Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 29 août 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 31.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tout un chacun, et ce, dans le

  6   prétoire.

  7   Madame la Greffière, voudriez-vous citer l'affaire.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

  9   Il s'agit de l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voudriez-vous appeler votre premier témoin ?

 11   Mme BIBLES : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Oui, nous sommes

 12   prêts à appeler notre premier témoin, Fejzija Hadzic.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas de mesures de 

 14   protection ?

 15   Mme BIBLES : [interprétation] Pas de mesures de protection, Monsieur le

 16   Président.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-on faire venir le témoin dans le

 18   prétoire.

 19   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, pendant que nous attendons,

 20   nous n'avons pas l'intention de -- que nous avons couvert de façon exhaustive

 21   les faits jugés 731 à 746.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame Bibles.

 23   [La Chambre de première instance se concerte]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si M. Mladic se concerte avec son conseil et

 25   qu'il enlève ses écouteurs, il pourra ne pas parler aussi fort qu'il le fait,

 26   pour la bonne raison que cela perturbe le prétoire, dans une certaine mesure.

 27   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Hadzic.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour. Je vous entends.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Avant que vous ne fassiez votre

  3   déposition, j'aimerais que vous prononciez la déclaration solennelle. Le texte

  4   vous est remis.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la vérité,

  6   toute la vérité et rien que la vérité.

  7   LE TÉMOIN : FEJZIJA HADZIC [Assermenté]

  8   [Le témoin répond par l'interprète]

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Hadzic. Si vous voulez bien

 10   vous asseoir.

 11   Monsieur Hadzic, je ne sais pas ce que vous avez posé sur la table, mais si vous

 12   voulez consulter des documents imprimés, si vous voulez bien, demandez-nous

 13   l'autorisation tout d'abord.

 14   Vous allez être interrogé par Mme Bibles, qui fait partie du bureau du

 15   Procureur.

 16   Mme BIBLES : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Et pour

 17   répondre à la question des Juges, je présume que le témoin a sorti ses lunettes,

 18   ce qui est une bonne chose.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne le voyais pas d'ici. Parfait.

 20   Interrogatoire principal par Mme Bibles :

 21   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Hadzic.

 22   R.  Bonjour.

 23   Q.  Pourriez-vous décliner votre identité pour le compte rendu.

 24   R.  Je me présente, Hadzic Fejzija, né le 1er janvier 1947. Le nom de mon père

 25   est Fejzija Hadzic, et je suis né près de Kalinovik.

 26   Q.  Et où avez-vous vécu avant la guerre ?

 27   R.  A Mjehovina Kalinovik.

 28   Q.  Monsieur Hadzic, vous avez présenté votre témoignage aux autorités


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  1   bosniennes et au Tribunal concernant votre expérience pendant la guerre ?

  2   R.  Oui.

  3   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, puis-je demander que la page

  4   1 de la liste 65 ter 28354 soit affichée sur les écrans.

  5   Q.  Ainsi que vous le voyez, vous avez eu la possibilité de consulter la

  6   déclaration que vous avez présentée aux autorités bosniennes en 1992 ?

  7   R.  Oui, j'en ai eu la possibilité. Et cette déclaration reflète bien ce que

  8   j'ai déclaré, et la signature qui y est apposée est la mienne.

  9   Q.  J'aimerais que vous regardiez à l'écran, et plus particulièrement le

 10   document manuscrit. Est-ce que vous le reconnaissez, fondé sur votre

 11   consultation de cette page ?

 12   R.  Oui, je le reconnais. Je reconnais ce document. Je l'ai lu. Je l'ai lu

 13   intégralement, et je l'ai signé de ma propre main.

 14   Q.  Quel est ce document ?

 15   R.  Il s'agit d'une déclaration en 1992 de ma part aux autorités bosniennes, au

 16   centre des crimes de guerre et du génocide contre les Musulmans de Zenica. J'ai

 17   témoigné de ce qui s'est passé pendant que j'étais au camp.

 18   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'aura pas saisi les dates.

 19   Mme BIBLES : [interprétation]

 20   Q.  Cette déclaration est-elle celle que vous avez présentée le 20 octobre 1992

 21   ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Pourrions-nous maintenant passer à la dernière page de ce document. Je crois

 24   qu'il s'agit de la page 4 de la version B/C/S.

 25   Si vous voulez bien regarder cette page et nous dire si vous reconnaissez votre

 26   signature apposée ?

 27   R.  Oui, c'est bien ma signature sur cette page.

 28   Q.  Est-ce que les informations qui se trouvent dans cette déclaration sont


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  1   exactes ? Sont-elles exactes ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Si nous allions vous poser des questions sur les sujets contenus dans cette

  4   déposition, vos réponses seraient-elles les mêmes que celles que vous avez

  5   données en 1992 ?

  6   R.  Oui.

  7   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, pourrions-nous afficher la

  8   première page du document 28353 de la liste 65 ter sur nos écrans.

  9   Q.  Vous avez également déposé auprès du Tribunal ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Avez-vous eu la possibilité de passer en revue cette déposition au TPIY ?

 12   R.  Oui, j'ai eu la possibilité de consulter cette déclaration, et je vois

 13   maintenant qu'il y a une erreur. Au lieu du 31 janvier 1991, il s'agirait du 31

 14   janvier 1999.

 15   Q.  Et c'est le document que vous avez à l'écran à l'heure actuelle ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Si nous pouvons passer à la page 6 des deux versions de ce document.

 18   Reconnaissez-vous votre signature apposée à la dernière page de ce

 19   document ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Avez-vous, d'ailleurs, signé ou apposé vos initiales à chaque page de ce

 22   document ?

 23   R.  Pour autant que je m'en souvienne, oui.

 24   Q.  En dehors de la date à la première page, est-ce que cette déposition est

 25   exacte ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Maintenant que vous avez prononcé la déclaration solennelle, confirmez-vous

 28   la véracité de ces deux déclarations ?


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  1   R.  Oui.

  2   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, le Procureur verse le

  3   document 28353 de la liste 65 ter et le document 28354, en vertu du 92 ter.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Des objections ?

  5   Pas d'objection.

  6   Madame la Greffière d'audience, 28353, déclaration du témoin au TPIY, 31 janvier

  7   1999.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 28353 reçoit la cote P138, Monsieur le

  9   Président.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P138 est versé aux pièces à conviction.

 11   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 28354 reçoit la cote P139,

 12   Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P139 est versé au dossier des pièces à

 14   conviction.

 15   Mme BIBLES : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Si vous me le permettez, je vais maintenant passer en revue un récapitulatif de

 17   la déposition écrite de M. Hadzic.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez expliqué à M. Hadzic quel est

 19   l'objectif de la chose ?

 20   Mme BIBLES : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Vous pouvez poursuivre.

 22   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, ainsi que M. Hadzic l'a

 23   dit, il vient de la municipalité de Kalinovik, ainsi qu'il l'a expliqué dans sa

 24   déposition, ce qui est également la municipalité d'origine de l'accusé, Ratko

 25   Mladic. M. Hadzic est un Musulman, et lorsque la guerre a commencé, il était

 26   directeur des services publics de Kalinovik.

 27   En dépit des affirmations de sécurité qu'il avait reçues au sein de la

 28   communauté musulmane, au moment de l'opération technique, M. Hadzic et d'autres


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  1   hommes musulmans de la municipalité ont été arrêtés le 25 juin ou à proximité du

  2   25 juin 1992. Ils ont été tout d'abord détenus à l'école élémentaire de la

  3   ville, et ensuite, le 6 juillet, ils ont été déplacés dans un dépôt de

  4   munitions. Ils ont été retenus, et ce, jusqu'à la première partie du mois d'août

  5   1992.

  6   Pendant les premières semaines du mois d'août 1992, des groupes de détenus

  7   musulmans ont été sortis de l'établissement de détention et nombre d'entre eux

  8   n'ont jamais été revus.

  9   Le 5 août 1992, M. Hadzic avec 23 autres Musulmans hommes ont été emmenés de cet

 10   établissement. Ils ont été bastonnés. Il a été menotté avec du fil de fer, et

 11   tous les effets personnels de valeur leur ont été enlevés.

 12   M. Hadzic, ainsi que les autres, ont été alignés et ont été donc exécutés en

 13   qualité de groupe. Les corps qui avaient été abattus, y compris celui de M.

 14   Hadzic, ont été déplacés dans une étable, et l'étable a été incendiée. M.

 15   Hadzic, bien qu'il ait été blessé gravement, a réussi à survivre et à

 16   s'échapper.

 17   Q.  Monsieur Hadzic, vous avez décrit que la vie était devenue intolérable à

 18   Kalinovik à la suite d'une campagne d'intimidation serbe. Vous avez décrit qu'un

 19   groupe de Chetniks est arrivé dans la région, dans le secteur. Est-ce que cela

 20   faisait partie d'une campagne d'intimidation ?

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, il est toujours bon de savoir

 22   exactement où ce récapitulatif se termine.

 23   Parce que ce que vous présentez n'est pas une pièce à conviction, et donc vous

 24   passez ensuite à l'interrogatoire du témoin.

 25   Donc, il faut tout simplement dire que vous avez commencé l'interrogatoire

 26   du témoin, pour que ce soit clair.

 27   Mme BIBLES : [interprétation] Je vais préciser pour le compte rendu que je viens

 28   de terminer le récapitulatif.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  2   Mme BIBLES : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Hadzic, pourriez-vous nous décrire le groupe de Chetniks qui est

  4   arrivé dans votre secteur en mai 1992.

  5   R.  Ce jour-là, j'étais au travail. A un moment donné l'après-midi, un grand

  6   groupe de Chetniks est arrivé de Mjehovina sous la direction de Pero Elez. Ils

  7   ont commencé à hurler en ville et à tirer, et cetera. Et nous étions environ à

  8   dix minutes de Kalinovik, il y a une colline entre les deux, donc je suis rentré

  9   chez moi pour que nous puissions quitter le village. Au début de la soirée,

 10   Grujo Lalovic, le président du Conseil municipal exécutif et président de la

 11   cellule de Crise de SDS a délivré un discours. Il a garanti notre sécurité et

 12   sûreté personnelle de nos biens. Il a déclaré que rien ne nous arriverait, qu'il

 13   exercerait de sa propre influence que les Chetniks avaient quitté Kalinovik et

 14   que cela ne se reproduirait pas. Et il a insisté que l'on reçoive des garanties

 15   de Trebinje, car cela ait fait partie de Trebinje par décision unilatérale en

 16   1992.

 17   Maintenant je parle de toutes ces réunions, est-ce que je peux dire quelques

 18   autres éléments.

 19   Q.  Monsieur Hadzic, si vous pouviez vous arrêter pendant une seconde, puis-je

 20   vous poser une question.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demanderais donc de ralentir pour que

 22   les interprètes puissent vous suivre.

 23   Si vous voulez bien continuer.

 24   Mme BIBLES : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur Hadzic, j'aimerais revenir sur les événements et vous poser des

 26   questions particulières.

 27   Vous avez décrit le groupe de Chetniks sous la direction de Pero Elez ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  Quand sont-ils arrivés à Kalinovik la première fois ?

  2   R.  Il s'agissait du 5 ou 6 mai. Je ne saurais vous dire la date exacte. Ils

  3   sont arrivés en groupe moins important même avant cela, mais ils ne s'étaient

  4   pas comportés de la façon dont ils l'ont fait ce jour-là, c'est-à-dire le 5 ou

  5   le 6 mai.

  6   Q.  Monsieur Hadzic, est-ce le même Pero Elez que vous avez vu le 5 août ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  C'était le même groupe qui est venu et qui vous a emmené le 5 août ?

  9   R.  C'est ce que je présume pour la bonne raison qu'ils étaient sous la

 10   direction de Pero Aliz, et c'est ainsi que je présume qu'ils étaient ses hommes.

 11   Q.  Pourriez-vous nous dire, à cette époque entre mai et juin 1992, y avait-il

 12   des Musulmans particuliers dans votre communauté qui avaient rencontré

 13   différentes personnes sur la question de sécurité ?

 14   R.  Oui. Il y avait des réunions. Je voulais vous en parler. Une réunion vers la

 15   fin du mois d'avril et organisée par Grujo Lalovic et le commandant du groupe

 16   tactique, qui a invité tous les représentants des villages musulmans à une

 17   réunion au conseil municipal, et qui nous a présenté les choses suivantes :

 18   Il nous a dit que nous ne devrions pas être effrayés, car avant cela --

 19   Q.  Monsieur --

 20   R.  Même avant cela, nous nous étions adressés au conseil municipal en leur

 21   demandant de nous permettre de quitter volontairement. Encore une fois, on a

 22   essayé de nous rassurer, de nous donner des garanties de sécurité personnelle,

 23   mais lors de cette réunion et en fait à la suite de cette réunion, sans doute,

 24   nous, tous les Musulmans, c'est-à-dire tous les Bosniens, les jeunes devaient se

 25   présenter au poste de police pour être enregistrés.

 26   Q.  Monsieur Hadzic, pour passer à une autre époque, pourriez-vous nous donner

 27   les noms de ceux dans la communauté musulmane qui avaient rencontré les Serbes

 28   au nom de la communauté musulmane ?


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  1   R.  Il s'agissait de Sacko Keso --

  2   L'INTERPRÈTE : Il y a un autre nom que l'interprète n'a pas saisi.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas de tous les noms de tous ceux

  4   de tous les villages qui ont pris part à la réunion à la municipalité ce jour-

  5   là.

  6   L'INTERPRÈTE : Tahir Panjeta et Pasum Resvic [phon].

  7   Mme BIBLES : [interprétation]

  8   Q.  Mais ce sont les personnes qui avaient rencontré les dirigeants serbes à

  9   intervalle, représentant la communauté musulmane ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  J'aimerais attirer votre attention sur les armes de batterie qui ont été

 12   pointées sur un village musulman en mai 1992.

 13   Dans votre déclaration, vous avez décrit qu'un certain nombre de la communauté

 14   musulmane s'était plaint directement auprès de Ratko Mladic quant à ces armes.

 15   Pourriez-vous nous dire où se trouvait Ratko Mladic quand cette conversation a

 16   été tenue ?

 17   R.  Eh bien, écoutez. Le lendemain après cette réunion, entre Ratko Mladic et

 18   les représentants de Golubici, eh bien, les parents proches de Ratko

 19   travaillaient dans ma société, la société dans laquelle je travaillais, et ils

 20   m'ont dit que ce jour-là Ratko Mladic et Velibor Ostojic sont arrivés en

 21   hélicoptère, et qu'ils se sont adressés aux Musulmans de Golubici pour pouvoir

 22   parler de la situation avec eux, pour pouvoir parvenir à quelque chose qui

 23   ressemblait à un accord, et les Musulmans se sont plaints du fait que ces

 24   batteries étaient dirigées vers Golubici, et que ça les gênait.

 25   Et le lendemain, ces armes ont été enlevées, et peu de temps après cela, ces

 26   pièces d'artillerie ont été rendues, ont été placées à nouveau dans les mêmes

 27   positions et dirigées vers le village de Golubici, et le village de Golubici a

 28   été bombardé au mois d'août et incendié au mois d'août également.


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  1   Q.  Pour revenir à la réunion que les Musulmans ont eue avec Ratko Mladic, êtes-

  2   vous au courant du message que Ratko Mladic souhaitait transmettre aux habitants

  3   du village ce jour-là du mois de mai ?

  4   R.  Eh bien, voilà, les choses se sont passées comme ceci. Il leur a dit que la

  5   Bosnie-Herzégovine deviendrait un Etat serbe, et que les lois de cet Etat serbe

  6   devaient être respectées.

  7   Q.  Monsieur Hadzic, je vous demande de bien vouloir porter votre attention sur

  8   les mosquées de Kalinovik.

  9   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, nous avons un fait jugé

 10   numéro 746 en la matière.

 11   Q.  Pourriez-vous nous dire, si vous le savez, qui était à l'origine de la

 12   destruction des quatre mosquées de Kalinovik ?

 13   R.  Les quatre mosquées à Kalinovik étaient utilisées avant la guerre, à

 14   l'exception d'une mosquée de Velisi [phon]. Entre 1991 et 1995, les trois

 15   mosquées de Kalinovik ont été incendiées. Le minaret a été plastiqué, et la

 16   mosquée qui se trouvait au village --

 17   L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine anglaise n'a pas saisi le nom du

 18   village.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Et la mosquée du village voisin a été détruite

 20   également.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur Hadzic.

