Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 2 octobre 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

5 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'après ce que je crois comprendre, il

7 y a des difficultés techniques ce matin avec les équipements. Toutefois,

8 ceci se réduit au compte rendu sur l'affichage électronique. Le compte

9 rendu marche sous sa forme normale et pour ce qui est de l'affichage

10 électronique, je ne pense pas que nous allons avoir des pièces à conviction

11 à afficher. Donc je ne vois pas de raisons pour lesquelles nous ne

12 poursuivrions pas.

13 Monsieur Visnjic, quel est votre témoin ? Monsieur Sepenuk ?

14 M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Le témoin

15 suivant sera Radomir Gojovic.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

17 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Gojovic. Je vous

19 prie de nous faire votre déclaration solennelle pour ce qui est de dire la

20 vérité, en lisant à haute voix le document qu'on va vous montrer.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

22 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

23 LE TÉMOIN: RADOMIR GOJOVIC [Assermenté]

24 [Le témoin répond par l'interprète]

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.

26 Vous allez d'abord être interrogé par M. Sepenuk, au nom de la Défense de

27 M. Ojdanic.

28 Monsieur Sepenuk.

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1 M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

2 Interrogatoire principal par M. Sepenuk :

3 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

4 R. Bonjour.

5 Q. Monsieur, dites-nous quelle est votre profession actuelle ?

6 R. Je suis avocat en ce moment-ci.

7 Q. Où exercez-vous votre profession ?

8 R. A Belgrade.

9 Q. Est-ce que vous avez été membre de l'armée yougoslave ?

10 R. Oui.

11 Q. Pendant combien de temps avez-vous servi au sein de la JNA ?

12 R. De 1961 jusqu'en 2001, pendant 40 ans.

13 Q. Vous êtes parti à la retraite en 2001, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Quel a été votre grade lorsque vous avez été mis à la retraite ?

16 R. Général de corps d'armée.

17 Q. Mon Général, veuillez nous décrire brièvement votre carrière militaire,

18 ainsi que votre carrière en matière de droit militaire.

19 R. J'ai terminé une école de sous-officiers d'infanterie à Sarajevo, puis

20 j'ai fait mon lycée et ma faculté de droit à Sarajevo également. J'ai

21 travaillé dans la troupe de 1961 à 1971, pendant dix ans. J'étais chef d'un

22 peloton de mortiers et de canons sans recul. J'ai travaillé avec des

23 soldats.

24 Après la fin de mes études de droit, je suis passé dans les services

25 juridiques en 1971, et depuis lors, j'ai toujours été dans la matière du

26 droit, et j'ai travaillé pendant 30 ans en matière de jurisprudence dans le

27 militaire.

28 Q. Vous avez également été président du tribunal militaire de Belgrade

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1 entre 1994 et 1999, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Le 16 avril 1999, n'est-ce pas, vous avez été chef du département

4 juridique du Grand état-major ?

5 R. Oui.

6 Q. Qui vous a nommé à ces fonctions-là, je vous prie ?

7 R. J'ai été nommé à ces fonctions par le président de la République.

8 C'était à cette époque-là Slobodan Milosevic.

9 Q. Avant cette nomination, aviez-vous fait la connaissance du général

10 Ojdanic ? Si c'est le cas, veuillez nous indiquer de quoi il a été question

11 lorsque vous vous êtes connus ?

12 R. On s'est connus vers le 14 ou 15 avril. J'ai été contacté au téléphone

13 par le général Ojdanic un soir, et il m'a dit qu'il devait me parler au

14 sujet de la solution d'une question statutaire. Il m'a demandé si

15 j'acceptais de le faire. J'ai répondu par l'affirmative.

16 Au lendemain il est venu au tribunal, et il m'a transmis l'opinion du

17 président Milosevic, étant donné que ce dernier lui demandait de trouver

18 une solution au niveau des cadres pour ce qui est de ces postes et ces

19 fonctions pour promouvoir le fonctionnement des tribunaux militaires

20 pendant la guerre.

21 Il m'a dit qu'il s'était entretenu avec la cour suprême militaire, et

22 il a dit qu'il avait consulté les gens pour savoir qui pourrait occuper ces

23 fonctions. On lui a proposé moi-même.

24 Etant donné que j'avais accompli jusque-là toutes les fonctions en matière

25 judiciaire militaire, j'ai été juge, membre du jury et président du

26 tribunal. J'ai accepté, et il y a eu nomination à ces fonctions.

27 Q. Y a-t-il eu à cette occasion-là un entretien avec le général Ojdanic

28 concernant la façon dont fonctionnait le système judiciaire ? Si oui,

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1 dites-nous de quoi vous avez parlé.

2 R. Il y a eu création de tous les tribunaux militaires en temps de guerre,

3 et il y a eu des procureurs militaires mis en place. Il y a eu certaines

4 difficultés, étant donné que c'était la première fois que ces tribunaux

5 avaient été mis sur pied. Ils n'ont pas fonctionné depuis la fin de la

6 Deuxième Guerre mondiale, à savoir depuis 1947. Il a donc fallu une grande

7 expérience. Il s'est posé des problèmes, bien entendu. Il s'agissait de

8 procéder à des réorganisations et de mettre en place un fonctionnement plus

9 efficace, à savoir améliorer le fonctionnement par rapport à ce qui avait

10 été le cas jusque-là. C'est de cela que nous nous sommes entretenus.

11 Q. Merci. Mon Général, veuillez brièvement nous fournir un aperçu sur les

12 lois, réglementations, dispositions de ce qui s'est mis en œuvre en 1998 et

13 1999 pour ce qui est du respect du droit humanitaire international par les

14 militaires. J'aimerais que vous soyez bref, si possible.

15 R. Je dirais d'abord que la constitution de la République fédérale de

16 Yougoslavie, à l'article 16, il était prévu en vertu de cette constitution

17 que soient mis en œuvre tous les contrats internationaux ratifiés par le

18 Parlement et publiés conformément à la législation en vigueur, ainsi que

19 les normes internationales du droit international qui font partie du droit

20 yougoslave, et toutes les conventions de Genève, les protocoles de Genève,

21 et c'est ce qui constitue le fondement. Partant de ces dispositions

22 fondamentales de la constitution, dans la loi régissant la défense, il y a

23 un article - l'article 9 de la loi portant sur la défense - disant que tous

24 les membres de l'armée, à l'occasion des conflits armés, sont tenus de s'en

25 tenir aux principes et aux règles du droit de guerre international et des

26 autres réglementations pour ce qui est du comportement à l'égard des

27 prisonniers, des blessés et de la population civile.

28 Mis à part ces dispositions, la loi régissant l'armée de Yougoslavie - il

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1 me semble que c'est l'article 31 qui le réglemente - dit que les militaires

2 à l'occasion de l'accomplissement de missions au combat ont le droit de se

3 servir d'armes à feu et autres, conformément aux règles d'engagement. Les

4 règles d'engagement disent comment on peut utiliser les armes à feu en

5 combat.

6 Il y a, mis à part ceci, des instructions portant sur l'application du

7 droit humanitaire international à l'occasion de la guerre. Il s'agit

8 d'instructions qui ont été remaniées en 1978, et à ce sujet il y a des

9 ordres émanant du président de la présidence de la RSFY de l'époque, pour

10 ce qui est de la mise en œuvre de ces dispositions au sein de la JNA, et

11 c'est ce qui a été appliqué au sein de l'armée yougoslave, et c'est ce qui

12 est en vigueur de nos jours encore.

13 Q. Merci. Je voudrais une fois de plus que nous nous penchions brièvement

14 sur d'autres règles ou réglementations applicables dans ce domaine, et à

15 cet effet j'aimerais que nous nous penchions sur une pièce à conviction de

16 la Défense, qui est la pièce 3D1110. Nous avons, bien entendu, examiné ces

17 règles et réglementations ensemble avant aujourd'hui, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Tout d'abord, je voudrais attirer votre attention sur l'intercalaire

20 numéro 2 de la pièce en question. Je précise qu'il s'agit du 3D110172 pour

21 ce qui est de sa version anglaise, et du 3D110036 en version B/C/S.

22 Est-ce que vous reconnaissez ceci, Mon Général.

23 R. Il s'agit du "Manuel de réglementations pour ce qui est de

24 l'application du droit de guerre international". Il y a ces droits, de ce

25 droit de guerre international. Cela a été publié sous forme de livre de

26 poche et c'est ce qui a été distribué à toutes les unités, et qui était

27 présent dans la bibliothèque de toute unité.

28 M. SEPENUK : [interprétation] Mesdames et Messieurs les Juges, je fais

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1 remarquer qu'on nous a pas encore montré la version anglaise, mais il

2 s'agit de la réglementation pour ce qui est du droit de guerre

3 international mise en œuvre au sein des forces armées de la RSFY.

4 Q. Je remarque que c'est daté de 1988. Est-ce que cette même

5 réglementation était en vigueur en 1998 et 1999 ? Et si oui, pourquoi,

6 étant donné que la date est celle de 1988 ? Comment a-t-on pu les appliquer

7 ?

8 R. Ça été mis en œuvre à cette époque-là aussi, et c'est en vigueur de

9 nous jours encore, étant donné que cela englobe toutes les conventions de

10 Genève depuis 1947 avec notre propre protocole complémentaire, et avec

11 toutes les normes du droit de guerre international. Cette publication, le

12 manuel sous forme de livre de poche, a été systématisé en 1988 et adapté

13 aux besoins de l'armée. Rien n'a été modifié et peu importe la date qui y

14 est indiquée.

15 Q. Excusez-moi, Mon Général. Je vous ai posé une question concrète qui est

16 celle de savoir pourquoi la réglementation de 1988 a été appliquée ou mise

17 en œuvre en 1998 et 1999. Je voulais savoir s'il y avait une corrélation

18 avec la constitution.

19 R. Il est certain que la constitution fournit les fondements à cet effet,

20 parce que cette constitution prévoit que toute la réglementation

21 internationale soit mise en œuvre, et cela fasse partie de l'ordre

22 juridique en place au niveau interne.

23 Q. Merci. Je voudrais vous demander maintenant de vous pencher sur

24 l'intercalaire numéro 3. Il s'agit de règlements au combat à l'intention de

25 soldats. Je précise qu'il s'agit de la pièce 3D110258 en anglais, et

26 3D110256 en version B/C/S.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'espère que c'est une erreur. 110258,

28 Monsieur Sepenuk, ça ne peut pas être exact. Du moins je l'espère.

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1 M. SEPENUK : [interprétation] Excusez-moi. Oui, il s'agit du 3D11-0258 en

2 version anglaise.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ça fait 11, tiret ?

4 M. SEPENUK : [interprétation] Oui. C'est la façon dont c'est numéroté sur

5 ma copie, Monsieur le Président.

6 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Alors, c'est une numérotation du

8 prétoire électronique.

9 M. SEPENUK : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je m'excuse.

11 Quelle est la pièce à conviction alors ?

12 M. SEPENUK : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction 3D1110.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et ça fait toujours partie du même

14 document ?

15 M. SEPENUK : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous avons les

16 intercalaires 18 et 19 à ce sujet. La version anglaise porte le 3D11-0258,

17 et c'est qu'on voit sur nos écrans, alors que la version B/C/S est le 3D11-

18 0256. Pouvons-nous voir les deux versions en même temps, je vous prie ?

19 Merci.

20 Q. Vous avez déjà eu l'occasion de voir ces règlements, n'est-ce pas ?

21 R. Oui, oui.

22 Q. De quoi s'agit-il ? De quel type de réglementation s'agit-il, et à qui

23 cela a-t-il été distribué ?

24 R. C'est un règlement régissant le comportement des soldats. C'est en

25 format de poche, et cela englobe toutes les dispositions principales du

26 droit de guerre international adapté aux soldats ou à leurs besoins pour ce

27 qui est des conditions à l'occasion de la conduite des combats. C'est là

28 qu'on indique comment un militaire peut se comporter en cas de combat, il

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1 ne peut ouvrir le feu qu'en direction du combattant de l'ennemi, il doit se

2 conformer aux dispositions du droit de guerre international, il doit

3 veiller à la protection de la population civile, il lui est dit comment se

4 comporter à l'égard des prisonniers, des blessés, et à l'égard des biens

5 d'autrui, à savoir d'utiliser les moyens de combat qui sont indispensables

6 pour accomplir sa mission au combat, sans pour autant recourir par excès à

7 la force.

8 Ce sont les règles générales qui ont été distribuées à tout soldat

9 avec le reste de l'équipement. C'est un format de poche que tout soldat

10 était censé avoir sur soi.

11 Q. Est-ce qu'il s'agissait de petites brochures plastifiées qu'on pouvait

12 mettre dans sa poche ?

13 R. Oui, c'est plastifié. Il n'y a que deux pages et ça résiste à l'eau et

14 à l'humidité.

15 Q. Je voudrais à présent que nous passions à l'intercalaire numéro 4.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Sepenuk, est-ce que c'est le

17 document dont on nous a dit qu'il en a été distribué

18 1 300 copies ?

19 M. SEPENUK : [interprétation] Je crois qu'il y a un témoignage à cet effet,

20 mais en bref, si je crois bien comprendre, et c'est l'une des raisons pour

21 laquelle le général Gojovic est ici, c'est que tout soldat individuel a

22 reçu une copie de ce livret. J'ai oublié les détails au sujet des 1 300

23 copies, mais je crois qu'il y a eu en effet un témoignage dans ce sens, à

24 savoir je pense que tout soldat avait reçu cette copie.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Gojovic, comment a-t-on fait

26 pour qu'un soldat soit en possession d'une copie de ce livret ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Ça a été imprimé et comme tout soldat a des

28 armes et le reste de son équipement, il devait posséder ce petit manuel. Ça

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1 n'a rien de nouveau.

2 Ce n'est pas une grosse dépense. Si on peut l'équiper avec tout le

3 matériel qui lui est dû, on peut lui donner un petit livret plastifié

4 aussi. C'est ce qui figure dans son matériel lorsqu'il est mobilisé,

5 lorsqu'on lui donne des armes et le reste de son matériel. C'est donc avec

6 tout le reste qu'il reçoit ce manuel relatif à la façon de se comporter au

7 combat.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. M. Sepenuk.

9 M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

10 Je voudrais vous demander de vous pencher à présent sur l'intercalaire

11 numéro 4. Il s'agit d'un manuel relatif aux activités terroristes, c'est

12 daté de juin 1998. En version anglaise, il s'agit du 3D11-0271.

13 Q. Avez-vous déjà pu voir ce document ?

14 R. Oui.

15 Q. Pouvez-vous brièvement indiquer aux Juges de la Chambre ce que ceci

16 prévoit. Brièvement.

17 R. Par analogie aux règlements régissant le comportement du soldat au

18 combat, on a adapté un document identique ou similaire pour ce qui est des

19 conditions de combat avec des terroristes ou des bandes de terroristes au

20 Kosovo. On a adapté, on a mis en application toute la réglementation en

21 ajoutant certaines dispositions concernant le comportement vis-à-vis des

22 groupes terroristes au cas où on les emprisonnerait. Il s'agissait de se

23 comporter de façon analogue bien qu'il s'agisse là de gens ne possédant pas

24 le statut de prisonniers de guerre. On leur faisait bénéficier du statut de

25 prisonniers de guerre, et il était prévu de les remettre à qui de droit

26 pour une procédure en matière de justice. C'est ce qui était prévu dans les

27 conditions de combat avec des groupes de terroristes.

28 Donc il n'y a pas d'autres différences mises à part ces modifications

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1 ou cet ajout de dispositions relatives au combat avec des groupes

2 terroristes ou des groupes de sabotage.

3 Q. D'après ce que vous en savez, Mon Général, à qui a-t-on distribué les

4 exemplaires de ce manuel ?

5 R. Ces manuels ont été distribués aux soldats qui ont été utilisés ou

6 déployés dans les conflits pour combattre les groupes terroristes. Ça n'a

7 été distribué qu'à eux.

8 Q. Bien.

9 M. SEPENUK : [interprétation] Une fois de plus, très brièvement, j'aimerais

10 que nous nous penchions sur l'intercalaire 5, qui est un résumé des quatre

11 conventions de Genève avec les protocoles additionnels. Je pense que nous

12 n'avons là que la version B/C/S. Je ne voudrais pas que nous nous

13 attardions trop longtemps à ce sujet. Je vais poser des questions au

14 général pour ce qui est de savoir comment ce document a été distribué et à

15 qui d'après vous.

16 Pour les besoins du compte rendu d'audience, je précise qu'il s'agit

17 du 3D11-0279.

18 Q. Vous savez de quoi je suis en train de parler, Mon Général, n'est-ce

19 pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Veuillez nous indiquer, une fois de plus brièvement, à qui ceci a été

22 distribué ?

23 R. Ce manuel comporte des abrégés des quatre conventions de Genève de 1947

24 avec les protocoles additionnels et cela a été distribué à tous les chefs

25 d'unité à partir du chef de peloton jusqu'aux chefs de compagnies et au-

26 delà. Donc les chefs des différentes unités avaient cela sur eux.

27 Q. Merci. A ce même sujet, si vous vous penchez sur l'intercalaire 6, vous

28 verrez qu'il s'agit des fondements de la réglementation régissant le droit

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1 de guerre, cela émane du commandement Suprême de l'armée yougoslave, c'est

2 un résumé à l'intention de l'officier. Il s'agit du 3D11-0309 en anglais et

3 du 3D11-0294 en B/C/S.

4 Mon Général, avez-vous déjà eu l'occasion de voir ce document ?

5 R. Je ne vois pas encore ce document sur mon moniteur. Maintenant, je

6 crois que c'est affiché.

7 Q. Il s'agit des "Fondements en matière de droit de guerre." Le

8 reconnaissez-vous ?

9 R. Oui. On ne le voit toujours pas en B/C/S. Il s'agit des fondements

10 régissant le droit de guerre. Il s'agit d'un résumé du droit de guerre. Il

11 y a les notions, les explications et cela également a été distribué aux

12 chefs des unités, cela n'a pas été distribué aux soldats mais aux chefs des

13 unités. Ils en avaient besoin tout comme du résumé des conventions de

14 Genève de 1947.

15 Q. Merci. Ensuite, ce que vous avez déjà mentionné, constitution,

16 réglementation relative à la Défense et autres règles régissant le

17 fonctionnement de l'armée, pourriez-vous nous dire quelles sont les

18 dispositions qui interdisaient la perpétration de crimes de guerre et les

19 exécutions ? Je me réfère notamment à la réglementation fédérale et au code

20 pénal.

21 R. En plus de la réglementation, il y a la constitution, un chapitre qui

22 sanctionne la perpétration de ces délits au pénal de crimes de guerre en

23 cas de guerre. On a également prévu les dispositions relatives aux délits

24 au pénal à l'encontre de la population civile, des blessés et autres crimes

25 de guerre. Ces auteurs de ces crimes-là font l'objet de poursuites en

26 justice.

27 Q. J'aimerais que nous nous centrions sur les crimes de guerre à

28 l'encontre de la population civile. Quel est l'article qui en parle ?

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1 R. Il s'agit de l'article 142 du code pénal de la République fédérale de

2 Yougoslavie.

3 Q. Quelles sont les peines minimum et maximum prévues pour la perpétration

4 de ce délit au pénal ?

5 R. Minimum cinq ans de prison et maximum 20 ans de prison.

6 Q. Quand est-ce que l'on prononce une peine maximum de 20 ans de prison ?

7 R. C'est une question qui relève des compétences du tribunal. Cela dépend

8 de la gravité de la peine, du danger public qui s'est manifesté et s'il y a

9 eu violation grave des droits de la population civile sans raison aucune.

10 Q. Une fois de plus, la peine maximum encourue était celle de 20 ans,

11 n'est-ce pas ?

12 R. C'est exact.

13 Q. Dites-nous, je vous prie, quel est l'article du code pénal de Serbie

14 couvre le meurtre ou meurtres multiples ?

15 R. Cette violation du code pénal est à l'article 47. La constitution étant

16 de prévoir l'article 2. Il s'agit de meurtre individuel aussi, mais s'il y

17 a meurtre de plusieurs personnes, c'est une forme grave de ce délit au

18 pénal et la peine encourue est bien plus grande. C'est au moins dix ans

19 d'emprisonnement, et on prévoit également une peine de mort.

20 Parce que la loi fédérale a supprimé la peine de mort alors que le

21 code pénal de la république l'a maintenue jusqu'en 2005. C'est là qu'il y a

22 eu modification de ce code pénal là aussi.

23 Q. Brièvement dit, Mon Général, la peine encourue pour le crime de meurtre

24 était plus sévère que pour ce qui est la peine encourue pour le crime de

25 guerre tel que stipulé à l'article 142, n'est-ce pas ?

