Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 8 juillet 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [L'accusé Pavkovic est absent]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.

  6   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bonjour, Mesdames et Messieurs, à

  7   toutes et à tous. Le 1er juillet, la Chambre de première instance a fixé

  8   cette audience pour recueillir les éléments de preuve d'Aleksandar

  9   Dimitrijevic qui sera faite par le biais d'une vidéoconférence. A la suite

 10   de la fin de sa déposition, la Chambre de première instance réexaminera la

 11   date butoir pour les écritures finales en tenant compte des témoins et des

 12   circonstances. 

 13   Notamment, la maladie du témoin fait en sorte qu'il ne peut pas venir

 14   à La Haye et déposer en personne. La Chambre de première instance a donc

 15   ordonné la vidéoconférence afin de pouvoir l'entendre sur un certain nombre

 16   de points.

 17   Je souhaite d'abord, avant de demander au témoin de prononcer sa

 18   déclaration solennelle, vérifier avec Belgrade si tout est en place.

 19   J'aimerais que les personnes présentes dans la salle à Belgrade

 20   s'identifient. 

 21   M. LE GREFFIER [à Belgrade]: [interprétation] Bonjour Mesdames et

 22   Messieurs, je m'appelle Riaz Haider et je suis le greffier.

 23   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien, merci. Je crois que vous

 24   avez M. Dimitrijevic à vos côtés ?

 25   M. LE GREFFIER [à Belgrade] : [interprétation] Oui, effectivement.

 26   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Y a-t-il une autre personne dans

 27   la pièce ?

 28   M. LE GREFFIER [à Belgrade] : [interprétation] C'est le Dr Sasa Rafajlovski

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  1   et j'ai une autre personne du greffe à mes côtés.

  2   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous avons appris que le docteur

  3   n'était pas présent sur place, il sera là dans à peu près 15 minutes. Mais

  4   je vois que ceci a été modifié. 

  5   M. LE GREFFIER [à Belgrade] : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur

  6   le Président, Monsieur les Juges.

  7   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien, alors tout a été mis en

  8   place afin de nous assurer que l'état de santé de M. Dimitrijevic ne soit

  9   pas en péril. Bien.

 10   Maintenant, Monsieur Dimitrijevic, pourriez-vous, je vous prie, prononcer

 11   votre déclaration solennelle en lisant le document qui vous est présenté.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 13   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 14   LE TÉMOIN: ALEKSANDAR DIMITRIJEVIC [Assermenté]

 15   [Le témoin dépose par vidéoconférence]

 16   [Le témoin répond par l'interprète]

 17   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, veuillez vous asseoir.

 18   Monsieur Haider, il y a un problème toutefois quant au son qui parvient aux

 19   interprètes. Est-ce que l'on peut faire quelque chose ?

 20   M. LE GREFFIER [à Belgrade] : [interprétation] Nous sommes en train

 21   d'examiner la chose, Monsieur le Président. 

 22   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Dimitrijevic, nous comprenons

 23   que votre état de santé est précaire et je n'ai absolument aucune intention

 24   de vous causer quelque détresse que ce soit. Nous vous remercions d'être

 25   venu au bureau pour déposer afin de pouvoir établir la vérité. Il y a un

 26   certain nombre de mesures qui ont été prises afin que le médecin puisse

 27   vous venir en aide si jamais vous avez besoin de le consulter, mais vous

 28   devez me dire si, à quelque moment que ce soit au cours de la procédure,

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  1   vous n'êtes pas en mesure de poursuivre votre déposition et si vous

  2   souhaitez prendre une pause.

  3   Notre horaire habituel exige de nous de prendre une pause dans 90 minutes

  4   dans tous les cas. Nous n'allons donc pas faire une longue session sans

  5   interruption.

  6   Je souhaiterais maintenant vous demander un certain nombre de questions

  7   conformément à nos exigences.

  8   Questions de la Cour :

  9   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'abord, pourriez-vous nous dire, s'il

 10   vous plaît, votre nom.

 11   R.  Je m'appelle Aleksandar Dimitrijevic.

 12   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien, merci. Quelle est votre

 13   date de naissance ?

 14   R.  Je suis né le 26 juin 1947.

 15   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous savons qu'en 1998 et 1999, vous

 16   étiez un officier de l'armée yougoslave. Pourriez-vous nous dire à quel

 17   moment vous avez rejoint les rangs de la VJ, de l'armée yougoslave ?

 18   R.  En 1965. C'est à ce moment-là que j'ai rejoint les rangs de l'académie

 19   militaire, et par la suite je suis devenu un officier d'active de l'armée

 20   de la JNA.

 21   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous interromps quelques instants.

 22   Nous avons un problème. Nous allons devoir résoudre nos problèmes

 23   techniques. Nous n'avons pas suffisamment de son.

 24   M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je n'ai pas d'interprétation en anglais.

 25   Le B/C/S parvient à mes oreilles, mais je n'ai pas d'interprétation en

 26   langue anglaise.

 27   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être parce que les interprètes

 28   n'entendent pas. Bien, maintenant, nous avons résolu ce problème, mais

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  1   Monsieur Dimitrijevic, un instant, s'il vous plaît. Nous avons du mal à

  2   établir une communication suffisamment bonne afin que vos propos soient

  3   interprétés.

  4   Je vais vous poser une autre question et je vais voir si les choses

  5   vont mieux. Dites-nous à quel moment avez-vous été enrôlé dans la VJ de

  6   l'armée yougoslave.

  7   R.  En 1965. J'ai commencé mes études à l'académie militaire, et en 1968,

  8   je suis devenu officier d'active de la JNA, donc l'armée que l'on appelait

  9   la JNA à l'époque.

 10   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Moi maintenant j'ai un problème,

 11   j'entends les deux langues en même temps dans mes écouteurs. Alors nous

 12   avons à régler un problème et il y a un nouveau problème de survenu. 

 13   En fait, je ne comprends pas, j'entends très bien. Si nous entendons

 14   très bien, pourquoi est-ce que les interprètes n'arrivent pas à entendre ?

 15   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 16   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Dimitrijevic, je vous

 17   demanderais de patienter quelques instants car nous essayons de régler ce

 18   problème technique.

 19   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 20   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Dimitrijevic, je vais peut-

 21   être pouvoir poser une autre question pour voir si le niveau sonore s'et

 22   amélioré. Avant de rejoindre les rangs de la JNA, est-ce que vous aviez

 23   fait des études universitaires de niveau supérieur; et si oui, où ?

 24   R.  J'ai fait des études à Cuprija, j'ai eu mon bac au lycée et ensuite

 25   j'ai étudié à l'académie militaire technique à Zagreb entre 1964 et 1968.

 26   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Quel était votre poste au sein

 27   de la VJ entre 1998 et 1999 ?

 28   R.  Jusqu'au 24 mars 1999, j'occupais le poste de chef du service de la

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  1   sécurité de l'état-major principal de l'armée yougoslave.

  2   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant le conflit au Kosovo, est-ce que

  3   vous aviez pris part de façon active à des activités de combat en tant que

  4   membre de la VJ, de l'armée yougoslave ?

  5   R.  Je n'ai pas très bien compris votre question. Qu'est-ce que vous voulez

  6   dire, si j'ai participé activement à des opérations ?

  7   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez vu des activités

  8   sur le front au cours des conflits en Yougoslavie ?

  9   R.  Non, jamais.

 10   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Au cours de votre carrière, est-ce que

 11   vous avez reçu des prix ou est-ce que vous avez été honoré, avez-vous été

 12   décoré ?

 13   R.  Oui.

 14   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous être plus précis, s'il

 15   vous plaît.

 16   R.  Oui, pendant que l'on administrait ces prix dans la JNA, oui; par la

 17   suite, il y a eu une période pendant laquelle, à la suite de la création de

 18   l'armée yougoslave, il n'y avait plus de prix et de décorations à donner,

 19   on n'en donnait plus. Donc la dernière décoration que j'ai reçue, c'était

 20   en 1988 ou aux alentours de ces dates.

 21   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous a-t-on décerné une décoration

 22   d'une importance particulière ?

 23   R.  Non.

 24   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Selon vous, quelle est l'apogée de

 25   votre carrière militaire ?

 26   R.  C'était les fonctions que j'occupais jusqu'à ma retraite, puisque j'ai

 27   fait de mon mieux pour que mon pays ne soit pas impliqué dans les choses

 28   horribles qui ont eu lieu. Mais je ne sais pas si j'ai réussi.

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  1   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A quel moment avez-vous pris votre

  2   retraite ?

  3   R.  Le 23 mars, un jour avant le bombardement. On m'a informé que je

  4   n'étais plus le chef de la direction de la sécurité et que j'allais, à ma

  5   propre demande, prendre ma retraite.

  6   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Effectivement, est-ce que vous avez

  7   pris votre retraite à cette date-là ?

  8   R.  Oui. Le document, cette décision selon laquelle j'étais en retraite, je

  9   l'ai reçu une dizaine de jours plus tard, et depuis ce moment-là, je suis

 10   activement retraité.

 11   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quel grade aviez-vous au moment où

 12   vous avez pris votre retraite ?

 13   R.  J'étais général de division de l'armée yougoslave.

 14   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez fait autre chose

 15   par la suite ?

 16   R.  Non.

 17   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le poste que vous occupiez en tant que

 18   chef du service de la direction relative à la sécurité de l'état-major

 19   principal, j'aimerais savoir quelles étaient vos responsabilités, et il

 20   nous serait fort utile si vous pouviez distinguer la description qui

 21   incombe à cette tâche-là, et donc quelle est la distinction entre ce poste-

 22   là et celui de chef du service de renseignement de l'état-major principal.

 23   R.  Monsieur le Président, avant cela, j'aimerais vous informer que je n'ai

 24   pas reçu d'approbation de mon état, c'est-à-dire Qu'on ne m'a pas décerné

 25   un décret ou on ne m'a pas dit que je n'ai plus l'obligation de garder le

 26   secret concernant le Kosovo-Metohija. Mais puisque d'une certaine façon une

 27   certaine atmosphère a été -- on a dit que je ne souhaitais pas témoigner ou

 28   que je témoignais contre ma volonté, ce n'est pas le cas, je souhaite

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  1   simplement exprimer ma bonne volonté, je souhaite continuer de répondre à

  2   vos questions et de témoigner. Mais j'aimerais que l'on me donne un

  3   document relatif à ceci, car je ne voudrais pas que mon propre pays me

  4   poursuive en justice pour avoir dévoilé des secrets d'Etat.

  5   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous comprends très bien, Monsieur

  6   Dimitrijevic, mais j'aimerais vous donner l'assurance que tous les

  7   documents auxquels je fais référence dans le cadre de ce procès sont des

  8   documents publics, et ceci résulte d'une coopération entre la République de

  9   Yougoslavie et de diverses régions de l'ex-Yougoslavie, et de ce Tribunal.

 10   Je n'ai aucune intention de vous poser des questions sur des secrets d'Etat

 11   sur lesquels vous n'auriez pas la possibilité de témoigner.

 12   Je voudrais également vous dire que l'injonction à comparaître qui vous a

 13   été remise a été fait par le truchement du gouvernement de la République de

 14   Serbie, et ils se sont efforcés de donner toute leur coopération pour

 15   prendre les arrangements nécessaires afin que vous puissiez témoigner. Si

 16   jamais vous avez besoin d'autres assurances, nous allons prendre toutes les

 17   mesures nécessaires pour vous mettre à l'aise et pour faire en sorte que

 18   vous vous sentiez tout à fait confiant que vous pouvez répondre aux

 19   questions. Mais je voudrais vous assurer que toutes les questions que je

 20   vais vous poser sont des questions relatives aux documents qui sont du

 21   domaine public dans le cadre de ce procès.

 22   Donc, pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, entre 1998 et 1999 quelles

 23   étaient vos responsabilités principales s'agissant du poste que vous

 24   occupiez et est-ce que ce rôle diffère de celui qui est conféré au chef du

 25   renseignement ?

 26   R.  La direction de la sécurité, ou c'est-à-dire, le service du contre-

 27   renseignement était composé à l'époque de quatre sections qui se trouvaient

 28   au niveau de la direction de la sécurité. Nous avions une section

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  1   opérationnelle, nous avions une section analytique, une section générale et

  2   un service de la police militaire. A l'époque, la police militaire, d'après

  3   la définition de ses fonctions, était liée à la direction de la sécurité

  4   et, s'agissant de l'emploi de la police militaire, c'était toujours la

  5   direction de la sécurité qui devait donner son aval.

  6   S'agissant maintenant des tâches principales qui incombaient à la direction

  7   de la sécurité, à l'époque, ces tâches étaient les suivantes. D'abord, il

  8   fallait assurer la protection du contre-renseignement, c'est-à-dire la

  9   protection de l'armée yougoslave, leurs membres, les installations, de

 10   l'activité du renseignement et d'autres activités subversives qui venaient

 11   de l'étranger, par exemple. Ensuite, il fallait assurer la protection des

 12   activités terroristes, donc tout ce qui est lié à ceci. Et en dernier lieu,

 13   il fallait assurer la protection, c'est-à-dire le suivi des données de

 14   documents et arrêter les activités de crime organisé par lesquelles l'armée

 15   pourrait être menacée, ses membres et ses installations.

 16   La différence entre la direction de la sécurité et la direction de

 17   renseignement était la suivante : d'après les compétences, la direction du

 18   renseignement avait pour tâche de s'occuper des recherches relatives à

 19   l'information à l'extérieur du pays, c'est-à-dire à l'étranger. Donc cette

 20   dernière, à toute fin pratique, n'avait pas de compétence pour fonctionner

 21   à l'intérieur du pays, s'agissant du recueil de données quant aux activités

 22   des forces armées étrangères et d'autres qui, à l'époque, étaient

 23   importantes pour le commandement de l'armée dans son ensemble, étant donné

 24   que nous savons tous ce qui se passait à l'époque.

 25   Ici et là, de façon sporadique, il y avait des conflits puisque les membres

 26   du renseignement et autre essayaient de faire des tâches à l'intérieur du

 27   pays, d'établir des contacts, ce qui n'était pas conforme aux compétences

 28   qui étaient conférées à cette direction. Donc pour résumer, la direction de

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  1   la sécurité s'est chargée de la sécurité, si on peut l'appeler ainsi,

  2   s'agissant de la sécurité à l'interne, à l'intérieur du pays, concernant

  3   ces attaques menées sur l'armée; la direction du renseignement était

  4   chargée de tout ce qui a trait à l'extérieur du pays et de protéger l'armée

  5   des activités étrangères ou extérieures.

  6   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois qu'il y a une erreur au

  7   compte rendu d'audience peut-être. On voit ici que vous avez dit que

  8   l'administration relative à la sécurité était censée mener à bien des

  9   activités du renseignement à l'extérieur du pays, à l'étranger. 

 10   Est-ce que c'est ce que vous avez bel et bien dit ?

 11   R.  Non. C'est une erreur de traduction. Non. C'étaient les tâches de la

 12   direction du renseignement, du service du renseignement; c'était leur tâche

 13   de recueillir les données à l'extérieur du pays, et la direction de

 14   sécurité devait s'occuper de toutes les activités anti-armée à l'intérieur

 15   du pays.

 16   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Merci d'avoir précisé ce

 17   point.

 18   Une dernière question qui découle de votre réponse. Vous avez dit qu'il y

 19   avait également un service de police militaire. Dois-je comprendre que

 20   l'administration de la sécurité était également chargée de s'occuper des

 21   activités criminelles qui pouvaient se passer de façon routinière à

 22   l'intérieur de l'armée yougoslave ?

 23   R.  Comme je l'ai déjà dit, la direction de la sécurité avait en son sein

 24   également un service de la police militaire. Ces derniers devaient

 25   s'occuper de la formation, de l'approvisionnement et tout ce qui a trait à

 26   la logistique, c'est-à-dire entre le fait d'avoir de porter des vêtements

 27   et d'être équipé correctement, toutes ces tâches-là. 

 28   Pour ce qui est de l'emploi de la police militaire, ceci relevait du

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  1   commandant. C'est le commandant qui décidait à quel moment il fallait

  2   utiliser des membres de la police militaire, et notre tâche à nous était de

  3   nous assurer que, comme je vous l'ai déjà dit tout à l'heure, que ces

  4   derniers soient habilités à mener à bien des tâches et des missions qui

  5   leur sont conférées, c'est-à-dire entre des mesures de sécurité publique,

  6   générale et autres. En fait, ce sont des tâches que font les membres des

  7   forces de police partout dans le monde.

  8   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous aviez des

  9   responsabilités pour ce qui est du système judiciaire militaire ?

 10   R.  Non, Monsieur le Président, non, nous n'en avions aucune. La police

 11   militaire, s'agissant de tout ce qui devait être -- nous nous occupions de

 12   la partie entre la commission d'un crime et entre le moment où ceci aurait

 13   été remis entre les mains d'un juge. Donc nous faisions le travail

 14   intermédiaire.

 15   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je voulais simplement savoir si vous

 16   vous occupiez de la logistique pour ce qui est du système de la justice

 17   militaire; étant donné qu'ils avaient un personnel, ils avaient de

 18   l'équipement, ceci faisait partie de votre direction, n'est-ce pas ou est-

 19   ce que c'était complètement indépendant ?

 20   R.  Non, il n'y avait aucun lien de la direction de la sécurité avec nous.

 21   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maintenant, je vais vous poser un

 22   certain nombre de questions relatives à des personnes. Au cours de cet

 23   interrogatoire, je ne vais pas vous poser un très grand nombre de questions

 24   sur ce sujet, mais j'aimerais savoir certaines choses avant de procéder.

 25   Dites-nous d'abord qui était Alekandar Vasiljevic ?

 26   R.  Aleksandar Vasiljevic était un général, chef de la direction de la

 27   sécurité jusqu'en, je crois, 1992; par la suite, il a pris sa retraite.

 28   Comme je l'ai su plus tard par les médias, il a été réactivé en 1999.

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  1   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et c'était au moment où vous avez pris

  2   votre retraite vous-même ?

  3   R.  Oui.

  4   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qui était John Crosland ?

  5   R.  A l'époque, c'était l'attaché militaire britannique en Yougoslavie, à

  6   Belgrade.

  7   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il a donné à la Chambre de première

  8   instance un certain nombre d'informations; au début cette information

  9   semblait être confidentielle, mais par la suite cette information a été

 10   communiquée de façon ouverte. Et je vais maintenant vous poser des

 11   questions relatives à des questions qui ont été abordées ici dans ce

 12   prétoire.

 13   Dites-nous d'abord quels étaient vos contacts personnels avec lui ? Est-ce

 14   que vous vous entendiez bien avec lui ? Quels rapports aviez-vous avec lui

 15   ?

 16   R.  Je dois vous dire, Monsieur le Président, que s'agissant des envoyés

 17   militaires, je n'avais aucun rapport personnel. Nous n'étions pas amis,

 18   nous ne nous voyions pas à l'extérieur du travail. Nous ne connaissions pas

 19   nos familles mutuelles. Nous n'avions pas non plus de contacts informels.

 20   Nous nous rencontrions, il est vrai, dans des réceptions, mais je dois dire

 21   que toutes nos conversations avaient un caractère officiel. Et tout ceci se

 22   déroulait normalement dans des bureaux officiels ou dans des locaux où ces

 23   réceptions avaient lieu, c'était des bureaux qui s'occupaient des missions

 24   étrangères.

 25   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans quelles circonstances est-ce que

 26   vous avez eu des contacts avec lui de façon professionnelle ?

 27   R.  Les contacts avec les envoyés militaires, s'agissant de nos contacts à

 28   nous, les contacts de façon professionnelle se faisaient par le truchement

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  1   du département chargé des communications avec les représentants étrangers.

  2   Si jamais il y avait un représentant de l'étranger, si une quelconque

  3   personne d'un quelconque pays voulait rencontrer des généraux, des

  4   officiers de l'armée yougoslave, cette demande devait être faite auprès du

  5   service chargé des communications. Ensuite, cette information était

  6   transmise et, par la suite, on décidait si cette demande allait être

  7   acceptée, et ce n'est que par la suite que les contacts avaient lieu.

  8   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qui est Momir Stojanovic ?

  9   R.  Momir Stojanovic, à cette époque-là, avait le grade de lieutenant-

 10   colonel, il me semble. Il a été à la tête du département de sécurité du

 11   corps d'armée de Pristina.

 12   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Branko Gajic, qui était-ce ?

 13   R.  A cette époque-là, au grade de colonel de l'armée de Yougoslavie,

 14   Branko Gajic était d'abord à la tête du département opérations, après quoi,

 15   il a été mon adjoint au niveau de la direction de la sécurité. Par

 16   conséquent, il s'agit de la personne avec laquelle j'étais dans des

 17   rapports de coopération quotidiens et très serrés.

