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1 Le mercredi 28 novembre 2007
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.
5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Monsieur Filipovic.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons poursuivre notre
9 interrogatoire en application de cette déclaration officielle que vous avez
10 faite de dire la vérité et vous allez être interrogé par M. Cepic.
11 A vous, Maître Cepic.
12 M. CEPIC : [interprétation] Merci.
13 LE TÉMOIN: MILUTIN FILIPOVIC [Reprise]
14 [Le témoin répond par l'interprète]
15 Interrogatoire principal par M. Cepic : [Suite]
16 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.
17 R. Bonjour.
18 Q. Est-ce que vous avez pu vous reposer ?
19 R. Oui, merci.
20 Q. Pour ce qui est de la journée d'hier, j'aimerais que vous nous
21 indiquiez s'il y a des exemples où les Serbes sont partis en laissant leurs
22 biens aux Siptar ?
23 R. Il y a de nombreux exemples à ce sujet. C'est ainsi que les choses se
24 passent dans des circonstances de guerre. Les gens se sont entraînés comme
25 ils savaient et pouvaient.
26 Je vais vous donner un exemple, un professeur de mathématiques bien
27 connu à l'Université de Pristina, Toma Milenkovic, dès le début des
28 bombardements a déménagé et un bon voisin à lui, M. Semsudin Hejdija [phon]
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1 et son fils Halil, lui avait quatre fils, soit dit en passant. Il lui a
2 remis les clés, les frigos parce qu'il avait une production de cevapcici,
3 il lui a dit qu'il pouvait se servir de ce qui s'y trouvait. Ça vous
4 fournit un exemple. Parce que le voisin lui avait un restaurant.
5 Q. Merci. Vous nous avez parlé des migrations de Pristina. Alors
6 j'aimerais que vous m'indiquiez quand est-ce que les départs se sont
7 intensifiés le plus ?
8 R. Les départs de la population de Pristina ont commencé comme je
9 l'ai dit --
10 Q. Ça on l'a entendu.
11 R. L'intensité s'est accrue en particulier après le bombardement du noyau
12 central de la ville, ça s'est produit le 7 avril. Ensuite les départs se
13 sont intensifiés davantage encore parce que les bombardements sont portés
14 sur des capacités vitales, des installations vitales telles que le poste
15 transformateur principal de Pristina, puis la station d'épurement d'eau non
16 loin de Badovac qui sert à approvisionner Pristina. Les gens ont paniqué
17 parce qu'en plus on ne pouvait pas rétablir les lignes téléphoniques. Il y
18 avait les portables qui marchaient chez certains utilisateurs qui passaient
19 par une des centrales. Donc à partir de ce moment-là, l'intensification a
20 été très nette.
21 Q. Vous êtes témoin des événements à Pristina. Pouvez-vous nous dire quel
22 est le ratio entre les objectifs militaires et les objectifs civils qui ont
23 fait l'objet de frappes aériennes ?
24 R. Ce ratio va de 90 pour 10, 90 % des cibles bombardées à Pristina se
25 trouvaient être des bâtisses ou installations civiles. La seule bâtisse
26 militaire était la caserne de Pristina. Elle a été bombardée mais on avait
27 déménagé tous ceux qui s'y trouvaient. Parce qu'avant le début des
28 agressions, la brigade qui s'y trouvait est partie et s'est déployée. Le
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1 reste, ça a été des cibles essentiellement civiles.
2 Q. Merci. Mon Colonel, avez-vous pu voir des colonnes de civils dans la
3 ville de Pristina ?
4 R. Oui. J'ai pu voir des colonnes de civils, en effet, passant par la
5 ville de Pristina. J'ai notamment pu en voir à proximité immédiate de mon
6 poste de commandement à une dizaine de mètres de l'endroit où se trouvait
7 mon commandement. C'est là que très souvent il passait des colonnes au
8 cours de l'agression. Ceci s'est fait dirais-je dans les deux sens. Ces
9 colonnes allaient de plusieurs directions, en général de Donje Ljubce,
10 Grastica, en passant par Vranjevac, en passant aussi à côté du tribunal
11 municipal, puis à côté de l'assemblée municipale, la mairie, puis ensuite
12 par la rue Mladina Popovica à côté du lycée et la rue des prolétaires.
13 Cette colonne s'est divisée pour aller vers le centre d'une part par la rue
14 de Vidovdanska et l'autre passer par la rue de Belgrade. On faisait demi-
15 cercle, ces mêmes colonnes faisaient demi-cercle pour revenir dans le sens
16 inverse et dans les colonnes, il y avait les mêmes gens.
17 L'objectif, notamment dans la partie de Ljubce à Grastica, était de faire
18 en sorte que dans ces colonnes soient -- enfin que les terroristes qui
19 jetaient leurs armes et qui fuyaient devant les forces qui leur tiraient
20 dessus et qui se battaient contre eux, venaient rejoindre les colonnes pour
21 passer avec. C'était une façon de procéder analogue à celle de 1990 où ils
22 tombaient raides empoisonnés par une poison inexistant, et notoirement
23 connu je ne vais pas m'y attarder davantage.
24 Q. Merci, Mon Colonel.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne comprends pas. Monsieur Cepic,
26 vous devriez savoir est-ce que cette colonne s'en allait en raison des
27 bombardements ou est-ce que c'était parce qu'il y avait eu des actions
28 organisées par l'UCK. C'est plutôt flou.
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1 M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, nous allons
2 essayer de tirer tout cela au clair.
3 Q. Mon Colonel, dans ces colonnes que vous venez de décrire en train de se
4 déplacer par Pristina, aviez-vous pu reconnaître les mêmes gens ?
5 R. Dans ces colonnes qui passaient par Pristina, et notamment à côté du
6 bâtiment où avait son siège mon commandement, après le passage dans un
7 sens, je voyais les mêmes gens repasser. Je n'étais pas seul. Les autres
8 membres de mon commandement les voyaient aussi en train de revenir par la
9 même route, mais dans le sens inverse. Nous avons même demandé à certains :
10 "Mais où allez-vous ?" Alors, ils nous disaient : "On ne sait pas. On nous
11 a dit de faire comme ça."
12 Enfin, je suis né là-bas et j'y ai séjourné longtemps. Je connais bon
13 nombre de personnes moi-même et j'ai pu savoir que c'étaient les mêmes
14 personnes qui allaient dans un sens puis dans l'autre.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que ces différentes colonnes
16 étaient celles qui cherchaient à fuir les bombes ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Ma réponse s'énonce comme suit : une partie de
18 la colonne se comportait de la façon que je viens de vous expliquer. Une
19 partie des citoyens s'est effectivement enfuie parce qu'ils étaient
20 préoccupés, apeurés par les bombardements. Ils avaient des membres de leurs
21 familles qui ont été blessés ou tués par les bombardements, et cette
22 partie-là des civils, des citoyens, s'en est allée. Celle que je viens
23 d'évoquer, ils étaient très nombreux. C'était une masse de gens. Ceux qui
24 imitaient les départs étaient plus nombreux que la première des catégories,
25 du moins pour ce qui concerne la ville de Pristina.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
27 Monsieur Cepic.
28 M. CEPIC : [interprétation]
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1 Q. Mon Colonel, est-ce que vous avez pu, dans les rues de Pristina, voir
2 des Albanais notoirement connus ?
3 R. Oui, j'en ai vu de nombreux. Ce sont des gens que j'ai fréquentés à mon
4 poste de commandement, parce que je me trouvais à proximité de la mairie,
5 c'est au quotidien que je les voyais ces gens parce qu'ils venaient au
6 travail. J'en voyais d'autres Albanais que je connaissais, qui déambulaient
7 par les rues. Par exemple, l'idéologue terroriste, Adem Demaci, notoirement
8 connu, presque tous les jours il passait à côté de mon commandement. Il
9 portait un imperméable de couleur crème, presque blanc, il passait sans
10 encombre dans un sens puis dans l'autre pendant toute l'agression. Je l'ai
11 remarqué. Il a été remarqué par les membres de mon commandement à moi. Cela
12 peut être valable pour d'autres, mais je vous ai donné un exemple au
13 hasard, et c'est la vérité vraie.
14 Q. Un petit éclaircissement : qu'est-ce qui rend Adem Demaci si connu ?
15 R. Adem Demaci est connu par bon nombre de choses négatives, notamment
16 parce que bien des années auparavant il a été condamné pour ses activités
17 terroristes. Entre autres, il y a une trentaine d'années de cela, il a fait
18 l'objet d'un jugement de neuf ans de prison pour des activités terroristes,
19 et par un concours de circonstances, mon père a été juré dans la chambre
20 qui l'a condamné. Il a plus tard été aussi condamné à plusieurs reprises.
21 Il a passé d'ailleurs la majeure partie de sa vie dans des prisons en
22 raison de ses activités terroristes et de ses incitations au terrorisme.
23 Q. Ce qui m'intéresse, est-ce que ce sont des jugements du temps de la
24 RSFY ?
25 R. Oui. C'étaient des jugements rendus du temps de la RSFY, à savoir des
26 années 1960, après la quatrième session plénière de la Ligue des
27 Communistes de Yougoslavie.
28 Q. Mon Colonel, quelle était la situation pour ce qui est des
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1 circonstances vitales dans la ville de Pristina ?
2 R. En bref, pour ce qui est de la ville de Pristina, compte tenu des
3 frappes aériennes au quotidien et des circonstances de guerre, la vie,
4 compte tenu desdites circonstances, se déroulait de façon relativement
5 normale. Je dis relativement normale en raison des bombardements quotidiens
6 et des activités terroristes. Par exemple, toutes les boulangeries dans la
7 ville étaient ouvertes. Il y a les boulangeries tenues par les Siptar et
8 par les Serbes qui étaient ouvertes. Une grande boulangerie qui était une
9 boulangerie d'Etat, elle était ouverte aussi. La télévision en langue
10 siptar, en langue serbe, en langue roma, et langue turque diffusait au
11 quotidien. La radio diffusait dans les quatre langues aussi. On publiait
12 les journaux et on les distribuait en langue siptar également. Les magasins
13 d'approvisionnement étaient ouverts. Le centre hospitalier était là pour
14 soigner tous les citoyens. La maternité était ouverte. Compte tenu du fait
15 qu'avec les services de la mairie j'ai eu des contacts fréquents en raison
16 des actes de décès pour les membres de l'armée qui se sont fait tuer. Le
17 chef de ce service de l'Etat civil s'appelait Adnan, et je me souviens
18 qu'il y a plus de 100 enfants siptar d'inscrits dans les registres des
19 naissance à la maternité de Pristina, bien que bon nombre n'ont pas été
20 enregistrés du fait de la guerre, mais je veux dire par là que toutes les
21 institutions fonctionnaient.
22 Q. Merci.
23 M. ZECEVIC : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Zecevic.
25 M. ZECEVIC : [interprétation] Page 6, 17. Je crois qu'il a été question de
26 la langue turque, et il a dit que la radio était opérationnelle dans les
27 quatre langues, et ça n'a pas été consigné.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
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1 M. CEPIC : [interprétation] Merci.
2 Q. Colonel, pendant cette agression, a-t-on versé les pensions aux
3 citoyens indépendamment de leur appartenance ethnique ?
4 R. Cette fonction-là aussi au niveau de l'autogestion locale fonctionnait,
5 au niveau des autorités. Lorsque la poste principale a été frappée, nous
6 n'avons plus pu nous servir des services postaux de paiements des pensions.
7 Le PTT a réagi tout de suite pour aménager des guérites improvisées dans le
8 bâtiment de l'immeuble Union à côté du théâtre. Il y a eu plusieurs
9 guichets d'ouverts, et c'est à ces guichets-là que les gens faisaient la
10 queue pour se faire verser leur salaire. Parmi ces personnes, il y avait
11 surtout des Siptar parce qu'ils sont plus nombreux en ville et ils étaient
12 plus nombreux à être retraités également. La même chose fonctionnait à
13 Gracanica, qui est l'une des localités les plus habitées dans la
14 municipalité de Pristina. Gracanica a versé les pensions pour les villages
15 d'Ajvalia, Mramor, Slivovo, Dragovac, Saskovac, et les autres villages
16 environnants. C'est ce que je pourrais vous dire au sujet des retraites.
17 Q. Est-ce que vous pouvez vous souvenir de certains noms de personnes que
18 vous avez vues à l'occasion de ces paiements ?
19 R. A l'occasion de ces paiements, je dirais que ça c'est fait à
20 l'intention de tous les citoyens. On versait essentiellement les retraites
21 parce que le fond de pension était le fond de pension de la république, et
22 il y avait le fond de pension des retraités militaires. J'ai reconnu bon
23 nombre de ceux qui étaient des retraités militaires et qui prenaient là
24 leur pension. Je ne vais pas maintenant énumérer leurs noms. Je dirais
25 qu'ils ont été nombreux, et bon nombre d'entre eux - parce qu'il y a eu une
26 catégorie de personnes qui séjournaient là qui partaient du Kosovo, mais
27 qui revenaient pendant l'agression à plusieurs reprises. Il y a eu donc des
28 personnes qui étaient parties puis qui sont revenues par la suite.
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1 Q. Merci. Vous avez indiqué que les boulangeries ont été ouvertes pendant
2 toute la durée de la guerre. Savez-vous quel était le ratio ethnique dans
3 la grande boulangerie ?
4 R. La grande boulangerie municipale, qui se trouvait sur la route de
5 Kosovo Polje et dont le directeur était Djordje Simic, produisait au
6 quotidien 20 à 25 mille kilos de pain, c'était à peu près l'équivalent de
7 la production avant l'agression. Et pour ce qui est du ratio du personnel :
8 je dirai qu'il y avait plus de deux tiers de Siptar, notamment dans la
9 production immédiate du pain, parce que la production du pain n'est pas une
10 tradition des Serbes. Mais nonobstant ce fait, un grand nombre
11 d'entreprises ont mis en place une obligation de travail, et plus de 50 %
12 dans les entreprises et dans les établissements sociaux étaient des Siptar
13 qui venaient régulièrement au travail. Et le tribunal municipal avait des
14 juges d'instruction et autres juges et employés qui venaient au travail
15 pour prendre part aux travaux, aux procès qui se déroulaient comme à
16 l'accoutumée, et ainsi de suite.
17 Q. Colonel, je veux parler maintenant des établissements religieux. A-t-on
18 endommagé ou détruit un édifice religieux quel qu'il soit dans la ville de
19 Pristina ?
20 R. Pour ce qui est de la ville de Pristina, ce que je puis dire c'est que
21 l'on n'a détruit ni endommagé aucun édifice religieux. Quand je dis
22 "édifice religieux", je parle des édifices islamiques, des édifices
23 catholiques et orthodoxes. Mais je sous-entends en particulier les édifices
24 islamiques.
25 Parce que non loin de mon commandement, il y avait trois grandes mosquées
26 qui constituent le patrimoine culturel de cette communauté islamique, il y
27 a la mosquée impériale, Carska et Jasar Pasa, toutes ces mosquées sont
28 intactes comme les autres édifices, et pendant les frappes aériennes, les
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1 services religieux se sont poursuivis. Je l'ai vu en personne. Pour ce qui
2 est des bâtiments orthodoxes, je dirai que le cimetière orthodoxe, lui, a
3 été bombardé à plusieurs reprises, et une fois ça été bombardé alors que je
4 m'y trouvais moi-même pour un enterrement, l'enterrement d'un officier tué.
5 Il répondait au nom de Milic. C'est le frère jumeau de quelqu'un qui a péri
6 à l'occasion des frappes aériennes de l'OTAN. Nous avons eu du mal à
7 terminer l'enterrement, parce qu'il s'en est fallu de peu que nous
8 périssions nous aussi. Bon nombre de tombes ont été endommagées.
9 Le cimetière de Gornja Brnjica et l'église de Dobranska [phon] ont été
10 endommagés, le patrimoine religieux et l'édifice commémoratif de Gazimestan
11 se sont vus endommagés aussi, édifice qui commémore la bataille du Kosovo.
12 Q. S'agissant de ces édifices religieux qui appartenaient à l'Eglise
13 catholique, orthodoxe, ou à la confession musulmane, est-ce qu'il y a eu
14 d'autres installations militaires ou équipements qui auraient été placés à
15 l'intérieur de l'un quelconque de ces édifices ?
16 R. Je vous affirme catégoriquement que non.
17 Q. Merci. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir s'il y a eu des frappes
18 aériennes avec utilisation de bombes à fragmentation ?
19 R. Dans Pristina et dans les environs, on a souvent utilisé ces bombes à
20 fragmentation. Les restes de ces bombes à fragmentation nous les
21 ramassions, et c'est avec ces restes-là que nous avons fabriqué devant
22 notre commandement une espèce d'exposition afin que tous les citoyens
23 serbes et siptar confondus, ceux qui passaient par là, puissent voir cette
24 collection de restes de bombes. Et ça a été même filmé par des journalistes
25 étrangers.
26 Q. Merci. Veuillez me donner un exemple des villages les plus importants
27 dans les parages de Pristina. Comment la vie se déroulait-elle ? Avez-vous
28 des exemples concrets à nous apporter ?
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1 R. Je vais dans le concret vous énumérer quelques villages, bien que
2 Pristina en sa qualité de municipalité englobe en son sein plus de 46
3 villages. Je vais vous parler des villages les plus proches. Par exemple,
4 le village de Gracanica est le village le plus grand habité par des Serbes
5 au Kosovo-Metohija.
6 La vie s'y déroulait de façon relativement normale, mis à part le fait qu'à
7 proximité immédiate du monastère de Gracanica et de la cité elle-même, il y
8 a eu souvent bombardements d'installations militaires; à savoir un entrepôt
9 qui se trouvait non loin de là. Les citoyens étaient plutôt troublés par ce
10 fait-là. Autrement, la vie avait son cours normal.
11 Je dirais que dans le village il y avait aussi une grande boulangerie qui
12 existait avant l'agression, et qui était la propriété de Nikolj Leki
13 [phon], un Siptar, et cette boulangerie a approvisionné les citoyens en
14 pain avant, pendant et après l'agression. Et lorsque son fils a été tué,
15 les villageois de Gracanica, des Serbes, sont allés à l'enterrement dans la
16 région de la Metohija dont était originaire cet homme-là. Voilà un exemple.
17 Il y a un autre village, Ajvalija, qui a été l'un des villages les plus
18 importants à la population albanaise. A l'époque, il y avait une majorité
19 serbe, mais ce n'était plus le cas récemment. La vie s'y déroulait de façon
20 normale et organisée. Il y a eu des exemples où les Serbes s'entraidaient,
21 eux et les Siptar, en matière d'approvisionnement en vivres. Tous les
22 magasins étaient ouverts. Uniquement et essentiellement, dirais-je, les
23 magasins qui étaient tenus par des Siptar. Les familles Vitija, Gashi,
24 Berisha, ces magasins-là étaient constamment ouverts. La mosquée --
25 Q. Je vous prie de ralentir un peu parce que ce n'est pas consigné au
26 compte rendu d'audience.
27 R. La mosquée du village de Gracanica a non seulement été intacte, mais on
28 y poursuivait le service de façon normale sans entrave aucune. Et je dirais
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1 que le village avait même reçu une partie des réfugiés siptar originaires
2 des localités environnantes. Le comité du village les a acceptés. Dans le
3 comité du village, il y avait les familles Pacoli [phon], Vitija, et Drela.
4 Dans ce village il y a eu une tentative de départ à deux reprises, départ
5 de Siptar, j'entends, et ce, notamment dans la direction de Kolonija,
6 Ajvalija, Vujci Potok, et Mramor. L'autre tentative visait l'axe Vucji
7 Potok et Mramor parce qu'on leur avait promis là-bas qu'ils seraient
8 accueillis par les forces terroristes. Certains y sont restés un ou deux,
9 voire trois jours, puis sont revenus dans leur village, s'étant rendu
10 compte du fait que ce n'était pas exact. Pendant l'agression ces gens-là
11 ont vécu de façon relativement paisible. Personne n'a péri mis à part un
12 citoyen un dénommé Sopiani qui, dans le secteur de Mramor et Mranice, a
13 péri et on n'a pas pu savoir comment.
14 Q. Merci.
15 R. Pour ce qui est du village de Maticane, c'est l'un des villages les
16 plus grands, qui est le plus proche probablement de la ville de Pristina
17 avec une majorité de population siptar. Il y a eu peut-être une vingtaine
18 de maisons de Serbes à peine. La vie s'y déroulait de façon presque
19 normale, étant précisé que dans ce village les Serbes, peu nombreux pendant
20 l'agression ou peu de temps avant, puis pendant cette agression, se sont
21 fait chasser de là. Certains ont été tués et kidnappés. Par exemple, Kostic
22 Momir, il a été kidnappé et sa femme a été tuée par les terroristes.
23 Q. Merci.
24 R. Et bon nombre d'autres, je ne vais pas vous donner tous les noms. Il y
25 avait une femme qui s'appelait Julijana qui a été tuée. Son mari aussi a
26 été tué, et cetera.
27 Q. Merci. Je vous demanderais maintenant rapidement de bien vouloir nous
28 parler de Kisnica ?
