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1 Le mercredi 3 octobre 2007
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
5 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, pendant que nous
6 attendons le témoin, je voudrais vous présenter un nouveau visage dans mon
7 équipe. Mlle Silvia D'Ascoli est un nouveau membre de notre équipe parce
8 que certains autres membres de notre équipe nous ont récemment quittés.
9 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Hannis.
11 Bonjour, Monsieur Gojovic.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons continuer le contre-
14 interrogatoire par les soins de M. Hannis.
15 Monsieur Hannis.
16 LE TÉMOIN: RADOMIR GOJOVIC [Reprise)
17 [Le témoin répond par l'interprète]
18 Contre-interrogatoire par M. Hannis : [Suite]
19 Q. [interprétation] Bonjour, Mon Général.
20 R. Bonjour.
21 Q. Je voudrais vous parler de cette commission de l'armée de Yougoslavie
22 chargée de la coopération avec le Tribunal de La Haye. Pour autant que je
23 sache, cela a été créé en 2001 et vous avez été membre de cette commission;
24 est-ce bien exact ?
25 R. En effet.
26 Q. Nous nous sommes entretenus quelque peu, non pas hier, mais récemment
27 nous en avons parlé avec le général Terzic pendant qu'il était ici. Je
28 crois comprendre que vous étiez l'adjoint du président ou le vice-président
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1 de cette commission ?
2 R. J'étais le suppléant du président de cette commission.
3 Q. Combien de membres comptait cette commission ?
4 R. Je pense qu'il y avait sept ou huit membres de la commission.
5 Q. Aviez-vous déjà pris votre retraite de la VJ ?
6 R. Oui.
7 Q. Y avait-il d'autres membres de la commission qui se trouvaient être
8 également des retraités à l'époque ?
9 R. Un autre membre seulement se trouvait à être à la retraite. Tous les
10 autres étaient membres d'active.
11 Q. Dites-moi si les personnes suivantes se trouvaient à être membres de la
12 commission. Le général Farkas était-il membre ?
13 R. Oui, et c'était le seul retraité en sus de moi-même.
14 Q. Et Sreten Obrencevic ?
15 R. Lui, ultérieurement, il n'est venu qu'en 2003 ou en 2002. Il n'était
16 pas membre permanent, mais membre temporaire ou occasionnel.
17 Q. Et Milos Gojkovic ?
18 R. Lui, il est venu ultérieurement, fin 2002. Il participait
19 occasionnellement à nos travaux sur certains points.
20 Q. Pouvez-vous vous souvenir de l'un quelconque des autres membres que
21 vous pourriez citer par son nom ?
22 R. Je peux vous en donner quelques-uns. Il y avait un dénommé Prsic, qui
23 était chef des archives, un colonel; il y avait un lieutenant-colonel
24 Labus, qui travaillait dans l'administration juridique; il y en avait
25 encore un ou deux appartenant aux autres secteurs -- enfin là où l'on
26 pouvait rechercher des documents. C'était des représentants de ces
27 secteurs-là qui étaient membres de la commission. Il y avait en plus, à mon
28 avis, Aco Tomic, le colonel Mojsilovic était membre, il était secrétaire de
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1 la commission, lui.
2 Q. Vous-même et le général Farkas étiez des retraités. Est-ce que vous
3 receviez un paiement pour le travail dans cette commission ?
4 R. Oui.
5 Q. Vous souvenez-vous du montant qu'on vous payait ?
6 R. C'était symbolique, très peu. On nous payait à l'heure, l'équivalent
7 des enseignants honorifiques à l'académie, déductions faites des montants
8 de l'impôt et des contributions sociales.
9 Q. On a parlé hier des peines maximum pour différents délits, et j'ai
10 oublié de vous demander quelle était la peine encourue au maximum pour le
11 terrorisme, ou plutôt ce que cela était en 1999, si vous le savez ?
12 R. Cela dépendait des conséquences. La peine maximum encourue allait
13 jusqu'à 20 ans, selon les séquelles qui ont découlé de ces actions
14 terroristes.
15 Q. Mon Général, je voudrais vous poser des questions au sujet de la pièce
16 à conviction P953. Il s'agit d'un rapport daté du 21 juin 1999 et portant
17 sur le fonctionnement des organes judiciaires militaires pendant l'état de
18 guerre. Je me rends bien compte du fait que c'est un rapport des débuts,
19 mais je voudrais que nous vérifiions un certain nombre de choses. Est-ce
20 que vous reconnaissez d'abord à la page de couverture de ce document ?
21 R. Oui.
22 M. HANNIS : [interprétation] Je voudrais que nous passions maintenant à la
23 page suivante.
24 Q. Au paragraphe 5, vous parlez des types de délits au pénal, et si j'ai
25 bien compris, il y a à peu près 88 % du chiffre total des délits au pénal
26 qui se résument à la violation de l'article 214 du code pénal, c'est-à-dire
27 non présentation à l'appel ou éloignement des rangs de l'unité de son
28 propre gré. Est-ce qu'il est exact de dire que 88 % des délits se
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1 rapportaient à ce type de violations ?
2 R. Oui.
3 Q. Les 12 % restant, n'est-il pas exact de dire qu'une grande partie de
4 ces 12 % se rapportait à la poursuite de délits contre les biens d'autrui :
5 pillages, vols, brigandage ?
6 R. Oui, c'est exact aussi.
7 M. HANNIS : [interprétation] Je demande maintenant qu'on nous montre la
8 page 4 de la version B/C/S, je pense qu'il s'agit de la page 5 en version
9 anglaise.
10 Q. Nous avons là un diagramme, un tableau, qui parle des jugements rendus
11 et des longueurs de peines prononcées. Il me semble ici qu'il y ait une
12 erreur dans la version anglaise. Pour ce qui est du délit contre la vie et
13 l'intégrité des personnes; le voyez-vous ?
14 R. Je ne vois pas, c'est trop petit.
15 M. HANNIS : [interprétation] Certes. Nous allons essayer d'agrandir la
16 colonne. Je pense que c'est la sixième colonne.
17 Q. Est-ce que vous voyez la peine qui se rapporte aux délits contre la vie
18 et l'intégrité physique des personnes ?
19 R. Oui.
20 Q. On voit qu'au total 28 personnes ont été punies de sanctions allant
21 d'une année à deux années, et quatre de deux à cinq ans; est-ce exact ?
22 R. Oui.
23 Q. Pas un seul officier n'a été condamné de ce type de délit, mis à part
24 un sous-officier; c'est bien exact ?
25 R. A l'époque, telle était la situation.
26 Q. Bien.
27 M. HANNIS : [interprétation] Messieurs les Juges, vous verrez dans la
28 version anglaise qu'il y a un numéro 133 pour ce qui est du total des
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1 peines allant au-delà de cinq ans. Partant de la conversation que j'ai eue
2 avec M. Sepenuk et le général vient de nous dire que c'est une erreur, que
3 cette colonne devrait être lue par un 0; il n'y a pas de chiffre du tout.
4 Pour ce qui est de la colonne où il y a les crimes contre les biens
5 d'autrui, il faudrait lire 113 au lieu de 5 comme on le dit dans la version
6 anglaise. Il s'agit là d'une peine d'emprisonnement allant de un à deux
7 ans.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, exactement, 113.
9 M. HANNIS : [interprétation]
10 Q. Et cinq personnes se sont vues prononcées une peine d'emprisonnement
11 allant de deux à cinq ans pour des crimes à l'encontre de la propriété
12 d'autrui, n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Merci. Nous pouvons abandonner cette pièce à conviction, Mon Général,
15 et passer à la pièce P955, ce qui se trouve à l'intercalaire numéro 18 que
16 M. Sepenuk a pris pour vous interroger hier. Si j'ai bien compris, c'est un
17 résumé que vous avez préparé, entre autres, partant d'informations en
18 provenance du bureau du procureur militaire de Nis; est-ce bien exact ?
19 R. Du tribunal militaire et du procureur militaire à Nis. C'est l'aperçu
20 qui a été communiqué par le tribunal militaire à la cour suprême de
21 l'armée; ça se trouve à l'intercalaire 17.
22 Q. Bien.
23 M. HANNIS : [interprétation] J'aimerais que nous passions maintenant à la
24 page 3 de la version B/C/S, page 2 de la version anglaise.
25 Q. J'aurais quelques questions pour vous à ce sujet.
26 M. HANNIS : [interprétation] J'aimerais que l'on agrandisse un peu ceci
27 pour le général. Nous avons besoin de la partie supérieure seulement, mais
28 de la partie supérieure en entier.
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1 Q. Est-ce que vous pouvez lire ceci, Mon Général, ou est-ce que vous
2 voulez que je vous le donne sur papier ?
3 R. Je préfère la version papier parce que c'est trop flou encore.
4 Q. Fort bien. Je vais vous le trouver.
5 M. HANNIS : [interprétation] J'aimerais que l'huissier m'aide --
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Maintenant on voit mieux.
7 M. HANNIS : [interprétation]
8 Q. Mon Général, je vous le donne pour être tout à fait sûr que vous voyez.
9 Les cinq premières lignes se rapportent à l'article 142, puis on voit les
10 différents degrés de meurtres ou tentatives de meurtre, article 47. Tout ça
11 se sont des totaux qui se rapportent à la période allant jusqu'au 10 juin
12 1999, n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Ici, je vois qu'il est dit qu'il n'a été rendu aucun jugement pour l'un
15 quelconque de ces délits au pénal, des violations des règles régissant le
16 comportement vis-à-vis de la population civile, et des tentatives de
17 meurtre ?
18 R. C'était exact. Il n'y a pas eu de jugements rendus à l'époque. Il y en
19 a eu quelques jours plus tard, après la fin de la guerre. Mais dans les
20 quatre cas qu'on voit être jugés ici, cela n'a pas été encore fait. C'est
21 pour cela qu'il n'y en a pas dans cet aperçu.
22 Q. Fort bien. J'ai compté cinq crimes de ce type. Dans la colonne 1, on
23 arrive au total de 25, et tout ceci a été renvoyé à une autre juridiction,
24 c'est-à-dire à un autre tribunal, soit pendant l'enquête, soit après l'acte
25 d'accusation, n'est-ce pas ?
26 R. Oui. Vous avez omis la colonne où il y a les cas graves de pillage, et
27 il y en a sept, et si l'on ajoute cela à ceux dont on a parlé hier, ça nous
28 donne la référence de l'article 169 paragraphe 2. Il y a eu six personnes
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1 qui ont perdu la vie. C'est ce que vous retrouvez au numéro 7 de la colonne
2 numéro 2. Et là, les meurtres sont inclus. Je ne sais pas si vous l'avez
3 retrouvé dans votre copie.
4 Q. Oui. Je crois qu'il y a les vols graves avec violence et confiscation
5 de biens suivis de meurtre, et cela nous donne quelques cas encore pour
6 nous amener au total de 32, n'est-ce pas ?
7 R. Oui, 32 et les quatre que j'ai mentionnés tout à l'heure, ça nous donne
8 un total de 36. Puis encore deux dont j'ai fait état par la suite, donc, ça
9 donne un total de 38.
10 Q. Fort bien. Je voudrais à présent -- nous reviendrons à cette pièce dans
11 un instant. Mais je voudrais maintenant vous poser une question au sujet
12 d'un document qui porte la cote P1011. L'intitulé en est "Les règles du
13 droit international régissant les conflits armés," édité par Ivan Markovic
14 à Belgrade en 2001. Vous avez, je pense, témoigné dans l'affaire Milosevic,
15 et vous avez dit que ce document vous était connu, n'est-ce pas ?
16 R. Oui. Je le connais, parce que je sais que ce livre a été publié, rien
17 de plus. Pour ce qui est de la personne qui a rédigé, le dénommé Markovic,
18 il a demandé des renseignements du tableau que nous avons vu tout à
19 l'heure. Il a été intéressé par des délits de viol et autres délits au
20 pénal que j'ai retrouvés dans le texte par la suite, et j'ai vu que ces
21 renseignements ont été repris de façon exacte. Ce que je voulais savoir
22 surtout, c'était s'il avait rendu de façon fidèle les renseignements que je
23 lui avais transmis.
24 Q. Bien.
25 M. HANNIS : [interprétation] Page 3 maintenant, je vous prie.
26 Q. Je ne sais pas si la numérotation de la version B/C/S est la même que
27 celle de l'anglais, mais je vais vous poser la question suivante. En
28 version anglaise, on dit que ceci vient d'un centre informatif de presse de
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1 Vojska, et ça a été imprimé par une imprimerie autre, l'imprimerie
2 militaire de Belgrade, comme on le dit à la page tout à fait en bas. C'est
3 une édition de l'armée ou cela a-t-il été imprimé seulement par
4 l'imprimerie de l'armée ?
5 R. Ça a été imprimé par l'imprimerie de l'armée. On imprime pour rendre
6 service à autrui, et la personne en question, c'est un journaliste dans le
7 journal de l'armée "Vojska". Je sais qu'en sus du fait d'être journaliste,
8 il écrit beaucoup aussi.
9 Q. Je voudrais vous référer à la partie 6, chapitre 6 de ce livre, qui est
10 intitulé : "Le fonctionnement des autorités judiciaires militaires."
11 M. HANNIS : [interprétation] Je vous réfère à la page 110 de la version
12 B/C/S, à savoir la page 164 de la version anglaise.
13 Q. Mon Général, on peut voir ici qu'il y a des informations concernant les
14 délits au pénal pour infractions au Kosovo-Metohija. C'est fait pour le
15 commandement de la 3e Armée. La date est du 6 avril 2001. Avez-vous déjà vu
16 ce document auparavant ?
17 R. Je n'ai fait que feuilleter ce livre. J'ai comparé avec les
18 renseignements dont je disposais moi-même, et lorsqu'il s'agit des procès
19 entamés, je crois que c'est à peu près cela. Il y a peut-être certains
20 petits écarts insignifiants. Je crois qu'il a recueilli des informations de
21 la part du tribunal militaire de Nis, et éventuellement de la part du
22 procureur militaire qui s'était penché sur certains actes d'accusation, ce
23 qui fait que ces renseignements sont à peu près identiques. J'ai fait la
24 somme au 10 juin, et il se peut qu'il ait pris une date ultérieure, c'est
25 la raison pour laquelle les chiffres risquent d'être différents pour ce qui
26 est du nombre de procès au pénal d'initiés.
27 Q. Il y a une autre divergence que j'ai remarquée au premier paragraphe.
28 Il est dit ici : "Ceci se réfère à la période allant du 1er mars 1998
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1 jusqu'au 26 juin 1999."
2 Ceci englobe donc des crimes qui ont eu lieu avant la période dont vous
3 avez parlé dans votre rapport, à savoir à compter du 1er mars 1998 jusqu'au
4 24 mars 1999 ?
5 R. Ça englobe aussi l'année 1998, mais je n'ai comparé que les
6 renseignements qui ont été fournis pendant la guerre, à savoir à compter du
7 24 mars jusqu'au 10 juillet. C'est ce qui m'intéressait pour les
8 renseignements qui ont été collectés par moi et que j'ai rangés dans leur
9 ordre. Je n'ai pas étudié les autres périodes.
10 Q. Bien. Je comprends cela, mais seriez-vous d'accord avec moi pour dire
11 que ces chiffres risquent d'être quelque peu plus grands, puisque ça couvre
12 une période de temps plus grande, n'est-ce pas ?
13 R. Certainement.
14 Q. Ici on dit qu'il y a eu 245 personnes ayant fait l'objet de dépôt de
15 plaintes au pénal, ce qui inclus des crimes contre la propriété et des
16 crimes contre la vie et l'intégrité physique de personnes. Comme on peut le
17 lire, il y en a 183 sur les 245 qui ont été mis en accusation, et à la date
18 de la rédaction de ce rapport, il y avait encore des enquêtes en cours
19 contre 47 personnes, alors que pour 15 autres personnes, on était en train
20 de recueillir des informations préalables, il s'agit de crimes à l'encontre
21 de biens d'autrui. Est-ce que c'est bien ce qui découle de ce paragraphe 2
22 ?
23 R. Oui, c'est ce qui est dit dans ce paragraphe. Mais il est évident que
24 cela diffère quelque peu du passage que j'ai préparé. Je ne sais pas quels
25 sont les délits au pénal qu'il englobait. C'est un journaliste ou un
26 écrivain qui prend des renseignements, mais qui ne sait pas tout à fait se
27 servir des renseignements qui lui ont été communiqués par un tribunal.
28 Q. Nous allons comparer certains de ces procès avec les procès qu'il a
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1 pris a considération pour ce qui est des crimes évoqués dans le rapport
2 P955. Il dit que sur les 47 investigations, il y a eu six qui se
3 rapportaient à la mise en péril de vie ou la perte de vie, et 41 étaient
4 des crimes contre les biens d'autrui. Alors il fait état de différents
5 détails des six crimes qui impliquaient la vie ou l'intégrité physique. Il
6 y a un certain lieutenant-colonel S.S., je crois que c'était le colonel
7 Stosic. Je crois que vous devez être au courant de cela ?
8 R. Oui.
9 Q. Dans ce rapport d'avril 2001, il est indiqué que l'enquête a été
10 suspendue. Que savez-vous au sujet de ce lieutenant-colonel Stosic ?
11 R. Il figure dans l'intercalaire 17 de ce rapport de la cour militaire de
12 Nis, et il a été dit qu'il n'était pas prouvé qu'il ait commis ce crime. Je
13 n'ai pas pris en considération ce procès puisqu'il n'était pas utile
14 d'estimer qu'il avait commis un crime alors que les autres soldats qui ont
15 été englobés par cette plainte déposée au pénal, ils ont été pris en
16 considération. On a dit qu'il était impliqué, par la suite il s'est avéré
17 qu'il n'y avait aucune preuve contre lui, ce qui fait que le procès à son
18 encontre a été suspendu. Ailleurs, on dit qu'il figure sur la liste des
19 auteurs d'un délit au pénal, mais cela n'a pas été utile puisqu'il y a eu
20 interruption de l'investigation à son encontre puisqu'il n'a pas fait
21 l'objet d'un acte d'accusation par la suite.
22 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Je m'excuse de vous avoir interrompu.
23 Avez-vous vérifié, Mon Général, les dossiers du lieutenant-colonel Stosic
24 pour ce qui est de l'opinion que vous venez de nous exprimer ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le président du tribunal qui m'en a
26 informé.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, afin que nous
28 comprenions ceci à part entière, le document auquel vous vous référez, le
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1 P1011 --
2 M. HANNIS : [interprétation] Oui.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] -- dit que c'est encore une enquête en
4 cours; est-ce bien exact ?
5 M. HANNIS : [interprétation] Il est dit ici que s'agissant de six procès,
6 il y a eu enquêtes de diligentées ou encore en cours. Puis au numéro 1, on
7 dit que l'enquête a été suspendue vu l'absence d'éléments de preuve.
8 Q. Général, peut-être pouvons-nous parler de deux autres individus -- je
9 suis désolé, M. Cepic voulait peut-être -- il s'est levé à demi -- puis il
10 s'est levé.