 18   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quant à quatre personnes qui

 19   n'avaient, de toute évidence, rien à voir avec l'armée de Yougoslavie.

 20   D'abord, Milomir Minic ?

 21   R.  M. ou camarade Milomir Minic, en ce qui me concerne, j'ai pu le

 22   rencontrer à deux ou trois reprises pendant ces années-là, pas plus qu'à

 23   trois reprises, disons lors de réceptions, par exemple, le jour de

 24   l'indépendance du pays, et cetera. En 1998, j'ai pu le rencontrer de quatre

 25   à cinq fois à des réunions à cette époque-là organisées par le président

 26   Milosevic. Je savais qu'il était l'un des principaux responsables du Parti

 27   socialiste de Serbie et qu'il occupait une haute fonction au sein de ce

 28   parti, mais pratiquement, je n'avais pour ainsi dire aucune communication

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  1   directe avec lui.

  2   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dusan Matkovic, qui était-ce ?

  3   R.  Si je ne parlais pas des médias via lesquels j'ai pu le connaître comme

  4   étant l'un des responsables du Parti socialiste de Serbie, Dusan Matkovic,

  5   j'ai pu le rencontrer une première fois lors de l'une des réunions tenues

  6   chez le président Milosevic, par conséquent, peut-être à trois, quatre ou

  7   cinq reprises. Vous me permettez de le dire, étant donné que dix années se

  8   sont écoulées depuis, j'ai pu le rencontrer à trois, quatre ou cinq

  9   reprises.

 10   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Zoran Andjelkovic, qui était-ce ?

 11   R.  Quant à M. Zoran Andjelkovic - populairement surnommé Baki - j'ai pu le

 12   rencontrer à une réunion officielle chez le président Milosevic et lors de

 13   quelques réunions qui ont été tenues à Belgrade aux mois de juillet et août

 14   1998. C'est là où nous avons pu nous rencontrer. Après quoi, j'étais parti.

 15   Chacun d'entre eux a été nommé à son poste; par conséquent, après cette

 16   période-là, je n'ai eu aucune communication avec lui.

 17   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A la fin, il s'agit de Nikola Sainovic

 18   maintenant.

 19   R.  Nikola Sainovic a été vice-premier ministre du gouvernement fédéral à

 20   cette époque-là, et tout comme les trois autres personnes dont nous

 21   parlions tout à l'heure, il était un des hauts responsables du SPS. Il se

 22   peut qu'il ait été vice-président du Parti socialiste de Serbie. Quant à

 23   lui, j'ai pu le rencontrer à quelques reprises lorsqu'il a été traité des

 24   modes de financement de l'armée, lorsqu'à une réunion de l'ancien premier

 25   ministre, Radoje Kontic, il a fallu traiter du problème de financement de

 26   l'armée, lui, il y était à de telles réunions. Or, au cours de l'année

 27   1998, nous nous rencontrions également chez le président Milosevic à des

 28   réunions dont j'ai parlé tout à l'heure. Bien entendu, je peux le dire, il

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  1   m'est arrivé de le rencontrer lors de certaines réceptions, lors

  2   d'importantes fêtes nationales, et c'est là que nous avons pu procéder à un

  3   échange de quelques propos. On ne se fréquentait pas. Par conséquent, je

  4   sais sur lui plus ou moins ce que savent presque tous les citoyens du pays.

  5   Je garde un souvenir de lui qui était un homme qui, en sa qualité de vice-

  6   premier ministre du gouvernement fédéral, se trouvait au Kosovo pour vaquer

  7   à des occupations qui étaient les siennes.

  8   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Parlant de chacun de ces quatre

  9   hommes, vous avez dit qu'il vous est arrivé de les rencontrer à plusieurs

 10   reprises en 1998. Peut-on dire qu'il était exact que lorsque vous les avez

 11   rencontrés pour une première fois, vous les avez rencontrés ensemble lors

 12   d'une réunion commune ?

 13   R.  Je suppose que oui. Probablement, ceci a dû avoir lieu lors d'une

 14   réunion. Il n'est guère question de dire que ceci aurait pu être une

 15   rencontre en dehors de réunions officielles, mais je ne suis pas en mesure

 16   de me rappeler quand ceci devait avoir lieu. Je ne saurais vous préciser de

 17   date.

 18   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pouvez-vous nous fournir un peu plus

 19   d'information, lorsqu'il s'agit de voir qui assistait encore à des

 20   réunions, outre ces quatre personnes et excepté vous-même, réunions,

 21   disais-je, où vous avez pu les rencontrer, comme vous dites ?

 22   R.  Monsieur le Président, je me dois de dire qu'à des réunions tenues chez

 23   le président Milosevic en cette année-là et, disons qu'il y avait pas mal

 24   de réunions où différentes personnes pouvaient assister, à de telles

 25   réunions, j'ai assisté quant à moi à un bon nombre d'entre elles. Mais pour

 26   ce qui est des personnes susmentionnées, puis-je dire que ceci devait avoir

 27   lieu à quatre ou à cinq reprises, sans vous donner d'autres précisions là-

 28   dessus. Mais pour dire qu'à de telles réunions il y avait des gens qui

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  1   auraient assisté à de telles réunions avec ces gens-là, il y avait d'abord

  2   le général Perisic, au nom du grand QG; ensuite, le commandant de la 3e

  3   Armée, le général Dusan Samardzic; je pense bien aussi que le général

  4   Pavkovic, lui, assistait presque à toutes les réunions.

  5   Pour parler de représentants du MUP, ministère de l'Intérieur, il y avait

  6   le ministre de l'Intérieur, Vlajko Stojiljkovic; il y avait des généraux, à

  7   savoir le général Djordjevic, le général Obradovic et, il me semble, le

  8   général Lukic, à toutes ces réunions,  qui assistaient tous les trois à

  9   toutes ces réunions. Des fois assistait à de telles réunions le président

 10   Milutinovic. Mais encore, disais-je, il n'y était pas toujours. Ensuite,

 11   lorsque vous avez posé des questions au sujet de MM. Sainovic, Matkovic,

 12   Minic et Andjelkovic, et moi aussi, bien sûr, y compris.

 13   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Toutes ces réunions, pourraient-on

 14   dire qu'à toutes ces réunions, le président Milosevic a assisté, lui ?

 15   R.  Oui, Monsieur le Président. Sans lui, il n'y aurait pas eu de réunions

 16   de ce genre-là. Je le suppose, c'est lui qui les organisait, c'est lui qui

 17   convoquait et c'est lui qui dirigeait les travaux de réunions.

 18   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Où étaient tenues ces réunions ?

 19   R.  Je pense que toutes ces réunions étaient tenues dans la bibliothèque du

 20   palais blanc. Il s'agit d'ailleurs de locaux officiels où le président

 21   Milosevic avait emménagé une fois qu'il a été élu président de la

 22   République fédérale de Yougoslavie.

 23   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour autant que vous vous en souveniez

 24   bien, de quelle période sommes-nous en train de parler ?

 25   R.  Etant donné qu'il ne m'a pas été signalé sur quoi je devais les poser,

 26   et étant donné que je dois faire un effort pour me rappeler cette période-

 27   là, il me semble qu'il s'agissait de la période des mois de juillet-août

 28   1998. Il se peut aussi que ces réunions aient pu avoir lieu une quinzaine

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  1   de jours avant ou au plus tard, disons, jusqu'au mois de septembre. Mais je

  2   crois que principalement, ces réunions ont été tenues en juillet-août pour

  3   la plupart.

  4   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Y a-t-il eu un sujet commun dont il a

  5   été traité à toutes ces réunions ?

  6   R.  Monsieur le Président, pour parler de sujets dont il a été traité à ces

  7   réunions, excepté à une seule réunion où on parlait d'autres sujets, le

  8   sujet majeur concernait la situation prévalant dans le Kosovo-Metohija, à

  9   savoir comment résoudre ce problème.

 10   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Etes-vous en mesure de vous rappeler

 11   s'il y avait un sujet, un poste de tous ces sujets majeurs qui aurait

 12   figuré à l'ordre du jour toutes les fois où ces réunions dont les travaux

 13   étaient entamés en matière de contrôle à exécuter pour régler la situation

 14   du Kosovo ?

 15   R.  Auriez-vous l'obligeance de préciser un petit peu votre question ? Je

 16   n'ai pas très bien compris de quoi vous voulez parler lorsque vous dites un

 17   poste tout particulier dans le cadre du thème, et cetera. Si vous voulez

 18   dire qu'il y a eu, par exemple, dans le cadre du sujet une espèce d'exposé,

 19   d'introduction ou quelque chose du genre ?

 20   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je voudrais établir s'il y avait une

 21   raison toute particulière qui, d'ailleurs, exigeait la rencontre et la

 22   réunion de ces gens-là. D'abord, est-ce que c'est tout simplement pour

 23   débattre du problème du Kosovo ? Y a-t-il eu, par exemple, une voie toute

 24   particulière empruntée par eux pour traiter de ce problème, le problème qui

 25   était à l'ordre du jour ?

 26   R.  Je ne pense pas qu'il y ait eu un procédé tout particulier. Lorsqu'il

 27   s'agit de personnes civiles, probablement celles-là devaient rencontrer le

 28   président Milosevic beaucoup plus souvent. Même lorsque nous autres, de

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  1   l'armée, nous devions venir à des réunions, il nous est arrivé de les voir

  2   déjà à de telles réunions, probablement pour traiter de certaines questions

  3   de concert avec le président Milosevic. Peut-être après coup, après les

  4   réunions terminées, restaient-ils pour en débattre également. Je ne saurais

  5   vous dire plus long là-dessus. Mais pour ce qui est de parler de la façon

  6   dont les travaux se déroulaient, lorsque le président Milosevic ouvrait

  7   chacune de ces réunions, à l'ordre du jour, le principal sujet était celui

  8   du Kosovo. J'ai oublié de vous dire que régulièrement, le général Susic

  9   assistait à de telles réunions, qui lui, était chef du cabinet militaire du

 10   président de la République fédérale de Yougoslavie.

 11   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] L'un des éléments de preuve de pièces

 12   à conviction que nous avons sous nos yeux dans le cadre de la présente

 13   affaire, c'est qu'un des résultats issus d'une de ces réunions - peut-être

 14   la toute première réunion, ce dont vous parliez également - consistait à un

 15   plan qu'il a fallu mettre en œuvre pour combattre le terrorisme dans le

 16   Kosovo. Est-ce que cela vous rafraîchit la mémoire pour savoir quelle était

 17   la fin même de la rencontre de ce groupe de gens ?

 18   R.  Monsieur le Président, je vous l'ai déjà dit, la principale intention,

 19   le but de ces réunions était d'évaluer la situation et de prévoir les

 20   mesures à mettre en œuvre pour le Kosovo-Metohija. Je me souviens d'une

 21   toute première réunion - pour laquelle réunion je ne saurais vous dire plus

 22   exactement la date - il a été dit qu'il a fallu établir un plan. Il se peut

 23   que lors de cette toute première rencontre, nous étions déjà venus et alors

 24   que le général Pavkovic avait déjà dressé un plan à cet effet-là. Cette

 25   réunion-là devait-on évidemment définir une tâche, à savoir comment lui, le

 26   général Pavkovic, devait procéder pour créer une espèce de scénario pour

 27   résoudre le problème du Kosovo-Metohija. Après quoi, il a fallu l'entendre,

 28   lui, faire rapport, auteur du plan, lui qui était à la tête du Corps

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  1   d'armée de Pristina en vue de mettre en oeuvre ce plan, et le tout devait

  2   suivre ensuite empruntant cette voie-là.

  3   Pourquoi donc le général Pavkovic, disais-je ? J'ai été présent, non

  4   pas que j'ai été présent, mais j'ai pris part à des conversations menées

  5   chez le président Milosevic. Lorsque celui-ci a convoqué le chef de l'état-

  6   major général, il m'a convoqué moi aussi pour traiter d'une question

  7   particulière, à savoir ceci pouvait avoir lieu fin mai ou peut-être mi-mai

  8   ou mi-juin et fin juin. Le président Milosevic avait eu l'idée de nommer

  9   commandant de toutes les forces dans Kosovo-Metohija le général Pavkovic

 10   notamment, le général Pavkovic devant être le commandant de l'ensemble des

 11   forces armées et du MUP. Le général Perisic et moi-même, nous nous

 12   opposions à cela disant que ceci ne devrait pas être une bonne idée ni pour

 13   l'armée ni pour le MUP, parce que probablement ceci risquait de donner lieu

 14   à des obstructions ou peut-être à des oppositions de la part du MUP lorsque

 15   celui-ci devait être placé sous le commandement du général Pavkovic. Et

 16   comme ceci, évidemment, n'a pas marché - et je pense que c'était début

 17   juin, un peu plus tard - Milosevic ayant accepté ce que nous avons élaboré

 18   sous forme d'explications, et ceci a dû mettre un terme à cette réunion.

 19   Et ce n'est que lors de la deuxième moitié du mois de juin à une

 20   première réunion qui a été organisée, le président Milosevic en présence,

 21   pour la plupart des cas des mêmes personnes, pour parler de groupes de

 22   personnes, a donné l'ordre portant établissement d'un plan en vue de régler

 23   le problème du terrorisme de Kosovo-Metohija, c'est-à-dire en vue de

 24   combattre le terrorisme dans le Kosovo-Metohija. Si ma mémoire est bonne,

 25   lors de cette réunion chez le président Milosevic, il me semble qu'il y

 26   avait préalablement une réunion tenue au sein du conseil suprême de la

 27   Défense à laquelle réunion le chef de l'état-major général a fait part de

 28   son estimation de la situation dans le Kosovo-Metohija et qui a laissé

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  1   entendre également certains projets qui étaient les siens en vue de

  2   résoudre les problèmes dont nous parlions. Et c'est à cette réunion,

  3   l'autre plutôt, qu'une décision politique a été prise par des militaires du

  4   conseil suprême de la Défense de l'organe supérieur du contrôle de

  5   commandement de l'armée. Or, une décision a été prise en vue d'établir un

  6   plan et en vue de mettre en œuvre ce plan pour résoudre le problème du

  7   terrorisme dans le Kosovo.

  8   Excusez-moi si j'ai été un petit peu trop long dans mes explications.

  9   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Au début de cette réunion-là, avez-

 10   vous dit que vous y assistiez aux côtés de Milosevic et avec le général

 11   Pavkovic lors de laquelle réunion la question qui était soulevée était de

 12   voir Pavkovic commander l'ensemble des forces armées dans le Kosovo.

 13   R.  Non, Monsieur le Président, je ne l'ai pas dit. J'ai dit que j'y étais

 14   pour assister à cette réunion avec le général Perisic de l'état-major

 15   général de l'armée de Yougoslavie.

 16   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 17   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez tout à fait raison, Monsieur

 18   Dimitrijevic. J'ai commis une erreur.

 19   La pièce à conviction à laquelle j'ai fait référence il y a quelques

 20   minutes, lorsque je voulais vous parler de la fin même de ces rencontres,

 21   n'était autre chose qu'un texte tiré de ce qu'il a été par le général

 22   Pavkovic. Lui-même a fait état de ces différentes réunions, il était

 23   présent à ces différentes réunions et il y avait lieu de signaler la date

 24   du 30 mai 1998, ce qui nous suggère à dire que cette rencontre entre

 25   Perisic et Milosevic et vous-même pouvait peut-être, pourrait-on dire,

 26   avoir lieu avant. Est-ce que cela cadre bien avec le souvenir qui est le

 27   vôtre ? Est-ce que cela correspond ?

 28   R.  Je ne suis pas sûr, Monsieur le Président. Pour mieux vous localiser,

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  1   là, je dirais qu'il s'agirait plutôt d'une période qui s'écoulait du 30 mai

  2   et 10 juin. Pourquoi le 10 juin ? 

  3   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, oui, allez-y, allez-y.

  4   R.  Parce que de temps à autre, voulant voir ce qui se passait dans les

  5   médias qui suivaient cette affaire, j'ai pu savoir qu'en date du 10 juin le

  6   QG général, pour ainsi dire, du Parti socialiste de Serbie a pris une

  7   décision pour que telle ou telle personne notamment qui devait s'occuper du

  8   problème du Kosovo pour résoudre le problème des réfugiés, de l'état de

  9   santé des réfugiés, de l'économie nationale, devait être traité. Par

 10   conséquent, il me semble que ceci devait avoir lieu avant cette rencontre-

 11   là et avant cette date-là. Voilà pourquoi j'essaie de le définir ainsi,

 12   encore que je suis plutôt près à localiser le tout comme s'étant en quelque

 13   sorte passé du 30 mai et 10 juin, mais je n'en suis pas tout à fait certain

 14   à 100 %.

 15   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Dimitrijevic, l'intitulé de

 16   commandement conjoint est souvent associé à de telles réunions. Etes-vous

 17   familier avec cet intitulé ?

 18   R.  Monsieur le Président, je pense pour ma part que cet intitulé

 19   apparaîtra un peu plus tard. Lors de telles rencontres et réunions, on n'en

 20   parlait pas. Sporadiquement parlait-on de commandement conjoint entre le

 21   MUP comme une espèce d'équipe de coordination entre les différents

 22   échelons. Nombreux étaient les termes en circulation, en quelque sorte,

 23   pour désigner cette espèce de commandement, comme vous dites. Pour ma part,

 24   je n'y suis pas vraiment rentré dans les détails pour demander des

 25   explications. Pour moi qui suis un militaire, ceci aurait dû être tout à

 26   fait inacceptable du point de vue terminologique.

 27   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Puis-je vous arrêter là, s'il vous

 28   plaît. Ceci est très important, ayant en vue votre état de santé, que les

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  1   réponses soient aussi directes que possible. Je ne me propose pas de vous

  2   arrêter là où vous considérerez qu'une explication serait nécessaire. Ma

  3   question était pourtant très simple. Je voulais savoir si vous étiez

  4   familier avec le terme de commandement conjoint. Et au lieu de répondre à

  5   cette question, vous me parlez de ce que devait être le commandement

  6   conjoint. Comme d'autres d'ailleurs, vous semblez être un petit peu enclin

  7   à prendre en défense cet intitulé, ce terme, et je voulais tout simplement

  8   savoir si vous vous rappelez quoi que ce soit à ce sujet.

  9   R.  Monsieur le Président, je ne me propose pas d'être un défenseur de quoi

 10   que ce soit, mais à de telles réunions, ceci n'a jamais été mentionné du

 11   tout. Je suis plutôt prêt à vous dire que mon impression était que plus

 12   tard, ultérieurement - et je pense notamment à ce qui concernait le général

 13   Pavkovic - et lorsqu'on devait parler de lui et de ses activités, on devait

 14   peut-être dire qu'il y avait derrière lui un intitulé de commandement

 15   conjoint. Parce qu'à ma connaissance, ceci n'a jamais été établi comme un

 16   intitulé et, d'ailleurs, il y avait tout simplement un commandement, qui, à

 17   proprement parler, ne devrait pas faire d'autres exercices que de commander

 18   les forces armées.

 19   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourquoi, alors, la façon de réfléchir

 20   de Milosevic aurait dû permettre ce bond dans le déroulement des

 21   événements, à voir Pavkovic qui devait contrôler le tout à l'existence

 22   d'une commission qui devrait s'occuper des activités antiterroristes dans

 23   le Kosovo ?

 24   R.  Je ne pense pas qu'on puisse faire aller de pair ces deux éléments-là.

 25   Si ma mémoire est bonne, au mois de mars 1998, les services de sécurité

 26   d'Etat sont intervenus à Drenica, plus précisément dans le village de

 27   Gornji Prekaz lorsqu'il y avait plusieurs dizaines d'hommes qui ont été

 28   tués. Après quoi, le MUP a été affecté pour contrecarrer l'agissement

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  1   sauvage de ces bandes de terroristes qui étaient sur les voies de

  2   communication pour procéder à des contrôles d'identité de papier, et

  3   cetera. Tout cela ne suffisait pas, il me semble - et cela est une

  4   conjecture que je suis en train de faire - par conséquent, fallait-il

  5   mettre en place une espèce de coordination pour que, lorsqu'il s'agit

  6   d'armée, le commandant suprême devait en être saisi, il s'agit d'un

  7   commandant suprême, par conséquent, par le biais du ministère de

  8   l'Intérieur, le tout devait descendre vers le ministère de l'Intérieur, car

  9   de toute évidence, c'est un fait qu'il était difficile de voir qui que ce

 10   soit d'autre qui devrait être le donneur d'ordres à l'intention du MUP,

 11   ainsi a été la perception du MUP.

