Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 20 septembre 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 32.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde.

  6   Madame la Greffière, je vous prie de bien vouloir citer l'affaire.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

  8   Il s'agit de l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

 10   S'il n'y a pas d'autres questions, je vais demander que l'on fasse entrer le

 11   témoin dans le prétoire.

 12   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Groome.

 14   M. GROOME : [interprétation] Eh bien, je vais profiter du moment que l'on a. Il

 15   semblerait qu'on ait un petit peu plus de temps que nécessaire demain, et

 16   puisque vous m'avez demandé de vous parler au sujet des témoins qui vont

 17   comparaître au sujet de l'article 92 bis, de le faire lundi, eh bien, je

 18   souhaiterais le faire demain. Et puis, je pourrais aussi parler de quelques

 19   documents concernant le témoin de lundi, des documents s'y afférant, mais aussi

 20   Mme Bibles voudrait s'adresser au sujet de la question posée par Me Ivetic au

 21   sujet de la communication tardive des pièces. Donc on pourrait éventuellement

 22   parler de tout cela demain.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Très bonne idée. Si nous avons du

 24   temps demain, on va le faire.

 25   [Le témoin vient à la barre]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Vulliamy.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 28   Juges.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais vous rappeler que vous êtes tenu

  2   par la déclaration solennelle que vous avez prononcée au début de votre

  3   déposition hier.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Ivetic, êtes-vous prêt pour

  6   poursuivre votre contre-interrogatoire ?

  7   M. IVETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  8   LE TÉMOIN : EDWARD VULLIAMY [Reprise]

  9   [Le témoin répond par l'interprète]

 10   Contre-interrogatoire par M. Ivetic : [Suite]

 11   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 12   R.  Bonjour, Monsieur.

 13   Q.  Hier, nous nous sommes arrêtés à la pièce 65 ter 17992, et je voudrais

 14   revenir sur ce document.

 15   M. IVETIC : [interprétation] A savoir, la page 5 en anglais, donc c'est celle du

 16   prétoire électronique, en haut de la page, et la page 7, au milieu de la page,

 17   en serbe.

 18   Q.  Donc il s'agit de votre article qui est intitulé "La honte du camp

 19   d'Omarska", article publié le 7 août 1992.

 20   M. IVETIC : [interprétation] La page 5, donc, en anglais, tout en haut de la

 21   page, et la page 7 en serbe.

 22   Q.  Et je voudrais vous poser une question au sujet du premier paragraphe sur

 23   cette page.

 24   "Les histoires de Trnopolje, que l'on raconte plus librement qu'à Omarska,

 25   montrent à quel point cette guerre civile est absurde et violente. Nous avons

 26   une l'histoire de Sana, 13 ans, qui dit : 'J'étais combattante du côté des

 27   Musulmans. Ils nous envoyaient sur le front au moment où les combats avaient

 28   commencé. J'avais tellement peur que je me suis réfugiée du côté serbe du


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  1   village, pour venir ici. J'ai toujours peur, mais ici je me sens plus en

  2   sécurité.'"

  3   Tout d'abord, Monsieur, pourriez-vous m'aider : est-ce la même fillette

  4   âgée de 13 ans qui avait dit à l'équipe de journalistes de l'INT [comme

  5   interprété] qu'elle avait été utilisée en tant que bouclier humain par les

  6   forces musulmanes ?

  7   R.  Je n'en suis pas sûr, mais je pense que c'est bien la même.

  8   Q.  Très bien. Maintenant, le paragraphe suivant : 

  9   "Ensuite nous avons l'histoire d'Igor, un soldat serbe, un gardien. Son

 10   oncle a été tué la semaine dernière, et voici ce qu'il dit : 'J'ai des camarades

 11   d'école ici ainsi que mon instituteur,' et ensuite il présente son camarade

 12   Azmir, un footballeur professionnel qui est derrière les barbelés, qui dit : 'On

 13   m'a fait venir de Rizavanovci après le début des combats. Il y a eu des tirs du

 14   côté musulman, ensuite la police est arrivée, ils ont pris les gens pour

 15   nettoyer les villages des Musulmans et pour continuer les combats.'"

 16   Est-ce que vous souvenez-vous de cela, Monsieur ?

 17   R.  Oui, je me souviens de cela. Mais je ne me rappelle pas de cette interview

 18   précisément, mais c'est en tout cas ce que ce garçon a dit.

 19   Q.  Est-ce que vous n'avez jamais entendu parler d'une stratégie militaire qui

 20   consistait à évacuer les civils des zones habitées avant que les combats ne

 21   commencent ?

 22   R.  De façon générale ou bien dans cette guerre-ci ?

 23   Q.  De façon générale.

 24   R.  Oui, en général, ceci arrive.

 25   Cela étant dit, je ne sais pas si l'on a évacué vraiment les civils avant

 26   les attaques dans ces terres-là.

 27   Q.  Etes-vous d'accord, Monsieur, pour dire que les informations dont vous

 28   disposiez à l'époque indiquaient que le centre de Trnopolje était peuplé par la


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  1   population civile pour la grande majorité, à savoir les personnes qui ne

  2   faisaient pas partie de la rébellion armée ?

  3   R.  Oui, c'est aussi bien le cas pour Trnopolje que pour Omarska. Les gens qui

  4   s'y trouvaient n'avaient pas pris aux combats, contrairement à ce que l'on avait

  5   dit.

  6   Q.  Eh bien, on va parler d'Omarska plus tard. Essayez de répondre aux questions

  7   que je vous pose, Monsieur.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vulliamy, si à la fin de votre

  9   déposition -- si vous pensez qu'en vous limitant aux questions qui vous ont été

 10   posées, que quelque chose d'important était perdu au passage, eh bien, je vous

 11   donne la liberté de vous adresser aux Juges de la Chambre et de soulever la

 12   question que vous souhaitez soulever avec les Juges à la fin de votre

 13   déposition.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, de cette

 15   proposition.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Ivetic, vous pourrez poursuivre.

 17   M. IVETIC : [interprétation]

 18   Q.  Ai-je raison de dire que les autorités serbes de Prijedor vous ont dit que,

 19   à Omarska, les personnes au sujet desquelles on avait des doutes qu'elles

 20   devaient participer à des combats ou qu'elles aient commis des crimes, eh bien,

 21   qu'on les a séparées des civils et qu'on les a subies à des interrogatoires ?

