Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 21 août 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.

  6   Madame la Greffière, veuillez citer le numéro de l'affaire.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

  8   C'est l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourrions-nous avoir les présentations ?

 10   M. GROOME : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. M. Groome accompagné

 11   Edward Jeremy et de Mme Janet Stewart.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. La Défense.

 13   M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je suis Me Lukic,

 14   accompagné de mes collègues.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le Juge Orie étant indisposé aujourd'hui,

 16   nous siégeons en application de l'article 15 bis. Je vous remercie.

 17   Avant de démarrer avec les témoins qui sont prévus à l'audience d'aujourd'hui,

 18   je voudrais aborder un certain nombre de points de procédure.

 19   Tout d'abord, la demande visant à permettre aux collaborateurs et aux assistants

 20   d'interroger les témoins et de présenter des requêtes en audience. Le 26 juillet

 21   2012, par une communication informelle la Défense a demandé qu'une autorisation

 22   permanente soit accordée à deux des membres de son équipe afin qu'ils puissent

 23   interroger les témoins et présenter des requêtes en audience. La Chambre a

 24   d'abord reporté le moment de statuer et en a informé la Défense le 2 août 2012.

 25   Le 7 août 2012, la Défense a demandé une autorisation portant sur Dragan Ivetic

 26   afin qu'il puisse interroger les témoins suivants au calendrier, dont deux sont

 27   prévus pendant la première semaine d'audience. Le 13 août 2012, la Chambre a

 28   fait droit à la demande concernant M. Ivetic permettant -- a donc permis à ce


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  1   dernier d'intervenir concernant les Témoins Doyle et Jordan. Deuxième point, il

  2   s'agissait des faits admis. L'Accusation a suggéré de se référer aux faits déjà

  3   jugés dont la Chambre a dressé constat judiciaire lorsqu'il s'agissait de

  4   renoncer à s'appuyer sur -- à renoncer à obtenir certains éléments de preuve des

  5   témoins lorsque donc ces éléments de preuve correspondaient aux faits déjà jugés

  6   et dont le constat judiciaire avait été dressé. La Défense n'a pas répondu. La

  7   Chambre apprécie la proposition de l'Accusation et la soutient.

  8   Enfin, le 18 juillet 2012, l'Accusation a suggéré une procédure

  9   consistant à informer la Chambre d'accords intervenus entre les parties sur les

 10   faits. La Défense ne s'est pas opposée à cette procédure le 20 juillet. La

 11   Chambre accueille favorablement les efforts des parties concernant la

 12   possibilité de trouver des accords sur des points controversés, et concernant la

 13   procédure suggérée en prévenir la Chambre, cette dernière préférerait que touts

 14   accords intervenus soient consignés par écrit par les parties et soumis pour

 15   admission au dossier. De cette façon, les accords seront beaucoup plus faciles à

 16   suivre qu'en procédant à des recherches sur des mots-clés dans le compte rendu

 17   d'audience. La Chambre, par conséquent, modifie ces instructions précédentes

 18   portant sur les rapports bimensuels portant sur les faits déjà jugés et

 19   l'article 65 ter (e), donc lorsqu'il y aura des accords intervenus entre les

 20   parties, de telles écritures ne seront plus nécessaires.

 21   Point 3. Les lignes directrices concernant les demandes de versement de

 22   documents publics expurgés. Le 19 juillet 2012, l'Accusation a demandé le

 23   versement de la déclaration du Témoin RM-255 en tant que document confidentiel

 24   ainsi que d'une version expurgée du même document en tant que document public.

 25   La Chambre a indiqué qu'elle se pencherait sur la question de savoir si une

 26   telle version expurgée et publique devrait ou non également faire partie du

 27   dossier, et la Chambre va donc maintenant fournir ces instructions en la

 28   matière.


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  1   Afin d'éviter les redondances au dossier, la Chambre estime qu'à chaque fois

  2   qu'il est possible de procéder ainsi une version publique expurgée de documents

  3   confidentiels doit être versée au dossier. Pour les déclarations en application

  4   de l'article 92 ter ceci pourrait être fait d'amblée dans une annexe publique en

  5   application donc de l'article 92 ter.

  6   Point numéro 4. Pour les listes de pièces en à peu près de

  7   l'article 65 ter, et lorsqu'il y a des traductions manquantes. Le 20 juillet

  8   2012, l'Accusation a déposé sa troisième q visant à modifier sa liste de pièces

  9   en application de l'article 65 ter. La Défense a répondu, et la Chambre a

 10   également relevé que nombre des pièces proposées ne disposaient pas d'une

 11   traduction anglaise au sein du prétoire électronique. La Chambre donne par

 12   conséquent pour instructions à l'Accusation de charger dans le système les

 13   traductions anglaises manquantes et d'en informer la Chambre ainsi que la

 14   Défense dès que cela aura été fait. La Chambre donne également pour instructions

 15   à l'Accusation d'examiner les documents proposés afin de s'assurer qu'il n'y a

 16   aucune redondance, aucun recouvrement avec des faits déjà jugés dont la Chambre

 17   a déjà dressé constat judiciaire et d'informer la Chambre de ce qu'il en sera de

 18   cet examen et de l'avancement concernant les traductions manquantes.

 19   Le 10 août 2012, l'Accusation a demandé l'autorisation de répliquer à la réponse

 20   de la Défense. La Chambre par la présente donne cette autorisation à

 21   l'Accusation et considère que la réplique déjà déposée a été donc déposée.

 22   Point numéro 5. La requête de l'Accusation en application de l'artillerie 92 bis

 23   concernant le Témoin RM-57 du 30 mai 2012. Le personnel de la Chambre a demandé

 24   à l'Accusation par voie de communication informelle d'examiner sa requête en

 25   application de l'article 92 bis au vu des faits déjà jugés numéro 346, 353, 426,

 26   447, 867, ainsi que 877 à 879, 893 à 895, 929, 936, 946, 960, 965 et 966, 972,

 27   974, 982 et 983, 986 à 990, 1002 à 1004, 1006, 1008 à 1020, 1150 [comme

 28   interprété] et 1117 [comme interprété].


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  1   L'Accusation a reçu pour instruction d'indiquer par écriture, pour voix

  2   d'écriture si elle maintenait sa requête en l'état, et si tel était le cas,

  3   comment elle se proposait de traiter les cas de recouvrement entre les éléments

  4   de preuve avancés en application de l'article 92 bis et les faits déjà jugés au

  5   cas où la Chambre devait faire droit à cette requête ? La Chambre inclut par la

  6   présente la communication informelle intervenue au dossier et demande à

  7   l'Accusation une mise à jour.

  8   Monsieur Groome.

  9   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Juge, j'ai demandé si nous pouvions

 10   bénéficier d'un peu plus de temps, et vous en informez après la première pause.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien entendu.

 12   Point numéro 6, le Témoin Harland. Pendant la déposition de ce dernier, la pièce

 13   P3 a été versée aux fins d'identification. Il s'agit du classeur de

 14   l'Accusation. La Défense a soulevé une objection en indiquant que les documents

 15   de ce classeur étaient annotés et qu'ils comprenaient également des croquis, et

 16   que ces ajouts représentaient en fait des faits supplémentaires non prouvés. La

 17   Chambre demande -- ou plutôt, la Chambre relève que les annotations dans la

 18   pièce P3 sont avant tout des illustrations de la thèse de l'Accusation qu'il

 19   faut donc prouver les éléments correspondants. La Chambre est tout à fait

 20   consciente de cela et ne s'appuiera pas sur ces annotations dans ses

 21   conclusions. Par conséquent, les dessins et les cartes ne seront envisagés que

 22   comme référence. C'est pourquoi la Chambre verse au dossier la pièce P3.

 23   Enfin point numéro 7, le Témoin Schmitz. La pièce 1986 [comme interprété], en

 24   application de l'article 65 ter, le document donc 1986 est un document de 75

 25   pages sur une partie duquel l'Accusation et la Défense se sont appuyées pendant

 26   la déposition du témoin, à l'audience. Le 17 juillet 2012, la Chambre a donné

 27   pour instruction aux parties de ne demander le versement que des pages

 28   particulières sur lesquelles elles entendaient s'appuyer pour en demander le


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  1   versement en application de l'article 65 ter. Je vous réfère aux pages du compte

  2   rendu numéro 940, 958, et 1010 [comme interprété] à 1014.

  3   Le 20 juillet 2012, Me Lukic a indiqué que la Défense souhaitait proposer une

  4   façon pragmatique de procéder concernant la pièce 19814 de la liste en

  5   application de l'article 65 ter, et qu'elle le ferait dans une communication

  6   informelle figurante en page 1281 du compte rendu d'audience. L'Accusation et la

  7   Défense ont échangé -- ou plutôt, envoyé des e-mails le 23 juillet 2012. Le

  8   greffe a déposé un mémorandum interne attribuant des numéros de pièces à

  9   conviction aux pages pertinentes du document 19814 de l'article 65 ter, et ce,

 10   de façon séparée. Les pages en question ont été changées dans le système par

 11   l'Accusation et la Défense, en application des instructions de la Chambre. Les

 12   pièces P63 à P65 ont été déposées par l'Accusation, et les pièces D27 à D37 par

 13   la Défense, elles ont toutes été versées aux fins d'identification. Le 14 août

 14   2012, les pièces P63 à P65 ont été changées dans le prétoire électronique avec

 15   leur traduction en B/C/S.

 16   Monsieur Groome, la Chambre souhaiterait savoir si du point de vue de

 17   l'Accusation, ces documents sont prêts à être versés ?

 18   M. GROOME : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

 20   Nous allons donc procéder ainsi.

 21   Y a-t-il des objections de la Défense ?

 22   M. LUKIC : [interprétation] Non.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, les pièces P63 à

 24   P65, sont versées au dossier.

 25   D27 à D37 ne disposent pas encore de traduction officielle en B/C/S.

 26   Alors Me Lukic, peut-on s'attendre au chargement dans le prétoire électronique

 27   des traductions correspondantes prochainement ?

 28   M. LUKIC : [interprétation] La Défense a un problème, Monsieur le Juge, elle ne


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  1   veut pas s'adresser au service linguistique du Tribunal, au CLSS pour obtenir

  2   des traductions provisoires -- pour obtenir des traductions. Par conséquent, si

  3   la Chambre est disposée à accepter des traductions provisoires effectuées par

  4   les membres de l'équipe de la Défense, nous procèderons ainsi. Si ce n'est pas

  5   le cas, nous devrons voir ce qu'il en est avec l'Accusation.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Groome ?

  7   M. GROOME : [interprétation] Je dois faire preuve d'un peu de réserve concernant

  8   un éventuel changement dans la pratique que nous avons eue jusqu'à présent. Je

  9   crois qu'il serait plus raisonnable de soumettre une requête au service CLSS --

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je comprends, Maître Lukic, que la Défense

 11   ne peut pas demander au CLSS des  traductions en B/C/S.

 12   M. GROOME : [interprétation] Je souhaiterais avoir la possibilité de m'en

 13   entretenir avec Me Lukic, peut-être pendant la pause, pour voir si nous pouvons

 14   trouver un arrangement.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Nous entendrons ce qu'il en est

 16   plus tard.

 17   Ceci conclut ce que j'avais à dire sur les points de procédure.

 18   Veuillez faire venir le témoin.

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20    M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Juge, Mme Stewart m'informe que

 21   l'Accusation dispose peut-être déjà d'un certain nombre de traductions des

 22   documents auxquels se réfère Me Lukic. Donc lorsque nous en parlerons pendant la

 23   pause, nous allons essayer de voir si nous ne pourrions pas fournir à la Défense

 24   une partie des traductions manquantes.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien, merci, Monsieur Groome. Nous

 26   allons attendre de voir ce qu'il en est en effet.

 27   M. GROOME : [interprétation] Le témoin suivant est Aernout van Lynden. Il m'a

 28   informé qu'il bénéficierait d'une assistance, et a demandé à bénéficier de


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  1   l'usage d'une copie papier de sa déclaration afin qu'il puisse s'y référer

  2   devant lui, si jamais des questions venaient à lui être posées à ce sujet. Avec

  3   la permission des Juges de la Chambre, j'ai apporté une copie non annotée de sa

  4   déclaration. Si les Juges de la Chambre sont d'accord, je voudrais demander à

  5   l'huissier de présenter ce document à Me Lukic, et ensuite de le fournir au

  6   témoin.

  7   M. LUKIC : [interprétation] Nous n'avons aucune objection.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Lukic.

  9   Donc, Monsieur l'Huissier, veuillez présenter le document non annoté à Me Lukic.

 10   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour, Monsieur van Lynden.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Veuillez lire le texte de la déclaration

 14   solennelle.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la vérité,

 16   toute la vérité et rien que la vérité.

 17   LE TÉMOIN : AERNOUT VAN LYNDEN [Assermenté]

 18   [Le témoin répond par l'interprète]

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur van Lynden. Veuillez vous

 20   asseoir.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur van Lynden, je crois savoir que

 23   ceci n'est pas la première fois que vous venez déposer devant ce Tribunal. Vous

 24   devez être assez familier de notre façon de procéder.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet, Monsieur le Juge.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

 27   A vous, Monsieur Groome.

 28   M. GROOME : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.


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  1   Interrogatoire principal par M. Groome :

  2   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur van Lynden.

  3   R.  Bonjour.

  4   Q.  Pouvons-nous commencer par votre identité ? Je vous prie de la décliner.

  5   R.  Je me nomme Aernout van Lynden. Est-ce que vous souhaitez mon nom complet --

  6   Q.  Non, cela suffira. Monsieur van Lynden, est-il exact que vous avez

  7   préalablement fourni au bureau du Procureur des déclarations écrites, et déjà

  8   déposé devant ce Tribunal dans une série d'autres affaires dont il avait à

  9   connaître, et vos dépositions concernant votre travail de journaliste en Bosnie,

 10   n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Parmi les déclarations écrites que je viens d'évoquer, avez-vous fourni une

 13   déclaration au bureau du Procureur que vous avez signée le 16 mars 2010, juste

 14   avant de déposer dans l'affaire Karadzic ?

 15   R.  C'est exact.

 16   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Juge, je voudrais demander que le

 17   document numéro 28338 de la liste 65 ter soit affiché à l'écran. Il s'agit de la

 18   déclaration du témoin.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 20   M. GROOME : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur van Lynden, une fois que ce document se sera affiché devant vous à

 22   l'écran, je vous prie de bien vouloir examiner la première page, et notamment la

 23   signature apparaissant au bas de la page. Veuillez nous indiquer si vous la

 24   reconnaissez.

 25   R.  Il s'agit de ma signature.

 26   Q.  Je voudrais que nous passions maintenant à la dernière page de cette

 27   déclaration, page numéro 46 dans la pagination du prétoire électronique.

 28   Encore une fois, Monsieur van Lynden, je vous prie de bien vouloir nous dire si


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  1   vous reconnaissez la signature apparaissant sur cette page.

  2   R.  Oui, et c'est ma signature.

  3   Q.  Alors depuis que vous avez fait cette déclaration, et l'avez signée, avez-

  4   vous eu la possibilité de la relire, la déclaration, mais également les pièces

  5   connexes à cette déclaration, et notamment les enregistrements vidéo qui ont été

  6   -- que vous avez effectués pendant votre séjour en Bosnie ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Alors au paragraphe numéro 1 de votre déclaration, il n'a pas été signalé

  9   que vous avez déposé dans les affaires Mrksic et Martic; est-ce bien le cas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  En dehors de cette omission, y a-t-il la moindre correction ou le moindre

 12   ajout que vous souhaiteriez faire concernant votre déclaration ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Et si, aujourd'hui, je devais vous poser des questions semblables à celles

 15   qui vous ont été posées lorsque cette déclaration a été recueillie, donneriez-

 16   vous en substance les mêmes réponses ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Maintenant que vous avez prêté serment, pouvez-vous nous dire si vous

 19   confirmez la véracité et l'exactitude de -- du contenu de ces déclarations ?

 20   R.  En effet, je les confirme.

 21   M. GROOME : [interprétation] A ce stade, Messieurs les Juges, l'Accusation

 22   souhaite demander le versement du document numéro 28338 de la liste 65 ter, la

 23   déclaration du Témoin van Lynden dans l'application de l'article 92 ter.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Groome.

 25   M. LUKIC : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Donc le document numéro 28338 de la

 27   liste 65 ter est versé au dossier.

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il reçoit de numéro de pièce à conviction


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  1   P66, Messieurs les Juges.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

  3   Veuillez poursuivre, Monsieur Groome.

  4   M. GROOME : [interprétation] Avec votre permission, je vais lire un bref résumé.

  5   Bien entendu, sa déposition et [inaudible] seront publique.

  6   Aernout van Lynden a été correspondant pendant 23 années, correspondant de

  7   guerre. Avant de devenir journaliste, M. van Lynden était officier d'infanterie

  8   de réserve au sein de la marine néerlandaise. Il l'a été pendant deux années.

  9   Pendant cette période, il a commandé une section de mortiers.

 10   En mai 1992, M. van Lynden était employé en tant que journaliste de télévision

 11   par la chaîne d'information britannique Sky News et c'est alors qu'il est arrivé

 12   pour la première fois en Bosnie-Herzégovine. Il a passé la plupart de son temps

 13   à Sarajevo jusqu'en septembre 1992. Ensuite, M. van Lynden a couvert les

 14   événements survenus dans d'autres parties de la Bosnie, mais a continué à

 15   effectué des voyages réguliers à Sarajevo pendant toute l'année 1993 et 1994.

 16   A Sarajevo, M. van Lynden a séjourné principalement à l'ancien hôpital militaire

 17   de la JNA, également connu sous les noms d'hôpital d'Etat et ensuite d'hôpital

 18   de la ville. Il s'agissait d'un bâtiment situé en centre-ville à Sarajevo.

 19   Depuis le dernier étage de cet hôpital, lui-même et son équipe avaient un point

 20   d'observation idéal qui leur permettait de suivre ce qui se passait dans la

 21   ville. M. van Lynden a observé les conditions de vie de la population, a relevé

 22   entre autres les pénuries graves de vivres, d'eau et la défaillance généralisée

 23   des services communaux. Il a également relevé observé la campagne de

 24   bombardements et les tirs isolés visant la ville et la peur que cette campagne a

 25   instillé à la population civile.

 26   En septembre et octobre 1992, M. van Lynden a été à Pale où il a couvert les

 27   événements de la guerre du côté des Serbes. M. van Lynden a rencontré Radovan

 28   Karadzic à plusieurs occasions pendant cette période. Il a également interviewé


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  1   le général Mladic en septembre 1992.

  2   Ceci conclut le résumé.

  3   Messieurs les Juges, ce qui est assez particulier concernant ce témoin, c'est le

  4   fait qu'il y a un grand nombre de pièces connexes. Il s'agit de reportages

  5   décrivant les événements à Sarajevo et j'ai l'intention de m'appuyer sur un

  6   grand nombre d'entre eux pendant l'interrogatoire principal de M. van Lynden en

  7   lui posant des questions précises portant sur ces pièces connexes. C'est

  8   pourquoi et conformément à la préférence qu'a exprimé la Chambre, je ne

  9   demanderai le versement de ces pièces connexes qu'une fois que j'aurai terminé

 10   de poser des questions sur lesdites pièces. A la fin de l'interrogatoire

 11   principal, je demanderai le versement de dix pièces sur lesquelles je ne serai

 12   pas revenu de façon précise pendant le bref interrogatoire de ce matin.

 13   Alors si cela, bien entendu, a gré aux Juges de la Chambre.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Groome.

 15   M. GROOME : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur van Lynden, je voudrais commencer en vous demandant quelques

 17   précisions sur votre parcours, votre biographie et notamment depuis le moment où

 18   vous avez fait la déclaration de mars 2010. Pourriez-vous nous proposer une mise

 19   à jour de vos activités ?

 20   R.  En mars 2010, je résidais à Rome. Suite au décès de mon épouse, j'ai dû

 21   revenir aux Pays-Bas au début de l'année dernière et actuellement, je suis

 22   employé en tant que chargé de cours permanent à l'Université de Leiden à son

 23   antenne de La Haye.

 24   Q.  Quels cours donnez-vous ?

 25   R.  Je suis chargé de trois cours de journalisme et -- et d'également -- et je

 26   suis également chargé de cours sur les études de guerre.

 27   Q.  Vous vous êtes référé à plusieurs endroits à Sarajevo où vous avez vécu et

 28   travaillé pendant la période où vous étiez sur place. Vous connaissiez la ville,


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  1   n'est-ce pas, et ses environs, au sens large, entre 1992 et 1995. Vous avez eu

  2   l'occasion de vous y rendre ?

  3   R.  Oui. Bien que cela n'est pas été en qualité d'expert. Je n'ai pas grandi

  4   dans cette ville, évidemment.

  5   Q.  Pendant votre déposition aujourd'hui, je vais demander que des reportages

  6   soient visionnés. Il s'agit de reportages que vous avez fournis à Sky News et

  7   qui ont été diffusés publiquement. Pour -- en -- en vous préparant à votre

  8   déposition concernant ces reportages, vous a-t-on demandé de vérifier

  9   l'exactitude d'une pièce de l'Accusation qui concerne des images fixes issues de

 10   certains de vos reportages à certains endroits et notamment, il s'agit d'une

 11   photographie panoramique de -- du paysage de Sarajevo, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui, on me l'a -- on m'a demandé de le faire.

