Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 3 septembre 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est absent]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 34.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous.

  6   Madame la Greffière d'audience, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour Monsieur le Président, Messieurs les

  8   Juges. Il s'agit de l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière d'audience.

 10   Les Juges de la Chambre remarquent que M. Mladic n'est pas présent dans le

 11   prétoire. Les Juges de la Chambre ont appris que M. Mladic a refusé d'entrer

 12   volontairement dans le prétoire après avoir insisté pour que sa tension soit

 13   prise par une infirmière ou un docteur plutôt que par un garde de sécurité.

 14   Lorsque l'accusé ne souhaite pas entrer dans le prétoire, les Juges de cette

 15   Chambre considèrent qu'il renonce par ce biais à son droit d'être présent et ne

 16   le forcera pas à rentrer dans le prétoire.

 17   Voilà l'information que les Juges de la Chambre ont reçu, Maître Lukic,

 18   mais peut-être que vous avez d'autres éléments à nous présenter.

 19   M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne suis pas un expert,

 20   donc je ne sais pas quel est l'état de santé de M. Mladic ce matin, étant donné

 21   qu'il a refusé d'entrer dans le prétoire sans qu'on lui prenne la tension. J'ai

 22   cru comprendre qu'il fallait le faire et il nous a également informé qu'il ne

 23   renonçait pas à son droit d'être présent durant cette audience et nous ne sommes

 24   pas permis d'être présents dans ce prétoire sans lui non plus.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas si vous êtes permis d'être là

 26   ou pas, mais nous n'en parlons pas à ce moment.

 27   Maintenant, on lui a proposé de prendre sa tension par des personnes habilitées,

 28   c'est-à-dire les gardes de sécurité.


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  1   Je vais vous informer, Maître Lukic, que les Juges de la Chambre ont été

  2   informé que M. Mladic a transformé cette prise de tension en une habitude et

  3   compte tenu de son état de santé, cette procédure va bien au-delà de ce que l'on

  4   pourrait s'attendre dans ces circonstances et il n'y aucune raison pour penser

  5   que sans une raison médicale, on exige que sa tension soit mesurée.

  6   Le Greffe a donc décidé que les gardes de sécurité sont tout à fait formés

  7   et habilités à prendre la tension artérielle et compte tenu de ce qui a été

  8   l'habitude ici, ce n'est pas du tout anormal que ce soient les gardes de

  9   sécurité qui prennent la tension. Le Greffe a demandé aux gardes de sécurité de

 10   prendre la tension artérielle et si la tension est normale, aucune autre mesure

 11   n'est prise.

 12   Donc, vous avez dit que M. Mladic avait refusé, qu'il refusait d'entrer

 13   dans le prétoire sans qu'on lui prenne la tension et dans les circonstances

 14   actuelles, il refuse donc que sa tension soit prise par des personnes qui sont

 15   habilitées à le faire et ceci après une longue série de cas où sa tension a été

 16   mesurée de manière routinière de cette manière, et il n'y a pas de mesures

 17   médicales qui justifient un changement. Voilà la situation actuelle. Si vous

 18   souhaitez présenter d'autres éléments et que M. Mladic renonce à son droit ou

 19   pas, s'il ne renonce pas expressément, les Juges de cette Chambre vont devoir

 20   considérer si, par son comportement, M. Mladic renonce implicitement à son droit

 21   de suivre cette audience.

 22   Voilà donc où les choses en sont au niveau des Juges de cette Chambre.

 23   M. LUKIC : [interprétation] Si vous me le permettez.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr.

 25   M. LUKIC : [interprétation] Avec tous les respects que je vous dois, je dois en

 26   fait vous donner une autre opinion. A chaque fois que la tension est prise, sa

 27   tension est supérieure à une tension normale. Sa tension ne devrait pas être

 28   supérieure à 146 en raison des trois attaques dont il a subis -- qu'il a subis,


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  1   et à chaque fois, cette tension est plus élevée. Quelquefois, elle est -- elle

  2   se montre à 190, et cela signifie qu'il a des pertes de conscience, de brèves

  3   pertes de conscience. Il s'agit donc d'une situation très dangereuse pour la

  4   santé d'un homme.

  5   Nous -- Nous nous sommes trouvés dans des situations où on a dû le faire

  6   sortir et dans ces situations, son état de santé était très critique, mais je

  7   dois vous l'informer, je ne sais pas quelles sont les informations dont vous

  8   disposez, mais je dois vous dire cela.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges de la Chambre ont été informés que

 10   la tension qui a été mesurée avant qu'il entre dans le prétoire était toujours

 11   transmise au personnel de santé de l'unité de détention des Nations Unies et n'a

 12   jamais occasionné une raison de procéder à des examens supplémentaires ni d'être

 13   alarmé. Si vous pensez qu'il y avait quelque chose d'anormal, vous auriez dû

 14   prendre des mesures de façon à ce que l'Accusation puisse présenter des

 15   arguments au Greffe en expliquant pourquoi vous pensiez que des examens médicaux

 16   supplémentaires étaient nécessaires.

 17   Je crois comprendre, mais encore une fois il faudra attendre un rapport plus

 18   circonstancier provenant du Greffe, mais je crois comprendre que la tension

 19   artérielle de M. Mladic est quelque peu élevée et qu'il est suivi très

 20   précisément. Avez-vous d'autres commentaires avant de donner la parole à M.

 21   Groome, Maître Lukic ?

 22   M. LUKIC : [interprétation] Moi en premier ou M. Groome ?

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, entendons d'abord M. Groome.

 24   Allez-y.

 25   M. GROOME : [interprétation] Deux commentaires. Si les Juges de la Chambre ont

 26   déjà pu déterminer que M. Mladic était au courant du fait que les gardes de

 27   sécurité étaient tout à fait habilités et qu'il ne s'agisse pas de malentendu et

 28   deuxièmement, si ce n'est pas la pratique que de consigner quelque part la


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  1   valeur de la tension prise par les gardes de sécurité, je pense qu'il serait

  2   peut-être nécessaire de le faire pour qu'on puisse ensuite l'examiner

  3   ultérieurement si nécessaire.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une brève réponse. Les Juges de la Chambre

  5   nous ont informés que c'est le Greffe qui est responsable de l'état de santé et

  6   de la prise en charge médicale des détenus, des accusés. Et le Greffe aurait

  7   donc transmis les informations à M. Mladic quant aux -- aux formes -- à la

  8   formation et au fait que les gardes de sécurité étaient tout à fait habilités à

  9   prendre sa tension.

 10   Deuxièmement, je crois comprendre que quelles que ce soit les mesures qui soient

 11   prises, elles sont transmises au personnel de santé de l'unité de détention des

 12   Nations Unies.

 13   Maître Lukic, allez-y.

 14   M. LUKIC : [interprétation] J'ai traduit, à ce moment-là, à M. Mladic, mais je

 15   ne sais pas si c'était vraiment exact, que les gardes étaient habilités à

 16   prendre la tension, mais s'il y avait un autre problème, bien sûr, ils ne

 17   pouvaient pas nous aider. Mais je ne pense pas qu'ils soient habilités à évaluer

 18   s'il y a un autre problème. Ils sont simplement informés que leur rôle est de

 19   mesurer la tension artérielle. Donc c'est ce que j'ai traduit à M. Mladic. Je

 20   lui ai traduit tout ce qu'ils m'ont dit et j'ai essayé de le persuader

 21   d'accepter que les gardes de sécurité prennent sa tension, mais il a dit qu'ils

 22   n'étaient pas suffisamment habilités et formés pour déterminer s'il était malade

 23   ou pas, et donc il a refusé.

 24   Voilà la situation.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges de la Chambre ont été informés que

 26   M. Mladic avait insisté pour que sa tension artérielle soit mesurée de manière

 27   routinière, et nous n'avons pas été informés de plaintes supplémentaires en

 28   termes d'état de santé.


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  1   Et nous avons eu des cas auparavant où des plaintes ont été exprimées et on s'y

  2   est énormément attaché.

  3   M. LUKIC : [interprétation] Je ne sais pas à quelle fréquence la tension

  4   artérielle est mesurée, mais je pense qu'elle devrait être faite de manière

  5   routinière.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous auriez dû le demander. Jusqu'à

  7   présent, M. Mladic avait insisté pour que sa tension soit mesurée tous les

  8   jours. Les résultats sont toujours transmis au personnel de santé de l'unité de

  9   détention des Nations Unies. Et personne n'a refusé de mesurer sa tension

 10   artérielle, il n'y a pas eu d'autres plaintes qui ont été formulées.

 11   Donc j'aimerais clore cette discussion pour l'instant, et j'aimerais consulter

 12   mes collègues.

 13   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, la Chambre de première instance

 16   est arrivée à la conclusion suivante :

 17   Compte tenu des arguments qui ont été présentés jusqu'à présent, les Juges de la

 18   Chambre ne peuvent pas déterminer qu'il y ait des raisons médicales justifiant

 19   la non comparution de M. Mladic dans ce prétoire. De ça, c'est la première

 20   chose.

 21   Deuxièmement, veuillez transmettre à M. Mladic le fait qu'il a possibilité de

 22   rentrer dans le prétoire après une brève pause, s'il ne saisit pas cette

 23   possibilité, les Juges de cette Chambre vont continuer à entendre les

 24   dépositions, et si M. Mladic refuse d'entrer dans le prétoire, il peut suivre

 25   les dépositions ailleurs, mais nous n'allons pas interrompre la déposition du

 26   prochain témoin. S'il décide de ne pas entrer dans le prétoire maintenant, il ne

 27   pourra entrer dans le prétoire qu'après le début de la déposition du témoin

 28   suivant. Les Juges de cette Chambre considèrent que c'était l'obligation de la


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  1   Défense que d'être présente tout du moins dans ce prétoire, mais nous ne vous

  2   donnons pas l'instruction de le faire ou de ne pas le faire. Quelle que ce soit

  3   votre décision, les Juges de cette Chambre vont continuer à entendre les

  4   dépositions, et nous considérerons qu'il s'agit d'une obligation. Mais encore

  5   une fois nous ne sommes pas ici pour juger des obligations de chacun. Mais nous

  6   considérons qu'il s'agit d'une obligation de la Défense d'être présente dans le

  7   prétoire afin de défendre les intérêts d'un accusé de manière appropriée, et

  8   comme ils le jugent bon.

  9   Par conséquent, nous allons faire une brève pause de deux minutes. Vous aurez la

 10   possibilité d'informer M. Mladic de cette décision orale, et nous reviendrons

 11   dans ce prétoire, nos audiences après cette pause avec ou sans la présence de M.

 12   Mladic.

 13   --- La pause est prise à 9 heures 50.

 14   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

 15   --- La pause est terminée à 10 heures 00.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges de la Chambre remarquent que M.

 17   Mladic est entré dans le prétoire.

 18   Est-ce que l'Accusation est prête à faire comparaître son prochain témoin ?

 19   M. TRALDI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Mais il y a deux

 20   questions liminaires que je souhaite aborder.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y, Monsieur Traldi.

 22   M. TRALDI : [interprétation] Tout d'abord, dans votre décision orale sur la

 23   requête au titre de l'article 92 ter, pour le Témoin RM083, la Chambre a

 24   mentionné la page du compte rendu d'audience 2001 de fournir des informations

 25   concernant la déposition.

 26   Tout d'abord, vous avez demandé d'informer les Juges de la Chambre qui

 27   avait été à l'origine de la déposition. Deuxièmement, où l'entretien avait eu

 28   lieu, entretien qui consistait la base de cette déclaration.


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  1   D'après les documents de l'Accusation, cet entretien a été établi par un

  2   des membres du personnel du bureau du Procureur, suite à un entretien réalisé

  3   par le bureau du Procureur, le 4 mai 1998, dans le pays où résidait le témoin à

  4   l'époque. Ce résumé ou cette déposition a été prise par un enquêteur du bureau

  5   du Procureur, comme toute autre déclaration de témoin; cependant, cette

  6   déclaration a été appelée déclaration liminaire parce que le témoin n'a pas

  7   examiné ni signé la déclaration au moment où elle a été prise.

  8   Deux ans plus tard, le témoin a examiné ces informations et durant cet

  9   entretien il a pu signer ceci le 20 septembre.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque vous dites, Monsieur Traldi,

 11   que cette déclaration liminaire a été établie par un membre du bureau du

 12   Procureur, est-ce que la personne qui a rédigé cette déclaration liminaire était

 13   présente durant l'entretien ?

 14    M. TRALDI : [interprétation] On vient de me dire qui il s'agit du même

 15   enquêteur qui a pris des notes durant l'entretien du témoin et sur la base de

 16   cet entretien, cette déclaration liminaire a été établie.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, la réponse était l'affirmative.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et où cette déclaration a-t-elle été

 19   établie ?

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je retire ma question.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà donc pour la première question

 23   liminaire.

 24   Monsieur Traldi, qu'en est-il de la deuxième ?

 25   M. TRALDI : [interprétation] Il s'agit des faits jugés et je voudrais rappeler

 26   que la déposition de M. Taci présente des doublons avec certains faits jugés,

 27   c'est-à-dire par exemple le camp de Keraterm et le massacre qui a eu lieu dans

 28   la salle numéro 3. Il s'agit des faits jugés 1027 et 1054. Nous avons examiné


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  1   les documents issus de ce qui relève de l'article 92 ter pour M. Taci et nous

  2   avons apposé les expurgations nécessaires. Nous avons également expurgé un

  3   paragraphe de sa déclaration liminaire conformément à la demande de la Défense

  4   dans sa réponse à notre requête au titre de l'article 92 ter. Il s'agit du

  5   paragraphe 40.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous avez téléchargé des nouvelles

  7   versions ?

  8   M. LUKIC : [interprétation] Oui.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous avez communiqué tout ceci à la

 10   Défense ?

 11   Maître Stojanovic.

 12   M. STOJANOVIC : [interprétation] Nous avons reçu les documents.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Traldi pour ces informations.

 14   Il s'agissait donc des deux questions que vous souhaitiez lever, n'est-ce pas ?

 15   M. TRALDI : [interprétation] Oui.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, Me Lukic, les Juges de cette

 17   Chambre ont été informés qu'il y avait un autre aspect liminaire. Je ne sais pas

 18   si c'est ce que nous avons déjà abordé.

 19   M. LUKIC : [interprétation] Non, c'est un autre aspect.

 20   Nous souhaiterions demander aux Juges de cette Chambre de permettre à mon

 21   collègue, Dan Ivetic, de procéder au contre-interrogatoire du Témoin RM039 qui

 22   va venir demain.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous nous pencherons sur cette question

 24   durant la première pause et nous vous informerons de notre déclaration.

 25   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-on faire entre le témoin dans le

 27   prétoire ?

 28   Monsieur Traldi, pas de mesure de protection, n'est-ce pas ? C'est un


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  1   témoin qui relève de l'article 92 ter.

  2   M. TRALDI : [interprétation] Effectivement.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour. Je suppose que vous êtes M. Taci.

  6   Monsieur Taci, avant de déposer, le Règlement de procédure et de preuve exige

  7   que vous prononciez une déclaration solennelle. Le texte de cette déclaration va

  8   vous être présentée par l'huissier. Je vous invite à prononcer cette déclaration

  9   solennelle.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la vérité,

 11   toute la vérité et rien que la vérité.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez prendre place.

 13   LE TÉMOIN : SAFET TACI [Assermenté]

 14   [Le témoin répond par l'interprète]

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Taci, tout d'abord, c'est M. Traldi

 17   qui est le conseil pour l'Accusation qui va vous poser des questions. Il se

 18   trouve à votre droite.

 19   Allez-y, Monsieur Traldi.

 20   M. TRALDI : [interprétation] Merci.

 21   Interrogatoire principal par M. Traldi :

 22   Q.  [interprétation] Tout d'abord, puis-je vous demander de décliner votre

 23   identité pour les besoins du compte rendu d'audience ?

 24   R.  Je m'appelle Taci, Safet.

 25   Q.  Pouvez-vous nous dire où vous êtes né ?

 26   R.  Je suis né en Kozarac.

 27   Q.  Dans quelle municipalité ?

 28   R.  La municipalité de Prijedor.


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  1   Q.  Quelle est votre appartenance ethnique, Monsieur le Témoin ?

  2   R.  Je suis Musulman.

  3   Q.  Monsieur Taci, vous souvenez-vous avoir -- d'avoir fait une déclaration au

  4   Tribunal de La Haye à la date du 20 septembre 2000 ?

  5   R.  Je m'en souviens.

  6   M. TRALDI : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais qu'on affiche le

  7   document 28361 sur la liste 65 ter. Il s'agit de la déclaration que le témoin a

  8   témoignée le 20 septembre 2000.

  9   Q.  Monsieur le Témoin, le document est maintenant à l'écran devant vous. Je

 10   vous demande de regarder la première page et de regarder la signature qui se

 11   trouve là-bas à droite dans la version en anglais et c'est à droite à votre

 12   écran. Oui.

 13   Reconnaissez-vous cette signature ? Pouvez-vous le dire à la Chambre ?

 14   R.  Oui, c'est ma signature.

 15   M. TRALDI : [interprétation] J'aimerais qu'on passe à la dernière page de cette

 16   déclaration.

