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1 Le jeudi 14 mars 2013
2 [Audience d'appel]
3 [Audience publique]
4 [Les appelants sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 29.
6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.
7 Madame la Greffière d'audience, veuillez citer l'affaire, je vous prie.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.
9 Il s'agit de l'affaire IT-05-87-A, le Procureur contre Nikola Sainovic,
10 Nebojsa Pavkovic, Vladimir Lazarevic et Sreten Lukic.
11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
12 Comme je l'ai déjà indiqué, si l'une ou l'autre des parties n'est pas en
13 mesure de suivre l'audience, je leur demande de bien vouloir attirer mon
14 attention sur ce fait immédiatement. Je souhaiterais que les parties se
15 présentent, en commençant par l'Accusation.
16 M. KREMER : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Ce
17 matin, je suis donc présent, je suis accompagné de Mme Daniela Kravetz et
18 de M. Kyle Wood, et nous sommes, comme d'habitude, aidés par notre commis
19 aux affaires, M. Colin Nawrot.
20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
21 Qu'en est-il de la Défense.
22 M. FILA : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, Madame,
23 Messieurs les Juges. Je suis Me Toma Fila, et accompagné de Me Petrovic, je
24 représente la Défense de M. Sainovic.
25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
26 M. ACKERMAN : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Me
27 John Ackerman, et avec Me Aleksandar Aleksic, nous représentons le général
28 Pavkovic.
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1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
2 M. BAKRAC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Je suis
3 Me Mihajlo Bakrac. Pour la Défense du général Lazarevic, je suis présent
4 ici avec mon confrère, Me Cepic, et notre stagiaire, M. Milan Petrovic.
5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
6 M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Me Branko
7 Lukic et Me Dan Ivetic pour représenter M. Sreten Lukic.
8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Nous allons entendre
9 aujourd'hui les arguments présentés par les conseils de M. Lukic.
10 M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Je répète
11 mon nom, Me Branko Lukic, je suis le conseil principal de M. Sreten Lukic.
12 Et je souhaiterais en guise d'introduction vous dire que nous allons nous
13 concentrer sur les cinq questions que vous nous avez posées, et nous allons
14 intégrer nos réponses aux arguments que nous présentons pour étayer notre
15 appel. Je souhaite vous indiquer que nous allons ainsi répondre aux cinq
16 questions. J'aimerais dans un premier temps vous indiquer que ce jugement a
17 condamné M. Lukic et lui a imposé une peine particulièrement dure de 22
18 années, ce qui est assez surprenant lorsque le même jugement le dégage de
19 nombreuses responsabilités.
20 Au Volume III, par exemple, paragraphe 85, il est démontré qu'il ne faisait
21 pas partie du cercle d'intimes de Milosevic et que, de ce fait, il n'avait
22 pas été promu à ce cercle d'intimes.
23 Au paragraphe 1 072 du Volume III, il est démontré en fait qu'il n'a pas
24 participé ou qu'il n'a pas été partie prenante aux violations de accords
25 d'octobre.
26 Dans le paragraphe 1 015 du Volume III, il est démontré que ce n'est pas
27 lui qui est responsable du travail effectué par la RDB, donc les éléments
28 du MUP qui font partie de la Sûreté d'Etat, même si le document principal,
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1 le document P1505, cité par la Chambre, document sur lequel la Chambre
2 s'est appuyée pendant tout le jugement, lorsque vous avez la liste du
3 personnel de la RDB, ils sont indiqués comme étant subordonnés à M. Lukic.
4 Dans le paragraphe 1 075 du Volume III, il est démontré que M. Lukic
5 n'avait pas l'autorité sur les postes de la police frontalière.
6 Au paragraphe 1 051 du Volume III, il est démontré que Lukic n'a pas
7 remplacé Obrad Stevanovic ou Vlastimir Djordjevic ou aucun des officiers
8 supérieurs de la police.
9 Au paragraphe 1 113 du Volume III, il est démontré que M. Lukic n'a pas
10 participé à cette tentative clandestine visant à transporter et à
11 dissimuler les corps et les cadavres du Kosovo.
12 Au paragraphe 1 021 du Volume III, il est confirmé que Lukic n'a pas
13 participé à la rédaction du plan global visant la suppression du
14 terrorisme.
15 Au paragraphe 1 049 du Volume III, il est conclu que Lukic ne pouvait pas
16 entamer ou diligenter des mesures ou des actions disciplinaires contre les
17 membres du MUP.
18 Et au paragraphe 1 122 du Volume III, il est démontré qu'il n'y avait pas
19 de volontaires opérant au sein du MUP.
20 Outre ces facteurs qui ont été déterminés par la Chambre de première
21 instance, nous souhaitons attirer votre attention sur le fait qu'il y a eu
22 trois phases principales en 1998 et 1999, et chacune de ces phases était
23 différente des autres. La première phase est constituée par les actions
24 antiterroristes en 1998. Lors de cette période, à la fois le chef de la
25 sécurité publique et le ministre adjoint Djordjevic, tout comme le ministre
26 assistant et le commandant des PJP, Obrad Stevanovic, se trouvaient au
27 Kosovo pendant toute cette phase. Cette phase est suivie par la phase des
28 accords de paix en 1998 et 1999, accords de paix qui furent signés. La
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1 troisième phase commence avec les bombardements de l'OTAN. Il faut savoir
2 que le cadre factuel et juridique a changé. Et l'Accusation et le jugement
3 ne prennent pas en considération ces différentes phases et aboutissent, de
4 ce fait, à des conclusions juridiques qui ne sont pas exactes. Car tout un
5 chacun doté de logique sait que les guerres entraînent dans leur sillage de
6 nouvelles circonstances et de nouvelles législations.
7 Qui plus est, pendant cette période le ministre assistant, Obrad
8 Stevanovic, commandant des PJP, s'est rendu au Kosovo, et ce, immédiatement
9 après le début des bombardements de l'OTAN. Il est arrivé au Kosovo avec
10 des unités des PJP et il y est resté pendant toute la durée de cette phase.
11 Il y a signé l'accord de Kumanovo et fut, en quelque sorte, le dernier
12 policier à quitter le Kosovo lorsqu'ils se sont retirés.
13 Je souhaiterais maintenant répondre à la première question que vous
14 nous avez posée avant de donner la parole à mon co-conseil, Me Ivetic. La
15 question était comme suit : quelle serait la conséquence pour l'appel de M.
16 Lukic eu égard à ses déclarations de culpabilité pour la troisième
17 catégorie de l'entreprise criminelle commune si la Chambre d'appel venait à
18 accepter l'argument présenté par l'Accusation, à savoir que la Chambre de
19 première instance avait utilisé un critère inexact pour la mens rea pour
20 déterminer la responsabilité au titre de la troisième catégorie de
21 l'entreprise criminelle commune.
22 Donc nous n'avons pas oublié cette question, et nous savons que
23 d'autres ont déjà répondu avant nous à cette question, et de ce fait nous
24 serons brefs. Mais nous ne pensons pas que l'appel interjeté par
25 l'Accusation à propos du critère utilisé pour déterminer la mens rea dans
26 le cadre de la troisième catégorie de l'entreprise criminelle commune aura
27 une incidence sur notre appel. Nous pensons que notre client a été condamné
28 à tort, quel que soit le critère retenu, et nous pensons que les faits qui
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1 sous-tendent les éléments de preuve étayent une demande d'acquittement pour
2 les deux critères.
3 Nous avançons que lorsque vous aurez analysé notre intervention, nos
4 arguments, vous verrez que le jugement est truffé d'erreurs et n'est
5 absolument pas indéfendable. Ce jugement se désagrège, se désintègre, si on
6 commence à l'analyser. C'est un jugement qui se prête à de nombreuses
7 contestations, et nous pensons que votre intervention est absolument
8 requise pour éviter une erreur judiciaire particulièrement grave.
9 Et j'aimerais maintenant donner la parole à mon co-conseil.
10 M. IVETIC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Et je
11 rappelle pour le compte rendu d'audience que je suis Me Ivetic.
12 Vous nous avez posé une question à propos des éléments de preuve et vous
13 nous avez demandé d'analyser les éléments de preuve relatifs à la
14 participation de Sreten Lukic pour ce qui est du désarmement de la
15 population albanaise du Kosovo. Et, à cet égard, il faut indiquer que dans
16 le Volume III, qui traite justement de la responsabilité individuelle de M.
17 Lukic, la Chambre de première instance n'a pas analysé les éléments de
18 preuve relatifs à ce désarmement. Et au lieu de cela, ce n'est qu'au
19 paragraphe 666 du Volume III, alors qu'il s'agit d'un autre appelant, que
20 la Chambre de première instance avance que ce processus de désarmement se
21 faisait pour réaliser les objectifs de l'entreprise criminelle commune. Qui
22 plus est, au paragraphe 668, le jugement indique tout simplement que :
23 "Le MUP a effectué la tâche de désarmement des Albanais du Kosovo à
24 l'intérieur de la province, Pavkovic a ordonné que le Corps de Pristina
25 s'occupe de cela au niveau de la zone frontalière."
26 Il n'y a aucune citation renvoyant aux éléments de preuve ou à l'analyse
27 des éléments de preuve qui permettent de comprendre sur quoi se fonde cette
28 affirmation à propos du MUP. Hormis le document P1468, qui sont des notes
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1 prises lors d'une réunion où Pavkovic suggère que le MUP devrait justement
2 s'occuper de cette tâche, et la réponse de M. Lukic est notée en anglais.
3 Elle est quasiment illisible. Alors, ce n'est pas le genre d'élément de
4 preuve qui permet d'étayer une déclaration de culpabilité. On ne peut pas
5 en déduire que le désarmement dont il a été question lors de cette réunion
6 ait jamais eu lieu ou que Lukic ait été partie prenante.
7 L'original B/C/S confirme tout simplement que la réponse de Sreten Lukic
8 vise la reddition volontaire d'armes.
9 Il faut savoir qu'aucun élément de preuve n'est analysé pour M. Sreten
10 Lukic, et en dépit de cela, dans le Volume III toujours, au paragraphe 1
11 121, la Chambre conclut :
12 "En 1998, Sreten Lukic a participé activement … au désarmement de la
13 population albanaise du Kosovo dans des villages et des villes de la
14 province."
15 Mais une fois de plus, la Chambre ne cite aucun élément de preuve et
16 ne les analyse pas non plus. Si vous prenez en considération les éléments
17 de preuve, vous vous rendrez compte qu'il y a des distinctions importantes
18 qui doivent être dégagées.
19 Je commencerais par demander à la Chambre d'avoir l'amabilité de se
20 concentrer sur le type de désarmement dont il est question. Car bien avant
21 le début du conflit au Kosovo, et très certainement au moins depuis l'année
22 1992, existait en Serbie, notamment également pour la province du Kosovo,
23 une Loi relative aux armes et aux munitions. L'article 33 de cette loi
24 interdisait aux civils de posséder des types illicites d'armes, et des
25 sanctions étaient envisagées en cas de possession d'armes. J'en veux pour
26 preuve le document P1016, et plus précisément, la page 119 de ce document.
27 C'est une loi qui a été appliquée de façon absolument uniforme à
28 toute la Serbie et il ne peut pas être dit de cette loi qu'elle était
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1 discriminatoire. On ne peut pas non plus dire que Sreten Lukic ait eu un
2 rôle lors de la promulgation de cette loi. De toute façon, c'est une loi
3 qui est tout à fait raisonnable et qui a un sens. Et je me hasarde même à
4 dire que la plupart des pays ont ce type de loi et que dans la plupart de
5 ces pays il incombe à la police de veiller au respect de cette loi.
6 Pour ce qui est de cette loi précise, le ministre des Affaires
7 intérieures énonce les modalités d'application de cette loi. Ce n'est pas
8 Sreten Lukic qui le fait. D'ailleurs, les éléments de preuve montrent qu'en
9 1996, bien avant la période couverte par l'acte d'accusation, le ministre a
10 donné des consignes relatives au travail des organes des affaires
11 intérieures au sein du secteur de la sécurité publique. Qui fait l'objet du
12 document P1239. Le chapitre II de ce document indique, et il s'agit de la
13 dix-septième mesure : prévention et détection de possession d'armes,
14 détection et confiscation d'armes détenues sans permis de port d'armes.
15 Comme nous l'avons également vu dans les éléments de preuve, nous
16 voyons que les SUP, ou encore les secrétariats du ministère de l'Intérieur,
17 de toute la Serbie ont mis au point des plans pour leur fonctionnement, et
18 ce, bon an, mal an, et il y avait entre autres des missions dont le but
19 était de faire respecter cette loi, entre autres. L'exemple de ce type de
20 plan est la pièce P1074. Il est absolument manifeste à la lecture de cette
21 pièce que Sreten Lukic n'a eu aucun rôle, ni pour ce qui est de la mise en
22 application de cette loi, ni pour ce qui est de la promulgation des
23 consignes visant la mise en application cette loi, ni pour ce qui est de la
24 planification et de la façon dont les SUP étaient censés faire en sorte que
25 la loi soit respectée.
26 Si nous prenons l'année 1998, nous voyons qu'à l'époque les éléments
27 de preuve montrent que dans le cadre des efforts visant à minimiser les
28 tensions, une amnistie avait été déclarée par les organes du gouvernement
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1 de la Serbie et des organes provinciaux du Kosovo, où il était demandé aux
2 citoyens qui avaient été contraints de prendre des armes illégales par
3 l'ALK de les rendre volontairement sans pour autant pâtir des conséquences
4 juridiques qu'ils auraient subies si la loi était appliquée. Le jugement
5 établit un lien avec Veljko Odalovic au paragraphe 70 du Volume III, mais
6 les éléments de preuve, plus précisément la pièce P908 et son article 5,
7 paragraphe 3, démontre que cela avait également été décrété par l'assemblée
8 nationale de Serbie, et ce, lors du dernier trimestre de 1998, et ce, pour
9 tout le monde.
10 Une fois de plus, Sreten Lukic n'a joué aucun rôle lors de la promulgation
11 de cette amnistie.
12 Le jugement se concentre sur des rapports qui apparemment ne mentionnent
13 pas que les armes ont été prises par le MUP. Bon, il s'agissait d'armes
14 illégales dans le cadre de ce programme, au Volume III, paragraphe 70. Si
15 l'on analyse les éléments de preuve, nous voyons que les documents P1198 et
16 P1203 sont les seuls rapports où, aux pages 4 et 5 de ces deux documents
17 respectivement, il est question de la participation du MUP qui prend et
18 détient les armes rendues volontairement par les citoyens. Donc, au vu de
19 ces faits, la conclusion raisonnable qui peut être dégagée est que cela
20 s'inscrivait dans le cadre de l'amnistie et de la loi, ce que, d'ailleurs,
21 la Chambre de première instance n'exclut pas.
22 Alors, il est donc logique et raisonnable que les organes de police
23 participent à la prise et à la protection de ces armes illégales qui
24 avaient été rendues de façon tout à fait volontaire par les citoyens. C'est
25 une tâche tout à fait normale quel que soit le pays considéré. Si nous
26 voyons le rôle joué par Sreten Lukic dans tout cela, nous voyons qu'il
27 s'est contenté de présenter des rapports relatifs aux statistiques, aux
28 nombres et aux lieux où ces armes ont été rendues. J'en veux pour preuve la
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1 pièce P1468, où nous trouvons des références directes aux armes qui ont été
2 récupérées et prises par le MUP, après que des civils les aient rendues
3 volontairement. Nous voyons que cela est mentionné pour le 8 août 1998, le
4 26 août 1998, le 6 septembre 1998, le 7 septembre 1998, le 10 septembre
5 1998, le 12 septembre 1998, le 13 septembre 1998 et le 14 septembre 1998.
6 Toutes ces mentions correspondant à ces dates sont du fait de Lukic qui
7 indique quelles sont les statistiques et qui indique les cas de quelques
8 personnes ou de quelques groupes qui ont rendu volontairement des armes,
9 dont le chiffre s'élève à un total de 200. Une fois de plus, ce n'est pas
10 Lukic qui met en œuvre cette tâche, ce n'est pas lui qui s'occupe de la
11 reddition des armes illégales; il se contente tout simplement de noter les
12 statistiques et d'en faire un rapport statistique relatif aux personnes qui
13 avaient rendu volontairement ces armes à la police. De surcroît, nous
14 pouvons voir que ces armes étaient des armes illégales car nous voyons, par
15 exemple, que parmi ces armes se trouvent des lance-roquettes antichars. Par
16 conséquent, la conclusion dégagée par la Chambre de première instance à
17 propos de ces collectes d'armes volontaires ne se fait pas en référence à
18 des armes illégales. Il s'agit là d'une erreur.
19 Il faut savoir également qu'on ne peut pas dire que Sreten Lukic
20 avait la mens rea nécessaire pour aider dans le cadre d'une entreprise
21 criminelle commune. A cet égard, il faut savoir que non seulement cette
22 reddition volontaire d'armes était obligatoire de par la loi, mais elle
23 s'inscrivait dans le cadre des initiatives d'"international peace".
24 Et plus précisément, nous avons la Résolution du Conseil de sécurité
25 des Nations Unies, la Résolution numéro 1160, en date du 31 mars 1998, qui
26 figure à la pièce P455 et qui identifie l'ALK comme une organisation
27 terroriste qui empêche l'achat d'armes soit par des personnes, soit par
28 d'autres groupes au Kosovo, et ce, afin de juguler une fois pour toutes les
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1 activités terroristes. On ne peut pas dire de cette initiative qu'elle
2 était discriminatoire. Qui plus est, elle date de deux mois avant l'arrivée
3 de Sreten Lukic au Kosovo.
4 Comme nous le voyons à la page 43 du document P1468, Shaun Byrnes, le
5 chef de la mission de la KDOM, a participé à ce processus tout à fait
6 légal, a établi et dressé la liste des armes et des villages en question, a
7 demandé les statistiques et les informations à Lukic, qui a fourni lesdits
8 renseignements. Par conséquent, le plus haut représentant de la communauté
9 internationale au Kosovo était parfaitement informé par les rapports de
10 Sreten Lukic de cette reddition volontaire d'armes. Et cette reddition
11 volontaire des armes allait dans l'intérêt de toutes les personnes et de
12 toutes les parties intéressées par la paix dans cette région. C'est la
13 seule chose que l'on peut déduire des éléments de preuve à propos de M.
14 Sreten Lukic. Au vu de la participation de la communauté internationale
15 dans le cadre de ces efforts et du fait que M. Byrnes avait pris en
16 considération les rapports de Lukic, il est illogique et tout simplement
17 indéfendable de conclure que Lukic était informé de toute entreprise
18 criminelle qui sous-tendait ces actions.
19 Donc, d'après ces éléments de preuve, on ne peut absolument pas en
20 conclure que Sreten Lukic était engagé dans ce "désarmement" de la
21 population albanaise du Kosovo et avait l'intention de réaliser les
22 objectifs criminels de toute entreprise criminelle.
23 Lorsque ces conclusions ont été dégagées à la suite de l'analyse de
24 ces éléments de preuve, il est évident que la Chambre de première instance
25 a commis une erreur, et nous demandons l'aide de cette Chambre pour
26 rectifier ces erreurs et pour parvenir à un résultat juste. Car nous ne
27 voulons pas envoyer au monde le message suivant lequel un policier qui se
28 contente de dresser des statistiques de reddition volontaire d'armes, qui
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1 étaient justement interdites par le droit interne, soutenu par une
2 résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies et par des diplomates
3 internationaux, devrait être considéré coupable d'un crime. Sinon, nous
4 allons nous retrouver avec un résultat tout à fait absurde, à savoir tout
5 quidam souhaitant rendre volontaire ses armes sera considéré coupable
6 d'entreprise criminelle commune, tout comme le seront les membres du
7 Conseil de sécurité qui ont demandé que dans cette zone de conflit les
8 armes détenues illégalement soient rendues.
9 J'aimerais en fait aborder un autre sujet, à savoir l'armement de la
10 population non-albanaise, car dans le jugement la Chambre a toujours établi
11 un lien entre cette activité et le processus de désarmement. Mais il ne
12 s'agit absolument pas de la même chose.
13 Qu'il s'agisse de collecte d'armes rendues volontairement qui sont
14 considérées comme des armes illégales, il faut savoir que le processus
15 d'armement ne traite absolument pas d'armes illégales. Il s'agit tout
16 simplement d'un processus qui est tout à fait légal et qui passe par la
17 distribution des plus légitimes d'armes à des formations de défense de
18 réserve de l'Etat, et ce, au vu d'une guerre imminente.
19 Le jugement lui-même conclu au paragraphe 56 du Volume III que la Chambre
20 n'est pas en mesure de conclure que cet armement était en soit illégal mais
21 indique que la question principale est de savoir si cela pouvait être fait
22 en fonction des appartenances ethniques. Une fois de plus, toute
23 participation à une activité légale en parfaite conformité avec les lois
24 existantes ne peut pas être utilisée comme seul fondement pour conclure
25 qu'une personne a une intention criminelle et était au courant d'une
26 entreprise criminelle qui sous-tendait ces activités légales. Qui plus est,
27 le jugement s'intéresse aux appartenances ethniques, ce qui est assez
28 curieux dans la mesure où la Chambre de première instance a conclu que les
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1 Albanais du Kosovo avaient rejeté toute participation au travail des
2 organes d'Etat officiels. Nous pouvons voir au paragraphe 225 du Volume
3 III, ainsi qu'aux paragraphes 226 et 297 ce que je viens d'avancer. Et au
4 vu des éléments de preuve, la Chambre de première instance aurait pu voir
5 que toute coopération perçue avec les autorités d'Etat de la part des
6 Albanais du Kosovo était dénoncée comme une collaboration par l'ALK et ces
7 personnes faisaient l'objet de représailles de la part de ce groupe
8 criminel, cela passait par des meurtres et des assassinats. Et cela fait
9 l'objet des paragraphes 537 à 543 de notre appel.
10 Alors, au vu de ce que je viens d'avancer, toute tentative de distribution
11 d'armes à des réservistes d'appartenance ethnique albanaise n'aurait suivi
12 aucune logique. C'est ce que la Chambre a choisi de ne pas prendre en
13 considération et ce qui est une erreur.
14 Bien qu'il est question dans le jugement d'un processus d'armement secret -
15 paragraphes 52, 64, 72, entre autres, du Volume III - il n'y a aucun
16 élément de preuve indiquant que Lukic ait participé à ce processus
17 clandestin. Et d'ailleurs, la première et la seule fois où ce terme de
18 secret apparaît dans le jugement, et est utilisé pour déterminer la
19 participation de Sreten Lukic, se trouve au paragraphe 1 121 du Volume III,
20 où il est dégagé des conclusions à propos de sa responsabilité pénale. Les
21 paragraphes précédents, 1 060, 1 067 et 1 071, font état d'éléments de
22 preuve qui n'ont rien à voir avec l'armement secret de civils, mais plutôt
23 avec l'armement de formations de police de réserve, des unités de la
24 protection civile et des réservistes de l'armée conformément à ce qui était
25 prévu par l'Etat. L'armement de ces formations de défense doit être compris
26 et placé dans le contexte plus général des événements de l'époque. L'ALK
27 augmentait l'intensité de ses attaques terroristes à l'époque, et il y
28 avait la possibilité que l'OTAN se mette à attaquer la Yougoslavie, ce qui
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1 fait que les formations de défense de réserve devaient devenir actives. Il
2 n'y a aucune connotation d'entreprise criminelle commune.