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1 R. Le village de Kisnica est un village qui abrite une mine non loin de
2 Gracanica Jezero. C'est vieille mine où existait une colonie de mineurs.
3 Elle est habitée par des Serbes et par des Siptar.
4 Cette mine nécessitait de nombreuses ressources humaines. Avant
5 l'agression, il y a eu déclin de la production et la mine a fonctionné à
6 capacité réduite. Mais certaines parties de la mine ont tout de même
7 fonctionné pendant toute l'agression. Les Serbes et les Siptar avaient des
8 obligations de travail pendant toute l'agression et le poste de
9 commandement du commandement du corps s'est trouvé à cet endroit pendant
10 quelque temps. Ce qui s'est passé, c'est la chose suivante.
11 La vie s'est déroulée dans ce village assez normalement. Un centre
12 médical y a été ouvert, qui était dirigé par le Dr Jahija, un Albanais, qui
13 était en fait dentiste et qui a dirigé pendant une longue période ce centre
14 médical, ce dispensaire. Non loin de là, il y avait un centre de réfugiés,
15 où des réfugiés ont été logés, des Serbes qui avaient fui de Croatie et de
16 Bosnie-Herzégovine.
17 Dans ce centre, pendant l'agression sont arrivés également un certain
18 nombre de Siptar qui avaient fui les villages avoisinants et qui s'étaient
19 enfuis en fait en même temps que des Serbes en partageant exactement le
20 même sort que les Serbes. Ils étaient à peine à une centaine de mètres du
21 poste de commandement.
22 Q. Je vous remercie. Mon Colonel, ceci sera ma dernière question : les
23 membres de l'armée yougoslave de Pristina ont-ils d'une façon ou d'une
24 autre participé à l'expulsion des habitants ?
25 R. En un mot je vous répondrai non. Il n'y a pas eu un seul cas de ce
26 genre.
27 Q. Je vous remercie. Merci de tout cœur, Mon Colonel.
28 M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. C'était ma
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1 dernière question.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Maître Cepic.
3 Maître Fila, à vous.
4 M. FILA : [interprétation] Je serai très rapide, Monsieur le Président, je
5 n'ai que quelques petites questions à poser au témoin.
6 Contre-interrogatoire par M. Fila :
7 Q. [interprétation] Mon Colonel, j'aurais quelques questions à vous
8 poser. Vous avez déjà eu sous les yeux le document 5D348.
9 J'en demande maintenant l'affichage sur les écrans.
10 En attendant que l'affichage se fasse -- voilà. Le document est sur
11 les écrans, et j'en demande l'agrandissement.
12 Comme vous le constaterez, nous lisons ici : "Après le transfert
13 planifié du poste de commandement en dehors du siège du commandement."
14 Voici la question que j'aimerais vous poser en rapport avec cela :
15 une fois que le commandement du Corps de Pristina a été transféré, est-ce
16 qu'ensuite pendant la guerre il est revenu à son lieu d'origine ?
17 R. Lorsque le commandement a été transféré hors du bâtiment qui abritait
18 son siège jusqu'à ce moment-là en temps de paix, bâtiment où je me trouvais
19 entre autres, ce poste de commandement n'est jamais revenu à cet endroit
20 par la suite. Moi-même, en tant que commandant de garnison, j'ai pris sur
21 moi d'assurer la sécurité extérieure de ce transfert, mais l'intérieur du
22 commandement n'a plus jamais été investi.
23 Q. Dites-moi, je vous prie, quel était l'aspect du commandement du Corps
24 de Pristina, quel est l'aspect général d'un poste de commandement ? Combien
25 s'y trouve-t-il d'hommes, que se passe-t-il dans un poste de commandement ?
26 De quoi est-il besoin pour commander le Corps de Pristina ?
27 R. En tant que membre du commandement du corps, je peux vous l'expliquer,
28 bien que cela ne relève pas de mes responsabilités directes, étant donné le
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1 poste que j'occupais, mais je vais m'efforcer de répondre.
2 Le commandement d'un corps d'armée est un mécanisme complexe. C'est une
3 institution qui se divise en plusieurs parties sur le plan structurel,
4 notamment en temps de guerre, car le déploiement se fait à ce moment-là sur
5 un territoire assez important.
6 Q. Je vous interrogeais au sujet du temps de paix. Quel était l'aspect du
7 poste de commandement du Corps de Pristina en temps de paix dans ce
8 bâtiment.
9 R. Dans le bâtiment qui était le siège du commandement du corps pendant
10 toute la période de paix, il se trouvait là une centaine d'hommes, c'est-à-
11 dire les effectifs de commandement. D'ailleurs le bâtiment n'abritait pas
12 que le commandement du Corps de Pristina.
13 Q. Qu'y avait-il d'autre dans ce bâtiment ?
14 R. Le bâtiment comptait cinq étages. Si je me souviens bien, il y avait
15 d'autres organismes dans ce bâtiment. Je pense qu'il y avait cinq étages,
16 peut-être que je me trompe d'un étage.
17 Q. Vous nous avez dit que vous vous étiez occupé de la sécurité du
18 bâtiment, la partie extérieure du bâtiment, une fois que vous avez été
19 nommé commandant de la garnison de Pristina.
20 Voilà la question que j'aimerais vous poser. Pendant la guerre, est-
21 ce que des militaires pénétraient dans le bâtiment ? Le général Lazarevic,
22 par exemple, ou le général Pavkovic, y compris des représentants de la
23 police, et même des civils, est-ce qu'il y avait en temps de paix des
24 militaires, des policiers ou des civils qui entraient dans le bâtiment ?
25 Est-ce que des hommes qui commandaient des unités de l'armée yougoslave ou
26 des formations du MUP pénétraient dans le bâtiment ?
27 R. Non, absolument pas. Je le déclare catégoriquement, cela n'a pas été le
28 cas, car le commandant de la garde m'en aurait informé. C'était Vuckovic.
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1 Je l'aurais su personnellement.
2 Q. Encore une question. Pour commander, vous avez bien besoin de maintenir
3 en fonctionnement des communications ou est-ce qu'il y a quelqu'un qui est
4 assis dans une pièce et qui commande en regardant par la fenêtre ?
5 R. On ne peut pas commander en l'absence d'un système de transmission qui
6 met en communication d'une façon systématique un certain nombre d'éléments
7 différents.
8 Q. Est-ce que cette structure systématique existait dans ce bâtiment, oui
9 ou non ?
10 R. Je vais vous dire ce qui suit. Le 52e Centre de transmission se
11 trouvait dans ce bâtiment. Mais au début de l'agression, tout le 52e Centre
12 de transmission qui était un centre fixe a déménagé.
13 Q. J'en arrive à ma dernière question. Si j'ai bien suivi ce que vous nous
14 avez dit -- je lis le compte rendu d'audience. Vous avez dit que "le 52e
15 Centre de transmission était fixe", n'est-ce pas ?
16 R. Oui, c'était le 52e Centre de transmission fixe qui avait à sa tête le
17 colonel Mladenovic et tout ce centre a été transféré ailleurs au début de
18 l'agression.
19 M. FILA : [interprétation] Ce n'est toujours pas ce qui convient que je lis
20 dans le compte rendu d'audience.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voyons si nous pouvons reposer la
22 question. La question était la suivante : est-ce que ce système de
23 transmission moderne se trouvait pendant la guerre dans ce bâtiment ? Je
24 veux parler du bâtiment qui était le siège du commandement du Corps de
25 Pristina. Quelle est la réponse ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] La réponse est la suivante : il ne s'est
27 trouvé dans ce bâtiment ni les moyens techniques ni les hommes qui
28 faisaient fonctionner ces moyens, car si ces appareils s'étaient trouvés
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1 dans le bâtiment par le passé, ils ont été déménagés.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous aviez dit quelque chose de très
3 différent tout à l'heure. Vous parliez, je crois, du 52e Centre de
4 transmission. Qu'avez-vous dit au sujet de ce centre qui n'a pas été
5 consigné au compte rendu d'audience ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que ce centre de transmission avait
7 été déménagé au début de l'agression, c'est-à-dire transféré de ce bâtiment
8 dans un autre lieu où il devait être installé selon les plans en vigueur.
9 M. FILA : [interprétation]
10 Q. Ma dernière question, Mon Colonel. Vous avez évoqué un centre
11 d'information --
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais -- non, ça va. Merci. Veuillez
13 poursuivre.
14 M. FILA : [interprétation]
15 Q. Vous avez évoqué le centre d'information du Corps de Pristina.
16 Pourriez-vous nous dire dans quel bâtiment se trouvait ce centre
17 d'information et à quoi il servait ?
18 R. Ce centre d'information se trouvait dans le bâtiment qui abritait
19 l'hôtel Grand, et pour l'essentiel il servait à informer l'opinion en
20 maintenant un contact avec les autres moyens d'information. Il servait à
21 informer l'opinion du Kosovo-Metohija, surtout des mesures qui étaient
22 prévues par l'armée pour créer des conditions acceptables en temps de
23 guerre et permettre une vie normale pour les civils.
24 Q. Vous conviendrez avec moi que le commandement du Corps de Pristina
25 n'avait pas son siège dans les locaux de l'hôtel ?
26 R. En effet, c'est exact. Son siège n'était pas à l'hôtel.
27 Q. Merci.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Sachdeva.
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1 M. SACHDEVA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
2 Contre-interrogatoire par M. Sachdeva :
3 Q. [interprétation] Bonjour. Je suppose que je peux m'adresser à vous en
4 vous appelant "Mon Colonel". Cela vous convient ?
5 R. Cela me convient. Bonjour.
6 Q. Avant d'aborder un sujet de fond, j'aimerais revenir à une réponse que
7 vous avez apportée à la Défense hier. On vous demandait si l'armée
8 yougoslave pouvait tirer à partir de Vranjevac sur le village de Kojlovica.
9 Vous vous souvenez de cette question ?
10 R. Je m'en souviens.
11 Q. Vous avez répondu à cette question en disant que cela n'avait pas lieu,
12 et je vous cite : "Surtout en raison du fait que Kojlovica était habité
13 aussi bien par des Serbes que par des Albanais." Vous vous rappelez avoir
14 dit cela ?
15 R. Je m'en souviens, mais quand j'ai dit "surtout parce que," ce n'était
16 pas hors contexte. C'était dans le contexte déjà créé par la question
17 précédente.
18 Q. Je vais formuler ma question ainsi : lorsque vous dites "surtout parce
19 que le village était habité par les deux groupes ethniques," est-ce que
20 cela veut dire qu'à vos yeux il était inconcevable que l'armée yougoslave
21 tire sur des civils serbes ? Vous conviendrez que c'est peut-être cela ?
22 R. Il était inconcevable que l'armée yougoslave ouvre le feu de quelque
23 façon que ce soit, dans quelque condition que ce soit, sur quelque civil
24 que ce soit. Par conséquent, pour l'armée yougoslave, les civils, qu'ils
25 aient été Siptar ou Serbes, étaient identiques.
26 Q. Je suppose que si le village n'avait été habité que par des civils
27 albanais, la situation aurait été la même ?
28 R. Je l'ai déjà dit - et je le répète encore - l'armée yougoslave n'a
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1 jamais ouvert le feu sur quelque civil que ce soit. Elle n'aurait jamais pu
2 imaginer de le faire. Agir ainsi aurait été en contradiction avec les
3 conventions internationales ainsi qu'avec les lois de la guerre ou coutumes
4 de la guerre, ainsi qu'avec notre législation. Ça, tous les combattants,
5 tous les officiers de l'armée yougoslave en étaient pleinement conscients.
6 Q. Mon Colonel, vous avez dit que pendant tout le conflit, en tout cas
7 depuis le début de la campagne de bombardement de l'OTAN, vous vous êtes
8 trouvé à Pristina, n'est-ce pas ?
9 R. C'est exact.
10 Q. Durant la suite du conflit, je crois comprendre que vous êtes resté à
11 Pristina.
12 R. Oui, ceci est également exact.
13 Q. Donc, vous n'avez pas eu l'occasion de vous rendre dans les autres
14 municipalités du Kosovo qui étaient en dehors des lignes, n'est-ce pas ?
15 R. Il m'est arrivé une fois de m'éloigner de Pristina. Cela s'est passé
16 pendant l'agression. J'ai demandé au commandement du corps si je pouvais le
17 faire. Il m'en a donné l'autorisation. Il m'a donc permis d'aller rendre
18 visite à mon fils dans la région de Vitina, et c'est ce que j'ai fait. Mon
19 voyage a duré un jour, car je suis rentré le même jour. Le reste du temps,
20 je l'ai passé à Pristina et dans la zone élargie de Pristina.
21 Q. Très bien, donc. En réponse à ma question, vous dites qu'en dehors de
22 ce seul jour où vous avez effectué une visite familiale, si je puis
23 m'exprimer ainsi, vous n'êtes pas allé à l'endroit où se trouvaient les
24 autres postes de commandement au Kosovo-Metohija, n'est-ce pas, pendant le
25 conflit ?
26 R. Pour répondre à votre question, je dirais ce qui suit : il y avait dans
27 la ville de Pristina de nombreuses autres formations militaires qui avaient
28 chacune son poste de commandement. J'ai rendu visite à certaines de ces
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1 formations comme, par exemple, le poste de commandement de la région
2 militaire de Pristina, où je me suis rendu à deux ou trois reprises, comme
3 par exemple, le poste de commandement du département militaire de Pristina,
4 où je suis également allé. Ces visites que je viens d'évoquer étaient des
5 visites officielles. Ce sont les seules qui me reviennent à l'esprit à
6 l'instant.
7 Q. Je vous remercie. Peut-être que ma question n'était-elle pas
8 suffisamment précise. Je souhaiterais que vous précisiez à mon intention
9 que pendant le conflit vous n'êtes pas allé rendre visite aux installations
10 militaires de Pec, de Prizren ou de Kosovo Polje; c'est bien le cas, n'est-
11 ce pas ?
12 R. Ça, non. Je n'y suis pas allé, non.
13 Q. Vous devez admettre que vous n'étiez pas en position de savoir si
14 l'armée yougoslave, dans ces régions - et bien sûr, l'armée yougoslave
15 était présente dans ces régions - vous ne pouviez pas savoir si l'armée
16 yougoslave tirait en fait sur les civils ou si elle violait les lois
17 humanitaires ?
18 R. Je ne dirais pas que je ne le savais pas, parce que le savoir ne se
19 limite pas à ce que l'œil voit; même si l'œil, bien sûr, quand il a vu
20 quelque chose, est peut-être plus convaincant et a plus de poids. J'avais
21 des contacts avec les combattants et pas une seule fois je n'ai entendu
22 parler de ce que vous dites. Ça, c'est le premier point.
23 Puis deuxièmement, il y a un certain nombre de choses que nous avons
24 apprises. Il y a la préparation que nous avons subie avant l'agression, et
25 sur ces deux bases, j'étais convaincu que ce que vous évoquez ne pouvait
26 pas se produire.
27 Voilà ce que je vous réponds.
28 Q. Votre travail consistait à assurer le commandement de la garnison de
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1 Pristina, n'est-ce pas ?
2 R. Je commandais un groupe de commandement dont j'ai déjà parlé. J'ai
3 décrit sa structure ainsi que de la garnison de Pristina.
4 Q. Au sein de ce groupe de commandement, y avait-il des départements qui
5 ont activement participé au combat ?
6 R. J'ai déjà dit cela hier et je vais le répéter aujourd'hui : au sein de
7 ce groupe, il n'existait aucun élément de combat. Pendant l'agression
8 jusqu'à la signature de l'accord de Kumanovo, nous n'avons pas participé au
9 combat. Aucun membre de ce groupe, aucun membre du commandement de la
10 garnison n'a tiré ne serait-ce qu'une seule balle sur qui que ce soit.
11 Aucun de ces hommes n'a même visé qui que ce soit à l'aide d'une arme. Ça,
12 c'est la vérité.
13 Q. Je vais vous poser une question, parce que je me souviens, vous vous en
14 souvenez également sans doute, qu'hier on vous a demandé si vous-même ou un
15 de vos collègues auraient tiré une balle, et vous avez répondu que vous
16 n'aviez même pas visé qui que ce soit avec le canon d'un fusil. Vous vous
17 rappelez avoir dit cela ?
18 R. Je m'en souviens et je dis que ma réponse vaut pour toute la période de
19 l'agression, et ce, jusqu'à la signature de l'accord de Kumanovo.
20 Q. Je suppose -- enfin, est-ce que vous pourriez dire aux Juges quel était
21 le nombre de soldats qui composaient le groupe que vous commandiez ?
22 Soldats et officiers, s'il vous plaît, en gros.
23 R. Les effectifs variaient de temps en temps. Durant l'agression, le
24 nombre des hommes qui constituent ce groupe s'est légèrement accru, mais en
25 moyenne je pourrais dire que ce groupe comptait 100 à 150 hommes.
26 Q. Je suppose que vous-même et les autres officiers étaient armés pendant
27 le conflit, n'est-ce pas ?
28 R. Oui. Tous ceux qui faisaient partie de ce groupe avaient une arme. Nous
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1 avions les armes prévues par les règlements applicables à la formation que
2 nous représentions, donc il ne s'agissait pas de n'importe quelles armes.
3 Il s'agissait de fusils et de revolvers, pour l'essentiel.
4 Q. L'un ou l'autre des autres officiers ou vous-même étaient peut-être en
5 possession d'un fusil semi-automatique, d'une Kalachnikov ?
6 R. Nous avions un fusil M-70A.
7 Q. Vous conviendrez avec moi que votre garnison et vous-même, ainsi les
8 autres soldats qui vous accompagnaient, pouviez constituer une cible
9 militaire légitime. Vous en êtes d'accord, n'est-ce pas ?
10 R. Je ne sais pas si nous étions une cible légitime. Je n'ai
11 personnellement aucune nécessité de réfléchir à la question. J'ai rempli
12 mon devoir. Est-ce que j'étais une cible d'une nature ou d'une autre ? Est-
13 ce que j'étais une cible ou pas ? Cela ne m'intéressait pas à l'époque.
14 J'avais un certain nombre de devoirs à accomplir et je me suis voué à
15 l'accomplissement de ces tâches.
16 Q. Pour une personne comme vous, qui aviez une grande expérience dans les
17 rangs de l'armée, je suppose que je suis en droit de penser que vous saviez
18 ce qu'était une cible militaire légitime.
19 R. D'accord. Admettons que je savais que j'étais une cible militaire
20 légitime, mais je n'étais pas une cible terroriste. La guerre avait été
21 déclarée.
22 Q. Parlons de la période où la guerre a commencé. Nous avons entendu des
23 témoins durant ce procès selon lesquels l'armée yougoslave était en conflit
24 avec l'UCK qui menait une rébellion armée. Vous saviez que cela existait,
25 n'est-ce pas ?
26 R. L'armée yougoslave n'était pas en conflit avec les forces terroristes.
27 Ceci n'est pas exact. Les forces terroristes étaient en conflit avec
28 l'armée.
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1 Q. Disons simplement, sans nous pencher sur le fait de savoir qui a
2 commencé, mais seriez-vous d'accord pour dire que l'armée yougoslave avait
3 le droit de tirer sur les membres de l'UCK pour les neutraliser ? Vous en
4 convenez peut-être ?
5 R. L'armée yougoslave avait le droit, en s'appuyant sur la constitution et
6 sur la loi régissant l'armée et sur le règlement de service de l'armée,
7 d'ouvrir le feu sur les terroristes, bien sûr, mais aussi sur n'importe qui
8 d'autre qui l'aurait attaquée. Donc, même s'il s'était agi de quelqu'un
9 d'autre que d'un terroriste, ma réponse et la réaction de l'armée aurait
10 été la même.
11 Q. Donc, pendant certaines batailles, ou en tout cas dans le cadre du
12 conflit opposant l'armée yougoslave et l'UCK, vous conviendrez avec moi que
13 cela aurait représenté un avantage pour l'armée yougoslave si elle
14 neutralisait une compagnie ou un bataillon de l'UCK. Cela aurait constitué
15 un avantage pour l'armée yougoslave, n'est-ce pas, sur le plan militaire ?
16 R. Au sens large du terme, cela n'aurait pas été à l'avantage de l'armée.
17 Cela aurait été surtout à l'avantage de la population qui résidait dans ces
18 régions qui subissaient des pertes humaines en raison de l'action de l'UCK.
19 Là, je parle aussi bien des Siptar que des Serbes. Parce que comme vous le
20 savez bien, les terroristes de l'UCK ont assassiné un grand nombre de
21 Siptar et également un grand nombre d'innocents Serbes. Donc cela aurait
22 été bon pour la population, et pour l'armée, cela n'aurait été qu'un
23 avantage secondaire.
24 Q. Essayons de revenir au même point d'une autre façon. Faisons une
25 hypothèse. On a deux armées qui se battent l'une contre l'autre. Vous me
26 suivez pour l'instant ?
27 R. Je vous suis avec attention.
28 Q. Vous conviendrez que chacune de ces deux armées a pour but de vaincre
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1 l'adversaire ou l'ennemi. Vous êtes d'accord là-dessus ?
2 R. Je suis d'accord avec vous partiellement. Je ne suis pas d'accord avec
3 vous sur le fait que vous parlez de deux armées, parce que ceci n'est pas
4 vrai. Il n'y avait pas là deux armées. Il y avait l'armée yougoslave d'un
5 côté et les terroristes siptar de l'autre.
6 Q. En fait, j'étais en train de décrire une situation hypothétique, mais
7 partons du principe qu'on a deux belligérantes, deux groupes qui se battent
8 l'un contre l'autre.