 17   Q.  Encore une fois, j'aimerais que vous nous disiez si vous reconnaissez la

 18   signature qui figure sur cette page.

 19   R.  Oui.

 20   Q.  La première page de cette déclaration -- sur la première page de cette

 21   déclaration - excusez-moi - et dites-nous à qui appartient cette signature.

 22   R.  C'est ma signature.

 23   Q.  A la première page de cette déclaration, il est dit que, lors des

 24   préparations, vous avez examiné le document intitulé : "Notes de la déposition

 25   du Témoin Safet Taci."

 26   M. TRALDI : [interprétation] J'aimerais maintenant qu'on affiche le document

 27   28360 sur la liste 65 ter.

 28   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce le document, que vous avez examiné et qui est


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  1   intitulé : "Notes de récolement," avant votre déposition ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Est-ce que ce document s'appelant : "Notes de récolement," et ce que ces

  4   notes contiennent -- contiennent les informations que vous avez fournies au

  5   Bureau du Procureur pendant l'entretien qui a eu lieu en 1998 ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Avez-vous eu la possibilité de lire et d'examiner votre déclaration ainsi

  8   que les notes de récolement lors de vos préparatifs pour votre déposition ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Lorsqu'on vous pose -- si on vous posait aujourd'hui, Monsieur le Témoin,

 11   les questions concernant les faits qui figurent dans cette déclaration, est-ce

 12   que vos informations seraient les mêmes que les informations que vous avez

 13   fournies dans ces notes de récolement ?

 14   R.  Oui. Je pense que oui.

 15   Q.  Après avoir prononcé la déclaration solennelle, dites-nous si vous confirmez

 16   que vous avez fourni les informations figurant dans la déclaration et dans les

 17   notes de façon véridique.

 18   R.  Oui.

 19   M. TRALDI : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation propose le

 20   versement au dossier du document 28360 ainsi que le document 28361 sur la liste

 21   65 ter conformément à l'article 92 ter en tant que pièce à conviction publique.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Traldi.

 23   D'abord, le document 28360, les notes de récolement.

 24   Maître Stojanovic, après l'explication fournie par l'Accusation, avez-vous des

 25   objections ?

 26   M. STOJANOVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Nous disposons de

 27   ces deux déclarations.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Madame la Greffière d'audience, ces


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  1   notes de récolement qui porte le numéro que je viens de citer, et qui a été

  2   expurgé maintenant, quelle sera la cote de ce document ?

  3   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 28360 deviendra la pièce à

  4   conviction P158, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P158 est versé au dossier. Pour ce qui est de

  6   la déclaration du témoin, M. Taci, ou du moins de septembre 2000.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 28361 aura la cote P159.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ce document est versé au dossier.

  9   Poursuivez, Monsieur Traldi.

 10   M. TRALDI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Avec l'autorisation de la Chambre, puisque l'article 92 ter donc a été appliqué,

 12   je vais lire le bref résumé.

 13   Safet Taci est né et a grandi dans la municipalité de Prijedor. Au début de

 14   l'année 1992, il a travaillé à Zagreb, alors que son épouse et ses deux enfants

 15   habitaient Prijedor. M. Taci est revenu chez lui pour ramener son épouse et ses

 16   enfants, puisque les tensions augmentaient dans la région.

 17   Lorsqu'il a revenu sa famille au village de Hrnici, qui était le village

 18   peuplé majoritairement par les Musulmans, il a entendu à la radio des annonces

 19   disant que les non-Serbes devaient se rendre de rendre le pouvoir aux Serbes.

 20   Après quoi des chars sont arrivés dans le village, dans son village, et un

 21   soldat a dit aux gens qu'ils devaient se rendre; sinon, ils seraient tués.

 22   En samedi l'après-midi, à la fin du mois de printemps 1992, Hrnici ainsi

 23   que d'autres villages aux alentours ont été attaqués. M. Taci a fui à Sivic.

 24   Le 14 et le 15 juin 1992, les forces serbes ont encerclé les gens qui

 25   n'étaient pas des Serbes, à Sivic, et M. Taci, on l'a fait monter dans l'autocar

 26   avec d'autres hommes qui ont été battus et ils ont été amenés à Keraterm. Sur la

 27   route vers Keraterm, lui-même ainsi que d'autres hommes ont été passés à tabac

 28   par des soldats serbes. M. Taci a vu des corps ainsi que des maisons détruites.


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  1   Lorsqu'il est arrivé à Keraterm, il a été mis dans la pièce numéro 2 avec

  2   500 autres personnes. Certains d'entre eux ont été battus. Un jour, entre 180 et

  3   200 personnes étaient arrivées de Hambarine, la plupart d'entre eux étaient de

  4   Hambarine, ils sont arrivés dans la même pièce, et une mitrailleuse était

  5   pointée sur la porte et lorsque la porte était ouverte, on a pu entendre des

  6   tirs de cette mitrailleuse, et les gens commençaient à courir.

  7   Le lendemain matin, M. Taci et d'autres prisonniers devaient donc charger

  8   des corps sur les camions et il est tombé malade. Après quoi, M. Taci a été

  9   amené à Trnopolje. Il a quitté Trnopolje aux environs du 21 août 1992, à bord

 10   d'un autocar au sein du convoi qui se dirigeait vers Travnik. Pendant le trajet,

 11   certaines personnes, on les a fait sortir, descendre de l'autocar mais M. Taci

 12   est resté. Son gendre a dû descendre de l'autocar. Il ne l'a jamais plus revu.

 13   Les hommes devaient s'aligner deux par deux.

 14   C'est la fin du résumé de la déposition de ce témoin.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Traldi.

 16   Si vous n'avez pas d'autres questions, vous pouvez poursuivre.

 17   M. TRALDI : [interprétation] Oui.

 18   Q.  Monsieur Taci, après avoir lu le résumé de votre déposition, j'aimerais vous

 19   poser quelques questions pour jeter un peu plus de lumière sur certains points

 20   de votre déclaration.

 21   Tout d'abord, Monsieur le Témoin, pouvez-vous me dire quelle était l'ambiance

 22   dans cette région de Prijedor, où vous êtes arrivé en avril 1992 ?

 23   R.  L'ambiance était de plus en plus tendue, dramatique. Les transports publics

 24   ont cessé de circuler petit à petit, entre Prijedor et Banja Luka, et Trnopolje.

 25   Des écoles ont cessé de fonctionner, des enfants n'allaient plus à l'école. Il

 26   n'y avait pas de ligne téléphonique qui fonctionnait. Il y avait des coupures

 27   d'eau et d'électricité. C'était l'ambiance d'incertitude qui prévalait à

 28   l'époque, puisque les gens ne savaient pas ce qui pouvait leur arriver. Les gens


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  1   des villages aux alentours de Kozarac dans la direction de Marakovac, par

  2   exemple, derrière Jakopci, donc ces gens de ces villages se rassemblaient au

  3   village de Sivci, où finalement ils ont dû monter à bord d'autocar. Il y en

  4   avait qui venaient, qui partaient et la tension ne faisait qu'augmenter. Il y

  5   avait la pénurie de vivres. Il n'y avait pas d'électricité, les gens sont

  6   devenus impatients, ne savaient pas ce qui allait se passer. Des autocars sont

  7   arrivés, et des civils ont été obligés de monter à bord de ces autocars après

  8   quoi ils ont été amenés dans des camps d'Omarska, de Keraterm. Il y en a eu qui

  9   sont restés à Trnopolje et d'autres ont été emmenés dans des directions

 10   inconnues, et il y en a eu également qui étaient restés dans leur maison, comme

 11   moi-même, je suis resté à la maison de la mère de mon épouse, et le lendemain

 12   ils ont nettoyé le village, des hommes adultes ont été amenés dans ces mêmes

 13   camps.

 14   Q.  Dans les notes de récolement qui est devenu la pièce à conviction ayant la

 15   cote P158, vous avez dit que vous êtes revenu à Prijedor pour emmener votre

 16   famille à l'extérieur de la ville. Avez-vous réussi à les faire sortir de

 17   Prijedor ?

 18   R.  Non, mais j'ai essayé de le faire en offrant de l'argent à plusieurs

 19   occasions, mais le prix de sortie devenait de plus en plus cher. Par exemple,

 20   pour aller jusqu'en Croatie ou jusqu'au territoire libre, coûtait 2 000 marks

 21   allemands. Moi, je ne disposais pas de cet argent. Je travaillais seul dans ma

 22   famille, mon épouse et mes enfants ont été à la maison, et ils ne pouvaient pas

 23   sortir. Donc c'est comme ça que nous sommes restés là-bas.

 24   Q.  Monsieur le Témoin, dans les notes de récolement, c'est la pièce à

 25   conviction P158, vous avez dit que les forces qui attaquaient Hrnici auraient

 26   pris pour cible la mosquée locale; comment avez-vous pu savoir que c'était leur

 27   cible ?

 28   R.  J'ai pu me rendre compte de cela puisqu'il y avait des obus qui tombaient


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  1   des collines aux alentours de Kozara. Et les obus tombaient la plupart du temps

  2   autour de la mosquée et la maison de l'un de mes amis qui se trouve à 200 ou 300

  3   mètres a été touchée. Il y avait certainement quelqu'un qui a donné des

  4   coordonnées de cette maison puisque la mosquée a été tombée. Après quelques

  5   tirs, un obus est tombé sur la mosquée et la mosquée a été détruite.

  6   M. TRALDI : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant afficher le document

  7   qui porte le numéro 10891 sur la liste 65 ter ?

  8   Q.  Monsieur le Témoin, maintenant, je vais vous poser quelques questions

  9   concernant la période de temps pendant laquelle vous étiez au camp de Keraterm.

 10   Monsieur le Témoin, d'abord, est-ce que vous reconnaissez le bâtiment qu'on peut

 11   voir sur cette photographie ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Pouvez-vous dire à la Chambre de quoi il s'agit, de quel bâtiment il s'agit

 14   ?

 15   R.  Il s'agit du bâtiment, pour autant que je le sache, où se trouvaient des

 16   entrepôts pour des carreaux en céramique et il s'agissait de pièces qui étaient

 17   un entrepôt avec un sol en béton, après quoi cela est transformé au camp -- le

 18   camp de Keraterm.

 19   Q.  Pour autant que vous le sachiez, Monsieur le Témoin, est-ce que, pour ce qui

 20   est de cette photographie, le -- l'entrepôt où se trouvait le camp de Keraterm

 21   est bien visible ? Est-ce que ce -- c'est une photographie de bonne qualité ?

 22   R.  Oui.

 23   M. TRALDI : [interprétation] Je demande que le document 10891 sur la liste 65

 24   ter soit versé au dossier en tant qu'une pièce publique.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière d'audience, pouvez-vous

 26   accorder une cote ?

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 10891 recevra la cote P160,

 28   Monsieur le Président.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P160 est versée au dossier.

  2   M. TRALDI : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur le Témoin, pour ce qui est des notes concernant votre déposition,

  4   les conditions qui prévalaient dans la pièce 2 au camp de Keraterm et on peut y

  5   lire que vous étiez détenu avec d'autres 500 personnes.

  6   Pouvez-vous décrire à la Chambre de quels gens il s'agissait, qui ils étaient,

  7   quels étaient leur âge, sexe et leur appartenance ethnique ?

  8   R.  Lorsque je suis arrivé, lorsqu'on m'a emmené au camp de Keraterm, des

  9   soldats serbes nous ont ordonné de nous allonger au sol en béton ou asphalte qui

 10   étaient extrêmement chaud. Nous devions, donc, nous allonger, ventre plat, et

 11   mettre notre tête de côté et nos mains derrière la nuque. C'était insupportable,

 12   puisque c'était très chaud. Les gens essayaient de -- de se décoller, en quelque

 13   sorte, un peu de ce sol, mais les soldats ont remarqué cela et ils ont commencé

 14   à insulter ces gens, de leur donner des coups dans la tête. Certains ont essayé

 15   de se tourner vers l'autre côté, moi aussi, mais, eux, ils savaient de quel côté

 16   nous nous étions allongés, mais nous avons quand même réussi à avoir un peu

 17   d'air.

 18   Et un peu plus tard, ils nous ont ordonné de nous lever et de leur mettre

 19   tout ce que nous avions dans nos poches et ils nous ont distribué dans ces

 20   pièces. Moi, je suis entré dans la pièce numéro 2. Nous étions trois à cinq par

 21   pièce et il y en avait, en fait, déjà dans la pièce qui -- les gens qui avaient

 22   déjà été battus, qui gémissaient, et ils étaient allongés, et nous, nous devions

 23   être les uns à côté des autres. Vous pouvez peut-être imaginer une pièce de

 24   dimensions 10 à 20 mètres où il y avait 500 personnes approximativement, parfois

 25   plus parfois moins.

 26   Et il y avait des gens qui ne pouvaient pas être assis. Ils devaient être

 27   allongés et ils occupaient plus de place dans ces pièces. Les gens étaient

 28   effrayés, étaient battus. Ils ne savaient pas -- ils ne connaissaient pas le


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  1   destin de leurs famille, où ils se trouvaient. Et plus le temps passait, plus la

  2   situation s'empirait. Les conditions hygiéniques étaient inexistantes. C'était

  3   en été. On était enfermés dans cette pièce et moi, je ne portait qu'un t-shirt

  4   et à un moment donné, j'ai commencé -- j'ai essayé de le retirer, donc, et il

  5   est tombé en lambeaux. Seulement une partie est restée autour de mon cou. Il y

  6   avait des cafards. Nous ne pouvions pas nous débarrasser d'eux. Dans cette

  7   pièce, il y avait des -- des deux côtés, ce qui a -- ce qui n'a fait que faire

  8   augmenter la température. A un moment donné, ils ont donné un tonneau en

  9   plastique, ce qu'ils ont mis au coin à gauche par rapport à l'entrée et ils sont

 10   -- ils ont fermé la porte. Nous n'avions plus d'air --

 11   Q.  Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur. Vous avez dit qu'il y avait 500

 12   autres personnes dans cette pièce.

 13   Est-ce que vous pouvez nous dire quelque chose au sujet de ces gens pour ce qui

 14   est de leur appartenance ethnique, leur âge respectif, enfin, pour nous aider ?

 15   R.  Ils n'étaient pas du même groupe ethnique et pas du même âge. D'après ce que

 16   je sais suite au départ vers Trnopolje, il y avait des gens qui avaient 16-17

 17   ans et d'autres qui avaient 70 ans d'après ce que j'en sais. Il y avait des gens

 18   qui étaient des Croates et que je connais -- que je connaissais qui étaient

 19   originaires de Trnopolje qui s'étaient retrouvés là aussi.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être y a-t-il une petite confusion.

 21   Votre question se rapportait à Keraterm et moi, j'entends parler de

 22   Trnopolje dans la dernière partie.

 23   Mais ce que M. Traldi voudrait savoir, Monsieur Tachi, c'est le fait que pas

 24   tous à Keraterm, donc, ces 500 personnes n'étaient pas toutes du même groupe

 25   ethnique. Donc, est-ce que cela signifie que toutes les appartenances ethniques

 26   étaient représentées parmi ces 500 ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Pas toutes. Il y a, comme je l'ai dit, des

 28   Musulmans et des Croates que je connaissais. C'étaient des ressortissants de la


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  1   population non-Serbe, à 100 %.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etaient-ce des hommes ou des femmes ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Des hommes.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et la tranche d'âge, pouvez-vous nous dire de

  5   quoi il s'agit ? S'il y a eu des tranches d'âge, est-ce que vous pouvez à peu

  6   près nous les donner ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Disons que, d'après moi, ils étaient dans la

  8   tranche entre 16 et 70 ans et même plus que cela. C'est à peu près ce que je

  9   peux vous donner comme estimation.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, allez-y.

 11   M. TRALDI : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur, vous nous avez dit que vous avez été à Trnopolje aussi. Une fois

 13   que vous avez été détenu là-bas, y a-t-il eu d'autres prisonniers ressortissants

 14   des mêmes groupes ethniques que ceux qui étaient tenus à Keraterm, donc étaient-

 15   ce -- ces détenus, étaient-ce des Croates et des Musulmans ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Est-ce que les plus âgés et les plus jeunes de ces prisonniers de Trnopolje

 18   avaient à peu près les mêmes [inaudible] jusqu'à Trnopolje qu'à Keraterm entre

 19   16 et 70 ?

 20   R.  Oui. Il y en a eu bon nombre à avoir été transférés de Keraterm à Trnopolje

 21   par la suite.

 22   Q.  Et s'agissant des plus jeunes et des plus âgés parmi ces prisonniers, sont-

 23   ils tous restés au camp ?

 24   R.  Mais de quel camp parlez-vous maintenant, Monsieur ?

 25   Q.  Maintenant, mes questions se rapportent à Trnopolje, Monsieur.

 26   R.  Oui. Mais est-ce que vous pouvez répéter votre question, s'il vous plaît ?

 27   Q.  Oui. A Trnopolje, lorsqu'il s'agit des plus âgés et des plus jeunes de ces

 28   détenus du camp qui étaient à vos côtés, étaient-ce des gens qui [inaudible]


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  1   pendant que vous vous êtes trouvés là-bas, depuis votre arrivée jusqu'au départ

  2   ? Etiez-vous -- étaient -- étaient-ils avec vous ?