 12   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Encore deux ou trois questions sur ce

 13   même sujet. Vous avez cité M. Milutinovic en disant qu'il était présent.

 14   Avez-vous un souvenir très net de sa présence à l'une ou l'autre de ces

 15   réunions ?

 16   R.  Il m'est difficile de vous répondre avec précision car M. Milutinovic

 17   était président de Serbie, avant l'élection de Milosevic au poste de

 18   président de la Yougoslavie, donc il y a eu aussi des réunions organisées

 19   dans ses bureaux à lui et qu'il présidait. Je ne peux pas très bien

 20   aujourd'hui faire la différence entre ces deux types de réunions, les

 21   réunions tenues dans le bâtiment de la présidence serbe et les réunions

 22   tenues à Beli Dvor, au palais blanc, donc je ne peux pas vous répondre avec

 23   certitude. Mais s'il a assisté à ces réunions, il n'a pas assisté à toutes.

 24   Ça, j'en suis certain. Mais à présent que vous me posez la question, je

 25   vous réponds que je ne peux pas dire avec certitude qu'il aurait assisté à

 26   l'une ou l'autre de ces réunions.

 27   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que l'expression état-major

 28   opérationnel interdépartemental vous rappelle quelque chose s'agissant de

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  1   la répression du terrorisme au Kosovo-Metohija ?

  2   R.  Non, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne crois pas me tromper en disant -

  4   -

  5   R.  Excusez-moi de vous interrompre. Toutes mes excuses. Eu égard à cette

  6   expression, je ne vois vraiment pas ce qu'elle pourrait désigner.

  7   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être que le Greffier pourrait

  8   afficher à votre intention la pièce P2166.

  9   Comme vous le voyez, ce document se présente comme un procès-verbal de

 10   réunion, c'est l'intitulé du document, réunion tenue dans le palais de Beli

 11   Dvor, le palais blanc, en octobre 1998, et vous constaterez que votre nom

 12   figure parmi les personnes qui sont censées avoir assisté à cette réunion

 13   présidée par Milosevic, et y ont assisté, entre autres, M. Milutinovic

 14   ainsi que, de façon plus générale, les autres personnes dont vous avez déjà

 15   parlé comme ayant assisté aux autres réunions du même type.

 16   R.  Monsieur le Président, le document que j'ai actuellement sous les yeux,

 17   c'est absolument la première fois de ma vie que je le vois. Et la première

 18   remarque que j'aimerais faire eu égard à un document de cette nature est la

 19   suivante : durant les réunions dont je suis en train de parler, aucun

 20   procès-verbal était rédigé. J'avais l'habitude d'être assis à côté du

 21   général Susic, le chef du cabinet militaire, et je vois dans le document

 22   que j'ai maintenant sous les yeux, mention du fait que c'est lui qui aurait

 23   rédigé ce document. Je dois vous dire que je suis absolument surpris. Le

 24   document que j'ai sous les yeux compte 16 pages. Je me pose la question de

 25   savoir à quel moment ce procès-verbal, ou prétendu tel, aurait pu être

 26   rédigé par lui, je n'en sais vraiment rien. Mais ce que je trouve assez

 27   étonnant à l'heure actuelle, c'est la conclusion que je lis maintenant dans

 28   ce document et qui se lit comme suit : "A l'issue de la réunion de l'état-

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  1   major interdépartemental chargé de la répression du terrorisme au Kosovo-

  2   Metohija." Je n'ai jamais entendu prononcer cet intitulé. Je poursuis la

  3   lecture : "Le président de la République fédérale yougoslave a proposé et

  4   l'état-major a accepté à l'unanimité, les conclusions suivantes."

  5   Les conclusions qui sont présentées dans ce document sont censées avoir été

  6   approuvées dans les déclarations orales des généraux Pavkovic, Lukic, ainsi

  7   que du président de l'assemblée du conseil des citoyens, Milomir Minic; et

  8   puis à la fin, nous voyons qu'il est question de la zone frontalière entre

  9   la Yougoslavie et la Macédoine. Et je dois vous dire en toute équité que je

 10   ne saurais imaginer que quoi que ce soit de ce genre ait pu être écrit noir

 11   sur blanc sur un document. Ecrire cela à l'issue d'une rencontre organisée

 12   par le président Milosevic et dire que l'état-major a adopté les

 13   conclusions en question à l'unanimité, je pense que cela ne correspond

 14   absolument pas à la vérité, et ce, pour une raison très simple : Milosevic

 15   ne faisait pas de propositions. Il prenait des décisions, les autres

 16   pouvaient faire des propositions. En fonction de cela, il me semble que

 17   dire que des conclusions ont été proposées et que l'état-major, comme

 18   l'appelle Susic, aurait adopté ces propositions de conclusions, pour ce qui

 19   me concerne, je n'ai pas le temps de lire l'intégralité de ces 16 pages,

 20   mais en tout cas, c'est la première chose qui me saute aux yeux et me

 21   surprend quelque peu. Car ceci ne peut pas correspondre à la réalité des

 22   choses ou en tout cas au souvenir que j'ai de ce genre de situation.

 23   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien --

 24   R.  Autre chose, si vous me le permettez. Peut-être que s'il y a eu un

 25   procès-verbal rédigé à l'issue de la réunion dont il est question dans ce

 26   document, il y a d'autres procès-verbaux pour d'autres réunions également.

 27   Peut-être que ces documents pourraient être analysés et qu'une conclusion

 28   plus fiable pourrait être tirée quant au fait de savoir si ces procès-

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  1   verbaux ont été rédigés au moment des faits ou ultérieurement.

  2   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je serais très heureux de demander à

  3   M. le Greffier --

  4   M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président --

  5   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] -- pendant la pause, nous vous

  6   donnerons la possibilité pendant une demi-heure à peu près de lire les

  7   documents disponibles, et vous aurez ensuite la possibilité de commenter si

  8   vous souhaitez le faire.

  9   M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, un mot sur le compte

 10   rendu d'audience, page 25, ligne 8, on lit en anglais : "Si le procès-

 11   verbal a été rédigé au moment des faits ou ultérieurement", alors que ce

 12   qui a été dit par le témoin, c'est "pour je ne sais trop quelle raison."

 13   Voilà ce qu'a dit le témoin.

 14   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un moment, s'il vous plaît.

 15   [La Chambre de première instance se concerte]

 16   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est le seul document lié à ce genre

 17   de réunions qui se présente sous un aspect quelque peu officiel, il n'y en

 18   a pas d'autres, Monsieur Dimitrijevic, pas d'autres documents de même

 19   nature.

 20   J'aurai une dernière question à vous poser sur ce sujet, qui est la

 21   suivante. Les actions antiterroristes qui ont été débattues lors de la

 22   réunion antérieure, avez-vous le souvenir qu'il existait un plan destiné à

 23   traiter le problème en plusieurs étapes et que certaines étapes prévues par

 24   ce plan étaient désignées sous un intitulé particulier ?

 25   R.  Monsieur le Président, si ma mémoire est bonne, puisqu'au conseil

 26   suprême de la Défense il avait été décidé de réaliser une appréciation

 27   globale de la situation pour élaborer un plan destiné à traiter le problème

 28   du terrorisme, je pense que cela a été décidé au début du mois de juin

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  1   1998. Et il me semble qu'ensuite, le Grand état général et son chef ont

  2   ordonné l'application de ce plan. Vous venez d'indiquer que rien de ce que

  3   je risque de dire à ce sujet ne risque de nuire à la nécessité de respecter

  4   le secret militaire, donc je peux vous dire que le nom de ce plan était

  5   Grom, c'est-à-dire tonnerre. Je suppose que je peux en parler librement.

  6   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Aucun problème, aucun secret d'Etat

  7   n'est lié à cela, vous pouvez en parler, le mot a déjà été entendu.

  8   R.  Je vous remercie. Donc la mission consistait à établir un plan en cas

  9   d'escalade des problèmes au Kosovo afin de prévenir une telle escalade et

 10   que les actes terroristes ne se répandent pas sur l'ensemble du territoire

 11   de la République fédérale yougoslave. Ce plan, en tout cas c'est ainsi que

 12   je l'ai envisagé, ce plan était ce qu'il est convenu d'appeler dans

 13   d'autres lieux un "contingency plan" en anglais, c'est-à-dire un plan

 14   d'aléa. Il se divisait en deux phases. La première phase prévoyait de

 15   confier un certain nombre de missions à des groupes stratégiques, c'est-à-

 16   dire aux armées, au commandement de la marine également; et dans cette

 17   première phase, il était prévu de mener à bien absolument toutes les

 18   activités destinées à protéger la frontière, c'est-à-dire assurer la

 19   protection des unités responsables des zones frontalières, protection de

 20   leurs commandements, protection de leurs installations, protection des

 21   membres de l'armée, des véhicules en déplacement de l'armée, et cetera, et

 22   des véhicules se déplaçant de façon plus générale. Donc la première phase

 23   de ce plan était destinée à une mise en œuvre par les groupes stratégiques.

 24   Je dois dire qu'au sein de la direction de la sûreté, lorsque nous

 25   travaillions sur le papier à des tâches spécialisées des responsables de la

 26   sûreté, et que ces tâches étaient multiples, mon adjoint, c'est-à-dire

 27   l'homme qui était alors le colonel Gajic, se chargeait d'assister aux

 28   réunions relatives à ces éléments. Si ma mémoire est bonne, la deuxième

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  1   phase de ce plan prévoyait l'intervention d'unités chargées d'éliminer et

  2   de réprimer les groupes terroristes, mais je crois que ce qui était écrit

  3   dans tous les documents relatifs à cette deuxième phase indiquait que cela

  4   ne pouvait se faire que sur ordre du Grand quartier général de l'armée

  5   yougoslave.

  6   Donc pour m'exprimer du mieux que je peux, je dirais qu'il importait au

  7   préalable d'apprécier le moment le plus opportun pour engager les unités.

  8   L'ordre devait venir du haut, c'est-à-dire du chef du Grand état-major, du

  9   chef du Grand quartier général et, bien entendu, il fallait qu'il soit

 10   approuvé par le conseil suprême de la Défense. Donc cette deuxième phase

 11   impliquait ce que je viens de dire et était censée durer une quinzaine ou

 12   une vingtaine de jours.

 13   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Dimitrijevic, dans quelle

 14   mesure le MUP était-il impliqué dans ce plan de lutte contre le terrorisme

 15   ?

 16   R.  Monsieur le Président, notre plan, c'est-à-dire le plan élaboré au

 17   Grand quartier général dont l'élaboration nous avait été demandée par le

 18   conseil suprême de la Défense, passait ensuite par les divers niveaux de la

 19   chaîne de commandement, c'est-à-dire qu'il était transmis au groupe

 20   stratégique d'abord, puis aux subordonnés de ces groupes, c'est-à-dire aux

 21   corps d'armée; et dans chaque armée, il arrivait d'abord au sein des

 22   groupes stratégiques, qui établissaient leur propre plan sur la base de ce

 23   plan d'origine, ensuite les corps d'armée établissaient leur propre plan,

 24   puis les brigades faisaient de même, et cetera. Dans ce plan, s'agissant du

 25   MUP, ce qui était toujours présent dans le plan du MUP, c'était la

 26   nécessaire coopération avec le MUP s'agissant du contrôle du territoire

 27   ainsi que l'ensemble des missions qui devaient être confiées au MUP de

 28   façon spécifique. En fait, au Grand quartier général, nous étions très

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  1   favorables à l'idée que, dès lors qu'il était question de terrorisme au

  2   Kosovo, le problème devait se régler par des actions antiterroristes qui

  3   devaient être menées par le MUP, l'armée n'étant censée s'occuper que des

  4   tâches prévues par la constitution, c'est-à-dire très strictement la

  5   protection de la zone frontière, des unités exerçant un commandement, du

  6   personnel de l'armée, et cetera.

  7   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais maintenant revenir sur un

  8   certain nombre d'éléments que nous avons sous les yeux, à savoir les

  9   différentes déclarations faites par vous en 1998 et 1999, et je vous

 10   demanderais d'abord de vous pencher sur la pièce 3D664, si vous le voulez

 11   bien.

 12   Veuillez d'abord lire la page de garde, et me dire si vous reconnaissez ce

 13   document de façon générale. Est-ce qu'il se présente sous l'aspect de

 14   document connu par vous ?

 15   R.  Ce document, après élaboration, n'était remis qu'au chef du Grand

 16   quartier général. Je dois vous dire que je n'ai encore jamais vu de

 17   document se présentant sous cet aspect précis. Toutefois, ce que je viens

 18   de dire n'est pas l'expression complète de la vérité, car j'ai eu sous les

 19   yeux, après l'an 2000, si je ne me trompe pas, un ouvrage intitulé "Secret

 20   militaire" et qui prétendait présenter un certain nombre de débats menés au

 21   sein du Grand quartier général par le passé. Donc cette première page, en

 22   tout cas, je peux vous le dire, je n'ai jamais eu de première page de ce

 23   genre sous les yeux jusqu'à présent.

 24   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais ceci correspond-il avec le fait

 25   que, d'après vous, les débats tenus durant les réunions du Grand quartier

 26   général en présence du chef du Grand état-major donnaient lieu à

 27   enregistrements audio et à établissement d'un procès-verbal ?

 28   R.  Oui, Monsieur le Président. Ces débats étaient enregistrés, après quoi,

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  1   le cabinet du chef du Grand quartier général était chargé de mettre les

  2   déclarations prononcées sur le papier et le document en question, le

  3   procès-verbal, était ensuite archivé comme faisant partie des documents

  4   émanant du Grand quartier général.

  5   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais dans le document dont nous

  6   parlons en ce moment, vous verrez qu'on regarde votre nom, il y a un exposé

  7   qui est consigné par écrit et qui, en fait, prend plus de deux pages. Alors

  8   si vous vous rendez aux deux tiers de cet exposé, vous verrez que l'une des

  9   choses que vous avez dites durant cette réunion c'était qu'il faudrait du

 10   temps à la Mission de vérification de l'OSCE pour devenir pleinement

 11   opérationnelle et que ceci serait d'un intérêt certain pour l'UCK. Est-ce

 12   bien quelque chose que vous disiez régulièrement lors des réunions du Grand

 13   quartier général ?

 14   R.  J'essaie de passer rapidement dans ce texte pour en prendre

 15   connaissance. Mais en tout cas, ceci ressemble assez à ce que je pouvais

 16   dire dans les débats du Grand quartier général et à la façon dont je

 17   présentais les problèmes relevant de mon domaine de spécialité, si je puis

 18   m'exprimer ainsi. Puisque nous parlons ici du 6 novembre 1998, c'est-à-dire

 19   d'une période ultérieure aux négociations de nuit, si je puis utiliser

 20   cette expression, la solution qui a finalement été trouvée par Milosevic et

 21   Holbrooke, après de grandes difficultés, est exposée ici puisque nous

 22   sommes ici dix jours après les négociations.

 23   Pendant les pourparlers Milosevic-Holbrooke de cette nuit-là, je

 24   pense que c'était la nuit du 24 au 25 octobre 1998 --

 25   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne voulais pas créer de

 26   problème. J'espérais que j'avais simplement résumé un sentiment qui était

 27   le vôtre et que vous défendiez fermement lors des réunions dont nous sommes

 28   en train de parler, position que vous auriez défendue à plusieurs reprises,

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  1   à savoir que l'OSCE aurait besoin de temps pour s'organiser et commencer à

  2   fonctionner effectivement et que ceci donnerait la possibilité à l'UCK de

  3   se regrouper mais également -- et que c'est bien ce qui s'est passé dans la

  4   réalité. Est-ce que c'est une façon acceptable de reprendre vos points de

  5   vue ?

  6   R.  Vous avez absolument raison. C'est ce que j'avais l'habitude de dire,

  7   c'est ce que je voulais dire à l'époque. Lorsque les négociations ont eu

  8   lieu cette nuit-là, leur sujet étant le retrait des unités présentes dans

  9   le secteur dans leur caserne, ce que je craignais c'est que les unités de

 10   l'armée yougoslave retournent dans leurs casernes, que le territoire soit

 11   abandonné et que ceci provoque avec une très grande certitude le retour des

 12   terroristes dans ces zones. Parce que nonobstant certaines des assurances

 13   données par les civils selon lesquelles le terrorisme avait été éradiqué,

 14   ceci n'était tout simplement pas le cas. Les terroristes s'étaient

 15   simplement dispersés dans les bois, donc c'est tout à fait exact.

 16   Lorsque nous avons découvert, entre autres, que Milosevic avait accepté la

 17   venue d'une mission de vérification, nous avions déjà des éléments

 18   d'information opérationnels qui indiquaient que cette mission ne

 19   s'achèverait pas rapidement, car elle n'était pas dans l'intérêt de ceux

 20   qui en avaient proposé la création pour commencer. Et le temps a montré que

 21   ce que je disais à l'époque était exact. Si ma mémoire est bonne, la

 22   mission était censée compter 2 000 personnes à un certain moment. Or, ces

 23   effectifs n'ont jamais été atteints, même pas plusieurs mois plus tard. Je

 24   pense que les effectifs maximums de la mission ont été de 1 200 à 1 500

 25   hommes.

 26   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On nous a dit des choses encore pires

 27   que cela, à savoir que l'UCK n'a signé aucun des accords conclus et que,

 28   par conséquent, personne ne pouvait rien faire pour retenir l'UCK et créer

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  1   le statut quo qui était censé être créé.

  2   R.  Monsieur le Président, je ne sais pas si l'UCK a signé ou pas un

  3   quelconque accord. La seule chose que je sais c'est que de nombreuses

  4   actions de l'UCK étaient connues du monde occidental et des spécialistes de

  5   ce problème, et qu'une aide importante venait de l'extérieur ainsi qu'une

  6   aide, notamment, en matière d'entraînement. Après tout, à l'époque, nous

  7   avons su par l'intermédiaire d'un certain nombre d'organisations non

  8   gouvernementales humanitaires que l'UCK bénéficiait d'aide financière et

  9   que les armes lui arrivaient, car certains voulaient armer l'UCK --

 10   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous interromps ici, car nous

 11   disposons de bon nombre de renseignements sur ce sujet.

 12   Mais est-ce que les officiers à votre niveau hiérarchique étaient nombreux

 13   à estimer que l'armée yougoslave était lésée par les accords conclus entre

 14   l'armée et le MUP ?

 15   R.  Il est possible qu'il y en ait eu, je ne sais que vous dire. Si nous

 16   parlons de l'accord qui a accepté l'arrivée de la Mission de vérification

 17   de l'OSCE, je peux vous dire que cet accord n'a été conclu que dix jours

 18   après le début des négociations, en tout cas, s'agissant de nous, les

 19   militaires. Donc tout ce qui a été convenu, le contenu intégral des accords

 20   signés, je ne saurais vous en parler car je ne le connaissais pas à fond.

 21   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais à l'évidence, vous en savez tout

 22   de même pas mal, car vous vous rendiez compte que vous seriez confronté à

 23   un problème de plus en plus grave étant donné qu'un vide serait créé par le

 24   retrait de vos forces, vide qui ne pouvait que bénéficier à l'UCK, n'est-ce

 25   pas ?

 26   R.  Absolument, Monsieur le Président. Je ne sais pas ce qui a été dit

 27   officiellement durant les pourparlers, durant les négociations, mais je

 28   sais ce qui s'est passé sur le terrain. Et, personnellement, j'ai mis en

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  1   garde à de très nombreuses reprises quant au fait que nous allions nous

  2   trouver confrontés à un problème grave. Notre service recevait des

  3   renseignements indiquant que quelque part en Suisse une décision avait été

  4   prise d'attendre le printemps pour lancer une offensive générale.

  5   Et tout ce qui a pu survenir après la signature de l'accord Milosevic-

  6   Holbrooke allait dans ce sens, car les terroristes se sont entraînés, ils

  7   se sont bien armés; ils avaient des centres d'entraînement qui

  8   fonctionnaient en Albanie; ils recevaient des armes qui entraient au Kosovo

  9   de toutes sortes de manières; des instructeurs arrivaient également au

 10   Kosovo de l'extérieur. Je me souviens qu'il y avait parmi eux des Iraniens

 11   et des gens du monde occidental qui étaient venus les aider, et cetera.

 12   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'accord, d'accord.

 13   R.  Donc tout cela s'est fait --

 14   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons faire la pause dans un

 15   moment, mais avant l'heure de la pause, j'aimerais vous demander de vous

 16   pencher sur le document 3D557, page 19 pour la version anglaise. C'est un

 17   document très long qui compte 21 pages en version anglaise. Donc je vous

 18   demanderais de vous rendre presque à la fin de ce document. Troisième page

 19   avant -- on voit un chapitre du document où vous dites quelque chose, vous

 20   parlez de transport de troupes, d'avions transport de troupes.