11 M. CEPIC : [interprétation] Une fois de plus, je voudrais faire une petite
12 correction au compte rendu. En page 11, lignes 2 et 3, je pense que le
13 témoin n'a pas dit que cette affaire n'a pas fait l'objet d'une phase
14 d'investigation. Or, M. Hannis a par la suite donné lecture de ce qui est
15 dit dans la pièce 1011 et il a corrigé cette phrase et je crois que le
16 témoin a dit la même chose que M. Hannis tout à l'heure en faisant sa
17 lecture.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous voulez dire que l'enquête a été
19 suspendue du fait du manque de preuve; c'est ce que vous êtes en train de
20 dire ?
21 M. CEPIC : [interprétation] Exactement, Monsieur le Président.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Fort bien, merci.
23 Continuez, Monsieur Hannis.
24 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie.
25 Q. Nous avons encore deux personnes qui au début ont fait l'objet d'une
26 enquête aux côtés du colonel Stosic. Ils ont fini par être mis en
27 accusation soit pour un crime de guerre, soit pour un meurtre; est-ce bien
28 exact ?
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1 R. Oui.
2 Q. Vous souvenez-vous de leurs noms ?
3 R. Je ne saurais vous les donner par cœur, je ne m'efforce pas de retenir
4 les noms, mais je me souviens des cas. On peut se pencher sur la question,
5 ça doit être indiqué à l'intercalaire numéro 18.
6 Q. Bien. Vous pourrez le faire dans un instant. Vous souvenez-vous des
7 peines qui ont été prononcées à leur égard ?
8 R. Si j'ai dit qu'ils ont été condamnés -- mais je ne pense pas que je
9 puisse vous donner la longueur des peines prononcées à leur égard. Vous
10 pouvez peut-être le trouver dans l'aperçu que j'ai rédigé ultérieurement. A
11 l'époque du rapport, le jugement n'avait pas été rendu, mais j'ai dû le
12 marquer ultérieurement au crayon.
13 Q. Je vais demander à l'huissier de vous remettre le reste de la version
14 papier de la pièce à conviction P955. Je crois qu'il s'agit de la
15 continuation des pages qu'on vous a déjà données tout à l'heure. Peut-être
16 voudriez-vous prendre un instant pour vous pencher dessus et parcourir --
17 R. Ce sont mes notes, laissez-moi juste comparer.
18 Q. Oui, faites.
19 R. Il s'agit d'un jugement en première instance qui a été supprimé, qui a
20 été annulé, et le procès est renouvelé. Le premier jugement rendu a été
21 annulé. On parle de Palinkas, Oto, Stosic --
22 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi l'autre nom.
23 M. HANNIS : [interprétation]
24 Q. Excusez-nous, Général, nous n'avons pas réussi à saisir les noms que
25 vous venez de mentionner, mis à part Stosic.
26 R. -- Igor Mijatovic et Dragan Milosavljevic.
27 Q. Est-ce qu'ils sont mentionnés à la pièce P955 de l'intercalaire 18 ?
28 R. Le renseignement que vous venez de me donner vient de mon intercalaire
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1 numéro 18, oui.
2 Q. Pouvez-vous nous dire de quelle page il s'agit ?
3 R. Chez-vous, c'est la page 142.
4 Q. Bien. Je vois de quoi vous parlez et on va y revenir puisqu'il y a des
5 informations qui se rapportent à la pièce P1011 et je voudrais d'abord
6 parler de cela. Six personnes font l'objet d'une enquête à un moment donné.
7 Il y en a deux - vous allez voir en B/C/S - deux d'entre elles, il s'agit
8 des personnes 4 et 5. Le numéro 4 est un simple soldat, N.I. Cette enquête
9 a été suspendue parce que l'accusé n'était pas apte à subir le procès. Le
10 numéro 5, c'est une enquête contre un capitaine de première classe,
11 initiales S.V. Là aussi, pour problème de santé psychique du témoin et son
12 incapacité de subir un procès, l'enquête a été suspendue --
13 R. Non, en ce qui concerne Stejkovic, c'était après que l'acte
14 d'accusation ait été dressé contre lui qu'on s'est rendu compte que
15 psychiquement il n'était pas apte à assister à son propre procès. Il figure
16 dans mon rapport.
17 Q. Est-ce que vous vous souvenez de la date de ce procès ?
18 R. C'était plus tard, en 2002.
19 Et d'ailleurs, ici c'est écrit après qu'un acte d'accusation a été
20 dressé contre l'accusé, la procédure a été interrompue.
21 Q. En bas de cette page, on parle aussi de l'enquête qui concerne le
22 colonel Stosic, il a été accusé d'avoir donné l'ordre de tuer. Trois ou
23 quatre de ses soldats ont participé à ce meurtre. Il s'agissait d'un ordre
24 d'avril 1999. Pourquoi, il n'y avait pas assez d'éléments de preuve ? Est-
25 ce que les soldats qui ont participé à ce meurtre n'ont pas été à même de
26 fournir des informations concernant ce meurtre ?
27 R. Vous savez c'est la tactique de la défense, des stratégies de défense.
28 Les soldats disent que c'est leur supérieur hiérarchique qui leur a donné
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1 l'ordre, alors ils se sont dits qu'ils étaient obligés de le faire parce
2 que le supérieur hiérarchique leur a donné ordre de faire cela. Mais ils
3 pensent que ceci va être plus facile, mais vous savez, vous n'êtes pas
4 obligé d'exécuter un ordre pour lequel vous pensez qu'il s'agit d'un crime
5 ou quand il s'agit d'un crime. Même si on lui donne un tel ordre, il est
6 obligé d'en informer ses supérieurs hiérarchiques. Cependant il est arrivé
7 à plusieurs reprises que les soldats se défendent, justement en invoquant
8 le fait que c'est l'ordre qui leur a été donné par le supérieur
9 hiérarchique --
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous venez de répondre à la question.
11 On a compris.
12 M. HANNIS : [interprétation]
13 Q. Je comprends le principe que vous décrivez, mais est-ce que les juges
14 sont arrivés à la conclusion qu'il est peu probable que ces soldats aient
15 vraiment reçu un tel ordre ?
16 R. Bien sûr. A partir du moment où le tribunal a pris une décision, c'est
17 sur la base des faits établis que sa décision a été prise, par définition.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Là je ne comprends pas. Donc cet homme
19 n'a jamais été jugé; ai-je raison de dire cela ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et la décision d'arrêter les enquêtes
22 a été prise avant qu'on ne juge ces autres hommes ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, parce qu'il y avait une enquête
24 de faite.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, effectivement.
26 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Hannis.
27 M. HANNIS : [interprétation]
28 Q. Mon Général, je veux vous demander de passer à la page 111 en B/C/S.
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1 C'est un document qui contient deux pages en anglais. La page qui nous
2 intéresse c'est la page 166. Ceci concerne 182 personnes qui ont fait
3 l'objet des accusations, 169 personnes étaient concernées ou accusées de
4 délits contre les biens, mais il y en avait 13 qui étaient accusées d'avoir
5 commis des crimes mettant en danger la vie et la personne. En bas de la
6 page, vous allez voir qu'on parle d'un commandant P.D., qui a été accusé
7 d'avoir incité au meurtre. C'est quelqu'un que vous avez déjà mentionné
8 hier. Est-ce que vous savez de quoi il s'agit ? Est-ce que vous savez de
9 qui il s'agit ? Est-ce bien le commandant Petrovic ?
10 R. Oui, c'est Dragisa Petrovic.
11 Q. Et les deux soldats, c'est Stamenkovic et Jovic, n'est-ce pas ? Ce sont
12 les deux soldats qui l'accompagnent, qui ont été accusés, des coaccusés ?
13 Vous allez les trouver dans votre rapport, article 7, paragraphe 2, ce sont
14 les trois premières personnes mentionnées dans ce paragraphe.
15 R. Oui, effectivement. Stamenkovic Nenad et Jovic Tomica.
16 Q. Je pense que vous nous avez dit hier que le commandant a été condamné à
17 une peine de cinq années de prison et chaque soldat à une peine de quatre
18 années et demie de prison, respectivement. Ai-je raison ?
19 R. Oui. Mais par la suite, cette peine a été augmentée.
20 Q. Oui, vous avez dit neuf années pour le commandant et sept années pour
21 chacun des soldats; c'est ce que vous nous avez dit ?
22 R. Oui.
23 Q. La description de ce crime se trouve à la page 112 dans le B/C/S.
24 M. HANNIS : [interprétation] En bas, en anglais, on peut le voir aussi.
25 Q. Puisque là on a un petit peu plus de détails au sujet de ces crimes,
26 plus en tout cas que ce que vous nous avez dit hier, puisque vous nous avez
27 dit que le commandant avait incité ces soldats à tuer Feriz Krasniqi et une
28 femme qui s'appelait Rukija Krasniqi. Il a dit aux soldats de tuer les
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1 civils qui ne souhaitaient pas quitter le village. Ensuite cet homme a été
2 envoyé dans la cour de sa maison, et c'est là qu'il a été tué par un tir
3 dans le dos et cette femme qui était alitée a été tuée dans son lit
4 carrément. Chacun de ces soldats a été condamné à une peine de sept années
5 d'emprisonnement, n'est-ce pas ?
6 R. Oui.
7 Q. Je vais vous poser une question au sujet de la pièce 3D986, et si j'ai
8 bien compris, c'est votre rapport du 6 septembre 1999. Je peux vous donner
9 la copie papier de cela parce que je pense que ça va être plus facile
10 d'examiner comme cela le tableau. Je pense qu'hier vous nous avez dit que
11 vous en avez parlé au général Ojdanic. Ma première question : pourquoi
12 avez-vous écrit ce rapport ? Est-ce que cela a été demandé par quelqu'un ?
13 Comment se fait-il que ce rapport ait été créé ?
14 R. Hier j'ai fourni l'explication à ce sujet. Cet ordre a été donné après
15 coup à tous les secteurs dépendant de toutes les unités de l'état-major. Il
16 s'agissait de faire un rapport portant sur l'organisation et le travail de
17 chacune des unités en temps de guerre. Ensuite, il s'agissait de
18 transmettre cela à l'institut chargé des études stratégiques. Il s'agissait
19 de savoir quels étaient les objectifs et comment les choses se sont
20 déroulées en réalité pour en tirer des conclusions. Il s'agissait donc
21 d'étudier la guerre, c'est un événement extrêmement important pour savoir
22 comment chaque secteur se comportait --
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous nous avez déjà dit cela hier.
24 Vous n'avez pas besoin de répéter.
25 Est-ce qu'on peut passer à une autre question, Monsieur Hannis.
26 M. HANNIS : [interprétation]
27 Q. Est-ce que vous êtes allé voir le général Ojdanic à ce sujet ? Est-ce
28 que vous vous souvenez s'il vous a demandé d'aller le voir ?
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1 R. Non, vous ne m'avez pas très bien compris. Je n'ai absolument pas parlé
2 avec le général Ojdanic au sujet de ce rapport. C'est un rapport qui a été
3 adressé à tous les secteurs, tout le monde devait faire une telle analyse.
4 En revanche, j'ai effectivement discuté avec lui au sujet du tableau 18.
5 Q. Très bien. J'ai mal compris, effectivement.
6 M. ZECEVIC : [interprétation] Excusez-moi, dans une partie du compte rendu
7 d'audience, on ne trouve pas ce que le témoin a dit. Page 18, 11, il dit
8 que c'est un ordre envoyé à tous les secteurs pour préparer une analyse. M.
9 Hannis peut le vérifier.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est tout à fait logique par rapport
11 à ce qu'il a dit. D'ailleurs, il a répété à plusieurs reprises déjà M.
12 Zecevic.
13 Vous pouvez continuer, Monsieur Hannis.
14 M. HANNIS : [interprétation] Je vous remercie.
15 Q. A la première page, au niveau du premier paragraphe, on peut lire :
16 "Sur la base des remarques reçues, nous vous envoyons un résumé modifié."
17 Quelles sont les remarques reçues auxquelles vous faites référence ici ?
18 Qui vous a envoyé ces remarques ?
19 R. Vous voyez là-haut, c'est écrit : "Votre document." Cela se réfère à
20 leur document. C'est la première direction. Nous avons fait une analyse
21 suite à l'ordre reçu, mais ils n'étaient pas d'accord avec la méthodologie
22 utilisée, avec la forme du document et avec la méthodologie pour traiter
23 certaines informations. Ils nous ont fourni des instructions concernant la
24 méthode pour qu'elle corresponde à leur façon d'étudier ce genre
25 d'information. C'est au niveau de la méthodologie qu'on a apporté des
26 corrections, rien d'autre.
27 Q. Merci. Ces modifications, il ne s'agissait là que de recueillir des
28 informations, mais il s'agissait là de modifications importantes.
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1 R. Il ne s'agissait que de la méthodologie, de la façon d'évaluer ces
2 différents renseignements.
3 Q. Bien.
4 M. HANNIS : [interprétation] Pouvons-nous passer au tableau qui s'appelle :
5 "Aperçu définitif, final." C'est la pièce jointe 3, page 16 en anglais.
6 Q. Je ne sais pas quelle est la page en B/C/S, puisque je vous ai donné
7 mon exemplaire papier. Il semble qu'il s'agit de la page 14 en B/C/S. C'est
8 un aperçu définitif des personnes condamnées, classées par catégorie
9 personne, type de crime commis et la longueur de la peine. Est-ce que vous
10 le voyez ?
11 R. Vous parlez du rapport du mois de septembre ?
12 Q. Oui. Je vois sur la colonne intitulée : "Les crimes perpétrés contre la
13 vie et la personne." On peut voir que pour la date du 27 [comme interprété]
14 juin 1999, nous avons un total de 28 personnes qui ont été condamnées à une
15 peine allant d'une à deux années de prison; quatre personnes ont été
16 condamnées à deux à cinq années de prison; et personne n'a été condamné à
17 une peine supérieure à cela.
18 R. Oui. Je le vois. C'est exactement la même information que l'information
19 qui se trouve dans le tableau du 20 juin.
20 Q. Si vous regardez le type de crime --
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, j'espère que vous
22 allez poser quand même une question à la fin de tout cela, parce que là
23 vous ne faites que répéter des chiffres qui figurent déjà dans le tableau.
24 M. HANNIS : [interprétation] Je voudrais comparer deux chiffres, ensuite
25 tout va bien.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
27 M. HANNIS : [interprétation]
28 Q. Je vois que nous avons 350 individus qui ont été condamnés à une peine
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1 dépassant cinq années.
2 R. Quelle est la colonne dont vous parlez ?
3 Q. Il s'agit de la violation de l'article 214, manquement à l'obligation
4 de répondre à l'appel à la mobilisation. Nous avons 350 conscrits qui ont
5 été condamnés à une peine dépassant cinq années d'emprisonnement; est-ce
6 vrai, n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Les derniers pour ne pas avoir respecté l'article 217, abandon et
9 désertion, on a 76 individus qui ont été condamnés à des peines dépassant
10 cinq années, dont quatre sous-officiers; est-ce exact ?
11 R. Oui.
12 Q. Hier, on vous a posé des questions au sujet de ce qui se passe quand un
13 juge d'instruction décide de clore une affaire. Que se passe-t-il ensuite
14 si, par exemple, le juge d'instruction pense qu'il faut continuer, qu'il
15 faut rouvrir les dossiers, qu'est-ce qui se passe alors ? Est-ce qu'on peut
16 le faire ?
17 R. Un juge d'instruction arrête l'enquête sur proposition du procureur
18 militaire. Ce n'est pas le juge qui peut faire cela de son propre chef.
19 C'est le procureur qui abandonne les poursuites. Ensuite, le juge
20 d'instruction arrête la procédure. C'est le procureur qui décide s'il va
21 poursuivre ou non, ce n'est pas le juge d'instruction. Si le procureur, par
22 la suite, apporte des faits nouveaux, trouve des faits nouveaux, il peut
23 réactiver l'affaire même quand il a abandonné les poursuites. Il faut des
24 éléments nouveaux. Si on n'a pas cela, l'affaire est close.
25 Q. Quand cette affaire est ouverte à nouveau, est-ce que l'affaire va se
26 voir assigner un nouveau numéro ou est-ce qu'on va garder le même ?
27 R. Mais non, s'il s'agit d'une nouvelle affaire, si l'ancienne a été
28 close, il faut lui attribuer une nouvelle cote, un nouveau numéro
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1 d'affaire. Evidemment, il va y avoir jonction des dossiers, mais le numéro
2 ne va pas être le même.
3 Q. Merci, Mon Général. Ensuite, j'ai un dernier thème à aborder et
4 quelques questions à vous poser à ce sujet. Il s'agit de la réponse que
5 vous avez fournie hier quand vous avez dit que le commandant militaire
6 doit, si un crime a été commis, prendre toutes les mesures pour préserver
7 les indices et découvrir l'auteur. Ensuite, quand il informe le procureur
8 de l'affaire, et en informe le procureur militaire et la sécurité
9 militaire, après cela, ses devoirs ont été remplis. Il n'a pas d'autres
10 responsabilités légales en tant que commandant.
11 Je vais vous faire part d'un scénario et vous poser quelques
12 questions. Nous avons appris ici que vers la fin du mois de mai 1999, dans
13 la zone de responsabilité des unités du Corps de Pristina, on a appris que
14 certains soldats du MUP et même quelques groupes plus petits du MUP, ont
15 commis des crimes contre des civils, y compris meurtre, viol, et vol
16 aggravé. Le commandant militaire en a informé son supérieur hiérarchique,
17 mais est-ce que c'était suffisant ? Est-ce qu'un commandant de l'armée
18 yougoslave n'est pas responsable de protéger les civils dans sa zone de
19 responsabilité ? Est-ce qu'il n'était pas censé faire cela ?
20 R. Les obligations juridiques d'un commandant militaire ne concerne que
21 les soldats qui lui sont subordonnés, donc il n'a aucune obligation par
22 rapport aux autres soldats. Mais cela n'exclut pas une autre obligation,
23 l'obligation civique de chaque citoyen d'ailleurs et pas seulement d'un
24 commandant militaire. Chaque citoyen a le devoir d'informer les organes
25 compétents des violations ou infractions qui ont eu lieu. Donc si le
26 commandant a informé l'organe du MUP de ce qui s'est passé, là il s'agit
27 d'un aspect de la responsabilité plutôt civique. Il a la compétence et
28 l'autorité sur les soldats qui lui sont subordonnés. Si c'est un membre de
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1 la police, l'unité de la police va avoir un commandant qui exercera le même
2 devoir. Mais vous avez aussi les organes de la détection et de la
3 prévention de la criminalité, qui sont spécialisés et qui sont là pour
4 jeter la lumière sur les crimes commis, pour faire des enquêtes, trouver
5 les auteurs. Vous avez là différentes obligations et responsabilités qui
6 sont partagées. Un commandant ne peut pas être tenu responsable pour les
7 crimes perpétrés par les personnes qui ne lui sont pas subordonnées. Il ne
8 faut pas mélanger les zones de responsabilité, parce que là, on n'est pas
9 dans une situation d'occupation. Ce sont les textes du droit international
10 qui s'appliquent dans ce cas.
11 Q. Donc vous considérez qu'un commandant militaire n'a aucune
12 responsabilité par rapport aux civils qui ont été tués par des policiers
13 qui ne sont pas placés sous sa responsabilité de commandant. La seule
14 responsabilité qu'il a, c'est une responsabilité morale, pas juridique, et
15 il n'y a aucune règle de l'armée yougoslave qui prévoit ou implique sa
16 responsabilité, ou lui impose l'obligation d'informer ses supérieurs des
17 auteurs présumés ?
