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1 Le vendredi 24 août 2007
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.
5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
6 LE TÉMOIN: ANDREJA MILOSAVLJEVIC [Reprise]
7 [Le témoin répond par l'interprète]
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Milosavljevic.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le contre-interrogatoire de la part de
11 M. Hannis va se poursuivre maintenant. Veuillez tenir compte du fait que la
12 déclaration solennelle indiquant que vous direz la vérité que vous avez
13 faite, que vous avez lue au début de votre déposition s'applique encore
14 aujourd'hui.
15 Monsieur Hannis.
16 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
17 Contre-interrogatoire par M. Hannis : [Suite]
18 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Milosavljevic.
19 R. Bonjour.
20 Q. Je souhaite que l'on revienne à un point dont on a parlé hier, juste
21 pour compléter. Ceci a été mentionné pour la première fois lorsque Me Fila
22 vous a posé des questions au sujet de la distribution de l'aide humanitaire
23 au Kosovo et s'il y avait des discriminations à l'égard de cette
24 distribution, et vous nous avez dit que vous n'en avez pas vu. C'est à la
25 page 14 281, ligne 1. La question suivante qu'il vous a posée était :
26 "Etiez-vous membre du SPS ?" Et vous avez répondu : "Non, je n'étais membre
27 d'aucun parti."
28 Est-ce que vous vous en souvenez ?
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1 R. Je m'en souviens. Effectivement, je n'étais membre d'aucun parti
2 politique jusqu'au moment où j'ai été nommé au sein du cabinet de la
3 Serbie. J'ai dit hier que j'étais membre de la Ligue des Communistes
4 jusqu'en 1989 lorsque j'ai été expulsé après ce qui s'est passé lors de la
5 8e Session. S'agissant de votre question, de savoir si j'étais membre d'un
6 parti par la suite, je me suis joint à la Gauche yougoslave, et j'étais
7 membre de ce parti.
8 Q. C'est ce que je souhaitais clarifier. Je vous ai posé une question à ce
9 sujet, et vous m'avez dit que vous n'étiez membre d'aucun parti lorsque
10 vous avez été nommé au poste de ministre au sein du gouvernement, et je
11 comprends que vous êtes devenu ministre le 21 mars 1994; est-ce exact ?
12 R. C'est exact. Je suis devenu ministre après l'élection de l'assemblée
13 nationale le 21 mars, et comme je l'ai dit, j'ai continué à exercer ces
14 fonctions jusqu'en 1998, à ce moment-là, je n'étais membre d'aucun parti.
15 J'ai été élu en tant que candidat n'appartenant à aucun parti.
16 Q. Très bien. Vous nous avez dit que vous n'êtes pas devenu membre de la
17 Gauche yougoslave jusqu'en 1995 après que vous soyez devenu ministre; est-
18 ce exact ?
19 R. C'est exact.
20 Q. Mais si vous n'étiez pas membre du JUL avant que vous ne deveniez
21 ministre, est-ce que vous étiez affilié d'une certaine manière à la JUL, à
22 la gauche yougoslave, ou bien est-ce que vous étiez son candidat ?
23 R. Non, à cette époque-là, je ne l'étais pas. J'étais candidat pour la
24 gauche associée yougoslave, je pense, lors des élections de 1993, mais il
25 s'agissait d'un mélange, d'un groupe d'intellectuels et de professeurs.
26 Nous étions sur leur liste, mais nous n'avons rien fait. Nous n'avons pas
27 remporté, nous n'avons pas passé le seuil électoral. Donc nous n'avons pas
28 réussi à devenir membres de l'assemblée nationale, mais ce n'était pas le
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1 JUL.
2 Q. C'était le prédécesseur du JUL ?
3 R. Non. Cela s'appelait la gauche associée yougoslave. Mais ce n'était pas
4 un parti. Si vous voulez le savoir, il y a des personnes qui sont devenues
5 par la suite membres du JUL, mais il y avait beaucoup de personnes aussi
6 qui ne sont jamais devenues membres du JUL.
7 Q. Je souhaite vous montrer un document, P29210 [comme interprété], et
8 j'ai un support papier pour le témoin.
9 Il s'agit d'un document émanant de la Gazette officielle de la
10 Serbie, je pense, en date du 8 septembre [comme interprété] 1993.
11 Est-ce que vous voyez la date qui est surlignée en haut de la page,
12 en rose ?
13 R. Oui.
14 Q. Veuillez passer à la page 2 du document. Il s'agit de la page 34
15 sous forme électronique.
16 M. HANNIS : [interprétation] Je n'ai que l'original, Monsieur le Président.
17 Je n'ai pas de traduction en anglais, mais je souhaite que le témoin lise
18 juste quelques parties, et cela suffira, je pense.
19 Q. A la page suivante, Monsieur, à gauche en bas, numéro 2114, le titre
20 est surligné. Vous pouvez revenir à la page 2 et lire ce que j'y ai
21 surligné. Non pas celle que vous avez devant vous. Pas celle-là. Est-ce que
22 vous pouvez revenir une page en arrière. Est-ce que vous pouvez lire cette
23 partie-là, numéro 2114. Est-ce que vous pouvez lire le titre pour nous.
24 R. "Décision portant sur la proclamation de la liste conjointe électorale
25 pour l'élection des élus de l'assemblée au sein de l'assemblée nationale de
26 la République de Serbie et l'unité électorale numéro 8, liste à la tête de
27 laquelle se trouve Slobodan Milosevic." Est-ce que ceci suffit ?
28 Q. Oui. Est-ce que vous pouvez passez à la page suivante, page 35 en bas à
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1 droite, numéro 9 que j'ai surligné. Est-ce que vous pouvez lire cette
2 partie ?
3 R. "Numéro 9, la gauche associée (Ligue des Communistes et mouvement pour
4 la Yougoslavie, les fronts nationaux yougoslaves, le mouvement pour la
5 Yougoslavie de la ligue des jeunes, à la tête de laquelle se trouve le Pr
6 Mira Markovic." Ensuite nous avons la liste des candidats. Le premier est
7 Dragan Kostic, ensuite Dr ès sciences, Dr Slav Markovic, ensuite Andreja
8 Milosavljevic, un juriste, un directeur d'usine," et ainsi de suite. Dois-
9 je continuer ?
10 Q. C'est bon, vous pouvez vous arrêter là. Est-ce que vous continuez à
11 dire que vous n'étiez membre d'aucun parti ?
12 R. Absolument. Je n'étais dans aucun parti. Il s'agit d'une association,
13 et vous voyez quels sont les partis, la Ligue des Communistes, ensuite la
14 Ligue des Communistes, le Mouvement pour la Yougoslavie, l'Association des
15 travailleurs, le Front national, l'Associations des jeunes, et le Mouvement
16 pour la Yougoslavie. Donc il s'agit d'un front large, pour ainsi dire,
17 constitué des candidats de tous bords et appartenant à des organes et aux
18 groupes différents. Notre intention était de faire en sorte que l'on entre
19 au parlement en tant que groupe parlementaire de la gauche associée.
20 C'était l'intention derrière ce groupe. Il y avait beaucoup de personnes
21 sur cette liste qui n'étaient pas membres de ce parti à l'époque.
22 Q. A la tête de ce groupe se trouvait Mira Markovic; est-ce exact ?
23 R. Non. A cette époque-là, j'étais en contact avec le président du
24 Mouvement pour la Yougoslavie, et s'agissant de Mira Markovic, j'ai
25 simplement assisté à un rassemblement dans un village, quelque part. Trois
26 jours avant l'élection, je suis arrivé. Mira Markovic n'avait pas organisé.
27 C'était le président du Mouvement pour la Yougoslavie, un professeur dont
28 je ne me souviens pas du nom en ce moment. Ensuite, il y avait quelqu'un
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1 qui représentait le Parti des travailleurs. Ensuite une autre personne qui
2 représentait l'Association des travailleurs. En tant que candidat
3 n'appartenant à aucun parti, j'avais pour tâche lors de cette réunion
4 électorale qui était la dernière de parler de l'agriculture et des
5 développements que nous envisagions pour l'agriculture de même que les
6 objectifs que nous allions promouvoir une fois devenus membres de
7 l'assemblée nationale. Mais le Pr Mira Markovic n'a pas assisté à ce
8 rassemblement, et c'était le cas des autres rassemblements aussi. Il
9 s'agissait d'une campagne électorale, et le plus souvent, je --
10 Q. Je vais vous interrompre. Vous avez répondu à ma question. Dans le
11 document lui-même, il est dit qu'il se trouve à la tête de la liste, n'est-
12 ce pas ? N'est-ce pas ce que le document dit ?
13 R. C'est ce qui est dit dans le document, cependant, nous nous sommes
14 comportés conformément aux accords que nous avions passés.
15 Q. Je vais passer à autre chose. Hier vous avez parlé de votre tâche au
16 moment où vous êtes devenu coordinateur des organes d'Etat au Kosovo. Vous
17 avez mentionné que parmi les choses que vous avez effectuées, ceci figure à
18 la page 14 259, vous avez dit, je cite :
19 "J'ai reçu pour tâche, notamment d'établir les raisons de
20 constitution des conseils municipaux dans les municipalités dans lesquelles
21 les élections n'avaient pas été tenues ou bien avaient été tenues mais ont
22 été irrégulières, ensuite le gouvernement de la République de Serbie a
23 établi des conseils municipaux dont la tâche était de remplacer le travail
24 de l'assemblée municipale et de son comité exécutif."
25 Pourquoi était-il nécessaire de remplacer les assemblées municipales
26 et les comités exécutifs par ces autres organes appelés conseils municipaux
27 ?
28 R. Il est exact que j'en ai parlé. Mais je suppose que je n'ai pas parlé
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1 en parlant des conseils municipaux en employant le mot savet [phon] en
2 serbo-croate, mais vic [phon]. Mais au fond, il s'agit de la même chose. Il
3 s'agit d'un fondement juridique de la constitution des conseils municipaux,
4 et il y avait une loi relative à l'organisation territoriale de la
5 République de Serbie et la loi sur l'autonomie, article 45 et article 66 de
6 cette loi. Je ne connais pas exactement le texte, mais il y est stipulé -
7 et ceci émane de la Gazette officielle - que lorsque dans certaines
8 municipalités, les élections ne pouvaient pas être tenues en raison du
9 manque de participation des électeurs, bien, elles ne peuvent pas continuer
10 en l'absence d'organes appropriés.
11 Si nous n'avons pas d'assemblée municipale qui est l'organe suprême
12 du gouvernement au sein de chaque municipalité, ils n'ont pas de conseil
13 exécutif, en tant qu'organe suprême exécutif dans toute municipalité. Dans
14 de telles situations, il y avait huit municipalités de ce genre, comme je
15 l'ai dit, le gouvernement de la République de Serbie, sur la base de ses
16 pouvoirs juridiques, a adopté des décisions appropriées afin d'établir les
17 conseils municipaux pour ces municipalités. Ces décisions stipulaient
18 clairement et précisément que les conseils municipaux devaient remplacer
19 les organes exécutifs municipaux. Ceux-là comptaient normalement entre 7 et
20 13 membres.
21 Q. [aucune interprétation]
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] N'avons-nous pas entendu la réponse
23 tout à l'heure, Monsieur Hannis ?
24 M. HANNIS : [interprétation] Oui, il a répondu en anticipant quelques
25 questions qui suivaient. C'est la raison pour laquelle j'ai laissé le
26 témoin parler un peu plus longtemps.
27 Q. Donc parmi les différences entre l'assemblée municipale et le conseil
28 municipal, il y avait le fait que les membres du conseil municipal étaient
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1 nommés de l'extérieur par le gouvernement.
2 R. C'est exact. Je veux dire la chose suivante afin de clarifier les
3 choses. Il y avait des conseils municipaux qui étaient introduits dans
4 d'autres parties de Serbie, mais il y a une différence. Le conseil
5 municipal est élu par vote secret par tous les citoyens d'une municipalité,
6 alors que les conseils sont nommés par le gouvernement. Il est envisagé que
7 de tels conseils municipaux soient réélus, par exemple, par la suite, par
8 exemple, au bout d'un an si une nouvelle élection est prévue. Ou si aucune
9 élection n'est pas tenue, les mêmes mesures continuent à s'appliquer en
10 nommant les conseils municipaux et leurs membres individuels.
11 M. HANNIS : [interprétation] Je vois que Me Zecevic veut dire quelque
12 chose.
13 M. ZECEVIC : [interprétation] Pardon, je crois que le témoin a parlé de 11
14 municipalités dans d'autres parties de la Serbie.
15 M. HANNIS : [interprétation] Je crois avoir entendu cela moi aussi.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
17 M. HANNIS : [interprétation]
18 Q. Dans votre réponse précédente, je pense que vous avez dit qu'il y avait
19 huit municipalités dans lesquelles ceci s'est déroulé. Vous voulez dire
20 huit municipalités au Kosovo ? Il y avait huit municipalités au Kosovo où
21 des conseils municipaux ont été établis ?
22 R. Oui.
23 Q. Merci. Est-ce que vous vous souvenez quelles étaient ces huit
24 municipalités ? Est-ce que vous vous souvenez de leurs noms ?
25 R. Je vais essayer de les énumérer. Stimlje, Decani, Djakovica. Je m'en
26 souviendrai certainement, mais je n'y arrive pas tout d'un coup, comme
27 cela. Il y avait Glogovac, aussi, Kacanik, Orahovac, puis après les
28 élections -- pratiquement immédiatement après les élections ont été tenues,
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1 et des organes réguliers ont été élus. Pendant une certaine période Srbica
2 aussi.
3 Q. C'est satisfaisant. Inutile de poursuivre à moins que vous ne vous en
4 rappeliez par la suite. Est-ce que ces conseils municipaux étaient tous
5 constitués pendant que vous étiez coordinateur, ou bien est-ce que ceci
6 s'est déroulé avant votre arrivée là-bas ?
7 R. Ces conseils municipaux dont je parle ont été constitués pendant mon
8 mandat au sein de la République de Serbie. Et pour votre information, je
9 vous indique qu'il y en a eu auparavant aussi dans certaines municipalités.
10 Or, la situation au Kosovo est quelque peu spécifique, car les élections
11 n'ont pas réussi dans ces municipalités-là, sauf dans la municipalité de
12 Djakovica où les mesures provisoires ont été introduites même si le Parti
13 socialiste était au pouvoir à l'époque en raison du fait qu'il n'était pas
14 opérationnel. C'est pour cela que j'y suis allé, et j'ai évalué la
15 situation et j'ai proposé des mesures spéciales même si des membres du
16 Parti socialiste y étaient au pouvoir. Le président de la municipalité
17 était un homme jeune, qui était socialiste lui-même. La plupart des membres
18 du gouvernement local étaient des socialistes. Mais tout simplement ils ne
19 faisaient pas bien leur travail. Il y avait bien d'autres problèmes
20 relevant de l'article 45 de la loi relative à l'organisation territoriale
21 de la République de Serbie et l'autonomie.
22 Q. Merci. Nous allons passer à un autre sujet.Vous nous avez dit qu'en
23 mars 1998, vous avez été élu pour ou choisi pour faire partie d'une
24 délégation du gouvernement qui a reçu pour tâche de mener des négociations
25 avec les dirigeants albanais. Et vous avez parlé, je pense, dans la pièce
26 1D78, c'est un document indiquant que ceci s'est déroulé le 10 mars 1998.
27 Cette délégation avait à sa tête le Pr Markovic.
28 Qui vous a choisi en tant que membre de cette délégation ?
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1 R. C'était le gouvernement de la Serbie qui m'a choisi. Si vous examinez
2 la déclaration, vous le verrez. Je parle ici de ce que vous avez mentionné.
3 A la tête de la délégation se trouvait le Pr Ratko Markovic, puis il y
4 avait, mis à part moi-même, deux autres ministres aussi.
5 Q. Lorsque vous dites que le gouvernement vous a choisi, qui était
6 l'individu au sein du gouvernement qui l'a fait, qui vous a dit que vous
7 alliez faire partie de cette délégation et qui vous a demandé si vous
8 vouliez le faire ? Comment est-ce que ceci s'est déroulé ?
9 R. J'ai été consulté par le premier ministre d'une certaine manière, il a
10 fait une proposition au cabinet. Il a été dit que je devais être membre de
11 la délégation, car j'avais été en charge des questions relatives à
12 l'autonomie là-bas et que je connaissais assez bien ce qui se passait au
13 Kosovo-Metohija.
14 Q. Est-ce que le premier ministre vous a informé de ce que vous deviez
15 faire dans le cadre de ce groupe conformément à votre tâche concrète ?
16 R. Certainement oui. Et nous aussi, nous-mêmes, nous savions qu'il
17 s'agissait de l'établissement d'un dialogue et d'une recherche de solutions
18 pour permettre que les choses fonctionnent au Kosovo-Metohija. Nous nous
19 sommes préparés quelque peu avant de commencer à faire ce travail. Moi,
20 j'ai lu, par exemple, la charte des Nations Unies, la charte de l'OSCE de
21 Paris, ensuite les principes régissant le Conseil de l'Europe, ensuite les
22 normes européennes connues, ensuite les programmes du gouvernement, la
23 constitution de la Serbie. J'ai lu tout ça pour me rafraîchir la mémoire et
24 pour me préparer, nous l'avons tous fait. J'ai eu très peu de temps pour me
25 préparer. J'ai lu tout ça pendant un après-midi, et on a décidé avec Ratko
26 Markovic qu'il soit en charge de cela. Je dois dire que j'ai eu une
27 intervention moi-même là-bas. Bien sûr, dans le cadre de ce groupe j'ai
28 parlé de l'autonomie locale, de la manière dont ceci fonctionnait. Bien
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1 sûr, à ce moment-là, il y a eu un certain nombre de reproches, de remarques
2 qui ont été proférées, car s'agissant de l'autonomie locale, vous savez
3 c'est la majorité qui décide. Et puisque dans les municipalités, la
4 population majoritaire est --
5 Q. Je vais vous interrompre là, car nous nous éloignons du champ de ma
6 question. Ma question suivante porte sur le moment où cette délégation a
7 été constituée. Le 10 mars, je pense que c'était juste cinq jours après
8 l'opération du MUP dans la région de Decani qui a abouti à la mort d'Adem
9 Jashari et plusieurs membres de sa famille, y compris des femmes et des
10 enfants. Est-ce que vous êtes au courant de cet incident ? Je pense qu'il y
11 a eu beaucoup d'encre de coulée dans la région au sujet de cela ?
12 R. Je le savais, la presse en parlait. On en parlait à la télévision
13 aussi. Donc cet événement a été enregistré, rendu public.
14 Q. Très bien. En répondant à la question posée par Me Fila hier, vous avez
15 dit que la raison pour laquelle le cabinet avait décidé d'envoyer votre
16 groupe là-bas était car je cite : "Nous souhaitions avoir un dialogue et le
17 cabinet était en faveur de cela."
18 Et je suggère que la raison pour laquelle vous souhaitiez avoir un dialogue
19 à l'époque est que l'incident Jashari avait provoqué, avait suscité
20 beaucoup d'intérêt, d'attention de la part de la communauté internationale,
21 des médias et du corps diplomatique, et c'est la raison pour laquelle à ce
22 moment-là cet organe a été créé. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi
23 pour dire cela ?
24 R. Non, je ne serais pas d'accord avec vous pour dire cela. Car même
25 auparavant nous avons essayé à plusieurs reprises d'établir le contact avec
26 les dirigeants des parties albanaises. Cependant, sans succès. Et en
27 continuité, il est normal, bien sûr, qu'il y ait eu des événements un peu
28 plus organisés aussi. Mais je peux dire que ce n'était pas une raison de
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1 créer, ou certainement pas une raison exclusive de créer ce groupe chargé
2 des négociations. La raison était toujours nos bonnes intentions visant à
3 dialoguer et à trouver une solution politique aux problèmes.
4 Q. Vous avez dit que ce n'était certainement pas la seule raison. Est-ce
5 que vous permettez la possibilité que c'était l'une des raisons ?
6 R. Je sais que même auparavant nous l'avons essayé. Nous avons essayé de
7 résoudre les choses de cette manière-là. Et je peux dire que des efforts
8 ont été déployés allant dans ce sens. Et même moi, pendant que j'étais sur
9 place et lorsque j'étais actif dans ce domaine-là, j'ai essayé d'établir
10 des contacts afin de dialoguer, afin d'essayer de trouver une solution. Et
11 pour agir conformément à la constitution et conformément à toutes les lois
12 et réglementations en vigueur à l'époque. Car il est évident qu'il fallait
13 résoudre ces problèmes car l'autonomie locale ne fonctionnait pas de
14 manière appropriée, car tout simplement la population albanaise ne voulait
15 pas participer aux élections et les élections n'ont pas pu être tenues.