 22   R.  C'est vrai. Et d'ailleurs, à Omarska, on nous a informés au sujet des

 23   différentes catégories de prisonniers. Et M. Karadzic, d'ailleurs, nous a

 24   garanti qu'il n'y avait pas de camps réservés aux civils.

 25   Q.  Vous avez mentionné justement cette réunion d'information. Voici la question

 26   que je veux vous poser : ai-je raison de dire que les personnes pour lesquelles

 27   on avait établi qu'elles n'avaient pas participé aux opérations militaires, eh

 28   bien, que ces personnes-là, on les avait transférées d'Omarska à Trnopolje,


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  1   alors que les personnes au sujet desquelles on pensait ou on avait trouvé

  2   qu'elles avaient commis des crimes, on les avait transférées d'Omarska à Manjaca

  3   ?

  4   R.  Eh bien, c'est assez compliqué. D'après mon meilleur souvenir, ça a été

  5   effectivement une des versions des événements que l'on nous a présentée, à

  6   savoir ceux qui avaient pris part à la rébellion avaient été transférés à

  7   Manjaca, et ceux qui n'avaient pas pris part à la rébellion armée avaient été

  8   transférés à Trnopolje.

  9   Mais, en revanche, les gens d'Omarska nous racontaient une autre version des

 10   choses. On a dit que les gens d'Omarska étaient des prisonniers de guerre, mais

 11   à l'époque il n'y avait rien qui pouvait corroborer cette affirmation à savoir

 12   que les gens enfermés à Omarska avaient été des combattants.

 13   Q.  Eh bien, Monsieur, je voudrais vous demander de ne pas me parler des

 14   recherches que vous avez faites et dont je n'ai pas vu de résultats. Donc

 15   répondez aux questions que je vous pose.

 16   Donc on va terminer la question de Trnopolje et ensuite on va aborder la

 17   question d'Omarska.

 18   M. IVETIC : [interprétation] Pour ce faire, je voudrais vous présenter l'extrait

 19   d'une vidéo. J'ai une transcription de cette vidéo. Je les ai distribuées aux

 20   interprètes ainsi qu'aux conseils du bureau du Procureur, et je pense que Mme la

 21   Greffière les a aussi pour les Juges.

 22   Donc, avec votre permission, je vais montrer le premier enregistrement. On

 23   va le montrer une première fois, et ensuite on va le montrer une deuxième fois

 24   et demander l'interprétation.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. En attendant, si vous voulez que

 26   le témoin limite sa déposition aux choses qu'il a vues, eh bien, posez-lui de

 27   telles questions au lieu de lui 

 28   demander : Ai-je raison de dire que les personnes au sujet desquelles on pensait


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  1   qu'ils n'avaient pas pris part… ? Quand vous commencez la question comme cela,

  2   vous ne lui demandez pas de vous répondre au sujet des choses qu'il a observées

  3   lui-même.

  4   M. IVETIC : [interprétation] Je vous présente mes excuses. Je pensais qu'on

  5   parlait toujours de Prijedor --

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Relisez votre question.

  7   M. IVETIC : [interprétation] Est-ce que je peux continuer ? Est-ce que je peux

  8   présenter la vidéo ?

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, faites donc. Si vous avez fourni le

 10   texte de la vidéo, vous pouvez le faire.

 11   [Diffusion de la cassette vidéo]

 12   M. IVETIC : [interprétation] Je vais demander qu'on montre la vidéo pour la

 13   deuxième fois.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Moi, je n'ai pas vu sur le compte rendu

 15   fourni le discours, ou, en tout cas, les propos tenus par la dernière personne

 16   que l'on a vue sur la vidéo.

 17   M. IVETIC : [interprétation] Je suis désolé. Je n'ai pas la transcription sous

 18   mes yeux --

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On va réécouter. On va vérifier. On va

 20   suivre.

 21   L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine française précise que l'enregistrement

 22   vidéo est inaudible. On va faire une traduction à vue.

 23   [Le conseil de la Défense se concerte]

 24   [Diffusion de la cassette vidéo]

 25   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 26   "Les deux équipes de journalistes ont visité un camp de réfugiés

 27   humanitaire dans le centre de Trnopolje, à 3 ou 4 kilomètres d'Omarska. Le

 28   centre a été utilisé pour les personnes en transit. Ils essayaient de fuir les


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  1   combats et avaient besoin de trouver un endroit où s'héberger pendant leur

  2   voyage. Notre journaliste, M. Bozanic, a parlé avec certaines personnes qui ont

  3   fui la zone de combat.

  4   Intervenant 1 : Au moment où les combats ont commencé [imperceptible], les

  5   premiers qui sont arrivés, ce sont les gens qui n'ont jamais combattu. Pourquoi

  6   voulez-vous qu'on se batte.

  7   Dès que les obus ont commencé à tomber, on devait venir.

  8   Journaliste : Vous vous attendez à quoi maintenant ?

  9   Intervenant 1 : Qu'on nous laisse passer, pour qu'on puisse vivre ensemble à

 10   nouveau. Ceci devrait être fait.

 11   Journaliste : Quel est votre statut ici ? Est-ce que vous avez la liberté de la

 12   circulation ? Est-ce que vous pouvez vaquer librement ?

 13   Intervenant 2 : On peut aller chercher de la nourriture et des affaires dans les

 14   villages.

 15   Intervenant 3 : Ils nous laissent aller dans les villages.

 16   Intervenant 4 : J'étais content de venir ici parce que j'ai des enfants.

 17   Je suis venu ici en passant par des champs. On n'a pas été maltraités. Personne

 18   ne nous a touché. J'ai passé 15 jours dans mon village. Mes cousins m'ont

 19   récupéré et ils sont nombreux à être à Zagreb déjà."

 20   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 21   [La Chambre de première instance se concerte]

 22   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 23   M. IVETIC : [interprétation] Effectivement, il était très difficile de comparer

 24   ce que l'on entendait au transcript, et il a été difficile parfois de savoir où

 25   l'on est.

