuve contre l'auteur ou la personne

8 qui est mentionnée dans la déclaration et contre les co-accusés, à

9 l'exception des paragraphes qui font référence aux actes et aux

10 comportements et à l'état mental des autres accusés."

11 Il y a une deuxième question qui porte sur une déclaration que j'ai moi-

12 même faite, c'est vendredi que j'avais indiqué cela, eu égard à la

13 déposition de M. l'ambassadeur Petritsch. J'avais indiqué que M.

14 l'ambassadeur ne se souvenait plus s'il s'agissait de deux déclarations

15 faites par deux personnes à propos d'un massacre d'Albanais ou s'il

16 s'agissait d'une seule et même déclaration prononcée soit par M.

17 Milutinovic ou M. Stambuk. Il faut savoir que cela n'est pas exact. Car

18 l'ambassadeur avait indiqué à plus d'une reprise qu'il y avait deux

19 déclarations. Il l'a indiqué lors de son interrogatoire principal à la page

20 10 637 du compte rendu d'audience, là il s'agissait d'une réponse apportée

21 au président de la Chambre de première instance, M. le Juge Bonomy. La

22 question était comme suit :

23 "Question : Est-ce que vous pensez que cela s'est passé à deux

24 reprises ?

25 "Réponse : Pour autant que je m'en souvienne, il s'agissait de deux

26 occasions différentes."

27 Puis lors du contre-interrogatoire, à la page 10 841, il a dit, je cite :

28 "Manifestement à l'époque où j'ai été interrogé par le TPIY, cet

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1 exemple m'est venu à l'esprit, et non pas l'exemple de M. Milutinovic.

2 Lorsque j'ai à nouveau relu le document, je me suis souvenu que la même

3 chose s'était passée lors d'une conversation avec M. Milutinovic."

4 Puis il le répète également à la page 10 879. J'ai indiqué à la Chambre

5 quelle était la référence à la décision prise dans l'affaire Simic, il

6 s'agissait des événements de Bosanski Samac. Je devrais faire remarquer

7 qu'en l'espèce, la Chambre d'appel a rejeté la condamnation de Simic sous

8 le chef de l'entreprise criminelle commune; -- ou plutôt la Chambre

9 première instance n'a pas retenu la condamnation, devrais-je dire, de Simic

10 pour ce qui est l'entreprise criminelle commune. La décision de faire

11 abstraction de la condamnation pour ce chef d'inculpation se fondait sur un

12 élément technique selon lequel il n'y avait pas eu suffisamment

13 d'informations données dans l'acte d'accusation eu égard à l'entreprise

14 criminelle commune. Donc la décision ne permet pas de déroger à la

15 conclusion de la Chambre d'appel suivant laquelle la Chambre de première

16 instance a tout à fait le droit de dégager des conclusions à propos de

17 l'intention nourrie par Simic, intention que j'ai présentée et qui a été la

18 base de sa condamnation pour d'autres chefs.

19 En dernier lieu, pour ce qui est de M. Milutinovic, je dirais que

20 l'on m'a rappelé d'ajouter ce qui suit pour ce qui est de l'autorité de

21 facto - et cela est valable d'ailleurs pour à la fois M. Milutinovic et M.

22 Sainovic - ils faisaient partie du conseil principal du SPS, le Parti

23 socialiste de la Serbie. Cela, nous pouvons le constater dans le document

24 P1012, P1012, ils étaient tous les deux présents à la réunion du 10 juin

25 1998, réunion au cours de laquelle M. Milosevic a créé un organe de

26 coordination afin qu'il gère la situation au Kosovo. Milomir Minic devait

27 devenir chef de cet organe et Dusan Matkovic ainsi que Zoran Andjelkovic en

28 étaient membres, cela peut se trouver à la page 794 de la même pièce à

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1 conviction dont je viens de vous donner la référence. Cet organe a, par la

2 suite, en quelque sorte évolué et est devenu le commandement conjoint.