16 Q. Je vais vous arrêter là. Je crois que vous avez répondu à ma question
17 précédente. Vous nous avez dit que vous avez cessé d'être un membre de
18 cette équipe de négociateurs au moment où le nouveau gouvernement a été
19 formé, je pense que c'était vers la fin mars 1998; est-ce exact ?
20 R. Oui, c'est exact. Suite à l'élection du nouveau gouvernement, je
21 n'étais plus un membre de cette délégation. Et cette équipe de négociateurs
22 avait été constituée juste après cela, dès le début. Je ne suis pas sûr,
23 mais je pense que je suis allé deux fois en avril. Mais ceci n'a abouti à
24 rien, au moins pas par rapport à nos attentes.
25 Q. Donc ce groupe avait été constitué le 10 mars, et vous avez cessé d'en
26 faire partie fin mars, donc en fait vous faisiez partie de ce groupe
27 pendant trois semaines tout au plus ?
28 R. J'ai pris part aux travaux, et il faut savoir que les négociateurs ne
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1 pouvaient être que des membres du gouvernement de Serbie. C'est la raison
2 pour laquelle j'ai cessé d'être membre, Radomir Lilic, par exemple, qui a
3 cessé d'être ministre par la suite. Le Pr Ratko Markovic était vice-premier
4 ministre au moment des élections. Il est resté à ce poste après les
5 élections, donc c'est la raison pour laquelle il a conservé sa place au
6 sein de l'équipe de négociateurs.
7 Q. Pendant ces trois semaines où vous en avez fait partie, pendant que
8 vous faisiez partie de cette équipe, vous avez dit que vous avez essayé par
9 sept ou fois de rencontrer les Albanais. Savez-vous personnellement si des
10 convocations convoquant les Albanais kosovars à ces réunions ont été
11 envoyés et qu'ils ont été reçus par eux ? Est-ce que vous savez quelque
12 chose directement ?
13 R. Oui. Je le sais. Oui, je sais quelque chose directement, puisque le
14 chef de notre délégation, le Pr Ratko Markovic, il a vérifié cela. Et je me
15 souviens à une occasion on était ensemble au gouvernement. Il a téléphoné
16 au chef du district du Kosovo, il lui a demandé si on avait bien remis les
17 informations précisant que des négociations allaient avoir lieu tel ou tel
18 jour. On lui a répondu par l'affirmation. Une fois lorsqu'on était à
19 Pristina, le Pr Ratko Markovic a dit, de même, qu'il était obligatoire de
20 remettre une convocation à des négociations au chef de file des partis
21 politiques albanais.
22 Q. Très bien. Toutefois, là encore ce n'est pas quelque chose que vous
23 savez directement, c'est quelque chose qui vous a été dit par quelqu'un
24 d'autre; c'est exact ?
25 R. Je pense que je ne pourrais pas avoir d'information de meilleure
26 qualité, sauf si j'avais remis moi-même les convocations en question. Je me
27 souviens, j'étais là quand il a dit au chef du district du Kosovo de le
28 faire. Donc je n'ai pas vérifié le feed-back. Ça c'est un fait. Oui.
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1 Q. Vous avez décrit vos fonctions. Vous avez dit que vous deviez
2 coordonner les travaux de tous les organes d'Etat et que vous deviez
3 travailler de concert, ou plutôt, que vous deviez travailler conformément à
4 la constitution et à toutes les lois et les règlements en vigueur. Est-ce
5 que vous aviez une description du poste plus précise, ou bien c'était en
6 ceci qu'à consister votre travail ?
7 R. Je vais vous préciser un petit peu ce que je faisais. J'ai coordonné le
8 travail des organes civils. Je n'avais pas d'attribution s'agissant de
9 l'armée ou du ministère de l'Intérieur. Naturellement, les relations qui
10 existaient sur le plan politique ne faisaient pas l'objet de mon intérêt.
11 Je me suis concentré sur le secteur civil. C'est là que j'ai œuvré. Hier
12 j'ai essayé de vous expliquer concrètement ce que j'ai fait. C'est ce que
13 j'ai fait jusqu'à ce que je ne parte. D'ailleurs ce n'était pas de ma
14 propre volonté, je suis tombé malade, comme je l'ai déjà expliqué hier.
15 Q. Merci. Je comprends cela. Ce que l'on trouve, entre autres, dans la
16 décision par laquelle vous êtes nommé au poste de coordinateur, c'est que
17 vous allez en référer directement au premier ministre, au moins une fois
18 par semaine, me semble-t-il, c'est ce que vous avez fait. Vous l'informiez
19 de votre travail au moins une fois par semaine; c'est exact ?
20 R. C'est exact. Au moins une fois par semaine, je me rendais auprès de lui
21 pour lui faire rapport de mon travail et il est arrivé aussi qu'au cours de
22 la semaine je le contacte par téléphone, et que je lui transmette des
23 choses que j'estimais être importantes, des choses afin de régler des
24 questions plus rapidement.
25 Q. En plus de ces contacts personnels, en plus des appels téléphoniques,
26 est-ce qu'il vous est arrivé de lui remettre des rapports par écrit ?
27 R. Plusieurs fois il m'est arrivé de lui remettre un rapport écrit, ou
28 plus précisément trois fois seulement, et il y avait un rapport un peu plus
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1 approfondi. C'est tout pour ce qui est des documents écrits. Mais nous
2 avions des contacts directs. Je me rendais à Belgrade, en règle une fois
3 par semaine, samedi, un dimanche, ou parfois un lundi. Je n'arrive pas à me
4 rappeler. Je pense d'ailleurs que ce n'est pas très important. Donc je
5 l'informais et c'est tout à fait exact. Généralement c'était dans la
6 matinée et j'en profitais pour rencontrer d'autres ministres lorsque
7 j'avais besoin de leur aide.
8 Q. Très bien.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense qu'encore une fois nous
10 sortons du champ de l'interrogatoire. M. Hannis voulait savoir ce qui en
11 était des rapports écrits.
12 M. HANNIS : [interprétation]
13 Q. J'aimerais savoir si vous sauriez où ils se trouveraient maintenant ces
14 rapports; ils seraient archivés ? Est-ce que vous avez un exemplaire de ces
15 trois rapports que vous avez envoyés ? Vous en avez conservé un par-dessus
16 vous ?
17 R. Je suppose que les rapports écrits sont conservés au sein du
18 gouvernement de la République de Serbie. Moi-même, j'avais mon exemplaire
19 de ces rapports, mais à mon retour du Kosovo, mon chauffeur a transporté
20 ces rapports au gouvernement de Serbie où j'avais un bureau, mais au moment
21 des bombardements c'est là qu'une bombe est tombée, et elle a tout fait
22 voler en éclats. Il n'y avait pas que mes rapports. Il y avait tout le
23 reste du document que je conservais là-bas. Seul un rapport, un de ces
24 rapports que j'ai rédigé pendant le procès contre M. Milosevic, c'est un
25 rapport que j'ai remis parce qu'on me l'avait demandé. Je lui ai remis. Je
26 ne sais pas où il se trouve maintenant.
27 Q. Est-ce que vous savez lequel de ces trois rapports est celui que vous
28 avez remis à M. Milosevic ? C'était celui qui était le plus volumineux ?
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1 R. Je pense que c'était le premier rapport.
2 Q. Le premier c'est bien le plus long ?
3 R. Le premier rapport était un rapport sur deux pages, sans interlignes,
4 où il y avait une liste de toutes les missions. Je crois que c'était à la
5 fin du mois de juillet.
6 Q. La pièce 2D356, je voudrais maintenant vous demander quelque chose
7 d'autre. Cette pièce c'est un document qui provient du ministère des
8 Finances. Vous nous avez dit que vous l'avez reçu, comme vous en receviez
9 des documents comparables de la part de la plupart des ministères vous
10 informant de l'identité de la personne avec qui vous alliez être en contact
11 dans le cadre de vos missions. Vous avez dit la plupart des ministères. En
12 plus du ministère des Finances, est-ce vous pouvez nous dire lesquels vous
13 ont envoyé ce genre de lettre ? Ou peut-être qu'il serait plus facile de
14 nous dire quels sont les ministères qui ne vous ont pas remis ce genre de
15 lettre ? Est-ce que ce serait plus court ?
16 R. Des informations comparables, je les ai reçues du ministère de
17 l'Agriculture, ministère du Bâtiment civil, ministère de l'Autonomie
18 locale, ministère de la Santé, et j'ai reçu cela également du service en
19 charge des réserves de marchandises et de vivres, puisque c'est de là qu'on
20 allait s'approvisionner. Donc je pense que c'est cela les ministères d'où
21 j'ai reçu ce type de rapport.
22 Q. Vous avez dit que dans le cadre de vos activités de coordonnateur vous
23 alliez coordonner les travaux des ministères de la République de Serbie.
24 Les présidents des municipalités, également, cela s'entend sans dire, vous
25 avez travaillé avec des organes spéciaux, par exemple, le cadastre et les
26 impôts. Est-ce que vous pouvez nous expliquer brièvement ce que c'est que
27 le cadastre ?
28 R. Le cadastre, c'est un service qui tient des registres de l'ensemble des
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1 biens qui existent sur le territoire dont il a la compétence. En règle
2 générale, je pense que toutes les municipalités kosovares avaient leur
3 cadastre, un service de cadastre. C'est là qu'on enregistre la propriété
4 sur un bien. Chaque propriétaire est enregistré là. On sait également quels
5 sont les biens en propriété sociale, propriété privée, propriété
6 collective. Ce service a été créé pratiquement dans toutes les
7 municipalités, et je pense pouvoir affirmer que toutes les municipalités
8 l'avaient. Je ne me suis pas rendu partout, dans toutes les municipalités,
9 donc je ne peux pas vraiment le dire à 100 %, mais je pense que d'après la
10 loi, même les plus petites municipalités étaient tenues d'avoir le
11 cadastre, et c'était un service qui fonctionnait très bien. Les employés du
12 cadastre étaient des experts, des ingénieurs, des géodètes [phon], donc des
13 gens qui avaient suivi une formation pour faire cela. C'est là qu'on tenait
14 le registre des biens immeubles, puis des usines, des infrastructures, de
15 l'eau, de l'électricité, enfin toutes les installations qui existaient au
16 Kosovo-Metohija étaient enregistrées auprès du cadastre.
17 Q. Les informations qui portaient sur la nature de la propriété et qui
18 étaient enregistrées dans le cadastre, on y renseignait également
19 l'appartenance ethnique du propriétaire ou c'est quelque chose qu'on
20 pouvait déduire grâce au nom ?
21 R. C'était écrit précisément. Janko Jankovic, propriétaire du lot X, Y.
22 Salih Berisha, propriétaire d'une maison … Certes, il m'est arrivé de m'y
23 rendre pour moi-même, ce n'est pas écrit Andreja Milosavljevic, Serbe, ou
24 Monténégrin. Je voudrais préciser à votre intention, le cadastre, il
25 dépendait de la république, à l'époque. Parce que dans un premier temps, il
26 est arrivé que le cadastre soit rattaché au district, par exemple.
27 Q. Je vous ai posé cette question, entre autres, parce que des mesures
28 spéciales ont été imposées au Kosovo après 1989, et j'aimerais savoir s'il
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1 n'y a pas eu des lois qui ont été votées, par exemple, qui comportaient des
2 restrictions sur la vente des biens au Kosovo. Par exemple, est-ce qu'un
3 Serbe pouvait vendre ses biens et à qui pouvait-il vendre ses biens ? Vous
4 seriez au courant de telles limitations ou d'interdictions, pour ce qui est
5 de la vente de la propriété privée ?
6 R. Ce genre de disposition législative, de loi ou de décret, cela n'a pas
7 existé, quelque chose qui concernerait le Kosovo-Metohija ou qui s'y
8 appliquerait. Il y avait un décret au niveau de la République de Serbie,
9 sur la totalité de son territoire. Je crois que c'est un décret. Mais je ne
10 suis pas absolument certain. Je suppose que ce n'était pas une loi, un
11 décret par lequel il était nécessaire de fournir des documents au niveau du
12 ministère des Finances, donc au sein du gouvernement de Serbie.
13 Q. Page 14 270, vous avez mentionné des ministres, des vice-ministres qui
14 sont venus au Kosovo pendant que vous étiez coordonnateur, et vous avez
15 cité ceux qui étaient basés de manière permanente dans votre QG ou qui
16 faisaient partie de votre équipe. Vous vous êtes référé à trois hommes qui
17 vous ont été dépêchés, nommés auprès de vous. Je voudrais être certain de
18 savoir de qui il s'agit. Vous avez nommé le ministre adjoint du Travail et
19 des Affaires sociales, M. Kujundzic; M. Slobodan Ilic, qui était ministre
20 adjoint de l'Agriculture, et une troisième personne. Ces trois personnes
21 ont été nommées de manière permanente auprès de vous alors que vous
22 occupiez ce poste de coordonnateur ? Ou vous parlez de quelqu'un d'autre ?
23 R. Non, non. Ces trois hommes ont été placés directement sous mes ordres
24 et ils m'ont apporté de l'aide technique et autre. C'est uniquement les
25 hommes du ministère de la Santé qui se sont relayés. Mais Kujundzic et Ilic
26 sont toujours restés avec moi. Il est arrivé qu'ils s'absentent pour se
27 rendre à Belgrade, pendant un jour par-ci, par-là. Kujundzic était toujours
28 là au Kosovo, il y avait pas mal de bétail qu'il fallait prendre en charge,
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1 et il fallait contrôler, empêcher des épidémies de maladies contagieuses du
2 bétail, et cetera.
3 Q. Merci. Me Fila vous a posé quels sont les problèmes auxquels vous étiez
4 confronté. Vous avez dit que cela variait d'une municipalité à une autre.
5 Vous avez dit qu'il y a eu des problèmes de santé, puis aussi dans
6 l'éducation. Le problème de l'éducation, c'est un problème qui s'est posé
7 sur la totalité du territoire du Kosovo, pas seulement dans une
8 municipalité, n'est-ce pas ? C'est un problème généralement répandu ?
9 R. C'est partiellement vrai. L'éducation fonctionnait, sauf que ce n'était
10 pas le meilleur système qui soit, parce que les Albanais ne se rendaient
11 pas à l'école, n'allaient pas aux écoles qui avaient été établies par
12 l'Etat et qui devaient fonctionner. Plutôt, ils avaient mis sur pied un
13 système éducatif parallèle où ils appliquaient leur propre programme, et
14 c'était cela le problème. Hier, lorsque j'ai parlé, j'avais plutôt à
15 l'esprit les préparatifs en vue de la rentrée du mois de septembre, donc il
16 y a eu des entretiens, et le groupe 3 plus 3 s'est mis d'accord pour que
17 les écoles élémentaires et l'enseignement secondaire fassent la rentrée le
18 1er septembre, et les universités, qu'elles le fassent graduellement compte
19 tenu qu'il était nécessaire de restaurer, reconstruire les bâtiments grâce
20 à l'aide de la communauté internationale. Je dois dire que cela a marché
21 dans plus de 90 % des écoles au Kosovo-Metohija et dans les crèches et les
22 jardins d'enfants il y a eu la rentrée et elle s'est bien déroulée.
23 Q. Partout au Kosovo, dans toute la province ?
24 R. Que les écoles ont fonctionné. Oui, oui. Les conditions étaient réunies
25 et il y avait les bâtiments scolaires, car jusqu'à ce que ce moment-là,
26 avant cela, dans certaines municipalités il y avait des enfants d'âge
27 scolaire qui se rendaient dans des locaux spéciaux, pas dans les écoles
28 prévues.
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1 Q. Je ne comprends pas très bien. Hier vous nous avez parlé de cela, vous
2 nous avez dit qu'il y avait un certain nombre de problèmes qui se sont
3 posés au Kosovo en été 1998, et vous avez dit que l'un de ces problèmes
4 c'était que parmi les routes principales il y en avait qui étaient bloquées
5 par l'UCK. Si tel était le cas, comment est-ce que vous avez pu ouvrir 90 %
6 des écoles en septembre ?
7 R. Il était communément admis que la situation au mois de septembre était
8 déjà en situation de calme, on parvenait à résoudre les problèmes, de
9 manière générale, de manière satisfaisante toute la problématique qui se
10 posait. Bien entendu, on a déployé des efforts soutenus et on s'est attendu
11 à ce que cela démarre et cela a démarré dans un grand nombre de
12 municipalités. Ce n'est pas la seule chose que j'ai faite. L'électricité,
13 il n'y avait pas de courant dans certaines municipalités. On a réglé cela.
14 Le téléphone, on l'a rétabli également alors qu'il ne fonctionnait dans un
15 grand nombre de municipalités. Les transports par autocars, enfin toutes
16 ces questions de première importance. Donc c'était en été en juin quand je
17 suis parti, cela allait être la fin de l'école et on s'était mis d'accord
18 pour qu'au début de l'année scolaire les écoles reprennent. Des documents
19 existent à cette fin dans d'autres sources. Je ne me suis pas centré là-
20 dessus. Je devais m'atteler à la problématique et quand les problèmes se
21 posaient il fallait que j'en sois informé. Le ministère de l'Education
22 avait un représentant là, c'était l'adjoint ou l'assistant du ministre, M.
23 Milivoje.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous parlons là des écoles qui étaient
25 destinées essentiellement aux enfants albanais ou on parle d'autre chose ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous parlons de toutes les écoles destinées
27 aux enfants albanais et aussi aux enfants serbes, et appartenant à d'autres
28 groupes ethniques.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant le mois de juillet, les enfants
2 serbes et les autres enfants appartenant aux groupes non albanais étaient
3 régulièrement scolarisés ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Jusqu'à la fin de l'année scolaire et il
5 y avait des préparatifs en vue de la rentrée de septembre comme
6 d'ordinaire. Il est possible, je ne peux pas être tout à fait précis, il
7 est possible comme il y a eu une amorce des activités terroristes fin mars,
8 il est possible qu'à certains endroits il y est eu des problèmes, mais pour
9 l'essentiel dans les autres localités, dans toutes les localités les écoles
10 ont fonctionné jusqu'à la fin de l'année scolaire dans les villes, les
11 grandes agglomérations.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
13 M. HANNIS : [interprétation]
14 Q. Monsieur le Témoin, un accord aurait été signé en
15 septembre 1996 qui serait appelé accord portant sur l'éducation, on en a
16 entendu parler ici, d'après vous, cela n'a jamais été mis en œuvre ? Parce
17 que, d'après ce que j'ai compris, cela n'a pas été le cas. C'est exact,
18 n'est-ce pas ? Il n'a jamais été appliqué ?
19 R. Je ne suis pas au courant de l'existence de cet accord. En revanche, je
20 connais l'accord 3 plus 3, la communauté internationale y a joué le rôle de
21 médiateur et on y a travaillé pendant tout l'été 1998 et cet accord devait
22 entrer en vigueur en septembre, je ne connais pas les détails de ce texte,
23 mais il était prévu que l'on adapte certains immeubles de Pristina où il
24 était prévu de scolariser des étudiants ou des élèves appartenant aux deux
25 groupes ethniques, et normalement, cet accord devait entrer en vigueur.
26 Mais je suis parti, et l'université a sa rentrée en octobre normalement,
27 donc je ne sais pas si cela a été réalisé ou pas.
28 Q. Dans la traduction de votre réponse, on a dit, certains bâtiments de
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1 Pristina devaient recevoir des étudiants, des élèves appartenant aux deux
2 groupes ethniques. Vous entendiez par là les Serbes et les Albanais ?
3 R. Non, non. Non. Je voulais dire les langues dans lesquelles on
4 travaillait à ces universités. En pratique c'est cela ce que cela veut
5 dire. D'ailleurs il faut relire les termes de l'accord qui a été signé. Il
6 y a eu un représentant de l'Italie, Ratomir Vico. Percevic, de notre côté
7 [inaudible].
8 Q. Je vous remercie. Vous avez répondu à ma question.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas le même accord que celui
10 de 1996, n'est-ce pas, Monsieur Hannis ?
11 M. HANNIS : [interprétation] Oui, c'est cela.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le témoin ne semble pas connaître le
13 lien. Je vous remercie.
14 M. HANNIS : [interprétation]
15 Q. Vous avez également parlé des problèmes qui se sont posés dans le
16 fonctionnement des tribunaux et vous étiez d'accord avec
17 Me Fila pour dire qu'il y avait beaucoup d'affaires qui n'étaient pas
18 résolues et vous avez parlé des priorités, qu'il fallait dresser une liste
19 des priorités. Quelles sont les affaires qui étaient estimées prioritaires;
20 le savez-vous ?
21 R. C'était le droit privé et des questions de biens, de propriétés.
22 Q. Savez-vous qui a établi ces priorités ? Qui a pris cette décision ? A
23 qui il appartenait de faire cela ?