26 R. Exact.

27 Q. Nous avons parlé de la réglementation des lois prohibant la

28 perpétration de crimes. Dites-nous quel est le système judiciaire qui était

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1 mis en place avant la guerre pour ce qui est de la poursuite de ce genre de

2 violation ? Ce qui m'intéresse c'est de savoir si le code pénal de la

3 Serbie --

4 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Je m'excuse d'interrompre. Ce que je

5 voudrais savoir c'est si ce code pénal s'était appliqué à tout le monde ou

6 est-ce que cela ne s'appliquait qu'aux forces armées uniquement, pour ce

7 qui des dispositions de cet article 14 [comme interprété] du code pénal de

8 la République fédérale de Yougoslavie, parce qu'il y aurait en principe

9 possibilité de juger quelqu'un deux fois pour le même délit au pénal.

10 M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

11 Q. Général, avez-vous compris cette question ?

12 R. Oui, j'ai compris la question. Il s'agit du même code pénal. Il s'agit

13 d'un système judiciaire unique qui s'applique à tous les auteurs de ce

14 délit, qu'il s'agisse d'un civil ou d'un militaire. Il s'agit d'un délit

15 pour lequel chacun peut être tenu responsable, mais les tribunaux

16 militaires pouvaient juger seulement les membres de l'armée. Si un civil

17 commettait un acte criminel, ceci relevait des tribunaux ou des cours

18 civiles. Donc il n'y avait pas de possibilité de juger quelqu'un deux fois

19 pour le même crime.

20 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Si une personne appartenant à l'armée

21 a commis plusieurs meurtres, ensuite il serait jugé en vertu de l'article

22 142 ou en vertu du code pénal de la Serbie. Dans ce cas-là quel serait le

23 forum impliqué ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour que quelqu'un soit tenu pour responsable

25 en vertu de l'article 142 du code pénal de la RFY, s'il s'agissait d'un

26 commandant militaire qui aurait donné l'ordre pour que ce crime soit commis

27 à ses subordonnés, ou s'il s'agissait d'un membre de l'armée, un membre

28 subordonné de l'armée, dans ce cas-là, ces auteurs de crime étaient jugés

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1 en vertu de l'article 142 de la loi fédérale. Cependant, les procureurs en

2 temps de guerre dans des cas où ce crime n'était pas le résultat d'un ordre

3 mais d'autre chose, c'est-à-dire de l'initiative prise par l'individu, on

4 optait pour la loi de la république car elle envisageait une punition plus

5 sévère. Au cours des procès, les conseils de défense soulevaient des

6 requêtes d'habitude visant à ce que ce crime soit jugé en vertu de

7 l'article 142, car il était, si je puis m'exprimer ainsi, plus souple. Si

8 ces meurtres ou meurtres multiples étaient commis pendant des opérations de

9 guerre ou de combat à l'encontre des civils ou à l'encontre des blessés, en

10 temps de guerre, c'était le cas.

11 M. SEPENUK : [interprétation] Est-ce que ceci vous satisfait comme réponse

12 ?

13 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Je pense qu'il y a encore une

14 confusion, car la loi du code pénal applicable à tout le monde s'applique

15 aux soldats qui ont commis un meurtre de leur propre initiative, plutôt que

16 suite aux directions données par le commandant. Qu'est-ce qu'il se passait

17 alors ? Est-ce qu'un tribunal militaire ou une cour ordinaire en était

18 responsable ? Je veux dire, ceci n'est toujours pas clair. Merci de

19 clarifier cela, Monsieur Sepenuk.

20 M. SEPENUK : [interprétation] Merci.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience,

22 Monsieur Sepenuk, je note que ces questions ont été posées par le Juge

23 Chowhan et non pas par le Juge Kamenova.

24 M. SEPENUK : [interprétation] Merci.

25 Q. Général, est-ce que vous pouvez nous parler du système judiciaire qui a

26 été établi pendant la guerre afin de pouvoir poursuivre les auteurs de

27 crimes ?

28 R. Après la proclamation de l'état de guerre le 26 mars, le chef d'état

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1 major a donné un ordre conformément à l'état de guerre, ordre selon lequel

2 des tribunaux militaires en temps de guerre et des procureurs militaires en

3 temps de guerre devaient être établis. Sur la base de cela, les tribunaux

4 militaires de temps de paix et les bureaux du procureur militaire se sont

5 vus confiés la tâche d'établir des tribunaux militaires et des bureaux du

6 procureur militaire. Et ceux-là ont été formés dans le cadre des

7 commandements des unités individuelles.

8 Au total, 20 tribunaux de première instance et 20 bureaux de procureurs de

9 première instance ont été établis dans le cadre des commandements et des

10 unités.

11 Q. Général, je vous interromps momentanément.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant de faire cela, Monsieur Sepenuk,

13 nous ne pouvons pas passer sous le silence le fait qu'en anglais dans le

14 compte rendu d'audience, nous voyons que les procureurs militaires, les

15 tribunaux militaires lavaient quelque chose.

16 M. SEPENUK : [interprétation] Ont été saisis de leur lavage.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous aider ?

18 M. SEPENUK : [interprétation] Oui.

19 M. PETROVIC : [interprétation] Je crois qu'il y a plusieurs erreurs au

20 compte rendu d'audience. Je pense que le témoin a mentionné l'année 1949

21 s'agissant des conventions de Genève, mais dans le compte rendu d'audience,

22 nous voyons 1947.

23 Deuxièmement, page 12, ligne 12, les conseils de la Défense faisaient

24 d'habitude des requêtes qui ont été couronnées de succès. Je pense que ce

25 n'est pas ce que le témoin a dit.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Est-ce que vous pouvez nous

27 aider avec ce lavage, "washing" en anglais ?

28 M. CEPIC : [interprétation] Je pense que Me Sepenuk est en charge de cela.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. A vous, Maître Sepenuk.

2 M. SEPENUK : [interprétation] Je vais y revenir immédiatement, si vous

3 voulez.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi d'avoir mentionné cela --

5 M. SEPENUK : [interprétation] Merci.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] -- il est difficile de fonctionner

7 comme cela un lundi matin -- pardon mardi matin.

8 Voici, maintenant je ne distingue plus les jours non plus.

9 M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

10 Q. Général, excusez-moi de cette interruption, mais vous avez parlé des

11 tribunaux militaires en temps de paix. Parlez-nous de cela brièvement.

12 Combien il y en avait ? Où est-ce qu'ils siégeaient ?

13 R. En temps de paix, il y avait des tribunaux militaires de première

14 instance à Belgrade, à Nis, à Podgorica et aussi trois autres -- à ces

15 emplacements. Et il y avait un tribunal militaire suprême et un bureau du

16 procureur militaire suprême.

17 Q. Merci.

18 R. Les deux étaient basés à Belgrade.

19 Q. Après la guerre, combien de tribunaux militaires ont été établis ? Je

20 crois que vous avez dit qu'il y en avait 20, n'est-ce pas ?

21 R. Oui, 20 tribunaux militaires de première instance, et le même nombre de

22 bureaux du procureur militaire. Puis il y avait le tribunal militaire

23 suprême et le bureau du procureur supérieur. Ils avaient leurs propres

24 domaines; chacun d'eux était subordonné aux commandements de l'armée. Il y

25 avait trois sections au sein de chacun d'entre eux, trois sections des deux

26 organes qui traitaient des appels. Donc au total, il y avait 24 tribunaux

27 et 24 bureaux du procureur.

28 Q. Ces 20 tribunaux militaires, est-ce vous pouvez me dire si vous vous

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1 souvenez où ils se trouvaient ?

2 R. Oui, je sais. C'était constitué auprès des commandements des armées,

3 donc 1ère, 2e et 3e Armées à Belgrade, Podgorica et qui étaient plus

4 nombreux, à savoir à Novisad, Nis, Podgorica, Uzice et d'autres, et auprès

5 des commandements des districts militaires et des commandements des

6 divisions. Il avait aussi des tribunaux militaires de la marine.

7 Q. Qu'en est-il des avocats de la défense, des conseils de la défense ?

8 R. Je suppose que c'était une omission. Dans le règlement organisationnel,

9 le poste du conseil de défense n'a pas été pourvu; c'est ce que j'ai

10 remarqué. Après cela, on a engagé des avocats qui faisaient partie du

11 barreau et qui étaient parmi les plus en vue et ils étaient à la

12 disposition de chaque tribunal. Ils pouvaient être nommés d'office si

13 nécessaire. Donc chacun de ces tribunaux avait une liste de tels avocats.

14 Q. Est-ce que les règles de l'organisation et de la procédure

15 s'appliquaient à la fois aux tribunaux militaires et aux procureurs

16 militaires ? Répondez par "oui" ou "non", s'il vous plaît.

17 R. Oui, en même temps.

18 M. SEPENUK : [interprétation] En réalité, Monsieur le Président, avec la

19 permission de la Chambre, je souhaite que l'on montre les intercalaires 8,

20 9, 10 et 11 du règlement de procédures des tribunaux militaires et des

21 procureurs militaires. Je souhaitais simplement mentionner cela pour la

22 Chambre de première instance. Ceci est énuméré dans le 65 ter.

23 Pour le compte rendu d'audience, j'indique que l'intercalaire 8 porte

24 sur le travail du procureur militaire, c'est 3D11-0239 et ensuite 3D1110.

25 L'intercalaire 10 est la loi portant sur les tribunaux militaires, 3D11-

26 0337. L'intercalaire 10 est l'application du code pénal en temps de guerre,

27 3D11-0346. Et l'intercalaire 11 est 3D0355, porte sur la loi relative au

28 procureur militaire. Nous pouvons passer à autre chose.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous acceptez cela,

2 Monsieur Hannis ?

3 M. HANNIS : [interprétation] Oui.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Merci.

5 Poursuivez, Monsieur Sepenuk.

6 M. SEPENUK : [interprétation] Merci.

7 Q. Le 16 avril 1999, à votre avis, est-ce qu'il y avait suffisamment de

8 juges et de procureurs pour accomplir un travail approprié ?

9 R. J'ai noté immédiatement qu'il n'y avait pas suffisamment de juges ni de

10 procureurs. Il y en avait un nombre minime mais qui s'est avéré

11 insuffisant. Ça, c'est une partie.

12 Deuxièmement, il faut savoir que même si formellement toutes les conditions

13 étaient remplies, et même si ces personnes avaient remplis tous les

14 critères, passaient l'examen leur permettant d'entrer au barreau et avaient

15 un diplôme en matière juridique, souvent les personnes nommées à de tels

16 postes n'avaient pas d'expériences précédentes, qu'il s'agissent des juges

17 ou des procureurs. Donc, parmi les premières choses à faire, il fallait

18 remplacer ces personnes par des personnes qui avaient déjà travaillé dans

19 le cadre judiciaire, qui émanaient notamment des cours du district, et qui

20 avaient suffisamment d'expérience. Donc, conformément à nos propositions,

21 les membres du personnel ont été remplacés afin de pouvoir effectuer le

22 travail de manière aussi efficace et professionnelle que possible.

23 Q. Donc, un nombre de nouveaux juges et procureurs ont été nommés; c'est

24 exact ?

25 R. Oui.

26 Q. Est-ce que les nombres sont reflétés dans l'intercalaire 12 de la pièce

27 3D1110 et 3D110370 ?

28 R. Oui. Il y avait 150 juges au total et 92 procureurs, et les personnes

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1 nouvellement nommées étaient au nombre de 125. Ils étaient promus au grade

2 d'officier, car les procureurs militaires et les juges militaires devaient

3 être officiers de l'armée. Donc, ils ont reçu le statut d'officier de

4 réserve.

5 Q. Merci.

6 R. Donc ils étaient au nombre de 125; ils ont été nommés dans un délai

7 très bref.

8 Q. Merci.

9 M. SEPENUK : [interprétation] Encore une fois, Monsieur le Président, les

10 détails sont reflétés dans l'intercalaire 12 que j'ai mentionné.

11 Q. Lorsque le système des tribunaux militaires, procureurs militaires et

12 avocats de la défense ont été établis conformément à votre déposition, est-

13 ce qu'il y avait des règlements de procédure qui ont été mis en place afin

14 de permettre à ces tribunaux de fonctionner ? Est-ce que vous pouvez

15 répondre par oui ou non ?

16 R. Oui.

17 Q. Au fur et à mesure que la guerre progressait et que le nombre de crimes

18 s'accroissait, est-ce que vous avez vu un besoin d'améliorer le système ?

19 R. Oui.

20 Q. Vous personnellement, est-ce que vous avez rédigé des lignes

21 directrices visant à améliorer le fonctionnement du système ?

22 R. Oui.

23 Q. Est-ce que ces lignes directrices sont contenues dans l'intercalaire 13

24 de la pièce à conviction de la Défense 3D1110 ? Oui ou non ?

25 R. Oui.

26 M. SEPENUK : [interprétation] J'indique simplement, Monsieur le Président,

27 qu'il s'agit de la pièce 3D11-0380 en anglais, mais je vais passer à autre

28 chose. Je souhaitais simplement en avertir la Chambre.

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1 Q. Est-ce que dans le cadre de votre travail pendant la guerre, vous

2 deviez surveiller le travail des tribunaux militaires et la manière dont

3 ils poursuivent les auteurs de crimes ?

4 R. Oui.

5 Q. A cette fin-là, est-ce que vous vous êtes rendu au bureau du procureur

6 militaire et aux tribunaux militaires pour voir comment ils fonctionnaient

7 ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce que vous pouvez nous en parler brièvement ? Combien de bureaux

10 avez-vous visités ?

11 R. Je me suis rendu à tous les bureaux du procureur, et tous les tribunaux

12 militaires pendant la guerre, donc 24 tribunaux et 24 bureaux du procureur.

13 Donc le nombre total est de 48.

14 Q. Très bien. Lorsque vous avez fait le tour de ces bureaux du procureur

15 militaire et des tribunaux militaires pendant la guerre, quels étaient les

16 problèmes physiques que vous avez remarqués et qui rendaient difficile le

17 fonctionnement de ce tribunal ? Veuillez nous parler de ces obstacles

18 physiques ?

19 R. Bien sûr, il y avait des obstacles. Il y avait la guerre. Tous les

20 jours, il y avait des bombardements effectués par l'OTAN, qui bombardait

21 l'ensemble du territoire de la RFY. Souvent, il y avait des alertes

22 aériennes, donc les bureaux du procureur devaient se déplacer, les

23 procureurs devaient se déplacer assez souvent et changer de locaux.

24 D'ailleurs la communication avec les clients était rendue difficile, car

25 les accusés devaient venir devant le tribunal, mais il était rendu

26 difficile de se déplacer pour les accusés, pour les procureurs et pour les

27 juges, notamment lors des enquêtes sur les lieux. Mais ceci a été

28 particulièrement difficile au Kosovo, car mis à part les raids aériens, il

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1 était difficile et dangereux de se déplacer sur le terrain, en raison des

2 groupes terroristes albanais qui tendaient des embuscades pratiquement dans

3 toutes les zones habitées. Donc ils rencontraient de nombreuses

4 difficultés.

5 D'ailleurs, les unités se déplaçaient assez souvent, même plus

6 souvent que les tribunaux, donc vraiment le travail des juges et des

7 procureurs était rendu bien plus difficile.

8 Q. Qu'en est-il de votre bureau ? Est-ce que vous avez dû déménager

9 ?

10 R. Oui, j'ai dû déménager avec mon personnel et mon département.

11 Pendant mon mandat, nous avons déménagé trois fois, et avant cela ils

12 avaient changé d'emplacement trois fois. Donc au total il y a eu six

13 déménagements. Bien sûr ceci implique une organisation, l'introduction des

14 lignes téléphoniques et d'autres questions. Toutes les institutions

15 militaires changeaient d'emplacement. Donc, il était nécessaire d'établir

16 où se trouvait telle et telle personne, afin de pouvoir se mettre en

17 contact et communiquer.

18 Q. Général, après que vous avez exercé vos fonctions pendant un mois

19 environ, avez-vous rédigé un rapport s'agissant des organes judiciaires

20 militaires et leur fonctionnement jusqu'à ce moment-là ?

21 R. Oui.

22 Q. Je souhaite attirer votre attention sur la pièce 3D1110, intercalaire

23 15. Je vais demander si c'est un rapport que vous avez rédigé. En anglais,

24 il s'agit de la pièce 3D11-0404, et en B/C/S, 3D11-0398.

25 M. HANNIS : [interprétation] Je pense que cette pièce à conviction a déjà

26 été versée au dossier en tant que P2826, et afin d'être plus efficaces, je

27 propose que l'on fasse référence à cette pièce en utilisant cette cote-là.

28 Ceci a été versé au dossier le 28 mars.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Sepenuk.

2 M. SEPENUK : [interprétation] Il faut savoir que c'est la pagination

3 électronique, et il s'agit sinon d'intercalaires différents. Les documents

4 que j'utilise ont les numéros commençant par 1130. Je ne pense pas qu'il

5 posera problème à M. Hannis de suivre cette logique-là. Bien sûr, je suis

6 tout à fait prêt à me plier aux demandes de M. Hannis, si nécessaire.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] M. Hannis a raison. Il s'agit de la

8 pièce P2826, mais maintenant que nous savons que les deux pièces sont

9 identiques, pour le but de la présentation, je pense qu'il est acceptable

10 que Me Sepenuk poursuivre comme il faisait jusqu'à maintenant.

11 M. HANNIS : [interprétation] Ça ne nous pose pas de problèmes, mais je

12 voulais simplement indiquer ce que j'ai dit pour le compte rendu d'audience

13 à la fin de l'affaire.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, effectivement, ceci nous est

15 utile sur le plan formel pour que l'on ne perde pas de vue les documents

16 identiques.

17 M. HANNIS : [interprétation] L'intercalaire 14 n'a pas été mentionné, il

18 s'agit de la pièce P2825. L'intercalaire 16 est P953. L'intercalaire 17 est

19 P954, et 18A est P955.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

21 M. SEPENUK : [interprétation] Par exemple, 954 et 955 font l'objet d'une

22 référence dans notre résumé en vertu de l'article 65 ter.

23 Q. Général, vous voyez à l'écran le rapport que vous avez rédigé. C'est à

24 gauche, en anglais c'est à droite; est-ce exact ?

25 R. Exact.

26 Q. Parlons d'abord des dates. Nous voyons qu'il s'agit du 12 septembre

27 1999. Est-ce que ceci est erroné ?

28 R. Oui, c'est erroné. A la dernière page, nous avons la bonne date. Sinon,

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1 c'est une erreur.

2 Q. Quelle est la bonne date ?

3 R. Le 12 mai 1999.

4 Q. Et c'est à ce moment-là que vous avez rédigé ce rapport; est-ce exact ?

5 R. Oui.

6 Q. A qui est-ce que le rapport a été soumis ?

7 R. Le rapport était censé être soumis à l'état-major du commandement

8 Suprême, et je l'ai soumis au département chargé de la Mobilisation et du

9 Renforcement, ensuite ceci a été transmis à l'état-major du commandement

10 Suprême.

11 Q. Très bien.

12 M. SEPENUK : [interprétation] Peut-on passer à la section 2.3 du rapport

13 3D11-0405 en anglais et 3D11-0399 en B/C/S. Est-ce que vous pouvez défiler

14 le texte un peu en anglais jusqu'à la partie 2.3. Est-ce que vous pouvez

15 agrandir la partie, le cadre avec 2.3 ?

16 Q. Est-ce que vous voyez le paragraphe 2.3 ?

17 R. Oui.

18 Q. Le premier paragraphe de cette section, je vais vous le lire. Veuillez

19 suivre cela en B/C/S pour être sûr que je lis de manière correcte. "Il a

20 été évalué que le volume et la complexité des tâches, auxquelles les

21 organes judiciaires militaires dans ce groupe stratégique faisaient face,

22 étaient une charge trop grande pour l'établissement existant. Après avoir

23 fait des ajustements et après avoir surmonté des difficultés initiales, les

24 organes judiciaires militaires sont devenus pleinement opérationnels."

25 Est-ce que j'ai lu cela de manière exacte ?

26 R. Oui, au fond.

27 Q. Est-ce que vous partagez l'avis selon lequel les organes judiciaires

28 militaires sont devenus entièrement opérationnels ?

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1 R. Oui.

2 Q. Pendant le reste de votre mandat en tant que chef du département

3 juridique de l'état-major, est-ce que vous avez changé d'avis ?

4 R. Non.

5 Q. Très bien. Veuillez passer au paragraphe suivant, qui dit : "Les

6 organes de première instance affectés au commandement de la 3e Armée du

7 Corps de Nis et du district militaire de Nis ce sont avérés extrêmement

8 efficaces à la différence des organes judiciaires affectés au commandement

9 du district militaire de Nis."

10 Tout d'abord, je veux vous demander s'il y a une erreur dans ce paragraphe

11 ?

12 R. Oui, il y a une petite erreur, un lapsus clairement. Il fallait à la

13 fin parler du district militaire de Pristina et non pas de Nis, car celui

14 de Nis fonctionnait bien. Il y avait des défaillances et des omissions au

15 niveau du district militaire de Pristina et de son fonctionnement.