18 R. Comme tout autre citoyen, il doit effectivement informer l'organe
19 compétent de cela. Les devoirs essentiels des organes du MUP sont d'assurer
20 la sécurité de tous les citoyens. Ce n'est pas l'armée qui en est chargée.
21 L'armée se charge d'assurer la sûreté des frontières de l'Etat, alors que
22 la sécurité interne, c'est l'affaire du MUP, des organes du ministère des
23 Affaires intérieures. Il s'agit des deux entités juridiques séparées. Il ne
24 peut pas être tenu responsable pour ne pas avoir empêché des policiers de
25 faire quelque chose. En revanche, il était obligé d'en informer son
26 commandant. Je suis sûr que ceci a été fait, mais il n'était pas autorisé à
27 prendre des mesures, et il ne peut pas être tenu responsable, non plus.
28 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre. Là on a
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1 une situation de guerre, est-ce que vous pensez qu'il va tout simplement
2 penser à ce qu'il doit faire, et à peser ses responsabilités ou est-ce que
3 vous pensez qu'en temps de guerre, une armée nationale doit faire quelque
4 chose pour empêcher que de telles choses se produisent ? Vous ne le pensez
5 pas, Monsieur ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne saurais être d'accord avec vous,
7 pas du point de vue juridique, parce que l'armée, ce n'est pas une entité
8 civile. Les organes des Affaires intérieures sont contrôlés directement par
9 les organes civils du pouvoir. C'est uniquement quand vous avez une junte
10 militaire au pouvoir que l'armée contrôle tout le pays. Ici, vous avez un
11 cas de guerre, mais il ne s'agit pas d'une occupation. Si vous aviez une
12 occupation, là les commandants militaires seraient responsables de tout ce
13 qui se passe, mais ce n'était pas le cas ici. Il existe des organes
14 juridiques, dépendant du ministère des Affaires intérieures qui sont
15 responsables de la sécurité. Il y avait des policiers sur le terrain qui
16 étaient là, et c'était leur devoir d'assurer la sécurité de la population
17 sur tout le territoire.
18 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Merci.
19 M. ACKERMAN : [interprétation] Excusez-moi. Page 23, ligne 13 dans le
20 compte rendu d'audience. Il est dit : "Il est tenu d'informer leur
21 commandant, et je suis sûr que c'est ce qui a été fait."
22 On me dit que le témoin a dit : "Il est tenu d'informer le commandant
23 s'il est au courant de tels crimes," ou quelque chose comme cela. Je pense
24 simplement qu'il y a une omission de la partie au sujet du fait qu'il doit
25 avoir une connaissance à ce sujet.
26 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Et il y a une question que -
27 -
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense, Maître Ackerman, que
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1 ceci est logique. Mais merci d'avoir attiré notre attention là-dessus.
2 Juge Nosworthy.
3 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je souhaite savoir quel est le
4 devoir des citoyens concernant le fait de rapporter un crime. S'agit-il
5 d'un devoir moral ou juridique ? Ce n'était pas très clair.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci est envisagé par la loi. On voit quelle
7 est l'obligation de quel organe, mais c'est le droit de tous les citoyens.
8 Ce n'est pas l'obligation de tous les citoyens, mais c'est le droit de tous
9 les citoyens, et beaucoup de citoyens appliquent ce droit.
10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Donc les citoyens ne sont pas
11 tenus de rapporter un crime ou délit sur la base de votre dernière réponse.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Il ne peut pas être tenu pour responsable de
13 ne pas l'avoir fait, sauf s'il participe à la dissimulation du crime, dans
14 ce cas-là, il a une responsabilité. Il ne peut pas dissimuler le crime.
15 Mais il n'est pas tenu de le rapporter. C'est l'obligation des organes
16 d'Etat.
17 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci.
18 M. HANNIS : [interprétation]
19 Q. Général, une dernière question. Vous avez dit dans ce scénario dont
20 nous avons parlé que le commandant de l'armée est tenu d'informer son
21 commandant, autrement dit le commandant du MUP. Quelles sont les
22 conséquences si un commandant de l'armée omet d'informer le commandant du
23 MUP dans les circonstances dans lesquelles un commandant de l'armée sait
24 que les policiers du MUP ont commis des crimes ? Quelles sont les
25 conséquences d'une telle mission dans votre système ?
26 R. Ils ne pourront pas être tenus pour responsables de cela, même si vous
27 vous penchez sur le Statut du Tribunal International, il est toujours
28 question des subordonnés de quelqu'un, et non pas de ceux qui ne lui sont
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1 pas subordonnés. S'il sait quelque chose mais s'il omet de rapporter ce que
2 ses subordonnés ont fait, il y a cette autre obligation dont j'ai parlé et
3 l'obligation morale de le rapporter. S'il s'agit d'un crime grave, dans ce
4 cas-là il faut le faire; mais s'il omet de le faire, encore une fois, il
5 faut savoir si ainsi il participe à la dissimulation d'un crime, car dans
6 ce cas-là, il peut être tenu responsable pour cela. Mais s'il a simplement
7 omis de le rapporter, ceci n'entraîne pas une criminalité au pénal.
8 Q. Général, je dirai qu'il revient aux Juges de ce Tribunal d'en décider.
9 Je n'ai plus de questions pour vous.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Hannis.
11 Monsieur Sepenuk.
12 M. SEPENUK : [interprétation] Pas de questions, Monsieur le Président.
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Gojovic, c'est ainsi que se
15 termine votre déposition. Merci d'être venu nous assister ici. Vous pouvez
16 disposer maintenant.
17 [Le témoin se retire]
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Sepenuk -- ou Maître Visnjic.
19 M. VISNJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Fila.
21 M. FILA : [interprétation] J'ai attendu que le témoin sorte, Monsieur le
22 Président, car je souhaite exprimer une préoccupation. Par le biais des
23 pièces à conviction proposées par l'Accusation, notamment P1020, il s'agit
24 du code pénal que vous avez admis, certains articles sont différents de ce
25 que le témoin a dit. Je ne souhaite pas discréditer le témoin, mais dans le
26 système, les témoins ne déposent pas au sujet des lois car chacun homme
27 peut faire une erreur. Je ne souhaite pas entrer dans la question de savoir
28 si ceci a un impact sur l'ensemble de sa déposition, mais simplement je ne
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1 souhaite pas que la Chambre de première instance soit induite en erreur,
2 car certaines réponses du témoin aux questions posées par la Juge Nosworthy
3 sont différentes de ce que vous trouverez dans les articles 202 et 203 du
4 code pénal serbe. C'est différent, c'est clair. Je ne souhaite pas proposer
5 de récuser le témoin, mais je ne souhaite pas que la Chambre soit induite
6 en erreur, car quel est l'état qui permettrait qu'un crime ne soit pas
7 rapporté. C'est tout ce que je souhaite dire. Excusez-moi d'avoir pris ce
8 temps, mais je pense qu'il n'est pas opportun de poser des questions au
9 témoin au sujet du contenu des dispositions légales sans le confronter à
10 ces dispositions juridiques et aux articles en question.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, si je comprends bien, le
12 privilège de M. Hannis de contre-interroger le témoin de la manière qu'il
13 considère la plus appropriée, existe. Si à un moment donné il souhaite
14 contester la fiabilité du témoin sur la base des décalages entre sa
15 déposition et le code pénal, nous en traiterons à ce stade-là. Mais ceci
16 n'a pas été résolu pour le moment. Si vous aviez des questions -- bien sûr
17 vous n'avez pas eu de questions. Nous allons entendre les arguments de
18 toutes les parties à ce sujet le moment voulu.
19 M. FILA : [interprétation] Oui, je ne souhaite pas m'immiscer dans le
20 travail de qui que ce soit. Je souhaite simplement protéger les intérêts de
21 mon client, de mon état, et aussi de ceux qui ont rédigé ces deux lois. Car
22 une loi ne peut pas contenir de tels éléments, c'est tout ce que je
23 souhaitais dire. La Chambre de première instance a pu avoir l'idée que nous
24 vivions dans l'est sauvage, c'est tout ce que je souhaitais dire.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien --
26 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] Je sais que dans beaucoup de lois du
27 code pénal, les citoyens son tenus de rapporter un crime, effectivement, je
28 m'attendais à ce que ce soit incorporé dans les lois rédigées par des
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1 personnes aussi instruites que --
2 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi les deux noms.
3 M. LE JUGE CHOWHAN : [interprétation] -- et je pense que nous devons
4 effectivement recevoir ce genre de parties de déposition avec précaution,
5 n'est-ce pas ?
6 M. HANNIS : [interprétation] Je souhaite dire pour le compte rendu
7 d'audience que cette intervention me rend perplexe car il y a une référence
8 à la pièce P1020, et je ne me souviens pas l'avoir mentionnée.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que c'est le code pénal.
10 M. HANNIS : [interprétation] Peut-être, mais --
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais ce qui a été dit est que ceci
12 n'est pas conforme avec certaines réponses fournies par le témoin. Peut-
13 être que ceci vous surprend, peut-être pas, Monsieur Hannis, mais
14 effectivement vous pourrez explorer cela de manière supplémentaire plus
15 tard.
16 Oui, Maître Visnjic.
17 M. VISNJIC : [interprétation] Notre témoin suivant, Monsieur le Président,
18 est Branko Krga.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
20 M. VISNJIC : [interprétation] C'est un témoin qui va déposer viva voce et
21 en vertu de l'article 92 ter. Sa déposition est sous forme électronique en
22 tant que 3D1020.
23 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Krga.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pourriez lire la
27 déclaration solennelle indiquant que vous devez dire la vérité, document
28 qui va vous être remis.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
2 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, veuillez vous asseoir.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maintenant, c'est Me Visnjic qui va
6 vous interroger au nom de M. Ojdanic.
7 LE TÉMOIN: BRANKO KRGA [Assermenté]
8 [Le témoin répond par l'interprète]
9 Interrogatoire principal par M. Visnjic:
10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Général, avant de poser
11 mes questions, je souhaite vous demander la chose suivante. Est-ce qu'il
12 est exact que le 13 août 2007 vous avez fourni une déclaration à l'équipe
13 de la Défense du général Ojdanic, déclaration que vous avez signée ?
14 R. Oui.
15 Q. Si vous déposiez devant ce Tribunal, est-ce que vous auriez donné les
16 mêmes réponses à ces mêmes questions ?
17 R. Oui.
18 Q. Merci. Général, dites-moi, quel est votre métier en ce moment ?
19 R. Je suis à la retraite actuellement.
20 Q. Quelles étaient vos fonctions au moment où vous avez pris votre
21 retraite ?
22 R. Au moment où j'ai pris ma retraite, j'étais le chef de l'état-major de
23 l'armée de la Serbie et du Monténégro.
24 Q. Merci. Quel était votre grade au moment de la retraite ?
25 R. Au moment où j'ai pris ma retraite, j'étais général de corps d'armée.
26 Q. Merci. Quelles étaient les fonctions que vous avez exercées en 1998 et
27 1999 ?
28 R. En 1998, j'étais le conseiller du ministre de la Défense chargé de la
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1 politique de la défense et la coopération internationale. A partir de la
2 mi-janvier 1999, j'étais le chef de la direction du renseignement de
3 l'état-major de la VJ.
4 Q. Merci.
5 M. VISNJIC : [interprétation] Avant de continuer, Monsieur le Président, je
6 souhaite que l'on verse au dossier la déclaration du témoin qui est la
7 pièce 3D1020.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
9 M. VISNJIC : [interprétation]
10 Q. Général, avant ce poste de conseiller au sein du ministère de la
11 Défense, vous étiez aussi le chef de la direction du renseignement de
12 l'état-major de la VJ ?
13 R. Oui.
14 Q. Pendant quelle période ?
15 R. C'était à la mi-1994 jusqu'en avril 1997.
16 Q. Merci. A quel moment avez-vous repris vos fonctions, est-ce que vous
17 pouvez le dire avec un peu plus de précision, vous avez dit la mi-janvier,
18 vous connaissez la date ?
19 R. Oui, si mes souvenirs sont bons, c'était le 14 janvier 1999.
20 Q. Général, je vais vous poser la question suivante. Pendant que vous
21 étiez conseiller au sein du ministère de la Défense, est-ce que vous pouvez
22 nous dire quelque chose au sujet de l'importance de ces fonctions à
23 l'époque ?
24 R. Comme je l'ai déjà dit, c'était une fonction qui recouvrait deux
25 domaines du travail du ministre de la Défense, à savoir la politique de la
26 défense et la coopération internationale sur le plan militaire. A ce
27 moment-là, la Yougoslavie traversait des transformations et aucune nouvelle
28 stratégie de la défense ni doctrine militaire n'avait été établie. J'ai
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1 essayé de fournir ma participation pour que de tels documents de premier
2 plan soient établis. Nous souhaitions également développer une coopération
3 internationale militaire avec le plus grand nombre de pays, et nous avons
4 essayé de faire de notre mieux afin d'atteindre cela.
5 Q. Merci. Il ne s'agissait pas simplement d'une fonction formelle, mais
6 vous avez effectivement eu un véritable travail dans ce domaine ?
7 R. Oui, c'était une fonction sérieuse. J'étais membre du collège du
8 ministre de la Défense, et après les changements démocratiques de notre
9 pays, sur la base de ce que j'ai fait en tant que conseiller du ministre
10 chargé de ces affaires, tout un nouveau secteur a été établi avec le même
11 nom, à savoir la politique de la défense et la coopération militaire
12 internationale.
13 Q. Merci. Général, nous allons revenir à ce que vous avez dit au sujet de
14 votre poste de chef de la direction du renseignement. Est-ce que vous
15 pouvez nous dire comment avez-vous évalué la situation au Kosovo au sein de
16 la VJ au moment où vous avez pris vos fonctions, c'est-à-dire lors de la
17 première moitié de l'année 1999 ?
18 R. Lorsque j'ai pris mes fonctions, les fonctions du chef de la direction
19 des renseignements, bien sûr nous avons fait des évaluations de la
20 situation de sécurité dans la région, et ces évaluations que nous avons
21 effectuées à l'époque au cours de la première moitié de l'année 1999
22 contenaient plusieurs éléments positifs, mais aussi certains éléments
23 préoccupants. Les éléments positifs se fondaient sur le fait qu'à partir du
24 mois d'octobre 1998, un accord Holbrooke-Milosevic avait été conclu et nous
25 croyions sincèrement que ceci marquait le début d'une solution politique à
26 la crise au Kosovo-Metohija. Cependant, la situation sur le terrain était
27 assez complexe. Des incidents ont recommencé à surgir ce qui provoquait
28 notre préoccupation.
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1 Q. Merci, Général.
2 M. VISNJIC : [interprétation] Je demanderais maintenant que l'on prépare la
3 pièce à conviction P936.
4 Q. Général, lors des réunions de collège du chef d'état-major ou lors de
5 presque chaque réunion de collège vous avez présenté vos remarques, en
6 autres choses, vous avez soumis au collège un rapport concernant la
7 situation dans le domaine qui relevait de votre direction et vous
8 présentiez également certaines conclusions.
9 M. VISNJIC : [interprétation] Je souhaite maintenant que l'on présente à
10 l'écran la pièce P936, notamment la page qui m'intéresse c'est la page 6 en
11 B/C/S et aussi en anglais.
12 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire sur la base de quel document et de
13 quelle manière avez-vous préparé vos interventions ?
14 R. Tout comme c'est fait probablement dans tous les autres services de
15 Renseignements des armées du monde lorsque nous préparions les rapports
16 pour le chef d'état-major, nous avons utilisé plusieurs sources, à savoir
17 les communiqués publics, les communiqués de presse des acteurs importants
18 internationaux, de même que des officiels d'Etat des pays les plus
19 influents, puis aussi les éléments publiés, notamment publiés par les
20 médias qui, à notre avis, avaient des liens assez proches avec leur propre
21 gouvernement. Ensuite, nous avons utilisé les sources diplomatiques,
22 militaires et civiles de même que des sources différentes opérationnelles
23 en utilisant nos positions sur le terrain. Ensuite, il y a eu la
24 reconnaissance électronique comportant des aspects techniques, du recueil
25 des informations, et aussi la reconnaissance au sein des unités ou la
26 reconnaissance des troupes, comme on les appelait. Nous avons pu recueillir
27 un grand nombre d'informations ici, et j'ajouterais aussi qu'il y avait un
28 grand nombre de contacts officiels avec des services de Renseignements des
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1 pays différents qui nous ont fourni des informations différentes. Grâce à
2 tout cela, nous avons été en mesure, s'agissant de certains processus qui
3 se passaient pour la plupart dans notre pays et aux alentours, d'être au
4 courant de cela. Nous avons surtout suivi la situation sur le plan
5 militaire et nous avons pu tirer certaines conclusions au sujet de tout ce
6 qui se passait qui avait trait à la défense et à la sécurité de notre pays.
7 Q. Merci, Général. Peut-on maintenant examiner la page 7 en B/C/S et la
8 page suivante en anglais aussi, page 7.
9 Si l'on examine maintenant votre intervention faite lors du collège du 14
10 janvier, nous pouvons voir qu'elle concerne plusieurs sujets ou plusieurs
11 informations émanant des organes différents. Le conseil de sécurité,
12 l'OSCE, l'OTAN, le Groupe de contact, ensuite nous avons l'Albanie, les
13 réunions à Athènes.
14 M. VISNJIC : [interprétation] Peut-on passer à la page suivante aussi.
15 Q. Dans le cadre de la méthodologie que vous nous avez expliquée et
16 suivant les sujets différents, vous avez présenté à l'état-major général
17 des informations émanant de sources différentes ?
18 R. Oui. Nous avons suivi la méthode de déduction, c'est-à-dire sur la base
19 des informations les plus générales ou si vous voulez, les plus importantes
20 émanant des acteurs les plus importants et influents qui évaluaient la
21 situation sur le terrain chez nous. Nous avons commencer par cela, donc les
22 évaluations des Nations Unies, de l'OTAN, de l'OSCE, de l'Union européenne,
23 et ainsi de suite, s'agissant de leurs positions officielles, leurs
24 communiqués de presse officiels et aussi sur la base des déclarations
25 différentes des leaders internationaux. Nous avons commencé par là, ensuite
26 nous avons passé aux évaluations de nos pays limitrophes, puis nous avons
27 également traité d'autres questions qui étaient pertinentes pour nous
28 permettre de faire notre évaluation de la situation.
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1 Q. Général, à la page 8 en B/C/S, il y est mention d'une opération
2 conjointe. Est-ce que vous pouvez nous dire de quelle opération il s'agit ?
3 R. Après l'accord Holbrooke-Milosevic, qui a été prévue par les autorités
4 qui étaient en place chez-vous et l'OTAN qui s'appelaient Œil d'aigle, dans
5 le cadre de cette opération, les forces aériennes de l'OTAN avaient la
6 permission de surveiller la situation depuis l'espace aérien et de
7 surveiller la mise en œuvre de l'accord sur le terrain. L'opération Garant
8 conjoint impliquait le déploiement des forces de l'OTAN en Macédoine.