 22   Je vous demande de bien vouloir vous concentrer sur les questions qui vous sont

 23   posées, Monsieur le Témoin. Qui a détruit les quatre mosquées ? Je ne vous

 24   demande pas comment ces mosquées ont été détruites mais qui est à l'origine de

 25   cette destruction ?

 26   Je vous demande de bien vouloir répondre à la question, s'il vous plaît.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai une réponse. Ceci a été fait par l'armée

 28   serbe.


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  1   Mme BIBLES : [interprétation] Merci.

  2   Q.  Monsieur Hadzic, je souhaite maintenant évoquer le moment où vous avez été

  3   détenu dans l'école primaire de Kalinovik, et ensuite au dépôt de munitions.

  4   Veuillez nous dire quelle était l'appartenance ethnique des gardiens qui

  5   montaient la garde dans ces centres de détention ?

  6   R.  Dans les deux endroits, les gardiens étaient d'appartenance ethnique serbe.

  7   Q.  Ces gardiens portaient-ils des uniformes ?

  8   R.  Oui, des uniformes gris et vert, des uniformes militaires, ainsi que des

  9   canons longs.

 10   Q.  Monsieur Hadzic, je souhaite que vous vous reportiez à ces premiers jours du

 11   mois d'août 1992. Lorsque vous étiez dans le dépôt de munitions, avez-vous

 12   entendu des tirs provenant d'armes automatiques ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Et pourriez-vous nous parler de cela. Ceci s'est passé quel jour du mois

 15   d'août ?

 16   R.  C'était le 1er août. C'était un samedi, lorsque, dans la soirée, les villages

 17   de Jarise [phon] et Karaula, le petit hameau, ont été incendiés et lorsque tous

 18   les habitants musulmans de ce village ont été emmenés et détenus dans l'école

 19   primaire de Kalinovik.

 20   Q.  Monsieur Hadzic, je souhaite maintenant que vous réfléchissiez à la date du

 21   5 août 1992.

 22   Les hommes qui sont venus vous emmener, pourriez-vous nous dire combien d'hommes

 23   faisaient partie de ce groupe-là ?

 24   R.  C'était un jour fort difficile et je n'aime pas m'en souvenir. Pero Elez et

 25   Milenko Vukovic, surnommé Njeko [phon], ainsi qu'un homme appelé Vukadin [phon],

 26   qui était notre gardien, sont entrés, ils ont appelé les noms de 12 prisonniers

 27   et leur ont dit de sortir. Ils étaient au nombre de trois ou quatre. Ils

 28   portaient des uniformes de camouflage. Après cela, ils ont emmené ces 12 hommes.


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  1   Après un certain temps, ils sont revenus encore une fois. Encore une fois, ils

  2   ont emmené trois hommes. Ils ont appelé leurs noms et ils ont dit à nous autres

  3   que nous devions nous préparer pour aller au KP Dom de Foca pour être échangés.

  4   Et nous les avons crus. Nous avons fait nos valises avec les quelques choses que

  5   nous avions, ensuite ils sont revenus pour nous dire que nous ne pouvions rien

  6   emporter avec nous. Ils ont dit qu'un jeune groupe d'hommes aurait les mains

  7   liées pour que ces hommes ne puissent pas partir. Ils ont commencé à leur

  8   ligoter les mains. Et ensuite, lorsque mon tour est venu, ils ont utilisé un fil

  9   de fer pour m'attacher les mains et nous ont dit de sortir.

 10   Au moment où nous avons quitté le bâtiment, j'ai été frappé très fortement par

 11   un bâton en bois, nous sommes ensuite montés à bord d'un véhicule 110, il y

 12   avait un soldat en uniforme qui était avec nous qui nous a dit que nous allions

 13   à Foca pour y être échangés.

 14   Q.  Monsieur --

 15   R.  Et ensuite --

 16   Q.  Monsieur Hadzic, je veux vous arrêter quelques instants.

 17   Pourriez-vous nous parler, s'il vous plaît, un petit peu -- vous avez dit qu'il

 18   s'agissait d'un TAM militaire, d'un TAM 110. Est-ce qu'il s'agissait d'un

 19   véhicule civil ?

 20   R.  Non, un véhicule militaire et un chauffeur militaire. Tous les chauffeurs

 21   qui conduisaient ces véhicules portaient des uniformes militaires. Il n'y avait

 22   qu'un seul véhicule civil qui était conduit par un Musulman. C'était le premier,

 23   donc si la route avait été minée, c'est lui qui allait sauter.

 24   Q.  Monsieur Hadzic, vous nous avez dit qu'il s'agit d'une journée difficile

 25   pour vous. Je vous demande maintenant de bien vouloir me parler de la fin de

 26   cette journée-là et vous demander de vous concentrer sur une ou deux questions

 27   que je vais vous poser.

 28   Lorsque la fusillade a commencé contre vous et un groupe d'hommes qui étaient


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  1   avec vous, quels types d'armes ont été utilisés à ce moment-là ?

  2   R.  Des armes automatiques, des fusils automatiques. Il y avait des salves qui

  3   étaient dirigées contre nous.

  4   Q.  Et qui tirait ?

  5   R.  Ils étaient cinq ou six des soldats en uniforme qui se trouvaient sur notre

  6   gauche, étant donné que nous étions tous en rang, l'un après l'autre, ils

  7   étaient là et ils nous ont tirés dessus. Moi, j'ai fait semblant d'être mort;

  8   j'étais simplement blessé. Et avant cela, ils ont sorti quatre membres de la

  9   famille Suljic. Ils leur ont attachés les mains et ont donné l'ordre de nous

 10   jeter dans une grange. Ils m'ont jeté dans une grange également. Et j'ai essayé

 11   de me mettre à l'abri de façon à ce que je ne sois pas recouvert des cadavres,

 12   mais à ce moment-là ils ont également tiré sur ces trois hommes. Et ils

 13   voulaient mettre le feu, et j'ai vu le quatrième membre de la famille Suljic

 14   être tué, et à ce moment-là ils ont versé de l'essence sur tout cela et y ont

 15   mis le feu.

 16   Et lorsque j'ai entendu qu'il y avait des véhicules qui se trouvaient sur place,

 17   et deux véhicules à bord desquels se trouvaient encore des prisonniers, j'ai

 18   réussi à m'échapper en courant. Même si j'avais été blessé à la jambe, j'ai

 19   réussi à sortir en courant et je suis tombé dans un ruisselet. Je ne sais pas

 20   combien de temps j'y suis resté. J'ai réussi à couper le fil de fer d'une

 21   manière ou d'une autre, je ne sais pas comment j'ai fait, et je me suis éloigné

 22   de cet endroit. Et je savais qu'à Huse il y avait des réfugiés musulmans. J'ai

 23   marché toute la journée, et à la fin de la journée j'ai pu rejoindre les

 24   réfugiés. C'est à ce moment-là que l'on m'a prodigué les premiers soins. C'est

 25   là que j'ai retrouvé les membres de ma famille, que j'ai poursuivi ma vie, même

 26   si je suis traumatisé encore aujourd'hui par tout ce qui m'est arrivé.

 27   Je veux vous expliquer ceci. Après cela, nous avons rencontré un autre homme. Je

 28   suppose que c'était Adem Hadzic. Ils l'ont tué, également. Donc, il y avait 24


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  1   corps au total dans cette grange qui ont été brûlés et aucune dépouille ne peut

  2   être retrouvée, car en 1999 les exhumations ont été faites, des bombes ont été

  3   retrouvées --

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous arrêter là. Bien évidemment,

  5   vous nous parlez de beaucoup de choses, choses que nous avons lues déjà et lues

  6   dans votre déclaration. Mme Bibles vous a posé une ou deux questions

  7   supplémentaires. La question était qui a tiré ?

  8   Et vous nous avez relaté des choses bien plus importantes, bien plus longues. Je

  9   vous demande de vous concentrer, en revanche, sur la question qui vous est posée

 10   par Mme Bibles et de répondre à sa question. Car ce dont vous nous avez parlé,

 11   bien sûr, sont des choses que nous avons lues. Le résumé a déjà été lu et il est

 12   public, et nous souhaitons entendre le plus d'éléments de preuve possible.

 13   Madame Bibles.

 14   Mme BIBLES : [interprétation]

 15   Q.  Donc, ces hommes qui ont été tués le 5 août, s'agit-il des hommes qui sont

 16   cités dans votre déclaration que vous avez remise aux autorités bosniaques ?

 17   R.  Oui.

 18   Mme BIBLES : [interprétation] En fait, les pages 3 et 4 de la pièce P139, j'en

 19   demande le versement, s'il vous plaît.

 20   Messieurs les Juges, je n'ai pas d'autres questions à poser à ce témoin.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant que vous asseyiez, je souhaite savoir

 22   si la réponse a été fournie à votre question qui a tiré ?

 23   Mme BIBLES : [interprétation] Je crois qu'il a dit dans sa déposition --

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il a dit qu'il s'agissait de quatre ou cinq

 25   soldats en uniforme. Je crois quand vous avez demandé "qui", je n'ai pas entendu

 26   de noms, s'ils sont connus.

 27   Mme BIBLES : [interprétation] Je peux préciser cette question.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.


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  1   Mme BIBLES : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur Hadzic, connaissiez-vous les hommes qui ont tiré ?

  3   R.  Je n'en connaissais aucun. Nous ne connaissions que Pero Elez qui était avec

  4   nous.

  5   Q.  Je vous remercie, Monsieur Hadzic. Je n'ai pas d'autres questions à vous

  6   poser.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame Bibles.

  8   Qui va contre-interroger le témoin ? Maître Stojanovic, ce sera vous ?

  9   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Me Stojanovic va maintenant vous contre-

 11   interroger. Il se trouve sur votre gauche. C'est le conseil de M. Mladic.

 12   Maître Stojanovic, pouvez-vous nous préciser combien de temps vous allez

 13   utiliser ?

 14   M. STOJANOVIC : [interprétation] J'ai déjà consulté mon confrère, et j'ai

 15   annoncé que mon contre-interrogatoire va durer 40 minutes, environ.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

 17   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci.

 18   Contre-interrogatoire par M. Stojanovic :

 19   Q.  [interprétation] Monsieur, je m'appelle Miodrag Stojanovic. Je viens de

 20   Bosnie-Herzégovine, comme vous. L'impression que j'ai c'est que nous parlons

 21   tous les deux assez rapidement. Je vais donc vous demander de ralentir un petit

 22   peu pour les interprètes. Est-ce que cela vous convient ?

 23   R.  Oui.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stojanovic, je suppose, parce que vous

 25   avez dit que vous êtes tous les deux des orateurs rapides, que vous allez

 26   ralentir tous les deux.

 27   M. STOJANOVIC : [interprétation]

 28   Q.  Monsieur, avant que je ne vous pose des questions. Pour le compte de M.


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  1   Mladic et des membres de son équipe de Défense, je dois vous exprimer mes

  2   profonds regrets pour tout ce que vous avez vécu, les traumatismes dont vous

  3   venez de nous parler et que vous citez dans votre déclaration.

  4   Permettez-moi maintenant de vous poser quelques questions.

  5   R.  Allez-y.

  6   Q.  Veuillez dire aux Juges de la Chambre, s'il vous plaît, si vous avez servi

  7   dans l'armée, et si oui, où ?

  8   R.  Oui. J'ai passé 18 mois en Slovénie, à Postojna. J'étais un type chargé des

  9   transmissions au niveau de l'artillerie antiaérienne.

 10   Q.  Veuillez nous dire à quel moment cela s'est passé et qui était votre

 11   commandant ?

 12   R.  C'était en 1966 et 1967. Le commandant de la batterie était Simo Bjelac

 13   [phon], un capitaine. Je ne peux pas vous dire davantage parce que cela remonte

 14   à un certain nombre d'années. Et après cela, il a été remplacé par un

 15   Macédonien, Laze Dukovski [phon], qui était également capitaine.

 16   Q.  Merci. Je vous ai posé cette question parce que je me suis rendu compte du

 17   fait que vous avez été formé à l'usage des pièces d'artillerie ?

 18   R.  Oui, c'était l'artillerie antiaérienne.

 19   Q.  Lorsque la guerre a éclaté, vous étiez à Kalinovik. Vous étiez le président-

 20   directeur général de la société des services publics à cet endroit-là ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Et à ce moment-là, apparteniez-vous à un quelconque parti politique ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Avez-vous eu l'occasion de rencontrer Ratko Mladic lorsque vous étiez plus

 25   jeune ou adolescent, à l'école ?

 26   R.  Je me souviens vaguement de lui, c'était un enfant, il jouait au football.

 27   Et après l'école primaire, il est allé dans une autre école. Moi, je suis resté

 28   à Kalinovik. Nous nous voyions de temps en temps mais par hasard. Je ne le


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  1   connais que pour l'avoir vu comme ça.

  2   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'avant la guerre, vous n'aviez

  3   jamais entendu des choses négatives à son sujet ?

  4   R.  Oui, je suis d'accord.

  5   Q.  Merci. Dans le courant de l'été 1992, c'est à ce moment-là que les

  6   événements tragiques se sont déroulés, comme vous nous l'avez relaté vous-même.

  7   Vous n'avez pas eu l'occasion de voir M. Mladic; c'est exact ?

  8   R.  Je ne l'ai pas vu à ce moment-là.

  9   Q.  Les informations qui vous ont été rapportées sur la conversation de M.

 10   Mladic avec les habitants du village de Golubici constituent des éléments de

 11   deuxième main.

 12   L'INTERPRÈTE : Est-ce que le témoin peut répéter les noms des personnes d'où il

 13   a obtenu ces informations.

 14   M. STOJANOVIC : [interprétation]

 15   Q.  Pour les besoins du compte rendu d'audience, veuillez répéter les noms des

 16   deux personnes de qui vous avez obtenu ces informations, mais veuillez ralentir,

 17   s'il vous plaît.

 18   R.  Marko Mladic et Cedo Coso, qui étaient des salariés de ma société.

 19   Q.  Merci. Et d'après ce que ces deux hommes vous ont dit, la demande des

 20   habitants du village de Golubici consistait à demander à ce que soit enlevé --

 21   ou plutôt, à ce que l'artillerie soit pointée dans une autre direction, qui

 22   était dirigée contre le village de Golubici ?

 23   R.  Non. Ce n'était pas pour changer de direction cette batterie, mais de les

 24   enlever de cette position-là.

 25   Q.  Et ça a été fait, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui. Mais de façon provisoire seulement. Cela n'a été que pour quelques

 27   jours.

 28   Q.  Alors je vais vous poser cette question-ci maintenant. Je vais poser une


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  1   question à propos de quelque chose que j'ai appris lorsque je me suis préparé

  2   dans cette affaire, et c'est quelque chose que je n'ai retrouvé dans aucune

  3   déclaration présentée aux Juges de cette Chambre. Est-il exact de dire qu'à un

  4   moment donné, on vous a fait venir au poste de sécurité publique de Kalinovik en

  5   1992 parce qu'ils souhaitaient vérifier quelque chose; vous étiez soupçonné

  6   d'avoir été un des organisateurs de la résistance de la population musulmane ?

  7   R.  Oui, c'est exact, ceci est effectivement arrivé. J'ai passé deux heures

  8   environ au poste de sécurité publique, j'ai eu un entretien, ensuite on m'a

  9   relâché et j'ai dû poursuivre mon travail. Et je dois dire que je n'ai jamais

 10   participé à une quelconque organisation que ce soit au plan de la résistance. Si

 11   cela avait été le cas, je ne serais pas resté à Kalinovik.

 12   Q.  Donc on a déterminé que ces suspicions étaient infondées, erronées, et que

 13   vous avez --

 14   R.  J'ai continué à faire mon travail.

 15   Q.  Oui. Vous avez continué à faire votre travail, et ce, jusqu'au 25 juin 1992,

 16   et vous comprendrez pourquoi je mentionne cette date précise. Vous n'avez nulle

 17   part été engagé du point de vue militaire, n'est-ce pas ?

 18   R.  Non.

 19   Q.  Ce jour-là, si j'ai bien étudié la documentation qu'on m'a donnée, suite à

 20   la réception d'une convocation pour une obligation de travail, vous avez été

 21   arrêté par des policiers originaires de Kalinovik, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui. Lorsqu'on est venu se présenter au secrétariat à la Défense nationale

 23   pour l'obligation de travail, on a été encerclés par des réservistes et des

 24   policiers d'active. Ils nous ont arrêtés et fait monter à bord de voitures. Il y

 25   a nombre de personnes qui avaient été prélevées chez elles pour être emmenées au

 26   camp. Et ça s'est passé dans les locaux -- enfin, on a été une soixantaine à

 27   avoir été emmenés vers une école primaire.