9 Dans une telle situation, vous conviendrez avec moi que si l'un des groupes
10 a l'occasion de s'emparer d'un membre du groupe adverse, c'est un avantage,
11 c'est une bonne chose pour le groupe qui tire, n'est-ce pas ?
12 R. Je ne suis pas d'accord avec vous. Vous venez de parler beaucoup sur ce
13 sujet, mais je vous écoute avec la plus grande attention, et je ne vois pas
14 du tout en quoi réside votre question. Vous avez posé plusieurs questions.
15 Bien sûr, je peux répondre une par une à toutes les questions que vous
16 venez de poser, si vous le souhaitez.
17 En disant, premièrement, que nous ne sommes pas en présence de deux parties
18 belligérantes. Il y a une partie qui n'est absolument pas partie prenante à
19 la guerre; c'est l'armée yougoslave.
20 A l'époque, si nous parlons de combats qui se déroulent en même temps,
21 c'est-à-dire que l'armée yougoslave est attaquée par les terroristes, et
22 suite à cette attaque elle riposte avec les moyens appropriés à cette
23 attaque des terroristes, ceci n'a rien à voir avec ce que vous souhaitez
24 mettre en place par le biais de vos questions. Excusez-moi.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais nous n'avons pas tout le
26 temps du monde pour nous lancer dans un débat théorique à propos des
27 avantages et des inconvénients des moyens utilisés pendant les conflits
28 entre les parties, pour ce qui est de se pencher sur la définition de leur
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1 statut, est-ce qu'il s'agit de terroristes ou de combattants de la liberté,
2 ou d'organisation militaire, et nous sommes d'avis qu'en règle générale, ce
3 type de questions théoriques n'est pas particulièrement bien gérées ou bien
4 comprises par les témoins qui comparaissent ici. Ils préfèrent se
5 concentrer sur les faits et la situation. En général, ils sont très
6 soupçonneux lorsque ce genre de questions théoriques leur sont posées.
7 Donc, je me demande si vous pourriez peut-être vous concentrer
8 davantage sur les faits, faits qui permettront à ce témoin de nous aider.
9 M. SACHDEVA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vous
10 entends bien. J'essayais en fait d'en venir à la question que je voulais
11 poser.
12 Q. Mon Colonel, vous avez dit à la Chambre que vous-même et vos
13 compagnons soldats n'ont jamais tiré.
14 R. Non, ce n'est pas exact. Je n'ai jamais dit "jamais". J'ai tout
15 simplement dit "pendant l'agression," jusqu'à l'accord de Kumanovo.
16 Q. Mais vous avez également dit à la Chambre que pendant le conflit, il y
17 avait des instances de l'UCK qui se trouvaient dans Pristina, et vous avez
18 parlé d'attaques terroristes menées à bien dans Pristina. Vous vous
19 souvenez de cela ?
20 R. Est-ce que vous pourriez répéter votre question, je vous prie.
21 Q. Hier, lors de votre déposition, vous avez indiqué qu'il y avait des
22 formations de l'UCK dans la zone de Pristina et qu'il y avait eu
23 apparemment des attaques terroristes dans Pristina. Vous souvenez-vous
24 avoir dit cela ?
25 R. Oui.
26 Q. Donc, est-ce que vous êtes en train de nous dire, Mon Colonel, que vous
27 ainsi que la centaine de soldats qui étaient armés qui étaient avec vous,
28 n'ont jamais tiré une seule balle contre ces terroristes de l'UCK qui se
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1 trouvaient à Pristina ? C'est ce que vous êtes en train de relater à la
2 Chambre de première instance ?
3 R. Non. Ce que j'essaie de dire à la Chambre de première instance c'est ce
4 que j'essaie de dire à la Chambre de première instance, et ce que j'essaie
5 de dire à la Chambre, c'est que jusqu'à l'accord de Kumanovo il n'y a pas
6 un seul membre de la garnison de Kumanovo qui a tiré une seule balle. C'est
7 la troisième ou quatrième fois que j'essaie de dire cela.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vois en fait que les termes
9 "garnison de Kumanovo" se trouvent consignés au compte rendu d'audience.
10 Est-ce que c'est ce que vous avez dit ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, non, non, non. Je voulais parler de
12 l'accord de Kumanovo, l'accord de Kumanovo qui a été conclu le 10 juin
13 1999.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je comprends tout à fait. Cela a
15 d'ailleurs été consigné au compte rendu d'audience. Vous avez -- il est
16 consigné maintenant : "Il n'y a pas un seul membre de la garnison de
17 Kumanovo qui a tiré une seule balle." Je suppose que ce n'était pas le nom
18 qui a été donné à la garnison de Pristina que vous avez commandée ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, c'est une erreur manifestement.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, cela n'a pas été bien consigné
21 au compte rendu d'audience.
22 Poursuivez, Monsieur Sachdeva.
23 M. SACHDEVA : [interprétation] Je vous remercie.
24 Q. Donc, d'après ce que je comprends, dès le début du conflit, avec le
25 début de la campagne de l'OTAN jusqu'au 9 ou 10 juin 1999, vous-même ainsi
26 que vos soldats n'avez jamais tiré une seule balle sur les groupes de l'UCK
27 qui se trouvaient à Pristina. C'est ce que vous êtes en train de nous dire
28 dans le cadre de votre déposition ?
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1 R. Ce que je dis, c'est qu'à partir du moment où l'agression - non pas la
2 campagne, mais l'agression de l'OTAN a commencé, avec ses frappes
3 aériennes, et ce, jusqu'à l'accord de Kumanovo, il n'y a pas un seul membre
4 du commandement de la garnison et un seul membre du groupe que je
5 commandais qui ait tiré une seule balle sur quiconque.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais, Monsieur Filipovic, vous avez
7 également, hier, dit qu'il y avait eu avant l'agression quasiment
8 quotidiennement des attaques terroristes à Pristina.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, j'ai effectivement dit cela.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, est-ce que vous êtes également
11 en train de nous dire que les membres de votre garnison n'ont jamais tiré
12 de balles dans le contexte de ces attaques ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, comme vous pouvez le voir, Monsieur
14 le Président, je suis devenu le commandant de la garnison à partir du 30
15 mars, et l'agression a commencé le 24.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, vous ne pouvez pas nous parler
17 de la période qui a précédé cela ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous en parler, mais dans un contexte
19 différent parce que je n'étais pas, à ce moment-là, le commandant de la
20 garnison.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez, n'essayez pas de nous induire
22 en erreur, Monsieur Filipovic. Il y a une question qui vous a été --
23 n'essayez pas d'argoter, Monsieur Filipovic. Il y a une question qui a été
24 posée. On vous a demandé ce que vous-même, vous savez à propos de
25 l'utilisation des armes avant le 23 mars. Donc, que savez-vous de
26 l'utilisation des armes de la part des membres de cette garnison pour ce
27 qui était des attaques de l'UCK avant le début de l'agression de l'OTAN ?
28 Et oubliez votre statut lorsque vous répondez à cette question.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Avant le début de l'agression de l'OTAN, il y
2 a eu de nombreuses attaques contre des civils ainsi que contre des membres
3 de l'armée, ces attaques ont eu lieu dans la zone générale de Pristina. Par
4 exemple, le 15 mars, il y a eu une attaque qui a eu lieu près de Vranjevac
5 --
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais vous avez entendu ma question.
7 Dites-moi, je vous prie, si oui ou non la garnison a tiré dans le cadre ou
8 le contexte des attaques qui ont eu lieu, oui ou non ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après ce que je sais, pour autant que je le
10 sache, personne n'a tiré, personne de la garnison.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais c'était une question très simple.
12 Je ne veux pas davantage de détails. Si je souhaite obtenir de plus amples
13 détails, je vous poserai des questions pour obtenir ces détails.
14 Poursuivez, Monsieur Sachdeva.
15 M. SACHDEVA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le
16 Président.
17 Q. Il y avait présence de l'UCK dans la ville, et vous aviez ces groupes
18 qui étaient présents, qu'a fait l'armée à propos de ces groupes ?
19 R. Les groupes terroristes qui se trouvaient dans la zone de Pristina,
20 dans le secteur général de Pristina, ont mené à bien des attaques, ont
21 lancé des attaques à la fois à l'encontre de civils ainsi qu'à l'encontre
22 de membres de l'armée, dans la ville à proprement parler, dans cette zone
23 générale. Dans la ville à proprement parler, je n'ai pas vu un seul
24 terroriste qui aurait arboré des insignes de terroriste. Bon, il se peut
25 qu'il y ait eu des terroristes, mais nous ne pouvions pas les reconnaître
26 en tant que tel dans la ville parce que les terroristes sont des
27 terroristes, et ils sont terroristes d'après leurs actes, d'après ce qu'ils
28 font, mais ils n'arboraient pas de signes distinctifs dans la ville.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais, Monsieur Filipovic, hier vous
2 nous avez dit qu'il y avait des attaques quotidiennes menées à bien par des
3 terroristes à Pristina avant l'agression. Hier, vous avez été en mesure de
4 nous dire qu'il y avait des attaques de terroristes. Alors maintenant, M.
5 Sachdeva souhaiterait savoir ce qu'a fait l'armée à ce sujet. Ou n'êtes-
6 vous pas en mesure de nous le dire ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je ne peux pas vous dire grand-chose.
8 Ce que je peux vous dire, c'est qu'en mars deux policiers ont été tués dans
9 le quartier de Pristina d'Imsirovo. Quatre policiers ont également été tués
10 dans le centre de Pristina, et il y en avait un qui était d'appartenance
11 ethnique siptar, il a été blessé, et l'armée n'a rien fait. L'armée n'a
12 rien fait parce qu'on ne lui avait pas confié cette mission en ville. Il y
13 a d'autres structures qui ont réagi, mais ils ne pouvaient rien faire en
14 fait parce que les terroristes portaient des vêtements civils et ils se
15 sont enfuis des lieux du crime. Il y a eu de nombreux autres exemples
16 semblables.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Sachdeva.
18 M. SACHDEVA : [interprétation]
19 Q. Mon Colonel, je souhaiterais que nous parlions brièvement de votre
20 rôle au sein de la garnison. Je comprends que vous vous occupiez des
21 questions relatives au personnel ainsi qu'au logement; est-ce exact ?
22 R. Lorsque j'ai pris mes fonctions en tant que commandant de la
23 garnison, il faut savoir que tout cela est stipulé par les règles de
24 service de l'armée de Yougoslavie. Pour ce qui est de ma fonction en fait,
25 c'étaient des fonctions qui étaient stipulées en temps de paix et il y
26 avait une clause qui indiquait, dans les règles de service, qu'en temps de
27 guerre toutes les fonctions, les devoirs étaient les mêmes. J'espère que
28 vous avez un exemplaire de ces règles. Là, vous pourrez voir toutes les
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1 tâches dont j'étais responsable. Je peux m'en souvenir et vous les énumérer
2 mais il se peut que je ne vous donne pas ces fonctions dans l'ordre exact
3 dans lequel on les trouve dans les règles de service. Alors si vous le
4 souhaitez que je vous les dise ces fonctions je peux vous les dire.
5 Q. Mon Colonel, je pense ma question était relativement simple.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez, l'expérience a prouvé qu'il
7 était très peu judicieux de poser une question pour laquelle une réponse a
8 déjà été apportée, réponse qui a été apportée de façon très claire lors de
9 l'interrogatoire principal juste pour planter le décor. Ça ne fonctionne
10 pas. Je pense qu'il vaut mieux de suite poser la question qui vous
11 intéresse, et ensuite vous pourrez revenir et préciser les éléments
12 officiels si cela doit véritablement être nécessaire.
13 M. SACHDEVA : [interprétation] Oui, je vous entends bien, Monsieur le
14 Président.
15 Q. Mon Colonel, il y a une information qui a été donnée à propos de
16 l'effectif du Corps de Pristina, je pense au personnel du Corps de
17 Pristina, et je suppose que vous fournissiez des instructions régulièrement
18 au général Lazarevic; est-ce exact ?
19 R. C'est exact.
20 Q. Je suppose que vous le faisiez cela lors des réunions dont vous avez
21 parlé, des réunions du collège et les réunions que vous aviez également au
22 sein du Corps de Pristina pendant le conflit; est-ce exact, il s'agissait
23 de ces instructions, de ces informations que vous donniez au général
24 Lazarevic ?
25 R. Ecoutez, je ne me souviens pas du détail de toutes ces réunions. Mais
26 je me souviens d'un certain nombre d'éléments. Je l'ai informé de tout ce
27 qui était, de tout ce qui représentait ou ce qui pouvait représenter un
28 intérêt de sa part, je ne cachais rien.
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1 Q. Oui, mais pour ce qui est de l'effectif du Corps de Pristina, si le
2 général Lazarevic souhaitait obtenir des informations, c'est à vous qu'il
3 demandait ces informations; est-ce exact ?
4 R. Non, et je vais vous expliquer pourquoi. Parce que j'étais le
5 commandant adjoint responsable des affaires relatives au personnel. Ma
6 fonction consistait à l'informer de questions ou de l'informer des membres
7 de l'armée, des soldats de métier. Pour ce qui était des appelés ou des
8 soldats ou des conscrits, cela a été fait par un autre département qui
9 était intitulé le département responsable de la mobilisation et des
10 effectifs. Il s'agissait en fait du colonel, du lieutenant-colonel Simovic,
11 c'est lui qui dirigeait ce département. J'avais d'autres informations
12 également, mais essentiellement ma fonction consistait à s'occuper des
13 soldats de métier, à savoir des officiers, des sous-officiers.
14 Q. Oui, mais en sus de ces groupes, vous connaissiez également les
15 chiffres pour les officiers qui n'étaient pas des officiers de métier et
16 tous les autres volontaires également ?
17 R. Oui, pour l'essentiel, oui.
18 M. SACHDEVA : [interprétation] J'aimerais demander que la pièce P2004
19 soit affichée à l'écran, je vous prie.
20 Q. Mon Colonel, il s'agit d'un document qui émane du Corps du commandement
21 de Pristina en date du 13 avril 1999. Vous voyez qu'il s'agit d'un rapport
22 qui est destiné au commandement de la 3e Armée ainsi qu'au commandement de
23 l'état-major Suprême. Vous voyez cela ?
24 R. Oui.
25 Q. Alors il y a plusieurs chapitres, et j'aimerais vous demander de bien
26 vouloir prendre la deuxième page de la version en B/C/S ainsi que de la
27 version anglaise.
28 Vous verrez, Mon Colonel, qu'en bas de ce document, il y a un chapitre qui
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1 est intitulé "Niveau des effectifs." Vous le voyez, c'est au numéro 3.
2 R. Oui, oui, je le vois.
3 Q. Au 3.1, vous verrez qu'il est indiqué donc à l'intention de la 3e Armée
4 et du commandement de l'état-major qu'au sein du corps il y a 61 892
5 hommes. Vous voyez que cela est écrit au sous-paragraphe 3.1 ?
6 R. Oui, oui, je le vois.
7 Q. Vous voyez un peu plus bas que ce chiffre est ventilé en différentes
8 catégories. Vous avez donc le nombre d'officiers, le nombre de sous-
9 officiers, le nombre de soldats ainsi que le nombre de volontaires. Vous
10 voyez ces différentes catégories ?
11 R. Oui, je les vois.
12 Q. Je suppose que cela signifie que le Corps de Pristina avait pour ce qui
13 est de son personnel militaire avait quasiment donc 62 000 hommes ?
14 R. Oui, oui, c'est exact avec les renforts.
15 Q. Pour ce qui est de votre rôle au sein du Corps de Pristina, est-ce que
16 ce chiffre que nous avons là vous semble exact ?
17 R. Ecoutez, pour mieux comprendre cela je dirais qu'en temps de guerre le
18 Corps de Pristina avait 30 à 35 000 membres au total. C'est un chiffre en
19 fait qui est valable pour le Corps de Pristina ainsi que les unités qui ont
20 été rattachées. Je pense au corps en temps de guerre qui en fait était
21 composé ou avait parmi ses rangs entre 30 et 35 000 membres.
22 Q. Oui, mais vous voyez qu'il est fait état de 54 106 soldats. Vous le
23 voyez cela ?
24 R. Oui, oui, je le vois également.
25 Q. Ce sont des soldats qui font partie du Corps de Pristina, n'est-ce pas
26 ?
27 R. Oui, mais -- non, non, ce sont des soldats qui se trouvaient au sein du
28 Corps de Pristina avec les unités qui avaient été resubordonnées au Corps
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1 de Pristina. Voilà la réponse exacte.
2 Q. Mais il n'y a absolument pas question de rattachement et de
3 resubordination ici dans le document ?
4 R. Ecoutez, ce n'est pas mentionné ici certes, mais c'est implicite.
5 Q. Le général Lazarevic indique au 3e Commandement ainsi qu'à l'état-major
6 Suprême qu'au sein du Corps de Pristina il y avait environ - c'est un
7 chiffre approximatif - environ 62 000 soldats, n'est-ce pas ?
8 R. Est-ce que je pourrais, je vous prie voir la signature qui se trouve en
9 bas de ce document, si cela est possible.
10 Q. Oui, nous pourrons tout à fait afficher la dernière page.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Maître Cepic.
12 M. CEPIC : [interprétation] Lorsqu'on a demandé à ce témoin de déterminer
13 l'authenticité du document produit par le même organe, je n'ai pas été
14 autorisé à le faire, parce qu'il a été dit que cela ne faisait pas partie
15 du domaine de compétence du témoin. Il s'agissait d'un rapport du Corps de
16 Pristina. Et la cote était -- si vous m'y autorisez.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous essayiez de présenter le document
18 à ce moment-là. Alors qu'en l'espèce, M. Filipovic donne l'impression de
19 remettre en question le document et souhaite voir quelle est l'authenticité
20 du document. La situation est différente.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne voulais pas tant voir s'il s'agissait
22 d'un document authentique, mais je voulais voir qui avait compilé ce
23 document, parce que c'est l'organe responsable du recrutement et de la
24 mobilisation qui a compilé ce document, et ce n'est pas l'organe que je
25 dirigeais à l'époque. C'était l'organe dirigé par le lieutenant-colonel
26 Simovic. C'est pour cela que je voulais voir quel était le paraphe de la
27 personne qui avait signé le document.
28 M. SACHDEVA : [interprétation]
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1 Q. Mon Colonel, conviendrez-vous qu'il s'agit d'un rapport qui est adressé
2 à la 3e Armée ainsi qu'à l'état-major suprême, et que c'est un rapport en
3 plus qui porte sur les effectifs véritables du Corps de Pristina, sans pour
4 autant prendre en considération le fait que les unités ont été
5 resubordonnées au Corps de Pristina ?
6 R. Ça, vous le voyez lorsque vous voyez le titre, vous voyez à qui le
7 document a été adressé et qui a rédigé le document.
8 Q. Je suppose que vous êtes d'accord avec la question que j'ai posée;
9 c'est cela ?
10 R. Oui, je suis d'accord.
11 Q. Un peu plus tôt lorsque je vous ai posé une question à propos de ce
12 chiffre de 61 892, vous avez fait état de renforts. Qu'entendez-vous par
13 ces "renforts" ?
14 R. Oui. Il s'agit de chiffres qui vous donnent le nombre d'effectifs du
15 Corps de Pristina avec les unités qui y avaient été rattachées. Il y avait
16 les unités suivantes : premièrement, les unités du district militaire de
17 Pristina, les unités de l'arrière-garde, et il y avait également d'autres
18 unités beaucoup moins importantes. Il s'agissait des unités de la 202e
19 Arrière-garde ou la base logistique. Toutes ces unités et la composition du
20 Corps de Pristina en temps de guerre nous donnent les chiffres que vous
21 voyez dans ce document.
22 M. SACHDEVA : [interprétation] Je souhaiterais que l'on affiche la
23 pièce 5D00348, je vous prie.
24 Q. Mon Colonel, il s'agit d'une pièce à propos de laquelle vous avez fait
25 des observations lors de l'interrogatoire principal, votre rôle y est
26 précisé ainsi que le rôle de la garnison. Vous vous souvenez de ce document
27 ?
28 Dans ce document, vous avez la liste des différents départements qui
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1 composaient la garnison; est-ce exact ?
2 R. Oui, c'est exact.
3 Q. Si vous étudiez ce document, il n'y a rien qui suggère que pour ce qui
4 est des achats des acquisitions et de l'approvisionnement, cela faisait
5 partie de la compétence de la garnison, n'est-ce pas ? Vous êtes d'accord
6 avec cela ?
7 R. Non, je ne peux pas marquer mon accord avec cette idée. Parce qu'il
8 s'agit d'un document qui porte sur l'organisation, qui nous donne la
9 structure générale ainsi que la composition de l'ensemble du groupe; alors
10 que les tâches étaient précisées pendant une étape ultérieure.
11 Puis de toute façon, il faut savoir que l'on savait pertinemment quelles
12 étaient ces tâches, parce que ces tâches font l'objet de nombreux autres
13 documents. Alors que ce document-ci étudie seulement l'organisation, avec
14 les différentes unités qui font partie de ce groupe.
15 Q. Donc vous conviendrez que dans ce document il n'y est pas question
16 d'achats ou d'approvisionnement.