3 La Chambre n'a pas considéré les éléments de preuve suivant lesquels
4 le Conseil suprême de la Défense a donné un ordre le 21 mai 1998 pour que
5 les réservistes soient armés justement et que Lukic n'a eu aucun rôle lors
6 de cette prise de décision, décision qui émanait du plus haut organe de
7 l'Etat, mais Lukic était tenu de respecter cette décision, de la mettre en
8 œuvre à partir du moment où le ministre Stojiljkovic a donné des consignes
9 pour engager les forces de réserve de la police en juillet [comme
10 interprété] 1998. Ce type d'action était tout à fait conforme à la Loi
11 relative à la défense, pièce P985, ainsi qu'à la Loi sur les affaires
12 intérieures, article 28 de la pièce P1737. Par conséquent, la Chambre de
13 première instance a commis une erreur en concluant que la seule conclusion
14 raisonnable que l'on pouvait dégager des éléments de preuve était que Lukic
15 était informé de l'intention criminelle qui sous-tendait l'armement des
16 réservistes et qu'il partageait cette intention criminelle.
17 J'aimerais maintenant répondre à la troisième question posée par la
18 Chambre, à savoir la question si l'actus reus et la mens rea pour une
19 membre de l'entreprise criminelle commune peuvent préexister à l'objectif
20 commun de l'entreprise criminelle commune. Bref, notre réponse serait par
21 la négative. La jurisprudence du Tribunal est claire, elle affirme de
22 manière continue que l'objectif commun de l'entreprise criminelle commune
23 ne doit pas nécessairement être articulée précédemment, mais peut se
24 matérialiser en même temps. Toutefois, la réserve logique de cette
25 conclusion consiste à dire que la matérialisation de l'objectif commun, à
26 savoir sa manifestation dans la sphère publique, n'est pas la même chose
27 que sa préexistence, qui reste la condition préalable de l'existence de
28 l'entreprise criminelle de la première catégorie.
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1 Une personne qui a été accusée de participer à l'entreprise
2 criminelle commune de catégorie I doit agir dans la mise en œuvre de
3 l'objectif commun, et ce, par le biais des actes qui sont dirigés vers la
4 réalisation de cette même entreprise criminelle commune. Je vous renvoie
5 aux arrêts Kvocka et Vasiljevic, paragraphe 187 pour le premier, et 102
6 pour le second.
7 La Défense ne peut pas accepter que tant l'actus reus que la mens rea
8 de l'entreprise criminelle commune de première catégorie peuvent se
9 réaliser avant l'existence de l'objectif commun puisque cela reviendrait à
10 accepter que l'entreprise criminelle commune de première catégorie
11 s'appliquerait de manière étendue et abusive à toute personne qui aurait
12 agi sans aucune connaissance et sans aucune intention de réaliser quelque
13 chose qui simplement n'a pas existé au moment où la personne a agi.
14 Si l'Accusation ne présente pas d'éléments de preuve qui peuvent
15 uniquement être interprétés par la Chambre comme démontrant l'existence de
16 l'objectif commun de l'entreprise criminelle commune, alors la Chambre de
17 première instance ne doit pas interpréter le reste des éléments de preuve à
18 des fins de construire l'existence de l'objectif commun, puisque cela
19 donnerait lieu à une erreur de la part de la Chambre dans la détermination
20 des faits au préjudice de l'accusé.
21 La Défense attire l'attention de la Chambre aux conclusions de la
22 Chambre d'appel dans l'arrêt d'appel Gotovina lorsqu'il s'agit de
23 déterminer que la Chambre de première instance a commis une erreur en
24 constatant l'existence de l'entreprise criminelle commune de première
25 catégorie par l'interprétation des éléments de preuve concernant la phase
26 de planification de l'attaque à la lumière des événements qui se sont
27 produits par la suite après l'attaque et la caractérisation de cela par la
28 Chambre comme ayant été illégal. Je vous renvoie au paragraphe 93 de cet
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1 arrêt. Eh bien, dans ce cas, la Chambre d'appel s'est penchée sur une
2 erreur commise par la Chambre de première instance et a conclu que hors
3 contexte rétroactif erroné, il n'était pas raisonnable de constater que la
4 seule interprétation possible des transcriptions de Brioni impliquait
5 l'entreprise criminelle commune visant à déplacer par la force les civils
6 serbes. La Chambre d'appel a souligné de nombreuses raisons légitimes pour
7 lesquelles les civils auraient pu quitter une zone de combat, y compris un
8 consensus légal visant à aider les civils à quitter une zone de conflits
9 pour réduire les pertes et un avantage militaire légitime ainsi que des
10 opérations de combat légitimes. L'erreur dans Gotovina a été réparée par le
11 prononcé de l'acquittement. Nous affirmons qu'une analyse analogue doit
12 s'appliquer ici, ainsi qu'un remède analogue.
13 Je passe maintenant à la quatrième question posée par la Chambre, où
14 vous avez demandé dans quelles circonstances la mens rea au titre de
15 l'entreprise criminelle commune de la première catégorie pour expulsion et
16 transfert forcé peut être déduite de la connaissance de l'accusé des crimes
17 commis en 1998, y compris les crimes autres qu'expulsions et transferts
18 forcés.
19 Notre réponse, en bref, serait que la mens rea ne peut pas être
20 déduite de la connaissance d'autres crimes en 1998, qui ne sont pas les
21 mêmes que ceux de 1999 pour lesquels l'appelant a été déclaré coupable.
22 Premièrement, je me pencherai sur notre argument juridique, et puis
23 j'appliquerai cela aux faits pertinents pour démontrer l'erreur commise par
24 une telle attitude, au moins pour ce qui est de M. Lukic.
25 La jurisprudence de la Chambre est tout à fait claire sur le fait que
26 les membres d'une entreprise criminelle commune de première catégorie
27 doivent partager la même intention criminelle - je vous renvoie au
28 paragraphe 84 de Brdjanin [comme interprété], ainsi qu'au paragraphe 101 du
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1 jugement Vasiljevic - le plan commun a été exécuté avec l'intention de
2 commettre un crime spécifique. Et nous voyons dans l'arrêt Stakic,
3 paragraphe 65, et dans le paragraphe 101 de l'arrêt Vasiljevic cette
4 approche. Entre autres, dans ces paragraphes-là.
5 Dans ce sens, la Défense estime que la simple connaissance des crimes
6 précédents ne suffit pas à déduire la mens rea au titre de l'entreprise
7 criminelle commune de première catégorie, puisque cette connaissance du
8 transfert forcé et des expulsions n'a pas été démontré comme ayant été la
9 seule conclusion raisonnable pour constater l'existence de l'intention
10 criminelle afin de réaliser l'objectif criminel commun.
11 Aucun poids n'a été donné au fait qu'en tant qu'agent de la police du
12 MUP, les allégations des crimes potentiels qui auraient été commis par des
13 auteurs connus ou pas connus faisaient partie des fonctions de Lukic en
14 tant que policier, mais simplement demander son attention pour vérifier si
15 d'autres organes étaient en train d'enquêter conformément à la loi. La
16 simple connaissance des crimes non confirmés ne mène pas nécessairement à
17 la conclusion que Lukic savait qu'il y avait un objectif criminel commun
18 qui a présidé à ces crimes, que leur commission avait pour intention de
19 réaliser l'objectif criminel commun et que c'est de manière délibérée qu'il
20 a décidé de rejoindre cette entreprise criminelle commune en partageant cet
21 objectif à l'avenir.
22 La connaissance d'autres types de crimes qui n'ont pas de lien
23 apparent avec le plan allégué serbe de contrôler le Kosovo par le biais du
24 déplacement forcé de la population albanaise, tels qu'assassinat, agression
25 sexuelle, et cetera, faisait partie de l'enquête dans le cadre des
26 fonctions normales de la police, comme c'est le cas de par le monde, et ne
27 montre pas l'intention de réaliser un crime autre, à savoir le transfert
28 forcé, ni de prendre part à cette politique criminelle de contrôle. Cela
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1 est particulièrement vrai lorsque la connaissance de l'accusé s'accompagne
2 d'assurance que les autorités pertinentes et compétentes sont en train de
3 mener des enquêtes afin de préserver les éléments de preuve, identifier et
4 appréhender les auteurs.
5 Nous pensons que la connaissance d'un policier que certains crimes
6 ont été commis ne peut pas constituer le seul fondement pour conclure qu'il
7 y a mens rea au titre de l'entreprise criminelle commune, parce que dans ce
8 cas-là tout policier où que ce soit au monde, ipso facto, serait coupable
9 de prendre part à l'entreprise criminelle commune simplement en faisant son
10 travail en tant que policier qui participe à l'enquête portant sur des
11 crimes commis.
12 En l'espèce, les éléments de preuve sont clairs, il n'y a pas de mens
13 rea qui peut être déduite des incidents et des crimes de 1998 qui
14 imposerait comme seule conclusion raisonnable le fait que le crime
15 d'expulsion et le transfert forcé ont constitué partie intégrante de
16 l'entreprise criminelle commune, qu'ils étaient en cours et que Lukic avait
17 l'intention de participer à cela en 1999.
18 La seule instance de meurtre sur laquelle s'est appuyé le jugement
19 date de 1998 comme ayant été la notification à l'appelant, eh bien, c'était
20 Gornje Obrinje, paragraphe 1 134, Volume III, et la Chambre a déclaré que
21 c'était l'élément-clé montrant que Lukic savait que la police allait
22 commettre des crimes si on l'employait de nouveau en 1999.
23 Mais pas un seul élément de preuve ne démontre qu'il y a eu meurtre à
24 Gornje Obrinje ou que Lukic, en tant que policier, aurait pu considérer que
25 ce meurtre a été avéré ainsi que l'identité des auteurs avait été constaté.
26 "Human Rights Watch" a publié son travail sur Gornje Obrinje en 1999
27 uniquement - paragraphe 900 du Volume I du jugement - et il n'y a pas
28 d'élément de preuve démontrant que cela a été envoyé à Lukic avant ou
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1 pendant la guerre. De même, on ne peut pas considérer que cela constitue
2 une preuve de la commission d'un crime; il s'agit plutôt d'indice de ce
3 qu'il aurait fallu vérifier. Alors, le rapport de Pavkovic maintenant, il
4 s'agit d'un rapport qui se fonde sur un récit non confirmé fourni par ces
5 organes de sécurité, P1440, pour ce qui est de Gornji Obrinje. Là encore,
6 il s'agit d'un rapport interne à la VJ qui n'a pas été porté à la
7 connaissance de Lukic.
8 Ce que Lukic savait a été démontré par la réunion qui fait l'objet du
9 document 6D803, qui parle de rumeurs d'un crime à Gornje Obrinje et des
10 difficultés qui ont été rencontrées lorsqu'on a essayé de confirmer les
11 éléments d'information et de mener à bien une enquête. Au titre de cette
12 réunion d'octobre 1998, nous voyons que Lukic a été informé par la sécurité
13 d'Etat de la presse albanaise qui était en train de publier des récits très
14 fracassants sur Gornje Obrinje, ce qui a été caractérisé par la sécurité
15 d'Etat comme constituant une propagande sans fondement. Et c'est au titre
16 de ce même scénario que l'on a prononcé l'acquittement du président
17 Milutinovic.
18 La police mène des enquêtes sur des faits et elle ne s'intéresse pas aux
19 rumeurs, il est donc important de se pencher sur ce qui a été constaté pour
20 Gornje Obrinje. Des diplomates internationaux ont essayé d'enquêter, comme
21 Jan Kickert, et n'ont pas pu confirmer qu'un crime s'est produit. Au
22 paragraphe 910 du jugement du Volume I, c'est ce qui se trouve confirmé.
23 Kickert a déposé au procès, il a parlé de ses connaissances directes des
24 efforts déployés pour mener à bien une enquête sur les lieux par la juge
25 d'instruction serbe; même paragraphe. Nous avons les éléments de preuve
26 démontrant que la juge d'instruction, le Témoin Marinkovic, page du compte
27 rendu d'audience 23 526, confirme que le MUP serbe a essayé de sécuriser
28 les lieux pour lui apporter son aide dans le cadre de l'enquête, mais que
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1 l'enquête a été empêchée par des menaces venues de l'ALK. Donc, il n'y a
2 pas eu de conclusion au titre du droit national sur le fait qu'un homicide
3 aurait eu lieu. Alors, est-ce qu'il y a eu meurtre, est-ce que ce meurtre
4 peut être attribué à un auteur connu, et encore moins, est-ce que cet
5 auteur était membre des forces de sécurité serbes, est-ce que c'était un
6 professionnel de la police ? Comment est-ce que Lukic aurait pu arriver à
7 cette conclusion sur la base de ces éléments de preuve si rares et si
8 défaillants ?
9 Alors, il faudrait constater qu'aucun témoin de la MVK ou de la KDOM n'a
10 confirmé qu'un crime aurait été avéré à Gornje Obrinje, pas Shaun Byrnes,
11 pas le colonel Crosland, pas le général DZ, pas colonel Ciaglinksi.
12 Alors, laissons de côté Gornji Obrinje. Prenons maintenant les événements
13 de 1998 qui ont été analysés par la Chambre de première instance. Elle
14 prend en compte neuf actions antiterroristes qui ont été conduites de
15 manière conjointe par la police et la VJ en 1998, y compris Gornji
16 Dobrinje; paragraphes 848 jusqu'à 912 du premier volume du jugement.
17 La Chambre arrive à la conclusion que pas une seule de ces neuf opérations
18 ne présente des éléments de preuve démontrant que des civils auraient été
19 tués, et pour Gornje Obrinje, il y a si peu d'éléments de preuve que nous
20 en avons déjà parlé. Cela signifierait que dans les huit autres actions il
21 n'y a pas d'éléments qui auraient été présentés et qui auraient fourni une
22 notification à Lukic ou à qui que ce soit d'autre comme quoi des meurtres
23 se seraient produits qui pourraient être imputés à l'entreprise criminelle
24 commune au titre de crime d'expulsion. Le jugement constate que dans cinq
25 sur huit actions, il n'y a pas eu d'indice d'autres crimes ou de recours
26 excessif à la force. Paragraphes 853, 860, 869, 873 et 898 du premier
27 volume.
28 Alors, compte tenu de ces éléments factuels, il n'est pas logique qu'une
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1 Chambre de première instance en déduise la conclusion que des meurtres ou
2 assassinats ainsi que d'autres crimes, tels qu'expulsion et transfert
3 forcé, auraient été des résultats en 1999 en tant que partie d'une future
4 entreprise criminelle commune lorsque, de nouveau, des actions
5 antiterroristes allaient être menées.
6 Alors, quelle aurait été la conclusion de Lukic sur la base du fait que
7 dans l'une des neuf opérations antiterroristes il y a eu des rumeurs non
8 vérifiées de morts de civils que les autorités ont essayé d'élucider mais
9 ont été empêchées de le faire par l'ALK ? Donc, certainement, la seule
10 conclusion raisonnable compte tenu de ces éléments de preuve n'est pas
11 l'existence d'une entreprise criminelle commune généralisée et systématique
12 visant à expulser la population albanaise kosovare.
13 Puisque cela n'est pas la seule conclusion raisonnable, toute approche qui
14 assume automatiquement qu'il y a mens rea pour une future entreprise
15 criminelle commune sur la base des crimes passés d'une nature différente
16 est erronée.
17 Quant à votre cinquième question portant sur l'incident de Tusilje, la
18 question est de savoir s'il aurait dû être exposé dans l'acte d'accusation,
19 est-ce que le vice a été purgé ou y a-t-il eu préjudice pour l'accusé,
20 voici notre position.
21 La jurisprudence est tout à fait claire, à savoir lorsqu'une Chambre de
22 première instance a commis une erreur en déclarant une culpabilité en
23 fonction de faits essentiels non exposés dans l'acte d'accusation, voici ce
24 qu'affirme la -- enfin, la jurisprudence est tout à fait claire.
25 Le jugement en l'espèce se réfère en de multiples endroits à Tusilje au
26 Volume II, et la Chambre tire plusieurs conclusions attribuant à Tusilje le
27 même statut que d'autres incidents dans l'acte d'accusation, voir Volume
28 II, paragraphe 1 219. Elle s'appuie ensuite sur ces mêmes conclusions pour
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1 conclure qu'il y avait attaque sur la population civile dans ces secteurs,
2 y compris à Tusilje. Par conséquent, il est manifeste que les déclarations
3 de culpabilité prononcées par la Chambre de première instance sont fondées
4 sur des faits essentiels dont la Défense n'a pas reçu notification par le
5 truchement de l'acte d'accusation. Par conséquent, la Chambre de première
6 instance a commis une erreur à cause de laquelle le jugement est
7 injustifié.
8 D'après la Défense, ce vice de forme n'a pas pu être purgé et la
9 Défense n'a pas pu être correctement avertie que les événements de Tusilje
10 allaient être pris en considération pour déclarer l'accusé coupable. En
11 effet, si cela avait été le cas, l'accusé et sa Défense auraient présenté
12 des éléments à décharge concernant Tusilje, ce qu'elle n'a pas pu faire
13 puisque Tusilje ne figurait pas à l'acte d'accusation.
14 J'aimerais maintenant mettre en avant brièvement quelques-uns des
15 points essentiels de notre appel. Dès le début, je dois souligner à
16 l'intention des Juges de la Chambre d'appel que les constatations de la
17 Chambre de première instance sont entachées de nombreuses erreurs de droit
18 et de fait. Et conformément à l'arrêt Kordic et Cerkez, paragraphes 18 à
19 19, ainsi que -- d'ailleurs, la Chambre d'appel l'a également réaffirmé
20 dans deux arrêts récents - Gotovina, au paragraphe 93, et Mugenzi, aux
21 paragraphe 91 et 136 - là où la Chambre de première instance n'a pas
22 raisonnablement conclu que la seule interprétation possible des événements
23 était de considérer qu'il y avait but criminel et entreprise criminelle
24 commune, une seule issue est possible, à savoir l'annulation et
25 l'acquittement. Nous avançons que les erreurs de fait dans le jugement sont
26 à ce point nombreuses et au cœur même de ce jugement qu'un réexamen partiel
27 est approprié, et aucune Chambre de première instance raisonnable n'aurait
28 pu exclure les interprétations alternatives possibles des événements au vu
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1 des éléments de preuve. Par conséquent, M. Lukic n'aurait pas dû être
2 déclaré coupable pour participation à une entreprise criminelle commune. Si
3 un tel réexamen n'était pas effectué, il en résulterait une erreur
4 judiciaire.
5 Nous avançons qu'au vu des erreurs mises en avant par nous dans notre
6 mémoire en appel, il apparaît clairement que la Chambre de première
7 instance a systématiquement tiré des conclusions quant à l'existence d'une
8 entreprise criminelle commune quant à la connaissance qu'en avait M. Lukic,
9 quant à son intention d'y participer et quant à son adhésion volontaire à
10 un tel but criminel commun; alors qu'en réalité des conclusions
11 raisonnables alternatives existent au vu des éléments de preuve qui
12 démontrent le contraire, à savoir que Sreten Lukic essayait de maintenir
13 l'ordre et la loi et non pas de commettre des crimes.
14 Quant à l'élément moral, il est raisonnable de conclure au vu des
15 éléments de preuve que Lukic participait à des actions qui étaient tout à
16 fait appropriées pour un officier de police lorsqu'il essayait de maintenir
17 l'ordre dans une situation difficile, lorsqu'il faisait face à une
18 insurrection terroriste ou frappes aériennes de l'OTAN, et tout cela en
19 étant investi d'une autorité limitée. Le jugement oublie tout à fait qu'en
20 1999 des appareils de l'OTAN larguaient des bombes sur tout le Kosovo, ce
21 que l'on ne saurait ignorer en tant que facteur.
22 Afin d'évaluer les erreurs dont est entaché le jugement, il est
23 nécessaire de prendre en considération le fait que l'arrivée de Lukic au
24 Kosovo, tout comme d'ailleurs tous ses actes, était dictée par la loi à
25 laquelle il devait se conformer. Son arrivée n'était pas volontaire, et
26 encore moins marquée par une intention de commettre des crimes. Lukic a été
27 déployé au Kosovo en vertu de la loi qui permettait à un membre du MUP
28 d'être affecté par le ministère à tout poste sur toute partie du territoire
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1 de la Serbie. Cette disposition de la loi a été versée au dossier comme
2 pièce P1737, article 72. Le dossier démontre également que l'ensemble des
3 trois décisions portant affectation de Lukic au Kosovo, à savoir P1252,
4 P1505 et P1811, se réfèrent toutes trois à l'article 72 de cette même loi.
5 L'article 33 de la loi en question dispose qu'un employé du ministère a
6 l'obligation d'exécuter les ordres de son ministre de tutelle ou de tout
7 autre supérieur dans la mesure où leur exécution ne revient pas à commettre
8 à première vue un crime. Le texte des décisions susmentionnées montre
9 clairement que ce qui était exigé de Lukic était l'accomplissement régulier
10 et normal des tâches de police, et non pas quoi que ce soit que l'on
11 pourrait considérer comme des actes criminels.
12 De plus, il importe de relever que le président Milutinovic, qui a
13 été acquitté de toutes les accusations relatives à son rôle supposé dans
14 l'entreprise criminelle commune, a émis une directive sur les affaires
15 intérieures en temps de guerre, versée en tant que pièce P993, l'article 7
16 de cette même directive faisait obligation à Lukic d'exécuter les missions
17 qui lui étaient confiées par ses supérieurs au sein de la police à moins
18 que cela n'implique clairement la commission d'un crime et lui faisait
19 également obligation d'engager des procédures disciplinaires contre ceux
20 qui refuseraient d'exécuter des ordres légitimes. Par conséquent, il était
21 tout à fait raisonnable pour Lukic, comme pour Milutinovic, d'avoir un état
22 d'esprit qui n'avait rien à voir avec un état d'esprit criminel lorsqu'il
23 accomplissait ses obligations au Kosovo en application des ordres reçus et
24 de la loi en vigueur, ordres qui étaient légitimes à première vue.
25 La Chambre de première instance, au Volume II [comme interprété],
26 paragraphe 92, reconnaît que les problèmes liés à l'ALK étaient censés être
27 résolus par l'Etat dans le cadre du système judiciaire et de police. Par
28 conséquent, à l'opposé de cette conclusion selon laquelle le fait même pour
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1 Lukic d'accepter ce poste de chef d'état-major impliquait une intention
2 criminelle, une autre conclusion raisonnable est possible au vu des
3 éléments de preuve, à savoir qu'il se conformait à la loi, qu'il
4 s'efforçait de s'acquitter légalement et normalement de ses obligations de
5 policier et qu'il faisait des efforts pour maintenir l'ordre au bénéfice de
6 tous les citoyens et dans la mesure de ses moyens, ce que la Chambre de
7 première instance elle-même qualifiait de manière d'agir appropriée.