16 Visiblement, il s'agissait d'une erreur.

17 Q. Est-ce que vous pouvez nous parler de cela avec un peu plus de détails.

18 Quels étaient les problèmes à Pristina ?

19 R. Oui, bien sûr. Tout à l'heure, j'ai dit qu'à Pristina il y a eu des

20 difficultés, que des activités de combat intenses s'étaient déroulées là-

21 bas, de telle sorte que le tribunal militaire de Pristina ne pouvait pas

22 fonctionner bien s'agissant des communications avec les témoins, avec

23 d'autres parties, notamment en raison des déplacements fréquents des

24 procureurs et des organes. Il s'agissait des raisons objectives pour

25 lesquelles ils ne pouvaient pas fonctionner de manière appropriée. Puis il

26 y avait d'autres difficultés, notamment visant à remplir tous les postes

27 vacants. Par la suite, lorsque le personnel a été au complet, les choses se

28 sont un peu améliorées, mais il y a eu des difficultés organisationnelles

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1 qui sont restées.

2 Q. Est-ce qu'on peut dire que ces difficultés sont restées plus ou moins

3 tout au long de la guerre ?

4 R. Tout au long de la guerre, effectivement, car les circonstances non pas

5 changées, elles en se sont pas améliorées.

6 Q. Est-ce qu'on pourrait maintenant passer au paragraphe 3 où il est dit :

7 "Les organes judiciaires militaires affectés au commandement du Corps de

8 Pristina ont rencontré, dans le cadre de leur travail, des cas criminels

9 extrêmement complexes traitant de crimes graves (terrorisme, meurtre,

10 pillage, vol, et cetera) qui exigent que les procureurs et les juges aient

11 un haut niveau d'expertise et d'expérience."

12 Ma question est la suivante : comment avez-vous appris l'existence de tels

13 crimes ? Comment est-ce que vous l'avez appris ? Quelles étaient les

14 sources d'information ?

15 R. Les sources d'information étaient les informations contenues dans le

16 rapport des tribunaux militaires et des bureaux des procureurs militaires

17 qui étaient soumis aux tribunaux militaires suprêmes et aux bureaux de

18 procureurs militaires suprêmes qui m'ont été transmis. Dans le cadre de ces

19 rapports, on pouvait constater que la criminalité était croissante, que la

20 situation était extrêmement complexe et qu'il était nécessaire à la fois

21 que les juges et les procureurs impliqués dans ces affaires aient un niveau

22 d'expérience et d'expertise extrêmement élevé.

23 Q. Oui. Puis vous avez dit --

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant que vous passiez à autre chose,

25 Maître Sepenuk, Monsieur Gojovic pourquoi est-ce qu'on fait référence ici

26 au terrorisme ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci porte sur les groupes terroristes,

28 membres de la minorité albanaise qui faisaient partie des groupes

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1 terroristes qui procédaient aux enlèvements et aux attaques surprises,

2 parfois même, s'agissant des témoins. Lorsque les témoins, il y en avait

3 trois qui étaient venus déposer, sur le chemin de retour, ces trois

4 personnes ont été enlevées, et encore aujourd'hui, on ne sait pas ce qui

5 leur est arrivé.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous nous penchons sur le paragraphe

7 qui parle des organes judiciaires militaires qui traitent des crimes

8 sérieux et le terrorisme est donné comme l'un des exemples. Est-ce que vous

9 pouvez nous donner un exemple du crime de terrorisme dont traitaient les

10 organes judiciaires militaires ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Les tribunaux militaires pendant la guerre ne

12 s'occupaient pas de telles affaires. Ils ne faisaient que les enregistrer.

13 Une grande partie de ces affaires ont fait l'objet du travail des tribunaux

14 civils des districts. Ce ne sont pas les tribunaux militaires qui s'en sont

15 occupés.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être que je n'ai pas bien compris

17 de quoi il s'agit, mais j'imagine que les tribunaux militaires n'avaient

18 pas la compétence pour juger les actes de terrorisme.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement, il ne s'agit pas là d'un crime

20 qui relève de la compétence exclusive des tribunaux militaires. Au

21 contraire, il s'agit de la compétence des tribunaux civils du district.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous répondre à la question

23 que je vous ai posée. Les tribunaux militaires avaient-ils une compétence

24 pour juger des actes de terrorisme ? Oui ou non ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. S'il s'agissait des actes de terrorisme

26 dirigés vers les soldats, les membres de l'armée et à condition qu'on les

27 trouve, qu'on les arrête.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je reviens à la question que je vous

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1 ai posé au début : à quoi faites-vous référence dans ce paragraphe quand

2 vous parlez du terrorisme, quand vous dites que le terrorisme est un des

3 crimes sérieux pour lesquels sont compétents les organes judiciaires

4 militaires. Donnez-moi un exemple ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je viens de le faire. Ils avaient affaire à de

6 tels crimes, mais ils n'avaient pas la possibilité d'arrêter les auteurs.

7 Tout à l'heure, je vous ai dit que trois soldats qui sont venus témoigner

8 ont été kidnappés. Là, il s'agit d'un acte de terrorisme. C'est sûr qu'ils

9 ont été tués, mais jusqu'au jour d'aujourd'hui, on ne sait pas quel est

10 leur sort. Ils sont portés disparus. Mais, vous savez quand il s'agit d'un

11 kidnapping, un enlèvement, c'est un acte de terrorisme. Tout le monde

12 comprend ça.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Vous pouvez poursuivre,

14 Maître Sepenuk.

15 M. SEPENUK : [interprétation] Je vais vous demander d'examiner la page

16 suivante. C'est la page 3D11-0406 en anglais, et c'est la page --

17 Nous l'avons en anglais ? Est-ce que vous avez trouvé la page en

18 anglais ? 3D11-0406; et en B/C/S, 3D11-0400.

19 Pourriez-vous agrandir un peu la page, s'il vous plaît ? C'est

20 surtout le paragraphe 3 qui m'intéresse, c'est l'intitulé "Nombre

21 d'affaires".

22 Q. Est-ce que vous voyez ce paragraphe, le troisième ?

23 R. Oui.

24 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît -- je vais vous lire une phrase qui dit

25 que : "3 928 [comme interprété] personnes ont été accusées, que 997

26 jugements ont été prononcés, 2 393 affaires au pénal ont été finalisées, et

27 2 005 [comme interprété] enquêtes sur le site concernant les bâtiments

28 détruits et autres crimes ont été faites." Ensuite, on parle des "Pièces

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1 jointes 1 à 3."

2 Est-ce que la base de ces figures se trouve justement dans cette pièce

3 jointe dont nous avons parlé tout à l'heure ? Oui ou non ?

4 R. Oui.

5 M. SEPENUK : [interprétation] M. Hannis a fait référence à cela avant ? Il

6 s'agit de l'intercalaire 14 de la liste des jugements, condamnations pour

7 chacune des catégories de personnes, types de crimes, et cetera, en date du

8 15 mai 1999. Il s'agit du document 3D11-0392.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Gojovic, quand on parle de 2

10 393 affaires qui ont été conclues, est-ce que vous pouvez dire ce que cela

11 veut dire ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Justement, la traduction n'est pas très bonne,

13 parce qu'ici on dit conclues, mais je ne vois pas ce que cela veut dire.

14 Parce qu'ici on peut lire, le procureur militaire avait 7 800 rapports au

15 pénal. On a demandé qu'une enquête soit faite pour 2 911 personnes, dont 3

16 928 personnes ont fait objet des actes d'accusation.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous parler un petit peu

18 moins vite parce que les interprètes ne suivent pas.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, je comprends.

20 J'ai voulu tout simplement vous dire que 2 393 enquêtes ont été

21 conclues. Donc ce sont les juges d'instruction qui ont terminé leurs

22 enquêtes, ensuite ils ont fait faire suivre l'affaire ou l'ont transmise au

23 procureur militaire. Ensuite, vous avez l'acte d'accusation. C'est pour

24 cela que je n'avais pas compris, parce qu'on parlait de ce terme. On avait

25 utilisé ce terme "conclues" et c'est cela qui m'a un peu confondu. Quand on

26 dit que 3 897 personnes ont fait l'objet d'actes d'accusation, et qu'il y a

27 eu 997 jugements de rendus, et que 2 393 affaires au pénal ont été

28 conclues, si vous faites le compte de tout cela, si vous additionnez tout

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1 cela, ça veut dire que ces procédures ont été achevées.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne vous comprends toujours pas,

3 parce que vous dites que quand on parle de ce chiffre de 2 393, ça veut

4 dire que l'enquête a été finalisée, mais il n'y a pas eu de jugement ?

5 R. Ce chiffre de 2 393 indique quel est le travail des juges. Les juges

6 ont pour obligation de faire leur enquête. Ils ont fait des enquêtes, après

7 vous avez des jugements au niveau des tribunaux de première instance. Ils

8 sont arrivés à un certain nombre de jugements, et pour le tribunal de

9 première instance, il s'agit d'une affaire close. C'est le chiffre qui est

10 indiqué ici.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suis désolé, moi je ne comprends

12 absolument pas de quoi il s'agit. Monsieur Sepenuk. Si vous pensez que

13 c'est quelque chose d'important, il faudrait que vous jetiez la lumière là-

14 dessus.

15 M. SEPENUK : [interprétation] Je suis d'accord et c'est vrai que moi non

16 plus je ne comprends pas très bien de quoi il s'agit. Mais nous allons

17 discuter d'un autre rapport, un rapport du mois de septembre, et je pense

18 que cela va nous aider à comprendre.

19 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Le général, c'est un juriste aussi.

20 Quand on dit qu'une affaire a été close, cela veut dire qu'on n'a pas donné

21 suite à une affaire, et qu'elle s'est arrêtée là à la phase d'enquête et

22 qu'il n'y a pas eu de jugement. C'est peut-être de là que vient le

23 malentendu.

24 Parce que quand vous dites qu'une affaire est close, est-ce que ça

25 veut dire qu'elle est conclue après qu'un jugement a été fait, prononcé ?

26 Ou est-ce que cela veut dire qu'une affaire est close sans qu'il y ait eu

27 de jugement par la suite ?

28 Là je parle de -- de ces --

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand vous terminez une phase de la procédure,

2 vous avez fini, finalisé cette phase-là, mais ici il ne s'agit pas vraiment

3 des arrêts, il s'agit des jugements en première instance, donc ce ne sont

4 pas vraiment les jugements définitifs. Il s'agit d'une phase qui a été

5 finalisée.

6 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Une question très simple : quand vous

7 dites que pour 2 300 et quelques affaires, il s'agit d'affaires closes,

8 est-ce qu'il s'agit d'affaires closes avant que les jugements n'aient été

9 prononcés, ou après ? Est-ce que cela veut dire qu'une affaire est close

10 parce qu'on ne donne pas de suite, ou elle est close parce que toutes les

11 procédures se sont arrêtées, le --

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, non. Là, il ne s'agit pas des

13 affaires jugées. Il s'agit juste d'une phase de la procédure qui s'est

14 terminée.

15 M. SEPENUK : [interprétation]

16 Q. Mon Général, pourriez-vous vous référer au paragraphe 4. On parle de

17 problèmes de base. C'est sur la page qui est en face de vous. Vous parlez

18 des difficultés du travail du procureur qui devait traiter d'un grand

19 nombre d'affaires en très peu de temps.

20 Ensuite vous dites : "Il y a une augmentation légère des crimes plus

21 complexes, avec un plus grand nombre d'auteurs qui commettent des crimes

22 sérieux, ce qui représente une menace à la société et demande un plus grand

23 engagement des organes compétents pour découvrir et empêcher ce type de

24 criminalité."

25 Est-ce que c'est quelque chose que vous avez remarqué à l'époque ?

26 R. Oui

27 Q. Peut-être que je vais être répétitif, mais quand vous dites qu'il y a

28 eu plus de crimes, quelle est la source de cela ?

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1 R. Ce sont les rapports qui me sont parvenus des juges et des tribunaux.

2 Q. Est-ce que c'est quelque chose qui vous préoccupait, ce plus grand

3 nombre de crimes commis ?

4 R. Chaque fois que vous avez une augmentation de criminalité, et quand il

5 s'agit encore de crimes complexes, chaque personne qui est versée dans la

6 chose est préoccupée par cela.

7 Q. Puisque vous étiez inquiet à ce sujet, je voudrais vous demander

8 d'examiner le paragraphe 6.3 de votre rapport et de nous dire de quoi il

9 s'agit ? Il s'agit de la page 3D11-0407 en anglais.

10 C'est bien. On peut le lire.

11 Dans ce paragraphe, Mon Général, on peut lire : "Pour les unités et

12 les organes à tous les niveaux." On peut lire : "Tous les officiers des

13 unités doivent immédiatement faire un rapport et informer le procureur

14 compétent militaire de tous les crimes commis et de tous les auteurs de ces

15 crimes, pour qu'on puisse commencer une procédure à ce sujet. Tous les

16 officiers qui ne font pas cela vont être tenus responsables et vont se voir

17 prononcer des mesures les plus strictes contre eux."

18 R. Oui, je vois cela.

19 Q. A l'époque, est-ce que vous avez discuté de cela, de cet accroissement

20 de la criminalité avec le général Matovic ? Le cas échéant, pourriez-vous

21 nous dire qui était le général Matovic ?

22 R. C'était mon supérieur hiérarchique, et je l'ai informé de cela. C'est

23 vrai qu'il était nécessaire de proposer les mesures à prendre pour non

24 seulement sanctionner, mais aussi faire en sorte qu'il y ait une prévention

25 de la criminalité, pour que d'autres personnes soient averties de ce que la

26 commission de tels crimes comprend.

27 Q. Est-ce que vous avez donné suite à cela, en écrivant un ordre qui

28 devait être par la suite signé par le général Ojdanic le 10 mai 1999, qui

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1 se trouve au niveau de l'intercalaire 7 du document 3D1110 ? C'est 3D11-

2 0320 en anglais --

3 M. HANNIS : [interprétation] Il s'agit là d'une question complètement

4 directrice. Je dois soulever une objection.

5 M. SEPENUK : [interprétation] Aucun problème. Je vais reformuler.

6 D'ailleurs, il s'agit du document 3D483, qui est aussi une pièce à

7 conviction de la Défense. Je pense qu'elle a déjà été versée au dossier.

8 Mais là, nous sommes en train de suivre les intercalaires tels qu'ils

9 figurent dans les dossiers. C'est pour cela que je vous demande d'examiner

10 la pièce 3D11-0320 en anglais et 3D11-0315 en B/C/S. Voilà, c'est sur les

11 écrans.

12 Q. Est-ce que vous le voyez, Général ?

13 R. Oui.

14 Q. Pourriez-vous dire de quoi il s'agit ?

15 R. C'est un ordre que j'ai préparé personnellement, et je l'ai donné à la

16 signature du chef d'état-major du commandement Suprême, le général Ojdanic.

17 Il devait être envoyé à toutes les unités qui devaient prendre connaissance

18 de cet ordre, ainsi que des pièces jointes, à savoir des extraits du code

19 pénal de la République fédérative de Yougoslavie, et où on décrit les

20 crimes et les éléments de crimes qui comportent les violations du droit

21 humanitaire international.

22 Il y a un certain nombre de paragraphes ici. Dans le premier

23 paragraphe, il est prévu que les commandants de toutes les unités à tous

24 les niveaux, et tous les commandants supérieurs doivent prendre toutes les

25 mesures nécessaires pour faire en sorte que les unités respectent les

26 provisions du droit international de guerre. C'était un impératif.

27 On a attiré leur attention là-dessus, ainsi que sur le fait que les

28 commandants qui ne vont pas respecter ces textes vont être tenus

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1 responsables en personne, ainsi que pour la responsabilité des commandants

2 hiérarchiques. Ils doivent prendre toutes les mesures pour faire en sorte

3 qu'il n'y ait pas de telles violations au sein de leurs unités. Donc chaque

4 officier qui sait qu'il y a eu de tels actes commis en est responsable,

5 s'il sait qu'un acte a été commis mais qu'il n'a pas pris les mesures

6 nécessaires.

7 Donc cet ordre a été écrit pour réactualiser tout cela, tout d'abord

8 pour agir comme mesure de prévention, mais aussi pour sanctionner toutes

9 les violations du droit humanitaire international, quel que soit l'auteur.

10 Ceci a été envoyé à tous les commandants de tous les groupes stratégiques

11 et de toutes les unités, et toutes les unités étaient censées respecter

12 cela.

13 Q. Au niveau du paragraphe 6 -- l'annexe à l'ordre qui est mentionné, où

14 l'on peut lire -- quand on lit cet ordre, on voit qu'il y avait une annexe

15 qui a été jointe.

16 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

17 M. HANNIS : [interprétation] Je n'ai pas la traduction en langue anglaise

18 de cette pièce jointe. Je ne sais pas si elle existe. En tout cas, elle

19 n'est pas dans le e-court.

20 M. SEPENUK : [interprétation] Je ne l'ai eue qu'il y a très peu de temps.

21 Il s'agit de la cote 3D483, et elle n'est pas jointe. Mais nous allons

22 immédiatement communiquer la traduction en langue anglaise à M. Hannis.

23 Q. Est-ce que vous souhaitez que je vous montre cette annexe, cette pièce

24 jointe ?

25 R. Elle existe, la pièce jointe.

26 Q. Dans cette pièce jointe, pour être très bref, on dit que quand il y a

27 des crimes de guerre commis contre des civils et d'autres crimes, que les

28 commandants doivent prendre cela au sérieux et mettre en garde leurs unités

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1 à ces sujets. Est-ce que c'est de cela que l'on parle ?

2 R. Oui, entre autres.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Gojovic, vous avez dit que

4 ceci est dû à un plus grand nombre de crimes qui ont été commis. Mais est-

5 ce que vous pourriez nous dire de quoi il s'agissait ? Quels étaient ces

6 comportements criminels dont le nombre s'est accru à l'époque ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je recevais des rapports des tribunaux, du

8 président du tribunal militaire, ou du procureur militaire. Quand on

9 suivait toutes les affaires, on voyait bien qu'il y avait plus de crimes,

10 plus d'auteurs, plus de participants. Vous aviez plus de personnes qui

11 participaient à un crime, et c'était un fait nouveau qui était important.

12 Il fallait faire attention à cela au niveau de l'état-major du commandement

13 Suprême pour prévenir cette criminalité, pour sanctionner les crimes et

14 pour améliorer aussi le travail des tribunaux militaires et des organes qui

15 participaient aux enquêtes sur le terrain.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quels étaient ces crimes ? Quelle

17 était la nature des crimes commis le plus souvent ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous aviez des crimes concernant la propriété.

19 Vous aviez des meurtres. Vous avez le banditisme associé au meurtre, et

20 tout cela était fait le plus souvent par des groupes de personnes qui

21 n'étaient plus contrôlés par leurs commandants et se livraient à la

22 criminalité.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'étaient des membres de l'armée

24 yougoslave.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Sepenuk, vous pouvez

27 poursuivre.

28 M. SEPENUK : [interprétation] Merci.

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1 Q. Est-ce que vous avez écrit un rapport portant sur le travail des

2 organes judiciaires militaires pendant l'état de guerre ?

3 R. Oui.

4 Q. Je vais vous demander d'examiner un rapport que vous avez écrit qui a

5 la date du 6 septembre 1999.

6 M. SEPENUK : [interprétation] Il s'agit d'une pièce à conviction que nous

7 avons marquée comme une pièce à conviction en date du 20 juin 1999. Dans ce

8 rapport, on parle plus en détail de cela. Nous considérons que ce rapport

9 est plus détaillé et donc plus exact.

10 Q. Pourriez-vous nous parler de ce rapport ? Il s'agit de la pièce 3D986,

11 3D06-0001 en B/C/S et 3D07-0375 en anglais.

12 Il s'agit d'un rapport en date du 6 septembre 1999. Pouvez-vous nous dire

13 pourquoi vous avez écrit ce rapport ?

14 R. A l'époque, ce rapport était déjà fini. Vous m'avez demandé pourquoi je

15 l'ai écrit ?

16 Q. Oui. Je pense que nous pourrions aussi montrer sur l'écran la page

17 3D07-0376. Parce que ce que vous avez, c'est la page de garde en anglais.

18 Ce qu'il nous faut, c'est la première page du rapport.

19 Oui, je vous ai demandé pourquoi vous avez écrit ce rapport ?

20 R. A l'époque, après que la guerre a été finie et que l'on était en train

21 de traiter de toutes les informations, le chef de l'état-major, le général

22 Ojdanic, par le biais de ses organes opérationnelles, a donné l'ordre que

23 tous les secteurs de l'état-major, par rapport à leur compétence pendant la

24 guerre, fassent des rapports d'information détaillés portant sur le travail

25 qu'ils ont fait, les problèmes qu'ils ont rencontrés pour que tout ceci

26 soit étudié et pour que cela nous serve par la suite comme archives et

27 expériences.

28 Il s'agissait de constituer des archives qui devaient nous aider à

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1 prendre connaissance des difficultés et problèmes rencontrés et pour

2 améliorer par la suite tout cela. Si vous voulez, c'étaient des documents

3 qui devaient servir comme un corps d'information qu'il s'agissait d'étudier

4 pour améliorer l'organisation et le travail de ces organes à l'avenir.

5 Il s'agissait là d'un rapport très important qui portait sur toute la

6 période de l'état de guerre jusqu'au moment où ces organes ont cessé de

7 fonctionner dans le cadre de l'état de guerre, évidemment, dans cette

8 période-là.