 21   R.  Je vous demande un instant pour retrouver le passage. Oui.

 22   Il est question d'une réunion du Grand état-major. Si --

 23   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce que vous dites dans ce passage du

 24   texte, c'est que le MUP a reçu des avions transport de troupes qui

 25   appartenaient à un bataillon de la police militaire, donc vous évoquez les

 26   problèmes de logistique qui font partie de vos attributions. Qu'est-ce qui

 27   vous préoccupait dans ce domaine à ce moment-là ?

 28   R.  Monsieur le Président, quand vous parlez de mes "attributions", je

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  1   dirais qu'en tant que chef du service de sûreté, je n'avais pas le droit de

  2   remettre entre les mains de qui que ce soit un élément appartenant à la

  3   police militaire. Seul le commandant de la police militaire pouvait le

  4   faire. De quoi il est question dans ce passage du texte ? Il est question

  5   du fait qu'après la signature de l'accord Milosevic-Holbrooke, on insiste

  6   pour que toutes les unités retournent dans leurs casernes, hormis trois

  7   unités qui devaient rester sur place; il est question du fait que tous les

  8   éléments techniques donnés au MUP pour utilisation par le MUP soient rendus

  9   à l'armée. Et ce qui m'inquiétait un peu, c'est que compte tenu du fait que

 10   le MUP tardait un peu à rendre tous ces biens, je voulais que ces biens

 11   soient restitués, car nos unités étaient un peu et même assez affaiblies

 12   puisqu'il leur manquait 20 blindés transport de troupes qui avaient été mis

 13   à la disposition du Bataillon de Police militaire. Donc tout ceci était

 14   prévu dans l'accord sur le contrôle des armements et il était prévu que les

 15   équipements et armements appartenant à l'armée se retrouvent entre les

 16   mains des militaires et non du MUP. Voilà de quoi je parle dans ce passage

 17   du texte. Et je vois que la même remarque est faite au sujet des

 18   hélicoptères.

 19   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'est-ce qui s'est passé dans la

 20   réalité ?

 21   R.  Ces biens devaient être restitués à l'armée.

 22   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'ils l'ont été ?

 23   R.  Ils n'étaient pas censés être entre les mains du MUP, je parle de tous

 24   ces équipements.

 25   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que ces équipements ont été

 26   restitués à l'armée ?

 27   R.  Je ne pense pas qu'ils l'aient été, Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que dans le texte il est écrit

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  1   que ces équipements étaient entre les mains des militaires ou du MUP ?

  2   R.  Malgré toute ma bonne volonté, Monsieur le Président, je ne peux

  3   vraiment pas répondre à cette question, car c'était la direction

  4   opérationnelle et la direction de la logistique qui étaient directement

  5   responsables de tous ces équipements, donc vraiment je ne saurais vous dire

  6   exactement ce qu'il est advenu de ce matériel. Je suppose, puisque ces

  7   équipements n'étaient pas censés restés au MUP, qu'ils ont dû être

  8   restitués à l'armée. Mais je n'ai vraiment aucun détail concret à ce sujet.

  9   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour être plus clair, pourriez-vous,

 10   je vous prie, prendre le document P924, c'est un document qui est encore

 11   plus long. Le passage qui m'intéresse est à la page 26 en anglais, vers le

 12   milieu de la page. Et c'est là où le général Ojdanic prend la parole. C'est

 13   cet endroit-là qui m'intéresse. Il fait référence dans ce passage au

 14   général Clark. C'est en haut de la page 26 en anglais. Je ne sais pas si

 15   cela peut vous aider à identifier le passage. On voit : "Clark dit ce qui

 16   suit…"

 17   M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que c'est vers

 18   le milieu de la page 24 en B/C/S.

 19   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, voilà. Alors : "Clark dit ce qui

 20   suit…"

 21   Pourriez-vous en prendre connaissance, s'il vous plaît.

 22   Lisez-le en votre for intérieur, et par la suite je vous demanderai

 23   de me dire si c'est effectivement le général Ojdanic qui aborde lui-même le

 24   sujet.

 25   Est-ce que vous avez pris connaissance du passage en question ? Vous

 26   êtes peut-être allé trop loin.

 27   R.  [aucune interprétation]

 28   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce que le général Ojdanic semble dire,

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  1   c'est que Clark avait demandé pourquoi la VJ n'avait pas rempli les

  2   demandes concernant l'accord relatif au retrait de l'équipement lourd qui

  3   avait été données au MUP.

  4   Est-ce que c'est une référence au même problème ici ?

  5   R.  Oui, Monsieur le Président. Puisqu'on fait référence au général Clark,

  6   c'est ce qui a été conclu lors de l'accord Milosevic-Holbrooke, l'accord du

  7   mois d'octobre 1998. Donc l'équipement n'a pas été rendu, et il fait

  8   référence à cela.

  9   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est une discussion qui a eu lieu

 10   lors de la réunion du 24 décembre 1998. Est-ce que le général Ojdanic a

 11   rencontré Clark à une autre occasion et a-t-il continué à avoir des

 12   discussions avec lui ?

 13   R.  Monsieur le Président, lorsque les pourparlers ont eu lieu au mois

 14   d'octobre entre Milosevic et Holbrooke, le chef de l'état-major principal

 15   accompagné de son équipe menait des pourparlers avec le général Clark et

 16   son équipe, le général Ojdanic n'était pas présent à ces discussions, si je

 17   me souviens bien. A savoir s'il le rencontrait, je ne sais pas. Mais il me

 18   semble que le 24 décembre, il s'entretient au téléphone avec lui, et ce

 19   qu'il nous a dit est le résultat de cette conversation téléphonique, donc

 20   on avait peur que ces moyens lourds qui étaient restés au sein du MUP

 21   pouvaient être employés à mauvais escient et que ceci pourrait être imputé

 22   à l'armée. Et si je me souviens bien, en janvier ou en février 1990, le

 23   général Ojdanic nous a de nouveau, lors d'une conférence, relaté la

 24   conversation qu'il avait eue avec le général Clark. Si je me souviens bien,

 25   il me semble qu'il avait dit que le général Hrga a été présent et a pris

 26   part à cette conversation, c'est le chef de la direction du MUP

 27   aujourd'hui, c'était une conversation téléphonique, d'après mes

 28   connaissances.

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  1   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Dimitrijevic. Nous

  2   allons maintenant prendre une pause d'une demi-heure. Nous reprendrons nos

  3   travaux à 16 heures 24. Entre-temps, je vous prierais de vous reposer. Si

  4   vous avez le temps de lire le document, vous pouvez le faire, et nous

  5   reprendrons nos travaux à 16 heures 24.

  6   --- L'audience est suspendue à 15 heures 53.

  7   --- L'audience est reprise à 16 heures 27.

  8   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

  9   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Dimitrijevic, nous pouvons

 10   maintenant reprendre nos travaux. Est-ce que vous avez eu l'occasion

 11   d'examiner le document qui porte la cote P2166 ?

 12   R.  Oui, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous dire si ce

 14   document semble véridique, authentique ?

 15   R.  Monsieur le Président, concernant le tampon, la signature, tout ceci

 16   semble être des originaux, mais pour ce qui est de la teneur de ce

 17   document, je n'ai jamais assisté à une telle réunion. En fait, ma première

 18   question ou mon commentaire est de dire que lorsqu'on prenait des notes

 19   sténographiques, elles ne faisaient pas l'objet de ce genre de document.

 20   Cela ne fait pas partie de mes compétences non plus.

 21   Je ne sais pas comment cela se fait-il que la personne qui a pris les

 22   notes - et c'est signé par le général Susic - comment est-ce que c'est

 23   possible que Nefmet Susic avait tous ces détails. Pour ce qui est du papier

 24   même, le papier sur lequel ce document est rédigé, il s'agit d'une

 25   compilation de ce qui a été dit pendant les cinq ou six réunions. Voilà ce

 26   qui n'est pas logique dans ce document. Maintenant je parle de la version

 27   qui est en B/C/S, la version en B/C/S à la page 3, le général Pavkovic

 28   parle ou apporte un rapport pour le plan, pour la réalisation du plan, et à

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  1   la page 3, il dit : "Le fait de faire intervenir l'état d'urgence n'était

  2   pas acceptable pour plusieurs raisons. D'abord, nous aurions pu susciter

  3   une réaction du facteur étranger. Deuxièmement, cela comprendrait

  4   l'immobilisation des unités de travail, et ainsi de suite."

  5   Et le troisième -- excusez-moi -- donc d'abord on pourrait susciter une

  6   réaction du facteur étranger qui pourrait intervenir de façon militaire;

  7   deuxièmement, ceci pourrait comprendre la mobilisation des unités

  8   militaires, ce qui causerait une détresse auprès de la population serbe; et

  9   troisièmement, l'emploi des forces étrangères pour combattre les

 10   terroristes, ensuite je ne comprends pas étant donné qu'il y aurait

 11   plusieurs pertes du côté des terroristes, mais également de notre côté

 12   aussi. Donc le plan était d'anéantir le terrorisme alors qu'on explique

 13   pourquoi l'état d'urgence ou l'état extraordinaire n'avait pas été --

 14   l'état d'urgence n'a pas été adopté. Et ici on dit : "Notre plan n'était

 15   pas

 16   d'anéantir tous les Siptar" - je n'ai jamais entendu que quiconque avait

 17   dit cela ni de les chasser du Kosovo-Metohija.

 18   Donc, Monsieur le Président, ce document semble être - je ne sais pas

 19   comment m'expliquer - c'est un document qui est rédigé de façon planifiée,

 20   qui était censé couvrir certains sujets. Ensuite, le général Pavkovic dans

 21   son rapport dit, entre autres, lorsqu'il parle des effets de la mise en

 22   œuvre du plan, il dit, je cite : "On a pu arrêter des armes qui venaient en

 23   masse et l'entrée des forces terroristes."

 24   A ce moment-là, effectivement, c'était peut-être arrêté de façon massive,

 25   mais on n'a jamais arrêté les armes qui provenaient de façon massive, en

 26   réalité. Au point 2, on parle d'arrêt du terrorisme; effectivement, on a

 27   arrêté le terrorisme, mais on a également promu l'UCK. Enfin, la promotion

 28   de l'UCK a été arrêtée.

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  1   Donc parler au président Milosevic des villages désarmés, des moyens

  2   employés, de la munition employée, de parler de tous ces détails au général

  3   Milosevic n'a jamais été -- toutes ces questions n'ont jamais été abordées

  4   en la présence du président Milosevic, de lui parler de combien de

  5   munitions ont été employées, combien de tonnes de carburant, et cetera, je

  6   n'ai jamais assisté à de telles réunions. Je vois qu'au point 12, on parle

  7   du commandement conjoint, on évalue le commandement conjoint. Je ne sais

  8   pas si ceci a été dit de cette façon-là, je ne sais pas ce que c'est que ce

  9   commandement adjoint, mais à la suite de l'analyse de ce document, je vais

 10   vous expliquer plus tard pourquoi je pose cette question.

 11   Ensuite, on peut voir le rapport que fait le général de division

 12   Sreten Lukic, et je vois ici une contradiction, elle dit : "Dans la

 13   commission des travaux, il dit le contrôle et la protection du territoire

 14   des communications et de leur libération de l'arrivée des groupes

 15   terroristes.

 16   "Au point 2. Le renforcement et la protection des zones qui ne font

 17   pas l'objet d'activités terroristes.

 18   "Au point 3. La protection des villes Pec, Prizren et Mitrovica.

 19   "Au point 4. La formation des réservistes de la police."

 20   Monsieur le Président, à la suite de la lecture de ce document, je me poste

 21   la question suivante : si on parle du MUP, alors quelle est l'activité

 22   antiterroriste qu'empêchait le MUP si au nom du MUP le général Lukic parle

 23   au nom du MUP et s'il parle de tâches qu'il a mises en œuvre. Alors à ce

 24   moment-là, Pavkovic parle des tâches qui sont réalisées et le plan était de

 25   faire en sorte que l'armée assure les frontières, et cetera. J'en ai déjà

 26   parlé. Mais pour dire que le groupe mène des actions antiterroristes et que

 27   c'est par ceci qu'on allait résoudre le problème du terroriste est quelque

 28   chose que je ne connais pas.

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  1   Troisièmement, à la page 8 en B/C/S, le président Minic, président de la

  2   chambre des citoyens, dit que les forces terroristes ont été battues et

  3   qu'elles ne peuvent plus se manifester. Par la suite, on a démenti cela. Au

  4   point 3 on dit, le terrorisme a été repoussé mais n'est pas complètement

  5   détruit. Et au point 7, on peut lire qu'on ne peut plus parler de forces

  6   terroristes plus larges au Kosovo, mais de ce qui reste des groupes

  7   terroristes, ce qui ne correspond pas, bien sûr, à la vérité. Mais étant

  8   donné que Minic est un civil, étant donné que c'est un homme qui n'a pas

  9   une connaissance approfondie de la problématique militaire, je ne lui en

 10   veux pas personnellement pour la raison suivante, c'est qu'il ne pouvait

 11   pas non plus avoir plus de détails sur cela.

 12   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci beaucoup. J'aimerais dire encore

 13   quelque chose --

 14   R.  J'ai encore quelques commentaires à faire, s'agissant de ce document,

 15   si vous me le permettez.

 16   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais si vous pourriez le faire de

 17   façon brève, s'il vous plaît, car nous avons encore plusieurs sujets à

 18   aborder.

 19   R.  D'accord. Merci, j'ai compris. Voici le dernier point sur lequel je

 20   voudrais donner mes commentaires. Le commandant Pavkovic du Corps de

 21   Pristina parle des tâches qui doivent être mises en œuvre au cours de la

 22   période qui suivrait, il dit au point 1 : "Donner de l'aide à la commission

 23   pour la vérification de l'état au Kosovo; 2, de continuer d'assurer les

 24   frontières d'après les façons déjà connues," et cetera, et cetera.

 25   Donc on parle de ce qui a été fait. Personne ne dit qui a fait ceci et on

 26   parle d'assurer les frontières de l'Etat, donc d'assurer la sécurité des

 27   frontières de l'Etat. Le général Samardzic, à la page suivante, dit au

 28   point 2 : "D'examiner les possibilités de garder trois unités de l'armée au

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  1   Kosovo sept jours après l'accord politique."

  2   Pourquoi est-ce qu'une telle suggestion aurait été faite par le général

  3   Samardzic si ces unités, à la suite de l'accord conclu avec le général

  4   Clark, se trouvaient déjà pendant dix jours sur le territoire, il le savait

  5   pertinemment, puisque c'était ces unités à lui ? Il y a également d'autres

  6   points qui font en sorte que je peux conclure que le président propose et

  7   l'état-major accepte, même dans les conclusions, tout ceci me fait penser

  8   que ce n'est pas un document qui a été rédigé lors d'une réunion, car je ne

  9   me souviens pas du tout d'avoir assisté à une réunion qui ressemblait à

 10   ceci. Je ne me souviens pas du tout qu'on ait parlé de tous ces sujets qui

 11   sont abordés sur ce document, mais j'ai l'impression que ce document est

 12   rédigé plus tard, mais je ne sais pas pour quelle raison.

 13   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais préciser quelques points à

 14   la suite de ce que vous nous avez dit. Avant, -- enfin, l'information qu'a

 15   reçue la Chambre de première instance, information venant du général

 16   Pavkovic parle d'un plan qui était censé être réalisé en quatre étapes.

 17   L'une de ces étapes était d'équiper, de mobiliser les unités du MUP et de

 18   procéder au déblocus de Kijevo et de Malisevo, donc deux villages; et

 19   deuxième étape, rétablir la communication au Kosovo dans les cinq à sept

 20   jours par le truchement des forces du MUP et de la VJ et de procéder à la

 21   prise de cibles et d'installations sélectionnées; troisièmement, de

 22   désarmer les groupes terroristes au Kosovo en neuf à dix jours; et le

 23   quatrième point était de procéder ou de manœuvrer les unités du MUP pour

 24   assurer et sécuriser le territoire dans une période de huit à dix jours.

 25   Ceci me laisse croire qu'une activité de la VJ existait outre que de

 26   s'occuper de la frontière, n'est-ce pas ?

 27   R.  D'après ce que vous avez dit, l'on pourrait effectivement conclure

 28   cela.

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  1   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ensuite, brièvement, ce qui

  2   m'intéresse avant de passer à autre chose, pourriez-vous, je vous prie,

  3   prendre connaissance de la pièce P1011. C'est un extrait de Vojska. Je ne

  4   sais pas si vous n'avez qu'une seule page. Est-ce que vous avez une page,

  5   une seule page ? Vous verrez que ceci, ce document contient des chiffres

  6   détaillés concernant les réfugiés, qui correspondent aux chiffres qui se

  7   trouvent dans le PV des opérations interdépartementales. Est-ce que vous

  8   voyez ceci ? Les chiffres qui sont attribués au PV du rapport du général

  9   Pavkovic.

 10   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je le vois.

 12   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est à la page 72 en anglais.

 13   R.  Puis-je vous poser une question. J'aimerais savoir quand est-ce qu'on a

 14   publié ceci ? Je ne sais pas de quel journal il s'agit. A quelle date est-

 15   ce que ceci a été publié ? Quand est-ce que ceci a été publié, Monsieur le

 16   Président, s'il vous plaît ? En quelle date ?

 17   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'était en 2001, mais vous verrez que

 18   ce document fait référence à un rapport et aux conclusions relatives à la

 19   mise en œuvre d'un plan visant à empêcher le terrorisme.

 20   R.  Oui.

 21   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'après vous, Vojska, c'est quoi ?

 22   R.  Je n'ai pas très bien compris votre question. Qu'est-ce que vous voulez

 23   dire, qu'est-ce que c'était que la Vojska ?

 24   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'est-ce que c'est ?

 25   R.  C'est une force armée.

 26   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais je veux dire, est-ce que

 27   vous connaissez une publication qui porte le même nom ?

 28   R.  Excusez-moi. Vous pensez au journal Vojska. Oui, voilà, lorsque je vous

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  1   ai demandé quand est-ce que cet article a été publié, c'était pour cette

  2   même raison, car je me demande pourquoi est-ce qu'en 2001 on a publié ceci.

  3   Qui pouvait bénéficier de cela ? Encore une fois, il me semble que c'est

  4   une justification de quelqu'un, rien d'autre, car en 2001 le général

  5   Pavkovic est le chef d'état-major et il a bien sûr le droit de décider ce

  6   qui sera publié et ce qui ne le sera pas. Donc si j'avais vu cet article à

  7   ce moment-là, j'aurais dit qu'il fallait entreprendre une procédure

  8   criminelle contre la personne qui a publié ce genre de données de façon

  9   publique.

 10   M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

 11   R.  Mais c'est un journal que l'on ne peut pas acheter dans des kiosques,

 12   il n'est pas en vente libre.

 13   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous jetez un regard sur le

 14   fragment du texte qui va après le titre, "Prise en charge temporairement de

 15   la population albanaise réfugiée," alors vous allez voir que ceci traite

 16   d'un plan, et il a été dit qu'il s'agit d'un extrait tiré des conclusions

 17   issues du rapport concernant la mise en œuvre de ce plan signé par le

 18   commandement conjoint pour le Kosovo-Metohija. Nous avons donc ici affaire

 19   à une publication qui attribue ce rapport, à ce qu'on dit dans les

 20   conclusions, au commandement conjoint pour le Kosovo-Metohija. Cela semble

 21   être officiel, êtes-vous d'accord là-dessus ?

 22   R.  Monsieur le Président, je ne pourrais pas me mettre d'accord

 23   entièrement avec vous pour les raisons suivantes : de toute évidence, ceci

 24   a été publié par le magasine Vojska, ce qui n'est autre chose que le vœu de

 25   quelqu'un qui voudrait dire maintenant que tout ce qu'il avait fait, il l'a

 26   fait de façon appropriée. Or, à regarder le document que j'ai pu parcourir

 27   pendant la pause tout à l'heure, je peux dire que tout ce qui a été évoqué

 28   par le général Pavkovic, on ne peut pas voir que ceci a été fait au nom du

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  1   commandement conjoint. Comme tout à l'heure, je ne veux pas dire que

  2   personne n'a jamais fait référence à quelque chose qui serait intitulé

  3   commandement conjoint, donc dans les journaux plus tard, on peut faire

  4   publier tout ce qu'on souhaite voir, surtout lorsque vous occupez une

  5   fonction qui n'est pas sans avoir un impact important sur les évolutions

  6   ultérieures lorsqu'on traite d'une certaine politique en matière d'édition.