8 Quant à l'accomplissement de ses devoirs, et au fait que Lukic a
9 participé à des réunions tant à Belgrade qu'au Kosovo, eh bien, le jugement
10 établit un lien tout à fait erroné entre la présence de Lukic à ces
11 réunions à Belgrade et l'intention criminelle qu'il aurait partagée au
12 titre de l'entreprise criminelle commune. Volume III, paragraphes 1 019 à 1
13 022, 1 024 et 1 040. Cependant, ceci est contraire aux conclusions du
14 jugement concernant Milutinovic, dont la présence aux mêmes réunions a été
15 considéré comme démontrant qu'il ne partageait pas l'intention criminelle.
16 Il s'agit des paragraphes 132 à 143 du Volume III. De plus, la Chambre
17 d'appel dans un arrêt récent dans l'affaire Mugenzi a conclu que :
18 "Aucun Juge du fait raisonnable n'aurait pu exclure la possibilité
19 raisonnable que Mugenzi et Mugiraneza aient été présents à la cérémonie
20 d'entrée en fonction pour des raisons autres que l'adhésion à un but
21 criminel commun."
22 Dans ce cas précis, l'alternative raisonnable signifie qu'ils étaient
23 présents à la cérémonie par suite des obligations qui leur incombaient en
24 leur qualité de ministres. Madame et Messieurs les Juges, la présence de
25 Lukic à ces réunions est également le résultat pur et simple de ses
26 obligations, les obligations qui lui incombaient du fait du poste qu'il
27 occupait, et non pas le résultat de la connaissance ou de l'acceptation par
28 lui de quelle que intention criminelle que ce soit.
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1 Au lieu de se concentrer sur sa présence lors de ces réunions, la
2 Chambre de première instance aurait dû prêter attention aux éléments de
3 preuve directs indiquant que les intentions de Lukic allaient à l'encontre
4 de tout but criminel commun.
5 La Chambre de première instance qualifie de façon erronée ce but
6 criminel comme visant à maintenir le contrôle de la Yougoslavie et de la
7 Serbie sur la Kosovo par des moyens criminels, y compris en expulsant la
8 population albanaise. Ceci figure au Volume III, paragraphe 95. Mais aucun
9 Juge du fait raisonnable ne peut exclure ici la possibilité que le maintien
10 d'une souveraineté sur le Kosovo ait été envisagé comme l'exercice d'une
11 fonction légitime et légale de l'Etat. Aucun élément de preuve ne peut
12 davantage démontrer que Lukic ait été au courant de tout élément illégal
13 dans ce cadre tel que le fait de chasser les Albanais.
14 Concernant le maintien de la souveraineté sur le Kosovo, il s'agit d'un
15 principe reconnu de la constitution de Serbie, plutôt que d'un but ou d'un
16 objectif criminel. Ce principe a été réitéré et confirmé par tous les
17 instruments internationaux rédigés pendant la période pertinente, y compris
18 par les Résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, pièces P455,
19 P456 et P433; y compris d'ailleurs par la proposition du Groupe de contact,
20 tel que cela est discuté au paragraphe numéro 314 du Volume I du jugement;
21 y compris dans les principes du Groupe de contact, paragraphe 354 du même
22 volume; dans le déclaration Gelbard, pièce 6D1491; dans l'accord entre
23 Milosevic et Holbrooke, versé sous la cote 1D204; dans l'accord entre
24 Jovanovic et Cermak, versé sous la cote P432; et l'accord entre Perisic et
25 Clark, versé sous la cote P454; tout comme dans les accords de Kumanovo,
26 versés sous la cote 6D611. Au vu de tout cela, on ne voit pas comment et
27 pourquoi Lukic aurait logiquement dû comprendre un tel principe comme
28 exigeant une intention ou un objectif criminel et le recours à des moyens
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1 criminels pour le réaliser alors même que la communauté internationale,
2 elle-même, préconisait la souveraineté de la Serbie et de la Yougoslavie
3 sur le Kosovo.
4 Lundi dernier, l'Accusation a de nouveau identifié Slobodan Milosevic comme
5 ayant été l'un des acteurs-clés de l'entreprise criminelle commune, ayant
6 joué un rôle central. Quant à la conclusion selon laquelle Lukic aurait
7 partagé l'intention de Milosevic et d'autres membres allégués de
8 l'entreprise criminelle commune, la Chambre de première instance, au Volume
9 III, paragraphe 1 115 du jugement, n'a pas avancé le moindre élément de
10 preuve à l'appui. En effet, les éléments de preuve démontrent à l'inverse
11 que Lukic se démarque des autres membres nommément cités de l'entreprise
12 criminelle commune alléguée. Il n'était pas quelqu'un de proche ni un homme
13 de confiance du président Milosevic, pas plus qu'il ne l'était auprès du
14 ministre Stojiljkovic. Les éléments de preuve sont tout à fait clairs dans
15 la matière.
16 Et, en effet, la Chambre de première instance elle-même confirme au Volume
17 III, paragraphe 85, que Lukic ne correspondait pas au profil de ces
18 personnes qui ont été soigneusement nommées à de hauts postes par
19 Milosevic. Il est tout à fait clair au vu des éléments de preuve que Lukic,
20 plutôt que d'avoir été promu par Milosevic, a, en réalité, été rétrogradé
21 en 1991. Et nous pouvons le voir au vu de la pièce P948, de la pièce 6D1360
22 et 1D680. Ceci est également confirmé au paragraphe 937 du jugement, Volume
23 III.
24 Au mois de mai 1997, Stojiljkovic, après avoir probablement consulté
25 Milosevic, a nommé un commandant en qualité de chef du SUP et supérieur
26 hiérarchique direct de Lukic. Il faut noter qu'à ce moment-là Lukic était
27 général. Nous pouvons le voir dans la déposition du Témoin Golubovic, page
28 numéro 7 426 du compte rendu d'audience, ainsi que dans les pièces 6D1458
Page 508
1 et 6D1457.
2 Même lorsque Lukic a été déployé au Kosovo, les éléments de preuve nous
3 montrent très clairement que deux assistants haut placés de Stojiljkovic
4 étaient présents eux aussi au Kosovo : l'assistant du ministre, Obrad
5 Stevanovic, qui était également commandant des PJP; et Vlastimir
6 Djordjevic, le chef du département de la sécurité publique et ministre
7 adjoint du MUP. Le jugement a conclu que la nomination de Lukic n'avait pas
8 consisté à remplacer les structures de commandement existantes au sein du
9 MUP. Ceci figure au paragraphe 1 012 du Volume III. De plus, nous avons des
10 éléments de preuve émanant d'un autre collaborateur proche de Milosevic, le
11 général Ojdanic, chef d'état-major de la VJ, pour lequel le jugement
12 confirme qu'il a été soigneusement nommé par Milosevic pour remplacer le
13 général Perisic, qui s'était avéré moins facile à manier; paragraphe 85,
14 Volume III. Et le compte rendu d'une réunion tenue le 11 avril 1999,
15 présidée par Ojdanic, se réfère au général Lukic comme à un adjudant,
16 démontrant que Lukic n'était pas pris au sérieux, n'était pas considéré
17 comme un acteur majeur par les proches de Milosevic. Ceci figure dans la
18 pièce 3D728.
19 De plus, nous avons un témoin à charge clé, le général Vasiljevic, de la
20 VJ, qui a décrit le rôle de Lukic lors d'une réunion de ce qu'il qualifie
21 comme ayant été le commandement conjoint -- le rôle de Lukic, donc, comme
22 étant "la cinquième roue du carrosse." Alors, cela figure en page 9 066 du
23 compte rendu d'audience. Au vu de la totalité des éléments de preuve, aucun
24 Juge raisonnable du fait n'aurait pu conclure que Lukic avait quelle que
25 autorité de commandement que ce soit ou que ces réunions tenues à Pristina
26 étaient l'occasion pour Lukic d'exercer quelle que autorité que ce soit.
27 Après la guerre, Lukic n'a pas été promu à une position de choix au sein du
28 MUP, mais plutôt nommé en tant que chef de l'administration de la police
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1 des frontières qui, à l'époque, se situait dans les bas étages de ce
2 quatrième département dans la hiérarchie du MUP.
3 Par la suite, nous entendrons parler de ce qu'a fait Lukic à ce poste, ce
4 qui va tout à fait à l'encontre de toute tentative de réaliser l'entreprise
5 criminelle commune alléguée en l'espèce.
6 Lukic a été promu et nommé à un poste plus important après, en 2001, au
7 sein du MUP, et ce, après que les forces démocratiques aient renversé
8 Milosevic. Et nous le voyons, cela, au paragraphe 4 de la pièce 6D1607,
9 déclaration 92 ter du premier ministre Zivkovic. Par conséquent, ce n'est
10 qu'après le départ de Milosevic, lorsque son ministre du MUP Stojiljkovic
11 et les assistants Djordjevic et Stevanovic ont été écartés, que Lukic a été
12 promu et est devenu chef de la sécurité publique. Par la suite, nous vous
13 expliquerons ce que Lukic a fait lorsqu'il se trouvait à ce poste. La
14 coopération avec le TPIY et le transfert des accusés de Serbie devant ce
15 Tribunal s'est dans un premier temps passé lors du mandat de Sreten Lukic,
16 et il a fait beaucoup d'autres choses pour diligenter des enquêtes à propos
17 des crimes commis contre les Albanais et d'autres pendant le mandat de
18 Milosevic.
19 Mais ce que je voudrais savoir, et d'aucuns peuvent se poser la question,
20 au vu de ces éléments de preuve, serait-il logique que les officiers du MUP
21 Stojiljkovic, Djordjevic et Stevanovic, qui ont été nommés comme autant de
22 participants à une entreprise criminelle commune, aurait-il été logique
23 qu'ils incluent et qu'ils s'appuient sur une personne qu'ils n'avaient pas
24 choisie, à qui ils ne faisaient pas confiance, qui ne leur était redevable
25 de rien et qui, de toute façon, n'avait pas de poste lui permettant d'avoir
26 un contrôle véritable sur les unités ? Ou est-ce qu'il aurait été plus
27 logique que ces membres de l'entreprise criminelle commune excluent Lukic
28 de tout plan criminel et se livrent à ces activités en utilisant leurs
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1 propres postes dans le cadre du MUP sans avoir pour autant besoin de Lukic.
2 Les éléments de preuve présentés en première instance montrent que l'état-
3 major du MUP de Lukic à tout moment était composé de seulement huit à dix
4 personnes. J'en veux pour preuve la pièce P1505, la déposition de M.
5 Mijatovic, aux pages du compte rendu d'audience 22 167 à 22 172, qui
6 confirme cela.
7 La Chambre de première instance n'a pas effectué cette analyse, et c'est
8 une erreur parce qu'elle n'a pas envisagé l'exclusion de cette possibilité.
9 Par ailleurs, aurait-il été logique que Sreten Lukic, qui avait consacré
10 toute sa vie au maintien de l'ordre public, abandonne cela pour se rallier
11 à des personnes qui l'avaient non seulement rétrogradé et qui ne l'avaient
12 pas promu ? Nous avançons que cela défie toute logique. Serait-il logique
13 que Sreten Lukic soit promu à la tête du MUP après la chute de Milosevic et
14 aurait-il été logique qu'il entame cette coopération avec le TPIY et qu'il
15 se lance dans des enquêtes sur les crimes si, en fait, il avait participé
16 lui-même à ces crimes ? Nous avançons que cela défie tout logique.
17 Il faut savoir qu'au paragraphe 918 du Volume III, le jugement, à raison,
18 accorde quelque crédit à Lazarevic pour un nombre d'efforts limités qu'il a
19 déployés par le biais de déclaration écrite pour assurer que l'armée
20 agissait en bonne et due forme dans l'exercice de ses fonctions. Pour ce
21 qui est de Lukic, la Chambre de première instance a dans un premier temps
22 reconnu que Lukic avait donné ce qu'elle a choisi d'appeler des ordres pour
23 indiquer à la police qu'elle devait empêcher les crimes et empêcher le
24 départ des civils du Kosovo et les compare à des ordres de la VJ. Mais les
25 rapports écrits de Lukic destinés à la police à laquelle il demande de
26 respecter la loi et de traiter les civils en bonne et due forme ont été
27 considérés de façon négative. Regardez les paragraphes 1 124 et 1 129 du
28 Volume III.
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1 Les mesures prises par Sreten Lukic, même s'il disposait d'une autorité
2 très limitée, démontrent qu'il n'a jamais partagé l'intention de commettre
3 des crimes contre les Albanais. Au contraire, Lukic s'est engagé à demander
4 des mesures, mesures qui devaient être prises pour empêcher les crimes et
5 les mauvais traitements contre les Albanais et pour que soient punies
6 toutes les personnes pour lesquelles il avait été conclu qu'elles avaient
7 commis des crimes, y compris les membres de la police.
8 Il a été avancé que 12 éléments de preuve très importants ont été analysés
9 de façon erronée par la Chambre de première instance, et ces documents
10 démontrent quelles étaient les véritables intentions de Sreten Lukic et
11 quelle était sa personnalité. Toutes ces pièces sont des pièces émanant de
12 Lukic qui indiquent donc ce qu'il a écrit ou ce qu'il a dit.
13 Et si nous analysons, même de façon brève, ces éléments de preuve, nous
14 voyons que ces 12 dépêches et rapports de réunions ou rappels de Lukic
15 exhortent la police à prendre des mesures énergiques pour empêcher que les
16 Albanais du Kosovo fassent l'objet de mauvais traitement, pour faire en
17 sorte que la police empêche les personnes d'expulser de leurs foyers les
18 Albanais du Kosovo, il s'agit d'autant de mesures qui doivent être prises
19 pour appréhender les criminels et les terroristes et de mesures également
20 pour que l'on essaie de persuader les citoyens de ne pas quitter leurs
21 villages en leur garantissant des mesures de sécurité conformément à la
22 loi.
23 Voici ces éléments de preuve dont je vais maintenant vous donner la liste :
24 6D768, en date du 7 août 1998; 6D872, en date du 23 février 1999; 6D666, en
25 date du 3 avril 1999; P1989, en date du 4 avril 1999; 6D778, en date du 15
26 avril 1999; 6D874, en date du 6 mai 1999; P1996, en date du 7 mai 1999;
27 6D773, en date du 8 mai 1999; P1993, en date du 11 mai 1999; 5D1423, en
28 date du 12 mai 1999; 5D1418, en date du 26 mai 1999; 5D1421, en date du 11
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1 juin 1999; et finalement, P1468, qui comporte plusieurs dates.
2 Au paragraphe 1 129 du Volume III, la Chambre de première instance essaie
3 d'étiqueter ou de cataloguer ces ordres donnés par Lukic comme n'étant pas
4 authentiques. Toutefois, dans d'autres paragraphes du Volume III, tels que
5 les paragraphes 92, 173, 1 001, la même Chambre de première instance
6 s'appuie sur ces éléments et les considère comme des ordres authentiques
7 qui démontrent que Lukic avait un rôle de commandement et l'autorité sur
8 les unités du MUP. Avec tout le respect dont je fais preuve, j'avance quand
9 même que l'on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Alors, de
10 deux choses l'une : soit ces ordres étaient des ordres authentiques et
11 prouvent que Lukic n'avait pas l'intention que les crimes soient commis
12 mais n'avait pas l'autorité nécessaire pour faire en sorte que ces ordres
13 soient obéis; ou alors, ils ne sont pas authentiques et, dans ce cas, ils
14 ne peuvent absolument pas démontrer une quelconque autorité de commander
15 pour Sreten Lukic. La Chambre de première instance n'a pas analysé ou a
16 exclu l'alternative raisonnable, à savoir il s'agissait d'ordres bel et
17 bien authentiques mais Lukic n'avait pas l'autorité sur les forces du MUP.
18 J'aimerais maintenant, en fait, revenir sur un élément auquel vous avez
19 fait allusion, à savoir l'autorité limitée de Lukic en tant que chef de
20 l'état-major du MUP du Kosovo.
21 Ces 12 documents sont importants car ils nous permettent de comprendre
22 pourquoi il était impossible que Lukic apporte une contribution
23 considérable et permette de réaliser tout objectif criminel commun, et
24 pourquoi également la Chambre de première instance a commis une erreur en
25 les écartant, ces documents, et en les déclarant non authentiques.
26 Au paragraphe 1 129 du Volume III, le jugement avance que Lukic, même s'il
27 était au courant des événements sur le terrain, a toutefois continué à
28 donner l'ordre au MUP de s'engager dans des opérations conjointes avec la
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1 VJ et a utilisé cela pour avancer que ses ordres pour prévenir le mauvais
2 traitement des civils n'étaient pas authentiques. Il n'y a aucun élément de
3 preuve cité corroborant que Lukic avait bel et bien l'autorité pour donner
4 des ordres au MUP et pour lui ordonner de continuer à être engagé dans des
5 opérations conjointes. Bien au contraire, il y a de nombreux éléments de
6 preuve au dossier qui indiquent que Lukic n'avait pas cette autorité du
7 commandement supérieur ou le contrôle effectif.
8 Lukic n'avait pas cette autorité lui permettant de punir ou de prendre des
9 mesures disciplinaires contre tout membre du MUP directement. Cela est
10 accepté dans le jugement au paragraphe 1 049 du Volume III. Il est, par
11 conséquent, inconcevable qu'il soit dit que Lukic avait l'autorité du
12 commandement sur le MUP alors que le jugement confirme qu'il n'avait pas le
13 pouvoir pour sanctionner, pour punir. Sans ce pouvoir, il ne pouvait
14 absolument pas avoir un contrôle effectif.
15 Par conséquent, les éléments de preuve indiquent que Lukic ne pouvait pas
16 diligenter ou lancer des procédures criminelles contre les membres de la
17 police, paragraphe 3 [comme interprété] du document 6D1613.
18 Les éléments de preuve indiquent que Lukic n'était pas autorisé à prendre
19 des décisions dans le cadre de procédures disciplinaires contre les membres
20 de la police, pièces 6D1613, 6D1340, ainsi que la déposition du Témoin
21 Cvetic, pages 8 152 et 8 153 du compte rendu d'audience.
22 Les éléments de preuve que nous venons de citer démontrent que les
23 supérieurs au sein de la police n'avaient pas l'obligation d'informer
24 Lukic, ne devaient pas demander son approbation pour diligenter des
25 procédures disciplinaires contre leurs officiers de police subordonnés.
26 Donc, Lukic n'avait aucun rôle quel qu'il soit, et nous voyons qu'il a été
27 exclu, et cela a été avéré par les pièces 6D133 et 6D1342, le MUP au niveau
28 de la république avait énoncé les réglementations en vigueur pour que
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1 soient diligentées des poursuites disciplinaires en temps de guerre, et il
2 n'avait pas été prévu qu'il soit informé.
3 Il y a un autre facteur qu'il faut prendre en considération, Lukic n'avait
4 même pas l'autorité pour réaffecter un membre de la police ou pour
5 l'écarter, et il s'agissait même des membres de son propre état-major; la
6 pièce P1884 le démontre. Et les pièces P1885 et P1886 démontrent que même
7 lorsque des officiers des SUP étaient remplacés et de nouvelles personnes
8 nommées, ces décisions émanaient non pas de Lukic mais du ministre adjoint
9 et du chef de la sécurité publique, Djordjevic.
10 Il faut savoir également que la Chambre n'a pas fait de différence entre la
11 période précédant la campagne de bombardement de l'OTAN et la période de la
12 campagne de bombardement, elle n'a pas pris en considération le fait que
13 Lukic n'avait aucune marge de manœuvre pour avoir une autorité de
14 commandement étant donné que pendant la guerre l'assistant du ministre et
15 le commandant de toutes les PJP, à savoir le général Obrad Stevanovic, qui
16 était également le chef de l'administration de la police, était sur le
17 terrain au Kosovo pendant toute la durée de la guerre et était sur le
18 terrain avec ces unités PJP. Cela peut être vu dans le document P948, la
19 déposition de Mijatovic, page 22 255; la déposition de Vucurevic, 23 064;
20 nous avons également le témoignage d'Ilic, page 24 418, entre autres.
21 Et cette erreur a été commise en dépit du fait que le jugement reconnaît
22 qu'Obrad Stevanovic et Vlastimir Djordjevic étaient les seuls officiers du
23 MUP présents en matière lorsqu'il était question de la resubordination ou
24 du rattachement du MUP à la VJ lorsque cela était en jeu, ce n'était pas
25 Lukic dont il s'agissait. Prenez le paragraphe 1 170 du Volume I.
26 Les éléments de preuve sont très clairs et déterminent que Lukic n'a
27 absolument pas participé à la rédaction de ce plan global, plan visant la
28 suppression du terrorisme. La Chambre de première instance le confirme au
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1 paragraphe 1 021 du Volume III. Après avoir conclu cela, la Chambre de
2 première instance a commis une erreur en attribuant à Lukic un rôle de
3 commandement dans le cadre de ce plan global, paragraphes 985, 1 058 et 1
4 051 du Volume III.
5 Toutes les activités antiterroristes en 1998 ont été exécutées dans
6 le cadre du plan global et c'est un modus operandi qui a également été
7 utilisé en 1995 [comme interprété].
8 Donc, Lukic n'avait pas de rôle lors de la planification de ces
9 actions antiterroristes de la VJ ou de la police. Cela a été confirmé par
10 de nombreux témoins de la police, de la VJ également, mais de façon plus
11 importante par le témoin, le colonel Djakovic, pages 26 536 à 26 538 du
12 compte rendu d'audience; 26 522 et 26 523. Pour ce qui est de la déposition
13 de M. Mijatovic, pages 22 197 et 22 198, et pour la déposition de M.
14 Adamovic, pages 24 976 et 24 977.
15 Lorsque l'on prend la globalité des éléments de preuve, il faut se
16 rappeler que la Loi relative à la Défense, et notamment l'article 16,
17 dispose qu'en temps de guerre l'armée commande toutes les activités de
18 combat. Il n'y avait aucune marge de manœuvre pour Lukic tout simplement.
19 Pièce P985.
20 Et, en dernier lieu à propos de ce sujet, j'aimerais mettre en
21 exergue le fait que le jugement attribue de façon tout à fait erronée un
22 rôle absolument capital à Lukic en matière de communication entre Belgrade
23 et Kosovo, paragraphe 1 059 du Volume III. Toutefois, cela contredit
24 parfaitement les autres conclusions qui résument les éléments de preuve.
25 Par exemple, le paragraphe 1 090 du Volume III, confirme que vous aviez les
26 règles du MUP - cela est expliqué à la pièce P1044 - et que les sept SUP
27 qui se trouvaient sur le territoire du Kosovo devaient envoyer leurs
28 rapports et leurs détails directement à Belgrade et à l'état-major du MUP.
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1 Il est donc absolument clair à la lecture de ceci que l'état-major de Lukic
2 ne recevait ces rapports que parallèlement et que, de toute façon, il
3 n'avait aucune information dont Belgrade ne disposait pas.