 28   Q.  Alors, au meilleur de vos souvenirs, ces policiers qui étaient présents lors


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  1   de votre arrestation et lors de votre acheminement vers l'école primaire, pour

  2   autant que vous vous en souveniez, ils s'appelaient Peric Milan et Doder Saso.

  3   R.  Oui. Ils sont venus à bord d'un TAM 110, une camionnette. Peric l'a garée et

  4   Doder nous a dit de monter. Gojko Lalovic s'y est opposé, lui qui était le chef

  5   de la protection civile. Il a dit que la réunion devait avoir lieu, et non pas

  6   procéder des arrestations. Alors, on était censés aller à une réunion et ça a

  7   servi d'opportunité pour, en fait, nous mettre aux arrêts.

  8   Q.  Merci. Oui, je vais vous demander de ralentir le plus possible.

  9   Alors, ces policiers à bord des véhicules que vous avez décrits vous ont amenés

 10   vers les locaux d'une école primaire à Kalinovik, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Et là-bas, vous avez été pris en charge par d'autres policiers, et c'est eux

 13   qui vous ont fouillés, vous tous qui aviez été amenés ?

 14   R.  Il y avait une dizaine ou une quinzaine de policiers de la réserve qui se

 15   relevaient. Ils nous gardaient à l'école primaire.

 16   Q.  D'après les déclarations que vous avez faites dans d'autres procès, vous

 17   vous souviendrez du fait que parmi ces policiers, parmi ces employés du poste de

 18   police de Kalinovik, il y avait Alexander Ceroneva, Predrag Terzic et Dusko

 19   Mandic; vous en souvenez-vous ?

 20   R.  Oui, c'est ceux-là qui nous ont fouillés à l'école primaire, oui.

 21   Q.  Pendant que vous vous trouviez à l'école -- excusez-moi.

 22   R.  Lorsqu'on nous a fait monter à bord des véhicules et amenés à l'école, à

 23   l'entrée de la salle de gym de l'école primaire, ils nous ont fouillés et ils

 24   nous ont dépossédés de tout objet pointu qu'on pouvait éventuellement posséder.

 25   Donc il n'y avait pas que ces trois-là. Il y avait dix ou 15 policiers de

 26   réserve qui avaient monté la garde autour de nous et qui se relevaient.

 27   Q.  Merci de cette explication. C'est justement la direction que je voulais

 28   emprunter.


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  1   Alors, ces individus qui vous ont gardés, c'étaient aussi des policiers, n'est-

  2   ce pas ?

  3   R.  Oui, des policiers de la réserve. Tout cela se passait à l'école primaire.

  4   Et d'autres personnes ont été détenues à l'entrepôt.

  5   Q.  Au bout de quelques jours, d'autres policiers, que vous avez déjà

  6   mentionnés, vous ont transférés avec les autres personnes détenues vers cet

  7   entrepôt qui a été réaménagé à ces fins ?

  8   R.  Je vais vous expliquer. Il est venu trois véhicules militaires avec des

  9   militaires en uniforme qui les conduisaient, et il est exact de dire que ces

 10   réservistes de la police nous ont escortés jusqu'à cet entrepôt et que là-bas

 11   nous avons été pris en charge par des gardiens qui étaient en uniforme.

 12   Q.  Merci. Je vais essayer de tirer les choses au clair.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, quand vous dites que c'étaient des

 14   gens d'active, étaient-ce des policiers ou est-ce que c'étaient des soldats

 15   d'active, des membres de l'armée ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] C'étaient des policiers d'active qui travaillaient

 17   pour la police de Kalinovik.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 19   Veuillez continuer.

 20   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge, de votre assistance.

 21   Je vais poursuivre dans la même direction.

 22   Q.  Une fois que vous êtes arrivés à cet entrepôt appelé l'entrepôt à poudre,

 23   est-ce que, au meilleur de votre souvenir, vous avez été accueillis par

 24   quelqu'un qui s'est présenté comme étant la personne en charge de l'entrepôt, --

 25   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas bien entendu le prénom.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez répéter le nom que

 27   vous venez de mentionner, Monsieur Stojanovic. Cet officier s'est présenté comme

 28   étant qui ?


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  1   M. STOJANOVIC : [interprétation]

  2   Q.  Je vais répéter tout doucement et je vais vous poser des questions au sujet

  3   de cet homme justement.

  4   L'homme qui vous a accueillis s'est présenté comme étant chargé de l'entrepôt à

  5   poudre, Djordje Slavaskraba ?

  6   R.  Oui.

  7   M. STOJANOVIC : [interprétation] Je vais épeler, Messieurs les Juges, parce que

  8   j'ai l'impression que, une fois de plus, ça n'a pas été consigné de façon

  9   correcte. Je sais que c'est un nom et prénom plutôt inhabituels. Avec votre

 10   autorisation, bien entendu.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes, allez-y. Vous n'avez pas besoin d'une

 12   autorisation pour le faire. Allez-y.

 13   M. STOJANOVIC : [interprétation] A-s-k-r-a-b-a D-j-o-r-d-j-i-s-l-a-v. Maintenant

 14   que c'est fait, j'espère que ça aura été utile.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vérifiez au compte rendu pour voir si c'est

 16   bien.

 17   M. STOJANOVIC : [interprétation] J'ai vérifié. C'est exact. Merci.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

 19   M. STOJANOVIC : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur, cet homme-là, est-ce que vous le connaissiez 

 21   déjà ?

 22   R.  Askraba Djordje, je le connaissais déjà parce qu'il y avait servi au poste

 23   de police de Kalinovik, et il est parti à Sarajevo pour y travailler. Il a été

 24   mis à la retraite là-bas. Et je connais ses origines parce que ma femme le

 25   connaissait. Et mon beau-père et son père avaient été témoins au mariage l'un de

 26   l'autre.

 27   Q.  Ai-je raison de dire que lui était le fils d'un dénommé Grujo ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  Et il a à peu près votre âge ?

  2   R.  Plus ou moins.

  3   Q.  Je vais vous demander une fois de plus de confirmer si, au meilleur de vos

  4   souvenirs, c'était lui aussi un policier ?

  5   R.  Un policier à la retraite. Il a été mis à la retraite en tant que policier.

  6   Et nous avons été gardés par lui dans ces installations-là, non pas dans un

  7   uniforme de la police, mais dans un uniforme de l'armée.

  8   Q.  Merci. J'aimerais attirer votre attention sur le temps que vous avez passé

  9   dans ces installations-là.

 10   M. STOJANOVIC : [interprétation] Mais donnez-moi, Messieurs les Juges, un

 11   instant, s'il vous plaît.

 12   Q.  Au meilleur de vos souvenirs, dans combien de locaux vous a-t-on placés dans

 13   cet entrepôt à poudre ?

 14   R.  On était dans une grande salle. Parce qu'avant la guerre, ça avait été un

 15   entrepôt d'explosifs de l'ex-JNA. Ça faisait 10 mètres de long et 16 mètres de

 16   large, et autour il y avait, de trois côtés, des obstacles en bois sur le béton.

 17   Et on nous avait fait coucher sur des planches, puisqu'il n'y avait pas lits ni

 18   quoi que ce soit d'autre. On nous a fait coucher sur des planches, des palettes.

 19   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'on vous a dit que vos

 20   familles pouvaient vous apporter des couvertures et le reste ?

 21   R.  Oui, le deuxième jour, quand on a pu rencontrer les membres de nos familles,

 22   mais après les visites ont été interdites.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stojanovic, votre question a été

 24   traduite s'il était possible au témoin de rendre visite à sa famille. Est-ce que

 25   c'est lui qui a rendu visite à la famille ou est-ce que la famille lui a rendu

 26   visite à lui ?

 27   Quelle était votre question au juste ?

 28   L'INTERPRÈTE : La cabine française précise que Me Stojanovic oublie et parle


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  1   extrêmement vite.

  2   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui. Je constate que ces lignes 16 et 17.

  3   Q.  Ma question était celle de savoir si on vous a fourni la possibilité de

  4   recevoir la visite de vos familles respectives dans ces installations du dépôt à

  5   poudre ?

  6   R.  Il n'y a pas que moi avoir reçu la visite, les autres familles sont venues

  7   aussi rendre visite aux leurs.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La chose a été tirée au clair.

  9   Veuillez continuer.

 10   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci.

 11   Q.  A l'occasion de ces quelques jours de séjour dans les locaux de l'entrepôt à

 12   poudre, est-ce que vous avez eu l'occasion de rencontrer M. Askraba ?

 13   R.  Oui. Tous les jours -- on n'est pas restés quelques jours. On est restés

 14   plus de 30 jours dans ces installations. Djordjislav Askraba, on l'a rencontré.

 15   Parce qu'à chaque fois qu'on avait besoin de quelque chose, on s'adressait à lui

 16   ou on demandait aux gardiens de s'adresser à lui. Si lui autorisait les choses,

 17   on pouvait recevoir un peu de vivres. Si ce n'était pas le cas, on ne recevait

 18   rien. Et je sais que pendant ces 30 jours et quelque, rien n'est entré dans

 19   l'entrepôt à poudre, si ce n'est des vêtements pour nous changer.

 20   Q.  Les personnes qui ont sécurité l'entrepôt à poudre, c'étaient des gens que

 21   vous connaissiez ?

 22   R.  Oui, je les connaissais tous, sauf un ou deux gars de Sarajevo et un homme

 23   de Foca. Je les connaissais tous, j'avais travaillé avec ces gens. J'avais

 24   fréquenté ces gens. Mais tout à coup ils ne me connaissaient plus parce que

 25   j'étais devenu un détenu du camp.

 26   Q.  Est-ce qu'à un moment donné vous avez eu l'occasion de faire la

 27   connaissance, de voir pendant que vous avez séjourné dans cet entrepôt à poudre,

 28   un homme que vous avez mentionné à l'interrogatoire principal, à savoir le


Page 1853

  1   dénommé Bundalo ?

  2   R.  Je ne pense pas avoir déclaré que c'est à l'entrepôt de poudre que j'ai vu

  3   Bundalo. Simo Bundalo, oui. C'est lui qui s'était présenté avoir été le

  4   commandant adjoint, mais je n'ai jamais dit que Bundalo Ratko était venu au

  5   camp.

  6   Q.  Eh bien, peut-être l'occasion est-elle bonne de vous poser la question que

  7   vous indiquiez aux Juges, si vous saviez qu'elles étaient les fonctions à

  8   l'époque de M. Bundalo ?

  9   R.  Pendant que j'étais en liberté, il était commandant de la localité. Il était

 10   venu de Rijeka. On a révoqué Rade Pavlovic, le commandant du poste militaire 27

 11   -- 27 et il a été remplacé par le lieutenant-colonel ou colonel Ratko Bundalo.

 12   Q.  Etes-vous d'accord avec moi pour dire que cet homme que vous venez de

 13   nommer, Ratko Bundalo, n'est ni originaire de Kalinovik, ni habitant de

 14   Kalinovik ?

 15   R.  Je vous ai dit que quand on avait eu des problèmes d'approvisionnement en

 16   eau, que j'étais allé le voir et il s'était présenté comme étant le commandant,

 17   et qu'il a dit qu'il s'appelait Ratko Bundalo.

 18   Q.  Mais est-ce que vous savez nous dire de quelle unité militaire il faisait

 19   partie ?

 20   R.  C'était un groupe tactique de Kalinovik. Je ne sais plus comment il

 21   s'appelait au juste de part la formation des unités. Il était chargé de Trnovo,

 22   Kalinovik et de Foca, me semble-t-il. Parce que c'est la raison pour laquelle il

 23   a écopé de 22 ans de prison dans un procès organisé par les autorités locales

 24   là-bas.

 25   Q.  Alors, ça va être la question. C'est la question que j'allais vous poser.

 26   M. STOJANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est peut-être le

 27   moment de faire une pause, parce que juste après j'ai l'intention d'utiliser ou

 28   de poser des questions qui sont liées aux toutes dernières réponses fournies par


Page 1854

  1   le témoin.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et de combien de temps pensez-vous avoir

  3   besoin après la pause, Monsieur Stojanovic ?

  4   M. STOJANOVIC : [interprétation] Comme je vous l'ai annoncé, Monsieur le

  5   Président, j'aurais besoin d'autant de temps que jusqu'à présent pour en

  6   terminer avec mon contre-interrogatoire du témoin.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ça ferait une heure, et je crois que vous

  8   aviez dit 40 minutes. Ça vous fait donc une rallonge de 20 minutes. Mais mis à

  9   part ce fait, 60 ou 70 % des questions que vous avez posées, c'était une demande

 10   de confirmation de choses que le témoin avait déjà dites, ou alors au sujet de

 11   ce qu'il a déjà dit dans son témoignage au principal.

 12   Alors, je vous prie d'essayer de vous concentrer sur ce qui est

 13   indispensable au niveau du contre-interrogatoire. Je vais consulter mes

 14   collègues pour ce qui est du temps qu'ils estiment nécessaires pour ce faire.

 15   [La Chambre de première instance se concerte]

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre s'attend à ce que vous terminiez

 17   en l'espace de 20 minutes après la pause. Donc, concentrez-vous pour ce qui est

 18   des questions contestées, et des questions pertinentes et importantes.

 19   Alors, je vais d'abord demander à ce que le témoin soit escorté hors du

 20   prétoire.

 21   Et nous allons faire une pause de 20 minutes. Monsieur Hadzic, je vous

 22   prie de suivre l'huissier.

 23   [Le témoin quitte la barre]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire une pause, et nous

 25   allons reprendre à 11 heures moins dix.

 26   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

 27   --- L'audience est reprise à 10 heures 55.

 28   [L'accusé est absent]


Page 1855

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges de la Chambre viennent de remarquer

  2   que M. Mladic ne se trouve pas dans le prétoire.

  3   Maître Stojanovic, on nous a informés que M. Mladic ne se sentait pas bien. Est-

  4   ce que vous pourriez nous donner plus d'informations, s'il vous plaît.

  5   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, Monsieur les Juges.

  6   Nous venons de quitter la pièce dans laquelle nous nous trouvions avec M.

  7   Mladic, nous avons essayé de gérer la situation, M. Mladic semblait très

  8   contrarié. Son visage était rouge. Mon collègue, Me Ivetic, est resté avec lui,

  9   et je suis revenu ici étant donné que c'était l'heure à laquelle l'audience

 10   devait reprendre.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Lorsqu'un accusé n'apparaît pas

 12   dans un prétoire, plusieurs questions doivent être abordées.

 13   Tout d'abord, est-ce qu'il renonce à son droit d'être présent. Et là, il suffit

 14   de répondre par oui ou par non.

 15   Et s'il renonce à son droit d'être présent, nous pouvons terminer les 20

 16   dernières minutes de contre-interrogatoire de ce témoin et ensuite réévaluer la

 17   situation, parce que de toute façon nous pourrons prendre une pause étant donné

 18   que le témoin suivant doit bénéficier de mesures de protection. Donc, est-ce

 19   qu'il renonce ou pas à ce droit.

 20   Deuxième aspect. M. Mladic ne souhaite pas renoncer à son droit d'être présent,

 21   et si l'on met fin à cette audience, il faudra déterminer quel est son état de

 22   santé exact. Au cours des derniers mois, les Juges de cette Chambre ont observé

 23   que M. Mladic avait souvent mentionné qu'il n'était pas en mesure d'être dans le

 24   prétoire, mais ça n'a pas toujours été confirmé par des rapports médicaux qui

 25   établissaient ou non s'il était à même physiquement d'être présent dans le

 26   prétoire.

 27   Donc, tout d'abord, j'aimerais que vous essayiez de déterminer auprès de M.

 28   Mladic s'il décide ou non de renoncer à son droit d'être présent pour terminer


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  1   donc le contre-interrogatoire du témoin présent et des questions supplémentaires

  2   du témoin présent, M. Hadzic, pour les 20 minutes à venir.