 26   Q.  Monsieur, ai-je raison de dire que cette personne ou que ce journaliste

 27   faisait partie de l'équipe de l'ITN, à savoir l'équipe de journalistes avec

 28   laquelle vous avez visité le camp de Trnopolje avec l'équipe de journalistes de


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  1   la télévision serbe ?

  2   R.  Je ne suis pas absolument sûr de cela. Cette vidéo avait été filmée par une

  3   équipe qui faisait partie de notre escorte, mais ils ne portaient pas tous des

  4   uniformes de camouflage. Donc il est difficile de répondre à la question, parce

  5   que je vois que le droit d'auteur date entre 2000 et 2008, donc là vous avez

  6   plusieurs années, et moi je n'ai jamais entendu parler d'eux. Donc je ne suis

  7   pas sûr de ça. Je ne sais pas qui, effectivement, a tourné cette vidéo.

  8   Q.  Ai-je raison de dire que cette scène que l'on vient de voir, que c'est une

  9   scène qui se déroule dans le camp de Trnopolje, le camp qui n'était pas entouré

 10   d'un barbelé, le camp dans lequel les gens pouvaient vaquer librement, entrer et

 11   sortir ?

 12   R.  Je pense qu'il s'agit là des parties du camp autour des bâtiments où les

 13   gens avaient le droit d'aller pour aller chercher de la nourriture. Donc ce

 14   n'est pas l'endroit où ils étaient internés en ce qui concerne ce camp. C'est ce

 15   que j'essaie d'expliquer.

 16   Q.  Et hier, vous avez parlé de commentaires du Dr Stakic portant sur la période

 17   qui a précédé votre visite à Trnopolje. Il semblerait qu'il s'agisse de

 18   personnes ici, à Trnopolje, qui aient dit la même chose que ce qu'a dit le Dr

 19   Stakic ?

 20   R.  Oui. J'ai essayé d'aider les Juges de la Chambre en la matière avec cette

 21   idée que Trnopolje était un endroit où régnait la confusion et un endroit qui

 22   prêtait à la confusion. Ces personnes --d'après le montage de ces images,

 23   d'après les dates, ceci a été filmé par une équipe de Bosno-Serbes qui cite des

 24   personnes qui semblent avoir dit certaines choses qui coïncident avec ce qu'a

 25   dit ce Stakic. Quelqu'un qui avait très peur en raison des bombardements qui

 26   s'étaient déroulés, nous avons entendu des choses semblables d'autres personnes,

 27   ainsi que d'autres personnes qui avaient quitté des villages en raison des tirs

 28   d'obus.


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  1   Mais pour répondre à votre question, compte tenu du fait que ceci a été compilé

  2   en l'an 2000 et qu'il décrit Trnopolje comme étant un centre d'aide humanitaire,

  3   après ce que j'ai vu ce jour-là et après ce que l'on a vu en termes de

  4   photographies ce jour-là, qui nous ont été remises le jour même où on a vu des

  5   personnes le torse nu recouvert d'ecchymoses, effectivement, il s'agit des

  6   années 2000 et 2008.

  7   Q.  Pardonnez-moi de vous interrompre.

  8   R.  Permettez-moi de terminer.

  9   Q.  Vous avez dit des personnes. Il y avait une photographie où on voit une

 10   personne -- a reçu ?

 11   R.  Non. Il y avait une personne qui nous a donné un film, mais il y a plus

 12   d'une personne sur les photographies.

 13   Q.  Je ne me souviens pas de cela dans votre déposition. Nous allons vérifier.

 14   Vous voulez terminer votre réponse.

 15   R.  Ma réponse est celle-ci --

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] … Madame Bibles.

 17   Mme BIBLES : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 18   La pratique qui consiste à faire des commentaires sur la déposition du témoin

 19   est quelque chose auquel nous nous opposons. Nous demanderons à ce que, à

 20   l'avenir, les questions et les réponses soient posées dans un format habituel.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, ce dont vous vous souvenez et

 22   ce sur quoi vous décidez de communiquer avec le témoin est quelque chose qui

 23   vous appartient.

 24   Veuillez poursuivre.

 25   M. IVETIC : [interprétation] Alors, est-ce que nous pouvons regarder la séquence

 26   vidéo suivante, qui est de 3 minutes 46 à 4 minutes 34. La deuxième partie avec

 27   les sous-titres, la transcription commence à la page 2. Donc je vais d'abord la

 28   visionner une première fois.


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  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   M. IVETIC : [interprétation] Deuxième fois maintenant, s'il vous plaît.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] 

  5   "Nous sommes là depuis le premier jour. Les gens sont venus de leur plein gré,

  6   sans doute parce qu'il y avait une pénurie de nourriture et souvent avec

  7   l'intention de fuir la Bosnie centrale. Nous travaillons avec une importante

  8   organisation internationale. Avez-vous reçu de l'aide de votre centre en

  9   Yougoslavie ?

 10   Non. L'aide nous est parvenue qui était destinée aux réfugiés venant de Croatie.

 11   Parce que ces personnes étaient venues essentiellement de Serbie, pour ces

 12   personnes. Je ne peux pas dire que les organisations internationales nous aient

 13   beaucoup aidés.

 14   Et après les combats à Prijedor, les gens ne sont pas traités comme des

 15   réfugiés mais simplement comme des personnes déplacées."

 16   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 17   L'INTERPRÈTE : Commentaire de la cabine anglaise : L'interprète précise qu'il

 18   est très difficile d'entendre le son, qui est de mauvaise qualité, et il est

 19   difficile de vérifier l'exactitude de la traduction fournie.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci est consigné au compte rendu d'audience.

 21   La bande-son est extrêmement difficile à comprendre et il est difficile de

 22   vérifier les propos qui y sont dits. Nous allons en parler après.

 23   Maître Ivetic.

 24   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   Q.  Monsieur Vulliamy, vous souvenez-vous de cette femme de la Croix-Rouge

 26   yougoslave qui était à Trnopolje lorsque vous vous êtes rendu dans ce camp avec

 27   l'équipage d'ITN ?

 28   R.  Non, je ne m'en souviens pas précisément, mais je me souviens qu'elle était


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  1   là. Elle venait de la Croix-Rouge internationale yougoslave. C'est la raison

  2   pour laquelle j'avais remarqué ce qu'elle avait dit à propos de l'aide

  3   internationale. La Croix-Rouge internationale n'avait pas été autorisée à entrer

  4   dans Trnopolje.