4 A propos de l'information relative aux crimes commis par le MUP et la
5 VJ, la Chambre dans son paragraphe 1 134 du Volume III s'est appuyée sur
6 une dépêche qui porte la date du 6 mai 1999, il est question d'un article
7 de presse qui a été envoyé au chef du SUP par l'état-major du MUP à la
8 suite d'une réunion qui eut lieu à Belgrade où, entre autres, étaient
9 présents Milosevic ainsi que Lukic. Toutefois, l'article en question ne
10 porte pas sur des allégations de crimes commis par le MUP, et il n'en a pas
11 été question lors de cette réunion avec Milosevic. Qui plus est, les crimes
12 en question faisaient déjà l'objet d'enquêtes tout à fait appropriées de la
13 part des autorités. Cette dépêche exhorte la police à agir dans le respect
14 absolu de la loi et de façon professionnelle à empêcher les personnes à
15 commettre ce type de crimes. Par conséquent, nous pouvons remettre en
16 question l'objectivité de la Chambre de première instance qui n'a pas
17 appliqué ou utilisé de façon idoine ce document.
18 La Chambre de première instance essaie également d'accorder une
19 importance considérable aux rapports quotidiens qui étaient envoyés par
20 l'état-major du MUP. Il ne s'agissait que de résumés des plus classiques
21 tout à fait routiniers qui s'inscrivent dans le cadre du travail tout à
22 fait normal de la police et qui reprenaient les rapports émis par les SUP,
23 et il est important de constater qu'ils ne contiennent aucune référence aux
24 crimes reprochés par l'acte d'accusation. De même, ces résumés, dans le
25 meilleur des cas, informaient Lukic d'enquêtes qui étaient déjà en cours
26 dont le but était de repérer les auteurs de crimes, ce qui n'est pas ce qui
27 est indiqué dans le jugement. Par conséquent, ces résumés ne pouvaient
28 fournir à Lukic qu'exactement le même type d'informations sur lesquelles
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1 s'est reposée la Chambre de première instance pour prononcer l'acquittement
2 du président Milutinovic.
3 En dernier lieu, au paragraphe 40 du Volume III, la Chambre de
4 première instance dit :
5 "…la confiscation et la destruction des documents d'identité
6 représentent les éléments de preuve les plus solides en l'espèce qui
7 montrent que les événements du printemps 1999 au Kosovo s'inscrivaient dans
8 un objectif commun."
9 Eu égard à la confiscation alléguée de ces documents d'identité, la Chambre
10 a commis une erreur en considérant que ces éléments de preuve étaient
11 importants. N'oublions surtout pas que le jugement confirme qu'une majorité
12 de témoins ont avancé que ces confiscations avaient lieu à la frontière -
13 paragraphe 32 du Volume III - et qu'il s'agissait d'une "majorité de
14 témoins", ce qui ne signifie pas pour autant la majorité des personnes qui
15 ont témoigné, parce que, comme nous le savons, seulement 26 témoins
16 albanais du Kosovo sur 62 ont indiqué qu'ils avaient assisté à ce type de
17 confiscation, et ils sont encore moins nombreux à avancer qu'ils ont eux-
18 mêmes été victimes de ce type de confiscation. Nous pouvons voir ces
19 éléments de preuve résumés dans le même paragraphe du jugement.
20 Cela n'est pas suffisant pour conclure un objectif criminel commun, et cela
21 n'est pas non plus suffisant pour avancer qu'il s'agit d'éléments de preuve
22 solides justifiant un objectif commun, comme le conclut la Chambre dans son
23 paragraphe 40. Quoi qu'il en soit, cette erreur pour Lukic est aggravée par
24 le fait que la Chambre a accepté qu'il n'avait absolument pas d'autorité
25 sur les postes de police frontaliers, où apparemment se sont déroulés ce
26 type de confiscation, conclusion du paragraphe 1 075 du Volume III.
27 Il faut également savoir que les éléments de preuve font état d'allégations
28 de ce type de confiscations qui se sont produits à l'un des postes
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1 frontaliers alors qu'il y en avait en tout six.
2 La Chambre de première instance a commis une erreur, car, en fait, il faut
3 savoir - et cela se trouve à la pièce 1D226 - que la Loi relative à la
4 citoyenneté yougoslave stipule qu'en cas de perte des documents d'identité,
5 cela ne signifie pas qu'il y a destruction ou annulation de la citoyenneté
6 de l'individu qui a perdu ses documents. Et vous entendrez comment Lukic a
7 fait des efforts pour délivrer de nouveaux passeports à quelque 220 000
8 Albanais du Kosovo après la période de l'acte d'accusation.
9 Je voudrais maintenant aborder nos arguments qui portent sur les
10 circonstances atténuantes au titre de l'article 101(B)(ii). Les arguments
11 relatifs à cette partie de notre appel se trouvent dans notre mémoire, et
12 je précise que le jugement prononce une conclusion erronée de culpabilité à
13 laquelle s'ajoute l'erreur dans le cadre de l'application des critères sur
14 les circonstances atténuantes. Donc, nous estimons que Lukic a le droit, au
15 moins, de se voir réduire de manière considérable la peine. Trois facteurs
16 pourraient s'appliquer au niveau des circonstances atténuantes. Et ces
17 facteurs sont : tout d'abord, que Lukic s'est rendu volontairement et qu'il
18 a accordé son entretien; ensuite il a contribué à l'enquête et à l'ordre
19 public dans nombre de cas qui sont liés aux crimes commis contre des civils
20 albanais, y compris certains crimes visés à l'acte d'accusation; et,
21 troisièmement, il s'agit de son état de santé détérioré et de ses
22 circonstances personnelles.
23 A ce stade, je voudrais souligner l'erreur la plus frappante de la Chambre
24 de première instance dans son Volume III, à savoir que Lukic se voit
25 attribuer des circonstances atténuantes dont il n'est pas tenu compte dans
26 le cadre de la peine par rapport à ce qui est prononcé contre les autres
27 co-accusés, Volume III, paragraphe 1 275 [comme interprété]. Cela enfreint
28 la raison même de l'article 101(B)(ii).
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1 Le jugement au paragraphe 115 [comme interprété] Volume III reconnaît qu'au
2 titre de la jurisprudence une coopération volontaire doit être reconnue en
3 tant que circonstance atténuante. La Chambre de première instance, à notre
4 sens, a commis une erreur et a agi de manière injuste vis-à-vis de Lukic en
5 le privant de reconnaissance de circonstances atténuantes pour sa reddition
6 volontaire et l'audition qu'il a accordée à l'Accusation. Pendant qu'il est
7 reconnu de manière correcte que le co-accusé Lazarevic avait droit à des
8 circonstances atténuantes pour sa reconnaissance volontaire, Volume III,
9 paragraphe 1 200, la Chambre de première instance, Volume III, 1 204,
10 considère que Lukic ne doit pas se faire reconnaître les circonstances
11 atténuantes pour sa reddition volontaire. La seule raison qui est citée par
12 la Chambre sont ses décisions précédentes sur la mise en liberté
13 provisoire, qui ne prennent pas en compte l'ensemble des éléments de preuve
14 ni la jurisprudence dominante.
15 De manière analogue, tout comme l'entretien accordé par Lazarevic, la
16 Chambre correctement qualifie cela comme constituant une coopération
17 importante, et elle est reconnue au Volume III, paragraphe 1 198. Pour ce
18 qui est de Sreten Lukic, qui a accordé son entretien même avant que l'acte
19 d'accusation ne soit dressé contre lui pour quel que crime que ce soit et
20 sans quelle que réserve que ce soit, sans aucune limitation, sans être
21 représenté par un conseil, Volume III, paragraphe 1 202, la Chambre ne
22 reconnaît pas cela comme constituant un cas de contribution importante et
23 ne reconnaît pas cela comme circonstance atténuante.
24 Je voudrais maintenant parler de contribution de Sreten Lukic à l'ordre
25 public. Volume III, paragraphe 1 205, la Chambre constate qu'indépendamment
26 des circonstances atténuantes personnelles constatées pour M. Lukic, eh
27 bien, qu'il devait se voir prononcée à son encontre la même peine que les
28 autres co-accusés pour lesquels il a été constaté qu'ils ont été membres de
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1 la même entreprise criminelle commune.
2 Pour ce qui est de Lukic, des éléments de preuve importants montrent qu'il
3 a travaillé dans le cadre de son mandat à différents postes au sein du MUP
4 après 1999 pour contribuer à la paix et à la réconciliation, pour rétablir
5 l'ordre et faire régner la loi, ainsi que d'apporter la justice à
6 l'ensemble des victimes des crimes, y compris les Albanais. Même si le MUP
7 serbe s'est retiré du Kosovo, après sa nomination à la tête du département
8 chargé d'émettre des pièces d'identité, Lukic a cherché à faciliter la
9 délivrance de nouveaux documents d'identité aux Albanais kosovars par le
10 biais d'un bureau à Pristina jusqu'à ce que le chef de ce bureau ne soit
11 assassiné par l'ALK. Nous avons la déposition de Dujkovic, 23 367 du compte
12 rendu d'audience. Lukic a ensuite ouvert une antenne de ce bureau pour
13 continuer ce travail à Nis, la ville la plus importante proche de Pristina.
14 Les éléments de preuve montrent que la plupart de ces personnes qui se sont
15 fait délivrer des documents étaient des Albanais. Et nous savons cela grâce
16 à la déposition de Dujkovic, pages 23 367 jusqu'à 23 368 du compte rendu
17 d'audience. Comme je l'ai déjà dit, de cette manière, plus de 220 000
18 nouveaux passeports ont été délivrés aux Albanais kosovars très rapidement
19 après la guerre pendant que Lukic travaillait dans ce département. Et nous
20 avons cela aux pages du compte rendu d'audience 14 447 jusqu'à 48.
21 Après l'éviction de Milosevic, Lukic a été nommé par les autorités
22 démocratiques en qualité de chef du département de la sécurité publique et
23 a ainsi obtenu davantage de pouvoirs. A l'époque, se fondant sur des
24 rapports des médias, Lukic a été le fer de lance de ce processus au cours
25 duquel des enquêtes de grande échelle et sans restriction ont été demandées
26 au MUP quant aux charniers et aux crimes de guerre datant de la guerre du
27 Kosovo. Et je renvoie les Juges de la Chambre d'appel aux paragraphes 1 464
28 à 1 485 de notre mémoire en clôture qui résume notre position sur ce sujet.
Page 521
1 Lukic a également promu et facilité la coopération entre le MUP et le TPIY
2 dans les enquêtes déjà en cours. Ceci figure aux paragraphes 1 486 à 1 507
3 de notre mémoire en clôture. Tout ce qui concerne ce sujet y est résumé.
4 Ceci, Lukic l'a fait malgré l'impopularité de telles actions alors que des
5 menaces intentées à sa vie et sa sécurité aient été proférées, notamment
6 lorsqu'il a mis en place un Groupe de travail chargé d'enquêter sur les
7 allégations de dissimulation d'atrocités perpétrées contre des Albanais. Je
8 renvoie à la page 5 228 du compte rendu, déposition du Témoin K84. En
9 effet, des témoins tant à charge qu'à décharge ont dit que Lukic avait joué
10 un rôle à part entière dans les efforts déployés afin de mettre au jour les
11 crimes commis au Kosovo et afin de promouvoir la justice, y compris au
12 moyen de la coopération avec le TPIY; déposition du Témoin K84, pièce 6D2,
13 Zivkovic, Kostic et Furdulovic.
14 Lukic a lancé un projet dont l'objectif était de rassembler toute la
15 documentation du Kosovo afin de sauvegarder les informations et d'apporter
16 ainsi un concours aux procès des auteurs de crimes qui seraient menés même
17 après la guerre. Témoin Kostic, page numéro 24 104 du compte rendu
18 d'audience.
19 De plus, Lukic s'est efforcé ou a au moins essayé de résoudre les tensions
20 existant au sud de la Serbie en mettant au pied une nouvelle police
21 multiethnique comprenant des Albanais. Témoin Dujkovic à la page numéro 23
22 369 du compte rendu, et Témoin Zivkovic à la page 24 685 du compte rendu
23 d'audience, ces deux témoins ont déposé à ce sujet. Et la Chambre de
24 première instance, en effet, a reconnu tout cela. Au Volume III, paragraphe
25 1 202, elle a conclu que :
26 "…Lukic a contribué au maintien de l'ordre public dans toute une série de
27 cas liés aux crimes reprochés dans l'acte d'accusation, et la Chambre, par
28 conséquent, prendra ceci en considération au titre de circonstances
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1 atténuantes dans la détermination de sa peine."
2 Cependant, la Chambre n'a pas été jusqu'au bout de son propre raisonnement
3 et de sa propre conclusion. Sa négation de certaines circonstances
4 atténuantes est inadéquate. Cela n'envoie pas non plus le bon message et
5 risque d'étouffer dès le départ les efforts d'autres personnes envisageant
6 de sacrifier leur intérêt propre à la promotion de la loi et de l'ordre. Si
7 un individu qui met sa vie en jeu afin d'enquêter sur des crimes et de
8 traduire en justice les auteurs ne se voit pas accorder de circonstances
9 atténuantes et s'il est puni de la même façon que d'autres qui n'ont pas
10 fait de tels efforts, où dans ce cas est la justice et quel est le sens de
11 l'article 101(B)(ii) ?
12 En l'espèce, Sreten Lukic a personnellement pris l'initiative lorsqu'il est
13 arrivé à un poste au sein de la police où il pouvait le faire, de faire
14 diligenter des enquêtes sur les crimes, y compris ceux reprochés dans
15 l'acte d'accusation en l'espèce, et il a été le fer de lance de la
16 coopération entre la Serbie et le Tribunal dans ses premières étapes. Il
17 convient de noter que c'est sous la direction de Lukic que le MUP de Serbie
18 a procédé aux premiers arrestations et transfèrements d'accusés du TPIY -
19 en tout, il y en a eu huit - et que sept autres accusés ont été transférés
20 au Tribunal après leur reddition volontaire.
21 Je voudrais maintenant passer à l'état de santé de M. Lukic qui est
22 diminué. Premièrement, il apparaît au vu du jugement que la Chambre de
23 première instance n'a pas examiné toutes les écritures pertinentes
24 lorsqu'au paragraphe 1 202 du Volume III, elle a indiqué :
25 "La Chambre a réexaminé la documentation pertinente versée au dossier
26 du procès mais ne considère pas que l'état de santé de Sreten Lukic soit
27 tel qu'il puisse constituer une circonstance atténuante dans la
28 détermination de sa peine."
Page 523
1 L'examen auquel la Chambre de première instance s'est livrée s'est limité à
2 des complications de faible gravité de son état de santé. Je vous renvoie
3 aux écritures citées en note de bas de page. La Chambre a porté son
4 attention aux problèmes de dos et aux problèmes dentaires de M. Lukic, mais
5 a ignoré des problèmes de santé très graves qui ont nécessité deux
6 interventions de chirurgie cardiaque avant la reddition de M. Lukic. L'une
7 de ces interventions consistait en la résection d'un anévrisme de l'aorte
8 ascendante avec insertion de greffon; et l'autre, le remplacement de la
9 valvule aortique en 2002 [comme interprété], considéré comme l'une des
10 interventions invasives les plus lourdes en chirurgie cardiaque.
11 La gravité de l'erreur commise par la Chambre de première instance
12 est illustrée de façon éclatante par les informations que la présente
13 Chambre d'appel a maintenant devant elle. L'annexe B à notre mémoire en
14 appel montre quel était l'état médical de l'accusé et les problèmes graves
15 qui ont affecté son traitement depuis son arrivée au Tribunal. Vous avez
16 maintenant au dossier les écritures aux fins de mise en liberté provisoire
17 émanant de professionnels médicaux de la Serbie en date des 13 février et
18 21 janvier 2013, respectivement, où il apparaît clairement que :
19 "Le taux de survie des patients souffrant d'isolement social et de
20 maladie coronarienne est deux fois moins élevé que celui des patients
21 socialement intégrés à court terme … des étudies suédoises ont démontré que
22 le taux de survie à dix ans des patients souffrant de maladie coronarienne
23 était trois fois plus important chez les patients intégrés socialement que
24 chez ceux souffrant d'isolement."
25 La Chambre d'appel devrait donc conclure que cette peine
26 d'emprisonnement de 22 ans prononcée contre M. Lukic est, de fait, une
27 peine d'emprisonnement en vie au vu des statistiques épidémiologiques mises
28 en avant par les professionnels médicaux. Ceci devrait être envisagé comme
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1 une circonstance atténuante et pris en compte.
2 A ce stade, Madame et Messieurs les Juges, je ne sais pas si vous
3 souhaitez faire une pause anticipée ou si je dois passer la parole à mon
4 confrère.
5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Eh bien, je crois qu'il est
6 préférable de faire la pause dès maintenant et de reprendre nos débats à 12
7 heures moins le quart.
8 --- L'audience est suspendue à 11 heures 11.
9 --- L'audience est reprise à 11 heures 45.
10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, conseil de M. Lukic. Vous pouvez
11 reprendre.
12 M. LUKIC : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges.
13 Je vais vous épargner mon lourd accent en anglais, et je vais continuer en
14 B/C/S. Vous allez recevoir une interprétation que j'estime appropriée.
15 Tout d'abord, je voudrais aborder ou faire une petite digression. Mon
16 confrère, Me Ivetic, a mentionné entre autres deux personnes : Obrad
17 Stevanovic et M. Djordjevic. Nous voudrions indiquer à l'intention des
18 Juges de cette Chambre que les deux personnes en question, pendant toute
19 cette période en 1998 et 1999, avaient été les supérieurs hiérarchiques de
20 M. Sreten Lukic.
21 Et, à présent, je me propose d'aborder certaines des erreurs de faits
22 qui se situent au niveau du jugement rendu s'agissant de notre client. Vous
23 avez déjà entendu parler de ce même sujet par les autres conseils de la
24 Défense s'agissant des autres appelants.
25 La Défense estime que le pratique établie devant ce Tribunal est celle de
26 voir la Chambre d'appel intervenir lorsqu'il est clair que la Chambre de
27 première instance a commis bon nombre d'erreurs de faits et de droit. Nous
28 n'allons pas seulement mentionner l'opinion dissidente du Juge Morrison
Page 525
1 pour ce qui est de l'arrêt dans l'affaire Milan et Sredoje Lukic,
2 paragraphe 8, mais nous allons mentionner également l'arrêt dans l'affaire
3 Kordic et Cerkez, paragraphes 18 et 19, tout comme le jugement rendu dans
4 l'affaire Blaskic.
5 Dans notre mémoire en appel, nous n'avons fait que mentionner
6 partiellement certaines des erreurs parce qu'il a fallu tenir compte du
7 nombre de mots limités pour ce qui est donc de mentionner des moyens
8 d'appel autres que la Défense a considéré importants. Donc, la taille des
9 erreurs commises dans notre mémoire en appel n'indique pas l'envergure
10 réelle des erreurs commises. Et nous allons maintenant faire état des
11 erreurs constatées au Volume III du jugement. Et nous indiquerions que les
12 constatations et conclusions dans 45 paragraphes de ce Volume III, ce qui
13 constitue pratiquement le quart des paragraphes qui se rapportent à mon
14 client, se fondent sur des citations erronées, inexactes, inconséquentes,
15 et incomplètes de pièces à conviction, et plus précisément, il s'agirait de
16 194 pièces à conviction erronément analysées de cette façon. Alors, ce fait
17 ne peut et ne doit être ignoré. Le jugement rendu ne reflète pas la
18 situation de faits, et c'est la raison pour laquelle il apparaît avec
19 évidence que la Chambre de première instance, du fait de ces erreurs, a
20 tiré des conclusions erronées en matière de droit pour ce qui est du rôle
21 joué par Sreten Lukic et des erreurs erronées, par conséquent, sur sa
22 responsabilité.
23 Le caractère massif et la teneur desdites erreurs placent hors
24 vigueur en grande mesure les conclusions tirées par cette Chambre de
25 première instance.
26 Cette Chambre pullule de constatations et de conclusions qui
27 renvoient le lecteur vers des notes de bas de page, et à la lecture des
28 éléments de preuve de ces notes de bas de page, en termes simples, cela
Page 526
1 n'étaye guère les constatations et conclusions figurant dans les
2 paragraphes du jugement rendu.
3 A la lecture de ce jugement en tant que tel, cela fait sens; mais
4 cela ne fait pas sens si l'on indique les constatations et conclusions des
5 Juges de la Chambre par procédé de vérification, au vu de la teneur des
6 notes de bas de page. Ceci s'est donc soldé par une grande injustice à
7 l'égard de mon client parce que compte tenu du fait de ces erreurs aussi
8 nombreuses, il y a des erreurs de droit de commises pour ce qui est de la
9 responsabilité de mon client. Et nous avons réparti aujourd'hui ces erreurs
10 en plusieurs groupes. Le premier groupe, ce sont les erreurs qui se
11 rapportent aux aperçus des événements au quotidien établis par l'état-major
12 du MUP au Kosovo. Ces aperçus ont été faits partant des rapports qui ont
13 été communiqués par les différents SUP au Kosovo, et comme on a pu
14 l'entendre dire, ces mêmes rapports, en parallèle et en premier lieu,
15 avaient été envoyés au siège du MUP à Belgrade, alors que l'état-major du
16 MUP à Pristina ne les recevait que pour information en parallèle.
17 Et bien que dans la source d'origine on dit bien qu'il s'agit d'un
18 aperçu, les Juges de la Chambre de première instance persiste à les appeler
19 rapports, et la différence est substantielle. Les rapports des SUP étaient
20 déjà partis au siège du MUP à Belgrade. Le QG du MUP, c'est un organe
21 auxiliaire. On peut le voir dans bon nombre de documents, cela, où l'on a
22 indiqué quels sont les documents émanant de ce QG ou état-major. Alors, ces
23 aperçus sont utilisés par les Juges de la Chambre comme pièces à conviction
24 pour ce qui est des conclusions à tirer au sujet de différentes questions
25 et attributions et rôle de Lukic en sa qualité de chef d'état-major.
26 Mais de règle, la Chambre de première instance tente de prouver le
27 contraire de ce que ces rapports montrent, en fait. Parce que dans sa
28 constatation ou conclusion de ces aperçus, au paragraphe 1 059 du Volume
Page 527
1 III, la Chambre se réfère à la note de bas de page 2657 pour constater :
2 "Le nom de Lukic se trouve être imprimé à la fin de chaque rapport, mais
3 ces rapports, il ne les a pas signés physiquement parlant."
4 Et en dépit des conclusions de cette nature, dans son paragraphe en
5 clôture et en conclusion, la Chambre de première instance - et je vous
6 renvoie au paragraphe 1 123 du Volume III - on indique comment ces rapports
7 ont été rédigés et ce que Lukic savait au sujet des événements au Kosovo.
8 Et on y dit :
9 "Ils ont par la suite été rassemblés pour faire un rapport général que
10 Lukic signait et envoyait vers le MUP à Belgrade."
11 La constatation au terme de laquelle Lukic avait signé et envoyé se trouve
12 être directement opposée à la constatation antérieure des Juges de la
13 Chambre, où il a été dit que Lukic n'avait pas physiquement signé ces
14 rapports.