9 L'interprétation officielle était que de telles forces étaient nécessaires
10 afin de fournir le soutien à la Mission de vérification au Kosovo-Metohija.
11 Si nécessaire, elles pouvaient être déployées afin de les protéger et
12 couvrir leur retrait de la zone. Cette opération lancée par les forces de
13 l'OTAN a été lancée sur la base d'une décision qui a été prise en 1998 lors
14 du Conseil de l'OTAN du 11 novembre 1998.
15 Q. D'après cette information, il y avait 1 850 soldats qui devaient être
16 déployés dans le cadre de cette opération ?
17 R. Oui. Nous pouvons voir ce nombre de membres du personnel, de même qu'un
18 certain nombre d'équipements, puis il y avait d'autres forces que les
19 forces de l'OTAN qui ont participé à cela. Nous avons eu une certaine
20 compréhension vis-à-vis des forces qui étaient sur place là-bas, mais bien
21 sûr que nous avons fait preuve d'un certain degré de précaution, car la
22 caractéristique principale de ces forces dans le cadre de l'opération
23 Garant conjoint était de permettre graduellement que cette opération
24 croisse avec le temps.
25 Q. Est-ce que l'armée yougoslave était informée de cette opération ?
26 R. Comme je l'ai dit, cette opération a été lancée le 11 novembre 1998. A
27 l'époque, je ne faisais pas partie de l'état-major général et je ne me
28 souviens pas si ceci a été officiellement annoncé, mais pour autant que je
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1 le sache, je n'ai jamais vu de document indiquant que l'OTAN avait informé
2 officiellement les autorités yougoslaves d'une telle opération et de sa
3 mise en œuvre. Si ceci avait eu lieu, je pense que ceci aurait renforcé la
4 confiance et aurait permis de diminuer les tensions qui ont abouti à
5 certaines autres conséquences ultérieurement.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic, est-ce qu'il y a une
7 différence entre l'opération Œil d'aigle et Garant conjoint ou est-ce que
8 ces deux noms portent sur la même opération ?
9 M. VISNJIC : [interprétation] Non, il y a une différence. L'opération
10 Garant conjoint --
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci n'était pas clair. Il faudrait
12 clarifier cela.
13 M. VISNJIC : [interprétation]
14 Q. Je vois que vous avez pris votre cahier, mais veuillez le mettre dans
15 votre poche, car les Juges préfèrent que vous répondiez sans vous référer à
16 vos notes. Expliquez aux Juges, s'il vous plaît, quelle est la différence
17 entre ces deux opérations, Œil d'aigle et Garant conjoint ?
18 R. Comme je vous l'ai dit, l'opération Œil d'aigle a fait l'objet d'un
19 accord entre les autorités yougoslaves et l'OTAN immédiatement après que
20 l'accord Holbrooke-Milosevic a été conclu, le 13 octobre 1998. Cette
21 opération impliquait que dans le siège du commandement des forces aériennes
22 de la Yougoslavie l'on place un groupe d'officiers de l'OTAN, dans le
23 commandement de l'OTAN à Vicenza d'y placer un groupe de membres de l'armée
24 de Yougoslavie. Le but de tels échanges était de permettre d'accroître le
25 niveau de confiance mutuelle et de suivre cette opération, ou plutôt, la
26 situation à surveiller dans le cadre de ces opérations.
27 Q. Excusez-moi de vous interrompre, mais s'agissant de l'opération Garant
28 conjoint, est-ce que vous pouvez nous donner un peu plus de détails, de
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1 quoi s'agissait-il ?
2 R. Oui, l'opération Garant conjoint était une opération des forces
3 terrestres sur le territoire de la Macédoine. L'autre était une opération
4 des forces aériennes, alors que l'opération Garant conjoint était une
5 opération des forces terrestres.
6 Q. Vous avez dit que vous ne savez pas si l'armée yougoslave était
7 informée de l'opération Garant conjoint, mais je vous demande, si pendant
8 que vous étiez le chef de la direction du renseignement de l'armée
9 yougoslave vous avez reçu des informations concernant l'opération Garant
10 conjoint, par exemple, l'augmentation du nombre de soldats présents sur
11 place ou de nouveaux équipements que l'on a acheminés ?
12 R. Pour autant que je m'en souvienne, nous n'avons pas reçu d'informations
13 officielles de l'OTAN, sauf quelques communiqués de presse qui nous ont
14 servi en tant que tels, que nous recevions en tant que tels, que nous
15 analysions en tant que tels. Nous avons pu ainsi utiliser cela dans le
16 cadre de notre évaluation de la situation sur le terrain.
17 Q. Merci.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic, est-ce que nous devons
19 conclure que l'opération Garant conjoint n'est pas une opération à laquelle
20 la VJ ou l'armée de Yougoslavie a participé alors qu'elle a participé dans
21 l'opération Œil d'aigle ? Ai-je bien compris ?
22 M. VISNJIC : [interprétation] Oui, exactement. C'est ainsi que j'ai compris
23 aussi.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quel est le témoin que vous avez
25 mentionné tout à l'heure pour la période précédente.
26 M. VISNJIC : [interprétation] Le général Smiljanic a parlé dans le détail
27 de cette opération Œil d'aigle.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il a donné le nom Œil
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1 d'aigle, parce qu'il me semble que je n'ai pas entendu ce nom. Peut-être
2 ai-je oublié.
3 M. VISNJIC : [interprétation] Je pense que non, mais c'est la même
4 opération telle que décrite.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai été surpris de ne pas avoir
6 retenu le nom, c'est tout.
7 Monsieur Krga, nous allons faire une pause de 20 minutes pour différentes
8 raisons, mais avant cette pause je tiens à vous dire que vous allez être
9 raccompagné de cette salle d'audience par l'huissier et vous allez être
10 ramené ici dans 20 minutes, à 11 heures moins dix.
11 [Le témoin quitte la barre]
12 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.
13 --- L'audience est reprise à 10 heures 53.
14 [Le témoin vient à la barre]
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic.
16 M. VISNJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
17 Nous sommes toujours sur la pièce 5936, page 8.
18 Q. Général, à la fin de votre exposé, vous avez formulé quelque chose que
19 vous avez qualifié de conclusion. En l'occurrence, à la fin de cette
20 réunion de la direction collégiale, je vais résumer, vous avez formulé
21 trois conclusions : d'abord, que trouver une solution politique à la crise
22 est complexe parce qu'il n'y a pas de disponibilité pour ce qui est de
23 faire pression sur l'UCK; deuxièmement, qu'il n'y a pas d'autres positions
24 qui éventuellement permettraient des différences par rapport aux positions
25 avancées par l'Amérique; troisièmement, que les instances albanaises
26 officielles accordent un appui de plus en plus important à l'UCK.
27 Qu'est-ce que ces conclusions représentent pour la direction
28 collégiale du Grand état-major, quelle a été leur finalité ?
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1 R. Suite à la présentation d'une série d'informations et de renseignements
2 qui, à l'occasion de la période écoulée, avaient pu être collectés avec mes
3 collègues aux fins d'être analysés et que j'ai estimé importants pour la
4 direction collégiale, je les ai présentés à cette direction, ensuite nous
5 avons formulé une conclusion - c'était habituel - une conclusion quelconque
6 qui se rapporterait à d'éventuelles modifications de tendances pour ce qui
7 est de la situation sécuritaire dans notre environnement. Partant de là,
8 lorsque j'estimais cela nécessaire, je fournissais des propositions pour ce
9 qu'il conviendrait de faire afin que cette situation soit calmée,
10 améliorée, et afin qu'il y ait solution des problèmes qui se trouvaient à
11 être évidents.
12 Q. Je vois dans ce texte ici que la proposition est de faire en sorte que
13 les mesures d'aptitude au combat ne soient pas modifiées. Qu'est-ce que
14 cela veut dire ?
15 R. C'était souvent la conclusion tirée ou la proposition formulée à
16 l'intention du chef du Grand état-major lorsque j'estimais que les indices
17 de sécurité dans notre environnement n'étaient pas considérablement
18 modifiés et que cela ne mettait pas en péril la sécurité de notre pays.
19 Donc les mesures qui à titre régulier étaient prises au sein de l'Armée de
20 la Yougoslavie, je les trouvais suffisantes, et je disais qu'il n'était pas
21 nécessaire de les augmenter ou d'être modifiées.
22 Q. Bien. Merci.
23 M. VISNJIC : [interprétation] Je vous demande la pièce 3D559 maintenant.
24 Q. Mon Général, nous allons passer à la réunion de la direction collégiale
25 du 28 janvier, deux semaines après.
26 M. VISNJIC : [interprétation] Je voudrais que la page 5 en version B/C/S
27 nous soit montrée et ainsi que la page 5 en version anglaise.
28 Q. A l'occasion de cette réunion de la direction collégiale, vous avez
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1 informé les membres de cette direction du renforcement des forces aériennes
2 et maritimes de l'OTAN dans les environs, vous avez lié cela à l'arrivée du
3 porte-avions Enterprise. Pouvez-vous étoffer votre propos ?
4 R. Oui. Nous avons suivi ces activités dans les environs, et lorsqu'il y a
5 eu changement de la situation, nous faisions état de la chose et nous
6 analysions les raisons pour lesquelles cela était arrivé. Fort
7 heureusement, dans la majeure partie des cas, ces changements étaient
8 réguliers et conformes au planning établi par l'OTAN, et cela ne s'est pas
9 directement répercuté sur la défense et la sûreté de notre pays. Mais dans
10 des situations de crise lorsque les circonstances n'étaient pas
11 avantageuses ou lorsque les choses se détérioraient, nous estimions ou nous
12 évaluions si le fait de savoir si ces changements des effectifs maritimes
13 et aériens ou terrestres dans les environs étaient une réaction à ce qui se
14 passait au Kosovo-Metohija. Nous avons essayé de la façon la plus réaliste
15 possible d'estimer si c'était en corrélation avec la situation ou s'il
16 s'agissait d'activités régulières et de changements qui s'ensuivraient --
17 M. VISNJIC : [interprétation] Je voudrais que l'on descende vers la page 6
18 --
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant. Où se trouve la référence
20 faite à cette page pour ce qui est de l'augmentation de la présence des
21 forces maritimes et aériennes de l'OTAN ?
22 M. VISNJIC : [interprétation] Dans la deuxième partie. Justement, Monsieur
23 le Président, j'ai demandé à ce qu'on nous descende sur nos écrans la page
24 afin que nous voyions la deuxième partie.
25 C'est bon pour ce qui est du B/C/S, mais l'anglais --
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'est-ce que -- oui, je vois. Merci.
27 M. VISNJIC : [interprétation] Excusez-moi, je ne l'avais pas remarqué pour
28 ma part.
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1 Q. Mon Général, entre autres, ici vous avez dit que le nombre des avions
2 avait augmenté de 128 à 264, puis à 392, puis ensuite, pour ce qui est des
3 vaisseaux de guerre, de 30 à 120.
4 M. VISNJIC : [interprétation] Je voudrais maintenant qu'on nous montre la
5 page 7, paragraphe 1.
6 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
7 M. VISNJIC : [interprétation] Excusez-moi, page 6 toujours, paragraphe 1.
8 Q. Votre conclusion, mon Général, vous dites l'exercice des activités des
9 groupes de frappe sur des cibles terrestres et les --
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Visnjic, pouvez-vous nous
11 identifier la partie en anglais que vous êtes en train de lire ?
12 M. VISNJIC : [interprétation] Première phrase, Monsieur le Président, tout
13 à fait en haut de la page 7. La fin se trouve à la page 6 et cela enchaîne
14 sur la page 7. C'est la raison pour laquelle je donne lecture.
15 Q. La phrase se lit :
16 "L'exercice des activités des groupes de frappe sur des cibles terrestres -
17 -"
18 L'INTERPRÈTE : Les interprètes sauraient gré à Maître Visnjic de ralentir.
19 M. VISNJIC : [interprétation]
20 Q. "-- et la préparation des hommes pour l'utilisation des avions AWACS
21 indique qu'il y a possibilité de changement de plans et d'exercice pour ce
22 qui est d'une intervention éventuelle en direction de la République
23 fédérale de Yougoslavie."
24 Mon Général, je vous prie de nous commenter par rapport à ce que vous avez
25 dit tout à l'heure.
26 R. En sus de ce que nous avons suivi pour ce qui est des changements
27 quantitatifs des effectifs des forces engagées, avions, vaisseaux, chars et
28 ainsi de suite, nous avons suivi les changements qualitatifs du point de
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1 vue du comportement ou des activités déployées. Cette conclusion est tirée
2 d'une analyse de certains entraînements ou de manœuvres qu'ils ont eus, et
3 n'oublions pas que les plannings en vue d'une intervention éventuelle à
4 l'encontre de la République fédérale de Yougoslavie ont été établis en été
5 1998 déjà. Et partant de ce fait, nous avons procédé à des analyses pour
6 savoir si ces activités avaient à voir avec d'éventuels préparatifs en vue
7 de l'intervention de ces forces-là contre notre pays.
8 Q. Bien, merci.
9 M. VISNJIC : [interprétation] Page 6 maintenant, paragraphe 3 en version
10 anglaise. Merci. Page 6 de la version B/C/S aussi.
11 Q. Mon Général, cette information que vous avez eue au sujet des forces en
12 Italie se lit comme suit :
13 "Ce qui est caractéristique, c'est que l'Italie annonce en permanence la
14 possibilité de déploiement des forces de l'OTAN ou de renforcements des
15 forces de l'OTAN en Albanie, ce qui est placé en fonction en premier lieu
16 d'un éventuel empêchement d'un déplacement des réfugiés vers l'Occident."
17 Mon Général, à l'époque il n'y a pas eu de réfugiés sur le territoire
18 du Kosovo, fin janvier 1999. Alors, au sujet de quoi cette information-là
19 a-t-elle été donnée ?
20 R. Comme on le sait, l'Italie avait déjà auparavant des problèmes
21 avec des réfugiés qui venaient du territoire de l'Albanie, en empruntant
22 des bateaux et d'autres moyens, et fin 1996, début 1997, il y avait déjà eu
23 une crise à cet effet. Il est probable qu'à l'époque déjà il y a eu
24 plusieurs dizaines, ou je ne sais exactement combien de réfugiés albanais
25 du Kosovo-Metohija qui ont fait leur apparition sur ce territoire dans le
26 souhait de passer par l'Italie pour se rendre vers des pays tiers en Europe
27 occidentale. L'Italie à notre avis avait souhaité empêcher la chose en
28 créant des conditions sur le territoire de l'Albanie du nord ou de
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1 l'Albanie d'une manière générale pour assurer l'accueil de ces réfugiés et
2 créer les préalables pour les ramener au Kosovo-Metohija.
3 Je crois que c'était l'idée principale pour ce qui est de la raison
4 pour laquelle on avait proposé de recourir à des forces qui étaient censés
5 aider en ce sens. Je ne peux pas vous affirmer pour sûr que des
6 représentants de l'Italie avaient déjà estimé qu'on pourrait avoir une
7 situation au Kosovo-Metohija telle qu'elle s'est présentée par la suite.
8 Comme on le sait, cela a généré un nombre important de réfugiés.
9 Q. Merci, Mon Général. Pour finir, dans les conclusions figurant à la même
10 page de ce document, on voit vos conclusions, et vous vous servez d'un
11 terme "opérationnalisation de la stratégie de la menace militaire." Pouvez-
12 vous étoffer votre propos sur ce que ce signifie cette terminologie
13 militaire ?
14 R. Je sais que la crise en République fédérale de Yougoslavie, et
15 notamment au Kosovo-Metohija, a fait que le facteur international a entamé
16 plusieurs procédures politiques, médiatiques, et prises de contact directes
17 avec nos représentants. Cela fait qu'il n'y a pas l'ombre d'un doute que
18 l'utilisation de la force militaire était placée au service d'un appui
19 apporté aux activités diplomatiques et autres déployées à l'époque afin que
20 ces pressions-là qui se sont manifestées soient plus convaincantes. On a
21 souvent eu recours à l'armée afin de démontrer par ces manœuvres, exercices
22 et autres moyens, que les initiatives diplomatiques étaient sérieuses, et
23 qu'il convenait de notre part de nous comporter en conséquence.
24 Q. Merci. L'armée de la Yougoslavie a également suivi ces activités et
25 elle a élaboré un document que je vais vous montrer.
26 M. VISNJIC : [interprétation] Le 3D685. Monsieur le Juge, il s'agit d'un
27 document intitulé : "Evaluation de la situation sécuritaire pour ce qui est
28 de périls menaçant la sécurité de la République fédérale de Yougoslavie."
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1 Q. Mon Général, pouvez-vous nous dire - et je pense qu'on va vous montrer
2 à l'instant le 3D685 - pour ce qui est des évaluations que vous avez faites
3 au collège et ce type d'évaluation tel que figurant dans ce document datant
4 de 1999 ?
5 R. Comme je vous l'ai dit, c'est au quotidien que nous avons soupesé la
6 situation, et lorsqu'il y avait des nouveautés surtout, nous en informions
7 le chef du Grand état-major et les autres, et nous le faisions
8 régulièrement au collège qui se tenait de règle une fois par semaine.
9 Cependant, lorsque nous avons eu beaucoup d'événements graves qui
10 nécessitaient des évaluations plus générales de la situation et de leurs
11 répercussions sur notre sécurité, nous proposions que cette analyse-là soit
12 faite, et c'est ce qui arrivait selon le besoin une fois par mois, ou une
13 fois par plusieurs mois, lorsque nous englobions de façon plus générale la
14 situation telle qu'elle se présentait autour de nos frontières et dans
15 notre environnement, et nous en tirions des conclusions pour ce qui est des
16 mesures à prendre au sein de l'armée de la Yougoslavie afin de répondre de
17 façon adéquate à ce qui se passait autour.
18 Q. Bien, merci.
19 M. VISNJIC : [interprétation] J'aimerais qu'on vous montre maintenant la
20 page 3 de ce document, dans les deux versions bien entendu.
21 Q. Mon Général, sur quelle partie de ce document votre direction est-elle
22 intervenue ?
23 R. S'agissant du caractère des activités de l'administration à la tête de
24 laquelle je me trouvais, on voit ce qu'elle a fait, ça se rapporte à la
25 première question, influence du facteur étranger, et en partie aux
26 prévisions de l'évolution des événements du point de vue de l'influence que
27 pourrait exercer ce facteur étranger.
28 M. VISNJIC : [interprétation] Merci. J'aimerais qu'on vous montre
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1 maintenant la page 6. La deuxième moitié de la page, je vous prie.
2 Q. Mon Général, ici vous expliquiez plus en détail l'influence des Etats-
3 Unis d'Amérique sur l'OTAN. Une fois de plus, on retrouve le terme
4 "organisation militaire et politique en vue de la solution de la crise." Ça
5 date de février 1999. Savez-vous nous dire dans quelle intention ce
6 document a-t-il été rédigé ?
7 R. Ce document a été rédigé dans la même intention que les autres, à
8 savoir de présenter de façon réaliste ou la plus réaliste qui soit
9 l'évolution de la situation et les différentes tendances dans son
10 évolution, on voulait montrer au niveau du Grand état-major ce qu'il
11 convenait de faire pour que nous réagissions de la façon la plus adéquate à
12 la situation.