3 Comme l'a dit mon confrère, M. Hannis, pour ce qui est de la pièce P1370,

4 il s'agissait d'une réponse de la part des autorités serbes et le

5 commandement conjoint a été créé sans qu'il n'y ait le fondement juridique

6 nécessaire pour ce faire. Donc nous pouvons déclarer que les membres de ce

7 commandement conjoint, notamment M. Milutinovic -- donc les membres plutôt

8 de cette entreprise criminelle commune, notamment M. Milutinovic ont

9 utilisé un système d'information parallèle et de prise de décision, ce qui

10 n'a fait en l'espèce qu'apporter une autre contribution à leurs objectifs

11 criminels. Un exemple de ce que j'avance se trouve dans la pièce P2828. Il

12 s'agit d'une lettre envoyée par Vojislav Zivkovic à M. Milutinovic. Dans

13 cette lettre non seulement il exprime la préoccupation d'un homme politique

14 serbe local qui se trouve à un niveau peu élevé dans la hiérarchie, tel

15 qu'il l'a été suggéré par Me O'Sullivan, mais il y est également demandé

16 que les Serbes du cru soient armés par les Serbes afin qu'ils puissent être

17 armés donc et organisés dans certaines formations.

18 La pièce à conviction P1012 montre que M. Zivkovic est également

19 membre du conseil principal du SPS. Donc vous avez la situation suivante :

20 le commandement conjoint a été créé officieusement, il y a des personnes,

21 des hommes politiques du cru, locaux, Zivkovic par exemple, qui était

22 président du conseil provincial du SPS du Kosovo et qui pouvait également

23 présenter des demandes informelles à la direction. D'ailleurs comme

24 l'indiquent les moyens de preuve, cela a été fait.

25 Mesdames les Juges, Messieurs les Juges, voilà ce que je souhaitais

26 dire au nom de l'Accusation en réponse aux interventions faites par mes

27 estimés confrères au titre de l'article 98 bis.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit de la seule

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1 décision précise du SPS que vous nous présentez et sur laquelle vous vous

2 fondez ? Est-ce que vous avez présenté, par exemple, d'autres indications à

3 la matière ?

4 M. STAMP : [interprétation] Non, non, non. C'est la seule décision sur

5 laquelle nous nous fondons.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

7 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais au nom de M. Hannis, remercier la

8 Chambre qui nous a permis de répondre après avoir entendu les arguments et

9 les thèses présentés par les estimés confrères de la Défense. Je vous

10 remercie.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Stamp.

12 Maître O'Sullivan, vous aviez indiqué que vous souhaiteriez peut-être

13 intervenir pour parler de l'utilisation d'une déclaration d'un des accusés

14 contre un autre des accusés. Est-ce que vous avez quoi que ce soit à nous

15 dire à ce sujet ?

16 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Si j'ai bien compris mon confrère, c'est

17 un point de vue qu'il n'a plus revendiqué.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il avait donné cet avis, il s'agissait

19 d'une réponse à votre réponse lorsque l'Accusation souhaitait faire en

20 sorte que ces documents soient versés au dossier.

21 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous avions indiqué notre objection à

22 l'époque.

23 J'aimerais juste dire une toute dernière chose, c'est une question de

24 vérification. Dans le compte rendu d'audience de vendredi, je fais

25 référence à la page 12 695, ligne 22. Là il avait été question d'une

26 référence à une pièce à conviction P508, et d'après ce que nous avons pu

27 constater, la pièce P508 n'a pas été versée au dossier. Il s'agissait de ce

28 qui avait été avancé à propos de M. Milutinovic.

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1 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que cela avait été utilisé

3 dans le cadre de la présentation des moyens à charge le 4 avril, Maître

4 O'Sullivan.

5 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Le 4 mai ?

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le 4 avril. Le 4 mai dites-vous ?

7 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Vendredi dernier. Oui, c'est ce qu'a

8 avancé le conseil.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non, non. Les documents auxquels

10 vous avez fait référence ont fait partie des éléments à charge présentés le

11 4 avril.