9 Q. Bien. A présent, je vais vous demander de passer à la page 3D07-0382 en

10 anglais, et 3D06-0006 en B/C/S. Pourriez-vous agrandir les deux paragraphes

11 en haut de la page, en anglais comme en B/C/S, s'il vous plaît ?

12 Nous avons à nouveau des chiffres. J'espère que ça va être plus clair -- on

13 va voir comment on avance.

14 On peut lire dans votre rapport que les procureurs militaires ont

15 reçu en tout 19 701 rapports criminels, et là c'est un rapport du mois de

16 septembre 1999.

17 R. [aucune interprétation]

18 Q. On peut lire : "Les procureurs militaires ont reçu au total 19 701

19 rapports au pénal et ils ont soumis des plaintes pour commencer les

20 enquêtes au sujet de 5 630 personnes et ont fait des actes d'accusation

21 contre 7 097 personnes. Les tribunaux militaires ont terminé les enquêtes

22 pour 3 052 cas et ont prononcé 3 147 jugements. En plus, ils ont procédé à

23 280 enquêtes sur site."

24 Est-ce que vous avez pu examiner tout cela ? Est-ce que c'est vous qui avez

25 écrit ces chiffres et les avez inclus dans votre rapport ? Je fais

26 référence aux documents 3D06-0014 en B/C/S et 3D07-0090 en anglais.

27 Monsieur, est-ce que c'est bien une pièce jointe à votre rapport, on voit

28 les chiffres dont vous venez de parler tout à l'heure ?

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1 R. Oui, mais il s'agit du rapport du mois de septembre. Il s'agit de

2 chiffres plus importants par rapport au rapport du 21 juin. Pourquoi ?

3 Parce qu'il s'agit d'une période qui va jusqu'au 25 juin. L'état de guerre

4 s'est terminé le 26 juin.

5 Entre-temps, les tribunaux ont intensifié leur travail et ils ont

6 essayé de compléter leur travail et de finaliser le plus d'affaires

7 possible. Le rapport du 21, vous avez dans ce rapport les chiffres qui sont

8 faits pour les dates du 18 et 19 juin. C'est avec ces dates-là que sont

9 finalisés les chiffres que vous évaluez, alors que là vous avez un rapport

10 qui résume toutes les informations à la date du 26 juin. C'est pour cela

11 que les chiffres ne sont pas exactement les mêmes, c'est pour cela qu'il y

12 a des différences.

13 Mais si vous voyez le nombre de jugements de prononcés, la différence

14 est très petite. Le chiffre qui a augmenté, c'est le nombre des actes

15 d'accusation qui ont été présentés par les procureurs, parce que les

16 tribunaux se sont efforcés de travailler de la façon la plus intense

17 possible puisqu'ils ont achevé leur travail avec la terminaison de l'état

18 de guerre, à savoir le 26 juin.

19 M. SEPENUK : [interprétation] Je pense que maintenant le moment est

20 opportun pour prendre notre pause.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Effectivement. Monsieur Gojovic, nous

22 allons prendre une pause de 20 minutes. Je vais vous demander de quitter ce

23 prétoire accompagné de l'huissier et de revenir à 11 heures moins dix.

24 [Le témoin quitte la barre]

25 --- L'audience est reprise à 10 heures 51.

26 [Le témoin vient à la barre]

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Sepenuk.

28 M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

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1 Q. Mon Général, nous étions en train de parler du nombre de jugements

2 rendus au pénal au sujet de ces procès, je voudrais maintenant vous

3 demander la chose suivante : la majeure partie de ces procès au pénal ont

4 été diligentés et conduits à l'égard de quels délits au fait ?

5 R. La majeure partie portait sur l'article 214 du code pénal de la

6 République fédérale de Yougoslavie, c'est-à-dire ne pas répondre aux appels

7 sous les drapeaux et abandon de poste. Il y a eu beaucoup de gens qui ont

8 été mobilisés qui n'ont pas répondu à l'appel sous les drapeaux, donc ils

9 ont fait l'objet d'une procédure au pénal.

10 Q. D'après votre rapport, cela a constitué quelque 88 % de toutes les

11 affaires, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Et le 12 % restant ?

14 R. Le 12 % restant portait sur tous les autres délits au pénal qui ont été

15 commis à l'époque, à savoir délits au pénal contre la vie des autres,

16 contre les biens des autres et autres. Mais c'est les délits que j'ai

17 indiqués qui ont été les plus fréquents.

18 Q. Quand vous dites délits au pénal à "l'encontre de la vie ou de

19 l'intégrité d'autrui", qu'avez-vous à l'esprit ? Quels sont ces délits au

20 pénal à l'encontre de la vie ou de l'intégrité ?

21 R. C'est quand quelqu'un est attaqué, quand sa vie est menacée ou son

22 corps, son intégrité physique est menacée, donc toutes blessures

23 corporelles graves, tous les mauvais traitements, et en font partie

24 également les viols. Ce sont ces délits au pénal qui sont englobés sous

25 cette appellation commune. C'est là qu'un individu a fait l'objet d'une

26 attaque.

27 Q. Y a-t-il eu des crimes de guerre dans cette catégorie ?

28 R. Font partie de cette catégorie les crimes de guerre aussi, étant donné

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1 que cela se rapporte aux meurtres commis.

2 Q. Mais vous n'avez pas de détails concrets dans ce rapport ?

3 R. Ce rapport fait partie de cette partie-là des crimes. Ils n'ont pas été

4 dissociés.

5 Q. Mon Général, dites-nous en termes simples quelle a été votre conclusion

6 dans ce rapport ?

7 R. La conclusion de ce rapport a été celle de dire que le tribunal dans la

8 situation concrète, en relativement peu de temps - parce que ça s'est

9 ramené à quelque deux mois, deux mois et demi, leur fonctionnement - ont

10 fonctionné de façon efficace parce qu'un grand nombre de procès ont été

11 diligentés, entamés, et un certain nombre ont été achevés dans des

12 circonstances des plus difficiles.

13 Q. Lorsque vous avez terminé votre rapport en septembre 1999, est-ce que

14 le général Ojdanic se trouvait encore à la tête du Grand état-major ?

15 R. Oui.

16 Q. Avez-vous discuté de ce rapport avec lui ?

17 R. Non, pas au mois de septembre. Ce rapport a été envoyé à

18 l'administration opérationnelle et il devait aller à l'institut des arts de

19 la guerre pour être étudié quant à ces expériences et à la pratique qui a

20 été étudiée.

21 Q. Mais le général Ojdanic est ensuite devenu ministre de la Défense. Ça

22 s'était passé en septembre [comme interprété] 2000 ?

23 R. Oui.

24 Q. Quelle a été votre tâche en février 2000 ?

25 R. Moi, je faisais encore partie du Grand état-major. Un peu plus tard je

26 suis passé à l'administration juridique du ministère de la Défense.

27 Q. Avez-vous pour finir rédigé un rapport parlant des crimes de guerre et

28 autres crimes graves perpétrés à l'occasion de la guerre au Kosovo ?

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1 R. Oui.

2 Q. Quand est-ce que vous l'avez fait ?

3 R. Je l'ai fait au mois de septembre ou octobre de l'an 2001.

4 Q. Pourquoi avez-vous rédigé ce rapport ?

5 R. Il a été écrit à l'époque et une commission du ministère de la Défense

6 pour la coopération avec le Tribunal de La Haye, vu qu'il y a eu des

7 demandes de communication de documents et de renseignements concernant des

8 procès en cours ici, le ministère a créé une commission, j'ai été président

9 adjoint de cette commission et au sein de celle-ci j'ai travaillé à la

10 collecte de ces renseignements pour ce qui est des délits au pénal qui

11 pourraient être qualifiés comme étant violations du droit humanitaire

12 international.

13 Q. Est-ce que ce rapport figure aux intercalaires 18A et 18B, de la pièce

14 3D1110 ? Vous pouvez répondre par un "oui" ou par un "non."

15 R. Oui.

16 Q. Ce rapport, d'après ce que vous en savez, porte également la cote d'une

17 pièce de l'Accusation, la cote 955 ?

18 R. Probablement que oui. Je ne vais pas être la personne qui va vous

19 confirmer le numéro.

20 Q. Oui, vous n'êtes pas la bonne, mais je voulais juste pour les besoins

21 du compte rendu d'audience indiquer aux Juges qu'il s'agit du 955.

22 Alors, sur quoi se base ce rapport, ce rapport daté du mois de septembre

23 2001 ?

24 R. Il se base sur un rapport du tribunal militaire à Nis qui a été

25 communiqué à la cour militaire suprême, et je l'ai rédigé partant de ces

26 renseignements du tribunal militaire de Nis qui s'est vu saisi de toutes

27 les affaires des tribunaux de guerre de la 3e Armée. C'est donc le tribunal

28 militaire de Pristina, le tribunal militaire auprès du commandement de Nis

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1 et de l'armée de Nis. Donc toutes les affaires en justice militaire pendant

2 la guerre ont été confiées à ce tribunal militaire de Nis.

3 Q. Est-ce que ces informations du tribunal militaire de Nis figure à

4 l'intercalaire de cette pièce 3D1110 ?

5 R. Oui.

6 M. SEPENUK : [interprétation] Mesdames et Messieurs les Juges, il s'agit de

7 la pièce à conviction de l'Accusation 954. Et pour les besoins du compte

8 rendu d'audience, je précise que cet intercalaire couvre la pièce 3D11-

9 0496-0562, et je précise également que l'intercalaire 18 est subdivisé en

10 18A et 18B. Le 18B se rapporte aux crimes de viol; le 18A, aux autres

11 crimes perpétrés. Il s'agit de la pièce 3D1110. Le 18A est en fait le 3D11-

12 0655 [comme interprété] -0714. Et le 18B est le 3D11-0728-0730.

13 Q. Mon Général, l'intercalaire 18 se base-t-il sur l'intercalaire 17 ?

14 R. Oui.

15 Q. Après avoir rédigé ce rapport, vous êtes-vous entretenu avec le général

16 Ojdanic ? Si oui, de quoi a-t-il été question ?

17 R. J'ai discuté avec lui. Il était au ministère de la Défense, moi j'étais

18 au département de la Justice. Il a demandé des renseignements pour ce qui

19 est des délits au pénal poursuivis devant les tribunaux militaires pendant

20 la guerre. J'ai donc œuvré à la collecte de ces renseignements. C'est ce

21 qui a résulté par ce document à l'époque. Je lui ai donc présenté la

22 situation en vertu des renseignements collectés et nous en avons discuté.

23 Q. Avez-vous discuté du nombre et du type de crimes de guerre sur lesquels

24 vous êtes tombé et dont a fait état ce rapport ?

25 R. Je lui ai présenté ces renseignements collectés par mes soins. Je lui

26 ai indiqué où cela se trouvait dans le rapport, de quelle façon cela a été

27 présenté. Je me suis efforcé de faire en sorte que ce soit assez logique et

28 que cela puisse être compris par ceux qui n'étaient pas juristes. J'ai donc

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1 procédé de la façon la plus simple, afin que ce soit facilement saisi et

2 compris par toute personne, lui compris.

3 Q. Et quelle était sa réponse ?

4 R. Sa première réaction a été celle de dire que c'était bien fait, que

5 c'était assez bien ordonné. Il a été surpris de voir qu'il n'y avait pas

6 beaucoup de délits au pénal graves, mis à part les délits au pénal contre

7 les biens d'autrui, parce que la plupart étaient des vols graves; puis il y

8 a eu des crimes contre la population civile. Cela peut faire partie de

9 cette catégorie, bien que les juristes les qualifient autrement.

10 Il y a eu plusieurs procès de conduits contre des auteurs de crimes

11 de guerre, et crimes graves de meurtre, mais par rapport au nombre de

12 victimes qui ont également été répertoriées, ces victimes étaient des

13 membres de la population civile albanaise. Il n'y a que des membres de la

14 population civile albanaise qui ont été recensés et il a été surpris par

15 cette disproportion. Il a demandé comment bon nombre d'auteurs de ces

16 crimes n'étaient pas découverts et je lui ai apporté des explications à cet

17 effet.

18 Q. Est-ce que vous avez dit qu'il avait relevé le fait qu'il n'y avait pas

19 beaucoup de crimes de guerre de reflétés par votre rapport ? C'est ce qu'il

20 a dit ou autre chose ?

21 R. Il a remarqué la chose, et notamment lorsqu'on compare ces chiffres

22 pour ce qui est du nombre de délits découverts et poursuivis en justice et

23 le nombre des victimes où on n'a pas trouvé les auteurs des crimes, le

24 dilemme qui s'est posé à lui, c'est de savoir comment on a pu faire,

25 comment on a fait pour recenser un tel nombre de crimes alors que les

26 instances chargées d'enquêter n'ont pas pu trouver les auteurs de ces

27 crimes. Je lui ai expliqué que dans les circonstances de guerre, il est

28 difficile de découvrir, d'identifier les auteurs, étant donné que les

Page 16687

1 auteurs de ces crimes ou de ces délits au pénal s'efforcent de dissimuler

2 la chose. Ceux qui étaient leurs proches n'osaient pas le rapporter parce

3 qu'ils avaient peur de représailles. Donc il n'y a que là où l'officier

4 supérieur a noté ou la présence de crimes perpétrés qu'il a rapporté, parce

5 que les autres combattants le faisaient difficilement, vu qu'il s'agit là

6 d'une partie négative de solidarité. Mais c'étaient des circonstances de

7 guerre. Ce n'est pas caractéristique pour ces militaires seulement, mais

8 les militaires en général, compte tenu de cette solidarité présente, même

9 négative et indépendamment des répercussions que cela risque d'avoir.

10 Q. Pour ce qui est de ces auteurs inconnus de crimes, dans votre rapport,

11 n'avez-vous pas relevé la présence d'un grand nombre de crimes où les

12 auteurs n'étaient pas connus mais où l'enquête a tout du moins été

13 diligentée, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Mon Général, avez-vous eu connaissance d'un crime de guerre déclaré où

16 il n'y a pas eu d'enquête de diligentée et qu'il n'y a pas eu de procédures

17 de conduites au travers du système judiciaire pénal ?

18 R. Non. Il n'y a pas eu de cas de ce genre. A chaque fois qu'on a eu vent

19 d'une chose, il y a eu une procédure auprès du ministère du procureur

20 militaire et celui-ci s'est efforcé de recueillir le plus possible de

21 renseignements et de faits à ce sujet et de faire la lumière sur l'affaire.

22 Q. Mon Général, pour être tout à fait clair, quand je parle de "crimes de

23 guerre," je parle de meurtres, meurtres multiples, viol, vol, vol grave,

24 pillage, ce sont là les crimes de guerre classiques. Etant donné ces

25 définitions, est-ce que tous les crimes déclarés ont fait l'objet d'une

26 investigation et d'une procédure au travers du système ?

27 R. Oui.

28 Q. Avez-vous eu des informations disant que le général Ojdanic aurait

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1 couvert ou dissimulé la perpétration de quelques crimes de guerre ?

2 R. Non, aucune information de ce genre. Au contraire, il a toujours

3 insisté sur la nécessité de ne pas faire de manquement à ce sujet, pour

4 faire le nécessaire de trouver tous les auteurs de crimes de guerre et pour

5 enquêter sur les conséquences de tous les crimes.

6 Q. Pour faire le résumé dans votre rapport au sujet des crimes commis à

7 l'encontre des civils et meurtres de civils - et je me réfère une fois de

8 plus à la pièce P955, il s'agit de l'intercalaire 18 - vous souvenez-vous

9 du chiffre d'auteurs et du nombre de victimes ?

10 R. Cet aperçu fournit le total des délits au pénal au sujet de quoi j'ai

11 estimé qu'on pouvait les qualifier de crimes de guerre à l'encontre de la

12 population civile. Il y a le crime de guerre classique à l'encontre de la

13 population civile, et c'est évident en font partie toutes les formes de

14 meurtres, de meurtres multiples ou les crimes graves de vol ou de pillage

15 et il y a eu poursuite de diligentées à l'encontre de 372 personnes. Il

16 s'agit de 372. Lorsqu'il y a eu meurtre de personnes, il y en a eu 33 que

17 l'on a identifiés. Par la suite, on en a poursuivi quatre autre, ce qui

18 fait un total de 37. A titre ultérieur, il y en a eu deux de plus. Ça fait

19 un total de 39.

20 Pour ce qui est des victimes de ces crimes, je dirais que le total se

21 chiffre à 40 et quelques, les victimes étant des civils du groupe ethnique

22 albanais.

23 En outre, il y a eu plusieurs cas de viol qui ont été détectés et

24 poursuivis en justice. Le deuxième volet se rapporte aux autres formes de

25 criminalité où les gens se sont appropriés les biens d'une population

26 civile albanaise au Kosovo-Metohija. C'est ce qui se rapporte aux auteurs

27 que l'on a identifiés et les délits au pénal constatés.

28 Il y a un certain nombre de délits au pénal où les victimes étaient

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1 également des civils du groupe ethnique albanais. Aussi, le procureur

2 militaire a-t-il estimé qu'il y a eu au total 601 victimes sur 11 sites au

3 total. Dans ces cas-là, il a été entrepris toutes les mesures nécessaires

4 de la part des instances compétentes, mais les résultats réalisés n'ont pas

5 été adéquats pour ce qui est de l'identification des auteurs, étant donné

6 le peu de temps qu'on a eu à notre disposition. Par la suite, les unités et

7 les instances de l'Etat se sont retirées du Kosovo, ce qui fait que ces

8 modalités de collecte d'information se sont vu rendues plus difficiles

9 encore pour ce qui est de l'identification des auteurs. Mais les procès

10 sont encore en cours et le procureur compétent en la matière œuvre de nos

11 jours encore dans ce sens.

12 Q. Mon Général, votre rapport parle pour lui-même, mais il y a deux ou

13 trois points dans ce rapport qui, à mon avis, exigent des éclaircissements

14 et je me propose de vous poser des questions à ce sujet.

15 Je remarque d'abord qu'il y a plusieurs accusations en application de

16 cet article 14, qui se rapporte aux meurtres et meurtres multiples, et il y

17 en a moins pour ce qui est des crimes de guerre. Il s'agit de l'article

18 142.

19 R. Il ne s'agit pas de l'article 14 mais de l'article 47. C'est l'article

20 47 du code pénal de la République fédérale de la Yougoslavie.

21 Q. Vous avez raison, j'ai mal donné le chiffre.

22 R. Il y a un grand nombre de crimes qui ont été poursuivis en application

23 de cet article 142. C'est les cas où le supérieur aurait donné l'ordre à

24 des soldats ou approuvé un meurtre ou des meurtres. C'est le type classique

25 du crime de guerre.

26 Lorsque nous n'avons pas implication du supérieur hiérarchique dans la

27 perpétration des crimes, ces crimes ont été qualifiés de meurtres

28 multiples. Là où il y a une seule victime, cela a été qualifié de meurtre,

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1 parce que la peine encourue en application de la loi serbe est bien plus

2 grave. La peine la plus grave est la peine de mort et la peine minimum est

3 de dix ans. Pour ce qui est du crime de guerre perpétré à l'encontre de la

4 population civile, le minimum est de cinq ans et le maximum est de dix ans.

5 C'est la raison pour laquelle les procureurs ont qualifié les choses de

6 façon plus lourde, ce qui est tout à fait acceptable, à mon avis, du point

7 de vue, notamment, de l'opinion qui était celle du procureur en

8 l'occurrence.

9 Q. Un autre point nécessite une explication. Il s'agit de ce qui suit. Un

10 nombre important d'enquêtes ont été confiées à des tribunaux de district, à

11 Kraljevo, Valjevo, et ainsi de suite. Comment se fait-il ? Pourquoi

12 certaines enquêtes et poursuites en justice ont-elles été confiées à des

13 tribunaux départementaux ? Veuillez l'expliquer aux Juges de la Chambre.

14 R. Dans tous les cas où l'auteur était un militaire ou un militaire de la

15 réserve, après la cessation de l'état de guerre, les auteurs de crimes ont

16 été démobilisés, relâchés de leurs unités. Ils n'étaient plus des

17 militaires. S'agissant de ces délais-là, le tribunal militaire n'avait plus

18 compétence.

19 Une fois ajournée la qualité de militaire d'une personne, le tribunal

20 militaire n'a plus compétence de poursuivre l'affaire ou le procès est

21 rétrocédé au tribunal départemental.

22 Cela se rétrocédait au tribunal du lieu de la perpétration. Il

23 s'agissait de tribunaux du Kosovo qui avaient été déménagés vers

24 l'intérieur de la Serbie, au cas où ils avaient mis en place. Si ce n'était

25 pas le cas, au cas où cela n'était pas fait, cela était rétrocédé aux

26 tribunaux départementaux et ils se référaient à la même législation.

27 Les tribunaux militaires n'ont poursuivis en justice que ceux qui

28 sont restés membres de l'armée et ce chiffre-là est relativement petit.

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1 Q. Fort bien. Une autre explication, je vous prie. Aucun de ces délits au

2 pénal n'a pour correspondance la peine prononcée, n'est-ce pas ?