15 Dans plusieurs paragraphes, les Juges de la Chambre indiquent ces
16 rapports comme éléments de preuve pour dire que Lukic avait des
17 connaissances à ce sujet et qu'il avait constitué un maillon important dans
18 la rédaction de ces rapports en indiquant que les rapports avaient été
19 signés par lui. Mais le fait est qu'aucun de ces rapports n'a été signé de
20 la main de Lukic pour une bonne raison, qui est celle de préciser que ces
21 rapports n'avaient pas tous été en possession de Lukic; ça avait été une
22 tâche routinière de l'analyste au QG de Pristina. Il s'agissait de Desimir
23 Slovic jusqu'au bombardement, et suite à blessure de ce dernier lors du
24 bombardement de Pristina par le pacte de l'OTAN à la fin du mois, il a été
25 remplacé, lui, par Vojislav Gucic. Les rapports que Sreten Lukic a pu voir
26 n'ont pu que l'informer du fait que des délits au pénal avaient été décelés
27 et poursuivis en justice de façon convenable, et ceci se rapporte à des
28 rapports qui n'ont pas tous été présentés dans cette affaire, bien que nous
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1 les ayons confiés au Procureur, du premier au dernier, et nous avons une
2 trentaine de rapports de ce type. Et dans chacun des rapports, il est dit
3 que des délits au pénal ont été constatés et poursuivis en justice.
4 Alors, le jugement se fonde sur une interprétation erronée de ces
5 aperçus dans un grand nombre de paragraphes. Tout ceci se rapporte au
6 Volume III, paragraphe 1 053; 48 rapports en note de bas de page 2639; 26
7 rapports dans la note de bas de page 2640; 22 rapports à la note de bas de
8 page 2641; le paragraphe 1 054, quatre rapports dans des notes de bas de
9 page allant de 2654 à 2648; puis le paragraphe 1 090, qui précise qu'il
10 s'agit de la pièce 6D1246; puis le paragraphe 1091, qui se réfère au
11 6D1239 à trois reprises; le 1 094 se réfère au 6D1242 et à la pièce P1693;
12 le paragraphe 1 096 cite 16 rapports indiqués en note de bas de page 2751;
13 puis le paragraphe 1 123 fait référence à huit rapports en note de bas de
14 page 2824; et le paragraphe 1 124 cite 16 rapports en note de bas de page
15 2826.
16 On voit que dans huit paragraphes, on a cité 146 rapports au sujet
17 desquels les Juges de la Chambre de première instance indiquent que c'est
18 Lukic qui les a signés, et ce qui n'est confirmé par aucun des rapports.
19 Alors, cette quantité massive fournit une fausse image du rôle joué par
20 Lukic pour ce qui est de ses attributions, de sa connaissance des crimes
21 commis, et cetera. Et il est question de délits au pénal qui ont été
22 poursuivis en justice, les auteurs ont été arrêtés, il y a des enquêtes de
23 diligentées, et cetera.
24 Le groupe suivant, ce sont des erreurs pour ce qui est des conclusions
25 tirées par les Juges de la Chambre, où il est dit que Lukic avait donné des
26 ordres, des instructions, et cetera, et qu'il les avait signés en personne,
27 chose qui est démentie par les éléments de preuve pris à la source auxquels
28 les Juges de la Chambre se réfèrent. Aucun de ces documents n'a été
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1 physiquement signé par Lukic, mais par quelques membres du QG ou par
2 certains généraux de Belgrade qui sont venus au Kosovo pour utiliser les
3 locaux du QG et l'en-tête du chef de ce QG.
4 Avec la pièce à conviction 6D874 indiquée à la note de bas de page
5 2528, paragraphe 1 005 du Volume III, la Chambre de première instance
6 indique ce qui suit :
7 "La Chambre constate que la dépêche, quand bien même ce n'est pas
8 Lukic qui l'a signée, a quand même été envoyée du QG en son nom. Il n'y a
9 aucune précision qui indiquerait que la dépêche n'avait pas été approuvée."
10 Contrairement à ceci, il y a un témoignage de Gvozden Gagic qui a
11 expliqué la totalité de la procédure de rédaction et d'expédition de ce
12 document pour indiquer clairement que Sreten Lukic, non seulement n'a pas
13 participé à la rédaction de celui-ci, mais n'a pas été même informé de
14 l'expédition de ce document depuis l'adresse du QG, et on ne lui a pas non
15 plus demandé son approbation pour ce qui était de l'envoyer. On lui a
16 expliqué qu'une autre personne avait signé le document en question, bien
17 qu'à la fin du document on ait mis le nom de Sreten Lukic. On peut voir
18 ceci au compte rendu d'audience, page 24 476, ligne 24, et ceci, jusqu'à la
19 page du compte rendu 24 478, ligne 13.
20 Donc, il ne fallait aucune décision ou approbation de Sreten Lukic
21 pour que quelque chose soit envoyé du QG du MUP. C'était la seule adresse à
22 partir de laquelle son supérieur hiérarchique s'adressait ailleurs, à
23 savoir Obrad Stevanovic, lorsqu'il était à Pristina et lorsqu'il n'était
24 pas sur le terrain aux côtés des unités de la PJP.
25 Des erreurs similaires dans les conclusions de la Chambre peuvent
26 être retrouvées dans les paragraphes suivants et pièces à conviction : je
27 parle encore du Volume III, paragraphe 988, pièces à conviction 6D690 et
28 P2528; ensuite, paragraphe 1 004, pièce à conviction 6D237; paragraphe 1
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1 005, pièce à conviction 5D1289; paragraphe 1 093, pièce à conviction 6D874;
2 paragraphe 1 093, pièces à conviction 6D874 et 6D876; ensuite, paragraphe 1
3 095, pièce à conviction 5D1289. Par conséquent, dans ces six paragraphes,
4 la Chambre adopte des conclusions erronées pour ce qui est de neuf pièces à
5 conviction.
6 Le groupe suivant d'exemples de preuves pour ce qui est de citation
7 inexacte, incomplète ou inconséquente, ou d'interprétation inexacte,
8 incomplète et inconséquente, c'est la chose suivante : du fait du nombre
9 massif de ces erreurs, la Chambre a tiré des constations et conclusions
10 erronées, et la règle veut que ces constatations et conclusions se sont
11 faites au détriment de Sreten Lukic. Parce que si la Chambre avait à juste
12 titre utilisé les preuves en question, on pourrait raisonnablement
13 s'attendre à des conclusions qui iraient à l'avantage de la Défense de
14 Lukic.
15 Par exemple, au 1 031 du Volume III, la Chambre dit que Lukic avait
16 mentionné que prétendument dans le secteur de Jablanica, il y avait des
17 fosses communes, et on cite à ce titre la pièce P1468, page 134. Au
18 paragraphe suivant, le 1 032, on dit que l'exemple précédent a bien montré
19 que Lukic était informé des activités du MUP, ce qui devrait signifier que
20 cette fosse commune était le résultat des interventions effectuées par les
21 effectifs de l'Etat. Or, la preuve à laquelle se réfère la Chambre ne
22 prouve pas chose pareille. Au contraire. Bon nombre de pièces à conviction
23 montrent que Jablanica était sur un territoire contrôlé par l'UCK, et qu'à
24 Jablanica il y avait un QG de l'UCK. Lukic, donc, démontre qu'il s'agit de
25 crimes commis par l'UCK. Le 5D1307, puis le 4D137, le 4D140.
26 Devant ce Tribunal, on a même condamné Brahimaj pour certains crimes
27 commis à Jablanica, du reste. Puis, au paragraphe 1 056, la Chambre
28 indique, et je précise qu'il s'agit du 6D1239, on parle de corps de civils
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1 non identifiés qu'on a retrouvés, mais ce qui est tout à fait contraire à
2 la pièce à conviction originale, où il est dit que dans la zone des
3 activités des forces terroristes siptar, on a retrouvé des corps non
4 identifiés d'hommes et qu'on a informé de la chose le juge d'instruction.
5 Donc la Chambre a omis la définition principale qui est celle, dans la zone
6 des activités des forces terroristes siptar, qui parle de la connaissance
7 qu'avait eue Lukic du fait qu'il s'agissait de corps de personnes qui
8 avaient péri au combat. Le terme d'hommes non identifiés est modifié pour
9 parler de corps de personnes civiles.
10 Au paragraphe 1 054 du Volume III, la Chambre indique qu'à la pièce à
11 conviction 6D808, il est dit que l'on avait tenu à jour un registre
12 concernant le nombre des Albanais qui quittaient le Kosovo. Mais si on lit
13 le document et ce qu'il dit, on peut voir qu'on demande dans ce document la
14 communication de bon nombre de renseignements, et, entre autres, la
15 communication de renseignements relatifs à des personnes du groupe ethnique
16 albanais et autres communautés ethniques qui ont quitté le Kosovo. Donc la
17 Chambre, sciemment, fait une citation erronée des éléments de preuve pour
18 montrer que Lukic avait demandé un registre qui ne se rapporterait qu'aux
19 Albanais, alors qu'il n'est pas exact puisqu'il a demandé des
20 renseignements au sujet des personnes qui avaient quitté le Kosovo.
21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Lukic, je crois que le
22 temps qui vous a été alloué vient de prendre fin.
23 M. LUKIC : [interprétation] Si c'est cela, je vais vous demander juste une
24 minute pour avoir la possibilité de remercier Mme et Messieurs les Juges.
25 Pour tout ce qui vient d'être énoncé dans notre mémoire en appel ou dans ce
26 qui a été dit en réponse au mémoire de l'Accusation, en plus de ce que nous
27 avons souligné dans nos propos en clôture, nous allons demander aux Juges
28 de la Chambre de prononcer un arrêt d'acquittement. Nous tenons à remercier
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1 les Juges de la Chambre d'avoir prêté une oreille attentive à nos propos,
2 et de bien vouloir aussi prendre en considération ce que nous avons dit.
3 Nous espérons donc que vous allez remédier aux erreurs que nous avons
4 indiquées et que vous allez rendre un jugement d'acquittement pour ce qui
5 est de notre client. Merci.
6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Grand merci.
7 Une chose seulement que je voudrais vous demander à titre
8 d'éclaircissement, c'est ce qui figure en page 47, ligne 5, vous y parlez
9 d'un cas de figure où il a été procédé à l'identification de corps de
10 civils. Je me demande si c'est bien ce que vous avez dit s'agissant de 287
11 individus qui ont été tués à Djakovica ?
12 M. LUKIC : [interprétation] Je m'excuse, je me suis peut-être mal exprimé.
13 Je ne pense pas qu'il s'agisse de Djakovica. C'est de Jablanica qu'il
14 s'agit.
15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Grand merci.
16 Oui, le Juge Tuzmukhamedov a une question à poser.
17 M. LUKIC : [interprétation] Non -- enfin, j'allais m'asseoir, mais allez-y.
18 M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Vous savez, vous pouvez vous
19 asseoir ou rester debout. Je vous parle maintenant de la partie que vous
20 avez présentée en oral où vous avez évoqué des documents qui avaient servi
21 de base pour ce qui est de la pièce à conviction 6D614 et des affirmations
22 qui ont été faites concernant la valeur cruciale de ces documents. Est-ce
23 que vous pouvez expliquer davantage de quels documents vous avez parlé ici
24 ? Me suivez-vous, Monsieur l'Avocat ?
25 M. LUKIC : [interprétation] Oui, mais je crois que c'est mon co-conseil qui
26 pourra répondre à cette question.
27 M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Je crois, oui, que c'est plus
28 approprié parce que c'est lui qui a parlé de ces éléments dans sa
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1 présentation.
2 M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Eh bien, je voudrais savoir de
4 quels documents vous avez parlé, et pourquoi, de votre avis, ces documents
5 se trouveraient être cruciaux pour ce qui est de la défense présentée par
6 vous ? Vous avez également indiqué dans votre mémoire que du fait d'avoir
7 rejeté ces documents, les Juges de la Chambre de première instance ont
8 commis une erreur. Et j'aimerais que vous élaboriez en quoi consiste
9 l'erreur des Juges de la Chambre qui, de votre avis, serait survenue dans
10 leurs travaux. Merci.
11 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Je vais très
12 volontiers vous en parler. Le 6D614 est un ensemble de documents où Sreten
13 Lukic, en sa qualité de chef du MUP, après la guerre, avait demandé à ce
14 que ces documents soient rassemblés pour ce qui est des preuves existantes
15 au sujet des crimes commis, et on avait englobé là tous les témoignages
16 recueillis par les autorités pour aider les procureurs. Le 6D614 procède à
17 une catégorisation de cette documentation et montre que les crimes commis
18 avaient été investigués par les autorités et qu'il y avait eu des
19 préparatifs de faits pour le compte de l'accusation. Cela montre que, donc,
20 pendant la période de temps où il y a eu les frappes aériennes de l'OTAN au
21 Kosovo, le MUP de Serbie avait bel et bien enquêté et indiqué les noms des
22 membres de la police, de l'armée ou des citoyens ordinaires qui avaient
23 commis des crimes, y compris les crimes commis contre des Albanais. Alors,
24 ces documents -- le document 6D614 est un résumé. Ceci évoque les documents
25 qui ont été récupérés par notre client dans le cadre d'un projet qu'il
26 avait présidé pour montrer que le MUP avait fait son travail, que les
27 autorités avaient fait leur travail, que les tâches policières et les
28 enquêtes au sujet de crimes avaient été réalisées indépendamment de
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1 l'appartenance ethnique des victimes pour rassembler des éléments de preuve
2 susceptibles d'aider la poursuite en justice de ces individus.
3 Les témoins qui ont témoigné pour ce qui est de cette pièce 6D614, et
4 partant de la documentation utilisée, je dirais que les Juges de la Chambre
5 de première instance nous ont autorisés seulement à intégrer des références
6 émanant de la pièce 6D614 où les témoins ont parlé de connaissance
7 personnelle à ce sujet, sans autoriser les éléments de preuve documentaires
8 au complet qui montreraient la situation dans son ensemble, et cela
9 fournirait une image tout à fait différente. Une fois de plus, étant donné
10 les limitations du nombre d'heures et du nombre de témoins, nous n'avons
11 pas pu faire venir des témoins qui auraient eu des connaissances au sujet
12 de chacun des incidents qui ont fait l'objet d'investigation au Kosovo
13 pendant la période de temps des frappes aériennes de l'OTAN. Et je crois
14 que c'est là un élément critique de l'erreur qui a été commise.
15 M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Merci.
16 M. IVETIC : [interprétation] Merci de ma part.
17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bon, je ne vois pas qu'il y ait d'autres
18 questions posées par les Juges de la Chambre. Je voudrais vous remercier,
19 Monsieur Lukic.
20 Nous allons maintenant entendre la réplique de l'Accusation.
21 Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à tout
22 un chacun.
23 Le général Lukic a été un membre important de l'entreprise criminelle
24 commune. En tant que chef de l'état-major du MUP, il a commandé les unités
25 du MUP qui ont commis des crimes à une grande échelle au Kosovo en 1999. Il
26 a planifié et coordonné l'engagement des forces du MUP dans le cadre des
27 opérations conjointes avec la VJ partout sur le territoire de la province,
28 qui ont donné lieu à des crimes reprochés en l'espèce. Sur la base de cela
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1 et d'autres éléments de preuve, la Chambre a eu raison de constater que
2 Lukic a contribué de manière importante à l'entreprise criminelle commune,
3 qu'il a partagé l'intention des autres membres de la même entreprise
4 criminelle commune, à savoir Pavkovic et Sainovic.
5 Aujourd'hui, mon collègue M. Wood et moi-même, nous nous pencherons sur vos
6 questions portant sur l'actus reus et sur la mens rea au titre de la
7 responsabilité de l'entreprise criminelle commune. Moi, je me pencherai sur
8 la question 10 sur l'actus reus pour l'entreprise criminelle commune de la
9 première catégorie, et aussi je me pencherai sur votre question portant sur
10 la participation de Lukic au processus de désarmement. Mon collègue, M.
11 Wood, se penchera sur les questions de la Chambre portant sur la mens rea
12 pour les entreprises de première et de troisième catégories eu égard à
13 Lukic. Et nous allons également aborder quelques questions qui ont été
14 soulevées aujourd'hui par nos collègues de la Défense.
15 Pour tout le reste, nous nous appuyons sur ce qui a déjà été exposé
16 dans notre mémoire. Alors, un petit commentaire, si vous le permettez,
17 avant que je ne me penche sur vos questions. Alors, un commentaire sur le
18 critère d'examen en appel et sur l'appel de M. Lukic. Nous estimons,
19 Madame, Messieurs les Juges, que Lukic n'a pas contribué à ce processus en
20 appel par la teneur de son appel ou par son mémoire en réponse, ni par ses
21 arguments exposés aujourd'hui. Comme nous l'avons déjà présenté de manière
22 plus détaillée dans notre mémoire en réponse, de nombreuses questions qu'il
23 soulève ici constituent en fait les mêmes arguments qu'il a exposés pendant
24 le procès de première instance qui ont été examinés et rejetés par la
25 Chambre de première instance, rejetés dans son jugement. Faisant cela, il
26 ne démontre pas où se situent les erreurs de la Chambre. Il se contente de
27 prendre ce qui lui convient au niveau des éléments de preuve du dossier,
28 mais il ne tient pas compte de l'ensemble des éléments de preuve qui ont
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1 été examinés par la Chambre de première instance. Il souligne des
2 conclusions qui manquent de pertinence, il les prend hors contexte, et je
3 reparlerai de cela plus tard.
4 Il interprète de manière erronée le jugement, il l'a fait également dans
5 son mémoire en appel et il l'a refait aujourd'hui dans le prétoire. A titre
6 d'exemple, le paragraphe 1 049 du Volume III du jugement qui a été cité.
7 L'équipe de la Défense Lukic a fait valoir que dans ce paragraphe la
8 Chambre est arrivée à la conclusion que Lukic n'avait pas la possibilité de
9 discipliner les membres du MUP. En fait, ce n'est pas ce que nous dit le
10 paragraphe cité, le paragraphe 1 049. La conclusion de la Chambre, en fait,
11 est que les consignes données par Lukic en août 1998 et en février 1999
12 montrent qu'il avait de fait l'autorité de demander aux chefs des SUP, aux
13 secrétariats aux affaires intérieures, de mener à bien des enquêtes portant
14 sur les crimes commis, même si ce n'était pas lui qui avait amorcé les
15 procédures. Donc c'est une conclusion tout à fait différente de ce qui a
16 été présenté par mes confrères de la Défense ce matin.
17 Dans le mémoire de Lukic, nous voyons qu'il ne comprend pas les critères
18 d'examen en appel appliqués par le Tribunal. Cela montre aussi qu'il ne
19 comprend pas bien les conclusions qui figurent au jugement de la Chambre de
20 premier appel. Il ne s'agit pas ici de dire que la Chambre n'a pas pris en
21 compte les éléments de preuve de l'espèce, comme le fait valoir Lukic. En
22 fait, non seulement la Chambre a-t-elle pris en considération de manière
23 très attentive tous les éléments de preuve, mais elle a aussi examiné les
24 arguments en première instance de Lukic de manière très attentive, elle a
25 fourni des opinions motivées, des conclusions motivées, et s'est appuyée
26 sur l'ensemble des éléments de preuve.
27 Je vais maintenant me pencher sur la question numéro 10 :
28 "D'un point de vue de droit et eu égard aux conclusions spécifiques de la
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1 Chambre pour chaque appelant déclaré coupable au titre de l'entreprise
2 criminelle commune I, si l'actus reus et la mens rea d'un membre de
3 l'entreprise criminelle commune peuvent préexister à l'objectif commun…"
4 Vous avez entendu lundi les arguments présentés par ma collègue, Mme Martin
5 Salgado, portant sur notre approche aux questions de droit, et je précise
6 que je ne me pencherai que sur la composante actus reus de cette question,
7 puisque mon collègue abordera la question de la mens rea.
8 Alors, nous comprenons que la Chambre d'appel demande si on a conclu que
9 Lukic a contribué à l'entreprise criminelle commune avant l'existence de
10 l'objectif commun. Et notre réponse est par la négative.
11 La contribution de Lukic se fonde sur la conduite qui a existé avant cette
12 période là où les crimes ont été commis. En tant que chef de l'état-major
13 du MUP, Lukic a contribué de manière importante à l'entreprise criminelle
14 commune par la planification, l'organisation et le contrôle des unités du
15 MUP et encore dans les actions conjointes avec la VJ tout au long de la
16 période couverte par l'acte d'accusation.
17 Pendant les mois qui ont précédé la campagne de 1999, donc la campagne de
18 laquelle traite l'espèce, Lukic a commencé les préparatifs qui ont permis
19 la mise en œuvre de l'objectif commun. Ces préparatifs, y compris
20 l'armement de la population non-albanaise et le désarmement de la
21 population albanaise, constituent partie intégrante de sa contribution à
22 l'entreprise criminelle commune dans l'objectif de la mise en œuvre du plan
23 criminel.
24 Alors, je vais préciser un petit peu d'abord quel a été le rôle joué
25 par Lukic en tant que chef de l'état-major du MUP, et deuxièmement, sa
26 contribution pour la période où les crimes ont été commis, donc pour
27 expliquer sa contribution à l'entreprise criminelle commune. Et en exposant
28 mes arguments, je répondrai aux questions que vous avez posées.
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1 Alors, premièrement, prenons le rôle qu'il a joué en tant que chef de
2 l'état-major du MUP. Aux paragraphes 945 et 1 050 du Volume III du
3 jugement, la Chambre a constaté qu'il a occupé ce poste de la mi-juin 1998
4 à juin 1999. L'état-major du MUP a été l'instance qui avait la charge
5 d'organiser, de planifier, de contrôler et de diriger les activités des
6 forces du MUP au Kosovo, Volume III, paragraphe 1012, basées à Pristina.
7 La Chambre a eu raison de conclure qu'en tant que chef de l'état-
8 major du MUP, Lukic a été le commandant de jure et de facto des forces du
9 MUP déployées au Kosovo, y compris les unités qui ont pris part aux
10 activités de combat, Volume III, paragraphe 1 131. En cette capacité, Lukic
11 a directement participé au processus de planification, a été la personne
12 responsable de l'emploi et de l'engagement des forces du MUP dans la
13 province, Volume III, paragraphe --
14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous semblons avoir un problème
15 technique. Madame la Juge Ramaroson ne semble n'avoir aucune
16 interprétation.
17 Le problème a-t-il été résolu ? Oui. Excusez-moi, vous pouvez continuer.
18 C'est à vous.
19 Mme KRAVETZ : [interprétation] Aucun problème, je continue.
20 Donc, je parlais du rôle joué par Lukic à la tête de l'état-major du MUP,
21 et je disais qu'en cette qualité, il a pris part directement au processus
22 de planification et c'était lui aussi qui était responsable de l'emploi de
23 l'engagement des forces du MUP dans la province. Je vous renvoie aux
24 paragraphes 1 051 et 1 131 du Volume III du jugement. C'était lui également
25 qui était responsable de faire en sorte que les opérations des forces du
26 MUP, de manière quotidienne, soient menées au Kosovo conformément aux
27 politiques globales et les projets qui ont été conçus par la direction du
28 MUP de Belgrade et par Milosevic, paragraphe 1 131, Volume III. Il a
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1 coordonné, planifié les opérations conjointes avec la VJ, en particulier
2 avec Pavkovic, donc son homologue au sein de la VJ, et ce, à partir du mois
3 de mars 1999. Je vous renvoie aux paragraphes 1 118 et 1 132 du Volume III.