17 R. Non, je ne peux pas marquer mon accord. Car il y a de nombreuses autres
18 fonctions qui ne sont pas mentionnées. Par exemple, il n'est pas fait
19 mention de ce que doit jouer l'orchestre. Parce que ce serait qu'en même un
20 peu extrême que de mentionner cela. Il s'agit d'un document qui porte sur
21 l'organisation, et les tâches, on les trouve dans d'autres documents pour
22 ce qui est des tâches et des fonctions.
23 Q. Je ne suis pas intéressé par la catégorie du document dont il s'agit.
24 Ce que j'aimerais que vous m'indiquiez tout simplement, c'est s'il est
25 exact que l'approvisionnement n'est pas mentionné dans ce document. Vous en
26 convenez, oui ou non ?
27 R. Mais lorsque vous me posez ce genre de question, je m'excuse, mais je
28 ne peux pas marquer mon accord avec vous, parce qu'il n'est pas indiqué là,
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1 par exemple, que nous devions prendre trois repas par jour, alors que nous
2 prenions trois repas par jour.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Filipovic, la question est
4 très simple. Il ne faut pas toujours que vous pensiez que des complications
5 vont être engendrées parce que vous répondez par une réponse très simple à
6 une question très simple. On vous demande tout simplement si dans ce
7 document il est fait référence à l'approvisionnement; oui ou non ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, dans ce document cela ne figure pas.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur.
10 Monsieur Sachdeva, poursuivez.
11 M. SACHDEVA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le
12 Président.
13 Q. Mon Colonel, un peu plus tôt lors de votre déposition vous avez -- je
14 vois que mon confrère souhaite intervenir.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Zecevic.
16 M. ZECEVIC : [interprétation] Je pense que dans le compte rendu d'audience
17 il est question "du quartier pénitentiaire", mais je pense que le témoin
18 parlait tout simplement de "document" en anglais, et non pas de "detention
19 unit".
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, en effet. Merci.
21 M. SACHDEVA : [interprétation]
22 Q. Mon Colonel, un peu plus tôt lors de votre déposition, vous avez parlé
23 de tribunal militaire. Nous pouvons voir que cela se trouvait au sein de la
24 garnison. Vous vous souvenez avoir répondu à une question qui portait sur
25 le tribunal militaire et le bureau du procureur, n'est-ce pas ?
26 R. Oui. Je me souviens avoir parlé du bureau du procureur militaire et du
27 tribunal militaire.
28 Q. Vous avez également dit que le travail du tribunal militaire et du
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1 bureau du procureur militaire était indépendant et que vous n'étiez pas
2 informé du travail de fond mené à bien par ce tribunal; est-ce exact ?
3 R. Ce que j'ai dit, c'est que le travail du tribunal militaire et du
4 bureau du procureur militaire était indépendant, donc qu'ils agissaient de
5 façon tout à fait indépendante dans le cadre de leurs activités.
6 Q. Je suppose que compte tenu de votre rôle à la garnison vous n'étiez pas
7 informé des détails des affaires qui étaient présentées devant ce tribunal;
8 est-ce exact ?
9 R. Non, ce n'est pas exact. J'étais au courant de certaines affaires. Par
10 exemple, je pouvais être au courant d'une affaire si j'étais convoqué pour
11 participer en tant que membre du jury. C'était une affaire de larcin.
12 Q. Est-ce que c'est la seule affaire dont vous étiez au courant, à savoir
13 parce que vous y avez été convoqué ?
14 R. Il y a beaucoup de temps qui s'est écoulé depuis. Je pense qu'il s'agit
15 de la seule affaire à laquelle j'ai participé en tant que membre du jury.
16 Il se peut qu'il y en ait d'autres, mais je ne m'en souviens pas
17 exactement. Mais ce que je sais, c'est que fréquemment les membres de la
18 garnison étaient convoqués pour participer en tant que membres du jury, et
19 parfois au tribunal militaire du Corps de Pristina.
20 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]
21 M. SACHDEVA : [interprétation] Puis-je poser une autre question, Monsieur
22 le Président ?
23 Q. Voilà comment je m'exprimerais --
24 R. Oui, allez-y.
25 Q. En général, lorsqu'il y avait des affaires qui étaient diligentées à ce
26 tribunal, vous, de façon régulière, dans le cadre de vos activités, vous
27 n'étudiiez pas les documents de ces affaires, n'est-ce pas ?
28 R. Non, pas du tout. Je ne sais même pas combien d'affaires ont été
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1 diligentées devant ce tribunal. Je ne sais même pas quels furent les
2 résultats de ces affaires. C'était autant d'informations qui n'étaient pas
3 mises à ma disposition, d'ailleurs je ne m'immisçais pas là-dedans, et cela
4 ne correspondait pas à ma mission.
5 M. SACHDEVA : [interprétation] Nous pouvons maintenant faire la
6 pause.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais vous n'allez plus aborder
8 la question de l'approvisionnement; c'est cela ?
9 M. SACHDEVA : [interprétation] En fait, je n'ai pas fini.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.
11 Monsieur Filipovic, nous allons avoir une pause, une pause de 20 minutes.
12 Je vous demande de bien vouloir suivre M. l'Huissier, et nous nous
13 retrouverons ici à 16 heures 05.
14 [Le témoin quitte la barre]
15 --- L'audience est suspendue à 15 heures 46.
16 --- L'audience est reprise à 16 heures 06.
17 [Le témoin vient à la barre]
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Sachdeva, à vous.
19 M. SACHDEVA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 Q. Colonel, je suppose que pendant ce conflit de guerre vous ne
21 connaissiez pas tous les noms des officiers de réserve rattachés au
22 commandement du Corps de Pristina. Ai-je raison de le dire ?
23 R. Ma réponse serait la suivante : je connaissais tous les officiers du
24 commandement du Corps de Pristina. Ceux qui ont été provisoirement envoyés
25 là pour y travailler, je ne les connaissais pas tous. Je ne connaissais pas
26 leurs noms. Ceux qui ont été envoyés à titre provisoire là, c'est une
27 catégorie strictement délimitée.
28 Q. Lorsque vous dites que vous connaissiez tous les officiers du
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1 commandement du Corps de Pristina, je suppose que vous ne connaissiez pas
2 les noms des officiers de réserve au sein de ce corps, n'est-ce pas ?
3 R. Non, ça je ne le savais pas, certainement pas.
4 Q. Donc, nous pourrions tomber d'accord sur le fait de dire qu'il y a eu
5 un officier de réserve appelé Tijanic, et vous ne sauriez nous dire si
6 cette personne a existé, n'est-ce pas ?
7 R. Ici, il est question du commandement du corps. Si nous parlons du
8 commandement, c'est autre chose.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai l'impression qu'il y a eu une
10 confusion linguistique ici. Le témoin a clairement dit qu'il connaissait
11 les identités ou qu'il connaissait tous les officiers du commandement du
12 corps, mis à part ceux qui ont temporairement été envoyés là. Cela n'était
13 pas nécessairement des officiers de réserve. Je ne sais pas ce que le
14 concept d'officiers de réserve vient voir ici. Il n'a pas dit qu'il
15 connaissait tout le monde au Corps de Pristina; c'est différent. Mais c'est
16 un important différend. Il convient de tenir compte de cette distinction
17 lorsque vous vous adressez à l'intéressé.
18 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, je crois avoir fait
19 cette distinction lorsqu'il s'agit du corps du commandement, mais je vais
20 demander --
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. Penchez-vous sur les lignes 23 et
22 24, et vous verrez pourquoi le témoin vous a répondu comme il vous a
23 répondu.
24 M. SACHDEVA : [interprétation] Bien.
25 Q. Connaissiez-vous les noms de tous les officiers de réserve au
26 commandement du corps ?
27 R. Je vais vous dire que je ne sais pas -- compte tenu du recul, je ne
28 pense pas que le commandement du corps ait eu du tout des officiers de
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1 réserve. Je n'en suis pas tout à fait certain, mais je suis plus certain du
2 fait qu'il n'y ait pas eu d'officiers de réserve au niveau du commandement
3 du corps que du cas contraire.
4 Q. Mais si nous supposons qu'il y en avait eu, vous ne pouviez pas
5 connaître tous leurs noms, n'est-ce pas ?
6 R. Non. Compte tenu du recul, je ne saurais vous répondre ni par un oui ni
7 par un non. A l'époque, je connaissais tout un chacun et j'étais censé
8 connaître tout un chacun.
9 Q. Où se trouvait ce département chargé des approvisionnements et des
10 fournitures ?
11 R. C'était censé se trouver au niveau de l'instance chargée de la
12 logistique, toujours au niveau du commandement du corps.
13 Q. Cette instance chargée de la logistique, physiquement parlant, se
14 trouvait où ? Est-ce qu'il s'agit de la 202e Base logistique ?
15 R. Non. Il y avait une instance chargée de la logistique au commandement
16 du Corps de Pristina. La 202e Base logistique, c'est quelque chose de tout
17 à fait distinct et à part. Le commandement du corps avait sa propre
18 instance logistique.
19 Q. Qui se trouvait à la tête de ce département chargé des
20 approvisionnements et des fournitures pendant le conflit ?
21 R. Je ne sais pas qui est-ce qui se trouvait à la tête de ce département.
22 Je ne sais même pas si cela s'appelait ainsi, mais pour ce qui est de
23 l'instance logistique, c'est le colonel Petkovic, Bratislav Petkovic qui en
24 assurait le commandement.
25 Q. Vous ne savez pas qui était chargé des approvisionnements et des
26 fournitures ?
27 R. Non, je ne sais pas. Ce sont des missions internes au niveau du schéma
28 organisationnel, cela.
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1 Q. Je suppose, alors, que s'il y avait un dénommé Tijanic qui travaillait
2 aux approvisionnements et aux fournitures, vous n'étiez pas censé connaître
3 obligatoirement cette personne-là, n'est-ce pas ?
4 R. Etant donné que mon instance était chargée du personnel, tous les
5 documents, à commencer par les dossiers personnels, cela venait à mon
6 instance. Ce qui fait que tous les noms de famille et tous les prénoms au
7 niveau du commandement du corps, je les connaissais.
8 Q. Veuillez, je vous prie, dire aux Juges de la Chambre qui se trouvait à
9 la tête de ce département chargé des approvisionnements et des fournitures
10 pendant le conflit.
11 R. Je ne le sais pas. Je ne sais même pas si cet organe existait. Je sais
12 qu'il y avait un organe logistique.
13 Q. Vous nous avez dit que vous avez eu des réunions régulières avec des
14 membres du commandement du corps et que vous avez également assisté à des
15 réunions de la direction collégiale. Alors, qui était présent à ces
16 réunions lorsque vous y étiez ?
17 R. Comme je vous l'ai dit hier, j'ai assisté aux réunions du collège ou de
18 la direction collégiale du commandement du corps jusqu'au 30 mars. Après
19 cela, j'allais de temps à autre chez le commandant pour présenter des
20 rapports.
21 S'agissant des réunions auxquelles j'ai assisté, à la direction collégiale
22 des commandants du corps, il y avait tous les membres du collège ou de
23 cette direction collégiale auprès du commandant du corps.
24 Mais de là à savoir qui c'était ? C'était déterminé de façon précise par un
25 document. Je peux vous donner leurs noms, mais ces noms ont changé au fil
26 du temps, selon les fonctions accomplies par les uns et par les autres.
27 Mais je sais par ensembles organisationnels, qui faisait partie de cette
28 direction collégiale et je peux vous le dire si tant est que cela vous
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1 intéresse.
2 Q. Oui, veuillez nous dire qui étaient les membres de cette direction
3 collégiale ?
4 R. Pour autant que je m'en souvienne, en plus du commandant, il y avait
5 dans ce collège les personnes suivantes ex officio : le chef d'état-major
6 du corps, le commandant adjoint du corps chargé de l'information et du
7 moral des troupes, le commandant adjoint chargé de la logistique, le
8 commandant adjoint du corps chargé de la sûreté, le commandant adjoint du
9 corps chargé du personnel et de l'habitat -- et peut-être ai-je omis
10 quelqu'un, mais pour l'essentiel je pense avoir énuméré tout le monde.
11 C'étaient ces personnes -- ou plutôt, c'étaient les personnes qui se
12 trouvaient à la tête de ces services qui faisaient partie de la direction
13 collégiale.
14 Q. A compter du 24 mars jusqu'au bout du conflit, à quelle fréquence ces
15 réunions se sont-elles tenues ?
16 R. A compter du 24 mars 1999 et au-delà, je ne sais pas comment ces
17 réunions se déroulaient au niveau de cette direction collégiale, mais j'ai
18 eu des réunions où j'ai été présent pour présenter des rapports. Des fois
19 c'était tous les sept jours, des fois tous les dix jours, des fois plus
20 souvent encore, selon les nécessités du moment.
21 Q. Vous nous avez également évoqué d'autres réunions, des réunions qui
22 n'étaient pas des réunions de cette direction collégiale, mais toujours au
23 commandement du corps. Etaient-ce des réunions de vous-même et du
24 commandant du corps ou est-ce qu'il y avait d'autres membres du
25 commandement du corps à être présents?
26 R. Pour autant que je m'en souvienne, le plus souvent j'étais convoqué par
27 le commandant au poste de commandement pour me faire confier une mission ou
28 pour me demander de présenter un rapport sur la situation au commandement
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1 de la garnison et au sein de mon groupe. J'ai surtout été présent tout
2 seul.
3 Peut-être n'ai-je pas remarqué la présence d'une autre personne, mais
4 pour l'essentiel il n'y avait que moi.
5 Q. Vous avez mentionné des gens qui ont été présents à ces réunions
6 collégiales; par exemple, le chef d'état-major, l'adjoint du commandant
7 chargé de l'information et du moral des troupes. Comment s'appelait le
8 commandant adjoint chargé de l'information et du moral des troupes ?
9 R. Ce commandant adjoint chargé de l'information et du moral des troupes
10 au niveau du Corps de Pristina, c'était le colonel Mirko Starcevic, et
11 après lui, c'est un autre colonel qui est venu, Marinkovic Dragisa. Le
12 colonel Starcevic, lui, est allé assumer des fonctions nouvelles; il est
13 devenu commandant adjoint chargé du moral des troupes au sein de la 3e
14 Armée.
15 Q. Le commandant adjoint chargé de la sûreté, comment s'appelait-il ?
16 R. Le commandant adjoint chargé de la sûreté s'appelait Stojanovic Momir,
17 fils de Bogoljub.
18 Q. Pour ce qui est des réunions où vous avez été présent, j'imagine que
19 toute personne, tout responsable des différents départements présentait un
20 rapport au général Lazarevic concernant la situation au sein de leur propre
21 département, n'est-ce pas ?
22 R. C'est exact.
23 Q. Je suppose que le général Lazarevic informait à son tour le
24 commandement du corps pour ce qui est de la façon dont évolue la guerre et
25 pour ce qui est aussi de la mesure où le commandement, à l'égard du Corps
26 de Pristina, se fait de façon efficace; est-ce bien cela ?
27 R. C'est à peu près de cette façon-là que ça se passait.
28 Q. Dans votre témoignage, vous avez également dit qu'à l'occasion de ces
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1 réunions il a été question, ou plutôt, on a rappelé à tout un chacun qu'il
2 fallait s'en tenir au droit humanitaire international. Ai-je raison de le
3 dire ?
4 R. Oui, tout à fait.
5 Q. Vous avez précisé qu'on le rappelait au quotidien.
6 R. Très souvent, dirais-je. Avec le recul, je ne sais pas vous dire si on
7 l'a fait vraiment tous les jours, mais on l'a fait si souvent que c'était
8 presque tous les jours.
9 Q. L'a-t-on fait en chaque opportunité où le commandement du corps s'était
10 réuni ?
11 R. Je ne sais pas vous dire exactement si à chaque fois vraiment cela a
12 été le cas, mais je dirais très souvent.
13 Q. Vous avez aussi dit qu'il y avait des médias étrangers et que par le
14 biais des médias étrangers vous avez pu savoir ce qui se passait à Pristina
15 et dans le reste du Kosovo; est-ce exact ?
16 R. Non, ce n'est pas exact. Nous avions notre système d'information à
17 nous, au commandement du corps. Les médias étrangers, eux, nous ne les
18 écoutions pas beaucoup. Peut-être certains s'informaient par leur biais.
19 Notre système d'information à nous se fondait sur le système informatif de
20 l'armée et de notre Etat à nous.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Cepic.
22 M. CEPIC : [interprétation] Le témoin a déjà répondu, mais de mon humble
23 avis, il n'y a pas eu de fondement pour que le Procureur puisse poser ce
24 type de question, parce que à l'écoute attentive du témoignage de ce
25 témoin, je n'ai nulle part vu que ces informations à lui se fondaient sur
26 les médias étrangers. Mais comme il a déjà répondu, je vous remercie.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
28 Monsieur Sachdeva.
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1 M. SACHDEVA : [interprétation] Merci.
2 Pour les besoins du compte rendu d'audience, je tiens à dire qu'hier le
3 témoin a précisé que les correspondants étrangers ont parcouru en long et
4 en large le Kosovo.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
6 M. SACHDEVA : [interprétation]
7 Q. Colonel, je suppose qu'à ces réunions il a également été discuté
8 des allégations faites au sujet des crimes commis par des membres de la VJ.
9 Est-ce que ce type de discussion a effectivement eu lieu ?
10 R. Je vous ai précisé que j'ai été membre de cette direction collégiale
11 jusqu'au 30 mars. Il se peut qu'il en ait été question. Avec le recul, je
12 ne m'en souviens plus. Mais pour l'essentiel, j'étais là-bas du fait de mes
13 fonctions, et j'étais surtout centré sur les affaires liées au personnel.
14 C'est là que mon attention était concentrée; je voulais savoir quelles
15 étaient mes missions et ce qu'il convenait que je fasse moi-même. Pour ce
16 qui est du reste, j'ai trouvé important, mais cela n'a pas pris mon
17 attention dans une mesure si importante.
18 Q. Je ne vous ai pas demandé ce qui a attiré votre attention, je vous ai
19 demandé, et vous serez d'accord pour en convenir, qu'à ces réunions, il y a
20 eu des allégations au sujet des crimes commis par des membres de la VJ et
21 qui ont été discutées au sein du groupe; ai-je raison ?
22 R. Cela se peut. Avec le recul, je ne m'en souviens pas.
23 Q. De quelles allégations a-t-il été question ? Vous en souvenez-vous ?
24 R. Il a surtout été question de problèmes organisationnels. Puis de nos
25 missions, pour ce qui est de la défense, pour ce qui est de la formation
26 des unités au combat, pour ce qui est de la prise de mesures concernant le
27 moral, l'ordre, et la discipline, pour ce qui est des solutions au niveau
28 de l'encadrement, et d'autres missions encore.
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1 Q. J'apprécie ce que vous êtes en train de nous dire, mais je voudrais
2 qu'on se penche plus en détail sur ce débat où il a été question des
3 allégations de crimes commis par la VJ. Ce qui m'intéresse c'est ce type
4 d'information, et des allégations faites aux réunions où vous avez été
5 présent.
6 M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Cepic.
8 M. CEPIC : [interprétation] Je pense que nous avons déjà reçu une réponse
9 claire à cette question. C'est la deuxième ou troisième fois que la
10 question a été posée de façon réitérée. Merci.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'est-ce que vous dites de cela ?
12 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, avec tout le respect
13 que je dois à mon confrère, je ne suis pas d'accord. J'ai des fondements
14 pour ce qui est de poser des questions en matière d'allégations, étant
15 donné que le témoin a précisé qu'il se pouvait qu'il ait été question de
16 ces allégations.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, cela se peut, c'était possible.
18 Mais pour ce qui est des questions de cette nature, cela nous amène souvent
19 à de nouvelles informations, peut-être pourriez-vous continuer, et si cela
20 s'avère improductif, nous pourrions passer à autre chose.
21 M. SACHDEVA : [interprétation] Je m'y conformerai, Monsieur le Président.
22 Q. Colonel, laissons de côté ce dont il a habituellement été question à
23 ces réunions, par exemple, mesures relatives au moral des troupes, à la
24 discipline, et cetera. Je voudrais à présent que vous essayiez de vous
25 rappeler s'il a peut-être été fait état d'allégations de crimes commis par
26 la VJ. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre quel type d'informations de
27 ce genre ont été étudiées à ces réunions ?
28 R. Je ne me souviens pas de ces allégations. Je me souviens de débats au
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1 sujet d'actes terroristes où nos unités et où les membres du corps ont eu à
2 subir des pertes. Pour ce qui est des allégations dont vous faites état,
3 véritablement je n'arrive pas à m'en souvenir.
4 Q. Est-ce que vous vous souvenez des rappels à la nécessité de se
5 conformer au droit humanitaire international ? Pourquoi y a-t-il eu des
6 rappels de ce genre aux dites réunions ?
7 R. A l'occasion de ces réunions - et j'émets là une hypothèse, ou peut-
8 être une conclusion, à savoir qu'on a rappelé aux gens cela afin qu'ils
9 aient tout le temps cela présent à l'esprit afin qu'ils puissent
10 transmettre la nécessité à leurs officiers subordonnés. Et selon la logique
11 qui est celle de dire qu'une chose réitérée à plusieurs reprises s'installe
12 davantage dans l'esprit de tout un chacun que lorsqu'il n'en a pas du tout
13 été question.
14 Q. Mon Colonel, ce que je veux vous laisser entendre, c'est que ces
15 rappels ont été faits parce que la VJ avait commis des crimes à Pristina et
16 au Kosovo, n'est-ce pas exact ?