3 R. Cela n'est pas indiqué parce qu'à l'époque il n'y en a pas eu de

4 prononcé pour ces peines de délits au pénal, de meurtres ou de meurtres

5 multiples. En si peu de temps, les tribunaux n'ont pas pu conduire à leur

6 terme la totalité de ces procès.

7 Q. Est-ce qu'entre-temps vous avez appris qu'il y a eu des jugements de

8 rendus dans ces affaires ?

9 R. J'ai appris pour certaines de ces affaires. D'après ce que j'ai pu en

10 savoir directement de la part des tribunaux ou par la presse, jusqu'à

11 présent il y a quelque 11 procès où un jugement a été rendu.

12 Q. Bien. Brièvement pouvez-vous nous dire ce qui a été constaté ?

13 R. Je ne comprends pas votre question. Qu'est-ce que j'ai constaté ?

14 Q. Veuillez nous indiquer, si vous vous en souvenez - ou peut-être

15 pourrais-je vous diriger sur le rapport correspondant - vous souvenez-vous

16 des peines prononcées à l'encontre de ces différents individus dont vous

17 avez eu connaissance ?

18 R. Je sais qu'il y a eu des peines de prononcées allant de sept, huit et

19 allant jusqu'à 14 ans d'emprisonnement. Je crois que la peine la plus

20 élevée est celle de 14 ans d'emprisonnement.

21 Q. Soyons, je vous prie, concrets. Dragisa Petrovic. Vous souvenez-vous du

22 fait que c'était quelqu'un accusé de meurtre ? Vous souvenez-vous de la

23 peine qui a été prononcée à son égard ?

24 R. Neuf ans de prison.

25 Q. Nenad Stamenkovic et Tomica Jovic ?

26 R. Eux, ils ont eu des peines quelque peu moindres. Quatre et cinq ans,

27 mais je n'en suis pas trop sûr.

28 Q. Je sais que je vous pose des questions suggestives, mais ne pensez-vous

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1 pas que c'était plutôt sept ans ? Mais si vous ne vous en souvenez pas,

2 dites-le.

3 R. Je ne m'en souviens pas, mais il me semble que sept ans est une peine

4 adéquate, comme on la qualifierait.

5 Q. Non, non. Laissez de côté ce qui serait adéquat. Si vous vous souvenez

6 d'une peine de quatre ou cinq ans, laissons là.

7 R. [aucune interprétation]

8 M. SEPENUK : [interprétation] Messieurs et Mesdames les Juges, il s'agit de

9 la pièce 3D11-0650.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce que je ne comprends pas, Monsieur

11 Sepenuk, c'est pourquoi vous n'avez pas mis l'accent sur la poursuite en

12 justice des délits au pénal les plus graves dans la forme qui prévoit une

13 peine de mort. Or, on apprend à l'instant que la peine la plus grande de

14 prononcée pendant tout ce conflit ou pour tout ce conflit est celle de 14

15 ans.

16 M. SEPENUK : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Fort bien. Merci.

18 M. SEPENUK : [interprétation]

19 Q. Vous avez, Mon Général, fourni un aperçu de ces crimes dans votre

20 rapport. Indiquez-nous si vous savez au sujet de quoi ces individus-là ont

21 été déclarés coupables. Ma question n'est pas claire. De quoi ont-ils été

22 déclarés coupables ?

23 R. Chaque fois qu'il y a eu des meurtres, ils auraient été prononcés

24 coupables pour crimes de guerre à l'encontre de la population civile. C'est

25 ce qui a été le qualificatif utilisé par les tribunaux pour ce qui est de

26 ces procès. Il s'agissait de crimes de guerre commis contre la population

27 civile.

28 Q. Je vais vous poser ma question. Vous avez fourni dans votre rapport un

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1 descriptif bref des crimes perpétrés, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Quand on parle des peines prononcées, sept ans, cinq ans, peu importe

4 le nombre d'années, savez-vous quel a été le qualificatif du délit pour la

5 peine prononcée ?

6 R. Certains ont été condamnés pour le délit au pénal pour lequel ils ont

7 été condamnés, d'autres ont été condamnés pour meurtre ou pour crimes de

8 guerre ou pour vol grave, et cetera. Je crois qu'il y a eu ce type-là de

9 jugements rendus.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Gojovic, est-ce que vous êtes

11 en train de dire que l'accusé a le droit de choisir s'il va être poursuivi

12 pour un meurtre multiple ou pour un crime de guerre ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. C'est le droit du procureur. C'est le

14 procureur qui traite l'accusation et qui choisit le qualificatif juridique.

15 Mais pendant la procédure ou le procès, en fonction de la situation, le

16 tribunal peut requalifier le délit, ou le procureur lui-même, en fonction

17 des faits établis, mais l'accusé n'a pas ce droit-là. Il essaie, bien sûr,

18 de montrer que le délit correspond au qualificatif le moins grave, mais il

19 revient au tribunal d'accepter ou de ne pas accepter un certain

20 qualificatif juridique, en fonction de la situation, des faits recueillis.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que ça veut dire que lorsque

22 vous avez rédigé ce rapport, personne n'avait été condamné pour le meurtre

23 tout au long du conflit ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci figure dans l'aperçu, je pense, mais je

25 crois qu'il n'y a pas eu d'affaires conclues. Je le pense. Si ceci

26 effectivement ne figure pas dans l'aperçu, c'est que tel était le cas,

27 qu'aucun procès n'avait été terminé à ce moment-là.

28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Sepenuk.

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1 M. SEPENUK : [interprétation] Merci.

2 Q. Encore une fois, afin de compléter l'image des condamnations réelles

3 dont vous êtes au courant, est-ce que vous savez si Dragoljub Cirkovic a

4 été condamné ?

5 R. Oui, je sais qu'il y a eu une condamnation, mais je ne me souviens plus

6 quelle était exactement la peine rendue.

7 Q. Est-ce que vous avez des notes sur vous, Mon Général, concernant ces

8 affaires ?

9 R. Oui. Dans mon sac j'ai des notes, mais en ce moment je ne les utilise

10 pas.

11 M. SEPENUK : [interprétation] J'ai dit au témoin qu'il ne fallait pas qu'il

12 utilise les notes dans sa déposition, mais je pense qu'à ce stade ceci

13 pourrait être acceptable. Je demanderais la permission de la Chambre que le

14 témoin consulte ses notes. Il ne s'agit pas de documents officiels.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

16 M. HANNIS : [interprétation] S'il va les utiliser, j'aimerais bien en avoir

17 un exemplaire.

18 M. SEPENUK : [interprétation] Je n'ai pas de problème.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous en avez un exemplaire

20 ?

21 M. SEPENUK : [interprétation] Non, je ne pense pas. Ça figure sur une

22 feuille de papier.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pendant la pause, il va falloir que

24 vous fassiez une photocopie.

25 M. SEPENUK : [interprétation] Oui.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que ceci va satisfaire ainsi,

27 Monsieur Hannis.

28 Entre-temps, Monsieur Gojovic, vous pouvez vous référer à vos notes.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai trouvé ici.

2 Dragoljub Cirkovic a été condamné à huit ans de prison.

3 M. SEPENUK : [interprétation]

4 Q. Très bien. Peut-on revenir maintenant à la personne dont vous n'étiez

5 pas sûr tout à l'heure, il s'agit de Stamenkovic et Tomica Jovic. Est-ce

6 que vous pouvez nous dire maintenant quelles étaient les peines prononcées

7 contre eux ?

8 R. Nenad Stamenkovic et Tomica Jovic, et précédemment Dragisa Petrovic, il

9 a été condamné à neuf ans de prison.

10 Q. Oui, c'est ce que vous avez dit déjà.

11 R. Nenad Stamenkovic a été condamné à sept ans de prison. Tomica Jovic,

12 lui aussi, sept ans de prison. Précédemment leurs peines étaient moins

13 longues, mais suite à l'appel déposé par le procureur, la Cour suprême a

14 augmenté leurs peines.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et quels étaient les crimes auxquels

16 se référaient ces condamnations à sept ans de prison ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] D'abord, ils avaient été accusés des meurtres

18 de plusieurs personnes, ensuite ceci a été requalifié en crimes de guerre

19 en vertu de l'article 142 contre la population civile. C'est à cause de

20 cela qu'ils ont été condamnés.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais est-ce que vous savez quels

22 étaient les faits, les actes commis ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux le lire. Dragisa Petrovic, dans la

24 région du village de Susice, où se trouvait son unité, a donné l'ordre à

25 Jovic Tomica et une autre personne --

26 L'INTERPRÈTE : Inaudible.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] -- de liquider la famille Krasniqi, un couple

28 âgé, deux personnes qui n'ont pas quitté le village, et ils l'on fait en

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1 utilisant leurs armes automatiques, leurs fusils automatiques.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et ils ont eu une condamnation de sept

3 ans de prison dans ce système judiciaire pour cet acte ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Dragisa Petrovic a été condamné à neuf ans, et

5 les auteurs de crime à sept ans de prison.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

7 Monsieur Sepenuk.

8 M. SEPENUK : [interprétation] Je souhaite simplement clarifier quelque

9 chose.

10 Q. Vous avez lu la description brève du crime, est-ce exact, Général ?

11 R. Oui.

12 Q. Mais est-ce que vous savez, en réalité, pour quel acte ces hommes-là

13 ont été condamnés. Je veux dire, vous n'avez pas assisté au procès. Vous ne

14 savez pas exactement quels ont été les faits établis lors du procès. C'est

15 le cas ou ce n'est pas le cas ?

16 R. L'essentiel c'est ça : deux personnes ont été tuées, deux civils âgés

17 ont été tués pendant la guerre. Il s'agit de l'acte du crime de guerre

18 contre la population civile, et ils ont été condamnés à cause de cela.

19 Q. Très bien. Et le dernier -- ou pas tout à fait le dernier. C'est

20 Nebojsa Stankovic. Il y a eu une tentative de meurtre d'une personne. C'est

21 3D11-0656 qui fait partie de la pièce 3D1110.

22 R. Oui.

23 Q. Cette peine s'élevait à quoi ?

24 R. Quatre ans de prison.

25 Q. Et pour terminer, Général, si j'ai bien compris, il y avait toute une

26 série d'affaires dont vous avez pris une connaissance seulement récemment.

27 Vous en avez parlé avec moi hier. Est-ce que vous pourriez nous faire un

28 bref résumé de ces affaires. Je parle des affaires qui impliquent Mancic,

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1 Radojevic, Tesic et Sergej ?

2 R. Misel Sergej, oui. Il s'agit de quatre personnes qui ont été condamnées

3 par la suite. Ils ont été mis en accusation en 2002, et ils ont été

4 condamnés. Leurs peines définitives sont des peines de prison pour tous les

5 quatre. Mancic a été condamné à 14 ans de prison; Radojevic, neuf ans de

6 prison; Tesic, sept ans de prison; et Misel Sergej, à cinq ans de prison.

7 Et suite à la révision de l'affaire, la Cour suprême de la Serbie,

8 dans le cadre d'une chambre à part, a annulé cette condamnation et le

9 procès a été renouvelé et est en cours en ce moment. Cette condamnation a

10 été annulée pour des raisons formelles et maintenant l'affaire a été

11 réouverte.

12 Q. Pour être tout à fait précis, si j'ai bien compris, il s'agit d'un acte

13 dont tous les quatre ont été coupables, c'est-à-dire un meurtre de deux

14 Albanais; est-ce exact ?

15 R. Oui.

16 Q. Pour clarifier, au début, les condamnations étaient de sept ans de

17 prison s'agissant de Mancic; cinq ans s'agissant de Radojevic; quatre ans

18 s'agissant de Tesic; et trois ans s'agissant de Misel Sergej, et ces peines

19 ont été redoublées par la cour d'appel; est-ce exact ?

20 R. Oui --

21 Q. Et ensuite la cour --

22 R. -- pratiquement doublées s'agissant du premier accusé, oui. Mais

23 s'agissant des autres accusés, c'était un peu moins que le double de la

24 peine initiale. Mais oui, on peut dire ça comme ça.

25 Q. La Cour suprême de la Serbie a annulé le jugement en raison des

26 éléments de preuve nouvellement découverts. Est-ce qu'on présenter les

27 choses ainsi ?

28 R. Oui. La Cour suprême de la Serbie l'a annulé et le procès a été

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1 réouvert.

2 Q. Merci, Général.

3 M. SEPENUK : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

5 Maître Cepic.

6 M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 Contre-interrogatoire par M. Cepic :

8 Q. [aucune interprétation]

9 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Attendez un instant.

10 Général, vous avez parlé tout à l'heure de 2 093 [comme interprété]

11 affaires que vous avez suivies de près dans vos rapports. Est-ce que vous

12 avez pu suivre de près les dossiers de ces affaires afin d'établir si les

13 affaires ont été closes conformément à la loi et aux principes de la

14 justice ou est-ce que vous avez simplement accepté les données qui vous ont

15 été transmises dans le rapport ? Je veux dire, est-ce que vous avez

16 surveillé les faits relatifs à ces affaires ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas surveillé cela; ce n'était pas de

18 mon devoir. Sur la base des données contenues dans le rapport soumis par le

19 procureur militaire et les tribunaux militaires, j'ai simplement utilisé

20 les faits pour un aperçu statistiques. Mais s'agissant des affaires

21 figurant dans l'intercalaire 18, dont on a parlé tout à l'heure, s'agissant

22 de la plupart de ces affaires, je suis allé directement au tribunal

23 militaire de Nis, et c'est là que j'ai pu me pencher sur le dossier de la

24 plus grande partie des affaires en cours ou terminées. Mais s'agissant de

25 ces presque 3 000 affaires, il n'était pas possible de les surveiller

26 toutes. D'ailleurs, ce n'était pas le but; le but était simplement de

27 donner un aperçu statistique de l'état des affaires.

28 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Donc il n'y a pas eu de surveillance,

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1 même pas s'agissant d'un certain nombre d'affaires qui ont été choisies

2 afin que vous vous mettiez au courant du dossier de ce qui s'est passé avec

3 cette procédure.

4 Excusez-moi, si je dis cela. Mais est-ce que ça veut dire que vous

5 étiez en train de transmettre les chiffres de manière mécanique et de

6 refléter cela dans votre rapport sans émettre d'avis sur la qualité des

7 choses ?

8 Merci.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai transmis les données telles qu'elles

10 m'avaient été transmises à moi, et je n'avais pas de raison de douter de la

11 précision des données. Peut-être parfois il y avait des erreurs

12 statistiques, il ne pouvait pas y avoir autre chose.

13 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Merci.

14 M. SEPENUK : [interprétation] Monsieur le Président, je vais violer une

15 règle cruciale de mon métier en posant une question à laquelle ne je

16 connais pas la réponse. C'est la faute de mes collègues du système de droit

17 romain qui m'en ont parlé pendant trop longtemps pendant la pause. Peut-

18 être maintenant les choses sont devenues trop perplexes. Je vais essayer de

19 clarifier les choses.

20 Nouvel interrogatoire supplémentaire par M. Sepenuk :

21 Q. [interprétation] Général, lorsqu'un juge d'instruction renvoie une

22 affaire à un procureur -- enfin, je vais revenir en arrière. Dans votre

23 système, vous avez des juges d'instruction, oui ou non ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce que le juge d'instruction renvoie l'affaire au procureur, est-ce

26 que ceci veut dire qu'il a clos l'affaire pour ce qui est du travail du

27 juge d'instruction ?

28 R. Oui, il a terminé son travail. Il a clos l'affaire s'agissant de sa

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1 partie du travail. Ceci est reflété dans ce rapport.

2 M. SEPENUK : [interprétation] J'espère que ceci nous a permis d'élucider ce

3 point, Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître Sepenuk. Il s'agit de

5 l'intercalaire 15 ?

6 M. SEPENUK : [interprétation] Je pense que ceci a trait à la question que

7 vous avez posée précédemment. Je pense que ceci ne pose pas vraiment de

8 problème, mais je pense que le chiffre qui nous intéresse concerne

9 notamment le rapport de septembre et ce rapport-ci. Je pense que la

10 question du Juge Chowhan ne porte pas sur ces deux derniers rapports. Mais

11 je voulais simplement dire que peut-être il s'agit là d'une manière erronée

12 de lire cela, je ne connais pas suffisamment le système de droit romain,

13 mais plusieurs de mes confrères m'ont expliqué la situation pendant la

14 pause.

15 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Merci.

16 M. SEPENUK : [interprétation] Merci.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Cepic, veuillez poursuivre.

18 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Cepic :

19 Q. [interprétation] Bonjour. Je vous ai dit bonjour déjà, mais je ne me

20 suis pas présenté. Je vais le faire maintenant. Je suis Me Cepic, et je

21 représente le général Lazarevic.

22 M. CEPIC : [interprétation] Peut-on placer à l'écran la pièce 2490, s'il

23 vous plaît, P2490.

24 Q. Mon confrère vous a posé des questions au sujet du travail du juge

25 d'instruction en Serbie. Je vais vous poser des questions supplémentaires,

26 mais veuillez tout d'abord examiner cette partie de la déclaration qui

27 figure devant vous à l'écran.

28 M. CEPIC : [interprétation] Peut-on montrer les paragraphes 17 et 18, s'il

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1 vous plaît.

2 Q. Général, en attendant, nous avons la documentation du Dr Tomasevic,

3 experte en matière de médecine légale qui a déposé dans cette affaire en

4 tant que témoin de l'Accusation.

5 Général, veuillez examiner les paragraphes 17 et 18. Il est question du

6 fait que le général Pavkovic avait donné un ordre oral au Dr Tomasevic lui

7 demandant de se rendre à Stari Cikovo [phon]. Elle dit qu'elle a demandé

8 une ordonnance du tribunal, mais qu'elle ne l'a pas reçue. Après au

9 paragraphe 18, elle dit qu'avec les techniciens en criminologie militaire,

10 ils ont fait une enquête sur les lieux et que des cadavres ont été

11 découverts sur place et qu'ils avaient été calcinés.

12 Est-ce que vous avez pu examiner cela, Général ?

13 R. Oui.

14 Q. Général, voici ma question, elle est de savoir si dans cette affaire en

15 particulier toutes les personnes concernées ont agi conformément à la loi ?

16 R. Oui, je peux l'affirmer pour autant que je puisse le voir. Les

17 techniciens en criminologie ont participé à cette enquête sur les lieux,

18 ils ont effectué une enquête, et ils ont établi un dossier de photos et le

19 docteur, le médecin légiste, a inspecté les cadavres et établi que les

20 cadavres avaient été calcinés. Donc, sur le plan de la procédure, cette

21 enquête a été menée à bien de manière appropriée.

22 Q. Je souhaite clarifier cela. Est-ce que ceci est conforme aux

23 dispositions de la loi relative à la procédure pénale ?

24 R. Oui, ceci est en accord avec la loi sur la procédure pénale.

25 Q. Merci. Aucun ordre du juge d'instruction n'était nécessaire. Les

26 techniciens criminologiques pouvaient le faire de leur propre gré ?

27 R. Oui, c'était urgent, c'étaient des mesures urgentes qui étaient

28 nécessaires, donc il n'était pas nécessaire d'avoir une ordonnance du juge

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1 d'instruction. Elle parle des honoraires, mais ceci est absurde car c'est

2 l'académie médicale militaire qui l'a envoyée. Elle y est en sa qualité

3 officielle et non pas privée. On ne lui demande pas de donner son avis

4 d'expert en sa qualité privée.

5 Q. Merci, Général.

6 M. CEPIC : [interprétation] Maintenant, la pièce 3D1110, intercalaire 15,

7 s'il vous plaît. Je pense que ça va être beaucoup plus facile si nous avons

8 la pièce à conviction P2826. Mon éminent collègue, M. Hannis, a souligné le

9 fait qu'il s'agit du même document.

10 Peut-on, s'il vous plaît, montrer le paragraphe 2.3.

11 Q. Général, au point 2.3, nous avons le titre "3e Armée," mais mon

12 confrère vous a déjà posé quelques questions à ce sujet, mais je souhaite

13 entendre quelques clarifications de votre part.

14 Dans le troisième paragraphe de cette section, le troisième paragraphe qui

15 commence par les mots "les organes judiciaires militaires auprès du

16 commandement du Corps de Pristina rencontrent dans leur travail," et entre

17 parenthèses nous avons "terrorisme, meurtre, vandalisme, vol."

18 Voici ma question : est-ce que vous savez que les organes judiciaires

19 militaires étaient en charge du délit de terrorisme qui était accompli à

20 l'encontre des membres de l'armée yougoslave ?

21 R. Oui, ils en étaient compétents. C'est ce que j'ai dit tout à l'heure.

22 Q. Ma deuxième question est la suivante : est-ce qu'il y a eu un grand

23 nombre de tels actes, des actes terroristes à l'encontre des membres de

24 l'armée ?

25 R. L'ensemble des ces activités terroristes visaient les membres de

26 l'armée yougoslave et du ministère des Affaires intérieures, de même que la

27 population civile.

28 Q. Est-ce que ces actes terroristes visaient les civils quelle que soit

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1 leur appartenance ethnique ?