 13   M. GROOME : [interprétation] Je voudrais demander que le document numéro 28339

 14   de la liste 65 ter soit affiché à l'écran. Il s'agit d'une photographie

 15   panoramique et concernant les limites auxquelles nous astreignent nos écrans, et

 16   j'ai pris la liberté d'en préparer des copies papier, des exemplaires papier. Je

 17   crois qu'il sera plus pratique de consulter les exemplaires papier pour les

 18   Juges afin de comprendre la teneur de la déposition du témoin.

 19   Donc, avec la permission des Juges, je voudrais que ceci soit distribué.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

 21   M. GROOME : [interprétation] Est-ce qu'on peut remettre un exemplaire du

 22   document au témoin, s'il vous plaît.

 23   Q.  Monsieur van Lynden, nous allons vous remettre un exemplaire imprimé

 24   du document-ci, mais maintenant la version électronique vient d'être affichée.

 25   Pourriez-vous nous dire si vous reconnaissez ce document et, si oui,

 26   qu'est-ce que c'est ?

 27   R.  C'est une photographie de Sarajevo qui a été prise depuis le sud de la

 28   ville en direction du nord, et puis il y a une série d'extraits vidéo -- ou


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  1   plutôt d'arrêts sur image tirés des reportages que j'ai faits à Sarajevo en

  2   1992.

  3   Q.  Alors, nous voyons une flèche qui pointe vers chacun des arrêts sur image,

  4   un endroit particulier dans la ville de Sarajevo. Ces flèches montrent-elles

  5   avec exactitude l'endroit où vous vous trouviez à peu près au moment où les

  6   reportages ont été filmés ?

  7   R.  Eh bien, les reportages ont été filmés ou ont été filmés pour la plupart

  8   depuis l'ancien hôpital militaire. C'est cet immeuble blanc qui se trouve

  9   légèrement à la droite par rapport au centre de l'image. Quelques autres photos

 10   -- nous avons, par exemple, une photo des tours Unis qui sont en train de

 11   brûler, et moi, je me tiens sur le balcon de l'hôpital militaire, alors que les

 12   tours Unis se trouvent derrière moi.

 13   Cette photo qui se trouve à droite, en haut de la page, a été prise non pas

 14   depuis l'hôpital militaire mais depuis le coin de la rue. Et la photo qu'on voit

 15   à gauche, en bas, elle montre un quartier résidentiel, et là, le caméraman et

 16   moi, nous nous trouvions en face de cet immeuble. Et puis, nous avons cinq

 17   autres arrêts sur image qui ont tous été pris depuis l'hôpital militaire.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais si vous voulez bien m'expliquer,

 19   Monsieur van Lynden, ce que vous dites exactement à la page 14 du compte rendu

 20   d'audience, ligne 2. Vous dites que : La photo qu'on voit à droite et en haut de

 21   la page n'a pas été prise depuis l'hôpital militaire mais au coin de la rue.

 22   De quel coin de la rue s'agit-il ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'un coin de la rue qui se trouve dans le

 24   centre-ville, non loin de la présidence de Bosnie. Et ce n'est pas très loin non

 25   plus de l'hôpital --

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais pourriez-vous nous indiquer un point

 27   de repère pour que nous puissions identifier l'endroit où vous vous trouviez ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était un endroit extrêmement dangereux parce


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  1   qu'on y était à découvert, on était exposé directement aux tirs de tireurs

  2   d'élite. Plus tard au cours de la guerre, les Musulmans ont érigé des

  3   barricades, ils ont construit une sorte de mur pour que les civils puissent

  4   passer.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Mais moi, je reviens à ma question :

  6   existe-t-il un point de repère qui pourrait vous permettre de nous décrire

  7   l'endroit depuis lequel vous avez pris cette photo ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Un point de repère ?

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Un immeuble ou des installations, ou

 10   quelque chose de ce type.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, manifestement, nous avions le dos tourné à

 12   l'immeuble pour ne pas être exposés directement aux tirs. Quant aux gens que

 13   vous voyez courir sur la photo, eux, ils étaient exposés directement aux tirs.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais cette flèche qui pointe vers la droite

 15   de la photo principale montre-t-elle l'endroit où vous vous trouviez ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] D'une façon très approximative, bien évidemment.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien évidemment.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me donnez une carte de Sarajevo, je pense

 19   que je pourrais vous indiquer l'endroit.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais, justement, l'objectif de cette

 21   flèche, c'est de nous fournir une idée générale de la localité où vous vous

 22   trouviez.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 25   M. GROOME : [interprétation]

 26   Q.  Monsieur van Lynden, quand nous visionnons les extraits vidéo, parce que les

 27   Juges de la Chambre visionnent les extraits vidéo, est-ce qu'ils seront en

 28   mesure de reconnaître les différents immeubles qui se voient sur la vidéo ?


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  1   R.  Oui. Normalement, oui.

  2   Q.  Vous avez indiqué tout à l'heure l'hôpital militaire. C'est bien l'immeuble

  3   blanc que nous voyons entouré d'une place rouge ?

  4   R.  En effet.

  5   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Juge, l'Accusation souhaite demander le

  6   versement au dossier du document 28339 de la liste 65 ter.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Lukic.

  8   M. LUKIC : [interprétation] Nous ne soulevons normalement jamais d'objection

  9   quand il s'agit de cartes, Messieurs les Juges. Cependant, nous devons soulever

 10   une objection pour ce qui est de ce type de présentation parce que nous ne

 11   savons pas ce que chacune de ces photographies représentent. Peut-être qu'à la

 12   fin de sa déposition, ce monsieur pourrait nous en dire davantage.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Eh bien, j'ai cru comprendre que M.

 14   Lynden a déjà expliqué ce que représentaient ces différentes photos. Il y a le

 15   parlement; il y a l'hôpital militaire; il y a la cour de la gare; il y a un

 16   quartier résidentiel, et cetera.

 17   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être il sera

 18   utile à Me Lukic d'examiner la cote 65 ter qui se trouve en bas de chaque arrêt

 19   sur image. C'est la cote 65 ter de l'enregistrement vidéo correspondant.

 20   M. LUKIC : [interprétation] Mais ce n'est pas maintenant que je peux procéder à

 21   des vérifications, bien évidemment.

 22   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Juge, je ne soulèverai pas d'objection

 23   si vous ne rendez votre décision qu'une fois la déposition du témoin terminée.

 24   Peut-être Me Lukic sera-t-il en meilleure position d'en juger à ce moment-là.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. La pièce, entre-temps, marquée

 26   aux fins d'identification. Madame la Greffière d'audience, veuillez assigner une

 27   cote à ce document.

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 28339 recevra la cote P67,


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  1   enregistré aux fins d'identification.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

  3   A vous, Monsieur Groome.

  4   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, serait-il possible

  5   d'afficher le document 65 ter -- en fait, non, je vous demande pardon. La pièce

  6   P3. Il s'agit d'un recueil de cartes représentant la ville de Sarajevo.

  7   J'aimerais passer directement à la page 63 dans le système du prétoire

  8   électronique. C'est une carte militaire de la région de Sarajevo.

  9   Q.  Monsieur van Lynden, vu la taille de cette pièce à conviction, il nous

 10   faudra quelques instants pour la télécharger.

 11   Mais aux paragraphes 76 à 90 de votre déclaration préalable, vous évoquez une

 12   interview que vous avez eue avec le général Mladic au mois de septembre 1992.

 13   Au paragraphe 78 de votre déclaration préalable, vous évoquez une carte sur

 14   laquelle on voyait une localité à coté de laquelle il y avait l'indication KAG-

 15   1, et d'après vous, cela vous semblait être plus ou moins la localité où cette

 16   interview avec M. Mladic a eu lieu.

 17   La carte maintenant vient d'être affichée à l'écran. Est-ce bien la partie de la

 18   carte sur laquelle vous avez déposé, de laquelle vous avez parlé dans votre

 19   déclaration préalable ?

 20   R.  Oui.

 21   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite demander l'aide

 22   de M. l'Huissier. J'aimerais que M. van Lynden indique où se trouvait l'endroit

 23   de l'interview, ainsi que quelques autres localités pertinentes. Et je pense que

 24   l'Accusation jusqu'à présent s'est servie du stylet bleu -- non, plutôt du

 25   stylet rouge pour apporter des indications faites par les témoins.

 26   Q.  Monsieur van Lynden, est-ce que vous pouvez nous indiquer l'emplacement où

 27   vous avez interviewé M. Mladic en septembre 1992 ?

 28   R.  [Le témoin s'exécute]


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  1   Q.  Est-ce que vous pouvez indiquer où écrire RM à côté de ce cercle.

  2   R.  [Le témoin s'exécute]

  3   Q.  Ne faites pas d'annotations autres, mais est-ce que vous pouvez nous

  4   indiquer quel est l'emplacement du centre de Sarajevo sur cette carte ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Alors je vais vous demander de mettre un cercle -- mais plutôt, avant de le

  7   faire, dites-nous quelles sont les parties de Sarajevo qu'on voit.

  8   R.  On voit tout Sarajevo.

  9   Q.  Est-ce que la vieille ville de Sarajevo ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Moi, je vous demande de placer un cercle autour de la vieille ville sur

 12   cette carte.

 13   R.  [Le témoin s'exécute]

 14   Q.  Veuillez nous indiquer et écrire "vieille ville".

 15   R.  [Le témoin s'exécute]

 16   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, je vais demander à ce que

 17   cette carte soit versée au dossier. Il s'agit d'une partie de la pièce à

 18   conviction P3 qui a été annotée par le témoin.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ça sera versé au dossier. Qu'on lui donne

 20   donc une cote.

 21   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P3, avec les

 22   annotations du témoin, cela deviendra la pièce à conviction P68, Monsieur le

 23   Juge.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 25   M. GROOME : [interprétation] Je crois en avoir terminé. Je remercie M.

 26   l'Huissier de son assistance.

 27   Q.  Pendant que nous sommes en train de nous pencher sur cette pièce à

 28   conviction, je vais vous demander la chose suivante, Monsieur van Lynden, aux


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  1   paragraphes 31 à 35 de votre déclaration, vous avez dit que pendant les

  2   premières journées une fois que vous êtes arrivé à Sarajevo, vous aviez décidé

  3   de faire de cet hôpital d'Etat votre base, n'est-ce pas ?

  4   R.  C'est exact.

  5   Q.  Dans ces paragraphes-là, vous nous indiquez que le bâtiment se trouve à

  6   proximité de la ligne de confrontation et vous indiquez quelle est la vue qu'on

  7   avait sur la ville depuis le dernier étage de ce bâtiment.

  8   Ma question pour vous est la suivante : Est-ce que vous avez estimé, d'une façon

  9   générale, qu'on pouvait du haut de l'hôpital voir une vue générale sans entrave

 10   ?

 11   R.  Oui, c'est cela. Si l'on regarde de façon directe depuis la façade avant du

 12   bâtiment on voit les lignes de confrontation. On voit le parlement, la Miljacka,

 13   la rivière Miljacka, et les parties de la ville qui étaient tenues par les

 14   forces des Serbes de Bosnie, à savoir Grbavica. Et puis il y a un petit balcon

 15   qui nous permettait de tourner des -- ou de prendre des vues de la vieille ville

 16   de Sarajevo et d'un autre côté il y avait un autre balcon qui permettait de voir

 17   la ville de Novo Sarajevo. Il n'y avait pas d'obstacle. On pouvait voir de façon

 18   assez bonne tout ce qui se trouvait là-bas et c'est la raison pour laquelle nous

 19   avions décidé de passer là nos nuits pour tourner des prises de vue pour ce qui

 20   est de ce qui se passait lorsque la ville était sous attaque.

 21   Q.  Mais est-ce que vous pouviez voir de façon générale sans obstacle dans

 22   toutes les directions ?

 23   R.  Oui, de façon générale. Il y avait des dangers lorsque nous nous trouvions

 24   du côté avant, on savait être vus depuis les collines sud de Sarajevo c'est à

 25   partir de ces endroits-là qu'on tirait sur la ville. Ce qui fait que cet

 26   emplacement était plutôt dangereux. Et la plupart des fenêtres à l'avant de

 27   l'immeuble étaient cassées parce que l'hôpital depuis le début des combats à

 28   Sarajevo avait été exposé à des tirs assez conséquents.


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  1   M. GROOME : [interprétation] Je voudrais qu'on nous montre la pièce 65 10647

  2   [comme interprété] sur nos écrans à présent.

  3   Q.  Monsieur van Lynden, je vais maintenant vous demander de vous pencher sur la

  4   photo qu'on voit sur nos écrans est-ce que vous reconnaissez ce qu'on voit sur

  5   la photo ?

  6   R.  Oui. C'est une partie de l'ex-hôpital militaire où nous nous sommes

  7   installés au dernier étage, Monsieur le Juge. Mais l'hôpital est plus grand que

  8   la partie qu'on voit sur cette photo. Et tel que vu sur la photo, le bâtiment a

  9   souvent été exposé à des tirs -- il se trouve être assez endommagé. Il en va de

 10   même pour ce qui est des autres parties de l'hôpital militaire qui ont été

 11   exposées à des tirs d'artillerie ou à des tirs que nous avons considéré être des

 12   tirs de mitrailleuse.

 13   Q.  Est-ce que la photo décrit de façon précise l'état de l'hôpital d'Etat

 14   lorsque vous vous trouviez à Sarajevo tel que vous vous en souvenez ?

 15   R.  Oui. La situation a évolué vers le pis [comme interprété], parce que d'après

 16   la photo de 1992, on voit ce qu'on voit mais l'hôpital a fait l'objet de tirs

 17   même par la suite.

 18   Q.  Donc, vous vous souvenez du fait que l'hôpital a été plus endommagé encore

 19   que l'on ne peut le voir sur ces photos ?

 20   R.  Exact.

 21   Q.  Pour ce qui est du côté de le -- l'immeuble qu'on est en train de voir sur

 22   la photo, est-ce que vous êtes à même de nous dire de quel côté on est tournés

 23   ici ?

 24   R.  Ça, c'est la façade sud du bâtiment.

 25   Q.  Donc, quelqu'un qui regarderait de la fenêtre sur ce qu'il a sous les yeux,

 26   on pourrait dire qu'il était tourné du côté sud.

 27   R.  Exactement.

 28   Q.  Au paragraphe 35 de votre déclaration écrite, vous nous avez indiqué que cet


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  1   hôpital d'Etat avait été exposé à des tirs d'armes à feu et une fois même, un

  2   obus de char a touché ce bâtiment. Alors, partant de votre expérience pour ce

  3   que -- lorsque vous étiez stationné là-bas et lorsque vous avez utilisé ces

  4   installations, pourriez-vous nous dire à combien de reprises on l'avait ciblé,

  5   cet hôpital d'Etat ?

  6   R.  Les dégâts ont essentiellement été occasionnés avant mon arrivée, mais il y

  7   en a eu qui ont été causés lorsque je m'y trouvais. Il était -- ce bâtiment

  8   était constamment exposé à des tirs. A titre concret, je dirais que en début

  9   juin et vous allez voir ces prises de vues, lorsqu'on a pilonné Sarajevo, on

 10   avait tiré dessus et nous étions conscients du fait que cette position était

 11   plutôt dangereuse. Mais d'autre part, si vous ciblez un bâtiment, d'habitude,

 12   vous ciblez au milieu et non pas le haut du -- de l'immeuble, et c'est la raison

 13   pour laquelle je me sentais plutôt en sécurité étant donné qu'on se trouvait au

 14   dernier étage, aussi étrange que cela puisse paraître aux Juges de la Chambre.

 15   Q.  En sus du fait que l'hôpital existait à -- même avant la guerre, vous

 16   souvenez-vous du moment où vous avez vu pour la première fois le symbole de la

 17   Croix-Rouge qui était accroché sur la façade, on peut -- on peut le voir sur la

 18   photo ?

 19   R.  Je crois que c'était vers la fin du mois de juin ou peut-être même avant --

 20   ou au début de mois de juillet --

 21   L'INTERPRÈTE : -- se corrige l'interprète.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je ne me souviens pas de l'avoir vu à Sarajevo

 23   -- lorsque je suis arrivé à Sarajevo en mai 1992.

 24   M. GROOME : [interprétation]

 25   Q.  Dans votre déclaration et dans vos témoignages, vous avez parlé des balcons

 26   à partir desquels vous avez tout pris ces prises de vue. Est-ce qu'on peut le

 27   voir sur les photos ?

 28   R.  Non, parce que c'est très étroit comme balcon, probablement faisait-il moins


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  1   d'un mètre de large.

  2   Q.  Est-ce que, avec l'aide de cette photo, vous pourriez montrer aux Juges de

  3   la Chambre où se trouvaient ces différents balcons ?

  4   R.  C'était de -- du côté extérieur de l'immeuble. Je dirais que c'était du --

  5   il y en avait un du côté gauche et un autre du côté droit.

  6   Q.  Donc, ils étaient latéralement positionnés ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Et on -- c'est sous un angle droit par rapport à ce que l'on voit sur la

  9   photo ?

 10   R.  Oui.

 11   M. GROOME : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais demander le

 12   versement au dossier du 65 -- 65 ter 10467 -- 467.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document sera versé au dossier. Pouvez-

 14   vous nous donner une cote, Madame la Greffière ?

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette pièce 10467 deviendra la pièce à

 16   conviction P69.

 17   M. GROOME : [interprétation]

 18   Q.  Monsieur van Lynden, aux paragraphes 21 à 26 de votre déclaration, vous

 19   fournissez une description de la vie des civils à Sarajevo et en particulier au

 20   paragraphe 25, vous indiquez, je cite :

 21   "Par l'utilisation d'une combinaison de la terreur physique et psychologique, ça

 22   -- les Serbes ont pu faire de Sarajevo ce que la situation militaire ou

 23   politique demandait à -- de générer."

 24   Est-ce que vous pouvez nous décrire ce que vous vouliez dire par là ?

 25   R.  Du fait que -- qu'il contrôlait les points en surélévation autour de

 26   Sarajevo et c'est les collines qui se trouvent surplombées la vallée où il y a

 27   une rivière, ils pouvaient à quelque moment que se soit pilonner n'importe

 28   quelle partie de la ville, et bon nombre de ces parties de la ville pouvaient


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  1   être exposées aussi à des tirs de tireurs isolés. C'était une forme de ce que je

  2   -- j'aurais qualifié de terreur psychologique ou de "terrorisation"

  3   psychologique.

  4   Alors il s'agissait d'une ville assiégée. Il n'y avait pas d'eau courante,

  5   il n'y avait pas d'électricité, il n'y avait pas de réserve de nourriture.

  6   Lorsque je suis arrivé là-bas en mai 1992, il n'y avait plus de -- de point de

  7   vente. Donc, on avait placé sous le contrôle tous -- tous les besoins de la

  8   population civile.

  9   Une fois que les Nations Unies ont commencé à acheminer des denrées

 10   alimentaires vers la ville, la majorité de ces vivres arrivait par voie aérienne

 11   à Sarajevo, via l'aéroport. Mais ces modalités d'approvisionnement pouvaient

 12   être aisément stoppées. Il suffisait de tir quelques -- de tirer quelques balles

 13   en direction des avions et le pont aérien était coupé pendant des semaines. Donc

 14   il était, comme je l'ai dit, il était très facile de tirer -- enfin, de --

 15   d'élever la température à Sarajevo et on le faisait en fonction des besoins de -

 16   - des nécessités politiques et militaires.

 17   Et partant des civils qui avaient séjourné pendant quatre ans sous ce

 18   siège, je dirais qu'ils ont été exposés à une pression psychologique extrême. Et

 19   --

 20   Q.  Monsieur van Lynden, au paragraphe 44 de votre déclaration, il est question

 21   de ce que vous avez couvert comme activité au mois de mai 1992. Nous allons

 22   montrer ce vidéo et une fois qu'on l'aura vu, on vous posera plusieurs

 23   questions.

 24   M. GROOME : [interprétation] Et pour gagner du temps, je vais demander à Mme

 25   Stewart de nous montrer le clip à partir du début jusqu'à l'emplacement 28

 26   minutes point 5 secondes, et nous allons voir le clip --

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle était la référence du document ?

 28   M. GROOME : [interprétation] Il s'agit de la pièce 22460A.


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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  2   M. GROOME : [interprétation] Bien sûr, si les -- les Juges de la Chambre

  3   souhaitent voir le clip en entier, nous pouvons vous le montrer. Pour les

  4   besoins de toutes les parties en présence, la version anglaise et B/C/S de cette

  5   transcription se trouve être mise à disposition dans le prétoire électronique

  6   sous la même référence et les cabines ont reçu les mêmes transcriptions ce

  7   matin.

  8   Alors avant que de commencer, je vais demander à Mme Stewart de nous montrer une

  9   présentation graphique de la totalité des clips que nous allons voir et je vais

 10   demander à M. van Lynden de nous expliquer la signification de ce -- cette

 11   présentation graphique.