  5   Q.  Aviez-vous une quelconque connaissance d'aide humanitaire fournie par la

  6   Serbie à ces personnes déplacées de Trnopolje ?

  7   R.  Il y avait un centre médical à Trnopolje, et je l'ai décrit dans d'autres

  8   dépositions. Vous pourrez prendre le temps nécessaire pour vous pencher dessus.

  9   La seule aide, UNAID, je crois que c'est le terme exact --

 10   L'INTERPRÈTE : Point d'interrogation de la part de l'interprète.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] -- qui était là à ce moment-là, ce dont a parlé Dr

 12   Stakic [comme interprété], et nous avons vu cela dans un extrait vidéo, il y

 13   avait une femme qui avait réussi à se procurer de la nourriture de différentes

 14   maisons dans le secteur. La Croix-Rouge yougoslave était là, je les ai

 15   interviewés. Je crois que les gens étaient en bonne santé.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question, en fait, qui vous a été posée se

 17   focalisait sur l'aide humanitaire envoyée par la Serbie, donc la simple réponse

 18   que j'ai à vous donner c'est que : Je n'étais pas au courant de cela ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] A moins qu'il y ait des éléments que je n'ai pas

 20   vus, ces gens s'étaient fournis de la nourriture -- ou que cette aide était

 21   venue de Serbie, eh bien, je n'étais pas au courant que la Croix-Rouge

 22   yougoslave en ait fourni. C'est ce que je viens de dire.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question n'était pas simplement limitée à

 24   cela. Je crois que la question initiale portait sur le fait de vous demander si

 25   l'aide humanitaire avait été envoyée par la Serbie ou par qui que ce soit.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Juge.

 27   M. IVETIC : [interprétation]

 28   Q.  Le dernier extrait que je souhaite visionner est un extrait de 7 minutes 49


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  1   secondes à 9 minutes 40, et ça fait partie de la deuxième partie de la vidéo et

  2   les 59 premières secondes de la partie 3.

  3   M. IVETIC : [interprétation] Ces passages ne sont pas sous-titrés. Cependant,

  4   tout est quasiment en anglais à l'exception de quelques propos tenus à la fin.

  5   Nous avons une transcription qui n'a pas été revue et corrigée, que nous avons

  6   préparée la nuit dernière, quelques pages -- la page 2 qui comprend la

  7   transcription de l'anglais et une traduction du B/C/S, ou du serbo-croate. Je

  8   vais maintenant la visionner pour la première fois.

  9   [Diffusion de la cassette vidéo]

 10   M. IVETIC : [interprétation] Ensuite, maintenant le deuxième visionnage.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il me semble que la qualité n'est pas bonne

 12   du tout.

 13   Même si ce que je lis se rapproche de l'essentiel de ce qui est dit sur

 14   ces images, il est difficile de suivre.

 15   Alors, nous allons l'entendre à nouveau avec toutes les réserves que nous

 16   pouvons émettre sur la qualité de ces images et de la transcription, et non pas

 17   en raison de nos interprètes, je souhaite le préciser, c'est en raison de la

 18   qualité de la transcription.

 19   Maître Ivetic, allez-y.

 20   [Diffusion de la cassette vidéo]

 21   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] 

 22   "Bonjour.

 23   Je m'appelle Mehmed.

 24   Question : Comment êtes-vous venu ici ?

 25   Réponse : Je crois que tout va bien. Rien de mal, mais il fait très chaud.

 26   Question : Avez-vous dormi à l'extérieur ?

 27   Réponse : Non, non, à l'intérieur.

 28   Question : … je vais vous ramener


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  1   Réponse : Non, tout va bien.

  2   Question : Vous allez bien ?

  3   Réponse : Très bien.

  4   Question : Comment êtes-vous venu ici ? Et êtes-vous un combattant ?

  5   Réponse : A bord d'un autocar.

  6   Question : Etes-vous un combattant ?

  7   Réponse : Non.

  8   Question : Vous sentez-vous en sécurité ici ?

  9   Réponse : Je crois que c'est très sûr. Mais il est fait très chaud. D'autres

 10   choses.

 11   Question : Il y a un homme qui est très maigre.

 12   Réponse : Il est très, très maigre. Pas toutes les personnes ne sont les mêmes.

 13   Non, non, je crois un réfugié. Pas une prison.

 14   Je crois que cela dépend du gouvernement local.

 15   Question : Cela dépend du gouvernement local. Vous ne pouvez pas partir -- vous

 16   ne pouvez pas partir d'ici ?

 17   Réponse : Non, pas maintenant.

 18   Question : Où sont les femmes et les enfants ?

 19   Réponse : Partis.

 20   Question : Les femmes et les enfants sont dans la maison ? Où sont les femmes et

 21   les enfants.

 22   Réponse : Partis dans la maison, d'autres…

 23   Question : Ceci existe-t-il ?

 24   Réponse : Pourquoi 'ceci existe-t-il' ?

 25   Il s'agit d'un camp de réfugiés.

 26   Question : Où souhaitez-vous aller ?

 27   Réponse : Rentrez à la maison."

 28   Et une voix venant de derrière eux leur dit : "Veuillez leur dire qu'il n'y a


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  1   pas de nourriture." Une voix venant de derrière eux leur dit : "Regardez à quoi

  2   il ressemble."

  3   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  4   M. IVETIC : [interprétation]

  5   Q.  Ai-je raison, Monsieur, de dire que vous auriez été avec Mme Marshall, qui

  6   est la journaliste femme que nous voyons sur ces images ?

  7   R.  Oui. Vous me voyez sur ces images aussi.

  8   Q.  Je n'étais pas certain.

  9   R.  Oui, tout à fait.

 10   Q.  Et est-ce que cette séquence vidéo illustre fidèlement ce dont vous vous

 11   souvenez à propos de cette personne qui se trouve en salopette bleue et ces

 12   personnes autour de lui en train de parler dans ce passage ?