2 R. Oui, il y avait de tels cas.

3 Q. Merci, Général.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dois-je conclure que vos questions,

5 Monsieur Cepic, portent sur une période définie ? Si oui, donnez-nous une

6 clarification, car le rapport porte sur la situation après le 16 avril

7 1999.

8 M. CEPIC : [interprétation] Est-ce que je peux élargir ma question sur une

9 période plus longue ?

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci nous est inutile. Tout ceci porte

11 sur les activités des organes militaires judiciaires, et il est inutile par

12 le biais d'un témoin comme celui-ci de parler du terrorisme de l'UCK en

13 général, alors que nous savons tous que ceci se déroulait. Je suppose que

14 lorsque vous posez des questions à ce témoin, vous vous référez à la

15 période après le 16 avril, à moins que vous n'établissiez un autre

16 fondement pour pouvoir lui poser des questions sur une autre période.

17 Veuillez poser les questions d'une manière qui peut nous être utile.

18 M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

19 Q. Vous avez entendu le Président. Je vais reformuler ma question.

20 Maître Gojovic, savez-vous qu'au cours de cette période mentionnée

21 par la Chambre, lorsqu'elle a parlé des actes terroristes, que plusieurs

22 centaines de membres de l'armée yougoslave ont trouvé la mort, et que ces

23 affaires ont fait l'objet de poursuites judicaires ?

24 R. Je sais qu'un grand nombre de membres de l'armée ont été tués dans le

25 cadre de ces actes terroristes, mais je n'ai pas ce genre d'information. Je

26 ne savais rien au sujet des poursuites à l'encontre des membres de ces

27 groupes terroristes. Ceci pouvait être fait seulement si cela était

28 accessible aux organes policiers. Mais je ne dispose pas de telles données.

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1 Q. Merci, Général. Vous avez expliqué ce qu'il en était des meurtres et

2 des condamnations prévues pour cet acte. Maintenant nous allons parler du

3 pillage, conformément aux dispositions du code pénal de la République de

4 Serbie, notamment articles 168 et 169, portant sur le pillage, vol aggravé

5 et vol. Est-ce que vous pouvez nous dire, s'il vous plaît, quelles étaient

6 les condamnations maximales pour le vol aggravé, le banditisme, en vertu de

7 l'article 169 ?

8 R. Je l'ai expliqué tout à l'heure. Le banditisme aggravé contient aussi

9 l'acte de meurtre, et les mêmes peines sont envisagées pour ces crimes-là

10 que pour des meurtres multiples, allant de dix ans à --

11 L'INTERPRÈTE : Fin de phrase inaudible par les interprètes.

12 M. CEPIC : [interprétation] La peine --

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Les interprètes n'ont pas saisi la

14 fin.

15 M. CEPIC : [interprétation]

16 Q. Est-ce que vous pouvez répéter ?

17 R. La peine maximale était la peine de mort, et la peine maximale au-

18 dessous était de dix ans.

19 Q. S'il y avait des situations atténuantes, est-ce que la peine prononcée

20 pouvait aller au-dessous du minimum ?

21 R. Non, pas s'agissant de ces crimes-là.

22 Q. Merci.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans votre rapport, est-ce que l'on

24 trouve des exemples d'une peine de plus de dix ans imposée pour un acte de

25 vol aggravé ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans cet aperçu, dans l'intercalaire 18, il y

27 a un certain nombre de personnes qui ont été condamnées pour vol aggravé.

28 S'agissant de ces peines, je peux le vérifier, si vous le souhaitez. Je

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1 pense qu'il y avait le cas de Majovic, et je pense d'un autre groupe de

2 personnes, au total dix ou 11. C'est dans l'aperçu. Je vais vérifier.

3 Nous avons vol aggravé, mais ici je n'ai pas de données concernant la

4 question de savoir si une peine a été prononcée. Sept personnes ont été

5 mises en accusation.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Cepic.

7 M. CEPIC : [interprétation]

8 Q. Simplement pour clarifier un point, peut-être ceci n'est pas tellement

9 important, mais il faudrait éventuellement le clarifier tout de même.

10 Entre-temps, la peine de mort a été abolie chez nous ?

11 R. Oui, par le biais des dernières modifications du code pénal serbe la

12 peine de mort a été abolie conformément aux normes européennes.

13 Q. Vu que cette peine a été abolie, est-ce qu'aujourd'hui on peut dire que

14 la loi est plus clémente ?

15 R. La règle en vigueur dans tous les systèmes c'est d'appliquer toujours

16 la loi la plus clémente et la plus favorable à l'accusé. Si la nouvelle loi

17 est plus favorable à l'accusé, c'est la nouvelle loi qu'on va appliquer. Il

18 s'agit de regarder avant tout les intérêts de l'accusé.

19 Q. Monsieur, je vais vous poser une question de procédure. A quel moment

20 s'arrêtent les obligations d'un officier qui fait un rapport sur un crime

21 qui aurait été commis ?

22 R. Un officier dans les cas où un crime a été commis doit faire tout pour

23 en informer le procureur, les tribunaux, les organes d'enquête de la police

24 et de la sécurité militaire. Parce que du moment où il a fait un rapport ou

25 il a informé les organes compétents du crime qui a été connu, il a accompli

26 tout ce qu'il devait faire en fonction de ses obligations juridiques.

27 Ensuite, ses obligations et responsabilités juridiques s'arrêtent.

28 Q. Est-ce qu'il peut influer sur le travail des tribunaux ou du procureur

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1 ?

2 R. Evidemment que non, puisque là il s'agit d'organes complètement

3 indépendants par rapport aux procédures, aux plaintes au pénal, et cetera.

4 Q. Je vous remercie. Je n'ai pas d'autres questions, Mon Général.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

6 Monsieur Ivetic, est-ce que vous avez des questions ?

7 M. IVETIC : [interprétation] Non, pas de questions, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est le Procureur qui va vous contre-

9 interroger. C'est M. Hannis.

10 Contre-interrogatoire par M. Hannis :

11 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.

12 R. Bonjour.

13 Q. Au début de votre déposition, vous avez dit qu'avant votre nomination

14 au poste de général, Ojdanic est venu vous voir pour vous dire qu'il

15 voulait trouver quelqu'un qui va améliorer le fonctionnement des tribunaux

16 militaires. Qu'est-ce qu'il vous a dit au sujet de la nature et de

17 l'étendue des problèmes au niveau des tribunaux militaires à l'époque, au

18 milieu du mois d'avril 1999 ? Est-ce que vous vous en souvenez ?

19 R. Oui. Il a dit brièvement qu'il y avait des problèmes au niveau de

20 l'organisation des tribunaux, et au niveau de leur efficacité au niveau des

21 procédures en cours, et puisqu'ils se sont rendu compte de ces manquements,

22 il a fallu faire en sorte que toutes les conditions soient réunies pour que

23 ces tribunaux puissent fonctionner correctement. Quand je parle des

24 tribunaux, je parle aussi bien des juges que des procureurs, et de tous les

25 services techniques et autres, les lieux de détention, les services de

26 sécurité. Vous avez un mécanisme très complexe, comme ce tribunal-ci.

27 Q. Vous a-t-il dit que ces problèmes étaient dus en partie au personnel

28 qui y travaillait à l'époque ?

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1 R. Oui, il y avait les problèmes des cadres aussi. C'était une question

2 cruciale.

3 Q. Vous a-t-il dit qu'il y avait aussi des problèmes quant au reporting

4 des problèmes, c'est-à-dire les faire connaître et faire des enquêtes au

5 sujet des problèmes qui existent ?

6 R. Non. Parce quand il s'agit de porter plainte, c'est quelque chose qui

7 est extérieur au système judiciaire. Puisque ce sont par exemple les

8 officiers, et cetera, qui portent plainte, qui informent des crimes. C'est

9 quelque chose qui est complètement extérieur. Donc c'est la procédure même,

10 parce que du moment où elle a été portée devant la justice, c'est qu'il y

11 avait des problèmes.

12 Q. M. Sepenuk vous a posé des question au sujet des règles, et vous nous

13 avez dit que tout ceci était imprimé sur des cartes plastifiées, et vous

14 avez dit à la page 8, ligne 20, que chaque soldat en avait un exemplaire.

15 Mais comment le saviez-vous ? Est-ce que vous avez fait une enquête

16 personnellement pour vérifier que chaque soldat avait un tel exemplaire ?

17 R. Non. Ceci ne relève pas de mes compétences, donc je n'ai pas fait cela.

18 Je m'occupe des questions juridiques. Mais il existe des équipes

19 d'inspection de l'armée. Si vous voulez, cela fait partie du dossier qui

20 est communiqué à chaque soldat. Moi-même, quand j'ai été mobilisé pour

21 travailler au niveau du tribunal militaire, j'ai reçu un dossier et cette

22 feuille de papier plastifiée. C'est quelque chose que l'on donne à chaque

23 soldat, au même titre que les armes, les uniformes, et cetera. Ils

24 reçoivent aussi ces dossiers d'information.

25 Q. Donc si je vous ai bien compris, vous dites que c'est comme cela que

26 les choses auraient dû se passer, que c'est ce que vous pensez qui s'est

27 passé. Mais j'ai l'impression -- je pense que les soldats de la VJ nous ont

28 dit qu'ils n'ont pas reçu cela, qu'ils n'ont pas reçu des informations au

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1 sujet de ces règles en vigueur. En réalité, vous ne savez pas s'ils les ont

2 reçus. Peut-être qu'il n'y en avait pas assez.

3 R. Non. Il y a eu suffisamment d'exemplaires. Mais vous savez, les

4 soldats, comment ils sont. Peut-être qu'il pensait que ce n'était pas

5 nécessaire pour lui, qu'il n'y a pas fait attention. Peut-être qu'il l'a

6 perdu ou jeté quelque part. Si vous voulez, c'est quelque chose qui fait

7 partie de l'équipement. A partir du moment où il reçoit son uniforme, il

8 reçoit son équipement, il reçoit ses bottes, il reçoit aussi ces documents.

9 Cela fait partie de son équipement, tout simplement. Ensuite on coche la

10 case "équipement complet" à partir du moment où on lui a remis cela.

11 Q. Vous avez mentionné un manuel pour les combats au sein de la VJ, quand

12 il s'agit de combattre le terrorisme. Vous avez dit que ce manuel a été

13 distribué aux soldats qui participent à ce type d'opération ?

14 R. Oui.

15 Q. Vu les circonstances, est-ce que vous pensez que ceci a été distribué à

16 tous les soldats qui se trouvaient au Kosovo en avril 1999 ? Comment a-t-on

17 décidé de ces choses-là ?

18 R. Non, ce n'est pas comme cela que je me suis exprimé. Ce manuel -- on

19 parle des actions, des opérations des terroristes, ceci n'a rien à voir

20 avec la guerre. En 1999, c'était l'état de guerre. Et là, les règles en

21 vigueur, ce sont les règles de guerre. Alors que là, je vous parlais des

22 mesures qui ont été prises contre différents groupes terroristes, en 1998,

23 par exemple. Ces manuels étaient distribués aux soldats qui faisaient

24 partie de ces unités de lutte antiterroriste. Donc je parle de la situation

25 où il n'y a pas encore l'état de guerre d'énoncé, parce qu'après vous avez

26 la guerre où c'est une situation complètement différente. Il ne s'agissait

27 pas seulement de combattre les groupes terroristes, mais aussi les forces

28 de l'OTAN qui ont conduit une agression contre la Yougoslavie.

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1 M. ZECEVIC : [interprétation] A la page 72, 4, on peut lire l'année "1990"

2 --

3 M. HANNIS : [interprétation]

4 Q. Est-ce que vous aviez terminé ?

5 R. Oui.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez. Je voudrais vous poser une

7 question. Quand vous avez pris ce poste au niveau de l'état-major, vous

8 avez remplacé qui ?

9 R. Avant moi, c'était le général Svetislav Ristic qui était chargé de

10 l'administration juridique.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il était là jusqu'au 16 avril ?

12 R. Oui.

13 Q. Qu'est-ce qu'il est devenu par la suite ?

14 R. Je pense qu'il a été mis à la retraite.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Monsieur Hannis.

16 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

17 Q. Monsieur le Témoin, vous parliez des textes de loi concernant

18 différents crimes commis, meurtres et crimes de guerre. Vous nous avez dit

19 que l'article 142 prévoit une échelle de peines allant de cinq à vingt ans.

20 Est-ce exact ?

21 R. Oui.

22 Q. Et l'article 47, meurtre, les peines prévues vont de dix ans à la peine

23 de mort; est-ce exact ?

24 R. Oui.

25 Q. Un meurtre multiple, est-ce que l'on se trouve dans la même échelle ?

26 R. Oui.

27 Q. Qu'en est-il de l'homicide volontaire ?

28 R. La peine est moins importante, à peu près cinq ans.

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1 Q. Et l'homicide involontaire ?

2 R. Si vous n'avez pas d'intention, on peut dire que c'est involontaire ou

3 on peut aussi décider qu'il s'agit d'un accident. Dans ce cas-là, il n'y a

4 pas eu de crime de commis. Donc cela dépend des faits, de la qualification

5 qu'on va donner à cela.

6 Q. La question que je vous ai posée, c'est parce que -- dans un des

7 tableaux - il s'agit de la pièce 955 - on parle d'un cas "d'homicide

8 involontaire", c'est comme cela que ça a été traduit vers l'anglais,

9 article 49. Et la personne en question a été condamnée à une peine de

10 prison de deux années, et un autre, une année et trois mois. Il s'agit d'un

11 crime au pénal ou non ?

12 R. Mais oui, il s'agit de crimes au pénal pour tous ces crimes. Mais là il

13 s'agissait sans doute d'un crime non prémédité.

14 Q. Pour l'article 49, quelle était l'échelle des peines ?

15 R. Vous avez les cas de vol aggravé.

16 Cela dépend. Vous avez le paragraphe 1 et le paragraphe 2, par exemple.

17 Vous prenez l'appartement de quelqu'un sous la menace d'armes. Là, vous

18 êtes dans le paragraphe 1. Il s'agit d'un vol aggravé.

19 Au niveau du paragraphe 2, si au moment où on fait cela, si on prend

20 les biens, la propriété de quelqu'un, là vous avez le vol aggravé associé

21 au banditisme, et là il s'agit d'une peine allant de dix années à la peine

22 de mort.

23 Donc vous avez deux cas de figure dans cet article. L'un est moins

24 grave et l'autre plus grave, et quand vous avez cette forme plus grave, la

25 peine minimale est la peine de dix années.

26 Q. Peut-être qu'il y a un problème de traduction, parce que moi, je

27 vous ai posé une question au sujet de différents degrés d'homicide. Vous

28 avez dit que dans l'article 47, vous avez différentes peines de prévues

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1 pour un meurtre simple, multiples meurtres, ensuite homicide volontaire, et

2 cetera. Et vous nous avez dit qu'en vertu de l'article 48, la peine

3 minimale est de cinq années. Est-ce exact ?

4 R. Oui.

5 Q. Dans l'article 49, qui est traduit vers l'anglais comme "homicide

6 involontaire," quelle est la peine maximale pour ce crime ?

7 R. Quand vous avez un meurtre non prémédité, c'est une peine de cinq

8 années au maximum, alors que pour les meurtres involontaires, c'est un

9 petit peu plus, mais pas beaucoup plus. Il faudrait vérifier ça.

10 Q. Donc vous n'êtes pas en train de dire que la peine maximale pour

11 homicide volontaire peut aussi correspondre à une peine de mort ?

12 R. Non, non, non. C'est beaucoup moins que ça. Je pense que cela ne peut

13 pas être plus que dix ans. C'est pas plus que dix ans en tout cas.

14 Q. Vous avez dit que la peine de mort a été abolie en Serbie. En quelle

15 année, exactement ?

16 R. Je pense 2004, 2005. Vous savez, c'était une discussion qui a duré très

17 longtemps. Je pense qu'elle a été abolie de façon définitive en 2003.

18 Q. Qu'en est-il de la République fédérative de Yougoslavie ? Est-ce que la

19 peine de mort dans cet Etat n'a pas été abolie en 1993 ?

20 R. La peine de mort a été abolie au temps de la RSFY, et les lois ont été

21 reprises au niveau de la République fédérale de Yougoslavie.

22 Q. En 1999, la peine de mort n'était pas une peine légale dans la

23 République fédérale, n'est-ce pas ?

24 R. Non.

25 Q. Vers la fin de votre déposition - je pense que vous étiez en train de

26 répondre aux questions de M. Cepic, je pense - vous avez parlé de ce

27 concept juridique qui consiste à appliquer la peine la moins lourde, la

28 plus favorable à l'accusé. Comment cela pouvait-il fonctionner ? Parce que

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1 dans la République fédérale, vous n'aviez pas de peine de mort, alors qu'en

2 Serbie il y en avait une. Comment cela se passait-il vraiment ? Est-ce

3 qu'une personne pouvait quand même être condamnée à la peine de mort, alors

4 qu'au niveau de la république, cette peine n'existait pas ?

5 R. Mais c'était possible. C'était possible, parce que conformément aux

6 lois fédérales, il n'y a eu pas de peine de mort, alors que vous avez une

7 personne qui est jugée pour avoir commis un certain crime. Pour le meurtre,

8 par exemple, au niveau de la république et des textes de loi au niveau de

9 la république, il n'y avait pas de peine de mort -- il y avait la peine de

10 mort, alors que pour les lois fédérales, il n'y avait pas de peine de mort.

11 Donc tout simplement, on ne pourrait pas l'appliquer si cette personne

12 était jugée pour un crime qui est prévu par la loi fédérale.

13 Q. Mais comment alors les tribunaux militaires faisaient, comment

14 travaillaient-ils face à cette situation ? Parce que, par exemple, moi, je

15 suis un avocat de la défense au niveau d'un tribunal militaire, j'ai un

16 client qui est accusé en vertu de l'article 47, normalement il peut avoir

17 la peine de mort. Est-ce que je peux demander aux juges : "Ecoutez, moi, je

18 veux que mon client soit accusé en vertu du texte fédéral, des lois

19 fédérales" ? Est-ce qu'il pourrait faire cela ?

20 R. Au cours de la procédure, il était tout à fait possible d'insister que

21 les crimes ont été commis au moment de la guerre, pendant le temps de

22 guerre, dans ce cas-là il pouvait s'agir plutôt d'un crime de guerre

23 perpétré contre la population civile, plutôt que d'un meurtre proprement

24 dit, et les conseils de la défense essayaient toujours de présenter des

25 moyens de preuve à l'appui pour requalifier le crime, parce que d'après les

26 circonstances, il fallait le faire.

27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, si j'ai bien compris,

28 est-ce que le meurtre ou le meurtre multiple n'est pas un crime d'après le

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1 tribunal fédéral ?

2 M. HANNIS : [interprétation] Je pense que vous avez tout à fait raison.

3 C'est comme ça que j'ai compris aussi, donc d'après le code fédéral.

4 Q. Au Kosovo en 1999, pendant le conflit avec l'OTAN, à chaque fois qu'un

5 membre de l'armée yougoslave tue un civil, tous ces crimes pouvaient être

6 qualifiés comme des crimes de guerre commis contre les civils en vertu de

7 l'article 14 ?

8 R. Oui, c'est exact.

9 Q. Est-ce que je peux dire que la seule situation où un soldat au Kosovo

10 en 1999 pouvait être jugé pour avoir commis le crime de meurtre, qui est

11 passible de la peine de mort, au lieu de dire qu'il s'agissait d'un crime

12 de guerre, c'était dans le cas où il avait tué un autre soldat de l'armée

13 yougoslave ou, par exemple, un policier du MUP, parce que là, il ne s'agit

14 pas de civils; est-ce exact ?

15 R. Oui.

16 Q. Donc finalement, il n'y a pas eu de peine de mort prononcée contre des

17 personnes responsables d'aucun meurtre commis au Kosovo en 1999 ?

18 R. C'est exact. En République fédérale de Yougoslavie, pendant au moins 30

19 ans il n'y a pas eu de peine de mort de prononcée, même si des crimes

20 demandant une telle punition avaient été commis.

21 Q. Est-ce que cela veut dire que dans la République de Serbie, il n'y a

22 pas eu de peine de mort, non plus d'exécution ?

23 R. Oui, c'est exact.

24 Q. Est-ce qu'il y a une raison pour laquelle un soldat de l'armée

25 yougoslave qui a tué un civil au Kosovo en 1999, alors qu'il est sain

26 d'esprit, est-ce qu'il y a une raison pour laquelle il ne serait pas jugé

27 aussi bien en vertu de l'article 142, et d'une violation en vertu de

28 l'article 47 ?

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1 R. Il ne pouvait pas être accusé simultanément de deux crimes, alors qu'il

2 s'agit d'un seul acte. Il fallait faire une seule qualification de ce

3 crime, soit meurtre, soit selon l'article 142. Vous ne pouviez pas

4 qualifier un acte selon deux articles différents.

5 Q. Je pense qu'il en va de même pour le vol aggravé mais impliquant la

6 mort. Cette personne, elle ne pouvait pas être à la fois accusée de vol

7 aggravé et de meurtre. Il fallait qu'il y ait l'un ou l'autre.

