Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 11 juillet 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 15.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-on demander à l'huissier d'aller

  6   chercher le témoin.

  7   Et entre-temps, Madame la Greffière d'audience, veuillez citer l'affaire.

  8   Mme LA GREFFIERE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Il

  9   s'agit de l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière d'audience.

 11   Monsieur Groome.

 12   M. GROOME : [interprétation] En attendant l'entrée du témoin, je voudrais

 13   vous présenter Julia Lee, qui fera partie de notre équipe. Et deuxièmement,

 14   je voudrais savoir si ce ne serait peut-être pas utile de reporter les

 15   détails liés au versement de certains éléments de preuve. Peut-être qu'on

 16   pourrait reporter ceci après la déposition du témoin suivant.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que tout ceci est sur papier.

 18   Je sais que vous êtes toujours très bien préparé, Monsieur Groome. Est-ce

 19   que vous pourriez peut-être déjà envoyer ces documents à la Défense et aux

 20   Juges de la Chambre de façon à voir si des points que vous abordez seraient

 21   contestés.

 22   M. GROOME : [interprétation] Je ne peux pas le faire dès maintenant, mais

 23   dès que je pourrais le faire, je le ferai.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'était simplement une proposition.

 25   M. GROOME : [aucune interprétation]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, je vais vérifier auprès de mes

 27   collègues s'ils seraient d'accord avec cette manière de procéder.

 28   M. GROOME : [interprétation] Moi, ça ne me dérangerait pas, Monsieur le


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  1   Président.

  2   [La Chambre de première instance se concerte]

  3   [Le témoin vient à la barre]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Toutes mes excuses, Monsieur Harland, de

  5   ne pas vous avoir salué quand vous êtes entré dans le prétoire. Veuillez

  6   vous asseoir.

  7   Tout d'abord, je vous rappelle que vous déposez toujours sous serment suite

  8   à la déclaration solennelle que vous avez prononcée au début de votre

  9   déposition.

 10   LE TEMOIN : DAVID HARLAND [Reprise]

 11   [Le témoin répond par l'interprète]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Groome va donc poursuivre son

 13   interrogatoire principal.

 14   LE TEMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'avais une question

 15   suite aux conseils que vous m'avez donnés hier soir. Est-ce que c'est le

 16   bon moment de poser la question ?

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

 18   LE TEMOIN : [interprétation] Comme vous le savez, aujourd'hui est

 19   l'anniversaire de la chute de Srebrenica, qui est commémorée donc

 20   aujourd'hui, et j'ai été contacté hier soir par une organisation qui est

 21   associée aux médias et ils m'ont demandé si je serais prêt à répondre à

 22   certaines questions dans le cadre d'un entretien. Ils m'ont envoyé trois

 23   questions sur Srebrenica mais liées également aux événements en Syrie.

 24   Compte tenu des consignes que vous m'avez données hier, je ne me suis pas

 25   engagé ni d'un côté ni de l'autre parce que je ne savais pas si ma

 26   déposition serait terminée ou pas. J'espère que ma déposition sera

 27   terminée, mais je voudrais savoir quelles seraient vos consignes en la

 28   matière.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, je vais m'entretenir avec

  2   mes collègues.

  3   [La Chambre de première instance se concerte]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harland, nos consignes sont les

  5   suivantes : vous ne devriez pas parler à qui que ce soit de quelque manière

  6   que ce soit de votre déposition, et cela couvre tout ce qui figure dans

  7   votre déclaration. Donc, compte tenu des circonstances, bien sûr, je

  8   comprends votre situation, mais en même temps l'importance de ce procès a

  9   la primauté sur quoi que ce soit d'autre.

 10   LE TEMOIN : [interprétation] Je comprends bien.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 12   Monsieur Groome, c'est à vous.

 13   M. GROOME : [aucune interprétation]

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais attendez, je voudrais poser une

 15   autre question. J'ai remarqué qu'il y a des conversations entre les

 16   différents membres d'une équipe qui, quelquefois, ont un niveau sonore tel

 17   que cela peut s'entendre également dans les écouteurs, et cela est souvent

 18   dû au fait que les gens continuent à porter des écouteurs et, par

 19   conséquent, à parler plus fort pour pouvoir s'entendre. Par conséquent, je

 20   vous propose, si vous voulez vous entretenir les uns avec les autres

 21   pendant ce procès, d'enlever vos écouteurs de façon à parler plus doucement

 22   et que ceci ne perturbe pas les débats.

 23   LE TEMOIN : [interprétation] Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Harland.

 25   LE TEMOIN : [interprétation] Désolé. J'ai également réfléchi aux deux

 26   questions que vous m'aviez posées, une sur les registres du cadastre et une

 27   autre sur l'eau. Ces deux questions n'étaient pas, bien sûr, centrales pour

 28   l'affaire, mais j'ai des éléments supplémentaires qui résultent de mes


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  1   réflexions supplémentaires en la matière.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voyons si les parties veulent reposer

  3   des questions à ce sujet. Ceci pourra se faire peut-être dans les questions

  4   supplémentaires ou dans le contre-interrogatoire. Donc vous aurez peut-être

  5   la possibilité d'apporter des précisions aux questions qu'on vous a posées

  6   hier.

  7   LE TEMOIN : [interprétation] D'accord.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome.

  9   Interrogatoire principal par M. Groome : [Suite]

 10   Q.  [interprétation] Monsieur Harland, je voudrais commencer par l'accord

 11   sur les tirs embusqués du 14 août 1994. Vous en avez parlé dans votre

 12   déclaration, et l'Accusation va verser un document qui porte pour l'instant

 13   la référence 65 ter 10030. Ma question est la suivante : une fois que cet

 14   accord a été signé, est-ce que vous avez remarqué une baisse significative

 15   des activités de tirs embusqués à Sarajevo ?

 16   R.  Oui, immédiatement.

 17   Q.  Et cette nouvelle situation a duré pendant combien de temps à peu près

 18   ?

 19   R.  Pendant plusieurs semaines, mais je ne peux pas être plus précis parce

 20   que près de 20 ans se sont écoulés.

 21   M. GROOME : [interprétation] Je voudrais qu'on affiche sur les écrans le

 22   document de la liste 65 ter 10240. Et j'aimerais que l'on consulte la

 23   première page du document, et de toute façon nous allons verser ce

 24   document.

 25   Q.  Ma première question, Monsieur Harland, une fois que vous pourrez voir

 26   ce document, est de savoir si vous pouvez décrire le type de document qui

 27   est sur nos écrans ?

 28   R.  Il s'agit d'un document de la FORPRONU, un rapport de situation


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  1   quotidien qui émane du QG de la FORPRONU à New York.

  2   Q.  Ce document reprend une description d'un bombardement qui a eu lieu ce

  3   jour-là et qui est mentionné sous la référence G(18) dans l'acte

  4   d'accusation, il y a donc un résumé de toutes les activités à Sarajevo

  5   durant cette journée, et les Juges de la Chambre pourront donc lire cela

  6   pour eux-mêmes. Mais je voudrais maintenant revenir à la première page. Il

  7   y a une rubrique mentionnée où vous avez en fait des chiffres qui sont

  8   mentionnés ainsi que des descriptions. Pourriez-vous nous dire de quoi il

  9   s'agit.

 10   R.  Comme je le disais, il s'agit d'un rapport de situation du QG de la

 11   FORPRONU à New York. 28-0001 bravo à 28-2359 b, donc cela signifie que cela

 12   donne la date, c'est-à-dire 28 août 1995, ainsi que l'heure. Donc c'est une

 13   période qui couvre 24 heures.

 14   Q.  Merci.

 15   M. GROOME : [interprétation] Maintenant je voudrais que l'on affiche le

 16   document de la liste 65 ter 05356. C'est un document du 15 juillet 1995

 17   dont M. Harland est l'auteur, et c'est intitulé : "Secteur Sarajevo,

 18   rapport de situation hebdomadaire." Nous souhaitons verser ce document au

 19   dossier.

 20   Q.  Encore une fois, Monsieur Harland, une fois que vous pourrez voir ce

 21   document sur votre écran, je voudrais savoir si vous le reconnaissez et si

 22   vous avez eu la possibilité d'examiner ce document avant votre déposition ?

 23   R.  Oui, c'est un document dont je suis l'auteur et, effectivement, j'ai pu

 24   le parcourir avant la déposition.

 25   M. GROOME : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait maintenant passer à

 26   la page 4 de la version originale et au milieu de la page 3 pour la

 27   traduction en B/C/S.

 28   Q.  Dans le deuxième paragraphe sur cette page, vous décrivez des


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  1   bombardements sporadiques de Sarajevo, et vous mentionnez :

  2   "Apparemment dans un effort visant à terroriser la population."

  3   Et ensuite, vous mentionnez que durant cette période, 25 civils ont

  4   été tués et 98 ont été blessés. Ma question est la suivante : j'aimerais

  5   savoir, si tant est que c'était le cas, quel type d'activités ou

  6   d'hostilités militaires pouvaient être observées durant cette semaine à

  7   Sarajevo ?

  8   R.  C'est après l'offensive des forces gouvernementales du printemps, donc

  9   au niveau de la ligne de confrontation c'était une période relativement

 10   calme, mais en même temps une pression assez importante était exercée sur

 11   la population civile. Donc il y avait des activités militaires

 12   conventionnelles relativement limitées autour de Sarajevo durant cette

 13   semaine, autant que je m'en souvienne.

 14   M. GROOME : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait passer au dernier

 15   paragraphe de la page 5 en version originale et le dernier paragraphe de la

 16   page 4 de la traduction.

 17   Q.  Le dernier paragraphe se lit comme suit :

 18   "Le moral de la population civile de la capitale de la Bosnie était au plus

 19   bas. Un nombre de personnes avait déjà essayé de quitter l'armée, et de

 20   quitter le pays d'ailleurs, et cette tendance ne faisait que s'accroître.

 21   Il y avait un air de peur et de désillusion. Beaucoup d'employés locaux de

 22   la FORPRONU parlaient du fait qu'ils souhaitaient quitter le pays. Les gens

 23   en parlaient ouvertement et disaient qu'ils ne seraient pas disposés à

 24   supporter un quatrième hiver dans une ville assiégée."

 25   Ma question, donc, est la suivante : j'aimerais savoir si le fait que la

 26   population civile de Sarajevo n'avait pas un bon moral était lié d'une

 27   manière ou d'une autre aux huit leviers que vous avez décrits dans votre

 28   déclaration et s'il y avait d'autres facteurs qui étaient liés ?


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  1   R.  C'est une question difficile. Les gens qui avaient délibérément choisi

  2   de rester dans la ville au cours des premières années de la guerre

  3   n'étaient pas disposés ou psychologiquement n'étaient plus disposés à se

  4   projeter dans l'avenir et à vivre sans gaz, sans électricité, sans

  5   suffisamment de nourriture ou d'eau durant un quatrième hiver. Et les gens

  6   avec lesquels nous étions en contact nous avaient dit cela. Mais il y avait

  7   également d'autres facteurs. Et d'ailleurs - je ne sais pas si le général

  8   Mladic pourra préciser cela - mais d'après notre évaluation, je dirais que

  9   tant les Bosno-Serbes que les Musulmans que les Croates avaient conclu

 10   qu'ils devraient mettre fin à la guerre en 1995.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harland, pourriez-vous éviter

 12   de nous dire qui pourrait nous fournir des informations, y compris

 13   mentionner M. Mladic, parce que c'est aux parties, à l'Accusation ou à la

 14   Défense, de décider quelles sont les personnes qu'ils appelleront à

 15   comparaître.

 16   LE TEMOIN : [aucune interprétation]

 17   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 18   M. GROOME : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur Harland, dans votre déclaration vous avez parlé des

 20   négociations auxquelles vous avez participé et auxquelles d'autres membres

 21   des Nations Unies ou de la FORPRONU ont participé. Est-ce que votre bureau

 22   a organisé des négociations directement entre les parties, c'est-à-dire

 23   entre les membres de l'armée bosno-serbe et les membres de l'armée

 24   gouvernementale ?

 25   R.  Oui, tout le temps.

 26   Q.  Et est-ce que vous avez été à l'origine d'une de ces négociations en

 27   présence d'Avdo Palic ?

 28   R.  Oui, vous avez mentionné le colonel Avdo Palic de Zepa.


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  1   Q.  Pourriez-vous nous dire dans quelle mesure vous avez organisé ces

  2   négociations en ce qui le concerne ?

  3   R.  Le colonel Avdo Palic était le commandant militaire de l'enclave bosno-

  4   musulmane de Zepa. Après la chute de Srebrenica, les forces serbes ont

  5   commencé à lancer l'assaut sur Zepa. Afin de réduire les souffrances des

  6   civils, Avdo Palic nous a contactés et il nous a dit qu'il serait disposé à

  7   entrer en contact directement avec les Bosno-Serbes pour aborder la

  8   question de l'évacuation de la population civile de l'enclave de Zepa de

  9   façon à ce que s'il y avait un assaut au bout de la campagne contre la

 10   ville, il y aurait moins de pertes civiles. Et nous -- parce que ce n'est

 11   pas moi personnellement qui l'ai fait. J'ai donc envoyé un collègue, il

 12   s'appelait Ed Joseph, qui a transmis ce message aux forces bosno-serbes qui

 13   menaient l'assaut sur Zepa, et donc il a transmis le message au commandant

 14   serbe qu'il avait contacté, je crois que c'était le général Tolimir.

 15   Q.  Et est-ce que ce sont vos bureaux qui ont fourni le transport pour

 16   faciliter la négociation ?

 17   R.  Oui, le général Tolimir a dit qu'il était d'accord et que le colonel

 18   Palic pouvait le rejoindre au niveau d'une position serbe qui était juste

 19   au-dessus du canyon ou de la gorge de Zepa. Et c'est donc mes bureaux qui

 20   ont fourni un véhicule à bord duquel le colonel Palic est monté, et nous

 21   l'avons donc acheminé par une route très sinueuse vers les positions serbes

 22   avancées, les positions de commandement.

 23   Q.  Monsieur Harland, les Juges de la Chambre, dans une décision récente

 24   concernant votre déposition, ont rappelé l'Accusation de la nécessité

 25   d'envisager certaines conclusions et opinions qui figuraient dans votre

 26   déclaration. Au paragraphe 258 de votre déclaration, vous avancez quelque

 27   chose qui est très clair, et je voudrais vous poser la question. La

 28   première phrase du paragraphe 258 se lit comme suit :


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  1   "Il n'y a jamais eu de doutes quant à savoir si le général Mladic avait le

  2   contrôle et le commandement de ses structures militaires."

  3   Est-ce que vous êtes en mesure d'expliquer de manière concrète aux Juges de

  4   la Chambre sur quelle base factuelle vous vous fondez pour faire cette

  5   déclaration ?

  6   R.  Oui. Je souhaiterais faire deux commentaires à ce sujet. Tout d'abord,

  7   vous avez les interactions du général Mladic avec le personnel qui

  8   l'entourait. Nous le voyons accompagné du général Gvero, du général Tolimir

  9   et du général Milovanovic, d'autres généraux, ainsi que des officiers moins

 10   gradés, ainsi que les commandants des corps, et il est évident qu'ils s'en

 11   remettaient à lui et le traitaient avec extrêmement de respect. Mais ce qui

 12   est plus important, notre évaluation - parce que ce n'est pas uniquement la

 13   mienne, c'était une opinion qui était partagée par tous ceux qui avaient eu

 14   des contacts avec M. Mladic - c'est qu'il y avait un lien direct entre le

 15   général Mladic, entre ses déclarations et les résultats, les actions et les

 16   conséquences sur le terrain. Quelquefois il s'agissait d'aspects généraux,

 17   mais quelquefois il s'agissait de détails. Quand, par exemple, j'ai été

 18   arrêté au poste de contrôle de Rogatica, et les personnes qui m'arrêtaient

 19   disaient qu'ils ne pouvaient pas me laisser passer sans avoir le feu vert

 20   du général Mladic, ça, c'était donc des détails. Mais de manière plus

 21   générale, il pouvait s'assurer que certaines choses se passent. Vous m'avez

 22   déjà posé des questions hier à ce sujet, par exemple, pour ce qui est des

 23   incidents sur le mont Igman. Le général Mladic, en ma présence, a expliqué

 24   par le menu quelles étaient les positions qui pourraient être abandonnées

 25   au mont Igman pour un redéploiement, à quel moment et dans quelle

 26   direction, et ils étaient très sérieux parce qu'ils avaient peur d'être

 27   bombardés par l'OTAN, c'est ce qu'ils ont dit. Et lorsqu'il a donné l'ordre

 28   d'un redéploiement, cela s'est passé. Et d'ailleurs, il a accompagné


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  1   certains de mes collègues à bord d'un petit hélicoptère au niveau de

  2   Bjelasnica, et on pouvait voir ce qui se passait. Puis nous avons parlé

  3   également de la zone d'exclusion totale qui est ressortie du cessez-le-feu

  4   de février 1994, et encore une fois ils pensaient qu'ils allaient être

  5   bombardés par l'OTAN, il a donné des ordres et les observateurs militaires

  6   des Nations Unies pouvaient le voir en temps réel. On voyait les armes

  7   lourdes qui arrivaient dans les zones de collecte des armes. Donc il est

  8   évident qu'il avait le commandement et le contrôle de toutes les forces qui

  9   lui étaient subordonnées.

 10   Q.  Vous étiez à Sarajevo de 1993 jusqu'à la fin de la guerre. J'aimerais

 11   savoir si, durant la période de votre séjour, vous pensiez que la situation

 12   était différente de ce que vous avez déjà décrit ?

 13   R.  Je pense qu'il y avait des périodes de tension entre les dirigeants

 14   civils dirigés par le Dr Karadzic et les structures militaires sous le

 15   commandement et le contrôle du général Mladic. Je n'ai jamais eu de doutes

 16   quant aux structures militaires qui étaient de facto sous le contrôle du

 17   général Mladic, mais je pense qu'il y avait certainement des périodes de

 18   tension entre les structures militaires et les structures civiles à Pale,

 19   notamment vers la fin de la guerre, c'est-à-dire en juillet, en août, en

 20   septembre et en octobre 1995.

 21   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas d'autres

 22   questions à poser pour l'instant.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Groome.

 24   D'un point de vue pratique en ce qui concerne l'argument que vous souhaitez

 25   présenter pour les pièces associées, ou les pièces connexes, j'aimerais

 26   savoir quand vous comptez transmettre ces documents à la Défense pour

 27   qu'ils puissent se prononcer ?

 28   M. GROOME : [interprétation] Durant la première pause.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Durant la première pause. Très bien.

  2   Maître Lukic, vous avez annoncé à M. Groome quelles étaient les pièces que

  3   vous alliez verser. Donc vous devez garder à l'esprit, Maître Lukic,

  4   quelles sont les pièces qui seront probablement versées au dossier. Est-ce

  5   que vous êtes prêt à poser vos questions dans le cadre du contre-

  6   interrogatoire ?

  7   M. LUKIC : [interprétation] Oui, je suis prêt, mais j'aimerais savoir de

  8   combien de temps je vais disposer, pour avoir vos consignes en la matière,

  9   ou est-ce que vous voulez que nous commencions sans avoir de consigne de

 10   temps ?

 11   [La Chambre de première instance se concerte]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, ce témoin a fourni une

 13   déclaration très longue qui reprend énormément d'éléments; par conséquent,

 14   les Juges de cette Chambre n'ont pas l'intention de vous fixer une durée

 15   pour le contre-interrogatoire. Cependant, nous vous invitons à poser des

 16   questions ciblées et à être efficace dans vos questions. Mais pourriez-vous

 17   peut-être nous dire combien de temps vous comptez utiliser ?