12 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Absolument pas. Cela ne fait pas partie du

13 compte rendu d'audience, cela n'a jamais été versé au dossier. Il n'y

14 aucune référence à la pièce P508.

15 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Soyez rassuré à propos d'une chose,

17 toutes les pièces à conviction qui ont fait l'objet de référence vont faire

18 l'objet d'une vérification de la part de la Chambre de première instance

19 avant qu'une décision ne soit rendue et avant qu'une décision à propos de

20 ces requêtes soit rendue. Si toutefois - et peut-être que cela est

21 inévitable au vu du grand nombre de documents dans cette affaire - mais si

22 notre attention était attirée sur le fait que soit une pièce à conviction

23 qui n'avait pas été admise ou aurait fait l'objet d'une référence erronée,

24 ou alors la situation inverse, si une pièce à conviction qui a été versée

25 au dossier est omise, je pense que les parties devraient procéder à un

26 échange de courriels et attirer l'attention de la Chambre de première

27 instance sur ces problèmes ou sur cette possibilité.

28 Mais j'aimerais savoir, maintenant que vous avez entendu ces

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1 observations, si les conseils de la Défense souhaitent intervenir.

2 Maître Ivetic.

3 M. IVETIC : [interprétation] Pour en terminer avec la question que j'avais

4 soulevée lors de l'intervention de M. Stamp, il y avait une partie de la

5 déclaration de Vasiljevic à laquelle il avait été fait référence, M. Stamp

6 en fait a dégagé de nombreuses conclusions aujourd'hui en commençant par la

7 page 2 du compte rendu d'audience, lignes 7 à 14. Il s'agissait des membres

8 des Skorpions qui faisaient partie des éléments de réserve de la SAJ, et il

9 avait indiqué qu'ils avaient commis des crimes supplémentaires après avoir

10 été redéployés à Gnjilane. J'aimerais indiquer que le 23 janvier et le 24

11 janvier, le général Vasiljevic a corrigé cette partie de sa déclaration qui

12 commence, et cela commence à la page 9 004, ligne 23 jusqu'à la page 9 005,

13 ligne 12, là il a indiqué qu'il n'était absolument pas au courant de crimes

14 qui auraient été commis par les éléments des forces de la SAJ après leur

15 déploiement ou à leur déploiement après Podujevo. Et lors de questions

16 supplémentaires qui lui ont été posées par M. Hannis qui lui a posé

17 précisément des questions à propos de l'incident de Gnjilane, compte rendu

18 d'audience page 9 107, lignes 1 à 17, il a indiqué qu'il ne s'agissait pas

19 d'un incident que l'on pouvait relier ni à la SAJ ni aux Skorpions ou à

20 aucune unité du MUP.

21 Voilà l'essentiel de cette correction. Puis, il y en a deux autres,

22 je pense par exemple à la pièce à conviction P2224, il s'agit de Goran

23 Stoparic, là il n'y a aucune référence faite dans ce document à Lukic ou à

24 l'état-major du MUP. Donc ce qu'a dit M. Stamp à cet égard n'est pas exact.

25 Puis, il y a également la déclaration de Vasiljevic aux paragraphes 31, 32

26 et 33, compte rendu d'audience page 28, lignes 16 à 18, il faut savoir que

27 ces paragraphes permettent d'identifier la JSO et permettent de comprendre

28 la filière hiérarchique de la JSO. Une fois de plus, il y a une référence

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1 qui est faite à Lukic et à l'état-major, mais il n'y aucune référence qui

2 est faite aux crimes, tel que l'a indiqué M. Stamp. Je dirais que cela est

3 extrêmement important puisqu'il faut savoir que lorsque le témoin est venu

4 déposer dans le prétoire il a modifié un tant soit peu quand même sa

5 déclaration. Je voulais attirer votre attention là-dessus et je pense qu'il

6 sera beaucoup plus facile de retrouver ces éléments lorsque vous préparerez

7 votre décision. Je vous remercie.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Petrovic.