  3   Est-ce que vous pouvez essayer de déterminer cela pour commencer ?

  4   M. STOJANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur les Juges, je

  5   vous informe que lorsque j'ai quitté la salle où se trouvait M. Mladic, il n'a

  6   pas renoncé à ce droit. Il a fait quelques propositions en ce qui concerne la

  7   fin du contre-interrogatoire de ce témoin, et si vous voulez que je détermine si

  8   la situation sera changée, il faudra que je quitte cette salle d'audience pour

  9   voir dans quel état se trouve M. Mladic.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais le fait qu'il n'ait pas mentionné qu'il

 11   renonce à son droit ne signifie pas qu'il veut ou qu'il ne veut pas renoncer à

 12   son droit.

 13   Vous avez dit qu'il avait fait certaines propositions en ce qui concerne la fin

 14   du contre-interrogatoire de ce témoin. Bien sûr, il a la confidentialité entre

 15   votre client et vous-même. Cependant, s'il s'agissait d'aspect plus pratique,

 16   nous aimerions savoir quelles étaient ces propositions provenant de M. Mladic.

 17   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, Monsieur les Juges.

 18   Il s'agissait d'information confidentielle qui porte sur des éléments relevant

 19   de communications confidentielles entre le client et son conseil. Et ceci porte

 20   sur des questions qui devraient être posées durant le dernier volet du contre-

 21   interrogatoire de ce témoin.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Donc M. Mladic vous avait donné des

 23   instructions quant à la dernière partie du contre-interrogatoire de ce témoin.

 24   [La Chambre de première instance se concerte]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais que vous obteniez des

 26   instructions, pour savoir si M. Mladic renonce à son droit d'être présent,

 27   Maître Stojanovic. Donc, nous allons faire une pause de trois minutes.

 28   --- La pause est prise à 11 heures 02.


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  1   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  2   --- La pause est terminée à 11 heures 09.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous remarquons que M. Mladic est maintenant

  4   présent dans le prétoire.

  5   Peut-on faire entrer le témoin, s'il vous plaît.

  6   Maître Stojanovic, une fois que le témoin sera rentré dans le prétoire, il vous

  7   restera donc 20 minutes pour mettre un terme à votre contre-interrogatoire.

  8   [Le témoin vient à la barre]

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hadzic, Me Stojanovic va donc

 10   continuer à vous poser des questions dans le cadre de son contre-interrogatoire.

 11   C'est à vous, Maître Stojanovic.

 12   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

 13   Juges.

 14   Q.  Monsieur le Témoin, voilà donc où j'en étais. Vous avez mentionné des procès

 15   devant les tribunaux de Bosnie-Herzégovine lorsque nous avons commencé à vous

 16   poser des questions, n'est-ce pas?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord que dans plusieurs procès devant les tribunaux

 19   de Bosnie-Herzégovine, vous avez donc déposé au sujet de ces événements, n'est-

 20   ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Est-ce que vous pourriez confirmer aux Juges de cette Chambre que vous êtes

 23   comparu en tant que témoin dans le cadre de ces événements dans le procès contre

 24   Ratko Bundalo ?

 25   R.  Ainsi que le commandant Nedjo Zeljaja ainsi que Drago Savic de Trebinje.

 26   Tout ceci était lié aux événements qui ont eu lieu à Kalinovik. Peric, Doder et

 27   Terzic, également ont fait l'objet d'un procès, de procès dans lesquels vous

 28   vous êtes comparu, n'est-ce pas ?


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  1   Q.  Procédons par étape.

  2   R.  D'accord.

  3   Q.  Vous avez donc déposé dans différentes affaires ?

  4   R.  C'est exact.

  5   Q.  Vous avez --

  6   R.  [aucune interprétation]

  7   Q.  [aucune interprétation]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez ralentir, Maître Stojanovic, et

  9   ménager des pauses entre les questions et les réponses pour que nous sachions

 10   qui pose des questions et qui répond à ces questions.

 11   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui, je comprends bien.

 12   Q.  Vous avez également déposé dans l'affaire contre Ratko Bundalo. Il a

 13   également été condamné, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Vous avez également déposé dans l'affaire contre Djordjislav Askraba, n'est-

 16   ce pas ?

 17   R.  Oui, j'ai déposé dans l'affaire Askraba.

 18   Q.  Vous avez à un moment déposé dans le procès de Krsto Savic, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  En tant que policier haut gradé, il a également été condamné pour tous ces

 21   événements qui se sont produits, n'est-ce pas?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Vous avez également été témoin dans le procès contre ce policier que vous

 24   avez mentionné aujourd'hui, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Il s'agit de Milan Peric, Aleksander Cerovina, Pedro Savic [comme

 27   interprété] et un dénommé Saso [comme interprété], n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  N'est-ce pas ?

  2   R.  Oui, oui, j'ai déposé dans ces affaires.

  3   Q.  Est-ce que vous savez si ces personnes ont été acquittées ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Merci. Je ne vais pas donc vous poser d'autres questions à ce sujet.

  6   Dans ce cas-là, je vais passer à ce qui s'est produit le 5 août.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stojanovic, pour que je comprenne bien

  8   les questions que vous allez poser, si vous demandez un témoin s'il a été témoin

  9   dans d'autres affaires, et si ces personnes ont été acquittées, j'aimerais

 10   savoir ce que les Juges de cette Chambre doivent en conclure, ou comment devons-

 11   nous comprendre ces questions ? Est-ce que l'on doit en déduire que ces accusés

 12   ont été acquittés suite aux dépositions de ce témoin, ou est-ce que d'autres

 13   dépositions ont également eu lieu ?

 14   Quelles conclusions devons-nous tirer de ces questions ? Ou est-ce que

 15   vous laissez penser qu'un problème au niveau de la déposition de ce témoin a

 16   déclenché l'acquittement ?

 17   M. STOJANOVIC : [interprétation] Précisément. C'est exactement notre objectif.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, ceci n'est pas traité de

 19   manière appropriée. Dans ce cas-là, vous devriez nous fournir les dépositions

 20   des témoins. La manière dont vous avez abordé cette question ne crée aucun

 21   fondement pour ce que vous avancez, et d'une certaine manière, je dirais que

 22   ceci est même injuste à l'endroit du témoin.

 23   Veuillez continuer en gardant ceci à l'esprit.

 24   M. STOJANOVIC : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. Je ferai de

 25   mon mieux pour faire comparaître ces témoins dans ce prétoire.

 26   Q.  Et je vais donc vous poser une autre question.

 27   Vous avez mentionné que certaines personnes vous ont demandé de monter à bord de

 28   ces véhicules, et l'explication qui était fournie est qu'on vous avait acheminé


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  1   en direction du KP Dom Foca, à savoir Elez, Pero et un dénommé Zeko ?

  2   R.  Oui. Mais si vous me permettez, j'aimerais revenir à ces questions. Je ne

  3   suis pas d'accord pour dire qu'ils ont tous été acquittés. Suite à ma

  4   déposition, c'était Peric et Doder seulement. Les autres ont été condamnés et

  5   ont été déclarés coupables. Parce qu'on a l'impression qu'ils ont tous été

  6   acquittés sur la base de ce que j'avais dit, mais, en fait, certains ont été

  7   condamnés à différentes peines de prison allant jusqu'à 71 ans de réclusion.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si Me Stojanovic souhaite aborder cette

  9   question, nous entendrons ce qu'il a à dire, et nous espérons que ceci sera fait

 10   de manière appropriée; sinon, il peut passer à d'autres choses.

 11   Veuillez continuer, Maître Stojanovic.

 12   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Q.  Vous avez dit que ces personnes venaient de Mjehovina ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre à combien de kilomètres se trouve

 16   Miljevina de Kalinovik et de votre village ?

 17   R.  Je ne peux pas être très précis, mais Kalinovik est environ à 15 ou 16

 18   kilomètres de Miljevina. Il y a environ un kilomètre entre Kalinovik et mon

 19   village, donc, par conséquent, les deux sont distants de 16 kilomètres, environ.

 20   Q.  Ai-je raison de dire que Miljevina n'appartient pas à la municipalité de

 21   Kalinovik ?

 22   R.  Oui, Miljevina relève de la municipalité de Foca.

 23   Q.  Est-ce que vous vous souvenez qu'à ce moment donné, beaucoup de combat

 24   faisait rage à Rogoj - c'est un col - et que beaucoup de membres de la VRS y ont

 25   perdu leurs vies ?

 26   R.  Oui, j'ai entendu parler de cela.

 27   Q.  Est-ce que vous savez combien de soldats serbes ont été tués ?

 28   R.  Non. Mais vous essayez d'établir des liens. Un soldat qui perd la vie sur la


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  1   ligne de front, c'est une chose, mais tuer un civil, c'est autre chose.

  2   Q.  Ce que j'aimerais vous demander est la chose suivante : les hommes qui se

  3   trouvaient sur place juste avant l'exécution, est-ce qu'ils ont mentionné ce qui

  4   s'était passé à Rogoj ?

  5   R.  Non. Un soir, quelqu'un nous a dit que quelqu'un avait été tué à Rogoj, et

  6   que nous, on serait tous tués également. Et c'est ce qui s'est passé.

  7   Q.  Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre, compte tenu des informations que

  8   vous avez reçues par la suite, quand ces événements se sont produits à Rogoj ?

  9   R.  Je ne sais pas.

 10   Q.  En plus des noms que vous avez mentionnés, connaissiez-vous les personnes

 11   qui ont participé à ces exécutions ? Est-ce qu'il s'agissait de soldats, de

 12   civils, d'officiers de police ?

 13   R.  Nous étions surveillés par des soldats, et c'est les soldats qui nous ont

 14   fait partir. Il y avait également un véhicule de police qui nous suivait.

 15   Q.  Une de ces personnes s'est présentée comme un Chetnik de Niksic. Est-ce que

 16   vous vous en souvenez ?

 17   R.  Oui. Il a dit qu'il venait de Niksic.

 18   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que Niksic se trouve en

 19   Monténégro, et pas en Bosnie-Herzégovine ?

 20   R.  Oui. Et il a dit que c'étaient également des mercenaires.

 21   Q.  Mis à part cela, est-ce que vous pouviez en conclure, mis à part cela donc,

 22   que ces personnes venaient du Monténégro ?

 23   R.  Non. Pour ce qui est du dialecte et la manière dont ils parlaient, en fait

 24   ils ne parlaient pas monténégrin. Mon dialecte est monténégrin. Ils parlaient un

 25   dialecte de Bosnie.

 26   Q.  Vous avez mentionné un nom, Tomo Visnjevac. Et vous avez dit qu'il a parlé

 27   des incidents de Rogoj.

 28   R.  Ce n'était pas Tomo. C'était Zdravko.


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  1   Q.  Zdravko Visnjevac. Est-ce que vous connaissez quelqu'un répondant au nom de

  2   Tomo Visnjevac ?

  3   R.  Il était de Kalinovik. Il était chauffeur au centre de santé de Kalinovik.

  4   Et c'était Sjena, c'était son surnom, Zdravko Visnjevac, qui nous a dit qu'on

  5   serait tous tués.

  6   Q.  Est-ce que vous savez s'il était membre de la police militaire ?

  7   R.  Lorsque j'étais libre, je l'ai vu portant un uniforme militaire.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stojanovic, si vous donnez l'exemple,

  9   le témoin vous en boitera le pas.

 10   Il y a une partie de votre question qui semble manquer, Maître Stojanovic, parce

 11   que vous n'avez pas ménagé de pause.

 12   Est-ce que vous avez posé la question suivante ? "Est-ce que vous savez si

 13   c'était un membre de la police militaire ?"

 14   L'INTERPRÈTE : Note des interprètes de la cabine anglaise : Il était mentionné

 15   donc membre de la "police" ou membre de la "police militaire," mais ceci est

 16   trop rapide tant pour les interprètes que pour la sténotypiste.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stojanovic, apparemment, compte tenu

 18   de la vitesse à laquelle vous posez vos questions, votre question était :

 19   "Est-ce qu'il était membre de l'armée ou de la police ?"

 20   Et la réponse du témoin a été :

 21   "Lorsque j'étais libre, je l'ai vu porter un uniforme militaire."

 22   Si ceci reflète la question et la réponse que vous avez posées, dans ce cas-là

 23   vous pouvez continuer, mais plus lentement.

 24   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci.

 25   Q.  Monsieur le Témoin, j'aimerais terminer avec ma série de questions. Je

 26   voudrais revenir à la partie de votre récolement qui est lié à l'arrivée de M.

 27   Mladic.

 28   Est-ce qu'on vous a dit à quel endroit M. Mladic avait posé son hélicoptère ?


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  1   R.  A Bozanovici. Il y a un cimetière et il y a une prairie assez grande.

  2   Q.  Est-ce que vous savez sur quelle initiative cette réunion a été organisée

  3   avec les résidents de Golubici ?

  4   R.  On ne me l'a pas dit. Je ne sais pas.

  5   Q.  Est-ce que vous savez que M. Mladic a fait embarquer un des résidents de

  6   Golubici à bord de l'hélicoptère de façon à ce qu'il puisse voir la zone ?

  7   R.  Oui, c'est ce qu'on m'a dit.

  8   Q.  Et à cette occasion, il lui a promis que la demande de déplacement de

  9   l'artillerie serait honorée ?

 10   R.  Oui, c'est ce qu'on nous a dit et c'est ainsi que ça s'est passé pendant

 11   quelques jours.

 12   Q.  Dites-nous, si vous le savez, qui était cette personne qui se trouvait dans

 13   l'hélicoptère avec M. Mladic à l'époque ?

 14   R.  Je ne connais pas son nom. Je ne me souviens pas de son nom. Je sais qu'il

 15   est de Golubici, mais je ne peux pas dire que c'est telle ou telle personne.

 16   Q.  Connaissez-vous Milan Mandic ?

 17   R.  Milan Mandic ? Il y en a plusieurs des Milan Mandic à Kalinovik, donc je ne

 18   peux pas dire duquel il s'agit.

 19   Q.  Je vais conclure et vous poser une question qui porte sur votre comportement

 20   par rapport à la famille Mladic.

 21   Vous avez déclaré que par rapport à toutes vos difficultés, vous avez déclaré

 22   que vous n'avez pas eu la possibilité de voir l'un des membres quelconques de la

 23   famille Mladic ?

 24   R.  Non, non. Je voulais dire la famille Mladic, il y a également des Lalovic et

 25   d'autres qui sont des proches. Mais il n'y en avait pas un seul qui ait un nom

 26   de famille Mladic.

 27   Q.  Vous n'avez pas eu la possibilité d'entendre ou de savoir que l'un des

 28   membres du cercle intérieur de la famille Mladic est apparu quant aux événements


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  1   dont vous avez fait la déclaration ?

  2   R.  Je ne sais pas, mais il était membre de l'armée, Dusko Mladic. Je ne l'ai

  3   pas vu. Mais il s'est appuyé sur les mérites de M. Ratko et il était

  4   relativement proéminent.

  5   Q.  Mais vous n'avez pas vu cette personne à quelque moment que ce soit dans

  6   tous ces événements ?

  7   R.  Non.

  8   Q.  Eh bien, Monsieur, je vous remercie de votre déposition. Et M. Mladic m'a

  9   également déclaré de vous dire qu'il est prêt à vous serrer la main et de vous

 10   présenter ses excuses.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stojanovic, toute offre

 12   d'établissement de ces relations ne font pas partie prenante des dépositions.

 13   Donc il conviendrait que ceci soit traité en dehors du prétoire, et certainement

 14   pas au sein du prétoire.

 15   M. STOJANOVIC : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président.

 16   Q.  Et je remercie le témoin.

 17   R.  Je vous remercie.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, voulez-vous procéder au

 21   contre-interrogatoire [comme interprété] ?

 22   Mme BIBLES : [interprétation] Non.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puisque les Juges n'ont pas d'autres

 24   questions à vous poser, je vous remercie, c'est la fin de votre déposition.

 25   Je vous remercie d'être venu de si loin à La Haye pour répondre aux

 26   questions qui vous ont été présentées par les parties concernées et par les

 27   Juges de la Chambre, et nous vous remercions. Nous vous souhaitons un bon voyage

 28   de retour chez vous.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie de cette équité que vous

  2   m'avez démontrée en qualité de témoin. Et je remercie tant les Juges de la

  3   Chambre que la Défense et le Procureur.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous voulez bien faire sortir le témoin.

  5   [Le témoin se retire]

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque j'ai déclaré tout à l'heure qu'il

  7   nous faudrait sans doute faire une pause pour un témoin protégé, je me suis sans

  8   doute trompé car l'ordre des témoins du Procureur a changé. Et si j'ai bien

  9   compris, le Témoin RM010 est le suivant.