 18   M. LUKIC : [interprétation] Je pense environ neuf heures.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Neuf heures, c'est beaucoup --

 20   M. LUKIC : [interprétation] J'essaierai d'être plus bref.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges de cette Chambre vont observer

 22   la manière dont vous gérez le temps dans votre contre-interrogatoire, et

 23   nous vous conseillons de commencer par les points les plus importants, mais

 24   bien sûr, c'est à vous de structurer votre contre-interrogatoire. Mais si à

 25   un certain moment nous pensons que vous n'avez pas fait preuve de

 26   suffisamment d'efficacité, nous vous demanderons de conclure. C'est la

 27   raison pour laquelle je vous demande de commencer par les points les plus

 28   importants, pour qu'au moins ils soient traités si on vous impose des


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  1   restrictions en matière de temps.

  2   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer.

  4   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harland, c'est Me Lukic qui va

  6   vous poser des questions dans le cadre du contre-interrogatoire. Me Lukic

  7   est le conseil de M. Mladic.

  8   Contre-interrogatoire par M. Lukic :

  9   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Harland.

 10   R.  Bonjour.

 11   Q.  Je voudrais commencer par les paragraphes 3 et 4 de votre déclaration.

 12   Est-ce que vous avez cette déclaration devant vous, Monsieur le Témoin ?

 13   R.  Non, pas encore.

 14   M. LUKIC : [interprétation] Est-ce que quelqu'un pourrait fournir une copie

 15   papier de la déclaration de M. Harland ?

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que quelqu'un dispose d'une copie

 17   papier de la déclaration de M. Harland ?

 18   Monsieur Harland, vous trouverez les parties principales de votre

 19   déclaration dans un document avec d'autres parties qui ont, en fait, été

 20   effacées --

 21   LE TEMOIN : [interprétation] Oui, j'ai vu ce document.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 23   M. LUKIC : [interprétation]

 24   Q.  Les paragraphes 3 et 4, ces paragraphes sont visibles, donc on peut en

 25   parler. Dans ces paragraphes, vous parlez de votre parcours, et j'aimerais

 26   vous poser la question suivante à ce sujet : vous n'avez pas de formation

 27   militaire, n'est-ce pas ?

 28   R.  C'est exact.


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  1   Q.  Et vous n'avez pas non plus de formation en balistique, n'est-ce pas ?

  2   R.  C'est exact.

  3   Q.  Vous n'avez pas de formation médicale non plus, n'est-ce pas ?

  4   R.  C'est exact.

  5   Q.  Merci.

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pourriez-vous donner la cote de ce

  7   document ? Je suppose que vous voulez parler de la pièce P1. Mais nous

  8   aimerions également que ce document soit affiché sur les écrans et nous

  9   voudrions également que la référence du document que vous utilisez soit

 10   consignée au compte rendu d'audience.

 11   M. LUKIC : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président. Je vais le

 12   faire.

 13   Madame la Greffière d'audience, pouvez-vous nous aider ? Est-ce qu'il

 14   s'agit bien de la pièce P1 ? Est-ce que l'on pourrait placer ceci sur le

 15   rétroprojecteur -- non, en fait, dans le système de prétoire électronique.

 16   Q.  Pourriez-vous nous dire, je vous prie, quelles ont été vos tâches

 17   précises à Sarajevo puis à la FORPRONU ?

 18   R.  Pour la première partie de la guerre, j'étais responsable des affaires

 19   civiles au commandement de Bosnie-Herzégovine, qui était le QG, donc, de la

 20   FORPRONU à Sarajevo. J'étais donc un responsable politique, et dans le

 21   cadre de ces fonctions je devais compiler et collecter des informations à

 22   partir de différentes sources, dans le cadre de mes contacts avec les

 23   parties, et j'utilisais également les sources de notre contingent

 24   militaire, des observateurs militaires, des missions humanitaires, et je

 25   procédais à une analyse de ces informations et présentais cette analyse aux

 26   dirigeants de la FORPRONU. Je devais également organiser et participer à

 27   des réunions avec les factions belligérantes dans un contexte politique,

 28   militaire et humanitaire, et je devais également participer à ces réunions


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  1   et je devais également organiser toutes réunions de suivi.

  2   Et pendant la dernière phase de la guerre, j'étais le chef de des affaires

  3   civiles pour le secteur de Sarajevo; et au cours du dernier mois ou des

  4   deux derniers mois de la guerre, j'étais le conseiller politique du général

  5   Smith, qui était le commandant des forces de la FORPRONU déployées en

  6   Bosnie.

  7   Q.  Dans votre déclaration, vous dites que vos activités s'inscrivaient

  8   dans le cadre de la stratégie politique. Alors, au sujet de cette stratégie

  9   politique, est-ce que vous pourriez rapidement nous décrire ce qu'elle

 10   représentait ou ce qu'elle englobait ?

 11   R.  Eh bien, écoutez, par exemple, en 1995 -- après l'échec et la

 12   dissolution du Groupe de contact en 1994, des efforts ont été déployés pour

 13   essayer de comprendre les objectifs des trois grandes factions

 14   belligérantes et des Etats avoisinants; et le but était de conseiller les

 15   dirigeants de la FORPRONU sur la façon dont la FORPRONU pourrait se

 16   positionner au mieux pour pouvoir dans un premier temps s'acquitter de son

 17   mandat, donc il s'agissait d'aider à la livraison d'aide humanitaire et de

 18   faire en sorte, de façon plus générale, de mettre un terme au conflit.

 19   Q.  Mais est-ce que cela inclut des propositions de bombardement ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Merci. Et maintenant je souhaiterais que nous nous intéressions au

 22   paragraphe 14, je vous prie, car dans ce paragraphe 14 vous dites que vous

 23   assuriez ou garantissiez la liberté de mouvement ou de déplacement pour les

 24   civils. Est-ce que les civils pouvaient quitter Sarajevo comme ils le

 25   souhaitaient ?

 26   R.  Non.

 27   Q.  Dans la zone où vous résidiez à Sarajevo, est-ce que vous avez constaté

 28   qu'il y avait des Serbes qui y vivaient également?


Page 732

  1   R.  Oui, oui, il y avait un nombre assez important.

  2   Q.  Et étant donné que vous étiez le responsable des affaires civiles, est-

  3   ce que vous avez été informé du fait que des civils serbes ont été tués à

  4   Sarajevo ?

  5   R.  Oui, oui, tout à fait.

  6   Q.  Merci. Est-ce que vous avez mené des enquêtes, est-ce que vous avez

  7   découvert qui les avait tués, où et comment, et est-ce que vous avez

  8   présenté des rapports à ce sujet ?

  9   R.  Oui. Lorsqu'il y avait des victimes, nous essayions toujours de

 10   ventiler, en fait, le nombre des victimes en fonction de leur origine

 11   ethnique, ou l'origine ethnique des victimes, et nous essayions toujours de

 12   déterminer la cause des décès en question.

 13   Q.  Et dans le cadre de ces enquêtes, qu'avez-vous appris ? Quelles ont été

 14   vos conclusions ? Combien de Serbes ont été tués à Sarajevo pendant la

 15   guerre; est-ce que vous pouvez nous le dire ?

 16   R.  Premièrement, nous n'avons pas mené à bien des enquêtes pour tous les

 17   morts qui sont tombés pendant mon séjour à Sarajevo. De toute façon, il

 18   s'agissait d'un échantillonnage représentatif ou nous avions accès à des

 19   données assez générales qui ne donnaient pas forcément des détails précis.

 20   Mais je pense que notre conclusion a été que pendant le siège, je dirais

 21   qu'approximativement 10 000 personnes ont été tuées, et sur ces 10 000, 10

 22   % étaient des Serbes, ce qui correspondait au pourcentage de la population

 23   serbe dans la zone contrôlée par le gouvernement bosniaque.

 24   Q.  Donc, si je vous disais que plus de 5 000 Serbes ont été tués à

 25   Sarajevo, vous ne seriez pas d'accord avec moi ?

 26   R.  Ecoutez, je n'ai jamais vu de preuves à ce sujet -- en fait, oui, non,

 27   je ne suis pas d'accord avec ce chiffre.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais savoir si vous parlez du même


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  1   Sarajevo en quelque sorte.

  2   Vous, vous parlez de la zone contrôlée par le gouvernement à

  3   Sarajevo. Alors, est-ce que vous parlez des mêmes zones ?

  4   Lorsque vous demandez au témoin s'il n'est pas d'accord lorsque vous

  5   avancez le chiffre de 5 000 victimes, de 5 000 morts serbes, est-ce que

  6   vous parlez de la zone contrôlée par le gouvernement --

  7   M. LUKIC : [interprétation] Oui.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc il se peut qu'il y ait davantage de

  9   personnes qui ont perdu la vie dans la zone à l'extérieur de la zone

 10   contrôlée par le gouvernement.

 11   M. LUKIC : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Très bien. Nous avons maintenant

 13   vérifié cela. Je vous remercie. Poursuivez, Maître Lukic.

 14   M. LUKIC : [interprétation]

 15   Q.  Est-ce que vous avez des informations selon lesquelles les Serbes à

 16   Sarajevo avaient été emmenés sur les lignes de front pour y creuser des

 17   tranchées ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Et en tant que FORPRONU, est-ce que vous avez fait quoi que ce soit à

 20   ce sujet ?

 21   R.  Oui. Oui, oui, c'était justement l'une des questions à propos

 22   desquelles nous avons manifesté notre protestation auprès de l'armée de

 23   Bosnie justement.

 24   Q.  Mais outre ces manifestations de protestation, est-ce que vous avez

 25   peut-être suggéré une sanction pour le gouvernement de Bosnie -- enfin, je

 26   dirais le gouvernement bosnien d'ailleurs, je préférerais utiliser ce

 27   terme. Est-ce que vous avez envisagé des actions punitives contre le

 28   gouvernement ?


Page 734

  1   R.  Lorsque des éléments d'information ont été portés à notre attention,

  2   lorsque, par exemple, nous avons appris que les Serbes étaient mis dans des

  3   situations très dangereuses parce qu'on les obligeait à creuser des

  4   tranchées ou que les Serbes se voyaient contraints à nettoyer à la main des

  5   mines, donc à les enlever dans des zones très, très dangereuses, telles que

  6   Stup et Zuc, là nous avons officiellement présenté une lettre de

  7   protestation officielle et nous leur avons indiqué en fait qu'ils étaient

  8   en train de commettre potentiellement des crimes de guerre. Et je me

  9   souviens très, très bien de l'avoir dit, cela, à la fois au général

 10   Karavelic et au général Hajrulahovic.

 11   Q.  Merci. Au paragraphe 19 (C), voilà ce que vous dites :

 12   "J'étais la personne chargée des contacts avec les autres organisations

 13   internationales et non gouvernementales qui opéraient à Sarajevo, telles

 14   que le HCR et le comité international de la Croix-Rouge."

 15   J'aimerais vous poser la question suivante : avez-vous reçu des

 16   informations de la part du comité international de la Croix-Rouge à propos

 17   de victimes serbes, et je pense plus précisément à la zone qui était

 18   contrôlée par le gouvernement bosnien ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Et sur la base de cette information, vous avez conclu qu'il n'y avait

 21   que 1 000 Serbes qui avaient été tués à Sarajevo; c'est cela ?

 22   R.  Je vous dirais que cela ne fut pas la seule source d'information à

 23   notre disposition. Ce fut, certes, l'une des sources d'information que nous

 24   avons consultées.

 25   Q.  Merci. J'aimerais que nous nous intéressions au paragraphe 25, je vous

 26   prie. Dans ce paragraphe, vous dites, et je cite :

 27   "Lorsque je suis arrivé à Sarajevo, cela faisait une année que la ville

 28   était assiégée."


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  1   Le centre de Sarajevo était détenu par le gouvernement bosnien à l'époque.

  2   Est-ce qu'il y avait des localités ou des quartiers d'habitation serbes

  3   autour de ce centre ?

  4   R.  Je dirais qu'en règle générale, les Serbes étaient répartis dans toutes

  5   les zones. Il y avait dans certains quartiers une plus grande concentration

  6   de Serbes, et dans la vieille ville, par exemple, il y avait moins de

  7   Serbes qui habitaient là. Mais en règle générale, les Serbes étaient

  8   répartis dans toute la zone contrôlée par le gouvernement.

  9   Q.  Et est-ce que vous savez que les localités ou les quartiers autour de

 10   Sarajevo qui étaient contrôlés par les Serbes étaient en fait des

 11   quartiers, des localités serbes ? Est-ce que vous saviez cela ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Merci. Le centre de Sarajevo, donc, était placé sous le contrôle des

 14   Bosniens et il y avait en fait la possibilité de passer vers d'autres zones

 15   qui étaient placées, elles aussi, sous contrôle bosnien à partir de

 16   l'aéroport de Butmir ? Et en passant par le tunnel également ?

 17   R.  Non, non. L'aéroport était contrôlé par les Nations Unies, et puis, dès

 18   le début de l'année 1993, les Bosniens avaient creusé un tunnel en dessous,

 19   donc oui, d'accord, plus ou moins, oui, je suis d'accord avec ce que vous

 20   dites.

 21   Q.  Merci. Mais est-ce que vous étiez informé de l'existence du tunnel ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Est-ce que vous saviez que des armes étaient acheminées vers la ville

 24   par le tunnel ?

 25   R.  Oui, et elles en sortaient également par le tunnel.

 26   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez, je vous prie, consulter le paragraphe

 27   27. Vous avez vu hier une carte de Sarajevo qui nous a été montrée par

 28   l'Accusation où il y avait des lignes en rouge et en bleu; vous vous en


Page 736

  1   souvenez ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Est-ce que nous pouvons donc en conclure que les combats avaient lieu

  4   dans toute la ville de Sarajevo et que la ligne de séparation, en fait,

  5   elle se trouvait tout autour de Sarajevo ?

  6   R.  Vous voulez dire qu'il y avait des combats le long de la ligne de

  7   confrontation ?

  8   Q.  Oui.

  9   R.  Oui, oui. Il y avait certains secteurs qui étaient beaucoup plus

 10   actifs, d'autres qui étaient beaucoup plus calmes, mais oui, ce que vous

 11   venez de dire est exact.

 12   Q.  Nous avons vu sur la carte où se trouvait la ligne de séparation, où

 13   elle se trouvait. Alors, est-ce qu'il y avait 100 mètres ou 200 mètres

 14   entre les unités de l'armée de la Republika Srpska et l'ABiH ?

 15   R.  Cela dépendait. Dans certains secteurs où je me suis rendu avec les

 16   forces françaises, par exemple, la distance était moins importante que la

 17   distance qui nous sépare vous et moi dans cette salle. Donc il y avait un

 18   bâtiment qui s'appelait le bâtiment rouge à Grbavica, il y avait une partie

 19   du bâtiment qui était contrôlée par les forces serbes et l'autre partie du

 20   bâtiment qui était contrôlée par les forces de Bosnie. Mais dans d'autres

 21   secteurs, au nord-est de la ville, par exemple, là c'était un secteur plus

 22   rural, au-delà de la périphérie de la ville, et là la distance entre les

 23   deux forces a été beaucoup plus importante.

 24   Q.  Merci. Il y avait des combats dans le centre-ville également, n'est-ce

 25   pas, par exemple, autour de Skenderija ?

 26   R.  Non, pas à Skenderija à proprement parler, en tout cas pas quand je m'y

 27   suis trouvé. Lorsque j'étais là-bas, Skenderija était sous contrôle du

 28   gouvernement, mais il y avait, certes, des combats au sud de Skenderija,


Page 737

  1   oui, effectivement.

  2   Q.  A Grbavica, par exemple, à Vrace, à Ilijas également ?

  3   R.  Pour Grbavica et Vrace, là, oui, il s'agissait de secteurs où les

  4   combats faisaient rage. Ilijas se trouvait à l'extérieur de la zone urbaine

  5   de Sarajevo, et là ce n'était pas une zone de combat intense, non.

  6   Q.  Il y avait également une ligne de séparation à Dobrinja et tout autour

  7   de la zone de l'aéroport, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui, oui, c'est exact, et là c'était une ligne de séparation que je

  9   qualifierais de très active.

 10   Q.  Et Nedzarici également, au nord de l'aéroport, n'est-ce pas, c'est un

 11   secteur qui était placé sous le contrôle du Corps de Sarajevo-Romanija,

 12   alors que l'ABiH avait le contrôle de trois secteurs : Stup, Alipasino

 13   Polje et Mojmilo, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui, oui, c'étaient des secteurs où les combats faisaient rage.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, Maître Lukic, j'aimerais vous

 16   poser une question. Cela fait deux pages de compte rendu d'audience pendant

 17   lesquelles vous nous avez parlé de lignes de confrontation, du tunnel, du

 18   tunnel où les armes étaient transportées. Est-ce qu'il y a un contentieux à

 19   ce sujet, Monsieur Groome ?

 20   M. GROOME : [interprétation] Non, non, pas du tout, Monsieur le Président.

 21   M. LUKIC : [interprétation] Mais cela n'a pas été déterminé.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, je suis un peu surpris. Bon, il

 23   y a eu quelque huit à neuf mois de négociations à propos de ce qui est

 24   appelé les faits faisant l'objet d'accord et, bon, il ne me semblait pas

 25   que cela posait problème. Et maintenant nous entendons une déposition et

 26   cela fait deux pages, Maître Lukic, pendant lesquelles vous vous intéressez

 27   à des éléments qui font l'objet d'aucun contentieux, d'aucun désaccord.

 28   Donc, poursuivez.


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  1   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie.

  2   Q.  Eh bien, écoutez, je vais continuer à poser ces questions très

  3   brièvement parce que j'ai besoin de déterminer certains éléments pour

  4   pouvoir passer à autre chose, parce que je dirais que cela est l'un des

  5   aspects essentiels de votre déposition. Donc le Corps de Sarajevo-Romanija

  6   avait le contrôle de Lukavica, qui se trouvait à 5 à 6 kilomètres d'Ilidza,

  7   alors que l'ABiH contrôlait ces positions du Corps de Sarajevo-Romanija à

  8   partir du mont Igman; en convenez-vous ?

  9   R.  Excusez-moi ?

 10   Q.  Je vous rappelle ce que vous avez dit lors d'une déposition le 15

 11   janvier 2007, page du compte rendu d'audience 371. Voici les propos que

 12   vous avez tenus :

 13   "Le Corps de Sarajevo-Romanija détenait ou avait le contrôle de Lukavica,

 14   qui se trouvait à 5 ou 6 kilomètres à l'est d'Ilidza, et l'ABiH contrôlait

 15   ces positions, donc, du Corps de Sarajevo-Romanija à partir du mont Igman."

 16   R.  Ecoutez, je ne pense pas que j'aurais utilisé le terme de "contrôle",

 17   de "contrôler" en anglais. Lukavica et Ilidza étaient des zones sous le

 18   contrôle des Serbes. Il se peut que j'aie suggéré que les forces bosniennes

 19   pouvaient leur tirer dessus à partir des plateaux du mont Igman. Mais les

 20   deux lieux que vous avez mentionnés, Lukavica et Ilidza, étaient placés

 21   sous le contrôle des forces serbes. Là, je pense qu'il y a peut-être un

 22   problème qui est posé par l'utilisation du verbe "contrôler".