 13   R.  Oui. Je n'ai pas entendu tout ceci. Il s'agit de rushs d'ITN qui n'ont pas

 14   été retransmises mais qui ont été communiquées depuis, je crois, dans l'affaire

 15   Tadic. Je les reconnais.

 16   M. IVETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, avant que nous ne passions au

 17   thème suivant, est-ce que nous pouvons verser au dossier cette vidéo, 1D259,

 18   avec la mise en garde suivante : il faut la marquer aux fins d'identification

 19   puisque nous ne disposons pour l'instant que d'une transcription qui n'a pas été

 20   revue et corrigée et qui a été téléchargée dans le prétoire électronique.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles.

 22   Mme BIBLES : [interprétation] Nous ne nous opposons pas au versement au dossier

 23   de ces images pour des questions d'identification. Mais nous émettons des

 24   réserves sur ces images qui proviennent d'un site internet jusqu'à ce que nous

 25   ayons pu obtenir davantage de preuves de fondement.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A savoir si ces images émanent du site

 27   internet ou pas, ceci n'est pas encore tout à fait clair à mes yeux.

 28   Maître Ivetic, avez-vous d'autres informations là-dessus ?


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  1   M. IVETIC : [interprétation] D'après ce que j'ai compris, il s'agit du site

  2   internet qui a remastérisé ces images vidéo en l'an 2000. Il y a un sous-titrage

  3   -- ou, ceci a été doublé en anglais, le doublage est en anglais et, je crois,

  4   avec du B/C/S. Je crois que ceci a été diffusé sur une chaîne de télévision dans

  5   la région des Balkans, sans doute à un moment qui était plus proche des

  6   événements, mais je n'ai pas eu l'occasion de vérifier ceci et je reviendrai

  7   vers vous, Messieurs les Juges de la Chambre, lorsque je l'aurais fait.

  8   M. Vulliamy nous dit qu'il s'agit là d'extraits qui auraient été utilisés dans

  9   l'affaire Tadic. Je ne sais pas si c'est le cas. Je vais en tout cas vérifier

 10   cela, de savoir s'il s'agit d'éléments de preuve dans cette affaire-là.

 11   [La Chambre de première instance se concerte]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce recevra une cote provisoire.

 13   Madame la Greffière, s'il vous plaît.

 14   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D259 recevra la cote D44,

 15   marquée aux fins d'identification, Messieurs les Juges.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et donc, ce statut restera celui-ci jusqu'au

 17   moment où nous recevrons d'autres éléments d'information de la part de la

 18   Défense.

 19   M. IVETIC : [interprétation]

 20   Q.  Je vais maintenant changer de sujet et parler d'Omarska et du temps que vous

 21   avez passé là-bas.

 22   Tout d'abord, je souhaite afficher le numéro 65 ter 17992 à nouveau. A nouveau,

 23   il s'agit de votre article toujours, un ou deux jours -- qui a été publié un ou

 24   deux jours après votre passage à Omarska. Cette fois-ci, je souhaite regarder la

 25   deuxième page du texte anglais. C'est quelque chose que M. Sebakoudin Anovic

 26   [phon] vous aurait rapporté, c'est ce que vous dites dans votre article.

 27   M. IVETIC : [interprétation] Au milieu de la page de la version anglaise. Je

 28   crois que cela se trouve également à la page 3 en B/C/S. 17992, ça c'est le


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  1   numéro 65 ter. Allons-y.

  2   Q.  Alors, là, au milieu du texte en anglais, vers le haut, on voit le

  3   paragraphe qui commence par :

  4   "Moi, je faisais partie des forces de défense - mais je n'ai pas été pris dans

  5   les combats. J'ai essayé de joindre Trnopolje, ce camp de transit (un camp

  6   civil), mais l'armée m'a attrapé en route et m'a fait venir ici.

  7   "Sebakoudin, qui ne montre aucune trace de passage à tabac, 

  8   dit : 'On enquête sur nous. Parce que je sais que rien ne peut être dissimulé,

  9   je dis la vérité et j'espère que j'irai bien. Si je suis coupable, dans ce cas

 10   j'aurai à affronter les conséquences. Je ne parle que de moi-même -

 11   personnellement, personne ne m'a touché.'"

 12   Et je crois que peut-être j'ai omis quelque chose qui est précisé avant ce

 13   passage qui parle de "Sebakoudin ne montre aucune trace de passage à tabac," et

 14   donc, voilà.

 15   Monsieur, vous souvenez-vous de cet entretien --

 16   R.  Oui. C'étaient les gardiens qui l'on présenté à l'entrée.

 17   Q.  Et lorsqu'il dit qu'il faisait partie des forces de défense, d'après vous

 18   c'était la Défense territoriale musulmane de Bosnie ou de la Défense

 19   territoriale de Prijedor ?

 20   R.  Oui, ça aurait pu être ça. Il aurait pu être un policier dans la ville.

 21   Q.  Et lorsqu'il est question du camp de transit de Trnopolje, et lorsqu'il a

 22   dit "(camp de civils)", c'est vous qui dites cela ou c'est lui ?

 23   R.  Je suppose que c'est lui.

 24   Q.  Et la même page encore, une autre personne qui est détenue à Omarska --

 25   excusez-moi.

 26   Avant de parler de cette autre personne, je pense que j'ai retrouvé ce

 27   passage où vous parlez de catégories, c'est la même page. Il y a quelqu'un qui

 28   s'exprime, et je voudrais que l'on commence là où le texte se lit comme suit :


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  1   "Omarska, d'après ce qu'on nous dit, est un centre d'enquête ou

  2   d'instruction pour les hommes sur lesquels pèse la suspicion qu'ils ont fait

  3   partie de l'armée régulière musulmane. On les arrête, on les rassemble, puis on

  4   les interroge pour déterminer s'il s'agit de combattants ou de civils.

  5   "Mis à part les problèmes de manque de nourriture et d'humiliation, aucun

  6   de ces 80 détenus que nous avons vus ne présentaient de traces d'actes de

  7   violence subis ou de coups.

  8   "Pour ceux pour lesquels on a pu déterminer qu'ils étaient en train de

  9   préparer un soulèvement, eh bien, ils font partie de la catégorie A, c'est ce

 10   qu'explique la porte-parole du chef de la police, Nada Balban. Il y en aurait

 11   126. Ils attendent un procès.