24 R. Les juges eux-mêmes, les présidents des tribunaux. Ils avaient reçu des
25 renforts de Serbie, des juges, parce qu'il n'y avait pas suffisamment de
26 juges au Kosovo-Metohija, c'était l'un des problèmes. Donc du reste de la
27 Serbie, on a délégué des juges pour venir travailler au Kosovo-Metohija, de
28 différentes régions, pour travailler au Kosovo-Metohija. Tout le monde le
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1 sait.
2 Q. Votre bureau il était où ? Il était situé où quand vous étiez
3 coordinateur ? Vous étiez à Pristina ?
4 R. Mon bureau, pendant que j'étais coordonnateur, mon bureau était à
5 Pristina, dans les locaux de la province. Je pense que c'était le bureau
6 qui avait été occupé précédemment par le président du Conseil exécutif du
7 Kosovo-Metohija.
8 Q. Je comprends ou je conclus d'après votre déposition que vous vous êtes
9 rendu sur le terrain aussi et que vous êtes allé dans plusieurs
10 municipalités; est-ce exact ?
11 R. C'est exact. Pas quelques municipalités mais la plupart des
12 municipalités au Kosovo-Metohija. Je suis allé à Kosovska, Kamenica, Novo
13 Brdo, Gracanik, Lipjan, Pristina, Vuctirn, Kosovska Mitrovica, Srbica, Pec,
14 Decani, Djakovica, Glogovac, plusieurs fois à Stimlje, Orahovac, Suva Reka,
15 et ainsi de suite. Il y en a au total 29.
16 Q. Je sais qu'il y en a 29, mais vous n'êtes pas allé dans toutes les 29
17 municipalités ? Vous avez dit que vous êtes allé dans quelques
18 municipalités ?
19 R. Non, celles que je viens de nommer, je les ai certainement visitées. Je
20 peux vous dire quelles sont les municipalités dans lesquelles
21 éventuellement je ne suis jamais allé.
22 Q. Non, ce n'est pas la peine. Depuis votre réponse, je conclus que toutes
23 les routes principales n'ont pas été bloquées sans cesse, puisque vous avez
24 pu vous rendre à ces municipalités que vous avez mentionnées.
25 R. De temps en temps, les routes étaient bloquées dans une direction, et
26 dans ce cas-là, je n'y allais pas. Mais au moment où les routes sont
27 devenues libres, j'y allais pour évaluer la situation. S'agissant de la
28 situation de Decani, Djakovica, Orahovac, et ainsi de suite, Srbica aussi,
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1 par exemple.
2 Q. Me Fila vous a demandé si vous étiez au courant de certaines des
3 activités de l'UCK au cours de la période que vous y avez passée en 1998,
4 et vous avez répondu à la page 14 273 :
5 "Je n'ai pas traité de cette question en particulier, mais puisque j'étais
6 sur place et que j'ai des yeux et des oreilles, j'ai entendu parler des
7 choses et j'ai vu des choses. L'UCK effectuait des attaques par-ci par-là à
8 des endroits différents. Ils ont enlevé et même tué certaines personnes."
9 Donc vous avez dit que ceci ne faisait pas partie de votre travail. Est-ce
10 que vous avez eu des contacts ou des réunions d'information régulières
11 organisées par le ministère de l'Intérieur ou la VJ portant sur les
12 activités de l'UCK ? Répondez par oui ou non, s'il vous plaît.
13 R. Non.
14 Q. Vous avez mentionné le fait que vous aviez reçu une lettre, il s'agit
15 de la pièce à conviction 2D372. Il s'agit d'une lettre de la part de M.
16 Andjelko Kolasinac à Orahovac. Il a décrit la situation qui prévalait, puis
17 il a demandé de l'aide des forces de sécurité. Vous avez dit que vous avez
18 informé le premier ministre de cette lettre et qu'il vous a dit qu'il
19 l'avait reçue et que toutes les mesures allaient être prises. Est-ce que
20 vous en souvenez ?
21 R. Oui, bien sûr que je m'en souviens. Je me souviens d'autres choses
22 aussi, notamment ce qui s'est passé après cette lettre. Tout ce que M.
23 Kolasinac avait dit s'est réalisé par la suite.
24 Q. Je vais vous arrêter là. Très bien. Je vais vous poser quelques
25 questions à ce sujet. Après que le premier ministre vous ait dit cela, est-
26 ce que vous saviez que le MUP et la VJ ont entrepris certaines actions et
27 ont effectué certaines opérations dans la région d'Orahovac plus tard au
28 cours de ce même mois de juillet 1998 ?
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1 R. A ce moment-là, personne ne m'a informé de ce qui allait se passer ni
2 des mesures à prendre. M. Kolasinac m'a simplement informé le 17 ou le 18
3 juillet du fait que l'UCK avait fait éruption, autrement dit les
4 terroristes, qu'ils étaient entrés à Orahovac et qu'à Orahovac ils ont
5 trouvé leur hébergement dans le centre médical. Et on sait ce qui s'est
6 passé là-bas, autrement dit une véritable crise grave a éclaté. Ces forces-
7 là ont capturé 100 personnes. Ils ont libéré 61 personnes, surtout les
8 femmes, et les personnes âgées, les enfants, mais ils ont pris 39 de ces
9 personnes avec eux et ces personnes n'ont jamais été retournées. Pour
10 autant que je le sache, par la suite j'ai lu des rapports, lorsque j'ai
11 parlé avec les parents des personnes enlevées, ces personnes ne sont jamais
12 rentrées, n'ont jamais été retournées. Par la suite, j'ai lu dans la presse
13 que ces personnes-là n'ont jamais été renvoyées. Ceci a fait l'objet de
14 plusieurs de mes conversations avec des diplomates étrangers, des
15 organisations internationales humanitaires telles que la Croix-Rouge
16 internationale, le HCR, des comités différentes des droits de l'homme, et
17 ainsi de suite. Il m'a informé de cela. Mais d'autres présidents de
18 municipalités me disaient également ce genre de choses malgré le fait que
19 d'habitude on se réunissait pour d'autres raisons. Je n'avais pas vraiment
20 suffisamment de temps me permettant de me lancer dans les détails de ces
21 événements, car ceci ne faisait vraiment pas partie de mon travail, puis je
22 n'étais pas autorisé à en traiter. Je sais un peu plus au sujet d'Orahovac
23 et je sais que bientôt, après notre envoi, un appel a été lancé par la
24 municipalité, par M. Kolasinac, qui demandait que l'on renvoie les
25 personnes déplacées suite à l'opération qui a été effectuée par les forces
26 de sécurité, que ces personnes-là soient renvoyées à Orahovac et les autres
27 quatre villages habités par les Serbes. Effectivement ceci s'est réalisé
28 peu de temps après.
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1 Nous avons pris des mesures par rapport à la municipalité d'Orahovac,
2 notamment les villes d'Orahovac et les villages aux alentours afin de leur
3 permettre de fonctionner de manière appropriée, et effectivement c'était le
4 cas. Nous nous sommes assurés qu'ils aient suffisamment de vivres et que,
5 notamment tous ceux qui rentraient, tous ceux qui étaient menacés. Je sais
6 que le centre d'approvisionnement à Orahovac fonctionnait de manière
7 appropriée. Même les Albanais recevaient leurs vivres là-bas. Il y avait
8 une personne albanaise qui faisait partie de l'équipe qui distribuait
9 l'aide.
10 Q. Est-ce que vous saviez que les opérations effectuées par le MUP et la
11 VJ, fin juillet, se déroulaient dans la région d'Orahovac; oui ou non ?
12 R. Je sais au sujet du MUP. J'ai été informé un ou deux jours plus tard,
13 mais je ne sais pas au sujet de la VJ. Personne ne me l'a jamais dit.
14 Q. Qui vous l'a dit au sujet du MUP ?
15 R. Kolasinac, les forces de sécurité y ont agi conformément à leurs
16 règlements de service. C'était simplement Kolasinac. Orahovac n'est pas
17 vraiment tellement loin de Pristina, environ 56 kilomètres, même pas.
18 Q. Je souhaite vous montrer maintenant un document dont la cote est P1468.
19 Il a été versé au dossier. Et si l'on peut examiner tout d'abord la page 1.
20 Il s'agit d'un long document. Je n'ai pas d'exemplaire sur papier pour
21 vous. Ou plutôt peut-être -- si, j'ai un support papier pour vous.
22 R. Ce sera utile.
23 Q. Vous pouvez voir la première page qui est intitulée : "Réunions du
24 commandement conjoint pour le Kosovo-Metohija". Et si vous examinez à la
25 page 2, je pense que nous avons des exemplaires qui présentent les rectos
26 versos. Si vous pouvez examiner cette page. A la première page, il est
27 question d'une réunion du commandement conjoint pour le Kosovo-Metohija en
28 date du 22 juillet 1998. Et plus loin vous pouvez voir la liste des
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1 personnes qui y ont assisté :
2 M. Minic, M. Sainovic, M. Andjelkovic et le général Pavkovic, M. Djordjevic
3 du MUP, M. Lukic, M. David Gajic ? Je sais que vous connaissez M. Minic. M.
4 Sainovic, le général Pavkovic. Mais est-ce que vous connaissiez aussi le
5 général Lukic ?
6 R. Il est question, je suppose, de Sreten Lukic ?
7 Q. Oui.
8 R. Oui.
9 Q. Les autres, numéros 5, 7 et 8 sur cette liste ?
10 R. Djakovic, je crois que c'était un colonel. Je le voyais, mais pas
11 tellement souvent. Gajic, qui était l'adjoint du chef de la Sûreté de
12 l'Etat, je l'ai vu une ou deux fois, peut-être trois. Quant à Djordjevic,
13 au numéro 6, je ne pense pas le connaître. Les autres, je les connais tous.
14 Q. Très bien. S'agissant des actions prises à Orahovac, vous allez voir à
15 côté de M. Gajic, au deuxième point de cette page, il y est question des
16 mesures qui ont été prises à Prizren contre huit personnes du territoire
17 des villages Ratkovac, Orahovac et Krusa qui ont participé aux activités
18 terroristes. Est-ce bien ce qui est écrit à cet endroit ? Il s'agit du
19 deuxième point au-dessous de son nom, du deuxième paragraphe.
20 R. Je ne le sais pas.
21 Q. Vous ne pouvez pas voir cela ou vous ne pouvez pas lire cela ?
22 R. Non, non. J'ai trouvé cela. Il y est dit à Prizren, des mesures sont
23 prises également à l'encontre de huit personnes du territoire du village de
24 Ratkovac, et ainsi de suite.
25 Q. Très bien.
26 R. En raison de -- je ne sais pas. C'est la première fois que je vois
27 cela. J'ai déjà dit hier que ce terme de commandement conjoint ne m'est pas
28 connu, à l'exception de la période ultérieure, suite au début du procès
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1 Milosevic, c'est à ce moment-là que j'en ai entendu parler.
2 Q. Je comprends. Simplement je souhaite attirer votre attention sur des
3 références dans ce procès-verbal concernant les actions effectuées à
4 Orahovac, fin juillet. Est-ce que vous pourriez maintenant aller un peu
5 plus loin, un, deux, trois, quatre paragraphes plus loin et en anglais ceci
6 se traduit comme suit : "Après que le blocus a été levé, le blocus du
7 village d'Orahovac, les activités de propagande des Siptars se sont
8 intensifiées." Est-ce que vous vous souvenez qu'environ le 22 juillet, le
9 blocus d'Orahovac a été levé ?
10 R. D'après le rapport de M. Kolasinac, je pense que ce jour-là, les forces
11 de sécurité ont réussi, pour ainsi dire, à refouler les forces de l'UCK
12 d'Orahovac. Donc le blocus a certainement été levé et Orahovac se trouvait
13 de nouveau entre les mains des forces régulières, de l'Etat si vous voulez.
14 Q. Très bien. Si vous voulez examiner un peu plus loin, au nom de M.
15 Minic - je pense que c'est le troisième nom - que juste après ce que vous
16 avez lu il a fait un commentaire concernant Orahovac. C'est près de --
17 R. C'est à la page suivante ?
18 Q. C'est le deuxième paragraphe après son nom où il dit : "A Orahovac,
19 nous devons résoudre la question de l'eau et de l'électricité et
20 réhabiliter la vie civile. L'aide depuis Prizren partira demain." Est-ce
21 que M. Minic ou un quelconque de ces hommes qui ont assisté à la réunion du
22 commandement conjoint vous a jamais parlé de cette question de l'eau et de
23 l'électricité pour Orahovac ?
24 R. La question de l'eau et de l'électricité et d'autres vivres qui
25 devaient être acheminés à Orahovac, a été abordée par des autorités locales
26 auprès de moi. J'ai fait tout ce que j'ai pu, conformément à mes
27 attributions, pour résoudre ces problèmes, car il y avait réellement un
28 problème d'électricité et d'eau, puis d'autres problèmes liés au système de
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1 santé. Rien ne fonctionnait plus, tout s'était décomposé. Mais bientôt les
2 choses sont revenues à la normale et M. Minic ne m'a pas parlé de ce
3 problème, pas du tout, à l'occasion que vous mentionnez.
4 Q. Ni personne d'autre qui avait assisté à cette réunion, n'est-ce pas,
5 aucun de ces hommes ?
6 R. Non, aucun d'entre eux. J'avais mes propres filières par le biais
7 desquelles je fonctionnais. Les présidents de municipalités et d'autres
8 organes municipaux. J'ai parlé avec Krsta au sujet de ces activités qui se
9 sont déroulées tôt dans le temps.
10 Q. Très bien.
11 R. Ces mesures qui ont été prises assez tôt.
12 Q. Je vais vous demander maintenant de lire la partie la partie suivante
13 sous le nom de M. Minic. Je souhaite m'assurer que la traduction est exacte
14 car en anglais ce n'est pas clair.
15 R. "A Orahovac, nous devons résoudre la question de l'eau et de
16 l'électricité et faire revivre la vie civile, l'aide depuis Prizren partira
17 demain."
18 Q. Excusez-moi, c'est le paragraphe suivant.
19 R. "Le facteur militaire approche --" je n'arrive pas à lire le dernier
20 mot. Je ne suis pas sûr. Je ne sais pas si c'est un document officiel ou
21 pas, je n'arrive pas à le lire. Cela ne m'est pas tout à fait clair. Je ne
22 vois pas pourquoi je devrais faire un commentaire là-dessus --
23 Q. [aucune interprétation]
24 R. Je ne m'y oppose pas, mais je pense que c'est difficile -- bien
25 volontiers, mais visiblement, je ne peux pas car je ne dispose pas de
26 connaissances suffisantes --
27 Q. [aucune interprétation]
28 R. Ce commandement conjoint, si je ne me trompe, ce n'est pas un terme
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1 juridique ni prévu par la loi.
2 Q. Je vais vous arrêter là. Les Juges prendront cela en considération par
3 la suite. Mais l'exemplaire que vous avez devant vous est un exemplaire
4 dactylographié, est-ce exact, ou écrit à la main ?
5 R. Cela, d'après ce que je vois, ceci a été manuscrit ce que j'ai.
6 Q. J'examine mon exemplaire manuscrit. Est-ce que vous pouvez lire le
7 dernier mot, l'épeler, car apparemment, chez moi, on peut lire le mot o-s-
8 v-e, ensuite je ne sais plus si la lettre suivante et t ou j, "Osveju" ou
9 "osvetu," n'est-ce pas ? Je ne sais pas si on peut placer cela sur le
10 système électronique pour que les interprètes puissent jeter un œil.
11 R. Cela ne me paraît pas très logique. "Le facteur militaire s'approche."
12 Ce n'est pas très logique.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez la fin de la traduction.
14 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, je ne comprends pas en
15 quoi ce témoin est habilité à donner lecture de ce passage car il n'a
16 jamais vu ce texte. On lui demande de lire ce texte et il ne parvient pas à
17 lire certaines parties de ce texte, ensuite on essaie de le contraindre à
18 le faire.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, M. Hannis a dit
20 clairement que ce qu'il souhaitait vérifier c'est que ce texte était bien
21 traduit. Donc il demande au témoin de lire à haute voix le texte en serbe
22 pour que les interprètes puissent l'interpréter, car le texte que nous
23 avons sous les yeux dans son interprétation ne semble pas avoir beaucoup de
24 sens.
25 Alors, il n'y a aucun problème à agir de la sorte dans le contexte où
26 nous travaillons, contexte dans lequel ce genre de problème se pose de
27 temps en temps. Le témoin est prié de lire à haute voix en serbe de façon à
28 ce que la Chambre puisse entendre l'interprétation en anglais.
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1 M. HANNIS : [aucune interprétation]
2 M. FILA : [interprétation] Pourquoi est-ce que les interprètes ne peuvent
3 pas lire le texte en serbe ? Je ne comprends pourquoi les interprètes ne
4 pourraient pas le lire le texte en serbe. C'est cela que je voulais dire.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, c'est un problème qui se
6 pose de temps à autre. Il faut que quelqu'un lise à haute voix le texte en
7 serbe de façon à ce que la Chambre puisse savoir exactement quelle est
8 l'interprétation exacte des mots en question de façon à vérifier si dans la
9 traduction écrite il n'y a pas eu une erreur à un moment ou à un autre.
10 Monsieur Hannis, veuillez poursuivre.
11 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
12 Q. Avant la pause j'aurais quelques questions encore à vous poser. La
13 suivante concernant la page 8 de ce document dans la version que vous avez
14 sous les yeux. Est-ce que vous voyez le numéro en haut de la page K0228419
15 ? C'est le numéro que l'on voit en haut de la page, peut-être cela vous
16 aidera-t-il à la retrouver.
17 R. Oui, oui, j'ai trouvé la page.
18 Q. C'est la huitième page de la version en B/C/S et la neuvième page de la
19 version anglaise du système électronique. Ce texte date apparemment du 24
20 juillet. La première personne qui s'exprime est un certain M. Gajo qui,
21 d'après les éléments de preuve soumis à la Chambre jusqu'à présent, me
22 permet de vous indiquer qu'il s'agit probablement de M. Gajic. Sous le nom
23 de cet homme nous lisons ce qui suit, je cite : "Suite à Orahovac des
24 cambriolages incontrôlés de maisons albanaises ont commencé."
25 Est-ce que vous avez été au courant de cela ? Est-ce que le président de la
26 municipalité vous en a informé ?
27 R. Le président de la municipalité m'a dit qu'il pensait qu'il y avait eu
28 des cambriolages, des pillages, des vols là-bas, mais il ne m'a pas dit
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1 précisément qui aurait fait cela. Il a dit qu'il y avait là-bas des bandes
2 villageoises qui essayaient de mettre la main sur un certain nombre
3 d'objets, sur des biens appartenant à autrui, mais cela ne se passait pas à
4 grande échelle car les autorités s'efforçaient de freiner ce processus. Il
5 a dit que ce genre de choses arrivait mais il n'en a pas dit plus. Il a dit
6 que des gens tiraient profit du genre de situation qui existait à l'époque
7 pour agir de la sorte. Mais il a ajouté que des mesures étaient prises pour
8 mettre un terme à ce genre de procédé. Il a aussi dit bien entendu que des
9 poursuites judiciaires seraient engagées contre certaines personnes, et
10 pour autant que je le sache, par la suite c'est ce qui finalement a été
11 fait. Il arrivait que l'on fasse appel à un juge pour lancer des poursuites
12 contre certaines personnes et certains organismes.
13 Q. Je vous demanderais maintenant de passer à ce qui est écrit en rapport
14 avec le général Lukic dont le nom figure juste en dessous. C'est le
15 deuxième paragraphe du texte sous le nom du général Lukic --
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez un instant.
17 M. HANNIS : [interprétation] Je vois Me Zecevic debout.
18 M. ZECEVIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, page 32,
19 ligne 13, je crois que le témoin a dit que le tribunal correctionnel
20 pouvait agir rapidement.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce qui semble sensé. Merci, Monsieur
22 Hannis.
23 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie.
24 Q. Sous le nom du général Lukic, page 9 de la version anglaise, page 8 de
25 la version B/C/S dans le système électronique, au deuxième paragraphe nous
26 lisons, je cite : "Vingt-cinq membres du MUP ont été envoyés de Prizren à
27 Orahovac pour garantir le maintien de la paix et de l'ordre." Le président
28 de la municipalité vous a-t-il parlé de cela ?
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1 R. Non. Nous n'avons pas discuté de ce genre de détail.
2 Q. En dessous nous lisons, je cite : "Quinze, 16 cadavres siptars ont été
3 découverts et ils étaient calcinés." Vous en a-t-il parlé ?
4 R. Il m'a dit qu'il y avait eu des victimes. J'ajoute à présent à mon
5 commentaire qui est le suivant, à savoir, qu'envoyer des renforts sous
6 forme de forces de sécurité est tout à fait normal. Ce n'est pas ce qu'il
7 m'a dit. J'indique simplement que c'est le commentaire que je fais
8 aujourd'hui à ce sujet.