 12   Q.  Alors, Monsieur van Lynden, ce qu'on voit sur nos écrans, est-ce que vous

 13   pouvez nous aider à déchiffrer quelles sont les informations qui sont fournies

 14   par ce schéma ?

 15   R.  On appelle ceci une montre, ou une horloge, un cadran. On y voit des

 16   secondes et à chaque enregistrement vidéo qui a été diffusé dans les nouvelles,

 17   il y a des références qui aidaient ceux qui étaient chargés de la diffusion pour

 18   commencer à diffuser à partir du -- bon moment sans avoir à diffuser des images

 19   obscures.

 20   Alors, on voit la date à laquelle cela a été montré ou diffusé pour la

 21   première fois. On voit que c'était un lundi, on voit la date, on voit qu'il

 22   s'agit du 1er juin 1992, et ça, ce sont des informations destinées à des besoins

 23   de -- d'emmagasinage et de conservation.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et PGM, c'est quoi ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Programme.

 26   M. GROOME : [interprétation]

 27   Q.  Alors, si je dis que c'est la première fois qu'on -- enfin, que on l'a vu

 28   pour la première fois ceci sur Sky News le 1er juin 1992 à 6 heures, aux


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  1   informations de 6 heures, ai-je raison de l'affirmer ?

  2   R.  Tout à fait.

  3   Q.  Alors est-ce que ceci reflète la date précise à laquelle le rapport a été --

  4   ou le clip a été tourné ?

  5   R.  Non, ce n'est pas le cas.

  6   Q.  Alors, peut-être devrais-je expliquer, mais lorsque j'ai été envoyé à

  7   Sarajevo pour la première fois au mois de mai 1992, le management de Sky News à

  8   Londres avait décidé de faire en sortes que le montage, c'est-à-dire la personne

  9   qui reçoit les images pour les placer dans l'ordre et la communication

 10   satellitaire qui était assurée pour nos besoins, c'est-à-dire la communication

 11   par satellite entre la Bosnie et Londres devait se trouver à Pale et non pas

 12   avec moi à Sarajevo, et ça m'a obligé pendant une période initiale tous les

 13   jours que -- là où je voulais envoyer des images vers l'extérieur de la Bosnie,

 14   il fallait que je traverse les lignes des Serbes de Bosnie pour aller à Ilidza

 15   rencontrer un metteur en scène local qui nous emmenait à Pale, et on revenait

 16   par la suite, ensuite à Sarajevo. Alors c'était plutôt compliqué comme

 17   procédure, et nous avons souhaité éviter cette façon de procéder par la suite.

 18   Q.  Mais d'après la règle qui a été mise en place, combien de temps s'écoulait-

 19   il à peu près entre le tournage par votre caméraman et la diffusion ?

 20   R.  D'habitude c'était tourné un jour avant, peut-être des fois le même -- dans

 21   le courant de la même matinée, mais il était impossible d'arriver à Ilidza pour

 22   le faire diffuser.

 23   M. GROOME : [interprétation] Bon, je vais demander maintenant l'aide de Mme

 24   Stewart pour nous passer le clip.

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 27   "Van Lynden. A Sarajevo, les carrefours pouvaient être mortels. Il fallait

 28   traverser très rapidement. Les avenus qui coupaient la ville étaient exposés aux


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  1   tireurs serbes du haut des collines, et c'était, ils étaient exposés à des tirs.

  2   Et les personnes âgées avaient dû accepter ce fait comme une réalité peu

  3   plaisante de la réalité de la vie."

  4   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  5   M. GROOME : [interprétation]

  6   Q.  Alors, Monsieur van Lynden, est-ce que c'est votre voix qu'on entend dans ce

  7   clip ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Et qui a rédigé le texte que vous avez lu ?

 10   R.  Moi.

 11   Q.  Était-ce le premier récit que vous aviez envoyé, une fois arrivé à Sarajevo

 12   ?

 13   R.  C'est exact.

 14   Q.  Les scènes qu'on voit sur le clip vidéo, était-ce quelque chose

 15   d'exceptionnel pour Sarajevo, à l'époque ?

 16   R.  Pas du tout. C'était chose absolument normale.

 17   Q.  Pour ce qui est du clip vidéo auquel vous faites référence à des tireurs

 18   serbes au haut des collines; comment saviez-vous que c'étaient des tireurs

 19   serbes au haut de ces collines ?

 20   R.  On nous a fait rouler à bord des véhicules par ces collines, et on a dû

 21   traverser des positions serbes pour quitter Sarajevo, et arriver via le mont

 22   Trebevic jusqu'aux casernes de Lukavica pour raboutir à l'aéroport de Sarajevo,

 23   et re-rentrer dans la ville.

 24   M. GROOME : [interprétation] Bon, Monsieur le Président, l'Accusation va

 25   demander le versement au dossier de la pièce 65 ter 22460A.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Lukic ?

 27   Bon, ce sera versé au dossier. Veuillez nous donner une référence, Madame la

 28   Greffière.


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  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La pièce 22460A deviendra la pièce P70.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  3   Monsieur Groome, à vous.

  4   M. GROOME : [interprétation] Puis-je demander aux Juges de la Chambre quand est-

  5   ce que nous allons faire notre première pause afin que nous puissions organiser

  6   le temps de visionnement des clips ?

  7   [La Chambre de première instance se concerte]

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous n'avons pas pris attention à l'heure

  9   qu'il était. Nous allons faire des sessions d'une heure, et nous prendrons des

 10   pauses à chaque heure, des pauses d'une demi-heure.

 11   Est-ce que cela vous arrange ?

 12   M. GROOME : [interprétation] Oui, tout à fait.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bon. Nous allons faire une pause d'une

 14   demi-heure, et nous reviendrons à 10 heures 30.

 15   Monsieur Lukic, je vois que M. Mladic s'est levé.

 16   L'ACCUSÉ : [hors micro] 

 17   M. LUKIC : [interprétation] Je crois que M. Mladic avait cru comprendre que

 18   l'audience était levée. Il voulait quitter le prétoire.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Monsieur Mladic, veuillez vous

 20   rasseoir.

 21   Nous allons lever l'audience maintenant, et nous allons reprendre à 10

 22   heures 20.

 23   [Le témoin quitte le prétoire]

 24   --- L'audience est suspendue à 10 heures 01.

 25   --- L'audience est reprise à 10 heures 22.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez la parole, Monsieur Groome.

 27   Excusez-moi. D'abord il faut que le témoin rentre dans le prétoire.

 28   [Le témoin vient à la barre]


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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Groome, vous avez la parole.

  2   M. GROOME : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Q.  Monsieur van Lynden, généralement parlant, aujourd'hui, ce matin je vais

  4   procéder de façon chronologique pour ce qui est de vos reportages mais le

  5   suivant ne suit pas cet ordre chronologique, ce reportage a été donc fait en

  6   décembre 1992.

  7   Pour ce qui est du paragraphe 49 de votre déclaration et les tirs des tireurs

  8   isolés sur la population civile, vous avez dit que c'était devenu une chose

  9   ordinaire et s'il n'y avait pas de circonstances aggravantes, les incidents de

 10   tirs de tireurs isolées ne présentaient pas du tout une nouvelle extraordinaire.

 11   Et pour ce qui est des faits déjà jugés, le fait 2018, j'attire l'attention de

 12   la Chambre sur cela où il est dit :

 13   "Entre septembre 1992 et août 1994, les civils ont été pris pour cible presque

 14   tous les jours."

 15   Je ne vais pas maintenant parler trop longtemps sur ce sujet, mais je réfère

 16   maintenant -- je me réfère aux paragraphes 122 et 127 de votre déclaration où

 17   vous avez fait allusion à l'attaque contre le -- agglomération de bâtiment

 18   d'habitation dans le contexte puis la bataille à Otes en décembre 1992.

 19   Et j'aimerais qu'on visionne maintenant l'extrait vidéo qui concerne cette

 20   attaque.

 21   M. GROOME : [interprétation] C'est 22461A.

 22   A partir de une minute, 35 secondes jusqu'à 2 minutes, et 41 secondes.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 25   "Dans la ville, il y a des appartements qui sont en feu. Un locataire regarde la

 26   disparition de son domicile. Plusieurs projectiles ont touché le bâtiment et un

 27   civil. Et plusieurs -- les pompiers de la ville se battent contre le feu. Mais

 28   pour le chef des pompiers, l'eau ne représente pas le souci principal parce


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  1   qu'il n'y a pas d'eau, Otes est tombé, et ici il y a eu des pilonnages, au

  2   centre de Sarajevo, il y a eu plus de pilonnage. Les efforts au niveau

  3   international n'ont pas donné de fruit en Bosnie. Les négociations politiques

  4   n'ont pas donné de résultat non plus."

  5   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  6   M. GROOME : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur van Lynden, est-ce que il s'agit ici de l'un des reportages où on a

  8   pu voir la localité qu'on a déjà vue dans la vue panoramique de la ville, dans

  9   la pièce P67 ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Nous avons vu des projectiles, des petits projectiles rouges en train de

 12   rouler vers la ville. De quoi s'agissait-il ?

 13   R.  Il s'agissait des balles incendiaires. Pour moi, cela représentait une chose

 14   nouvelle, puisque l'OTAN et la marine néerlandaise n'utilisaient pas des balles

 15   incendiaires, mais la JNA disposait de ces projectiles, et ce jour-là, ces

 16   projectiles ont été utilisés.

 17   Q.  Dans le paragraphe 122 de votre déclaration, vous avez dit, et je cite, je

 18   crois que vous avez fait référence aux tirs de tireurs isolés. Vous avez dit, je

 19   cite :

 20   "Je pense que cela provenait du côté des Serbes de Bosnie, sur la ligne de

 21   confrontation."

 22   Comment vous avez pu dire cela ?

 23   R.  D'abord, nous savions d'où provenaient des tirs, ensuite, nous disposions

 24   des confirmations. Après, des tirs provenant du QG des Nations Unies, et nous

 25   avons parlé aux officiers du QG des Nations Unies pour nous confirmer cela, à

 26   savoir la direction des tirs. Et pour ce qui est de l'immeuble, nous avons posé

 27   la question, si cet immeuble a été utilisé pour des fins militaires, ce qui

 28   aurait pu provoquer des tirs sur cet immeuble, et les officiers des Nations


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  1   Unies nous ont confirmé que les tirs provenaient des positions contrôlées par

  2   les Serbes de Bosnie.

  3   Et ils nous ont également confirmé que dans cet immeuble d'habitation, il n'y

  4   avait pas d'activité de la part de l'armée de Bosnie.

  5   Q.  Vous étiez sur place; est-ce que vous avez vu quoi que ce soit qui aurait pu

  6   vous faire penser à autre chose par rapport à ce que les officiers des Nations

  7   Unies vous ont dit ?

  8   R.  Non.

  9   M. GROOME : [interprétation] Maintenant j'aimerais qu'on verse au dossier la

 10   pièce 22461A.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La pièce sera versée au dossier. Est-ce

 12   qu'on peut obtenir une cote ?

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 22461A deviendra la pièce P71, Monsieur le

 14   Président.

 15   M. GROOME : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur van Lynden, revenons au mois de juin 1992, et il y a quatre de vos

 17   reportages qui ont été faits pendant ce mois-là, il s'agissait des attaques

 18   constantes sur toute la ville, après le 6 juin 1992, il y a eu l'une de ces

 19   attaques.

 20   Monsieur le Président, les dates précises de ces reportages sont importantes

 21   puisque cela concerne les chefs d'accusation dans l'acte d'accusation.

 22   "Les bombardements, les pilonnages en masse de la ville qui ont été effectués

 23   par une gamme de pièces d'artillerie se trouvant sur les positions autour de la

 24   ville. Les cibles civiles ont été -- il y avait des cibles civiles, il y avait

 25   de la destruction, il y avait des civils qui ont été tués, qui ont été blessés à

 26   la date du 6 juin, ou autour de cette date, 6 juin 1992."

 27   J'aimerais maintenant qu'on regarde ces quatre extraits vidéo, et Mme Stewart va

 28   nous dire quand, à quel moment, commence chacun de ces extraits, et la date.


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  1   D'après, 65 ter 22460C.

  2   [Diffusion de la cassette vidéo]

  3   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  4   "Le crépuscule à Sarajevo."

  5   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  6   M. GROOME : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur van Lynden, nous ne disposons pas maintenant de cette

  8   représentation graphique pour ce qui est de ce reportage, mais pouvez-vous nous

  9   dire de quoi il s'agit ici pour ce qui est de ce reportage ? Pouvez-vous vous en

 10   souvenir ?

 11   R.  D'après moi, cela a été filmé avant l'évacuation de la caserne du maréchal

 12   Tito, en début du mois de juin 1992.

 13   M. GROOME : [interprétation] Continuons.

 14   [Diffusion de la cassette vidéo]

 15   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 16   "Les obus tombent entre de vieux minarets de la ville, en annonçant encore une

 17   nuit de pilonnage féroce.

 18   Il n'y a pas de répit pour ce qui est des six heures qui vont suivre. La ville

 19   est éclairée par les projectiles. Les projectiles proviennent de tout côté, et

 20   il y a des projectiles de toutes sortes.  Les trajectoires longues des

 21   projectiles tirés des pièces d'artillerie lourdes survolent les toits, et

 22   explosent une fois touchant leurs cibles. Les obus lourds touchent les immeubles

 23   en les transformant en flammes qui les consomment. Les éclairs sauvages qui

 24   naissent sur la trajectoire en feu d'un obus éclairent les contours d'une

 25   colline.

 26   C'est la description d'une ville, d'une grande ville, une ville qui disparaît

 27   sous les yeux du monde entier, du monde entier qui ne fait rien."

 28   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]


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  1   M. GROOME : [interprétation] Maintenant j'aimerais qu'on regarde le reportage

  2   dont vous parlez au paragraphe 55 de votre déclaration concernant le pilonnage

  3   de la caserne maréchal Tito. C'est 65 ter 22460D.

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   M. GROOME : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur van Lynden, nous avons ici la représentation graphique, et

  7   j'aimerais vous demander quand cette vidéo a été filmée, donc vous avez cette

  8   représentation graphique en tant que rappel ?

  9   R.  Ça a été filmé à la date que vous voyez sous vos yeux, et c'est la date en

 10   fait à laquelle cela a été diffusé la première fois, le 6 juin 1992, à 7 heures,

 11   mais la plupart de cette vidéo a été filmée la veille, pendant la nuit, la

 12   veille, à Sarajevo. Et comme j'ai déjà dit, et j'ai déjà expliqué que donc ces

 13   vidéos étaient transportées à Ilidza au début de l'après-midi du 6 juin. Mais la

 14   plupart de la vidéo a été filmé le 5 juin.

 15   Q.  Vous avez témoigné que cela a été filmé la veille, et pendant la nuit ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Et c'était dans la nuit du 5 au 6 juin ?

 18   R.  Oui.

 19   M. GROOME : [interprétation] Continuons.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Lorsque vous dites ce que c'était "à

 21   l'heure de la Grande-Bretagne," est-ce qu'on peut donc dire que tous ces

 22   extraits vidéo ont été filmés et les heures indiquées étaient d'après l'heure en

 23   Grande-Bretagne ?

 24   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 27   "Seulement quelques heures après l'évacuation des troupes de la caserne Tito, la

 28   caserne devient la cible principale pendant cette nuit-là. Les obus tombent dans


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  1   l'enceinte de la station, de la gare ferroviaire de Sarajevo, et dans l'enceinte

  2   de la caserne, il y en a qui cherchent à piller, ils comprennent que c'est

  3   dangereux, et ils fuient.

  4   Et à un moment donné, un projectile survole la ville, en éclairant la vieille

  5   ville de Sarajevo, avant de la détruire. Les projectiles viennent l'un après

  6   l'autre, ou en paire ou par trois, en produisant un son qui ressemble au soupir

  7   d'une ville."

  8   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  9   M. GROOME : [interprétation] Est-ce qu'on peut retourner à la 28e seconde de la

 10   vidéo pour faire la pause ?

 11   Q.  Monsieur van Lynden, nous voyons, donc, cette prise de vue à la 28e seconde.

 12   Pouvez-vous nous décrire ce que nous voyons là ?

 13   R.  Ce sont les montagnes qui sont autour de Sarajevo, vers l'est par rapport à

 14   la ville. Ce que nous voyons et même si c'est pas très net… et je pense que je

 15   décris à l'époque ce qu'on voit à cet arrêt sur image, la flamme qu'une roquette

 16   a produit, une roquette tirée d'une position d'artillerie au sommet de cette

 17   colline, de cette montagne.

 18   Q.  Est-ce que vous avez l'occasion de se rendre sur cette position d'où

 19   provenait se tir ?

 20   R.  Je me suis rendu à une position. Je ne sais pas si c'était cette position-

 21   là, mais cette position se trouvait à l'est par rapport à Sarajevo, au sommet de

 22   la montagne de -- d'où on pouvait avoir une vue de la ville entière et j'y étais

 23   en septembre 1992. Donc, un combattant m'a -- un défenseur de la ville m'a --

 24   l'accusé dans cette affaire m'a amené là-bas et j'ai eu un entretien avec lui.

 25   Q.  C'était M. Mladic ?

 26   R.  C'était M. Mladic.

 27   Q.  J'aimerais maintenant qu'on voit la troisième vidéo. C'est 22460E et

 28   c'est au paragraphe 59 dans votre déclaration.


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  1   [Diffusion de cassette vidéo]

  2   Q.  Pouvez-vous nous dire quand cela a été filmé ?

  3   R.  C'était -- Ça a été filmé tard dans l'après-midi du 6 juin et également

  4   pendant la nuit du 6 au 7 juin, et les derniers cadres ont été pris dans la

  5   matinée du 7 juin, avant que cette vidéo n'ait été transportée à Ilidza.

  6   M. GROOME : [interprétation] Pouvez-vous -- nous maintenant regarder cette vidéo

  7   ?

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 10   "Cela représentait le symbole de la ville de Sarajevo moderne et

 11   maintenant, ce -- c'est le symbole de la destruction de la ville. Les flammes se

 12   propagent partout et ici vers -- aussi vers les étages supérieurs. Il y a

 13   beaucoup de éclats qui tombent sur les rues de la capitale de Bosnie -- au cœur

 14   de la capitale de Bosnie. La destruction de l'un de gratte-ciels de Unis se

 15   reflète dans les carreaux éclatés de l'autre tour Unis.

 16   Trois mètres [comme interprété] plus loin, de l'autre côté de la rue, se trouve

 17   le parlement qui a été également touché, le parlement de l'Etat indépendant,

 18   nouvellement créé. Il n'est pas en flammes, mais la caserne Maréchal Tito est

 19   incendiée, la caserne qui se trouve à la proximité du parlement. La distance est

 20   systématique de cette caserne à partir de -- du jour où il y a eu l'évacuation,

 21   deux jours auparavant. Toutes les nuits, vous pensez que cela ne pouvait pas

 22   être pire à Sarajevo, mais c'est effectivement le cas, donc il y a une parodie

 23   pour ce qui est de l'arbitrage pour apporter la paix à cette ville en guerre.

 24   Les commandants serbes ont apposés sa -- leurs signatures sur encore un accord

 25   pour ce qui est du cessez-le-feu, mais il n'obéissent pas et il ne sont pas près

 26   à ouvrir l'aéroport. Maintenant, les artilleurs serbes sur les collines montrent

 27   quelles sont leurs vraies intentions et sous la lune croissante, la ville

 28   tremble sous les explosions éclairées par le feu et par les éclairs qui


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  1   survolent leurs toits.

  2   Nous voyons, à l'aube, le département de soins intensifs de l'hôpital central de

  3   la ville où il y a des gens dont les membres sont amputés et il y a beaucoup de

  4   douleur. Certains d'entre eux vont survivre, mais les médecins pensent que cette

  5   petite fille ne va pas survivre. Et pas très loin de l'endroit où elle gît se

  6   trouvent d'autres qui sont déjà morts."

  7   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  8   M. GROOME : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur Lynden, j'aimerais qu'on regarde maintenant la vidéo 22460F qui a

 10   été filmée en début du mois de juin 1992, et nous allons nous arrêter à la

 11   représentation graphique.

 12   Encore une fois, Monsieur van Lynden, pouvez-vous nous dire, pour autant

 13   que vous vous souveniez, quand cette vidéo a été filmée ?

 14   R.  Cette vidéo diffère quelque peu des autres vidéos qu'on a déjà vues,

 15   Monsieur le Président, puisque le 8 juin, nous nous sommes rendus également à

 16   Ilidza pour transporter les enregistrements, mais la régie de Pale n'était pas

 17   avec nous et c'était seulement le 9 qu'on a rendu les enregistrements. La vidéo

 18   a été filmée dans la nuit du 7 au 8 ainsi que -- mais pas le 9, si je me

 19   souviens bien, pas le 9 juin.

 20   M. GROOME : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant voir la vidéo entière

 21   ?

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 24   "Sarajevo est en flammes dans son cœur, dans le centre de la ville ainsi

 25   que dans les quartiers aux alentours du cœur du centre de la ville. Et

 26   soudainement, dimanche, lors de -- en soirée, toute la vile s'est transformée en

 27   cible. Aucun des quartiers n'a été épargné. Tout -- tout tremble. Il y a des

 28   explosions, des roquettes, des obus et des obus de mortiers et le feu est si


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  1   intense, si continu que des trajectoires éclairées se croisent.