4 Et si je puis répondre brièvement à ce qui a été dit par mon confrère
5 ce matin sur les constatations de la Chambre de première instance sur son
6 rôle et l'autorité donc de Lukic. D'après ce que nous avons entendu
7 aujourd'hui, il semblerait que rien n'a changé. Puisque pendant le procès
8 de première instance, l'argument de Lukic était qu'il était en fait un
9 général de la police qui n'avait aucune autorité sur les unités du MUP
10 déployées au Kosovo et qu'il était à la tête d'une instance très faible,
11 appelée l'état-major du MUP. Toutefois, la Chambre est arrivée à des
12 conclusions que je viens de présenter et qui se fondent sur un examen très
13 attentif des éléments de preuve portant sur le rôle joué par Lukic et par
14 son autorité ou plutôt sur le rôle et l'autorité de l'état-major du MUP aux
15 paragraphes 947 jusqu'à 1 051 du Volume III.
16 Alors, l'un des éléments de preuve examiné par la Chambre est
17 l'explication donnée par Lukic lui-même de son rôle et de ses
18 responsabilités. En fait, il a été le mieux placé pour expliquer le rôle de
19 l'état-major du MUP, au Volume III, paragraphe 1 013, la Chambre se réfère
20 à son explication donnée pendant son audition avec les responsables du
21 bureau du Procureur où il explique que le rôle de l'état-major du MUP
22 consistait à coordonner, à planifier et à diriger les unités
23 organisationnelles du MUP avant tout, afin de combattre le terrorisme.
24 Et dans ce même paragraphe, la Chambre s'est référée au rôle joué par
25 Lukic vis-à-vis les unités spéciales de la police, les PJP dans le
26 jugement, et la Chambre constate que Lukic a dit lui-même que ces unités
27 avaient une double responsabilité vis-à-vis d'Obrad Stevanovic, également
28 vis-à-vis de l'état-major du MUP.
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1 Et la Chambre a constaté également que le fait de recommander Lukic
2 pour qu'il puisse bénéficier d'une promotion, le ministre Stojiljkovic, le
3 ministre de l'Intérieur, eh bien, l'a félicité de son succès sur le plan du
4 commandement et du contrôle des unités du MUP engagées dans la prévention
5 du terrorisme au Kosovo et le ministre du MUP Stojiljkovic clairement
6 savait, avait l'impression que c'était bien les rôles et les
7 responsabilités du général Lukic au Kosovo.
8 Alors, en contestant les conclusions de la Chambre de première
9 instance portant sur son rôle et son autorité en appel, Lukic, en fait, se
10 contente de répéter les mêmes arguments qu'il avait déjà avancés en
11 première instance, mais il ne démontre pas où réside les erreurs de la
12 Chambre. Donc il convient de rejeter ses contestations.
13 Alors, je voudrais maintenant parler de la contribution de Lukic à
14 l'entreprise criminelle commune et, premièrement, sa participation à la
15 planification, à la coordination des opérations du MUP. Ensuite, je
16 parlerai de son rôle, du processus d'armement et de désarmement.
17 Lukic a pris part activement à la planification et à la coordination
18 des opérations du MUP pendant la campagne de 1999, confer paragraphe 1 131
19 et 1 132 du Volume III. La Chambre a constaté que les bombardements de
20 l'OTAN ont fourni aux membres de l'entreprise criminelle commune une
21 opportunité, celle qu'ils avaient attendue et à laquelle ils s'étaient
22 préparés, à savoir leur permettant de mener à bien leur plan commun, Volume
23 III, paragraphe 92. Le MUP se préparait pour une offensive à une grande
24 échelle au printemps 1999. La preuve : les entretiens, les conversations au
25 niveau de l'état-major du MUP du 17 février 1999. Cette réunion fait
26 l'objet du paragraphe 996 du Volume III. Ce jour-là, Lukic a présidé une
27 réunion, la direction du MUP de Belgrade représentée par ses membres les
28 plus importants, et là, il s'agit du ministre Stojiljkovic, le chef des
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1 deux branches du MUP, Vlastimir Djordjevic et Radomir Markovic, ainsi que
2 par les commandants du MUP au Kosovo. Est-ce que nous pouvons montrer la
3 planche numéro 1, s'il vous plaît.
4 Nous avons à l'écran maintenant le procès-verbal de cette réunion,
5 Volume III, paragraphe 996, et nous voyons ici les propos de Lukic qui ont
6 été mis en exergue en haut de la page, nous voyons que Lukic présente la
7 situation au Kosovo et il rend compte sur les plans de l'état-major du MUP
8 consistant à prévoir trois opérations de ratissage dans les zones qui sont
9 décrites dans la planche, et il se réfère aussi au personnel qui a été
10 affecté à ces opérations.
11 Et en plus, il rend compte que dans les jours qui viennent, une
12 réunion de l'état-major du MUP sera organisée avec l'ensemble des
13 commandants des détachements des unités de la police pour une nouvelle
14 consultation portant sur leur engagement.
15 Lors de cette même réunion, le ministre du MUP Stojiljkovic s'adresse
16 aux personnes présentes, et dans ses conclusions il se réfère à une
17 éventuelle attaque par l'OTAN. Que dit-il ? Il dit :
18 "En l'espace de deux ou trois jours du début d'une attaque, il nous
19 faut activer nos plans et utiliser le temps que nous avons pour nettoyer le
20 territoire des terroristes."
21 Et je vous renvoie à la pièce P1990, ces commentaires figurent en
22 page 3, il a continué en présentant les missions à venir, que nous pouvons
23 voir en bas. Vous pouvez enlever la planche.
24 La Chambre a conclu que dans les secteurs identifiés par Lukic pour ces
25 actions, lors de la réunion du 17 février 1999, étaient les mêmes qu'avait
26 envisagé l'ordre pour Grom 3 de Lazarevic, l'ordre du 16 février 1999, ce
27 qui confirme la planification et la coordination conjointe entre la VJ et
28 la direction du MUP; Volume I, paragraphes 1 015 et 1 039.
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1 Les plans de grande échelle préparés par la VJ et le MUP au mois de février
2 1999 ont été mis en œuvre suivant les deux chaînes de commandement à la fin
3 du mois de mars 1999 par le truchement de toute une série d'ordres du
4 commandement conjoint, Volume I du jugement, paragraphe 1 017.
5 Pendant la mise en œuvre de ces opérations, Lukic a coopéré étroitement
6 avec les membres suivants du commandement conjoint, Pavkovic et Sainovic,
7 aux fins de coordination des actions du MUP et de la VJ, Volume III du
8 jugement, paragraphes 1 118 et 1 132. Ces opérations conjointes du MUP et
9 de la VJ n'auraient pas pu avoir lieu sans la participation directe de
10 Lukic, chef de l'état-major du MUP. Recourant à cet état-major du MUP,
11 Lukic a mis en œuvre les décisions et tâches du commandement conjoint
12 impliquant des unités du MUP, et ce, en suivant la chaîne de commandement
13 du MUP vers le bas, Volume I du jugement, paragraphes 1 033 à 1 042; et
14 Volume III, paragraphes 973 à 975 ainsi que 1 132. Le rôle de Lukic était
15 de s'assurer de la participation des unités du MUP dans les opérations
16 conjointes, Volume III, paragraphes 1 118 et 1 132. C'est pourquoi la
17 Chambre a conclu que Lukic était un membre important de l'entreprise
18 criminelle commune, voir paragraphe 1 131 du Volume III.
19 Comme M. Kremer l'a expliqué lundi, les opérations conjointes du MUP et de
20 la VJ qui se sont déroulées à partir de la fin mars 1999 se sont traduites
21 par une campagne de terreur et de violence dirigée contre la population
22 albanaise du Kosovo.
23 Pendant toute la durée de cette campagne, Lukic était sur le terrain
24 à Pristina, ceci lui a permis de superviser de près les activités du MUP; à
25 titre de référence, je renvoie les Juges de la Chambre d'appel au Volume
26 III du jugement, paragraphes 999 à 1 001, 1 004, 1 006, 1 009, 1 010 et 1
27 040. De par sa présence constante sur le terrain, Lukic était également
28 informé des mauvais traitements et du déplacement forcé infligé par les
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1 forces serbes à un très grand nombre de civils, Volume III, paragraphe 1
2 124.
3 Les opérations du MUP et de la VJ se sont poursuivies jusqu'en avril
4 et mai 1999. Les interventions de Lukic lors de réunions de l'état-major du
5 MUP et les instructions qu'il donnait aux commandants du MUP pendant cette
6 période apportent la démonstration du fait qu'il supervisait activement ces
7 opérations, et pour plus de détails, je renvoie les Juges de la Chambre
8 d'appel au Volume III, paragraphes 999 à 1 011.
9 Conjointement avec des forces de la VJ, des unités du MUP, que
10 commandait Lukic, ont exécuté le plan de l'entreprise criminelle commune
11 avec une efficacité brutale, déplaçant plus de 700 000 civils Albanais du
12 Kosovo en l'espace de deux mois. Les unités de la VJ et du MUP ont agi en
13 étroite coordination lorsqu'elles ont chassé la population albanaise du
14 Kosovo, Volume I, paragraphes 1 033 à 1 043. En dépit de la connaissance
15 qui était la sienne de la nature systématique de ces crimes, Lukic a
16 continué à engager les unités du MUP dans des opérations conjointes avec la
17 VJ pendant la campagne de 1999, d'où ressort clairement son intention de
18 voir ces crimes commis, Volume III, paragraphe 1 129.
19 Je passe à présent au rôle de Lukic dans l'armement des civils non-
20 albanais.
21 Oui, Monsieur le Président.
22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je crois que vous abordez l'armement et
23 le désarmement en même temps. Est-ce que vous pourriez, lorsque vous
24 parlerez de la participation de M. Lukic au désarmement, citer les
25 paragraphes précis du jugement ainsi que les éléments de preuve
26 particuliers versés au dossier pendant le procès qui se rapportent à ce
27 sujet. Je vous remercie.
28 Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vous
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1 remercie. J'ai bien l'intention de le faire.
2 Donc je passe d'abord au rôle de Sreten Lukic dans le processus d'armement,
3 et je passerai ensuite au désarmement. Des mois à l'avance de la campagne
4 de 1999, Sreten Lukic a armé, entraîné et organisé des civils non-albanais.
5 Il a ensuite recouru à des habitants du cru armés pendant les attaques
6 survenues à partir du mois de mars 1999.
7 Comme mon collègue M. Menon l'a expliqué mardi, entre juillet 1998 et mars
8 1999, la population non-albanaise au Kosovo a été armée et organisée pour
9 constituer ce qu'il est convenu d'appeler les détachements de la police de
10 réserve ou unités de défense locale; je vous renvoie au Volume I,
11 paragraphe 787. La Chambre de première instance a conclu que ces unités
12 étaient placées sous le commandement général et le contrôle du MUP et de
13 Lukic, confer paragraphe 777 du Volume I et paragraphe 1 067 du Volume III.
14 La participation de Sreten Lukic au processus d'armement pendant toute la
15 durée de cette période est abordée au Volume III du jugement, paragraphes 1
16 061 à 1 067.
17 Mes confrères, ce matin, se sont référés au processus d'armement et l'ont
18 qualifié d'une distribution légale d'armes, tout en qualifiant le
19 désarmement comme un processus consistant à remettre volontairement des
20 armes détenues illégalement. La Chambre de première instance s'est penchée
21 sur la légalité du processus d'armement. Elle a relevé que la question
22 principale relative tant à l'armement qu'au désarmement était que ce
23 processus a été conduit sur la base de critères ethniques avant toute
24 chose, et les conclusions pertinentes de la Chambre en la matière figurent
25 au paragraphe 72 du Volume III. Alors, qu'entend-on lorsqu'on dit que cela
26 a été effectué sur des critères ethniques ? La Chambre a conclu que des
27 armes ont été distribuées à un seul groupe ethnique, celui des non-
28 Albanais, avant tout des Serbes, et que la majorité de la population serbe
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1 s'est venue fournir des armes. La Chambre a également conclu que le
2 désarmement n'a concerné que les membres du groupe ethnique albanais et que
3 la majorité de la population albanaise du Kosovo ne faisait pas partie de
4 l'ALK. Un facteur supplémentaire considéré par la Chambre est le caractère
5 secret du processus en question, et mes collègues, ce matin, ont
6 caractérisé ce dernier en disant que tout le monde en était au courant, que
7 c'était quelque chose de public.
8 Au paragraphe 65 du Volume III, la Chambre de première instance a fait
9 référence à certains commentaires de Sreten Lukic lui-même au sujet du
10 processus d'armement. Il s'agit de commentaires faits à la réunion du 2
11 novembre 1992 [comme interprété]. Lors de cette réunion, Lukic a donné pour
12 instruction aux chefs de SUP et aux commandants du MUP de dissimuler le
13 fait que la population serbe avait été armée aux yeux des membres de la
14 Mission de vérification au Kosovo. De plus, il a donné pour instruction aux
15 présents qui avaient armé des Serbes de nier que les Serbes avaient été
16 armés dans les villages si jamais des membres de la MVK leur demandaient ce
17 qu'il en était et d'utiliser l'excuse selon laquelle seuls les membres de
18 la garde du village avaient été armés. De façon très claire, par ces
19 remarques, Lukic lui-même ne considérait pas que l'armement de cette
20 population s'était déroulé dans le cadre d'un processus public,
21 contrairement à ce que la Défense de M. Lukic suggère.
22 Lors de la réunion de l'état-major du MUP du 17 février 1999, lorsque
23 des préparatifs en vue d'une offensive à grande échelle ont été discutés,
24 Lukic a fait état du fait que des membres de l'état-major avaient tenu des
25 réunions avec tous les détachements de la police de réserve et que les
26 détachements en question étaient très actifs dans pratiquement tous les
27 villages habités par des Serbes, page 1 de la pièce P1990.
28 Lorsqu'en 1999 la campagne a commencé, Lukic a fait recours aux
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1 habitants du cru armés dans les opérations du MUP. Ses interventions lors
2 des réunions de l'état-major du MUP en avril et en mai 1999 confirment la
3 participation des détachements de la police de réserve dans ces opérations,
4 paragraphe 1 066 du Volume III. Et comme les Juges de la Chambre d'appel
5 l'ont déjà entendu de la bouche de mes collègues plus tôt cette semaine, au
6 Volume II du même jugement, la Chambre de première instance a conclu que
7 dans certaines municipalités les habitants du cru armés ont participé à des
8 actions conjointement avec le MUP et la VJ, opérations qui visaient à
9 chasser les civils albanais du Kosovo de leurs foyers, Volume II,
10 paragraphes 48, 432, 888 et 944.
11 Je voudrais maintenant passer au désarmement de la population
12 albanaise du Kosovo. A cette fin, j'ai fait distribuer un tableau dont je
13 demande qu'il soit également remis aux Juges de Chambre d'appel. Alors,
14 juste une correction pour le compte rendu d'audience, la référence que je
15 viens de faire concerne non pas le "Volume III", mais le "Volume II". Je
16 relève qu'à la ligne 14 de la page 62, le compte rendu d'audience fait de
17 façon erronée état du "Volume III". Il s'agit du "Volume II".
18 Je passe à présent au désarmement des membres du groupe ethnique
19 albanais. Tout comme il avait participé au processus d'armement, Lukic a
20 également pris part au désarmement de la population albanaise du Kosovo.
21 Cette constatation figure au paragraphe 1 121 du Volume III. En désarmant
22 les membres du groupe ethnique albanais au cours des mois précédant la
23 campagne de 1999, Lukic a fait en sorte qu'il se retrouve sans défense face
24 aux attaques des Serbes qui devaient survenir à partir de la fin du mois de
25 mars 1999.
26 Les Juges de la Chambre d'appel ont posé des questions relatives au
27 rôle de Lukic dans le processus de désarmement. Avant de passer à ce sujet,
28 et je vais revenir aux éléments du dossier un peu plus tard avec plus de
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1 détails, mais la question était la suivante :
2 "Prendre position quant aux éléments du dossier, s'il y en a,
3 indiquant la participation de Lukic au processus de désarmement de la
4 population albanaise du Kosovo."
5 La constatation de la Chambre selon laquelle Lukic a participé au
6 processus de désarmement est appuyée par les documents du commandement
7 conjoint et de l'état-major du MUP versés au dossier. Ces documents
8 montrent que les unités du MUP placés sous le commandement du Lukic ont
9 procédé au désarmement en 1998 et que Lukic a supervisé de très près ce
10 processus.
11 Madame et Messieurs les Juges, on vous a remis un tableau de pièces à
12 conviction relatives à la participation de Lukic au processus de
13 désarmement, et je vous prie maintenant de vous pencher sur ce tableau. Il
14 s'y trouve des références à plusieurs pièces à conviction, et j'ai
15 l'intention de me pencher brièvement sur ces éléments de preuve. La
16 première catégorie d'éléments de preuve figurant dans ce tableau comporte
17 11 pièces à partir de P1468, qui sont les notes de réunions du commandement
18 conjoint et figurent tous en première page de ce tableau. Au contraire de
19 ce qui a été avancé par la Défense, ces extraits de notes montrent que
20 pendant la période pertinente s'étendant d'août à octobre 1998, Lukic a
21 régulièrement informé lors des réunions du commandement conjoint des
22 progrès réalisés par les unités du MUP dans le processus de désarmement
23 conduit dans les villages habités par des Albanais du Kosovo. Et si je peux
24 référer les Juges de la Chambre à l'un des exemples concernés, par exemple,
25 à la date du 10 septembre 1998, c'est vers le milieu de la première page du
26 tableau. La pièce concernée est le P1468, page 100. Cet extrait fait
27 également l'objet d'une référence au paragraphe 1 029 du jugement, Volume
28 III.
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1 Nous voyons à partir des extraits pertinents dans ce tableau que
2 Lukic fait état du désarmement de six villages habités par des membres du
3 groupe ethnique albanais et qu'il relève :
4 "Mais cela n'est pas suffisant et cela se poursuivra demain…"
5 Alors, pour que tout soit clair, Madame et Messieurs les Juges, je
6 souhaite relever qu'au paragraphe 1 029, il y a une erreur quant à la date
7 qui est citée comme étant celle de cette réunion. Le 1er septembre 1998
8 devrait être lu comme le 10 septembre.
9 Je voudrais maintenant passer au reste des pièces à partir de P1468,
10 qui figure dans ce tableau. Je vais donc donner lecture des références :
11 P1468, pages 48, 49, 52, 77, 92, 97, 100, 106, 110, 131 et 139.
12 Et je passe maintenant à la deuxième catégorie de documents
13 synthétisés dans ce tableau, il s'agit des rapports d'opération du
14 commandement conjoint à partir d'octobre et novembre 1998. Ils figurent
15 dans les deux pages du tableau fourni aux Juges de la Chambre d'appel. Ces
16 rapports montrent que les unités du MUP participaient activement au
17 désarmement des villages et que ce processus de désarmement devait de
18 poursuivre. Et je voudrais attirer l'attention des Juges sur un exemple qui
19 se trouve en bas de la première page du tableau, le numéro de la pièce à
20 conviction concerné est P1203, daté du 15 octobre 1998. Ceci fait l'objet
21 d'une référence au paragraphe numéro 58 du jugement, Volume III.
22 Dans ces extrait figurant dans le tableau, nous voyons qu'à
23 l'intitulé numéro III (b), engagement des unités du MUP, il est indiqué que
24 les unités du MUP collectent des armes dans les villages siptar disposés à
25 remettre leurs armes. A l'intitulé IV, proposition pour la poursuite de
26 l'engagement, il est indiqué que la collecte des armes se poursuivra.
27 Je ne me référerai pas à tous les rapports d'opérations du
28 commandement conjoint qui figurent dans ce tableau, mais je voudrais lire
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1 pour le compte rendu les numéros de référence pertinents, numéros de pièces
2 à convictions. Il s'agit de P1203, pages 5 et 8; P1206, pages 4 et 7;
3 P1204, pages 5 et 7; et P1197, pages 3 et 6.
4 Alors, la dernière pièce à conviction à laquelle je souhaite me
5 référer qui figure dans ce tableau est la P2166. Il s'agit d'une pièce à
6 conviction datée du 29 octobre 1998. Dans cette pièce à conviction, nous
7 avons, en fait, affaire à un procès-verbal d'une réunion tenue à Belgrade à
8 la date en question. Je renvoie également au paragraphe 997 du Volume I du
9 jugement. Nous trouvons une autre référence à cette pièce à conviction aux
10 paragraphes 1 097 à 1 195 du Volume I.
11 Cette réunion a vu se rassembler les membres les plus haut placés de
12 la direction politique et militaire serbe, ainsi que de la direction de la
13 police. Les trois membres de l'entreprise criminelle commune en l'espèce
14 étaient également présents. Et l'extrait que nous avons dans le tableau est
15 celui d'un rapport fourni par le général Pavkovic lors de cette réunion
16 dans le cadre duquel il a fait un survol de ce plan visant à la suppression
17 des activités terroristes mises en œuvre lors de l'été 1998. Comme nous
18 pouvons le voir dans cet extrait, l'une des tâches que met en avant le
19 général Pavkovic comme étant faisant partie du plan était le point numéro
20 7, désarmer tous les villages albanais ou siptar dont on savait qu'ils
21 étaient armés.
22 Alors, je voudrais continuer à parler de cette réunion, mais passons dans
23 un premier temps à la diapositive suivante qui présente également un
24 procès-verbal de cette même réunion. Nous voyons que c'est là la suite des
25 commentaires faits par Pavkovic lors de la réunion en question. En pages 4
26 et 5, il fournit une vue d'ensemble un peu plus détaillée de la mise en
27 œuvre du même plan. En page 5, au point numéro 8, il se réfère aux armes
28 collectées dans les localités où il y a eu collecte d'armes. Si je peux
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1 attirer votre attention sur les extraits qui figurent en rouge, que je vais
2 lire, je cite :
3 "Soixante six villages doivent encore être désarmés, et près de 4 000 à 5
4 000 armes seront ainsi saisies. Les villages en question n'ont pas
5 participé aux opérations terroristes."
6 Aujourd'hui, mes confrères ont suggéré que le processus de désarmement
7 aurait principalement pris pour cible des villages contrôlés par l'ALK, et
8 que ce processus aurait été volontaire; cependant, ce que ces remarques
9 nous montrent, c'est que des villages qui n'ont pas participé aux
10 opérations terroristes ont eux aussi été désarmés par le MUP.
11 En réponse à la question posée par les Juges au sujet de la participation
12 de Lukic au processus de désarmement, c'était là les références pertinentes
13 au dossier.
14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.