9 Q. Quand vous dites qu'il vous dit qu'il y avait des victimes, pourriez-
10 vous être plus précis ? Des victimes de quoi ? Des victimes tuées par qui,
11 avez-vous d'autres détails au sujet de ce qu'il vous a dit quant à ces
12 victimes ? Il ne parlait pas simplement de victimes de cambriolage.
13 R. Il parlait de victimes de façon générale. Je ne suis pas entré dans les
14 détails. Je sais que certaines personnes ont été tuées suite à ces
15 affrontements. Il m'a dit qu'un certain de personnes avaient été tuées ou
16 qu'elles ont été enterrées. Voilà.
17 Q. Avez-vous parlé de cela au premier ministre ?
18 R. Oui, oui. Bien sûr, mais globalement. J'ai simplement dit quelle était
19 la situation. J'ai dit ce qui s'était passé d'après ce que j'en savais,
20 même si j'ai toujours considéré qu'il y avait des entités responsables de
21 s'occuper de ce genre de choses, ce n'était pas une mission qui
22 m'incombait.
23 Q. Très bien. Vous pouvez mettre ce document de côté. Je ne vais plus m'en
24 occuper maintenant.
25 M. HANNIS : [interprétation] Je sais qu'il est un peu tôt, Monsieur le
26 Président, mais pour moi ce serait un moment opportun pour faire la pause.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
28 Monsieur Milosavljevic, il nous faut faire une pause de
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1 20 minutes maintenant. Je vous demanderais de bien vouloir quitter la salle
2 d'audience en compagnie de Mme l'Huissière.
3 [Le témoin quitte la barre]
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous reprendrons nos débats à 16
5 heures 05.
6 --- L'audience est suspendue à 15 heures 44.
7 --- L'audience est reprise à 16 heures 05.
8
9 [Le témoin vient à la barre]
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.
11 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
12 Q. Monsieur Milosavljevic, vous nous avez dit hier, lorsque
13 Me Fila vous a posé des questions au sujet des contacts avec des diplomates
14 étrangers et des représentants des organisations non gouvernementales, que
15 le premier ministre vous a donné des instructions de leur parler, et vous
16 avez commencé, en réalité, à rencontrer un certain nombre d'entre eux dès
17 la mi-juin 1998. Est-ce que vous pouvez nous dire brièvement quel était le
18 cours proposé, ou bien que vous a dit le premier ministre de faire ou de
19 dire lors de vos conversations avec ces individus, avec les diplomates
20 étrangers et les représentants des organisations non gouvernementales ?
21 R. Il est exact de dire que le premier ministre m'a appelé et m'a dit de
22 voir les diplomates étrangers, des ambassadeurs et des représentants des
23 organisations non gouvernementales et humanitaires et de leur parler. Il
24 m'a dit aussi de prêter attention à la manière dont je devais les informer
25 de mes propres activités avec, notamment l'aide humanitaire qui en faisait
26 partie, et de sécuriser les conditions pour le libre mouvement de l'aide
27 humanitaire et des diplomates, de même que les activités du gouvernement
28 qui allait prendre des mesures appropriées pour permettre le retour des
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1 personnes déplacées dans leurs foyers. Et ce qui était fait concrètement
2 parlant afin d'approvisionner la population en vivres, la manière dont on
3 le faisait, les activités concernant la réparation des maisons, la
4 fourniture des matériaux de construction de tout genre pour que ceci soit
5 fait, et d'autres informations que je connaissais.
6 Et par la suite, j'ai eu des consultations avec M. Sainovic dans le cadre
7 de ces conversations.
8 Q. Ai-je bien compris, si je dis que le travail de
9 M. Sainovic, sa première responsabilité, était de traiter des discussions
10 avec les diplomates étrangers au Kosovo ?
11 R. M. Sainovic est venu au Kosovo-Metohija début juillet, en tant que
12 vice-président du gouvernement fédéral chargé de la politique étrangère. Il
13 était en charge de la politique étrangère, donc sa tâche principale était
14 de coordonner et parler avec les représentants étrangers, avec les
15 diplomates, et cetera. Il l'a fait à un niveau élevé, avec M. Hill et
16 d'autres personnalités au Kosovo-Metohija. Par rapport à nous, il avait un
17 rôle de guide. Ceci s'appliquait non pas seulement à moi, car les
18 représentants diplomatiques voulaient non seulement parler avec moi mais
19 avec tous les autres, avec les chefs des districts, avec les présidents des
20 municipalités, et que sais-je. Les gens n'étaient parfois pas formés de
21 manière appropriée. C'était la première opportunité que nous avons eue
22 d'avoir de telles discussions, donc nous nous sommes adressés à lui pour
23 avoir de l'aide et des instructions lorsque c'était nécessaire.
24 Q. Les trois personnes du SPS qui avaient été envoyées au Kosovo en juin
25 1998, M. Minic, M. Matkovic et M. Andjelkovic, est-ce que vous savez s'ils
26 ont joué un rôle dans les discussions avec les diplomates étrangers et les
27 représentants des ONG ?
28 R. Pendant que j'y étais, ils n'ont pas eu de discussions avec les
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1 diplomates. Peut-être parfois des conversations isolées, car Zoran
2 Andjelkovic était ministre au sein du gouvernement de la République de
3 Serbie, chargé du sport. Donc parfois, peut-être, il a eu des discussions
4 politiques. De même que M. Minic. M. Matkovic s'intéressait plus aux
5 questions économiques, comme je l'ai déjà dit hier. C'était son travail.
6 Compte tenu de la situation économique très difficile, certaines
7 entreprises ne fonctionnaient pas du tout.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas ça la question. La
9 question est de savoir s'ils ont parlé avec des diplomates étrangers.
10 Apparemment - enfin, vous avez clairement indiqué maintenant que vous ne le
11 savez pas, donc passons à autre chose.
12 Monsieur Hannis.
13 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Q. Monsieur, dans une question qui vous a été posée au sujet de ces
15 discussions, Me Fila a dit qu'il y a eu de trois à quatre délégations par
16 jour, et je ne pense pas que vous avez répondu vraiment à cela. Combien de
17 ces personnes étaient vos interlocuteurs pendant la période que vous y avez
18 passée entre juin et fin
19 septembre 1998 ? Est-ce que vous avez une idée ? De l'ordre de 20 ou de 200
20 ? Combien de ce genre de discussions et de rencontres y a-t-il eu ?
21 R. Je ne peux pas le dire avec précision, mais il y avait des jours où il
22 y avait des discussions avec trois à quatre délégations, qu'il s'agisse des
23 diplomates, des organisations humanitaires ou des journalistes. Cependant,
24 au total, je dirais que le nombre de conversations que j'ai eues au cours
25 de ces trois mois - et d'ailleurs j'avais des notes assez précises à ce
26 sujet - je dirais qu'il y a eu au moins 50 contacts de ce genre. D'habitude
27 on ne travaillait pas le samedi et le dimanche. Donc ça, c'est le chiffre
28 minimum. Puis, il y en a plusieurs avec lesquels j'ai eu plusieurs
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1 conversations. Par exemple, les représentants de la Croix-Rouge, ou du HCR,
2 bien parfois je leur parlais plusieurs fois par jour car les problèmes le
3 nécessitaient.
4 Q. Vous avez dit que parmi les questions soulevées par vous auprès d'eux,
5 il était question des mesures qui étaient prises pour réparer les maisons
6 qui avaient été détruites ou endommagées. Est-ce que vous pouvez nous dire
7 ce qui a été fait en réalité à ce sujet ? Quelles mesures ont été prises
8 afin de réparer les maisons ?
9 R. Conformément aux demandes du gouvernement de la République de Serbie,
10 de toutes les municipalités qui étaient exposées à de tels dégâts, des
11 commissions ont été créées afin d'évaluer le niveau de dégâts et voir
12 quelle était la quantité du matériel nécessité, et ces commissions ont
13 effectué leur travail. Le gouvernement de la République de Serbie, par le
14 biais de la direction chargée du développement du Kosovo, a assuré le
15 matériel de construction nécessaire à plusieurs localités différentes, des
16 matériels tels que des briques, du ciment, des vitres et d'autres produits
17 de première nécessité. Tout ceci était stocké à Orahovac, Decani, Klina et
18 Djakovica. C'étaient les endroits où l'on trouvait un grand nombre de
19 matériel de construction de ce genre. Donc Klina, Decani, Orahovac, où
20 j'allais régulièrement. Je sais notamment que dans le village de Lade
21 [phon] il y avait des vitres. Les citoyens venaient chercher les vitres
22 pour réparer leurs fenêtres et des réparations moindres y étaient
23 effectuées sur place. L'on a commencé à construire certaines maisons à
24 Klina. A d'autres endroits à ce moment-là, il était difficile ou pas
25 possible de construire de nouvelles maisons au moins à ce moment-là, sauf à
26 Klina et peut-être certaines autres régions.
27 Q. Est-ce que vous avez des éléments de preuve concrets, des preuves
28 concrètes sous forme de photographie, par exemple, ou de documents qui
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1 montrent des maisons qui ont réellement été reconstruites ou réparées dans
2 le cadre de ce programme ? Est-ce que vous avez des archives au sujet de
3 cela que nous pourrions
4 consulter ?
5 R. Je suppose que ça existe. Je ne les ai pas, mais je sais qu'à Orahovac
6 et dans le village de Lade, j'y suis allé avec le représentant du HCR et, à
7 notre avis, certaines choses se déroulaient à ces deux endroits. Mis à part
8 nous, M. Arboledo du HCR y était avec nous et il est intervenu en disant
9 qu'il fallait obtenir plus de vitres. S'agissant d'Orahovac, il y a eu des
10 photographies. Il existe des photographies. Je le sais, car j'y suis allé
11 afin de voir ce qui a été fait. Et je sais que ceci a été fait. Je sais
12 qu'à Decani, il y a eu des difficultés à cet égard en raison d'un manque
13 d'intérêt, même s'il y avait une invitation ouverte et que le matériel de
14 construction était entassé au milieu de l'agglomération. A Klina, ces
15 activités étaient tout à fait satisfaisantes. Certaines maisons ont été
16 réparées là-bas, puis il y avait même un programme de construction de
17 nouvelles maisons. Mais la question était de savoir combien de matériel --
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez répondu à la question il y a
19 longtemps, Monsieur Milosavljevic. Si M. Hannis souhaite avoir des
20 informations supplémentaires, il le demandera.
21 Monsieur Hannis.
22 M. HANNIS : [interprétation] Merci.
23 Q. Est-ce que vous savez, est-ce que vous pouvez nous donner le nombre
24 approximatif de maisons qui ont été reconstruites, dix, 50, 100 ?
25 R. Je ne le sais pas.
26 Q. Merci. Dans l'une de vos réponses aux questions posées par Me Fila, il
27 a été question des personnes kidnappées enlevées par l'UCK --
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avez-vous terminé pour ce qui est de
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1 la question des maisons endommagées ?
2 M. HANNIS : [interprétation] Oui.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Car j'ai une ou deux questions à ce
4 sujet.
5 Vous avez dit, Monsieur Milosavljevic, que des maisons ont été endommagées
6 ou détruites, il s'agit des maisons dont il était question dans les deux,
7 trois dernières questions. A qui appartenaient ces maisons-là ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces maisons-là appartenaient à la fois aux
9 Albanais et aux Serbes. Il y a eu des maisons détruites et des maisons
10 endommagées des deux côtés.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Savez-vous de quelle manière les
12 maisons albanaises ont été endommagées ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme toutes les autres maisons, ces maisons-
14 là ont été endommagées dans les actions, à la fois terroristes et
15 antiterroristes. Peut-être il y a eu d'autres phénomènes. J'ai reçu une
16 information selon laquelle il y a eu des actes de représailles entreprises
17 par certains individus dans des villages car tout ceci se passait surtout
18 dans des villages. L'on détruisait ou endommageait des maisons, mais ceci
19 se passait dans des villages et non pas dans les villes. Les villes à ce
20 moment-là étaient les lieux les plus sûrs.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
22 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai maintenant une ou
23 deux questions de plus à ce sujet-là.
24 Q. Monsieur Milosavljevic, avez-vous jamais rencontré l'officier de presse
25 du Haut-commissariat pour les réfugiés des Nations Unies, qui s'appelle
26 Mons Nimberg ?
27 R. Je ne me souviens pas car ils étaient tellement nombreux. C'est tout à
28 fait possible, mais je ne peux pas le confirmer explicitement.
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1 Q. Il aurait dit au sujet du programme de construction des maisons et de
2 l'approvisionnement du matériel de construction, je cite : "Il n'y a pas de
3 preuve portant sur le programme qu'ils avaient annoncé. Je ne vois pas
4 comment le gouvernement aurait eu des ressources lui permettant de procéder
5 aux réparations nécessaires."
6 Est-ce que vous saviez que cette déclaration a été faite au sujet de votre
7 programme de réparation des maisons ? C'était dit en août 1998.
8 R. Non, je ne suis pas au courant.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez, Maître Fila.
10 M. FILA : [interprétation] Puis-je avoir une référence où cette déclaration
11 à ce que M. Hannis veut obtenir par là --
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suis sûr que M. Hannis peut vous le
13 fournir, mais compte tenu de la réponse à la question, il n'est pas
14 nécessaire de le faire immédiatement, donc on poursuivra.
15 M. HANNIS : [interprétation] Ceci est contenu dans la pièce à conviction
16 P2911. Je l'indique pour Me Fila.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
18 M. HANNIS : [interprétation] Très bien.
19 Q. Nous allons passer à autre chose. Vous avez mentionné le fait que vous
20 avez eu plusieurs réunions avec des familles et des cousins de personnes
21 qui avaient été kidnappées. Vous avez dit qu'il y avait 2 à 300 cas de ce
22 genre pendant que vous étiez au Kosovo entre juin et septembre 1998, je
23 suppose. Quelle était votre source d'information s'agissant de ce nombre de
24 2 à 300 ?
25 R. La source ce sont les rapports municipaux, rapports que je recevais
26 surtout en raison du fait que les cousins, la famille des personnes
27 enlevées me contactait pour me parler. Et lorsque je leur ai parlé dans nos
28 antennes j'ai pu obtenir ce chiffre-là. Je dirais que le nombre a été
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1 d'environ 300 ou peut-être plus de 300, ou plutôt ça pourrait être 229. Je
2 n'arrive pas à me rappeler le nombre tout comme tout à l'heure je
3 n'arrivais pas à me rappeler le nombre de municipalités, même si c'est tout
4 à fait clair et maintenant ça m'est clairement revenu. Donc lorsque j'ai
5 parlé avec ces parents, avec ces cousins, membres de famille, j'obtenais
6 ces données-là. Mais il y a eu aussi des données officielles dans les
7 municipalités, car il s'agissait de citoyens enregistrés. Vous savez, il
8 n'y avait pas que des citoyens d'appartenance ethnique serbe, mais aussi
9 des Albanais et des membres d'autres groupes ethniques, comme des Rom, et
10 ainsi de suite. Ceci a commencé dès le 12 mai lorsqu'un travailleur de
11 Bilacevac a été enlevé. Ensuite le 22 juin, ceci s'est poursuivi lorsque
12 huit personnes ont été enlevées, ensuite à Orahovac il y a eu 39 personnes
13 enlevées, ainsi de suite.
14 Q. Vous dites que c'étaient des rapports municipaux. Est-ce qu'ils
15 émanaient de la police ou du président ? D'où émanaient ces rapports ?
16 R. Je n'en recevais pas de la part de la police, mais de la part des
17 organes municipaux, parfois aussi des chefs de district, il s'agissait de
18 rapports collectifs. Et en raison de telles conversations, j'ai eu environ
19 10 à 12 conversations avec des membres de famille des personnes enlevées et
20 détenues.
21 Q. Vous avez mentionné la commission républicaine pour les réfugiés; qui
22 était à la tête de cette commission en 1998 ?
23 R. Le commissariat chargé des réfugiés avait Buba Morina à sa tête.
24 Q. Buba c'est un surnom ?
25 R. Non, il s'agit d'un prénom et d'un nom. Au moins c'est comme cela que
26 je l'appelais. Peut-être c'était un surnom, je ne connaissais personne en
27 tant que Buba.
28 Q. Très bien. Vous avez mentionné la manière dont la distribution de
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1 l'aide humanitaire était effectuée, vous nous avez dit qu'au niveau de la
2 République de Serbie des centres ont été établis, centres de distribution
3 des vivres à la population de Serbie. Est-ce que ces centres ont été
4 constitués à Belgrade ? Ai-je raison de dire cela ?
5 R. Je ne sais pas comment vous avez compris mes propos hier. J'ai dit que
6 le gouvernement de la République de Serbie a alloué certains fonds à cela,
7 d'ailleurs ceci est corroboré par des documents qui existent, et le
8 gouvernement a décidé que l'aide humanitaire sous forme de vivres, de
9 médicaments, de produits alimentaires, ainsi de suite, que ceci soit
10 distribué au Kosovo aux personnes déplacées, aux personnes qui rentrent, à
11 tous ceux qui en avaient besoin.
12 Mis à part l'aide humanitaire qui passait par la Croix-Rouge de
13 Yougoslavie, de Serbie, de la province, et de toutes les organisations
14 humanitaires de l'étranger qui fournissaient une aide importante, le
15 gouvernement de la République de Serbie a également créé des centres
16 d'approvisionnement de la population.
17 Parlant de ces centres, leur tâche était de fournir les produits
18 alimentaires --
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Milosavljevic, la question
20 était de savoir si le centre était à Belgrade; oui ou non ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Le siège central était dirigé à Belgrade.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais il travaillait à Pristina.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Si M. Hannis a besoin des
25 informations supplémentaires, il vous les demandera.
26 Monsieur Hannis.
27 M. HANNIS : [interprétation]
28 Q. Oui. J'essaie de clarifier cela. Ceci est là la page 14 285, et vous
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1 avez dit : "En parallèle avec ces centres de la république, un centre
2 provincial a été établi également." Donc je me demande si dans le centre
3 même, il y avait des personnes qui étaient dans le bureau ou dans des
4 entrepôts où étaient stockés les vivres et les éléments de l'aide
5 humanitaire, si c'était à Belgrade et si tout ceci attendait d'être
6 distribué au Kosovo, ou bien s'il s'agissait seulement du personnel
7 administratif dont vous avez parlé et qui était au siège ou dans le centre
8 à Belgrade ?
9 R. Le siège central à Belgrade avait pour tâche de distribuer tous les
10 biens nécessaires au Kosovo suivant les besoins. Il le faisait sur la base
11 des réserves de marchandises qui existaient en Serbie et en République
12 fédérale de Yougoslavie. Par exemple, l'essence de l'usine de diamant de
13 Vrbas et d'autres centres financiers, ensuite le sucre émanant de je ne
14 sais plus quelles entreprises devait être acheminé au Kosovo.
15 Lorsque le siège central a décidé au sujet de cette aide humanitaire elle
16 était débloquée. Il y avait une pénurie de certains produits, de certains
17 biens, et il fallait tout distribuer à toute la population. D'ailleurs il y
18 avait une base commerciale aussi, car il y avait un danger selon lequel
19 certains individus allaient créer des excédents et des réserves, ce qui
20 pouvait causer des problèmes là-bas, et c'est la raison pour laquelle une
21 inspection sévère a été établie afin de contrôler cela et de contrôler ces
22 centres de niveaux différents.
23 Q. Est-ce que vous savez qui étaient les personnes qui étaient en charge
24 de ces centres ? Nous parlons d'une personne, ou d'un groupe de dix ? Qui
25 les a nommées à ce poste ?
26 R. Le centre était constitué d'environ dix personnes, et le ministre de
27 l'Agriculture, M. Babovic, était à la tête du siège principal. Ces membres
28 étaient le ministre du Commerce interne,
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1 M. Viskovic, des gens des réserves de marchandises, et des ministères
2 différents. Ces centres ont été créés par le gouvernement de la République
3 de Serbie.
4 J'ai participé à ce travail. J'ai dit qu'une ou deux réunions ont été
5 tenues à Belgrade. Le reste était toujours à Pristina, de même que dans des
6 districts différents lorsque ceci était nécessaire. Je me souviens avoir eu
7 des réunions dans le district de Kosovska Mitrovica et Pec.
8 Q. Vous nous avez dit que l'aide humanitaire était distribuée gratuitement
9 ?
10 R. Oui.
11 Q. A la page 14 287, vous avez dit dans une réponse, je cite :
12 "L'Etat a pris les choses entre ses mains afin d'éviter des situations peu
13 claires qui se produisent parfois dans de tels contextes. Il y a des
14 compagnies qui sont en charge de cela et ces compagnies étaient surveillées
15 de près."
16 Monsieur, est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que parfois les
17 activités gérées par l'Etat peuvent être douteuses ou peu claires aussi ?