  2   Lundi matin, les hôpitaux sont pleines [comme interprété]. Les médecins et

  3   les infirmières de anciens Etats militaires qui ont eu déjà une nuit blanche,

  4   une autre journée commence, journée morose. Ils vont travailler 24 heures sur 24

  5   heures sans répit. Ils vont essayer de -- d'arrêter des saignements, de sortir

  6   des éclats de métal dans des corps."

  7   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  8   M. GROOME : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur Lynden, j'aimerais vous poser des questions pour ce qui est des

 10   reportages, des vidéos par rapport à ces quatre vidéos. Pouvez-vous nous dire où

 11   vous vous trouviez au moment où ces vidéos ont été filmées ?

 12   R.  Dans l'un des reportages, on peut voir certains vidéos de prises dans

 13   l'hôpital de Kosevo. On peut voir des gens blessés et des gens morts et la

 14   dernière vidéo représente l'hôpital Kosevo où il y a eu également des corps et

 15   la vidéo où on voit Sarajevo en flammes a été filmée du dernier étage de

 16   l'hôpital militaire.

 17   Q.  Vous avez dit que ceux qui tiraient se trouvaient sur les collines entourant

 18   la capitale de Bosnie. Savez-vous de quel côté ils se trouvaient ?

 19   R.  Il s'agissait des gens qui tiraient du côté des Serbes de Bosnie. Ils se

 20   trouvaient sur les positions des pièces d'artillerie, sur les collines autour de

 21   ville -- la ville.

 22   Q.  Au -- pour ce qui est de la vidéo cinq du 6 juin -- du 5 et du 6 juin, vous

 23   avez dit qu'il a eu différents types de obus qui tombaient aux alentours de

 24   l'endroit où se trouvaient la gare ferroviaire de Sarajevo.

 25   Ensuite, vous avez décrit comment ils -- ceux qui tiraient sur la ville et

 26   qui se trouvaient sur les collines autour de Sarajevo déterminaient la portée

 27   des obus.

 28   Pouvez-vous nous décrire un peu plus ce que vous avez pu observer ?


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  1   R.  J'ai eu une expérience pour ce qui est de l'utilisation des mortiers et

  2   lorsque j'ai rejoint en Arabie Saoudite pendant la guerre du Golfe, aux forces

  3   britanniques et américains, les officiers expérimentés et professionnels m'ont

  4   expliqués qu'ils obtenaient une portée et la cible à toucher et il y a des

  5   corrections de tirs au début pour que les tirs touchent sa cible, et il faut

  6   habituellement un minimum de trois obus tirés avant de toucher la cible. C'est

  7   pour cela que j'ai dit que les obus qui ont été tirés sur Sarajevo tombaient,

  8   tirés trop loin dans l'enceinte de la garde ferroviaire de Sarajevo. Après quoi

  9   la caserne a été touchée. L'armée des Serbes de Bosnie a évacué la caserne du

 10   maréchal Tito mais il y avait toujours de l'équipage militaire qui s'y trouvait,

 11   et ils voulaient détruire cet équipage militaire. Il s'agit d'un complexe de

 12   bâtiments qui ont été construits au XIXe siècle pendant l'occupation austro-

 13   hongroise, et ils l'ont pris pour cible.

 14   Il y avait des tirs sur toute la ville mais c'était différent il y a un ou deux

 15   obus qui tombaient sur un quartier ou un autre quartier, et c'était complètement

 16   imprévisible. Si une cible est touchée, on peut filmer cela, mais s'il y a des

 17   obus qui tombent partout, le caméraman ne peut pas filmer cela. Mais je pense

 18   qu'on a déjà -- qu'on a réussi à filmer beaucoup de scènes de pilonnage pour

 19   montrer quelle était la férocité du tir.

 20   Q.  Au paragraphe 55 de votre déclaration, il s'agit de la page 15 [comme

 21   interprété] dans l'original. En bas de la page 15 [comme interprété], vous avez

 22   dit comme suit :

 23   "J'ai vu en même temps les tirs sur toute Sarajevo. C'était comme une pluie de

 24   projectiles il ne s'agissait pas des tirs concentrés comme c'était le cas de la

 25   caserne du maréchal Tito. La ville toute entière a été prise pour cible sans

 26   objectif précis."

 27   Est-ce que vous avez parlé de cela dans votre reportage ?

 28   R.  Oui, absolument. Lorsqu'on utilise l'artillerie à des fins militaires on se


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  1   concentre sur une cible et on se concentre uniquement sur cette cible pour

  2   empêcher l'ennemi de riposter. Par exemple, lorsqu'il s'agit de la caserne du

  3   maréchal Tito, les Serbes de Bosnie croyaient qu'il y avait de l'équipage

  4   militaire que l'ennemi pouvait utiliser, c'est pour cela qu'ils voulaient le

  5   détruire. Pour ce qui est du reste de la ville, on a vu un ou deux obus qui

  6   tombaient de façon imprévue, j'ai utilisé donc le mot "la pluie de projectile"

  7   puisque cela ressemblait à cela.Comme je l'ai déjà dit, cela -- les obus

  8   tombaient partout sur toute la ville et cela ne pouvait pas avoir un objectif

  9   militaire. C'était fait en but de terroriser la population civile de la ville.

 10   Q.  Pour ce qui est de la vidéo filmée le 6 et le 7 juin, on a pu voir les tours

 11   d'Unis qui ont été incendiées. C'est dans la pièce 22460E, et vous avez dit dans

 12   votre déclaration au paragraphe 59 que vous n'avez pas vu des tirs sortant du

 13   bâtiment.

 14   Avez-vous eu la possibilité de rendre visite à ce bâtiment pour voir s'il y a eu

 15   des activités militaires depuis ce bâtiment ?

 16   R.  Je me suis rendu dans ce bâtiment avant l'évacuation de la caserne du

 17   maréchal Tito. Les tours de Unis étaient tournées vers l'intérieur de l'enceinte

 18   de la caserne du maréchal Tito. C'était un bâtiment neuf et on ne pouvait pas

 19   ouvrir les fenêtres puisqu'il y avait un système intérieur de climatisation.

 20   Nous avons regardé cela. Nous avons posé des questions pour pouvoir déterminer

 21   si le bâtiment a été utilisé à des fins militaires. Moi, personnellement, je

 22   n'ai pas vu quoi que ce soit pour pouvoir conclure que le bâtiment a été utilisé

 23   à des fins militaires. Mais je dois dire que je me suis rendu qu'au lieu de ces

 24   deux tours, mais je n'ai jamais vu des tirs provenant de ces deux tours pendant

 25   que nous étions à l'hôpital militaire. Je n'ai pas vu non plus des militaires

 26   là-bas.

 27   Q.  De quoi vous souvenez-vous de cette visite à l'époque ?

 28   R.  Je pense que c'était à la date du 2, du 3, ou du 4 juin, juste avant


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  1   l'évacuation de la caserne du maréchal Tito.

  2   Q.  Alors il semblerait que votre caméraman ait réussi à filmer un certain

  3   nombre d'obus. Est-ce que vous pourriez nous donner une idée de la proportion de

  4   ce qui a pu être filmé par rapport à ce qui est réellement tombé en tout sur

  5   Sarajevo ?

  6   R.  Comme je l'ai déjà expliqué, filmer la façon dont des obus s'abattent est

  7   très difficile. Ce que vous pouvez filmer c'est l'explosion initiale, vous voyez

  8   de la fumée d'élever, et à partir de ce moment, vous pointez votre caméra dans

  9   cette direction. Mais l'un des problèmes rencontrés à cette période à Sarajevo

 10   c'est que l'obus suivant pouvait très bien tomber complètement à l'opposé, et

 11   nous nous retrouvions à courir d'un côté à l'autre du bâtiment, d'un balcon à un

 12   autre, pour essayer de filmer l'ensemble des bombardements. C'était très

 13   difficile, et pendant ces nuits-là, il n'y avait quasiment pas de répits. Mais

 14   le simple fait que le caméraman ait réussi à fixer sur l'image ou autant d'obus

 15   s'abattant sur la ville donne une bonne indication de la quantité totale.

 16   M. GROOME : [interprétation] Messieurs les Juges, l'Accusation voudrait demander

 17   le versement des quatre enregistrements vidéos sur la liste 65 ter. Ils portent

 18   le numéro 22460C, 22460D, 22460, et 22460F.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Lukic.

 20   M. LUKIC : [interprétation] Pas d'objection.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 22   Madame la Greffière, veuillez attribuer une cote à ces quatre documents qui sont

 23   versés au dossier.

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 22460C devient P72; 22460D devient la pièce

 25   P73; le document, enregistrement vidéo 22460E devient la pièce P74, et le

 26   document 22460F reçoit le numéro de pièce à conviction P75.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 28   A vous, Monsieur Groome.


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  1   M. GROOME : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur van Lynden, je voudrais maintenant attirer votre attention sur une

  3   rencontre avec le général Mladic dans les collines à l'est de la ville de

  4   Sarajevo, en septembre 1992. Vous la décrivez dans les paragraphes 76 à 90 de

  5   votre déclaration.

  6   M. GROOME : [interprétation] Je voudrais d'abord demander que soit visionné un

  7   enregistrement vidéo que vous avez réalisé. Le document numéro 22457B de la

  8   liste 65 ter, s'il vous plaît. Nous pouvons visionner directement

  9   l'enregistrement.

 10   [Diffusion de la cassette vidéo]

 11   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]    

 12   "Il est le fléau de Sarajevo. Le guerrier en chef des Serbes. Il s'appelle Ratko

 13   Mladic, et de façon assez pertinente, Ratko signifie guerrier, et sa mâchoire --

 14   et c'est le général serbe à la mâchoire carrée était à la hauteur de sa

 15   réputation. Toujours en déplacement ce commandant se rend en visite à l'un des

 16   chalets de montagne où les Serbes de Bosnie ont établi leur gouvernement

 17   séparatiste. Lors d'un briefing assez court, le commandant en chef ne parle que

 18   d'attaques visant ses forces et jamais des attaques qu'elles ont commises. Des

 19   hauteurs battues par les vents, les canons de 100 millimètres sont enterrés dans

 20   les rochers et surplombent Sarajevo avec une vue directe, une position

 21   dominante, ce qui -- ce dont le général est manifestement satisfait. Comme il le

 22   dit, il tient la ville dans la paume de sa main et nombre des bâtiments qui sont

 23   dans la brume en contrebas témoignent de son pouvoir. Mais le général Mladic ne

 24   regrette pas grand-chose il est un homme de peu de doute.

 25   J'espère dit Mladic que le Conseil de Sécurité des Nations Unies prendra

 26   des mesures pour commencer et comprendra que nous les Serbes sont une réalité

 27   dans ce monde, non pas des extraterrestres que nous avons le droit de nous

 28   défendre.


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  1   Des positions sont enterrées dans des tranchées, plus de tranchées sont

  2   pratiquées sous les yeux du général. Le monde entier leur dénie peut-être

  3   l'exercice de leurs droits mais ce n'est pas ce qui l'arrêtera.

  4   Nous devons nous battre dit Mladic, pour continuer aussi longtemps que

  5   nous existerons pour nous défendre. Il n'y a pas d'autre façon et nous sommes

  6   préparés pour une guerre longue.

  7   Loin du champ de bataille dit le reporter, les Nations Unies se préparent à

  8   adopter une résolution sur les crimes de guerre. Cela ne touche en rien Ratko

  9   Mladic."

 10   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 11    M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vois que l'accusé s'exprime. Est-ce que

 12   l'on pourrait faire en sorte que ce que M. Mladic a à dire puisse être entendu ?

 13   Monsieur Mladic, je vous prie de ne pas lever la voix.

 14   Monsieur Mladic, veuillez ne pas élever la voix.

 15   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Mladic, je vais vous arrêter à

 17   présent. Vous pouvez vous entretenir avec votre équipe de la Défense pendant la

 18   pause si vous avez quelque chose à dire sur ces événements.

 19   Monsieur Groome.

 20   M. GROOME : [interprétation] Nous allons reprendre là où nous nous étions

 21   arrêtés.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Mladic, vous n'avez pas la parole.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 25   "Une résolution sur les crimes de guerre, mais cela ne touche guerre

 26   Mladic.

 27   Mladic : Cela ne m'ennuie absolument pas. Je n'ai participé à aucun crime.

 28   Je n'ai fait que défendre mon peuple.


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  1   Le reporter : Le général, sur ce, s'en va inspecter les autres lignes de

  2   front de la guerre et ni lui-même ni ses officiers n'envisagent une fin

  3   prochaine.

  4   Aernout van Lynden, Sky News, sur les lignes de front à l'extérieur de

  5   Sarajevo."

  6   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  7   M. GROOME : [interprétation] Je voudrais que ne reviendrons à la cote 31

  8   secondes dans cet enregistrement vidéo et que nous nous arrêtions sur cette

  9   image fixe. Voilà.

 10   Q.  A 31 secondes, Monsieur van Lynden, est-ce que vous pourriez identifier les

 11   personnes que l'on voit à l'image de gauche à droite ?

 12   R.  Je suis la personne sur la gauche. M. Mladic apparaît en uniforme au milieu,

 13   et du côté droit, c'est mon réalisateur local, Zoran Kusevac.

 14   M. GROOME : [interprétation] Je voudrais maintenant que l'on avance jusqu'à une

 15   minute 13 secondes.

 16   Q.  Sur cette image fixe, est-ce que l'on vous voit vous aussi ?

 17   R.  Oui, de gauche à droite : je suis à gauche; ensuite à côté de moi est Zoran

 18   Kusevac, mon réalisateur local; mon -- et l'interprète; et ensuite les trois

 19   autres personnages sont des officiers, des Serbes de Bosnie. Celui du milieu est

 20   Ratko Mladic.

 21   M. GROOME : [interprétation] Je voudrais maintenant que l'on avance à -- ou

 22   plutôt, que l'on recule à 53 secondes.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Groome, est-ce que vous pourriez

 24   ménager des pauses entre les questions et les réponses, parce que certains

 25   fragments n'ont pas pu être consignés ?

 26   M. GROOME : [interprétation] Veuillez m'en excusez, Monsieur le Juge.

 27   Q.  Nous sommes maintenant sur l'image fixe à 53 secondes. Monsieur van Lynden;

 28   est-ce que vous pourriez nous décrire ce que l'on voit sur cette image ?


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  1   R.  C'est M. Mladic qui observe la ville de Sarajevo à l'aide de jumelles -- aux

  2   jumelles. La ville de Sarajevo s'étendait juste en contrebas de ses positions

  3   d'artillerie.

  4   Q.  Où ces positions d'artillerie se trouvent-elles par rapport au banc où l'on

  5   pouvait vous voir assis vous, M. Mladic et les autres en train de converser ?

  6   R.  Eh bien, ce banc était au même endroit, là où étaient les positions

  7   d'artillerie.

  8   Q.  Pour que cela soit tout à fait clair au compte rendu d'audience, est-ce un

  9   endroit différent de celui que nous avons vu à la cote 31 secondes, lorsque vous

 10   regardiez cette carte dans un bureau ?

 11   R.  Nous avons d'abord rencontré M. Mladic à Pale dans un bureau. Il nous a

 12   donné un briefing sur carte, ce que nous voyons d'ailleurs sur cette image fixe

 13   à 31 secondes. Ensuite, nous avons été quelque peu surpris qu'ils nous emmènent

 14   jusqu'à cette positions d'artillerie surplombant Sarajevo du côté est.

 15   Q.  Dans votre rapport, vous parlez du fait que, je cite : "nombre des bâtiments

 16   dans la brume en contrebas," et on ne comprend pas très bien à cause de la

 17   qualité de l'enregistrement de la -- de l'enregistrement vidéo, ce qui était

 18   réellement visible à partir de cette position. Est-ce que vous pourriez nous

 19   décrire ceci un peu plus précisément ?

 20   R.  Messieurs les Juges, à chaque fois qu'une copie d'un enregistrement est

 21   effectué, cela en diminue la qualité. C'est ce qui s'est produit. Mais dans

 22   l'enregistrement vidéo original, il était possible de distinguer la ville de

 23   Sarajevo à travers la brume.

 24   Q.  Quelle partie de la ville était-elle visible ? Est-ce que vous vous en

 25   souvenez ?

 26   R.  La ville dans son ensemble, dans toute sa largeur, d'est en ouest, dans

 27   toute sa longueur, en fait.

 28   Q.  Dans cet enregistrement vidéo, vous décrivez le généralement en indiquant


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  1   qu'il tenait la ville de Sarajevo dans la paume de sa main. Est-ce que vous

  2   pouviez expliquer aux Juges de la Chambre le contexte dans lequel, très

  3   précisément, M. Mladic vous a dit cela et qu'est-ce qui s'est passé à ce moment-

  4   là ?

  5   R.  Quand vous êtes dans une position comme celle-là et que vous réalisez un

  6   reportage pour la télévision, vous devez prendre un certain nombre d'images, des

  7   personnes qui se -- qui sont présentes, qui sont sur places. Donc le général

  8   Mladic a rencontré ses officiers, un certain -- ainsi qu'un certain nombre

  9   d'autres personnes et de soldats et il a procédé à une inspection et nous avons

 10   filmé cela, y compris le moment où il a observé la ville de Sarajevo aux

 11   jumelles. Mais à un moment, il nous a demandé de nous rapprocher et montrant

 12   dans la direction de la ville, il a fait ce commentaire qui m'a été traduit par

 13   mon réalisateur local comme, je cite : "Je tiens la ville dans la paume de ma

 14   main," ou quelque chose d'équivalent.

 15   Q.  Est-ce -- je voudrais que vous nous décriviez, y compris en faisant que vous

 16   nous expliquiez, en fait, ce que signifie le geste que vous venez de faire dans

 17   la salle d'audience.

 18   Avec votre main droite, vous avez montré devant vous vers quelque chose et

 19   à -- avec votre main gauche, en fait, et avec la main droite en même temps, vous

 20   avez -- avec cette même main droite avec laquelle vous montriez devant vous,

 21   vous avez ensuite montré votre main gauche et la paume de cette dernière. Est-ce

 22   que vous vous rappelez si M. Mladic a fait ces mêmes gestes ?

 23   R.  Oui. C'est ce dont je me souviens et cela m'a marqué. Je l'ai utilisé dans

 24   mon reportage. Cela n'a pas été filmé parce que le caméraman essayait de ne pas

 25   nous inclure dans l'image.

 26   Q.  Et qu'avez-vous compris de cela ? Qu'est-ce que le général Mladic essayait

 27   d'exprimer avec ces propos et ces gestes ?

 28   R.  Je crois qu'il essayait de dire qu'il tenait Sarajevo en son pouvoir, qu'il


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  1   tenait toutes les positions dominantes. Nous avons demandé un entretien avec M.

  2   Mladic, mais nous n'avions pas demandé un entretien à un poste d'artillerie. On

  3   ne nous avait pas demandé cela, mais il nous y a emmené et je crois, en tout

  4   cas, dans ma compréhension de la situation, qu'il essayait de montrer au monde

  5   entier et y compris à ses ennemis à l'intérieur de Sarajevo qu'il tenait tous

  6   les postes clés, toutes les positions clés et qu'il avait pouvoir sur eux.

  7   Q.  Avez-vous vu Mladic après que votre reportage ait été diffusé par Sky News ?

  8   R.  Oui. Quelques jours plus tard, nous travaillions toujours du côté des Serbes

  9   de Bosnie et nous nous sommes rencontrés sur la route. Il s'est arrêté, il est

 10   sorti de son véhicule. Nous étions un peu fatigués en raison de l'intervention

 11   en direct avant la diffusion du reportage et en fait, il a eu des critiques à

 12   Pale consistant à dire que j'avais dénigré leur officier commandant.

 13   Lorsqu'il est sorti de son véhicule, mon réalisateur local m'a traduit ce

 14   qu'il disait. Il a -- Il a dit : Oui, je suis le fléau de Sarajevo, et il a

 15   souris. "Je ne suis pas mécontent du reportage que vous -- qui vient d'être

 16   diffusé", a-t-il dit. Il nous a invité à déjeuner à cette -- à ce poste

 17   militaire où il se rendait en inspection. Nous l'avons accompagné et avons

 18   déjeuné là-bas.

 19   Q.  Et pendant le déjeuner, est-ce qu'il s'est référé à votre reportage ?

 20   R.  Nous avons parlé de ce reportage au début, mais plus ensuite.

 21   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de tout commentaire qu'il aurait pu faire à ce

 22   sujet ?

 23   R.  Non. Pour autant que je sache, il n'a rien dit au sujet du reportage. Nous

 24   l'avons laissé parler et l'échange a été assez -- assez franc.

 25   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Juge, l'Accusation voudrait demander le

 26   versement du document numéro 22457B de la liste 65 ter.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

 28   Madame la Greffière.


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  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 22467B [comme interprété] de la

  2   liste 65 ter devient la pièce P76

  3   M. GROOME : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur van Lynden, au paragraphe 88 de votre déclaration, vous avez dit

  5   que hors caméra, vous aviez demandé au général Mladic l'autorisation de vous

  6   rendre en visite dans les positions des Serbes de Bosnie autour de Sarajevo. Le

  7   général Mladic vous a donné cette autorisation, et vous a fourni une escorte

  8   consistante en deux policiers militaires.