 10   Est-il nécessaire de mettre en place des mesures de 

 11   protection ? Parce que, jusqu'à présent, je n'ai reçu aucune demande en la

 12   matière.

 13   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, l'interrogatoire sera

 14   réalisé par Mme D'Ascoli, que j'aimerais vous présenter.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, Mme D'Ascoli. Oui, Madame D'Ascoli.

 16   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Oui, autant d'un pseudonyme qu'une distorsion de

 17   la voix.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc en s'appuyant sur d'autres affaires ?

 19   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Oui, de l'affaire Krajisnik. C'était donc la

 20   première procédure.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons faire une pause, tout

 22   particulièrement parce que la distorsion de la voix va prendre quelques instants

 23   en termes de préparatif.

 24   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Oui.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière d'audience, pourriez-vous

 26   nous dire de combien de temps il nous faudra ? Ce sera donc la deuxième pause.

 27   Il va nous falloir une deuxième pause de toute façon.

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il va nous falloir au moins 15 minutes.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quinze minutes.

  2   Eh bien, reprenons donc à 11 heures 45, et nous referons une autre pause

  3   de 20 minutes avant que de lever l'audience à 14 heures 15.

  4   Nous reprendrons donc à 11 heures 45.

  5   --- L'audience est suspendue à 11 heures 31.

  6   --- L'audience est reprise à 11 heures 50.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, je vous prie de nous excuser

  8   qu'il y ait malentendu de communication avec les Juges de la Chambre en ce qui

  9   concerne les mesures de protection, mais il est clair que le Procureur a

 10   toujours présenté la chose de façon appropriée.

 11   Etes-vous prête à demander à votre témoin suivant de se présenter ?

 12   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous demandons au

 13   Témoin RM010 de se présenter.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] RM010 sera escorté au prétoire. Il nous faut

 15   tout d'abord baisser les rideaux.

 16   J'aimerais souligner que lorsque les parties posent une question ou une réponse

 17   et qu'il y a risque de révéler l'identité du témoin, il convient alors de

 18   demander un huis clos partiel pour faire entrer en vigueur intégralement les

 19   mesures de protection demandées au préalable.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et, en outre, l'on vous demande également de

 22   fermer vos micros lorsque vous ne vous en servez pas, lorsque le témoin répond

 23   aux questions.

 24   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Madame D'Ascoli.

 26   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Eh bien, entre-temps, j'aimerais indiquer aux

 27   Juges de la Chambre les faits jugés que le Procureur va présenter pour ce

 28   témoin.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie. 

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame D'Ascoli.

  5   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Témoin RM010. Nous allons

  7   attendre pour que les stores soient relevés.

  8   Entre-temps, je vous informe qu'avant que de déposer, vous allez prononcer

  9   une déclaration solennelle, dont le texte va vous être remis par l'huissier. Si

 10   vous voulez bien attendre un instant jusqu'à ce que les stores soient relevés…

 11   Puis-je vous inviter à prononcer la déclaration solennelle.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la vérité,

 13   toute la vérité et rien que la vérité.

 14   LE TÉMOIN : RM010 [Assermenté]

 15   [Le témoin répond par l'interprète]

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Témoin RM010. Si vous

 17   voulez bien vous asseoir.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin RM010, votre déposition

 20   sera prononcée dans le cadre de mesures de protection. Personne en dehors de ce

 21   prétoire ne verra votre visage ni n'entendra votre propre voix, et nous ne

 22   prononcerons pas non plus votre nom réel. Vous êtes le Témoin RM010.

 23   S'il y a toute question qui, à votre avis, en y répondant, révélerait votre

 24   identité, n'hésitez pas à me demander que l'on passe en huis clos.

 25   Est-ce clair ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est clair. Je vous remercie.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous allez être interrogé par Mme D'Ascoli,

 28   qui est conseil pour le Procureur.


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  1   Si vous voulez bien procéder.

  2   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Interrogatoire principal par Mme D'Ascoli :

  4   Q.  [interprétation] Je vais vous présenter tout d'abord un document qui

  5   contient des informations qui ont trait à votre personne.

  6   Pourrions-nous avoir l'affiche pseudonymique de la liste 65 ter numéro 28355.

  7   Monsieur, si vous voulez bien regarder ces informations sur l'écran, mais ne

  8   lisez pas à haute voix, je vous prie.

  9   Pourriez-vous confirmer qu'il s'agit de votre nom et de votre date de naissance

 10   ?

 11   R.  Oui, je confirme.

 12   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Monsieur le Président, je verse cette pièce de

 13   la liste 65 ter au dossier.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 15   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Sous pli scellé, je vous prie.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 28355 reçoit la cote P140, sous

 17   pli scellé, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P140 est admis sous pli scellé.

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

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 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous passons à huis clos partiel.

 25   [Audience à huis clos partiel]

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 16  (expurgé)

 17   [Audience publique]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière d'audience.

 19   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur, pourriez-vous nous dire quels étaient la taille et le groupe

 21   ethnique de votre village ?

 22   R.  Le village comportait environ 800 maisons, et 75 à 80 % étaient Musulmans,

 23   le restant étant des Serbes.

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous voulez bien continuer.

 28   Mme D'ASCOLI : [interprétation]


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  1   Q.  Monsieur, pourriez-vous nous dire quelles étaient les relations entre les

  2   différents groupes ethniques dans votre village dans la période précédant le

  3   conflit en Bosnie ?

  4   R.  Il n'y avait pas de différences entre les deux groupes ethniques. Nous

  5   allions à l'école ensemble. Nous partagions nos vies. En fait, nous vivions les

  6   uns à côté des autres. Il n'y avait pas de problèmes.

  7   Q.  Pourriez-vous nous dire si ceci a changé en 1992 ?

  8   R.  Oui. Les premières manifestations de ce changement ont été remarquées en

  9   1991. Toutefois, au cours de 1992, ces différences se sont intensifiées, fin

 10   mars, avril. Et les choses se sont aggravées à la fin du mois de mai.

 11   Q.  Pourriez-vous décrire la situation dans votre village en mars 1992 ?

 12   R.  Au mois de mars, les tensions n'étaient pas aussi prononcées. Toutefois, des

 13   postes de contrôle ont été mis en place sur les collines et qui étaient donc

 14   gardés par des Serbes locaux. Et il y avait trois ou quatre de ces emplacements

 15   où les Serbes avaient leurs postes d'observation et observaient ce qui se

 16   passait dans le village.

 17   Mon village se trouve dans une vallée, donc, de ces postes d'observation, ils

 18   pouvaient observer nos mouvements, où nous nous rendions et ce que nous

 19   faisions.

 20   Q.  Vous déclarez qu'il s'agissait des postes de contrôle qui ont été mis en

 21   place dans les collines. Vous vous souvenez des emplacements exacts et le nom de

 22   ces emplacements, si vous vous en souvenez ?

 23   R.  Oui. De ma maison, je voyais l'un de ces postes d'observation, à Gologlovo,

 24   et de l'autre côté, de l'autre côté de la vallée en face de ma maison, il y

 25   avait un autre poste d'observation, à Ljunjevo [phon]. Il y en avait deux ou

 26   trois autres de la sorte, mais je ne les voyais pas de ma maison.

 27   Q.  Et vous avez déclaré que des Serbes étaient postés à ces postes de contrôle.

 28   Pourriez-vous être plus précis ? Ou pourriez-vous nous décrire qui ils étaient,


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  1   ces Serbes ?

  2   R.  C'étaient uniquement des Serbes. En 1993, c'étaient des habitants locaux

  3   avec des réservistes de l'armée de l'époque. Donc ces postes avaient des civils

  4   et des soldats qui y étaient postés. Les soldats allaient aux lignes de front de

  5   temps à autre, et lorsqu'ils rentraient chez eux, ils étaient postés et

  6   responsables de ces postes d'observation aux côtés des civils locaux.

  7   Q.  Passons au mois de mai 1992. Pourriez-vous nous dire s'il y a eu des

  8   changements quant à la situation dans votre village ?

  9   R.  Au début du mois de mai, et même avant cela, dans la direction de Sanica,

 10   sur le pont, il y avait un poste de contrôle où se trouvaient postés des agents

 11   de police en active et des forces de police. A partir de ce poste de contrôle,

 12   ils contrôlaient toute entrée et sortie de Sanica. Et à la fin du mois de mai,

 13   après le 25 mai, les Musulmans qui étaient membres des réservistes de la police

 14   ont été renvoyés du poste de police de Sanica parce qu'ils n'avaient pas accepté

 15   de signer ce qu'on a appelé le serment de loyauté aux forces de police de

 16   l'époque. Et ce jour-là, le 20 mai, le drapeau de la Republika Srpska a flotté

 17   sur le bâtiment de la police. Ils n'avaient pas signé ce document. Il leur a

 18   fallu rendre leurs armes et leurs uniformes, et ils ont dû rentrer chez eux.

 19   A partir de ce jour-là, seuls les agents réservistes et dans l'active qui

 20   étaient d'origine serbe ont continué à être postés au point de contrôle sur le

 21   pont de Sanica.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin RM010, vous parlez très

 23   vite. Si vous voulez bien ralentir pour que l'on puisse vous interpréter et que

 24   nous ne manquions pas un seul mot de votre déposition.

 25   Si vous voulez bien ralentir.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'ai une question. J'ai une question.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Je ferai de mon mieux.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si je puis vous demander une précision,


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  1   Monsieur.

  2   A la page 46, ligne 22, l'on a dit dans l'interprétation que vous aviez déclaré

  3   :

  4   "Ils n'avaient pas signé ce document."

  5   Et cette phrase vient tout de suite après que vous ayez déclaré que le drapeau

  6   flottait sur le poste de police. Avez-vous parlé de ce document qui n'avait pas

  7   été signé ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. L'un de mes proches de ma famille travaillait

  9   à la police.

 10   Le 25 mai, il a été invité à se rendre au poste de police de Sanica et on

 11   lui a demandé de signer un document, et donc de jurer loyauté, pour continuer à

 12   être membre de la force de police. Puisque ce document portait l'insigne des

 13   quatre S et qu'il devait jurer d'accepter la situation telle qu'elle était,

 14   c'est-à-dire que les Musulmans allaient renoncer à tous leurs droits, il n'a pas

 15   voulu signer ce document, qui était en fait un serment de loyauté, et donc il a

 16   été renvoyé chez lui.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 18   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je vais continuer.

 19   Q.  Les Serbes et les Musulmans étaient libres de se déplacer dans le village et

 20   de traverser ces points de contrôle ?

 21   R.  Non. A partir de ce moment-là, du 25 mai, les postes de contrôle de Sanica

 22   ne pouvaient être traversés que par les femmes et les enfants. Les hommes

 23   s'étaient vu interdire tout mouvement entre les villages. Les hommes se

 24   l'étaient vu interdire.

 25   Q.  Pourriez-vous nous dire quelles étaient les différences qui s'appliqueraient

 26   selon le groupe ethnique ?

 27   R.  Quand j'ai dit qu'il y avait des différences importantes entre les deux

 28   groupes ethniques, j'aimerais vous donner un exemple.


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  1   Un jour seulement après cela, des employés qui se trouvaient à l'usine de

  2   Sanica, 300 d'entre eux, ont été renvoyés chez eux le 26 mai. Et un certain

  3   nombre de villageois de mon village étaient dans un autocar. Quand ils sont

  4   arrivés au poste de contrôle de Sanica, tous les Musulmans ont dû descendre de

  5   l'autocar, et on leur a dit qu'il leur fallait continuer à pied. Seuls les

  6   Serbes ont pu continuer en autocar. Les Musulmans ont été avertis qu'ils ne

  7   pourraient retourner au travail, et non seulement à leur poste de travail, mais

  8   également à Sanica, le village. C'est-à-dire que leurs foyers ne se trouvaient

  9   plus à Sanica.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous voulez bien attendre que

 11   l'interprétation soit terminée. Si vous voulez bien ralentir. Je sais que c'est

 12   difficile.

 13   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur, vous, ainsi que les personnes que vous connaissiez, se sentaient-

 15   elles en sécurité pendant ces journées-là ?

 16   R.  Je ne pouvais, bien évidemment, pas me sentir en sécurité. J'étais surveillé

 17   24 heures sur 24 depuis une colline voisine. Je ne pouvais pas me déplacer comme

 18   je voulais. Je ne suis même pas aventuré sur une route qui se trouvait à 150

 19   mètres de ma maison parce que je ne me sentais pas en sécurité.

 20   Q.  Alors, pour préciser, lorsque vous dites que vous étiez surveillé 24 heures

 21   sur 24 depuis une colline voisine, est-ce que vous voulez parler de la colline

 22   sur laquelle se trouvait un poste de contrôle ?

 23   R.  Oui, exactement. Je parlais de ces collines voisines où se trouvaient ces

 24   postes de contrôle.

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 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à huis clos


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  1   partiel pendant quelques instants, s'il vous plaît.

  2   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, nous sommes à huis clos

  3   partiel.

  4   [Audience à huis clos partiel]

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 26   [Audience publique]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

 28   Mme D'ASCOLI : [interprétation]


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  1   Q.  Monsieur, je vais maintenant parler des événements qui se sont déroulés le

  2   10 juillet 1992.

  3   Pourriez-vous nous parler de ce qui s'est passé dans la matinée du 10 juillet ?

  4   S'il vous plaît, je souhaite vous rappeler de ne citer aucun nom et de ne

  5   mentionner aucun nom des membres de votre famille, étant donné que nous sommes

  6   en audience publique.

  7   R.  Le 10 juillet, dans la matinée, deux voisins qui venaient d'un autre

  8   quartier du village sont venus nous dire que tous les hommes âgés entre l'âge de

  9   18 et 65 ans devaient se rendre au bout du village dans une prairie et devaient

 10   y attendre des instructions.

 11   Lorsque nous traversions le village, j'ai remarqué une douzaine de soldats qui

 12   étaient cachés derrière les arbres. Lorsque nous sommes arrivés dans cette

 13   prairie, ce que nous avons découvert à cet endroit-là -- ou plutôt, la personne

 14   qui était là était un commandant de compagnie, ainsi que son adjoint et un homme

 15   chargé des transmissions.

 16   Lorsque nous nous sommes tous rassemblés dans cette prairie, il y avait dans les

 17   buissons et les haies une trentaine de soldats qui étaient cachés et qui

 18   brusquement sont sortis.

 19   Q.  Et ces uniformes que portaient ces soldats, à quoi ressemblaient-ils ?

 20   R.  Il s'agissait surtout d'uniformes vert olive et, de temps en temps,

 21   quelqu'un qui portait un uniforme de camouflage. Et je crois que tous ces

 22   hommes-là arboraient quelque chose qui ressemblait à un insigne ou à des

 23   brassards qui se trouvaient sur leur épaule gauche. Ils nous ont donné l'ordre

 24   de nous aligner et de nous mettre en colonne, par deux.

 25   Q.  Vous souvenez-vous des insignes que vous avez vus ? Pourriez-vous nous les

 26   décrire ?

 27   R.  Je vous ai dit qu'il s'agissait surtout de rubans qu'ils avaient sur le haut

 28   du bras, sur les épaules. Cette personne qui était responsable de nous avait un


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  1   insigne au niveau de la poitrine et ainsi que son adjoint. Les autres hommes

  2   arboraient d'autres choses. Il y avait, par exemple, l'aigle à deux têtes. Il y

  3   en avait qui arboraient quelque chose au niveau de leurs couvre-chefs. Et ceux

  4   qui avaient l'aigle à deux têtes, cela se trouvait au niveau de leur épaule

  5   droite. Ils avaient toutes sortes d'insignes et des choses comme ça, mais je ne

  6   me souviens pas de cela aujourd'hui.

  7   Q.  Et ce soldat vous a-t-il dit quelque chose ou vous a-t-il donné des raisons

  8   pour lesquelles vous étiez rassemblés à cet endroit-là ?

  9   R.  Oui. Au moment où nous étions en rang dans cette prairie, l'adjoint du

 10   commandant s'est adressé à nous, il nous a dit que nous aurions des entretiens,

 11   qu'on nous emmènerait à l'école primaire de Biljani et qu'une liste serait

 12   établie. Il y a des gens qui rentreraient, mais ceux dont les noms figuraient

 13   sur cette liste seraient emmenés au poste de police de Kljuc. Et il nous a

 14   également dit à cette occasion-là que ceux qui avaient moins de 18 ans et ceux

 15   qui avaient plus de 60 ans, que ces personnes pouvaient tout de suite rentrer

 16   chez elles.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je souhaite poser une question, s'il vous

 18   plaît.