 23   Q.  Oui, c'est peut-être un problème de traduction.

 24   R.  Peut-être.

 25   Q.  Mais j'ai quand même une question à vous poser à ce sujet. Au nord-

 26   ouest, vous avez donc la colline de Sokolj, vous avez la colline de Zuc, de

 27   Hum, vous avez Vogosca et Ilijas, et l'ABiH contrôlait donc la colline de

 28   Zuc qui se trouvait en dessous de Vogosca; est-ce que c'est exact ?


Page 739

  1   R.  Oui, c'est exact.

  2   Q.  Merci. J'aimerais maintenant que nous passions au paragraphe 28. Voilà

  3   ce que vous avez dit au paragraphe 28 :

  4   "Toute la ville faisait régulièrement l'objet de tirs ou de bombardement."

  5   Et là, il y a contentieux. Parce que, qui tirait sur qui et à partir de

  6   quel endroit ? C'est pour cela que j'aimerais vous poser la question

  7   suivante : au centre de la ville, et là il s'agissait du secteur contrôlé

  8   par l'ABiH, est-ce qu'à partir de ce centre de la ville on tirait sur des

  9   positions serbes ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Vous aviez du matériel électronique pour contrôler ou superviser les

 12   tirs et vous pouviez déterminer de quelle direction venaient les tirs,

 13   n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui. Dans la plupart des cas, oui.

 15   Q.  Par exemple, si un canon antiaérien était utilisé pour tirer, et ils

 16   peuvent tirer jusqu'à 30 tirs, et ce, sur une période de temps très courte,

 17   ils peuvent donc être utilisés lors de combat d'infanterie, est-ce que cela

 18   aurait été consigné comme 30 obus ou tirs ?

 19   R.  Il y avait un protocole, protocole qui avait fait l'objet d'accord

 20   entre les différents observateurs militaires. Lorsque vous aviez des armes

 21   à tir rapide, alors les canons Praga, par exemple, et les canons

 22   antiaériens étaient compris là-dedans, on comptait donc une salve, mais on

 23   savait qu'une salve pouvait être composée de plusieurs tirs.

 24   Q.  Mais ils peuvent exploser à partir du moment où ils atteignent la

 25   cible, n'est-ce pas ?

 26   R.  Les cartes que la FORPRONU utilisait tous les matins pour voir où se

 27   trouvaient les secteurs où il y avait impact de tir comptaient tous les

 28   tirs provenant des tirs de mortier de 60-millimètres, donc à partir de ce


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  1   calibre-là. Donc les canons Praga, les canons antiaériens, les armes à tir

  2   multiple étaient en règle générale exclues; mais oui, vous avez tout à fait

  3   raison, ils se trouvaient en fait dans une espèce de catégorie

  4   intermédiaire entre les armes légères et les armes lourdes.

  5   Q.  Mais lorsqu'il y avait des victimes dans le secteur qui était placé

  6   sous le contrôle de l'ABiH, vous supposiez donc que les tirs provenaient du

  7   secteur qui était détenu par le Corps de Sarajevo-Romanija ? C'est en tout

  8   cas ce que vous avez déclaré lors de votre déposition du mois de janvier

  9   2007, à la page 406.

 10   R.  Nous n'avions pas la capacité technique pour mener à bien des enquêtes

 11   après chaque incident de tir ou dans le cas de chaque victime, mais

 12   lorsqu'il était possible de confirmer qui tirait, que ce soient les

 13   observateurs militaires ou mes collègues militaires, ou si vous voyiez

 14   directement qui tirait ou si les radars détectaient les mortiers, alors là,

 15   bien entendu, nous procédions à des conclusions. Je dirais que la grande

 16   majorité des impacts qui correspondaient à des tirs ayant atterri dans la

 17   partie contrôlée par le gouvernement provenaient de la partie contrôlée par

 18   les Serbes dans la ville.

 19   Q.  Mais au paragraphe 29 vous parlez de la façon dont les gens doivent se

 20   protéger, aller chercher de l'eau, aller chercher des vivres, et que leurs

 21   mouvements étaient limités. Hier, vous nous avez dit - et je vais revenir

 22   là-dessus d'ailleurs -  vous avez fait référence à des barrières. Est-il

 23   exact que tout ceci s'est passé dans les zones de la ville qui étaient

 24   contrôlées par le gouvernement de Bosnie ainsi que dans celles qui étaient

 25   contrôlées par l'armée de la Republika Srpska ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Etant donné que vous n'êtes pas expert militaire ou expert dans le

 28   domaine des explosifs, je ne vais pas vous tourmenter davantage. Vous avez,


Page 741

  1   par exemple, dit au paragraphe 30 que 1 000 obus tombaient tous les jours

  2   dans le centre urbain de Sarajevo. Donc, est-ce que vous êtes d'accord avec

  3   moi si je vous dis que vous n'êtes pas la personne idoine pour parler de ce

  4   genre de chose, enfin une personne qui aurait consigné tout cela dans des

  5   documents ? Vous, vous avez entendu parler de cela lors des réunions ? Vous

  6   n'êtes jamais allé constater sur le terrain ce qui s'était passé, à

  7   l'exception de quelques situations précises dont vous avez parlé dans votre

  8   déclaration ?

  9   R.  Oui, certes, car ma tâche consistait à compiler, collecter des

 10   informations. Alors, bien entendu, il ne faut pas oublier que les obus

 11   tombaient tout autour de moi, donc je savais qu'ils tombaient. Mais

 12   lorsqu'il y avait un événement particulièrement intéressant, je me rendais

 13   avec la FORPRONU ou avec les équipes des bataillons. Mais vous avez raison

 14   par rapport à ce que vous venez de dire.

 15   Q.  Merci. Paragraphe 37, je vous prie. Là, vous y parlez des pressions

 16   exercées par les Serbes, et vous dites en fait que c'était une autre façon

 17   d'exercer la terreur. Et vous dites en fait que lorsque les plans de paix

 18   s'effondraient ou étaient voués à l'échec, la pression augmentait --

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, j'essaie de vous suivre.

 20   Vous avez dit à la page 23, ligne 23, je vous cite :

 21   "Je ne vais pas vous tourmenter davantage avec le paragraphe 30, où vous

 22   indiquiez qu'environ 1 000 obus tombaient sur la ville chaque jour."

 23   M. LUKIC : [interprétation] Oui, 1 000 obus, c'est bien cela.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Moi, je lis le paragraphe 30 et je ne

 25   trouve pas cette référence du témoin, donc là je dois vous dire que je suis

 26   un tant soit peu intrigué.

 27   M. LUKIC : [interprétation] Non, c'est le paragraphe 34.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Le paragraphe 34. Poursuivez.


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  1   M. LUKIC : [interprétation]

  2   Q.  Avez-vous été le témoin d'offensives lancées par l'armée de Bosnie,

  3   offensives lancées depuis Sarajevo; et si oui, combien sur ces 28

  4   offensives avez-vous vues de vos propres yeux ?

  5   R.  Oui, quelquefois je voyais une partie de tout ceci. Je voyais les gens

  6   se diriger vers le front ou des unités que l'on déplaçait, des armes ou des

  7   mortiers que l'on déplaçait, car la ville était tellement petite, elle ne

  8   représentait que quelques kilomètres, et quelquefois on entendait ou

  9   quelquefois on voyait les armes que l'on tirait. Donc, dans certains cas

 10   comme ceux-là au printemps de l'année 1995, elles pouvaient être vues de

 11   tous les habitants de la ville.

 12   Q.  Lorsque vous parlez d'Igman à cet égard le 15 janvier 2007, page du

 13   compte rendu d'audience 340, vous dites que la zone démilitarisée sur Igman

 14   était de facto sous le contrôle de l'ABiH à partir du moment où la zone

 15   démilitarisée a été créée, et ce, jusqu'à la fin du conflit. Et vous dites

 16   également que l'ABiH a, en réalité, créé des points de contrôle derrière

 17   cette ligne-là. Question : des offensives étaient-elles souvent lancées

 18   contre des positions serbes depuis ces hauteurs et les positions serbes se

 19   trouvant donc en deçà  de ces endroits-là ?

 20   R.  Si je me souviens bien, l'armée de Bosnie n'avait pas positionné des

 21   armes lourdes dans la zone démilitarisée, mais il est vrai que l'armée

 22   s'est servie de cela, qu'elle transférait ces armes et qu'elle lançait des

 23   attaques depuis cet endroit.

 24   Q.  Est-ce que nous pouvons être d'accord pour dire qu'une telle zone

 25   démilitarisée constituait une cible ou un objectif militaire légitime ?

 26   R.  C'est sans doute une question pour vous en tant qu'avocat. Je crois que

 27   nous pouvons nous mettre d'accord pour dire que de facto ceci n'était pas

 28   vraiment démilitarisé.


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  1   Q.  Merci. Puisque nous sommes sur le sujet de l'ABiH, veuillez nous dire

  2   quelles connaissances vous avez de celle-ci. Combien de membres du 1er

  3   Corps de Bosnie-Herzégovine y avait-il dans la ville de Sarajevo ?

  4   R.  Eh bien –-

  5   Q.  Peut-être que je puis vous rafraîchir la mémoire. Le 16 janvier 2007, à

  6   la page 359 du compte rendu, vous avez dit que le 1er Corps disposait de 30

  7   à 40 soldats à l'intérieur de la ville de Sarajevo; est-ce exact ?

  8   R.  Je dirais que cela a varié selon les dates. Au début de mon séjour, je

  9   crois que le chiffre était moins important, et tous ces membres ne

 10   disposaient pas d'armes. J'ai connu des personnes qui partageaient leurs

 11   armes. Ceci s'est développé au fil des jours, mais la mobilité s'est accrue

 12   au fil des jours. Donc de grandes unités étaient placées à l'extérieur de

 13   Sarajevo en 1995 dans la zone de combat du 3e, voire même du 2e Corps tout

 14   à fait au nord. Donc je ne sais pas si je puis essayer de citer un chiffre

 15   qui pourrait couvrir les trois années du temps que j'ai passé là-bas, mais

 16   en tout cas des dizaines de milliers, ou plutôt, une estimation plus basse

 17   par rapport à cela.

 18   Q.  Est-ce que nous pouvons être d'accord pour dire que le 1er Corps de

 19   l'ABiH disposait d'un certain avantage pour ce qui est des effectifs si on

 20   compare ceci au Corps de Sarajevo-Romanija ?

 21   R.  Je crois que c'est tout à fait exact.

 22   Q.  Est-il exact de dire également que les armes du Corps de Sarajevo-

 23   Romanija étaient des armes de qualité moyenne, que ce soit en termes de

 24   qualité, d'entretien et de recomplètement ?

 25   R.  Vous avez promis de ne pas me tourmenter sur des questions militaires,

 26   mais en tout cas il est vrai que c'était mon évaluation en tant qu'amateur

 27   qu'il y avait des chars, qu'il y avait des armes lourdes qui étaient à la

 28   disposition des forces serbes qui étaient de qualité moyenne et pour ce qui


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  1   est de l'aptitude au combat ou du recomplètement, oui.

  2   Q.  Je souhaite également vous rappeler votre déposition du 16 janvier

  3   2007, à la page du compte rendu d'audience page 415, où vous dites que

  4   l'ABiH a reçu du matériel et des armes à la fin de l'année 1994 et au début

  5   de l'année 1995, et qu'à ce moment-là l'armée de la Republika Srpska

  6   constituait la partie la plus faible dans ce secteur-là ?

  7   R.  Oui, il est vrai que l'armée de Bosnie a reçu des armes et des

  8   uniformes ainsi que de l'entraînement pendant la période 1994-1995. C'est

  9   quelque chose que nous avons vu et constaté, et nous avons vu qu'il y a eu

 10   dans l'équilibre des pouvoirs un léger glissement.

 11   Q.  A ce moment-là, à la fin de l'année 1994, compte tenu des offensives

 12   lancées par l'ABiH, avez-vous demandé à ce que la force militaire soit

 13   employée contre cette composante militaire en Bosnie-Herzégovine ?

 14   R.  Non, je ne le crois pas.

 15   Q.  Merci.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mladic, si vous souhaitez

 17   communiquer avec votre conseil, faites-le de manière appropriée plutôt que

 18   de parler avec cette distance à laquelle vous vous situez maintenant. Si

 19   vous souhaitez vous entretenir avec Me Lukic, à ce moment-là vous pouvez

 20   demander à avoir une pause, et dans ce cas vous pourrez consulter votre

 21   conseil.

 22   M. LUKIC : [interprétation] Je ne sais pas de combien de temps nous

 23   disposons ?

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons commencé tardivement. En

 25   général, nous faisons la pause à 10 heures 30. Si vous estimez que le

 26   moment est opportun pour faire une pause maintenant --

 27   M. LUKIC : [interprétation] Peut-être que cela serait approprié pour que je

 28   puisse consulter mon client.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome.

  2   M. GROOME : [interprétation] Juste avant que nous ne prenions la pause, une

  3   courte question que je souhaite aborder avant la pause.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci a-t-il un quelconque lien avec le

  5   témoin ?

  6   M. GROOME : [interprétation] Aucun lien.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc ceci doit vous prendre

  8   combien de temps, Monsieur Groome ?

  9   [Le témoin quitte la barre]

 10   M. GROOME : [interprétation] Moins d'une minute.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas, nous allons faire cela.

 12   Monsieur Harland, veuillez bien vouloir quitter le prétoire en présence de

 13   l'huissier.

 14   Monsieur Groome.

 15   M. GROOME : [interprétation] Alors, l'Accusation a dans sa

 16   notification des témoins qu'elle avait l'intention de citer à la barre --

 17   nous avons demandé à la Défense de nous fournir des informations concernant

 18   le temps approximatif qu'ils jugent utile pour contre-interrogatoire le

 19   témoin. Nous n'avons reçu aucune information à cet égard. Je réitère ma

 20   demande auprès de Me Lukic, lui demande de nous fournir une estimation et

 21   de lui demander de nous fournir cela sans une précision très particulière.

 22   Nous souhaitons savoir combien de temps va durer la déposition des témoins

 23   pour éviter que cela ne constitue une gêne pour qui que ce soit ou pour le

 24   témoin lui-même. Donc je vais m'entretenir avec lui sur ce point à propos

 25   du témoin suivant, ce témoin étant déjà dans le bâtiment. Si la Chambre

 26   peut nous fournir des conseils à cet égard, nous serions heureux de pouvoir

 27   les entendre, parce qu'il est important que sa déposition soit appropriée,

 28   et sa déposition sera entendue pour le restant de la journée, et nous


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  1   voulons savoir comment il va utiliser le temps qui va être imparti

  2   aujourd'hui.

  3   [La Chambre de première instance se concerte]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, alors la question plus

  5   importante c'est de savoir s'il va commencer sa déposition demain. Est-ce

  6   qu'il y a une possibilité pour que le témoin suivant puisse commencer sa

  7   déposition aujourd'hui ?

  8   M. GROOME : [interprétation] Ecoutez, Monsieur le Président, je crois qu'il

  9   ne va pas pouvoir commencer sa déposition avant demain. Je crois qu'il

 10   souhaite peut-être rentrer chez lui aujourd'hui et s'occuper d'autres

 11   choses.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons en tenir compte. Peut-être

 13   également pendant la pause, regardez ou abordez cette question avec Me

 14   Lukic, par exemple. Si M. Lukic souhaite dire, par exemple : Je souhaite

 15   évoquer la question de l'existence d'un tunnel, ceci est-il contesté, oui

 16   ou non ? Si c'est non, ensuite après la pause, entendre les parties, voir

 17   si elles sont d'accord sur la question du tunnel sous l'aéroport de Butmir,

 18   si cela pose un quelconque problème avec la contrebande d'armes par le

 19   biais de ce tunnel. Pas contesté. D'accord. Donc ce tunnel-là a été utilisé

 20   pour importer et exporter les armes. Et la question suivante peut être sur

 21   le niveau des effectifs et des troupes à Sarajevo, savoir s'il y a un

 22   changement à cet égard. Je crois que vous pourriez -- Maître Lukic, en tout

 23   cas, il s'agit de faits qui n'ont pas été soulevés par l'Accusation, mais

 24   qui sont sans doute des faits sur lesquels elle ne va pas se fonder. Donc

 25   vous pouvez soit le confirmer, soit le nier de façon spontanée --

 26   apparemment, ceci n'est pas pertinent en ce qui concerne votre cause. En

 27   même temps, Maître Lukic, apparemment vous pouvez soulever des questions

 28   comme l'existence d'un tunnel, vous n'êtes pas ici pour nier l'existence du


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  1   tunnel, par exemple. Donc on peut gagner beaucoup de temps en sachant ce

  2   sur quoi va se concentrer votre contre-interrogatoire pour avoir un contre-

  3   interrogatoire efficace, et ce que j'avais à l'esprit ici également, c'est

  4   de voir si vous pouviez voir entre vous quelles sont les questions qui ne

  5   font pas l'objet d'une contestation. Avoir un long procès qui traite de

  6   différentes questions qui apparemment ne seront pas contestées entre les

  7   parties semble ne pas être une bonne utilisation de notre temps.

  8   Nous allons faire une pause -- y a-t-il autre chose ? Nous allons faire une

  9   pause et reprendre à 11 heures moins 5.

 10   --- L'audience est suspendue à 10 heures 27.

 11   [Le témoin quitte la barre]

 12   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Faites entrer le témoin dans le

 14   prétoire, s'il vous plaît.

 15   Dans l'intervalle, tout échange entre Me Lukic et M. Groome, est-ce que

 16   vous avez pu vous mettre d'accord sur le temps du contre-interrogatoire ?

 17   Est-ce que vous avez quelque chose à nous dire ?

 18   M. LUKIC : [interprétation] Malheureusement pas, Monsieur le Président, en

 19   ce qui concerne ce contre-interrogatoire. Nous n'avons pas pu mettre la

 20   touche finale à quoi que ce soit.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 22   Alors, compte tenu des circonstances actuelles pour ce qui est du témoin

 23   suivant, Monsieur Groome, je crois qu'il serait irréaliste de penser

 24   pouvoir commencer son contre-interrogatoire avant vendredi, et donc je vous

 25   demande de bien avoir l'obligeance de lui transmettre ce message. L'heure à

 26   laquelle nous allons commencer vendredi reste inchangée même si les

 27   dispositions prises pour le voyage de ce dernier pourrait avoir une

 28   incidence.


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  1   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, je viens de

  2   m'entretenir avec le témoin. Il est disposé à prendre le premier avion

  3   disponible, c'est une possibilité également. La semaine prochaine, il a

  4   d'autres engagements, mais il est disposé à le faire. Si les Juges de la

  5   Chambre en conviennent, sa déposition se poursuivrait lundi et il va

  6   s'efforcer dans les heures à venir à prendre ses dispositions pour pouvoir

  7   être entendu lundi et également être dans le prétoire lundi.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est quelque chose que nous apprécions

  9   beaucoup. Merci, Monsieur Groome.

 10   M. GROOME : [interprétation] Je transmettrai cela également.

 11   [Le témoin vient à la barre]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harland, les Juges de la

 13   Chambre ont reçu un message qui est le suivant : nos instructions ne sont

 14   pas tout à fait claires eu égard à l'entretien que l'on vous a demandé.