18 R. Non, je ne suis pas d'accord pour dire que ceci peut se passer lorsque
19 l'Etat est en charge de choses. Je pense que tout peut se faire
20 conformément à la loi et aux réglementations en vigueur. L'aide humanitaire
21 a été distribuée gratuitement aux personnes qui en avaient besoin. Dans une
22 phase supplémentaire, ultérieure, ceci se passait par le biais des centres
23 humanitaires et allait vers ceux qui en avaient le plus besoin. Comme je
24 l'ai déjà dit, il y avait 14 centres de ce genre.
25 Q. Monsieur, vous êtes une personne instruite. Vous êtes un jeune comme
26 moi, vous avez été actif à des niveaux différents du gouvernement et vous
27 êtes en train de me dire que les êtres humains qui travaillent dans la
28 structure de l'Etat ne sont pas aussi enclins à se lancer dans des
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1 activités douteuses que ceux qui travaillent dans d'autres structures ? Je
2 ne dis pas que ceci s'est forcément produit dans votre commission ou dans
3 votre situation, mais je parle simplement de cela en tant que principe
4 général, vous n'êtes pas au courant des instances de corruption ou de
5 fraude au sein de votre gouvernement au cours des 20 dernières années ?
6 R. Pas seulement pendant les 20 dernières années, puis d'ailleurs vous
7 savez tout est possible parmi les êtres humains. Que voulez-vous que je
8 dise ? Je ne sais pas s'il y a eu des choses douteuses qui se sont passées,
9 mais d'après mes connaissances la réponse serait négative.
10 Q. Très bien. Je vous pose en ce moment juste une question au sujet du
11 principe général.
12 Qui a décidé qui recevait l'aide ? Est-ce qu'il y avait suffisamment --
13 plus que suffisamment d'aide humanitaire pour tous ceux qui en avaient
14 besoin, ou bien est-ce qu'il était nécessaire parfois de faire des choix
15 entre ceux qui recevaient l'aide ?
16 R. Bien sûr, il était nécessaire d'établir les priorités, mais l'on
17 essayait de fournir l'aide à tous ceux qui en avaient besoin. Quant aux
18 montants, aux niveaux de l'aide, ceci était dicté par les besoins de ceux
19 qui étaient sur le terrain.
20 Je peux dire que l'aide fournie par des organisations humanitaires était
21 extraordinaire, vraiment excellente.
22 Q. Très bien. Je souhaite vous poser une question au sujet de vos contacts
23 avec des diplomates étrangers.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Où en sommes-nous s'agissant de votre
25 contre-interrogatoire en général, Monsieur
26 Hannis ?
27 M. HANNIS : [interprétation] Mon substitut d'audience vient de me dire que
28 je vais bientôt toucher à la fin du temps qui m'a été alloué conformément
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1 au temps utilisé par Me Fila. Mais il me faudra probablement encore une
2 demi-heure.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous n'avons pas l'intention de vous
6 arrêter, de vous interrompre, Monsieur Hannis, mais nous avons une
7 impression assez forte que cet exercice n'a pas été aussi efficace
8 qu'habituellement. Nous apprécierons si vous arrivez à vous concentrer plus
9 sur les aspects qui nous concernent plus directement.
10 M. HANNIS : [interprétation] Je vais le faire, Monsieur. Merci, Monsieur le
11 Président.
12 Q. Monsieur Milosavljevic, Me Fila vous a demandé hier à la page 14 289 :
13 "Qu'en est-il de ces diplomates étrangers. Lorsqu'ils venaient vous
14 parler, est-ce qu'ils vous ont jamais parlé de préoccupations qu'ils
15 avaient éventuellement au sujet des crimes éventuels au
16 Kosovo ?"
17 Vous avez répondu à la ligne 2 [comme interprété] :
18 "Il est exact que ces problèmes, les problèmes de pillage, de tous les
19 côtés ont été mentionnés. Ceci s'est déroulé à travers le Kosovo-Metohija,
20 ceci était l'une des préoccupations qu'ils ont soulignées."
21 Vous avez mentionné aussi qu'ils parlaient du pillage, des menaces et des
22 incidents. N'étaient-ils pas préoccupés par des questions plus sérieuses,
23 plus graves, telles que celles liées aux personnes déplacées, aux femmes et
24 aux enfants dans les forêts, aux meurtres effectués par des membres de
25 forces de sécurité serbes ? N'est-il pas vrai qu'ils parlaient avec vous de
26 cela plutôt que des pillages ?
27 R. Les diplomates étrangers s'intéressaient effectivement notamment au
28 retour des personnes déplacées dans leurs foyers. Ils exigeaient que l'on
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1 prenne des mesures appropriées dans ce sens, ceci a effectivement été
2 effectué, non pas seulement suite à l'appel lancé par le gouvernement, mais
3 au niveau local on faisait appel aux gens pour qu'ils reviennent. Je pense
4 qu'au total les résultats étaient tout à fait bons. Bien sûr, plusieurs
5 autres aspects les intéressaient aussi, surtout pour qu'ils obtiennent des
6 informations si je pouvais répondre à leurs questions. Il y avait des
7 questions qui étaient posées et qui concernaient ces problèmes-là, puis il
8 y avait d'autres questions aussi qui concernaient d'autres aspects.
9 Il y avait moins de questions du domaine de la sécurité. Car ils
10 savaient que je n'étais pas compétent dans ce domaine-là. Bien sûr qu'ils
11 disaient qu'il fallait arrêter les actions, l'appel était lancé dans les
12 deux directions, car je leur disais qu'il ne suffisait pas qu'une partie
13 arrête les actions, mais que l'autre partie devait les arrêter aussi. Ils
14 étaient, bien sûr, d'accord. Ils exprimaient leurs préoccupations par
15 rapport à l'ensemble de la situation. Ils étaient différents, il y avait
16 des représentants de niveaux différents.
17 Je me souviens de la demande de M. Satak [phon], qui était l'adjoint
18 du ministre des Affaires étrangères des Etats-Unis, ou bien l'adjoint
19 russe, eux ils posaient des questions. Alors que les organisations
20 humanitaires s'intéressaient seulement à la manière dont ils pouvaient
21 aider, dont ils pouvaient traiter, des personnes déplacées, ainsi de suite.
22 Nous aussi nous avons soulevé cette question, les questions des personnes
23 enlevées et détenues. Ils souhaitaient tous savoir comment le tout
24 fonctionnait et ce que l'Etat faisait sur ce plan-là. Je les informais à ce
25 sujet-là.
26 Q. Je comprends que la sécurité ne vous concernait pas directement, mais
27 les diplomates étrangers qui vous ont parlé, y compris l'ambassadeur
28 Petritsch et les autres, même si vous vous étiez en charge de l'aide
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1 humanitaire des personnes déplacées, ils ont exprimé leur préoccupation au
2 sujet de l'emploi disproportionné de la force de la part de la police et de
3 l'armée serbe, n'est-ce pas le cas ? N'ont-ils pas parlé de cela avec vous
4 ? N'ont-ils pas exprimé ce genre de grief ?
5 R. Il y a eu aussi ce genre de reproches, qu'ils appelaient l'emploi de
6 force exagéré. Je ne comprenais pas tout à fait ce terme, mais on me l'a
7 clarifié.
8 Q. Merci. Est-ce que vous vous souvenez avoir reçu une visite du
9 représentant spécial du secrétaire général de l'ONU chargé des enfants en
10 situation de conflit armé entre le 10 et le
11 12 septembre 1998 ? La personne s'appelait Olara Otunnu. Elle a dit qu'elle
12 vous a rencontré vous parmi d'autres personnes. Est-ce que vous vous en
13 souvenez ?
14 R. Oui, je m'en souviens. Oui, c'était au début septembre. Je ne me
15 souviens pas de tous les détails, mais je me souviens qu'elle était chargée
16 des droits des enfants, qu'il y a eu des discussions portant sur ce sujet-
17 là.
18 Q. J'aimerais maintenant que nous parlions du document 2905.
19 Malheureusement, je ne dispose que de la version anglaise. Je donnerai
20 lecture de quelques paragraphes de ce rapport. Dans le rapport de cette
21 femme, elle indique, je cite :
22 "Aujourd'hui, on estime que quelque 300 000 personnes ont été déplacées en
23 raison des combats au Kosovo. Plus de 60 % de ces personnes sont des
24 enfants et plus de 20 % environ des femmes. Près de 50 000 des personnes
25 déplacées sont bloquées à l'air libre dans les montagnes et dans les
26 forêts."
27 Est-ce que vous saviez que la représentante spéciale des Nations Unies a
28 fait rapport en indiquant ce genre de chose en septembre 1998 ?
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1 R. Non. Je n'ai pas eu connaissance de ces chiffres particuliers. Je sais
2 que des entretiens ont eu lieu et que l'inquiétude à ce sujet a été
3 exprimée avec indication d'une nécessité de surveillance dans ce domaine.
4 Les chiffres relatifs aux personnes déplacées étaient très élevés, à un
5 certain moment, 300 000 personnes, je ne sais pas. Je ne pense pas qu'il y
6 en ait eu autant. En général, les estimations portaient sur des chiffres
7 allant de
8 200 000 à 230 000 personnes. Tout dépendait de la source, de l'origine de
9 ces chiffres précis.
10 Je peux vous dire que j'avais une idée assez réaliste de toutes les
11 situations de ce genre. Nous avions notre propre méthode pour traiter de
12 ces questions. Nous connaissions le nombre des habitants dans chaque
13 village. Les gens sur le terrain pouvaient nous dire combien de personnes
14 avaient quitté ces villages. C'est de cette façon que nous établissions nos
15 chiffres. Mais --
16 Q. Vous avez répondu à ma question. Je me permets de vous interrompre car
17 je vais bientôt manquer de temps. Passons maintenant à Pristina. J'aimerais
18 que nous nous penchions sur la pièce P615, page 31, à l'écran. Pourriez-
19 vous nous dire où vous résidiez lorsque vous étiez à Pristina ? Je crois me
20 rappeler qu'hier, vous nous avez dit que vous résidiez dans le bâtiment qui
21 servait de siège au corps d'armée. Savez-vous où se trouvait ce bâtiment à
22 Pristina ? J'aimerais que l'on nous affiche le plan de la ville de façon à
23 ce que vous puissiez indiquer cet endroit à l'aide du pointeur sur l'écran.
24 Si tout va bien, le plan va s'afficher sur les écrans dans un instant.
25 R. Je crains de ne pas bien avoir compris votre question. Où est-ce que je
26 travaillais, ou bien où est-ce que je dormais ? C'est cela que vous me
27 demandez ?
28 Q. Les deux.
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1 R. Très bien. Je peux répondre à votre question. Je ne suis pas sûr qu'un
2 plan existe, mais le bâtiment dans lequel je travaillais était un bâtiment
3 appartenant aux autorités de la province, et --
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Milosavljevic, il devrait y
5 avoir un plan sur l'écran devant vous à présent. Vous pourrez l'annoter
6 dans un instant. Mme l'Huissière va vous aider à cette fin.
7 M. HANNIS : [interprétation]
8 Q. Je sais que tout cela s'est passé il y a pas mal de temps, Monsieur. Je
9 ne sais pas si vous parviendrez à vous en souvenir.
10 R. Bien sûr, je m'en souviens, mais ce bâtiment ne semble pas être sur
11 l'écran en ce moment. Je dois d'abord m'orienter un petit peu. C'est sur la
12 droite, mais la rue exacte --
13 Q. S'agissant de points de référence, je sais que le numéro 93 représente
14 l'hôtel Grand. Je ne sais pas si cela vous aidera à vous orienter dans ce
15 plan de Pristina.
16 R. 93.
17 Q. Le numéro 93.
18 R. Par là. Je sais que les bâtiments où travaillaient les autorités de la
19 province se trouvaient ici au niveau du numéro 40 à 46. Dans ce secteur-là.
20 Ensuite, on emprunte la rue qui passe devant l'hôtel Grand.
21 Q. [aucune interprétation]
22 R. Le siège du corps d'armée était à droite à partir de l'hôtel Grand.
23 Vous avez dit que c'était le numéro 93, n'est-ce pas ?
24 Q. Oui. Je vous demanderais de tracer un cercle autour de l'endroit
25 approximatif où se trouvait votre bureau, je vous prie. A l'aide du stylet.
26 R. Je peux décrire tout cela en mots, mais là, ce que je vois sur l'écran,
27 c'est le plan de Pristina. Vous avez dit 93. Je pourrais déterminer
28 l'environnement assez large, si cela vous convient.
Page 14374
1 Q. Cela ira.
2 R. Le siège du corps d'armée, il était à peu près ici, mon bureau à peu
3 près ici.
4 Q. Je vous demanderais d'inscrire le numéro 1 dans le premier cercle que
5 vous avez tracé, c'est-à-dire l'endroit où se trouvait votre bureau
6 approvisionnement, et d'inscrire le chiffre 2 dans le cercle qui représente
7 approximativement le siège du corps d'armée.
8 R. [Le témoin s'exécute]
9 Q. Je vous demanderais maintenant où était le siège du MUP à peu près ?
10 R. Il était sur la droite, à partir du siège du corps d'armée, cela
11 devrait se trouver à peu près ici.
12 Q. Veuillez inscrire le chiffre 3 dans ce nouveau cercle, je vous prie.
13 R. [Le témoin s'exécute]
14 Q. Enfin, je vous demanderais d'indiquer l'endroit où se trouvaient M.
15 Minic, M. Andjelkovic et M. Matkovic pendant le temps qu'ils ont passé à
16 Pristina. Etait-ce dans un lieu différent ?
17 R. Ils se trouvaient dans le bâtiment du SPS. Je pense que c'était ici,
18 dans cette direction.
19 Q. Pourriez-vous inscrire le chiffre 4 dans ce nouveau cercle que vous
20 avez tracé ?
21 R. [Le témoin s'exécute]
22 Q. Merci, Monsieur.
23 R. Tout cela n'est que très approximatif.
24 Q. Je vous comprends.
25 R. J'essaie de déterminer tous ces endroits par rapport à la vue générale
26 de la ville.
27 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je demande qu'un numéro
28 en IC soit octroyé à ce plan annoté. Je vous remercie.
Page 14375
1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce IC138, Monsieur le
2 Président.
3 M. HANNIS : [interprétation]
4 Q. Vous avez dit que ces protestations que vous faisaient connaître les
5 diplomates étrangers ont été transmises par vous au premier ministre, même
6 si finalement cela concernait un domaine qui ne relevait pas de votre
7 responsabilité. Vous avez dit que
8 M. Marjanovic vous avait répondu que vous devriez accorder votre attention
9 au travail dont vous étiez responsable. A-t-il fait quelque chose suite à
10 la transmission par vous de ces renseignements au sujet des protestations
11 émises par la communauté internationale, si vous êtes au courant ?
12 R. Je ne lui ai rien demandé et il ne m'a rien dit. Il m'a dit
13 qu'objectivement, même si j'avais voulu accomplir ce travail, je n'aurais
14 pas pu le faire, car c'était un travail très important. J'avais mon propre
15 travail auquel je consacrais beaucoup de temps. Je circulais un peu partout
16 dans la région et je revenais toujours en voiture à Pristina dans la
17 soirée. Je n'avais aucune escorte, personne ne s'occupait de ma sécurité,
18 même si j'aurais pu bénéficier d'une escorte. Pour ma part, je me sentais
19 plus en sécurité si je circulais dans la région sans escorte. En général,
20 j'étais accompagné d'un chauffeur et de deux autres personnes.
21 Q. Très bien. Vous nous avez dit avoir vu M. Sainovic pendant votre séjour
22 au Kosovo en 1998, et Me Fila vous a demandé si vous saviez quelles étaient
23 les fonctions de M. Sainovic lorsqu'il se trouvait là. Page 14 305 du
24 compte rendu d'audience, vous répondez, je cite :
25 "Il me l'a dit lui-même, et je l'ai également appris de la bouche du
26 premier ministre. Il était responsable de la politique étrangère,
27 d'entretiens avec les représentants diplomatiques étrangers ainsi que de la
28 coordination et de ce genre de chose."
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1 Avez-vous dit à M. Sainovic ce que les représentants internationaux
2 vous disaient lorsque vous vous entreteniez avec eux ?
3 R. Je rencontrais M. Sainovic de temps en temps, et je l'informais du
4 travail que j'accomplissais. De façon informelle, je lui parlais de toutes
5 sortes d'autres choses également, d'autres renseignements qui pouvaient me
6 parvenir. Il est donc vraisemblable que je lui aie parlé de cela également.
7 Q. D'accord. Vous avez déclaré que vous lui aviez demandé son aide sur un
8 certain nombre de questions. Ceci figure en page 14 306 du compte rendu
9 d'audience. Quelles étaient ces questions pour lesquelles vous avez demandé
10 l'aide de M. Sainovic ?
11 R. Tout simplement, comme je n'avais guère d'expérience des entretiens
12 avec des diplomates étrangers, je lui ai demandé quels pouvaient être les
13 sujets abordés au cours de tels entretiens et comment se conduisaient de
14 tels entretiens. En effet, je n'ai jamais été formé à ce genre de chose. Je
15 n'avais eu dans la période antérieure que deux ou trois contacts de ce
16 genre. Il m'a simplement dit que lorsqu'on rencontre un diplomate étranger,
17 on l'informe du travail que l'on accomplit et des résultats que l'on
18 obtient dans le cadre de ce travail. Il m'a dit que je pouvais leur dire
19 quel était selon moi le résultat de ce travail, en m'indiquant également
20 qu'il fallait faire preuve d'un esprit très sérieux et détaillé dans le
21 cadre de tels entretiens, de façon générale.
22 Q. Vous nous avez dit que vous n'aviez pas entendu parler d'un organe
23 connu sous le nom de commandement conjoint auparavant, si j'ai bien
24 compris, mais que vous avez lu certaines choses à ce sujet dans la presse
25 après le début du procès Milosevic; c'est bien cela ?
26 R. C'est exact. Je n'ai jamais entendu prononcer ces termes avant.
27 Q. Vous est-il arrivé d'interroger M. Sainovic au sujet de l'existence
28 d'un commandement conjoint après que vous en ayez entendu parler ?
Page 14377
1 R. Je n'en avais jamais entendu parler, comme je l'ai déjà dit, donc je ne
2 l'ai jamais interrogé à ce sujet. Non, non, même pas après. Vous me
3 demandez si une fois que j'en ai entendu parler de ce commandement
4 conjoint, je l'ai interrogé à ce sujet. Non, je ne l'ai pas fait. Nous ne
5 nous sommes d'ailleurs pas rencontrés à ce moment-là; mais si nous nous
6 étions rencontrés, j'aurais peut-être soulevé cette question avec lui, mais
7 dans cette période, nous ne nous sommes pas rencontrés souvent.
8 Q. A quelle date avez-vous discuté avec lui pour la dernière fois ?
9 R. Avec M. Sainovic ?
10 Q. Oui.
11 R. Je ne saurais vous dire quand cela s'est passé exactement, mais je
12 crois que cela s'est passé avant le procès de M. Milosevic.
13 Q. Très bien.]
14 M. FILA : [interprétation] Ce n'est pas une objection, Monsieur le
15 Président, mais j'aimerais savoir combien de temps le Procureur a utilisé
16 dans son interrogatoire, afin de déterminer si j'aurai encore un certain
17 temps à ma disposition aujourd'hui.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela dépendra du temps qu'il vous sera
19 nécessaire pour les questions supplémentaires, mais ce qui était prévu,
20 c'est que vous disposiez de toute la dernière partie de l'audience, ce qui
21 pourrait être un peu plus long que normalement. Si vous vous rasseyez
22 maintenant immédiatement, ce temps sera encore prolongé un petit peu.
23 M. FILA : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. Merci.
24 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie.
25 Q. Monsieur Milosavljevic, vous n'avez pas entendu parler de commandement
26 conjoint, mais je vous demande si vous saviez que
27 M. Sainovic rencontrait fréquemment MM. Minic, Andjelkovic et Metkovic
28 durant ses séjours au Kosovo au cours de l'été 1998 ? Est-ce que vous le
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1 saviez ?
2 R. C'est vrai, je le savais. Effectivement.
3 Q. Il y a peut-être un problème d'interprétation ici, car je lis au compte
4 rendu d'audience que vous rencontriez MM. Andjelkovic, Metkovic et Minic.
5 Vous les avez rencontrés personnellement ?
6 R. Moi aussi je les ai rencontrés personnellement. On discutait ensemble,
7 en se disant les uns, les autres où on en était, ce qu'on avait fait. M.
8 Andjelkovic parlait pas mal aux gens de questions précises et me donnait
9 des informations qui pouvaient m'être utiles dans mon travail. M. Minic
10 passait le gros de son temps dans les locaux du parti --
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, si vous ne maîtrisez
12 pas la situation, il faudra vraiment que la Chambre y mette un terme.