 19   Saviez-vous à quelle organisation correspondaient ces insignes que vous avez vus

 20   sur les uniformes ? A quelle organisation ces insignes appartenaient ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, ceux-ci appartenaient à l'armée de

 22   réservistes de ce qui était alors la Republika Srpska.

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 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

 28   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à huis clos


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  1   partiel, Messieurs les Juges, s'il vous plaît.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel, s'il vous plaît.

  3   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

  4   Q.  [aucune interprétation]

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il vous plaît, nous attendons toujours la

  6   confirmation.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Messieurs

  8   les Juges.

  9   [Audience à huis clos partiel]

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 15   [Audience publique]

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

 17   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

 18   Q.  Monsieur, pourriez-vous nous dire si on vous a emmenés à un autre endroit

 19   depuis la prairie ?

 20   R.  Une colonne s'est mise en route que nous formions, nous étions deux par

 21   deux. Nous nous sommes dirigés vers l'école. Et nous avons parcouru 500 mètres.

 22   Lorsque nous sommes arrivés devant l'école, nous avons vu un nombre grandissant

 23   de soldats, il s'agissait des réservistes à l'époque. Et lorsque nous sommes

 24   arrivés devant l'école elle-même, j'ai vu que la police militaire, qui portait

 25   ces ceinturons blancs, se trouvait devant l'école. Nous pouvions voir très

 26   distinctement qu'ils s'habillaient, qu'ils mettaient leurs gants, leurs

 27   ceinturons blancs. Et juste au-dessus d'eux, sous un arbre, j'ai pu distinguer

 28   le commandant de la compagnie qui s'est approché de ces hommes, qui a dit


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  1   bonjour à deux ou trois de ces hommes. Et ces membres des forces de police nous

  2   a dit : Regardez ces bons soldats. Et un autre nous a insultés et nous a dit :

  3   Pourquoi avez-vous les bras dans le dos ? Il faut les mettre sur la tête et

  4   faire une révérence. Nous sommes entrés dans l'école par groupes de deux ou de

  5   trois. Et dans le couloir, ils nous ont fouillés tout d'abord, et ensuite nous

  6   avons dû placer nos mains sur les murs, et ils nous ont fouillés à nouveau pour

  7   voir si nous avions quelque chose sur nous. Ensuite, ils nous ont emmenés dans

  8   les salles de classe. Il y avait un policier à ce moment-là qui nous a dit que

  9   nous devions nous asseoir.

 10   Q.  Alors je vais vous interrompre pendant quelques instants, Monsieur. Quelque

 11   chose a-t-il été pris sur vous ? Vous dites avoir été fouillés, vous, ainsi que

 12   les autres personnes qui étaient avec vous ?

 13   R.  Ils ne pouvaient rien me prendre à ce moment-là parce que je portais un

 14   survêtement. Et j'ai vu devant moi et derrière moi qu'il y avait des gens qui

 15   ont dû vider leurs poches, mettre le contenu de leurs poches sur le sol, et tout

 16   ce qu'ils trouvaient, ils le prenaient.

 17   D'ordre général, c'était surtout de l'argent qu'ils trouvaient, et les papiers

 18   personnels, les papiers d'identité, en général, étaient jetés au sol.

 19   Q.  Et est-ce que vous avez pu voir ce qui advenait de ces documents, de ces

 20   papiers d'identité, de cet argent qui étaient jetés à terre ? Est-ce que les

 21   Serbes en ont fait quelque chose ou pas ?

 22   R.  Comme je vous l'ai dit, ils prenaient l'argent qu'ils trouvaient. Les

 23   papiers personnels, les papiers d'identité sont des choses qui sont restées à

 24   même le sol, et moi je n'ai pas remarqué ce qu'ils ont fait de cela.

 25   Q.  Pourriez-vous, Monsieur, nous donner une estimation du nombre de personnes

 26   qui étaient rassemblées dans l'école, d'après vos souvenirs ?

 27   R.  Nous étions une soixantaine environ de mon hameau, et ensuite il y avait des

 28   personnes d'autres hameaux. Je crois qu'il y avait entre 150 et 170 personnes,


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  1   au total, dans l'école.

  2   Q.  Et vous nous avez dit qu'on vous a amenés dans une salle de classe.

  3   Pourriez-vous nous donner une estimation du nombre de personnes qu'il y avait

  4   avec vous dans cette salle de classe ?

  5   R.  Je crois qu'il y avait environ 80 personnes dans cette salle de classe.

  6   Q.  Qu'est-il arrivé une fois que vous étiez dans cette salle de classe ?

  7   R.  Pour ce qui est des dix ou 15 premières minutes, rien ne s'est produit. Et

  8   dix minutes plus tard, un réserviste de la police est apparu en présence d'un de

  9   ses collègues, et ils ont commencé à préparer une liste. Ils sont allés d'une

 10   personne à une autre, d'un homme à un autre, et ceci a pris environ une

 11   vingtaine de minutes. Et après avoir terminé leur tâche, ils ont quitté la salle

 12   de classe. Et peu de temps après, un soldat est entré dans la pièce et a lu

 13   environ dix noms qui figuraient sur une liste. Il voulait vérifier pour voir si

 14   ces personnes se trouvaient bien dans la salle de classe. Neuf des personnes sur

 15   dix dont les noms ont été appelés se trouvaient dans la salle de classe. Ce

 16   soldat est parti ensuite. Et dix minutes plus tard environ, il y a eu quelqu'un

 17   qui pouvait être un soldat qui venait du couloir. Il a d'abord lu le nom d'une

 18   première personne, et cette personne a été emmenée, et ceci s'est poursuivi de

 19   la même façon, je crois que ceci se produisait tous les trois à quatre minutes,

 20   je ne peux pas vous le dire avec certitude --

 21   Q.  Je souhaite revenir sur certains passages de votre réponse.

 22   Vous nous avez dit que le réserviste de la police est apparu, et avec un

 23   collègue ils ont commencé à préparer une liste. Ils ont préparé une liste de

 24   quoi dans cette salle de classe ?

 25   R.  C'est exact.

 26   Q.  Et cette liste, de quoi s'agissait-il, qu'avait-il sur cette liste, si vous

 27   le savez ?

 28   R.  Eh bien, il s'agissait d'une liste du nom de toutes les personnes qui


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  1   étaient assises dans la salle de classe. Tous nos noms devaient être inscrits

  2   sur cette liste, y compris les noms de nos parents, et nos dates de naissance

  3   devaient être inscrites également sur la liste.

  4   Q.  Je voudrais maintenant vous montrer un document.

  5   Mme D'ASCOLI : [interprétation] A savoir le 65 ter portant la référence 17366.

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pendant qu'on attend le téléchargement, je

  7   voudrais demander un éclaircissement.

  8   Ces deux policiers qui ont constitué une liste - ces policiers de réserve, comme

  9   vous les avez qualifiés - comment savez-vous que c'étaient des policiers de la

 10   réserve ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je le sais bien parce que, une fois de plus,

 12   c'étaient des voisins. L'un d'entre eux avait un atelier de réparation de

 13   télévision. Et avant les événements, il réparait les téléviseurs dans le

 14   village. L'autre, c'était un autre voisin du hameau d'à côté qui travaillait --

 15   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas bien entendu.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] -- dans une usine à Sanica. Donc, ils n'étaient pas

 17   des effectifs de police à titre permanent.

 18   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce qu'ils portaient des uniformes ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ils portaient des uniformes bleu foncé ou bleu

 20   clair. Là, maintenant, je ne suis plus sûr.

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et plus tard, il y a eu un soldat dans la

 22   classe et qui est venu pour appeler des personnes par leurs noms; c'est bien

 23   cela ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Enfin, ce qui est vrai c'est qu'il y avait

 25   tout le temps un soldat à la porte. Un autre soldat est venu de l'extérieur avec

 26   des papiers en main, et il a interpellé les personnes.

 27   Peut-être n'ai-je pas précisé les choses au sujet de ce soldat à l'entrée --

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, vous l'avez mentionné. Mais je


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  1   voulais savoir si ce soldat était en uniforme, et, si oui, quel type d'uniforme

  2   portait-il ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je pense que c'était un uniforme de

  4   camouflage.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] De quelle couleur ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Gris vert, vert gris, enfin avec des éléments

  7   bariolés. C'était un uniforme de camouflage.

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

  9   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

 10   Q.  Monsieur, est-ce que vous pouvez voir maintenant ce document sur votre écran

 11   ? Il s'agit d'une liste de 76 personnes.

 12   R.  Oui, je la vois.

 13   Q.  Je demande de vous pencher sur ce document, je vous demande de ne mentionner

 14   aucun nom afin de ne pas révéler votre identité.

 15   Mais est-ce que c'est un document que vous avez déjà pu voir auparavant ?

 16   R.  Oui. Il me semble que j'ai déjà vu cette liste à un procès autre.

 17   Q.  C'est un document à caractère cyrillique. Est-ce que vous pouvez lire

 18   l'alphabet cyrillique, Monsieur ?

 19   R.  Quand c'est imprimé, je sais bien lire, mais quand c'est écrit à la main,

 20   c'est un peu plus difficile.

 21   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je voudrais que nous passions à huis clos

 22   partiel, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je crois que nous sommes déjà à huis

 24   clos partiel … non, ce n'est pas le cas.

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 26   [Audience à huis clos partiel]

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 24   [Audience publique]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 26   Allez-y, Madame.

 27   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Oui, je voudrais demander le versement au

 28   dossier du 65 ter 17366.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sous pli scellé, j'imagine ?

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  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

  5   Madame la Greffière.

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 17366 deviendra la pièce à

  7   conviction P141, Messieurs les Juges.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'entends pas d'objection. Donc, ce P141

  9   sera versé au dossier sous pli scellé.

 10   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer, je vous prie.

 12   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

 13   Q.  Monsieur, je me propose de vous montrer un autre document, le 65 ter 17367.

 14   Monsieur, il s'agit d'une liste de 125 noms. Est-ce que vous connaissez le

 15   document ?

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce document n'a pas à être diffusé à

 17   l'intention du public.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense l'avoir vu à l'occasion d'interrogatoire

 19   précédent.

 20   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

 21   Q.  Est-ce que vous avez pu examiner les noms qui figurent sur cette liste ?

 22   R.  Oui, j'ai eu l'occasion de feuilleter quelque peu tout ceci.

 23   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je voudrais demander un huis clos partiel, à

 24   présent, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On va passer à huis clos partiel.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Messieurs

 27   les Juges.

 28   [Audience à huis clos partiel]


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  4   [Audience publique]

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière d'audience.

  6   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur, savez-vous ce qu'il est advenu des personnes qui figurent sur

  8   cette liste ?

  9   R.  Ces personnes qui figurent sur cette liste ont soit été tuées ce jour-là

 10   soit un autre jour, parce qu'en 1996 leurs corps ont été exhumés aux endroits où

 11   ils avaient été enterrés.

 12   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 13   j'aimerais verser au dossier le document de la liste 65 ter 17367.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objection.

 15   Donc, Madame la Greffière d'audience.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document de la liste 65 ter 17367 devient

 17   la pièce P142.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sous pli scellé.

 19   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je crois que c'est un bon moment pour faire la

 20   pause.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je comptais faire une pause dans cinq

 22   minutes, mais ça peut convenir également. Donc nous reprendrons à 13 heures 10,

 23   et nous aurons notre dernier volet d'audience jusqu'à 14 heures 15.

 24   Peut-on baisser les stores et faire sortir le témoin du prétoire, s'il vous

 25   plaît.

 26   [Le témoin quitte la barre]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame D'Ascoli, compte tenu du temps

 28   que vous aviez prévu, est-ce que je peux en déduire vous pourrez terminer votre


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  1   interrogatoire principal durant la prochaine audience ?

  2   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous faisons une pause, et nous

  4   reprendrons à 13 heures 10.

  5   --- L'audience est suspendue à 12 heures 52.

  6   --- L'audience est reprise à 13 heures 11.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-on faire rentrer le témoin dans le

  8   prétoire. En attendant qu'il rentre, veuillez baisser les stores, s'il vous

  9   plaît.

 10   [La Chambre de première instance se concerte]

 11   [Le témoin vient à la barre]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin RM010, veuillez prendre

 13   place.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame D'Ascoli va continuer à vous poser des

 16   questions dans le cadre de son interrogatoire principal.

 17   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   Q.  Monsieur le Témoin, j'aimerais revenir à ce qui s'est passé dans cette salle

 19   de classe.

 20   Vous avez répondu à la page 56 du compte rendu d'audience d'aujourd'hui, que le

 21   premier groupe de personnes qui a été appelé était composé de neuf à dix

 22   personnes, et vous avez décrit aux Juges de la Chambre le soldat qui avait donc

 23   appelé les noms des membres de ce groupe.

 24   Est-ce que vous vous souvenez des noms de ces personnes dont les soldats ont

 25   appelées les noms, personnes qui faisaient partie du premier groupe ?

 26   R.  Oui. Je me souviens de plus de la moitié d'entre eux. Je peux vous donner

 27   les noms.

 28   Q.  Oui, s'il vous plaît. Si vous vous souvenez des noms…


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  1   R.  Omer Dervisevic. Smajo Mujazinovic, Ferahim Cehic, Elvir Cehic et Jasmin

  2   Cehic, Ale Cahic, Smajo Avdic, Habir Avdic. Je ne me souviens que de ces noms,

  3   mais je crois qu'il y avait d'autres personnes.

  4   Q.  Compte tenu de l'endroit où vous vous trouviez dans cette salle de classe,

  5   est-ce que vous avez pu entendre ou voir ce qui se passait hors de cette pièce

  6   après que cet homme ait quitté cette salle de classe ? Et pouvez-vous nous dire

  7   également où vous vous trouviez dans cette pièce ?

  8   R.  J'étais assis à proximité de la fenêtre. Lorsque les noms ont été appelés un

  9   par un, lorsque les premières personnes sont sorties, on ne pouvait rien

 10   entendre mis à part quelques coups de feu ici et là, mais lorsque la quatrième

 11   ou la cinquième personne est sortie, on a entendu des tirs beaucoup plus

 12   prononcés au-delà de l'école, plus vers le haut. Un des soldats qui se trouvait

 13   à l'entrée de la salle de classe, il a dit : Ne vous inquiétez pas. Ce sont les

 14   Bérets verts qui lancent une attaque. Nous allons envoyer notre patrouille, et

 15   tout ceci va être résolu très rapidement. Vous êtes en sécurité.

 16   Q.  Est-ce que d'autres groupes de personnes ont été appelés par leur nom après

 17   le départ de ce premier groupe composé de neuf ou dix personnes ?

 18   R.  Après une dizaine de minutes -- en fait, au moment où l'on prenait nos noms,

 19   j'ai vu la chose suivante par la fenêtre : deux autocars sont arrivés dans la

 20   cour de l'école, les bus de Sana Rops [phon]. C'était une société d'autocars

 21   locale. Dix minutes après les premiers appels de noms de personnes, un policier

 22   est arrivé et a dit que maintenant cinq d'entre nous devaient sortir dans le

 23   couloir et que l'on serait embarqués à bord de ces bus là-bas.

 24   Les gens ont commencé à quitter --

 25   Q.  [aucune interprétation]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une seconde, s'il vous plaît.

 27   Veuillez continuer.

 28   Mme D'ASCOLI : [interprétation]


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  1   Q.  Avant de continuer, pouvez-vous nous dire si ces bus étaient pleins ou vides

  2   ?

  3   R.  Les bus, ou les autocars, étaient vides lorsqu'ils sont arrivés devant

  4   l'école à Biljani.

  5   Q.  Donc vous avez également été appelé pour faire partie d'un groupe à un

  6   moment donné. Pourriez-vous nous décrire ce qui s'est produit ensuite ?

  7   R.  Oui. Avant que ce ne soit mon tour, une des personnes dans la classe, Osman

  8   Avdic, a vu par la fenêtre que certaines personnes étaient tuées. Et à ce

  9   moment-là, il a dit : Ils vont tous nous tuer. Il a eu un vent de panique dans

 10   la classe.

 11   Et l'homme devant l'entrée a donné l'ordre suivant : il a dit que toutes les

 12   personnes qui étaient âgées, c'est-à-dire des personnes qui avaient plus de 50,

 13   devaient se retirer vers le fond de la salle de classe et que les plus jeunes

 14   devaient se rapprocher de la porte.