 15   LE TEMOIN : [aucune interprétation]

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, je vais essayer de m'expliquer un

 17   petit peu : votre déposition porte surtout sur Sarajevo mais ne porte pas

 18   exclusivement sur Sarajevo. Hier, des questions ont été posées au sujet de

 19   questions qui allaient bien au-delà de Sarajevo, donc tout ce qui pourrait

 20   éventuellement avoir un quelconque lien avec votre déposition - y compris

 21   les enclaves orientales, pour ce qui est des lignes de gaz, et nous ne

 22   savons pas ce sur quoi va porter votre contre-interrogatoire - alors tout

 23   élément qui pourrait avoir un quelconque lien avec le sujet de votre

 24   déposition au sens large du terme est quelque chose à propos duquel vous

 25   n'êtes pas en droit de parler, et encore moins en public ou en audience

 26   publique. Donc les Juges de la Chambre se demandent ce sur quoi peut encore

 27   porter votre interrogatoire. S'il s'agit de plusieurs années passées en

 28   Bosnie-Herzégovine et si on ne s'en tient pas strictement à Sarajevo, en


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  1   même temps si quelqu'un souhaite vous interroger et vous dit : La Syrie --

  2   avez-vous jamais été au Moyen-Orient, vous pouvez répondre à cette

  3   question. Mais si on vous pose la question suivante pour ce qui est de la

  4   Syrie : Pourriez-vous comparer la Syrie avec la situation en Bosnie-

  5   Herzégovine ? Eh bien, il faudrait que vous vous arrêtiez là, net, parce

  6   que la situation en Bosnie-Herzégovine au début des années 1990 et au

  7   milieu des années 1990 porte sur votre déposition. Ce n'est pas nous qui

  8   allons vous dire ce sur quoi vous pouvez répondre dans l'interrogatoire en

  9   question ou des entretiens que vous pourriez avoir. Donc nous vous donnons

 10   la consigne suivante : vous ne devez parler à personne, que ce soit en

 11   public ou en privé, sur toute question abordée pendant votre déposition ou

 12   votre déposition future et les questions qui vont porter sur des éléments

 13   au-delà. Alors, nous nous en remettons à vous et aux journalistes. J'espère

 14   que les instructions ou les consignes sont maintenant claires et que vous

 15   êtes en mesure de savoir ce sur quoi vous devez répondre ou pas au cours de

 16   l'interrogatoire. Nous vous avons simplement signalé ce sur quoi vous ne

 17   devez pas parler.

 18   LE TEMOIN : [interprétation] J'ai tout à fait compris, Monsieur le

 19   Président.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 21   Maître Lukic, êtes-vous prêt à poursuivre ?

 22   M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, tout à fait.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

 24   Oui, alors, il y a encore une autre question pour vous, Maître Lukic. Si

 25   vous citez la déposition dans une autre affaire - bien sûr, les pages des

 26   comptes rendus d'audience, nous les avons - donc citez le nom de l'affaire

 27   de façon à ce que nous ne soyons pas obligés de retrouver la date ou

 28   l'année de l'affaire en question. Nous savons plus ou moins quelle est la


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  1   référence.

  2   M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, merci.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

  4   M. LUKIC : [interprétation] Donc les pages du compte rendu d'audience que

  5   j'ai citées, l'affaire Krajisnik 2007.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] 2007, je vais me remémorer cela. Nous

  7   allons voir si c'est exact ou pas.

  8   M. LUKIC : [aucune interprétation]

  9   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 10   M. GROOME : [interprétation] D'après nous, il n'a pas déposé dans l'affaire

 11   Krajisnik.

 12   LE TEMOIN : [interprétation] Peut-être que c'est Dragomir Milosevic.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, essayons d'éviter de nous livrer

 14   au jeu des devinettes, essayons de nous en tenir aux faits. Donc ce sont

 15   des consignes que je vous donne pour l'avenir plutôt qu'un commentaire sur

 16   le passé.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   Q.  Paragraphe 38 maintenant, s'il vous plaît, avez-vous dit, entre autres

 19   choses, que vous avez été porté à croire… Ca, c'est votre conclusion. Il ne

 20   s'agit pas de la position officielle de la FORPRONU, n'est-ce pas ?

 21   R.  Je ne sais pas si la FORPRONU avait une position là-dessus. C'était une

 22   opinion communément adoptée.

 23   Q.  Lorsque vous dites qu'il y avait huit leviers que pouvait utiliser

 24   Karadzic pour augmenter la pression, et ensuite, aux points 2 et 3, vous

 25   parlez du bombardement de la population civile car les tirs embusqués

 26   étaient dirigés contre la population civile, saviez-vous à l'époque qu'il y

 27   avait eu un déploiement de l'ABiH, de ses chars, de ses mortiers, de ses

 28   canons et de ses tireurs embusqués dans la ville, de façon à pouvoir dire


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  1   que qu'on tirait sur des civils ?

  2   R.  Oui, de façon générale, nous avions une bien meilleure connaissance de

  3   l'endroit où se trouvaient les effectifs et les armes du gouvernement de

  4   Bosnie parce que nous étions nous-mêmes dans la ville.

  5   Q.  Est-il exact de dire qu'ils se déplaçaient ?

  6   R.  Oui, tout à fait.

  7   Q.  Je vais vous poser des questions sur les coupures d'électricité, de gaz

  8   et d'eau par rapport à Sarajevo uniquement. Etiez-vous au courant de cas où

  9   les Musulmans ont coupé les approvisionnements de cette façon-là de façon à

 10   pouvoir bénéficier de l'assistance ou de l'aide internationale ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Et pouvons-nous nous mettre d'accord sur la chose 

 13   suivante : c'était un moyen de pression. Est-ce qu'il s'agit de quelque

 14   chose qui ressemble à une sanction pour réaliser un objectif politique ?

 15   R.  Pardonnez-moi ?

 16   Q.  Vous avez dit que ceci constituait un acte de terreur. Est-ce que cela

 17   peut constituer une sanction également, sanction imposée sur les autres

 18   parties belligérantes pour diminuer son impact ?

 19   R.  Ceci a peut-être eu une incidence sur les parties militaires. Moi, je

 20   me concentrais surtout sur les effets que cela pouvait avoir sur la

 21   population civile.

 22   Q.  Y a-t-il eu une pénurie sur le plan électrique en Republika Srpska à

 23   l'époque également ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Et il n'y avait pas de gaz. Les quartiers ne disposaient pas d'un

 26   système d'alimentation en gaz, outre la région de Dobrinja de Sarajevo ?

 27   R.  Oui, il y avait juste une toute petite partie, un tout petit quartier

 28   placé sous le contrôle serbe qui avait du gaz.


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  1   Q.  Et est-ce qu'il fallait payer pour ce gaz ? C'était du gaz russe,

  2   n'est-ce pas, ce n'était pas du gaz serbe ?

  3   R.  Oui, c'est exact.

  4   Q.  Vous avez dit hier que ceci a été coupé à Mali Zvornik. C'est en

  5   Serbie, n'est-ce pas ?

  6   R.  C'est exact. Quelquefois c'était coupé à différents endroits, mais vous

  7   avez raison, quelquefois c'était coupé à Mali Zvornik.

  8   Q.  Et si la Serbie avait reçu des consignes, étant donné que des factures

  9   restaient impayées, et si c'est la Russie qui leur avait demandé de couper

 10   le gaz, eh bien, est-ce que la FORPRONU, à ce moment-là, payait pour ce gaz

 11   quelquefois ?

 12   R.  Non, mais je crois que certains pays occidentaux s'étaient mis d'accord

 13   pour payer la Russie, ou en tout cas éponger la dette d'arriérés et de

 14   factures du gaz fourni à la Bosnie, mais non pas la FORPRONU.

 15   Q.  Savez-vous quand ces montants ont été versés ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Merci. Et est-il exact de dire que les Serbes auraient pu prendre le

 18   contrôle militaire de Sarajevo ?

 19   R.  Eh bien, je ne suis pas sûr de cela. Puisque je ne suis pas un

 20   militaire, je ne suis pas certain de devoir donner mon avis sur la

 21   question.

 22   Q.  Au paragraphe 40 de la déclaration que nous avons sous les yeux, vous

 23   dites que :

 24   "Les Serbes auraient pu exercer une pression militaire beaucoup plus

 25   forte qu'ils ne l'ont fait en réalité."

 26   S'ils avaient fait cela, s'ils avaient utilisé leurs capacités

 27   militaires à 100 %, s'ils les avaient dirigées contre les objectifs

 28   militaires, la défense de la ville se serait peut-être effondrée. Est-ce


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  1   que vous diriez autre chose aujourd'hui ?

  2   R.  Non, je ne pense pas que je dirais autre chose aujourd'hui.

  3   Q.  D'après vous, quelles sont les actions militaires de plus grande

  4   ampleur, la prise de la ville au plan militaire ou le fait d'imposer des

  5   sanctions sous une forme ou sous une autre ?

  6   R.  Vous voulez dire de façon théorique ?

  7   Q.  Oui.

  8    R.  Eh bien, s'ils se comportent conformément aux lois et coutumes de la

  9   guerre, je crois que la prise et les objectifs militaires et le respect de

 10   la population constitueraient quelque chose de moins drastique.

 11   Q.  Votre point de vue est tout à fait intéressant. Merci.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, ce n'est peut-être pas sans

 13   raison que vous avez commenté sur des éléments de preuve liés à une opinion

 14   de quelqu'un que l'Accusation a tentée d'obtenir. La Chambre dit très

 15   clairement : des faits, des faits, des faits, s'il vous plaît, et ensuite

 16   nous verrons si cet avis ou cette opinion est quelque chose sur lequel la

 17   Chambre peut se fonder. En fait, j'ai remarqué que pour ce qui est d'un

 18   avis juridique ou d'un avis sur des questions militaires, voire même

 19   maintenant encore sur ce qui est plus drastique -- alors, bien évidemment,

 20   la même chose vaut pour vous que pour l'Accusation, la Chambre ne

 21   s'intéresse pas tant que cela sur des opinions, sur des avis, si elle ne

 22   dispose pas des faits et ensuite voir si ces faits justifient la

 23   présentation d'un quelconque avis. Je souhaite vous rappeler la position de

 24   la Chambre sur ce point, et ce qui émane de vous à juste titre par rapport

 25   à cette déposition. Veuillez poursuivre.

 26   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 27   Q.  Au paragraphe 41, le paragraphe suivant, vous mentionnez que la

 28   meilleure manière de décrire ce conflit ne serait pas de dire qu'il


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  1   s'agissait de conflit à niveau d'intensité moyen, mais plutôt un niveau

  2   d'intensité élevé, à l'instar d'un conflit entre gangsters. Est-ce que

  3   c'est votre opinion ?

  4   R.  C'est ainsi que je décris ce conflit, effectivement.

  5   Q.  C'est vous qui faites la description, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Au paragraphe 42, vous parlez des tirs de snipers, ou de tireurs

  8   embusqués. J'aimerais savoir comment on pourrait faire la distinction entre

  9   des tirs provenant de tireurs embusqués et des tirs réguliers ? Comment

 10   pouviez-vous être sûr que ces tirs étaient d'une catégorie ou de l'autre ?

 11   R.  Ce n'était pas facile. Notamment lorsque c'était à bout portant, ce

 12   n'était pas toujours évident.

 13   Q.  Mais sur la ligne de confrontation que nous avons plus ou moins

 14   précisée aujourd'hui, il y avait des tirs qui s'opéraient, et dans

 15   certaines zones ils étaient plus intenses que dans d'autres. Comment

 16   pouviez-vous faire la différence entre des tirs qui étaient liés à la

 17   position de la ligne de confrontation et des tirs qui visaient des civils ?

 18   R.  Plus on était proche de la ligne de confrontation, plus il était

 19   difficile de faire cette distinction. Si des gens se trouvaient à une

 20   certaine distance de la ligne de confrontation et qu'il y avait un seul tir

 21   et que ce tir ne rentrait pas dans le contexte d'échange de tirs plus

 22   important, dans ce cas-là ça semblait être probable qu'il s'agisse d'un

 23   incident de tireur embusqué. Mais vous avez raison, c'était difficile de

 24   faire la part des choses.

 25   Q.  Merci. Vous êtes arrivé durant l'année 1993 à Sarajevo, n'est-ce pas ?

 26   Est-ce que vous vous souvenez de la date exacte ?

 27   R.  Non.

 28   Q.  Bon, d'accord. Mais à l'époque un conflit a éclaté entre les Croates et


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  1   les Musulmans en Bosnie-Herzégovine, et c'est durant la période qui

  2   correspond à votre arrivée en Bosnie, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Les combats entre les Musulmans et les Croates étaient principalement

  5   organisés afin de gagner du territoire, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Les Musulmans combattaient les Croates, mais en même temps ils menaient

  8   des offensives afin de faire la jonction dans les axes Sarajevo-Zenica-

  9   Tuzla et Podrinje, n'est-ce pas ? Vous vous en souvenez ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord avec ce que je viens de dire ou est-ce

 12   que vous vous en souvenez ?

 13   R.  C'était leur objectif.

 14   Q.  Très bien. Merci. Et au milieu de l'année 1993, est-ce que l'on avait

 15   déjà fait une évaluation consistant à dire que les Musulmans disposaient de

 16   suffisamment d'armes et de munitions pour mener une offensive contre les

 17   Croates et les Serbes en même temps ?

 18   R.  Non. D'après nous, les Croates, qui constituaient une force plus

 19   limitée, avaient été surpris par la capacité de l'armée de Bosnie, et

 20   l'armée de Bosnie n'aurait pas pu mener à bien leurs offensives contre les

 21   Croates sans ces capacités s'ils avaient également fait l'objet de

 22   pressions du côté des Serbes. Et je pense, par exemple, que les combats

 23   autour de Vares et de Bugojno ont été menés par des troupes de Bosnie qui

 24   avaient, en fait, été détachées des lignes de confrontation avec les

 25   Serbes. Par conséquent, les Bosno-Musulmans étaient en mesure de mener soit

 26   un front, soit l'autre, mais je pense qu'il aurait été difficile de mener

 27   les deux fronts en même temps.

 28   Q.  Par conséquent, on peut en conclure que les Serbes ne menaient pas


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  1   d'offensives simultanées contre les Bosno-Musulmans, n'est-ce pas ?

  2   R.  A l'exception de l'offensive sur le mont Igman, et je pense que ceci a

  3   eu lieu durant la période où les troupes du gouvernement de Bosnie

  4   luttaient contre le HVO, je pense qu'il n'y avait pas d'offensives serbes

  5   majeures.

  6   Q.  Merci. Passons maintenant au paragraphe 48 --

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, vous demandez des

  8   opinions, d'interpréter certains faits qui ont été présentés --

  9   M. LUKIC : [interprétation] Mais ce monsieur connaît les faits, à savoir il

 10   sait si les Serbes pouvaient lancer des offensives ou pas.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne vous demande pas si cette

 12   personne, en l'occurrence le témoin, devait être au courant des faits, mais

 13   je vous demande de présenter ces faits aux Juges de la Chambre. Nous avons

 14   des évaluations quant à la capacité militaire, ce que les Croates ou les

 15   Serbes pouvaient faire, s'ils pouvaient mener une offensive simultanée

 16   contre les Croates et contre les Serbes.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Je dois passer en revue la déclaration qui

 18   foisonne de données. Si vous voulez exclure la déclaration, dans ce cas-là

 19   je n'aurai plus besoin de poser de questions.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais nous vous demandons de mettre

 21   l'accent sur des faits qui étayent les opinions qui sont exprimées.

 22   M. LUKIC : [interprétation] Mais le témoin a répondu à ma question. Il a

 23   dit : Non, l'armée n'était pas en mesure. L'armée, donc, de Bosnie-

 24   Herzégovine, n'était pas en mesure de mener deux fronts en même temps.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais nous ne savons pas s'il a raison ou

 26   pas. C'est son opinion ?

 27   M. LUKIC : [aucune interprétation]

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas un expert militaire. Par


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  1   conséquent, si nous n'avons pas des faits, comment pouvons-nous savoir si

  2   son opinion est vraiment étayée par des 

  3   faits ? Par conséquent - et vous avez critiqué l'Accusation à ce sujet -

  4   vous devez être très clair. Vous devez nous fournir des faits plutôt que

  5   des opinions. Donc il en va de même pour la question précédente, et je

  6   répète aussi pour cette question. Oui, Monsieur Groome.

  7   M. GROOME : [interprétation] Il semble que l'on ait conclu que le témoin

  8   n'avait exprimé qu'une opinion. Mais peut-être qu'on pourrait lui demander

  9   sur quels faits il base son opinion.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas s'il dispose de faits ou

 11   pas, et c'est exactement ce que nous voulons éviter. Maître Lukic, veuillez

 12   continuer.

 13   M. LUKIC : [aucune interprétation]

 14   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 15   M. LUKIC : [interprétation] Je voulais simplement montrer un document.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Il s'agit du document 19198, c'est la référence

 18   65 ter.

 19   Q.  Monsieur Harland, est-ce que vous avez déjà vu ce document durant la

 20   préparation à votre déposition ?

 21   R.  Je ne m'en souviens pas.

 22   Q.  D'accord. Vous ne vous en souvenez pas. Etant donné que cette directive

 23   parle du même sujet que je viens d'aborder -- mais en fait, si vous n'avez

 24   pas vu cette directive, je ne vais pas m'attarder là-dessus. Vous ne vous

 25   souvenez pas avoir vu ce document auparavant ?

 26   R.  Non.

 27   Q.  Très bien. Alors, nous allons passer à autre chose. Paragraphe 48 --

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome.


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  1   M. GROOME : [interprétation] Il semble que le témoin ne parle pas de ce

  2   document dans sa déclaration. Je pense qu'il serait bon peut-être de donner

  3   la possibilité à M. Harland de consulter ce document durant la pause de

  4   façon à ce qu'on puisse peut-être à nouveau aborder ce document.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je crois que la question était de

  6   savoir si le témoin avait vu ce document durant la procédure de récolement.

  7   La question qui lui a été posée : "Est-ce que vous avez vu ce document

  8   quand vous vous êtes préparé à cette déposition ?" Et le témoin a répondu :

  9   "Je ne m'en souviens pas." Par conséquent, je ne sais pas quelles sont les

 10   questions que s'apprête à poser Me Lukic, mais s'il y a des parties qui

 11   sont limitées --

 12   M. LUKIC : [interprétation] Non, c'est la dernière phrase de la première

 13   page.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, dans ce cas-là, on peut peut-

 15   être demander au témoin de se familiariser avec le document et ensuite vous

 16   pourrez peut-être attirer son attention sur les phrases qui vous

 17   intéressent dans ce document, Maître Lukic.

 18   M. LUKIC : [interprétation]

 19   Q.  Je vais donner lecture du passage qui m'intéresse. C'est en bas de la

 20   page. La phrase est :

 21   "Les dirigeants musulmans essaient de garantir" --

 22   L'INTERPRETE : Note des interprètes de cabine française : la version

 23   anglaise qui est à l'écran n'est pas la version -- n'est pas la page qui

 24   est affichée à l'écran. La page vient juste de s'afficher, mais Me Lukic

 25   vient de finir la lecture de ce paragraphe.

 26   M. LUKIC : [interprétation]

 27   Q.  Je vous demandais si vous saviez si cela se produisait sur le terrain

 28   en juin 1993. Peut-être que vous vous souvenez, si vous êtes arrivé durant


Page 759

  1   cette période, comment les choses se sont déroulées ?