13 M. HANNIS : [interprétation] D'accord. Très bien.
14 Q. Monsieur Milosavljevic, je me permets de vous interrompre à ce stade.
15 Ce que je vous demandais dans ma question, c'est si saviez que M. Sainovic
16 rencontrait ces trois hommes; oui ou non ?
17 R. Oui.
18 Q. Saviez-vous qu'en dehors de ces trois hommes, il rencontrait également
19 le général Pavkovic et le général Lukic ?
20 R. De temps en temps, je les ai rencontrés. Peut-être deux ou trois fois.
21 Q. Ce n'est pas ce que je vous demandais. Je vous demandais si vous saviez
22 que M. Sainovic, en dehors de ses rencontres avec
23 M. Andjelkovic, M. Minic et M. Metkovic, rencontrait également les généraux
24 Pavkovic et Lukic ? Saviez-vous qu'il rencontrait ces deux généraux en même
25 temps ?
26 R. Je l'ai dit. Je les ai rencontrés deux ou trois fois.
27 Q. Non.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila ?
Page 14379
1 M. FILA : [interprétation] Deux questions ont été posées au témoin, et le
2 témoin vient de répondre à la moitié de la deuxième question de M. Hannis.
3 La dernière question posée par M. Hannis était différente de la première.
4 Elle se divisait en fait en deux questions. Si je ne me retenais pas, je
5 dirais que ceci ressemble pas mal à une tentative d'influencer le témoin.
6 Est-ce que la question pourrait être répétée à l'intention du témoin ? En
7 dehors de cela, il n'y a pas de problème. Que chaque question soit posée
8 séparément.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne vois pas vraiment où est le
10 problème, mais M. Hannis, vous pourriez peut-être répéter votre question
11 pour le témoin.
12 M. HANNIS : [interprétation] Certainement.
13 Q. Monsieur Milosavljevic, ma première question est la suivante : saviez-
14 vous que M. Sailovic, en dehors de ses rencontres avec MM. Minic, Matkovic
15 et Andjelkovic, rencontrait également les généraux Lukic et Pavkovic ? Le
16 saviez-vous ?
17 R. Je n'étais pas au courant de cela.
18 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas d'autres
19 questions pour ce témoin. Je vous remercie.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître Hannis.
21 M. FILA : [interprétation] C'est un conseil très sage auquel je vais me
22 plier. Je n'ai pas non plus de questions pour le témoin. J'aurais quelques
23 mots à dire à M. Hannis. Ce document qui a été annoté par le témoin n'a
24 guère d'utilité, à moins qu'il ne signifie quelque chose de particulier
25 pour M. Hannis. Je n'ai pas d'objection à ce que l'annotation soit refaite
26 par le témoin, vous savez ce que je veux dire, le plan qui a été annoté il
27 y a quelques instants. Mais en dehors de cela, j'en ai terminé.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous le souhaitez, vous pouvez
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1 vous-même demander des précisions au témoin, mais c'est à vous
2 qu'appartient la décision.
3 M. FILA : [interprétation] Quel est le problème ? Le problème, c'est que
4 l'exemplaire de ce plan est de mauvaise qualité. On voit très mal les
5 chiffres qui sont très peu lisibles. Or, chacun des bâtiments que M. Hannis
6 a demandé au témoin de situer sur le plan correspondait à un numéro.
7 Regardez, par exemple, le cercle dans lequel le témoin a inscrit le chiffre
8 1, vous verrez que le témoin a suivi les indications qui lui étaient
9 données quant à la présence à ce niveau sur le plan du numéro 93, 77, 70,
10 et cetera. Mais ceci ne correspond pas aux emplacements indiqués par le
11 témoin, donc c'est un avertissement que je donne à la Chambre.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas très bien compris ce plan. A mon
13 avis, il n'était pas complet et très peu lisible, car je suis assis assez
14 loin de l'écran, j'avais du mal à le lire.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, Monsieur Hannis, vous
16 verrez ce que vous voudrez faire, mais la Chambre dispose des annotations
17 faites par le témoin sur ce plan. Si vous voulez utiliser ce plan dans vos
18 réquisitions et plaidoiries, cela vous donnera du blé à moudre, mais si
19 vous voulez une amélioration des annotations, vous ne pouvez le faire,
20 Maître Fila, qu'en posant des questions supplémentaires au témoin. Cela
21 dit, si vous ne le voulez pas, c'est à vous de décider, Maître Fila.
22 M. FILA : [interprétation] Je n'ai pas le plan. On ne peut plus le faire en
23 utilisant le plan qui était affiché à l'écran. On a besoin d'une version
24 vierge du plan et sur papier pour que le témoin puisse lire ce plan
25 correctement. Ce qu'on voit à l'écran est illisible. C'est un homme d'un
26 certain âge et il ne voit pas très bien. Je ne vois pas comment je peux
27 améliorer la situation.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Regardez le plan qui est affiché à
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1 l'écran et dites-moi ce que vous pensez que le témoin ne voit pas bien.
2 M. FILA : [interprétation] Moi aussi j'ai du mal à lire ce plan à l'écran.
3 Je suis aussi un homme âgé. Comme j'aimerais rapidement entendre mon témoin
4 suivant, je préfère penser que M. Hannis a raison plutôt que de continuer à
5 poser des problèmes à ce sujet.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, si vous connaissez l'emplacement
7 des bâtiments dont la localisation a été demandée au témoin par
8 l'Accusation, vous aurez d'autres témoins à interroger et à qui vous
9 pourrez demander d'apporter des précisions par rapport à l'emplacement de
10 ces bâtiments, et avec les deux éléments de preuve qui résulteront de
11 toutes ces questions, vous aurez la réponse appropriée.
12 M. FILA : [interprétation] Je suis d'accord, Monsieur le Président, mais en
13 tout cas le plan qui a été montré au témoin comporte des numéros qui sont
14 difficiles à utiliser.
15 Je vous remercie. Excusez-moi de cette interruption.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
17 Monsieur Milosavljevic, ceci met un terme à votre déposition. Merci d'être
18 venu au Tribunal pour témoigner. Vous pouvez maintenant vous retirer.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
20 [Le témoin se retire]
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila.
22 M. FILA : [interprétation] Veljko Odalovic, Monsieur le Président, sera
23 notre témoin suivant.
24 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Odalovic.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez prononcer la déclaration
28 solennelle en lisant le texte qui vous sera remis.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
2 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
3 LE TÉMOIN: VELJKO ODALOVIC [Assermenté]
4 [Le témoin répond par l'interprète]
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie. C'est
6 Me Fila au nom de M. Sainovic qui va vous poser des questions maintenant.
7 M. FILA : [interprétation] Merci.
8 Contre-interrogatoire par M. Fila :
9 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Odalovic. Pour commencer, est-ce que
10 vous pouvez vous présenter, dites-nous où vous êtes né, et quelle est votre
11 profession ?
12 R. Je suis Veljko Odalovic. Je suis né en Kosovo-Metohija, à Velo,
13 municipalité de Lipjan, le 26 août 1956. Je suis juriste diplômé.
14 Q. Un instant, s'il vous plaît. Quel a été votre parcours professionnel et
15 quelles sont les fonctions que vous avez exercées à partir de 1992 ?
16 R. J'ai commencé à travailler à Kosovo Polje. J'ai travaillé dans
17 différentes organisations de sport. Plus tard, lorsque la municipalité de
18 Kosovo Polje a été créée, j'ai été chef de la commission chargée du retour
19 des personnes déplacées, des réfugiés. Et après, lorsque des districts ont
20 été créés en République de Serbie, je suis devenu assistant chargé
21 d'affaires dans le domaine juridique. J'ai été adjoint du chef d'un
22 district, et finalement, je suis devenu le chef du district de Kosovo.
23 Q. Vous avez été élu député à l'assemblée de la République fédérale de
24 Yougoslavie ? Vous voyez le texte défiler à l'écran et lorsqu'il s'arrête,
25 je vais vous inviter à commencer à parler à ce moment-là.
26 R. Lors des élections législatives de l'an 2000, j'ai été élu député à
27 l'assemblée de l'époque de la République fédérale de Yougoslavie, c'était
28 la Chambre des citoyens.
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1 Q. A partir de l'an 2004, est-ce que vous vous êtes trouvé à la tête de
2 différents organes parlementaires ?
3 R. En 2004, sur une initiative prise par un groupe de députés et soutenue
4 par le parlement, un conseil a été créé afin de d'établir la vérité sur les
5 personnes disparues au Kosovo-Metohija. Je me suis trouvé à la tête de ce
6 conseil, ou plutôt ce sous-comité, sous-comité chargé d'enquête.
7 Q. Quelles sont les organisations et les instances avec lesquelles vous
8 avez coopéré dans le cadre de cette mission ?
9 R. Vu que jusqu'à ce moment-là personne ne s'était attelé à la tâche et
10 qu'il y avait pratiquement un consensus entre les différents partis
11 politiques représentés au parlement de la RFIY de l'époque, nous avons
12 décidé de lancer une campagne assez étendue, de nous adresser à un nombre
13 maximum d'individus et d'instances pour nous accorder des entretiens afin
14 que l'on puisse recueillir un maximum d'informations, et revenir au
15 parlement pour lui soumettre un rapport. Normalement, ça devait être le
16 premier document soumis à l'opinion qui parlait, qui allait parler des
17 victimes, indépendamment de leur appartenance, donc toutes les victimes des
18 événements au Kosovo-Metohija depuis le début de l'année 1998.
19 Q. Je voulais savoir quels sont les noms des institutions avec lesquelles
20 vous avez coopéré.
21 R. S'agissant des institutions auxquelles nous nous sommes adressés, je
22 dois dire que nous nous sommes adressés aux ONG, au fonds chargé du droit
23 humanitaire, au comité d'Helsinki, des représentants des organes d'Etat,
24 des représentants du MUP, de l'armée, le comité international de la Croix-
25 Rouge, le bureau de la MINUK à Belgrade, la Croix-Rouge de Serbie. Nous
26 avons essayé d'agir par l'entremise de la MINUK. Nous avons essayé de nous
27 mettre en contact avec des représentants du côté albanais, donc les
28 représentants de l'association qui recherchait des personnes disparues, on
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1 voulait donc recueillir un maximum d'informations, de données fiables.
2 Q. Quelles sont les fonctions que vous exercez aujourd'hui ?
3 R. Je suis à la tête d'une commission du gouvernement de la République de
4 Serbie chargée des personnes disparues. Je ne suis pas rémunéré pour cela.
5 Il s'agit de personnes portées disparues du territoire de l'ex-Yougoslavie,
6 Croatie, Bosnie-Herzégovine, Serbie et Kosovo-Metohija.
7 Q. Est-ce qu'il y a un nom à cette commission ?
8 R. C'est une Commission chargée des personnes portées disparues,
9 commission du gouvernement de la République de Serbie.
10 Q. Est-ce que d'une autre manière, vous travaillerez sur des questions qui
11 ont à voir avec les personnes disparues ?
12 R. Une initiative a été lancée dans le cadre de ce groupe que j'avais
13 mentionné, ce comité que j'avais mentionné, afin de relancer le dialogue
14 Belgrade-Pristina, dialogue commencé à Vienne en 2003, avec Covic Hekrup.
15 Je suis à la tête donc de la délégation serbe. Pristina a sa délégation
16 avec M. Bajazit Nushi à sa tête, il était aussi chef du bureau chargé des
17 droits de l'homme, et c'est
18 M. François Stamm, représentant du CICR, qui travaille avec nous.
19 Q. Donc vous vous rendez encore au Kosovo-Metohija ?
20 R. Oui, je m'y rends régulièrement. Il y a à peine deux mois, nous avons
21 eu une réunion de notre groupe de travail à Pristina, et ces jours-ci, il
22 va y avoir à Belgrade une réunion analogue. Donc indépendamment de ces
23 groupes de travail, je m'y rends également, puisque j'ai de la famille là-
24 bas, pas mal d'amis. D'ailleurs, j'ai encore la sensation d'être chez moi
25 quand j'y suis.
26 Q. Est-ce que vous êtes toujours en contact avec des connaissances, des
27 collaborateurs qui vivent là-bas et qui sont Albanais ?
28 R. Oui, j'ai des contacts réguliers avec eux. Je les vois aussi quand ils
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1 viennent à Belgrade, sans parler de nos contacts par téléphone. Quand on
2 est amis avec quelqu'un, ça dure.
3 Q. Pour quelle raison est-ce que vous avez voulu travailler dans le
4 domaine des personnes tuées et portées disparues ?
5 R. Je pensais que c'était une mission très sérieuse. Il s'agit d'un
6 engagement avant tout humanitaire, car la question des personnes portées
7 disparues est certainement l'une des questions qui mérite beaucoup plus
8 d'attention dans l'ex-Yougoslavie qu'elle n'en a, et j'espère pouvoir
9 contribuer à élucider le destin de quelques personnes portées disparues.
10 D'ailleurs, parmi mes amis et mes connaissances, il y en a également. Je
11 suis en contact avec leurs familles de façon régulière. En 1998 et 1999,
12 ces gens sont venus déclarer les disparitions, souvent auprès de moi,
13 lorsque j'étais chef du district.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] M. Odalovic, quel est votre travail
15 principal aujourd'hui ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis au chômage par un concours de
17 circonstances. Mais comme je viens de vous le dire, je suis à la tête d'une
18 commission qui déploie vraiment une activité très riche. Mais ça c'est une
19 autre paire de manches. Je ne sais pas si vous voulez que je vous explique
20 vraiment. J'étais député au parlement. Une fois que mon mandat a expiré,
21 pendant six mois j'ai continué de toucher une rémunération en vertu de
22 notre législation, mais à partir du moment où ça a cessé, je n'ai pas
23 retrouvé de travail. Je suppose que rapidement ceci sera résolu, mais pour
24 le moment, telle est ma situation.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila.
26 M. FILA : [interprétation]
27 Q. Qu'est-ce un district [inaudible] ?
28 R. C'est une unité administrative, un organe constitué par le gouvernement
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1 de la République de Serbie. C'est en passant par le district que s'organise
2 territorialement la République de Serbie. Il s'agit de toutes tâches
3 territoriales et d'inspection qui relèvent du district, permettant à l'Etat
4 d'exercer un contrôle sur son territoire. Des différentes demandes peuvent
5 être formulées en passant par ce niveau-là. Si vous avez besoin de plus de
6 détails, je vais l'expliquer.
7 Q. Est-ce que concernant la sécurité, un district a des compétences ?
8 R. Non, il n'en a pas.
9 Q. Est-ce que le district de Kosovo diffère des autres qui existe sur le
10 territoire de la République de Serbie ?
11 R. Non. Il y avait cinq districts au Kosovo-Metohija et 29 dans toute la
12 Serbie. Nous avions tous les mêmes droits et les obligations. Nous n'avions
13 pas le même éventail de missions, parce que nous n'avions pas le même
14 nombre de municipalités, mais nous avions les mêmes droits et les mêmes
15 devoirs.
16 Q. Et vous, vous étiez dans le district du Kosovo ?
17 R. Oui.
18 Q. Il y avait combien de municipalité sur le territoire de ce district du
19 Kosovo ?
20 R. Le district kosovar comptait dix municipalités, c'était l'un des plus
21 grands de la République de Serbie d'après le territoire, d'après le nombre
22 d'habitants, et d'après le nombre de municipalités.
23 Q. Et il en référait à qui pour son fonctionnement ?
24 R. Uniquement au gouvernement de la République de Serbie.
25 Q. Quand j'en ai terminé avec ma question ménagez une pause, s'il vous
26 plaît, parce que nous parlons la même langue. Je vais vous demander
27 d'attendre un petit peu avant de répondre.
28 R. Oui, je vois.
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1 Q. Quel était le lien entre le district et le Conseil exécutif provisoire
2 ?
3 R. Les districts, comme je l'ai dit, ont été constitués en 1992, et le
4 Conseil exécutif provisoire à la fin du mois de
5 septembre 1998. Donc le lien entre les deux, il n'a pas de chevauchement
6 pour ce qui est de leur compétence et attributions. Comme je viens de le
7 dire, le conseil exécutif était l'exécutif chargé de mettre en application
8 les lois et les règlements de la République de Serbie sur la totalité de
9 son territoire, et c'était une tentative à ce moment-là -- enfin le Conseil
10 exécutif provisoire répondait à l'intention de créer des organes au niveau
11 des provinces, c'était une nécessité qui s'est fait ressentir sur le
12 terrain, et nous qui étions directement au service de l'Etat, nous avons
13 signalé que ces besoins existaient et que des organes devaient être
14 constitués au niveau de la province au Kosovo et que les Albanais devaient
15 avoir la possibilité de se rendre aux urnes, et d'assumer une partie du
16 pouvoir exécutif au niveau de la province, bien entendu, qu'ils participent
17 également au fonctionnement des organes d'Etat. C'est dans cet [inaudible]
18 que le Conseil exécutif provisoire a été créé. Il faut savoir à son sujet
19 qu'il n'a empiété nullement sur les compétences du district de Kosovo.
20 Q. Ce conseil provisoire allait durer jusqu'à quand ?
21 R. Le nom le dit lui-même qu'il s'agissait d'un conseil provisoire, qu'il
22 devait exister jusqu'à l'accomplissement de sa mission, à savoir jusqu'à ce
23 que les conditions ne soient réunies pour que toute la population du
24 Kosovo-Metohija se rendre aux urnes pour participer aux élections. Lorsque
25 M. Andeljkovic est arrivé nous avons prévu une période de neuf mois
26 approximativement pour mener à bien notre mission et il nous a demandé de
27 lui fournir notre soutien, pleinement. Donc d'agir en notre qualité de chef
28 de district localement et d'aider à ce que ces institutions puissent se
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1 créer.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Fila, pourriez-vous, s'il
3 vous plaît, nous dire à quel moment il vous arrangerait de suspendre ?
4 M. FILA : [interprétation] Je n'avais pas l'ombre d'une idée que le moment
5 de la pause était venu, on peut la faire maintenant.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Odalovic, nous allons devoir
7 nous interrompre maintenant. Nous allons reprendre à
8 18 heures. Entre-temps, je vais vous inviter à accompagner
9 Mme l'Huissière, elle va vous montrer comment sortir du prétoire, et nous
10 allons revenir à 18 heures, s'il vous plaît.
11 [Le témoin quitte la barre]
12 --- L'audience est suspendue à 17 heures 30.
13 --- L'audience est reprise à 18 heures 00.
14 [Le témoin vient à la barre]
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, vous avez la parole.
16 M. FILA : [interprétation]
17 Q. Bonjour encore une fois. La question que je vous ai posée et vous
18 n'avez pas eu le temps de répondre avant la pause est la question suivante
19 : y avait-il un chevauchement de l'attribution entre le Conseil exécutif
20 provisoire et le district ou non ?
21 R. Il n'y avait pas de chevauchement ni d'embêtement sur les compétences
22 ou les attributions de l'un ou de l'autre entre le Conseil exécutif
23 provisoire et le district.
24 Q. Est-ce qu'il y avait une coopération ?
25 R. Mais bien entendu. Il y avait une coopération, et ce, pour la simple
26 raison que le district a été situé au Kosovo-Metohija sur un territoire où
27 le Conseil exécutif provisoire est venu s'installer avec son mandat. Et je
28 répète, il s'agissait pour ce conseil de garantir une vie normale sur le
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1 plan de l'organisation administrative locale, donc les autorités locales.
2 Cette coopération était donc inévitable, et elle était intense, en
3 particulier au moment où on a commencé à négocier le document qui devait
4 régir ce domaine.
5 Q. Est-ce qu'il y a eu en 1998 et 1999 des changements sur le plan des
6 compétences du district ou non ?
7 R. Non. Il n'y a pas eu de modifications là-dedans, donc le district avait
8 les mêmes droits et les mêmes obligations. Sauf qu'en 1998 et 1999, il y a
9 eu un essor d'activités terroristes, ce qui a engendré de nombreux
10 problèmes au niveau du district du Kosovo-Metohija et sur la totalité des
11 territoires de la province. Ceci nous a forcé à réagir et à faire en sorte
12 que la situation se normalise.
13 Il y avait de plus en plus de diplomates étrangers et de journalistes, des
14 étrangers qui, à la fin de 1997 et en 1998, ont commencé à se rendre au
15 Kosovo-Metohija. C'était des centaines, comme je l'ai dit à l'époque,
16 différentes missions également sont apparues. Donc notre district et les
17 autres districts ont en partie dû s'en occuper. Mais, encore une fois,
18 personne ne nous a enlevé nos attributions, donc il n'y a eu aucun
19 changement là-dedans.
20 Q. Et il s'est installé une situation de guerre. J'aimerais savoir comment
21 vous vous y êtes pris pour organiser la protection civile ?