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Cepic.
18 Je voudrais qu'on me réponde.
19 M. CEPIC : [interprétation] C'est une allégation, une affirmation, je ne
20 sais pas quel est le fondement de cette allégation pour ce qui est de la
21 question posée au témoin.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le fondement, c'est la conclusion qui
23 découlerait du rappel régulier fait à la nécessité de se conformer au droit
24 humanitaire international. C'est là le fondement de la question. Veuillez
25 continuer.
26 M. SACHDEVA : [interprétation]
27 Q. Colonel, vous n'avez toujours pas répondu à ma question, ou plutôt ça
28 n'a pas été consigné. Est-ce que vous pouvez répondre maintenant ?
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1 R. Est-ce que vous pourriez reposer votre question, s'il vous plaît ?
2 Q. Ce que j'affirme à votre intention, c'est que tous ces rappels relatifs
3 à l'obligation de s'en tenir au droit humanitaire international, c'est le
4 fait que la VJ a commis des crimes à Pristina et au Kosovo-Metohija tout
5 entier. Qu'en dites-vous ?
6 R. Ce que je puis dire c'est que, non seulement je ne suis pas d'accord,
7 mais ce n'est pas vrai. En particulier du point de vue de ce qui concerne
8 la ville de Pristina. Et ce n'est pas exact dans son ensemble non plus.
9 Q. Vous dites dans votre témoignage qu'il n'y a pas eu de crimes, aucune
10 violation du droit humanitaire international à Pristina pendant le conflit
11 ?
12 R. Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que s'il y a eu des crimes
13 - et je n'en ai pas eu vent - ce n'est pas l'armée qui les a commis. Et
14 notamment pas des crimes qui seraient commis à Pristina. La ville de
15 Pristina, j'en parle, parce que c'est là que je connais la situation pour
16 le mieux.
17 Q. Donc vous déclarez ici qu'aucun membre du Corps de Pristina n'a commis
18 de crime à Pristina.
19 R. Je déclare ici que de tels crimes commis par des membres de l'armée, il
20 n'y en a pas eu à Pristina et que je n'en ai pas eu vent.
21 Q. Alors de quels crimes êtes-vous en train de parler maintenant ?
22 R. Je ne parle pas de crimes. C'est vous qui parlez de crimes. Hier et
23 aujourd'hui, j'ai parlé des crimes commis par les terroristes. Et de quels
24 crimes vous êtes en train de parler, vous maintenant, je ne sais pas.
25 Posez-moi la question, je vous en prie.
26 Q. Avez-vous connaissance de crimes commis à Pristina par des membres de
27 la police ou des membres de l'armée ?
28 R. Je n'en ai pas connaissance.
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1 Q. Hier vous avez dit avoir rencontré le général Lazarevic le 27 avril
2 1999. Et vous avez ajouté que vous l'aviez invité à venir rendre visite à
3 la garnison. Vous vous rappelez avoir dit cela ?
4 R. Oui.
5 Q. Il vous a répondu qu'il ne pouvait pas venir le soir même, car il était
6 occupé. Savez-vous à quoi il était occupé ?
7 R. Vraiment ça, je ne saurais vous le dire, car je ne le savais pas à
8 l'époque et je ne le sais toujours pas aujourd'hui. Un commandant n'a pas
9 le devoir de se confier à ses subordonnés en leur disant pourquoi il est
10 occupé, bien que s'il le souhaite, il puisse le dire.
11 Q. A un certain moment, vous avez accompagné le général Lazarevic jusqu'à
12 l'hôtel Grand; vous vous rappelez avoir dit cela ?
13 R. Oui, mais ça, c'était le 28.
14 Q. Lorsque vous êtes à l'hôtel Grand, qui d'autre était présent à l'hôtel
15 ?
16 R. Je ne me souviens pas aujourd'hui de toutes les personnes présentes à
17 l'hôtel Grand. Mais je me souviens de la présence de Mme Pavlovic, qui
18 était la mère supérieure des religieuses du Kolo Srpskih Sestara. Je crois
19 -- je n'en suis pas tout à fait sûr, qu'il y avait aussi quelques
20 représentants de la presse étrangère. Je crois que le colonel Starcevic
21 était également présent, ainsi que peut-être quelques autres personnes.
22 Mais quoiqu'il en soit, je n'ai pas prêté une attention particulière pour
23 me rappeler exactement qui était présent. Les personnes que je viens de
24 citer, j'ai souvenir qu'elles étaient présentes, et c'est tout ce que je
25 peux dire.
26 Q. A quelle fréquence vous rendiez-vous à l'hôtel Grand pendant le conflit
27 ?
28 R. Pendant le conflit, en dehors de cette visite-là, si je me souviens
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1 bien, je n'y suis jamais allé à un autre moment.
2 Q. Il y avait bien des éléments du Corps de Pristina qui étaient installés
3 dans l'hôtel Grand, n'est-ce pas ?
4 R. Non. N'étaient stationnés dans l'hôtel Grand que les éléments que je
5 vous ai déjà cités, à savoir le centre d'information et le fait que l'hôtel
6 Grand était l'endroit où s'échangeait le courrier. Quant aux autres étages
7 du bâtiment, ils étaient utilisés par l'entreprise hôtelière qui relevait
8 de la société Sloga de Pristina. Il est possible que d'autres entreprises
9 aient également utilisé certaines parties du bâtiment ou aient sous-loué à
10 Sloga, mais je n'en suis pas au courant.
11 Q. J'aimerais que nous revenions sur la pièce 5D00348, je vous prie.
12 Mon Colonel, c'est le document dont il a déjà été question au cours de ces
13 débats, qui concernent votre garnison. En bas de page, à l'avant-dernier
14 paragraphe, nous lisons :
15 "Selon les besoins et en fonction de l'évolution de la situation, loger le
16 groupe dans la région de la municipalité de Pristina, du tribunal
17 municipal, et des lieux de commandement du Corps de Pristina, y compris le
18 Grand Hôtel."
19 R. [aucune interprétation]
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous donner lecture de ce
21 passage.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] "Installer le groupe selon les besoins et en
23 fonction de la situation dans la zone de la municipalité de Pristina, du
24 tribunal militaire, dans le bâtiment du commandement du Corps de Pristina,
25 et avec l'hôtel Grand."
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie. Pourriez-vous vous
27 expliquer sur le sens de ce passage ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Le secteur dont il est question dans ce
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1 paragraphe forme un triangle dont les trois sommets sont la mairie, le
2 tribunal et le commandement du Corps de Pristina, ainsi que l'hôtel Grand.
3 Donc selon la terminologie militaire, en citant ces trois points, on
4 détermine le secteur qui doit être utilisé pour loger les unités et les
5 membres du commandement. Le commandant m'a donné pour mission d'installer
6 les membres de mon commandement dans le secteur qui était délimité par ces
7 trois points, et c'est exactement ce que j'ai fait. Ce que j'ai fait, c'est
8 que j'ai installé tous ces hommes à l'intérieur de ce secteur triangulaire,
9 mais personne n'a été installé dans l'un ou l'autre des bâtiments qui
10 constituent les trois sommets du triangle, c'est-à-dire aucun n'a été
11 installé dans l'hôtel Grand, ni dans la mairie, mais à côté de la mairie,
12 et un nombre limité d'hommes a été installé dans une caserne. Donc je n'ai
13 pas installé ces hommes dans les bâtiments qui constituaient les trois
14 sommets du triangle, mais à l'intérieur de la zone triangulaire délimitée
15 par ces bâtiments.
16 M. SACHDEVA : [interprétation]
17 Q. Donc le groupe de commandement, le groupe du centre opérationnel et le
18 groupe du département chargé de suivre la situation dans l'espace aérien,
19 aucun de ces groupes n'a été déployé à l'hôtel Grand, n'est-ce pas ?
20 R. J'ai déjà dit qu'aucun de ces groupes, aucune de ces formations n'a été
21 installée dans l'hôtel Grand. D'ailleurs, j'ai bien lu les mots "selon les
22 besoins", étant donné la pensée exprimée par le commandant dans ces mots,
23 j'ai installé le département chargé de la surveillance de l'espace aérien
24 dans des locaux souterrains du centre sportif, Boro i Ramiz, qui se
25 trouvait non pas à l'intérieur du triangle, mais à une cinquantaine de
26 mètres à l'extérieur, non loin du siège du commandement du Corps de
27 Pristina. Cet endroit se trouve tout près du terrain de football,
28 appartenant au Club de football de Pristina. C'est là que se trouvaient les
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1 éléments chargés de la surveillance de l'espace aérien.
2 Q. En dehors du commandement du Corps de Pristina, il y avait aussi un
3 bataillon militaire --
4 R. Non, il n'a pas été question une seconde d'un quelconque bataillon
5 militaire ici.
6 Q. Il y avait bien un Bataillon de la Police militaire à Pristina, n'est-
7 ce pas ?
8 R. Le Bataillon de la Police militaire existait en tant qu'unité
9 constitutive du Corps de Pristina, et après le début de l'agression, dans
10 le respect du plan établi par lui, il a été déployé dans les différents
11 endroits prévus par le plan en question. Quant à moi, je n'ai pas été
12 informé de ces lieux de déploiement, mais ce que je sais c'est que ce
13 bataillon avait pour mission, entre autres, d'assurer la sécurité du lieu
14 de commandement du corps d'armée.
15 Q. Le Bataillon de la Police militaire assurait-il également la sécurité
16 de la garnison ?
17 R. Pour autant que je le sache, si nous parlons des bâtiments faisant
18 partie de la garnison, je répondrais non.
19 Q. Quels étaient les effectifs qui constituaient ce Bataillon de la Police
20 militaire, si vous le savez ?
21 R. Je dirais aujourd'hui que ces effectifs se montaient à 350 ou 400
22 hommes, avec le recul je dis cela.
23 Q. Je suppose que tous ces hommes étaient armés également.
24 R. Ils étaient armés.
25 Q. Vous vous souviendrez qu'hier il a été question de l'artillerie qui se
26 trouvait à Vranjevac et sur laquelle on tirait à partir de Koljevac [phon].
27 Vous vous rappelez de cela ?
28 R. Le village de Kojlovica. C'est de ce village que vous parlez ?
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1 Q. Oui.
2 R. Je me souviens qu'il en était question hier.
3 Q. Il est exact, n'est-ce pas, que ces deux villages, Vranjevac et
4 Kojlovica sont en hauteur par rapport à la ville de Pristina ?
5 R. Certains quartiers de Vranjevac sont dans la vallée et d'autres
6 quartiers sont en hauteur, mais Vranjevac, dans son ensemble, se compose de
7 quartiers résidentiels avec des immeubles d'habitation, et à peine cinq
8 mètres séparent les maisons de Vranjevac. Quant aux rues de Vranjevac,
9 elles ont une largeur qui n'excède pas deux à trois mètres.
10 Le village de Kojlovica, pour sa part, ne se trouve pas en hauteur.
11 Q. Mais comparez au centre de la ville de Pristina, Kojlovica est en
12 hauteur, n'est-ce pas, de même que Vranjevac ?
13 R. Kojlovica, non.
14 Q. A partir du centre-ville de Pristina -- ou en tout cas à partir de la
15 ville de Pristina, on voit le village de Vranjevac, n'est-ce pas ?
16 R. A partir du centre de Pristina -- tout dépend de l'endroit où on se
17 trouve dans le centre de Pristina, parce qu'à Pristina il y a pas mal
18 d'immeubles de grande hauteur. En tout cas, on ne voit que certains
19 quartiers de Vranjevac et pas tout le village de Vranjevac.
20 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais
21 soumettre au témoin le plan qui a été annoté par un témoin de l'Accusation,
22 et je vous demande l'autorisation de le faire, car ce document ne figure
23 pas sur ma liste initiale de pièces. Ce document n'y figure pas, car je
24 n'avais pas prévu ce que mon collègue de la Défense allait faire eu égard
25 aux annotations très détaillées sur le plan.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Cepic.
27 M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, je me permettrais
28 modestement de vous soumettre l'impression qui est la mienne, à savoir que
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1 les exceptions en ce moment sont en train de devenir la règle.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela n'aide pas beaucoup la Chambre.
3 Pourriez-vous répondre à l'argument, à savoir que parce que vous êtes entré
4 dans le détail au sujet des annotations sur le plan, il conviendrait de
5 soumettre ce document au témoin. Le principe qui est en cause ici est un
6 principe d'équité générale, y compris à l'égard du témoin, mais également
7 un principe d'équité vis-à-vis de l'administration de la justice et des
8 témoins qui ont déposé devant la Chambre par le passé. Qu'avez-vous à dire
9 par rapport à cela ?
10 M. CEPIC : [interprétation] Je n'ai rien contre le fait que l'on soumette
11 au témoin ce plan. Mon collègue de l'Accusation m'a remis un plan qui
12 n'était pas annoncé en tant que pièce à conviction au préalable et je lui
13 ai donné mon accord. J'ai dit que j'étais d'accord pour que ce document
14 soit versé au dossier par le truchement du témoin Filipovic. Mais
15 l'objection que j'élève en ce moment, je le fais par principe, comme je
16 viens de le dire. Mais si nous parlons du plan dont j'ai reçu un exemplaire
17 papier, je n'ai rien contre son versement, même si ce document n'a pas de
18 cote en IC.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que ce document a une cote ?
20 M. SACHDEVA : [interprétation] Le plan que je souhaite soumettre au témoin
21 a une cote en IC. Il s'agit du document IC 15.
22 Mais la Défense --
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non, non. Une seconde.
24 Quel est le principe que vous évoquez, Maître Cepic ?
25 M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous parlons de deux
26 plans différents, et l'accord que j'ai donné à mon collègue de l'Accusation
27 concernait un plan qui n'est pas annoté et qui n'a pas de cote en IC. Voilà
28 quelle est la nature de l'accord conclu entre nous avant le début de
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1 l'audience. Je n'ai rien contre le versement de ce document au dossier et
2 je suis tout à fait d'accord avec toute autre proposition relative à des
3 plans de Pristina quel que ce soit le moment où il en sera question.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Alors quelle est votre objection de
5 principe ?
6 M. CEPIC : [interprétation] Peut-être avais-je mal compris certains
7 détails. Je la retire, mon objection. Mais je vois que mon confrère, Me
8 Fila, souhaite s'exprimer.
9 M. FILA : [interprétation] Si vous m'autorisez à le faire, Monsieur le
10 Président, je vais vous expliquer en une phrase l'inquiétude de la Défense.
11 Comme vous le savez, je n'ai jamais élevé la moindre objection par rapport
12 à un quelconque document présenté par l'Accusation. Ce qui nous inquiète,
13 c'est que normalement avant le prononcé de la déclaration solennelle par le
14 témoin, une liste des pièces qui seront utilisées doit être soumise et que
15 l'on voit de très nombreuses exceptions faites par rapport à la liste
16 initiale, ce qui nous fait perdre du temps. Or, ici, s'il y a quelqu'un qui
17 s'intéresse davantage autant que vous, Monsieur le Président, c'est moi. Je
18 déteste perdre du temps, car autour de chacun de ces documents on discute
19 beaucoup pour savoir s'il est traduit ou pas traduit, s'il est nécessaire
20 ou pas. Quant au fait que ces documents surprennent la Défense, qu'est-ce
21 qui ne nous a pas surpris jusqu'à présent ? Je serai simplement surpris si
22 dans ces documents il n'était pas question de Sainovic. Non, rien d'autre
23 ne pourrait me surprendre. Nous avons tout vécu déjà. Voilà ce que je
24 voulais dire en guise de mise en garde. C'est le fruit des discussions
25 entre les différentes équipes de Défense. Je ne voudrais pas abuser du
26 temps de la Chambre et vous avez déjà assez perdu du temps à m'écouter. Je
27 vous remercie.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci ressemble plus à l'expression
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1 d'un sentiment de frustration qu'à une objection juridique en bonne et due
2 forme.
3 Maître Cepic, si vous avez une objection de principe, c'est-à-dire si
4 vous pouvez démontrer à la Chambre que l'Accusation aurait dû avoir prévu
5 tous les détails des questions qu'elle s'apprêtait à poser au sujet de
6 Kojlovica et Vranjevac, le Procureur pour sa part affirme que cela lui
7 était impossible étant donné les préavis qui ont été respectés. Donc, en
8 toute équité, il n'y a pas d'obstacle à ce que le plan annoté par un témoin
9 déjà entendu sur ce point particulier soit soumis à ce témoin-ci.
10 S'il y a une raison d'élever une objection sur cette base, et si tout
11 le temps consacré aux débats dans la dernière période ne sont pas du temps
12 perdu, alors j'ai quelque mal à le voir.
13 Evitons à l'avenir de perdre du temps supplémentaire, et je propose à
14 M. Sachdeva de soumettre ce document au témoin.
15 Veuillez procéder, Monsieur Sachdeva.
16 M. SACHDEVA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le
17 Président.
18 Je demanderais d'abord que l'on soumette au témoin le document IC 148, qui
19 est la carte annotée par un témoin précédent, si je me souviens bien de la
20 cote, et qu'on l'affiche sur les écrans.
21 Q. Mon Colonel, vous avez annoté ce plan hier et au regard du numéro 2
22 inscrit par vous sur ce plan, vous avez indiqué que l'on pouvait trouver
23 l'emplacement de la maison de Mme Bala, n'est-ce pas ?
24 R. La maison de qui ?
25 Q. La maison sise au 30 de la rue Lapski.
26 R. Ce que j'ai annoté, c'est l'emplacement de la rue Lapska; même si - et
27 je redis ce que j'ai déjà dit hier - ce plan est très peu lisible
28 s'agissant de s'orienter. Etant donné le caractère sérieux du travail qui
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1 nous occupe, je prie la Chambre de m'excuser de dire ce que je vais dire,
2 mais c'est un plan qui est vraiment une caricature de plan. J'ai des cartes
3 topographiques. Mais enfin, n'insistons pas, nous allons essayer de
4 travailler avec celle-ci. Cela étant, c'est un plan qui est très peu aisé à
5 utiliser dans un exercice comme celui-ci.
6 Q. Le témoin qui a été entendu par la Chambre a annoté l'emplacement de sa
7 maison à un endroit que je vais maintenant vous montrer et montrer à la
8 Chambre.
9 M. SACHDEVA : [interprétation] Je demande qu'on affiche la pièce IC 15 à
10 présent et, si possible, que l'on montre les deux plans l'un à côté de
11 l'autre.
12 Q. Conviendriez-vous, Monsieur le Témoin, que le cercle inscrit par Mme
13 Bala comme représentatif de l'endroit où elle habitait se situe juste au-
14 dessus du bazar, c'est-à-dire du marché ? Vous êtes d'accord là-dessus ?
15 R. Ce cercle qui est inscrit sur ce plan est inscrit à cet endroit, mais
16 ça n'est pas au niveau du vieux marché. Le mot vieux est très important
17 lorsqu'on parle du marché. Ça, ce n'est pas le vieux marché. C'est un
18 marché qui existait avant l'agression et qui a fonctionné y compris pendant
19 l'agression. C'est un marché qui n'a rien à voir avec la Stara Pjatsa
20 [phon], le vieux marché, qui se trouve à un autre endroit. Mais enfin,
21 admettons même que ce soit là qu'elle ait habité, depuis cet endroit elle
22 aurait encore moins la possibilité de voir Vranjevac -- ou plutôt, excusez-
23 moi, Kojlovica.
24 Q. Admettez-vous la possibilité que si elle se trouvait tout en haut du
25 bâtiment qu'elle habitait, qui comportait quatre étages, elle aurait eu une
26 vue dégagée sur Vranjevac ?
27 R. Depuis le haut de l'immeuble, il est tout à fait logique de dire que la
28 vue est plus dégagée qu'à partir du sol. Mais quoiqu'il en soit, depuis cet
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1 endroit on ne voit pas le village de Kojlovica. Il n'est pas visible depuis
2 cet endroit.
3 Q. Ma question portait sur Vranjevac.
4 Conviendrez-vous avec moi également --
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si votre question concernait
6 Vranjevac, nous devons recevoir une réponse à cette question.
7 Pourriez-vous, Monsieur Filipovic, répondre à la question.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Vranjevac est visible, mais pas tout le
9 village de Vranjevac. La plus grande partie de Vranjevac est visible parce
10 que Vranjevac comporte des quartiers qui sont en bas et des quartiers qui
11 sont en hauteur, sur une hauteur qui s'étend vers le nord jusqu'à la voie
12 de chemin de fer à Pristina et Podujevo. Mais la rue Lapska était là où je
13 l'ai indiquée pendant l'agression. Elle n'a pas pu se déplacer. Là où j'ai
14 inscrit le cercle sur le plan, c'est là que se trouvait la rue de Lapska.
15 Aussi, j'ai un plan qui vient de l'hôtel, un plan de Pristina qui
16 date de l'époque, et la rue Lapska ne se trouve pas à l'endroit que l'on
17 voit maintenant. La rue Lapska part de la voie ferrée et court jusqu'à
18 l'intérieur de la ville.
19 M. SACHDEVA : [interprétation]
20 Q. Monsieur le Témoin, je ne vous interrogeais pas au sujet de la rue
21 Lapska. Je vous demandais simplement si, à partir du lieu qui est inscrit
22 sur le plan par le témoin, on voit --
23 R. A partir de cet endroit, on voit Vranjevac; ou plutôt, on voit la
24 majeure partie de Vranjevac, mais Kojlovica, on ne le voit pas.