13 Q. Merci.
14 M. VISNJIC : [interprétation] J'aimerais qu'on vous montre la page suivante
15 - non pardon, la page 9 dans la version en B/C/S. Il s'agit du paragraphe
16 2, il est question également de page 9 en version anglaise, paragraphe 3.
17 Q. Je vous ai interrogé tout à l'heure au sujet des préparatifs du
18 gouvernement italien pour ce qui est de la construction de camps
19 humanitaires ou de camps destinés aux réfugiés au nord de l'Albanie, et
20 vous nous avez apporté une réponse. Mais ici dans ce texte, il est question
21 de chiffres précis pour ce qui est du nombre possible de réfugiés, de 100 à
22 500 000 dit-on. Ce sont les informations que vous aviez obtenues d'où ?
23 R. Nous les avions obtenues à partir de nos sources en Italie. On nous a
24 dit que l'on estimait là-bas qu'il convenait de s'attendre à ce nombre-là
25 ou à ce chiffre de réfugiés, et il convenait d'agir à titre préventif afin
26 que l'Italie et les autres pays de l'OTAN réagissent à la situation. Pour
27 autant que je m'en souvienne, nous n'avions pas obtenu de confirmation
28 précise partant de quoi le gouvernement italien avait pensé qu'il pouvait y
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1 avoir ce nombre-là de réfugiés. Ce qui fait que je ne saurais affirmer qu'à
2 ce moment-là déjà ils avaient envisagé le conflit qu'il aurait et qu'il y
3 aurait bombardement ou quoi que ce soit d'autres susceptible de générer ce
4 type de séquelles.
5 Q. Merci.
6 M. VISNJIC : [interprétation] Page 10, version anglaise, paragraphe 3, page
7 9 de la version B/C/S, dernier paragraphe.
8 Q. Il y a une conclusion ici qui dit :
9 "Ces activités peuvent être placées en corrélation avec le planning
10 d'une offensive printanière de ce qui est convenu d'appeler l'UCK, aux
11 frontières de l'Albanie. Il est prévu que les terroristes du Kosovo-
12 Metohija l'organisent avec la participation de l'armée de l'Albanie pour
13 générer un conflit, chose qui donnerait lieu à une intervention de l'OTAN."
14 R. Oui, nous avons eu plusieurs informations disant que parmi les
15 extrémistes albanais il y avait une tendance visant à générer des conflits
16 afin qu'il y ait intervention militaire de l'OTAN, probablement pour cette
17 raison-là, ont-il pensé que l'intervention de l'OTAN ou un conflit entre la
18 Yougoslavie et l'OTAN leur permettrait de réaliser leurs objectifs,
19 objectifs pour lesquels ils se battaient. On l'a vu ces jours-ci, à savoir
20 la création d'un Kosovo indépendant.
21 Q. Merci.
22 M. VISNJIC : [interprétation] Je voudrais qu'on vous montre maintenant en
23 version B/C/S la page 19 et en version anglaise la page 20.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Krga, est-ce que ceci
25 signifie qu'à votre avis à l'époque si l'UCK venait à être impliquée dans
26 une offensive au printemps, cela suffirait pour faire entrer l'OTAN dans le
27 conflit ? Est-ce que c'était sérieusement la position yougoslave à ce
28 moment-là ou l'opinion yougoslave à ce moment-là ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous ne pouvions pas savoir avec précision si
2 cela pouvait être suffisant pour qu'il y ait implication de l'OTAN ou
3 ingérence de l'OTAN, mais il y avait des informations qui disaient qu'au
4 cas où il y aurait un conflit de grande envergure, il se pourrait que
5 l'OTAN intervienne. C'est très certainement que nous avions été les
6 derniers à souhaiter ce type de conflit parce que nous savions ce qui
7 pouvait en découler. Nous avons jaugé de façon réaliste le rapport des
8 forces entre notre pays et l'OTAN, et bien entendu, nous souhaitions éviter
9 ce confit.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends tout ceci, mais le
11 concept où l'OTAN entrerait en conflit pour apporter un appui à une
12 organisation apparemment terroriste, est-ce que ceci pouvait être suffisant
13 pour les amener, à votre avis, de façon sérieuse à prendre cette position ?
14 Vous pouvez avoir raison, mais je voudrais être au clair. C'est tout
15 simple.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Nous n'avons pas pensé que l'OTAN
17 pourrait être naïve à ce point-là ou les pays de l'OTAN pouvaient avoir
18 cette naïveté que de réagir à des initiatives en provenance d'une
19 organisation telle que l'UCK seul, c'était clair. Mais nous avons jugé que
20 les activités de l'UCK au sujet desquelles nous avions des renseignements
21 disant qu'elles étaient en train de se préparer, risqueraient de créer ou
22 de générer un agrandissement du conflit. Parce que si les éléments de l'UCK
23 venaient s'attaquer à l'armée et à la police, l'armée et la police ne
24 pouvaient, bien entendu, pas rester passives. Il fallait bien qu'elles
25 aillent se défendre, qu'elles réagissent. C'est ce qui conduisait à une
26 escalade des violences. Nous savons quelle a été leur issue.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais il est dit de façon tout à fait
28 claire ici que vous aviez envisagé une offensive printanière de l'UCK, qui
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1 probablement commencerait avec des conflits le long des frontières ayant
2 pour objectif de faire entrer l'armée en conflit, et qu'ils avaient pensé
3 sujette à causer ou générer une intervention de l'UCK. Alors ce que j'ai
4 essayé de déterminer c'est si vous aviez sérieusement pensé que cela
5 suffirait à faire entrer l'OTAN dans le conflit.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous n'avons pas pensé que cela aurait suffi
7 pour faire participer l'OTAN au conflit, mais nous nous sommes procurés des
8 informations partant de sources proches aux facteurs albanais et nous
9 avions transmis leurs attentes à eux. C'est eux qui s'attendaient ou qui
10 pensaient qu'au travers d'un renouvellement du conflit il pourrait être
11 provoqué une intervention de la part de l'OTAN.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
13 Maître Visnjic, à vous.
14 M. VISNJIC : [interprétation] Merci.
15 Messieurs et Mesdames les Juges, je pense que le témoin en a déjà parlé,
16 mais je tiens à attirer votre attention sur le fait que la version anglaise
17 page 10, paragraphe 4 et page 11, dernier paragraphe et début de la page
18 12, paragraphe 1 de la version en B/C/S, il y a plus de détails concernant
19 les plans de l'OTAN, y compris l'opération Garant conjoint et l'opération
20 de 1998.
21 Je voudrais revenir à la page qui est sur nos moniteurs, à savoir la page
22 20 de la version anglaise.
23 Q. Mon Général, la question pour vous est la suivante : vous aviez préparé
24 un scénario des prévisions des événements, et il est dit ici : "Au cas où
25 il n'y aurait pas d'accord." Alors, à quel accord faites-vous référence ?
26 R. A l'époque, comme on le sait, il y a eu des négociations à Rambouillet,
27 et un peu plus tard à Paris. Nous avons très attentivement suivi
28 l'évolution de ces négociations parce que nous savions que si cela venait à
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27
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1 être fructueux, on éviterait une escalade du conflit; et au cas où cela ne
2 se produirait pas, il y aurait d'abord une évolution défavorable des
3 événements pour nous, chose qui s'est d'ailleurs confirmée. En guise de
4 méthodes de travail dans notre état-major à nous, comme dans les autres
5 états-majors dans le monde, c'est de procéder à des prévisions de
6 l'évolution possible des événements dans différentes variantes. Nous avons
7 pris en considération la variante où l'accord serait réalisé, et celle où
8 il n'y aurait pas d'accord. Partant de là et partant des informations, des
9 informations en provenance d'autres sources, nous avons analysé quelles
10 pourraient être les conséquences. C'était à l'époque une façon de voir la
11 situation telle qu'elle était susceptible d'évoluer.
12 Q. Merci. Dans ce scénario, il y a au total 12 points ?
13 R. Oui, 12 points, effectivement. Si on commençait à les analyser, on
14 pourrait facilement arriver à la conclusion et vérifier quels points
15 étaient exacts, qui se sont avérés vrais, et sur quels points on s'est
16 trompé. Je dois répéter "malheureusement" la plupart des scénarios que nous
17 avons prévus ont été justes, et malheureusement les choses ont tourné mal.
18 Il y a eu la guerre, et cetera.
19 Q. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais je veux juste poser une
20 question au sujet du point 3. Par rapport à ce paragraphe, vous pouvez voir
21 : "la déstabilisation future de la FRY." Est-ce que vous voyez cela ?
22 R. Oui.
23 Q. Est-ce que cela a été confirmé par la suite ?
24 R. En partie oui, puisqu'un des objectifs, entre autres, c'était
25 d'échanger des dirigeants à l'époque.
26 Q. Merci. Merci. Je vous ai juste demandé si cela s'est avéré être vrai.
27 Vous avez dit que oui.
28 R. Oui, oui. En partie.
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1 Q. Le point 6, l'accueil des réfugiés --
2 R. En partie, là aussi.
3 Q. Et le point 11, le Groupe de contact et l'ultimatum adressé à la FRY.
4 R. Vous savez, il y a eu des ultimatums, mais il n'y a pas eu de nouvelles
5 résolutions avant la fin du conflit armé. Donc la seule résolution qui a eu
6 lieu, c'était la Résolution 1244 par la suite.
7 Q. Est-ce que vous pensez qu'il y a au moins un seul point parmi les 12
8 énumérés ici sur la liste qui n'était pas justifié ?
9 R. Ils ont tous été justifiés, plus ou moins.
10 M. VISNJIC : [interprétation] A présent, je voudrais demander qu'on examine
11 la page 23 et 24 en B/C/S, et la page 25 en anglais.
12 Q. A nouveau, nous avons des conclusions. Ce qui m'intéresse avant tout,
13 c'est la conclusion numéro 5. Mais tout d'abord par rapport à ces
14 conclusions, c'est l'équipe de l'état-major principal qui a travaillé là-
15 dessus, n'est-ce pas ?
16 R. Oui. C'était notre méthode de travail. Quand vous faites un document
17 aussi important que cela, chaque direction et chaque secteur fait les
18 documents qui correspondent à ses compétences, mais de temps en temps, vous
19 avez des équipes qui sont créés pour échanger les opinions, et les
20 conclusions qui s'ensuivent sont le fruit de telles activités.
21 Q. Très bien. Maintenant, le point 5 de ce document. Le but principal de
22 notre pays serait d'éviter un conflit armé avec l'OTAN. Est-ce que c'était
23 effectivement l'objectif à l'époque de l'armée yougoslave ?
24 R. Nous avons analysé la situation. Nous savions très bien quelles étaient
25 les ressources militaires de l'OTAN, mais bien sûr, nous n'étions pas aussi
26 naïfs que cela, nous voulions à tout prix éviter ce conflit. Nous l'avons
27 démontré à travers les nombreux contacts que nous avons eus avec différents
28 représentants militaires et autres internationaux, mais malheureusement nos
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1 efforts n'ont pas abouti et ce conflit a eu lieu.
2 Q. Merci.
3 M. VISNJIC : [interprétation] Maintenant, la pièce P941. C'est le collège
4 du 25 février 1999, à la page 4 en B/C/S, c'est aussi la page 4 en anglais.
5 Q. Ce collège a lieu après les négociations de Rambouillet. Je vais vous
6 demander de me faire part de vos commentaires par rapport à ce texte. C'est
7 à peu près au milieu du texte où se trouvent les quatre points que vous
8 avez énumérés correspondant à ce que la FRY devait faire suite à ces
9 négociations. Le premier point, il s'agit d'analyser les positions
10 acquises. C'est à peu près au milieu du deuxième paragraphe en anglais.
11 R. Oui, oui, je le vois.
12 Q. Ensuite, le point 2, démontrer une aptitude maximale à la Défense, sans
13 être accusé de commencer les conflits armés; ensuite, des activités
14 intenses avec la communauté internationale; puis le dernier, préparer les
15 documents contre l'arrivée des troupes étrangères au Kosovo-Metohija.
16 Quand il s'agit de ces troupes étrangères au Kosovo, c'est quelque chose
17 que la communauté internationale souhaitait très fort à l'époque. Mais quel
18 était le contexte de cela ?
19 R. C'était mentionné lors des négociations à Rambouillet. Nos
20 représentants, qui à l'époque étaient à Rambouillet, pourraient vous en
21 dire davantage, mais évidemment ce qui était clair c'est que l'OTAN voulait
22 faire venir ses troupes au Kosovo-Metohija. Nous avons analysé les raisons
23 pour ceci. Il y avait deux thèses principales. D'un côté, dans certains
24 cercles des institutions internationales, on en est arrivé à la conclusion
25 que sans la présence internationale au Kosovo-Metohija, il serait difficile
26 de résoudre ce conflit de façon pacifique; ensuite, nous pensions qu'il y
27 avait d'autres intérêts stratégiques en jeu, et on souhaitaient les obtenir
28 justement par le biais de la présence internationale des forces
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1 internationales au Kosovo.
2 Q. Ici, on peut lire :
3 "Différentes informations indiquent qu'en dépit de ce qu'ils disent, ces
4 troupes étrangères ne désarmeraient pas complètement la soi-disant l'UCK,
5 les Albanais se vantent même que Mme Albright leur a promis que les troupes
6 de l'OTAN vont faire en sorte qu'il y ait un référendum même si dans
7 l'accord on ne le prévoyait pas."
8 R. C'est exactement les informations que nous avions. Les Albanais s'en
9 vantaient. Ils disaient qu'on leur avait promis qu'ils allaient avoir soit
10 le référendum, soit l'indépendance quelle que soit la façon de l'obtenir,
11 et que pour cela ils étaient censés d'avoir la présence internationale au
12 Kosovo. Evidemment, ceci nous préoccupait. Nous nous sommes dit que suite à
13 l'arrivée de ces forces, on pourrait mettre en danger notre propre
14 intégrité territoriale.
15 Q. Merci, Mon Général. La page suivante, page 5 dans les deux versions, il
16 y a une proposition précise qui a été faite au chef de l'état-major, à
17 savoir que les représentants de l'état-major principal devraient participer
18 aux négociations.
19 R. Oui. Nous avons analysé les négociations de Rambouillet qui ont eu lieu
20 à Paris, et en ayant à l'esprit l'expérience de Dayton et la façon dont
21 ceci est fait aux Etats-Unis, par exemple, où côte à côte avec les
22 diplomates, presque régulièrement, vous avez les généraux, les officiers,
23 les membres de l'armée, nous sommes arrivés à la conclusion qu'il serait
24 utile d'avoir un membre de l'armée au sein de notre délégation également et
25 pour deux raisons. Tout d'abord, parce que nos diplomates pourraient ainsi
26 recevoir des informations, des propositions sur de nombreuses questions
27 relatives à l'armée, à l'utilisation de l'armée, la coopération avec les
28 autres armées, et cetera; la deuxième raison, c'est qu'il était clair que
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1 les questions qui se posent au cours d'une négociation comprennent
2 également les questions qui concernent directement l'armée, à savoir le
3 retrait des troupes, l'arrivée des troupes nouvelles, la coopération
4 éventuelle avec ces troupes et d'autres questions qui, de façon logique,
5 pouvaient être traitées où l'objet des analyses des soldats, des officiers
6 qui pouvaient analyser cela de façon plus professionnelle, avec plus
7 d'expertise que des diplomates ou des civils, des hommes politiques.
8 Q. Je pense que vous avez eu la possibilité d'en parler avec le général
9 Ojdanic. Qu'est-ce qu'il en pensait ?
10 R. Il était en faveur de cette idée, et je pense qu'il l'avait présentée
11 même aux autorités de l'Etat. Je ne sais pas ce qui s'est passé par la
12 suite, mais toujours est-il que les membres de l'armée n'ont pas participé
13 à ces négociations.
14 Q. Très bien.
15 M. VISNJIC : [interprétation] La pièce suivante P395, page 6 en B/C/S,
16 paragraphe 3, et en anglais, paragraphe 1 de la page 7. Là à nouveau c'est
17 le collège du 11 mars 1999.
18 Q. Ici, dans ce paragraphe, vous enregistrez quelques nouveaux éléments
19 par rapport aux forces dans la région. Tout d'abord, un nouveau
20 commandement conjoint a été créé à Skopje, placé sous le commandement du
21 général Michael Jackson. Ensuite, il y a une force de réaction rapide qui
22 compte au total 9 500 soldats. Là, vous faites une évaluation par rapport
23 aux possibilités données à ces troupes qu'est-ce qu'elles peuvent faire, et
24 je vous demanderais de me dire ce que vous en pensez.
25 R. Je vous ai dit que nous suivions avec beaucoup d'intérêt tout ce qui se
26 passait autour de nous. Pendant cette semaine, la question brûlante, les
27 événements les plus importants se produisaient justement sur le territoire
28 de Macédoine. Nous avons remarqué le renfort des troupes pas seulement par
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1 rapport au nombre de soldats, mais aussi à leur structure, parce qu'on a
2 remarqué qu'on faisait venir des éléments qui pourraient vous amener à
3 conclure que ces forces avaient peut-être une autre mission mis à part la
4 sécurité des vérificateurs. Là, je parle de la présence des chars, des
5 blindés de transport de troupes et des armes d'artillerie, et cetera.
6 Ensuite, on a analysé les événements, puisque la situation était très
7 tendue à l'époque déjà, et on avait même annoncé que les vérificateurs
8 allaient se retirer, et nous en sommes arrivés à la conclusion que ces
9 forces étaient là sans doute pour faire en sorte que les vérificateurs
10 puissent se retirer en toute sécurité, mais qu'il était aussi possible
11 qu'il y avait un autre objectif et une autre raison de leur présence. On
12 avait deux options en tête à l'esprit. D'un côté, c'est qu'il y ait un
13 accord qui aboutit à une solution politique de la crise et qu'ils soient
14 déployés au Kosovo en tant que force de paix; ensuite, la deuxième
15 possibilité pour nous c'était qu'ils étaient en réalité prêts à entrer au
16 Kosovo-Metohija par la force.
17 Q. Maintenant, je vais vous demander d'examiner la pièce suivante.
18 M. VISNJIC : [interprétation] Pièce 938, page 5, paragraphe 1 en serbe, et
19 page 5 -- tout à fait en bas de la page. C'est le collège du 18 mars.
20 Q. Général, en haut vous voyez ce que vous avez écrit en ce qui concerne
21 les mesures militaires, elles vont se poursuivre. A un moment crucial des
22 négociations, on pourrait même aller plus loin en menaçant d'avoir recours
23 aux armes de sorte que l'on trouve tous les indices de l'agression contre
24 la RSFY. Ensuite, vous prévoyez que les vérificateurs pourront se retirer
25 de la Macédoine et que la possibilité d'autoriser les frappes aériennes va
26 être passée de Solana à Clark, et cetera, et cetera.