22 R. Avec le début de l'agression de l'OTAN et lorsqu'on a décrété l'état de
23 guerre, on s'est organisé comme cela est prévu par la loi pour organiser la
24 protection civile au niveau fédéral, au niveau des républiques, puis au
25 niveau des districts et des municipalités, ce qui était un élément nouveau
26 par rapport à des périodes précédentes, puisqu'il y avait les cellules au
27 niveau municipal, la loi a prévu qu'au niveau du district les cellules de
28 protection civile jouent un rôle de coordination. Donc nous, moi,
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1 concrètement, par une décision de M. Geza Farkas, j'ai été nommé commandant
2 du centre de protection civile du district et sur l'ensemble de 29
3 municipalités. Il y a eu création de ces cellules de protection civile qui
4 avaient les mêmes droits et obligations, qui ont été créées d'après le même
5 texte de loi dans toute la Serbie.
6 Q. La protection civile, elle, avait quelle compétence, puisque vous étiez
7 commandant de cette cellule de protection civile pour le Kosovo-Metohija ?
8 R. Pour préciser encore une fois, j'ai été commandant de la cellule de
9 protection civile au niveau du district. S'agissant de nos compétences,
10 elles étaient définies par la loi et concernaient les activités civiles qui
11 en situation de guerre sont du domaine de la protection civile; à savoir la
12 prise en charge de la population civile, le fait de réagir lorsqu'il y a
13 des destructions, remédier à cela, puis ce qui était très caractéristique,
14 le fait de rassembler le bétail, d'enlever les corps du bétail mort, de
15 veiller à enlever de la circulation les vivres périmées, de s'assurer qu'il
16 y ait de l'eau potable pour la population civile. Il s'agit d'une forme
17 d'organisation où on n'a pas d'armes.
18 Q. Les représentants de la protection civile, quelle relation avaient-ils
19 avec le MUP et le cas échéant avec l'armée ?
20 R. Il ne fait aucun doute que d'une certaine façon, il nous a fallu être
21 en contact, il nous a fallu échanger des informations, tout simplement dans
22 le cadre des tâches, des missions qui ne peuvent pas être faites
23 séparément. Mais il s'agissait là d'une coopération qui se limitait plutôt
24 à un échange d'information. On l'en traite sur le plan de l'information. Je
25 pense que c'est tout à fait naturel et logique. En tant qu'unité de
26 protection civile, à nous tout seul, on ne pouvait pas savoir, par exemple,
27 si une situation offrait toute la sécurité nécessaire. Est-ce que là où il
28 y avait des projectiles de lancés on pouvait dépêcher, déployer des hommes,
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1 et cetera. C'était une coopération qui était inévitable.
2 Q. La protection civile du district de Kosovo, elle en référait à qui ?
3 R. Encore une fois la loi portant sur la défense dispose que nous devions
4 référer aux organes fédéraux. C'est prévu par la hiérarchie en place.
5 Q. N'expliquez pas, contentez-vous de me répondre. Un autre sujet, si vous
6 voulez bien. Vous êtes né au Kosovo-Metohija. Vous y avez vécu pendant
7 longtemps. Est-ce que vous connaissez l'histoire récente de cette région,
8 disons, de la Seconde Guerre mondiale, ou de manière possible, je vais
9 formuler ma question autrement. La région de Drenica, est-ce que vous savez
10 ce qui s'y est produit juste avant la fin de la Seconde Guerre mondiale et
11 pendant l'année qui a suivi ?
12 R. Sans aucun doute, je connais pas mal de choses, mais je n'étais pas né
13 à ce moment-là. Cependant, mon lieu natal et ma famille avons appris que
14 pendant la période des années 1942, 43, à l'époque de l'Italie fasciste,
15 lorsque pour la première fois au Kosovo-Metohija on a créé une sorte d'Etat
16 albanais créé par les Balistes. Cela a causé des expulsions effroyables de
17 destruction de ma famille. La famille du côté maternel, a été expulsé de
18 leur village. Le village d'où je suis originaire a connu un grand nombre de
19 victimes notamment aux mains des Balistes.
20 Q. Il nous faudra expliquer ce que sont les Balistes. Vous êtes en train
21 d'employer un terme que vous n'avez pas expliqué.
22 R. Les Balistes c'était une organisation "quisling" [phon] de concert avec
23 les fascistes. Ils ont agi à la recherche de la création de leur Etat. Ils
24 s'en sont pris à la population serbe, monténégrine et le reste de la
25 population non-albanaise. Ils ont combattu l'Armée de libération nationale
26 et ils se sont mis au service de l'Italie fasciste.
27 Q. [inaudible]
28 M. STAMP : [interprétation] J'aimerais savoir quelle est la pertinence de
Page 14393
1 ces questions. Si l'on continue à poser des questions qui portent sur
2 l'histoire. J'estime que ceci manque de pertinence.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais cela semble être très pertinent
4 par rapport à ce qu'on affirme qu'on leur a fait à Drenica. C'est
5 précisément au cœur de notre affaire. Il ne s'agit pas de l'histoire du
6 Kosovo. Il s'agit d'un événement en particulier.
7 M. FILA : [aucune interprétation]
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, allez-y, je vous en prie.
9 M. FILA : [interprétation]
10 Q. Dites-nous, comment s'appelait cette organisation, les Balistes ?
11 R. "Balicombatare" [phon] c'est cela l'appellation qui, je pense, est la
12 plus généralement répandue et connue. Excusez-moi, je n'ai pas eu
13 l'occasion de répondre.
14 Q. Au moment de la libération du Kosovo-Metohija des forces allemandes,
15 les membres de ce groupe, les Balistes, les "Balicombatare", qu'ont-ils
16 fait ?
17 R. Après la chute de l'Allemagne nazie, après la fin du
18 IIIe Reich, il y a eu une grande rébellion, un soulèvement à Drenica. Des
19 Balistes assez bien organisés ont continué d'opposer résistance d'une
20 manière organisée face à l'Armée de libération populaire. Ils ont essayé
21 sur le territoire de Drenica, une partie du Kosovo-Metohija, ils ont essayé
22 de s'y maintenir, de continuer, d'y exister librement. Drenica se situe à
23 même la frontière. Ma famille est originaire de cette contrée. Une
24 cinquantaine de maisons ont été incendiées là-bas par les Balistes, ont été
25 rasées. Ils avaient l'intention de nettoyer cette région des Serbes, des
26 Monténégrins et de tous les autres non-Albanais pour y créer leur propre
27 Etat.
28 Q. En 1945 et 1946, lorsqu'on dit qu'on a étouffé ce soulèvement à
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1 Drenica, qu'entend-on par là ?
2 R. Le soulèvement de Drenica a été étouffé par l'Armée de libération
3 populaire de Yougoslavie. C'était un règlement de compte avec les bandes
4 armées. Plus de 4 000 personnes ou 4 000 militaires membres de l'armée
5 populaire yougoslave auraient péri dans cette région, d'après ce que j'en
6 ai entendu dire. C'était l'armée de Tito comme on l'appelait. Il y avait
7 parmi les militaires des Albanais également. Ils ont reçu pour mission de
8 nettoyer cette région, de libérer le Kosovo-Metohija, comme à l'époque on a
9 libéré l'Europe toute entière. C'est pratiquement le dernier bastion
10 fasciste après la chute de IIIe Reich.
11 Q. Est-ce que dans l'étouffement de cette rébellion des civils ont été
12 tués ?
13 R. Ce que les historiens, responsables politiques et autres spécialistes
14 des événements de Drenica disent c'est qu'il n'y en a eu. Je n'exclus pas
15 cette possibilité mais tous les spécialistes, notamment des spécialistes
16 albanais qui se sont occupés de cette question, disent qu'il s'agissait
17 exclusivement de l'étouffement d'une rébellion armée de la part de bandes
18 armées balistes qui étaient sous le commandement à l'époque de Saban Poloze
19 [phon].
20 Q. Bien. Maintenant je vous pose une question à laquelle j'aimerais
21 recevoir une réponse très courte, je vous prie. Selon vous, puisque vous
22 êtes originaire de cette région, selon vous, quelle peut bien être
23 l'origine des affrontements qui ont eu lieu après la libération en 1945 par
24 conséquent ?
25 R. Bien, les séparatistes affirment que leur motif principal était de
26 créer un nouvel Etat albanais dans la région. C'est l'intention, le vœu qui
27 est exprimé sur le plan historique par eux. J'étais en 1968 quelqu'un qui a
28 assisté à ce qui s'est passé. J'ai fait partie des manifestants à Pristina.
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1 J'étais aussi en vie en 1971. J'ai été témoin oculaire de tout ce qui s'est
2 passé. Les manifestations ont commencé le 11 mars et se sont poursuivies
3 jusqu'au mois d'avril. A l'époque, c'était les étudiants qui ont lancé le
4 même genre de mouvement, qui avaient le même genre d'exigence. Cela s'est
5 poursuivi en 1989 et 1990, tout cela sur le même slogan, avec les mêmes
6 objectifs, à savoir créer un Etat albanais indépendant au Kosovo-Metohija.
7 Malheureusement, nous voyons le même genre de chose se passer encore
8 aujourd'hui.
9 M. STAMP : [interprétation] Nous écoutons un discours historique en ce
10 moment, qui pourrait être pertinent dans une certaine mesure, mais mon
11 objection repose sur le fait que la déposition que nous sommes en train
12 d'entendre ne s'appuie sur aucune référence précise dans la documentation
13 relevant de l'article 65 ter du Règlement.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous parlez de la partie de
15 la déposition relative à Drenica en disant cela ?
16 M. STAMP : [interprétation] La partie de la déposition relative à Drenica,
17 mais en particulier ce qui concerne les événements des années 70 et de
18 l'année 1969.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais êtes-vous en train de dire que
20 les événements de Drenica ne sont pas référencés dans cette documentation ?
21 M. STAMP : [interprétation] Oui.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila, qu'en dites-vous ?
23 M. FILA : [interprétation] Nous venons de faire un survol historique assez
24 bref. Je n'ai posé qu'une question au sujet de l'histoire du Kosovo. Je
25 n'ai aucune intention de m'étendre sur le sujet plus longtemps. C'était
26 simplement une question et le témoin est ici physiquement et il sait ce qui
27 s'est passé.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous éludez ma question. Est-ce que
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1 Drenica n'est pas référencée dans les documents 65 ter ?
2 M. FILA : [interprétation] J'ai probablement oublié que c'était si
3 important que cela, Monsieur le Président. C'est simplement une question
4 que j'ai posée au sujet de l'histoire du Kosovo. C'est tout.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a une limite à la protection que
6 va vous assurer votre certificat de naissance, Maître Fila.
7 M. FILA : [interprétation] Mais sans doute cela, j'ai oublié. Il n'y a pas
8 d'autre explication. On parlait globalement du Kosovo dans son ensemble.
9 Voilà. C'est tout.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais ce n'est pas à ce sujet que la
11 protestation a été mise, en effet. Le Procureur a entendu un certain nombre
12 de témoins qui ont parlé de façon générale de la nature des événements de
13 1971, de 1989, et de 1990. Mais puisqu'ici la question abordée est très
14 précise, à savoir Drenica, il est tout à fait clair que Drenica aurait dû
15 s'appuyer sur des documents versés au titre de l'article 65 ter et figurés
16 dans le résumé de la déposition présentée au titre de l'article 65 ter.
17 Enfin, quoi qu'il en soit, le dommage est fait, donc nous devons
18 poursuivre.
19 M. FILA : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. C'est une
20 erreur de ma part. Mais parlons maintenant de 1997, puisque je n'ai aucune
21 intention de m'appesantir sur le sujet dont je viens de traiter à
22 l'instant.
23 Monsieur le Témoin, pourriez-vous expliquer la situation au Kosovo-Metohija
24 en 1997 ? Comment la décririez-vous ?
25 R. Ce qui caractérise les événements de 1997, c'est que c'est la première
26 fois que publiquement, je crois que cela s'est passé à un enterrement au
27 Kosovo-Metohija, qu'on voit apparaître des hommes en uniforme armés qui
28 portent cet uniforme noir --
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Interrompez-vous un instant, je vous
2 prie.
3 Oui, Monsieur Stamp.
4 M. STAMP : [interprétation] Je ne vais pas soulever d'objection sur tous
5 les sujets, mais 1997 n'est lié à aucune référence dans le résumé au titre
6 de l'article 65 ter de cette déposition.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois cette fois, Maître Fila, que
8 vous devriez tenir compte de l'avertissement qui vous a été lancé. Vous
9 avez déjà bénéficié manifestement --
10 M. FILA : [interprétation] Les événements sont différents, Monsieur le
11 Président. Je pourrais également interroger le témoin au sujet de 1998,
12 parce que 1998 a un lien avec 1997. Je peux passer à 1998, mais ce que je
13 voulais montrer c'est que la situation en 1998 n'est que le développement
14 de situations précédentes. C'est tout.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Abordez les questions qui sont
16 annoncées dans le résumé 65 ter, après quoi nous verrons si par hasard
17 quelque chose en ressort qui vous permet de parler d'autre chose.
18 M. FILA : [interprétation]
19 Q. Pourriez-vous, je vous prie, Monsieur le Témoin, expliquez la situation
20 en 1998 ? C'est une année qui est évoquée dans l'acte d'accusation donc
21 nous pouvons en parler. Que s'est-il passé cette année-là ?
22 R. Ce qui caractérise l'année 1998, c'est que les groupes terroristes se
23 sont multipliés et qu'en 1998 nous assistons à des attaques de plus en plus
24 nombreuses contre des civils, contre des policiers, un nombre croissant
25 d'enlèvements, un nombre croissant de coupures de routes. Ce que l'on voit
26 tout simplement c'est que ces bandes agissent de façon de plus en plus
27 organisée et leur objectif atteint d'ailleurs à un certain moment en 1998.
28 Malheureusement, leur but déclaré était de s'emparer de certaines parties
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1 du territoire comme cela avait été déjà tenté à Drenica, détacher ce
2 territoire du reste du pays et leur donner un contrôle plein et entier sur
3 ces portions de territoire.
4 Q. Mais un incident particulier se produisit-il à ce moment-là, quelque
5 chose qui sème le trouble dans la situation générale, au printemps 1998, et
6 ensuite ?
7 R. Dans le premier semestre, en 1998, un certain nombre d'événements
8 graves se produisent, en effet. L'un de ces événements c'est sans aucun
9 doute l'événement survenu dans le village de Prekaz. A cette occasion, un
10 groupe, une bande de ce genre a été neutralisée. Malheureusement, il a
11 fallu pour ce faire des affrontements entre cette bande et les forces de
12 sécurité, qui ont tenté d'arrêter Adem Jashari, d'abord, et ceci a causé la
13 mort d'un certain nombre de civils, malheureusement. Je pense que cela
14 s'est passé en janvier ou février 1998. Ensuite, il y a eu d'autres
15 événements très graves qui ont perturbé la population du Kosovo-Metohija.
16 Je veux parler d'attaques à Orahovac, d'enlèvements.
17 Q. Est-ce que les événements dans l'Albanie voisine ont eu une influence
18 sur la situation et ont favorisé l'apparition de l'UCK sur le territoire du
19 Kosovo, éventuellement ?
20 R. Bien, je viens d'en parler. Il y a eu intensification des actes
21 terroristes à la fin de 1997, début 1998 qui, très vraisemblablement,
22 trouve sa source dans l'Albanie voisine, car dans cette période, de
23 nombreuses armes et munitions ont été transférées de l'Albanie sur le
24 territoire du Kosovo-Metohija, en particulier en Metohija. Des hommes se
25 sont armés soit de leur propre chef, soit par la suite sous la contrainte,
26 mais en tout cas, on voit se multiplier les armes à long canon qui arrivent
27 de façon illégale, c'est-à-dire par voie de contrebande sur le territoire
28 du Kosovo-Metohija et qui sont distribuées à la population après avoir
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1 franchi la frontière.
2 Q. Vous avez dit que ces bandes se sont emparées d'une partie du Kosovo et
3 qu'elles y ont exercé leur contrôle, mais qu'en est-il des autres parties
4 du Kosovo qui n'étaient pas sous leur contrôle ?
5 R. La plus grande partie du Kosovo-Metohija jouissait d'une existence
6 normale. Ce qui s'est passé en Metohija ne s'est pas étendu, heureusement,
7 au reste du Kosovo-Metohija, ce qui ne veut pas dire qu'il y a eu un
8 certain nombre d'incidents mineurs, mais ce qui est certain, c'est qu'il
9 n'y a pas eu coupure complète des voies de communications ni intervention
10 de groupes ou de bandes de très grande dimension qui auraient attaqué des
11 localités comme cela s'était passé à Orahovac.
12 Q. Savez-vous quelque chose de la puissance de l'UCK et de l'influence de
13 Rugova à cet égard ?
14 R. Dans les années 1990, donc fin des années 1980, début des années 1990,
15 M. Rugova était un dirigeant absolu parmi les Albanais de souche.
16 D'ailleurs, lors des élections organisées par eux en 1992, M. Rugova a été
17 élu président. Son rapport avec l'organisation qu'il est convenu d'appeler
18 l'Armée de libération du Kosovo, l'UCK, n'était pas une relation que l'on
19 peut qualifier de relation de coopération ou de sympathie. En fait, mon
20 impression, c'est que ces deux groupes opposés agissaient néanmoins dans le
21 même but. M. Rugova n'a jamais abandonné l'idée de créer un Etat
22 indépendant, mais du moins, à ma connaissance, j'avais des contacts avec
23 des gens qui lui étaient très proches. Il ne souhaitait pas le faire par la
24 voie de la violence ou des armes, contrairement aux dirigeants de l'UCK qui
25 cherchaient à atteindre cet objectif par la force armée.
26 Q. Savez-vous que des représentants du gouvernement de la République de
27 Serbie sont arrivés sur place pour négocier avec des représentants
28 politiques des plus grands partis politiques albanais tels que M. Rugova et
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1 autres durant cette année 1998 ?
2 R. Oui, je le sais. Ces tentatives qui ont eu lieu en 1998 ont été
3 multiples.
4 Q. Bien. Nous avons entendu pas mal de témoins parler de cela, ne perdons
5 pas de temps sur ce sujet aujourd'hui. Savez-vous dans quelles conditions
6 les invitations adressées aux représentants politiques albanais se sont
7 faites; invitations les appelant à participer à de telles rencontres ?
8 R. Je le sais pour une raison très simple, c'est que la majeure partie de
9 ces invitations est passée par mon bureau. Une estafette était envoyée par
10 mon bureau pour se rendre au domicile de la plupart de ces représentants
11 politiques albanais, donc les invitations étaient signifiées de la main à
12 la main.
13 Q. Cela suffira.
14 R. Excusez-moi. Mais s'agissant de M. Rugova, son bureau se trouvait dans
15 les locaux de l'Association des écrivains du Kosovo, au centre de la ville
16 de Pristina, et c'est donc à cet endroit que son assistant, M. Adnan
17 Merovci, a signé un reçu stipulant qu'il avait reçu cette invitation, ce
18 qui montre bien que l'invitation a été reçue.
19 Q. Comment est-ce que les autres représentants politiques albanais de
20 souche se sont comportés au cours de l'été 1998 par rapport à l'UCK et par
21 la suite ?
22 R. Jusqu'à l'été 1998, Adem Demaci était le seul à manifester des
23 sympathies ouvertes vis-à-vis de ce qu'il était convenu d'appeler l'UCK.
24 Tous les autres dirigeants politiques albanais de souche de l'époque
25 étaient beaucoup plus réservés. Mais, à mon avis, un événement a eu lieu
26 qui a modifié complètement la situation, et je veux parler du fait qu'à la
27 fin du mois de juin ou à la mi-juin, je ne me rappelle pas la date exacte
28 aujourd'hui. M. Holbrooke a fait quelque chose à MINUK, quelque chose qui,
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1 de l'avis de tous, était l'expression claire d'une légalisation de ces
2 bandes terroristes. Et par la suite, les représentants des partis albanais
3 de souche, importants ou pas, ont commencé à changer de comportement, et un
4 appui de plus en plus ouvert a commencé à se manifester à l'intention de ce
5 qu'il est convenu d'appeler l'UCK.
6 Q. Au compte rendu d'audience, nous lisons "fin juin" -- non, ce n'est
7 pas ça. L'erreur ne réside pas à ce niveau-là. On lit "MINUK" au compte
8 rendu d'audience en anglais alors qu'il faut lire "Junik."
9 R. Junik est un endroit qui se trouve entre Decani et Djakovica, en effet.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, merci.
11 M. FILA : [interprétation]
12 Q. Nous avons entendu un certain nombre de témoins parler de tout cela,
13 donc je vous demanderais simplement maintenant de répondre à mes questions
14 de façon plus concise.
15 Quelle était la situation au Kosovo-Metohija durant le printemps et l'été
16 de 1998 ?