8 R. Mais vous savez tout cela se sont les éléments de ce crime. Cela fait

9 partie de la qualification de ce crime. Il s'agit des actes cumulatifs qui

10 comprennent aussi bien le vol et le meurtre.

11 Q. Est-ce que vous savez comment le procureur faisait son choix, de savoir

12 s'il va accuser quelqu'un d'un meurtre en vertu de l'article 142, 47, ou

13 vol aggravé ? Parce que j'ai l'impression que dans de nombreuses

14 circonstances on pouvait choisir les trois versions, les trois

15 possibilités.

16 R. Non, pas toujours, parce qu'en vous avez les vols aggravés, c'est très

17 spécifique. Il s'agit de voler la propriété de quelqu'un, de priver

18 quelqu'un de sa propriété, puis par là même le priver de sa vie. Là, c'est

19 un crime bien déterminé.

20 Quand il s'agit de meurtre ou de crimes de guerre contre civils, vous

21 avez la même conséquence, à savoir la mort de quelqu'un, mais c'est au

22 procureur de décider. C'est à lui de qualifier l'acte. Ce qu'il fait, c'est

23 qu'il opte toujours pour le crime le plus grave pour se laisser une marge

24 de manœuvre, parce que s'il n'a pas réussi à prouver ce crime, alors qu'il

25 avait choisi un crime moins grave, il ne pouvait pas choisir un crime plus

26 grave par la suite. C'est pour cela qu'il choisissait pratiquement chaque

27 fois, pour prouver ce qui figure dans l'acte d'accusation, il choisissait

28 le crime le plus sérieux pour se laisser la plus grande marge de manœuvre

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1 possible au cours du procès.

2 Q. Pourriez-vous m'expliquer ce que vous voulez dire par "marge de

3 manœuvre."

4 R. On va prendre un exemple de façon hypothétique. On va prendre un

5 exemple. Un soldat a quitté son unité. Il s'est enfui. Il est parti dans

6 une autre direction. Qu'est-ce qu'il fait ? Il entre dans une maison, dans

7 un café et il tue dix personnes. Si le procureur qualifiait cet acte du

8 point de vue juridique, comme s'il s'agissait d'un crime de guerre, puisque

9 c'est un crime qui a été perpétré pendant la guerre, il s'agit d'un meurtre

10 multiple. Dans ce cas, on ne peut pas le condamner à une peine importante.

11 Par la suite, on comprend qu'il ne s'agit pas là d'un crime de guerre, mais

12 d'un multiple meurtre. En dépit des faits, il ne peut pas requalifier ce

13 crime et choisir le crime plus grave de meurtre multiple, parce que cela ne

14 figure pas dans le dossier.

15 Alors que, si d'emblée, il parle de cette qualification plus grave,

16 la qualification de crime multiple, il peut revenir en arrière. Il a

17 suffisamment de marge de manœuvre pour choisir un crime moins grave. Il ne

18 peut pas se tromper, si vous voulez.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je voudrais vérifier quelque chose,

20 parce que c'est quelque chose qui préoccupe les Juges. Au niveau de la

21 République fédérale de Yougoslavie, est-ce qu'il y avait une partie du

22 territoire fédéral qui ne faisait pas partie, strictement parlant, soit de

23 la République de Serbie, soit de la République du Monténégro ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, puisqu'il s'agissait là d'un territoire

25 souverain, entier, où le code pénal s'appliquait sur tout le territoire.

26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

27 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Si un crime a été commis dans la

28 capitale, quel était le choix effectué ? Quelle loi était appliquée ? La

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1 loi fédérale ou la loi de la république ? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui

2 peut décider de la loi appliquée ?

3 Est-ce que d'après votre code pénal il n'y avait pas une -- est-ce

4 que ce n'était pas prévu quelle est la peine pour un crime de meurtre ?

5 Parce que là ce n'est pas très clair.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Le code pénal de la République fédérale de

7 Yougoslavie ne prévoyait pas le crime de meurtre. Ceci était prévu par le

8 texte des lois fédérales.

9 La loi fédérale est la seule qui traitait des crimes commis contre

10 l'Etat fédéral, l'armée et d'autres institutions comme c'est prévu dans le

11 droit international.

12 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Qu'en est-il de la capitale ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Chaque loi est applicable sur l'intégralité du

14 territoire. Les lois fédérales s'appliquent à tout le territoire de la

15 République fédérale de Yougoslavie, sans prendre en compte l'endroit précis

16 où le crime a été commis --

17 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Je vais vous interrompre. Si un crime

18 a eu lieu dans la capitale, dans le parlement, par exemple, le bâtiment du

19 parlement, quelle est la loi qui va être appliquée ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ce cas-là, c'est la loi fédérale qui

21 s'applique, peu importe où le crime a été commis, à Belgrade, Nis, ou

22 n'importe où ailleurs, si vous avez un crime qui est couvert par la

23 prévision de cette loi fédérale.

24 S'il s'agit d'un crime qui est couvert par le code au niveau de la

25 république, c'est le code de la Serbie qui va être impliqué. Si c'est au

26 Monténégro que cela a été commis, c'est le code du Monténégro. C'est le

27 principe.

28 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Mais si cela se passe au parlement,

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1 dans la capitale, quelle est la loi qui va être appliquée?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] La loi de la République de Serbie, s'il s'agit

3 de meurtre.

4 M. HANNIS : [interprétation] Je pense que le moment est opportun pour

5 prendre la pause ?

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Gojovic, nous allons prendre

7 une pause et je vais vous demander de revenir à une heure moins dix.

8 [Le témoin quitte la barre]

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons continuer nos travaux sans

10 le Juge Chowhan qui, pour des raisons urgentes et personnelles, ne peut pas

11 assister à la session de travail suivante.

12 --- L'audience est suspendue à 12 heures 22.

13 --- L'audience est reprise à 12 heures 54

14 [Le témoin vient à la barre]

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.

16 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

17 Q. Mon Général, M. Sepenuk vous a posé des questions au sujet du rapport

18 que vous avez rédigé et vous en avez par la suite discuté avec le général

19 Ojdanic. Il me semble que nous sommes en train de parler de la pièce à

20 conviction P955, à savoir intercalaire 18. Vous avez dit qu'il y a eu au

21 total 372 personnes de poursuivies en justice pour délits au pénal contre

22 la vie et l'intégrité d'individus, et qu'il y a eu meurtres avec poursuites

23 d'auteurs, au total 33. Puis par la suite, encore quatre. Ça faisait 37. Et

24 deux de plus, ce qui s'est soldé par 39, au total.

25 Est-ce que 39 au total est le chiffre total des soldats de la VJ qui ont

26 été poursuivis pour crimes commis contre la vie ou l'intégrité de personnes

27 pendant le conflit courant du 24 mars à la fin juin 1999 ? Est-ce que c'est

28 le grand total ?

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1 R. Oui.

2 Q. Dites-nous, si tant est que vous le savez, quelle a été la peine la

3 plus élevée de prononcée à l'encontre de l'une quelconque de ces personnes

4 condamnées pour les crimes qui leurs ont été reprochés ? Vous avez compris

5 ma question ?

6 R. Oui. A ma connaissance, 14 ans de prison.

7 Q. En page 50 du compte rendu d'aujourd'hui, ligne 13, vous avez évoqué

8 l'article 47. Vous avez dit qu'il y a eu plusieurs délits au pénal de ce

9 type et qu'il y en a eu moins qui ont été poursuivis pour crimes à

10 l'encontre de civils. Vous avez précisé que c'étaient des cas où le

11 supérieur avait donné à ses subordonnés l'ordre de commettre un crime, ce

12 qui était une forme classique de crime de guerre.

13 Dans certains cas, lorsqu'un soldat moins haut gradé, ou un simple

14 soldat, se voit ordonné par son commandant de tirer sur des civils, dans ce

15 type de cas ces soldats étaient poursuivis en application du 142 pour

16 crimes de guerre, n'est-ce pas ?

17 R. Oui, 142.

18 Q. Est-ce que c'est parce que l'on a estimé que c'était plus équitable que

19 de les poursuivre avec un acte d'accusation qui implique une sanction moins

20 élevée, puisqu'ils n'ont fait qu'exécuter les ordres d'un supérieur ? Est-

21 ce que c'est ce qui a été fait ?

22 R. C'était la norme. C'est un exemple d'école pour ce qui est de la

23 perpétration de ce type d'acte pénal. C'est la disposition adéquate en

24 matière de droit.

25 Q. Dans un scénario de faits de ce type, quel serait l'acte d'accusation

26 de dressé à l'encontre de l'officier supérieur qui en a donné l'ordre ?

27 R. Le même; article 142.

28 Q. Bien. J'ai vu une description d'un acte d'accusation avec un scénario

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1 de faits similaire où le supérieur a été accusé d'avoir incité à commettre

2 un crime de guerre. Est-ce que je me suis servi de la terminologie

3 appropriée ?

4 R. Oui, il y a cette incitation et le terme d'incitation à commettre

5 existe. On incite quelqu'un d'autre, et en le faisant on commet un délit au

6 pénal.

7 Q. Mais y a-t-il une différence de peine encourue pour l'incitation à

8 commettre et pour la commission du crime ? Ou est-ce que la peine encourue

9 est la même ?

10 R. La peine encourue de prévue est la même, mais on a la possibilité de

11 punir de façon plus sévère ou moins sévère l'auteur en tant que tel. Tout

12 cela dépend des circonstances et quel est l'état psychique de la personne

13 qui a commis le crime et ça dépend aussi du fondement criminel de cette

14 responsabilité.

15 Q. Dans ce scénario factuel, lorsqu'un commandant donne l'ordre à deux

16 simples soldats de tirer sur des civils, eux, ils se voient reprochés un

17 crime de guerre contre des civils. Est-ce que l'on estime que c'est un

18 encouragement, une incitation à commettre un meurtre ? Est-ce que lui il

19 peut être accusé de ce scénario ?

20 R. Non, de l'un ou de l'autre. Soit l'article 142 -- c'est -- les soldats

21 ne peuvent pas être accusés de l'incitation à commettre un crime de guerre

22 et lui, par exemple, de meurtre. Non. Il faut que ce soit en corrélation.

23 Q. Bien. Mais si de simples soldats ont été accusés pour meurtre en

24 application de cet article 47, le commandant, dans ce scénario de faits,

25 pourrait se voir chargé ou se voir reproché une incitation au meurtre,

26 n'est-ce pas ?

27 R. Oui.

28 Q. Si j'ai bien compris, et je crois que vous l'avez déjà expliqué, le

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1 procureur voulait avoir plus de champ de manœuvre, accuser, par exemple,

2 les soldats de meurtre et le commandant d'incitation à commettre le

3 meurtre, cela lui ménagerait davantage de champ de manœuvre, n'est-ce pas ?

4 R. Il pourrait avoir plus de champ de manœuvre pour amender son acte

5 d'accusation et en faire un acte d'accusation pour un crime de guerre.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Au compte rendu, on dit que vous avez

7 dit ce qui suit, à savoir que des simples soldats ne sauraient être accusés

8 d'un crime de guerre contre la population civile.

9 M. HANNIS : [interprétation] Ensuite, il enchaîne et il dit que celui qui a

10 donné l'ordre de commettre ce meurtre ne peut pas être accusé de meurtre.

11 Il faut le mettre en contexte, parce que cela --

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais ça, ça n'a pas de sens à mes

13 yeux, Monsieur Hannis, je m'efforce --

14 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent qu'il faudrait lire et entendre

15 que "les soldats ne pourraient pas se faire reprocher un crime de guerre

16 contre la population civile et l'officier qui leur a donné l'ordre de le

17 commettre aurait été accusé de meurtre."

18 M. HANNIS : [aucune interprétation]

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, maintenant cela a du sens. Vous

20 pouvez continuer.

21 M. HANNIS : [interprétation] Fort bien.

22 Q. Vous avez dit, Mon Général, qu'il faut qu'il y ait de la cohérence.

23 Ils vont soit être tous accusés de meurtre, soit tous être accusés de

24 crimes de guerre, et le commandant, lui, sera accusé d'incitation à

25 commettre ?

26 R. Précisément.

27 Q. Merci. Or, dans ce système qui est le vôtre - parce que dans mon

28 système, cela est possible - mais dans le vôtre, est-il possible de

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1 procéder à un amendement ou un ajustement pour ce qui est du crime commis.

2 Par exemple, ils peuvent tous être accusés d'un meurtre et le commandant

3 accusé d'incitation à commettre le meurtre. Mais si l'accusation estimait

4 qu'il serait plus équitable de traiter les simples soldats de façon moins

5 sévère, pourrait-on requalifier le crime de crime de guerre contre des

6 civils, est-ce qu'on pourrait garder pour le commandant l'accusation de

7 meurtre, ou alors est-ce qu'il faudrait que cette accusation soit modifiée

8 aussi ?

9 Vous me suivez ?

10 R. Oui. Cela devrait également être qualifié aussi de crime de guerre

11 contre la population civile.

12 Q. Fort bien.

13 R. Ou incitation à commettre un crime de guerre.

14 Q. Oui. Je comprends maintenant, merci.

15 Vous avez mentionné le cas de militaires ou de soldats de réserve, qu'une

16 fois que l'état de guerre a pris fin et qu'ils ont été démobilisés, les

17 tribunaux militaires n'avaient plus compétence pour les juger, et c'était

18 transféré comme affaire à un tribunal civil, n'est-ce pas ?

19 R. C'est exact.

20 Q. Cela est exact indépendamment de la phase de la procédure où l'on se

21 trouvait s'il s'agissait du soldat de réserve ?

22 R. Indépendamment de la phase, à moins que l'acte d'accusation n'ait été

23 confirmé par le tribunal. C'est alors que ce tribunal-là continue le

24 procès. Jusque-là, c'est rétrocédé à un tribunal civil. Or, comme cela n'a

25 pas eu lieu comme cas, tous ces auteurs ont été transmis à des tribunaux

26 civils et ont été poursuivis là-bas, mis à part les cas où les gens sont

27 restés au service de l'armée.

28 Q. Bien. Si l'acte d'accusation était confirmé avant d'être démobilisé, le

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1 tribunal militaire peut continuer à poursuivre l'affaire indépendamment du

2 fait que l'homme en question ne soit pas un membre de l'armée ?

3 R. Oui.

4 Q. Juste pour bien comprendre, il n'y a pas eu de situations de ce type

5 après cette dernière guerre, n'est-ce pas ?

6 R. Non, il n'y en a pas eu.

7 Q. Veuillez m'expliquer brièvement, si vous pouvez le faire, comment

8 confirme t-on un acte d'accusation ? Qui est-ce qui le fait ? Combien de

9 temps cela prend-il ?

10 R. Après la présentation d'un acte d'accusation auprès du tribunal, le

11 président de la chambre, le juge qui s'est vu attribué l'affaire communique

12 cet acte d'accusation à l'accusé ainsi qu'à son avocat. Au cas où ces

13 derniers présenteraient une exception préjudicielle, un jury de trois juges

14 juge du bien fondé de l'objection ou pas. Il se peut que l'acte

15 d'accusation soit amendé, qu'il y ait des défauts dans sa rédaction, et le

16 procureur peut aller trouver d'autres éléments de preuve.

17 Au cas où le jury de trois juges rejetterait cette objection, cela

18 constitue confirmation de l'acte d'accusation. Au cas où il n'y a pas

19 d'exception préjudicielle ou que les huit jours de délai s'écoulent sans

20 qu'il y en ait, l'acte d'accusation automatiquement entre en vigueur, au

21 cas où le président de la chambre ne jugerait pas par lui même qu'il y a

22 des carences, et lui aussi peut renvoyer l'acte d'accusation pour remédier

23 aux carences.

24 Une fois que cela est fait, l'acte d'accusation entre en vigueur et

25 on peut entamer un procès. C'est une procédure qui dure, somme toute, assez

26 longtemps. Les délais sont assez courts en effet, mais la communication

27 nécessaire sous-entend qu'il se passe pas mal de temps.

28 Q. Au tout début de cette procédure, qui est-ce qui remet l'acte

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1 d'accusation au juge ? Je vois que M. Zecevic s'est levé.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic.

3 M. ZECEVIC : [interprétation] Je m'excuse, mais je crois qu'une partie de

4 la réponse n'est pas entrée dans le compte rendu d'audience.

5 Le témoin a dit que cette procédure durait pas mal de temps. Et ça

6 n'a pas été consigné au compte rendu. Peut-être mon éminent confrère

7 pourrait-il se pencher sur la question.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Où est-ce que cela devrait se trouver

9 au niveau de la réponse, Monsieur Zecevic ?

10 M. ZECEVIC : [interprétation] C'est la page 88, ligne 6. On dit : "Les

11 délais sont en réalité assez courts mais que la procédure dure relativement

12 longtemps pour en arriver à cette phase-là de la procédure."

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci pour cet éclaircissement.

14 Monsieur Hannis.

15 M. HANNIS : [interprétation]

16 Q. Mon Général, essayons de toucher à la question de cette façon. Je sais

17 qu'on vous demande des évaluations, mais compte tenu de votre expérience,

18 peut-être pourriez-vous nous aider. Pour ce qui est du scénario au Kosovo,

19 si un rapport a été fait au sujet de crimes de guerre commis contre des

20 civils, et que ce n'est pas une affaire compliquée : vous avez trois

21 auteurs dont deux ont reconnu la perpétration de l'acte, et il y a des

22 éléments de preuve physiques des lieux, des photographies ont été prises,

23 et cetera. Donc, c'est une affaire relativement complexe mais claire.

24 Pouvez-vous nous dire à peu près combien de temps il faut dans des

25 conditions de guerre pour accomplir les différentes phases ? Est-ce que

26 cela prenait plusieurs jours, plusieurs semaines ou un mois pour en arriver

27 au stade où l'acte d'accusation pouvait être confirmé par un juge ?

28 R. Il n'y a pas eu de cas de ce genre, mais pour être objectif, si tout

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1 était à portée de main, on pourrait par exemple effectuer l'investigation

2 et les expertises et dresser un acte d'accusation en l'espace de deux ou

3 trois mois. Mais ce sont des affaires qui sont toutes complexes et il n'y a

4 pas eu de situations où l'acte d'accusation pouvait être considéré comme

5 étant entré en vigueur pendant l'état de guerre.

6 Ces tribunaux, en termes pratiques, n'ont commencé à recevoir des

7 actes d'accusation que dans la deuxième moitié du mois d'avril. Cela fait

8 peu de temps. On voit dans les aperçus combien d'affaires ont été prises en

9 considération. Compte tenu du contexte, c'est une efficacité assez élevée.

10 Il est précisé que les juges sont allés surtout résoudre les cas où les

11 faits étaient clairs. Mais au cas où il y aurait eu des affaires, comme

12 vous le dites, où tout était à portée de main, où tout était documenté, on

13 aurait pu le terminer pendant la durée de la guerre, mais il n'y a pas eu

14 de cas de ce type.

15 Q. Ai-je bien compris si je dis qu'il n'y a pas eu d'affaires impliquant

16 la vie ou des blessures dans lesquelles les actes d'accusation ont été

17 confirmés avant la fin du conflit en juin 1999 ? Ou est-ce que certains

18 procès ont été terminés avant la fin de la guerre, des procès qui

19 impliquaient la vie et les blessures ?

20 R. Oui, il y a eu quelques affaires mineures qui incluaient des éléments

21 de crime de guerre contre la population civile. Mais dans aucune de ces

22 affaires, un acte d'accusation valide n'a encore été dressé, sinon les

23 affaires auraient été résolues. Puisque ceci n'a pas été fait en temps de

24 guerre, ça veut dire qu'aucun acte d'accusation n'est entré en vigueur à

25 temps.

26 Q. Très bien. S'agissant de ces soldats de réserve, à la fin de la guerre,

27 comment est-ce qu'ils ont été démobilisés ? Est-ce que dès qu'un accord a

28 été signé, ils ont été démobilisés automatiquement ? Est-ce qu'ils ont reçu

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1 un ordre ? Est-ce qu'à un moment donné par la suite ils ont reçu des

2 papiers concernant ce fait ? Comment est-ce que ceci fonctionnait ?

3 R. Après l'état de guerre, toutes les unités ont été retirées du Kosovo et

4 la démobilisation a été effectuée peu de temps après. Je pense que le tout

5 n'a pas duré plus de cinq à dix jours.

6 Q. Très bien. L'affaire qui avait été traitée précédemment devant un

7 tribunal militaire qui n'était plus viable, puisque le soldat de réserve

8 était démobilisé, dans ce cas-là, de telles affaires étaient renvoyées à

9 quelle cour civile ?

10 J'ai compris la première option qui serait de renvoyer cela auprès du

11 lieu du crime, mais je suppose que sur le plan pratique, s'agissant du

12 Kosovo en juin 1999, ceci n'a pas eu lieu. Les affaires étaient renvoyées à

13 quelle cour civile ? En Serbie, proprement dit ? Pas au Kosovo ?