 15   Donc mon tour est arrivé et, avec cinq personnes qui étaient à côté de

 16   moi, j'ai quitté cette salle de classe et j'ai emprunté le couloir de l'école,

 17   et nous sommes arrivés à proximité de la porte d'entrée.

 18   Q.  Je vous interromps une seconde. Compte tenu de ce que vous avez observé et

 19   entendu alors que vous étiez dans cette salle de classe, selon vous,

 20   qu'advenait-il des personnes dont les noms avaient été appelés et qui faisaient

 21   partie des groupes qui précédaient le vôtre ?

 22   R.  Alors que nous nous trouvions encore dans la salle de classe nous avons

 23   entendu des personnes qui étaient battues et nous avons entendu également des

 24   tirs. Et j'ai vu personnellement un des soldats qui étaient à l'extérieur

 25   emporter cinq hommes vers les maisons qui étaient en contrebas de l'école et il

 26   est revenu seul.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une seconde, s'il vous plaît.

 28   Pouvez-vous parler plus lentement et également ménager une pause après la


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  1   réponse du témoin.

  2   Veuillez continuer.

  3   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je vais le faire.

  4   Q.  Monsieur le Témoin, vous avez dit que vous aviez vu un des soldats qui se

  5   trouvaient à l'extérieur qui a emmené cinq hommes vers des maisons qui étaient

  6   en contrebas de l'école. Où vous trouviez-vous quand vous avez observé cela ?

  7   R.  J'ai observé ceci à partir du bureau où je me trouvais dans la salle de

  8   classe. J'étais donc assis et j'ai vu la rue goudronnée qui est en contrebas de

  9   l'école ainsi que la cour de l'école. Il y avait pas mal de policiers, et j'ai

 10   également vu les autocars.

 11   Q.  Ces neuf à dix personnes que vous avez mentionnées comme faisant partie du

 12   premier groupe qui sont sorties de la salle de la classe, est-ce que vous les

 13   avez jamais revues depuis ?

 14   R.  Non. Bien au contraire, je ne les ai jamais revues en vie.

 15   Q.  Pouvez-vous continuer en nous disant ce qu'il est advenu de vous et du

 16   groupe dont vous faisiez partie une fois que vous avez quitté cette école.

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 26   Moi, j'ai également descendu ce terrain, et à 3 ou 4 mètres j'ai vu un visage

 27   que je connaissais, c'était un Serbe de la police spéciale. Etant donné que je

 28   le connaissais, je l'ai regardé droit dans les yeux, il en a fait de même, et


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  1   puis il a détourné son regard. Et j'ai dit : Très bien, il m'a reconnu et il va

  2   dire à ces autres policiers en contrebas, ne le battez pas, c'est mon collègue.

  3   Lorsque je suis arrivé à proximité de lui, il s'est tourné et il m'a donné

  4   un coup de poing dans l'estomac, et ensuite j'ai bien compris que je devais

  5   parcourir le passage où se trouvaient les dix soldats aussi rapidement que

  6   possible. Mais j'ai été battu également, et lorsque je suis arrivé au niveau du

  7   bus, un des policiers m'a 

  8   dit : Est-ce que vous voulez aller vous asseoir ? Une dizaine de personnes m'ont

  9   battu sur le dos et sur la tête. Après une minute ou un peu moins, il m'a

 10   autorisé à monter à bord du bus et il m'a donné des coups de pied au derrière

 11   également, si vous me pardonnez l'expression. Il m'a dit de m'asseoir et d'aller

 12   jusqu'au bout du bus.

 13   Q.  Oui. N'oubliez pas que vous devez ralentir quand vous répondez à mes

 14   questions.

 15   Monsieur le Témoin, pour obtenir quelque précision, je voudrais vous poser la

 16   question suivante. Vous avez dit qu'alors que vous sortiez de la salle de

 17   classe, vous avez été battu par un policier -- tout d'abord, par un membre de la

 18   police spéciale, et ensuite, lorsque vous êtes monté à bord du bus, vous avez

 19   été battu par des policiers.

 20   Pourriez-vous décrire les uniformes que portaient ces personnes, si vous

 21   vous en souvenez ?

 22   R.  La police spéciale ? Eh bien, je sais que c'était la police militaire parce

 23   que, pour la plupart d'entre eux, ils portaient des uniformes de camouflage

 24   ainsi que des ceintures blanches, alors que les autres soldats avaient des

 25   uniformes de camouflage ou des uniformes kaki, pour la majorité d'entre eux.

 26   Q.  Une fois que vous êtes monté dans ce bus, est-ce que vous avez vu qui le

 27   conduisait ?

 28   R.  Tout d'abord, je n'ai pas vu le chauffeur parce qu'il n'était pas encore


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  1   présent. Lorsque nous sommes partis en direction de Kljuc, c'est-à-dire lorsque

  2   nous sommes sortis de la cour, le chauffeur est monté à bord du bus, et il a

  3   tout d'abord crié en disant : Je n'arriverai pas à vous conduire jusqu'à Kljuc.

  4   Mes pneus sont à plat. Donc j'ai relevé un peu la tête et j'ai reconnu le

  5   chauffeur. Je sais que c'était un Serbe. Il portait des habits civils. Je ne me

  6   souviens pas de son nom. Mais quand j'allais à l'école à Kljuc, c'était la même

  7   personne qui me conduisait à Kljuc.

  8   Q.  Pouvez-vous nous dire ce qu'il est advenu lorsque le chauffeur s'est rendu

  9   compte qu'il ne pouvait pas vraiment faire partir le bus ?

 10   R.  Lorsque nous sommes montés à bord du bus, j'étais un des premiers à être

 11   assis sur le plancher. Il y avait déjà 45 ou 50 sièges qui étaient déjà occupés.

 12   Donc, au moment où le bus se remplissait, il n'y avait qu'une vingtaine de

 13   personnes qui pouvaient s'asseoir à même le plancher. J'étais pas loin de la

 14   porte arrière du bus, donc je pouvais facilement voir l'école et la porte

 15   d'entrée, ainsi que le tilleul sous lequel les commandants de ces unités -

 16   enfin, c'étaient probablement les commandants de ces unités - se trouvaient. Je

 17   me souviens très bien --

 18   Q.  Je vous interromps une seconde.

 19   Compte tenu des observations que vous avez faites, c'est-à-dire le nombre

 20   de places assises et les personnes qui étaient assises à même le plancher,

 21   pourriez-vous nous dire combien de personnes environ se trouvaient à bord de ce

 22   bus ?

 23   R.  Je crois que je l'ai déjà dit, entre 70 et 75 personnes.

 24   Q.  A bord de ce bus ?

 25   R.  Effectivement, oui.

 26   Q.  Pourriez-vous maintenant nous expliquer comment vous êtes finalement sorti

 27   de ce bus ?

 28   R.  Comme je le disais, le bus venait de partir, et après avoir parcouru une


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  1   dizaine ou une quinzaine de mètres - toujours dans la cour - le chauffeur s'est

  2   arrêté et un officier de la police militaire portant une ceinture blanche est

  3   monté à bord du bus et a demandé de l'aide à quatre ou cinq hommes d'une carrure

  4   assez imposante. Il a dit qu'il avait besoin d'eux.

  5   A ce moment-là, j'ai donc relevé la tête et j'ai vu qu'il a fait sortir

  6   quatre hommes. J'en ai reconnu deux sur les quatre. Ils sont donc sortis du bus

  7   --

  8   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Peut-on passer à huis clos partiel, s'il vous

  9   plaît.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allons-y.

 11   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous y sommes.

 12   [Audience à huis clos partiel]

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  6   [Audience publique]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  8   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur, j'aimerais que vous poursuiviez votre déposition en disant aux

 10   Juges de la Chambre ce qui s'est produit une fois que vous êtes sorti du bus.

 11   R.  Lorsque je suis sorti du bus, je crois que j'étais le deuxième à descendre

 12   de ce bus, et avant de monter à bord de l'autre bus qui était à dix mètres du

 13   premier, je voulais donc monter à bord de ce bus, mais un policier à la porte

 14   m'a dit : Non, vous allez emprunter la porte arrière.

 15   J'étais déjà sur la première marche, d'autres sont passés à côté de moi,

 16   et lorsque je suis revenu pour les suivre, j'étais donc le dernier dans cette

 17   file de personnes. Nous sommes arrivés au niveau de la porte arrière du bus, et

 18   je n'ai pas trop compris où ils nous emmenaient. Cependant, cinq ou dix mètres

 19   plus loin, ils nous ont emmenés derrière une maison, en direction de la prairie,

 20   et les premiers ont commencé à crier en disant : Mon Dieu, qu'est-ce que c'est,

 21   tout cela ?

 22   Au début je n'ai pas vu, mais j'ai senti --

 23   Q.  Avant de continuer, vous avez dit "ils," au pluriel, "nous emmenaient là-

 24   bas."

 25   Pourriez-vous nous dire de qui vous parlez, et pouvez-vous décrire quels

 26   vêtements ils portaient ?

 27   R.  Il s'agissait d'uniformes de camouflage, des agents de police de la police

 28   spéciale de Kljuc, parce qu'ils avaient des ceintures blanches. Ils étaient au


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  1   nombre de deux.

  2   Q.  Etaient-ils dans l'autocar avec vous, ou sont-ils arrivés lorsque l'autocar

  3   s'est arrêté ?

  4   R.  Je crois qu'ils sont arrivés lorsque l'autocar s'est arrêté. 

  5   Q.  Pourriez-vous nous dire s'ils pointaient leurs armes sur vous, ou, sinon,

  6   quels étaient les circonstances dans lesquelles vous avez été accompagnés pour

  7   sortir de l'autocar ?

  8   R.  Tout le temps, ils avaient des armes tournées sur nous, c'est-à-dire que

  9   nous étions sous les armes en constance, et ils nous ont montré la direction du

 10   canon de leurs armes, et ils nous poussaient également du canon de leurs armes.

 11   Q.  Pourriez-vous poursuivre votre récit et nous dire ce qui est arrivé une fois

 12   que vous avez été poussé vers la maison ?

 13   R.  Lorsqu'ils se sont arrêtés, j'ai senti le bout du canon dans le dos, et j'ai

 14   entendu la personne crier qui nous [inaudible] et injuriait nos mères, et qu'il

 15   nous a dit de continuer, d'aller plus vite. J'ai vu que l'on allait un peu plus

 16   vite, ceux qui étaient devant moi. Et puis, quand ça a été mon tour, j'ai vu

 17   quatre corps gisant devant moi, devant mes pieds, dans l'herbe.

 18   Quand je l'ai vu, j'étais frappé de terreur, de panique, et j'ai regardé.

 19   L'un d'entre nous s'est enfui vers la droite et a commencé à s'échapper, et moi,

 20   avec mon voisin -- en fait, il est allé vers la droite, et nous, nous sommes

 21   partis vers la gauche. Et nous n'avons pas réussi à aller au-delà de cinq à six

 22   mètres quand j'ai entendu le même hurlement : Ne tentez pas de vous échapper.

 23   Encore une fois, ils ont [inaudible] nos mères et nous-mêmes.

 24   Nous étions à 7, à 8 mètres, les uns des autres, c'est-à-dire nous cinq.

 25   Donc nous étions à 7 à 8 mètres, et ils ont commencé immédiatement à nous tirer

 26   dessus. J'étais un petit peu devant Besim. Alors que les tirs ont commencé, j'ai

 27   vu Besim tomber devant moi avec deux orifices dans le dos, et en train de

 28   saigner. Je ne savais pas ce qui m'est arrivé à ce moment-là. Mes jambes m'ont


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  1   refusé tout soutien, et je suis tombé. J'ai compris qu'il rechangeait son arme

  2   et qu'il allait tirer 30 autres -- un chargeur de 30 autres balles.

  3   Là, encore une fois, il a rechargé son arme, il a tiré, et silence. On a

  4   entendu uniquement les mourants, mon voisin. Mais Rufat, qui était à ma droite,

  5   montrait encore quelques signes de vie.

  6   Entre-temps, on a entendu une voix de la route : Vite, vite, les hommes.

  7   Nous allons à Kljuc. Et l'un des hommes, celui a dit : Celui qui est à droite

  8   dans le tee-shirt en couleur est encore vivant. Tuez-le. Et il a tiré une autre

  9   rafale et ils sont partis.

 10   Je suis resté au sol sans bouger.

 11   Q.  Pendant combien de temps êtes-vous resté au sol ?

 12   R.  Je suis peut-être resté allongé au sol pendant près d'une heure. Toutefois,

 13   je n'osais pas partir de l'endroit immédiatement parce que j'entendais des tirs

 14   à proximité et les voix de soldats qui n'étaient pas de Kljuc.

 15   A un moment donné, ils sont venus à proximité de la maison parce qu'il y

 16   avait un café dans ce bâtiment. Ils ont commencé à entrer dans cette maison,

 17   exigeant des boissons. Quelques-uns d'entre eux sont passés à côté de la maison,

 18   et quand ils nous ont vus gisant sur place, ils ont appelé les autres et ils ont

 19   dit : Venez ici et regardez, quelques autres morts. Certains sont venus de plus

 20   près pour nous regarder, et d'autres ont dit : Ça suffit pour aujourd'hui. Et

 21   ils sont restés sur place à discuter pendant une demi-heure.

 22   Q.  Vous parlez de ces événements et de ce que vous avez entendu pendant que

 23   vous étiez au sol.

 24   Il est dit :

 25   "Ils sont venus plus près, ils sont entrés dans la maison."

 26   Pourriez-vous nous dire de qui vous parlez quand vous dites "ils" ?

 27   R.  Les soldats. C'étaient les soldats qui nous avaient emmenés. Le fait est que

 28   80 % de ceux qui ont procédé ainsi étaient nos voisins locaux. C'est eux qui


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  1   nous ont emmenés. Et je présume que lorsque l'autocar est parti avec la police

  2   spéciale de Kljuc, ils ont commencé à se disperser et à rentrer chez eux parce

  3   qu'ils en avaient terminé de leurs affaires aujourd'hui.

  4   Q.  Pourriez-vous nous dire comment vous avez réussi à vous échapper à partir de

  5   cette position où vous étiez allongé au sol à faire le mort ?

  6   R.  Je vous ai dit que je ne sais pas combien de temps je suis resté au sol.

  7   Mais ça a sans doute été davantage qu'une demi-heure, sans doute une heure. Et

  8   lorsque les soldats sont partis, et j'entendais encore leurs voix, j'ai tout

  9   d'un coup senti qu'il n'y avait plus personne à proximité à droite et à gauche.

 10   Et donc, j'ai commencé à ramper vers la forêt.

 11   Q.  Est-ce, la forêt, l'endroit où vous avez réussi à vous échapper à partir de

 12   l'endroit où vous étiez gisant au sol ?

 13   R.  Oui. J'ai réussi à me retourner pendant un instant et à regarder derrière

 14   moi. J'ai vu ces corps qui ne bougeaient plus et j'ai vu ma propre trace de

 15   l'endroit où je me trouvais auparavant.

 16   J'ai paniqué. Je suis revenu pour relever l'herbe, parce que j'avais peur

 17   qu'ils me reviennent et qu'ils réalisent que quelqu'un s'y trouvait et que tout

 18   d'un coup cette personne était plus là.

 19   Et donc, j'ai réalisé qu'il fallait que je me dépêche et que j'arrive

 20   jusqu'à la forêt où je pourrais me cacher derrière les arbres.

 21   Q.  Pourriez-vous nous donner une estimation du nombre de personnes qui ont été

 22   tuées ce jour-là dans votre village ?

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


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  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3   Q.  Donc, sur les 100 personnes dont vous nous avez parlé, lorsqu'il s'agit des

  4   personnes qui ont été tuées ce jour-là ou à l'école plus précisément ?

  5   R.  Personne n'a été tué à l'école. Ils ont été tués à proximité de l'école.

  6   Q.  [aucune interprétation]

  7   R.  Oui. A proximité de l'école.

  8   Q.  Donc, quand vous nous dites 100 personnes, c'est une estimation des

  9   personnes qui ont été tuées à proximité de l'école ou dans le secteur de l'école

 10   ?