  3   R.  Oui, ils étaient avec moi.

  4   M. TRALDI : [interprétation] Messieurs les Juges, je vais limiter mes -- mon

  5   interrogatoire pour ce qui est des conditions prévalant dans la pièce numéro 2

  6   de Trnopolje, étant donné que ceci fait partie des faits jugés.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comme j'ai fait remarquer auparavant, à vous

  8   de juger de ce qui convient de faire et de tirer des lignes.

  9   Allez-y.

 10   M. TRALDI : [interprétation] Je me vous suis reconnaissant -- Je vous en suit

 11   reconnaissant, Monsieur le Président.

 12   Je voudrais demander aux Juges de la Chambre de nous montrer le 65 ter 05987. Il

 13   s'agit d'un rapport du 1e Corps de la Krajina au sujet de la date du 24 juillet

 14   1992.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, en attendant, j'ai une question

 16   complémentaire.

 17   A Trnopolje, y a-t-il eu des femmes et des enfants, Monsieur Taci ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, même avant moi. Et on en a amenés d'autres

 19   lorsque j'étais déjà là-bas, ceux qui étaient restés dans les villages

 20   environnants. Certaines personnes ont été déportées et d'autres ont été emmenées

 21   là. J'ai vu, donc, des femmes et des enfants.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et quand que vous dites enfant, est-ce que

 23   vous parlez d'enfants qui ont moins de 16 ans, n'est-ce pas ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 26   Veuillez continuer, Monsieur Traldi.

 27   M. TRALDI : [interprétation]

 28   Q.  Monsieur, en page 1 de la version anglaise - et je précise qu'il s'agit des


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  1   pages 2 et 3 de la version B/C/S - il est dit, dans ce rapport :

  2   "Les prisonniers du centre de Rassemblement à Prijedor, placés à l'usine de

  3   Keraterm, ont essayé de s'évader en masse dans la nuit du 24. Cette tentative a

  4   été empêchée et 50 personnes ont été tuées à cette fin."

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on voit la portion -- la portion en

  6   B/C/S ?

  7   M. TRALDI : [interprétation] Le B/C/S se trouve en bas de la page 1 et ça

  8   continue au haut de la page 3. Vous allez voir le mot Keraterm.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais on ne l'a pas vu tout à l'heure sur

 10   nos écrans. On l'a vu en anglais, mais on ne l'a pas vu en B/C/S. Est-ce qu'on

 11   peut déplacer la -- tourner la page en version B/C/S et afficher la page

 12   suivante ?

 13   M. TRALDI : [interprétation] C'est tout à fait en haut de la page, Monsieur le

 14   Président.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Maintenant, on le voit, mais tout à

 16   l'heure, ça n'a pas été montré sur l'écran, la partie appropriée n'a pas été

 17   montrée.

 18   Alors, Monsieur Taci, est-ce que vous avez eu l'occasion de lire ce qui y est

 19   dit ?

 20   Et peut-être, Monsieur Traldi, pourriez-vous relire afin que M. Taci puisse

 21   suivre la partie entière de ce texte ?

 22   M. TRALDI : [interprétation] Oui.

 23   Q.  Le texte dit que :

 24   "Les prisonniers au centre de Rassemblement à Prijedor, qui était placé dans la

 25   -- l'usine de Keraterm, ont tenté une évasion en masse dans la nuit du 24. Cette

 26   tentative a -- s'est soldée par la mort de quelques 50 prisonniers."

 27   Alors, est-ce qu'il y a eu véritablement une tentative d'évasion massive de

 28   Keraterm, de cette pièce numéro 3 ?


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  1   R.  Cette déclaration est tout à fait inexacte. D'abord, ce n'était pas un

  2   centre de Rassemblement, c'était un camp, un lieu de torture et d'exécution; et

  3   il n'y avait pas eu 50 mais, d'après moi, à peu près 200; et troisièmement, les

  4   hommes n'ont pas essayé de fuir. Je l'ai appris par la suite. Après ces

  5   exécutions en masse, je me suis entretenu avec un jeune homme qui avait survécu,

  6   parce qu'il avait souffert d'une intoxication et s'était évanoui. Alors, je lui

  7   ai demandé comme il a survécu et il m'a dit que l'armée serbe avait jeté de --

  8   du poison dans la pièce. Les gens ont paniqué et les portes étaient fermées. La

  9   pièce était petite et étouffante. Imaginez comment c'était. Les gens enlevaient

 10   leurs chemises et ils essayaient de -- d'échapper à ces matières toxiques. Je ne

 11   sais trop ce que c'était. Je ne sais pas ce que c'était, mais il a dit qu'il

 12   s'était évanoui et que d'autres personnes avaient, par la force, ouvert la porte

 13   pour avoir de l'air, parce qu'ils n'avaient plus d'air. Ils ont dit : "Tuez-nous

 14   plutôt que de nous laisser là, tuez -- laissez-nous dehors". Il y a eu des cris

 15   de ce genre qu'on a entendus, et tout à coup, du côté serbe, "ne vous évadez

 16   pas, arrêtez-vous, stoppez là, on va tirer." Mais c'était un coup monté. Ils

 17   n'en pouvaient plus, cens gens, de s'étouffer -- de -- d'étouffer là-bas et ils

 18   les accueillaient là-bas avec leur mitrailleuses et les exécutaient.

 19   Q.  Et pour finir, Monsieur, dans votre déclaration écrite, vous avez décrit, le

 20   matin d'après, en disant que les blessés et les morts avaient été chargés à bord

 21   d'un camion ensemble. Alors, ma question est la suivante : Est-ce que l'une

 22   quelconque des personnes blessées qui a été chargée à bord du camion serait

 23   revenue à Keraterm vivante à quelque moment que ce soit ?

 24   R.  Le matin d'après, ils sont venus avec des camions, des camions remorques, de

 25   gros camions. Ils ont garé l'arrière de la remorque tourné vers la pièce 3 et

 26   ils étaient sur des tas, et on nous a donné l'ordre de les charger. Ils ont

 27   d'abord demandé des volontaires et les gens n'osaient pas sortir, alors ils ont

 28   par la force sorti des gens pour monter les gens à bord des camions. Il y avait


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  1   encore des blessés qui gémissaient, qui demandaient de l'aide. Il y en avait

  2   d'autres qui étaient déjà morts, mais tous ont dû être chargés à bord des

  3   camions, et les camions ont -- sont partis, mais les blessés, on ne les a plus

  4   jamais revus. Je ne les ai plus jamais revus.

  5   Q.  Merci.

  6   M. TRALDI : [interprétation] Messieurs les Juges, ceci met un terme à mon

  7   interrogatoire principal. Là, je demanderais le versement au dossier de la pièce

  8   65 ter 05987 en tant que pièce publique. Ce document a été saisi auprès du CSB

  9   de Banja Luka en 1998. Comme les Juges de la Chambre peuvent le constater au vu

 10   de la page 5 de la version B/C/S, le document se trouve à être signé et daté et

 11   porte un cachet du premier corps de la Krajina. D'après moi, ceci est suffisant

 12   pour déterminer l'authenticité à des fins d'admission.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, puisqu'il n'y a pas d'objection, Madame

 14   la Greffière.

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le 05987 deviendra la pièce à conviction

 16   P161, Messieurs les Juges.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le P161 est versé au dossier.

 18   Maître Stojanovic, étant donné que nous avons eu une situation peu ordinaire ce

 19   matin, la Chambre estime qu'il y a peut-être encore deux pauses à faire. Est-ce

 20   que vous êtes prêt pour ce qui est de votre contre-interrogatoire, ou est-ce que

 21   vous -- enfin, est-ce que vous seriez d'accord que nous commencions jusque -- et

 22   pour continuer jusqu'à 11 heures ?

 23   Monsieur Taci, vous allez être contre-interrogé par M. Stojanovic. Me

 24   Stojanovic est le conseil de la Défense de M. Mladic, il se trouve à votre

 25   gauche.

 26   Contre-interrogatoire par M. Stojanovic :

 27   Q.  [interprétation] Monsieur Taci, bonjour.

 28   R.  Bonjour.


Page 2106

  1   Q.  Je m'appelle Miodrag Stojanovic et je fais partie avec mes collègues de

  2   l'équipe de la Défense de M. Mladic. Je me propose de vous poser pour ma part

  3   plusieurs questions au sujet de votre déposition. J'ai cru comprendre que les

  4   événements en Slovénie et en Croatie qui ont précédé à la guerre en Bosnie-

  5   Herzégovine vous ont pris sur -- vous ont trouvé à un moment où vous vous

  6   trouviez à Zagreb, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Et vous avez dit que vous n'étiez pas engagé sur le plan militaire là-bas ?

  9   R.  Non.

 10   Q.  Est-ce qu'on vous a demandé un engagement militaire ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Vous avez donc décidé d'aller en Bosnie au vu de ce qui s'y passait, n'est-

 13   ce pas ?

 14   R.  Je ne suis pas allé pour voir ce qui s'y passait. J'y suis allé pour sortir

 15   ma femme et mes enfants, et pour les faire passer de la Croatie vers les

 16   territoires libres.

 17   Q.  Vous êtes arrivé à votre village dans la deuxième moitié du mois d'avril

 18   1992, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Veuillez indiquer aux Juges par où vous êtes passé pour arriver jusqu'à

 21   Prijedor ?

 22   R.  Je ne pourrai pas le dire. Les autocars ne suivaient pas des lignes, des

 23   grandes routes ou des itinéraires qui étaient ceux d'avant. Pour la plupart des

 24   cas de figure, c'était en direction de Slavonski Brod, en passant par Derventa.

 25   Puis après, je n'ai plus tellement suivi pour pouvoir vous dire exactement par

 26   où on est passé. Toujours est-il que je suis arrivé depuis Banja Luka jusqu'à

 27   Kozarac.

 28   Q.  Je vous pose cette question pour une raison simple, à savoir à l'époque,


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  1   entre Slavonski Brod et Bosanski Brod, il y avait la frontière d'état entre la

  2   Croatie et la Bosnie-Herzégovine; et Derventa, il y a eu des activités de combat

  3   très fortes entre les forces armées croates et les forces armées serbes. Est-ce

  4   que vous avez pu voir cela ?

  5   R.  J'ai vu des soldats, bien entendu, mais je n'ai pas vu d'activité de combat.

  6   Q.  Est-ce que, sur la route, on vous aurait arrêté à des postes de contrôle par

  7   -- enfin, est-ce que ça aurait été le fait de formation policière ou de

  8   formation militaire de l'une quelconque des parties au conflit ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et personne ne vous a posé d'entrave ou d'obstacle pour que vous arriviez

 11   jusqu'à Prijedor ?

 12   R.  Non, on a vérifié mes pièces d'identité, vérifier ce que je portais dans mes

 13   bagages; c'est tout.

 14   Q.  Est-ce que vous avez fait votre service dans les rangs de la JNA, Monsieur ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Pouvez-vous nous dire quand et où, et dites-nous aussi si vous étiez à

 17   l'époque un conscrit militaire ?

 18   R.  Je suis parti au service en 1983, dans ce qui était à l'époque la JNA. Je

 19   suis allé en Slovénie, plus exactement à Postajna.

 20   Q.  Et je vous ai demandé aussi si, à l'époque en 1991-1992, à la première

 21   moitié de 1992, vous étiez considéré comme étant un conscrit militaire; est-ce

 22   que vous étiez dans les registres de l'armée ?

 23   R.  Non, personne ne m'a demandé. Je vous ai dit que j'avais travaillé en

 24   Croatie, l'entreprise se trouvait à Zagreb. Moi, personne ne m'a ni appelé ni

 25   convoqué, et je n'étais pas un conscrit.

 26   Q.  Votre objectif à l'occasion de votre arrivée en Bosnie-Herzégovine n'avait

 27   pas été de rejoindre l'une quelconque des unités ou l'un quelconque des conflits

 28   armés ?


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  1   R.  Je n'ai eu aucune intention d'aller là-bas pour me battre pour quoi que ce

  2   soit. Je voulais faire sortir ma famille. J'ai essayé à plusieurs reprises mais

  3   je n'avais réussi jusque-là.

  4   Q.  Et j'aimerais savoir si vous avez donné vos raisons à une instance

  5   judiciaire, un organe judiciaire ou un organe étatique les raisons qui auraient

  6   été différentes de celles que vous avez mentionnées justifiant votre départ ?

  7   R.  Non, je leur ai donné exactement les raisons que je viens de présenter.

  8   Allez-y, je vous entends.

  9   Q.  Non, désolé, je m'arrêtais parce que j'attendais que la traduction soit

 10   finie.

 11   Lorsque vous êtes arrivé en avril 1992, est-ce que vous avez des informations

 12   préalables quant à la situation en matière de sécurité à Prijedor et dans les

 13   zones environnantes ?

 14   R.  Je n'avais pas d'information à ce sujet. J'ai vu à la télé, en Croatie que

 15   des tirs touchaient Sarajevo ainsi que des bombardements, et que cela s'étendait

 16   à d'autres endroits également. Mais d'après ce que l'on pouvait entendre, cela

 17   semblait calme dans notre zone, il n'y avait pas de combat, pas d'arrestation,

 18   pas de tir et c'est la raison pour laquelle je suis parti pour essayer également

 19   de faire partir ma famille.

 20   Q.  Lorsque vous êtes arrivé en Bosnie ou plutôt Prijedor ou plutôt à Kozarac,

 21   est-ce que vous avez remarqué que la situation en matière de sécurité et

 22   politique commençait à se détériorer ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Pourriez-vous nous dire, si vous saviez que cet incident à Kozarac qui a été

 25   à l'origine de cette détérioration de la situation, a été déclenché par ce

 26   drapeau qui avait été planté sur le bâtiment de la police à Kozarac ?

 27   R.  Oui, j'ai entendu dire que les forces serbes voulaient enlever certains

 28   drapeaux. Je ne sais pas de quel drapeau il s'agissait, mais je sais qu'ils


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  1   voulaient en fait faire battre le drapeau serbe. Cette localité était déjà sous

  2   le contrôle serbe, mais 99 % de la population musulmane à Kozarac n'étaient pas

  3   d'accord pour que ce drapeau flotte.

  4   Je ne sais pas si ça a été l'élément déclencheur de tout ce qui s'est passé,

  5   mais je sais qu'ils n'étaient pas d'accord avec ce changement de drapeau.

  6   Q.  Est-ce que vous avez entendu dire qu'un referendum avait eu lieu en Bosnie,

  7   concernant l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine?

  8   R.  Oui, j'ai entendu cela.

  9   Q.  Est-ce que vous avez eu vent du fait que le peuple serbe en Bosnie-

 10   Herzégovine en tant que peuple constitutif avait demandé qu'un referendum ne

 11   soit pas mené sans la participation ni sans la volonté de l'un des peuples

 12   constitutifs ?

 13   R.  Oui, effectivement --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stojanovic, est-ce que vous avez été

 15   en contact avec l'Accusation ? Notamment en ce qui concerne cette dernière

 16   question, à savoir que le peuple serbe pensait que le référendum ne pouvait pas

 17   être organisé sans leur participation. Est-ce qu'il y a des éléments qui sont

 18   contestés d'une partie ou d'une autre ? Je m'adresse à M. Groome.

 19   M. GROOME : [interprétation] Je ne pense pas que ce soit le cas, et l'Accusation

 20   peut également tomber d'accord sur des faits qui ne font pas l'objet de

 21   contestation.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stojanovic, je vous encourage à mener

 23   ces discussions, parce que le témoin nous dit simplement qu'il a eu vent de

 24   cela, mais il ne dit pas qu'il est d'accord avec ce qui s'est produit, par

 25   exemple. Vous pouvez continuer, Maître Stojanovic.

 26   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais donc

 27   continuer. Cela constituera d'ailleurs la base de ma prochaine question.

 28   Q.  Compte tenu des conseils que nous venons de recevoir, vous nous avez dit que


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  1   vous avez entendu que les représentants du peuple serbe avaient refusé d'accéder

  2   à ce référendum au sein de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine, et je voudrais

  3   savoir : de qui vous avez entendu cela, quand l'avez-vous entendu, et exactement

  4   quels propos avez-vous entendus en ce qui concerne la position du peuple serbe

  5   en Bosnie-Herzégovine ?

  6   R.  Je l'ai entendu à la radio serbe à Prijedor. C'était une radio qui était

  7   déjà contrôlée par les forces serbes, et Prijedor était contrôlée par les forces

  8   serbes.

  9   Q.  Merci. Saviez-vous qu'il y avait un poste de police avancé à Kozarac qui

 10   était une antenne du poste de police de Prijedor ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Saviez-vous qu'il y avait une division en fonction de l'appartenance

 13   ethnique dans tous les postes de police de la zone de Prijedor ?

 14   R.  Oui, je le savais. Lorsque les forces serbes ont pris le contrôle de

 15   Prijedor, ils ont désarmé leurs collègues, c'est-à-dire ceux qui travaillaient

 16   avec eux auparavant. Ils les ont renvoyés chez eux ou je ne sais où. Ils ne

 17   servaient plus au sein de l'armée serbe. Ils ne leur faisaient plus confiance,

 18   et je crois qu'il en allait de même dans la commune locale de Kozarac, seuls les

 19   officiers de police musulmans sont restés en poste.