 12   "Puis, pour ceux pour lesquels on détermine qu'ils sont des combattants,

 13   ils font partie de la catégorie B, et puis finalement ils se retrouvent au camp

 14   de prisonniers de guerre de Manjaca, et la Croix-Rouge a pu y accéder (et les

 15   militaires serbes souhaitaient que l'on visite plutôt cet endroit plus

 16   qu'Omarska), puis ensuite c'est le tribunal militaire. 'Et ceux-là sont au

 17   nombre de 1 290.'"

 18   Alors, premièrement, vous dites que les militaires voulaient plutôt vous

 19   diriger vers Manjaca. En fait, je voudrais rafraîchir votre mémoire, c'est le

 20   colonel Arsic qui a dit que vous devriez vous rendre à Manjaca, parce que

 21   c'était sous l'autorité de l'armée ? Est-ce que cela ne serait pas une manière

 22   plus correcte de présenter la situation ?

 23   R.  Nous voulions aller à Omarska, et eux voulaient que l'on se rende à

 24   Manjaca. Et je l'ai dit déjà plusieurs fois dans le cadre de mes témoignages.

 25   Puis, ensuite, il nous a remis à d'autres personnes, comme vous le dites, en

 26   disant qu'en fait la Croix-Rouge s'était déjà rendue à Manjaca et pas à Omarska.

 27   Et, en fait, c'était, pour nous, la raison pour laquelle on voulait s'y rendre.

 28   Q.  D'accord. Et vous avez parlé avec un autre individu à Omarska. Est-ce


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  1   que vous vous rappelez quelqu'un qui portait des traces de blessures au visage,

  2   il a dit qu'il était tombé et qu'en fait c'était comme ça qu'il s'était blessé ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Si j'avance un petit peu, ai-je raison de dire, en fait, que c'est quelques

  5   années plus tard que vous avez rencontré de nouveau cet homme et qu'il était

  6   membre de l'armée musulmane de Bosnie à ce moment-là à Donji Vakuf ?

  7   R.  Oui. C'est par pure coïncidence que je l'ai revu en 1995.

  8   Q.  Très bien.

  9   M. IVETIC : [interprétation] Je précise aux fins du compte rendu d'audience

 10   qu'il s'agit du 16 septembre 2002, du compte rendu de l'affaire Stakic, pièce

 11   P199 en l'espèce. La transcription en page 7 941, 44e page du prétoire

 12   électronique, où le témoin parle de cela. Mais pour faire plus vite, je pense

 13   qu'il n'est pas nécessaire de présenter cette partie-là du compte rendu

 14   d'audience. Je me contenterai de poser ma question.

 15   Q.  Donc vous avez mentionné ce commandant militaire bosnien qui était à la tête

 16   des forces qui avançaient sur Donji Vakuf. Est-ce que c'est lui ou c'était un

 17   autre des soldats qui était présent ?

 18   R.  Non, c'était un autre soldat et il a pu nous parler un peu plus de sa

 19   blessure et de ce qui se passait en fait lorsqu'il m'a dit qu'il était tombé. Il

 20   a reçu des coups et, en fait, il a été soigné pour des blessures à sa tête.

 21   Q.  Et vous dites ici dans l'affaire Stakic qu'il a en fait repris du poids. Je

 22   voudrais que l'on reparle de l'année 1992. Lorsque les responsables de Prijedor

 23   se sont entretenus avec votre groupe, est-ce qu'ils vous ont dit qu'il y avait

 24   des pénuries de nourriture qui étaient dues à la guerre et que tout le monde

 25   dans la région de Prijedor en souffrait ?

 26   R.  Oui, ils ont dit des choses au sujet des manques de vivres et de nourriture,

 27   mais en fait cela n'affectait pas tout le monde de la même manière et cela

 28   n'expliquait pas pourquoi M. Velic était squelettique.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela n'est pas tout à fait sans pertinence

  2   dans ce contexte. Dans le compte rendu d'audience dans Stakic, est-il vraiment

  3   dit "qu'il a repris énormément de 

  4   poids" ? Non pas simplement "qu'il ait repris du poids." Mais "qu'il ait repris

  5   énormément de poids."

  6   Donc il faudrait que vous nous montriez la partie pertinente, s'il vous

  7   plaît, et essayez d'être très précis dans ce que vous citez.

  8   M. IVETIC : [interprétation] J'essaie simplement d'avancer rapidement.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non. Mais si vous ne citez pas

 10   correctement, on perd du temps, en fait. Donc je ne vous dis qu'il faut

 11   absolument afficher à l'écran. Je vous dis qu'il faut bien préparer avec toute

 12   l'attention voulue les citations pour que ce soit tout à fait précis.

 13   M. IVETIC : [interprétation]

 14   Q.  Hier, dans le compte rendu d'audience de la journée d'hier, page 2 592

 15   [comme interprété], lignes 22 à 25, vous sembliez dire que la nourriture qui

 16   était servie à Omarska était de très mauvaise qualité. Vous dites :

 17   "Mais on ne peut même pas parler de nourriture."

 18   R.  Oui, c'est au sujet de la quantité, et puis apparemment lorsqu'on voit à

 19   quel point ils étaient avides de manger, cela semblait signifier qu'ils

 20   n'avaient pas vu de nourriture depuis longtemps.

 21   Q.  Est-ce que quelqu'un vous a dit que la nourriture qui était préparée à la

 22   cantine était préparée également pour les policiers serbes de Bosnie et pour

 23   l'armée de Prijedor ?

 24   R.  Oui, les gardiens recevaient de la nourriture d'un autre endroit, d'une

 25   autre source que les prisonniers. Et ils semblaient se porter tout à fait bien.

 26   Ils étaient en bon état.

 27   Q.  Vous avez mentionné plusieurs personnes --

 28   L'INTERPRÈTE : Noms inaudible pour l'interprète.


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  1   M. IVETIC : [interprétation]

  2   Q.  -- de la police et M. Mijakic.

  3   R.  Oui, M. Mijakic nous a été présenté comme étant le commandant des gardiens

  4   du camp.

  5   Q.  Monsieur Vulliamy, ai-je raison de dire que M. Mijakic faisait partie

  6   également des structures de police de Prijedor ?

  7   R.  Je ne sais pas en fait de quelle structure il faisait partie. Il avait un

  8   béret. Je ne sais vraiment pas où il travaillait, de quelle structure il faisait

  9   partie. Mais il semblait rendre compte à M. Drljaca, mais je ne sais pas dans le

 10   cadre de quelle chaîne de commandement il fonctionnait. Et je ne le sais

 11   toujours pas aujourd'hui.