  9   Au paragraphe 87, et jusqu'au paragraphe 112 de votre déclaration, vous décrivez

 10   la visite que vous avez effectuée dans ces différentes positions, précisément

 11   Trebevic, Grbavica, Hrasno, la zone de Sarajevo également connue sous le nom du

 12   cimetière juif.

 13   Dans ces paragraphes, vous décrivez en détail ce que vous avez observé.

 14   Par conséquent, je n'ai pas l'intention de vous poser davantage de questions à

 15   ce sujet. En revanche, je voudrais vous demander la chose suivante : Est-ce que

 16   vous savez si Mladic était la personne qui a pris les dispositions nécessaires

 17   pour que vous soyez escorté par la police militaire ?

 18   R.  Avant de revenir à Pale, en septembre 19992, nous étions déjà allés sur

 19   place, et à chaque occasion, nous avions essayé de travailler sur les lignes des

 20   Serbes de Bosnie à l'extérieur de Pale, eh bien, à peu près une demi-heure après

 21   avoir quitté Pale, nous étions arrêtés à chaque fois à un poste de contrôle et

 22   renvoyés en direction de Pale.

 23   Donc j'ai eu un certain nombre de réunions avec, de rencontres avec

 24   Radovan Karadzic, le dirigeant politique des Serbes de Bosnie, aussi bien à ce

 25   moment-là que lors de la Conférence de Londres en août 1992, et également pour

 26   finir à l'hôtel Intercon à Belgrade, en septembre 1992. Ce que je lui ai demandé

 27   c'est qu'une forme ou une autre escorte nous soit accordée afin que nous soyons

 28   en mesure de travailler sur place et de tourner des images. M. Karadzic a donné


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  1   son accord, lorsque nous sommes arrivés à Pale, nous l'avons rencontré. A la

  2   fin, il nous a également remis une lettre expliquant qui nous étions, et

  3   affirmant que nous devions nous voir accorder l'autorisation de travailler.

  4   Alors il n'était, cette lettre n'était signée ni de lui ni de M. Mladic, elle

  5   était signée par M. Krajisnik, qui y était le -- qui était à la tête du

  6   parlement des Serbes de Bosnie. Donc ces deux policiers militaires nous ont

  7   accompagnés lors de chacun des déplacements que nous avons faits à l'extérieur

  8   de Pale.

  9   Q.  Je voudrais maintenant que nous diffusions l'un de vos reportages

 10   correspondant à l'une de ces visites.

 11   M. GROOME : [interprétation] 22457D, et je voudrais demander à Mme Stewart de

 12   commencer à 35 secondes.

 13   [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 15   "Le 'no man's land,' qui a donné à cette zone son nom, est le cimetière juif.

 16   Des ruines anciennes, des ruines nouvelles, en tout cas c'est l'endroit où

 17   certaines des batailles les plus féroces ont été menées. L'enchaînement de

 18   petites maisons le long du cimetière, ont été transportées en bunker. Nous

 19   sommes préparés à une longue bataille, mais nous pensons que nous passerons que

 20   peu de temps dans ces positions, ou bien ils accepteront la paix, ou bien ils

 21   auront une guerre totale dans laquelle nous serions victorieux en très peu de

 22   temps.

 23   Le reporter : La confiance du commandant est assez compréhensible. A la

 24   différence de ses ennemis, il ne doit pas faire face à un manque de soutien

 25   logistique aggravé par le siège, et si on lui donne l'ordre d'attaquer, il le

 26   fera depuis cette position haute tellement dominant que dans les rues en

 27   contrebas, peu nombreux sont ceux qui osent sortir et se déplacer.

 28   Aernout van Lynden, Sky news, Sarajevo."


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  1   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  2   M. GROOME : [interprétation] Je voudrais maintenant que l'on revienne en arrière

  3   à 41 secondes.

  4   Q.  Monsieur van Lynden, sur cette image fixe, pourriez-vous nous décrire ce que

  5   nous voyons ?

  6   R.  Nous voyons des pierres tombales dans ce qui est ou était appelé le

  7   cimetière juif.

  8   Q.  A partir de quelle position ceci était filmé ?

  9   R.  Depuis l'intérieur d'une position militaire des Serbes de Bosnie.

 10   Q.  Pourrions-nous maintenant avancer jusqu'à 1 minute 37 secondes.

 11   Nous sommes maintenant à 1 minute 37 secondes; pourriez-vous nous dire ce que

 12   nous voyons ?

 13   R.  Il s'agit d'une image de Sarajevo. Ce que nous voyons se trouve au nord de

 14   la rivière. Ceci est pris depuis les positions militaires des Serbes de Bosnie,

 15   et nous pouvons voir que depuis ces positions, on a une vue complètement dégagée

 16   sur certaines rues de Sarajevo.

 17   Q.  Sur la base de votre travail à Sarajevo, est-ce que vous aviez connaissance

 18   de la moindre activité de tireurs isolés qui se seraient produites dans cette

 19   zone, tel qu'elle apparaît à l'image ou aux alentours de ce que nous y voyons ?

 20   R.  Oui, il y avait des incidents là-bas très clairement, et je n'en suis pas

 21   tout à fait sûr, mais je crois qu'on peut voir que la rue a été barrée par des

 22   camions ou des autobus afin de permettre à des civils de passer derrière ces

 23   véhicules sans être remarqués.

 24   M. GROOME : [interprétation] Alors, avec l'insistance de M. l'Huissier, peut-

 25   être que nous pourrions --

 26   Alors on vient de m'informer que le témoin ne pourra pas faire

 27   d'annotation.

 28   Q.  Mais donc je voudrais vous demander, Monsieur van Lynden, de nous


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  1   décrire avec un peu plus de détail ce que l'on voie à l'image, et que vous venez

  2   de nous décrire pour des raisons techniques.

  3   R.  Vous voyez qu'il y a des lampadaires juste derrière l'église qu'on voie à

  4   l'avant, au premier plan, et plus loin vers l'arrière-plan, on voit un véhicule

  5   blanc, puis un autre véhicule, et un véhicule de couleur plutôt verdâtre ou

  6   verte, à la gauche qui en fait bloque le passage par cette rue. Ceci a été fait

  7   pour que les civils puissent passer derrière ces véhicules sans être remarqués,

  8   sans prendre le risque de s'exposer à des tirs isolés depuis la position à

  9   partir de laquelle les images sont tournées.

 10   Q.  Merci. Alors pendant cette visite que nous voyons filmer dans ce reportage,

 11   y a-t-il eu des tirs depuis ces positions ?

 12   R.  Lorsque nous étions aux alentours, à proximité du cimetière juif ou lorsque

 13   nous étions à Grbavica, nous avons entendu des tirs, mais nous avons eu

 14   l'impression que cela venait du même bâtiment. Ensuite, lorsque l'on nous a

 15   emmenés plus haut à Hrasno, nous avons vu que l'on tirait avec des

 16   mitrailleuses, et nous avons filmé cela.

 17   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Juge, l'Accusation demande le versement

 18   du document 22457D.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Mladic, si vous devez vous

 20   entretenir avec votre conseil, je vous prie de ne pas élever la voix, vous devez

 21   comprendre cela. Vous n'avez pas besoin que l'ensemble du procès s'arrête

 22   pendant trois minutes pour cela.

 23   Monsieur Mladic, les Juges ont la parole, vous devez comprendre cela.

 24   Donc la pièce est versée au dossier.

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 22457D reçoit la cote P76.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous êtes sûr que c'est bien P76

 27   et non pas 77 ? Parce que c'est 22457B qui a déjà reçu la cote P76, Madame la

 28   Greffière.


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  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Juge, le document

  2   22457D reçoit la cote P77.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

  4   M. Mladic nous indique qu'il souhaiterait que l'on ménage une pause, trois

  5   minutes avant la pause initialement prévue.

  6   Est-ce que cela vous conviendrait, Monsieur Groome.

  7   M. GROOME : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Nous allons faire une pause et

  9   reprendrons à 11 heures 20.

 10   [Le témoin quitte la barre]

 11   L'INTERPRÈTE : L'interprète se reprend : Remplacer à  l'intervention précédente

 12   du Juge Moloto les propos suivants :

 13   Vous n'avez pas besoin que l'ensemble du procès s'arrête pendant trois minutes

 14   par -- vous n'avez pas besoin de parler à votre conseil trois minutes avant la

 15   pause.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Groome, de combien de temps

 17   pensez-vous encore avoir besoin ?

 18   M. GROOME : [interprétation] Je crois que j'aurai besoin d'un peu plus de cinq

 19   minutes; il ne me reste plus que quelques questions.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

 21   --- L'audience est suspendue à 11 heures 17.

 22   --- L'audience est reprise à 11 heures 44.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-on faire venir le témoin, s'il vous

 24   plaît ?

 25   [Le témoin vient à la barre]

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 27   A vous, Monsieur Groome.

 28   M. GROOME : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.


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  1   Q.  Monsieur van Lynden, je voudrais mettre un terme à mon interrogatoire en

  2   vous posant quelques questions de plus sur les enregistrements vidéo des

  3   reportages en général et ce n'est peut-être une grande évidence ce que je veux

  4   dire. Mais ai-je raison de dire que le reportage vidéo qui a été finalement

  5   diffusé par "Sky News" n'était qu'une partie de l'ensemble des rushs tournés par

  6   votre équipe de tournage ?

  7   R.  Oui, absolument. Par définition, il en est toujours ainsi. Lorsque la

  8   télévision diffuse un reportage dans un programme d'information, pour une minute

  9   qui est diffusée en direct, il y a toujours 20 à 30 minutes d'images qui ont été

 10   tournées derrière. Il y a toujours un montage et une sélection de gré -- ou un

 11   autre.

 12   Q.  Plus tôt au cours de votre déposition, vous avez expliqué les défis auxquels

 13   vous étiez confrontés en essayant de tourner des images lorsque des

 14   bombardements se produisaient de toutes parts. Est-ce qu'il y a eu des occasions

 15   auxquelles votre caméraman à laisser la caméra allumée pendant une durée assez

 16   longue pour essayer d'enregistrer tout ce qui se passait au-dessus de Sarajevo ?

 17   R.  A un certain moment, oui, il filmait. Ce n'était pas moi qui filmais, mais

 18   j'ai pu voir les images ensuite. Le caméraman repérait un endroit où il y avait

 19   des bombardements et il continuait à filmer cet endroit; cependant, ce qu'on

 20   apprend aux caméramans qui filment des images destinées à passer aux

 21   informations, c'est qu'ils doivent prendre plusieurs images sous différents

 22   angles afin de permettre un montage, s'ils ne font pas cela il n'est pas

 23   possible de procéder au montage comme on le souhaite. Donc cela ne durait jamais

 24   plus d'une minute ou deux.

 25   Q.  Concernant ces rushs, est-ce que vous pensez que vous pourriez accéder

 26   encore une partie de ces images, ou est-ce que vous êtes en possession d'une

 27   partie de ces images encore qui ont été tournées montrant ce qui se passait au-

 28   dessus de Sarajevo ?


Page 1339

  1   R.  Oui. J'ai une bande vidéo qui correspond à une compilation, en quelque sorte

  2   une compilation des rushs montrant où les bombardements de Sarajevo en juin 1992

  3   et cela je l'ai en ma possession.

  4   Q.  Est-ce que le fait de visionner une vidéo de cette nature pourrait nous

  5   donner une idée de ce qui se passait dans le ciel de Sarajevo et de ce que vous

  6   pouviez observer depuis le toit de ce bâtiment ou d'un bâtiment situé à Sarajevo

  7   ?

  8   R.  Eh bien, nous n'étions pas sur le toit d'un bâtiment.

  9   Q.  Depuis d'un point d'observation approprié.

 10   R.  Je suppose que oui.

 11   Q.  En application de l'article 98 du Règlement de preuve et de procédure, la

 12   Chambre peut demander la production d'éléments de preuve; est-ce que si la

 13   Chambre finissait par conclure qu'il s'agissait là d'éléments susceptibles de

 14   lui venir en aide, vous seriez disposé à remettre ces images vidéo en votre

 15   possession ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Monsieur van Lynden, quel était le -- quand avez-vous vu M. Mladic pour la

 18   dernière fois ?

 19   R.  En 1994.

 20   Q.  Pourriez-vous nous décrire cette rencontre ?

 21   R.  Elle a eu lieu après ce qui est connu comme le premier incident du marché de

 22   Sarajevo, le premier bombardement, en février 1994. Je n'étais pas basé à

 23   Sarajevo à l'époque mais en Bosnie centrale, et ensuite j'ai été transféré à

 24   Pale le quartier général des Serbes de Bosnie. Une équipe de Belgrade, avec

 25   notre chef de bureau de Belgrade, et un caméraman lui aussi de Belgrade, est

 26   arrivé à Pale de Belgrade pour m'y rencontrer. Une autre équipe distincte de

 27   "Sky News" est allée sur place à Sarajevo et dès le premier jour où j'ai

 28   rencontré M. Karadzic. Cela ne lui faisait pas particulièrement plaisir de me


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  1   rencontrer mais il m'a accordé un entretien et nous sommes restés sur place

  2   pendant quelques semaines. Pour la première fois, il y a eu un ultimatum de

  3   l'OTAN adressé aux Serbes de Bosnie et exigeant qu'ils retirent leur armement

  4   lourd des positions entourant Sarajevo afin qu'un bombardement comme celui de

  5   Markale ne puisse pas se reproduire, donc ne puisse se reproduire, il y a eu des

  6   médiateurs intervenant sur place dont des médiateurs russes. Il y a eu, je

  7   crois, un dimanche matin, mais peut-être que je me trompe, assez rapidement un

  8   médiateur russe et le chef du bureau de Belgrade qui nous a demandé de nous

  9   rendre à la présidence des Serbes de Bosnie. Lorsque nous sommes arrivés, une

 10   équipe de la télévision de la BBC était également sur place avec leur

 11   correspondant John Simmons, et John et moi-même nous pensions qu'on nous avait

 12   demandé de venir sur place pour avoir un entretien avec M. Karadzic afin qu'il

 13   réagisse à ce que -- à la position de l'OTAN. Mais nous nous trompions, parce

 14   qu'en fait, nous étions sur place parce que l'instance militaire la plus haute

 15   des Serbes de Bosnie se réunissait et les Serbes de Bosnie voulaient que "Sky

 16   News" et les médias filment cela. Donc le producteur de "Sky News" et de la BBC

 17   que l'on a fait venir dans cette salle où se trouvait M. Karadzic un certain

 18   nombre de généraux étaient d'un côté, et nous, c'est-à-dire John et moi, nous

 19   étions dans une espèce d'antichambre, dans une salle d'attente. M. Mladic est

 20   entré, entouré par un certain nombre d'officiers des Serbes de Bosnie, et en me

 21   voyant il a commencé à me crier dessus en serbo-croate, une langue que je ne

 22   comprends pas vraiment, et il s'est dirigé vers moi et il m'a attrapé par la

 23   mâchoire. Il m'a attrapé au visage comme ceci, ce qui est évidemment

 24   m'interdisait de répondre même si j'avais pu comprendre ce qu'il disait. Les

 25   deux seuls mots que j'ai compris, alors j'ai compris l'idée générale, il n'était

 26   pas en train de dire que j'étais le meilleur journaliste au monde. Mais il y a

 27   deux mots que j'ai compris et qu'il a utilisés qui étaient "Zuc et Gorazde." Zuc

 28   est une colline située au nord-ouest de Sarajevo qui était tenue par les Serbes


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  1   de Bosnie en décembre 1992, jusqu'en décembre 1992 au moment où elle a été prise

  2   par l'armée bosnienne, et le jour où cette position a été prise par l'armée

  3   bosnienne, j'y ai été emmené par l'armée bosnienne pour filmer cela, pour filmer

  4   la prise de Zuc. Pour autant que je sache, la direction des Serbes de Bosnie n'a

  5   jamais admis et accepté la perte de Zuc. Pour ce qui est de Gorazde, c'est une

  6   ville et une enclave qui se trouve en Bosnie de l'est. En début 1993, c'est-à-

  7   dire en février 1993, j'ai été -- enfin j'ai parcouru les lignes des Serbes

  8   jusqu'à l'enclave qui était assiégée. J'imagine que M. Mladic avait exprimé son

  9   désaccord avec les reportages que j'aie envoyés au sujet de la chute de Zuc et

 10   de l'entrée dans l'enclave de Gorazde.

 11   Q.  Je vais citer votre dernière réponse.

 12   "Il m'a pris comme ceci par -- au visage," et vous avez fait un geste de la

 13   main. Vous avez mis votre mâchoire inférieure dans votre paume de la main et

 14   c'est bien ainsi que M. Mladic vous a pris au visaqe ?

 15   R.  Oui. Pour autant que je sache, oui.

 16   Q.  Est-ce que vous lui avez dit quelque chose pendant cette rencontre ?

 17   R.  Comme il me tenait par la mâchoire, je ne pouvais rien dire, et lorsqu'il

 18   est parti la seule chose que j'ai constatée, c'est qu'on allait se voir à La

 19   Haye, et John Simpson m'a dit que c'était plutôt une réponse à ce qui m'avait

 20   fait assez faible. Mais, bon.

 21   Q.  Merci, je n'ai plus de questions.

 22   M. GROOME : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 24   Monsieur Lukic.

 25   M. GROOME : [interprétation] Mais si vous pouvez, on m'a dit qu'il y avait --

 26   enfin je sais qu'il y a une dizaine de documents dont on voudrait demander le

 27   versement au dossier et peut-être devrons-nous le faire.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bon. Je crois que nous allons trouver un


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  1   moment plus approprié pour que vous puissiez aborder la question.

  2   M. GROOME : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

  4   Monsieur Lukic.

  5   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

  6   Contre-interrogatoire par M. Lukic :

  7   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur van Lynden.

  8   R.  Bonjour.

  9   Q.  Je me propose très brièvement de commencer par ce que vous nous avez dit

 10   dans votre témoignage d'aujourd'hui. Tout d'abord --

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Un instant, Monsieur Lukic. Je n'entends

 12   pas d'interprétation. Ah, non, c'est moi qui ai appuyé le mauvais bouton.

 13   Veuillez continuer, je vous prie.

 14   M. LUKIC : [interprétation] Je vais répéter.

 15   Q.  Dans la version abrégée de votre déclaration que M. Groome nous a remise, il

 16   a été indiqué que vous étiez ou que vous avez été à la tête d'un peloton de

 17   mortier; est-ce que vous étiez chef de ce peloton de tireur de mortier ou est-ce

 18   que vous avez reçu une formation pour devenir chef d'un peloton de tireur au

 19   mortier ?

 20   R.  J'ai été formé pour être officier dans la marine royale des Pays-Bas, et il

 21   s'agit notamment d'infanterie de la marine, et j'ai été formé pour ce qui est de

 22   l'utilisation des mortiers. Pendant un certain temps, j'étais à la tête d'un

 23   peloton de mortiers dans les Antilles des Pays-Bas.

 24   Q.  Pendant combien de temps avez-vous été à la tête d'un peloton ?

 25   R.  Un an. J'ai fait mon service militaire. Aux Pays-Bas, d'habitude, ça dure 14

 26   mois. Mais l'infanterie de la marine était pratiquement une armée

 27   professionnelle et si vous vouliez être officier de réserve, il fallait au mois

 28   servir pendant deux ans.


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  1   Q.  Il y a un point de confusion dans ma tête. Il aurait été dit que vous étiez

  2   à Sarajevo entre 1992 et 1995; est-ce que vous pouvez nous dire quand,

  3   véritablement, vous êtes-vous trouvé dans Sarajevo ? Nous savons que vous êtes

  4   arrivé en fin mai 1992 et quand repartirez-vous, quand revenez-vous ? Parce que

  5   je pense que cette constatation qui a été celle d'affirmer que vous avez passé

  6   tout votre temps à Sarajevo n'est pas tout à fait juste.

  7   R.  Je ne me souviens pas d'avoir dit que je m'étais trouvé à Sarajevo tout le

  8   temps. C'est tout à fait inexact, si tant est que c'est chose consignée où que

  9   ce soit. J'étais à Sarajevo mai, juin, puis en juin, je suis parti pour une

 10   semaine, puis je suis revenu pour rester tout le mois de juillet jusqu'au début

 11   du mois d'aoûté Puis ensuite, en septembre, j'ai été à Pale comme on a pu déjà

 12   le voir et puis je suis allé à Sarajevo une fois de plus vers la fin octobre

 13   pour rester jusqu'à la mi -- ou plutôt non pas la mi-décembre, mais le 20 ou 21

 14   décembre de cette année-là. Dans les années qui ont suivi, j'ai rendu visite à

 15   Sarajevo en 1993 -- en 1993, 1994 et 1995, je restais très souvent peu de temps

 16   là-bas. Je passais plus de temps en Bosnie centrale et il y a eu des périodes où

 17   je n'étais pas du tout présent en Bosnie, où j'ai été envoyé à Moscou ou

 18   ailleurs.