  7   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

  8   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Penchez-vous, s'il vous plaît, sur la

  9   page 2 de ce procès-verbal où -- regardez le troisième paragraphe du

 10   procès-verbal, vous verrez que cela commence par : "Le commandant du Corps

 11   d'armée de Pristina, Pavkovic, a fait un bref rapport…"

 12   L'alinéa qui suit nous permet de lire : "Intervenant au nom du commandement

 13   conjoint…"

 14   R.  Oui, je vous suis.

 15   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Par conséquent, de toute évidence, il

 16   est dit clairement que Pavkovic avait pris la parole pour intervenir au nom

 17   du commandement conjoint, mais je vous prie de vous référer à un autre

 18   document, à savoir au document issu du gouvernement de la Serbie, à savoir

 19   pièce à conviction P1317, 1317. Faites-en une lecture silencieuse, s'il

 20   vous plaît.

 21   Comment réagissez-vous à la lecture de ce document ?

 22   R.  Il s'agit là d'une confusion totale, Monsieur le Président. La question

 23   que vous m'avez posée tout à l'heure, c'est-à-dire lorsque vous dites que

 24   "intervenant au nom du commandement conjoint, le général Pavkovic", et

 25   cetera, ceci nous le trouvons couché sur le papier ici; je vous ai dit que

 26   dans son intégralité ce document, ce procès-verbal, me semble peu réel. Je

 27   ne peux que conclure que quelqu'un avait dit que ceci avait dû être fait,

 28   parce qu'il n'y a rien à quoi l'auteur du document pouvait se référer et

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  1   pour notifier tout cela au bureau, et cetera. Là, vraiment, je ne peux

  2   trouver aucun élément qui serait convaincant comme quoi tout ceci s'était

  3   passé dans cet ordre-là. Cela me semble assez d'ordre général. Tel ou tel

  4   document a été confectionné, ceci a fonctionné comme ceci ou comme cela

  5   lorsqu'on parle d'organes militaires et d'après les connaissances qui ont

  6   été recueillies par ceux-ci. Qu'est-ce que cela veut dire ? Les organes

  7   militaires ne réagissaient pas ça. Qu'est-ce que cela veut dire ? S'il n'y

  8   avait pas un acte quelconque, je dois dire que je me débrouille mal dans

  9   tout cela, je suis assez confus.

 10   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En date du 12 juillet 2002, quelle

 11   était la fonction occupée par M. Pavkovic ? Il s'agit de la date à laquelle

 12   ce document a été publié.

 13   R.  Je crois qu'à cette époque-là il était encore chef de l'état-major

 14   général. Je n'en suis pas certain, mais je pense qu'en 2002 ou 2003 peut-

 15   être, il a pris sa retraite. Mais à cette époque-là, je pense bien qu'il

 16   occupait la fonction de chef de l'état-major général. Oui, parce qu'à voir

 17   le logo, on lit "La justice fédérale" pour autant que je m'en souvienne, à

 18   cette époque-là, il a dû occuper la fonction de chef d'état-major général.

 19   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Dimitrijevic, avez-vous eu

 20   connaissance de réunions qui étaient tenues dans le Kosovo, à Pristina, il

 21   s'agit de réunions auxquelles ont pris part des membres de l'armée de

 22   Yougoslavie, des membres du MUP et certains responsables politiques dont

 23   nous parlions tout à l'heure, le tout se passant sous l'intitulé général,

 24   c'est-à-dire réunions du commandement conjoint ?

 25   R.  Non, Monsieur le Président, non je n'ai pas eu connaissance de ce

 26   document sous un tel intitulé. J'ai pu recevoir des informations comme quoi

 27   un certain nombre de civils étaient dans la Kosovo et qu'ils venaient au

 28   commandement du Corps de Pristina. Je voulais savoir de quoi il s'agissait,

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  1   à cette époque-là, le lieutenant-colonel Momir Stojanovic m'a dit que le

  2   soir venu, à l'heure où il y avait un télé-soir, on pouvait voir se réunir

  3   tel ou tel, ensuite, Sainovic, Minic, Andjelkovic et Matkovic, que le

  4   général Pavkovic, le commandant, y était. Or, Stojanovic n'assistait pas à

  5   de telles réunions et lui, Stojanovic, m'a expliqué le phénomène comme

  6   étant des rencontres officieuses sous forme d'une certaine coordination.

  7   Dans mon esprit, qui parle de coordination devrait traiter d'une

  8   coordination entre le MUP et l'armée de Yougoslavie. Pour autant que je

  9   m'en souvienne, il ne m'a pas dit que régulièrement, chaque soir, des

 10   représentants du MUP se rendaient au poste de commandement.

 11   En ce qui me concerne la direction de la sécurité, je peux vous dire --

 12   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre. Peut-

 13   être qu'il y a eu une erreur qui s'est faufilée dans le compte rendu

 14   d'audience, ceci est important. Est-ce que vous avez dit que vous avez eu à

 15   l'esprit, par exemple, le fait de voir une coordination entre -- qui s'il

 16   vous plaît, quelles forces ?

 17   R.  Monsieur le Président, je pensais à la coordination des forces de

 18   l'armée de Yougoslavie et du MUP.

 19   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Après quoi, vous avez dit que vous

 20   avez pu aboutir à cette conclusion comme quoi il ne vous a - Stojanovic -

 21   jamais dit que des représentants du MUP venaient régulièrement pour

 22   assister à ces réunions. Est-ce que tels étaient vos propos ?

 23   R.  Oui, exactement cela. Stojanovic m'a dit que lui n'assistait pas à de

 24   telles réunions. Et moi, en toute responsabilité, Monsieur le Président, je

 25   dois vous dire en réponse que jamais aucun document issu du département de

 26   la sécurité du Corps d'armée de Pristina n'était venu à nous pour traiter

 27   de telles réunions qui auraient eu lieu au sein du commandement du Corps

 28   d'armée de Pristina, et toujours dans le cadre de ce que nous avons comme

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  1   intitulé "commandement conjoint."

  2   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A quelle fréquence avez-vous pu en

  3   parler à Stojanovic ou à quelle fréquence vous a-t-il parlé de cela ?

  4   R.  Pas si fréquemment que ça, Monsieur le Président. Il était chef de

  5   département de sécurité du corps d'armée. Il avait pour supérieur le chef

  6   de la sécurité de la 3e Armée. C'était le colonel Petar Kuzmanovic qui

  7   assurait cette fonction; et dans la chaîne de commandement, d'après la

  8   hiérarchie militaire, il y avait le chef du premier département pour

  9   opérations. A un moment donné, c'était le colonel Milinac, après quoi il y

 10   avait le colonel Gajic à la tête de ce département, par conséquent, il a

 11   fallu grimper pas mal l'échelle du commandement. Et lorsque je lui ai

 12   demandé par exemple: Ecoute, j'ai eu vent du fait que des civils se rendent

 13   là-bas, et voilà ce que j'ai reçu comme réponse de sa part. Or, dix ans

 14   après, voilà ce dont je me souviens et je vous en ai parlé, Monsieur le

 15   Président.

 16   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que de temps en temps lui-même

 17   vous a fait rapport au sujet de ce qui se passait à de telles réunions ?

 18   R.  Monsieur le Président, je vous ai déjà dit qu'aucun rapport n'était

 19   venu issu de telles réunions; Stojanovic m'a dit tout simplement que lui,

 20   d'une certaine façon, pourrait-on le dire, n'assistait pas à de telles

 21   réunions officiellement.

 22   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'on peut dire que vous auriez

 23   pu avoir de l'intérêt à tout cela ?

 24   R.  En toute sincérité, oui, j'aurais pu en être intéressé, mais après

 25   avoir posé quelques-unes de ces questions-là qui étaient les miennes pour

 26   savoir de quoi il s'agissait, est-ce que ces gens-là venaient tout

 27   simplement pour suivre le téléjournal du soir ou parlait-on d'autre chose,

 28   alors on m'a raconté tout simplement que Stojanovic en personne n'assistait

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  1   pas à de telles réunions, par conséquent, il n'avait rien de quoi faire

  2   rapport. Cela m'apparaît comme étant une certaine coordination qui devait

  3   avoir lieu entre des militaires et le MUP.

  4   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maintenant, pouvons-nous revenir à

  5   certains de ces procès-verbaux de ces réunions d'informations, ces réunions

  6   collégiales. Par exemple, essayons de consulter la pièce à conviction

  7   3D484, il s'agit de ce procès-verbal en date du 10 décembre 1998. Vers le

  8   paragraphe qui se trouve à la page 13 en anglais, il s'agit d'un fragment

  9   où vous intervenez. Vous parcourez d'abord une page où il y a les propos du

 10   général Obradovic, et après vous intervenez parce que vous faites référence

 11   à ses propos à lui.

 12   Penchez-vous, s'il vous plaît, au tout dernier fragment de votre

 13   déclaration, de vos propos, sous 3, par exemple : "A-t-on établi qu'il y a

 14   un désaccord entre le corps d'armée de Pristina, et cetera, tout cela

 15   semble évident. Il y a pas mal d'événements qui se sont déroulés au sein du

 16   Corps de Pristina qui n'est autre chose que la conséquence, et je peux le

 17   dire en toute liberté, de cette aliénation faite du commandement au nom et

 18   par le commandant du corps d'armée."

 19   Par rapport à la 3e Armée, pouvez-vous nous dire ce qui était objet de

 20   votre inquiétude dans ce sens-là ?

 21   R.  Monsieur le Président, lorsqu'à des réunions d'information chez le chef

 22   de l'état-major général nous traitions de tout cela, il arrivait souvent

 23   qu'en fait nous ne connaissions pas la véritable situation de fait, car les

 24   rapports qui nous parvenaient à l'état-major général ne reflétaient pas la

 25   véritable situation des faits et des évolutions. On devait pouvoir parler

 26   des événements qui s'y déroulaient, et à un moment donné j'ai fait mon

 27   commentaire pour dire que pour autant que je sache - permettez-moi de me

 28   référer très exactement à la date - pour autant que je sache --

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  1   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il s'agit de la date du

  2   10 décembre.

  3   R.  Le commandant se trouve depuis deux semaines à Belgrade. De toute

  4   évidence, il s'agit d'évolutions extraordinaires, et de toute évidence cela

  5   nous mène à dire que d'une certaine manière le commandant du corps d'armée

  6   se trouvait en quelque sorte contourné par rapport à ce qui devait être

  7   d'ailleurs la fonction exercée par le commandant de la 3e Armée. Cela veut

  8   dire que le fait est qu'il a dû peut-être être l'auteur de certains

  9   mouvements à sa façon, et que vers la fin de juillet, le commandant de la

 10   3e Armée a ordonné une instruction d'ordre disciplinaire pour punir plus

 11   tard Pavkovic pour n'avoir pas obtempéré à tous ses ordres. Et lorsque,

 12   évidemment, il lui a été signifié le fait qu'il devait faire l'objet d'une

 13   instruction disciplinaire, je m'en souviens bien, quelques jours plus tard

 14   il a dû être convoqué par le président Milosevic. La conclusion qui était

 15   la mienne était tout simplement que tout cela n'avait autre objectif que de

 16   lui faire comprendre qu'on ne devait pas procéder de la sorte.

 17   Après un débat succinct sur le Kosovo, le président Milosevic a dit, Bien,

 18   maintenant, bref, portons un toast, buvons un verre parce que le général

 19   Pavkovic a été promu général de division.

 20   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends ce que vous venez de

 21   dire, lorsqu'il s'agit de l'évolution de faits, mais ma question ne

 22   concernait que le fait qu'on faisait abstraction, pas de la part du

 23   commandement du corps d'armée et du commandement de la 3e Armée par rapport

 24   à Pavkovic. De quoi parlez-vous très exactement ? Il est difficile

 25   d'accepter que ce que vous avez dit tout à l'heure, comme quoi lui, il

 26   s'est permis de se rendre pendant deux semaines à Belgrade sans y avoir été

 27   autorisé.

 28   R.  Monsieur le Président, il ne s'agit pas évidemment de cela que j'ai

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  1   dit. Tout simplement, pour répondre à votre question, pour parler de son

  2   séjour à Belgrade, je voudrais le faire comme suit : qui parle du mois de

  3   décembre parle de l'époque où le général Pavkovic était en communication

  4   directe avec le président Milosevic. Ayant dit cela, lorsque je dis que la

  5   fonction de Pavkovic a été quelque peu aliénée, exploitée, je voulais dire

  6   qu'il s'est permis le luxe, étant donné la communication qu'il avait avec

  7   Milosevic, qu'il voulait s'adonner à des mouvements sans y demander aucune

  8   autorisation de la part du commandement de l'armée, et notamment de l'état-

  9   major général.

 10   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous voulez mettre tout

 11   cela dans une corrélation avec tous ces incidents ou ces "évolutions si peu

 12   habituelles." Qu'est-ce que c'était comme évolution ou événements

 13   inhabituels qui vous ont fait conclure qu'il y avait une communication

 14   directe entre le général Pavkovic et

 15   M. Milosevic ?

 16   R.  Monsieur le Président, de temps en temps, on procédait à des analyses

 17   au sein de l'armée pour traiter des événements intervenus. Chaque corps

 18   d'armée, chaque armée, aux échelons qui étaient les leurs, procédaient à

 19   des analyses -- à des travaux de synthèse, plutôt. Il s'est avéré que des

 20   évolutions dites inhabituelles s'avéraient plus importantes. Qu'est-ce que

 21   cela veut dire ? Ecoutez, il y a d'abord lieu de signaler qu'il y avait des

 22   incidents, il y avait des défectionnaires, il y avait des troupiers qui

 23   quittaient leurs postes de sentinelles, ensuite il y avait des incidents de

 24   la route, il y avait des vies perdues de troupiers, des blessures causées,

 25   des suicides. Le tout pour les militaires, ceci doit être considéré comme

 26   étant des événements tout à fait inhabituels. Lorsque j'ai parlé de la

 27   communication qui existait direct entre lui et le président, je ne voulais

 28   pas impliquer quoi que ce soit lorsque j'ai dit qu'il était pendant plus de

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  1   deux semaines à Belgrade.

  2   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En ce cas-là, une clarification de

  3   tout cela me semble nécessaire. Je voudrais que vous nous fassiez lecture

  4   de la première phrase, à savoir : "Troisièmement, il y a eu cette

  5   discrépance, [phon] un désaccord…"

  6   La troisième phrase qui commence par : "Moi, je pense, pour ma part…"

  7   Je voudrais vous demander de donner lecture à haute voix de cette phrase.

  8   R.  "Je pense, pour ma part, que le grand nombre d'incidents ou

  9   d'événements inhabituels et pas mal de choses qui se déroulent au Corps

 10   d'armée de Pristina se trouvent dus non pas au fait de l'aliénation de

 11   leurs fonctions de commandant du corps d'armée de la part du commandement

 12   de la 3e Armée ou de la part de l'état-major général. Je dirais plutôt par

 13   inertie, ces gens-là comme étant considérés comme des héros du corps, ils

 14   prennent trop de liberté."

 15   Et je me proposais de parler --

 16   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, qu'est-ce que vous voulez dire

 17   par là ? Allez-y, allez-y.

 18   R.  Je voulais dire par là que Pavkovic s'était assuré, pour ainsi dire, le

 19   rôle de quelqu'un qui aurait tranché toutes les questions de tous les

 20   problèmes du Kosovo et qui est devenu le favori, pour ainsi dire,

 21   coqueluche du président, pour ainsi dire, qui lui, avait souvent le pli de

 22   dire que lui, il était le seul à comprendre les problèmes du Kosovo alors

 23   que l'état-major général et les autres militaires qui sont à leur poste de

 24   Nis et de Belgrade ne comprennent pas tout cela, que lui, il était le seul

 25   à être préoccupé de la cause serbe, de la cause du peuple serbe dans le

 26   Kosovo, et cetera.

 27   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Dimitrijevic, je ne voudrais

 28   pas que vous compreniez que je n'ai pas eu d'estime pour ce que vous venez

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  1   de dire, mais ce qui me permet de vous le dire maintenant, il me semble que

  2   vous avez été un petit peu jaloux par rapport à lui. Mais étant donné la

  3   perspective qui est la nôtre et ayant en vue l'affaire dont nous traitons,

  4   cela me semble peu probable de vous entendre parler de la sorte à cette

  5   réunion, à ce collégium. Dites-moi, quels sont ces incidents, ces

  6   événements inhabituels qui vous permettent de dire en conclusion qu'il y a

  7   eu une aliénation de la fonction du commandant du Corps d'armée de

  8   Pristina, et cela, étant le résultat de ce que faisait l'état-major général

  9   et l'armée ?

 10   R.  Je vous ai dit, Monsieur le Président, de quoi il s'agissait. Il y

 11   avait des défections, il y avait des morts de soldats, et le tout étant

 12   résultat d'une organisation dans l'armée et qui, parmi les militaires,

 13   semble être traité d'incidents ou d'accidents inhabituels. Je voulais dire

 14   tout simplement qu'étant donné ces évolutions-là et étant donné que le

 15   général Obradovic en a parlé avant que je n'intervienne.

 16   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais comment se fait-il que --

 17   R.  Avec votre permission, je voudrais dire encore une phrase.

 18   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, allez-y.

 19   R.  Je me penche sur la page 12 de la version en serbe et où le général

 20   Obradovic fait mention de provocations qui auraient pu être faites. Et

 21   c'est à ce sujet-là que j'ai posé la question de savoir de quoi s'occupent

 22   tous les autres dans cet état et comment se fait-il qu'il y a lieu de

 23   parler de provocations, lorsque les membres de l'armée se trouvent attaqués

 24   alors qu'on ne réagit qu'après coup. Je voulais dire par là que ces

 25   rapports n'étaient pas tout à fait véridiques, n'étaient pas sincères.

 26   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il m'est plutôt difficile à ce stade-

 27   ci de comprendre comment perte de vue ou privation de vie de certains

 28   soldats ou défection, et cetera, comme vous l'avez dit, devait être le

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  1   résultat du fait que les commandants n'ont pas obtempéré aux ordres de

  2   leurs supérieurs. C'est ce que vous avez voulu dire ?

  3   R.  Je voulais dire tout simplement que ce que je considère comme situation

  4   extraordinaire, inhabituelle, c'est qu'il y a un manquement de discipline

  5   au sein des unités et que ce manque de discipline n'a pour autre résultat

  6   que des situations à l'issue tragique. En ce moment-là, il y a eu pas mal

  7   de défections de soldats au sein du Corps d'armée de Pristina. Si ma

  8   mémoire est bonne, si je ne me trompe pas, ils étaient nombreux, une

  9   centaine de soldats qui essayaient de s'évader pour parvenir à Belgrade

 10   pour se faire doter de certificats médicaux comme quoi ils seraient inaptes

 11   à porter des armes pour fuir le Kosovo, pour ne pas rentrer dans le Kosovo,

 12   et cetera.

 13   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et quelle est votre perception de ces

 14   informations inappropriées ou inexactes concernant des provocations ?

 15   Pouvez-vous expliquer cela mieux et un peu plus ?

 16   R.  J'ai pu comprendre cela, Monsieur le Président, comme

 17   suit : toutes les fois où un à collégium, à une réunion d'information, le

 18   représentant de notre administration de notre direction faisait rapport,

 19   toutes les fois où on posait la question, mais comment se fait-il que de

 20   tels accidents puissent se produire ? Alors on répondait d'ordinaire que

 21   tel ou tel groupe de terroristes attaquait telle ou telle unité ou un

 22   véhicule, et cetera, après quoi la riposte a suivi. Voilà la raison pour

 23   laquelle, à plusieurs reprises, j'ai posé la question de savoir comment il

 24   se faisait possible de voir que nous sommes les premiers à être provoqués

 25   et avoir recours à la force seulement après coup, sans que cela puisse être

 26   fait de façon planifiée ainsi que le règlement l'exige, à savoir tout

 27   mouvement de toute unité doit être sécurisé et chaque attaque contre telle

 28   ou telle unité devrait être, évidemment, traitée de façon adéquate. La

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  1   réaction, la riposte devait être adéquate. C'est dans cet esprit-là que

  2   j'ai posé des questions pour intervenir.