 20   Q.  Merci. Et maintenant j'aimerais vous poser cette question : est-ce que vous

 21   savez que dans la municipalité de Prijedor, dans la localité de Ljubija,

 22   l'emblème croate est resté et qu'ils géraient un service de police là-bas ?

 23   R.  Non. Ce n'est pas quelque chose que j'aurais pu entendre. Nous n'avions pas

 24   vraiment beaucoup d'informations ni de rapports concernant Ljubija ou les

 25   environs de Prijedor. Nous nous concentrions sur notre propre sort et sur notre

 26   avenir, celui de nos femmes et de nos enfants. Donc je n'ai pas entendu parler

 27   de cela, et je n'ai pas été informé de cela.

 28   M. STOJANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,


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  1   peut-être que c'est le moment de faire une pause, parce que je vais passer à un

  2   autre sujet. Donc, peut-être que c'est le bon moment de faire la pause.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Stojanovic. Pourriez-vous nous

  4   dire de combien de temps vous avez encore besoin ?

  5   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Compte tenu des

  6   documents et des questions qui ont été posées, je pense que j'aurais besoin

  7   d'environ 45 minutes.

  8   Et j'ai également une autre demande. Mes collègues m'ont dit que le général

  9   Mladic ne se sent pas bien, donc ce serait peut-être une bonne idée que

 10   quelqu'un l'ausculte.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Le Greffe se charge de cela. Nous

 12   allons faire une pause -- j'ai dit que nous prenions que deux pauses, mais ces

 13   pauses seront plus longues.

 14   Donc je vais tout d'abord demander au témoin de sortir de ce prétoire. Et nous

 15   allons donc faire une pause d'une demi-heure.

 16   [Le témoin quitte la barre]

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous faisons donc notre pause, et nous

 18   reprendrons à 11 heures 30.

 19   --- L'audience est suspendue à 11 heures 01.

 20   --- L'audience est reprise à 11 heures 39.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-on faire venir le témoin dans le

 22   prétoire, s'il vous plaît.

 23   Maître Lukic, nous avons décidé de faire droit à votre demande d'autorisation

 24   pour que Me Ivetic contre-interroge le témoin qui sera cité à la barre après le

 25   témoin qui dépose en ce moment.

 26   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je consigne également au compte rendu que M.

 28   Mladic a été examiné par l'infirmière et que nous pouvons donc poursuivre.


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  1   [La Chambre de première instance se concerte]

  2   [Le témoin vient à la barre]

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Taci, veuillez vous rasseoir.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître, à vous.

  6   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci.

  7   Je voudrais demander, Messieurs les Juges, l'affichage du document qui sur la

  8   liste 65 ter porte le numéro 1D00111. Il s'agit d'un document que nous avons

  9   déjà examiné à plusieurs reprises et qui n'a toujours pas été versé au dossier

 10   en l'espèce. Nous essayons de trouver le bon angle d'approche pour y parvenir.

 11   Q.  Alors, Monsieur le Témoin, j'attire votre attention sur la moitié gauche de

 12   l'écran, où le document apparaît en B/C/S.

 13   Ce document émane du commandant du quartier général de l'état-major de la

 14   Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine, Hasan Efendic, il est daté du 29

 15   avril 1992, c'est-à-dire postérieurement à votre arrivée en Bosnie-Herzégovine.

 16   Au point numéro 4, il est indiqué, entre autres, je cite :

 17   "Planifiez de façon accélérée et commencez avec des activités de combat sur

 18   l'ensemble des territoires de la BiH et coordonnez ces activités avec l'état-

 19   major de la TO aux échelons de la région, des districts et de la République de

 20   Bosnie-Herzégovine."

 21   Alors, je voudrais vous demander d'abord si vous avez jamais eu l'occasion de

 22   voir ce document au préalable ?

 23   R.  Non, jamais.

 24   Q.  Deuxièmement, je voudrais vous demander également si, pendant que vous

 25   viviez dans votre village à un quelconque moment que ce soit, vous avez pu

 26   constater une mise en œuvre de cet ordre au sens de l'organisation d'activités

 27   de combat et du début d'activités de combat sur le territoire d'où vous êtes

 28   originaire.


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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître, comment le témoin est-il censé

  2   savoir quoi que ce soit à ce sujet s'il ne connaissait pas l'ordre en question ?

  3   M. STOJANOVIC : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois,

  4   Messieurs les Juges, ce témoin était présent dans ce secteur et ce secteur était

  5   concerné par l'ordre que nous avons sous les yeux, donc, je demande au témoin

  6   si, de son point de vue, il y a eu des activités de combat conformes à ce qui

  7   est décrit dans l'ordre.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce n'était pas la question que vous avez

  9   posée, Maître. Je vais vous en donner lecture. Je cite :

 10   "Deuxièmement, je voudrais vous demander si, pendant que vous viviez dans votre

 11   village, à quelque moment vous avez constaté la mise en œuvre de cet ordre ?"

 12   C'est ce que vous avez demandé.

 13   Ce que je vous dis, c'est que le témoin nous affirme n'avoir jamais vu cet ordre

 14   préalable. Alors, comment pourrait-il dire si la moindre activité est conforme

 15   ou non-conforme à une mise en œuvre de cet ordre ?

 16   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Je vais m'efforcer

 17   d'obtenir peut-être par un autre moyen ce que je souhaite obtenir.

 18   Q.  Donc compte tenu de ce que vient d'indiquer M. le Juge, Monsieur le Témoin,

 19   est-ce qu'à quelque moment que ce soit pendant que vous séjournez dans votre

 20   village vous avez constaté des préparatifs dans votre village et dans les

 21   villages environnants peuplés de Musulmans de Bosnie, des préparatifs à -- au

 22   combat armé ?

 23   R.  Non, je n'ai remarqué rassemblement ni appel concernant la population

 24   musulmane, comme nous l'appelons. En revanche, j'ai pu constater que, même avant

 25   les bombardements, l'armée serbe s'était préparée. Un char s'est positionné au

 26   niveau du carrefour, ce qui a effrayé la population. En fait, la population

 27   était déjà effrayée avant et à partir de l'arrivée de ce char, elle n'en a été

 28   que plus effrayée, parce qu'elle était dans une incertitude de plus en plus


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  1   grande, et toutes les voies nous étaient fermées qui auraient permis de gagner

  2   la frontière croate et éventuellement de la traverser.

  3   Q.  [aucune interprétation]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître, peut-être est-il superflu de le dire,

  5   mais votre question parlait de villages alors que le document, lui, parle de la

  6   Défense territoriale. Alors, si vous nous dites que tout cela c'est la même

  7   chose, nous allons poursuivre. Mais si vous essayez d'établir ce qui a pu être

  8   mis en œuvre de ce que dit le document, je vous invite à vous appuyer sur des

  9   observations de nature factuelle. Veuillez poursuivre.

 10   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

 11   Q.  Monsieur le Témoin, je vais demander l'affichage maintenant du document

 12   numéro 1D194 dans le prétoire électronique. Pendant que nous en attendons

 13   l'affichage, je souhaite simplement signaler qu'il s'agit d'un rapport

 14   d'activités du SJB de Prijedor pour les neuf mois précédents. La date indiquée

 15   pour les neuf derniers mois --

 16   L'INTERPRÈTE : -- se reprend l'interprète --

 17   M. STOJANOVIC : [interprétation]

 18   Q.  -- comme vous pouvez le voir en page de couverture, et je voudrais

 19   maintenant que l'on affiche la page numéro 2 en version B/C/S ainsi qu'en

 20   anglais. Peut-on maintenant passer à la page numéro 3, la page suivante dans les

 21   deux langues ?

 22   Monsieur le Témoin, j'attire votre attention sur le deuxième paragraphe.

 23   Il est dit, dans ce rapport, que des affrontements armés se sont produits qui

 24   ont commencé le 22 mai 1992. Je poursuis la citation : "… par l'attaque

 25   d'extrémistes musulmans lancés contre cinq conscrits dans le village de

 26   Hambarine."

 27   Alors, avez-vous jamais entendu dire ce qui s'était réellement passé là-

 28   bas ?


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  1   R.  Pour commencer, je ne viens pas de Hambarine. Cette localité était à une

  2   quinzaine de kilomètres de la mienne. J'en ai peu entendu parler, je ne la

  3   connaissais pas et je ne suis jamais allé à Hambarine. Moi, j'avais plus affaire

  4   en Croatie.

  5   Et concernant ces informations et ces meurtres, je n'en ai pas entendu

  6   parler et je ne pouvais pas en avoir entendu parler, surtout pas ce jour-là,

  7   parce que comme je l'ai déjà dit au début, nous étions complètement isolés, nous

  8   n'avions ni électricité ni eau, ni téléphone et nous devions nous débrouiller

  9   seuls pour nous procurer de l'eau dans les puits, et cetera.

 10   Q.  Est-ce qu'après ces événements, vous avez entendu dire ce qui s'était passé

 11   lors de cet incident ?

 12   R.  Lorsque nous étions prisonniers à Keraterm et qu'ils ont fait venir ces

 13   hommes, j'ai entendu dire quelque chose, j'ai entendu dire qu'ils avaient une

 14   forme d'organisation ou une autre, bon à Ljubija, qui avait une attaque et il y

 15   avait des personnes qui parlaient avec eux, quelqu'un du côté serbe, qu'ils ont

 16   été emmenés là et placés dans une pièce à part été qu'ils -- ensuite, il leur

 17   est arrivé ce que j'ai déjà décrit.

 18   Q.  Merci. Voyez la partie suivante de ce même paragraphe. Il y est dit que les

 19   affrontements armés de la guerre se sont intensifiés avec l'attaque d'une

 20   colonne de l'armée dans le village de Jakupovici à la date du 24 mai 1992." Fin

 21   de citation".

 22   Alors, tout d'abord, est-ce que Jakupovici se trouve-t-il près de la localité de

 23   Kozarac et de l'endroit où vous viviez ?

 24   R.  Je ne sais pas ce que vous voulez pas ce que vous voulez dire par près mais,

 25   à mon avis, Jakupovici, c'est un village qui est à 10 ou 12 kilomètres de

 26   distance de Kozarac, et là où j'habitais, c'était encore deux ou trois

 27   kilomètres de l'autre côté de Kozarac, c'était Hrnici. Donc, lorsque nous y

 28   allions, je n'avais absolument aucun échange avec Jakupovici et je n'avais


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  1   aucune information ni indication de ce qui s'y passait.

  2   Q.  Est-ce que après ces événements à quelque moment que ce soit, vous avez été

  3   informé qu'une colonne de soldats avait été attaquée ?

  4   R.  Non, je n'ai rien entendu de tel.

  5   Q.  Très bien.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître, voici ce que je vous suggère. Essayez

  7   d'abord d'établir si le témoin a ou non connaissance d'un événement précis avant

  8   de lui présenter un document décrivant l'événement en question. Je vous

  9   encourage également le témoin avant tout au sujet d'événements qu'il a pu

 10   observer personnellement et au sujet desquels il a des éléments de connaissance.

 11   Veuillez poursuivre.

 12   M. STOJANOVIC : [interprétation] Entendu, Monsieur le Président.

 13   Q.  Monsieur le Témoin, sans m'appuyer sur le moindre document, je souhaite

 14   savoir si, à quelque moment que ce soit, vous avez reçu des informations

 15   indiquant que les forces bosniennes dirigeaient une attaque contre la ville de

 16   Prijedor et qu'à l'occasion de cette attaque 17 membres de la police et de

 17   l'armée de la Republika Srpska ont été tués ?

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stojanovic, peut-être pourriez-vous

 19   préciser à quelle période de temps vous pensez afin de permettre au témoin de

 20   vous répondre ?

 21   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

 22   Q.  Je pense à un événement du 30 mai 1992.

 23   R.  J'ai déjà dit plusieurs fois que nous n'avions aucune information en

 24   provenance de Prijedor. Je n'ai pas bougé de mon village. Je n'ai communiqué

 25   avec personne, aucune unité, aucune organisation. Nous n'avons même pas des

 26   informations par la radio, et je ne pouvais donc absolument pas savoir ce qui se

 27   passait. Nous étions complètement coupés du reste de la région.

 28   Q.  Merci. Est-ce que vous avez jamais eu l'occasion de rencontrer un certain


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  1   Slavko Ecimovic ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Est-ce qu'à l'occasion de votre séjour à Keraterm ou à Trnopolje, vous avez

  4   entendu parler d'un certain Aziz Aliskovic et avez-vous eu l'occasion

  5   éventuellement de le rencontrer ?

  6   R.  C'est la première fois que j'entends ce nom.

  7   Q.  Est-ce que vous savez qu'après ces différents incidents à Kozarac, un

  8   ultimatum a été posé par l'intermédiaire de Radio Prijedor et d'autres médias,

  9   et cet ultimatum était adressé aux civils afin qu'ils remettent leurs armes et

 10   qu'ils partent pour rejoindre leurs familles à Prijedor et évitent ainsi d'être

 11   touchés ?

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître, le dernier événement auquel vous vous

 13   êtes référé, c'était l'attaque visant la ville de Prijedor par des formations

 14   armées de Bosnie-Herzégovine. Alors, à quel autre événement ou incident vous

 15   référez-vous dans votre question lorsque vous parlez de "… ces événements à

 16   Kozarac," parce que, manifestement, il ne s'agit pas de l'attaque de Prijedor ?

 17   Est-ce que vous pourriez être un peu plus précis dans votre question ?

 18   M. STOJANOVIC : [interprétation]

 19   Q.  Après l'événement dont nous avons parlé, cette attaque visant la colonne des

 20   soldats dans le village de Jakupovici - j'envisage les événements dans leur

 21   suite, dans leur dynamique, et également l'attaque à Hambarine - est-ce qu'avant

 22   l'attaque de l'armée contre Kozarac, vous avez eu l'occasion d'entendre des

 23   informations de cette nature ?

 24   R.  Non, je n'en ai pas eu l'occasion, et j'ai déjà dit à plusieurs reprises que

 25   nous n'avions aucun moyen de nous informer. La radio ne fonctionnait pas. Nous

 26   n'avions pas de journaux. La poste ne fonctionnait plus depuis longtemps non

 27   plus. Et ce n'est qu'après le déploiement de ce char au carrefour et après que

 28   les sirènes aient retenti que j'ai appris que les gens ont essayé de se mettre à


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  1   l'abri et ont commencé à se déplacer pour essayer de se mettre en sécurité.

  2   Alors, peut-être que certaines familles étaient déjà parties plus tôt afin de ne

  3   pas se retrouver prises dans l'encerclement.

  4   Q.  Est-ce qu'à cette époque-là, vous aviez l'obligation militaire de vous

  5   présenter à l'une quelconque des unités, que ce soit auprès de l'armée ou de la

  6   police ? On m'a demandé de vous poser cette question.

  7   R.  Non, et personne ne m'a d'ailleurs convoqué. J'ai déjà dit la façon dont les

  8   gens se déplaçaient, qu'ils étaient en civil et qu'il n'y avait rien de tel. Ils

  9   étaient encerclés.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour ceux qui ne sont pas familiers du

 11   système de sirènes que nous utilisons aux Pays-Bas, je vous informe simplement

 12   que chaque premier lundi du mois, aux Pays-Bas, nous effectuons un test des

 13   sirènes, donc il n'y a pas lieu de s'inquiéter.

 14   M. STOJANOVIC : [interprétation] Avec votre permission, Monsieur le Président,

 15   pourrais-je rapidement parler à M. Mladic.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Rapidement, d'accord.

 17   [Le conseil de la Défense se concerte]

 18   [La Chambre de première instance se concerte]

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, j'avais suggéré que M. Mladic

 20   enlève ses écouteurs lorsqu'il vous parle parce que ceci explique pourquoi le

 21   volume de sa voix est en général assez élevé. Mais étant donné que la

 22   consultation est terminée, veuillez continuer avec vos questions.

 23   Maître Stojanovic.

 24   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci.

 25   Q.  Nous aimerions obtenir une précision suite à la dernière partie de votre

 26   réponse.

 27   Vous avez dit que vous avez fait votre service militaire au sein de la JNA.

 28   Compte tenu du fait que vous avez fait votre service militaire, est-ce que vous


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  1   aviez une unité à laquelle vous étiez affecté ? Est-ce que ces informations

  2   figurent dans votre livret militaire ?

  3   R.  Comme je l'ai dit, j'étais conscrit et j'ai participé à l'entraînement

  4   militaire à Manjaca. Maintenant, quant à mon lieu d'affectation ou à l'endroit

  5   où je devais faire rapport, vous savez où se trouve Manjaca. Je ne suis jamais

  6   allé là-bas, et je n'y serais pas allé même si on m'avait demandé d'y aller.

  7   Q.  Donc est-ce qu'on vous a donné une affection durant la guerre étant donné

  8   que vous êtes -- est-ce que vous avez fait quelque chose en Croatie ? Est-ce que

  9   vous deviez faire rapport auprès d'une unité quelconque là-bas ? Est-ce que vous

 10   pourriez nous dire quelque chose à ce sujet ?

 11   R.  Non. Personne ne m'a demandé de faire quoi que ce soit là-bas. La Croatie

 12   était déjà en guerre. Personne ne m'a demandé si j'étais un conscrit, si je

 13   devais faire rapport à qui que ce soit. Je n'ai jamais reçu d'information de ce

 14   type. Je n'ai jamais reçu de demande de ce type.