  2   R.  Oui, je me souviens de ces événements.

  3   Q.  Très bien. Merci. J'aimerais maintenant que l'on consulte le paragraphe

  4   48. Vous parlez des Serbes qui avaient l'intention de gagner autant de

  5   territoire que possible. Durant votre présence en Bosnie-Herzégovine, est-

  6   ce que sur le terrain vous avez observé si les autres parties au conflit, à

  7   savoir l'ABiH et le HVO, ont également essayé de gagner du territoire, à

  8   l'instar de ce que faisaient les Serbes ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Merci. Peut-on maintenant passer aux paragraphes 50, 51 et 52, s'il

 11   vous plaît. Vous expliquez dans ces paragraphes que les Serbes essayaient

 12   de gagner autant de territoire que possible, et vous parlez plus

 13   particulièrement du mont Igman. Est-ce que vous avez vu en pratique que les

 14   Musulmans et les Croates essayaient de gagner du territoire et ensuite de

 15   le rendre ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Les Serbes attaquaient le mont Igman parce qu'il s'agissait de

 18   positions à partir desquelles on pouvait tirer; est-ce exact ?

 19   R.  Non, je ne pense pas que ce soit une justification exacte. Je pense

 20   qu'ils voulaient conquérir ces territoires parce que ceci permettait de

 21   séparer Sarajevo des autres territoires détenus par le gouvernement de

 22   Bosnie en Bosnie orientale. Ils l'ont même dit, d'ailleurs. Le Dr Karadzic

 23   l'a dit.

 24   Q.  Très bien. Peut-on maintenant consulter le document 20884, s'il vous

 25   plaît. A la première page en version B/C/S, mais c'est la page 3 en

 26   anglais, en bas de la page --

 27   Mme LA GREFFIERE : [interprétation] Il n'y a pas de traduction sur le

 28   système de prétoire électronique.


Page 760

  1   M. LUKIC : [aucune interprétation]

  2   Mme LA GREFFIERE : [interprétation] Je crois que vous n'avez pas, en fait,

  3   transmis ce document.

  4   M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je peux

  5   donner lecture de ce document et lui donner la cote ERN ?

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous donnez le numéro ERN et qu'une

  7   traduction peut ensuite être téléchargée, vous pouvez le faire de cette

  8   manière.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Très bien. Alors, le numéro ERN est 0401-0692 -

 10   - il n'y a qu'une seule page.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et pourriez-vous expliquer au témoin de

 12   quel document il s'agit, s'il vous plaît.

 13   M. LUKIC : [interprétation] Visiblement, il s'agit, je suppose, d'une

 14   interception téléphonique.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je suppose que vous devez savoir de

 16   quel document il s'agit si vous allez le citer ?

 17   M. LUKIC : [interprétation] Enfin, oui, mais --

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais quoi ?

 19   M. LUKIC : [interprétation] Mais j'ai reçu ces informations de

 20   l'Accusation.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais si vous allez citer cela, je

 22   suppose que le témoin devrait être en mesure de savoir de quel document il

 23   s'agit.

 24   M. GROOME : [interprétation] Je crois qu'il s'agit d'une conversation

 25   interceptée qui a été fournie par le gouvernement de Croatie.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 27   Veuillez continuer, Maître Lukic.

 28   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. En haut du


Page 761

  1   document, il est mentionné qu'il s'agit d'une conversation entre M.

  2   Karadzic et le général Milovanovic qui a eu lieu à 16 heures 45 le 4 août,

  3   et voilà ce que dit Karadzic :

  4   "Il ne faut pas être entre le marteau et l'enclume. Je suis le commandant

  5   suprême et je donne l'ordre qu'ils se retirent, et dites à Mladic de me

  6   faire rapport à partir de l'aéroport."

  7   Q.  D'après vous, est-ce que le général Mladic aurait pu refuser

  8   d'obtempérer à un ordre comme celui-ci ?

  9   R.  Comme je l'ai dit précédemment, il y avait évidemment des périodes de

 10   tension entre les deux hommes, et c'en est un exemple. Quelquefois ils

 11   avaient des altercations devant nous, notamment à l'hôtel Panorama, mais en

 12   fin de compte ils étaient tombés d'accord sur le redéploiement des troupes

 13   qui se trouvaient sur le mont Igman.

 14   Q.  D'après vous, est-ce qu'il y aurait eu des frappes aériennes si les

 15   Serbes ne s'étaient pas retirés de Bjelasnica ?

 16   R.  Probablement.

 17   Q.  L'accord était qu'après le retrait de la VRS, ces positions auraient dû

 18   être placées sous le contrôle de la FORPRONU, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Et aucun accord n'existait consistant à dire que la FORPRONU aurait

 21   remis ces positions à l'ABiH, n'est-ce pas ?

 22   R.  C'est exact.

 23   Q.  Cependant, les forces musulmanes ont pris en charge ces positions,

 24   n'est-ce pas ?

 25   R.  Enfin, je vais apporter quelques précisions. Ils dominaient ce

 26   territoire. Ils passaient par ce territoire, ils avaient stockées les

 27   armes, ils avaient lancé des attaques à partir de ces endroits-là. Mais en

 28   même temps, ils n'avaient pas cantonné des forces directement là-bas. Mais


Page 762

  1   de manière générale, vous avez raison, effectivement.

  2   Q.  Et qu'a fait la FORPRONU pour empêcher les actions que menait l'ABiH ?

  3   R.  Eh bien, nous avons essayé d'un point de vue logistique de leur

  4   compliquer la vie, et ils n'ont pas assis leur présence là-bas; nous avons

  5   protesté de façon véhémente, tant dans les structures politiques que

  6   militaires; et nous avons essayé de glaner des preuves que les troupes

  7   bosno-musulmanes traversaient la zone, je l'ai vu moi-même et j'étais

  8   présent à des réunions avec le président Izetbegovic lorsque nous a montré

  9   des photos de ces unités qui étaient armées.

 10   Q.  Nous savons qu'aucune frappe aérienne n'a été menée contre l'ABiH;

 11   cependant, j'aimerais savoir si ceci avait été envisagé compte tenu du fait

 12   que l'accord n'était pas respecté ?

 13   R.  Je pense que cela n'a pas été d'actualité à ce moment-là, mais ça l'a

 14   été en 1994, mais ensuite la possibilité a été abandonnée. Mais dans ce cas

 15   précis, ça n'a pas été envisagé ni mentionné.

 16   Q.  Est-ce exact qu'à l'époque ce n'étaient que les Serbes qui étaient

 17   menacés de frappes aériennes ?

 18   R.  Oui, c'est exact.

 19   Q.  Je voudrais maintenant que l'on vous présente le document qui porte la

 20   référence 09986. Et ceci est lié au paragraphe 66 de votre déclaration.

 21   Dans le paragraphe 66, vous mentionnez ce document. Vous avez dit que vous

 22   avez participé à cette réunion.

 23   R.  Effectivement.

 24   Q.  Je vais maintenant vous poser des questions sur les sujets qui ont été

 25   abordés durant cette réunion.

 26   M. LUKIC : [interprétation] Tout d'abord, pourrait-on afficher la page 3

 27   sur les écrans, s'il vous plaît. C'est le bas de la page qui nous

 28   intéresse, les tireurs embusqués de Bosnie-Herzégovine.


Page 763

  1   Q.  Je vois que vous avez compilé ce document. Il est mentionné que :

  2   "Des tireurs embusqués de Bosnie-Herzégovine ont ouvert le feu sur

  3   des membres du personnel des Nations Unies à proximité du QG avancé de la

  4   FORPRONU. Deux tireurs embusqués bosno-musulmans n'ont pas uniquement

  5   ouvert le feu contre le personnel des Nations Unies mais également contre

  6   des passants qui étaient à proximité."

  7   Est-ce qu'il s'agit du seul incident recensé de ce type ou est-ce que

  8   vous avez vu que des membres de l'ABiH avaient agi de cette manière ?

  9   R.  Oui, il y a eu d'autres incidents. Je n'ai signalé que celui-ci

 10   dans le rapport hebdomadaire parce qu'en fait j'ai parlé aux deux soldats

 11   français qui s'opposaient aux tireurs embusqués et qui ont donc engagé des

 12   tirs de riposte. Donc j'ai été en mesure d'avoir une confirmation directe,

 13   et, en fait, j'ai également vu ces tireurs embusqués bosno-musulmans ouvrir

 14   le feu.

 15   Q.  Merci. Le paragraphe suivant commence comme suit :

 16   "Il existe d'autres preuves qui montrent que la Bosnie-Herzégovine

 17   commence peu à peu à s'éloigner des objectifs fixés de représenter tout le

 18   peuple de Bosnie-Herzégovine des trois communautés.

 19   "De plus en plus de hauts responsables de Bosnie-Herzégovine semblent

 20   avoir l'intention de beaucoup plus donner la primauté aux intérêts de la

 21   communauté musulmane."

 22   Lors de votre arrivée, quand avez-vous compris que les représentants

 23   politiques à Sarajevo ne représentaient que les intérêts des Musulmans ou

 24   quasiment que les intérêts de cette communauté ?

 25   R.  Ceci a évolué dans ce sens avec le temps. Lorsque je suis arrivé,

 26   il y avait des non-Bosno-Musulmans qui étaient dans des positions de

 27   responsabilité dans l'armée bosno-musulmane et il y avait également des

 28   postes relativement élevés qui étaient occupés par ceux-ci dans le


Page 764

  1   gouvernement. Mais ceci n'a pas continué au cours du temps. Un des points-

  2   clés dont je me souviens, c'est la fin du mois d'octobre 1993, et c'est

  3   peut-être la période que nous abordons ici. Il y a eu un remaniement

  4   ministériel au sein du gouvernement de Bosnie-Herzégovine. avec la

  5   marginalisation des membres non-Bosno-Musulmans des forces bosno-musulmanes

  6   et au sein du gouvernement.

  7   Q.  Merci. Vous dites que - et c'est toujours dans ce document - des

  8   mouvements de population légers ont eu lieu à proximité de Sarajevo, et

  9   ceci est vraiment symptomatique : 314 Serbes ont quitté le territoire

 10   contrôlé par les forces gouvernementales et 50 Bosno-Musulmans ont fait le

 11   chemin inverse. Et vous dites également que ceci a été abordé, qu'on se

 12   demandait si cette liberté de mouvement devait être autorisée ou pas et si,

 13   selon vous, ceci aurait été une participation à un nettoyage ethnique. Est-

 14   ce que vous aviez l'impression que les gens qui étaient passés de l'autre

 15   côté avaient ce genre de dilemme, ou est-ce qu'ils voulaient véritablement,

 16   sincèrement passer du côté qui était contrôlé par l'armée qui avait la même

 17   appartenance ethnique qu'eux ?

 18   R.  Je pense que la plupart des gens à qui j'ai parlé avaient peur. Ils

 19   avaient peur, en fait, lorsqu'ils ne se trouvaient pas sur un territoire

 20   contrôlé par les forces de la même nationalité, et ce, dans les trois

 21   zones.

 22   Q.  Est-ce que c'est cette crainte, donc, qui a poussé, qui a vraiment

 23   incité les gens à quitter l'endroit où ils vivaient ?

 24   R.  Je pense que j'ai parlé à plusieurs personnes dans Sarajevo et il y

 25   avait cette crainte, cette peur générale d'être tué, et c'est pour cela que

 26   les gens voulaient partir. Donc les gens de toutes les communautés, serbe,

 27   croate, bosnienne, les gens -- enfin, les mixtes, les civils, ils voulaient

 28   tous quitter Sarajevo, mais en règle générale ils n'étaient pas autorisés à


Page 765

  1   le faire. Dans le cas des Serbes, ils voulaient en règle générale se rendre

  2   en Serbie ou dans des zones de Bosnie contrôlées par des Serbes; les

  3   Croates voulaient aller en Croatie; et quant Bosniens, eux, ils voulaient

  4   partir, mais en général partir vers des destinations beaucoup plus

  5   lointaines.

  6   Q.  Alors, juste une toute dernière question à ce sujet. Vous dites à la

  7   page numéro 4 - et je souhaiterais que la page 4 soit affichée, la partie

  8   supérieure de la page 4. Vous voyez qu'il y a une référence à la Bosnie

  9   centrale, à Vitez, à Zenica, et voilà ce qui est écrit :

 10   "Les autorités croates insistent et affirment que des échanges organisés de

 11   personnes et de biens représentent la seule solution logique pendant cette

 12   phase, étant donné que les Croates, les Musulmans et les Serbes ne sont

 13   plus à même de vivre ensemble."

 14   Et d'ailleurs, est-ce que la réponse serait la même, les gens voulaient se

 15   rendre dans une zone d'un territoire contrôlé par leur armée ?

 16   R.  Ecoutez, cela dépendait de l'endroit où vous vous trouviez. A Sarajevo,

 17   lorsque moi je me suis trouvé à Sarajevo, les relations entre les

 18   communautés étaient en règle générale assez bonnes. Les gens ne savaient

 19   pas toujours qui était Bosno-Musulman, qui était Serbe et qui était Croate.

 20   Bon, ils l'ont appris et ils en ont été de plus en plus conscients, mais

 21   leur motif principal pour partir c'était qu'ils voulaient fuir le siège

 22   serbe. Et en règle générale, ils disaient qu'ils voulaient aller là où ils

 23   avaient des membres de leur famille. Alors, la partie de ce document fait

 24   référence à la Bosnie centrale, à des petites localités et à des zones

 25   rurales. Dans les plus petites communautés, lorsque je me suis entretenu

 26   avec les gens, je dois dire que les relations entre les communautés étaient

 27   pires, et en règle générale ils voulaient véritablement partir et se rendre

 28   dans des zones contrôlées par les forces de la même appartenance ethnique


Page 766

  1   qu'eux.

  2   Q.  Merci de cette observation. Et je pense que la situation était

  3   différente dans les différentes villes de Bosnie-Herzégovine. Par exemple,

  4   à la page 5, au milieu de cette page 5, voyez le premier alinéa à partir du

  5   haut. Regardez ce qui est écrit :

  6   "La recrudescence des combats entre la Bosnie-Herzégovine et le HVO à Vares

  7   ne semble pas avoir une incidence sur les bonnes relations entre le HVO et

  8   la Bosnie-Herzégovine au nord de Tuzla. Là, les deux forces continuent à

  9   combattre ensemble contre les Serbes."

 10   Donc la situation n'était pas homogène et uniforme dans toute la Bosnie,

 11   l'ennemi n'était pas toujours le même, et d'ailleurs les alliés n'étaient

 12   pas toujours les mêmes alliés ?

 13   R.  Oui, en Bosnie centrale, personnellement, je vous dirais que j'ai vu

 14   des unités de Moudjahidines et des unités de la 7e Brigade musulmane qui

 15   ont chassé les Croates civils de leurs maisons qu'ils ont incendiées. Donc,

 16   là, les relations étaient véritablement particulièrement catastrophiques,

 17   alors que dans la partie septentrionale, à Tuzla et au nord de Tuzla, j'ai

 18   constaté que les relations étaient plutôt bonnes. Donc cela variait

 19   véritablement en fonction des lieux.

 20   Q.  Je vous remercie. Et à la page 6 du même document, en haut de la page

 21   6, nous trouvons une référence à un cessez-le-feu. Alors, il y avait ceux

 22   qui étaient pour la sécession, comme vous les appelez, pour la sécession de

 23   la Bosnie, les partisans de la sécession d'Abdic -- des partisans d'Abdic

 24   j'entends, et les partisans du 5e Corps de l'ABiH. Alors, est-il exact que

 25   dans les deux cas il s'agissait de Musulmans, des Musulmans qui luttaient

 26   les uns contre les autres ?

 27   R.  Oui, c'est exact.

 28   Q.  Nous allons reprendre la première page. Regardez, regardez la première


Page 767

  1   page, car vous pouvez le constater :

  2   "Il semblerait que les partisans de la ligne dure avaient gagné la lutte

  3   des pouvoirs à Sarajevo. Le Premier ministre, M. Silajdzic, avait annoncé

  4   un nouveau cabinet qui était beaucoup plus puissant, qui était plus

  5   musulman et qui était encore plus partisan d'une ligne dure que par rapport

  6   à ses prédécesseurs. La position de la Bosnie-Herzégovine à propos de la

  7   guerre semble être claire."

  8   Et lorsque vous dire "la position de la BH", vous faites référence à la

  9   partie bosno-musulmane, n'est-ce pas ?

 10   R.  [aucune interprétation]

 11   Q.  Donc : "La position des Bosno-Musulmans semble être très claire à

 12   propos de la guerre. Il n'y aura pas de paix et d'accord tant que les

 13   Musulmans n'ont pas récupéré toutes les zones qui étaient essentiellement

 14   musulmanes à la veille de la guerre. Par conséquent, il est quasiment sûr

 15   et certain que la guerre va se poursuivre au moins jusqu'à la fin de

 16   l'hiver."

 17   Et cela est conforme à l'autre observation que vous avez dégagée lorsque

 18   vous avez dit que c'étaient les Musulmans qui avaient rejeté les

 19   initiatives de paix et les efforts déployés ?

 20   R.  Bon, les opinions n'étaient pas homogènes au sein de la communauté

 21   bosno-musulmane, mais pendant cette période le fait est que c'est un point

 22   de vue qui a été de plus en plus relayé. J'avais parlé avec le président

 23   Izetbegovic, il avait d'ailleurs un point de vue assez différent pour ce

 24   qui était des territoires qu'il souhaiterait avoir en vue d'un accord de

 25   paix, mais en règle générale je dirais que cette idée correspond à la

 26   réalité.

 27   Q.  Bien. Nous allons maintenant prendre le paragraphe 71 de votre

 28   déclaration. Vous dites que les Serbes ne veulent pas investir de


Page 768

  1   territoire mais que leur artillerie est très active contre Sarajevo. Le 27

  2   octobre, quasiment 500 obus sont tombés sur Sarajevo en une période d'une

  3   heure, et ce, pour riposter à des tirs de mortier bosno-musulmans. Est-ce

  4   que vous avez écrit dans votre rapport combien d'obus avaient été tirés par

  5   l'ABiH, et d'ailleurs dans quel rapport est-ce que nous pourrions trouver

  6   cette donnée ?

  7   R.  En fait, tous ces renseignements émanent de deux jeux de documents, qui

  8   sont disponibles ici, je suppose. Vous avez dans un premier temps les

  9   rapports de situation des observateurs militaires des Nations Unies qui

 10   indiquaient les lieux d'impact, et puis vous aviez les rapports des

 11   bataillons qui nous donnaient également des informations géographiques

 12   quantifiées à propos des impacts.

 13   Q.  Mais est-ce qu'ils avaient des informations sur le nombre d'obus tirés

 14   sur des positions serbes à partir du centre de Sarajevo?

 15    R.  Oui, ils avaient les deux.

 16   Q.  Oui, mais le fait est que cette deuxième information, vous ne l'avez

 17   pas consignée ici.

 18   R.  Nous ne consignions que des événements exceptionnels, et ces obus --

 19   bon, il s'agit quand même de 500 obus qui tombent en une heure sur un

 20   quartier bien précis de la ville, sur la vieille ville d'ailleurs, en

 21   l'occurrence. Pour ce qui était des obus qui tombaient régulièrement, là je

 22   ne fais pas d'observation.

 23   Q.  Est-ce qu'il y avait des moments où l'ABiH ouvrait le feu à partir de

 24   zones où se trouvaient des hôpitaux et à partir du centre de la ville à

 25   proprement parler ?

 26   R.  Oui, tout à fait. Je l'ai vu, cela, moi-même.

 27   Q.  Merci. Nous allons maintenant passer au paragraphe 80. Dans ce

 28   paragraphe, vous dites que :


Page 769

  1   "De nombreuses armes serbes ont été déplacées à l'extérieur de Sarajevo et

  2   ont été utilisées ailleurs sur le théâtre de guerre."

  3   Vous faites également référence dans ce paragraphe à l'accord en matière de

  4   collecte d'armes et aux lieux où étaient collectées ou rassemblées ces

  5   armes. Alors, le fait de déplacer ces armes, est-ce que cela était en

  6   violation de l'accord ?