  3   Puis, si j'ai évoqué d'autres questions, c'est que par d'autres

  4   sources j'ai pu obtenir certaines informations, par exemple, via des

  5   représentants diplomatiques qui, eux, avaient accès à des sièges de l'UCK

  6   ou des QG de l'UCK. Je me souviens bien que M. Crosland me disait à

  7   plusieurs reprises que lui aussi était en mesure de se rendre compte du

  8   fait qu'il y a eu une force excessive utilisée à telle ou telle reprise. Et

  9   je lui avais demandé, si ma mémoire est bonne, que je lui avais demandé des

 10   arguments à l'appui pour que je puisse en saisir le chef de l'état-major

 11   général de l'armée de Yougoslavie pour poser la question ouverte, comment

 12   on a eu recours excessif à la force, et cetera. Malheureusement, tel

 13   n'était pas le cas, malheureusement, je n'ai jamais pu recevoir d'arguments

 14   ainsi que promis alors que j'aurais aimé avoir obtenir des cassettes vidéo,

 15   et cetera, et cetera.

 16   Voilà les raisons pour lesquelles j'ai pu aboutir à de telles conclusions.

 17   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais revenir sur la première

 18   raison que vous avez invoquée pour expliquer l'origine des événements. Vous

 19   avez dit que ces événements avaient résulté de provocations de la part de

 20   l'UCK. Lorsque vous posiez ces questions, quelles étaient les réponses qui

 21   vous étaient apportées ?

 22   R.  Bien, assez régulièrement le représentant de la direction

 23   opérationnelle, voire le vice-chef du Grand état-major chargé des

 24   opérations, le général Obradovic, me répondait que nous recevions ce

 25   rapport du commandement de Pristina, c'est-à-dire du commandement de la 3e

 26   Armée, donc par la voie hiérarchique régulière et que c'est ce qu'on

 27   pouvait lire dans ces rapports.

 28   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et vous en étiez satisfait de ces

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  1   réponses ?

  2   R.  Bien, je dois dire que ni moi ni le chef du Grand état-major n'était

  3   satisfait, car il lui est arrivé une fois de demander qu'on lui fasse

  4   connaître au jour le jour les dépenses de munitions étant donné les

  5   éléments d'information qui parvenaient selon lesquels aucune opération

  6   n'était menée, aucune action n'était menée et, en dépit de cela, des

  7   munitions étaient dépensées.

  8   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Parlez-vous du général Perisic ?

  9   R.  De lui, mais également du général Ojdanic. A partir du mois de

 10   décembre, le général Ojdanic, chef du Grand état-major, a lui aussi posé

 11   des questions au sujet des dépenses de munitions et a demandé des rapports

 12   exacts, plus exacts.

 13   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, j'aimerais maintenant que nous

 14   parlions d'un autre document qui est le 3D494. Il s'agit du procès-verbal

 15   d'une réunion tenue le 17 décembre. Dans ce PV, dans la version anglaise du

 16   texte en tout cas, je vois que des propos prononcés par vous sont consignés

 17   par écrit en page 19 de la version anglaise. Ce passage suit immédiatement

 18   une question très brève posée par le général Ojdanic. Dans ce passage du

 19   texte, vous insistez sur le fait que l'armée yougoslave devrait se

 20   concentrer sur les tâches qui lui sont données par la constitution, à

 21   savoir la protection de la frontière. Vous dites, je cite : "Ni le

 22   commandant d'un corps d'armée ni le commandant d'une armée ne peut

 23   continuer à nous dire avoir tout fait alors que dans le même temps les

 24   effectifs sur le terrain ne cessent de croître et que nous allons encore

 25   nous voir reprocher cela."

 26   Et vous dites ensuite que "l'armée devrait se concentrer sur la fermeture

 27   de la frontière destinée à créer des conditions préalables satisfaisantes

 28   pour permettre au MUP de résoudre les autres problèmes, car ces autres

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  1   problèmes ne relèvent pas des missions incombant à l'armée."

  2   Alors, qu'est-ce qui était en train de se passer dont vous estimiez que

  3   cela n'aurait pas dû se passer ?

  4   R.  Monsieur le Président, après le rapport présenté par moi, c'est-à-dire

  5   une fois que je réponds au général Ojdanic qui demande quelles sont les

  6   propositions, je dis ce qui est écrit dans ce texte. Donc le plus important

  7   c'était de fermer la frontière, c'est-à-dire ne plus permettre que les

  8   armes et les terroristes entraînés en Albanie pénètrent sur notre

  9   territoire pour y mener des actions et que ce genre de chose ne cesse de se

 10   répandre. Le MUP ne cessait de nous lancer des reproches, quand je dis

 11   "nous," je parle de l'armée, le MUP déclarait ne pas pouvoir mener à bien

 12   les missions qui lui incombaient, parce que le nombre des terroristes ne

 13   cessait de croître, parce que les armements utilisés par ces terroristes ne

 14   cessaient d'augmenter, et ce, en raison du fait que l'armée n'assurait pas

 15   suffisamment bien la sécurité de la zone frontalière. Alors, en raison de

 16   cela, j'ai répété que la fermeture de la frontière était structuralement la

 17   mission incombant à l'armée. Et j'ai ajouté qu'il n'était pas acceptable

 18   que les commandants des armées et des corps d'armée ne cessent de nous dire

 19   avoir tout entrepris en la matière alors que les effectifs des terroristes

 20   sur le terrain continuent à croître. C'est la raison pour laquelle

 21   d'ailleurs j'ai répété ma proposition, à savoir que des mesures devaient

 22   être prises partout où la chose était possible, fermer au maximum la

 23   frontière, qu'il fallait fermer toutes les voies d'accès des armements et

 24   des hommes sur notre territoire. Et j'ai ajouté qu'ainsi seraient créées

 25   des conditions préalables permettant au MUP de régler ses comptes avec les

 26   terroristes.

 27   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie de ce que vous venez

 28   de dire, mais ce que je souhaitais surtout savoir c'était ce que faisait

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  1   l'armée si elle n'était pas en train de fermer la frontière. Comment

  2   passait-elle son temps ? A quoi passait-elle son temps ?

  3   R.  Bien, Monsieur le Président, c'est ce qui m'a incité à poser les

  4   questions que j'ai posées durant la réunion du Grand état-major et c'est la

  5   raison qui m'a incité à émettre les mises en garde que j'ai émises, car

  6   manifestement, ce qui se passait à l'époque c'est que nous avions un grand

  7   nombre de groupes qui essayaient de pénétrer sur le territoire du Kosovo en

  8   provenance d'Albanie. Et les patrouilles de l'armée, si elles arrêtaient un

  9   groupe de gens, le voyait revenir plus tard. Je me souviens d'un cas

 10   particulier - je ne me rappelle pas les noms propres aujourd'hui, bien sûr

 11   - mais il s'agissait d'un lieutenant qui dirigeait une patrouille, et un

 12   groupe de terroristes est passé non loin de là où il se trouvait. Je me

 13   souviens que je lui ai immédiatement ordonné de porter plainte contre ce

 14   groupe en justice et j'ai dit que le lieutenant devait être placé en

 15   détention, mais je me souviens aussi que rien n'est sorti de tout cela car

 16   ce lieutenant était protégé par quelqu'un.

 17   [La Chambre de première instance se concerte]

 18   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais contre quoi protestiez-vous ?

 19   R.  Non, ce n'est pas que j'ai protesté, mais je suis en train de dire que

 20   ce qui se passait, c'était qu'en dépit de toutes les mesures qui avaient

 21   été prises, il pouvait arriver que le chef d'une patrouille ou quelqu'un

 22   qui se trouvait personnellement à la frontière laisse passer un groupe en

 23   train de pénétrer sur le territoire. Je me souviens d'un cas où une plainte

 24   au pénal a été déposée contre un officier qui a laissé une chose de ce

 25   genre se produire, mais que rien finalement n'est ressorti de cette

 26   plainte.

 27   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien. Passons maintenant à

 28   l'examen de la pièce P928, qui est un procès-verbal datant du 30 décembre.

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  1   La page qui m'intéresse est la page 14 en version anglaise, où après un

  2   long passage reprenant les propos du général Marjanovic, vous prenez la

  3   parole et vous êtes suivi par le général Obradovic. Sept ou huit lignes

  4   après le début de la retranscription de ce que vous avez dit, vous abordez

  5   la situation dans les alentours de Podujevo, et vous parlez de ces

  6   prétendus exercices ou de ces exercices réels auxquels une compagnie aurait

  7   pris part sur le terrain. Vous dites au général Ojdanic : "Ce genre de

  8   chose va nous mener au désastre. Le fait d'expliquer qu'il s'agissait d'un

  9   exercice réel qui avait été prévu ne correspond pas à la vérité. Il était

 10   prévu que l'unité provoque les terroristes pour que le MUP fasse alors ce

 11   qu'il lui appartenait de faire."

 12   Pourriez-vous expliciter un peu votre propos, que s'est-il passé dans le

 13   cadre de la situation que vous décrivez là ?

 14   R.  Monsieur le Président, je ne me souviens pas de tous les détails, en

 15   tout cas pas de tous les détails de ce cas précis. Mais il est possible -

 16   enfin, je ne conteste pas que ma réaction ait correspondu à ce qui est

 17   écrit ici - peut-être avais-je des éléments d'information - mais je sais

 18   que peu de temps après, tout cela a été vérifié et le général Obradovic a

 19   expliqué qu'après qu'un rapport complémentaire ait été demandé, des

 20   vérifications ont été faites et il a été établi que finalement, il ne

 21   s'agissait pas d'une provocation mais bien d'un exercice planifié. Ma

 22   réaction a été ce qu'elle a été, parce qu'il y avait toujours des choses

 23   qui étaient planifiées, et malgré cela, ce qui se passait ne correspondait

 24   pas. Je veux dire que l'un de nos officiers ou de nos soldats avait été tué

 25   ou blessé ce jour-là, et c'est la raison pour laquelle nous en avons parlé

 26   à la réunion du Grand quartier général. Toutefois, si je ne me trompe - et

 27   je n'ai pas le temps de lire le texte complet dans le détail - mais je

 28   pense que l'homme qui était alors le chef du Grand état-major, c'est-à-dire

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  1   le général Ojdanic, a déclaré qu'il avait demandé des vérifications et il a

  2   ajouté qu'il aurait dû être informé de tout cela en temps utile. Il n'y

  3   avait aucune raison de savoir si les choses s'étaient passées comme cela ou

  4   autrement. J'ai simplement découvert dans le texte le passage où le général

  5   Dragoljub Ojdanic parle et il dit : "Quant aux affirmations faites ici

  6   selon lesquelles la situation à Podujevo aurait été provoquée par la

  7   présence de cette unité, la seule question consiste à savoir si l'ordre de

  8   marche de cette unité correspondait bien à l'endroit où cette unité se

  9   trouvait, et elle était effectivement dans le camp."

 10   Donc il vérifie ce qu'il en est et il reprend les allégations qui auraient

 11   évoqué un départ de certains groupes. Donc qu'est-ce qu'il y a de

 12   controversé ici ? Après tout, il était le chef du Grand quartier général et

 13   il admet la réalité de la situation. La question qui se pose consiste à

 14   savoir si l'ordre de marche de l'unité était exact et si la route suivie

 15   par l'unité correspondait à ce qui figurait dans l'ordre de marche. Je

 16   crois me rappeler que durant cette réunion du Grand quartier général, lui

 17   et moi avons un peu polémiqué l'un avec l'autre quant à la façon dont il

 18   avait planifié les choses, je crois que c'est de cela qu'il est question

 19   dans ce passage.

 20   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 21   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais, Monsieur Dimitrijevic, vous

 22   utilisez là des mots assez forts, l'explication consistant à dire "qu'il

 23   s'agissait d'un exercice planifié ne correspond pas à la vérité. Ce qui

 24   était planifié, c'est que l'unité devait provoquer les terroristes de façon

 25   à ce qu'ensuite le MUP fasse ce qu'il lui incombait de façon."

 26   Et je ne crois pas que je vois dans ce texte où que ce soit la moindre

 27   mention du départ ou du retrait de l'unité. Etes-vous en train de dire que

 28   vous aviez mal compris ?

Page 26634

  1   R.  Non, non, je ne pense pas avoir mal compris. Je pense que des

  2   vérifications ont été faites ultérieurement et qu'Obradovic, un peu plus

  3   tard dans la réunion du Grand quartier général, a expliqué que la chose a

  4   été vérifiée et que - mais enfin, voyons ce qu'il en est. Je vois ici que

  5   le chef de l'équipe chargée des opérations dit au début de la réunion que

  6   dans le village d'Obrandza, un lieutenant et un soldat de la 15e Brigade

  7   ont été blessés, et voilà, il y avait une raison précise pour laquelle ce

  8   sujet a été discuté un peu plus en détail durant cette réunion du Grand

  9   quartier général. 

 10   Donc étant donné les contacts que j'avais et les renseignements que

 11   j'avais reçus de plusieurs soldats, il est probable que j'avais des raisons

 12   pour m'exprimer comme je l'ai fait. Je me suis servi de la possibilité de

 13   prise de parole qui m'était donnée pour émettre une mise en garde en

 14   déclarant que de telles choses auraient, c'était certain, des conséquences

 15   négatives pour l'ensemble d'entre nous.

 16   [La Chambre de première instance se concerte]

 17   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Dimitrijevic, nous devons

 18   faire une nouvelle pause maintenant. Cette pause sera de 20 minutes cette

 19   fois-ci, donc nous reprendrons nos débats à

 20   17 heures 50.

 21   --- L'audience est suspendue à 17 heures 32.

 22   --- L'audience est reprise à 17 heures 52.

 23   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ce procès-verbal, il y a un autre

 24   point sur lequel j'aimerais vous interroger. Oui, voilà.

 25   Dans une partie du procès-verbal située avant celle dont nous parlions tout

 26   à l'heure, vous vous exprimez également mais plus longuement. Je trouve le

 27   passage en page 9 de la version anglaise et le point qui m'intéresse se

 28   trouve à peu près à la fin de la transcription de vos propos. Vous prenez

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  1   la parole juste avant que le général Ojdanic ne dise quelque chose très

  2   brièvement. Voilà, je vous dis cela pour vous permettre de vous situer dans

  3   le texte. Et vous vous dites préoccupé par l'accroissement de l'action

  4   terroriste et vous dites : "Il est réaliste de s'attendre à voir la

  5   situation au Kosovo se compliquer encore davantage sur le plan de la

  6   sécurité. Cette question est caractérisée par la violence des actes

  7   terroristes, un haut degré d'incertitude et de crainte pour les Serbes et

  8   les Monténégrins qui pourrait déboucher sur des problèmes extrêmes", et un

  9   certain nombre de mots manquent dans le texte, et ensuite, "avec

 10   l'intention peut-être délibérée de la part de ces individus de tirer profit

 11   du nombre croissant de personnes qui quittent la région ou réagissent d'une

 12   façon difficile à contrôler."

 13   Et vous dites : "Quand je dis 'réagir,' je pense aux 60 000 Serbes

 14   armés qui risquent de se mobiliser en dehors du contrôle des instances

 15   légales."

 16   Alors, qui sont ces 60 000 Serbes armés ?

 17   R.  Monsieur le Président, je pense à des gens qui pourraient se mobiliser.

 18   J'exprime mon inquiétude quant au fait que peut-être certains individus ou

 19   certains groupes pourraient abuser de la réalité de l'action terroriste et

 20   de l'insécurité générale qui règne dans la région ainsi que du climat de

 21   peur qui menace les Serbes dans les villages où ils résident. Dans de

 22   telles conditions, un certain nombre de personnes se sont armées dès le

 23   début de l'apparition des problèmes, aussi bien des soldats que des

 24   policiers. Je pense que sur décision du commandant de la 3e Armée, un

 25   certain nombre de Serbes et de Monténégrins, en tout cas, de non-Albanais

 26   de façon générale, se sont armés et que ceci constitue donc un contingent

 27   qui pourrait agir face à un risque de pogrom les menaçant, pogrom qui

 28   serait commis par les terroristes. Ici aussi, je fais référence aux forces

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  1   de réserve du MUP également, car durant ces exposés qui étaient faits aux

  2   réunions du Grand quartier général, il était toujours fait référence au

  3   fait que les réservistes du MUP devraient recevoir des armes en cas de

  4   risque d'escalade de façon à ce que ces personnes puissent être mobilisées

  5   et utiliser ces armes.

  6   S'agissant des militaires, si je me souviens bien, un ordre a été émis par

  7   l'armée, ordre visant à affecter des personnels et des commandants qui

  8   auraient été chargés de veiller à ce que les armes ne soient pas utilisées

  9   de façon illégale. Si je me souviens bien, nous n'avons vu aucun cas de

 10   mauvais usage des armes par les civils qui auraient reçu des armes. En

 11   d'autres termes, je parle du fait que ces armes ne devaient pas être

 12   utilisées à d'autres fins que celles pour lesquelles elles étaient

 13   distribuées. Elles ne devaient servir qu'à défendre la population contre

 14   des actes de terrorisme, c'était l'utilisation prévue pour ces armes.

 15   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. 

 16   Je vous demanderais maintenant de vous pencher sur la pièce P939 qui

 17   porte sur la réunion du 21 janvier, procès-verbal de cette réunion.

 18   R.  Non, c'est celle du 24 décembre.

 19   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi.

 20   R.  Si je ne me trompe pas.

 21   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que je n'ai pas le bon numéro

 22   inscrit sur mon exemplaire du texte. Une seconde, je vous prie. Non, non,

 23   le 24 décembre, ça c'est la pièce P924. Regardez d'un peu plus près, je

 24   vous prie, la pièce P939, qui est le procès-verbal de la réunion du 21

 25   janvier. On lit la date du 24 décembre au bas de la page, mais en fait,

 26   c'est le procès-verbal de la réunion du 21 janvier.

 27   R.  Oui, d'accord. J'ai vu ce qui était écrit au bas de la page.

 28   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce qui m'intéresse dans ce procès-

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  1   verbal c'est la série de renseignements concernant Racak. La Chambre ne

  2   s'intéresse pas aux détails de l'action qui a pu être menée éventuellement

  3   dans ces villages. En page 9 de la version anglaise du procès-verbal, on

  4   voit une reproduction de vos propos. Vous prenez la parole après une brève

  5   intervention du général Panic et vous vous exprimez avant le général

  6   Obradovic, et vous demandez si l'armée a été engagée ou pas.

  7   R.  Oui.

  8   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ensuite vient une réponse dans

  9   laquelle il est question d'un exercice qui a impliqué le 8e Escadron

 10   mécanisé de chars au niveau fédéral, et vous dites qu'une partie du 243e

 11   Groupe de combat a également participé à cet exercice. Nous lisons

 12   d'ailleurs les mots "exercice planifié."

 13   Vous semblez vous préoccuper des conditions dans lesquelles certaines

 14   unités de l'armée yougoslave ont été impliquées dans le secteur. Quelle

 15   était l'origine de votre inquiétude ?

 16   R.  Monsieur le Président, contrairement à ce qui se passait jusqu'à

 17   présent, j'ai un souvenir très précis de ce dont il est question ici, à

 18   savoir qu'après les événements de Racak, un communiqué de presse a été

 19   publié par la présidence dans lequel il était indiqué que l'action de Racak

 20   a été menée par le MUP et l'armée. Et à la réunion du Grand quartier

 21   général, j'ai posé la question de savoir si cela était exact, c'est-à-dire

 22   très précisément, s'il était exact que l'armée avait participé à cette

 23   action. D'après toutes les réactions des représentants diplomatiques

 24   militaires, nous avions appris qu'une enquête était en cours aux fins de

 25   déterminer si l'armée avait participé ou pas à cette action. La Mission de

 26   vérification de l'OSCE enquêtait également sur la chose, et une déclaration

 27   de la présidence du Conseil de sécurité a indiqué très clairement que

 28   l'armée avait pris part à cette action, donc ma question était posée au

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  1   chef du Grand quartier général. Je lui demandais s'il pouvait nous dire, à

  2   l'ensemble d'entre nous, c'est-à-dire à l'ensemble des membres participant

  3   à cette réunion du Grand état-major, s'il avait reçu un renseignement très

  4   précis quant au fait de savoir si l'armée avait participé oui ou non à

  5   cette action. Et je pense que sa réponse a consisté à dire plus ou moins

  6   que la chose n'était mentionnée dans aucun rapport; en d'autres termes, que

  7   l'armée n'avait pas pris part à cette action. Je crois que j'ai insisté sur

  8   ce sujet, et il a ordonné durant la réunion qu'un fax soit envoyé par le

  9   biais du département chargé des moyens et des effectifs humains pour

 10   demander au commandant du corps d'armée - qui était à l'époque le général

 11   Pavkovic - de répondre par une déclaration précise à la question de savoir

 12   si l'armée avait participé ou non à cette action. Je pense qu'après une

 13   deuxième ou une troisième vérification, la réponse a été reçue, indiquant

 14   que l'armée n'avait pas participé à cette action. Ce qui m'a conduit à

 15   émettre, à publier une déclaration dans laquelle je disais que l'armée

 16   n'avait pas participé à cela, qu'elle se voyait reproché sa participation

 17   sans la moindre justification, mais que chaque fois des excuses étaient

 18   faites indiquant que nous ne devrions pas en fait faire la moindre

 19   déclaration. Je crois me rappeler que Krga, je vois que Krga a déclaré

 20   durant la réunion qu'il avait entendu de la bouche d'un attaché militaire

 21   que l'artillerie aurait agi dans le secteur. Donc les réponses du corps

 22   d'armée allaient toutes dans le sens de dire que l'armée n'avait pas

 23   participé. Et par l'intermédiaire de mes collaborateurs, j'ai insisté pour

 24   recevoir une réponse des responsables de la sécurité, réponse qui serait

 25   transmise par la voie hiérarchique, et je souhaitais que le colonel

 26   Stojanovic nous fournisse une réponse quant à ce qu'il savait en sa qualité

 27   de chef de la sécurité au sujet d'une éventuelle participation de l'armée à

 28   tout cela. Voilà ce dont je me rappelle, si je ne me trompe.