9 M. PETROVIC : [interprétation] Je ne vais surtout pas me lancer dans une

10 polémique avec mon estimé confrère, M. Stamp, mais je voudrais toutefois

11 indiquer quelques éléments dont il vous a fait part et cela n'a été rédigé

12 nulle part. Vendredi, page 12 704, à propos du document P1468, mon collègue

13 M. Stamp avait dit que ce document montre que Sainovic a participé à 60

14 réunions et qu'il était la personne qui dirigeait cela; toutefois il n'y a

15 absolument aucune référence qui a été faite à ce genre de chose dans aucun

16 document. Je vous exhorterais vivement à les examiner.

17 Puis il y a un autre numéro de page du compte rendu d'audience de

18 vendredi, la page 12 701, je cite. "Document P2594, il s'agit de la

19 déclaration de Vasiljevic, paragraphes 78 à 82", là il cite à nouveau dans

20 le contexte des éléments de preuve indiquant que Sainovic était à la tête

21 du commandement conjoint. Toutefois, dans les paragraphes mentionnés ci-

22 dessus, il n'y a aucune référence qui est faite à cela. Il est indiqué

23 qu'il était bien assis à la tête de la table, mais il n'a jamais été dit,

24 en tout cas il n'y a aucune référence suivant laquelle Sainovic se trouvait

25 à la tête du commandement conjoint.

26 Aujourd'hui à la page 2, ligne 19 du compte rendu d'audience il y a

27 quelque chose qui fait l'objet d'analyse. Il s'agit de la pièce à

28 conviction P2594, toujours Vasiljevic, il est fait référence à un système

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1 d'information qui a été établi par Sainovic vis-à-vis de l'armée et du MUP.

2 Je dirais toutefois que je n'ai trouvé cette référence nulle part dans le

3 document. A propos de M. Lukic également, il s'agit du document P2948, il

4 s'agit de la page -- ou de la ligne 14 du compte rendu d'audience

5 d'aujourd'hui, il a également dit que Sainovic dirigeait le commandement

6 conjoint. Si vous vérifiez ces pages de ces documents, vous verrez qu'il

7 n'y a absolument aucune référence, aucune mention faite à cela.

8 Puis en dernier lieu, à la page 44, ligne 24 du compte rendu

9 d'audience d'aujourd'hui lorsqu'il a parlé du carnet de bord de Stevanovic

10 et des réunions auxquelles aurait participé Sainovic d'après ce journal de

11 bord, je vous dirais que la page du compte rendu d'audience est la page 8

12 828, Vasiljevic a dit de façon tout à fait catégorique qu'il ne se trouvait

13 pas présent à cette réunion, qu'il ne savait absolument rien de cela et que

14 tout ce qu'il a dit avait été dit sur la base des documents qui lui avaient

15 été montrés au bureau du Procureur lorsqu'il est venu au Tribunal. Je vous

16 remercie, Mesdames, Messieurs les Juges, je pense que cela vous sera très

17 utile lorsque le moment sera venu de rendre votre décision.

18 Je voulais dire, Monsieur le Président, qu'à la page 56, ligne 21,

19 document P948, il ne s'agit pas du document 2948 mais du document 948, le

20 document 2948 étant la référence que l'on trouve au compte rendu

21 d'audience.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Maître

23 Petrovic.

24 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous aimerions vous dire lorsque

26 nous pourrons statuer sur cette question. Il va falloir que nous ajournions

27 la séance pour le savoir, nous allons reprendre à 13 heures 40, juste pour

28 vous donner la date à laquelle nous avons l'intention de statuer.

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1 --- La pause est prise à 13 heures 15.

2 --- La pause est terminée à 13 heures 43.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La Chambre de première instance va

4 prendre sa décision l'après-midi du 18 mai, c'est-à-dire la semaine où nous

5 travaillons à 14 heures 15, à partir de

6 14 heures 15.

7 L'audience est levée.

8 --- L'audience est levée à 13 heures 43 et reprendra le vendredi 18

9 mai 2007, à 14 heures 15.

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