 15   Q.  Après que les forces armées serbes soient entrées à Kozarac -- où vous

 16   trouviez vous lorsqu'ils sont entrés dans Kozarac ?

 17   R.  J'étais chez ma belle-mère.

 18   Q.  Il s'agit du village de Sivci, n'est-ce pas, à quelques kilomètres de

 19   Kozarac ?

 20   R.  C'est exact.

 21   Q.  A un moment donné, est-ce que vous avez vu des membres des forces de Bosnie

 22   dans le village de Sivci ?

 23   R.  Non, jamais.

 24   Q.  Ils vous ont fait monter à bord d'un minibus, si je vous ai bien compris, en

 25   direction de Keraterm, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  L'homme qui vous a acheminé là-bas n'a permis à personne de vous arrêter ou

 28   de vous maltraiter; est-ce exact ?


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  1   R.  Il a du s'arrêter parce que nous étions arrivés à un barrage. Il ne voulait

  2   pas que les gens descendent du minibus, même s'ils avaient demandé à au moins

  3   deux personnes de descendre du minibus. Mais le chauffeur ne voulait pas que ces

  4   deux personnes descendent du bus. Il a dit qu'il reviendrait avec ces personnes

  5   un peu plus tard mais qu'il devait se rendre à Prijedor pour un interrogatoire.

  6   Voilà, c'est plus ou moins ce qui s'est passé.

  7   Q.  Mais vous ne savez pas de qui il s'agissait, et vous ne le savez toujours

  8   pas aujourd'hui ?

  9   R.  Non. Je ne connaissais pas son nom. Il portait un pantalon de civil, mais

 10   une chemisette de camouflage.

 11   Q.  Lorsque vous êtes arrivé à Keraterm, est-ce qu'à un moment donné vous avez

 12   su qui avait mis sur pied ce camp pour qu'il serve de centre de rassemblement ?

 13   R.  Ce n'est pas quelqu'un qui me l'a dit, mais il était évident que c'étaient

 14   les forces serbes qui étaient derrière cette organisation.

 15   Q.  Durant votre séjour à Keraterm, on vous a fait subir des interrogatoires,

 16   n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Savez-vous qui vous a posé ces questions ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que c'était un

 21   inspecteur, mais portant des habits de civil ?

 22   R.  Effectivement, il portait des vêtements de civil. Maintenant, est-ce qu'il

 23   s'agissait d'un inspecteur, je n'en sais rien. C'était peut-être un citoyen

 24   lambda.

 25   Q.  Il vous a demandé où vous habitiez en Croatie et ce que vous faisiez là-bas,

 26   n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Il vous a demandé également comment vous étiez arrivé jusqu'à Prijedor en


Page 2123

  1   avril 1992, n'est-ce pas ?

  2   R.  Non, il ne m'a pas posé cette question.

  3   Q.  Est-ce que vous y êtes allé en bus ? En fait, comment avez-vous fait les

  4   allers-retours entre Derventa et Banja Luka en avril 1992 ?

  5   R.  Je n'ai pas compris votre question.

  6   Q.  Je vais essayer de la reformuler. Ce qui m'intéresse, c'est une partie de

  7   votre itinéraire, c'est-à-dire quand vous êtes allé à Derventa, qui était sous

  8   le contrôle des forces armées croates à l'époque, et de là vous êtes allé à

  9   Banja Luka, qui était sous le contrôle des forces serbes à l'époque. Comment y

 10   êtes-vous allé, comment avez-vous fait le trajet entre ces deux localités ?

 11   R.  Je vous l'ai dit, j'ai emprunté un bus. Maintenant, quant à l'itinéraire que

 12   le bus a emprunté, je ne sais pas s'il a utilisé des itinéraires principaux ou

 13   des routes secondaires. Quoi qu'il en soit, je suis rentré chez moi de Banja

 14   Luka.

 15   Q.  Personne ne vous a forcé à faire cette déclaration. Ce que vous avez dit,

 16   vous l'avez dit sans le faire sous la contrainte ?

 17   R.  Oui. Ils m'ont demandé si j'avais quoi que ce soit dans mon sac, ils m'ont

 18   demandé ma carte d'identité, c'est tout.

 19   Q.  Lorsque vous avez fait l'objet d'interrogatoire par ce civil à Keraterm,

 20   est-ce que quelqu'un vous a battu ou est-ce que quelqu'un vous a demandé de dire

 21   quelque chose qui ne correspondait pas à la réalité ?

 22   R.  Non, pas durant l'interrogatoire.

 23   Q.  Au total, vous êtes resté un peu plus d'un mois à Keraterm, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Durant cette période, est-ce que vous avez pu voir si Keraterm était

 26   contrôlé par des militaires ou par des civils ?

 27   R.  Je pense que le camp était contrôlé par des militaires parce qu'on voyait

 28   des personnes avec des uniformes de camouflage. Mais je ne savais pas si la


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  1   police n'avait pas changé ses uniformes.

  2   Q.  Vous êtes arrivé à ces conclusions sur la base du type d'uniforme que

  3   portaient les gardes, n'est-ce pas ?

  4   R.  Je n'aurais pas pu conclure cela sur la base d'autre chose.

  5   Q.  Je vais vous poser certaines questions que vous avez mentionnées dans votre

  6   déclaration. Est-ce que vous connaissez quelqu'un répondant au surnom de Duca ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Est-ce que, finalement, vous avez pu savoir de qui il s'agissait et à quelle

  9   unité il était rattaché ou à quelle instance il était rattaché ?

 10   R.  J'ai entendu que c'était un Serbe. Quant à son nom complet, je ne l'ai

 11   jamais su et je n'ai jamais vraiment essayé de le savoir.

 12   Q.  Est-ce qu'à un moment donné vous avez appris qu'il avait été condamné à 31

 13   ans de réclusion criminelle par un tribunal de Bosnie-Herzégovine ?

 14   R.  Non, je n'ai pas entendu parler de cela. Je ne l'ai pas non plus lu dans la

 15   presse.

 16   Q.  Vous avez mentionné quelqu'un dont le surnom est Cupo; est-ce que vous

 17   vous en souvenez ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Est-ce qu'à un moment donné, vous avez pu déterminer quel était le nom réel

 20   de cette personne ?

 21   R.  Non, mis à part le fait qu'il avait un jumeau. Mais je n'ai jamais pu

 22   connaître son nom complet.

 23   Q.  Est-ce que vous saviez que Cupo avait un frère jumeau qui a fait l'objet

 24   d'un procès au TPIY ?

 25   R.  Non. Comme je l'ai dit, je ne connaissais ni son prénom, ni son nom de

 26   famille.

 27   Q.  Vous avez également mentionné quelqu'un dont le surnom aurait été Kajin. Ma

 28   question est donc la même. Est-ce que finalement vous avez su de qui il


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  1   s'agissait exactement lorsque l'on parlait d'un dénommé Kajin ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Donc, vous ne pourriez pas nous dire si ces personnes faisaient partie de

  4   l'armée ou des forces de police ?

  5   R.  Non. J'ai vu ce dénommé Kajin. Maintenant, de là, à savoir s'il était

  6   policier ou pas ou s'il avait un autre poste, je n'en sais rien.

  7   Q.  Est-ce que vous avez entendu parler d'un Dusko Sikirica ?

  8   R.  Oui, j'ai entendu parler de cette personne.

  9   Q.  Est-ce que vous savez s'il s'est trouvé à Keraterm ou dans les environs de

 10   Keraterm ou s'il occupait un poste quelconque là-bas ?

 11   R.  Je ne pourrais pas vous dire quoi que ce soit à ce sujet.

 12   Q.  Vous n'avez pas pu dire à l'Accusation lorsqu'elle vous a demandé

 13   directement si vous pouviez reconnaître les personnes qui avaient ouvert le feu

 14   contre les détenus de la salle numéro 3 durant cette nuit fatidique ?

 15   R.  Non, je n'ai jamais vu ces personnes, je ne les avais jamais vues auparavant

 16   et je ne les ai jamais revues par la suite.

 17   Q.  J'aimerais maintenant revenir à votre déclaration ou résumé d'entretien.

 18   M. STOJANOVIC : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait afficher le document

 19   de la liste 65 ter 28360.

 20   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P158.

 21   M. STOJANOVIC : [interprétation]

 22   Q.  Il s'agit du paragraphe 63 de votre déclaration. Vous avez dit à un moment

 23   donné vous avez vu que la porte s'ouvrait et vous avez vu des personnes qui

 24   sortaient de cette pièce. Est-ce que vous voyez cette partie de votre

 25   déclaration ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Et à ce moment-là vous étiez dans la salle numéro 2, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.


Page 2126

  1   Q.  L'ouverture qui vous permettait d'observer ce qui se déroulait, est-ce qu'il

  2   s'agissait d'une fenêtre ou d'un autre type d'ouverture ?

  3   R.  Ce n'était pas une fenêtre. C'était la porte qui permettait d'entrer dans la

  4   salle numéro 2 et d'en ressortir.

  5   Q.  Vous avez dit que la porte de la pièce numéro 3 était ouverte. Pouvez-vous

  6   dire à la Chambre ce qui s'est réellement passé et comment cette porte a-t-elle

  7   été ouverte ?

  8   R.  J'ai déjà dit auparavant qu'il y avait des cris, des gens n'avaient plus

  9   d'air, ils suffoquaient et les autres disaient "tirez". J'ai entendu des coups

 10   sur la porte. Je ne sais pas si la porte était fermée à clé ou pas. Et ces gens

 11   ont probablement forcé la porte pour avoir plus d'air. Après cela, les soldats

 12   serbes ont commencé à tirer sur eux comme s'il serait agi d'une fuite. Ils les

 13   avertissaient en disant : Ne fuyez pas. Nous allons tirer sur vous.

 14   Q.  Avant la fusillade, avez-vous pu voir quel était le nombre de gens, de

 15   détenus qui avaient réussi à s'échapper de la pièce numéro 3 ? Est-ce que vous

 16   les regardiez toujours ?

 17   R.  La question ne m'est pas claire.

 18   Q.  Excusez-moi. Je vais reformuler ma question.

 19   Est-ce que vous avez vu - et si c'est le cas - le nombre de détenus de la

 20   pièce numéro 3 qui était sorti avait le commencement de la fusillade, des tirs ?

 21   R.  Quand vous dites des "gens" vous pensez à ces détenus ?

 22   Q.  Oui, à des détenus, à des prisonniers, à des gens qui ont été emmenés là-

 23   bas.

 24   R.  Pour savoir s'ils étaient sortis de la pièce avant les tirs ?

 25   Q.  Oui, et en quel nombre ?

 26   R.  Je n'ai pas du tout vu ces gens sortir avant les tirs.

 27   Q.  Dans votre déclaration, me semble-t-il, vous avez dit quelque chose qui

 28   diffère de cela, et regardez, s'il vous plaît, le paragraphe 63. Vous dites que


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  1   vous avez pu voir que les gens ont commencé à sortir de la pièce et que certains

  2   d'entre eux ont commencé à courir dans toutes les directions. Et tout à l'heure,

  3   vous avez dit que vous n'avez vu personne sortir de cette pièce avant les tirs.

  4   Ce qui est vrai, dites-nous ?

  5   R.  Vous m'avez dit s'il y avait des personnes qui ont pu sortir avant les tirs.

  6   Personne. Les gens ont commencé à sortir lorsque le poison a été jeté dans cette

  7   pièce. Ils ont forcé la porte et ils ont sorti et commencé à courir dans toutes

  8   les directions, et c'est à ce moment-là qu'ils ont commencé à leur tirer dessus.

  9   Q.  Le jeune homme que vous avez mentionné dans votre déclaration et qui a

 10   survécu à ces événements tragiques, vous a décrit cet événement en détail,

 11   n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui, c'est vrai.

 13   Q.  Ce jeune homme, est-ce qu'il a perdu conscience à l'intérieur de cette pièce

 14   numéro 3 ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Avez-vous eu l'occasion de voir, d'après les informations que vous auriez pu

 17   obtenir, s'il y avait des gens qui étaient restés dans cette pièce ?

 18   R.  Oui, je pense qu'il y avait deux autres personnes avec lui dans cette pièce,

 19   et je lui ai parlé, mais je ne le connaissais pas. Je connaissais sa sœur qui

 20   était mariée à l'un de mes voisins.

 21   Q.  Est-ce que ces deux autres personnes ont également survécu à ces événements

 22   tragiques ?

 23   R.  Ils n'avaient pas de blessures, mais je ne sais pas quel était leur destin

 24   par la suite.

 25   Q.  Merci, Monsieur le Témoin.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stojanovic, je pense que vous avez

 27   demandé 40 minutes avant la pause. Cela veut dire que si vous ne comptez pas

 28   déduire le temps pour ce qui est du temps qu'on a perdu au début de ce temps qui


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  1   vous a été accordé, cela veut dire que vous avez encore cinq ou sept minutes.

  2   Mais pour ce qui est de certaines de vos questions et de leur pertinence, la

  3   Chambre aimerait que vous respectiez le temps qui vous a été alloué.

  4   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci. Je vais le faire, Monsieur le Président.

  5   Q.  Monsieur le Témoin, à un moment donné vers la fin du mois de juillet 1992,

  6   vous avez été transféré à Trnopolje au sein d'un groupe de prisonniers. Je vous

  7   pose cette question parce que j'aimerais que vous me disiez si vous étiez au

  8   courant du fait qu'après votre départ le camp de Keraterm ou plutôt le centre de

  9   Rassemblement de Keraterm a été démantelé; le saviez-vous ?

 10   R.  Non, je ne disposais pas d'information pour savoir s'il y avait des gens qui

 11   étaient restés dans ces pièces. Puisqu'ils ont appelé nos noms, avant notre

 12   départ. Certains sont partis à Trnopolje et d'autres à Omarska. Je ne sais pas

 13   s'il y avait des gens qui étaient restés dans les pièces. Moi, j'ai été amené à

 14   Trnopolje. C'est tout ce que j'en sais.

 15   Q.  A Trnopolje, vous êtes resté une vingtaine de jours, n'est-ce pas ?

 16   R.  Plus précisément jusqu'au 21 août.

 17   Q.  Votre épouse et vos enfants, sont-ils sortis de Prijedor ?

 18   R.  Oui. Mon épouse et mes enfants sont sortis non pas de Prijedor mais de

 19   Trnopolje, à bord de wagons en métal qui auparavant étaient utilisés pour le

 20   transport du bétail.

 21   Q.  Est-elle sortie pour arriver sur le territoire de la Bosnie contrôlé par

 22   l'armée de Bosnie-Herzégovine avant vous ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Vous êtes arrivé par le mont Vlasic dans la région de Travnik, n'est-ce pas

 25   ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Après être arrivé là-bas, avez-vous été engagé au rang de l'ABiH ?

 28   R.  Une fois arrivé à Travnik, je suis tombé malade sérieusement. Je ne pouvais


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  1   pas marcher, parce que je souffrais de malnutrition, j'étais exténué. Et pour ce

  2   qui est des soins médicaux à Travnik, ce n'était pas de bonne qualité, puisque

  3   Travnik était en quelque sorte encerclé aussi. Et je devais demander de l'aide

  4   médicale à l'extérieur de la Bosnie-Herzégovine, je n'ai pas été mobilisé, et je

  5   ne portais pas d'uniforme militaire.

  6   Q.  Les autorités militaires vous ont-elles aidé ? Est-ce vous êtes parti de la

  7   Bosnie-Herzégovine ou est-ce que vous êtes resté en Bosnie-Herzégovine pour un

  8   certain temps ?

  9   R.  Ils m'ont transféré en Croatie pour mon traitement. Donc ils ont fait droit

 10   à ma demande.

 11   Q.  En Croatie, jusqu'à la fin de la guerre, avez-vous été engagé de façon

 12   militaire ?

 13   R.  Non, je suis resté à peine deux semaines en Croatie, après quoi, je me suis

 14   rendu en Slovénie, où mon frère m'a rejoint, mon épouse également, et je suis

 15   parti avec mon épouse ailleurs.

 16   Q.  Je vous remercie, Monsieur le Témoin, et pour finir mon contre-

 17   interrogatoire --

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stojanovic, l'une des réponses

 19   précédentes de ce témoin était comme suit :

 20   "Je n'ai pas été mobilisé nulle part, et je ne portais pas non plus d'uniforme

 21   militaire, comme ils disent."

 22   Cela veut dire qu'il n'a pas pris part aux activités militaires. Pourquoi

 23   demandez la même question à deux reprises. Posez votre dernière question à ce

 24   témoin.

 25   M. STOJANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, cette question

 26   concernait la réponse du témoin, où il dit que pendant la guerre il est parti en

 27   Croatie. J'ai donc voulu poser cette question puisqu'il y a eu des suggestions

 28   en ce sens-là.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Le témoin a dit "nulle part," il n'a

  2   été mobilisé "nulle part."

  3   Continuez.

  4   M. STOJANOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin.

  5   Merci, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Stojanovic.

  7   Monsieur Traldi, avez-vous des questions supplémentaires à poser ?

  8   M. TRALDI : [interprétation] Je serai bref, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous allez avoir besoin de combien de temps,

 10   puisqu'il faut que je consulte mes collègues pour savoir s'ils ont des questions

 11   pour ce témoin.