  7   R.  Non, non, c'était ce qui était stipulé par l'accord. Il fallait que les

  8   armes soient rassemblées ou alors enlevées des lieux en question.

  9   Q.  Nous allons maintenant passer au paragraphe 81.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, dans mon rapport, le

 11   paragraphe 81 a été caviardé. Donc je ne pense pas qu'il soit possible --

 12   M. LUKIC : [interprétation] Ah oui, excusez-moi, excusez-moi. Cela m'a

 13   échappé --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ceci étant dit, si vous souhaitez

 15   poser une question au témoin, vous pouvez tout à fait le faire, si cela

 16   peut véritablement étayer votre thèse.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Oui. Je vous demande une petite minute

 18   d'indulgence, Monsieur le Président.

 19   [Le conseil de la Défense se concerte]

 20   M. LUKIC : [interprétation] Voilà, j'ai maintenant le nom de l'affaire,

 21   parce que je voulais citer un compte rendu d'audience.

 22   Q.  Dans l'affaire Dragomir Milosevic, le 15 janvier 2007, à la page 26

 23   945, et ce, jusqu'à la page 26 946, voilà ce que vous avez déclaré : "Le

 24   Corps de Sarajevo-Romanija ou l'ABiH ne respectaient pas la zone

 25   d'exclusion totale," l'exclusion, donc, pour les armes lourdes.

 26   Est-ce que cela est exact ? Est-ce que vous vous en tenez à cette

 27   déclaration aujourd'hui également ?

 28   R.  Oui, c'est exact.


Page 770

  1   Q.  Et puis, toujours dans le même procès, vous avez dit que l'ABiH

  2   enfreignait et violait très souvent le cessez-le-feu, et ce, entre le 10

  3   février et le 28 avril 1994. Est-ce que vous réitéreriez ces propos

  4   aujourd'hui ?

  5   R.  Oui, c'est exact.

  6   M. LUKIC : [interprétation] Est-ce que le document suivant pourrait être

  7   affiché, je vous prie, R0029530. Le numéro ERN du document est 10012.

  8   M. GROOME : [interprétation] En attendant que ce document ne soit affiché,

  9   j'aimerais demander à Me Lukic de bien vouloir vérifier la référence qu'il

 10   vient de nous donner dans le compte rendu d'audience de l'affaire Dragomir

 11   Milosevic. Il semblerait que M. Harland avait été le premier témoin, donc

 12   je ne pense pas que le numéro de page sera si élevé, et de toute façon nous

 13   ne retrouvons pas ses propos par rapport à cette référence.

 14   M. LUKIC : [interprétation] C'est en tout cas la référence que j'ai, mais

 15   je vais vérifier tout cela. Et s'il y a une erreur, je vous en informerais.

 16   M. GROOME : [interprétation] Oui, mais le problème c'est que j'ai

 17   l'impression qu'il s'agit de son témoignage dans l'affaire Slobodan

 18   Milosevic, parce que là la page du compte rendu d'audience correspond. Il

 19   ne s'agissait pas de l'affaire Dragomir Milosevic. Et M. Harland avait

 20   témoigné le 18 septembre 2003.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Le problème est réglé, donc

 22   poursuivez, Maître Lukic.

 23   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie de cette précision et de votre

 24   assistance.

 25   Q.  Monsieur Harland, est-ce que nous pouvons maintenant poursuivre. Nous

 26   voyons un document, c'est un document dont vous êtes également l'auteur.

 27   Dans le premier paragraphe, dans l'introduction, voilà ce que vous dites :

 28   "La menace de l'OTAN qui menace d'utiliser des frappes aériennes contre les


Page 771

  1   armes lourdes autour de Sarajevo est en train de modeler le comportement

  2   des trois parties."

  3   Est-ce que cela signifie que l'ABiH disposait également d'armement lourd

  4   autour de Sarajevo ?

  5   R.  Oui, j'en avais compté une certaine qu'ils avaient mises dans la

  6   caserne de Tito ainsi que dans les zones où les armes étaient censées être

  7   cantonnées. Bon, il y en avait un certain nombre, je n'en connais pas le

  8   nombre exact, ils ne les avaient pas remises, en violation donc de

  9   l'accord, mais nous savions où se trouvaient ces armements lourds parce que

 10   nous pouvions les entendre lorsqu'ils continuaient à les utiliser.

 11   Q.  Regardez le paragraphe suivant, où il est indiqué :

 12   "Le gouvernement qui est essentiellement un gouvernement bosno-musulman,

 13   dans le sillage du soutien international, a adopté maintenant une position

 14   beaucoup plus dure lors des négociations de paix."

 15   Alors, qui fournissait ce soutien au gouvernement en place à Sarajevo, à

 16   telle enseigne qu'il se sentait beaucoup plus fort et qu'il pouvait adopter

 17   cette ligne beaucoup plus dure, ce point de vue beaucoup plus dur ?

 18   R.  A ce moment-là, ils nous l'ont dit d'ailleurs, ils nous l'ont dit, ils

 19   étaient -- ils pensaient, en fait, qu'il était de plus en plus

 20   vraisemblable que les frappes aériennes de l'OTAN contre les Serbes

 21   allaient devenir une réalité, et cela donc renforçait leur position de

 22   négociations. Cela leur donnait un peu plus de possibilité pour continuer à

 23   combattre et pour obtenir un meilleur résultat négocié en fait.

 24   Q.  Donc toute proposition de bombardement de positions serbes, que cela

 25   d'ailleurs, ait eu lieu ou non, ne faisait que renforcer la position du

 26   gouvernement en place à Sarajevo, n'est-ce pas, du gouvernement bosno-

 27   musulman ?

 28   R.  Oui, c'est vrai.


Page 772

  1   Q.  Page 2 de ce même document. Là, cette référence à la situation suivante

  2   alors que l'attention internationale s'était portée ailleurs. Les Croates

  3   étaient sur l'offensive en Bosnie centrale, et malgré le déploiement

  4   d'hommes et de matériel de la Croatie, le HVO n'avait, en fait, investi

  5   qu'une toute petite partie du territoire. Est-ce que vous saviez - et je

  6   suppose que vous étiez informé puisque vous avez fait des rapports à ce

  7   sujet - mais est-ce que vous saviez que des armes arrivaient depuis la

  8   Croatie destinées aux forces croates en Bosnie ?

  9   R.  Oui, à Mostar nous voyions non seulement des armes croates mais des

 10   unités croates également, et il y avait également des ressources

 11   financières.

 12   Q.  Est-ce que la FORPRONU a réagi d'une façon ou d'une autre ?

 13   R.  Eh bien, écoutez, je ne m'en souviens pas maintenant.

 14   Q.  Mais quoi qu'il en soit, vous ne les avez pas menacés de frappes

 15   aériennes, n'est-ce pas ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Merci. Est-ce que la page 3 pourrait être affichée.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je dirais aux fins du compte rendu

 19   d'audience que la question a été posée comme suit : "Mais quoi qu'il en

 20   soit, vous ne les avez pas menacés de frappes aériennes ?" Et le témoin a

 21   répondu par : "Non." D'après ce que j'ai compris de la réponse du témoin,

 22   le témoin a voulu dire qu'il n'y avait pas eu de menace de frappes

 23   aériennes. Parce que si vous dites, Est-ce que cela est exact, et que vous

 24   répondez, Non, cela signifie : Non, ce n'est pas exact.

 25   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 26   Q.  Regardez la première astérisque, où il est dit que :

 27   "Les circonstances relatives au massacre sur le marché de Sarajevo qui a eu

 28   lieu le 5 février 1994 ne sont pas claires. La FORPRONU est en train de


Page 773

  1   mener une deuxième enquête à propos de ce fait. Le résultat de l'enquête

  2   est tel, toutefois, qu'il n'est pas possible de déterminer ou d'établir de

  3   quel côté de la ligne de confrontation la bombe a été lancée."

  4   Est-ce que cela correspond à ce que savait la FORPRONU à ce moment-là ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Merci. Et au bas de la page, vous faites référence à la Bosnie-

  7   Herzégovine tronquée. Vous dites donc que les délégués du gouvernement de

  8   Bosnie-Herzégovine sont revenus à Sarajevo, ils sont revenus de Genève

  9   après les dernières négociations. Vous y dites également que finalement le

 10   gouvernement de Bosnie a exprimé de façon très claire sa façon de voir les

 11   choses et qu'ils ont présenté deux possibilités.

 12   M. LUKIC : [interprétation] --

 13   Q.  Ce n'est pas la peine de donner lecture du premier et du deuxième

 14   paragraphes, mais vous voyez qu'il y a la première possibilité qui est

 15   comme si une union de la Bosnie-Herzégovine est préservée, l'accord devra

 16   se fonder sur la base de 33 % de territoire plus axé à la [imperceptible],

 17   et cetera; et il y a une deuxième possibilité qui est préférée pour la

 18   Bosnie, donc il s'agit de faire en sorte que si cette unité n'est pas

 19   préservée, s'il y a sécession des Serbes, si les Serbes rejoignent la

 20   Serbie et que les Croates en font de même et rejoignent la Croatie, alors

 21   là ils demandent 37 % du territoire. Pourquoi est-ce que ces négociations

 22   se sont 

 23   poursuivies ? Parce que cela correspondait à ce que les Croates

 24   souhaitaient pour la Bosnie -- enfin, les Croates en Bosnie, cela

 25   correspondait aux desiderata des Serbes en Bosnie, et nous voyons

 26   maintenant que c'est également ce que souhaitaient avoir les Musulmans en

 27   Bosnie. Est-ce que nous savons maintenant, aujourd'hui, qui a exercé des

 28   pressions pour que cela ne soit pas couronné de succès, qui a exercé des


Page 774

  1   pressions pour qu'on ne mette pas un terme à la guerre à ce moment-là ?

  2   R.  Il s'agit en fait de réunions confidentielles avec le président

  3   Izetbegovic, et le rapport a été établi à la suite de cette réunion. A

  4   l'époque il y avait ce qu'on appelait le plan de sa gracieuse majesté

  5   l'invincible. Et à l'époque il nous avait dit qu'ils accepteraient ce plan

  6   s'ils pouvaient obtenir un peu plus de territoire. Et en même temps, au

  7   même moment, ils ont commencé des pourparlers ou des discussions à propos

  8   de l'échange éventuel de certains territoires en Bosnie orientale pour du

  9   territoire autour de Sarajevo. Donc, en fait, il semblait qu'ils pensaient

 10   qu'ils devraient obtenir le maximum de territoire qu'ils pouvaient obtenir.

 11   En fait, ça c'est à l'origine de cette division 51/49.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, je regarde l'heure. Je

 13   pense que le moment est venu de faire la pause.

 14   M. LUKIC : [interprétation] Oui, tout à fait.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons faire une pause et

 16   nous reprendrons à 12 heures 35.

 17   --- L'audience est suspendue à 12 heures 15.

 18   [Le témoin quitte la barre]

 19   --- L'audience est reprise à 12 heures 38.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Faites entrer le témoin dans le

 21   prétoire, s'il vous plaît.

 22   Si M. Mladic souhaite s'adresser aux Juges de la Chambre, c'est à vous,

 23   Maître Lukic, de vous en occuper.

 24   M. LUKIC : [interprétation] Nous allons simplement reprendre, Monsieur le

 25   Président.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Lukic.

 27   [Le témoin vient à la barre]

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez vous asseoir, Monsieur


Page 775

  1   Harland.Je vous remercie.

  2   Vous pouvez poursuivre, Maître Lukic.

  3   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie.

  4   Q.  Monsieur Harland, nous regardons actuellement ce document. Je souhaite

  5   que nous regardions la page 6, s'il vous plaît -- pardonnez-moi, alors

  6   restons sur la page 4. Il nous faut la partie inférieure du document. Au

  7   niveau du deuxième astérisque à partir du bas ou du haut, où il est dit que

  8   :

  9   "Le nettoyage ethnique des Musulmans dans les secteurs contrôlés par les

 10   Croates se poursuit et s'est même intensifié ou s'est accéléré."

 11   S'agissait-il là d'un incident isolé ou était-ce quelque chose qui était

 12   devenu monnaie courante, pendant la guerre évidemment, dans le cas du

 13   conflit entre les armées croate et musulmane ?

 14   R.  De façon générale, les régions dont les Croates ont pris le contrôle

 15   étaient les régions qui étaient les plus nettoyées ethniquement parlant, et

 16   ce, de façon plus agressive.

 17   Q.  A la page 5 du document, deuxième paragraphe si vous regardez le haut

 18   du document, vous évoquez l'arrivée de l'aide humanitaire et vous dites que

 19   quelqu'un travaillant pour une organisation humanitaire a été tué, ce qui a

 20   incité les autorités à surveiller de plus près les Moudjahidines. Le

 21   secteur de Zenica était-il connu pour la présence importante de

 22   Moudjahidines en Bosnie-Herzégovine ?

 23   R.  Oui, il y avait à la fois des Moudjahidines étrangers et des Islamistes

 24   de la région, des Islamistes locaux.

 25   M. LUKIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant regarder la

 26   page 7, s'il vous plaît.

 27   Q.  Nous disposons d'une simple note qui se lit comme suit : "Les Croates

 28   de Bosnie", et vous remarquerez que :


Page 776

  1   "Le gouvernement croate, après avoir insisté pour qu'il n'y ait pas de

  2   troupes de l'armée croate, de troupes de la HV en Bosnie-Herzégovine,

  3   reconnaît maintenant qu'il y a des troupes de l'armée en question en

  4   Bosnie-Herzégovine et que cette armée y restera à moins que l'armée

  5   onusienne ne fournisse les garanties nécessaires pour les enclaves croates

  6   en Bosnie centrale."

  7   Vous nous avez dit que vous avez vu des troupes croates de l'Etat croate à

  8   Mostar, et ici vous faites remarquer que cette armée croate était également

  9   présente en Bosnie centrale ?

 10   R.  Je ne sais pas très bien si cela est vrai. Veuillez me dire où c'est,

 11   s'il vous plaît.

 12   D'après ce dont je me souviens, je n'ai jamais vu des troupes de

 13   l'armée régulière croate en Bosnie centrale. J'ai vu des troupes de l'armée

 14   croate régulière en Herzégovine occidentale et à Mostar, mais je ne l'ai

 15   jamais vue en Bosnie centrale.

 16   Q.  Dans ce cas, j'ai mal compris ce passage de votre document. Je vous

 17   remercie d'avoir précisé cela.

 18   Le dernier paragraphe qui se trouve sur la même page est un paragraphe où

 19   vous dites que :

 20   "Malgré les exigences du Conseil de sécurité des Nations Unies et de

 21   l'Union européenne, les forces de l'armée croate n'indiquent pas qu'elles

 22   aient une quelconque intention de quitter la Bosnie-Herzégovine à ce

 23   stade."

 24   Et vous dites que les troupes croates n'avaient jamais été vues auparavant

 25   aussi loin de la frontière croate, et une source au sein du HVO a indiqué

 26   qu'il y avait 2 000 troupes de l'armée croate dans la seule poche de

 27   Kiseljak.

 28   M. LUKIC : [aucune interprétation]


Page 777

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome.

  2   M. GROOME : [interprétation] Objection contre la pertinence.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, je viens de consulter mes

  4   collègues et nous nous posions la question de la pertinence. En fait, nous

  5   n'avons pas dit que ceci n'était pas pertinent, mais peut-être que vous

  6   pourriez nous signaler la pertinence de vos questions. Nous vous en serions

  7   fort reconnaissants.

  8   M. LUKIC : [interprétation] Oui, Monsieur Harland -– en fait, cela dépend

  9   de la manière dont est comprise la question de la Bosnie centrale -–

 10   LE TEMOIN : [interprétation] Oui.

 11   M. LUKIC : [interprétation] Est-ce que Kiseljak se trouve en Bosnie

 12   centrale ?

 13   LE TEMOIN : [interprétation] Oui.

 14   M. LUKIC : [interprétation] C'est ce que je voulais dire en fait, que même

 15   en Bosnie centrale il y avait des troupes croates, et pas seulement en

 16   Bosnie-Herzégovine.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui ne résout pas notre dilemme quant

 18   à la pertinence. Mais je comprends maintenant ce que vous souhaitiez

 19   établir.

 20   M. LUKIC : [interprétation] Oui --

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, venez-en aux faits.

 22   M. LUKIC : [interprétation] Oui, c'est ce que je vais faire avec ma

 23   question suivante.

 24   Q.  Monsieur Harland, la FORPRONU a-t-elle exigé que les troupes croates

 25   qui se trouvaient en Bosnie-Herzégovine fassent l'objet de tirs; autrement

 26   dit, que des frappes aériennes soient menées contre ces troupes croates ?

 27   R.  Il n'y avait certainement pas de proposition dans ce sens, c'est-à-dire

 28   de lancer des frappes aériennes contre les troupes croates en Bosnie-


Page 778

  1   Herzégovine. Je ne peux même pas dire avec certitude comment ceci a été

  2   présenté car toutes les questions relatives au gouvernement croate étaient

  3   gérées par le QG de la FORPRONU à Zagreb; et moi-même, je travaillais à

  4   Sarajevo, et là nous traitions du gouvernement de Bosnie et des Serbes.

  5   Q.  Merci.

  6   Et sur la dernière page, la page 8, vous dites que :

  7   "Les autorités croates déclarent que si la communauté internationale

  8   augmente la pression sur Zagreb pour qu'elle retire ses troupes de Bosnie-

  9   Herzégovine, dans ce cas elle chassera les 250 000 réfugiés musulmans du

 10   territoire contrôlé par les Croates."

 11   Quelles ont été les avancées en termes des négociations avec la Croatie ?

 12   Je ne vois pas ce que vous avez écrit après cela, mais vous avez sans doute

 13   parlé du territoire en Bosnie sous contrôle croate ?

 14   R.  Franchement, je ne m'en souviens pas, parce que pour ce qui est des

 15   relations avec le gouvernement croate, cela a été une des questions que

 16   j'ai le moins adressées pendant les années où j'étais en Bosnie.

 17   Q.  Merci.

 18   M. LUKIC : [interprétation] Je vous demande maintenant de bien vouloir

 19   passer à la page 6 de ce document, et ensuite nous en aurons terminé avec

 20   ce document.

 21   Q.  Alors, au vu de ce seul document, nous constatons qu'il y a eu

 22   différentes violations de la part de toutes les parties. Cependant, dans ce

 23   document, sous l'intitulé "Les Serbes de Bosnie", nous pouvons voir qu'il

 24   n'y avait qu'eux qui ont été menacés par les frappes aériennes de l'OTAN et

 25   c'étaient les seuls à s'engager. Est-il exact, Monsieur Harland, de dire

 26   que les deux autres camps n'ont jamais fait l'objet d'une quelconque

 27   demande de concession, et si ces parties ne faisaient pas de concessions et

 28   ne signaient rien, on ne leur a jamais dit qu'elles seraient bombardées ?


Page 779

  1   R.  Alors, la question c'est une question à deux volets. On leur a posé la

  2   question -- on leur a demandé d'honorer un certain nombre d'engagements.

  3   Ces parties avaient un certain nombre d'obligations, mais il est vrai que

  4   ces parties-là n'ont jamais été menacées de frappes aériennes.