25 Q. Conviendrez-vous également qu'avec des jumelles on voit encore mieux à
26 partir du haut de ce bâtiment ?
27 R. Avec des jumelles, beaucoup mieux, mais on ne voit pas Kojlovica.
28 Kojlovica n'est pas visible à partir de cet endroit, même avec un télescope
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1 astronomique.
2 Q. Conviendrez-vous avec moi qu'à partir de cet endroit, c'est-à-dire à
3 partir du haut de l'immeuble où résidait ce témoin, elle voyait également
4 le centre de la ville. Vous êtes d'accord là-dessus ?
5 R. Des parties du centre-ville, oui; ce qui n'aurait pas été caché par des
6 immeubles de grande hauteur. Parce que dans le centre-ville, il y a des
7 bâtiments qui ont jusque 15 étages, alors que son immeuble à elle n'en
8 avait que cinq.
9 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous connaissez la station- service
10 Jugopetrol à Pristina ?
11 R. Je ne vous ai pas bien compris. Pourriez-vous répéter, je vous prie.
12 Q. N'y avait-il pas un dépôt de carburant de Jugopetrol à Pristina ?
13 R. Si.
14 Q. Ne se trouvait-il pas tout près du commandement du Corps de Pristina ?
15 R. La notion de proximité est relative. Ce dépôt de carburant se trouvait
16 à l'endroit que je vais vous décrire maintenant : Tout près du cimetière
17 orthodoxe de Pristina, à une distance de 150 à 200 mètres du cimetière
18 orthodoxe. Il se trouvait à une centaine de mètres de la grand-route qui
19 relie Urosevac en passant par Pristina à Kosovska Mitrovica. Je crois que
20 c'est bien de ce dépôt dont vous parlez dans votre question.
21 Si c'est bien de ce dépôt dont vous parlez, alors il se trouvait à
22 l'endroit que je viens de vous indiquer.
23 Q. Ce dépôt de carburant, est-ce que vous pouvez nous dire quelle était la
24 taille de ce complexe ? Combien de camions-citernes de combustible est-ce
25 que l'on pouvait y trouver ?
26 R. Non, je ne peux pas vous le dire exactement, parce que je ne le sais
27 pas en fait ou que cela faisait partie de mes compétences. Je connaissais
28 quelqu'un qui répondait au nom de Lalic et qui en était le directeur. Voilà
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1 ce que je peux vous dire à propos de ce dépôt de carburant.
2 Q. Je suppose que les militaires pouvaient obtenir leur carburant de ce
3 dépôt. Est-ce exact ?
4 R. Cela, je ne le sais pas. Je n'en étais pas informé parce que cela ne
5 faisait pas partie de mes compétences. Par contre, ce que je sais, c'est
6 qu'en fonction de contrats et de plans du ministère l'armée était
7 approvisionnée en fonction d'un certain régime, et ce, à partir du
8 territoire de tout l'Etat. Pour ce qui est de ce dépôt de carburant et du
9 fait que l'armée pouvait se procurer du carburant là, je n'en sais rien.
10 Q. Je suppose que vous conviendrez quand même que le carburant était
11 essentiel pour le fonctionnement de l'armée, notamment pendant le conflit ?
12 R. Oui. Le carburant, c'était très important. Et nous obtenions notre
13 approvisionnement en carburant du territoire de l'Etat. Qu'est-ce que nous
14 pouvions faire d'autre, si ce n'est obtenir des carburants pour défendre
15 notre territoire ?
16 Q. Donc il est vraisemblable que s'il existait un dépôt de carburant tel
17 que celui dont nous avons parlé, il était assez vraisemblable que l'armée
18 aurait obtenu du carburant de ce dépôt, n'est-ce pas ? Est-ce que vous
19 pouvez en convenir ?
20 R. C'est possible, mais l'armée avait le droit tout à fait légitime
21 d'obtenir ces approvisionnements en carburant. Pour ce qui est de savoir ce
22 qui figurait dans le plan et si le carburant venait exactement de cet
23 endroit, je n'en sais rien.
24 M. SACHDEVA : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, je vous prie,
25 afficher à nouveau la pièce P2004 ?
26 Q. Monsieur, c'est un document que vous connaissez maintenant, et je vous
27 demanderai de vous intéresser au bas du document, car il y est dit:
28 "Pendant la nuit entre le 12 et le 13 avril 1999, les installations
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1 suivantes du secteur de Pristina ont été touchées." Ensuite il est indiqué
2 : "Les cibles civiles suivantes ont été attaquées à Pristina," et l'une de
3 ces cibles est justement l'entrepôt Jugopetrol. Ce que j'avance, c'est que
4 l'entrepôt Jugopetrol n'était pas une cible civile.
5 R. Ce que j'avance, c'est que le dépôt Jugopetrol était une cible civile.
6 Vous savez dans l'armée on boit de l'eau également, donc vous allez me dire
7 que le château d'eau était également une cible militaire. Il y avait, par
8 exemple, près de Pristina, près de Badovac, un château d'eau qui a été
9 bombardé. Alors probablement que ces personnes étaient orientées par le
10 fait que dans l'armée on boit également de l'eau. Si cette logique devait
11 être appliqué à tout, donc l'eau est bue par l'armée, toute la population,
12 les Turcs, les Siptar, les Serbes, les Rom. Nous buvons tous de l'eau.
13 Alors voilà comment je réponds. Ensuite on se demande pourquoi la
14 population se déplace, c'était la population siptar et serbe d'ailleurs.
15 Q. Monsieur, vous devez quand même convenir que ce genre de structure --
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez entendu sa réponse, nous
17 évaluerons sa réponse compte tenu de tous les éléments de preuve apportés.
18 Je pense que vous devez passer à autre chose maintenant.
19 M. SACHDEVA : [interprétation] J'aimerais que la pièce de l'Accusation 1996
20 soit affichée, je vous prie.
21 [La Chambre de première instance se concerte]
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, poursuivez.
23 M. SACHDEVA : [interprétation]
24 Q. Mon Colonel, il s'agit d'un procès-verbal d'une réunion qui a été tenue
25 par l'état-major du MUP pour le Kosovo-Metohija à Pristina le 7 mai 1999.
26 Comme vous le verrez à la première page, il est indiqué que le vice-premier
27 ministre, M. Sainovic, a participé à la réunion en sus de plusieurs
28 représentants officiels du MUP.
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1 M. SACHDEVA : [interprétation] Je souhaiterais que la page 4 de la version
2 B/C/S soit affichée, cela correspond à la page 5 de la version anglaise.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, Maître Fila.
4 M. FILA : [interprétation] Je vois que le Procureur a lu "Sainovic" pour
5 une raison que j'ignore. Je ne vois pas pourquoi il faut montrer ce
6 document au commandant du Corps de Pristina, qui était officier de l'armée
7 de la Yougoslavie, à moins que vous ne souhaitiez confirmer pour la énième
8 fois que M. Sainovic a participé à cette réunion. Je ne comprends pas
9 pourquoi on revient à la charge ainsi. Le témoin est un officier de l'armée
10 de la Yougoslavie. On devrait lui demander si la réunion a bien eu lieu,
11 comment, pourquoi ? Mais quelle est la base de cette question --
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense, Maître Fila, que vous êtes
13 d'une susceptibilité qui n'a pas court d'ailleurs, parce que pour le moment
14 aucune question n'a été posée. Pour le moment je ne sais pas quel est
15 l'objectif de la manœuvre, de toute façon il n'y a absolument aucun élément
16 de preuve contre Sainovic qui est contenu de ce qui est dit.
17 Maître Cepic, vous avez également une objection.
18 M. CEPIC : [interprétation] Si vous me l'autorisez, Monsieur le Président.
19 D'après ce dont je me souviens, mon client, le général Lazarevic, n'a pas
20 eu le droit d'expliquer la teneur de ce document pendant son
21 interrogatoire. Je vous remercie.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pouvez --
23 M. CEPIC : [interprétation] L'explication, c'est qu'il n'a pas participé à
24 la réunion ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous fournir une explication.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Taisez-vous pour un moment jusqu'à ce
27 que nous réglions la situation. Il y a une objection qui a été soulevée.
28 Ils essaient de faire en sorte que vous ne répondiez pas parce qu'ils
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1 pensent que cela n'est pas très juste à l'égard de leur client, donc
2 n'intervenez pas dans ce cadre.
3 Est-ce que vous pourriez me donner la référence du compte rendu d'audience
4 ?
5 M. CEPIC : [interprétation] Je vais faire de mon mieux. Dans trois minutes
6 je vous la donnerai.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il faudrait peut-être aller un peu
8 plus vite en besogne parce que vous voulez vous opposer à ce qu'une
9 question soit posée.
10 Peut-être que dans un premier temps nous devrions entendre la
11 question, puis ensuite vous m'indiquerez si vous insistez et continuez à
12 soulever cette objection.
13 Monsieur Sachdeva, quelle est votre question ?
14 M. SACHDEVA : [interprétation]
15 Q. Mon Colonel, sur cette page vous verrez que le chef du SUP à Pristina,
16 M. Janicevic, est en train de présenter un rapport. Je souhaiterais que
17 vous examiniez la deuxième partie, la partie inférieure de la page. Est-ce
18 que vous voyez, il y a un paragraphe où il est dit : "Les militaires ne
19 prennent pas suffisamment de mesures et la plupart des crimes sont commis
20 par des membres de la VJ." ?
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous posez cette question, mais
22 pourquoi est-ce que vous dépendez de ce document pour poser votre question
23 alors que vous avez déjà obtenu des réponses ?
24 M. SACHDEVA : [interprétation] Je pense que c'est une question de
25 crédibilité, Monsieur le Président. Car le témoin se trouvait à Pristina
26 pendant toute la période de la guerre et il a indiqué qu'il n'était
27 absolument pas au courant de crimes commis à Pristina par les membres de la
28 VJ.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Sa déposition est très claire.
2 Qu'est-ce que vous essayez de faire ?
3 M. SACHDEVA : [interprétation] J'essaie de montrer au témoin qu'il existe
4 un rapport qui a été établi par le ministère de l'Intérieur suivant lequel
5 les membres de la VJ commettaient des crimes, et j'allais tout simplement
6 lui demander comment est-ce que cela pourrait être pris en considération
7 par rapport à sa réponse ?
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, il a déjà répondu très clairement
9 à cette question. Vous êtes en train de revenir à la charge à propos de
10 quelque chose qui a déjà fait l'objet d'examen. Dans le cadre du système
11 dans lequel nous opérons, vous ne pouvez pas présenter à chaque témoin ce
12 document qui pourrait contredire sa réponse. Vous aurez la possibilité de
13 parler de la valeur à accorder à sa déposition en temps voulu. Donc je vous
14 demanderai d'aborder autre chose.
15 M. SACHDEVA : [interprétation] Bien, Monsieur le Président.
16 Q. Mon Colonel, hier nous avons parlé d'un tract de l'UCK qui était
17 distribué. Vous vous en souvenez ? Il s'agissait d'un tract qui apparemment
18 était donné par l'UCK ?
19 R. Oui, je m'en souviens.
20 Q. Vous vous souvenez qu'il semblait que cela émane du président de la
21 République du Kosovo, M. Ibrahim Rugova ?
22 R. Je ne sais pas qui était à l'origine de ce tract. Je n'en sais rien.
23 Mais ce tract a été trouvé là, et d'ailleurs il n'y en avait pas qu'un
24 seul, ils étaient plusieurs. Et deuxièmement --
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez poser une question, je vous
26 prie, parce que je pense vous avoir déjà expliqué que cette méthode que
27 nous connaissons tous dans le cadre des systèmes du "common law" qui
28 consiste à jeter la base avant de poser une question, et ensuite de
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1 demander au témoin s'il confirme cela, c'est une chose. Mais ici les
2 témoins veulent répondre aux questions, ils essaient d'expliquer toutes les
3 différentes nuances qui peuvent se cacher derrière la question, et cela ne
4 nous permet absolument pas de progresser. Cela est utile dans le cadre d'un
5 système qui vous permet d'arriver très vite à la question principale. Donc
6 posez votre question.
7 Nous avons d'ailleurs eu exactement le même comportement avec un
8 certain nombre de conseils de la Défense qui posaient des questions lors du
9 contre-interrogatoire. Je pense, par exemple, au contre-interrogatoire de
10 Me Ackerman. Une fois de plus, vous opérez dans le même système, c'est une
11 approche que vous connaissez, mais qui ne donne pas les fruits escomptés
12 avec les témoins que nous avons ici.
13 M. SACHDEVA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Q. Vous ne savez qui a préparé ce document; c'est cela ?
15 R. Non, je n'en sais rien. Je ne peux que me livrer à des conjectures et
16 supposer que ces tracts venaient des centres terroristes; mais je n'en sais
17 rien. Je ne sais pas qui a rédigé ces tracts qui ont été largués à partir
18 d'un avion. Je n'en sais rien. Mais ce qui est sûr, c'est qu'ils n'étaient
19 pas largués à partir de nos avions.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous êtes en train de nous
21 dire que ce document a été jeté à partir d'un avion; c'est cela ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne vous parle pas de ce document.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Mais vous voyez comment il est
24 facile de jeter la confusion lorsqu'on ne se concentre pas, lorsqu'une
25 question est posée et lorsqu'on ne répond pas.
26 Monsieur Sachdeva.
27 M. SACHDEVA : [interprétation]
28 Q. Vous ne savez pas, Monsieur, si cela avait été préparé par la VJ ou à
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1 partir de Belgrade ? Vous n'en savez rien, n'est-ce pas ?
2 R. Mon armée n'aurait jamais fait cela. Mon armée n'a jamais fait cela,
3 c'est quelque chose que j'exclus complètement.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Visnjic.
5 M. VISNJIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir une référence
6 pour ce qui est avancé, car c'est assez intéressant quand même.
7 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demanderaient aux conseils de ne pas tous
8 parler en même temps.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Votre objection est soulevée de façon
10 trop tardive. Le témoin a déjà répondu à la question alors que vous n'étiez
11 même pas en train de commencer à soulever votre objection.
12 Si vous l'aviez fait à temps, la réponse aurait pu être différente, mais
13 là, la réponse a été apportée à la question.
14 D'ailleurs, je suis sûr que la réponse ne vous déçoit pas tant que cela.
15 M. VISNJIC : [interprétation] Non, ce n'est pas à cause de la réponse, mais
16 je voulais tout simplement le dire pour l'avenir. Peut-être qu'il se peut
17 que j'aie tout simplement raté quelque chose.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais cela ne se fondait pas sur un
19 élément de preuve. Il s'agit d'une question, on a demandé au témoin de
20 confirmer qu'il ne connaissait pas une source précise. En ce qui me
21 concerne, je n'ai pas eu l'impression qu'il s'agissait d'une suggestion
22 indiquant qu'il y avait des éléments de preuve à ce sujet.
23 M. VISNJIC : [interprétation] [hors micro]
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Sachdeva, s'il y avait une
25 objection soulevée, c'est une objection que j'aurais acceptée. Continuez,
26 je vous prie.
27 M. SACHDEVA : [interprétation]
28 Q. Mon Colonel, vous avez dit à la Chambre que vous aviez été à Pristina,
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1 à l'exception d'une journée, depuis le début du conflit jusqu'à la fin du
2 conflit; c'est exact, n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. Et vous avez fourni des éléments de preuve à propos des activités de
5 l'UCK à Pristina ainsi que dans le secteur général de Pristina, vous avez
6 également donné à la Chambre de première instance de nombreuses
7 informations à propos de positions qui ont été touchées par l'OTAN à
8 Pristina. C'est exact, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Donc je peux tout à fait dire que vous étiez en mesure de savoir ce qui
11 se passait à Pristina pendant le conflit.
12 R. Oui, j'étais en mesure de savoir tout ce qui se passait à Pristina, il
13 y a des choses que j'ai vues, il y a des choses que j'ai moi-même vécues,
14 et il y a des choses que je savais de par mon travail. Il y avait beaucoup
15 de choses qui ne correspondaient pas à ma compétence et c'était autant de
16 choses que je n'avais pas à savoir, et c'étaient des choses que je ne
17 pouvais pas savoir d'ailleurs, mais pour ce qui est des éléments
18 d'information qui correspondaient à ma compétence, il est évident que
19 j'étais au courant. J'étais informé.
20 Q. Je suppose que les boulangeries ne faisaient pas partie de votre
21 domaine de compétence, n'est-ce pas ?
22 R. Les boulangeries ne faisaient pas partie de mon domaine de compétence,
23 mais cela ne signifie pas pour autant que nos familles -- ma famille, par
24 exemple, allait acheter du pain dans ces boulangeries pour s'alimenter. Et
25 pendant la guerre j'étais en contact avec ma famille.
26 Q. Je suppose également que le fonctionnement du bureau des retraites ne
27 faisait pas non plus partie de votre domaine de compétence puisqu'il s'agit
28 d'affaires de civils.
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1 R. Oui. Oui, oui, cela a trait aux civils, mais parmi ma famille, il y
2 avait de nombreux retraités. J'ai des amis qui étaient retraités. J'avais
3 de nombreux amis siptar qui touchaient leur retraite. Il y avait, par
4 exemple, des officiers qui avaient pris leur retraite qui étaient siptar,
5 qui étaient mes amis, d'ailleurs. Il y en a certains qui sont devenus
6 terroristes. J'avais de très bons amis parmi eux et ils me disaient quand
7 est-ce qu'ils touchaient leur pension. Je les voyais, parce que la caisse
8 où ils venaient toucher leur retraite se trouvait très, très près de
9 l'endroit où je me trouvais au bâtiment Union, à côté du théâtre, à une
10 centaine de mètres. C'est là en fait où il y a eu des offices de fortune
11 qui ont été installés après les frappes aériennes de l'OTAN. Voilà tout ce
12 que je peux vous dire à ce sujet.
13 Q. Vous savez qu'il y avait deux gares ferroviaires dans le secteur ou la
14 zone générale de Pristina, si je ne m'abuse, n'est-ce pas ?
15 R. Sur le territoire de la municipalité de Pristina, il n'y avait qu'une
16 gare ferroviaire. Il n'y en avait pas deux.
17 Q. Etant donné que vous saviez quand même ce qui se passait à Pristina,
18 que vous aviez suffisamment de connaissance à ce sujet, vous avez dû voir
19 des centaines de civils qui ont pris ces trains pour partir de Pristina.
20 Vous l'avez vu ?
21 R. Je n'ai pas vu cela.
22 Q. Vous avez dû en être informé par les médias. Vous avez dû entendre
23 parler de ces civils qui quittaient Pristina à bord de trains régulièrement
24 pendant le conflit.
25 R. Je n'ai pas entendu parler de personnes qui quittaient Pristina, et ce,
26 de façon régulière. J'ai entendu parler de personnes qui quittaient
27 Pristina en train, oui.
28 Q. C'était justement ma question. Donc, vous avez entendu ce que je vous
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1 ai demandé. Je vous ai dit vous avez dû savoir qu'il y avait des centaines
2 de personnes qui quittaient Pristina à bord de train, et ce, de façon
3 régulière pendant toute la guerre. Est-ce que vous en convenez ?
4 R. Non, je ne suis pas d'accord lorsque vous avancez que ces personnes
5 partaient régulièrement. Je ne suis pas d'accord avec le chiffre qui a été
6 avancé, mais, par contre, j'ai entendu dire qu'il y avait des personnes qui
7 partaient de Pristina à bord de train. Ce que je sais également, c'est
8 qu'il y a aussi des habitants de Pristina qui sont partis en bus.
9 Q. Ces habitants de Pristina qui partaient en bus ou en train de Pristina,
10 il s'agissait de civils albanais, n'est-ce pas ?
11 R. Ce n'est pas exact. Les Siptar et les Serbes, ainsi que les Turcs et
12 les Rom partaient également. Je sais que ces trains étaient utilisés par
13 les Siptar plus souvent que par les Serbes afin de fuir les frappes
14 aériennes de l'OTAN, et les bus ont plus souvent été utilisés par les
15 Serbes. D'aucun peut en conclure que la population ait utilisé tous les
16 moyens de transport alors qu'elle partait de Pristina, et les membres de
17 tous les groupes ethniques l'ont fait. Voilà quelle est ma réponse.
18 Q. Ça, c'est une supposition de votre part, lorsque vous nous dites que
19 ces personnes partaient à cause des frappes aériennes de l'OTAN, n'est-ce
20 pas ?
21 R. Non, ce n'est pas une supposition de ma part. Personnellement, j'en
22 connais certains, et j'ai participé à cela.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous voulez véritablement poser cette
24 question lors du contre-interrogatoire alors que vous avez déjà entendu le
25 point de vue exprimé par le témoin ? Vous savez que c'est un sujet qui
26 porte à polémique. De toute façon, tous les éléments de preuve devront
27 faire l'objet d'évaluation.
28 Vous avez encore beaucoup de questions à poser dans le cadre de votre
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1 contre-interrogatoire ?
2 M. SACHDEVA : [interprétation] Non, je n'ai plus trop de questions --
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez déjà abordé le problème des
4 personnes qui s'enfuyaient. Vous avez déjà traité de ce thème dans une
5 certaine mesure. Alors, je suppose que si je ne vous offre pas le droit de
6 poursuivre, il est évident qu'il y aura des questions supplémentaires qui
7 seront posées. Donc, peut-être qu'il vaut mieux et que vous précisiez tout
8 cela.