 19   Q.  Merci. On a vu ce que vous avez montré, ce qu'il vous a été donné de voir

 20   depuis l'hôpital militaire, que vous avez utilisé comme point de filmage. Depuis

 21   cet hôpital, vous ne pouviez pas voir Dobrinja, n'est-ce pas ?

 22   R.  C'est exact. Dobrinja, ça se trouve à côté de l'aéroport de Sarajevo, à la

 23   partie occidentale de la ville et on ne pouvait pas la voir, non.

 24   Q.  Merci. Nous avons vu aujourd'hui un bâtiment en flammes et on a entendu le

 25   rapport que vous avez envoyé. Lorsque vous vous êtes trouvé sur les lieux,

 26   lorsque l'incendie a commencé, avant que l'incendie ne commence, où vous

 27   trouviez-vous ?

 28   R.  Je n'ai pas très bien compris votre question. Nous sommes arrivés et


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  1   certains de ces logements étaient déjà en feu et des balles étaient en train de

  2   -- d'atterrir sur le -- le bâtiment. C'est -- Ça continuait lorsque nous sommes

  3   arrivés. On est arrivés depuis le centre de la ville de Sarajevo jusqu'à la --

  4   le bâtiment de la télévision, celui qui était le bâtiment de la télévision à

  5   l'époque.

  6   Q.  Vous nous avez dit que des gens vous ont indiqué que ce bâtiment n'avait pas

  7   été utilisé par l'armée de Bosnie-Herzégovine. Vous n'avez pas vous-même vérifié

  8   ces affirmations, n'est-ce pas ?

  9   R.  Nous avons vérifié ce que nous avons pu vérifier. Lorsque vous êtes en train

 10   de regarder cela, vous cherchez des gens en uniformes et en décembre 1992,

 11   l'armée bosnienne existait déjà et était assez bien organisée. Donc, vous

 12   cherchez des indices qu'il indiquerait, par exemple, des douilles, parce que ça,

 13   ce n'étaient pas des choses qu'on nettoyait, et on a posé des questions aux gens

 14   qui habitaient là-bas. Et puis nous sommes allés aussi aux Nations Unies pour

 15   leur poser la question également, parce qu'eux avaient plus de gens autour.

 16   Nous, nous étions juste une petite équipe, et ils nous ont dit qu'autant -- pour

 17   autant qu'ils savaient, ce n'était pas utilisé par l'armée bosnienne.

 18   Q.  Est-ce que vous êtes entrés dans le bâtiment ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Ce jour-là ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Et vous ne l'avez pas filmé, parce qu'on n'a pas vu cela aujourd'hui ?

 23   R.  Suis-je entré avec un caméraman ou est-ce que je suis allé -- entré là avec

 24   le producteur sur le terrain, je ne m'en souviens plus. Je ne pense pas --

 25   enfin, je -- il se peut que le caméraman soit resté dehors lorsque nous sommes

 26   entrés à l'intérieur.

 27   Mais peut-être devrais-je ajouter la chose suivante. Nous étions conscient

 28   du fait qu'il fallait être prudent et vérifier autant que faire se pouvait si


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  1   tel ou tel autre endroit avait été utilisé par des militaires, ce qui en ferait

  2   une cible légitime à titre militaire pour les -- les adversaires, et nous avons

  3   toujours vérifié la chose. Cela est valable pour l'ex-hôpital militaire, parce

  4   que nous savions que nous allions y passer des nuits, et pour autant que faire

  5   se pouvait, j'ai attentivement utiliser -- enfin, vérifier, si cet hôpital avait

  6   été utilisé par les militaires bosniens, parce que si c'était le cas, j'aurais

  7   placé mon équipe en danger.

  8   Q.  Merci, mais vous n'avez toujours pas -- pu vérifier les logements qui

  9   brûlaient, s'il y avait des combattants dedans et que c'était là la raison pour

 10   laquelle ces appartements auraient été ciblés ?

 11   R.  Non. Ce n'était pas là une enquête policière effectuée dans une ville qui

 12   n'était pas en guerre où vous avez la -- le loisir et la liberté de mouvement de

 13   le faire. C'était une ville en guerre. Ce que nous avons cherché à déterminer,

 14   c'est ce qui était soumis à certaines contraintes pour ce qui nous concernait.

 15   Q.  Merci. On va parler du parlement. Vous nous avez dit aujourd'hui que le

 16   parlement avait été touché aussi. A l'époque, est-ce que ce bâtiment avait été

 17   utilisé en tant que -- en guise de parlement, ou est-ce qu'il y avait quelqu'un

 18   d'autre à occuper ces lieux-là ?

 19   R.  Le parlement se composait de deux bâtiments : une tour et un immeuble plus

 20   bas à gauche. J'étais dans l'immeuble plus bas à gauche. C'était une position

 21   sur la ligne de front. Messieurs les Juges, nous avons vu des soldats bosniens

 22   dans ce bâtiment de petite taille. Je ne suis pas entré dans le bâtiment de

 23   grande taille et je ne sais pas si ça avait été utilisé par les militaires

 24   bosniens aussi. Mais dans le bâtiment plus bas, ce n'était pas -- ce n'était pas

 25   un parlement. Il y avait un état de guerre.

 26   Q.  Merci. En outre, au paragraphe 55 de votre déclaration, vous expliquez que

 27   l'artillerie se doit de déterminer une cible et de concentrer ses tirs vers

 28   cette cible, est-ce que c'est là la procédure à suivre, et si à un endroit vous


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  1   avez un millier de cibles ? Est-ce que vous concentrez vos tirs en direction

  2   d'une seule et unique cible ou pas ?

  3   R.  On peut se concentrer sur plusieurs cibles, mais il faut que les tirs alors

  4   soient maintenus, et il faut rendre les tirs durables. Parce que si vous voulez

  5   détruire une cible, vous lui tirez dessus, et si vous ne tirez qu'un seul obus,

  6   vous n'allez pas y aboutir, et il faut que vous soyez incroyablement heureux et

  7   chanceux, pour ce qui est de toucher avec un seul projectile. Il faut plusieurs

  8   obus pour tirer sur une cible. On a pu le voir au niveau des casernes du

  9   maréchal Tito, ça n'a pas été au début précis, mais après ça a été des tirs très

 10   précis, et des tirs qui ont duré très longtemps, pas seulement une nuit mais

 11   pendant longtemps. Et ça n'a pas semblé être des tirs en direction d'un millier

 12   de cibles de façon durable et persistante qui auraient été l'œuvre d'officiers

 13   d'artillerie professionnels.

 14   Q.  On va voir à ce que vous nous avez raconté au sujet de l'armée américaine,

 15   et l'armée de Bosnie, et on va comparer avec ce qui s'est passé en Iraq, et

 16   ailleurs et à Sarajevo.

 17   Alors vous nous avez dit que vous ne parliez pas le serbo-croate, c'est-à-dire

 18   le B/C/S qui est la langue qui est utilisée par ce Tribunal, et qui est appelé

 19   par ce Tribunal de la sorte, n'est-ce pas ?

 20   R.  C'est exact.

 21   Q.  Donc les informations que vous vous procuriez, vous les obteniez par

 22   l'intermédiaire d'un interprète; est-ce bien exact ?

 23   R.  Non. Il y a eu des entretiens en anglais, M. Karadzic et M. Milosevic

 24   parlaient l'anglais, quant à eux. Mais nous avons rencontré d'autres personnes

 25   qui parlaient l'anglais aussi, des médecins. Ce n'était pas coutumier pour

 26   l'armée yougoslave, toutefois, et d'habitude, là, on avait besoin d'un

 27   traducteur. C'était d'habitude mon producteur sur le terrain, M. Zoran Kusevac.

 28   Q.  Est-ce qu'on peut se référer au paragraphe 12 de votre déclaration, je vous


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  1   prie, à présent ? Dans ce paragraphe, vous indiquez au tout début :

  2    "Il est impossible que la direction des Serbes de Bosnie, militaire ou

  3   politique n'ait pas su ce qui se passait dans les enclaves de Bosnie. J'en ai

  4   informé personnellement à partir du terrain, et les médias locaux reprenaient

  5   mes informations, et véhiculaient celles-ci."

  6   Alors ma question est celle-ci : Quels sont les médias locaux qui reprenaient la

  7   teneur de vos reportages pour les diffuser ?

  8   R.  Je pense l'avoir indiqué dans ma déclaration. Lorsque je suis arrivé en ex-

  9   Yougoslavie, au tout départ, "Sky News" avait eu un accord avec la télévision

 10   d'état yougoslave, et si mes souvenirs sont bons, ils émettaient, diffusaient 12

 11   heures par jour sur la troisième chaîne, après, ça a été interrompu. Mais nos

 12   reportages ont été utilisés sans autorisation, aucune de notre part, et cela

 13   pouvait être fait par n'importe qui. Pour autant que je le sache, il y avait eu

 14   des programmes spéciaux autant en Bosnie qu'en Croatie pour rapporter de ce que

 15   les autres disaient à leur sujet. Et bon nombre des reportages que j'ai établis

 16   et bon nombre de réponses que j'ai fournies dans mes échanges avec les studios à

 17   Londres avaient été repris par ces chaînes, et il en allait de même pour ce qui

 18   est de la Serbie. 

 19   Q.  Et de la Republika Srpska, et j'aimerais que vous nous indiquiez quels sont

 20   les médias de la Republika Srpska qui avaient repris pour que nous puissions

 21   vérifier. Indiquez-le, si vous le savez.

 22   R.  Les rapports, envoyés du moins certains d'entre eux qui ont été tournés en

 23   septembre 1992, avaient été repris par la télévision de Pale. Je me suis

 24   entretenu sur ce point-là avec M. Karadzic, et avec certains de ses conseillers,

 25   c'est eux qui ont suivi ceci. M. Karadzic très souvent prenait part sur le vif

 26   aux émissions de Sky News, et M. Mladic a pu voir, parce qu'on l'a rencontré

 27   après l'interview, il a repris des propos que j'avais tenus, et il m'a indiqué

 28   qu'il avait vu ce reportage, et qu'il était content de la chose. Certaines


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  1   personnes à Pale n'avaient pas été satisfaites mais lui, semblait avoir été

  2   satisfait. Et c'est la raison pour laquelle j'ai dit que les reportages que nous

  3   diffusions étaient suivis.

  4   Q.  Mais vos reportages étaient faits en anglais, n'est-ce pas?

  5   R.  Ça, c'est exact, mais on les a traduits, ces médias les ont traduits

  6   lorsqu'ils ont décidé de les rediffuser, ils ont traduit sans qu'il y ait eu

  7   contrôle ou autorisation de notre part.

  8   Q.  Passons maintenant au paragraphe 18 de votre déclaration, s'il vous plaît.

  9   Vous dites :

 10    "Autant que je le sache, les collines autour de la ville, au mois de mai

 11   étaient tenues par les Serbes de Bosnie, et pendant cette phase-là, l'aéroport

 12   aussi était entre les mains des Serbes."

 13   Alors je vais d'abord vous demander la chose suivante : Est-ce qu'à

 14   l'époque, il y avait eu des lignes de séparations des deux armées ? Est-ce que

 15   ces deux armées étaient l'une face à l'autre sur les lignes de front déterminées

 16   ?

 17   R.  Je ne suis pas sûr du fait qu'en mai 1992, on ait pu parler d'une

 18   armée bosnienne. On a pu parler d'armée, d'unité, armée variée, mais pas d'une

 19   armée, du moins pas pour ce qui est de la définition que j'aurais utilisée au

 20   sujet d'une armée.

 21   Lorsque l'on venait de Ilidza pour accéder à Sarajevo, il apparaissait

 22   clairement qu'il y avait une espèce de "no man's land" entre les lignes de front

 23   du côté des Serbes de Bosnie d'une part, et du côté des Bosniens, de l'autre

 24   côté, et c'était une chose dangereuse que de traverser. Et quand on est

 25   correspondant de guerre, il faut savoir qu'il est très dangereux de traverser

 26   ces lignes, parce qu'en Bosnie, on pourrait vous tirer dessus sans que vous

 27   sachiez qui vous tirait exactement dessus. Donc il y avait clairement un ligne

 28   de front, et s'agissant de certains sites, où on nous a emmenés, par exemple, au


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  1   cimetière juif mais du côté bosnien, il était clair qu'il y avait là une ligne

  2   de front. Mais, moi, je ne me suis pas déplacé dans toute la ville, parce que

  3   c'était d'abord trop grand, et puis d'autre part, cela m'avait été impossible.

  4   Q.  Alors, pour ce qui est de ces collines, vous en avez longuement parlé

  5   avec M. Karadzic, en 2010, et il s'est avéré que vous ne saviez pas à l'époque,

  6   et vous ne savez pas maintenant quelles étaient les collines qui étaient au

  7   juste tenues par l'armée des Serbes de Bosnie; est-ce exact ?

  8   R.  Non, on nous a, en fait, indiqué à Pale que les Serbes de Bosnie

  9   tenaient les parties surélevées du terrain et pour aller à Sarajevo, il fallait

 10   passer par le mont Trebevic et c'est là que se trouvaient les forces des Serbes

 11   de Bosnie, pendant tout la guerre sur les cotes élevées et plus bas, lorsqu'on

 12   peut -- traversait Grbavica, on pouvait rencontrer des effectifs de l'armée des

 13   Serbes de Bosnie.

 14   Lorsque j'ai été emmené à Zuc, cette colline était, de façon évidente, entre les

 15   mains des Serbes de Bosnie. Le commandant militaire du site a indiqué --

 16   M. LUKIC : [interprétation] Excusez-moi. Oui, excusez -- veuillez continuer.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Le commandant militaire nous a montré l'emplacement

 18   des autres positions et il m'a dit que c'était sous le contrôle des Serbes de

 19   Bosnie.

 20   Autre chose encore, après mon interview avec M. Mladic au mois de

 21   septembre 1992, il y a deux policiers de la police militaire qui nous ont

 22   emmenés jusqu'à la route construite par l'armée des Serbes de Bosnie comme on

 23   nous l'a indiqué et cela se trouvait au nord de Vogosca pour conduire à Ilidza

 24   et à Hadzici. Et tout le long de la route, on nous disait que c'était des

 25   positions qui leur appartenaient ou qui étaient tenues par ces effectifs.

 26   C'était au nord de Sarajevo.

 27   Q.  Alors vous dites que l'armée de Bosnie-Herzégovine n'avait pas tenu des

 28   positions sur le mont Trebevic; est-ce bien cela ?


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  1   R.  Non, pas sur le côté principal de la montagne, là où on descendait la route.

  2   Là, il n'y en avait pas.

  3   Q.  Est-ce que vous savez nous dire quelles étaient les positions tenues par

  4   l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

  5   R.  Il y a eu des positions qu'ils tenaient, disons, au sud-est de Sarajevo.

  6   Q.  Non, moi, je parle de Trebevic. Est-ce que vous parlez de Trebevic, vous

  7   aussi, ou est-ce que vous parlez des positions autres ? Savez-vous -- saviez-

  8   vous que des positions qui étaient plus rapprochées de la ville à Trebevic

  9   étaient des positions tenues par l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

 10   R.  Je n'ai jamais été emmené là-bas par celle-ci.

 11   Q.  Donc, on peut conclure du fait que tous les tirs venant de Trebevic étaient

 12   qualifiés par vous comme étant des tirs en provenance des Serbes; c'est bien

 13   cela ?

 14   R.  Si l'on ciblait Sarajevo et les parties bosniennes de Sarajevo qui étaient

 15   tenues par des effectifs bosniens, oui.

 16   Q.  Au paragraphe 21 de votre déclaration, vous précisez ceci :

 17   "Les gens, autant que faire se pouvait, vivaient dans le caves, dans les sous-

 18   sols de leurs maisons ou dans des entrepôts."

 19   Est-ce que --

 20   L'INTERPRÈTE : Ou dans des abris; se corrige l'interprète.

 21   M. LUKIC : [interprétation]

 22   Q.  Est-ce que cela signifie que les appartements étaient vides ?

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Groome, oui.

 24   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, la déclaration du témoin est

 25   versée au dossier en tant que pièce P66 et bien que nous ayons tous accès à

 26   cette déclaration dans ce prétoire, je me demande si le public qui suit les

 27   choses à l'extérieur pourrait, lui aussi, se faire montrer ce dont il est

 28   question. Je suggérerais aux Juges de la Chambre de placer ceci sur le -- enfin,


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  1   de passer sur le -- de placer sur les écrans la page appropriée ou le paragraphe

  2   approprié du prétoire électronique.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Lukic ?

  4   M. LUKIC : [interprétation] Aucune objection pour ce qui est de cette

  5   proposition.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors, on a -- on va le faire. Veuillez

  7   placer le texte de la déclaration sur nos écrans, paragraphe 21, s'il vous

  8   plaît.

  9   Bon, on -- on a cela sur les écrans maintenant.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

 11   M. LUKIC : [interprétation]

 12   Q.  Ma question était celle de savoir si ces appartements à Sarajevo étaient

 13   vides, puisque d'après vous, les gens étaient dans des abris ou dans des

 14   souterrains, des sous-sols.

 15   R.  Non, ce n'est pas le cas. Les gens allaient s'abriter quand il y avait des

 16   bombes, lorsqu'ils avaient la chance de le faire lors des pilonnages lourds.

 17   Mais d'abord, ils se trouvaient dans leurs appartements, parce qu'ils avaient

 18   leurs vêtements, ils avaient des vivres dans ces appartements. Et puis, cela

 19   dépend de la période dont on parle à Sarajevo. La période que j'ai décrite à

 20   l'intention des Juges de la Chambre commence début juin 1992 et bon nombre de

 21   personnes passaient beaucoup de temps dans des caves et des abris. Mais il y a

 22   eu d'autres périodes de temps à Sarajevo, donc pendant la guerre à Sarajevo où

 23   les gens ne faisaient pas ainsi et où ils restaient chez aux.

 24   Q.  Serait-il exact de dire que les bâtiments civils à Sarajevo avaient été

 25   transformés en position de combat au tout début du conflit ?

 26   R.  Quand il y a une guerre en condition urbaine et quand les lignes de front se

 27   trouvent à l'intérieur d'une ville, cela est évident. Ce qui avait auparavant

 28   été des bâtiments civils ou des locaux commerciaux se trouve à être transformés


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  1   en positions de combat lorsque ça se trouve sur les lignes de front. Cela me

  2   semble être évident lorsque les combats se déroulent dans des conditions

  3   urbaines.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous êtes en train de parler des

  5   bâtiments qui se trouvaient le long des lignes de front, Monsieur van Lynden ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement pour ce qui est des bâtiments le long

  7   des lignes de front, mais je sais aussi que d'autres bâtiments, qui auparavant

  8   avaient été des locaux commerciaux et je crois pouvoir dire que le plus souvent

  9   c'était des locaux commerciaux qui étaient transformés en QG des forces armées,

 10   mais ceci une fois de plus, c'est une chose qui se produit forcément lorsqu'une

 11   ville est sous siège.

 12   M. LUKIC : [interprétation]

 13   Q.  J'aimerais que l'on regarde maintenant le paragraphe 22 de votre

 14   déclaration. Vous dites que les Nations Unies devaient demander l'autorisation

 15   en un côté pour pouvoir passer la ligne de front et pour les vivres et d'autres

 16   sortes d'aide puissent être livrées en ces ennemis. L'aide humanitaire parvenait

 17   jusqu'à Sarajevo, entrait dans la ville de Sarajevo, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Savez-vous quelles étaient les quantités de l'aide humanitaire qui entraient

 20   dans la ville de Sarajevo par jour ?

 21   R.  L'UNHCR nous a dit que cela variait. On nous a dit également qu'en décembre

 22   1992, l'un des responsables de l'UNHCR à Sarajevo nous a dit que cette aide

 23   n'arrivait jamais en quantité suffisante.

 24   Q.  Je suppose que, dans une guerre, personne n'a suffisamment d'aide, n'est-ce

 25   pas ?

 26   R.  Bien, pendant -- en temps de guerre, il y a des gens qui ont plus que

 27   suffisamment et ils profitent de cela également.

 28   Q.  Mais il s'agit d'une minorité des gens, n'est-ce pas, qui profite de la


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  1   guerre de cette façon-là ?

  2   R.  Oui et de mon point de vue, une des choses inhabituelles qui s'est passée

  3   pendant la guerre en Bosnie est la chose suivante. Pour la première fois, je me

  4   suis trouvé dans une situation où les forces des Nations Unies s'y trouvaient

  5   avec un programme d'aide humanitaire et qui devaient demander une partie

  6   belligérante -- essayer de tirer pour pouvoir nourrir les ennemis, et cela se

  7   passait pendant toute la guerre en Bosnie.

  8   Q.  Est-ce que vous saviez que des convois, comme mis à part des convois, qui

  9   arrivaient à Sarajevo, il y avait 10 000 vols humanitaires qui atterrissaient à

 10   Sarajevo pendant cette période-là ?

 11   R.  Oui, j'étais au courant de ces vols mais je ne sais pas quel était le nombre

 12   de ces vols.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez, Maître Lukic, mais pendant quelle

 14   période pendant la guerre ?