27 R. Oui. Nous en sommes là déjà le 18 mars, et c'est le danger, les dangers
28 que les négociations à Paris ne réussissent pas. On a vu qu'il y avait de
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1 plus en plus de forces sur le terrain, et de plus en plus d'incidents au
2 Kosovo-Metohija devenaient plus fréquents. On a essayé d'imaginer la suite
3 des événements. On a anticipé que les vérificateurs allaient se retirer. Ce
4 n'était pas difficile à prévoir d'ailleurs, puisque cette mesure était
5 prévue en cas de crise. Mais pour nous, c'était un élément extrêmement
6 important, un indice, parce que nous savions que les vérificateurs qui
7 étaient sur le terrain, cela voulait dire que les vérificateurs sur le
8 terrain pensaient que la situation était si grave qu'ils ne pouvaient pas
9 rester, ils ne pouvaient pas continuer leur mission.
10 A cette époque-là, il y avait un certain nombre de diplomates qui ont
11 commencé à quitter Belgrade. Il y avait des mesures qui montraient que le
12 degré d'aptitude d'alerte était levé, mais il y avait aussi d'autres
13 indices qui indiquaient exactement le contraire, à savoir qu'il n'y aurait
14 pas de frappes aériennes contre la Yougoslavie. Par exemple, il n'y avait
15 aucun porte-avions dans l'Adriatique. D'abord, il y en avait un, mais c'est
16 parti. Entre-temps, il y avait aucun porte-avions dans l'Adriatique et
17 c'était assez étonnant vu ce qui s'est passé quelques jours plus tard.
18 Q. Dans ce paragraphe, le paragraphe 4 pour moi en B/C/S, vous dites que
19 c'est un scénario possible au cas où la délégation serbe était désignée
20 comme la seule coupable pour la non-réussite des négociations et si des
21 nouveaux conflits apparaissent au Kosovo comprenant un plus grand nombre de
22 victimes, davantage de destruction, davantage de réfugiés avec peut-être
23 des attaques dirigées contre les vérificateurs, les incidences frontières,
24 et cetera ?
25 R. Oui. C'est une prévision que nous avons faite et nous nous sommes dits
26 que ceci pourrait contribuer à l'intervention de l'OTAN, et ceci pourrait
27 être utilisé comme un prétexte.
28 Q. [aucune interprétation]
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1 M. VISNJIC : [aucune interprétation]
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avions l'expérience de l'incident de
3 Racak. On a accusé nos forces de cet incident et nous craignions qu'un
4 autre incident pourrait être utilisé comme prétexte pour l'intervention de
5 l'OTAN.
6 M. VISNJIC : [interprétation]
7 Q. Merci. Ensuite, la page suivante en anglais et en B/C/S.
8 Vous tirez certaines conclusions, et les Juges vont pouvoir lire cela, mais
9 ce qui m'intrigue tout particulièrement, c'est une conclusion que vous avez
10 faite, à savoir vous avez proposé qu'on envoie de lettres à différents
11 chefs de l'état-major et qu'une proposition soit faite aussi auprès du
12 ministre fédéral pour lui expliquer quelle était la situation, quelles sont
13 les activités de l'armée yougoslave et lui faire part des mesures à prendre
14 à l'avenir.
15 Est-ce que vous pourriez nous parler davantage de la correspondance entre
16 le général Ojdanic et le général Clark, par rapport aux forces de l'OTAN à
17 l'époque, pendant tout ce mois-ci, le mois de mars ?
18 R. Que je sache, pendant le mois de mars, il y a eu quatre contacts
19 téléphoniques entre le général Clark et le général Ojdanic, le 2 février,
20 le 12 février et le 22 et le 24 mars.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous répéter les dates, s'il
22 vous plaît.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 2 mars, le 15 mars, le 22 et le 24 mars.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Parfois, j'ai été présent pour certaines de
26 ces conversations auprès du général Ojdanic, qui acceptait les initiatives
27 du général Clark avec beaucoup d'attention. Lors de la première
28 conversation, le ton était tout à fait calme, et ils ont essayé de discuter
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1 de la situation sur le terrain. Le général Clark, à l'époque, si je ne
2 m'abuse, avait proposé au général Ojdanic de se rendre à Bruxelles pour
3 discuter de la situation. Après cela, lors de la conversation suivante ou
4 au début de la conversation, le général Clark proposait une certaine
5 coopération, il disait qu'il était nécessaire d'éviter le conflit, mais par
6 la suite il a commencé à menacer. Il a dit que si jamais il y avait un
7 conflit, que l'armée yougoslave allait être détruite, anéantie, que le
8 commandement allait changer, et cetera. Je me souviens de cette dernière
9 conversation qui a eu lieu vraiment juste avant les bombardements, où le
10 général Clark avait pratiquement fait un ultimatum au général Ojdanic en
11 lui disant de ne pas attaquer les forces de l'OTAN dans la région, dans les
12 pays voisins. Il lui a dit que nos vaisseaux ne pouvaient pas sortir au
13 large.
14 Là, c'était un indice clair de ce qui allait se produire déjà le soir même.
15 Mis à part ces contacts avec le général Clark, chacun d'entre nous, en
16 fonction de nos fonctions, nous avions toute une série de contacts sur le
17 plan diplomatique, principalement avec les représentants de l'OTAN, où nous
18 souhaitions éclaircir les choses, la situation, arriver à des connaissances
19 objectives quant à ce qui se passait vraiment au Kosovo-Metohija et qui
20 était le responsable. Par rapport à cela, je me souviens d'une rencontre
21 que j'ai eue avec l'attaché militaire des Etats-Unis, le colonel Pemberton,
22 qui a eu lieu le 12 mars, où nous avons discuté de cela. Je lui ai proposé
23 de procéder à l'échange des officiers de telle sorte que les représentants
24 de l'OTAN viennent à Belgrade et que les représentants de notre pays se
25 rendent au siège de l'OTAN, et que les malentendus soient résolus de
26 manière opérationnelle et rapide. Il a eu de la compréhension pour
27 l'initiative et il est allé immédiatement en avertir ses supérieurs. Au
28 bout d'un certain temps, il est revenu et il m'a informé du fait que cette
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1 initiative a été évaluée comme bonne, mais tardive. Par conséquent, mon
2 idée n'a pas donné suite à de telles activités.
3 Puis, nous avons eu des contacts avec des représentants différents; le
4 général Mandelson -- ou plutôt Anderson, qui accompagnait M. Holbrooke, et
5 un nombre d'autres représentants des forces armées différentes que nous
6 souhaitions informer de nos opinions --
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic, il va falloir que vous
8 contrôliez cela d'une certaine manière. Est-ce que vous avez besoin
9 vraiment de toutes ces informations, et si tel est le cas, je pense qu'il
10 vaut mieux que ceci soit présenté sous forme de réponses aux questions
11 spécifiques. Je pensais que vous lui avez posé une question au sujet des
12 pages concrètes. Je souhaite poser une question moi-même à ce stade, mais
13 peut-être vous pouvez terminer pour ce qui est de cet épisode tout d'abord.
14 M. VISNJIC : [interprétation] C'est ce qui m'intéresse, concrètement
15 parlant. Je souhaitais poser la question suivante au Général.
16 Q. Général, savez-vous à quel moment cette réunion avec le général
17 Anderson a eu lieu, Anderson et Ojdanic ?
18 R. Je pense que ceci a eu lieu le 23 mars.
19 Q. Merci.
20 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président --
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Puis-je poser une question ?
22 Apparemment nous recevons des positions qui nous rendent très perplexes par
23 rapport à la question de savoir à quel moment les bombardements ont
24 commencé.
25 Quand est-ce qu'ils ont commencé ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, c'est un fait
27 notoirement connu. Les bombardements ont commencé le 24 mars 1999 vers 20
28 heures.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et la réunion, ou plutôt, la dernière
2 discussion téléphonique ou par radio entre M. Ojdanic -- ou plutôt le
3 général Ojdanic et le général Clark a eu lieu un peu plus tôt ce même jour
4 ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A quelle heure ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas de l'heure exacte, mais
8 je suppose que c'était dans la matinée.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il n'y a pas eu de raids aériens
10 pendant la nuit du 23 au 24 mars ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
13 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, afin d'abréger la
14 déposition de ce témoin, je propose que les pièces à conviction 3D754,
15 3D706, 3D707 et 3D985, soient admis. Il s'agit là des documents qui
16 représentent les communications, les lettres et les conversations
17 téléphoniques qui ont été menées par le général Clark avec le général
18 Ojdanic. Certains ont déjà été versés au dossier. Afin de ne pas les
19 parcourir tous, je propose leur versement au dossier. Je suppose que
20 l'Accusation ne s'y oppose pas.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avez-vous un problème par rapport à
22 cela, Monsieur Hannis ?
23 M. HANNIS : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
24 M. VISNJIC : [interprétation] Merci.
25 Je demanderais maintenant que l'on montre au témoin la pièce à conviction
26 3D894.
27 Q. Général, vous avez dit que les bombardements ont commencé le 24 mars.
28 Nous avons le document qui est en date du 26 mars et dont le titre est
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1 "Rapport d'informations." Est-ce que vous pouvez nous dire de quoi il
2 s'agit ?
3 R. Ce document dont le titre est "Rapport d'informations" n'est pas
4 vraiment un document officiel. Il s'agit plutôt d'un projet de document que
5 j'ai fait pour moi-même afin de me rappeler ce dont il fallait informer le
6 chef d'état-major. Nous avions une activité quotidienne, le soir, appelée
7 réunion d'informations. Pendant la guerre, nous en avions tout d'abord à 8
8 heures 30, ensuite à 6 heures de l'après-midi. Mis à part cela, chaque
9 matin, nous soumettions une brève information concernant les événements de
10 la nuit précédente.
11 Q. Merci, Général. Je souhaite maintenant attirer votre attention sur
12 l'avant-dernier paragraphe de la première page des deux versions. Ma
13 question est la suivante : est-ce qu'à un moment donné, l'armée de
14 Yougoslavie prévoyait une intervention terrestre au Kosovo aussi ?
15 R. D'après nos prévisions, l'opération de l'OTAN allait avoir trois
16 phases. Tout d'abord : les attaques contre les systèmes de la défense
17 antiaérienne et d'autres équipements qui accompagnent leurs activités et
18 l'infrastructure qui les accompagne aussi; deuxièmement, les activités
19 surtout au Kosovo-Metohija, c'est-à-dire les attaques contre les forces
20 armées et les équipements sur l'ensemble du territoire de la Yougoslavie,
21 ça c'était la deuxième phase; et la troisième phase, une invasion sur le
22 terrain. D'après les informations que nous avons eues à l'époque.
23 Cependant, comme nous le savons tous, ces prévisions ne se sont pas
24 confirmées, il n'y a pas eu d'intervention classique terrestre de la part
25 de l'OTAN.
26 Q. Merci, Général.
27 M. VISNJIC : [interprétation] Peut-on placer maintenant la pièce 3D898, il
28 s'agit d'un rapport d'informations en date du 28 mars 1999. Peut-on
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1 examiner le paragraphe 4 de la page 1 des deux versions.
2 Q. Général, ici l'on mentionne une évaluation liée aux experts de l'OTAN,
3 dans laquelle il est dit que : "Des recommandations allaient être apportées
4 concernant l'entrée par la force au Kosovo-Metohija s'ils évaluent que nos
5 forces au Kosovo-Metohija s'élèvent à 50 000 et le nombre de réfugiés à 500
6 000."
7 Est-ce que vous pouvez nous dire votre commentaire ?
8 R. Oui. D'après les informations que nous avons reçues de la part des
9 diplomates au siège de l'OTAN, ils procédaient aux évaluations, aux
10 analyses et ils disaient que si nos forces allaient se compter jusqu'à 50
11 000 et le nombre de réfugiés jusqu'à 500 000 personnes, ceci serait une
12 raison pour une invasion terrestre du Kosovo-Metohija.
13 Q. Merci. Est-ce que vous pouvez me dire, deux paragraphes plus loin vous
14 mentionnez quels seraient les éléments-clés pour renforcer notre position.
15 Et vous dites premièrement, encore une fois "l'initiative diplomatique" ?
16 R. Oui. Tout au long de cette période de guerre, et même avant que cette
17 guerre n'ait éclaté, tous les jours de l'agression, nous avons réfléchi à
18 la manière dont il serait possible d'arrêter les opérations et de faire en
19 sorte que les tentatives visant à aboutir à une solution politique
20 reprennent. Nous n'étions pas simplement en train d'être assis et
21 réfléchir, mais nous avons initié de nombreuses actions allant dans ce
22 sens.
23 Q. Au premier paragraphe, nous voyons une référence aux engins aériens.
24 R. Oui. Ils étaient équipés d'éléments médiatiques différents utilisés
25 pour des fins de propagande, des fins politiques et à partir de ces avions,
26 il était possible de diffuser des informations, d'envoyer des pamphlets et
27 d'essayer d'influencer la population sur le territoire qu'ils survolaient.
28 M. VISNJIC : [interprétation] Peut-on maintenant voir la pièce à conviction
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1 3D902, il est question de la réunion d'informations en date du 30 mars
2 1999. Veuillez notamment examiner le dernier paragraphe en B/C/S, s'il vous
3 plaît, page 2.
4 Q. Donc ici il s'agit encore d'une des informations que vous avez relatées
5 lors de la réunion d'information du soir. Ici il est dit que : "En
6 parallèle avec la suite des opérations aériennes et les préparatifs pour
7 une opération terrestre, de plus en plus de pays proposent leur médiation."
8 Et justement je vous demanderais la chose suivante : pendant la guerre
9 elle-même, Général, est-ce que vous pourriez nous dire quelles étaient les
10 initiatives diplomatiques ou pacifiques que l'armée essayait de lancer de
11 son côté ?
12 R. A l'époque nous étions surtout préoccupés par des mesures à prendre
13 pour défendre le pays, donc nos possibilités diplomatiques étaient bien
14 réduites. Cependant dans la mesure du possible nous avons continué à garder
15 les contacts par le biais de nos attachés militaires, par le biais des
16 attachés militaires des pays qui les ont gardés à Belgrade. Par conséquent,
17 si mes souvenirs sont bons, déjà deux jours après le début des
18 bombardements, l'attaché militaire de l'Italie a voulu me rencontrer afin
19 de me transmettre la position de ses dirigeants au sujet de ce qu'il
20 fallait entreprendre afin d'obtenir la cessation des bombardements.
21 J'ai vu que lui aussi a été frappé par tout ce qui se passait, ce qui se
22 passait à Belgrade et sur l'ensemble de la Yougoslavie, et je pense que
23 sincèrement il souhaitait nous aider en nous faisant part de telles
24 initiatives. Ensuite, de Londres nous avons eu un contact, donc un contact
25 à Londres et par le biais de cette personne nous avons essayé de faire part
26 d'une initiative aux dirigeants occidentaux, initiative qui, à notre avis,
27 pouvait aboutir à la fin de la guerre et le début d'un dialogue politique,
28 des pourparlers afin de mettre un terme à la crise.
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1 Q. Merci, Général.
2 M. VISNJIC : [interprétation] Je souhaite maintenant la pièce à conviction
3 3D906.
4 Q. Général, ici, vous avez eu des informations selon lesquelles la liste
5 de cibles a été élargie, il s'agit là de la réunion d'information en date
6 du 1er avril 1999. Dans quel contexte qu'est-ce que cet élargissement des
7 cibles a eu lieu ?
8 R. Comme je l'ai dit, nous avons eu des informations initiales indiquant
9 que trois phases étaient probables de cette opération et je l'ai expliqué.
10 Tout d'abord, ce que j'ai expliqué, les frappes aériennes, ensuite les
11 frappes sur les unités, et troisièmement, l'invasion terrestre. Mais peu de
12 temps après apparemment on a renoncé aux plans initiaux élaborés d'après
13 notre évaluation au moins et la liste des cibles quotidiennes s'est
14 vraiment élargie et comportait de nombreux éléments d'infrastructure, des
15 bâtiments civils, des structures qui n'étaient pas directement liées aux
16 cibles proclamées de cette action.
17 Q. Merci.
18 M. VISNJIC : [interprétation] La pièce à conviction 3D311 maintenant, s'il
19 vous plaît. Il s'agit d'une réunion d'information du 3 avril 1999, il
20 s'agit notamment du dernier paragraphe en B/C/S de la première page et du
21 dernier paragraphe en anglais de la première page aussi.
22 Q. Général, ici vous faites part des modalités éventuelles d'une solution
23 à la crise au Kosovo-Metohija, et encore une fois, on mentionne le contexte
24 des réfugiés et de leur protection. Nous avons deux chiffres de 630 000
25 réfugiés prétendument existant à ce moment-là, et le chiffre de 500 000
26 avancé par l'OTAN, comme chiffre qui déclencherait une nouvelle
27 intervention de l'OTAN. L'armée de Yougoslavie n'a jamais traité, ou
28 plutôt, comment est-ce que l'armée de la Yougoslavie traitait du problème
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1 de réfugiés ?
2 R. Je n'étais pas impliqué dans ce genre d'activités personnellement, mais
3 lors des réunions d'information et en suivant les réactions des acteurs
4 internationaux importants concernant ce problème, j'ai proposé que l'on
5 organise des points d'accueil de ces réfugiés, réfugiés qui soit
6 souhaitaient traverser la frontière vers la Macédoine et l'Albanie, soit
7 souhaitaient revenir au Kosovo-Metohija. Je considérais qu'ainsi
8 éventuellement les médias et les hommes et femmes politiques à l'ouest
9 puissent comprendre qu'il n'était pas de notre intérêt et que ce n'était
10 pas notre but du tout d'expulser les Albanais du Kosovo-Metohija.
11 Q. Merci.
12 M. VISNJIC : [interprétation] Je souhaite maintenant que l'on se penche sur
13 la deuxième partie de ce paragraphe.
14 Q. Qui porte sur une réunion éminente des chefs des services de
15 Renseignements et des formes différentes de soutien et d'aide à l'UCK y
16 compris les armes afin d'utiliser l'UCK comme une sorte de force avancée de
17 l'OTAN. Que savez-vous à ce sujet ?
18 R. Nous avons eu un nombre d'informations à l'époque au sujet de la
19 coopération de l'UCK et de l'OTAN, et nous avons eu, par exemple, des
20 informations indiquant que lors de cette réunion de telles possibilités
21 faisaient l'objet de discussions, à savoir plus hauts officiels indiquaient
22 que les bombardements allaient durer jusqu'au moment où un équilibre allait
23 être atteint entre l'armée de Yougoslavie et l'UCK. Dans de telles
24 conditions, et seulement à partir de ce moment-là, ils seraient prêts de
25 leur côté à procéder à la recherche d'une solution pacifique à la crise par
26 le biais des négociations politiques.
27 Q. Vous avez présenté certaines conclusions et propositions à la fin de
28 cette réunion d'information. Encore une fois, vous mentionnez une
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1 initiative diplomatique, nous en avons déjà parlé. Deuxième proposition
2 concernant les points d'accueil ?
3 R. C'est ce que j'ai déjà expliqué, l'idée était vraiment de venir en aide
4 à cette population, et aussi de montrer au monde entier que ni l'armée de
5 Yougoslavie, ni la police de la Yougoslavie n'avait aucun intérêt à
6 expulser cette population du Kosovo-Metohija.
7 Q. Merci.
8 M. VISNJIC : [interprétation] Je souhaite que l'on place à l'écran la pièce
9 3D913. Il y est question de la réunion d'information du 4 avril. La
10 première page, s'il vous plaît.