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Moi, je voudrais lui poser une ou deux

 14   questions.

 15   M. TRALDI : [interprétation] J'ai seulement deux questions à lui poser, Monsieur

 16   le Président.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord.

 18   Questions de la Cour : 

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Taci, j'ai deux questions pour vous.

 20   Vous avez dit à plusieurs reprises que vous n'aviez pas d'information une fois

 21   revenu dans votre ville. Mais le résumé d'entretien, on peut lire comme suit :

 22   "Il a entendu à la Radio Prijedor des annonces disant que la population de

 23   Kozarac devait se rendre, et que les Serbes sont pacifiques, des gens

 24   pacifiques, le peuple pacifique. Ils devaient vivre ensemble, et que le pouvoir

 25   devait être donc rendu aux Serbes."

 26   Cela nous amène à penser que vous étiez en mesure d'écouter la radio.

 27   Parce que, auparavant, on vous a posé la question concernant la reddition des

 28   armes, et vous avez répondu que vous n'aviez pas de contact avec qui que ce


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  1   soit. Et dans le résumé d'entretien, vous dites que vous étiez en mesure

  2   d'écouter le programme de la Radio Prijedor. Pouvez-vous expliquer cela ?

  3   R.  Oui, Monsieur le Président. Lorsque j'ai dit que j'écoutais la radio,

  4   j'ai dit que les enfants qui allaient à l'école secondaire à Prijedor, que les

  5   lignes téléphoniques fonctionnaient, lorsque je suis rentré de Croatie pour

  6   prendre mon épouse et mes enfants. Mais graduellement, tout ceci ne

  7   fonctionnait. Il n'y avait plus de circulation de moyen de transport public, il

  8   n'y avait plus d'eau, d'électricité, les écoles étaient fermées. Donc après

  9   cela, nous ne pouvions avoir accès à d'informations et de communications avec

 10   Prijedor. Nous ne pouvions plus regarder la télé ou écouter la radio.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites que cela, la situation a

 12   changé petit à petit, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ma question suivante - et ce sera ma dernière

 15   question - donc ma question suivante est comme suit. Vous dites que de

 16   l'intérieur de la pièce 2, vous pouviez voir ce qui se passait à l'extérieur,

 17   pas par la fenêtre mais par la porte par laquelle vous êtes sorti finalement.

 18   Cela veut dire que la porte de la pièce 2 était entrouverte ? Cette porte

 19   n'était pas fermée à clé ?

 20   R.  Non, cette porte n'était pas fermée à clé. Plus tard, ils ont mis une sorte

 21   de grille en fer et l'ont soudée de ce côté-là de la pièce pour que les détenus

 22   ne puissent pas voir ce qui se passait à l'extérieur.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit qu'il n'y avait pas de porte,

 24   qu'il n'y avait qu'une ouverture où devait se trouver la porte. Est-ce que je

 25   vous ai bien compris ?

 26   R.  Oui. Avant ces événements, il y avait la porte. Mais ils l'ont donc enlevée,

 27   cette porte, et ils ont mis sur une sorte de grille ou des barreaux. C'était

 28   fermé à clé. Nous ne pouvions pas sortir la nuit. C'était fermé à clé. Mais nous


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  1   pouvions avoir un peu d'air.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous avez pu voir ce qui se passait à

  3   l'extérieur en regardant entre ces barreaux, si j'ai bien compris votre réponse

  4   ?

  5   R.  Oui.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour ce qui est de la pièce numéro 3,

  7   l'aspect physique n'était pas le même. Il y avait la porte là-bas, n'est-ce pas,

  8   si je vous ai bien compris ?

  9   R.  Oui. La pièce numéro 3 avait la porte, mais je ne me souviens pas de la

 10   couleur de cette porte. Mais la pièce était plus petite que la pièce numéro 2.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Témoin, pour vos réponses.

 12   Monsieur Traldi, si vous pouvez en finir avec vos questions supplémentaires en

 13   quelques minutes, vous pouvez commencer maintenant, après quoi nous allons faire

 14   la pause.

 15   M. TRALDI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 16   Nouvel interrogatoire par M. Traldi :

 17   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, dans le compte rendu, à la page 30,

 18   vous avez dit à Me Stojanovic, je cite : "… seulement les policiers musulmans

 19   sont restés…," et cela concernait le poste de police de Kozarac. Pouvez-vous

 20   dire à la Chambre à peu près à quel moment la police de Kozarac est devenue la

 21   police composée exclusivement de Musulmans ?

 22   R.  Je ne saurais vous dire le moment exact puisque je n'avais pas de contacts

 23   avec ces policiers. Je ne les fréquentais pas. Je ne sais même pas quel était

 24   leur nombre.

 25   Tout simplement, c'était mon estimation de Prijedor. Des policiers musulmans qui

 26   y travaillaient sont arrivés à Kozarac, puisque aucun des policiers musulmans ne

 27   pouvaient rester à Prijedor. Et il y en avait qui étaient à Kozarac aussi.

 28   Q.  Lorsque vous dites "ceux qui sont restés," Monsieur le Témoin, vous avez


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  1   fait référence à ceux qui sont restés à partir du mois de mai 1992, ou la mi-

  2   mai, ou à partir du mois de juin ?

  3   R.  Je ne pourrais vous donner la date exacte, mais c'était au moment où les

  4   enfants ont cessé d'aller à l'école, lorsque les forces serbes ont pris Prijedor

  5   et ont essayé de faire en sorte que la population de Kozarac se rend. Ils ont

  6   essayé de hisser le drapeau. Je pense que c'était à ce moment-là que cela s'est

  7   passé, il n'avait plus d'autres -- il n'y avait pas de membres d'autres groupes

  8   ethniques au sein des forces de la police là-bas.

  9   Q.  A la page 42 et à la page 43 du compte rendu d'aujourd'hui, Me Stojanovic

 10   vous a posé des questions concernant Duca, Cupo et Kajin.

 11   Au paragraphe 9 de votre déclaration, vous avez dit que Kajin portait un

 12   uniforme de camouflage. Avez-vous jamais vu Duca ou Cupo porter des uniformes ?

 13   R.  Oui, j'ai vu Cupo porter la blouse d'uniforme; et Duca, je ne l'ai pas vu

 14   porter l'uniforme. Cela veut dire qu'il portait des vêtements civils.

 15   M. TRALDI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai plus de

 16   questions supplémentaires.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Traldi.

 18   Maître Stojanovic, je vois que les questions posées par la Chambre ne vous ont

 19   pas poussé à lui poser des questions supplémentaires.

 20   Monsieur Taci, cela nous mène à la fin de votre témoignage dans cette affaire.

 21   Je vous remercie d'être venu à La Haye et d'avoir répondu aux questions qui vous

 22   ont été posées par les parties et par les Juges de la Chambre. Je vous souhaite

 23   un bon retour chez vous. Vous pouvez maintenant disposer, et M. l'Huissier va

 24   vous raccompagner hors le prétoire.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 26   [Le témoin se retire]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire la pause et nous allons

 28   reprendre à 13 heures 10.


Page 2135

  1   --- L'audience est suspendue à 12 heures 41.

  2   --- L'audience est reprise à 13 heures 12.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que je ne convie l'Accusation à citer

  4   son témoin suivant, je voudrais savoir qui est-ce qui l'interrogera ?

  5   Mme BIBLES : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. C'est Camille

  6   Bibles, et c'est moi qui vais interroger le témoin.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Madame Bibles. Donc vous allez

  8   interroger le témoin.

  9   Je crois que le témoin est à proximité du prétoire. Est-ce que, Monsieur

 10   l'Huissier, vous pourriez veiller à le faire entrer ? En attendant, je vais

 11   parler d'une question autre, à savoir d'une audience administrative qui a été

 12   suggérée par l'Accusation.

 13   Maître Lukic, vendredi passé, je pense que vous avez fait des objections

 14   et vous avez dit que vous alliez présenter des arguments. Alors, je ne sais pas

 15   si vous avez quelque chose à ajouter, ou est-ce que vous n'avez pas d'objection

 16   du tout ?

 17   M. LUKIC : [interprétation] Au sujet de quoi ?

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au sujet de l'audience administrative pour ce

 19   qui est de l'organisation de l'audition des témoins.

 20   M. LUKIC : [interprétation] Nous n'allons pas faire objection. Mais peut-être

 21   n'allons nous pas être en mesure de vous dire à vous et à l'Accusation de

 22   combien de temps nous allons avoir besoin pour le contre-interrogatoire, parce

 23   que nous allons d'abord devoir apprendre qui vont être les témoins suivants.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Je comprends ce que vous voulez dire.

 25   Donc il n'y a pas d'objection pour ce qui est de la suggestion qui a été faite.

 26   Maître Groome.

 27   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, une information, quelle

 28   qu'elle soit, c'est mieux que la situation où nous nous sommes, où nous n'avons


Page 2136

  1   aucune espèce d'information.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors, la Chambre n'a pas d'objection

  3   pour qu'il y ait un débat au sujet des questions qui seront abordées à l'ordre

  4   du jour à l'avenir, tel que suggéré par l'Accusation, mais à condition que cela

  5   ne mette pas en péril la fin du témoignage des témoins. Nous ne voudrions pas

  6   qu'un témoin reste pendant le week-end parce que nous avons des questions

  7   d'agenda à aborder d'urgence. Alors, la Chambre s'attend de la part de

  8   l'Accusation, que ces questions relatives à l'agenda soient évoquées en temps

  9   utile et, pour finir, l'audition de certains témoins.

 10   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, je vous ferais une

 11   suggestion. Au cas où M. Lukic serait à même de nous fournir des estimations

 12   d'ici à vendredi pour ce qui est des quatre semaines à venir, une fois qu'on

 13   sera revenu en audience, on pourra terminer très brièvement avec cette session

 14   administrative.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Alors, vous êtes convié à vous pencher

 16   dessus.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant faire entrer le

 19   témoin dans le prétoire.

 20   Mme BIBLES : [interprétation] Je voudrais évoquer une question avant que le

 21   témoin n'entre.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

 23   Mme BIBLES : [interprétation] Je voudrais attirer l'attention des Juges de la

 24   Chambre sur le témoin qui vient, et je pense qu'au compte rendu, cela est --

 25   enfin, la date qui est pertinente, c'est celle du 9 juillet de cette année.

 26   Alors, nous avons l'intention de nous appuyer sur les faits jugés 460, 462

 27   à 465, 468 à 476 pour ce qui est de Manjaca, et nous allons nous appuyer sur les

 28   faits jugés 1141 à 1144 et 1146 pour ce qui est de Sanski Most. Dans une


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  1   certaine mesure, nous allons également faire référence aux faits jugés 1165 à

  2   1169 et 1190 à 1192. Toutefois, comme les Juges de la Chambre l'ont laissé

  3   entendre, dans le cadre des évaluations que nous sommes censés fournir en notre

  4   qualité d'Accusation pour ce qui est de se pencher sur la façon dont il convient

  5   d'entendre les différents témoins --

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

  7   Mme BIBLES : [interprétation] Dans le cadre de ce témoin, suite à l'examen de

  8   son témoignage et consultation avec M. Groome, nous avons constaté que pour ce

  9   qui est de certains éléments de témoignage, nous préférerions entendre le

 10   témoignage du témoin dans son intégralité. Si cela ne constitue pas matière à

 11   contestation de la part des Juges de la Chambre, nous voudrions demander à ce

 12   que M. Begic soit introduit dans le prétoire.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Quand j'ai fait cette remarque, je

 14   crois que je l'ai dit à plusieurs reprise, à savoir qu'il s'agit déjà de faits

 15   jugés, mais il appartient au bureau du Procureur de déterminer de façon tout à

 16   fait claire quelles sont les questions où il n'est pas point nécessaire de

 17   présenter des éléments de preuve et les questions sur lesquelles cela est

 18   nécessaire, et c'est les Juges de la Chambre qui assumeront leur responsabilité

 19   en la matière. Donc ils vont se pencher sur ce qui a été prouvé et ce qui a

 20   véritablement constitué des faits jugés. Alors, si vous vous appuyez sur des

 21   faits jugés qui ne sont pas contestés, vous ne pouvez pas vous appuyer dessus

 22   au-delà de la teneur de ce qui figure aux faits jugés.

 23   Et si les choses sont claires, je crois qu'on pourra faire entrer le

 24   témoin dans le prétoire.

 25   Mme BIBLES : [interprétation] C'est cela. Merci, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est moi qui vous remercie, Madame Bibles.

 27   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 28   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]


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  1   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

  2   LE TÉMOIN : RAJIF BEGIC [Assermenté]

  3   [Le témoin répond par l'interprète]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation]

  5   Monsieur Begic, vous allez être d'abord interrogé par Mme Bibles, qui est le

  6   conseil de l'Accusation. Et vous la verrez à votre droite.

  7   Veuillez commencer.

  8   Mme BIBLES : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Interrogatoire principal par Mme Bibles :

 10   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Begic. Est-ce que vous pouvez vous

 11   présenter en nous donnant votre nom et votre âge ?

 12   R.  Bonjour. Je m'appelle Begic, Rajif. Je suis né le 23 septembre 1967. J'ai

 13   donc 45 ans.

 14   Q.  Est-ce que vous avez un surnom ?

 15   R.  Oui. On m'appelle Raho.

 16   Q.  Pouvez-vous nous dire dans quel village et dans quelle municipalité vous

 17   êtes né ?

 18   R.  Je suis né et j'ai grandi au village de Plevci, municipalité de Sanski Most.

 19   Q.  Est-ce que vous pouvez nous décrire brièvement le hameau ou les villages

 20   dans ce secteur de Sanski Most où vous avez résidé ?

 21   R.  Dans la région de Sanski Most, à droite de la rivière Sana, il y a ce

 22   village de Kljevci. C'est un grand village où il y avait plusieurs hameaux, tels

 23   que le Begici, Kenjari, Josici, Stojnovici et, derrière Kljevci, Hrustovo,

 24   Vrhpolje et à gauche de la rivière Tomina, Caplivo [phon].

 25   Q.  Fort bien.

 26   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais que l'on nous

 27   monte le 65 ter --

 28   L'INTERPRÈTE : Dont l'interprète n'a pas saisi le nom -- le numéro.


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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle est la référence 65 ter ?

  2   Mme BIBLES : [interprétation] 08755.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  4   Mme BIBLES : [interprétation]

  5   Q.  Lorsqu'on se penche sur la carte qui est sur l'écran devant vous, pouvez-

  6   vous nous dire si vous la reconnaissez, cette carte ?

  7   R.  Oui. C'est la municipalité de Sanski Most qu'on voit.

  8   Q.  Est-ce que ceci décrit de façon juste et précise les villages tels qu'ils se

  9   présentent dans Sanski Most à cette période, à l'époque de 1992 ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Si vous prêtez attention à ce qui figure en bas à droite, est-ce que vous

 12   voyez le secteur où vous avez résidé ?

 13   R.  Oui. Vrhpolje, Hrustovo, Begici, Kenjari. C'est la région où j'ai résidé.

 14   C'est dans le coin en bas à droite.

 15   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, l'Accusation demanderait le

 16   versement au dossier de cette pièce 08755 de la liste 65 ter pour que ce soit

 17   versé au dossier.

 18   M. LUKIC : [interprétation] Pas d'objection.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 20   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document 08755 deviendra la pièce à

 21   conviction P162.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le P162 est donc versé au dossier.

 23   Mme BIBLES : [interprétation]

 24   Q.  Est-ce que vous pouvez décrire pour nous les relations telles quelles

 25   existaient entre les Musulmans et les Serbes avant le début des conflits en

 26   Bosnie ?

 27   R.  Certes. Les relations dans le village de Kljevci et entre Kljevci et les

 28   autres villages dans le secteur, ces relations étaient très bonnes. Nous avons


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  1   grandi dans un village où la population était mixte du point de vue ethnique. On

  2   allait ensemble à l'école, on travaillait ensemble. On se fréquentait les uns

  3   les autres, et donc, avant la guerre, il n'y a jamais eu aucun incident du point

  4   de vue ethnique.

  5   Q.  Quelle est l'appartenance ethnique de vos témoins au mariage ?

  6   R.  Ils sont ressortissants du groupe ethnique serbe.

  7   Q.  Est-ce que vous pouvez nous donner leur identité ?

  8   R.  Oui. Krlic, Vid et Krlic, Andza. C'est des voisins du village de Begici.

  9   Q.  Oui. Mais vous avez été très proche de ces gens-là au fil de 1992 ?

 10   R.  Oui. On peut parler de relations très proches. Nous avions des machines, des

 11   engins ensemble. On avait un tracteur qui nous était commun. On se fréquentait

 12   les un les autres et on aimait l'un l'autre. C'est elle qui m'avait coupé les

 13   cheveux quand je suis né, et c'est donc ma marraine.

 14   Q.  Je voudrais attirer votre attention sur le mois de mai 1992.

 15   Mme BIBLES : [interprétation] Je vais limiter mes questions, Messieurs les

 16   Juges, au sujet de cette période de temps parce que je m'appuie sur les faits

 17   jugés 1141 à 1144.