 15   M. LUKIC : [interprétation] Oui.

 16   Q.  Est-ce que vous saviez quelles étaient les quantités des armes qui

 17   parvenaient à Sarajevo par jour puisque vous étiez correspondant de guerre de

 18   Sarajevo ?

 19   R.  Je pense que cela serait extraordinaire de disposer de cette donnée mais

 20   pendant la guerre les journalistes sont habituellement sans ces informations.

 21   J'étais en mesure d'avoir ce type de données ou de chiffres pendant la guerre en

 22   Afghanistan dans les années '80. Mais les parties belligérantes et les

 23   militaires ne veulent pas vous donner ce type d'information indépendamment du

 24   fait si cela se passe à Bayrût au Liban, et cetera.

 25   Q.  Merci. Passons au paragraphe 23 de votre déclaration, je ne vais pas le lire

 26   mais j'aimerais savoir si vous saviez quelle était la situation dans la partie

 27   de la ville de Sarajevo qui était tenue par les Serbes concernant le carburant ?

 28   R.  D'après mon expérience - et là, je parle de la Bosnie orientale - est comme


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  1   suit : Les gens utilisaient du bois pour se chauffer et dans cette partie de la

  2   Bosnie il y avait beaucoup de bois et ce n'était pas le cas de la ville de

  3   Sarajevo. Pour autant que je sache, dans certains endroits comme Vlasenica ou

  4   Pale, les gens utilisaient du bois pour se réchauffer.

  5   Q.  Pouvez-vous, s'il vous plaît, répondre à ma question, à savoir quelle était

  6   la situation dans les parties de la ville de Sarajevo qui étaient tenues par les

  7   Serbes ?

  8   R.  Ah, excusez-moi, je le comprends maintenant. Je pensais que vous avez fait

  9   référence aux Serbes de Bosnie. D'après mon expérience et d'après ce que j'ai

 10   vu, en particulier en septembre 1992, et encore une fois, lorsqu'on a emmené à

 11   Grbavica en février 1994, concernant la situation alimentaire, il y avait plus

 12   de vivres que dans le reste de Sarajevo. Mais il y avait également des problèmes

 13   à ce niveau-là ainsi que pour ce qui est du chauffage.

 14   Q.  A Sarajevo avant la guerre, les gens utilisent le gaz pour se chauffer,

 15   savez-vous qu'il s'agissait du gaz provenant de la Russie et savez-vous qui

 16   fermait -- qui coupait l'approvisionnement en gaz lorsqu'on ne paie pas la

 17   facture pour le gaz ?

 18   R.  Donc c'est celui qui fournit, le fournisseur du gaz qui coupe

 19   l'approvisionnement en gaz. Et, oui, j'étais au courant du fait que le gaz était

 20   utilisé pour le chauffage pour répondre à votre question, et de temps à autre,

 21   le gaz arrivait à nouveau pendant la guerre à Sarajevo. Pour ce qui est des

 22   rapports entre les clients et les fournisseurs du gaz, je ne me suis pas

 23   vraiment penché sur cette question.

 24   Q.  Au paragraphe suivant, vous dites qu'aller chercher de l'eau voulait dire

 25   s'exposer au danger, en danger de mort. Saviez-vous que la FORPRONU des deux

 26   côtés de la ligne de séparation établissait des obstacles pour éviter que les

 27   piétons soient touchés par les tirs de l'infanterie pour en quelque sorte les

 28   cacher de vu de ceux qui leur tiraient dessus ?


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  1   R.  Je suis au courant du fait que cela existait des deux côtés de la ligne de

  2   séparation mais je n'ai jamais vu la FORPRONU procéder ainsi. J'ai vu des

  3   initiatives prises par les locaux dans ce sens-là. Mais je sais ce qui se

  4   passait des deux côtés.

  5   Q.  Maintenant au paragraphe 25 de votre déclaration, vous parlez d'une guerre

  6   de -- où la population était terrorisée et vous dites que cela a été fait par

  7   les tirs de tireurs isolés sur les civils et par les pilonnages. Pendant -- lors

  8   des audiences dans cette affaire on a déjà vu et on verra aussi à l'avenir, et

  9   je vous pose maintenant la question si vous saviez que les Musulmans tiraient

 10   sur leur propre population en utilisant des fusils à lunette sur la population

 11   civile de la ville de Sarajevo ?

 12   R.  Je n'ai jamais vu cela. Je n'ai jamais été témoin oculaire de cela. J'ai pu

 13   entendre des affirmations dans ce sens-là mais je n'ai jamais vu de preuve qui

 14   aurait corroboré ces allégations. Pour savoir s'il s'agissait des Musulmans ou

 15   simplement des membres de l'armée de Bosnie, je pense qu'il faut être prudent

 16   puisque au sein de l'armée de Bosnie il y avait des Musulmans mais également des

 17   catholiques et des orthodoxes.

 18   Q.  Savez-vous quel était le nombre de Serbes et de catholiques qui se

 19   trouvaient au sein de l'ABiH, en pourcentage, si vous le savez ?

 20   R.  Je ne peux pas vous dire de pourcentage exact mais j'ai pu observer que même

 21   lorsque je me rendais dans l'enclave de Bihac, à la fin de l'année 1994, j'ai vu

 22   que le commandant des opérations de l'armée de Bosnie du 5e Corps était serbe

 23   par son appartenance ethnique. C'était quelque chose que j'ai pu voir dans

 24   d'autres parties en Bosnie dans d'autres corps de l'armée de Bosnie. Mais je ne

 25   connais pas de pourcentage.

 26   Q.  Lors de votre témoignage dans l'affaire Karadzic, on vous a posé la question

 27   pour savoir si vous saviez si au sein de l'armée de la Republika Srpska il y

 28   avait des unités entières qui étaient composées de Musulmans. Est-ce que depuis


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  1   vous avez vérifié cela puisque aujourd'hui vous parlez de la composition

  2   ethnique des unités des deux armées ?

  3   R.  Non, je ne l'ai pas fait. Mais j'aimerais poser la question suivante. Si

  4   c'était le cas, pourquoi les journalistes comme moi, par exemple, n'ont pas été

  5   emmenés jusqu'à ces unités ?

  6   Q.  Je ne peux que poser des questions, je ne peux pas répondre à des questions,

  7   malheureusement.

  8   R.  On peut tout simplement poser cette question à l'attention de la Chambre.

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'aimerais vous interrompre. Là, vous avez

 10   mentionné un Serbe qui était commandant au sein de l'armée de Musulmans de

 11   Bosnie. Il était commandant d'une unité au sein de cette armée, pouvez-vous

 12   répéter son nom ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Il était le commandant des opérations au QG du 5e

 14   Corps de l'armée de Bosnie à Bihac.

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pouvez-vous répéter son nom, le nom de

 16   cette personne ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne connais pas son nom. Je connais que sa

 18   fonction.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'ai pensé que vous avez mentionné le nom

 20   de cet homme et que cela n'a pas été consigné au compte rendu. Merci.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons rencontré pas mal de Serbes et de

 22   Croates dans les rangs de l'armée. Ce n'était pas une exception. Je pourrais

 23   peut-être retrouver son nom dans mes notes, mais je ne peux pas vous dire,

 24   maintenant, comment il s'appelait. Ça s'est passé quand même il y a 18 ans.

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

 26   M. LUKIC : [interprétation]

 27   Q.  Nous disposons de l'information selon laquelle était le commandant du 5e

 28   Corps. Il était musulman. Il était aussi l'ancien commandant de la JNA. Il était


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  1   commandant -- il était au sein de la 220e Brigade motorisée. C'est l'information

  2   dont nous disposons, et pendant cette affaire, nous allons certainement revenir

  3   là-dessus.

  4   J'aimerais vous poser maintenant la question concernant --

  5   R.  Puis-je ?

  6   Q.  Allez-y.

  7   R.  J'ai dit qu'il était commandant chargé des opérations. Cela veut dire qu'il

  8   était le troisième officier dans la hiérarchie. Je n'ai pas dit qu'il était

  9   commandant. C'était Atif Dudakovic. Donc nous parlons de deux personnes

 10   distinctes.

 11   Q.  Malheureusement, nous parlons d'une personne dont nous connaissons le nom et

 12   d'une autre personne dont le nom, nous ne le connaissons pas. Mais nous allons

 13   vérifier cela.

 14   Revenons au paragraphe 25 de votre déclaration, s'il vous plaît. Concernant les

 15   positions de tireurs isolés. Vous trouvez -- Vous vous êtes rendus à une

 16   position de tireurs isolés appartenant à l'armée des Serbes de Bosnie. C'est ce

 17   que nous avons vu dans l'une des vidéos. Mais n'est-il pas vrai que vous ne vous

 18   êtes jamais rendu à une position de tireurs isolés appartenant aux forces

 19   musulmanes à Sarajevo ?

 20   R.  On nous a emmenés au début de mois de juin et je pense que j'ai déjà

 21   mentionné cela, donc on a été emmenés jusqu'aux positions tenues par l'armée de

 22   Bosnie qui se trouvaient à l'intérieur du bâtiment du parlement. Je n'ai pas vu

 23   là-bas de fusils à lunette, aucun. Dans d'autres endroits, le long de la ligne

 24   de front où je me suis rendu avec l'autorisation, il y avait peut-être des

 25   tireur isolés, mais je n'ai pas vu des -- de fusils à lunette.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Lukic, pouvez-vous nous dire quand

 27   on pourrait faire la pause, puisqu'on a dit qu'on allait siéger une heure avant

 28   la pause ?


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  1   M. ELDERKIN : [interprétation] Nous pouvons faire la pause maintenant.

  2   [Le témoin quitte la barre]

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, merci. Nous allons faire la pause

  4   maintenant et nous continuons à 13 heures.

  5   --- L'audience est suspendue à 12 heures 40.

  6   --- L'audience est reprise à 13 heures 2.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce qu'on peut faire entrer le témoin

  8   dans le prétoire ?

  9   Monsieur Mladic, je vous prie de vous asseoir.

 10   [Le témoin vient à la barre]

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 12   Maître Lukic, vous avez la parole.

 13   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Est-ce que je peux

 14   continuer ?

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien sûr.

 16   M. LUKIC : [interprétation]

 17   Q.  Vous n'avez jamais été aux positions de tireurs isolés de l'armée de Bosnie-

 18   Herzégovine. C'est ce qu'on a pu voir pendant la pause. A l'époque et

 19   aujourd'hui non plus, vous ne pouviez pas savoir dans quelle direction étaient

 20   tournées ces positions et vers quelles cibles on tirait depuis ces positions.

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Pendant votre séjour à Sarajevo, avez-vous appris quel était le nombre de

 23   civils serbes qui ont été tués par les Musulmans armés ?

 24   R.  Est-ce que vous avez fait référence aux gens qui ont été tués à Grbavica et

 25   dans d'autres parties de Sarajevo contrôlés par les Serbes de Bosnie ? Dans les

 26   parties contrôlées par les -- l'armée de Bosnie, je n'ai pas pu obtenir des

 27   chiffres concernant le nombre de personnes qui ont été tuées par les leurs.

 28   C'est ce que vous avez essayé de dire ?


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  1   Q.  Non. Quel était le nombre de civils serbes qui ont été tués sur le

  2   territoire contrôlé par l'armée de Bosnie-Herzégovine à Sarajevo, lors des

  3   exécutions ?

  4   R.  Ce n'était pas votre question que vous m'avez posée. Tout à l'heure, vous

  5   m'avez demandé quel était le nombre de civils. Ma réponse était non, je n'ai pas

  6   pu obtenir ces chiffres, si cela s'est passé. On ne nous a rien dit là-dessus,

  7   mais on nous a parlé de cela lorsque nous étions à Pale.

  8   Q.  Qu'est-ce que vous avez entendu dire à Pale ?

  9   R.  C'était des conjectures, mais pas les choses que nous ne pouvions vérifier

 10   lorsque nous étions dans Sarajevo, par exemple, par rapport à des prisons ou des

 11   exécutions.

 12   Q.  Nous allons reparler du paragraphe où vous dites que les gens qui se

 13   trouvaient sur le terrain à Sarajevo et qui observaient des tirs des tireurs

 14   isolés serbes pour reporter si quelqu'un a été touché ou pas.

 15   Savez-vous si c'étaient des prétextes  utilisés pour pouvoir entrer dans

 16   des appartements pour tuer des civils serbes, pour emprisonner des gens ?

 17   R.  Je n'ai pas été témoin de ces événements.

 18   Q.  A Pale, lorsque vous étiez dans la ville de Sarajevo, vous ne vous occupiez

 19   pas de telles accusations, de telles affirmations que vous avez entendues à Pale

 20   ?

 21   R.  Ce n'est pas correct. Nous avons bien sûr posé des questions. Nous essayons

 22   de vérifier cela dans certaines occasions.

 23   Et je me souviens de quelque chose qui s'est passé en novembre et décembre 1992

 24   lorsque nous étions à Sarajevo dans l'ancien hôpital militaire, nous avons

 25   entendu qu'un Serbe blessé avait été amené. Nous avons posé la question pour

 26   savoir comment il avait été blessé, et nous avons appris qu'il avait été blessé

 27   dans son appartement. Et donc, on a tiré sur son appartement de l'extérieur.

 28   Nous nous sommes rendus dans cet appartement pour parler à sa femme, et nous


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  1   avons appris que ces tirs provenaient du territoire contrôlé par les Serbes de

  2   Bosnie. C'est ce que nous avons pu apprendre.

  3   Mais à l'intérieur de la ville, bien sûr nous posions ces questions, mais

  4   on ne nous a jamais fourni de confirmation des choses que vous venez de dire

  5   tout à l'heure.

  6   Q.  Ce sont les faits qui vont être prouvés pendant ce procès. Ce ne sont pas

  7   les faits que j'avance moi-même.

  8   Est-ce que c'était le seul cas où vous avez posé des questions pour savoir

  9   dans quel contexte les civils, ce civil serbe a été blessé, et est-ce que vous

 10   pouvez nous fournir son nom ? Est-ce que vous avez noté le nom de cette personne

 11   ?

 12   R.  Ce que vous allez prouver ou pas n'a rien à voir avec moi. Vous me posez des

 13   questions, je vous donne des réponses. Pour savoir si nous avons eu des enquêtes

 14   pour ce qui est des gens qui étaient blessés à Sarajevo, indépendamment, peut-

 15   être qu'ils étaient Serbes, Croates ou Musulmans, oui, nous faisions ces

 16   enquêtes lorsque nous pouvions nous rendre sur place, mais ce n'était pas

 17   toujours possible. Mais nous menions des enquêtes pour savoir si c'était vrai,

 18   et cela à différents niveaux. Nous nous rendions à la présidence de Bosnie pour

 19   parler à des gens haut placés mais également nous avions parlé de cela aux

 20   membres des unités de l'armée. Nous n'avons jamais trouvé de preuve, nous

 21   n'avons jamais pu corroborer ces allégations.

 22   Pour ce qui est de votre dernière question, à savoir pour ce qui est du nom de

 23   ce civil, je ne pourrais pas me souvenir du nom de ce civil 20 ans après les

 24   événements, donc ma réponse est non, et je ne sais pas non plus si j'ai noté son

 25   nom dans mes cahiers.

 26   Q.  Est-ce que vous les avez sur vous, est-ce que vous avez vos cahiers sur vous

 27   aujourd'hui ?

 28   R.  Ici ?


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  1   Q.  Oui.

  2   R.  Non. Je devais déménager à La Haye avec toutes mes affaires, et j'ai

  3   expliqué cela au début de l'audience, mais je n'ai toujours pas rangé tous mes

  4   cahiers concernant les différentes zones de guerre. Ma femme était diplomate, et

  5   tous les trois ou quatre ans, nous devions déménager, et se déplacer d'une ville

  6   à une autre.

  7   Q.  Une question similaire vous a été posée en mai 2010 dans l'affaire Karadzic.

  8   Est-ce que vous avez essayé de retrouver ces notes et de voir ce qu'il y avait

  9   dedans ?

 10   R.  Peu de temps après mon témoignage dans l'affaire Karadzic, mon épouse, elle

 11   est tombée malade, donc elle a eu le cancer de pancréas, et on a passé le reste

 12   de l'année 2010 en s'occupant d'elle. Et après sa mort, toutes mes affaires ont

 13   été transférées aux Pays-Bas, dans ma maison fermée à clé. Et pour être sincère,

 14   Maître, Lukic, à l'époque, s'occuper de ma femme m'importait plus que de

 15   m'occuper de mes cahiers.

 16   Q.  Je suis désolé pour la mort de votre épouse. Je vous présente mes

 17   condoléances. Mais nous, nous devons faire notre travail, et j'espère que vous

 18   allez comprendre que je n'avais aucune mauvaise intention en vous posant cette

 19   question.

 20   Lors de votre témoignage dans l'affaire Karadzic le 19 mai 2010, à la page 2 451

 21   du compte rendu de votre témoignage, vous avez parlé de la possibilité de

 22   vérifier certaines informations, et en particulier des informations concernant

 23   la provenance des tirs et des endroits où il y avait des combats. Et à la ligne

 24   23, vous dites :

 25   "Nous essayions de vérifier en s'adressant aux deux parties lorsque cela était

 26   possible, mais souvent ce n'était pas possible, et nous n'obtenions pas de

 27   réponse."

 28   Est-ce qu'on peut se mettre d'accord sur le fait que vous étiez conscient du


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  1   fait que vous diffusiez des informations non vérifiées ?

  2   R.  En tant que correspondant de guerre, quelle que ce soit la guerre, il est

  3   toujours difficile de convoquer les deux parties pour leur demander de donner

  4   chacune sa version de ce qui vient juste de se passer, quelle que ce soit la

  5   guerre. C'est pratiquement -- enfin il est assez étrange d'avoir à expliquer

  6   ceci.

  7   On peut s'efforcer de vérifier autant qu'il est possible, et d'être aussi

  8   précis que la situation le permet, nous avons essayé de le faire. Mais il faut

  9   tenir compte du fait que dans ces circonstances-là, vous vous trouvez dans une

 10   zone de combat, et vous êtes vous-même la cible de tir. Par conséquent, il est

 11   exact de dire que toutes les informations que vous fournissez ne sont pas

 12   intégralement vérifiées ou à 100 % exactes. Une chose que j'ai apprise au cours

 13   de ma vie dans les zones de guerre, c'est que la vérité est une chose complexe

 14   et qui a une multiple facettes. Je suis conscient de cela, et j'ai toujours

 15   essayé dans mes reportages d'être aussi prudent que possible tout en étant aussi

 16   précis que possible.

 17   Q.  Merci. Le même jour en page 2 464 du compte rendu dans cette affaire

 18   Karadzic, vous dites :

 19   "… si on ne nous le montre pas et si on ne nous le dit pas, comment sommes-nous

 20   censés savoir ?"

 21   Donc ceci correspond également à votre réponse précédente, à savoir que vous

 22   vous efforciez d'en apprendre autant que possible, mais qu'il est également

 23   possible que vous n'ayez pas eu accès à l'information exacte et que les

 24   informations que vous avez relayées n'aient pas non plus été complètement

 25   exactes. Cependant, la question que je souhaite poser --

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Groome ?

 27   M. GROOME : [interprétation] Je trouve qu'il est assez injuste de donner lecture

 28   au témoin d'une partie seulement de sa réponse. Il serait peut-être plus


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  1   équitable que Me Lukic donne lecture à la fois de la question et de la réponse

  2   afin que le témoin puisse se rendre compte du contexte, et comprendre la

  3   question qui lui avait été posée lui permettrait de répondre de façon plus

  4   pertinente.

  5   M. LUKIC : [interprétation] Malheureusement, nous n'avons que cette partie de

  6   l'échange.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Groome ?

  8   M. GROOME : [interprétation] Eh bien, si les Juges estiment qu'il est nécessaire

  9   de fournir ceci, nous le ferons.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

 11   M. GROOME : [interprétation] Oui, la portion de cette réponse qui manquait.

 12   "Q.  Mais, Monsieur van Lynden, il y a la localité où la plupart des obus de

 13   cette guerre sont tombés, et en proportion, il y a eu de nombreuses pertes de

 14   civils et de soldats. La municipalité de Sarajevo dans sa totalité, eh bien,

 15   c'était à cela que vous vous intéressiez et vous ne vous êtes pas concentré sur

 16   cela."

 17   Votre réponse, Monsieur le Témoin :

 18   "Mais Monsieur Karadzic, si c'était le cas, si votre gouvernement -- votre

 19   gouvernement ou votre armée ne nous a-t-il pas emmenés ? Si l'on nous ne

 20   montrait pas les choses ou si on nous ne les expliquait, comment étions-nous

 21   censés être au courant ? Nous ne pouvions pas avoir de correspondants se

 22   déplaçant librement dans une zone de guerre. Et je n'ai jamais été emmenés par

 23   votre gouvernement ou votre armée sur place."

 24   M. LUKIC : [interprétation] Eh bien, maintenant, nous l'avons au compte rendu

 25   d'audience.

 26   Q.  Donc, Monsieur van Lynden, essayons de lever l'imprécision sur un point.

 27   Ilijas, dont il vient d'être question, est une partie de Sarajevo qui

 28   était contrôlée par la Republika Srpska, n'est-ce pas, par l'armée de la


Page 1367

  1   Republika Srpska ?

  2   R.  L'armée de la Republika Srpska ne m'y a pas emmené, et c'est ce que j'ai

  3   essayé d'expliquer à M. Karadzic.