11 Q. Général, il y a une conclusion ici, disant comme suit : "Le choix des
12 cibles apparemment ne suit pas une logique politique ou militaire," est-ce
13 que vous pouvez nous faire un commentaire, c'est le paragraphe 3.
14 R. A la veille de la guerre et pendant la guerre, nous avons eu l'occasion
15 d'observer quelle était la doctrine militaire de l'OTAN en action, mais
16 nous avons remarqué aussi que ce qui se passait sur le terrain ne
17 correspondait pas à cela. La raison en était que les actions en Vojvodine,
18 le long de la frontière avec la Hongrie, les attaques sur les ponts et
19 d'autres structures semblables ne correspondaient pas du tout aux principes
20 et à la doctrine de l'OTAN.
21 Q. Merci. Veuillez examiner le paragraphe 2, qui dit : "L'on entend des
22 suppositions au sujet du déploiement d'un grand nombre de forces de l'OTAN
23 en Albanie, qui seraient engagées dans le cadre d'une mission de maintien
24 de la paix," et ainsi de suite. Ensuite, le paragraphe suivant, qui dit :
25 "Il faudrait y voir un lien avec l'existence des plans d'une opération pas
26 à pas."
27 De quel type de plan s'agissait-il ?
28 R. Nous avons eu des informations selon lesquelles l'UCK planifiait
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1 d'engager ses propres forces armées, mais aussi les réfugiés, afin de
2 capturer le territoire, la zone frontalière avec l'Albanie et la Macédoine
3 de manière graduelle, pas à pas, de refouler nos forces et leur rendre
4 impossible d'entreprendre d'autres actions militaires ou de police, en
5 créant un corridor pour eux-mêmes.
6 Q. Merci. La dernière information émanant des sources qui vous informaient
7 dit : "Quelques sources indiquent que les Siptar avaient été mobilisés dans
8 le cadre de ce plan afin de se séparer des unités de la VJ, qui sont ainsi
9 devenues les cibles ouvertes de l'agresseur."
10 Est-ce que vous pouvez expliquer cela ?
11 R. Oui. Pendant les actions de l'OTAN, les civils albanais étaient parfois
12 des victimes, probablement en raison du manque de précision ou peut-être en
13 raison du fait qu'il n'était pas possible de séparer ces gens des cibles
14 militaires qui étaient à leur proximité, d'après les informations que nous
15 avons obtenues, le but de tout cela était de séparer les Albanais de nos
16 forces, pour ainsi isoler nos forces et les laisser sans aucune possibilité
17 de prendre des précautions, afin d'éviter d'être ciblées, pour qu'elles
18 puissent être ciblées de manière plus efficace.
19 Q. Merci.
20 M. VISNJIC : [interprétation] Merci. La pièce 3D918.
21 Q. Il y est question de la réunion d'information du 7 avril. S'il vous
22 plaît, veuillez examiner le quatrième paragraphe du point 2, qui commence
23 par les mots : "Au cours des 24 heures qui se sont déroulées, au total 335
24 frappes aériennes ont été effectuées." Ensuite, nous avons une partie
25 manuscrite. Est-ce que vous pouvez lire la phrase disant : "Comme nous
26 l'avons annoncé, le déploiement le plus massif des forces aériennes ainsi
27 était marqué."
28 R. Oui, j'ai ajouté cela à la main en répondant à notre communiqué de
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1 presse portant sur la cessation des opérations, car notre gouvernement
2 avait unilatéralement, le 6 avril, je pense, c'était Pâques, rendu public
3 un communiqué de presse faisant appel à une cessation de la suite des
4 opérations de combat, au moins pendant les vacances de Pâques. Ceci n'a pas
5 eu lieu. C'est possible c'était une coïncidence. Je ne peux pas dire avec
6 certitude que c'était la réponse directe au communiqué de presse du
7 gouvernement fédéral, mais à l'époque c'est ce que l'on considérait.
8 Q. Merci. En annexe de ce document, vous fournissez une évaluation de
9 l'opération terrestre, ou plutôt, des préparatifs pour une telle opération.
10 Ceci figure à la page 3 de la version en B/C/S, et je pense que c'est à la
11 page 3 en anglais aussi.
12 M. VISNJIC : [interprétation] Excusez-moi, c'est la page 4 en anglais.
13 Q. Ici nous avons un document très détaillé, mais ce qui m'intéresse,
14 Général, à ce moment-là, ce sont les forces du [imperceptible] de l'OTAN
15 qui sont décrites ici dans les paragraphes A et B. Il s'agit là des forces
16 dont dispose l'OTAN à ce moment-là en Albanie et en Macédoine ou est-ce que
17 ce sont les prévisions de leurs augmentations ?
18 R. Non, non. Ce sont les forces que nous avons enregistrées comme forces
19 présentes en Macédoine et Albanie à ce moment-là.
20 Q. Merci. Je ne souhaite pas le lire à voix haute. Le document parle de
21 lui-même. Nous avons les paragraphes A et B en anglais.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourrait-on procéder à une pause à ce
23 stade ?
24 M. VISNJIC : [interprétation] Oui.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons avoir une autre pause
26 d'une demi-heure à ce stade. Est-ce que vous pourriez encore une fois
27 sortir du prétoire accompagné de l'huissier.
28 [Le témoin quitte la barre]
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1 --- L'audience est suspendue à 12 heures 21.
2 --- L'audience est reprise à 12 heures 52.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le Juge Kamenova a pris froid, ou
4 alors est-ce vraiment une grippe, depuis quelques jours et nous avons
5 décidé de faire en sorte que pour son intérêt elle rentre à la maison et
6 qu'elle se repose. C'est dans l'intérêt de la justice, nous allons
7 continuer en son absence.
8 [Le témoin vient à la barre]
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic.
10 M. VISNJIC : [interprétation] Merci.
11 Je voudrais que l'on montre maintenant la pièce P929 en affichage
12 électronique, page 3 en version serbe et page 4 en anglais.
13 Q. Mon Général, il s'agit de la session de la direction collégiale du 9
14 avril 1999. Vous avez établi une estimation, une évaluation à part pour
15 cette réunion-là. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
16 R. C'était une situation où au bout de presque deux semaines de guerre,
17 nous voulions nous pencher plus en détail sur l'évolution de la situation
18 jusque-là et essayer de voir quelles sont les variantes possibles ou
19 envisageables à l'avenir.
20 Q. Excusez-moi, mais c'est l'une des estimations qui est une estimation de
21 l'ensemble, qui comporte des renseignements sur une période plus longue ?
22 R. Oui, c'est une de ces compilations que nous faisions de temps en temps.
23 Q. Bien. Alors je voudrais que vous commenciez au paragraphe 1 vers le
24 milieu, les objectifs proclamés de l'agression étaient :
25 "D'un, d'empêcher une catastrophe humanitaire; deuxième, une neutralisation
26 de la puissance militaire de la République fédérale de Yougoslavie; et
27 troisième, maintenir la crédibilité des USA et de l'OTAN alors que
28 l'objectif véritable est de punir la RFY et de l'obliger d'accepter un
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1 accord de paix qui amènerait des forces de l'OTAN au Kosovo-Metohija pour
2 priver la RFY de cette partie de ce territoire."
3 Pouvez-vous commenter ?
4 R. Oui. Au début lorsqu'il était question de la possibilité d'avoir un
5 bombardement, on a, en grande partie, soulignés comme raison la crédibilité
6 de l'OTAN. Il se peut que cette crédibilité ait été placée en corrélation
7 avec ce qui se passait sur le terrain, notamment avec ce qui a été qualifié
8 de catastrophe humanitaire. Ces objectifs pendant les combats ont évolué et
9 il y a eu au final pratiquement les cinq exigences de l'OTAN qui sont
10 notoirement connues.
11 Q. Merci.
12 M. VISNJIC : [interprétation] Je voudrais maintenant que nous nous
13 penchions sur la page 8.
14 Q. Mon Général, je vais revenir une fois de plus sur vos conclusions.
15 C'est l'avant-dernier paragraphe de votre exposé où vous dites que :
16 "Le choix en faveur de l'option pacifique de la RFY pourrait mettre en
17 valeur de la meilleure façon possible les acquis du combat, et la
18 continuation de la guerre pour les forces alliées risquerait de dévaluer ce
19 qui a été réalisé jusque-là."
20 R. Oui. C'était sur le diapason d'une opposition le plus marquée, à savoir
21 essayer de surmonter la crise au Kosovo-Metohija par le recours à une
22 option pacifique, parce que, comme je l'ai déjà dit, la poursuite de la
23 guerre amènerait pas mal de risques, chose qui s'est d'ailleurs révélée
24 exacte malheureusement.
25 Q. Bien.
26 M. VISNJIC : [interprétation] Messieurs et Mesdames les Juges, je n'ai pas
27 voulu parcourir le document entier avec le témoin, mais mon intention était
28 d'attirer votre attention sur son exposé complet. En version anglaise, ça
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1 va de la page 4 à la page 8, et s'agissant de la version B/C/S, il s'agit
2 des pages 3 à 8, je me propose maintenant de passer au document suivant, il
3 s'agit du 3D934, page 2 version B/C/S, page 2 version anglaise.
4 Q. Mon Général, ici il s'agit d'un rapport du mois d'avril 1999. Je ne
5 vais pas donner tous les détails et les Juges de la Chambre peuvent trouver
6 tous les détails nécessaires dans le document. Mais ce qui m'intéresse
7 c'est la partie que vous avez formulée sous l'intitulé "propositions." Vous
8 avez jugé à ce moment-là, et je précise que dans la deuxième moitié du mois
9 d'avril, que certaines des initiatives de paix pouvaient être concrétisées
10 dans la réalité. Pouvez-vous étoffer ?
11 R. C'était l'époque où l'on préparait le sommet à Washington à l'occasion
12 du 50e anniversaire de l'existence de l'OTAN. Nous avons suivi les
13 réactions des membres de l'OTAN et nous avons vécu parmi eux, il y en avait
14 qui seraient intéressés par l'aboutissement à une sécession de la guerre au
15 plus vite. J'ai voulu souligner cet aspect-là de la question, à savoir
16 apporter un soutien à ces forces-là au travers de contacts ou au travers de
17 messages, donc apporter un soutien à ces facteurs intéressés par l'option
18 pacifique.
19 M. VISNJIC : [interprétation] Je voudrais qu'on nous passe la page suivante
20 de la version anglaise, donc la page 3. Merci, ça va mieux.
21 Q. Alors à la fin des propositions qui sont données en trois alinéas, vous
22 donnez une information au sujet des informations que s'est procurées la
23 direction du renseignement. Il s'agit de la publication des conversations
24 entre pilotes de l'OTAN. Pouvez-vous étoffer votre propos ?
25 R. Oui. Ça été passé à la télévision. On a montré la conversation des
26 pilotes de l'OTAN après le bombardement d'une colonne d'Albanais au Kosovo-
27 Metohija. Par la suite, on s'est procuré des informations disant qu'au sein
28 de l'OTAN ils ont compris que nous suivions leurs conversations, que nous
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1 étions à l'écoute et d'après nos informations ils sont passés à un système
2 complètement cloisonné de conversations.
3 Q. Donc à partir de là, vous n'avez plus pu suivre les conversations des
4 pilotes de l'OTAN ?
5 R. Non.
6 Q. Bien.
7 M. VISNJIC : [interprétation] Maintenant, le 3D938, je vous prie. Il s'agit
8 d'un rapport daté du 25 avril 1999.
9 Q. Mon Général, entre autres, ce qui m'intéresse c'est le paragraphe 6 de
10 ce document. On dit -- enfin on fait état du plan 4. Pouvez-vous nous dire
11 de quel plan il s'agit ?
12 R. Nous savions que l'OTAN établissait un nombre assez important de plans
13 à l'occasion de cette intervention en Yougoslavie. Certains de ces plans
14 ont déjà été réalisés et d'autres heureusement n'ont jamais été réalisés.
15 Clark en personne dans une interview a dit qu'il y avait eu 12 ou 15 plans
16 de ce genre. Le plan 4 c'est en fait un plan visant des opérations de force
17 terrestres.
18 Q. Merci. Au paragraphe 7 de ce document, on dit que la garnison de Kuks
19 en Albanie est sous plein contrôle des officiers américains. Dites-nous où
20 se trouve cette garnison de Kuks ?
21 R. Ça se trouve tout près de la frontière avec le Kosovo-Metohija avec la
22 Serbie, donc sur la rivière Drin à quelques kilomètres à peine en termes
23 pratiques de la frontière même.
24 Q. Bien.
25 M. VISNJIC : [interprétation] Je voudrais que nous passions au 3D940. Il
26 s'agit d'un rapport daté du 27 avril, page 1, dernier paragraphe en version
27 anglaise.
28 Q. Mon Général, chez-vous c'est la page 1, paragraphe 3, où on dit que
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1 tout indique qu'au cours de cette période, il convient de ne pas s'attendre
2 à un non déploiement des forces de l'OTAN, mais des terroristes siptar qui,
3 essentiellement en Albanie, essaient d'organiser, de former et d'équiper
4 les experts militaires de l'OTAN pour les infiltrer sur le territoire du
5 Kosovo-Metohija. Alors, Mon Général, c'est en date du 27 avril 1999, vous
6 avez dans votre rapport décrit en détail l'offensive lancée par l'UCK
7 contre les forces de la République fédérale de Yougoslavie. Pouvez-vous
8 commenter ceci dans le contexte de cette information dont vous aviez
9 disposé ?
10 R. Comme je l'ai dit, il y a eu bon nombre d'informations disant qu'une
11 opération des forces terrestres de l'OTAN était possible, mais qu'il y
12 avait de possible aussi une autre variante d'opération de forces
13 terrestres, à savoir l'envoi de troupes de l'UCK à partir de l'Albanie vers
14 notre territoire. Cette opération a bel et bien été réalisée entre le 9 et
15 le 10 avril, et ça a duré jusqu'au 26 mai sur le passage ou le secteur de
16 Kosare, ça se trouve plus au sud vers Prizren. Cette opération ne s'est pas
17 soldée par des soldats qui étaient attendus par l'UCK, puis on a transféré
18 cela au nord. L'opération a été appelée Flèche sur Vrbnik, et c'est des
19 forces importantes qui ont été amassées pour qu'il y ait infiltration sur
20 le territoire du Kosovo-Metohija.
21 M. ZECEVIC : [interprétation] Je m'excuse. Le 62, 10, après le mot "pouvait
22 être lancée", je crois que le témoin a dit "par l'OTAN".
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Zecevic.
24 M. VISNJIC : [interprétation]
25 Q. Dans cette information, vous êtes en train de parler d'un malentendu
26 pour ce qui est d'un recours plus massif aux forces de l'UCK ?
27 R. Oui. Il y a eu des informations de ce type, parlant de la façon dont il
28 convenait de commander ces forces, et nous savions qu'une partie des
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1 réfugiés albanais et ceux qui étaient mobilisés au sein de ces unités ne
2 voulaient pas participer à ces opérations. Il y a eu là des malentendus et
3 nous avons suivi cela autant que faire se pouvait.
4 Q. Bien.
5 M. VISNJIC : [interprétation] Il s'agit maintenant du 3D600, et il s'agit
6 d'un briefing daté du 30 avril 1999. C'est le PV du briefing en réalité.
7 Q. Mon Général, en page 1 on voit un résumé de votre exposé, et
8 télégraphiquement vous dites : "Renforcement des activités pour trois
9 raisons. D'un, il y a des citernes de carburant d'assurées; le temps est
10 meilleur; et troisièmement, --
11 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas entendu le troisièmement.
12 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
13 M. VISNJIC : [interprétation]
14 Q. Je m'excuse. Le point 3, je disais : "…était à la veille de la visite
15 de Chernomyrdin."
16 R. En s'attendant à des bombardements dans certaines phases de la guerre,
17 nous avons enregistré un phénomène assez indicatif, à savoir que les
18 activités s'intensifiaient juste à la veille d'initiatives de paix. Je ne
19 peux pas affirmer que cela avait voulu faire exercer des pressions
20 complémentaires, mais la coïncidence de ce type de comportement était
21 évidente.
22 Q. Merci.
23 M. VISNJIC : [interprétation] Le 3D955, maintenant.
24 Q. Ici il s'agit d'un autre rapport, daté du 12 mai 1999 cette fois-ci.
25 M. VISNJIC : [interprétation] Je voudrais qu'on nous montre la page 3 de la
26 version anglaise et la page 2 de la version B/C/S.
27 Q. Une fois de plus, nous voyons là des propositions qui devaient faire
28 montre de notre disponibilité pour une solution politique au conflit avec
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1 retour des réfugiés, ensuite on dit que la commission pour l'évaluation des
2 dégâts devrait s'adresser aux Nations Unies pour se pencher sur le degré
3 des destructions et le degré aussi des souffrances de la population civile.
4 Je sais qu'on y revient à plusieurs reprises, mais je voudrais que
5 vous nous disiez, Mon Général, dans quel contexte ces propositions ont-elle
6 été formulées ?
7 R. Nous nous sommes servis de toute possibilité, de toute initiative qui
8 provenait de la part des facteurs internationaux et qui se rapportait à la
9 cessation de la guerre et à une solution pacifique du conflit pour proposer
10 que de telles initiatives soient soutenues et que l'on fasse quelque chose
11 de concret. C'est la raison pour laquelle je propose là que l'on prenne en
12 considération le retour des réfugiés, le retrait de nos unités
13 éventuellement vers les garnisons, ou du territoire du Kosovo-Metohija, le
14 tout dans l'objectif de mettre en place les conditions nécessaires pour une
15 cessation des bombardements et le début d'un dialogue politique.
16 Q. Mon Général, le retour des réfugiés était un fait sur lequel l'armée
17 comptait ? Y a-t-il eu des positions opposées au sein de l'armée de
18 Yougoslavie ?
19 R. Non, pour autant que j'ai pu l'apprendre de mes contacts au Grand état-
20 major, au commandement Suprême et au-delà, je n'ai jamais ouï dire que
21 quelqu'un aurait eu l'objectif de chasser les réfugiés, de les expulser.
22 Nous avons proposé, dans le cadre de ces mesures, la création de préalables
23 pour le retour.
24 Q. Merci.
25 M. VISNJIC : [interprétation] Je voudrais maintenant qu'on nous montre la
26 pièce de la Défense 3D968, page 2 en B/C/S, page 2, version anglaise. Il
27 s'agit d'un rapport daté du 25 mai 1999.
28 Q. Mon Général, ce qui m'intéresse ici, c'est le commentaire qu'on voit en
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1 page 2, version B/C/S, et en page 2, version anglaise, paragraphe 6.
2 Ce qui m'intéresse ici c'est l'information que vous avez communiquée au QG
3 du commandement Suprême, à savoir que les réfugiés étaient en train de
4 rentrer et qu'au cours d'une journée seulement, il y en avait 4 000 à être
5 rentrés par le passage frontière Djeneral Jankovic.
6 R. Oui, c'est l'information dont nous disposions. Comme vous pouvez le
7 constater, pour autant que je sache, ce sont des gens qui sont rentrés. Et
8 il n'y a eu du côté de l'armée de la Yougoslavie aucune tentative de
9 l'empêcher.