 18   Q.  Alors, disais-je, au mois de mai 1992, avec-vous restitué les armes ?

 19   R.  Mes voisins de Begici ont restitué des armes. Moi, je n'en avais pas du

 20   tout.

 21   Q.  Avez-vous pu entendre à la radio que l'on disait que les Musulmans devaient

 22   restituer leurs armes ?

 23   R.  Oui. Quelques jours avant le 25 mai, on nous a fait savoir par la radio

 24   locale que les gens des villages locaux, et de Kljevci aussi, devaient restituer

 25   leurs armes s'ils en possédaient au poste de contrôle le plus proche tenu par

 26   les Serbes.

 27   Q.  Au cours de cette année 1992, avez-vous été impliqué dans des actions visant

 28   à défendre votre village ou un autre territoire quel qu'il soit ?


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  1   R.  Non. Il n'y a pas eu ce type d'action.

  2   Q.  Nous savons déjà que cette attaque a eu lieu en mai 1992. Pouvez-vous nous

  3   donner cette date ?

  4   R.  Le 25 mai.

  5   Q.  Est-ce que vous savez quelle unité militaire contrôlait le secteur là où

  6   vous résidiez ?

  7   R.  C'était le 6e Brigade de la Krajina qui avait élu domicile ou siège à

  8   l'école primaire de Kljevci.

  9   Q.  Est-ce que vous savez qui était le commandant de cette unité en mai 1992 ?

 10   R.  Oui. Le commandant de l'unité s'appelait Mile Mijatovic, et il nous a rendu

 11   visite dans notre hameau. Il s'est présenté, donc nous savions qui est-ce qui

 12   commandait cette unité.

 13   Q.  Est-ce que vous savez à peu près à quelle date il est venu dans votre

 14   village ?

 15   R.  Je ne sais pas vous donner de date précise, mais c'était quelques jours

 16   avant le 25. On pourrait dire le 21 ou le 22. Mais je ne sais pas vous dire au

 17   juste la date précise.

 18   Q.  Pouvez-vous nous dire de quelle façon il s'est présenté à vous et à votre

 19   famille ?

 20   R.  Oui, oui. Avec un soldat, ils étaient en armes, ils sont venus à notre

 21   maison et ils connaissaient les résidents du hameau. Il s'est présenté, il a dit

 22   le fils de qui il était, ce qui fait que nous savions de qui il était le fils,

 23   mais bien qu'il ne résidait plus à Kljevci. Alors, cet entretien avec un café

 24   n'a pas duré très longtemps. Il a dit quelque chose au sujet de la situation

 25   telle qu'elle se présentait et il est reparti.

 26   Q.  Est-ce qu'il vous a dit de quelle armée il était le commandant ?

 27   R.  Oui. Il a dit qu'il avait une unité faisant partie de la 6e Brigade de la

 28   Krajina qui était installée à l'école, comme on ne le savait pas jusque-là, et


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  1   il a dit qu'il était chargé de ce secteur de Kljevci.

  2   Q.  Est-ce qu'il vous a dit qu'il faisait partie des rangs de la JNA ou de la

  3   VRS ou d'une organisation militaire quelle qu'elle soit ?

  4   R.  Le nom de l'unité, il ne l'a pas donné. Il a dit que ça faisait partie de la

  5   6e Brigade de la Krajina. La précision VRS ou JNA, non, je n'ai pas pu

  6   l'entendre, non.

  7   Q.  Savez-vous qui était le commandant de la 6e Brigade du Corps de Krajina en

  8   1992 ?

  9   R.  Oui. Il s'appelait Branko Basara.

 10   Q.  Comment se fait-il que vous sachiez cela ?

 11   R.  Après avoir fait mon service militaire, j'ai été versé à l'effectif de la

 12   réserve de la 6e Brigade de Krajina. Nous savions donc tous que cette partie du

 13   territoire, pour l'effectif de réserve, était couverte par la 6e Brigade de

 14   Krajina.

 15   Branko Basara, très peu de temps avant ces événements, un mois ou deux avant,

 16   était présent à une réunion tenue à Tomina lors de laquelle étaient présents les

 17   gens du coin, des villages environnants, c'est alors qu'il s'est présenté. Il

 18   était en uniforme. Et il y a eu tout un dilemme autour du cantonnement de

 19   certaines unités et de certains obusiers, la question s'est posée où ces

 20   obusiers, et des chars également, devaient être déployés, et c'est alors que je

 21   l'ai appris.

 22   Q.  A quel groupe ethnique appartenez-vous, parce que je ne suis pas sûre de

 23   vous avoir déjà posé la question ?

 24   R.  Je suis Musulman de Bosnie.

 25   Q.  A la fin du mois de mai 1992, est-ce que vous avez fait la connaissance d'un

 26   soldat dont le nom de famille était Palija ?

 27   R.  Oui, j'ai fait la connaissance d'un soldat qui se nommait Jadranko Palija.

 28   Q.  Selon vous, d'où venait-il ?


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  1   R.  Je ne le connaissais pas avant, ce Jadranko Palija. Et à une occasion, j'ai

  2   traversé un poste de contrôle serbe à bord d'un tracteur, et alors, à ce poste

  3   de contrôle, des voisins serbes m'ont arrêté, et il y avait là également

  4   Jadranko Palija.

  5   Ils ont discuté avec moi, ça n'a pas duré très longtemps, pendant que Jadranko

  6   Palija fouillait le tracteur, vérifiait s'il y avait des armes à bord, et j'ai

  7   entendu quelqu'un l'appeler Jadranko. Et jusqu'à ce moment-là je ne savais pas

  8   qu'il s'appelait Palija.

  9   Q.  Est-ce que plus tard vous avez appris d'où il venait ?

 10   R.  Oui. Je crois que le jour suivant déjà, ma marraine, Andza, en se rendant à

 11   la rivière, s'est arrêtée chez nous pour prendre un café et elle a raconté qu'un

 12   soldat était venu chez elle qui s'appelait Jadranko Palija, qu'il a regardé avec

 13   insistance sa fille Jasenka [phon]. C'est la première fois que j'ai entendu son

 14   nom.

 15   Q.  Est-ce que c'est également le moment où vous avez appris d'où il venait ?

 16   R.  Oui. Dans le récit qu'elle a fait lorsqu'elle parlait de lui, elle a

 17   souligné qu'il avait vécu en Croatie et qu'à mesure que la guerre s'est déplacée

 18   à travers la Bosnie, il était passé en Bosnie et qu'il avait été décidé qu'il

 19   devait être dans ce secteur et dans cette localité.

 20   Q.  Quand vous dites cette localité, vous parlez de votre secteur ?

 21   R.  Oui. Je parle également de ce premier poste de contrôle qui a été mis en

 22   place près du village de Begici. Il a été affecté à ce poste de contrôle.

 23   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Juste une interruption pour apporter une

 24   précision au compte rendu d'audience. Vous nous avez dit que vous étiez à bord

 25   d'un tracteur lorsqu'on vous a arrêté à ce poste de contrôle et cet homme dont

 26   nous sommes en train de parler, quelqu'un s'est adressé à lui en l'appelant

 27   Jadranko s'en mentionner son nom de famille; est-ce exact ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.


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  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Dans ce cas-là, à la page 62, ligne 17, il

  2   faudrait peut-être corriger ou effacer le second mot.

  3   Parce que vous n'avez appris son nom de famille que plus tard; est-ce

  4   exact ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et pour le compte rendu, encore une fois, je

  8   relève que les numéros de lignes ne sont pas exactement les mêmes d'un écran à

  9   l'autre, mais il est tout à fait clair qu'il s'agit de la phrase "at that time I

 10   did not know", "à cette époque, je ne savais pas quel était son nom de famille,

 11   Palija."

 12   Veuillez poursuivre, Madame le Procureur.

 13   Mme BIBLES : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Q.  Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous décrire ce qui était l'attitude du

 15   soldat Palija à l'égard des Musulmans du secteur ?

 16   R.  Ce soldat, je ne l'ai plus revu depuis ces jours-là. C'était ma première

 17   rencontre avec lui, ce dont j'ai parlé, et ensuite la deuxième fois que je l'ai

 18   vu c'était déjà le 31 mai, donc je ne savais pas s'il avait des contacts avec

 19   mes voisins. Ce n'est pas quelque chose que je sais.

 20   Q.  Entre le 25 et le 31 mai, est-ce que vous pourriez nous décrire à quoi

 21   ressemblait la vie de votre famille ? Comment vivait-elle et comment viviez-vous

 22   ?

 23   R.  Dès la première incursion des soldats dans notre hameau, et jusqu'au 31,

 24   nous vivions dans la peur. Lorsqu'ils ont pénétré dans le hameau, ils ont

 25   maltraité des villageois et ils en ont battu certains, et donc les jours

 26   suivants, c'était la peur qui régnait, et tous les habitants étaient

 27   désorientés.

 28   Q.  Où vous trouviez-vous lorsque votre village a été attaqué le 25 mai 1992 ?


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  1   R.  Oui, le 25, lorsque les soldats ont pénétré dans le hameau, j'étais dehors

  2   avec mon frère plus jeune devant la maison. Lorsqu'ils sont arrivés, un jeune

  3   homme est arrivé, il courait au-devant d'eux, et il a dit : L'armée arrive. Et

  4   alors, moi et mon frère plus jeune, Begic, Munib, nous avons couru en contrebas

  5   vers la rivière pour nous cacher dans les roseaux, à peu de distance de la

  6   maison.

  7   Q.  Etiez-vous en mesure d'entendre ce qui se passait et peut-être aussi de voir

  8   ce qui se passait autour de la maison et dans le village ?

  9   R.  Nous ne pouvions pas voir, mais nous étions en mesure d'entendre quasiment

 10   tout ce qui se passait autour de nos maisons. Peut-être pas chaque mot qui était

 11   prononcé, mais presque tout.

 12   Q.  Pourriez-vous nous décrire brièvement ce que vous avez pu entendre ?

 13   R.  Nous entendions comment la vielle "rujka" a essayé de défendre, Huso, qui

 14   avait 75 ans ou plus. C'était une vieille tante à moi. Elle disait : Ne le

 15   frappez pas. A côté d'elle, à peu de distance, il y avait des enfants qui

 16   criaient, qui pleuraient. Il y avait des soldats qui donnaient des ordres en

 17   criant, qui disaient : Entrez dans le garage. On va vu tuer. Donc il y avait

 18   plusieurs voix qui parlaient en même temps.

 19   Q.  Combien de temps l'attaque a-t-elle duré ?

 20   R.  L'attaque n'a pas duré longtemps. Pas plus d'une heure.

 21   Q.  J'attire maintenant votre attention sur la date du 31 mai 1992. Essayez de

 22   vous remémorer les soldats qui ont pénétré dans votre village ce jour-là.

 23   S'agissait-il de soldats que vous ne connaissiez pas ?

 24   R.  Le 31 mai, il y avait des soldats que je connaissais de la ville, de

 25   l'école, mais la majorité des soldats m'était inconnue.

 26   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire si vous connaissiez le soldat qui a donné

 27   l'ordre de séparer les femmes et les enfants des hommes ?

 28   R.  Non, je ne le connaissais pas personnellement. Mais on pouvait voir celui


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  1   qui commandait l'unité présente ce jour-là à Begici.

  2   Q.  Y a-t-il eu le moindre combat ou la moindre résistance opposée par les

  3   Musulmans du village ?

  4   R.  Non.

  5   Q.  Pourriez-vous nous décrire ce qui est arrivé aux hommes de votre hameau au

  6   moment où on a procédé à cette séparation ?

  7   R.  Oui. Lorsqu'on a fait venir les gens de Dizdarevici et de Donji Begici,

  8   devant la maison étaient déjà alignés un certain nombre d'hommes. Lorsque ceux

  9   de Gornji Begici sont arrivés, l'ordre a été donné de séparer les femmes et les

 10   enfants pour qu'ils aillent de l'autre côté, et il a été donné l'ordre aux

 11   hommes de rejoindre la colonne de ceux qui étaient déjà alignés de l'autre côté

 12   et qui avaient été trouvés dans la cave d'Ekrem Begic -- la maison d'Ekrem

 13   Begic.

 14   Q.  Et les hommes ont-ils fait comme ils leur aient été ordonnés ?

 15   R.  Oui. Nous avons fait ce qu'on nous disait de faire, et nous nous sommes

 16   alignés.

 17   Q.  Pouvez-vous nous décrire comment cette colonne d'hommes était organisée, à

 18   quoi elle ressemblait ?

 19   R.  Oui. Après qu'ils ont séparé les femmes et les enfants, il y avait un mineur

 20   aussi, un jeune homme qui a réussi à rejoindre ce groupe avec sa mère, nous

 21   autres, ils nous ont alignés par deux et nous ont ordonné de nous mettre en

 22   route dans la direction de Vinogradi.

 23   Q.  Combien de soldats en arme escortaient votre groupe ?

 24   R.  Notre colonne qui prenait la direction de Vrhpolje était accompagnée de huit

 25   soldats.

 26   Q.  Savez-vous qui était à la tête de ce groupe de soldats ?

 27   R.  Celui qui était responsable d'emmener la colonne jusqu'au pont de Vrhpolje

 28   était Jadranko Palija.


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  1   Q.  Est-ce qu'à ce moment-là il y avait un ou plusieurs soldats sur son

  2   commandement que vous connaissiez ?

  3   R.  Oui. J'ai reconnu certains gars qui étaient de la ville de Sanski Most.

  4   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire si c'est quelque chose que vous saviez où

  5   vous étiez en train d'aller, quelle était la direction que vous preniez ?

  6   R.  Oui. Lorsque nous étions encore debout à Begici, à l'arrêt, l'officier qui

  7   était à la tête de ces soldats ce jour-là a dit que ces soldats allaient nous

  8   emmener jusqu'au pont sur la Sana où des autobus censés nous transporter nous

  9   attendaient.

 10   Q.  De Begici au pont, la distance parcourue représentait combien à peu près ?

 11   R.  Au moins un kilomètre. Environ un kilomètre.

 12   Q.  Pourriez-vous nous décrire ce groupe en terme d'âge. Quel était l'âge du

 13   plus jeune, du plus âgé ?

 14   R.  Au sein de ce groupe, le plus jeune Enes Dizdarevic avait 15 ou 16 ans à ce

 15   moment-là. Il y avait également Edin Begic, mon frère le plus jeune. Il était de

 16   la même génération mais il avait l'air plus jeune, plus petit, donc il avait été

 17   séparé en même temps que sa mère. Quant aux plus âgés, il y avait plus de 70

 18   ans. Il y avait Miralem Ceric aussi qui avait peut-être un an de moins que Sacir

 19   Begic, le premier.

 20   Q.  Est-ce qu'en allant vers le pont votre groupe a croisé d'autres soldats ?

 21   R.  Oui. A proximité du hameau de Begici dont nous nous éloignions, nous sommes

 22   tombés sur un groupe de soldats qui se reposaient à côté de la route que nous

 23   empruntions.

 24   Q.  Comment ont-ils réagi au passage de votre groupe ?

 25   R.  Jadranko a arrêté notre groupe à cet endroit, et ces soldats, qui étaient

 26   une trentaine, nous ont insultés, nous ont molestés. L'un d'eux a même dit qu'il

 27   faudrait nous tuer sur place. Mais ils ne nous ont pas battus à ce moment-là.

 28   Q.  Combien de temps êtes-vous resté à cet endroit ?


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  1   R.  Peu de temps. Quelques minutes.

  2   Q.  Dans quelle direction êtes-vous allé à partir de là ?

  3   R.  Après cela, Jadranko Palija a donné l'ordre à la colonne de se remettre en

  4   route, comme nous l'avions fait jusque-là, c'est-à-dire dans la direction de

  5   Vinogradina, c'est-à-dire à une centaine de mètres plus loin par rapport à la

  6   route.

  7   Q.  Est-ce que vous avanciez à un rythme qui était le vôtre dans ce groupe ?

  8   Est-ce qu'on vous en laissait la possibilité ?

  9   R.  On nous a ordonnés de maintenir un rythme de marche, bien que nous ayons eu

 10   à soutenir aussi certains des plus âgés. Ce que Jadranko Palija a dit à un

 11   moment donné que si jamais quelqu'un des hameaux voisins venait à tirer sur la

 12   colonne, il nous tuerait tous. C'était la raison pour laquelle nous devions nous

 13   déplacer rapidement. Et certains n'étaient en mesure de suivre le rythme, nous

 14   devions les aider.

 15   Q.  Qui avait le plus de mal à garder le rythme de cette marche ?

 16   R.  Begic Sacir et Ceric Miralem avaient le plus de mal. Après quelques

 17   centaines de mètres, ce dernier avait déjà des problèmes cardiaques, et Ceric a

 18   pris soin de lui. Quant à Begic Sacir, moi-même et un autre, nous le soutenions

 19   sous les bras et nous l'aidions à avancer, alors que les autres membres de la

 20   colonne pouvaient avancer indépendamment, seul.

 21   Q.  Pendant qu'au sein de cette colonne vous avanciez en direction de ce pont,

 22   est-ce que vous pourriez décrire aux Juges de la Chambre ce qui se passait dans

 23   ce secteur ?