9 M. SACHDEVA : [interprétation]
10 Q. Monsieur, mais vous n'avez pas parlé avec toutes les personnes, tous
11 les civils albanais qui partaient en train ou en bus, n'est-ce pas ?
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a quand même une certaine limite.
13 Parce qu'il y a certaines questions qui sont posées qui sont un peu idiotes
14 tout simplement. Parce qu'à un moment donné, véritablement, il y a quand
15 même cette loi de rendement inverse en contre-interrogatoire. Est-ce que
16 vous pensez véritablement qu'il s'agit d'une question sérieuse à poser dans
17 le cadre de ce procès ?
18 M. SACHDEVA : [interprétation] J'essaie tout simplement de savoir d'où
19 venait la connaissance du témoin.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez posé la question. Essayons
21 d'entendre la réponse alors.
22 M. SACHDEVA : [interprétation]
23 Q. Quelle est la base --
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non, non, non. La question était
25 : Est-ce que vous avez pu parler à tous les Albanais qui partaient par
26 train ou par bus ?
27 Comment répondez-vous ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Il serait un peu saugrenu de s'attendre à ce
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1 que je réponde que je l'aie fait. Parfois, lorsque je suis passé par là,
2 j'ai parlé à certaines de ces personnes justement. Je leur demandais
3 pourquoi est-ce qu'ils partaient. Je leur demandais pourquoi est-ce qu'ils
4 partaient et qu'ils étaient formés en colonnes et qu'ils -- en fait, la
5 réponse que j'ai obtenue, c'était : "Nous ne savons pas où nous allons."
6 Voilà, ça, c'est la colonne qui est passée près de mon QG ou près de mon
7 commandement. Il y avait d'autres personnes qui faisaient partie d'autres
8 cohortes, ou d'autres colonnes qui étaient motivées par d'autres raisons et
9 qui m'auraient certainement fourni d'autres explications. Je ne sais pas
10 quelles sont ces explications et quelles étaient ces explications. Je n'en
11 sais rien.
12 Je vous parlais tout simplement de ce que je sais. Pour ce qui est
13 des personnes qui partaient, je peux vous dire que j'ai participé et j'ai
14 aidé ces personnes à partir. D'ailleurs, je suis désolé de l'avoir fait,
15 car j'ai peut-être dépassé les domaines de ma compétence, outrepassé mes
16 attributions, mais conformément au concept de base de tout commandant de
17 corps qui indique que l'on doit porter main forte, ou qu'on doit aider
18 plutôt les civils. Lorsqu'il y avait, par exemple, la directrice de cette
19 société de transport en commun de bus, Mme Murganic, moi, j'ai donné une
20 certaine quantité de combustible, de carburant, lorsqu'elle m'a dit que ces
21 personnes voulaient faire partir de toute urgence leurs femmes, leurs
22 enfants, les personnes âgées, et j'ai accepté que ce carburant soit donné
23 ainsi pour que ces personnes puissent partir à Nis et dans d'autres régions
24 d'ailleurs de Serbie, parce que ces gens voulaient protéger leurs enfants,
25 leurs femmes, ainsi que les personnes âgées. Voilà ce que j'ai fait et
26 voilà ce que j'ai à dire.
27 M. SACHDEVA : [interprétation]
28 Q. Les Albanais qui partaient de Pristina, ils ont été escortés par des
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1 membres de l'armée, n'est-ce pas ?
2 R. Cela n'est pas exact. En tout cas, je ne l'ai pas vu et je n'ai jamais
3 été informé de ce genre de chose.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pensez que le moment
5 est venu de faire la pause ?
6 M. SACHDEVA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant que nous ne fassions la pause,
8 Maître Ivetic, apparemment il y a un problème par rapport à demain; c'est
9 cela ?
10 M. IVETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous pensions que
11 nous aurions peut-être -- nous pensons d'ailleurs, et nous ne savons pas
12 dans quelle mesure M. Delic va commencer aujourd'hui, mais nous avions
13 envisager une heure de contre-interrogatoire pour M. Delic. C'est un des
14 autres témoins que j'ai choisi pour Me Lukic, et je ne sais pas ce qu'il en
15 est de Me Lukic, mais je suppose c'est un témoin pour lequel nous avons 14
16 jours de comptes rendus d'audience dans l'affaire Milosevic avec un certain
17 nombre de pièces à conviction.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si telle est votre préoccupation, il a
19 été prévu pour une déposition de six heures, donc je ne pense que vous y
20 ayez de grande chance de commencer le contre-interrogatoire demain, à moins
21 qu'il n'y ait des modifications absolument dramatiques.
22 Et si nous -- vous pourrez poser ou soulever cette préoccupation
23 lorsque nous arriverons à la fin de l'interrogatoire principal.
24 M. IVETIC : [aucune interprétation]
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.
26 Maître Cepic.
27 M. CEPIC : [interprétation] La raison que je vais mentionner est beaucoup
28 plus banale, mais je vous dirais que certains de nos collègues ont déjà
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1 réservé des vols, et je pense que Me Fila a déjà acheté un billet pour
2 aller à Belgrade demain à 6 heures, et ce, pour pouvoir passer ce week-end
3 avec leurs familles chez eux. C'est peut-être une raison beaucoup plus
4 simple, mais nous aimerions que l'audience se termine une demi-heure plus
5 tôt pour qu'ils puissent arriver à temps pour prendre leur avion ? Même au
6 détriment de la pause, si cela est nécessaire. Je vous en remercie.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, le problème c'est que nous
8 n'avons pas cette souplesse. Nous ne pouvons pas siéger sans pause, et ce,
9 à cause des interprètes, et nous ne pouvons pas arriver plus tôt que 14
10 heures 15 dans le prétoire.
11 Donc, nous pensions que l'on pourrait trouver une solution, parce que
12 jusqu'à hier vous pensiez que nous allions siéger demain après-midi, n'est-
13 ce pas ? Donc je suis quand même un tant soit peu surpris que des billets
14 ont été achetés aussi rapidement. Mais le programme était prévu pour demain
15 après-midi. On nous a forcés à siéger le matin pour tenir compte de
16 l'affaire Prlic, puisque là il y a une vidéoconférence.
17 Je sais qu'au début nous étions censés siéger le matin, puis ensuite
18 cela a été changé à l'après-midi la semaine dernière. J'entends, Maître
19 Fila, est-ce que ces dispositions que vous avez prises, vous les avez
20 prises depuis hier; c'est cela ?
21 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, comme vous pouvez le
22 voir, nous sommes deux. Donc, de toute façon, je partirai.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Moi aussi, j'ai pris des mesures et
24 j'ai pris des billets. D'ailleurs, les horaires ne sont pas si différents
25 que les autres. De toute façon, nous allons siéger comme cela avait été
26 prévu demain.
27 Nous allons faire la pause, Monsieur Filipovic, et nous reprendrons à
28 18 heures 10.
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1 [Le témoin quitte la barre]
2 --- L'audience est suspendue à 17 heures 38.
3 --- L'audience est reprise à 18 heures 11.
4 [Le témoin vient à la barre]
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Sachdeva.
6 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, c'en est fini du
7 contre-interrogatoire.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
9 Questions de la Cour :
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Filipovic, vous avez témoigné
11 du fait qu'il n'y a pas eu de dégâts sur les édifices religieux à Pristina.
12 Connaissez-vous cette mosquée qui s'appelle la mosquée Impériale ?
13 R. Oui, je connais très bien cette mosquée. C'est à 10 mètres de cette
14 mosquée que j'ai terminé mes études au lycée.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cette mosquée a été mise à
16 feu le 15 juin ?
17 R. Le 15 juin de quelle année ?
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En 1999.
19 R. Non, je n'en ai pas connaissance, et ceci en dépit du fait que je me
20 trouvais à Pristina à ce moment-là.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous avons vu une photographie
22 montrant cette mosquée en feu et on nous a dit que ça s'est passé le 15
23 juin 1999 ?
24 R. Ça s'est passé même à proximité de mon poste de commandement, ça c'est
25 une chose que j'aurais forcément dû voir.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Penchons-nous maintenant sur la pièce
27 P1789, page 9.
28 Est-ce que vous reconnaissez ceci ?
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1 R. Je vois qu'il s'agit d'une mosquée. Probablement est-ce bien celle-là.
2 Il n'y a rien qui me permettrait de dire que c'est bien celle-là ou une
3 autre. Je vois un minaret et une mosquée. En arrière plan, on voit une
4 mosquée, mais ce qui est devant, je ne suis pas sûr du fait que ce soit une
5 mosquée. La mosquée, c'est ce minaret derrière et ce qui se trouve juste à
6 côté.
7 Ce qui se trouve à droite là où on voit les flammes, ce n'est pas la
8 mosquée.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit des archives
10 historiques de la communauté islamique ?
11 R. Il se peut. Il y avait à côté un bâtiment similaire et à côté, ce qu'on
12 appelle la tour à l'horloge, Sahat Kula, mais ce n'est pas la mosquée. Le
13 bâtiment a brûlé, la mosquée non.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais vous nous dites que vous étiez à
15 proximité. Vous ne pouvez pas nous dire qu'il s'agit là des archives
16 historiques de la communauté islamique ?
17 R. Il se peut que ce soit le cas. Il y a des bâtiments que je connais très
18 bien et je ne sais pas si celui-ci était celui des archives de la
19 communauté islamique. Je connais le bâtiment, je m'en souviens. A 10 ou 15
20 mètres de ce bâtiment, il y a cette tour à l'horloge qui est un édifice
21 orthodoxe et qui s'appelle Sahat Kula.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais se peut-il que vous ayez eu
23 connaissance de ce bâtiment comme étant une librairie islamique ?
24 R. Je ne le savais pas, non. Mais je sais que ce bâtiment se trouvait là,
25 et je sais aussi que ça n'a pas été utilisé pour qu'on y habite.
26 Il y avait une institution quelconque, mais vraiment je ne savais pas du
27 tout ce que c'était.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
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1 Monsieur Cepic.
2 M. CEPIC : [interprétation] Juste une petite question, avec votre
3 autorisation, Monsieur le Président.
4 Nouvel interrogatoire par M. Cepic :
5 Q. [interprétation] Mon Colonel, c'est moi de nouveau. Vous avez dit qu'il
6 y a eu des resubordinations au Corps de Pristina à des unités
7 territoriales. Saviez-vous que des brigades déterminées ont également été
8 resubordonnées au Corps de Pristina en sus des effectifs réguliers ?
9 R. En sus des effectifs de district militaire, il y avait la 202e Base, et
10 il y a eu des brigades, à savoir la 252e Brigade blindée de la 1ère Armée, la
11 211e Brigade blindée de l'Armée de Nis, et quelques autres brigades de la
12 175e, et ainsi de suite.
13 Q. Merci. Grand merci, Mon Colonel. Je n'ai plus de questions pour vous.
14 M. CEPIC : [interprétation] Merci, Madame et Messieurs les Juges.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, merci.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces bâtiments ont été sécurisés par les
17 soldats britanniques après l'entrée de la KFOR. Il faut que je le dise, je
18 m'en excuse. La mosquée à côté de mon poste de commandement avait été
19 sécurisée par les soldats britanniques. Ils ont même fait des sacs en sable
20 et ils ont aménagé un poste derrière ces sacs en sable et il y a eu une
21 permanence des soldats britanniques de la KFOR. Je l'ai vu en personne. Ils
22 se trouvaient de ce bâtiment-là à une cinquantaine de mètres à peine.
23 Je dirais même qu'à proximité de cet endroit-là, en se fiant à sécurité
24 assurée par ces soldats anglais de la KFOR, un citoyen qui habitait non
25 loin de la mosquée, Dragan Lazic, avait laissé sa voiture pour qu'ils en
26 prennent soin et sa voiture a disparu.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être serait-il utile pour vous de
28 savoir que nous avons entendu des témoignages qui disaient que ça s'est
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1 passé le jour peu de temps avant l'arrivée de la KFOR.
2 Merci. Mais ceci met un terme à votre témoignage, Monsieur Filipovic. Merci
3 d'être venu. Vous pouvez quitter le prétoire.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie également et je vous salue.
5 [Le témoin se retire]
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Votre témoin suivant, Monsieur Cepic.
7 M. CEPIC : [interprétation] Mesdames et Messieurs les Juges, notre témoin
8 suivant est le général Bozidar Delic.
9 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonsoir, Monsieur Delic.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous prie de nous donner lecture de
13 la déclaration solennelle disant que vous direz la vérité, et ceci en nous
14 donnant lecture du document qu'on vous tend.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
16 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
17 LE TÉMOIN: BOZIDAR DELIC [Assermenté]
18 [Le témoin répond par l'interprète]
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Je vous prie de vous asseoir.
20 Maintenant vous allez être interrogé par M. Cepic qui est ici pour défendre
21 les intérêts de M. Lazarevic.
22 A vous, Maître Cepic.
23 Interrogatoire principal par M. Cepic :
24 Q. [interprétation] Bonjour, Mon Général.
25 R. Bonsoir.
26 Q. Vous avez longuement attendu mais nous voilà à commencer.
27 Pour les besoins du compte rendu, je vous demande de nous donner votre
28 identité.
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1 R. Je suis général à la retraite, Delic Bozidar, fils de Nikola.
2 Q. Mon Général, veuillez m'indiquer quelles sont les fonctions les plus
3 importantes que vous avez assumées au fil de votre carrière militaire ?
4 R. Dans ma carrière militaire, j'ai accompli toutes sortes de fonctions de
5 commandement à compter de chef de peloton jusqu'au commandant de fonction,
6 de commandant de corps. A un moment donné, j'ai été à l'état-major de
7 l'armée de Serbie et du Monténégro, j'étais adjoint du chef de
8 l'administration opérationnelle et commandant par intérim de cette
9 administration opérationnelle, c'est de là que je suis parti à la retraite.
10 Q. Quelles sont les écoles militaires que vous avez terminées ?
11 R. J'ai fait toutes les écoles militaires qui existaient dans la JNA :
12 l'académie militaire de l'armée de terre à Belgrade et Sarajevo; l'école de
13 l'état-major principal à Belgrade; et l'école de la Défense nationale, à
14 savoir l'école de guerre également à Belgrade.
15 Q. Mon Général, que faites-vous à présent ?
16 R. Je suis député national à l'assemblée du parlement de la Serbie, et je
17 suis l'un des vice-présidents du parlement de la Serbie.
18 Q. Merci, Mon Général. Veuillez me dire quelles sont les fonctions que
19 vous avez accomplies en 1998 et 1999 ?
20 R. En 1998 et 1999, j'étais commandant de la 549e Brigade motorisée.
21 Q. Mon Général, pouvez-vous me dire quelles sont les activités principales
22 déployées par votre brigade en 1998 et 1999 jusqu'au début de l'agression
23 lancée contre la République fédérale de Yougoslavie ?
24 R. Les tâches principales de ma brigade consistaient en ce qui suit :
25 d'abord, formation, éducation des soldats, jusqu'à un moment donné de
26 l'année 1998. Il s'agissait de sécuriser les installations militaires,
27 sécuriser la frontière de l'Etat et j'ai vu la frontière en profondeur, et
28 assurer la pratique habilitée des voies de communication dans ma zone.
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1 Quand je dis "les missions relatives à la formation des soldats," je
2 dirais que jusqu'en mars 1998, l'entraînement principal des soldats s'est
3 effectué au sein de ma brigade. A compter de mars 1998, jusqu'à la fin de
4 l'agression, au sein de notre brigade, nous n'avons fait qu'effecteur la
5 deuxième phase de la formation, alors que la formation de départ a été
6 confiée à d'autres unités à l'extérieur du territoire du Kosovo-Metohija.
7 Q. Merci, Mon Général. Vous avez parlé de la défense de la frontière de
8 l'Etat. Je voudrais savoir quelle était la longueur de cette ceinture
9 frontalière ? Quelle était la longueur de frontière que sécurisaient les
10 membres de votre brigade ?
11 R. Les unités de ma brigade ont sécurisé la majeure partie de la frontière
12 face à la République d'Albanie et une partie de la frontière face à l'ex-
13 République yougoslave de Macédoine. En tout et pour tout, ça faisait
14 quelque 150 kilomètres de la frontière de l'Etat.
15 Q. Je vous remercie, Mon Général.
16 M. CEPIC : [interprétation] Je voudrais qu'on nous montre maintenant le
17 5D877.
18 Q. Mon Général, ce document que vous avez sous les yeux, est-il bien un
19 original émanant de votre brigade ?
20 R. Oui, ce document a été établi au sein de ma brigade en février.
21 Q. Bien. Quelles sont les dates qu'on trouve sur ce document, à commencer
22 par le deuxième paragraphe, rapidement, je vous prie ?
23 R. Nous avons les dates. Toutes les dates mentionnées dans ce document se
24 situent au mois de janvier. Il s'agit des dates auxquelles se sont produits
25 des incidents à la frontière dans ma zone de responsabilité.
26 Q. On voit le mois de janvier. Pouvez-vous me dire la chose suivante :
27 alors que l'agression approchait, est-ce que le nombre des incidents à la
28 frontière s'est accru ?
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1 R. Oui. En 1999, malgré la présence de l'OSCE, pratiquement tous les jours
2 avaient lieu ces incidents à la frontière. Je vois qu'ici il est question
3 de 13 incidents de ce genre. Ils se sont poursuivis d'ailleurs par la suite
4 en janvier, en février, en mars, jusqu'au début de l'agression.
5 Q. Je vous remercie, Mon Général. Pourriez-vous m'expliquer rapidement
6 quelle était l'attitude face à un incident à la frontière ?
7 R. C'était des unités réduites qui assuraient la sécurité de la frontière,
8 à savoir des groupes composés de six à sept soldats et d'un officier.
9 La démarche suivie consistait : si l'on voyait des hommes portant des
10 armes, d'exiger de ces hommes qu'ils jettent leurs armes au sol, qu'ils
11 lèvent les bras en l'air et qu'ils se rendent.
12 Je dis cela au cas où les hommes en question portaient des armes, car
13 s'ils ne portaient pas d'armes, ils n'étaient considérés que comme des
14 hommes enfreignant les lois locales applicables à la frontière, et
15 l'attitude à leur égard était donc différente.
16 Si comme cela se passait très souvent, ces armes étaient utilisées
17 pour tirer sur les responsables de la sécurité de la zone frontalière,
18 l'attitude à leur égard avait pour but de les neutraliser, de les
19 emprisonner et, dans certains cas, de leur interdire l'accès à notre
20 territoire ou finalement d'anéantir des groupes de ce genre.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, Maître Cepic. Je suppose
22 qu'à la ligne 20, le mot en anglais devrait être "drop the weapons," n'est-
23 ce pas ?
24 Si vous interceptiez quelqu'un qui portait une arme, vous lui demandiez de
25 faire quoi avec son arme ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] De jeter son arme. Il lui était ordonné son
27 arme.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Merci.
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1 Maître Cepic, à vous.
2 M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Q. Mon Général, si un incident se produisait, est-ce que les représentants
4 de l'OSCE chargés des enquêtes se rendaient sur place ou quelqu'un d'autre
5 se rendait-il sur place ?
6 R. Si vous m'interrogez au sujet de l'année 1998, car il y a une
7 différence entre 1998 et 1999 -- en tout cas une différence entre ce qui
8 s'est passé jusqu'au mois de mai 1998 et ce qui s'est passé par la suite.
9 Lorsqu'un incident se produisait, et notamment lorsque cet incident
10 faisait des victimes parmi les représentants de l'armée ou parmi les
11 terroristes ou parmi ceux qui se rendaient coupables d'une infraction de la
12 législation relative à la zone frontalière, le juge d'instruction était
13 appelé sur les lieux. Normalement, il venait de la garnison de Nis. Des
14 techniciens de la police scientifique de ma brigade se rendaient également
15 sur place, et une commission mixte émanant de nos organes et d'Albanie
16 étaient convoqués également. C'est ainsi que les choses se sont passées
17 jusqu'au mois de mai à peu près.
18 Par la suite, les contacts ont cessé et les commissions locales
19 mixtes, incluant des représentants venant d'Albanie, ont refusé de se
20 rendre sur les lieux où de tels incidents s'étaient produits. Un jour alors
21 que la mission de l'OSCE était déjà installée, des informations ont été
22 reçues au sujet de tous ces incidents et les représentants de l'OSCE ont
23 tenté de se rendre sur les lieux où des incidents frontaliers s'étaient
24 produits.
25 Mais il y avait des problèmes, parce que le nombre des incidents
26 frontaliers était à ce moment-là très élevé. La zone était une zone
27 montagneuse et c'était l'hiver, donc les équipes qui étaient censées venir
28 de Prizren ont, pour certaines, été incapables d'arriver jusque sur les
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1 lieux le même jour, car elles avaient dû aller avant à un autre endroit
2 pour vérifier un certain nombre d'autres incidents. Donc elles ont arrivées
3 le lendemain.
4 Q. Je vous remercie, Mon Général. Nous avons des séquences vidéo montrant
5 un incident frontalier au niveau du mont Liken. Nous avons entendu
6 également un général qui a parlé de cela dans sa déposition. J'aimerais
7 passer maintenant à autre chose qui concerne l'année 1998.