  4   Q.  Oui, nous avons entendu cela. Essayons simplement d'établir qu'Ilijas était

  5   une partie de Sarajevo sous le contrôle de la VRS.

  6   R.  Pour autant que je le sache, oui.

  7   Q.  Il est ici affirmé qu'il se serait agi de la partie de Sarajevo ayant essuyé

  8   les bombardements les plus lourds pendant toute la durée de la guerre. Est-ce

  9   que vous aviez la moindre information à ce sujet, même si les autorités de la

 10   Republika Srpska, comme vous dites, ne vous ont pas emmenés sur place pour vous

 11   montrer ce qui s'était passé ?

 12   R.  Mais c'est M. Karadzic qui affirme qu'il en aurait été ainsi, et je ne l'ai

 13   entendu de la bouche de personne d'autre. En tout cas, personne ne me l'a dit

 14   directement et cela n'a pas été affirmé lors des réunions non plus, les réunions

 15   que j'ai pu avoir en présence de M. Karadzic ou de qui que ce soit d'autre des

 16   Serbes de Bosnie avec qui j'ai pu être en contact à l'époque, et on ne m'a pas

 17   fait venir sur place. Donc, comme j'ai déjà dit à l'époque, si on ne vous dit

 18   pas les choses et si on ne vous emmène pas sur place, comment êtes-vous censé

 19   être au courant ? Et j'ai essayé d'expliquer à M. Karadzic également aussi

 20   qu'aucune armée n'accepterait d'avoir des correspondants de guerre se déplaçant

 21   librement sur le théâtre de guerre. Et parfois certains correspondants le font,

 22   et c'est au prix d'un grand danger.

 23   Q.  Donc, ce que vous n'avez pas vu et dont vous n'avez pas rendu compte, pour

 24   les raisons que vous avancez, est-ce que c'est quelque chose que vous contestez

 25   aujourd'hui, est-ce que vous contestez qu'Ilijas ait été une partie de Sarajevo

 26   lourdement bombardée pendant toute la durée de la guerre ?

 27   R.  Je ne dis rien de tel. Je dis simplement que cette information ne m'a pas

 28   été donnée pendant la guerre et que, par conséquent, je ne sais pas.


Page 1368

  1   Q.  Merci. Merci. Alors, nous pouvons voir qu'en fait vous avez donné une

  2   réponse quasiment identique dans les deux affaires, celle que vous avez donnée

  3   donc à M. Karadzic et celle que vous venez de donner. Alors, voici la question

  4   que vous a posée M. Karadzic au sujet d'une affirmation faite par le général

  5   Rose.

  6   Et vous avez dit alors vous-même qu'il s'agissait des informations que

  7   vous receviez de la FORPRONU. Vous avez affirmé que vous n'aviez que trois

  8   hommes dans votre équipe alors que la FORPRONU en tant qu'organisation

  9   internationale était bien mieux informée, avait beaucoup plus d'information et

 10   disposait d'effectifs beaucoup plus importants; est-ce exact ?

 11   R.  Est-ce que ceci concerne le général Rose ou le fait que la FORPRONU était

 12   doté de plusieurs milliers d'hommes alors que nous étions une équipe de

 13   télévision ?

 14   Q.  Laissons de côté pour le moment le général Rose. Est-il exact que vous

 15   demandiez des informations auprès de la FORPRONU et que vous en receviez d'elle

 16   ?

 17   R.  La FORPRONU tenait des briefings et certains de ses officiers, si jamais

 18   nous avions des questions, étaient parfois préparés, disposés à répondre.

 19   Parfois ils répondaient, parfois ils ne répondaient pas. Parfois, ils disaient

 20   qu'ils savaient, qu'ils étaient au courant et disposaient d'une information.

 21   Parfois, ils disaient que ce n'était pas le cas. Et parfois, ils n'avaient pas

 22   d'information, effectivement. En tout cas, nous nous rendions auprès de la

 23   FORPRONU parce que de notre point de vue il s'agissait d'un acteur extérieur,

 24   d'une force qui n'était alliée à aucune des parties en présence et que, par

 25   conséquent, il était plus probable que nous obtenions de la part de la FORPRONU

 26   une réponse objective quant à ce qui se passait sur le terrain.

 27   Q.  Vous venez de dire quelque chose d'intéressant en suggérant que la FORPRONU

 28   aurait été impartiale. Alors, qu'est-ce que vous savez de l'impartialité de la


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  1   FORPRONU, en fait ?

  2   R.  Nous avons accepté le fait que la FORPRONU était une force d'intervention

  3   des Nations Unies dont les effectifs provenaient d'un certain nombre de pays à

  4   travers le monde. Par conséquent, un tel effectif est toujours lié à -- une

  5   telle structure ne peut pas être parfaite, de par sa nature internationale même.

  6   Mais, en tout cas, en principe, une telle structure ne saurait faire preuve de

  7   partialité pendant la guerre, bien qu'il ait pu y avoir un certain nombre

  8   d'individus au sein de la FORPRONU qui aient fait preuve de moins

  9   d'impartialité.

 10   Mais d'un point de vue général et sur la base de mes contacts avec la

 11   plupart des officiers de la FORPRONU, il y avait une certaine impartialité dont

 12   ils faisaient preuve, parce qu'ils n'étaient pas envoyés par leur propre

 13   gouvernement et le Conseil de sécurité ne les a pas dépêchés pour être partiaux

 14   ou pour intervenir sur le plan militaire. Ils avaient principalement pour mandat

 15   de faciliter le passage de l'aide en vivres dont nous avons déjà parlé.

 16   Q.  Vous parlez manifestement de l'année 1992. Est-ce que cette impartialité a

 17   évolué au cours des années ? Est-ce qu'à la fin nous ne sommes pas arrivés à une

 18   situation dans laquelle cet acteur impartial en est arrivé, donc en est venu à

 19   bombarder l'une des parties au conflit ?

 20   N'est-ce pas un fait que l'OTAN, sur demande de la FORPRONU, a procédé à

 21   des frappes aériennes visant les positions serbes ?

 22   R.  Je sais ce qu'a fait l'OTAN, et ce que l'OTAN a fait, c'était pour défendre

 23   des territoires qui avaient été proclamés zones de sécurité, qui ont été

 24   attaqués par les Serbes de Bosnie.

 25   Donc pour autant que le sache, la première fois que de telles frappes

 26   aériennes ont été effectuées, c'était en avril 1994 autour de Gorazde. Et les

 27   Nations Unies à ce moment-là, compte tenu du fait qu'elles avaient déclaré la

 28   zone concernée zone de sécurité, ont estimé qu'il était également nécessaire


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  1   pour elles de prendre des mesures pour garantir que ces zones resteraient sûres.

  2   Q.  Juste un instant.

  3   Qu'est-ce qu'une zone de sécurité ? Est-ce que c'est une zone désarmée ou

  4   est-ce que c'est un point d'appui armé et un bastion armé ? A votre avis.

  5   Bon, je retire ma question.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

  7   M. LUKIC : [interprétation]

  8   Q.  Indépendamment de cela, indépendamment de la question de savoir quel camp la

  9   FORPRONU a rejoint en 1995, le général Rose -- nous n'allons pas maintenant

 10   faire référence à son ouvrage. Mais en pages 69 et 70, vous avez affirmé que le

 11   21 mai 2010, en réponse à M. Karadzic, vous avez donc dit que le général Rose

 12   aurait tenu les propos suivants.

 13   Selon lui, de nombreux journalistes à Sarajevo soutenaient l'option

 14   militaire, que ce soit parce qu'ils considéraient que c'était moralement

 15   justifiable, et pour rejoindre les rangs de ceux qui souhaitaient une sorte de

 16   guerre sainte contre les Serbes, ou parce que les images de la guerre se vendent

 17   mieux que les images de la paix. C'est la fin des propos auxquels je me réfère.

 18   Alors est-ce que vous étiez au courant de cette position du général Rose ?

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Groome.

 20   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Juge, est-ce que l'Accusation

 21   pourrait se voir indiquer la position précise de cette référence ?

 22   M. LUKIC : [interprétation] Il s'agit des lignes 9 à 12 de la page 1 631.

 23   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : Remplacer, vous avez affirmé dans la

 24   question de Me Lukic, par le général Rose a affirmé.

 25   M. LUKIC : [interprétation]

 26   Q.  Est-ce que vous étiez au courant de cette position du général Rose ?

 27   R.  Non, je ne suis pas particulièrement ami du général Rose. Donc, il ne l'a

 28   pas mentionné auprès de moi en personne. C'est une opinion personnelle qu'il a


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  1   formulée, et il a le droit d'avoir une opinion personnelle, mais il ne m'a pas

  2   parlé de la chose, non.

  3   Q.  Fort bien. Est-il exact de dire que l'empire médiatique de M. Murdoch avait

  4   été favorable et s'était employé en faveur d'une guerre contre les Serbes ? Et

  5   M. Murdoch est propriétaire de Sky News, entre autres ?

  6   R.  M. Murdoch n'est pas propriétaire de Sky News. M. Murdoch a une part

  7   minoritaire dans Sky. Il a essayé à vrai dire d'en acquérir plus, mais sa

  8   tentative a échoué.

  9   L'empire informatique de M. Murdoch ne fonctionne pas comme une

 10   institution hiérarchique, ni M. Murdoch ni l'un quelconque de ces directeurs ne

 11   sont pas des gens qui iraient dire aux gens ce qu'il convient de penser ou de

 12   faire. J'ignore quelles sont les positions de M. Murdoch, de ses enfants ou des

 13   comités de gestion dans différentes entreprises en sa propriété pour ce qui est

 14   de la guerre en Bosnie.

 15   Q.  Avant que d'arriver en Bosnie, on a vu quelles étaient les tâches que vous

 16   avez effectuées, et on a vu ce que vous avez fait. Entre autres, vous nous avez

 17   indiqué qu'en 1980, me semble-t-il, vous avez été en Afghanistan, et vous avez

 18   rapporté des combats conduits par les Moudjahidines contre les forces russes,

 19   n'est-ce pas ?

 20   R.  J'ai effectué quatre déplacements vers l'Afghanistan en 1980 [comme

 21   interprété], en 1982, en 1985 et 1989, et en compagnie des Moudjahidines, on a

 22   traversé le pays pendant que c'était encore occupé par l'Union soviétique.

 23   Q.  Mais vous étiez du côté des Moudjahidines, n'est-ce pas ?

 24   R.  Si vous êtes véhiculé par un groupe, et si vous traversez des frontières

 25   internationales sans visa, vous êtes censé connaître les gens que vous

 26   accompagnez, parce que si vous allez entrer dans la substantifique moelle de ce

 27   que constitue une guerre, il faut que vous sachiez entre les mains de qui vous

 28   vous trouvez. Le commandant, c'était Abdul Haq, avec qui j'avais eu des


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  1   relations difficiles, mais en somme, bonnes. Les différences, les divergences

  2   étaient culturelles essentiellement.

  3   Q.  Mais vous avez eu un contact initial avec les Moudjahidines. Comment en

  4   êtes-vous arrivé à réaliser ces contacts ?

  5   R.  Je ne suis pas sûr de comprendre la pertinence de ces questions s'agissant

  6   de cette Chambre. Je suis allé à Pishar en 1981, et j'ai contacté bon nombre de

  7   groupes de résistance dans ce lieu appelé, Pishar ou Peshawar. Et c'est un grand

  8   pays que l'Afghanistan, il faut faire beaucoup de choses à pied. Et je voulais

  9   revenir à Kaboul, et je croyais être efficace dans mes analyses si j'allais voir

 10   un commandant du secteur de Kaboul. Je suis allé dans l'un de ces bureaux, on a

 11   longuement négocié, il a accepté de me prendre avec lui.

 12   Mais on ne m'a pas présenté à lui, je suis allé là-bas et j'ai trouvé ces

 13   gens.

 14   Q.  Est-ce que ces contacts vous ont été facilités par l'un quelconque des

 15   services de renseignements étrangers, ou est-ce que vous êtes en train de nous

 16   affirmer ici que -- ou est-ce que vous affirmez que c'est les Moudjahidines qui

 17   ont pris un étranger et l'ont accepté, comme cela de but en blanc pour l'emmener

 18   avec eux ?

 19   R.  Ce que je crois comprendre, c'est que du point de vue de la personne que

 20   vous êtes en train de défendre, il est difficile, très difficile de comprendre

 21   la façon d'être des Afghans et leur organisation d'il y a 31 ans. Mais je vous

 22   assure qu'ils étaient très mal organisés, ils étaient plutôt francs pour ce qui

 23   est de montrer leur QG à Peshawar, et vous pouviez en votre qualité de

 24   journaliste étranger aller là-bas et faire ce que j'ai fait. Personne ne m'a

 25   absolument pas emmené, pas même d'autres journalistes, il y avait d'autres

 26   journalistes qui étaient là avant moi, et d'autres après moi qui ont fait

 27   exactement la même chose.

 28   Dans le contexte actuel des choses, c'est imaginable, quiconque essaierait


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  1   d'aller voir les Talibans étant journaliste occidental n'aurait pas pu le faire.

  2   Mais il y a 31 ans à Peshawar, la façon dont je l'ai décrit, c'est la façon dont

  3   ça s'est passé. Dire ou imaginer qu'un service de renseignement étranger avait

  4   été impliqué dans cela, cela apparaîtrait très ridicule. Mais ça ne m'étonne pas

  5   que dans l'esprit des membres de l'armée yougoslave, la chose vient de la façon

  6   dont ils sont formés.

  7   Q.  Mais on ne nie pas que la CIA ait eu une grande part pour ce qui est de

  8   l'organisation des Moudjahidines à l'époque, c'est-à-dire l'organisation de leur

  9   résistance vis-à-vis de l'Union soviétique. Est-ce que vous avez été au courant

 10   de cette chose-là ?

 11   R.  En 1981, lorsque je suis entré pour la première fois en Afghanistan, oui, il

 12   y avait des armes qui arrivaient via le Pakistan à l'intention de différents

 13   groupes de résistance. Ces armes venaient de sources variées. La source la plus

 14   importante que nous avons pu constater, ça avait été la Chine, et en particulier

 15   pour ce qui est des mines.

 16   A aucun moment pendant que je rapportais ce qui se passait en Afghanistan

 17   je n'ai pensé que c'était un mouvement organisé depuis l'extérieur. La vérité

 18   veut que l'on dise que pendant le conflit, entre 1985 et 1989, lorsque l'Union

 19   soviétique s'était retirée, l'approvisionnement en armes de l'Afghanistan et les

 20   armes antiaériennes avait connu une augmentation. Et sans aucun doute, c'était

 21   financé par les Etats-Unis d'Amérique.

 22   Mais vous ne comprenez véritablement pas l'Afghanistan si vous vous

 23   imaginez que c'était la CIA qui avait conduit cette guerre. Ce n'est pas le cas.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je voudrais vous interrompre ici.

 25   Maître Lukic, dans quelle direction allez-vous à présent ?

 26   M. LUKIC : [interprétation] Nous devons établir un lien entre la présence des

 27   Moudjahidines en Bosnie avec ce témoin. C'est la raison pour laquelle j'ai

 28   abordé le sujet.


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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors si vous voulez établir un lien entre

  2   la présence des Moudjahidines en Bosnie et ce qui s'était passé en Afghanistan,

  3   est-ce que nous avons besoin de parler de la totalité de la guerre en

  4   Afghanistan ou est-ce qu'il suffit de dire que des gens qui se trouvaient en

  5   Bosnie étaient venus de l'Afghanistan et se trouvaient être des Moudjahidines ?

  6   En une phrase.

  7   M. LUKIC : [interprétation] Mais j'avais voulu établir le lien entre cet homme-

  8   ci, ce témoin, et les Moudjahidines pour voir s'il a une influence quelconque de

  9   sa part pour ce qui est de leur arrivée en Bosnie.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, moi, je ne suis pas au courant de

 11   cette teneur de questions que vous évoquez.

 12   M. LUKIC : [interprétation] Bien, je ne savais pas quelle allait être la réponse

 13   de ce monsieur, donc je lui ai posé d'abord mes questions pour évoluer dans mes

 14   questions selon ses réponses.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bon. Alors, restons dans les cadres qui

 16   concernent cette affaire.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   Q.  Je vais vous pouvez encore une seule question au sujet de l'Afghanistan.

 19   Une source publique sur internet m'a permis de trouver une partie qui établit un

 20   lien entre vous et l'approvisionnement des Moudjahidines en armes. Est-ce que

 21   vous avez eu avoir quoi que ce soit avec l'approvisionnement des Moudjahidines

 22   en armes à l'époque où vous vous êtes trouvé en Afghanistan ?

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Groome.

 24   M. GROOME : [interprétation] Une référence, c'est vague. Est-ce qu'on peut être

 25   un peu plus concret pour ce qui est de la source sur internet. Ça peut être

 26   n'importe quoi.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pouvez répéter ce que vous

 28   avez dit, Monsieur Groome ?


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  1   M. GROOME : [interprétation] Avant que le témoin ne fournisse une réponse à

  2   cette question, il faudrait qu'on soit plus concrets pour indiquer, -- enfin,

  3   quand on dit que ça a été retrouvé sur l'internet, mais sur internet, il y a

  4   toute sorte d'informations. Il y a aussi des informations non vérifiées ou

  5   fausses. Alors, si M. Lukic veut poser une question équitable, il faut qu'il

  6   nous donne une référence pour ce qui est de l'emplacement où on a trouvé ces

  7   renseignements sur le réseau internet pour que le témoin puisse commenter.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Groome, je vous en remercie.

  9   Maître Lukic.

 10   M. LUKIC : [interprétation] Je vais essayer de me procurer l'information. Je ne

 11   l'ai pas sous la main. Mais j'y reviendrai.

 12   Je passe maintenant --

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, permettez-moi de répondre à

 14   cette question.

 15   La réponse est absolument pas, en aucun cas. Tous ceux qui étaient

 16   correspondants dans une situation de guerre pendant plus de 24 heures savent

 17   fort bien que l'on ne peut pas survivre en se comportant ou en vaquant à ce type

 18   de business.

 19   M. LUKIC : [interprétation]

 20   Q.  Merci.

 21   Alors, paragraphe 26. Nous allons quitter l'Afghanistan et le sujet de ce

 22   dernier.

 23   Vous nous dites que vous n'avez jamais vu une personne blessée par une

 24   balle de tireur embusqué, mais que vous avez vu des civils mourir peu de temps

 25   après avoir été touchés par des balles de tireurs embusqués.

 26   Je voudrais d'abord vous demander quelle est la différence, si tant est

 27   que vous le savez, du point de vue des munitions utilisées par un fusil à

 28   lunette et un fusil ordinaire ? Est-ce que c'est les mêmes munitions pour ce qui


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  1   est de l'armée de la Republika Srpska, notamment, ou est-ce que c'étaient des

  2   munitions différentes ? Le savez-vous ?

  3   R.  Pour autant que je le sache et autant que je m'en souvienne, j'ai vu en

  4   septembre 1992 plusieurs types de fusils. Je ne suis pas un expert en matière de

  5   fusils à lunette et de tirs avec ces armes, mais le calibre est, je pense,

  6   différent. Je n'ai pas été formé à ces armes-là pendant que j'étais dans le

  7   corps de la marine. Mais pour être tout à fait sincère, Messieurs les Juges,

  8   quand vous êtes correspondant de guerre, il y a une chose que vous ne faites

  9   pas, vous n'allez pas rechercher les tireurs embusqués. Je vous vais expliquer.

 10   Un collègue à moi à Beyrouth qui avait voulu retrouver un tireur embusqué pour

 11   faire un reportage sur sa vie, lorsqu'il a retrouvé le tireur embusqué, il m'a

 12   dit : Je peux tirer sur deux personnes différentes, à toi de choisir sur qui je

 13   vais tirer. Et c'est une situation très pénible.

 14   Et j'ai entendu ce récit au début de ma carrière et je n'ai jamais eu

 15   l'idée d'aller chercher des tireurs embusqués.

 16   En septembre 1992, on nous a emmené vers des positions de tir et il est

 17   arrivé qu'il s'était trouvé là des personnes avec des fusils à lunette en main,

 18   mais nous n'avons pas demandé de renseignements de ce type. Et nous ne l'avons

 19   pas demandé du tout pour ce qui était de les voir.

 20   M. LUKIC : [interprétation] Je crois que c'est l'heure.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, vous avez raison.

 22   Monsieur van Lynden, vous n'avez pas terminé votre témoignage. Je crois que vous

 23   vous en rendez compte vous-même. Donc, je vais vous répéter une chose que vous

 24   savez déjà. Tant que vous êtes témoin, vous n'êtes autorisé à vous entretenir

 25   avec personne de cette affaire. Il en va de même pour ce qui est de l'Accusation

 26   aussi, puisque le contre-interrogatoire a commencé, le contre-interrogatoire a

 27   commencé. Donc, vous allez revenir demain matin à 9 heures dans ce même

 28   prétoire.


Page 1377

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

  2   [Le témoin quitte la barre]

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La Chambre lève l'audience et reprendra ses

  4   travaux demain matin à 9 heures.

  5   --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le mercredi 22 août 2012, à

  6   9 heures 00.

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