 24   R.  Oui. A l'approche de Hrustovo, on pouvait remarquer que les maisons étaient

 25   en flammes. On voyait des soldats qui étaient assis près de la route, il y avait

 26   des armes en train de tirer. Certains proféraient des insultes, d'autres

 27   buvaient. Il y en avait qui se livraient à des pillages. Ce n'était pas très

 28   beau à voir.


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  1   Q.  Combien de ponts de taille plus réduite avez-vous traversé avant d'arriver

  2   au pont de Vrhpolje ?

  3   R.  A l'approche de la station de Hrustovo, il y avait un petit pont sur la

  4   Glibaja, ensuite nous avons traversé un pont sur la Sanica, près de la station

  5   de Hrustovo, et ensuite, nous avons avancé jusqu'à l'autre pont.

  6   Q.  Dans cette zone que vous venez juste de décrire, après en fait avoir

  7   traversé ce pont, que faisait Ceric, si vous pouvez nous le décrire ?

  8   R.  Lorsque nous sommes arrivés à la station de Hrustovo, il était visible que

  9   Miralim Ceric était complètement essoufflé, qu'il n'arrivait pas à respirer, et

 10   qu'il avait grand besoin d'une pause. Donc il respirait très mal et ne pouvait

 11   quasiment pas marcher, même si quelqu'un en fait le soutenait, son fils le

 12   soutenait.

 13   Q.  Veuillez dire aux Juges de la Chambre ce que Palija a fait, si toutefois il

 14   a fait quoi que ce soit face aux difficultés que rencontrait cet homme ?

 15   R.  Oui, à un moment lorsque nous traversions le pont sur la Sanica, il y avait

 16   du côté gauche du pont, immédiatement à côté, un abattoir abandonné. A ce

 17   moment-là, Jadranko, lorsque nous passions à côté de ce bâtiment, a fait sortir

 18   Miralem Ceric et son fils de la colonne, et les a emmenés jusqu'à cet abattoir.

 19   Ils sont entrés tous les trois, et j'ai vu en fait Jadranko Palija sortir son

 20   pistolet et entrer à l'intérieur le dernier des trois. Ensuite j'ai entendu un

 21   tir, puis j'ai revu Jadranko Palija sortir de ce bâtiment et ranger son pistolet

 22   dans son étui. Il a ensuite rejoint la colonne qui ne s'est arrêtée à aucun

 23   moment.

 24   Q.  Est-ce que vous avez jamais revu l'un ou l'autre de ces deux hommes ?

 25   R.  Non.

 26   Q.  Est-ce que Palija a fait sortir qui que ce soit d'autre de la colonne après

 27   cela ?

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Avant de passer à cette question, Monsieur


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  1   le Témoin, je voudrais que vous apportiez une précision. Vous avez dit avoir

  2   entendu un coup de feu. Etait-ce un seul coup de feu ou plusieurs ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai déjà dit, à ce moment-là, toutes les

  4   maisons qui étaient vraiment très près de ce pont étaient en flammes et on

  5   pouvait entendre les briques craquer. Moi, j'ai entendu un coup de feu, dont je

  6   sais qu'il s'agissait d'un coup de feu tiré par un pistolet. Ça, j'en suis sûr.

  7   A ce moment-là, je n'ai pas entendu de second coup de feu et peut-être était-ce

  8   à cause du bruit de ces maisons qui étaient en train de brûler et de ces briques

  9   qui éclataient sous l'effet de la chaleur. Mais ce dont je suis sûr, c'est

 10   d'avoir entendu un coup de pistolet.

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 12   Mme BIBLES : [interprétation]

 13   Q.  Est-ce que Palija a pris à part qui que ce soit d'autre de votre colonne

 14   après cet événement ?

 15   R.  Oui. La colonne a poursuivi son chemin vers le pont de Vrhpolje, et ensuite

 16   nous allions prendre la route nationale qui était à 250 mètres de cette

 17   localité. Sur la bretelle d'accès à cette route nationale, Ismet Kurbegovic a

 18   été pris à part par Palija, qui l'a fait sortir de la colonne et l'a emmené de

 19   l'autre côté de la route, et là-bas il l'a tué.

 20   Q.  Est-ce que Palija a dit quoi que ce soit à Ismet avant de le tuer ?

 21   R.  Oui. Jadranko l'a fait sortir en pointant son pistolet sur lui et il lui a

 22   demandé : Je te demande pour la dernière fois où est ton fusil à lunette ? Ismet

 23   a répondu qu'il n'avait pas de fusil à lunette, et c'est alors que l'autre lui a

 24   tiré dessus.

 25   Q.  Avez-vous vu Palija tirer ce coup de feu ?

 26   R.  Oui, je l'ai vu.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, Madame Bibles. Vous parlez du

 28   coup de feu ? Est-ce qu'il a vu le coup de feu ?


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  1   Mme BIBLES : [interprétation] Oui, je vais reformuler ma question.

  2   Q.  Est-ce que vous avez vu Palija tirer sur cet homme ?

  3   R.  Oui, il l'a tué d'un seul coup de pistolet.

  4   Q.  S'agissait-il du même pistolet où vous l'aviez vu l'utiliser quelques

  5   instants auparavant ?

  6   R.  Oui, c'était le même.

  7   Q.  Est-ce que Palija a ensuite rejoint le groupe ?

  8   R.  Oui, il l'a fait. Tout ça s'est passé assez rapidement. La colonne n'avait

  9   pas avancé beaucoup plus loin qu'il était déjà de nouveau à côté de nous en

 10   train d'avancer.

 11   Q.  Et qu'est-il advenu du corps d'Ismet ?

 12   R.  Son corps est resté gisant à côté d'un panneau de stop à côté de la route.

 13   Q.  Lorsque vous êtes arrivé à moins de 10 mètres du pont de Vrhpolje, est-ce

 14   que vous pouviez voir qui était sur le pont ?

 15   R.  Oui, il était possible de voir de loin qu'il y avait beaucoup de soldats sur

 16   le pont. En revanche, on ne pouvait pas les distinguer de loin, on ne pouvait

 17   pas les distinguer jusqu'au moment où nous sommes arrivés jusqu'au pont, et

 18   lorsque nous y sommes arrivés, j'en ai reconnu quelques-uns de ces soldats.

 19   Q.  Y avait-il des autocars sur ce pont lorsque vous avez pu voir le pont de

 20   suffisamment près ?

 21   R.  Non, je ne les ai pas vus, s'il y en avait. Je n'en ai pas vu.

 22   Q.  Lorsque vous êtes arrivé très près du pont, est-ce que des véhicules ont

 23   rattrapé votre colonne ?

 24   R.  Oui. A un moment juste avant que nous n'arrivions au pont même, un véhicule

 25   militaire est arrivé en provenance de Kljuc sur la route. Il s'agissait d'une

 26   petite fourgonnette militaire avec un chauffeur à bord. Il a avancé alors à la

 27   même vitesse que celle à laquelle nous marchions, et le chauffeur de cette

 28   camionnette a alors appelé Jadranko Palija pour qu'il vienne s'asseoir du côté


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  1   passager à l'avant, à sa droite donc.

  2   Q.  Pourriez-vous décrire ce qui s'est passé après que Palija ait monté à bord

  3   de ce véhicule ?

  4   R.  Après qu'il s'est assis dans cette camionnette, il y avait donc notre

  5   colonne qui avançait du côté gauche de cette camionnette, et Irfan Begic et moi-

  6   même, à ce moment-là, nous étions toujours en train de tirer et de soutenir

  7   Sacir Begic. Elmedin Begic a pris en charge Sacir, c'est lui qui a pris Sacir

  8   sous le bras pour l'aider, et c'est précisément à ce moment-là que Jadranko

  9   Palija, qui était assis dans la camionnette, alors que la fenêtre était ouverte,

 10   c'est à ce moment-là qu'il a appelé Irfan Begic en lui disant de passer de

 11   l'autre côté en marchant devant la camionnette. Donc il lui a demandé de passer

 12   du côté où lui-même était assis. Lorsque Irfan Begic a traversé la route pour

 13   passer de l'autre côté de la route pour passer de l'autre côté de la

 14   camionnette, j'ai regardé de côté, et je vois que Jadranko Palija, à ce moment-

 15   là même, sans rien dire, lorsque Irfan est arrivé à la hauteur de la fenêtre, eh

 16   bien, Jadranko Palija lui a tiré dessus avec son pistolet.

 17   Q.  A ce moment-là, dites-nous ce qui vous est passé par la tête ?

 18   R.  Nous étions terrifiés. Nous devions toujours avancer dans la direction du

 19   pont.

 20   Mme BIBLES : [interprétation] Je demande que le document 06367 sur la liste 65

 21   ter soit affiché à l'écran.

 22   Q.  Est-ce que vous reconnaissez ce qui figure sur cette photographie ?

 23   R.  Oui. Il s'agit du pont de Vrhpolje.

 24   Q.  Est-ce qu'il s'agit du même pont qui s'y trouvait à la date du 31 mai 1992 ?

 25   R.  Oui, c'est le même pont.

 26   Q.  Pouvez-vous nous dire le nom de la rivière qui passe au-dessous du pont ?

 27   R.  C'est la rivière Sana.

 28   Q.  Je vais vous demander maintenant d'apposer des annotations sur cette


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  1   photographie, mais pas tout de suite, et j'aimerais qu'on utilise la couleur

  2   rouge pour ces annotations.

  3   Est-ce que vous savez dans quelle direction coule cette 

  4   rivière ?

  5   R.  Oui. Du côté gauche vers le côté droit, si on regarde la rivière sur la

  6   photographie.

  7   Q.  Je vous prie de prendre le style électronique -- attendez quelques instants,

  8   s'il vous plaît. Je vais vous demander de dessiner une petite flèche sur la

  9   rivière indiquant la direction dans laquelle coule la rivière.

 10   R.  [Le témoin s'exécute]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que M. l'Huissier pourrait aider le

 12   témoin pour qu'il soit en mesure d'utiliser la gomme.

 13   Mme BIBLES : [interprétation] Merci.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc la rivière coule du côté gauche vers le

 15   côté droit sur la photographie. Pouvez-vous dessiner cette petite flèche de

 16   façon plus nette.

 17   LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Madame Bibles, avant de continuer, donc

 19   ce document 06367 sur la liste 65 ter, sur notre liste, est indiqué comme étant

 20   la photographie du village [comme interprété] de Vrhpolje avec des annotations

 21   apportées par le témoin. Est-ce qu'il y a eu des annotations précédentes sur

 22   cette photographie ?

 23   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, il semble qu'il n'y ait pas

 24   d'annotations.

 25   Donc nous allons devoir corriger cela.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc la photographie qui a été versée au

 27   dossier, bien sûr, il y a des annotations. Mais peut-être que c'est moi qui n'ai

 28   pas vu quelque chose ou je n'ai pas remarqué quelque chose. Continuez. J'ai


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  1   entendu votre réponse.

  2   Mme BIBLES : [interprétation]

  3   Q.  Est-ce que vous voyez la route qui se trouve sur la photographie avant le

  4   pont ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Pouvez-vous maintenant, en utilisant le stylet électronique, apposer le

  7   chiffre 1 sur la route du côté du pont d'où vous êtes venu, sur le pont ou

  8   jusqu'au pont ?

  9   R.  [Le témoin s'exécute]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, ce n'est pas d'une direction

 11   qu'on arrive jusqu'à un point, mais plutôt d'un endroit et on se déplace dans

 12   une direction donnée.

 13   Si j'ai bien compris, pour ce qui est de la photographie, vous êtes arrivé

 14   jusqu'au pont en vous déplaçant du côté gauche de la route ? Si on se reporte

 15   sur cette photographie, vous vous déplaciez vers le côté droit de la route, et

 16   c'est pour ce que vous êtes arrivé jusqu'au pont ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est vrai.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez, Madame Bibles.

 19   Mme BIBLES : [interprétation]

 20   Q.  [aucune interprétation]

 21   [La Chambre de première instance se concerte]

 22   Mme BIBLES : [interprétation]

 23   Q.  Lorsque votre colonne est arrivée jusqu'au pont, pouvez-vous nous dire ce

 24   qui s'était passé à ce moment-là ?

 25   R.  Nous sommes arrivés au pont du côté gauche de la route. Une fois sur le

 26   pont, on nous a ordonné de passer du côté de la route et du pont en amont et de

 27   se ranger à deux au milieu du pont.

 28   Q.  Est-ce que cela se trouve du côté du pont où la rivière coule, en amont ?


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  1   R.  Oui, du côté droit du pont.

  2   Q.  Et après avoir fait cela, qu'est-ce qu'on vous a ordonné de faire ?

  3   R.  Ils nous ont ordonné d'enlever nos vêtements. Pas tous les vêtements, mais

  4   en tout cas les chaussures et certaines parties de nos vêtements. Ce que nous

  5   avons fait par la suite.

  6   Q.  Pourriez-vous nous décrire ce que les soldats faisaient pendant ce temps-là

  7   ?

  8   R.  Oui. Lorsque nous nous approchions du pont, ils ont commencé à nous insulter

  9   et nous malmener. Et lorsque tous les hommes se sont déshabillés, un ou deux

 10   soldats les ont fouillés au hasard. Ils ont demandé si nous avions de l'argent

 11   sur nous, il fallait tout leur donner, après quoi ils ont commencé à battre

 12   certaines personnes se trouvant sur le pont.

 13   Q.  Quand vous avez fini -- quels sont les vêtements que vous aviez enlevés ?

 14   R.  J'ai enlevé mon pantalon, mes chaussures. Et certains avaient gardé leur

 15   pantalon ou leurs chaussures. Enfin, non, personne n'a gardé ses chaussures.

 16   Mais dans la plupart des cas, il y avait pas mal d'affaires sur le pont. Il y en

 17   avait qui avaient gardé deux tricots. Mais on n'avait pas reçu l'ordre de tout

 18   enlever.

 19   Q.  Qu'étiez-vous encore en train de porter ?

 20   R.  J'avais un tee-shirt à manches courtes de couleur blanche.

 21   Q.  Et lorsque ces passages à tabac se produisaient, est-ce que quelqu'un a

 22   commencé à évoquer la possibilité de s'en aller du pont ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Est-ce que vous pouvez nous décrire ce qui s'est passé après le début des

 25   passages à tabac ?

 26   R.  Oui. Ils avaient battu Begic, Hakija et puis Begic, Mile à ce moment-là, et

 27   Begic, Fuad aussi. Puis ils ont commencé à battre tout le monde. Ce qui fait

 28   que, pour l'essentiel, tout le monde avait reçu des coups.


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  1   Q.  Est-ce qu'on vous a dit quelque chose au sujet de ce qu'il

  2    allait se pencher de vous ?

  3   R.  Oui. A un moment donné, pendant que le passage à tabac durait encore, que

  4   l'on nous injuriait et offensait, Kaurin, Nenad, ce soldat a dit à haute voix

  5   qu'il fallait qu'ils tuent 70 Musulmans ce jour-là parce que, dans le secteur,

  6   on avait tué sept soldats serbes.

  7   Q.  Qu'avez-vous pensé à ce moment-là ?

  8   R.  Nous étions effrayés. On avait reçu des coups. On avait froid. Alors, le

  9   fait de se dire que des autocars allaient venir, on n'y a plus pensé du tout. On

 10   attendait de voir ce qu'il allait advenir du groupe. Nous étions abandonnés à

 11   notre sort.

 12   Q.  [aucune interprétation]

 13   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 14   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, je viens de regarder l'heure

 15   et je me demande si l'heure serait la bonne pour ce qui est de lever l'audience

 16   pour aujourd'hui.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, si le moment est propice. J'imagine que

 18   dans la lignée de questions que vous allez avoir à poser par la suite, ça vous

 19   prendra plus des deux ou trois minutes qui nous restent.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, est-ce que vous avez des

 22   annotations autres à faire ? Parce qu'il y a un problème si nous levons

 23   l'audience aujourd'hui et si nous laissons la photographie du pont telle quelle.

 24   Mme BIBLES : [interprétation] Oui, en effet, Monsieur le Président, je vais

 25   demander le versement au dossier de cette pièce 65 ter 06367.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc c'est la photographie du pont de

 27   Vrhpolje avec les annotations apportées par le témoin.

 28   Madame la Greffière, quelle serait la cote ?


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  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 06367 serait désormais la pièce

  2   P163, Messieurs les Juges.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

  4   Ce P163 sera donc versé au dossier.

  5   Monsieur le Témoin, je vous demande de revenir demain matin à 9 heures 30 au

  6   prétoire. Mais avant que de vous en aller, je vous préviens que vous n'êtes pas

  7   censé vous entretenir avec qui que ce soit au sujet de votre témoignage, qu'il

  8   s'agisse du témoignage que vous avez déjà fourni aujourd'hui ou du témoignage

  9   que vous allez faire demain.

 10   Est-ce que vous avez bien compris ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Je vous demande maintenant de quitter le

 13   prétoire en compagnie de M. l'Huissier.

 14    [Le témoin quitte la barre]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons fini pour la journée

 16   d'aujourd'hui. Nous allons reprendre demain matin, à 9 heures 30 du matin, dans

 17   ce même prétoire.

 18   --- L'audience est levée à 14 heures 15 et reprendra le mardi 4 septembre 2012,

 19   à 9 heures 30.

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