 11   R.  J'ai dit 150, non pas 100.

 12   Q.  Je vous remercie pour cette précision.

 13   Alors, outre ces 150 personnes, vous avez dit qu'il y avait encore 70

 14   personnes environ qui avaient été emmenées à bord d'autocars, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui, c'est exact. C'étaient des personnes qui étaient restées, et toutes ces

 16   personnes se sont trouvées à bord de ces autocars par la suite. Plus tard, j'ai

 17   entendu des histoires et des récits indiquant que les habitants du village de

 18   Pudin Han, qui est un village qui se trouvait à 7 ou 8 kilomètres de Biljani,

 19   que ces personnes avaient les mains sur la tête, on les emmenaient à Kljuc, et

 20   on les a vues dans l'école primaire de Kljuc. C'est là où ces personnes ont été

 21   hébergées le premier jour après qu'elles aient été emmenées à Kljuc.

 22   Q.  Et savez-vous s'ils ont jamais retrouvé les corps des personnes qui ont été

 23   tuées dans votre village ce jour-là ou aux environ de cette date-là ?

 24   R.  Oui. En 1996, ils ont été retrouvés dans trois endroits différents : à deux

 25   endroits sous le sol rouge, 15 personnes environ à ces deux endroits-là; et à

 26   Laniste, c'était une fosse sans fond dans laquelle 200 personnes ont été

 27   retrouvées au total.

 28   Q.  Et vous étiez là au moment de l'exhumation ?


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  1   R.  Oui. Je crois que c'était vers la fin de l'année 1996.

  2   Q.  Pourriez-vous nous donner les noms des endroits où se sont déroulées les

  3   exhumations auxquelles vous avez assisté ?

  4   R.  A Crvena Zemija, à l'endroit numéro 2, et à Laniste, qui était une fosse

  5   sans fond. J'étais aux deux endroits. Je n'ai pas assisté aux exhumations qui se

  6   sont déroulées dans le troisième lieu.

  7   Q.  Donc vous avez assisté à deux exhumations sur trois : l'exhumation qui a eu

  8   lieu à Laniste et à Crvena Zemija; c'est exact ?

  9   R.  Oui, c'est exact. J'ai oublié de vous dire autre chose. Il y avait dix ou 15

 10   corps environ qui ont été retrouvés au-dessus de l'école et au-dessus des

 11   maisons qui se trouvaient autour de l'école, car le lien n'avait pas été fait en

 12   1992. La population locale qui est restée à Biljani a trouvé les corps, et

 13   lorsque la population a trouvé les corps, elle a enterré les corps dans le

 14   cimetière qui se trouvait sur les lieux.

 15   Et donc, en 1996, ils ont été exhumés et ensuite ils ont été réensevelis,

 16   et leurs restes sont toujours là où ils se trouvent.

 17   Q.  Monsieur, je souhaite maintenant vous montrer quelques séquences vidéo.

 18   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Puis-je tout d'abord avoir le numéro 65 ter

 19   224777A, s'il vous plaît.

 20   Est-ce que nous pouvons visionner ces images maintenant, s'il vous plaît.

 21   [Diffusion de la cassette vidéo]

 22   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur, il s'agit là d'une séquence vidéo qui est datée du 11 octobre

 24   1996. Cette vidéo est extraite d'une vidéo plus importante qui montre des

 25   exhumations à différents sites ou fosses. Et nous avons vu quelques minutes de

 26   ces extraits de la vidéo, au compteur 00:27:25 à 00:27:10 -- 26:25 à 27:10.

 27   Monsieur, je souhaite vous demander si vous reconnaissez ces lieux ?

 28   R.  Oui. Je pense que la vidéo a été tournée à l'endroit Crvena Zemlja, le sol


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  1   rouge.

  2   Q.  Et vous avez dit qu'il s'agit d'une des exhumations auxquelles vous avez

  3   assisté, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui, c'est exact.

  5   Q.  Monsieur, ces images vidéo sont-elles représentatives de ce que vous avez

  6   vu, et est-ce que ceci coïncide avec vos souvenirs de ce que vous avez vu là sur

  7   les lieux de l'exhumation ?

  8   R.  Oui, tout est exact. Et, oui, le nom de l'endroit est Crvena Zemlja.

  9   Q.  Je suppose que les passages que nous avons vus correspondaient au moment

 10   même où ils ont exhumé les corps, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui, c'est exact.

 12   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Messieurs les Juges, je demande le versement au

 13   dossier de cette séquence vidéo.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame D'Ascoli, nous constatons que sur la

 15   liste des pièces présentées par l'Accusation, quelque chose qui correspond à

 16   22477A, la vidéo montrant l'exhumation de la fosse de Laniste 1, est sans date.

 17   Nous avons entendu le témoin d'hier dire qu'il s'agit de l'endroit appelé le sol

 18   rouge. Je crois qu'au départ vous avez établi la différence entre les deux

 19   endroits.

 20   Et vous nous avez donné une date, ici nous voyons que c'est la date de la vidéo.

 21   Donc nous sommes quelque peu perplexes. Nous ne savons pas très bien quelle est

 22   votre position à cet égard, hormis le fait qu'il est préférable de présenter ces

 23   éléments-là par le biais de preuves documentaires ou par le biais d'images

 24   vidéo. Eh bien, le témoin ne semble pas confirmer ce que vous nous avez dit à

 25   propos du contenu de la vidéo, à moins que Laniste ne corresponde à la même

 26   chose. Ou est-ce que nous avons mal compris ?

 27   Mme D'ASCOLI : [interprétation] En fait, cette vidéo était une vidéo d'une heure

 28   et demie et montre les deux fosses communes.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais je regarde le 22477A - c'est le

  2   chiffre que vous nous avez donné - il s'agit d'une séquence vidéo qui dure 45

  3   secondes. Lorsque vous avez posé une question au témoin à propos de cette

  4   séquence vidéo.

  5   Il semblerait que le témoin souhaite dire quelque chose. Cela ne me pose

  6   aucun problème personnellement.

  7   Monsieur le Témoin RM010, il semblerait que vous souhaitiez dire quelque chose.

  8   Je vous en prie, allez-y.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Etant donné que j'ai assisté à deux

 10   exhumations, je connais fort bien les endroits en question. Laniste est une

 11   fosse, c'est une fosse sans fond, et l'exhumation qui s'est déroulée à cet

 12   endroit-là est une exhumation qui s'est faite à une profondeur de 20 mètres. Et

 13   lorsque des exhumations se déroulent dans une fosse, il faut descendre en

 14   profondeur et la visibilité n'est pas très bonne.

 15   Et je sais que la séquence vidéo que j'ai vue, ces images ont été tournées

 16   à Crvena Zemlja, la terre rouge -- ou plutôt, la distance entre ces deux

 17   endroits correspond à 10 kilomètres environ. Donc la terre rouge est un endroit;

 18   et Laniste, ou la fosse sans fond, correspond à l'autre endroit.

 19   Mme D'ASCOLI : [aucune interprétation]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez commencé à parler avant que les

 21   propos de Mme D'Ascoli ne soient interprétés.

 22   Madame D'Ascoli, quelle était votre question.

 23   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Ecoutez, je vous demandais si je peux demander

 24   au témoin de préciser sa réponse.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je vous en prie, allez-y.

 26   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Alors la description de la pièce numéro 65 ter

 27   22477, qui fait référence à l'ensemble de la vidéo et qui nous donne, en fait,

 28   la description, parce que la vidéo correspond en réalité à l'exhumation qui


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  1   s'est déroulée à Laniste.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que vous ne poursuiviez, vous dites

  3   qu'il s'agit de la description de l'ensemble de la vidéo. J'entends bien,

  4   l'ensemble de la vidéo, ça correspond à la pièce 22477. Ce que je viens de lire

  5   ne correspondait pas à la description de l'ensemble de la vidéo. Mais ce que

  6   j'ai trouvé sur une liste qui, je crois, est une liste de l'Accusation, qui est

  7   datée du 29 août 2012, à savoir la date d'aujourd'hui, je constate qu'il y a là

  8   une description correspondant à un court passage et c'est le passage que j'ai

  9   cité - 22477A - intitulé : Vidéo montrant l'exhumation dans la fosse commune

 10   Laniste numéro 1 (Laniste), sans date, 0026 minutes et 25 secondes à 027 minutes

 11   et 10 secondes.

 12   Donc, si vous nous dites qu'il s'agit là de la description de la pièce

 13   22477, pour moi, cela correspond à la description de la pièce 22477A.

 14   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Oui, en fait, il y a eu la même description

 15   faite dans cette séquence vidéo. Mais il faudrait modifier cela et clairement

 16   indiquer qu'il s'agit du passage de la vidéo que nous venons de voir, car ce que

 17   nous venons de voir ne correspond pas à Laniste mais à l'autre fosse commune.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La description est exacte [comme interprété].

 19   Et vous en demandez le versement au dossier. Il semblerait qu'il y ait

 20   d'autres descriptions aussi.

 21   Y a-t-il des objections ?

 22   M. STOJANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, compte tenu de la

 23   remarque que vous venez de faire et étant donné qu'on va procéder à une

 24   modification de la description factuelle des choses, je ne vois pas de raison

 25   pour laquelle je ferais objection.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, cette pièce 22477A sera

 27   quoi…

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P143, Messieurs les Juges.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, c'est versé au dossier.

  2   Veuillez continuer, Madame D'Ascoli.

  3   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

  4   Q.  Monsieur, je vais maintenant vous montrer un autre clip vidéo.

  5   Mme D'ASCOLI : [interprétation] J'aimerais qu'on nous montre le 65 ter 22477E.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et quelle est votre présente description de

  7   la vidéo que vous allez nous montrer ? Est-ce que c'est ce que le témoin vient

  8   de nous fournir comme descriptif ou…

  9   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Dans ce cas de figure, la description est bonne.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais le témoin n'est pas au courant de

 11   la description que vous avez fournie, et c'est peut-être préférable que de ne

 12   pas l'avoir mis au courant.

 13   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Non. Pour ce qui est de ce qui se trouve entre

 14   les parenthèses, vous verrez une date, qui est celle de la vidéo.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon.

 16   Allez-y.

 17   [Diffusion de la cassette vidéo]

 18   Mme D'ASCOLI : [interprétation] La vidéo qu'on vient de voir a été tournée le 6

 19   novembre 1996, et c'est l'intervalle horaire de 1 heure, 11 minutes, 52 secondes

 20   à 1 heure, 12 minutes, 20 secondes. Cette vidéo porte la référence 65 ter 22477.

 21   Q.  Alors, Monsieur, est-ce que vous reconnaissez l'emplacement qui a été montré

 22   dans ce clip ?

 23   R.  Oui. Ça, c'est le site de Laniste, Bezdana, à savoir le lieu-dit "trou sans

 24   fond".

 25   Q.  Est-ce que vous pouvez nous décrire ce que nous nous avons vu, c'est-à-dire

 26   nous préciser quelle est la phase des activités au niveau des exhumations que

 27   l'on a pu voir ?

 28   R.  D'après le descriptif et d'après ce qu'on a pu voir, on peut dire que les


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  1   exhumations étaient arrivées à moitié, puisque la fosse, ce ravin, on ne pouvait

  2   pas le voir. On ne pouvait pas voir les corps que l'on a sortis. Mais on a pu

  3   voir 50 cadavres qu'on avait sortis ce jour-là ou le jour d'avant et qu'on avait

  4   alignés les uns à côté des autres.

  5   Q.  Et vous avez été présent lorsque ces corps ont été exhumés à Laniste et une

  6   fois qu'on les a alignés dans cette allée ?

  7   R.  L'exhumation a duré peut-être dix ou 15 jours. Parce que ce site de Laniste,

  8   comme je vous l'ai dit, c'était un trou sans fond. Un ravin de 20 mètres de

  9   profondeur à peu près. A un moment donné, on avait abattu les gens puis on les a

 10   ensevelis sous une dizaine de bennes de camions. Puis, les gens qui ont été

 11   ramenés ensuite ont été jetés une fois de plus par-dessus la terre qui avait

 12   couvert les corps précédents. Et ensuite, on a tout enseveli.

 13   Ce qui fait que pour exhumer, on a dû sortir des tonnes et des tonnes de terre

 14   avant que d'arriver au premier corps, puis au deuxième corps. Ça a duré dix à 15

 15   jours, les activités d'exhumations.

 16   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais demander le

 17   versement au dossier de la pièce ter 22477E au dossier.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objection.

 19   Madame la Greffière.

 20   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La pièce 22477E deviendra la pièce P144,

 21   Messieurs les Juges.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le P144 est versé au dossier.

 23   Madame D'Ascoli, je suis en train de regarder la montre. Nous n'avons plus que

 24   cinq minutes à notre disposition et j'ai besoin de quelques minutes pour donner

 25   des instructions au témoin.

 26   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Oui. Je vais terminer sous peu, Monsieur le

 27   Président.

 28   Q.  Alors, dites-nous, est-ce qu'on les a emmenés à votre village ?


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  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8   Q.  Monsieur, ce sera ma dernière question. Est-ce que vous ressentez des

  9   conséquences ou des séquelles physiques ou psychologiques pour ce qui est de ce

 10   que vous avez eu à souffrir durant le mois de juillet 1992 ?

 11   R.  Pour être sincère, c'est difficile d'en parler. Il est difficile d'en dire

 12   quoi que ce soit. Pendant des mois je n'ai pas dormi. Dans ces premiers quelques

 13   mois qui ont suivi ce que je vous ai décrit, j'ai je ne sais combien de fois

 14   prié Allah de mourir et je lui ai demandé pourquoi il n'a pas fait que je meure

 15   pour ne pas avoir à souffrir autant.

 16   Ensuite, chaque année, et de nos jours encore, j'ai des nuits et des nuits

 17   entières où je ne dors pas, notamment en fin d'automne et au début de printemps.

 18   Je vais voir des médecins. Et de nos jours encore, je maudis tout un chacun,

 19   toute personne qui jetterait un pétard derrière moi, parce que je ne sais pas si

 20   ça va donner lieu à autre chose. J'ai les genoux qui me trahissent. Mes jambes

 21   fléchissent. Et j'ai du mal à rester debout. Mes nerfs sont très affaiblis. Je

 22   m'énerve pour la moindre des petites choses. Voilà. On vit comme est obligé de

 23   vivre, vous savez.

 24   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

 25   n'ai plus d'autres questions. Mais je voudrais évoquer une question à huis clos

 26   partiel.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Tout d'abord, j'aurais une question

 28   complémentaire à poser au témoin.


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  1   Questions de la Cour : 

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous nous avez dit à quel

  3   point vous avez souffert, mais dites-nous si, à titre physique, vous avez des

  4   problèmes persistants ?

  5   R.  Non, pas à titre physique. Mais psychiquement, oui, c'est le cas.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Témoin.

  7   Madame D'Ascoli, il faut que nous terminions à l'heure aujourd'hui pour des

  8   raisons qui m'ont été explicitées.

  9   Si la question à poser est si urgente --

 10   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Oui, je peux la poser demain, ma question.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 12   [La Chambre de première instance se concerte] 

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Juge Moloto a une question à vous poser,

 14   Monsieur.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur le Témoin RM010, à la page 76,

 16   lignes 6 à 13, vous décrivez des tirs qui ont eu lieu, et vous avez vu une

 17   personne qui est tombée devant vous, cette personne s'appelant Besim. Et ensuite

 18   vous avez mentionné que vos jambes vous ont tout simplement trahi, vous êtes

 19   tombé. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire ce qui a causé cela ?

 20   R.  Je ne vous ai pas dit la moitié de ce que s'est produit ce jour-là.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Dites-nous ce qui a occasionné le fait que

 22   vos jambes vous ont trahi, et oubliez tout ce que vous ne nous avez pas dit.

 23   R.  Je n'ai jamais aimé voir le sang. Chaque fois que je voyais du sang, j'étais

 24   malade.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 26   R.  Non, ce n'était pas le cas.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, je n'ai pas d'autres questions.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Nous allons lever l'audience pour


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  1   aujourd'hui, Monsieur le Témoin RM010. Je vous demande de ne parler avec

  2   personne de votre déposition à présent,  future ou passée. Vous pouvez donc

  3   quitter le prétoire.

  4   Mais attendez que les stores soient baissés, et suivez l'Huissier.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  6   [Le témoin quitte la barre]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Même si les stores sont baissés, nous sommes

  8   toujours en audience publique.

  9   Nous allons donc lever l'audience pour aujourd'hui, et nous reprendrons nos

 10   travaux, demain, jeudi 30 août, à 9 heures 30, dans cette même salle d'audience.

 11   --- L'audience est levée à 14 heures 18 et reprendra le jeudi, 30 août 2012, à 9

 12   heures 30.

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