  5   Q.  Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que la FORPRONU

  6   n'était pas objective en Bosnie-Herzégovine, qu'elle s'était mise du côté

  7   des Musulmans essentiellement et qu'elle s'opposait aux Serbes pour

  8   l'essentiel ou, en tout cas, avait marqué son opposition à l'armée de la

  9   Republika Srpska ?

 10   R.  Non, je ne suis pas d'accord avec cela. Il y avait, en réalité, un

 11   certain nombre de personnes au sein de la FORPRONU et un certain nombre de

 12   personnes représentant les gouvernements qui l'appuyaient, y compris, je

 13   dirais, la Grande-Bretagne et la France, qui étaient relativement hostiles

 14   envers le gouvernement de Bosnie à Sarajevo.

 15   Q.  Mais pas hostiles au point de les traiter de la façon dont les Serbes

 16   ont été traités; autrement dit, qu'on ferait intervenir les forces de

 17   réaction rapide contre eux et des frappes aériennes de l'OTAN, n'est-ce pas

 18   ?

 19   R.  D'après mes observations, le processus de prise de décisions est le

 20   suivant : alors, des menaces de frappes aérienne ont commencé à voir le

 21   jour après la campagne de terrorisation [phon] menée par l'armée serbe

 22   contre la population civile de Bosnie. Dans le cas où ceci se serait

 23   produit à une échelle comparable, dans le sens inverse, dans ce cas je

 24   pense franchement qu'il y aurait eu un désir de faire la même chose pour ce

 25   qui est des représentants des autres gouvernements.

 26   Q.  Nous avons aujourd'hui entendu dire combien de soldats il y avait à

 27   l'intérieur de la ville de Sarajevo, comment ces soldats étaient armés. En

 28   même temps, Sarajevo avait été déclarée zone protégée. Et d'après la


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  1   manière dont j'entends ce terme "zone protégée", au vu de différents

  2   documents internationaux, non seulement il n'y a pas d'autorisation de port

  3   d'armes dans le secteur en question, pas le droit de porter l'uniforme, pas

  4   d'installations militaires, pas d'entraînement militaire dans le secteur en

  5   question --

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, veuillez regarder le

  7   compte rendu d'audience, page 63, "pas seulement…", il manque la négation.

  8   Il manque la négation.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Oui, tout à fait.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

 11   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Q.  Alors, qu'a fait la FORPRONU à Sarajevo pour faire en sorte que cette

 13   zone soit à proprement parler protégée, autrement dit, démilitarisée ? Ou

 14   est-ce que nous pouvons convenir que rien n'a été fait ?

 15   R.  Je ne pense pas que les résolutions à l'origine de la création des

 16   zones protégées à Sarajevo comme ailleurs, et il s'agissait des Résolutions

 17   817, 824 et 836, je ne pense pas que celles-ci exigeaient de l'armée de

 18   Bosnie qu'elle dépose les armes ou qu'elle cesse de se battre. Je crois que

 19   l'intention du Conseil de sécurité était de dire que les défenseurs

 20   devaient être en mesure de conserver leurs armes, autrement il y avait un

 21   véritable risque de massacre, ce qui s'est produit en réalité à Srebrenica

 22   et ailleurs, comme vous le savez.

 23   Q.  Nous parlons de Sarajevo. Vous avez dit vous-même que les Serbes

 24   n'avaient pas l'intention de prendre le contrôle de la ville, et nous avons

 25   également établi qu'il y avait de nombreuses offensives musulmanes depuis

 26   Sarajevo. Conviendrez-vous avec moi que la FORPRONU aurait dû prendre une

 27   décision, qu'il s'agisse d'une zone protégée ou d'une zone démilitarisée,

 28   ou non ? Alors, l'autre question que j'ai à vous poser c'est -- ou peut-


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  1   être que vous pourriez répondre à celle-ci en premier puis ensuite je

  2   passerai à mon autre question.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome.

  4   M. GROOME : [interprétation] Objection qui porte sur le fait de savoir si

  5   le témoin est compétent pour répondre à la question de savoir ce que la

  6   FORPRONU aurait dû faire, car c'est une résolution du Conseil de sécurité

  7   de l'ONU qui est à l'origine de la création de la zone protégée.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, on vous demande si

  9   la FORPRONU aurait dû prendre une certaine décision.

 10   M. LUKIC : [aucune interprétation]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un peu plus tôt vous avez parlé - de

 12   façon assez vague - de différents instruments de la communauté

 13   internationale. Est-ce que vous souhaitez recueillir son avis --

 14   M. LUKIC : [aucune interprétation]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, si vous ne souhaitez recueillir

 16   son avis sur la question, veuillez reformuler votre question pour que votre

 17   question soit bien claire, qu'il sache exactement ce que vous lui demandez.

 18   M. LUKIC : [interprétation]

 19   Q.  Alors, est-ce que ceci a été évoqué par la FORPRONU à Sarajevo et à

 20   l'extérieur de la FORPRONU, j'entends d'autres acteurs sur la scène

 21   internationale, qu'une zone démilitarisée devait être une zone

 22   véritablement démilitarisée.

 23   R.  Les zones protégées n'ont pas été déclarées par le Conseil de sécurité

 24   de l'ONU zones démilitarisées. Si je m'en souviens --

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harland, la question qui vous a

 26   été posée, c'est si ceci a été abordé ou non. Apparemment ce que recherche

 27   Me Lukic, c'est d'établir si oui ou non il y a eu des discussions ou des

 28   échanges, si je vous ai bien compris, Maître Lukic, dans l'interprétation


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  1   de la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU suite à quoi les zones

  2   protégées ont été créées.

  3   Est-ce exact ?

  4   M. LUKIC : [aucune interprétation]

  5   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  6   LE TEMOIN : [interprétation] Mais sa question commence par une déclaration

  7   de fait sur le terme de zone protégée, il dit qu'il s'agit d'une zone

  8   démilitarisée, et il suppose que Sarajevo était une zone démilitarisée. Il

  9   s'agit d'une fausse hypothèse en réalité.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, bon, ça c'était sa question

 11   précédente. C'est la raison pour laquelle je lui ai demandé de reformuler

 12   sa question : 

 13   "Est-ce que ceci a-t-il été discuté ou abordé, oui ou non, par la

 14   FORPRONU à Sarajevo et à l'extérieur de la FORPRONU avec d'autres acteurs

 15   de la communauté internationale qu'il s'agissait d'une zone démilitarisée

 16   qui devait être une zone démilitarisée ?"

 17   Est-ce que ceci a fait l'objet de discussions ?

 18   LE TEMOIN : [interprétation] Mais cela n'était une zone démilitarisée.

 19   C'était une zone protégée.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est une bonne raison pour laquelle il

 21   faut en parler ou une bonne raison pour ne pas en parler. Si cela a été

 22   évoqué, oui ou non, il s'agit maintenant d'interpréter la question :

 23   l'interprétation des résolutions du Conseil de sécurité à propos des zones

 24   protégées, ceci a été établi de savoir si l'interprétation des résolutions

 25   du Conseil de sécurité ont été des questions abordées, oui ou non ?

 26   LE TEMOIN : [interprétation] Donc j'ai compris. Il y a eu des discussions

 27   là-dessus de savoir si, oui ou non, on pouvait parvenir à un accord -- si

 28   les parties pouvaient parvenir à un accord pour démilitariser Sarajevo par


Page 783

  1   le biais d'un accord parce que ceci n'avait pas été imposé par le Conseil

  2   de sécurité de l'ONU.

  3   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie.

  4   Q.  Alors, la question suivante qui est la mienne : la démilitarisation

  5   desdites zones protégées faisait-elle partie du mandat de la FORPRONU ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Merci. Bien, dans ce cas, si telle est votre position.

  8   Passons maintenant au paragraphe 88, je vous prie.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En avez-vous terminé sur ce sujet

 10   --

 11   M. LUKIC : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, si je vous ai bien compris,

 13   Monsieur Harland, vous dites dans votre déposition que le Conseil de

 14   sécurité des Nations Unies, lorsqu'il parle de zones protégées de Sarajevo,

 15   n'a pas indiqué qu'il y avait obligation de démilitariser cette zone ? Est-

 16   ce la raison pour laquelle vous avez souhaité ajouter cela par un accord à

 17   l'amiable sur la démilitarisation entre les parties dans ce secteur ?

 18   LE TEMOIN : [interprétation] Alors, même si cela remonte à une vingtaine

 19   d'année, ce dont je me souviens, autrement dit, les Résolutions 824 et 836

 20   précisent que les forces acceptent que les forces du gouvernement de Bosnie

 21   doivent se retirer et que le mandat de la FORPRONU consistait à dissuader

 22   des attaques de ces forces et des attaques provenant des Serbes.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Alors, pour ce qui est des réponses

 24   que vous avez fournies jusqu'à maintenant, est-ce que cela couvre Sarajevo

 25   ou les autres zones protégées ?

 26   LE TEMOIN : [interprétation] Oui, les six zones. Toutes les six zones

 27   protégées.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.


Page 784

  1   Maître Lukic.

  2   M. LUKIC : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Harland, paragraphe 88 de votre déclaration. Nous allons nous

  4   éloigner de ce sujet. Vous dites que les Musulmans de Bosnie ont

  5   quelquefois augmenté la pression et qu'il y avait des dirigeants de Bosnie

  6   qui estimaient que ce qui était pire était mieux pour pouvoir augmenter les

  7   chances d'une intervention militaire occidentale contre les Serbes. Et vous

  8   dites que vous avez vu les Musulmans de Bosnie refuser d'ouvrir le gaz,

  9   parce qu'ils se livraient à des coupures de courant, et ce, de façon

 10   intentionnelle et tiraient même sur les hommes qui réparaient les lignes ou

 11   les câbles électriques à haute tension.

 12   Voici donc ma question : disposez-vous d'informations aujourd'hui sur le

 13   fait de savoir si, oui ou non, il s'agissait dans ce cas de membres du 1er

 14   Corps ou d'un groupe de personnes armées de Sarajevo ? Avez-vous des

 15   informations précises sur ces questions ?

 16   R.  La vie de Sarajevo était devenue de plus en plus difficile. Il y avait

 17   différents points de vue là-dessus; il y avait des gens du côté bosniaque,

 18   par exemple, qui pensaient qu'ils pourraient favoriser une intervention

 19   militaire occidentale, que ceci pouvait être le point de vue des

 20   différentes personnes. Par exemple, le président Izetbegovic lui-même m'a

 21   dit lorsque je lui ai posé une question directement que sa décision

 22   consistait à pouvoir laisser partir la population civile de Sarajevo. Donc

 23   ça, c'était un volet. Le fait de tirer sur les hommes qui réparaient les

 24   câbles électriques ou les répéteurs ou les systèmes d'insolation ou les

 25   lignes à haute tension en ma présence, il est vrai qu'ils se sont fait

 26   tirer dessus depuis des positions de tireurs embusqués depuis l'intérieur

 27   de la ligne de confrontation. Et les experts français avec lesquels j'étais

 28   me le signalaient, mais nous n'étions pas en mesure de dire si, oui ou non,


Page 785

  1   c'était sous le contrôle du 1er Corps ou pas. Pour ce qui est de l'eau et du

  2   gaz, en fait, les décisions générales n'étaient pas prises par les

  3   officiers militaires, et je pense que le 1er Corps n'aurait pas été impliqué

  4   dans cela.

  5   Q.  Vous-même, vous avez parlé d'Izetbegovic. Je souhaite vous poser cette

  6   question-ci -- et vous avez dit que dans les archives de l'ONU ce document

  7   existe réellement. Est-ce que vous avez ce document sur vous ou est-ce que

  8   vous avez le numéro du document ? Parce que nous souhaiterions l'avoir,

  9   s'il vous plaît.

 10   R.  Non. Mais en 1999, le Secrétaire général m'a demandé de rédiger un

 11   rapport sur le massacre de Srebrenica et j'ai eu accès aux archives du HCR

 12   des Nations Unies. Ici, j'ai trouvé une lettre provenant du HCR des Nations

 13   Unies proposant l'évacuation de la population civile qui remontait au mois

 14   d'avril 1993, évacuation, donc, de la localité de Srebrenica, et ils ont

 15   même commencé à le faire, mais le gouvernement bosno-musulman les a

 16   arrêtés. Il y a même une lettre de M. Izetbegovic à cet effet. Et ensuite,

 17   quand j'ai rédigé ce rapport, j'ai interrogé le président Izetbegovic et il

 18   l'a confirmé; mais je ne dispose pas de cette lettre et je ne l'ai jamais

 19   eue en ma possession.

 20   Q.  Merci. Je crois que j'ai fait une autre erreur dans le compte rendu

 21   d'audience. Je pense qu'il s'agissait du procès de Slobodan Milosevic, et

 22   les numéros de page du compte rendu d'audience étaient 28 634 et 28 635.

 23   Vous avez parlé d'un certain nombre de personnes. Vous avez dit qu'avant la

 24   guerre, 150 000 Serbes habitaient à Sarajevo; est-ce exact ?

 25   R.  J'ai oublié maintenant, mais c'est dans cette zone-là.

 26   Q.  Est-ce que vous vous souvenez qu'à Sarajevo, à l'époque, il y avait

 27   environ 40 000 à 60 000 Serbes qui se trouvaient encore entre les lignes de

 28   confrontation ?


Page 786

  1   R.  Le nombre a baissé au cours du temps, mais je pense que lorsque je suis

  2   arrivé c'était effectivement à peu près ce nombre-là.

  3   Q.  Et vous étiez en Bosnie en 1999. Savez-vous combien de Serbes

  4   habitaient à Sarajevo en 1999 ?

  5   R.  Je ne pourrais que vous donner une évaluation, peut-être 

  6   5 % ou quelque chose comme cela. Mais je n'ai pas de chiffre.

  7   Q.  [aucune interprétation]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais obtenir une précision.

  9   Vous avez dit qu'à Sarajevo, à l'époque, il y avait entre 

 10   40 000 et 60 000 Serbes qui se trouvaient encore entre les lignes de

 11   confrontation, par rapport au total à 150 000, ce qui signifie que ça avait

 12   baissé de 28 à 40 %. Mais vous avez dit qu'en fait le pourcentage était de

 13   10 %. Est-ce que je vous ai bien compris ? Est-ce que c'est passé de 28 ou

 14   40 % à 10 % ?

 15   LE TEMOIN : [interprétation] Entre les lignes de confrontation, au moment

 16   où je suis arrivé, je pense qu'il y avait environ 20 % de personnes mais

 17   que le nombre de Serbes a baissé au cours du temps, et à l'issue du conflit

 18   il n'y en avait plus que 10 %.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors j'ai peut-être mal lu votre

 20   citation. Il était mentionné qu'il y avait 150 000 personnes qui habitaient

 21   à Sarajevo.

 22   LE TEMOIN : [interprétation] Oui.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, vous parlez de la période

 24   qui "précédait la guerre". Est-ce que vous voulez dire avant la guerre dans

 25   la région qui est ensuite devenue les lignes de confrontation ou vous

 26   parlez du grand Sarajevo ?

 27   M. LUKIC : [interprétation] Avant la guerre en Bosnie.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais --


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  1   M. LUKIC : [interprétation] Avant mai 1992.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous parlez de personnes qui

  3   habitaient entre les lignes de confrontation ou de celles qui habitaient

  4   dans le grand Sarajevo ?

  5   M. LUKIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut demander peut-être à M.

  6   Harland de répondre, sinon c'est moi qui déposerais ici.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, alors vous avez mentionné ou il a

  8   été mentionné que 150 000 Serbes habitaient à Sarajevo.

  9   Est-ce que c'était entre les lignes de confrontation, au fur à mesure

 10   que celles-ci ont évolué, ou est-ce que c'était pour la région du grand

 11   Sarajevo ?

 12   LE TEMOIN : [interprétation] Cette question est très importante. Je pense

 13   que quand on parle de 150 000 Serbes, en fait, il s'agissait des Serbes qui

 14   habitaient à Ilidza, à Grabovica, à Ilijas et à Vogosca. C'étaient donc les

 15   quartiers qui avaient une forte population serbe avant la guerre. Mais pour

 16   ce qui est de la zone qui était encerclée par une confrontation, je pense

 17   qu'au total il n'y avait que 60 000 à 70 000 Serbes.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, quand on utilise ces

 19   différents chiffres en termes de population, on parle de zones

 20   géographiques différentes également ?

 21   M. LUKIC : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord.

 23   Veuillez continuer, Maître Lukic.

 24   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 25   Pourrait-on maintenant afficher le document de la liste 65 ter 10015.

 26   Q.  Vous voyez la première page. Vous voyez quel est donc le sujet de ce

 27   document, n'est-ce pas ? C'est un document du 1er mars 1994. Et c'est un

 28   rapport dont vous êtes l'auteur.


Page 788

  1   R.  C'est exact.

  2   Q.  Au deuxième paragraphe de la deuxième page, il y a quelque chose

  3   d'intéressant ici. Il est mentionné que les forces gouvernementales ont

  4   creusé un tunnel en direction des positions serbes. Il ne s'agit pas du

  5   tunnel sous l'aéroport, n'est-ce pas ?

  6   R.  Effectivement.

  7   Q.  Donc ils percent un tunnel, mais il s'agit d'un autre tunnel, et M.

  8   Karadzic a protesté auprès du Conseil de sécurité à ce sujet.

  9   Il est mentionné :

 10   "Le fait que ce tunnel soit construit a suscité de vives protestations de

 11   la part du dirigeant serbe Karadzic auprès du Conseil de sécurité."

 12   R.  Ca a dû être une lettre qu'il a envoyée.

 13   Q.  Mais vous étiez au courant de cela évidemment, parce que vous l'avez

 14   consigné par écrit. Est-ce que vous avez essayé d'empêcher que cela se

 15   produise ? Parce qu'évidemment, comme vous l'avez dit, il s'agissait d'une

 16   provocation qui avait pour objectif de créer une réponse de la part des

 17   Serbes.

 18   R.  De manière générale, s'il y avait un cessez-le-feu et que ce cessez-le-

 19   feu n'était pas respecté, nous protestions auprès de l'une ou l'autre des

 20   parties responsables de cette violation, et il est vrai qu'il y a eu une

 21   période où il y avait des tunnels qui étaient creusés pour des besoins

 22   tactiques, donc je ne parle pas du tunnel creusé sous l'aéroport. Il

 23   s'agissait d'un tunnel visant à cantonner des troupes ou à y placer des

 24   explosifs. Donc il s'agissait d'une activité différente.

 25   Q.  Merci. A la page 4, au paragraphe 3 en partant du haut de la page, nous

 26   voyons qu'il est mentionné la durée de la guerre entre l'ABiH et le HVO, à

 27   savoir plus de six mois en Bosnie centrale. De plus, les forces du HVO

 28   semblaient gagner du territoire.


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  1   Savez-vous si à l'époque il y a eu des affrontements entre le HVO et la

  2   VRS, ou est-ce qu'il y avait eu une cessation des hostilités à l'époque ?

  3   R.  Si je me souviens bien, mais je n'en suis pas complètement sûr, les

  4   choses changeaient d'une localité à l'autre. Il y avait des zones où il y

  5   avait un certain niveau de coopération entre les Serbes et les Croates et

  6   il y en avait d'autres où, par contre, les hostilités étaient déclarées.

  7   Q.  Savez-vous combien de temps les conflits ont duré entre les armées

  8   croate et de Bosnie ?

  9   R.  Ca a commencé lorsque je suis arrivé en mai 1993, et ensuite il y a eu

 10   les accords qui ont été signés pour mettre fin à ces hostilités à Gornji

 11   Vakuf. Donc ça a dû se produire en février 1994 ou dans ces environs-là.

 12   Q.  Merci. Je voudrais vous poser une autre question. Est-ce exact que neuf

 13   ou dix mois après le début du conflit entre les Croates et les Serbes, la

 14   paix est revenue suite à la pression exercée par les Etats-Unis ?