10 Q. Merci.
11 M. VISNJIC : [interprétation] Penchons-nous maintenant sur le 3D969. Il
12 s'agit d'un rapport du 26 mai 1999. Ce qui nous intéresse, c'est la page 1
13 de ce document, vers le milieu du texte, paragraphe 2, alinéa 3. Ça
14 commence : "Avant midi, il a été constaté 420 survols aériens.
15 J'attends la version anglaise du texte.
16 Q. Nous avons ici, c'est le 26 mai 1999, encore une des journées où il y a
17 eu des bombardements accrus avec des bombardiers stratégiques B-52 et des
18 B-1B.
19 Mon Général, ces bombardiers stratégiques, les B-52 et les B-1B, c'est quel
20 type d'avions et d'où cela est-il venu ?
21 R. Il s'agissait de bombardiers stratégiques. Ils portaient une grande
22 quantité d'explosifs envoyés par différents pays et membres de l'OTAN, mais
23 aussi directement des Etats-Unis. Ils comportaient des missiles et ils
24 n'entraient même pas dans notre espace aérien. Ils pouvaient lancer les
25 missiles à partir de Banja Luka même.
26 Q. Vous dites à nouveau que ces cibles vont être élargies pour essayer
27 d'accroître les pressions par rapport aux négociations.
28 R. Oui, c'était une autre fois que cela est arrivé.
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1 Q. Passons immédiatement au-dessous, on parle de la force de l'OTAN qui
2 aide l'UCK pour effectuer une percée sur la ligne de front ?
3 R. Oui, effectivement. Il y a eu ce transfert d'activités de Kosare à
4 Vrbrik. A cette époque-là, l'aviation de l'OTAN était très active. Nous
5 avons fait le lien entre ces activités de l'OTAN et la percée des forces
6 qui essayaient de pénétrer dans notre territoire.
7 Q. Merci.
8 M. VISNJIC : [interprétation] Ensuite, la pièce 3D978. Un rapport
9 d'information en date du 4 juin 1999.
10 Q. A la page 2 en serbe et en anglais, on parle des "réponses à
11 notre accréditation de principes -- ou plutôt les positions de l'état-major
12 principal" Est-ce que vous pourriez nous dire de quoi il s'agit ?
13 R. C'était une réponse que nous avons enregistrée et nous y avons porté
14 beaucoup d'intérêt, parce que cela venait d'une institution importante,
15 l'état-major d'un pays très important de l'OTAN. Comme vous pouvez voir, il
16 y a beaucoup de positions qui se sont avérées vraies par la suite. Ces
17 informations nous les avons reçues de nos sources à Rome.
18 Q. Merci.
19 M. VISNJIC : [interprétation] Je demanderais que l'on voit à présent la
20 pièce P1748.
21 Q. Vous faisiez partie de la délégation de l'armée yougoslave qui a
22 négocié avec les représentants de l'OTAN et de la Fédération russe
23 concernant les questions de la mise en œuvre du plan de l'Union Européenne
24 et de la Fédération russe et la signature des documents afférents à ce plan
25 de retrait des unités. Tout ceci a eu lieu à Kumanovo. Pouvez-vous nous
26 dire de quelle façon les négociations se sont déroulées ?
27 R. C'est le général Ojdanic qui a donné le feu vert pour la délégation.
28 L'objectif était très clair, à savoir rencontrer les représentants de
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1 l'OTAN pour aboutir à un accord technique ou militaire sur la base d'un
2 document qui a été accepté déjà, le document Chernomyrdin. Sur la base de
3 cela créer les conditions d'une résolution future du Conseil de sécurité.
4 Je dois dire que le général Jackson et ses collaborateurs qui étaient au QG
5 de l'OTAN se sont comportés de façon extrêmement correcte. Nous avons
6 réussi à écrire un accord technique qui est très connu.
7 Je peux dire que nous avons eu la possibilité en tant que délégation
8 de l'armée yougoslave de faire des remarques sur le texte tout entier. Une
9 partie de nos remarques a été acceptée et une autre partie, non. De sorte
10 que le texte, qui aujourd'hui est connu par le public, a vu le jour.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur le Témoin, le général Clark
12 était-il toujours le commandant de l'OTAN à l'époque ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Visnjic.
15 M. VISNJIC : [interprétation]
16 Q. Mon Général, à présent, je voudrais examiner avec vous quelques
17 documents qui décrivent les événements qui ne sont pas inconnus à ce
18 procès. Ils ont été mentionnés à plusieurs reprises au cours de votre
19 déposition dans votre déclaration préalable. Tout d'abord, je voudrais vous
20 demander d'examiner la pièce 3D753.
21 Dans votre déclaration préalable, dans le paragraphe 4, vous faites mention
22 d'une proclamation de l'armée yougoslave qui a été adressée aux Albanais,
23 leur demandant de ne pas quitter leurs foyers.
24 M. VISNJIC : [interprétation] Je vais demander que l'on montre les deux
25 pages de ce document, la première et la deuxième.
26 Q. Est-ce le document envoyé en tant que proclamation par l'armée
27 yougoslave ?
28 R. Je n'en suis pas sûr. Je ne sais pas si c'est vraiment ce document-ci
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1 qui a été envoyé. Je sais qu'un document comme celui-ci avait été envoyé et
2 son objectif était extrêmement sincère. Il s'agissait d'un temps difficile,
3 et il s'agissait d'essayer d'agir sur la situation, de la calmer pour faire
4 en sorte que les Albanais qui avaient quitté leurs foyers retournent chez
5 eux, qu'on trouve une solution politique.
6 Q. Bien.
7 M. VISNJIC : [interprétation] Maintenant le document 3D783, s'il vous
8 plaît. C'est la fiche d'information numéro 17.
9 Q. Tout à l'heure, vous avez vu votre discours lors des réunions de
10 collège et nous avons vu aussi ce rapport de renseignement assez volumineux
11 qui a couvert la période de plusieurs mois. Nous avons vu des rapports
12 d'information que vous avez présentés pendant la guerre, dans la soirée
13 principalement. Pourriez-vous nous dire quel est ce document ?
14 R. C'est un rapport que l'on envoyait au commandement subordonné. Il y en
15 avait deux sortes. Un qui présentait la situation en général pour chaque
16 jour, et un autre qui traitait d'une question spécifique. Ceux-ci n'étaient
17 envoyés qu'aux unités et aux commandements intéressés par ce genre
18 d'information.
19 Q. Dans ce document en date du 29 mars, vous avez une information
20 indiquant que dans les villages et dans les villes du Kosovo-Metohija, dans
21 les rangs de l'UCK se trouvent des membres infiltrés du renseignement et
22 des services de sécurité des Etats-Unis et de certains pays occidentaux, et
23 dont la mission est de coordonner le travail de l'UCK.
24 R. Oui, c'est effectivement l'information que nous avons reçue, et nous
25 l'avons passée au commandement du 3e Corps d'armée pour qu'ils voient de
26 plus près de quoi il s'agit.
27 Q. Très bien.
28 M. VISNJIC : [interprétation] La pièce 3D782. Là encore une information
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1 semblable envoyée au commandement du 3e Corps d'armée.
2 Q. En date du 3 avril 1999.
3 R. Oui, à nouveau, sur la base des informations venues du terrain, nous
4 avons recueilli des éléments tels qu'ils suffisent à mettre en garde nos
5 confrères au sein du 3e Corps d'armée pour empêcher les événements en
6 question.
7 Q. Ce qui m'intéresse, c'est le dernier paragraphe où on peut lire : "En
8 fonction des sources de renseignement venues de l'Occident, ils utilisent
9 des informations et ils disséminent des informations parmi les Siptar dans
10 la diaspora, qui indiquent que dans l'espace de 24 à 48 heures, l'OTAN va
11 commencer des bombardements sans distinction du Kosovo-Metohija; autrement
12 dit, ils sont en train de se préparer à raser le Kosovo."
13 R. Puisque nous pensions que c'était une information tout à fait probable,
14 il était tout à fait naturel de penser qu'il y avait des informations qui
15 étaient disséminées pour en profiter par la suite.
16 Q. On a un autre rapport, un rapport en date du 5 avril 1999, avec la cote
17 3D781. Il est très bref.
18 "Par rapport à la tentative de l'OTAN d'infiltrer des grands groupes de
19 Siptar et des forces spéciales supportées par des frappes aériennes." C'est
20 une information du 5 avril 1999. Est-ce que ceci a quoi que ce soit à voir
21 avec l'attaque qui a commencé le 10, les attaques de l'UCK depuis le
22 territoire albanais ?
23 R. C'est une information qui est venue du terrain, sans doute qu'elle
24 était exacte puisque, comme nous le savons, une dizaine de jours plus tard
25 de telles attaques comme celles annoncées dans ce texte ont véritablement
26 eu lieu.
27 Q. Merci.
28 M. VISNJIC : [interprétation] Pièce 3D779, s'il vous plaît.
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1 Q. Il s'agit d'une information du 13 avril 1999, et la liste des
2 destinataires de cette information est un peu plus vaste que s'agissant du
3 rapport précédent. Dans le rapport précédent, nous avions la 3e Armée qui
4 était le destinataire, cependant ceci a été envoyé à toutes les unités ?
5 R. Oui, nous avons considéré sur la base du contenu de chaque information
6 à qui il fallait l'adresser. Parfois on l'envoyait seulement à un seul
7 commandement, parfois à deux, parfois à trois, en fonction du contenu des
8 données.
9 Q. Dans cette information, il est question de 9 000 soldats qui sont déjà
10 en Albanie du nord, dont 2 500 Américains avec 24 hélicoptères Apache et 18
11 lance-roquettes multiples. Quelle était l'importance de cette information ?
12 R. Nous avons reçu cette information des officiels de l'OTAN indiquant que
13 l'on envoyait ces 24 hélicoptères d'abord en Albanie, mais ensuite, il
14 était prévu de les utiliser au Kosovo-Metohija. Les Apache sont des
15 hélicoptères extrêmement modernes et bien équipés pour le combat, et nous
16 avions peur de la possibilité de leur utilisation au Kosovo-Metohija et
17 ailleurs, car nous savions que lorsqu'ils étaient utilisés en Iraq,
18 beaucoup de chars ont été mis hors de fonction. Cependant pour des raisons
19 que nous ignorons, malgré les menaces de les utiliser, ceux-ci n'ont pas
20 été utilisés.
21 Q. Merci.
22 M. VISNJIC : [interprétation] Pièce 3D772, cette fois-ci il s'agit d'une
23 information du 4 mai 1999, page 2, premier paragraphe en anglais; et page 1
24 en B/C/S.
25 Q. Général, ici il est question de la possibilité d'une opération
26 terrestre de l'OTAN, et pouvez-vous vous pencher sur le paragraphe 2, où il
27 est dit :
28 "D'après les informations opérationnelles, l'OTAN planifie un blocus total
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1 des axes," ainsi de suite.
2 Ici justement il est fait mention de ces Apache dont vous avez parlé tout à
3 l'heure.
4 R. Oui.
5 Q. Est-ce que vous pourriez faire un commentaire sur la partie suivante :
6 "L'utilisation des Apache suivrait une fois toutes les communications
7 coupées et les réfugiés abrités derrière la zone frontalière."
8 R. Oui. Probablement dans la tactique portant sur l'emploi des Apaches, il
9 était prévu que les cibles, à savoir les chars et les transports, les
10 véhicules de transport de troupes blindés soient mis hors état de
11 fonctionnement lorsqu'ils seront isolés. Ce qui rendrait leurs tâches plus
12 faciles.
13 Q. Merci.
14 M. VISNJIC : [interprétation] La pièce 3D769, maintenant.
15 Q. Général, s'il vous plaît, veuillez faire un commentaire sur le premier
16 paragraphe de cette information en date du 12 mai 1999. Cette information
17 concerne le territoire de l'Albanie et les activités de l'OTAN en Albanie
18 du nord.
19 R. Oui. Ça aussi c'était une information venant du terrain pendant la
20 période pendant laquelle cette opération était déjà en cours, l'opération
21 selon laquelle l'UCK essayait d'effectuer une percée dans la région de
22 Kosovo. Cette information ne fait que confirmer cela.
23 Q. Et ici, il est dit que l'UCK est en train d'effectuer un entraînement
24 de 15 jours sous le commandement des officiers de l'OTAN. Vous aviez eu
25 cette information ?
26 R. Oui, nous avons eu cette information puisque l'UCK n'a pas toutes ses
27 forces sur la ligne de front en train d'essayer d'effectuer une percée.
28 Mais ils avaient aussi des forces en arrière dans la profondeur du
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1 territoire qui se préparaient pour de nouvelles actions.
2 Q. Merci.
3 M. VISNJIC : [interprétation] La pièce 3D758, s'il vous plaît, maintenant,
4 un rapport émanant de la direction de renseignements en date du 19 mai
5 1999.
6 Q. Général, il est question des cartes que l'UCK a mises à la disposition
7 des représentants américains.
8 R. Oui, ça aussi c'est une autre information du terrain, et nous avons
9 réussi à obtenir et à garder les exemplaires de ces croquis qui indiquent
10 qu'il y avait une coopération sur le terrain entre les structures de l'UCK
11 et les éléments de l'OTAN.
12 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames, Monsieur les
13 Juges, les cartes sont en annexe de ce document, pages 2, 3, 4, 5 et 6. Je
14 ne sais pas si ça existe dans la version en anglais, mais nous pouvons les
15 examiner au moins certaines.
16 Je pense que la carte numéro 6 est la plus appropriée. Merci.
17 Et aussi, s'il vous plaît, 3D762.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis.
19 M. HANNIS : [interprétation] Puis-je demander si une version en anglais de
20 ces cartes existe, car je ne l'ai pas.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic.
22 M. VISNJIC : [interprétation] Pour autant que je le sache, le service de
23 traduction refuse de traduire les cartes et les parties manuscrites. Nous
24 pouvons leur redemander mais apparemment, c'est leur pratique habituelle.
25 Les cartes sont dans la version en B/C/S, il n'y a pas de doute de leur
26 existence.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'en dites-vous, Monsieur Hannis ?
28 M. HANNIS : [interprétation] Je sais que nous avons des traductions des
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1 journaux manuscrits et des procès-verbaux manuscrits, ainsi de suite. Je ne
2 savais pas qu'ils refusaient de traduire les portions manuscrites. Et cette
3 portion manuscrite est de qualité bien supérieure à plusieurs de celles qui
4 ont déjà été traduites.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic, il va falloir traduire
6 cela.
7 M. VISNJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Cette partie du
8 compte rendu d'audience sera suffisante pour moi pour que je puisse le
9 transmettre au CLSS.
10 Q. Général, la pièce 3D762 est un rapport en date du 29 mai 1999 qui
11 concerne les provisions en armes. Ma question est tout d'abord de faire un
12 commentaire sur ce document.
13 R. Il est tout à fait clair que les membres de l'UCK obtenaient les armes
14 là où ils le pouvaient. Nous avons essayé de suivre toutes ces filières,
15 nous l'avons réussi en partie. Nous avons échoué en partie. Ça c'est l'une
16 de ces informations venant de l'étranger qui porte sur le fait qu'ils ont
17 essayé de se procurer des armes en France.
18 Q. Général, cette quantité d'armes et les montants utilisés pour les
19 payer, ce sont les données qui ne vont pas passer inaperçues par des
20 services compétents des pays en question ?
21 R. Il m'est difficile de vous dire si ceci est passé inaperçu ou pas.
22 Après la guerre nous avons même vu certains films dans lesquels certains
23 d'entre eux se vantaient en disant qu'ils ont réussi d'acheminer des armes
24 même en provenance des Etats-Unis sur le territoire du Kosovo-Metohija.
25 Nous pouvons supposer que, soit que certains services de ces pays le
26 savaient bien, soit qu'ils ont réussi à faire en sorte que ceci passe
27 inaperçu.
28 Q. Merci.
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1 M. VISNJIC : [interprétation] Le dernier document que j'ai est 3D760.
2 Q. Général, encore une information qui a été envoyée par l'état-major
3 général du 31 mai 1999. Est-ce que vous pouvez faire un bref commentaire
4 là-dessus, s'il vous plaît.
5 R. Oui. Nous avons reçu plusieurs informations de ce type indiquant que
6 l'aile extrême de l'UCK essayait de traiter de manière cruelle les
7 Albanais, les membres de leur propre groupe ethnique aussi, et s'agissant
8 des réfugiés et de ce qui arrivait à la population comme les expulsions,
9 les pillages de leurs maisons, parfois des meurtres, ils faisaient en sorte
10 que nos forces en soient accusées. Ça c'est l'une de telles tentatives.
11 M. VISNJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas si le
12 moment est opportun pour une pause, mais il me reste encore dix minutes à
13 peu près, peut-on reprendre demain matin.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crains fort qu'une autre affaire se
15 déroule ici cet après-midi. Nous ne pouvons pas prolonger même de peu,
16 Maître Visnjic, nous devons lever l'audience. Cependant, je note que vous
17 avez encore deux témoins qui ont été planifiés pour cette semaine et il va
18 falloir que vous fassiez quelque chose afin d'abréger cette déposition afin
19 de pouvoir nous permettre cela, car d'après votre évaluation, nous ne
20 pourrons pas terminer tout d'ici la fin de la semaine. J'apprécie les
21 efforts que vous faites avec ce témoin, mais beaucoup de ce qui a été dit
22 concernent les documents qui auraient pu être présentés par écrit. Mais
23 vous avez choisi de le faire de cette manière-là. Donc, veuillez abréger ce
24 que vous pourrez.
25 Monsieur Hannis, vous avez dit que peut-être vous avez quelque chose à dire
26 au sujet de la réponse au rapport d'expert d'hier ou aujourd'hui ?
27 M. HANNIS : [interprétation] J'ai vu le projet de document ce matin et je
28 sais que des corrections ont été faites. Je suppose que nous pourrons
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1 déposer cela un peu plus tard aujourd'hui.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est une réponse par écrit ?
3 M. HANNIS : [interprétation] Oui.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le problème c'est la position de la
5 Défense qui doit répondre.
6 M. HANNIS : [interprétation] Je pense que nous aurions vraiment dû mettre
7 ça par écrit.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
9 M. HANNIS : [interprétation] Nous avez vu que certains passages, en
10 particulier, de défaillances que nous trouvons dans le rapport qui
11 illustrent ce que nous essayons de prouver. Donc, je ne pense pas que nous
12 puissions le faire oralement à ce stade.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
14 Monsieur Krga, nous allons devoir terminer pour la journée d'aujourd'hui
15 puisque cet après-midi il y a une autre affaire qui se déroule dans ce
16 prétoire. Autrement dit, demain matin, vous devrez revenir afin de terminer
17 votre déposition. Cela commence à 9 heures du matin demain. Entre-temps, il
18 est extrêmement important que vous n'ayez pas de communications ou de
19 discussions avec qui que ce soit au sujet de votre déposition dans cette
20 affaire, y compris les parties dans cette procédure. Vous parlez avec qui
21 vous voulez, de quoi vous voulez si ce n'est de la déposition dans cette
22 affaire que vous avez faite.
23 Vous pouvez maintenant quitter le prétoire avec l'huissier et nous allons
24 vous retrouver ici demain à 9 heures demain matin.
25 [Le témoin quitte la barre]
26 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le jeudi 4 octobre
27 2007, à 9 heures 00.
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