Page 26639

  1   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-il permis de dire que le général

  2   Ojdanic ne connaissait pas la réponse ?

  3   R.  Je pense qu'il est permis de dire qu'il ne connaissait pas la réponse

  4   et qu'il a admis ma proposition d'envoyer un autre télégramme pour demander

  5   à Pavkovic de s'exprimer clairement sur le point de savoir si l'armée avait

  6   participé ou pas. Et finalement, ce qui a été dit, c'est qu'un ou deux

  7   pelotons avaient peut-être participé au niveau du transport des unités du

  8   MUP, quelque chose comme ça, si je ne me trompe. Mais en tout cas, dix ans

  9   se sont écoulés depuis.

 10   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voyons ce qui est écrit après Krga

 11   dont vous venez de parler, vous voyez que c'est le général Ojdanic qui

 12   parle.

 13   Oui, Maître Zecevic.

 14   M. ZECEVIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Compte

 15   rendu d'audience, page 64, ligne 16, je crois que le témoin a parlé de

 16   plusieurs véhicules et non de plusieurs pelotons.

 17   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

 18   M. ZECEVIC : [interprétation] Plusieurs véhicules avaient participé pour

 19   assurer le transport du MUP.

 20   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Page 63, ligne 16. Je suppose que les

 21   interprètes ne sont pas en train de dire qu'il n'y avait qu'un véhicule et

 22   que le deuxième, c'était un écho ?

 23   R.  Non, ce que j'ai dit --

 24   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'était une plaisanterie.

 25   Alors, le général Ojdanic est en train de parler. Passons au deuxième

 26   paragraphe de la retranscription de ses propos, à l'endroit où il parle du

 27   commandement conjoint de l'état-major, et nous

 28   lisons : "Nous savons très bien à qui il faut demander un agrément."

Page 26640

  1   Savez-vous à quoi cela fait référence ?

  2   R.  Monsieur le Président, il est écrit ici que cette action contre le

  3   village de Racak - c'est ce qui est écrit ici - avait un rapport avec

  4   l'incident de Racak. Mais c'est peut-être une erreur de traduction, en tout

  5   cas, à la deuxième ligne des propos du général Ojdanic, on voit que lui non

  6   plus n'exprime pas très clairement ce qu'il a en tête. Donc il est écrit

  7   qu'il a été "conclu" que cette action ne pouvait pas être menée à bien sans

  8   l'aide de l'armée. Et il dit à très juste titre que dans ce cas, on sait

  9   très bien qui peut donner un ordre de ce genre, seul peut le faire le

 10   président, c'est-à-dire le chef du conseil suprême de la Défense; et si la

 11   conclusion doit être appliquée, autrement dit, si la décision doit être

 12   mise en œuvre, il est le seul à pouvoir le faire. Mais compte tenu des

 13   restrictions qui ont été prévues dans l'accord Holbrooke, il n'a pas le

 14   droit de le faire, auquel cas on revient à ce que j'ai mentionné tout à

 15   l'heure, à savoir qu'à partir du président, il faut que les choses suivent

 16   leur cours selon la filière hiérarchique en passant par le chef du Grand

 17   quartier général et en descendant vers les commandants des différentes

 18   instances de l'armée pour arriver jusqu'au général Pavkovic. Et au deuxième

 19   paragraphe, si vous me permettez, je voudrais poursuivre, il dit

 20   précisément ce que j'ai dit il y a quelques minutes. En dehors de l'ordre

 21   oral et de l'ordre reçu, il demande qu'une réponse soit fournie suite aux

 22   demandes présentées aux différents représentants militaires --

 23   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais nous comprenons cela --

 24   R.  -- étant donné l'importance de l'événement.

 25   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, nous comprenons que ces demandes

 26   ont été présentées. Mais ce que j'essaie de comprendre, c'est la référence

 27   à quelque chose de conjoint, quoi que ce soit, ce quelque chose, mais

 28   j'aimerais qu'on m'aide à comprendre, et dans ce but, vous pourriez peut-

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  1   être expliquer ce qui était écrit dans l'accord Holbrooke qui créait des

  2   restrictions limitant la possibilité d'action d'Ojdanic ou de Pavkovic.

  3   R.  Monsieur le Président, je ne me rappelle pas les détails de l'accord,

  4   il y a plusieurs documents qui ont été signés à cette époque-là. Donc si

  5   vous pensez à la partie militaire --

  6   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui mais --

  7   R.  -- cette partie militaire de l'accord a été rédigée avec l'aide du

  8   général Clark au Grand quartier général, je peux vous parler de cela.

  9   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que c'est vous qui avez

 10   mentionné l'accord Holbrooke dans ce passage du texte où il est question de

 11   restrictions résultant de cet accord Holbrooke ? Je vous demande de quoi il

 12   est question dans ce passage du texte.

 13   R.  Cet accord, compte tenu du fait que les unités de l'armée yougoslave du

 14   Corps de Pristina étaient pour la plupart hors de leurs casernes, ces

 15   unités devaient retourner dans leurs casernes selon les termes de l'accord

 16   Holbrooke, donc devaient retourner dans leurs garnisons initiales. Ça,

 17   c'est le premier point. Et le deuxième point, c'est que toutes les unités

 18   qui avaient été amenées au Kosovo alors qu'elles provenaient de groupes

 19   stratégiques qui ne faisaient pas partie intégrante du Corps de Pristina

 20   devaient retourner dans leurs garnisons d'origine --

 21   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends ce que vous êtes en train

 22   de dire, mais la lecture de la première phrase pourrait peut-être m'aider,

 23   celle qui commence par "si les forces doivent être utilisées, personne ne

 24   nie que…"

 25   Est-ce que vous pourriez lire à haute voix cette phrase ?

 26   R.  Une phrase prononcée par moi, n'est-ce pas ?

 27   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. Dans le passage qui reprend les

 28   propos du général Ojdanic. Deuxième phrase de cette transcription des

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  1   propos du général Ojdanic, la phrase qui commence par : "Si les forces

  2   doivent être utilisées, personne ne nie…"

  3   Veuillez le lire à haute voix, je vous prie.

  4   R.  Attendez, je dois trouver le passage.

  5   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a un passage qui fait référence

  6   également à l'accord Holbrooke. C'est ce passage-là qui nous intéresse.

  7   Après le général Krga, vous avez une référence à ce que dit M. Ojdanic.

  8   Lisez le début du paragraphe, s'il vous plaît.

  9   R.  Oui, j'ai trouvé.

 10   "S'il faut employer la force, personne ne dit qu'une personne qui a

 11   le droit d'ordonner n'a pas le droit d'ordonner, mais si ce commandement

 12   conjoint a conclu que l'action menée sur le village de Racak ne peut pas

 13   être menée à bien sans l'aide de l'armée"--

 14   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Arrêtez. Arrêtez, je vous prie. Non,

 15   c'est bien. Merci. Arrêtez-vous, je vous prie. Ici on fait référence à un

 16   commandement conjoint, à quoi fait-on référence ?

 17   R.  Monsieur le Président, je l'ignore réellement, je ne sais vraiment pas

 18   à quoi il faisait référence ici, mais il est certain qu'il y a une

 19   confusion qui régnait dans son esprit lorsqu'il a rédigé ce texte. Je ne

 20   sais pas s'il pensait à l'état-major de coordination, cet état-major qui

 21   existait, ce quartier général dont on nous a informés de l'existence. Je ne

 22   sais réellement pas à quoi il faisait référence, puisque de toute façon il

 23   n'a jamais dit concrètement à quoi il faisait référence. Donc il parle d'un

 24   commandement conjoint, d'un commandement ou autre, je ne sais pas. Je ne

 25   sais réellement pas à quoi il faisait référence et je ne veux certainement

 26   pas me livrer à des conjectures.

 27   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ne s'agirait-il peut-être pas d'une

 28   personne qui essayerait de passer par-dessus le général Ojdanic et d'aller

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  1   directement au président ?

  2   R.  Je l'ignore. On fait peut-être ici référence à un organe; s'agit-il

  3   d'une communication directe entre Pavkovic et le président, je ne le sais

  4   pas. Je ne sais pas qui est arrivé à la conclusion qu'on ne pouvait pas

  5   mener à bien cette action. Etait-ce Pavkovic qui représentait le MUP, est-

  6   ce que lui et d'autres personnes se sont assises pour analyser la situation

  7   et ont conclu ceci ? Je l'ignore, je ne peux réellement pas répondre à

  8   votre question.

  9   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Maintenant je souhaiterais vous

 10   renvoyer à la pièce P931, du 2 février, je suis en train de regarder la

 11   page 18 en anglais où c'est vous qui prenez la parole tout de suite après

 12   le général Samardzic et avant le général Borovic. On savait, à ce moment-

 13   là, que les négociations étaient en cours sur le futur du Kosovo; et vous

 14   parlez des intentions des hommes politiques. Avez-vous trouvé ce passage ?

 15   R.  Oui, je l'ai.

 16   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez, je vous prie, nous donner

 17   lecture à haute voix de la première phrase.

 18   R.  Oui, certainement.

 19   "Je crois qu'il n'est pas propice que l'état-major principal émette

 20   des conjectures sur la solution de l'Etat. Nous avons un Etat; nous avons

 21   un commandement Suprême, et nous avons également un commandant, et c'est

 22   eux qui devraient dire ce que l'armée devrait faire pour agir conformément

 23   à l'intention des hommes politiques."

 24   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle était votre préoccupation dans

 25   ceci ?

 26   R.  J'étais préoccupé par le fait que nous n'avions aucune connaissance,

 27   aucune décision n'avait été prise, à savoir qu'est-ce qui se passerait si

 28   les négociations échouent, si les négociations sont couronnées de succès ?

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  1   On ne savait pas trop ce qui allait se passer. Et j'estimais que l'Etat

  2   devait prendre une responsabilité et que le commandement Suprême devait

  3   rendre une décision, à savoir préparer l'armée pour toute éventualité. La

  4   proposition de Samardzic allait dans ce sens, c'est-à-dire que si les

  5   négociations échouaient, dans ces conditions-là, il est certain que

  6   l'emploi du bâton et de la carotte --

  7   L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas saisi ce qu'a dit le témoin.

  8   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On vous demande, s'il vous plaît, de

  9   ralentir, car on n'arrive pas à vous suivre.

 10   Monsieur, est-ce que vous avez déjà pris part aux réunions du conseil

 11   suprême de la Défense ?

 12   R.  Non, jamais, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien. Nous avons entendu des témoins

 14   qui nous ont expliqué que le nom du conseil suprême de la Défense a changé

 15   lorsque la guerre a été déclarée. Est-ce que c'est effectivement le cas,

 16   d'après vous ?

 17   R.  Monsieur le Président, j'imagine que vous me posez une question qui

 18   était déjà régularisée par la loi. Non, ce n'est pas le commandement

 19   Suprême qui a changé de nom pendant la guerre, à la différence de la paix,

 20   en temps de paix, c'est le conseil de la Défense suprême qui commande

 21   l'armée et c'est lui qui règle les problèmes. Mais en temps de guerre, il y

 22   a un commandement Suprême; c'est le président de la République fédérale de

 23   Yougoslavie, et le conseil du commandement Suprême n'existe plus en temps

 24   de guerre.

 25   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Juste pour être sûr que l'on comprenne

 26   que je n'accepte pas tout ce que vous nous dites sans réfléchir.

 27   Vous venez de parler d'un "commandement Suprême", vous avez dit en temps de

 28   paix, vous avez employé ce terme de "commandement Suprême," conseil du

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  1   commandement Suprême en temps de paix. Vous avez fait allusion au PV, est-

  2   ce que c'est simplement une façon très relâchée de parler ou bien était-ce

  3   quelque chose que l'on voulait dire ?

  4   R.  Non, c'est une erreur en fait, mais la situation était telle qu'il

  5   n'était pas difficile de savoir à qui on faisait référence. On pouvait très

  6   bien deviner de qui il s'agissait.

  7   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce que nous savons de façon plus

  8   claire c'est que lorsque la guerre a éclaté, l'état-major principal portait

  9   un autre nom. Est-ce que c'était ainsi que vous voyiez la chose ?

 10   R.  Selon les règlements, on pouvait lire que pendant -- ou en état de

 11   guerre, l'état-major principal devenait le commandement Suprême. Donc le

 12   commandement Suprême en temps de guerre c'est le président et il est

 13   entouré de ses conseillers, de ses assistants, enfin, d'un groupe de

 14   personnes autour de lui, alors que l'état-major principal du commandement

 15   Suprême, au sens plus large, fait partie du commandement Suprême. Donc le

 16   président est le commandement Suprême qui prend toutes les décisions sur

 17   tout et l'état-major qui met à bien ces décisions, car c'est eux qui

 18   transmettent les ordres, ainsi de suite, et les rédigent dans les

 19   documents.

 20   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous ne savez peut-être pas que le 23

 21   mars il y a eu une loi qui a été adoptée concernant le conseil suprême de

 22   la Défense. Cela aurait pu peut-être, cette décision aurait pu peut-être

 23   faire en sorte que vous changiez d'opinion, mais ce que j'aimerais savoir

 24   c'est que est-ce que l'état-major principal suprême différait de l'état-

 25   major principal ?

 26   R.  Monsieur le Président, je souhaite d'abord vous dire que le 23 mars

 27   j'étais définitivement exclu de la composition du commandement Suprême, du

 28   QG du commandement Suprême. Mais je dois vous dire que vers la fin du mois

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  1   de décembre, j'étais presque sur la glace, d'une certaine façon, pour

  2   parler ainsi, car on attendait que je parte de ce poste, car j'avais

  3   toujours des commentaires à faire, et cetera. Mais cela n'a rien à voir

  4   avec cette question. Je n'ai pas connaissance du document qui a été adopté

  5   le 23 mars, car je ne faisais plus partie du commandement Suprême. Et

  6   j'imagine que l'état-major ou le Grand quartier général était resté,

  7   d'après ce que le règlement prévoit, qu'une partie se trouvait près du

  8   commandant suprême alors que l'autre se trouvait dans les arrières, une

  9   troisième partie ailleurs. Mais le QG, enfin, le Grand quartier général a

 10   changé de nom en temps de guerre en QG du commandement Suprême et

 11   l'organisation a été quelque peu changée également puisqu'elle a été

 12   divisée en plusieurs sections ou services.

 13   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

 14   Maintenant, je souhaiterais vous renvoyer au PV du 4 février. La pièce

 15   porte la cote P932. Dans ce cas-ci en anglais, on trouve vos propos aux

 16   pages 5, 6 et 7. Ce qui m'intéresse c'est surtout le bas de la page 7, le

 17   général Ojdanic prend la parole pendant quelques instants, ensuite vous

 18   répondez en disant "qu'il y a 34 téléphones au commandement du Corps de la

 19   Pristina, y compris celui du commandant, qui font l'objet d'une écoute par

 20   la sécurité d'Etat. Je vous demande soit vous ou quelqu'un d'autre

 21   d'effectuer le contrôle de ceci et de dire pourquoi ceci est fait."

 22   Vous poursuivez plus loin pour dire qu'il y a des tentatives envisageant de

 23   vous remplacer, des tentatives ont été faites pour vous remplacer et vous

 24   dites qu'on veut nommer un nouveau chef de l'administration qui est un

 25   poste qui diffère du vôtre. Ensuite, on vous demande si vous pouvez prouver

 26   que des écoutes électroniques ont lieu et vous dites que vous avez des

 27   preuves pour tout ce que vous avancez.

 28   Selon vous, qu'est-ce qui se passait ?

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  1   R.  Monsieur le Président, tout ce que j'avais dit, je l'ai dit lors de la

  2   session, lors de la session du collège parce que je voulais que tous les

  3   membres en soient informés. Cela avait été découvert par les organes de

  4   sécurité et c'était un fait incontestable. Et plus tard, j'ai prouvé par

  5   des documents, plus tard, j'avais des photos. Il est tout à fait vrai que

  6   l'on procédait à l'écoute électronique de tous les téléphones militaires au

  7   sein du commandement du Corps de la Pristina, téléphones militaires qui se

  8   trouvaient donc dans le commandement du Corps de Pristina. Et cette écoute

  9   électronique avait été menée par le service de la Sécurité d'Etat.

 10   Maintenant, à savoir si tout ceci était censé être fait avec l'aval de

 11   l'armée, je crois que oui. Le général Ojdanic - en fait, je lui ai demandé

 12   lors de ce collège, car je crois qu'Ojdanic m'avait dit qu'il n'avait pas

 13   la compétence de ce faire, moi, j'ai demandé de parler au président, nous

 14   sommes allés ensemble, Ojdanic et moi quelques jours plus tard voir le

 15   président. J'ai tout expliqué au président Milosevic. Il est certain qu'il

 16   était étonné, il était incrédule. Ensuite, il a appelé le chef de la

 17   sécurité d'Etat de l'époque, Rade Markovic, il lui a dit que je l'avais

 18   informé de certaines choses et il a pris la décision de créer une

 19   commission conjointe qui se rendrait sur les lieux pour examiner la

 20   situation et pour confirmer ou infirmer mes dires. Par la suite -- ou

 21   plutôt, quelques jours plus tard, ceci a bel et bien été fait, ensuite une

 22   nouvelle réunion a eu lieu avec le président Milosevic. Ojdanic n'était pas

 23   présent à cette réunion, et je lui ai prouvé qu'il y a eu des écoutes

 24   électroniques. Je me souviens très bien qu'il a dit la chose suivante --

 25   non, moi, j'ai dit la chose suivante : "Monsieur le Président, est-ce que

 26   ceci est fait avec votre aval ou sans votre aval ? Est-ce que vous en avez

 27   connaissance, en d'autres mots, car si vous en avez connaissance, ceci

 28   prouve que vous ne faites pas confiance à l'armée. Mais si on le fait sans

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  1   votre connaissance, à ce moment-là, vous devez réfléchir très clairement

  2   pour savoir où vous vous trouvez." Ensuite, il m'a dit que je pouvais

  3   disposer, il est resté avec Markovic, et c'est ainsi que cette réunion

  4   s'est terminée.

  5   Et j'attendais que l'on me convoque pour me dire que je n'étais plus

  6   le chef de ce service.

  7   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On a traduit ici qu'en quoi il

  8   vous a été demandé -- ou plutôt, non, non, non. C'est que vous deviez

  9   attendre à être convoqué. J'avais mal compris. Bon.

 10   Maintenant, pouvez-vous maintenant vous pencher sur le document qui traite

 11   du 25 février. Il s'agit de la pièce à conviction P941.

 12   Une fois de plus, il s'agit d'une réunion à laquelle vous avez assisté.

 13   Pour ce qui est de la version anglaise, nous allons nous pencher sur la

 14   page 24 où la parole est au général Ojdanic. Est-ce que vous y êtes,

 15   Monsieur Dimitrijevic, dans le texte ?

 16   R.  De quoi il s'agit là ? Sur quoi porte ce fragment, si j'ose vous

 17   demander, Monsieur le Président ?

 18   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce qui m'intéresse d'abord, vers le

 19   milieu de la page 24, version anglaise, Ojdanic parle de vous au sujet du

 20   bataillon antiterroriste qui a été dépêché au Kosovo alors qu'on ne devait

 21   pas l'y envoyer. Or, le général Ojdanic soutient l'objection soulevée par

 22   vous.