8 M. CEPIC : [interprétation] Je demande l'affichage du document 5D683 -- ou
9 plutôt 5D863, sur les écrans, grâce au prétoire électronique.
10 Q. Mon Général, est-ce que vous avez ce document devant vous sur l'écran ?
11 R. Oui. C'est un document qui date de 1998 et qui émane de ma brigade et
12 c'est moi qui l'ai signé.
13 Q. Je vois ici, au paragraphe 1, qu'il est demandé, avant d'ouvrir le feu,
14 de vérifier s'il y a dans le secteur des observateurs de la communauté
15 internationale.
16 Je vous demande : quel était votre rapport avec les observateurs
17 internationaux ?
18 R. Notre rapport avec eux était correct, comme leur rapport avec nous
19 était correct. Nous étions responsables de leur sécurité. Enfin, c'est
20 notre Etat qui était responsable de leur sécurité. Nous, en tant que
21 représentants de l'armée, et c'était également le cas des représentants de
22 la police, nous avions pour devoir de faire en sorte que dans les zones
23 placées sous notre responsabilité, ils puissent circuler en toute sécurité,
24 c'est-à-dire sans rencontrer le moindre désagrément ou sans être victime du
25 pire, c'est-à-dire par exemple, de ne pas être tué.
26 Si je me souviens bien, deux représentants de la mission ont été
27 blessés. En fait, ils ont marché sur une mine qui avait été posée par les
28 terroristes et ils ont été blessés. Mais si je me souviens bien, aucun
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1 d'entre eux n'a été tué pendant toute la durée de leur mandat et de leur
2 présence au Kosovo-Metohija.
3 Q. Mon Général, quelle était la base de cet ordre émis par vous ?
4 R. Cet ordre s'appuyait sur un ordre du commandement du Corps de Pristina,
5 et on lit dans le texte le numéro de référence et la date, qui est celle du
6 10 juillet.
7 Q. Je vous remercie. Mon Général, nous venons de vous entendre dire que le
8 nombre d'incidents à la frontière s'était accru. Mais dites-moi, je vous
9 prie, à l'intérieur du territoire, avant le début de l'agression, y avait-
10 il des incidents ?
11 R. Je passais le plus clair de mon temps avec les membres de ma brigade à
12 assurer la responsabilité de la zone frontalière. Donc, je parle surtout de
13 ce qui se passait dans la zone frontalière. Mais dans l'ensemble du
14 territoire du Kosovo-Metohija, le nombre des incidents s'est accru en 1999.
15 Ces incidents avaient surtout lieu sur les voies de communication, où des
16 véhicules civils, et en particulier des véhicules de la police et de
17 l'armée, étaient attaqués, sautaient sur des mines ou étaient attaqués à
18 l'aide de lance-roquettes portables, et cetera. Autre élément
19 caractéristique de cette période : un grand nombre d'Albanais loyaux à la
20 République de Serbie ont été tués dans cette période, tout comme des
21 Albanais, qui à la fin de 1998, aux environs du mois de septembre ou du
22 mois d'octobre 1998, avaient rendu leurs armes à l'armée ou à la police.
23 Nous avons été informés de ce genre de chose, comme l'OSCE, grâce à des
24 rapports quotidiens, et les cadavres de ces Albanais ont été retrouvés en
25 un grand nombre de lieux un peu partout au Kosovo-Metohija, y compris dans
26 ma zone de responsabilité.
27 Q. Mon Général, où êtes-vous né et où avez-vous passé la plus grande
28 partie de votre vie ?
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1 R. Je suis né dans les environs de Djakovica et j'y ai vécu jusqu'à la fin
2 de mes études secondaires. A ce moment-là, je suis parti pour l'académie
3 militaire, et jusqu'en 1995, pratiquement, je n'allais là-bas que pour
4 rendre visite à mes parents pendant les vacances annuelles. A partir de
5 1995, en fait, à partir du 6 février 1995, je suis arrivé dans la garnison
6 de Prizren, au sein de la 549e Brigade, où j'ai d'abord exercé les
7 fonctions de chef d'état-major avant de devenir, au mois d'août 1997, le
8 commandant de cette brigade.
9 Q. Je vous remercie, Mon Général.
10 M. CEPIC : [interprétation] Je demande l'affichage sur les écrans du
11 document 5D878.
12 Q. Pendant que nous attendons l'affichage de ce document, je vous demande
13 si, avant la guerre, il y avait dans le territoire des zones contrôlées par
14 l'UCK ?
15 R. Oui. En 1998, et ce, même depuis le début de 1998, mais encore plus à
16 partir de février, mars, il y avait certaines zones du territoire qui
17 étaient sous le contrôle des terroristes.
18 Q. Pourriez-vous rapidement nous dire, dans votre zone de responsabilité -
19 mais rapidement, je vous prie - quelles étaient les zones sous le contrôle
20 de l'UCK dans votre zone de responsabilité ?
21 R. Dans ma zone de responsabilité, le territoire situé au voisinage de
22 Djakovica, c'est-à-dire celui qui recouvre les villages de Glodjane,
23 Jablanica, Kraljane, Crmljane et Bec, était sous le contrôle des
24 terroristes, également le territoire qui recouvre les villages de Gornji et
25 Donji Potocari, Drenovac, et qui s'étend jusqu'au village de Zatrice et de
26 Petkovic. Donc, ça, c'était une zone située non loin d'Orahovac, qui était
27 également sous leur contrôle, ainsi que tout le territoire dans le
28 voisinage de Malisevo, et toute la zone qui englobe les villages situés
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1 dans le triangle qu'on trouve entre les routes menant à Zerze-Prizren,
2 Prizren-Suva-Reka, et Suva Reka-Orahovac. Il y a pas mal de routes. Je ne
3 vais pas toutes les énumérées, mais c'est Gornje et Donje Ratimlje,
4 Studencane, Samodreza, Mala Hoca, Celine, et cetera, Brestovac, Ratimlje,
5 Nogovac. Tout ce secteur était sous le contrôle des terroristes à partir de
6 juin 1998, et ensuite il y avait une autre zone non loin de Suva Reka qui
7 recouvrait les villages de Budakova, Macitevo, et tous les villages de
8 montagne qu'on trouve dans ce secteur.
9 Q. Merci, Mon Général.
10 Quelle était la situation en 1999, de ce point de vue ?
11 R. En 1999, j'ai déjà dit qu'à partir du début de 1999, et en dépit de la
12 présence de la mission de l'OSCE, les terroristes provoquaient des
13 incidents tous les jours et qu'ils avaient élargi le territoire sous leur
14 contrôle par rapport à la situation en juillet 1998. Donc, à mon avis,
15 c'est déjà depuis le mois de février qu'ils tenaient à peu près 50 % du
16 territoire du Kosovo-Metohija, en particulier dans la partie centrale du
17 territoire tenue par les terroristes, c'est-à-dire aux environs de la ville
18 de Malisevo et de Drenica, ainsi que des monts qui entourent Drenica,
19 c'est-à-dire notamment au niveau du mont Milanovac, c'était le cas.
20 Q. Je vous remercie, Mon Général. Nous voyons maintenant un document sur
21 les écrans. Est-ce que ce document, vous en êtes l'auteur ?
22 R. Oui, c'est un document que j'ai personnellement envoyé au commandant du
23 corps d'armée.
24 Q. Dites-moi, nous voyons une description des routes. Il est indiqué que
25 certaines routes ont été bloquées ?
26 R. Oui. Pour moi, en tant que commandant, le problème important était
27 justement celui-ci, le fait que les routes du territoire de Metohija, qui
28 allaient vers le territoire du Kosovo, vers Pristina, étaient interrompues
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1 -- dès les mois de janvier, février, ces routes étaient en partie fermées.
2 Et il était extrêmement périlleux d'emprunter ces routes dans des véhicules
3 particuliers. Et c'était quasiment impossible lorsqu'il s'agissait de
4 véhicule militaire. Lorsque les convois se déplaçaient sur ces routes, il
5 fallait qu'ils soient accompagnés de sécurité très importante.
6 Q. Est-ce que vous pouvez regarder le huitième paragraphe de ce document.
7 Je pense qu'il s'agit de la première page pour la version anglaise. Voilà
8 ce qui est indiqué : "Tout le territoire du mont Milanovac se trouve sous
9 le contrôle du STS."
10 R. Je l'ai trouvé.
11 Q. Est-ce que vous pouvez en donner lecture ?
12 R. "Tout le territoire du mont Milanovac qui est limitrophe des villes de
13 Suva Reka, Orahovac et Malisevo est sous le contrôle du STS."
14 Q. Est-ce que vous pouvez lire le paragraphe suivant.
15 R. "D'après nos informations (de source fiable) le STS a récemment -- le
16 STS a également été entièrement pris par les forces terroristes siptar."
17 Q. Est-ce que vous avez quelle est la date de ce document ?
18 R. Février 1999.
19 Q. Merci, Mon Général.
20 M. CEPIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir la deuxième page,
21 je vous prie. Quatrième paragraphe.
22 Q. Ou plutôt est-ce que vous pouvez regarder le deuxième paragraphe par
23 rapport au quatrième paragraphe.
24 R. Oui.
25 Q. Le deuxième paragraphe.
26 R. Oui.
27 Q. Est-ce que ces activités ont eu une incidence sur l'UCK ?
28 R. Bien que c'est ce à quoi nous nous attendions, au vu des incidents
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1 l'OSCE ne pouvait pas avoir véritablement d'impact sur les forces
2 terroristes.
3 Q. Merci. Mon Général, ces activités de l'UCK, est-ce qu'elles ont fini
4 par déclencher le départ de la population civile ?
5 R. Pour ce qui est de la population serbe et monténégrine, je dirais que
6 l'essentiel de cette population est partie en 1998. Et je pense aux
7 villages qui se trouvaient dans ma zone où il n'y avait que quelques foyers
8 pour ces deux appartenances ethniques. Donc en 1999, la population serbe
9 est restée seulement dans certains villages, tels que par exemple le
10 village de Novake, où il n'y avait que des Serbes, et le village de Velika
11 Hoca, où il n'y avait que des Serbes également. Il n'y avait également que
12 des Serbes à Smac, quelques foyers seulement; à Zojic, quelques foyers
13 également seulement; à Rastane, là il s'agissait également de quelques
14 foyers; et à Musutiste, qui est une bourgade important, il s'agit d'un
15 village dont la population est de 2 500 habitants. Il faut savoir qu'il
16 s'agissait d'une population qui était pour moitié serbe et pour l'autre
17 moitié, albanaise.
18 Q. Dites-moi, est-ce que les Serbes et les Albanais sont partis ?
19 R. En ce qui concerne les Albanais, je sais qu'en 1998 ainsi qu'en 1999
20 les gens partaient. En 1998, je pense notamment au mois de juillet, c'est
21 là qu'a commencé cette action contre-terroriste. J'ai eu l'occasion de voir
22 par moi-même sur le terrain que lorsque la police arrivait ou l'armée
23 arrivait, des colonnes étaient formées dans des villages. Ces colonnes
24 étaient composées de tracteurs et d'autres véhicules, et les colonnes ainsi
25 commençaient à quitter les villages en question. En règle générale, la
26 colonne quittait une partie du village et se déplaçait vers l'armée et vers
27 la police, alors qu'une autre partie de la colonne, il s'agissait d'une
28 colonne différente en quelque sorte, se rendait dans la direction opposée,
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1 si je puis m'exprimer de la sorte, vers les bois ou vers les montagnes. Et
2 notamment pour ce qui est de cette partie de la colonne, nous pouvions voir
3 cela directement, sans utiliser des jumelles, mais parfois nous utilisions
4 également des jumelles. Et parfois ces colonnes étaient suivies par ces
5 forces qui s'appelaient UCK, Armée de libération du Kosovo.
6 Avec l'arrivée de l'OSCE, la population est retournée dans les
7 villages qui se trouvaient dans ma zone de responsabilité. Mais je sais que
8 dans la zone de la montagne de Drenica, à savoir la région du Kosovo-
9 Metohija où vous avez Malisevo au centre, je sais que pendant la mission de
10 l'OSCE et jusqu'au début de l'agression, une partie de la population se
11 trouvait à l'extérieur de ces villages. Donc elle n'était plus dans le
12 village.
13 Q. Je vous remercie, Mon Général.
14 Eu égard aux villages, quel était le principe de base de l'UCK pour
15 ce qui est des villages ?
16 R. En 1998 ainsi qu'en 1999, il faut savoir que très souvent les
17 terroristes attaquaient à partir des villages à proprement parler, parce
18 que les routes passaient dans les villages. Toutefois, voilà ce qui se
19 passait, parfois la population civile ne se trouvait pas dans le village.
20 Elle avait été déplacée dans un autre village auparavant. Ou s'il y avait
21 une attaque menée à l'encontre d'une petite unité de la police -- parce que
22 souvent il s'agissait d'attaques de patrouilles de la police individuelles.
23 Donc lorsqu'il y avait une intervention de la part de forces plus
24 importantes, ces forces qui se portaient à la rescousse de l'unité qui
25 faisait l'objet d'attaque, on pouvait voir que les terroristes utilisaient
26 la population comme autant de boucliers humains, en dépit du fait qu'ils
27 croyaient et qu'ils disaient qu'ils aidaient la population à se rendre dans
28 d'autres zones, vers les montagnes ou à l'intérieur des bois et des forêts.
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1 Il y a également le terme de "deux villages" qui existent en pratique
2 militaire. J'ai vu cela en 1998 et en 1999. Il y a un village qui faisait
3 office de base logistique, et le village qui se trouvait juste auparavant,
4 qui avait été vidé de sa population en quelque sorte, à un moment donné les
5 forces terroristes arrivaient. Elles organisaient une embuscade,
6 attaquaient les forces militaires ou de la police avec ce qui se soldait
7 pour ces personnes par autant de pertes dans leurs rangs, et ensuite ils se
8 retiraient dans le village qui était leur base logistique et là, ils
9 passaient des vêtements civils et à partir de là, soit ils allaient vers
10 d'autres endroits qui étaient plus sûrs, ou alors ils se contenaient de
11 rester tout simplement dans le village.
12 Q. Je vous remercie, Mon Général. Nous allons maintenant passer à la
13 période du début de la guerre. J'aimerais que vous -- ou plutôt, je pense
14 qu'il serait beaucoup plus judicieux d'afficher la carte sur notre écran
15 avant que je ne poursuive.
16 M. CEPIC : [interprétation] Le 5D1332, je vous prie.
17 Q. Mon Général, est-ce qu'il s'agit de votre carte ?
18 R. Oui, il s'agit de ma carte de travail.
19 Q. J'ai choisi cette carte parce que, franchement, c'est la carte qui nous
20 donne la meilleure qualité dans le système électronique.
21 Je vais vous indiquer sur la carte quelle était votre zone de
22 défense.
23 M. CEPIC : [interprétation] Je souhaiterais que l'on agrandisse cette
24 carte. Non, pas autant.
25 Q. Mon Général, est-ce que d'après vous l'agrandissement est bon ?
26 R. Je vais aborder certains aspects --
27 Q. Non. Si vous commencez à apposer une annotation, il faut que vous
28 finissiez avec le même format.
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1 R. Est-ce que vous pouvez minimiser l'agrandissement et ensuite je verrai
2 toute la zone que j'essaie de vous montrer ? Est-ce que l'on peut faire
3 défiler la carte vers le haut. Ou sinon, est-ce que vous pouvez minimiser
4 l'agrandissement.
5 M. CEPIC : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait faire défiler vers le
6 haut la carte. Merci.
7 Q. Mon Général, quelle était la zone de défense que vous aviez investie ?
8 R. Est-ce que vous voulez que je vous le montre, que je dessine cela près
9 de la frontière ?
10 Q. Mais cela, on le voit très clairement sur la carte. Nous aimerions voir
11 quels sont les différents endroits d'où à où, ainsi que les différents
12 endroits à l'intérieur.
13 R. Je souhaiterais dessiner cela le long de la frontière.
14 Q. Faites donc.
15 R. [Le témoin s'exécute] Voilà, la ligne de la frontière. Et voilà de
16 façon approximative ma zone.
17 Q. Quelle était la longueur de la ligne de front, Mon Général ?
18 R. Le long de la frontière, 150 kilomètres.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Cepic, que s'est-il passé ?
20 Qu'est-ce que le témoin a dessiné sur la carte ? Je m'excuse. Je regarde
21 l'autre côté de l'écran. Maintenant ça y est, je vois la carte.
22 M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, il faut que je répète la
23 question ?
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, maintenant je vois tout cela très
25 clairement.
26 M. CEPIC : [interprétation]
27 Q. Mon Général, vous avez dit 150 kilomètres, cela pour la ligne de front;
28 c'est cela ?
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1 R. Oui. Il s'agit de la longueur jusqu'à la frontière, le long de la
2 frontière.
3 Q. Qu'en est-il à l'intérieur du pays ?
4 R. Jusqu'à une vingtaine de kilomètres.
5 Q. Bien. Cela sera peut-être ma dernière question aujourd'hui, parce que
6 je vois que le moment est venu de nous interrompre. Mais est-ce que vous
7 pourriez nous dire, je vous prie, pour une brigade motorisée telle que la
8 vôtre, quelle devait être la superficie de la zone en question ?
9 R. D'après les principes, il faut que ce soit un terrain compris sur 12 à
10 15 kilomètres, terrain pour les manœuvres. Lorsqu'il s'agit d'un terrain
11 montagneux tel que celui-ci, cela peut aller jusqu'à 25 kilomètres.
12 Lorsqu'il s'agit d'un terrain avec des collines, 15 à 20 kilomètres, pour
13 ce qui est de la ligne de front, j'entends, et pour ce qui est de la
14 profondeur, entre 20 et 25 kilomètres.
15 Q. Je vous remercie, Mon Général.
16 M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président --
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Delic, est-ce que cette carte
18 est une carte qui au départ a été établie et dessinée par vous ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, c'est ma carte de
20 travail dont il s'agit. Vous pouvez voir qu'il s'agit du 9 avril 1999.
21 J'avais demandé que cette carte soit dessinée, mais ce n'est pas moi qui ai
22 dessiné la cartographie de la carte. C'est mon officier des opérations qui
23 avait été formé pour dessiner cette carte, mais d'après les éléments que je
24 lui avais indiqués. Donc il a apposé directement les différents éléments
25 sur la carte.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que c'est vous qui avez pris
27 des mesures pour que Me Cepic et son équipe puisse obtenir cette carte ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je sais que j'avais cette carte en 2005
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1 lorsque j'ai été témoin au procès de feu le président Milosevic. Peut-être
2 que cette carte remonte à ce moment-là et elle se trouve ici depuis cette
3 date-là.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que c'est vous qui aviez pris
5 les dispositions et mesures pour faire en sorte de présenter cette carte
6 lorsque vous avez comparu en tant que témoin la dernière fois ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] En 2005 ? En 2005, les conseillers juridiques
8 de feu le président ont fourni un certain nombre de cartes. De cela, je
9 m'en souviens. Je pense qu'il y en avait une vingtaine, une quinzaine ou
10 une vingtaine, et l'une de ces cartes est celle-ci. Je ne suis pas sûr,
11 mais peut-être que cette carte a été donnée ou remise au bureau du
12 Procureur aussi tôt qu'en 2002, et ce, par le truchement de l'enquêteur à
13 Belgrade, qui m'avait demandé mes cartes de travail. Je pense que toutes
14 les cartes qui se trouvaient dans les archives lui ont été remises, mais je
15 n'en suis pas sûr.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maître Cepic, est-ce que vous
17 connaissez la source de cette carte ?
18 M. CEPIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous avons pris
19 cette carte dans le système électronique JDB. Si vous posez la question à
20 notre équipe de la Défense, nous l'avons prise cette carte dans les
21 dossiers Milosevic, et c'est pour cela en fait qu'elle est de si bonne
22 qualité. Malheureusement, notre matériel à nous n'était pas aussi bon.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hannis, est-ce que vous
24 connaissez la source de cette carte ?
25 M. HANNIS : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous serais extrêmement
27 reconnaissant de bien vouloir trouver la source de cette carte pour demain.
28 M. HANNIS : [interprétation] Je ferai de mon mieux.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons lever l'audience.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse --
3 M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est moi qui m'excuse.
4 Je souhaiterais qu'un numéro IC soit attribué à cette carte.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la cote IC149.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Delic, nous devons lever
8 l'audience, nous reprendrons demain à 9 heures du matin. Je ne pense pas
9 que nous allons siéger dans ce prétoire. Il me semble qu'il s'agira du
10 prétoire numéro III. Donc il faudra que vous reveniez pour cette heure.
11 Comme vous le savez, puisque ce n'est pas la première fois que vous
12 venez ici, il est absolument primordial que vous n'ayez aucune
13 communication avec personne, peu importe de qui il s'agit, aucune
14 communication j'entends à propos de votre déposition ou des éléments de
15 votre déposition.
16 Vous pouvez parler avec les gens d'autres choses, mais pour ce qui
17 est de ce que vous dites ici, n'en parlez à personne, et revenez demain,
18 reposé et prêt à commencer pour 9 heures.
19 Vous pouvez maintenant quitter le prétoire avec l'huissier.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
21 [Le témoin quitte la barre]
22 --- L'audience est levée à 19 heures 05 et reprendra le jeudi le 29
23 novembre 2007, à 9 heures 00.
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