 12   Q.  Très bien. Alors, un autre sujet à présent, si vous voulez bien. Ai-je

 13   raison de dire que vous avez reçu une liste d'endroits suspectés par les

 14   autorités serbes, des endroits de Bosnie-Herzégovine où apparemment il y aurait

 15   des camps entre les mains d'une autre partie au conflit et où il y aurait eu des

 16   détenus 

 17   serbes ?

 18   R.  Oui. Il y avait deux sources, en fait, pour ces listes : Dr Karadzic, lui-

 19   même, et puis il y avait son adjoint, Nikola Koljevic.

 20   Q.  Et Dretelj était l'un des endroits que l'on vous a mentionnés ?

 21   R.  Oui. Et j'ai compris, effectivement, qu'ils le pensaient véritablement,

 22   qu'ils étaient convaincus que c'était vrai. Et si je peux revenir à la question

 23   que vous m'avez posée hier, pourquoi je ne suis pas allé pour me rendre de

 24   l'autre côté. Il m'a fallu un peu de temps pour aller et pour me rendre à

 25   Dretelj.

 26   Q.  Et, en fait, vous êtes allé à Dretelj par deux fois ?

 27   R.  Oui. En 1992, une première fois; et puis après, c'était plus tard en 1993 ou

 28   au début de l'année 1994. Je pense que c'était à la fin de l'année 1993. Il y


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  1   avait beaucoup de prisonniers dans le camp les deux fois où j'y suis allé.

  2   Q.  Et la première fois où vous êtes allé à Dretelj, c'était le HOS qui le

  3   gérait. C'était un groupe paramilitaire de Croates de Bosnie ?

  4   R.  Oui, tout à fait, et il y avait des femmes serbes également parmi les

  5   détenus, et nous avons fait connaître l'atrocité de la situation.

  6   Q.  Et la deuxième fois où vous vous y êtes rendu, ce n'était plus entre les

  7   mains du HOS, mais c'étaient d'autres forces croates de Bosnie. C'étaient des

  8   détenus musulmans de Bosnie qui y étaient placés, et c'était en 1993 ?

  9   R.  Oui, c'est exact. Cela a été placé à ce moment-là sous l'autorité du HVO,

 10   donc de l'armée croate de Bosnie, et les détenus, pour la plupart, étaient des

 11   Musulmans de Bosnie.

 12   Q.  Et alors, la première partie de ma question, je voudrais maintenant que l'on

 13   parle de la première visite que vous avez faite, le premier déplacement sur

 14   place, vers le 15 août 1992, à peu près.

 15   R.  Oui, c'était à la mi-août 1992. C'était tout de suite après que l'on ait

 16   constaté l'existence des camps, et il m'a fallu, en fait, emprunter un chemin

 17   très détourné pour m'y rendre.

 18   Q.  Ai-je raison de dire que vous êtes allé d'abord voir Mate Boban à son bureau

 19   à Grude ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Je vais attirer votre attention sur le document 1D00240. M. IVETIC :

 22   [interprétation] Nous avons une transcription du témoignage de ce témoin dans

 23   l'affaire Prlic ici. Page 31 dans le prétoire électronique. Compte rendu

 24   d'audience, page 1 504, ligne 18 et ligne 10.

 25   Q.  Donc, Monsieur :

 26   "Question : Revenons à quelque chose que vous avez dit il y a quelques

 27   instants. On trouve ce texte à la page 26, lignes 13 et 14 du compte rendu

 28   d'audience.


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  1   "Vous nous avez dit que cette réunion a eu lieu, et je cite, 'dans son

  2   bureau dans une ville qui s'appelle Grude, une petite ville qui était en fait un

  3   endroit plutôt dangereux.'

  4   "Donc lignes 13 et 14, page 26 du compte rendu d'audience aujourd'hui.

  5   Alors, est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous pensiez lorsque vous dites

  6   'un endroit dangereux où pèse la menace' ?

  7   "Réponse : Eh bien, que ce soit dans cette guerre ou dans les guerres

  8   précédentes, je me suis habitué à me rendre dans des endroits où je ne sentais

  9   pas à l'aise. Disons que même s'il n'y avait pas de combats, on sentait les tirs

 10   automatiques qui partaient en l'air. Il y avait des gars plutôt qui roulaient

 11   les mécaniques et qui n'avaient pas l'air particulièrement accueillants. Et je

 12   n'ai pas particulièrement apprécié que le portrait d'Ante Pavelic, un dictateur

 13   oustacha dans la Deuxième Guerre mondiale, soit affiché dans les devantures de

 14   plusieurs magasins. Je n'ai pas non plus apprécié et je n'ai pas trouvé ça de

 15   très bon goût que le U de ce mouvement était représenté sur certains murs. Des

 16   inscriptions - donc le U - figuraient sur un mur.

 17   "Je ne me sentais pas à l'aise. Même si je n'avais pas la sensation que

 18   j'étais vraiment en danger, c'était un endroit intimidant, très militarisé, même

 19   s'il était loin des lignes de front."

 20   Est-ce que vous vous rappelez ce témoignage ?

 21   R.  Oui. Je me souviens de Grude, et ce, de la manière dont vous décrivez.

 22   Q.  Est-ce que cette description est précise par rapport à vos souvenirs de

 23   Grude ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Nous avons parlé du discours de Stakic lorsqu'il a parlé des craintes de

 26   certains Serbes, donc des souvenirs qu'ils avaient de la Seconde Guerre

 27   mondiale. Est-ce que c'était le retour en force du mouvement oustacha qui

 28   suscitait ces peurs des responsables serbes de Prijedor ? Est-ce que c'est de


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  1   cela qu'il s'agissait ?

  2   R.  Oui, ils ont parlé de leurs expériences de la Seconde Guerre mondiale et

  3   nous en avons parlé en détail pendant la conversation que j'ai eue avec Dr

  4   Kovacic, que nous avons rencontré en 1992, et qui a parlé de cela en 1996

  5   lorsque je lui ai reparlé, et il a dit qu'en fait il regrettait certaines choses

  6   qu'il avait dites en 1992.