14 R. J'ai compris votre question. Avec la fin des activités de guerre,

15 conformément à la loi, les tribunaux militaires et les procureurs

16 militaires arrêtent de fonctionner, ils ne peuvent plus agir dans le cadre

17 de cette affaire. Ils étaient tenus de renvoyer toutes leurs affaires du

18 Kosovo au tribunal militaire de Nis, le tribunal militaire de temps de

19 paix.

20 Le tribunal militaire de Nis a repris toutes ces affaires et a

21 commencé à agir et à entamer une procédure conformément à ces affaires.

22 S'agissant des affaires dans lesquelles l'auteur de crime n'était plus

23 membre de l'armée, l'affaire était renvoyée aux cours de district, mais si

24 de telles affaires émanaient des tribunaux du district du Kosovo-Metohija,

25 elles étaient transmises en Serbie proprement dit. C'était les cours de

26 district en Serbie qui traitaient de ces affaires, si de telles cours

27 étaient constituées et fonctionnaient à ce moment-là.

28 Ces affaires étaient renvoyées à une autre cour, conformément à la

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1 décision de la Cour suprême de la Serbie, car ceci avait été requis. Le

2 relogement s'effectuait vers une cour qui avait la juridiction sur le lieu

3 de résidence de l'auteur du crime.

4 La première priorité, la première mesure à prendre était que les

5 cours du district du Kosovo soient relogées en Serbie ou au lieu de

6 résidence de l'auteur du crime. Dans toutes ces affaires dans lesquelles il

7 s'agissait d'un crime de guerre, aujourd'hui c'est la chambre spéciale des

8 crimes de guerre qui en est chargée, à moins que le procès n'ait déjà

9 commencé.

10 Q. Quand est-ce que cette chambre spéciale a été créée ?

11 R. Celle-ci a été constituée je crois en 2003 ou en 2004, je ne suis pas

12 tout à fait sûr.

13 Q. Entre 1999 -- après la fin de la guerre et la constitution de cette

14 chambre spéciale, s'agissant d'un réserviste qui était mobilisé, son

15 affaire qui précédemment était en suspens devant un tribunal militaire

16 était soit renvoyée à tribunal du district, soit au Kosovo ou à son lieu de

17 résidence; est-ce exact ?

18 R. Mais tous les tribunaux et toutes les cours du Kosovo-Metohija ont été

19 relogés. Ils ne fonctionnaient plus au Kosovo et ils ont été déplacés à un

20 autre endroit en Serbie. De telles cours ont repris bien des affaires. Par

21 exemple, la cour du district de Pristina a été déplacée à Nis. Son siège se

22 trouve à Nis en ce moment. D'autres ont été relogées ailleurs.

23 Q. Très bien. Maintenant, je comprends. La cour du district qui était

24 précédemment à Pristina, a été relogée après la guerre à Nis dans ce but-

25 là. Le réserviste démobilisé était soit jugé là-bas si le crime a eu lieu à

26 Pristina, soit devant la cour du district de son lieu de résidence; est-ce

27 exact ?

28 R. Oui.

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1 Q. Comment est-ce qu'on décidait si la personne allait être jugée à Nis ou

2 auprès de la cour du district de son lieu de résidence ? Comment est-ce

3 qu'on prenait ces décisions ?

4 R. Ceci est envisagé par la loi relative à la procédure pénale. Par

5 exemple, si la cour de district de Prizren ne peut pas fonctionner, dans ce

6 cas-là, conformément à la demande de l'accusation, la Cour suprême de la

7 Serbie prend la décision.

8 Ceci ne se fait pas suivant la manière arbitraire, mais il existe une

9 procédure précisément définie concernant la manière dont les décisions sont

10 prises. Il s'agit de ce que l'on appelle la compétence locale déléguée.

11 Q. L'accusé n'avait pas le droit de demander, si la cour de Pristina

12 siégeait à Nis, que son affaire soit renvoyée de là à son lieu de

13 résidence. N'est-ce pas un droit dont il dispose ?

14 R. Il peut soumettre une demande, mais le plus souvent c'est le procureur

15 qui soumet des requêtes ou c'est la cour chargée de cette affaire qui

16 indique qu'elle n'a pas de conditions permettant de mener à bien un procès

17 et demande le transfert, ensuite la Cour suprême prend la décision là-

18 dessus.

19 Q. Merci. Maintenant, je souhaite vous poser une question au sujet de la

20 pièce P2826.

21 M. HANNIS : [interprétation] J'ai compris, Monsieur le Président, qu'au

22 début de cette audience nous avons eu quelques problèmes électroniques,

23 mais je crois que maintenant ça va.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maintenant, ça a été résolu.

25 Maître Hannis.

26 M. HANNIS : [interprétation]

27 Q. C'est un document qui s'appelle "Informations au sujet du travail des

28 organes judiciaires en temps de guerre." Vous nous avez expliqué que la

Page 16732

1 date en était le 12 mai 1999, celle de la dernière page. La date figurant à

2 la première page, celle du 12 septembre, est inexacte.

3 R. Oui.

4 Q. C'est un document que vous avez rédigé vous-même ?

5 R. Oui.

6 Q. Dans l'exemplaire que j'ai, Général, à la différence de bien d'autres

7 documents militaires présentés devant cette Chambre, je ne vois pas de

8 signature, je ne vois pas le cachet que l'on voit habituellement. Est-ce

9 que vous pouvez nous dire quelle en est la raison ? Est-ce que c'est un

10 projet de rapport ou un document définitif qui a été envoyé au commandement

11 Suprême ?

12 R. C'est la version définitive qui a été élaborée et envoyée par moi au

13 général Matovic chargé du recomplètement des troupes et des questions

14 systématiques. Il était censé transmettre cela au commandement Suprême avec

15 des pièces jointes, car je ne pouvais pas envoyer cela directement, mais

16 seulement par le biais du commandement supérieur. Ces informations,

17 traitées de manière supplémentaire au nom de la direction chargée de la

18 mobilisation et des questions systématiques, ont été transmises au

19 commandement Suprême. Il existe aussi un document en annexe, signé par le

20 général Risto Matovic, qui accompagnait ce rapport. C'est la raison pour

21 laquelle il n'y a pas de signature ici.

22 Ceci ne constituait pas une défaillance sur le plan formel.

23 Q. Ceci ne constitue pas une défaillance si un document ne comporte pas de

24 signature ni de cachet?

25 R. Mais nous voyons quelle est l'institution dont ceci émane. Ceci suffit

26 amplement, car ensuite les données sont traitées et retransmises par notre

27 direction qui utilise ces données-là et envoie ça au commandement inférieur

28 et à l'état-major du commandement Suprême avec document en annexe qui

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1 accompagne ce rapport.

2 Q. Avez-vous vous la version officielle définitive qui a été transmise par

3 le général Matovic, d'après vous ?

4 R. Non. Ceci est la version définitive et elle était simplement

5 accompagnée par un document rédigé par le général Matovic. Et ce document

6 en annexe est envoyé avec ce rapport.

7 Q. J'avais compris que dans votre réponse précédente vous avez dit que

8 certaines corrections et modifications ont été apportées. Est-ce que vous

9 savez lesquelles ?

10 R. S'agissant des tâches et notamment des propositions de mesures à

11 prendre par l'état-major du commandement Suprême, et au niveau de l'armée.

12 Je ne peux pas en parler, mais justement ça peut être fait par le général

13 Matovic de la direction chargée de la mobilisation, et cetera. Donc, ici

14 j'ai donné un peu plus d'importance au département juridique, donc une

15 correction a été apportée allant dans ce sens, et il a été ajouté que cette

16 information a été envoyée au nom de la direction chargée de la mobilisation

17 du regroupement des troupes et des questions systématiques et non pas au

18 nom du département juridique. C'est la raison pour laquelle je ne pouvais

19 pas signer ce document puisqu'il a été envoyé par cette direction, dirigée

20 au général Matovic.

21 Mais c'étaient les seules petites corrections qui ont été apportées

22 pour que l'on donne un peu plus d'importance à cette information-là.

23 Q. Très bien. Peut-on examiner la version en B/C/S et en anglais. La

24 page 2 dans les deux versions.

25 Général, lorsque Me Sepenuk vous posait des questions, aux points 2.3

26 au sujet de la 3e Armée, au deuxième paragraphe vous indiquiez qu'il y a

27 une erreur dans le déroulement du deuxième paragraphe et qu'il faudrait

28 qu'il soit écrit Pristina et non pas Nis; est-ce exact ?

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1 R. Oui. Il s'agit de la dernière partie de la phrase. "Le district

2 chez nous c'est un terme plus vaste que l'autre. Ici c'est écrit Nis, mais

3 il aurait fallu écrire Pristina, car le tribunal de Nis fonctionnait tout à

4 fait bien, alors qu'il a y eu des problèmes au niveau de celui de

5 Pristina." C'est ce qui est visible aussi dans le reste du texte,

6 linguistiquement aussi ceci n'est pas logique tel quel.

7 Q. Est-ce que vous savez si ceci a été modifié dans la version

8 finale que le général Matovic a envoyée ?

9 R. Non. Cette version a été transmise.

10 Q. Avec la page de garde en annexe ?

11 R. Oui.

12 Q. Et dans le paragraphe suivant vous mentionnez le fait que des affaires

13 au pénal très complexes font l'objet de leur travail, impliquant des crimes

14 graves. Et vous mentionnez le terrorisme. Le Juge Bonomy vous a posé une

15 question au sujet de la compétence des tribunaux militaires sur le

16 terrorisme. Entre avril et juin 1999, est-ce que des tribunaux militaires

17 ont lancé des poursuites au sujet des affaires de terrorisme, par exemple,

18 contre des membres de l'UCK capturés, ou d'autres individus qui ont essayé

19 d'effectuer des actes terroristes contre la VJ ?

20 R. Je ne recevais pas de telles données. Je pense qu'il n'y en avait pas.

21 Peut-être pendant la phase préalable au procès, mais pendant la phase du

22 procès, il n'y en a pas eues. Il y a eu des activités terroristes, mais

23 leurs membres n'étaient pas capturés. Donc ces personnes n'étaient pas

24 accessibles pour pouvoir mener à bien des procès.

25 Je ne possède pas ce genre de données. Je ne suis pas au courant.

26 Peut-être que ceci existait, mais je ne disposais pas de ce genre de

27 données dans les rapports que je recevais.

28 Q. Pourquoi avez-vous ajouté cette phrase sur le terrorisme pour montrer

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1 que les organes judiciaires dépendant du Corps de Pristina ont eu affaire à

2 ce genre de crimes sérieux ? Parce qu'on n'a pas l'impression qu'ils se

3 sont beaucoup occupés des questions de terrorisme.

4 R. J'ai donné des exemples. J'ai dit qu'ils avaient eu affaire à de tels

5 actes, mais qu'ils n'étaient pas en mesure de s'en occuper vraiment.

6 Et là je vous ai cité un exemple. Quand les groupes des terroristes

7 ont kidnappé un officier et deux soldats qui ont comparu en tant que

8 témoins ce jour-là, à la fin de leurs dépositions, ils devaient retourner

9 dans leurs unités respectives, mais ils ont été enlevés par la suite. On

10 n'a jamais réussi à apprendre où ils étaient, quel a été leur sort.

11 Au total, au Kosovo-Metohija, pendant la guerre, une trentaine de

12 soldats sont portés disparus. Ils ne sont pas morts au combat, mais ils ont

13 été enlevés et on n'a pas d'information les concernant.

14 Là, il s'agit d'actes de terrorisme. Ce sont les difficultés

15 rencontrées par les organes de justice. C'est pour cela que j'ai fait

16 mention de cela dans le rapport.

17 Q. Dans vos statistiques concernant les affaires jugées par les organes

18 militaires, où mettriez-vous les crimes comprenant le terrorisme ? Est-ce

19 que ce serait, par exemple, dans autres crimes, dans cette rubrique-là ?

20 R. Oui, en effet. Mais je ne suis vraiment pas sûr s'il y a eu de tels

21 cas, à savoir qu'on a vraiment intenté un procès aux auteurs, parce que

22 tant que vous n'avez pas attrapé l'auteur, vous ne savez pas qui est la

23 personne, qui est l'auteur. Donc vous n'allez pas trouver cette personne

24 dans aucun de ces rapports. C'est une affaire que vous ne pouvez pas

25 trouver dans le procès en cours parce que quand vous avez un procès, ce

26 procès est intenté contre une personne bien identifiée, précise, pas contre

27 des personnes inconnues, alors que ces auteurs sont restés inconnus.

28 Q. Est-ce que vous avez vu un rapport venu du général Delic et de sa 549e

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1 Brigade concernant les affaires qui ont fait l'objet de poursuites dans sa

2 zone de responsabilité ?

3 R. Non. non. Je n'ai jamais reçu quoi que ce soit de cette personne.

4 D'ailleurs, je n'étais pas censé les recevoir. Je recevais mes rapports des

5 tribunaux, pas des unités directement.

6 Q. Pendant l'état de guerre, est-ce que l'UCK, les membres de l'UCK

7 arrêtés pouvaient être poursuivis devant les tribunaux civils et pas

8 seulement les tribunaux militaires ?

9 R. S'ils avaient commis leurs crimes sur les soldats, oui. Mais s'il

10 s'agissait de crimes commis contre les unités du MUP, cela revenait à la

11 compétence des tribunaux civils.

12 Q. Au niveau du point 2.4, vous parlez de la marine. Je vais vous citer la

13 deuxième phrase : "Même s'ils n'ont pas eu beaucoup d'affaires, les trois

14 juges ont dit ouvertement qu'ils n'allaient pas agir sur les affaires au

15 pénal, en disant qu'ils craignaient pour leur propre sécurité et que leurs

16 postes n'étaient pas garantis…"

17 Est-ce que vous étiez au courant de cela, c'est-à-dire cette crainte quant

18 à leur sécurité ?

19 R. Oui, je suis au courant de cela, parce que la République du Monténégro,

20 à partir du moment où l'état de guerre a été déclaré, au lieu de permettre

21 que les conscrits soient mobilisés dans les unités prévues pour le temps de

22 guerre, ils ont proclamé l'obligation de travail obligatoire, et ils ont

23 envoyé ces conscrits dans toutes ces unités de travail. Il n'y avait pas de

24 besoin pour cela, même s'il existe la possibilité dans la loi d'avoir ces

25 unités de travail. Ces unités de travail sont bien déterminées, c'est-à-

26 dire qu'elles correspondent à un besoin réel de production en temps de

27 guerre, alors qu'eux, ils ont fait cela uniquement pour esquiver à

28 l'obligation militaire, à la mobilisation. Donc les juges se sont retrouvés

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1 entre deux feux, parce que qu'est-ce qu'il fallait qu'ils fassent ? Est-ce

2 qu'il fallait qu'ils répondent à cet appel à la mobilisation et qu'ils

3 travaillent dans le cadre de cette unité mobilisée ? Ou est-ce qu'il va

4 être licencié parce qu'il n'a pas respecté une décision prise par le

5 gouvernement au niveau de la République ?

6 Voilà le genre de situations auxquelles on devait faire face, parce

7 que certains juges, après avoir travaillé au niveau des tribunaux

8 militaires, après l'arrêt de travail, le démantèlement de tels tribunaux,

9 ils ont été licenciés. Malheureusement, ce n'était pas légal, mais les

10 organes au niveau de la république ont fait cela. Malheureusement, c'est un

11 fait.

12 Q. Au niveau du point 4, vous parlez des problèmes de base. Au niveau du

13 deuxième paragraphe, on peut lire : "Qu'il y a plus de crimes complexes,

14 qu'il s'agit d'un numéro qui s'est accru de façon non significative, mais

15 qu'il y a aussi un nombre accru d'auteurs qui commettent des crimes

16 sérieux."

17 Cette augmentation de crimes, est-ce qu'elle est due à la meilleure

18 façon d'informer des crimes commis qu'avant ? Parce que vous écrivez cela

19 au mois de mai 1999. Est-ce que ce n'est pas cela, ou la combinaison de ces

20 deux éléments ?

21 R. Tous ces facteurs ont existé. Vous ne pouvez faire de telles

22 évaluations que sur la base des informations que vous recevez. Donc, sur la

23 base des personnes poursuivies qui ont fait l'objet de plaintes au pénal.

24 Ensuite une fois que la procédure au pénal a commencé, on a aussi la

25 qualification de l'acte. Nous avons aussi le nombre d'auteurs qui ont

26 participé à la commission de l'acte.

27 Sur la base de toutes ces informations, vous pouvez arriver à la

28 conclusion que nous avions un plus grand nombre d'auteurs impliqués dans

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1 des crimes plus sérieux. Effectivement, le "reporting" était meilleur, mais

2 vous avez aussi les procédures qui se sont accélérées.

3 On ne pouvait pas exclure aucun des facteurs que vous avez

4 mentionnés. Si vous avez un crime qui n'a pas été découvert, le crime

5 n'existe pas pour la personne qui fait le rapport. C'est uniquement parce

6 qu'au moment où le procureur a été informé d'un crime et que la procédure a

7 été entamée et que vous disposez des informations concernant les crimes,

8 les auteurs supposés, et cetera. C'est cela qui figure dans cette phrase

9 parce qu'il fallait prendre les mesures, et aussi jeter la lumière sur les

10 crimes pour agir en guise de prévention, parce qu'à partir du moment où

11 vous savez que votre crime peut être découvert, vous allez peut-être

12 réfléchir avant de commettre un crime.

13 Q. Attendez. Je vais vous arrêter là parce que je pense que vous avez déjà

14 répondu à la question.

15 Voici la question suivante. Vous dites : "Il y a une petite

16 augmentation dans les crimes plus complexes." Qu'est-ce que c'est que ces

17 crimes plus complexes ?

18 R. Il s'agit des crimes plus graves impliquant plus d'auteurs, qu'il

19 est plus difficile à découvrir, parce qu'on fait tout pour dissimuler les

20 crimes, et tout cela rend le crime en question plus complexe.

21 La façon de commettre les crimes est plus complexe. Les conséquences

22 sont plus lourdes. Il y a plusieurs personnes. On va dissimuler les traces.

23 Tout cela rend toute la procédure plus complexe : l'enquête, l'arrestation

24 des coupables, et cetera.

25 Q. Bien. La page suivante, s'il vous plaît.

26 C'est l'article 6 qui m'intéresse, on parle de mesures proposées. Au niveau

27 de l'article 6.1, il est écrit : "Ecrire le rapport régulier sur le travail

28 des organes judiciaires militaires et les envoyer aux commandants des

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1 unités."

2 R. Oui, même les délais ont été abrégés.

3 Q. Est-ce que vous savez où se trouvent ces rapports aujourd'hui ?

4 R. Dans les archives puisque ces rapports ont été faits et envoyés au

5 commandement subordonné et ensuite à toutes les unités concernées. Il y

6 avait des informations concernant différentes unités qui ont été envoyées

7 aux unités en question.

8 Q. Cela se trouve aux archives de l'administration juridique ?

9 R. Oui, dans les archives centrales.

10 Q. Le dernier point, 6.3. "Pour les unités et les organes aux autres

11 niveaux."

12 Numéro 2 dit : "A partir du moment où un organe judiciaire militaire

13 entame la procédure d'accusation, ils doivent en priorité traiter les cas

14 où les auteurs avaient un niveau plus élevé d'éducation et un poste à

15 responsabilité dans l'armée yougoslave ou dans la société."

16 Dans votre rapport, est-ce qu'on peut voir quel est le nombre

17 d'officiers qui ont fait l'objet de poursuites au pénal ?

18 R. Nous disposons de telles informations. Il n'y en a pas eu beaucoup mais

19 il y en a eu.

20 Q. On va peut-être regarder cela demain, mais c'est vrai que dans un des

21 tableaux, on peut voir les grades des différentes catégories, mais le

22 nombre total des crimes concernant menace à la vie ou à la personne, c'est

23 à peu près 32 ou 34 personnes. Vous avez aussi un sous-officier, peut-être

24 un, pas plus, et tous les autres c'étaient des soldats ou des réservistes;

25 est-ce exact ?

26 R. Je pense que c'est exact si cela figure dans le rapport.

27 M. HANNIS : [interprétation] Est-ce que nous pouvons prendre la pause

28 maintenant ? Je pense qu'il nous reste encore une trentaine de minutes.

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1 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]M. LE JUGE

2 BONOMY : [interprétation] Monsieur Gojovic, nous devons lever la séance

3 pour aujourd'hui puisqu'il va y avoir une autre affaire dans ce prétoire

4 cet après-midi. Cela veut dire que vous devez revenir demain pour terminer

5 votre déposition, à 9 heures demain matin. Entre temps, il est important de

6 vous rappeler que vous ne devez discuter avec qui que ce soit, ni de votre

7 déposition, ni des éléments de votre déposition. Donc je vous prie de

8 réduire vos communications aux sujets qui n'ont rien à voir avec les

9 questions qui nous intéressent sur l'espèce ou votre déposition.

10 A présent vous pouvez quitter le prétoire avec l'huissier et nous allons

11 vous voir demain à 9 heures du matin à nouveau.

12 [Le témoin quitte la barre]

13 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le mercredi 3 octobre

14 2007, à 9 heures 00.

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