15 Mme KRAVETZ : [interprétation] Pour conclure et pour revenir à la question
16 numéro 10, Lukic a planifié et coordonné les opérations du MUP, y compris
17 des opérations conjointes avec la VJ, qui ont conduites à la commission des
18 crimes reprochés. Par là même, Lukic a contribué de façon significative à
19 l'entreprise criminelle commune.
20 De plus, sa contribution repose sur un comportement survenu pendant
21 la période durant laquelle les crimes ont été commis. Les éléments de
22 preuve que j'ai abordés montrent clairement que Lukic participait également
23 de façon active à la préparation de la mise en œuvre du plan criminel et
24 que l'activité préparatoire à laquelle il a participé a permis la
25 réalisation de l'objectif commun. Pour les raisons que j'ai mises en avant,
26 la remise en question par la Défense des conclusions de la Chambre de
27 première instance relatives à la contribution de Lukic à l'entreprise
28 criminelle commune devrait être rejetée.
Page 551
1 Ceci conclut nos arguments, Madame et Messieurs les Juges, au sujet
2 des deux questions que je me proposais de traiter, la question de l'élément
3 matériel ainsi que le désarmement, le processus de désarmement et la
4 participation de Lukic à ce processus. A moins que les Juges n'aient des
5 questions à me poser, je souhaiterais donner la parole à mon confrère, M.
6 Wood.
7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Le Juge Tuzmukhamedov à une
8 question.
9 Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui.
10 M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Oui.
11 Madame Kravetz, oui. Je suis ici.
12 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je n'arrive pas à vous voir à cause du
13 pilier entre nous, la colonne qui est dans mon champ visuel.
14 M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Oui. C'est une colonne qui joue
15 un rôle assez important.
16 Vous vous êtes référée dans votre présentation à ce qui m'intéresse un peu
17 plus tôt, mais je n'ai pas voulu vous interrompre. Vous avez parlé de plus
18 de 700 000 Albanais du Kosovo qui avaient été déplacés dans le cadre d'une
19 campagne de terreur et de violence. Est-ce que vous pourriez nous dire à
20 quel endroit dans le jugement la Chambre de première instance a conclu que
21 le déplacement de plus de ces 700 000 Albanais du Kosovo était imputable
22 entièrement à cette campagne.
23 Et pour formuler les choses un petit peu différemment, la Chambre de
24 première instance a-t-elle exclu de façon explicite la possibilité que
25 d'autres facteurs pendant la guerre aient pu contribuer au déplacement d'au
26 moins une partie de ces plus de 700 000 Albanais du Kosovo ? Je vous
27 remercie.
28 Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. La Chambre de
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1 première instance a analysé de façon très minutieuse les éléments de preuve
2 relatifs à ce qui s'est produit sur le terrain, et ceci figure au Volume II
3 du jugement. C'est sur la base de cette analyse des crimes commis sur place
4 et des raisons fournies par les différentes personnes originaires des
5 localités concernées d'où elles ont été expulsées par les forces serbes,
6 que la Chambre de première instance est parvenue à ses conclusions
7 auxquelles M. Kremer s'est référé un peu plus tôt cette semaine, au sujet
8 du caractère systématique des crimes. La Chambre a relevé, lorsqu'elle
9 s'est penchée sur la question du caractère systématique des crimes,
10 qu'aucun des témoins qui ont déposé et qui étaient originaires de plus de
11 13 municipalités différentes au Kosovo, n'avaient indiqué qu'ils étaient
12 partis, avaient quitté le foyer en raison du bombardement de l'OTAN ou
13 parce qu'ils y auraient été contraints par l'ALK. La Chambre a relevé très
14 précisément que les témoins en question avaient été expulsés de leurs
15 foyers par les forces du MUP et de la VJ et d'autres forces agissant
16 conjointement avec ces dernières. Les conclusions de la Chambre de première
17 instance selon lesquelles c'était donc là la raison de leur déplacement se
18 fondent sur l'analyse faite par la Chambre des éléments de preuve. Et la
19 Chambre s'est posée la question de savoir si l'OTAN était à l'origine de ce
20 déplacement ou si la campagne de l'ALK pouvait avoir causé elle aussi ce
21 déplacement, mais à l'exception de deux localités au sujet desquelles la
22 Chambre a conclu que l'ALK avait dit aux villageois de fuir avant l'arrivée
23 des forces serbes, dans tout le reste des localités ce n'était pas là la
24 raison du départ en masse de la population en direction de la frontière. Je
25 ne sais pas si cela répond à votre question.
26 M. LE JUGE TUZMUKHAMEDOV : [interprétation] Merci.
27 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Il nous reste encore un peu moins de
28 quatre minutes dans le volet d'audience qui est le dernier de cette
Page 553
1 matinée. Donc, je m'en remets à vous. Est-ce que vous souhaitez continuer
2 ou préférez-vous reprendre lors du volet d'audience de cet après-midi après
3 la pause, et je vous garantie dans cette seconde éventualité que vous
4 pourrez rattraper les quatre minutes en question.
5 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je suggérerais plutôt
6 que nous passions la pause dès maintenant pour que M. Wood, mon collègue,
7 puisse poursuivre sa présentation sans devoir s'interrompre.
8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Très bien. C'est un choix avisé.
9 Nous allons donc maintenant faire une pause, et nous reprendrons nos
10 débats à 14 heures 30.
11 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 56.
12 --- L'audience est reprise à 14 heures 29.
13 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour.
14 Monsieur Wood, vous pouvez poursuivre et en terminer avec la réplique de
15 l'Accusation.
16 M. WOOD : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
17 Comme Mme Kravetz vous l'a dit ce matin, je vais répondre aux
18 questions que vous nous avez posées eu égard de la mens rea du général
19 Lukic. Ce qui signifie que je vais répondre à votre huitième et votre
20 onzième questions, et à l'élément relatif à la mens rea de la dixième
21 question. Je vais également répondre ou reprendre certains éléments
22 soulevés aujourd'hui par le conseil du général Lukic.
23 Alors, avant de commencer, j'aimerais fournir ou vous donner
24 certaines citations pour étayer la réponse de Mme Kravetz à votre dernière
25 question, réponse qui fut posée avant la pause, il s'agissait en fait d'une
26 question posée par la Chambre à propos de la campagne de terreur et de
27 violence qui avait provoqué le déplacement contraint de 700 000 civils. Et
28 je dirais que ces références se trouvent aux paragraphes 1 150 et 1 175 à 1
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1 178 du Volume II, ainsi qu'aux paragraphes 45, 95 et 1 173 du Volume III.
2 Donc, pour en venir à la dixième question, et je pense que c'est ce que Me
3 Ivetic avait expliqué comme étant la troisième question. Et je vous le dis
4 juste pour le compte rendu d'audience. Alors, j'ai dit que par deux fois
5 vous avez entendu une réponse à cette question; dans un premier temps la
6 réponse apportée par Mmes Saldago et Monchy lundi, puis par M. Schneider
7 mardi. Vous ne serez pas surpris d'entendre qu'aujourd'hui je répondrai de
8 la même façon. Et même si les critères de la mens rea d'une personne
9 participant à l'entreprise criminelle commune ne peuvent pas être
10 satisfaits avant l'existence de l'objectif commun de ladite entreprise
11 criminelle commune, ils peuvent toutefois être déduits de sa connaissances
12 des crimes commis avant le début de l'entreprise criminelle commune.
13 Comme l'a expliqué Mme Salgado, et contrairement à ce qui a été dit
14 ce matin, nous pouvons trouver les références aux paragraphes 200 à 204 de
15 l'arrêt Krajisnik, ainsi qu'aux paragraphes 925 et 929 du jugement dans
16 l'affaire Krajisnik.
17 Qu'est-ce que cela signifie donc pour le général Lukic ? Car comme la
18 Chambre l'a conclu à juste titre, s'agissant de l'intention au titre de
19 l'entreprise criminelle commune du général Lukic, cette intention est
20 claire si l'on prend en considération sa connaissance des crimes et sa
21 participation continue à la campagne de terreur et de violence qui a débuté
22 en mars 1999, et cette intention peut être déduite en bonne et due forme
23 d'après la connaissance précise et détaillée qu'il y avait des crimes
24 commis par ses subordonnés du MUP en 1998 et au vu d'autres éléments de
25 preuve.
26 Alors, je vais en fait développer un peu ce propos en répondant à la
27 question 11, et je vous dirais qu'aujourd'hui, puisque c'est la première
28 fois que l'Accusation répond à cette question, je vais vous redonner
Page 555
1 lecture de cette question 11 qui est comme suit :
2 "Analyser si et dans quels circonstances la mens rea relevant de la
3 première catégorie de l'entreprise criminelle commune pour expulsion et
4 autres actes inhumains (incluant notamment le transfert forcé) peut être
5 déduit de la connaissance qu'avait l'accusé des crimes commis en 1998,
6 notamment des crimes autres que le crime d'expulsion et d'autres actes
7 inhumains."
8 Comme Mme Salgado vous l'a expliqué lundi, une Chambre est tout à
9 fait en droit de parvenir à cette déduction, et au vu des circonstances ou
10 de la situation du général Lukic, je dirais que c'est la seule conclusion
11 raisonnable que l'on peut dégager des éléments de preuve, comme l'a fait
12 d'ailleurs la Chambre aux paragraphes 1 117 à 1 130 du Volume III du
13 jugement, et c'est la seule conclusion qui peut être dégagée par rapport
14 aux éléments de preuve correspondant à l'année 1998 et 1999.
15 En un mot comme en cent, étant donné que M. Lukic était informé que
16 plusieurs crimes s'étaient produits dans le cadre d'opérations conjointes
17 entre le MUP et la VJ, et qu'ils avaient eu comme conséquences des
18 déplacements de masse en 1998, il savait qu'ils pouvaient engager le même
19 type d'opérations, en utilisant les mêmes troupes et en visant le même
20 groupe ethnique pour parvenir aux mêmes résultats en 1999. Le fait qu'il a
21 continué à travailler pour assurer la coopération des opérations conjointes
22 du MUP et de la VJ, nous permet d'aboutir à cette conclusion raisonnable
23 suivant laquelle il avait eu l'intention qu'ait lieu ces déplacements
24 contraints qui ont commencé le 24 mars 1999.
25 Que savait donc le général Lukic en 1998 ? A l'instar de mes
26 confrères qui ont répondu aux noms de MM. Pavkovic et Lazarevic, j'ai
27 préparé un tableau qui résume les éléments de preuve pour que vous puissiez
28 vous y référer plus facilement, et je pense qu'ils ont été soit distribués
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1 soit ils sont en train d'être distribués, donc il s'agit de références pour
2 vous. Et je vais seulement faire référence à certains éléments au cours de
3 mon intervention.
4 Donc, la Chambre a conclu que le général Lukic était informé des
5 allégations graves d'activités criminelles de la part des forces du MUP au
6 Kosovo, qui visaient la population albanaise du Kosovo. Paragraphe 1 086 du
7 Volume III. Il savait que ces crimes, crimes qui incluaient des incendies,
8 des meurtres et assassinats, et des déplacements forcés, s'étaient produits
9 dans le cadre d'opérations du MUP et de la VJ qu'il avait aidé à
10 coordonner. Paragraphes 1 012, 1 080 à 1 084 du Volume III.
11 Par exemple, lors des réunions du commandement conjoint auquel
12 assistait M. Lukic, il était fréquemment question de ces actes d'incendie,
13 et je pense, par exemple, notamment aux réunions du 7 et 12 août 1998.
14 Paragraphe 1 080 du Volume III.
15 Lukic a également été informé par des membres de la communauté
16 internationale de ces cas d'incendie et d'autres crimes. Par exemple,
17 l'observateur international, Shaun Byrnes, a indiqué à Lukic qu'en août et
18 en septembre 1998 son équipe avait observé, et ce quasi quotidiennement,
19 des unités de la police qui avaient mis le feu à des villages, qui avaient
20 détruit des récoltes, tué du bétail, et intimidé des civils albanais du
21 Kosovo, et les avaient chassé hors de leurs foyers. Paragraphe 1 082 du
22 Volume III.
23 Lukic a également été informé en septembre 1998 des meurtres commis
24 dans la zone de Donje et Gornje Obrinje, et il a été informé qu'ils étaient
25 les conséquences d'opérations conjointes entre le MUP et la VJ, qu'en sa
26 capacité de chef de l'état-major du MUP il a aidé à coordonner et à
27 planifier. Paragraphes 1 021 et 1 081 du Volume III.
28 Je dirais plus précisément, Mesdames, Messieurs les Juges, que lors
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1 d'une réunion du commandement conjoint à laquelle il a participé le 4
2 octobre 1998; cet incident a été évoqué paragraphe 1 081 du Volume III. Et
3 mon collègue a indiqué ce matin que "Human Rights Watch" avait publié un
4 rapport détaillé à propos de cet incident. Il a tout à fait raison
5 lorsqu'il dit que ce rapport a été publié en 1999, du moins il date plus
6 précisément du mois de février 1999, et ce rapport avait été distribué au
7 MUP ainsi qu'à la présidence de la Serbie, à la présidence fédérale de
8 Yougoslavie, aux ministères fédéraux et républicains de la justice, et à la
9 VJ. Il a également été donné aux médias serbes et albanais au Kosovo.
10 Il faut savoir que fondamentalement, et cela a son importance, Lukic savait
11 que de par ces crimes des centaines de milliers d'Albanais du Kosovo
12 étaient expulsés de leurs foyers. Le 23 septembre 1998, par exemple, le
13 Conseil de sécurité a remarqué qu'il était "extrêmement préoccupé" par "le
14 recours disproportionné et indiscriminé à la force de la part des forces de
15 sécurité serbes et de l'armée yougoslave", et d'après les estimations du
16 Secrétaire-général à l'époque, cela avait causé le déplacement de plus de
17 230 000 personnes qui avaient été chassées de leurs foyers. Paragraphe 916
18 du Volume I; paragraphe 443 du Volume III, et paragraphe 677 du Volume III.
19 Lukic était informé de ces allégations, comme cela est indiqué au
20 paragraphe 1 120 du Volume III. Il était présent lors de la réunion du
21 commandement conjoint au cours de laquelle cette résolution a été évoquée
22 et analysée; paragraphe 677 du Volume III.
23 Au vu des événements de l'année 1998, Lukic savait qu'il pouvait compter
24 sur les opérations conjointes menées entre le MUP et la VJ pour expulser
25 des centaines de milliers d'Albanais du Kosovo de leurs foyers en 1999. Et
26 pourtant, il a continué à coordonner ces mêmes opérations en utilisant les
27 mêmes troupes pour exécuter cette campagne de terreur et de violence en
28 1999, campagne qui se trouve au cœur de l'entreprise criminelle commune, et
Page 558
1 cela montre qu'il avait l'intention d'obtenir les mêmes résultats, à savoir
2 le déplacement en masse et le transfert forcé des Albanais du Kosovo.
3 Et pour être très clair, Madame, Messieurs les Juges, contrairement à ce
4 qui a été indiqué par mes confrères ce matin, la Chambre ne s'est pas
5 seulement appuyée sur des éléments de preuve remontant à l'année 1998 pour
6 établir l'intention de Lukic en 1999. En concluant que Lukic partageait
7 l'objectif criminel commun de l'entreprise criminelle commune, la Chambre
8 s'est appuyée sur la totalité des éléments de preuve, notamment sur les
9 crimes commis par le MUP et la VJ, et notamment sur la connaissance qu'il
10 avait de ces crimes en 1999.
11 Donc, la Chambre a conclu que l'état-major du MUP recevait régulièrement
12 toute une série de rapports en 1999, notamment à partir du 24 mars;
13 paragraphe 1 089 du Volume III. C'est une conclusion qui fut confirmée par
14 des informations que l'on trouve dans les propres ordres et rapports de
15 Lukic. Par exemple, le 15 avril 1999, Lukic a émis une dépêche en indiquant
16 que certains de ses commandants intermédiaires du MUP "toléraient les
17 départs en masse de la population civile". Paragraphe 1 094, Volume III,
18 c'est là que nous trouvons cette conclusion. Le 4 mai 1999, Lukic a assisté
19 à une réunion dans une maison à Belgrade. Au cours de cette réunion, des
20 informations ont été présentées suivant lesquelles les forces de sécurité
21 de la VJ avaient dû traiter de nombreux cas de violence, de tueries, de
22 pillages et d'autres crimes. Il a inclus les informations émanant de cette
23 réunion dans un ordre destiné à ses subordonnés; paragraphe 1 095 du Volume
24 III. Et la Chambre se souviendra qu'en tant que membre de l'entreprise
25 criminelle commune, les crimes de la VJ peuvent être attribués au général
26 Lukic; paragraphe 1 132 du Volume III.
27 Comme cela est indiqué au paragraphe 1 126 du Volume III du jugement, il
28 faut savoir que les crimes faisaient très souvent l'objet d'analyse lors
Page 559
1 des réunions de l'état-major du MUP en 1999.
2 Donc, tout comme en 1998, en 1999, Lukic était informé des déplacements de
3 masse des Albanais du Kosovo. Par exemple, le 1er mai 1999, il écrit dans
4 un rapport que "entre le 24 mars et le 30 avril 1999, un total de 715 158
5 personnes appartenant à la minorité nationale siptar avaient quitté le
6 territoire…" et c'est une conclusion que nous trouvons dans une citation
7 que j'ai mentionnée au début de mon intervention et qui fait plus
8 précisément l'objet de la pièce P1693.
9 Donc, au vu de ces circonstances, Madame, Messieurs les Juges, la Chambre a
10 conclu à juste titre que Lukic, ainsi que Sainovic et Pavkovic, avaient
11 l'intention que ces déplacements forcés aient lieu, notamment les
12 expulsions et le transfert forcé, et ils se sont produits pendant la
13 période couverte par l'acte d'accusation. Il est donc aussi raisonnable de
14 conclure qu'au vu de ces circonstances, les ordres donnés par Lukic dans
15 lesquels il indiquait à ses subordonnés qu'il ne fallait pas commettre ces
16 crimes ne peuvent pas être considérés comme authentiques, paragraphe 1 129
17 du Volume III.
18 Pour en venir maintenant à votre huitième question, qui a trait à la
19 troisième catégorie de l'entreprise criminelle commune, qui est comme suit
20 :
21 "Analyser quelle serait l'incidence sur l'appel de Lukic relatif à ses
22 déclarations de condamnation dans le cadre de la troisième catégorie de
23 l'entreprise criminelle commune si la Chambre d'appel venait à accepter
24 l'argument présenté par l'Accusation suivant lequel la Chambre de première
25 instance a utilisé un critère inexact pour la mens rea et la responsabilité
26 au titre de la troisième catégorie de l'entreprise criminelle commune."
27 Pour répondre à cette question, je vous dirais que l'incidence sera nulle.
28 Il n'y en a aura pas. Comme mes collègues l'ont déjà expliqué dans leurs
Page 560
1 réponses aux appels Sainovic et Pavkovic, la Chambre de première instance a
2 utilisé un critère de probabilité inexact et plus restrictif lorsqu'elle a
3 évalué la prévisibilité de la troisième catégorie de l'entreprise
4 criminelle commune plutôt que de choisir d'utiliser le critère de
5 possibilité qui est exact et moins restrictif et qui figure au paragraphe
6 365 de l'arrêt Brdjanin, ainsi qu'au paragraphe 33 de l'arrêt Blaskic, qui
7 a été confirmé par la Chambre d'appel dans sa décision du 25 juin 2009,
8 décision relative à la requête présentée par l'Accusation interjetant appel
9 de la décision de la Chambre de première instance concernant la
10 prévisibilité pour la troisième catégorie de l'entreprise criminelle
11 commune, décision prise dans l'affaire Karadzic.
12 En ce qui concerne M. Lukic, les mêmes conclusions indiquant que des
13 meurtres et des destructions risquaient probablement d'être commis dans le
14 cadre de la campagne de terreur et de violence montrent également qu'il
15 était informé que ces meurtres et cette destruction étaient une conséquence
16 possible de l'exécution de cette campagne. Ce sont des conclusions que vous
17 trouverez aux paragraphes 1 134 et 1 136 du Volume III.
18 Dans son appel, Lukic semble exhorter la Chambre d'appel à utiliser un
19 critère de la certitude encore plus restrictif en avançant qu'il ne peut
20 pas être condamné pour des crimes dont il n'était pas informé. Par exemple,
21 lorsqu'il récuse sa déclaration de condamnation pour les meurtres commis à
22 Djakovica, il soutient qu'il n'y a aucun élément de preuve suivant lequel
23 il "était personnellement au courant" de ces meurtre ou assassinats ou des
24 efforts déployés pour dissimuler les corps par la suite, paragraphe 700 du
25 mémoire de Lukic. La question n'est pas de savoir s'il était au courant de
26 ces crimes, mais plutôt s'il aurait pu prévoir que ces crimes pouvaient
27 être une conséquence possible de l'exécution de l'entreprise criminelle
28 commune.
Page 561
1 Et j'en ai terminé avec ma réponse à la huitième question, et je vais
2 maintenant aborder -- mais je vois que vous souhaitez me poser une
3 question.
4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. A propos des crimes de Djakovica,
5 j'aimerais savoir si les victimes étaient des combattants ou des civils ?
6 M. WOOD : [interprétation] La Chambre a conclu -- bon, je n'ai pas le
7 jugement et je ne peux pas m'y référer maintenant, mais la Chambre a conclu
8 qu'il s'agissait d'actes de persécution, que ces événements constituaient
9 un acte de persécution qui était prévisible pour lui, d'où sa déclaration
10 de culpabilité au titre de la troisième catégorie de l'entreprise
11 criminelle commune. Donc, il s'ensuit que les victimes des crimes à
12 Djakovica étaient des civils, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien.
14 Vous pouvez poursuivre.
15 M. WOOD : [interprétation] Donc pour en venir très rapidement à la pièce
16 6D614, M. le Juge Tuzmukhamedov a posé une question à ce sujet ce matin.
17 Alors, étant donné que c'est une question qui a été posée, j'en parlerai
18 très, très brièvement. Je dirais que la Chambre de première instance a bien
19 utilisé son pouvoir discrétionnaire en refusant l'admission ou le versement
20 au dossier de ce document de 789 pages, lorsqu'elle a indiqué que dans ce
21 document il n'y avait pas suffisamment d'indices de fiabilité qui lui
22 aurait permis d'être versé au dossier directement comme élément de preuve
23 par ouï-dire. Le conseil du général Lukic l'a mentionné ce matin. Il a
24 indiqué qu'il s'agissait d'une synthèse de documents. Les documents sous-
25 jacents n'ont pas été présentés à la Chambre de première instance, ce qui
26 fait que la Chambre de première instance n'a pas pu évaluer l'exactitude de
27 ces résumés. Le conseil pour le général Lukic aujourd'hui, tout comme dans
28 son mémoire en appel, n'a pas su expliquer comment la Chambre avait abusé
Page 562
1 de son pouvoir discrétionnaire au vu de ces circonstances, et comment cette
2 décision a eu un impact sur le jugement ou sur sa déclaration de
3 culpabilité. Je peux vous renvoyer à la décision à ce sujet prise le 2
4 juillet 2008 par la Chambre de première instance, paragraphes 27 à 31. Nous
5 en avons également parlé dans notre mémoire.