17 R. Extraordinairement difficile. Un tiers du territoire pratiquement
18 étaient sous le contrôle des bandes armées, à ce moment-là. Plus de 80
19 villages dans lesquels résidaient jusqu'à ce moment-là des Serbes, des
20 Monténégrins et d'autres non-Albanais de souche avaient subi un nettoyage
21 ethnique. Je crois qu'on peut dire qu'à l'époque, nous avions plus de 4 500
22 personnes déplacées, je vous parle bien de l'année 1998. Les enlèvements
23 étaient devenus chose courante, enlèvements, y compris de mineurs dans la
24 mine de Bilacevac, et enlèvements de plus de 60 civils à Opterusa. Il y a
25 eu aussi l'attaque contre Orahovac, et tout cela a créé une très grande
26 inquiétude et beaucoup de crainte parmi les Serbes et les autres non-
27 Albanais, certains vivant même un état de panique. Des gens ont commencé à
28 faire déménager leur famille vers la Serbie centrale. D'autres se sont
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1 déplacés vers la partie du territoire qui ne vivait pas encore des
2 affrontements graves, mais la Metohija, et en particulier Drenica, et des
3 villages entourant Podujevo ont subi un nettoyage ethnique et étaient
4 totalement sous le contrôle des bandes terroristes. Ceci était
5 particulièrement alarmant à la fin du mois de juin et au début du mois de
6 juillet, puisque ces bandes sont arrivées pratiquement jusqu'à Pristina.
7 Ils se sont emparés des mines de charbon de Bilacevac, qui avait une grande
8 importance en tant que source d'énergie, et cela a encore perturbé
9 davantage la population de Kosovo Polje, Obilic et Pristina, car là la
10 limite avait été franchie, peut-on dire.
11 Q. Quels étaient les problèmes liés aux voies de communications ?
12 R. Les plus grandes voies de communications étaient coupées dans la région
13 de la Metohija. Dans ces régions, les gens ne se déplaçaient absolument
14 plus, puisque le territoire était complètement sous le contrôle de bandes
15 terroristes et que cela présentait automatiquement un danger. L'une des
16 routes les plus stratégiques, la route Pec-Pristina, était inutilisable.
17 Les routes menant à Glogovac, à partir de Mitrovica ainsi que les routes
18 menant à Srbica, étaient particulièrement difficiles d'accès et très peu
19 sûres.
20 Q. J'aimerais maintenant que l'on vous remette le classeur des documents
21 qui vont vous être soumis, et je vous prierais de vous pencher sur
22 l'intercalaire 1 dans ce classeur. Document 2D364, pièce à conviction de la
23 Défense.
24 Quel est ce document ? Que peut-on lire dans ce document ?
25 R. Dans ce document, il est question des citoyens et membres du MUP qui
26 ont été enlevés par les terroristes albanais entre le
27 1er janvier et le 1er juillet 1998, et on en voit à la liste.
28 Q. Voit-on uniquement des noms de Serbes sur cette liste ou y en a-t-il
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1 d'autres ?
2 R. On voit des noms de Serbes, des Monténégrins sur cette liste, mais
3 également des noms de citoyens albanais de souche, Rom, ou membres d'autres
4 groupes ethniques minoritaires qui étaient attaqués à l'époque par les
5 terroristes. On trouve également les noms d'un certain nombre de membres du
6 MUP qui ont vécu le même sort à ce moment-là.
7 Q. Quel sort ?
8 R. Ils ont été enlevés par des terroristes albanais de souche.
9 Q. Est-ce que certains d'entre eux sont revenus ?
10 R. Puisque je dirige la commission chargée de rechercher les personnes
11 disparues, et que je connais assez bien ces questions, je lis rapidement la
12 liste et je suis en mesure de confirmer en toute responsabilité que la
13 majorité des personnes dont les noms figurent ici, soit plus de 90 % ne
14 sont pas encore revenus au sein de leurs familles et que leur sort est
15 encore inconnu aujourd'hui. Je l'affirme. Nous avons coopéré avec le MUP
16 pour établir la liste des personnes disparues, donc je suis en mesure de
17 confirmer que s'agissant des policiers, cinq ou six d'entre eux sont encore
18 portés disparus aujourd'hui. Même remarque pour les mineurs enlevés dans la
19 mine de charbon de Bilacevac le 22 juin. Personne ne sait quel a été leur
20 sort encore aujourd'hui.
21 Q. Pourquoi ces Albanais de souche ont-ils été enlevés ?
22 R. S'agissant de l'enlèvement des Albanais, tel a été précisément
23 l'objectif des terroristes. Ils voulaient empêcher toute autre conduite,
24 tout autre comportement que celui qu'ils préconisaient, qu'ils prenaient,
25 qu'ils avaient. Ils cherchaient à intimider tous ceux qui travaillaient là-
26 bas dans les mines. Là. je vois que parmi les Albanais qui ont été
27 kidnappés, il y en avait un certain nombre qui étaient embauchés et qui
28 travaillaient dans ces entreprises. L'objectif des terroristes était que
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1 les Albanais quittent leurs emplois dans ces entreprises, parce qu'ils leur
2 disaient qu'ils allaient retrouver leur poste dès que les leurs allaient
3 arriver au pouvoir. Quand ils lançaient des activités terroristes, ils
4 savaient qu'il n'y avait pas sur place d'Albanais. Là, nous sommes à
5 Stimlje. C'est au Kosovo, le district du Kosovo. Ce sont des Albanais qui
6 travaillaient dans l'industrie forestière de Serbie, Srbija Sume et à
7 Trepca. Donc c'était ça l'objectif et l'intention.
8 Q. La pièce 2B372, à l'intercalaire 2, à présent, s'il vous plaît, de quoi
9 s'agit-il ? Très brièvement, pouvez-vous nous commenter cela.
10 R. Il faut d'abord que j'en prenne connaissance. Nous avons là un appel
11 dramatique lancé par M. Andjelko Kolasinac, qui était le président de
12 l'assemblée municipale d'Orahovac. Il signale que la situation est
13 dramatique et très difficile dans la région. C'est un appel à l'aide. Il
14 demande de l'aide de la part des différents organes. Vous voyez qu'il
15 s'adresse au gouvernement, au MUP de Prizren, Orahovac, et le commandement
16 de la caserne de Prizren. La situation est très grave sur le terrain.
17 D'après ce que je vois, il est en train de dire qu'il essaie de --
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Odalovic, c'était vous le
19 destinataire ? Vous l'avez reçu, ce document ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ce cas-là, il ne convient pas que
22 M. Odalovic nous dise quelle est la teneur de ce document. Il ne faut pas
23 qu'il continue de faire cela.
24 M. FILA : [interprétation]
25 Q. Ne commentez pas, s'il vous plaît. Ma deuxième question : quelle a été
26 la situation qui a prévalu sur le territoire de votre district en 1998 ?
27 R. Je dois vous dire que par rapport à la situation au Metohija, c'était
28 considérablement meilleur. Sur le territoire de mon district, nous avons
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1 rencontré un certain nombre de problèmes. Dans la municipalité de Glogovac,
2 de Podujevo, de Stimlje et, en partie, à Kacanik, tandis que dans les
3 autres localités la situation était plutôt calme. Il n'y avait que des
4 incidents sporadiques.
5 Q. Vous avez décrit nombre d'événements et de situations. L'Etat serbe,
6 l'Etat yougoslave, ont-ils réagi, et si oui, comment en été 1998 ?
7 R. Nous avons tous adressé ce genre d'appel aux organes de l'Etat, en leur
8 demandant de protéger le territoire, la population, les voies de
9 communication, les immeubles, les maisons, les entreprises, parce que ces
10 bandes, par leurs activités, mettaient cela en péril. Je pense que tout le
11 monde sait qu'un certain nombre d'actions antiterroristes ont été lancées.
12 Pendant cette période, des conflits assez nourris ont eu lieu, des conflits
13 avec ces bandes. Ce qui est important, c'est que pour la première fois
14 l'Etat a commencé à s'en prendre à ces bandes, car ce qui est important de
15 savoir, c'est que le territoire était en danger, le territoire de l'Etat
16 était en danger.
17 Q. Quel est l'impact que ceci a eu au Kosovo-Metohija, et comment l'Etat
18 a-t-il réagi ?
19 R. Des problèmes humanitaires graves se sont posés pour ce qui est du
20 ravitaillement, puis la population s'est mise en mouvement. Ils ont quitté
21 leurs foyers. Cela nécessitait une réaction de la part de l'Etat. En juin,
22 l'Etat a réagi. Le gouvernement fédéral, le gouvernement de la république
23 ont constitué une cellule de Crise pour ravitailler la population civile.
24 J'étais membre de cette cellule centrale au Kosovo-Metohija. Puis sur le
25 plan du district, nous avons également créé des cellules de Crise afin de
26 ravitailler la population civile qui se trouvait dans une situation
27 critique à ce moment-là. Sur le plan humanitaire, il a fallu agir
28 d'urgence, et il a fallu aussi assurer le ravitaillement en marchandises.
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1 Q. Monsieur Odalovic, nous avons déjà entendu un autre témoin qui en a
2 parlé longuement. Est-ce que vous pourriez nous dire brièvement de quel
3 type d'aide il s'agissait dans la distribution d'aide à la population ?
4 R. Les personnes déplacées avaient besoin d'aide humanitaire, et nous
5 avons agi avec la Croix-Rouge, avec les pouvoirs locaux, avec les gens qui
6 travaillent au sein de notre cellule de Crise. Nous avons mis sur pied des
7 postes de distribution à des endroits où la situation était la plus grave.
8 Je dois dire que nous avons respecté des normes pour distribuer les vivres.
9 Un litre d'huile, 8 kilos de farine, de sel, de sucre, et cetera, par
10 citoyen, par mois. On a essayé aussi de mettre à leur disposition un
11 minimum d'énergie nécessaire. C'était tout d'abord en puisant dans les
12 réserves de l'Etat qu'on a cherché à le faire, parce qu'il faut savoir que
13 la contrebande florissait pas mal à ce moment-là. On a commencé
14 effectivement à se livrer à des trafics et les prix ont monté du fait que
15 certains se sont enrichis, donc nous avons cherché à contrôler cela.
16 Q. Ralentissez, s'il vous plaît.
17 R. Un troisième élément qui vous une attitude : pour chaque citoyen du
18 Kosovo-Metohija, d'après ces normes, il fallait garantir que par voie de
19 ravitaillement légal, il leur soit disponible des vivres et des produits de
20 première nécessité, à chaque citoyen du Kosovo-Metohija, indépendamment de
21 leur appartenance.
22 Q. Est-ce qu'on leur a offert du matériel pour réparer leur maison, ce
23 genre de chose ?
24 R. Je ne sais pas à quelle date, mais on a créé une direction chargée du
25 développement régional. Cela a été une direction créée par le gouvernement
26 de Serbie. Elle était aidée par un fonds de développement de Serbie. Qu'il
27 s'agisse des matériaux de construction ou autre, on a tenté par l'entremise
28 de cette direction de mettre cela à la disposition des gens. Il y a des
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1 endroits où malheureusement ceci n'a pas été fait parce qu'il y avait à
2 certains endroits encore des activités terroristes, d'une part. D'autre
3 part, ils faisaient tout pour que les Albanais n'acceptent pas cette aide,
4 parce qu'ils voulaient créer par la voie des médias une image tout autre du
5 Kosovo, montrer des dégâts, montrer que personne ne souhaitait
6 reconstruire, réparer cela. Je me souviens d'un rapport qui a été soumis à
7 une réunion. Plus de 200 millions auraient été investis dans la
8 reconstruction à ce moment-là, par la voie de cette direction.
9 Q. Monsieur, vous avez dit combien de millions ?
10 R. Deux cent millions de dinars. Je ne sais pas convertir, maintenant.
11 C'est le montant qui a été mentionné dans ce rapport.
12 Q. Très bien. Que savez-vous, si vous en savez quelque chose, de
13 l'application de l'accord sur l'éducation au Kosovo en 1998 ?
14 L'intercalaire 3, s'il vous plaît, vous voulez bien vous y reporter ? C'est
15 la pièce de la Défense 2D2. L'intercalaire 4 également. Pièce de la Défense
16 2D3. Pourriez-vous nous commenter brièvement de quoi il s'agit ?
17 R. Concrètement, ces deux documents ont à voir avec un accord qui avait
18 été signé, un accord sur l'éducation. En fait, c'est avec l'aide de
19 Sant'Egidio et Mgr Paglia. Il s'agit là d'une organisation italienne. Un
20 accord a été signé par MM. Rugova et Milosevic sur la normalisation de
21 l'éducation, parce que c'était un des talons d'Achille du Kosovo-Metohija.
22 Avec l'aide d'autres organisations, comme on voit ici, je vois qu'il y a
23 Ognova[phon], le Renouveau [phon], et d'autres organisations. On s'est
24 attelé à appliquer l'accord. Là nous voyons les termes d'application de
25 l'accord. Il s'agit de construire un certain nombre d'immeubles, de
26 bâtiments, d'en réparer et restaurer d'autres. Dans ce document, il est dit
27 également qu'ils ont l'intention de construire un certain nombre de
28 bâtiments. On s'était mis d'accord sur la répartition des locaux pour --
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1 sur la location des locaux aux élèves du secondaire, avant tout, et à
2 l'université, puisque les Albanais de souche, jusqu'à ce moment-là, ne
3 suivaient pas un cursus dans les locaux prévus.
4 Q. Est-ce que parmi vos collaborateurs, vos employés, il y a eu des
5 personnes qui ont pris part à cela ?
6 R. A chaque fois que le gouvernement et les organes fédéraux acceptaient
7 une obligation, nous qui en faisions partie, avions des instructions
8 directes afin d'agir. En plus de M. Milivoje Simonovic, qui -- et M. Milan
9 Canovic, qui étaient les principaux protagonistes du projet, Milan Canovic
10 était le chef d'un service, service du bâtiment. Chez moi, nous étions huit
11 personnes qui avions la charge d'appliquer cet accord. Parce que nous
12 estimions que c'était une priorité, pour l'année scolaire, il s'agissait de
13 prendre toutes les dispositions que l'accord 3 plus 3 soit traduit dans les
14 faits, donc en septembre, octobre, à la rentrée, les élèves albanais qui
15 jusqu'à ce moment-là n'avaient pas été inscrits à l'université, on
16 s'attendait à ce qu'ils reviennent et ce qu'ils soient scolarisés dans des
17 bâtiments publics, des écoles publiques.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et l'accord 3 plus 3, pourriez-vous me
19 rappeler les termes de cet accord ?
20 M. FILA : [interprétation] Moi ?
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, le témoin. Pouvez-vous me
22 rappeler sur quoi portait cet accord 3 plus 3, s'il vous plaît ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] L'accord 3 plus 3 a été signé entre M. Rugova
24 et M. Milosevic en septembre 1996.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien, j'ai compris. Veuillez
26 poursuivre. C'est le fait qu'on emploie plusieurs libellés pour la même
27 chose qui m'a induit en erreur.
28 Maître Fila.
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1 M. FILA : [interprétation]
2 Q. En quelques mots, de façon à en finir rapidement car le temps passe,
3 bien sûr. Est-ce qu'il y a eu une résistance par rapport aux intentions des
4 étudiants vis-à-vis des universités à ce
5 moment-là ?
6 R. Ceci a été fait. Je n'ai pas les détails de l'accord ultérieur. Mais si
7 je me souviens bien le gouvernement de la République de Serbie avait son
8 propre groupe dont faisaient partie Percevic, Bjeletic, et d'autres, ainsi
9 que M. Ganja [phon] qui a participé à ce projet au nom de M. Rugova, si je
10 me souviens bien; je me peux me tromper, mais en tout cas il y a eu des
11 pièces de plus de 42 mètres carrés qui ont été consacrées à l'enseignement
12 de la langue albanaise, 42 000 mètres carrés, en fait. Ceci a suscité des
13 réactions parmi les enseignants de langue serbe et les étudiants qui
14 suivaient ces enseignements. Ils craignaient simplement que leurs intérêts
15 soient lésés, que leur position soit affaiblie. On craignait aussi de
16 nouveaux incidents. Il y a eu pas mal de résistance, mais l'Etat a décidé
17 que c'était un objectif prioritaire. En dépit de cette résistance, la
18 mesure a été mise en œuvre et des salles plus nombreuses ont été accordées.
19 Q. Je veux maintenant que vous vous rendiez à
20 l'intercalaire 5, je vous prie. Pièce 2D373. Il ne reste que deux minutes
21 pour l'audience de ce soir, donc je vous demanderais de répondre rapidement
22 à ma question.
23 Quel est l'objet de ce document ?
24 R. Il n'y a pas de traduction en serbe malheureusement, mais je crois que
25 je peux comprendre car je connais assez le sujet. Ce qu'il est convenu --
26 c'est un mémorandum qui vient de ce qu'ils appellent ici la République du
27 Kosovo, qui n'existait pas à ce moment-là, et plus précisément du ministère
28 de l'Education. Un financement est demandé dans ce document pour la
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1 fourniture d'équipement suffisant pour les écoles, notamment en matière de
2 tables et de chaises, pour un total de 13 écoles dans la municipalité de
3 Pristina. Evidemment, il ne s'agissait pas de préparer la rentrée, puisque
4 celle-ci avait déjà eu lieu à la date à laquelle ce document a été publié,
5 mais on manquait de tables et de chaises dans les écoles du Kosovo-
6 Metohija. Ce que je peux dire ici en me fondant sur ce document c'est que
7 les classes, notamment les classes de langue albanaise se sont poursuivies
8 dans les écoles publiques qui dépendaient de l'Etat de la Serbie.
9 L'enseignement s'est poursuivi en dépit de cela sans aucun problème. Il n'y
10 a pas eu interruption des cours. Ce problème n'en a jamais été un
11 réellement, car si eux nous demandaient des chaises et des tables, il est
12 absolument certain que ces équipements auraient été financés.
13 Q. Pour quelle raison avez-vous accepté ce genre de demande ?
14 R. Notre objectif était d'empêcher qui que ce soit de tenter de manipuler
15 les enfants. Nous ne voulions pas que les enfants cessent d'aller à l'école
16 même si la situation n'était pas normale. Nous leur avons donné les
17 bâtiments des écoles pour que les enfants ne restent pas à la maison et
18 qu'ils puissent continuer à apprendre dans des lieux destinés à cela. Nous
19 avons ouvert les portes de toutes les écoles à tout le monde, école
20 primaire, aussi parfois des lycées pour qu'ils puissent recevoir
21 l'enseignement qu'ils voulaient dans leur langue maternelle, c'est-à-dire
22 l'albanais.
23 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, pour que vous ne me
24 tanciez pas, je pense que l'heure de suspendre l'audience est arrivée.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais une précision, Monsieur
26 Odalovic. Dans la version anglaise de ce document on voit qu'il s'agit de
27 fournitures qui devraient venir du conseil de l'éducation de la République
28 du Kosovo au niveau municipal. Or, il a été dit que ces pièces
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1 d'ameublement n'avaient pas été fournies par la République de Serbie; c'est
2 bien cela ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas dit cela. Au cas où vous auriez
4 compris cela, vous n'avez pas compris ce que j'ai dit. J'ai dit qu'ils
5 s'étaient adressés à nous --
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai compris ce que vous avez dit,
7 s'il s'était adressé à vous pour demander ces fournitures, ces dernières
8 auraient été financées. Mais c'est la nature du document que j'aimerais
9 mieux comprendre. Il semble que ce document soit un document émanant de la
10 République du Kosovo dont vous dites qu'elle n'existait pas à l'époque et
11 qu'elle ne devrait pas être reconnue. Mais est-ce qu'il est question dans
12 ce document de fournitures d'ameublement par le biais d'une fondation;
13 c'est bien cela ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact. La République du Kosovo n'a
15 jamais existé.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qui veut dire --
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais les bureaux, les tables
19 existaient peut-être, c'est une autre question.
20 Je vous remercie de votre aide en tout cas sur ce point.
21 Monsieur Odalovic, il nous faut mettre un terme à l'audience d'aujourd'hui
22 et à notre semaine de travail. Nous reprendrons nos débats lundi à 9
23 heures. Il vous faut revenir dans ce prétoire lundi matin à 9 heures pour
24 poursuivre votre déposition. Entre-temps, il est d'une importance tout à
25 fait capitale que vous ne communiquiez absolument avec personne sur quelque
26 aspect que ce soit de votre déposition dans la présente affaire. Vous
27 pouvez parler à qui vous voulez de tous les sujets que vous voulez, à
28 condition qu'il ne s'agisse pas de sujets liés à votre déposition.
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1 Je vous demanderais maintenant de suivre Mme l'huissière qui va vous faire
2 quitter le prétoire et nous vous donnons rendez-vous dans ce même prétoire
3 à 9 heures lundi.
4 [Le témoin quitte la barre]
5 --- L'audience est levée à 19 heures 03 et reprendra le lundi 27 août 2007,
6 à 9 heures 00.
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