 23   R.  Oui. Monsieur le Président, de toute évidence, il s'agissait d'une

 24   réaction qui était la mienne pour la simple raison qu'on m'avait pas porté

 25   à connaissance le fait que le bataillon affecté à une lutte antiterroriste,

 26   du point de vue organique, était du côté de la police militaire et

 27   appartenait à la 72 Brigade spéciale. Et pour être envoyé au Kosovo-

 28   Metohija, j'ai dû exprimer mon insatisfaction, j'ai ainsi donc réagi à

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  1   l'égard du général Curcin et Obradovic, parce que ce sont eux qui sont les

  2   auteurs de cet ordre, le tout émanant du chef de l'état-major général. Du

  3   point de vue du principe, c'était ma réaction tout à fait bien fondée, car

  4   ce que je craignais, moi, c'est de voir cette unité affectée et utilisée

  5   par leur propos. Le bataillon engagé à une lutte antiterroriste était une

  6   des unités des plus fortes de la police militaire, et je ne voyais pas de

  7   raisons pour lesquelles cette unité devrait être affectée là-bas pour être

  8   déployée là-bas à moins qu'il n'y ait eu la nécessité de voir le 52e

  9   Bataillon secouru qui se trouvait près du lac Radonjic. J'ai été informé

 10   là-dessus du fait, notamment, que ces gens-là étaient exténués, mais je ne

 11   voyais pas d'autre raison pour laquelle on devrait faire ce remplacement.

 12   Plus tard, il s'avérera exact le fait que cette unité ne devra pas

 13   demeurer là-bas dans son ensemble, elle sera éparpillée, démembrée, pour

 14   ainsi dire, pour être affectée et utilisée à de telles fins du

 15   démembrement, plutôt. La chose étrange, et malheureusement, c'était un fait

 16   a regretté et c'est ainsi que tout cela s'était produit.

 17   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans le paragraphe qui suit, le

 18   général Ojdanic intervient et, vers le milieu du paragraphe, fait référence

 19   à l'Etat tel qu'il a été créé. Il dit, par exemple : "L'éparpillement des

 20   unités est une mauvaise pratique…"

 21   Et plus tard, il dit : "Si on proclame l'Etat tel ou tel," et cetera.

 22   Le texte lui-même reflète l'attitude qui était la vôtre, lorsque vous

 23   parlez de cette fragmentation, de cet éparpillement des effectifs de

 24   l'unité. Est-ce que vous y êtes ?

 25   R.  Non, je ne vous suis pas dans le texte. De quelle page il s'agit ?

 26   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Encore une fois, je m'excuse, je ne

 27   peux me référer qu'à la page version anglaise. Il s'agit de la page 24 en

 28   anglais.

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  1   R.  Vous dites 24, version anglaise. En serbe, cette variante s'étend sur

  2   22 pages en tout.

  3   M. HANNIS : [interprétation] Il s'agit de la page 23 en B/C/S, Monsieur le

  4   Président.

  5   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Page 23, en serbe. Est-ce que vous y

  6   êtes là ? Au beau milieu de la page, on parle de cette fragmentation, on

  7   fait mention de noms de Marjanovic. Et vers le milieu de ce paragraphe,

  8   cette portion de paragraphe, nous lisons : "…si un tel Etat est proclamé,

  9   de notre côté ou du côté des forces du MUP, alors que nous sommes censés

 10   être le principal acteur, alors là on ne devrait pas connaître une

 11   meilleure situation…"

 12   Est-ce que vous y êtes ?

 13   R.  Oui.

 14   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] De quoi parlait le général Ojdanic,

 15   qui lui, a dit que "si un tel Etat était proclamé" ?

 16   R.  De toute évidence, il s'agit de dire que si jamais le terrorisme est en

 17   escalade et si on doit décréter tel ou tel état, alors ceci ne peut être

 18   qu'un état d'urgence, l'état d'urgence valable pour un tronçon du

 19   territoire, on peut proclamer l'état de guerre. Je crois que c'est à cela

 20   qu'il a fait référence, parce que dans le texte, il me semble, il fait

 21   référence à ce qu'il a dit : "Si nous sommes des militaires, nous devons

 22   être le principal protagoniste des opérations militaires." Là, il n'y a

 23   aucun dilemme. Et lui ne pensait pas à autre chose qu'à la [inaudible] de

 24   voir un état de guerre décrété. Lui dit: "Mais personne ne saurait nous

 25   exempter, pour ce qui est de la tâche qui est la nôtre, de protéger les

 26   frontières," et cetera. C'est là où je me suis arrêté tout à l'heure.

 27   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour ce qui est de l'armée, de

 28   l'utilisation de l'armée, en quoi consistait cet état de guerre ou

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  1   d'urgence qui devait être décrété ?

  2   R.  Au cas où l'état d'urgence devrait être décrété, l'armée est

  3   l'organisateur et protagoniste de toutes les opérations et activités pour

  4   tels ou tels et dans tels ou tels territoires pour lesquels territoires il

  5   a été décrété cet Etat, couvre-feu et autres éléments, évidemment le MUP y

  6   contribuait également, mais le tout se trouve sous le commandement, le

  7   contrôle de l'armée. Ainsi donc, dans cet état de cause, des civils, les

  8   autorités civiles, et cetera, et cetera, devraient être compris comme

  9   respectant l'autorité de l'armée.

 10   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La déclaration d'un état d'urgence

 11   avait-elle un sens et une signification pour parler, cette fois-ci, des

 12   opérations poursuivies ou menées par l'armée ? Est-ce que l'armée pouvait

 13   ou devait peut-être s'activer dans l'ensemble du territoire couvert par la

 14   déclaration d'un état d'urgence ?

 15   R.  Si l'état d'urgence est proclamé pour être valable pour une partie, une

 16   zone de territoire, c'est que l'armée devait y opérer. L'armée ne devrait

 17   donc pas opérer dans l'ensemble ou dans d'autres parties du territoire où

 18   l'état d'urgence n'a pas été décrété.

 19   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'à un moment donné en 1998 il

 20   y avait, à votre sens et pour vous, une préoccupation comme quoi le

 21   problème participait du fait que le président, peut-être, a fait une telle

 22   démarche comme quoi il a déclaré l'état d'urgence ?

 23   R.  M. le Président, on nous a dit que des explications nous ont été

 24   données comme quoi aux yeux du monde entier ou de la communauté, et cetera,

 25   internationale, on ne devrait pas faire ceci ou cela, ce serait une

 26   mauvaise chose, alors que l'on insistait à ce que l'armée soit supposée

 27   faire ce qui lui convenait de faire. C'est dans ce sens-là, je me suis dit

 28   que pour telle ou telle raison, il a fallu déclarer à tel ou tel cran la

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  1   situation telle qu'elle était et engager seulement, après coup, l'armée,

  2   non pas engager l'armée à la lumière d'une décision prise ad hoc par le

  3   président sans pour autant pouvoir se fonder, se baser sur ce que dit la

  4   loi et le règlement concernant l'utilisation de l'armée.

  5   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Y a-t-il eu d'autres officiers, haut

  6   officiers ou représentants de l'armée qui aurait partagé le même point de

  7   vue que vous ?

  8   R.  Je pense, Monsieur le Président, que lorsqu'on parle de l'état-major

  9   général, la plupart des officiers généraux avaient cette attitude.

 10   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous voulez bien vous pencher sur

 11   le paragraphe suivant, on peut voir qu'on parle d'une mobilisation non

 12   autorisée. Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit ?

 13   R.  Oui. Ici, de toute évidence, on voit réagir le général Ojdanic face aux

 14   informations fournies par feu le général Risto Matovic, à cette époque-là,

 15   général adjoint chargé du personnel et en matière de mobilisation.

 16   Probablement Matovic a-t-il fait entendre que des milliers et des milliers

 17   de réservistes sont mobilisés sans que cela ait été arrêté comme une

 18   décision parce que l'ordre a été donné comme quoi une quote-part devait

 19   être connue, alors que ceci concernait la 3e Armée et le général Pavkovic

 20   parce que plus tard Ojdanic a dit : "Je voudrais me passer de

 21   commentaires", mais il dit : "tout simplement attirer l'attention là-dessus

 22   de Pavkovic et d'autres". Autrement dit, un nombre beaucoup plus important

 23   de gens ont été mobilisés sans que cela puisse être avalisé par l'état-

 24   major général. D'après ce que je peux lire dans le texte, c'est comme ça

 25   que je peux le percevoir.

 26   Voyons l'une des pages qui précèdent ce fragment - page 15, version serbe -

 27   le général Risto Matovic parle pour faire état de deux problèmes, comment

 28   maintenir encore dans les effectifs les soldats qui viennent d'accomplir

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  1   pratiquement leur service militaire, et on parle également de soldats

  2   réservistes, étant donné le coût de cette mobilisation, les per diem, à

  3   l'intention de ces troupes, et cetera, toutes ces valeurs dépassaient de

  4   loin ce qui était prévu. Voilà ce qui nous a permis de voir l'état-major

  5   général qui conclut qu'on a attiré l'attention de Pavkovic là-dessus pour

  6   lui faire comprendre qu'on ne devait pas procéder de la sorte.

  7   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous prie maintenant de vous

  8   pencher sur la pièce à conviction P933. Il s'agit notamment du document

  9   daté du 4 mars, version anglaise, il s'agit de la page 15. Y a-t-il

 10   quelqu'un qui pourrait me dire où je peux retrouver le même texte en

 11   version B/C/S, ceci serait utile.

 12   M. HANNIS : [interprétation] S'il s'agit là de l'intervention du général

 13   Dimitrijevic, il s'agit de la page 13 --

 14   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Dimitrijevic, page 13 de la

 15   version serbe. Là, vous parlez d'attaques perpétrées contre vos troupes, et

 16   dans le troisième paragraphe, vous dites : "Pourquoi tolérons-nous pour --

 17   et je lis des rapports de combat quotidiennement tous les matins, et

 18   partout il est dit que telle ou telle unité s'est vue attaquée. Je ne pense

 19   pas qu'on doive permettre qu'on nous mente parce que le tout sera ensuite

 20   l'erreur commise par l'état-major général."

 21   S'agit-il là d'une suite donnée à ce que ce que vous avez déjà pu constater

 22   lorsque vous avez fait état d'une opinion qui était la vôtre et qui est

 23   semblable à ce que vous avez dit pour réagir contre ce qui s'était passé à

 24   Podujevo ?

 25   R.  Oui.

 26   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez considéré qu'il

 27   s'agit d'un problème qui prévalait en 1999 ?

 28   R.  Déjà en mars 1999, j'avais quitté l'armée, par conséquent  --

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  1   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je sais, mais tout simplement, je

  2   voulais vous dire qu'il s'agit de ce qui s'était passé jusqu'au 23 mars.

  3   R.  Je crois que oui, et à une nouvelle réunion d'information, le nouveau

  4   chef de l'état-major général voulait relancer cette question pour vérifier

  5   les rapports, il réagissait tout simplement parce qu'il était en colère du

  6   fait qu'il ne pouvait pas vraiment recevoir de bonnes informations et voir

  7   ce qui se passait vraiment dans le territoire.

  8   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je voudrais que vous vous penchiez sur

  9   la pièce à conviction P938, en version anglaise il s'agit de la page 21, et

 10   peut-être que comme tout à l'heure ceci ne pourrait être que page 19 en

 11   B/C/S. Est-ce que vous voyez que là, on parle de ces phénomènes auxquels

 12   vous réagissez lorsque vous dites qu'il y a eu des attaques contre des

 13   unités de l'armée ?

 14   R.  Oui, Monsieur le Président. C'est ce que j'ai dit. Presque à toutes ces

 15   différentes réunions d'information pratiquement, je posais des questions et

 16   je critiquais le fait que des mesures n'ont pas été prises le long de la

 17   chaîne de commandement pour savoir de quoi il s'agit. Cette question a été

 18   adressée au général Curcin. C'était lui qui était là pour représenter le

 19   premier département de la direction de la sécurité, à savoir les

 20   opérations. Je ne me souviens pas des détails, mais à lire ce que je peux

 21   lire maintenant, cela me semble être ma réaction à moi. Il y avait en effet

 22   16 attaques contre des unités de nos militaires en une semaine, mais je

 23   voulais savoir si tout simplement nous étions en train de mener des actions

 24   planifiées alors qu'il ne s'agit pas d'attaques à notre encontre.

 25   Monsieur le Président, en toute sincérité, je voulais être utile dans la

 26   mesure du possible à l'intention du chef de l'état-major général pour que

 27   celui-ci puisse être informé de la situation tout à fait correspondant à la

 28   bonne situation. Comment se permettre de voir le chef de l'état-major

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  1   général qui n'était pas bien informé, et, bien entendu, je savais pour ma

  2   part qu'on ne pouvait pas répondre autrement si on ne fournissait pas de

  3   bons rapports.

  4   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un peu plus tôt, en page 11 de la

  5   version anglaise - qui correspond peut-être à la page 10 de la version en

  6   B/C/S - on trouve un passage assez long qui reprend vos propos, trois

  7   pages, à peu près.

  8   R.  Oui. C'est l'appréciation que je faisais régulièrement, toutes les

  9   semaines, au sujet de la situation en matière de la sécurité, non seulement

 10   sur le territoire du Kosovo mais également sur l'ensemble du territoire et

 11   au sein de l'armée.

 12   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous prenez la deuxième page de cet

 13   exposé, vous y trouverez une référence à la théorie selon laquelle le MUP

 14   et l'armée mènent des opérations de ratissage du terrain sur le territoire.

 15   M. HANNIS : [interprétation] C'est à la moitié de la page 9 en version

 16   B/C/S, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Monsieur Hannis.

 18   Donc page 9, moitié de la page, Monsieur Dimitrijevic.

 19   R.  Oui, je l'ai trouvé.

 20   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Là encore, on voit une référence aux

 21   attaques visant l'armée, mais vous voyez la théorie selon laquelle le MUP

 22   et l'armée mènent ensemble des opérations de ratissage.

 23   R.  [aucune interprétation]

 24   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'est-ce qui vous inquiétait en cela

 25   ?

 26   R.  Je l'ai dit de façon dépourvue de la moindre ambiguïté. Nous recevions

 27   de très nombreux renseignements indiquant que dans le monde occidental, la

 28   thèse selon laquelle le MUP et l'armée -- et c'est ce que je dis, je dis

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  1   qu'à l'ouest une thèse est omniprésente selon laquelle le MUP et l'armée

  2   mèneraient ensemble des opérations de ratissage. Et j'ajoute, tous les

  3   matins et avec le plus grand soin, je lis les rapports de combat du Corps

  4   de Pristina, et je n'ai pas trouvé un seul exemple indiquant que nous nous

  5   serions trouvés dans une situation où nous aurions été les meneurs de quoi

  6   que ce soit. Au lieu de cela, c'étaient les terroristes qui nous

  7   attaquaient et nous répliquions.

  8   Donc les renseignements reçus de toutes parts et les rapports

  9   provenant du corps d'armée indiquaient que nous ne faisions rien de

 10   particulier nulle part, mais que c'est seulement lorsqu'une unité ou une

 11   personne était attaquée qu'il y avait une réaction, et rien de plus. Par

 12   ailleurs, si vous me le permettez, je lis le paragraphe suivant, et dans ce

 13   paragraphe suivant, je propose qu'au niveau du Grand quartier général, pour

 14   le moins, même si l'on admet que tout le monde ne doit pas tout savoir,

 15   mais en tout cas, je dis penser que le chef du Grand quartier général, qui

 16   est l'incarnation de l'armée en tant qu'institution, devait, lui au moins,

 17   connaître l'entière vérité.

 18   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous utilisez l'expression "opérations

 19   de ratissage". Est-ce que c'est une expression qui suscitait la moindre

 20   inquiétude ?

 21   R.  Non. Ce qui m'inquiétait, c'était le fait que nous avions déjà une

 22   longue expérience du fait que chaque fois qu'un argument était formulé par

 23   les représentants diplomatiques militaires du monde occidental, quelque

 24   chose finissait par nous être reproché, nous finissions par nous retrouver

 25   dans le rôle de la partie coupable, c'est la raison pour laquelle je dis

 26   que ces représentants ont avancé l'argument que nous menions des opérations

 27   de ratissage. Et puisqu'il n'est fait mention de cela dans aucun des

 28   rapports, je réagis à ce niveau du texte en mettant en garde le chef du

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  1   Grand quartier général, et nous parlons ici de la date du 18 mars. C'est-à-

  2   dire cinq jours avant mon départ de l'armée. A ce moment-là, j'avais déjà

  3   pris mes distances par rapport à tous ces problèmes, mais je le mets en

  4   garde en toute bonne foi, j'avertis le Grand quartier général -- le chef du

  5   Grand état-major en disant qu'il devrait être au courant de cela parce que

  6   la situation serait très déplaisante s'il s'avérait qu'il n'était au

  7   courant de rien.

  8   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

  9   Il va falloir interrompre votre déposition à ce stade, Monsieur

 10   Dimitrijevic, pour la soirée. Nous ne pouvons pas poursuivre nos débats au-

 11   delà de 19 heures. Mais d'abord, je vérifie un point.

 12   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 13   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voilà. Monsieur Dimitrijevic, ceci

 14   signifie que nous reprenons votre déposition demain à 14 heures 15, dans le

 15   même cadre qu'aujourd'hui. Il faudra que vous vous retrouviez dans le

 16   bureau où vous êtes aujourd'hui, avec une avance suffisante pour être là

 17   lorsque l'audience commence. Je vous prie de ne pas oublier - c'est tout à

 18   fait important, c'est une règle fondamentale dans la procédure de ce

 19   Tribunal - qu'il vous est interdit de parler de votre déposition à qui que

 20   ce soit, ce qui ne doit pas interrompre, bien sûr, vos habitudes

 21   quotidiennes. Mais si vous pouvez parler à qui vous voulez de tout ce que

 22   vous voulez, il vous est absolument interdit de communiquer ou de discuter

 23   de quelque façon que ce soit du moindre élément de votre déposition.

 24   Nous allons maintenant interrompre la visioconférence et vous aurez toute

 25   liberté de quitter le bureau pour y revenir demain à 14 heures 15.

 26   R.  J'ai compris.

 27   [Le témoin quitte la barre] 

 28   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Etant donné ce qui s'est passé

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  1   aujourd'hui, l'ordonnance demandant dépôt de mémoires en clôture

  2   aujourd'hui, cette ordonnance est suspendue jusqu'au moment où nous aurons

  3   les éléments nécessaires pour nous prononcer quant à la date exacte à

  4   laquelle il faut demander ces mémoires.

  5   Est-ce que je pourrais avoir des indications des parties quant au

  6   moment où nous pouvons nous attendre à recevoir ces mémoires de façon

  7   réaliste ?

  8   M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, pourrais-je vous

  9   répondre demain ou plus tard même, par courriel, après avoir consulté mes

 10   collègues ? Car le témoin que nous entendons en ce moment couvre de très

 11   nombreuses questions et il aura une incidence sur la rédaction de notre

 12   mémoire. Donc il m'est difficile de prévoir ce qui sera de la date en

 13   question en ce moment même.

 14   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quoique je fasse demain, je ne vais

 15   pas consacrer plus d'une partie de l'audience à cette audition, et nous

 16   devrons nous limiter à cela. Nous avons été très sélectifs au sujet des

 17   thèmes qui ont fait l'objet des questions posées au témoin, et les choses

 18   doivent se poursuivre ainsi, mais manifestement, si nous avons posé des

 19   questions qui exigent d'être explorées plus avant, nous ne pourrons pas

 20   vous empêcher de le faire. Mais nous vous invitons à être très sélectifs

 21   par rapport aux domaines supplémentaires que vous voudriez commencer à

 22   explorer.

 23   Même chose pour la Défense, y a-t-il quelqu'un qui pourrait me donner

 24   une indication de la situation de ce point de vue ? Silence. Je me souviens

 25   qu'avec M. Djakovic, il n'y a pas eu de très nombreuses questions de la

 26   part des parties. Ce qui a été apprécié à l'époque -- peut-être n'était-ce

 27   pas nécessaire de poser de nombreuses questions, peut-être est-ce plus

 28   nécessaire avec ce témoin-ci. Il m'est difficile d'en juger.

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  1   Très bien. Je vais essayer d'en terminer aussi rapidement que

  2   possible, mais il me faudra peut-être plus d'une partie de l'audience, et

  3   nous apprécierons la situation à ce moment-là dans le but de terminer la

  4   déposition demain. Il est possible qu'un temps supplémentaire soit

  5   disponible, mais pas très longtemps, un peu plus tard cette semaine,

  6   manifestement compte tenu de la situation de santé du témoin, il serait

  7   préférable de ne pas le faire revenir. Mais si c'est nécessaire, il faudra

  8   que cela se fasse.

  9   Nous suspendons jusqu'à 14 heures 15 demain.

 10   --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le mercredi 9 juillet

 11   2008, à 14 heures 15.

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