 15   R.  Oui, c'est tout à fait vrai. J'étais présent lors de réunions où le

 16   représentant américain, M. Redman, ainsi que d'autres représentants

 17   faisaient pression sur les parties.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Puis-je vous interrompre ?

 19   M. LUKIC : [aucune interprétation]

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Un peu plus tôt, vous avez parlé du

 21   conflit entre les Croates et les Bosno-Musulmans. Et vous mentionnez

 22   ensuite : "Est-ce exact que neuf mois après le début des conflits entre les

 23   Croates et les Serbes" --

 24   M. LUKIC : [interprétation] Je me suis peut-être mal exprimé, mais je

 25   parlais donc du conflit entre les Croates et les Bosno-Musulmans.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 27   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 28   Q.  Ma question suivante, Monsieur Harland : est-ce exact qu'à l'époque les


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  1   Etats-Unis d'Amérique ne permettaient pas une réconciliation entre les

  2   Musulmans et les Serbes et que, par leurs actions, cela n'a fait

  3   qu'exacerber le conflit entre ces deux communautés ethniques ou ces deux

  4   peuples de Bosnie-Herzégovine ?

  5   R.  Les ressortissants américains que j'ai rencontrés souhaitaient une

  6   résolution avec des conditions plus avantageuses pour les Bosno-Musulmans

  7   et ne pensaient pas que cela se produirait par le biais d'une assistance

  8   militaire auprès du gouvernement bosno-musulman ou toute autre intervention

  9   gouvernementale.

 10   Q.  Paragraphe 93, une question de sincérité, et à la fin du paragraphe,

 11   vous dites :

 12   "Les dirigeants serbes n'ont pas été honnêtes avec les représentants de la

 13   communauté internationale."

 14   Alors, quel est votre point de vue, votre opinion ? Vous avez participé –-

 15   enfin, vous faisiez partie de la FORPRONU, vous avez participé à son

 16   travail. Est-ce que les représentants de la communauté internationale

 17   étaient toujours sincères avec les Serbes ?

 18   R.  Ce que je pense, et cela correspond à mon vécu, c'est qu'il est tout à

 19   fait erroné de considérer les représentants de la communauté internationale

 20   comme s'exprimant d'une seule voix. Il y a un dénominateur commun. Ce que

 21   je peux vous dire, c'est que les représentants de la FORPRONU parlaient

 22   avec les différentes parties. En général, ils disaient la vérité. Ils

 23   n'étaient peut-être pas toujours logiques, mais en général ils disaient la

 24   vérité.

 25   Q.  Mais est-ce que lors des pourparlers ils se sont adressés aux Serbes

 26   avec de bonnes intentions ou est-ce qu'ils se ralliaient à l'autre camp au

 27   fur et à mesure que la fin de la guerre devenait une réalité ?

 28   R.  Il y avait certainement des membres de la FORPRONU – et j'en faisais


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  1   partie, d'ailleurs, de ces membres – qui étaient d'avis que l'on ne

  2   pourrait pas trouver une solution à la guerre sans envisager une forme

  3   d'intervention militaire contre les Serbes.

  4   Q.  Je vous remercie, et je vous remercie d'exprimer votre avis de façon

  5   sincère. Alors, lorsque vous vous exprimiez, lorsque vous étiez conseiller

  6   du général Smith, je suppose que vous avez parlé du fait qu'il fallait

  7   leurrer les Serbes pour qu'il y ait des frappes aériennes. Et vous en

  8   parlez, vous y faites référence au paragraphe 233 de votre déclaration.

  9   Alors, convenez-vous qu'à cette occasion, vous ainsi que le général Smith

 10   n'avez pas agi de façon sincère, n'avez pas été très sincères à l'égard des

 11   Serbes ?

 12    R.  Moi, j'ai prononcé des conseils au général Smith, et à cette occasion

 13   justement, je l'ai conseillé, et je l'ai conseillé de rester un peu vague,

 14   de ne pas indiquer de façon très claire ce que nous savions sur la position

 15   et la provenance et l'origine de l'obus qui était tombé sur le marché de

 16   Markale afin de nous donner un peu plus de temps et de donner surtout du

 17   temps à FORPRONU pour que la FORPRONU et les représentants des Nations

 18   Unies puissent quitter le territoire serbe pour qu'ils ne soient ni blessés

 19   ni capturés lorsque le général Smith allait donner le feu vert pour

 20   autoriser les frappes aériennes contre les Serbes. Et cela est vrai. Nous

 21   n'avons pas été entièrement honnêtes.

 22   Q.  Merci. J'aimerais maintenant vous montrer un autre document, qui est un

 23   de vos rapports d'ailleurs. Il s'agit d'un rapport du 9 avril 1994.

 24   Document 23773 de la liste 65 ter. Il s'agit d'un rapport que vous avez

 25   rédigé, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui, apparemment.

 27   Q.  Donc il n'y a pas de problème.

 28   M. LUKIC : [interprétation] Deuxième page, je vous prie.


Page 792

  1   Q.  A la deuxième page de ce rapport qui est le vôtre, vous dites que le

  2   général Mladic avait déclaré et annoncé qu'il souhaitait seulement un

  3   accord total visant la cessation des hostilités, tout le reste ne

  4   l'intéressait pas. Et au paragraphe 7, vous dites : La proposition serbe

  5   était très semblable à notre proposition, hormis pour ce qui était de

  6   l'idée d'un cessez-le-feu provisoire qui aurait pu évoluer en un accord

  7   complet visant la cessation permanente des hostilités, et toutes les

  8   mentions relatives à Gorazde et aux enclaves sûres ont été éliminées. Par

  9   la suite, nous nous intéresserons au paragraphe 10, qui fait référence à

 10   l'autre camp du conflit. Là, nous parlons du général Mladic et des Serbes.

 11   Donc, compte tenu de ce que vous avez déclaré, vous conviendrez, je

 12   suppose, que les Serbes avaient constamment insisté pour qu'il y ait une

 13   cessation complète des hostilités ?

 14   R.  Les Serbes avaient coutume de nous dire constamment qu'ils souhaitaient

 15   geler en quelque sorte la ligne de confrontation par le biais d'un accord

 16   et qu'ils voulaient préserver ce qu'ils avaient parce qu'ils contrôlaient

 17   70 % du pays. Et l'autre camp, pour les mêmes raisons –- enfin, les mêmes

 18   raisons mais prises à l'envers, ne souhaitait surtout pas avoir ce gel

 19   permanent de la ligne de confrontation.

 20   Q.  Donc, indépendamment des raisons invoquées, les Serbes voulaient une

 21   paix durable alors que l'autre camp n'en voulait pas de cette paix durable.

 22   Est-ce que nous pouvons tirer cette conclusion indépendamment des raisons ?

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome.

 24   M. GROOME : [interprétation] Je ne pense pas que l'on puisse poser ce type

 25   de question à ce témoin.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, pourriez-vous reformuler

 27   votre question, je vous prie.

 28   M. LUKIC: [interprétation]


Page 793

  1   Q.  Lorsque vous rédigiez vos rapports, très souvent vous faisiez état de

  2   certaines choses - et nous en avons eu d'ailleurs certains éléments

  3   aujourd'hui - en fait, vous écriviez que l'armée de la Republika Srpska et

  4   les hommes politiques, les politiciens, de la Republika Srpska proposaient

  5   une paix durable, à long terme. Est-ce que cela s'est passé à plusieurs

  6   reprises ?

  7   R.  Lorsque je me trouvais là-bas, les Serbes se sont ralliés à certains

  8   accords de paix, qui avaient été présentés au niveau international. Je

  9   pense, par exemple, au plan Owen-Stoltenberg; et lorsque je me trouvais à

 10   Sarajevo, ils en ont rejeté d'autres, ils ont rejeté, par exemple, le plan

 11   Vance-Owen et le plan du Groupe de contact également. Ils ont accepté

 12   certains cessez-le-feu, mais, certes, jusqu'à la fin lorsque cela n'allait

 13   véritablement pas dans leur intérêt. Il faut savoir qu'en règle générale,

 14   ils proposaient toute solution qui imposerait un gel permanent des lignes

 15   de cessez-le-feu qui étaient en vigueur, et ce, jusqu'à Dayton, et c'est à

 16   partir de ce moment-là que cela ne desservait pas leurs intérêts.

 17   Q.  Merci. Et au paragraphe 10, vous dites :

 18   "Après la réunion, M. l'Ambassadeur Redman, le général Rose et," vous-même,

 19   donc "avaient été invités à la présidence bosnienne," je préférerais que

 20   l'on parle de présidence bosnienne plutôt que de présidence bosniaque, "où"

 21   vous avez "rencontré le président Izetbegovic et le Premier ministre

 22   Silajdzic."

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, si vous choisissez votre

 24   langue, vous pouvez bien entendu choisir la langue que vous souhaitez

 25   parler. Mais si vous citez un document, teniez-vous-en aux citations, à ce

 26   qui est écrit dans le document.

 27   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 28   Q.  Et vous dites donc :


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  1   "…après quelques discussions, les Bosniaques ont accepté l'idée d'une

  2   'cessation des hostilités' mais qu'ils n'envisageaient pas un accord

  3   'permanent' toutefois."

  4   Donc, voilà, cela reprend ce dont nous venons de parler maintenant,

  5   n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui, tout à fait.

  7   Q.  Merci. A l'époque, époque que couvre ce document, les Musulmans

  8   détenaient 18 % du territoire. A la fin de la guerre, ils avaient acquis un

  9   territoire beaucoup plus important. Quelle force existait de leur côté qui

 10   leur permettait de prendre le contrôle d'un pourcentage aussi important du

 11   territoire ? S'agissait-il simplement des Etats-Unis d'Amérique ou

 12   quelqu'un d'autre qui leur permettait d'acquérir une partie plus importante

 13   du territoire ? Quelles informations avez-vous recueillies à cet égard

 14   lorsque vous travailliez pour la FORPRONU ?

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome.

 16   M. GROOME : [interprétation] La question semble présupposer un fait qui n'a

 17   pas encore été soumis au témoin, à savoir les Etats-Unis d'Amérique, et on

 18   laisse entendre dans la question qu'il y a un rôle joué par les Etats-Unis

 19   d'Amérique.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, il y a beaucoup de choses qui

 21   sont suggérées dans la question, mais au bout du compte on en revient

 22   toujours aux faits, c'est en tout cas quelles informations avez-vous

 23   recueillies à cet effet. Et à cet effet, c'est ce qui fait l'objet de la

 24   suggestion ou, en tout cas, d'après Me Lukic, avoir une impression juste de

 25   la manière dont les choses se sont produites. La question porte surtout sur

 26   un pourcentage plus important du territoire acquis par le biais de

 27   négociations et quelles ont été les forces qui ont aidé les Musulmans pour

 28   parvenir à cet objectif, et si vous avez reçu des éléments particuliers à


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  1   cet effet. C'est ce sur quoi porte la question.

  2   Maître Lukic, vous ai-je bien compris ?

  3   M. LUKIC : [interprétation] Oui, tout à fait.

  4   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  5   LE TEMOIN : [interprétation] Eh bien, un certain nombre de facteurs en jeu,

  6   en particulier en 1995, qui ont grandement affaiblit la partie bosno-serbe.

  7   Le premier élément était l'offensive lancée par le gouvernement de Croatie,

  8   appelée opération Tempête; le deuxième élément était la poursuite des

  9   sanctions que la Serbie avait été encouragée à imposer aux Bosno-serbes par

 10   les pays occidentaux; le troisième concernait le succès remporté par

 11   l'armée croate et son renforcement avec l'appui des pays occidentaux et

 12   islamiques; et le cinquième était peut-être la force de réaction rapide et

 13   l'artillerie de la FORPRONU, et des actions qui ont permis les frappes

 14   aériennes de l'OTAN. Et si vous associez ces différents facteurs, eh bien,

 15   ceci a conduit à un affaiblissement non négligeable de la position bosno-

 16   serbe et qui aurait été davantage affaiblie s'ils ne s'étaient rendus à

 17   Dayton et s'ils n'avaient pas rendu une partie du territoire.

 18   M. LUKIC : [interprétation]

 19   Q.  Merci. Est-ce que nous pouvons maintenant regarder le paragraphe 102.

 20   Ici, nous parlons de Gorazde, Srebrenica et Zepa, déclarées zones

 21   protégées.

 22   Nous avons également parlé de la question, nous avons dit que cette région

 23   aurait dû être démilitarisée ou pas. Est-ce que vous savez qu'à l'époque il

 24   y avait un détachement à Srebrenica qui s'est transformé en division par la

 25   suite ? Est-ce que nous pouvons convenir du fait que non seulement les

 26   zones protégées n'étaient pas des zones démilitarisées, mais ces zones

 27   étaient de surcroît renforcées en termes d'armes et d'effectifs ?

 28   R.  Oui. Le président Izetbegovic lui-même m'a dit en personne qu'il avait


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  1   eu recours à des ressources considérables, beaucoup plus importantes, y

  2   compris en termes d'hélicoptères. Il avait déployé des armes à Srebrenica,

  3   y compris des "Red Arrow" antichars chinois. Je crois qu'il a confirmé

  4   l'existence de la 28e Division de l'armée de Bosnie sur ce territoire-là --

  5   c'étaient des armes antichars.

  6   Q.  Lorsque vous avez parlé d'hélicoptères, je souhaite savoir qui était

  7   propriétaire de ces moyens militaires, qui contrôlait l'espace aérien au-

  8   dessus de Srebrenica et Zepa ? Etait-ce l'OTAN et la FORPRONU ?

  9   R.  Eh bien, en théorie, oui. En vertu du mandat du Conseil de sécurité des

 10   Nations Unies, il y avait interdiction de vol au-dessus de ce territoire-

 11   là. Lorsque les parties belligérantes survolaient ce secteur, et en

 12   particulier des aéronefs avec -- car c'est à ce moment-là qu'ils pouvaient

 13   faire l'objet d'interception et de destruction. En réalité, cela ne causait

 14   pas de problèmes. Ils pouvaient éviter la détection. Le général Mladic

 15   avait l'habitude de survoler ce secteur dans un petit hélicoptère devant

 16   nos yeux.

 17   Q.  Alors, est-ce que vous saviez à l'époque, vous ainsi que d'autres

 18   membres de la FORPRONU, que des membres de la 28e Division de l'ABiH qui

 19   étaient cantonnés à Srebrenica et Zepa lançaient des attaques contre des

 20   localités habitées par des civils qui étaient serbes et contre l'armée de

 21   la Republika Srpska ?

 22   R.  On nous a informés de cela et on nous a demandé d'enquêter là-dessus,

 23   et nous sommes parvenus à la conclusion que ceci était grandement exagéré.

 24   Mais il y avait eu un exemple à Kravica, par exemple, c'était un jour de la

 25   Noël orthodoxe, de l'année 1993 si je me souviens bien.

 26   Q.  Et lorsque vous dites "exagéré", qu'est-ce que vous entendez par là ?

 27   R.  Les dirigeants serbes nous disaient qu'il y avait des attaques

 28   importantes lancées depuis Srebrenica et qu'il y avait un nombre important


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  1   de la population civile, des centaines de civils qui avaient été tués. Mais

  2   lorsque nous avons demandé à ce que l'on nous donne des noms et lorsqu'il y

  3   a eu des demandes de la part de la Croix-Rouge internationale pour élucider

  4   cela et en trouver des traces, à chaque fois que nous essayions d'avoir

  5   accès au site pour pouvoir mener nos enquêtes, ceci était toujours refusé.

  6   Donc nous sommes parvenus à la conclusion qu'il s'agissait plutôt d'un

  7   prétexte.

  8   Q.  Mais lorsque vous dites que c'était exagéré, vous n'avez jamais

  9   vraiment établi si, oui ou non, c'était exagéré ?

 10    R.  Pour finir, nous avons eu accès à ce petit village de Kravica, qui est

 11   près de Srebrenica quelque part, et où ils avaient dit qu'il y avait eu une

 12   attaque. Et, pour finir, nos enquêteurs ont pu établir qu'il y avait

 13   effectivement eu une attaque, que quatre ou cinq personnes avaient été

 14   tuées, et nous pouvions confirmer cela. Moi, je m'y suis rendu moi-même par

 15   la suite et, par pure coïncidence, je dois dire qu'il s'agissait d'un

 16   endroit où il y avait des centaines de Musulmans de Bosnie non armés qui

 17   avaient été tués. Mais des preuves de la mort de Serbes étaient extrêmement

 18   limitées. Mais vous avez raison de dire qu'il y a eu des attaques menées

 19   par ces forces, et surtout à Srebrenica.

 20   Q.  Et qu'a fait la FORPRONU à ce sujet ? Comment la FORPRONU a-t-elle

 21   réagi lorsqu'elle communiquait avec la partie bosnienne ?

 22   R.  Eh bien, nous avons émis des protestations pour ce qui est du statut de

 23   Srebrenica. Contrairement aux cinq autres zones protégées, Srebrenica était

 24   régie par un accord de démilitarisation qui avait fait l'objet d'un accord

 25   mutuel. Et lorsqu'il y avait violation de cet accord, nous émettions nos

 26   protestations.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde l'heure. Pourriez-vous en

 28   terminer dans une ou deux minutes, voire trois.


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  1   M. LUKIC : [interprétation] Je n'ai plus qu'une question.

  2   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  3   M. LUKIC : [interprétation]

  4   Q.  Lorsque vous dites que vous avez "protesté", qu'est-ce que cela

  5   signifie ?

  6   R.  En général, nous nous rendions auprès du commandant qui se trouvait sur

  7   place, l'homme compétent ou le commandant du corps, ou le général Delic ou

  8   le président Izetbegovic, pour déclarer officiellement qu'ils violaient

  9   l'accord et nous leur disions que ceci serait apporté à l'attention du

 10   Conseil de sécurité des Nations Unies pour que des mesures appropriées

 11   soient prises.

 12   Q.  Je vous remercie beaucoup pour aujourd'hui, Monsieur Harland.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, pourriez-vous nous donner

 14   une indication du temps dont vous aurez besoin par rapport à l'estimation

 15   initiale que vous nous avez donnée. C'est important pour M. Harland

 16   également.

 17   M. LUKIC : [interprétation] J'aurais besoin de toute la journée de demain,

 18   en tout cas, c'est certain. J'espère pouvoir finir demain à la fin de

 19   l'audience.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous verrons comment nous devons

 21   procéder.

 22   Avant de lever l'audience, je vais donc vous demander, Monsieur Harland, de

 23   revenir nous voir demain matin à 9 heures dans ce même prétoire. Et je vous

 24   donne les mêmes consignes que je vous ai déjà données -- inutile de fournir

 25   davantage d'explications. Vous ne devez vous entretenir ou communiquer avec

 26   quiconque au sujet de votre déposition –- je ne dirais plus votre

 27   déposition, mais du sujet de votre déposition que vous avez déjà donnée ou

 28   de votre déposition future. Nous souhaitons vous revoir ici demain.


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  1   Veuillez vous faire escorter par M. l'Huissier, s'il vous plaît.

  2   LE TEMOIN : [aucune interprétation]

  3   [Le témoin quitte la barre]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas, nous allons lever

  5   l'audience pour aujourd'hui, et nous reprendrons demain, le 12 juillet, à 9

  6   heures du matin dans ce même prétoire.

  7   --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le jeudi 12 juillet

  8   2012, à 9 heures 00.

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