6 Je dirais, en résumé, Monsieur le Président, que la Chambre a condamné à
7 juste titre Lukic pour déportation, actes inhumains, meurtre, assassinat et
8 persécutions. Dans son appel, il exprime son profond désaccord avec les
9 conclusions de la Chambre de première instance, mais ne montre pas quelles
10 sont les erreurs qui ont été commises. La Chambre d'appel devrait rejeter
11 l'appel de Lukic, confirmer ses déclarations de culpabilité, et ajuster sa
12 peine conformément à l'appel de l'Accusation.
13 Et avant que je ne me rassois, Monsieur le Président, j'aimerais apporter
14 quelques corrections et des références pour le compte rendu d'audience.
15 Aujourd'hui, page 54, ligne 18, il peut être lu "945, 1 050." Or, il
16 fallait entendre "945 à 1 050." Au compte rendu d'aujourd'hui, page 61 et
17 ligne 13, on a dit : "la majorité de la population non-albanaise ne faisait
18 pas partie de l'ALK," et il fallait dire que "la majorité de la population
19 albanaise ne faisait pas partie des rangs de l'ALK."
20 Madame, Messieurs les Juges, Monsieur le Président, s'agissant de la
21 question posée au sujet de Djakovica, je vous demande de vous référer au
22 Volume II, paragraphes 1 197 à 1 198. Il est question des meurtres commis à
23 Djakovica. Je tiens également à mentionner brièvement que nous n'allons pas
24 aborder aujourd'hui la question du prononcé de peine, parce que
25 l'Accusation est d'avis que la peine prononcée à l'égard du général Lukic
26 était trop petite. Nous l'avons indiqué dans notre mémoire en appel. Nous
27 allons en parler davantage demain.
28 Donc s'il n'y a pas d'autres questions, je voudrais en terminer avec mon
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1 exposé, Madame, Messieurs les Juges.
2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Eh bien, il me semble qu'il n'y aurait
3 pas de questions à poser de la part des Juges de la Chambre. Je vous
4 remercie donc.
5 M. WOOD : [interprétation] C'est moi qui vous remercie, Monsieur le
6 Président.
7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien. Ceci met un terme aux réponses
8 apportées par l'Accusation jusqu'à présent, n'est-ce pas ?
9 M. WOOD : [interprétation] Oui, c'est exact.
10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Y a-t-il des répliques de la part de la
11 Défense ?
12 M. IVETIC : [interprétation] Oui. C'est le cas, avec votre autorisation.
13 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous pouvez y aller.
14 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 Tout d'abord, je voudrais dire que l'Accusation dans sa réplique se fonde
16 sur des paragraphes du jugement plutôt que sur des pièces à conviction.
17 Dans cette phase-ci du procès, cela ne suffit pas puisque le jugement rendu
18 est contesté. L'Accusation n'a pas apporté de réponse aux arguments que
19 nous avons présentés, à savoir qu'il y a des éléments du jugement qui se
20 contredisent entre eux. Quelle est donc la position qui a été présentée par
21 l'Accusation pour ce qui est de dire que certaines pièces à conviction vont
22 à l'avantage de l'Accusation et que d'autres sont négligées ? Quelle est
23 leur réponse pour ce qui est de savoir si l'attitude des Juges de la
24 Chambre de première instance était différente vis-à-vis de Lukic et
25 d'autres accusés ? Donc, il y a des constatations qui leur sont peut-être
26 avantageuses, mais on ne peut pas lire un jugement de cette façon quand on
27 en procédé d'appel. Le jugement ne peut pas resté debout quand il y a des
28 contradictions inhérentes. Donc, cela devrait être réexaminé.
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1 L'Accusation n'a pas et ne peut pas réfuter des erreurs clairement commises
2 lorsqu'il s'agit des éléments à décharge qui figurent dans le jugement et
3 que nous avons fournis en résumé pour les présenter aux Juges. Le jugement
4 devrait donc être réexaminé pour cette raison en soi.
5 Mais je vais aller de l'avant. L'Accusation a affirmé que nous n'avons pas
6 modifié les arguments que nous avons présentés, que nous sommes en train de
7 répéter les choses que nous avons dit au procès. Mais comment voulez-vous
8 que ce soit modifié ? Je ne comprends pas de quoi ils sont en train de
9 parler. Nous ne pouvons pas changer les éléments de preuve, ni nous, ni
10 eux. Nous maintenons nos affirmations, à savoir que les éléments de preuve
11 présentés au procès à présent sont des éléments qui devaient être repris
12 par le jugement d'acquittement, et que c'est la seule façon de procéder.
13 L'Accusation a omis de fournir des références concrètes pour ce qui
14 est de dire à quel paragraphe du jugement il est question d'éléments de
15 preuve pour ce qui est de la participation de Sreten Lukic et de son
16 implication au désarmement de la population. Et dans toutes leurs réponses,
17 ils n'ont fait que citer des paragraphes qui sont ceux du jugement rendu.
18 Une fois que vous leur avez posé la question concrète, ils n'ont pas fourni
19 de paragraphes concrets. Donc, ceci ne fait que mettre en exergue les
20 erreurs de jugement que je vous ai exposé plus tôt dans la journée.
21 Ce que je voudrais vous demander d'avoir à l'esprit, c'est qu'à
22 l'époque dont nous parlons, il était question d'une restitution volontaire
23 des armes, et les parties en présence étaient en train de travailler sur
24 des accords de paix. Nous sommes en train de parler des accords d'octobre
25 où il y avait plusieurs initiatives visant à aboutir à la paix, et non pas
26 à la guerre, tout le monde avait une idée en tête, c'était la paix et non
27 pas la guerre. Alors, la liste des pièces qui vous a été présentée par ma
28 consœur, Mme Kravetz, comporte les mêmes entrées que celle que je vous ai
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1 mis en exergue lors de ma présentation, tous ces éléments se rapportent à
2 des restitutions volontaires d'armes lorsque les gens avaient une seule
3 idée en tête, c'est-à-dire la paix. Est-ce que maintenant les Nations Unies
4 et les médiateurs internationaux faisaient également partie de l'entreprise
5 criminelle commune ?
6 Nous avons indiqué que le seul rôle de Lukic c'était de fournir des
7 données statistiques à l'intention des représentants officiels de la Serbie
8 d'une part, et aux représentants de la communauté internationale, tels que
9 Shaun Byrnes de l'autre côté. C'était des données statistiques pour ce qui
10 est de la restitution faite de plein gré au sujet des armes. Ça ne peut pas
11 être considéré comme étant un crime de commis.
12 Quand nous sommes en train de parler de l'armement, l'Accusation a
13 parlé de ces détachements de la police de réserve. Alors, ce que je
14 voudrais que nous examinions, c'est un cas concret pour savoir quel a été
15 le rôle de Lukic à ce sujet. Il s'agit de la pièce P2166, une réunion à
16 Belgrade qui a été mentionnée par l'Accusation. Ce document montre un fait
17 important. Il démontre le fait que le Conseil suprême de la Défense, à la
18 date du 9 juin 1998, a adopté une décision partant de la Loi sur la VJ,
19 partant de la Loi sur la Défense, et partant de la réglementation interne
20 de l'armée de Yougoslavie disant qu'il convenait de se préparer, d'élaborer
21 un plan global pour ce qui est de contrecarrer le terrorisme, ce qui avait
22 impliqué l'engagement de la VJ et du MUP.
23 Penchons-nous maintenant sur les pièces à conviction qui ont été
24 présentées à l'occasion du procès, la partie quatre de ce planning global
25 avait établi ou prévu la mise en place de détachements de police de
26 réserve. C'est le même planning dont j'ai déjà parlé plus tôt dans la
27 matinée d'aujourd'hui en présentant mes arguments. C'est un plan au sujet
28 duquel les Juges de la Chambre ont tiré une conclusion qui était tout à
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1 fait juste, à savoir que ni le MUP ni Lukic n'avait participé à son
2 élaboration. Il s'agit du Volume III, paragraphe 1 021.
3 Mais qui plus est, l'Accusation n'a pas fourni quelle que citation
4 que ce soit pour démontrer qu'il y a des éléments de preuve disant que les
5 membres de ces effectifs de policiers -- d'officiers de réserve de la
6 police avaient commis des crimes. Il n'y en a pas un seul.
7 Donc, je vous convie à vous pencher sur les éléments de preuve parce
8 qu'aucun élément de preuve n'a été présenté dans le dossier. Alors, je vous
9 demande de vous pencher sur des différences de temps, période, parce que
10 dans différentes périodes de temps, il y avait eu des cadres légaux
11 différents, des situations différentes, et les choses se présentent de
12 façon différente. Dans le jugement rendu, Volume I, paragraphe 776, on dit
13 que lorsque la guerre a commencé et lorsque les bombardements de l'OTAN ont
14 commencé, ces mêmes détachements de la police de réserve ont été mobilisés
15 et ils ont été intégrés ou déployés sur des positions qui étaient des
16 positions des structures de la défense de l'Etat, y compris VJ, MUP,
17 protection civile, là où les affectations ont été désignées à l'intention
18 de ces individus.
19 Au Volume I, paragraphe 788, lorsqu'il s'agit du reste des 6 000 membres de
20 ces détachements de police de réserve qui n'avaient pas eu d'affectation
21 pour temps de guerre, la Chambre a tiré une conclusion qui est celle de
22 dire qu'ils étaient tombés sous l'autorité du commandement l'armée, ce qui
23 a inclus la réalisation de missions liées à des opérations de combat, et
24 que c'était tout à fait conforme à la Loi régissant la Défense, articles 62
25 et 63 et pièce à conviction P985.
26 D'après ces conclusions qui sont celles des Juges de la Chambre de première
27 instance, qu'est-ce qui pourrait constituer l'implication de Lukic, son
28 autorité et son prétendu commandement à l'égard de ces détachements de la
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1 police de réserve ? Point. L'Accusation est en train d'éviter de faire face
2 à un fait, qu'il y a des périodes différentes avec des cadres légaux ou des
3 régimes légaux différents pour ce qui est des faits évoqués.
4 Quand il s'agit maintenant de ces détachements de la police de réserve, le
5 conseil de L'Accusation a mentionné le Volume III, paragraphe 1 066, et il
6 y a identifié trois documents - la pièce P1989, P1996, et le 6D802 - qui se
7 rapportent à des ordres donnés par Lukic à l'intention de ces détachements
8 de la police de réserve pour action. Alors, je fais appel aux Juges de la
9 Chambre pour ce qui est de se pencher sur la totalité de ces documents,
10 parce que ce que nous affirmons c'est que ni ce paragraphe du jugement, pas
11 plus que les trois documents cités, n'ont rien à voir avec des actions
12 antiterroristes ou des activités de combat ou quoi que ce soit de similaire
13 pour ce qui est donc de ces détachements de la police de réserve.
14 Partant de ceci, il peut être constaté de façon claire que l'Accusation a
15 présenté de façon erronée la pertinence de ces détachements de la police de
16 réserve pour ce qui est de Lukic et pour ce qui est de son autorité ou de
17 l'autorité qu'il aurait exercée à l'égard de ces derniers.
18 Alors, quelques mots maintenant pour ce qui est de cet entretien de Lukic
19 avec l'Accusation, chose que l'Accusation a mentionnée dans sa réplique.
20 Les Juges de la Chambre vont se souvenir du fait qu'il y a un moyen d'appel
21 distinct qui se rapporte aux erreurs qui découlent de l'entretien de M.
22 Lukic et de la façon dont ça a été utilisé pendant le procès, les problèmes
23 de traduction, et les problèmes de ce type. Il s'agit du moyen F dans notre
24 mémoire en appel. Je ne vais pas reprendre la totalité des arguments
25 présentés, mais il y a des points que je voudrais souligner.
26 L'Accusation s'est centrée sur une section concrète. Ils ont parlé d'un
27 rôle double des PJP vis-à-vis du QG, et l'on dédaigne la prise en
28 considération de périodes de temps différentes, comme cela a été d'ailleurs
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1 le fait des Juges de la Chambre au paragraphe 3 de la pièce 1013. Dans ce
2 paragraphe, la Chambre fait état justement à cet extrait de cet entretien.
3 Mais qu'est-ce que l'on a mis de côté, on a mis de côté le fait qu'à cette
4 époque, en 1999, Obrad Stevanovic, le commandant des unités des PJP et chef
5 de l'administration de la police au sein du MUP, était quelqu'un qui se
6 trouvait sur le terrain au Kosovo. Il n'avait pas possédé de bureau. Il a
7 utilisé le bureau du QG. Ce qui fait que lorsque Lukic parle du QG du MUP,
8 il convient de tenir compte du fait que lorsque Obrad Stevanovic est au
9 Kosovo et lorsqu'il est à Pristina, c'est lui qui se trouve au QG du MUP.
10 Qui plus est, s'agissant du rôle joué par Lukic lui-même, il convient de se
11 pencher sur la pièce P948, c'est l'interview ou l'entretien dont il a été
12 déjà question. A plusieurs endroits de cet entretien, y compris à la page
13 4, page 66 et page 153, lorsque Lukic dit : Je voudrais vous fournir plus
14 de détails et vous expliquer le rôle concret de ce QG du MUP. Et à chaque
15 fois, l'homme de l'Accusation qui s'entretient avec lui : Non, non, on y
16 viendra plus tard, finissons-en d'abord avec ceci. Donc, il n'a jamais eu
17 l'opportunité d'expliquer à part entière ce que cela signifiait exactement,
18 quelle était la signification des termes utilisés et quelle avait été la
19 place du QG du MUP au sein de la hiérarchie et quelle était la place de
20 Lukic en sa qualité de chef de ce QG. C'est ce que j'aurais à apporter
21 comme commentaire au sujet de l'entretien.
22 Maintenant, je vais passer à cette réunion qui s'est tenue le 17 février,
23 dont ont parlé tant Mme Kravetz que M. Wood. Il y a là un problème
24 fondamental -- et pour mieux m'exprimer, je dirais que l'Accusation et la
25 Chambre ont un problème fondamental qui est répercuté vers nous tous. Ils
26 sont en train de parler d'une traduction anglaise de ce document qui ne
27 coïncide pas avec l'original en B/C/S. C'est la raison pour laquelle, avec
28 l'aide des interprètes, je voudrais donner lecture de l'original en B/C/S
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1 pour voir si nous pouvons obtenir une traduction exacte de ce qui est dit
2 dans le PV de cette réunion. Et je vais en donner lecture en B/C/S :
3 "Le QG a planifié d'exécuter, lorsque ordre en sera donné, trois actions :
4 nettoyage du terrain des terroristes dans les secteurs Podujevo, Dragobilje
5 et Drenica."
6 Il s'agit de la pièce P1990 pour les besoins du compte rendu d'audience.
7 Alors, qu'est-ce qui découle de façon claire du contexte de ces mots, ce
8 n'est pas le fait que le QG ait procédé à des planifications d'action, mais
9 plutôt que le QG est en train de planifier, de réaliser une chose une fois
10 l'ordre reçu. Ils ont donc l'intention de faire telle chose lorsque l'ordre
11 en sera donné. L'Accusation a mentionné pour la même période de temps en
12 question, et je crois qu'il s'agit d'un document daté de la date d'avant,
13 c'est-à-dire la pièce P2808, et cette pièce est un ordre émanant du Corps
14 de Pristina où il est question des mêmes sites qui viennent d'être
15 mentionnés tout à l'heure, où l'on parle des unités de la VJ et du MUP qui
16 seront impliquées, et on leur répartit des tâches. Par conséquent, le rôle
17 du QG du MUP dans tout ceci n'est pas un rôle de nature de commandement,
18 comme l'Accusation l'a laissé entendre.
19 Ce que je voudrais affirmer à présent, c'est que le jugement rendu et
20 l'Accusation dédaignent les faits tels qu'ils sont présentés sur le terrain
21 en 1999 ainsi que les pièces à conviction afférentes à ces faits, et je
22 voudrais attirer l'attention des Juges sur plusieurs éléments que je pense
23 être pertinents pour comprendre ce qui nous intéresse. Nous avons le
24 témoignage du colonel Crosland, un diplomate international, disant qu'à
25 l'époque l'ALK avait contrôlé 70 % du territoire du Kosovo; ça se trouve en
26 page 9 910 du compte rendu d'audience. En même temps, l'OTAN avait bombardé
27 tous les jours le Kosovo, et nous avons dans notre dossier plusieurs
28 incidents où l'OTAN a bombardé des réfugiés albanais du Kosovo. Il y a
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1 plusieurs incidents où l'on montre que les bombes de l'OTAN sont tombées
2 sur des cibles civiles. Nous pouvons appeler cela de façon plutôt jolie,
3 dire que c'est des dégâts collatéraux, mais quant aux gens, on voit que des
4 bombes tombent sur les maisons des voisins, pour eux c'est une façon autre
5 de raisonner qui intervient. Ça leur donne un signal, qui est celui de s'en
6 aller avant que le tour de leur maison ne vienne.
7 Donc pour Sandra Mitchell, aux pages du compte rendu d'audience 566 à 567,
8 la Mission de vérification du Kosovo a des éléments de preuve disant que
9 100 000 Serbes avaient quitté leurs maisons au Kosovo pendant le
10 bombardement de l'OTAN. Alors, ça représenterait 40 % de la population
11 serbe du Kosovo qui s'en est allé pendant les bombardements de l'OTAN. Et
12 ces chiffres disent pour la population albanaise que ça faisait 30 % de
13 cette population.
14 Je crois qu'il faudrait que nous posions tous la question de savoir
15 quelle est la question que la Chambre de première instance n'a pas posée :
16 est-ce que les Serbes ont quitté leurs maisons au Kosovo pour les mêmes
17 raisons que les Albanais ? Alors, la conclusion raisonnable et alternative
18 partant des éléments de preuve montrés, c'est qu'ils ont tous fui des
19 bombardements de l'OTAN, et non pas des activités déployées par la VJ ou le
20 MUP. Si l'on ne procède pas à cette analyse pour exclure les conclusions
21 alternatives raisonnables, alors le jugement de la Chambre de première
22 instance s'avère être une erreur.
23 Je vous demande de vous pencher sur des pièces à conviction qui sont
24 évoquées dans le jugement rendu en première instance, et les paragraphes
25 pour ce qui est des raisons de départ de la population. Je vous renvois
26 vers le paragraphe 1 125, et où ne cite aucun élément de preuve à ce Volume
27 II; Volume III, paragraphe 45, aucune citation d'élément de preuve;
28 paragraphe 95, aucun chiffre non plus; paragraphe 1 123, pas de chiffres
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1 non plus, pas de citations au dossier des éléments de preuve.
2 La Chambre de première instance n'a donc pas pris en considération le
3 nombre des départs qui ont résulté en raison de pièces à conviction
4 présentées concrètes liées à des expulsions, telles qu'alléguées dans
5 l'acte d'accusation présenté par le bureau du Procureur. Il n'y a aucun
6 élément de preuve qui se fonderait sur des éléments de preuve pour ce qui
7 est du nombre de personnes expulsées, et pour ce qui est des raisons pour
8 lesquelles ces personnes sont parties. Quand on se penche sur les
9 témoignages et les dépositions des témoins, il y a quelque 48 témoins de la
10 base de crime. Trente trois de ces témoins, c'est-à-dire 70 %, n'ont pas
11 dit qu'ils ont quitté leurs maisons parce qu'ils ont été chassés de leurs
12 maisons par la VJ ou par le MUP; ils ont dit qu'ils étaient partis pour des
13 raisons autres, parce qu'ils avaient peur des bombardements de l'OTAN. Ils
14 avaient peur des combats entre l'ALK et les forces yougoslaves, et pour des
15 raisons personnelles. Mais tout ça, ce sont des raisons tout à fait
16 légitimes pour les gens de s'en aller. C'est pour des raisons légitimes,
17 similaires, que d'autres personnes mises en accusation ont été acquittées,
18 comme cela était le cas de l'arrêt Gotovina. Nous avons donc ici eu un
19 témoignage direct de Bislim Zyrapi, qui est un commandant de l'ALK, et qui
20 a témoigné ici pour ce qui est donc de la page 6 003 du compte rendu
21 d'audience, il a confirmé que l'ALK avait donné l'ordre aux Albanais de
22 Kosovo de s'en aller de chez eux, et que ça faisait partie intégrante de
23 leur plan et de leur stratégie. Alors, comment voulez-vous que l'on puisse
24 exclure cette raison du déplacement de personnes, telle que nous l'avons
25 constaté ? Les Juges de la Chambre de première instance n'ont pas pu tirer
26 ce type de conclusion, et c'est là que réside l'erreur.
27 Alors, le dernier sujet que je voudrais aborder, c'est l'un des
28 sujets qui a été traité par mon confère, M. Wood. Il est question des
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1 connaissances que l'accusé avait eues des crimes commis. Il est fait
2 référence à certains paragraphes du jugement rendu, on parle de Shaun
3 Byrnes et on dit ce que Shaun Byrnes a dit au sujet de la police qui avait
4 incendié au quotidien des maisons de gens. Mais on va voir ce qui se trouve
5 dans les éléments de preuve, non pas ce que le jugement dit. Shaun Byrnes,
6 page de compte rendu d'audience 12 148 :
7 "Je n'ai vu aucun membre de la PJP en train de tirer sur la gâchette.
8 Je n'ai pas vu un seul membre des unités de PJP incendier des maisons
9 d'Albanais. Les Albanais avaient déjà fui des villages qui étaient déjà en
10 flammes."
11 Donc partant de ce type de témoignage, la seule conclusion
12 raisonnable à tirer c'est de ne pas imputer cela au MUP. Les gens fuyaient
13 parce que leurs maisons étaient en train de brûler, et c'est ce qui fait
14 partie des combats. Le plus gros problème avec le bureau du Procureur et le
15 jugement rendu, qui est développé dans le jugement en tant que tel, c'est
16 qu'on ne met pas en œuvre le principe in dubio pro reo de façon
17 raisonnable, et c'est la raison pour laquelle je vous demande, Madame,
18 Messieurs les Juges, de réexaminer le jugement rendu parce que illogique,
19 et ce jugement devrait être modifié. Et je crois que je dois vous remercier
20 du temps que vous m'avez accordé.
21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bon, il me semble qu'il n'y a pas
22 d'autres questions à être posées par les Juges de la Chambre. Ceci met un
23 terme à notre audience d'aujourd'hui. Nous allons siéger quelque peu plus
24 longtemps demain. Nous allons commencer la journée à 9 heures du matin, et
25 nous allons travailler jusqu'à 5 heures. Oui, Monsieur Wood.
26 M. WOOD : [interprétation] Je voudrais procéder à un rectificatif au compte
27 rendu d'audience pour que les choses soient tout à fait clairement
28 consignées. En page 70, ligne 3 d'aujourd'hui, il est dit "78", il fallait
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1 entendre "1 178." C'est tout ce que je voulais dire.
2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci. Nous allons lever l'audience, et
3 nous allons reprendre demain matin à 9 heures.
4 --- L'audience est levée à 15 heures 15 et reprendra le vendredi, 15 mars
5 2013, à 9 heures 00.
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