  7   Q.  On en reparlera. Est-ce que j'ai également raison de dire que les autorités

  8   serbes figuraient aussi Tarcin et Konjic sur leur liste ?

  9   R.  Oui. Je me suis rendu à Tarcin parce que je voulais vérifier ce qu'il y

 10   avait là. C'était une sorte de tunnel là-bas.

 11   Q.  Est-ce que vous seriez surpris d'apprendre que devant le tribunal de la cour

 12   d'Etat de Bosnie-Herzégovine, il y a un procès en cours de diligenté contre huit

 13   Musulmans de Bosnie, Mustafa Djelilovic et autres, c'est l'affaire S1 1 K 007914

 14   KRI ? C'est l'affaire diligentée justement en raison des délits au pénal liés,

 15   non pas à un camp de détention, mais à trois camps de détention à Tarcin où on

 16   gardait des Serbes au silo, à l'école et les casernes. Il y a eu des tortures

 17   entre 1992 et février 1996 de commises là-bas.

 18   R.  Serais-je surpris ? Non. S'il y a eu un procès, il y en a eu un. Pourquoi

 19   serais-je surpris ?

 20   Q.  Mais vous n'avez pas trouvé d'éléments de preuve à cet effet ?

 21   R.  Je n'ai pas vu de tunnel lorsque je suis allé là-bas -- et il s'est produit

 22   autre chose. Peut-être aurais-je dû faire l'effort de trouver quelque chose en

 23   plus. On est allés à Dretelj à la place, parce que là-bas il y a eu de terribles

 24   conditions de réservées aux prisonniers serbes. Je n'ai pas pu visiter la

 25   totalité des camps du côté des Serbes de Bosnie. Ça n'a pas été possible.

 26   Q.  Je vais vous poser une autre question avant la pause : qu'en est-il de

 27   Konjic ? Avez-vous eu l'occasion d'enquêter au sujet de Konjic ?

 28   R.  Non, je ne suis pas allé à Konjic.


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  1   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que l'heure est

  2   venue de faire la pause.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, on est arrivés à l'heure de la pause.

  4   Vous avez fait un grand effort pour ce qui est de nous donner le numéro de

  5   l'affaire et tous les détails au sujet de l'affaire en question. Allez-vous

  6   présenter des éléments de preuve à ce sujet ? Parce que -- était-ce quelque

  7   chose que le témoin était censé voir ou est-ce que c'est un document que les

  8   Juges de la Chambre étaient censés voir ?

  9   M. IVETIC : [interprétation] J'ai voulu donner une idée des éléments

 10   d'identification de l'affaire pour donner le plus possible de détails et savoir

 11   si le témoin avait connaissance de ce procès.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon.

 13   M. IVETIC : [interprétation] Mais nous pouvons préparer une documentation à ce

 14   sujet, si les Juges sont intéressés par.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, ce n'est pas nécessaire.

 16   Nous allons faire une pause de 20 minutes, jusqu'à 11 heures moins 10, mais il

 17   faut d'abord que le témoin quitte le prétoire.

 18   [Le témoin quitte la barre]

 19   --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

 20   --- L'audience est reprise à 10 heures 53.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je demanderais à ce que le témoin soit emmené

 22   au prétoire.

 23   Entre-temps, je voudrais saisir l'opportunité pour me pencher sur plusieurs

 24   questions.

 25   S'agissant de notre calendrier pour la semaine prochaine. L'Accusation a demandé

 26   qu'il y ait une modification de comparution des deux premiers témoins qui sont

 27   prévus pour la semaine prochaine afin qu'il y ait une inversion de l'ordre. La

 28   Défense ne s'y est pas opposée, la Chambre va donc l'autoriser.


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  1   Peut-on demander d'ores et déjà à l'Accusation de se pencher sur ce qu'elle a

  2   l'intention de faire avec neuf documents qui n'ont pas été utilisés et qui sont

  3   proposés pour versement en tant que pièces auxiliaires en application du 92 ter.

  4   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, j'attends la fin du contre-

  5   interrogatoire et des questions complémentaires pour voir quels seront les

  6   documents qui ont été utilisés.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Nous allons attendre jusque-là donc.

  8   [Le témoin vient à la barre]

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, si vous êtes prêt, vous pouvez

 10   continuer.

 11   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Q.  Monsieur le Témoin, les autres sites qui sont mentionnés en Bosnie-

 13   Herzégovine et au sujet de quoi les Serbes de Bosnie ou les autorités serbes ont

 14   dit que les forces serbes avaient gardé en détention là-bas des Serbes, il

 15   s'agit de Konjic notamment; seriez-vous d'accord avec moi pour me dire que vous

 16   ne saviez pas que cet endroit s'appelait autrement, à savoir Celebici ?

 17   R.  C'est cela.

 18   Q.  Il y avait un autre site qui s'appelait Lara à Split, en Croatie, qui se

 19   trouvait également sur la liste ?

 20   R.  Non, je ne m'en souviens pas. Je suis navré. Si ça se trouve sur la liste,

 21   c'est bon. Mais moi, je ne m'en souviens pas.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mladic, si vous avez besoin de

 23   rectifier quoi que ce soit, ne le faites pas en parlant à haute voix. D'autant

 24   plus que votre micro n'est pas branché, ça ne va pas être enregistré. Et je vous

 25   demande d'enlever vos écouteurs, de le dire à l'un des membres de votre équipe,

 26   dites-le à voix basse, et les Juges de la Chambre vont apprécier votre

 27   participation au procès.

 28   Continuez, Monsieur Ivetic, s'il vous plaît.


Page 2702

  1   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  2   Q.  Je voudrais maintenant aborder un autre sujet auquel vous avez fait

  3   allusion. Vous avez dit que vous êtes revenu à Prijedor pour interviewer des

  4   responsables serbes une fois de plus. Ai-je raison de dire que ça s'est passé en

  5   février 1996 ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Parmi les représentants officiels que vous avez interviewés, en ce il y

  8   avait le Dr Kovacevic [comme interprété] et le Dr Stakic, et il me semble que le

  9   compte rendu du procès Stakic, qui se trouve être versé au dossier, parle dans

 10   le détail des interviews que vous avez effectuées avec ces individus à l'époque.

 11   Ai-je raison de le dire ?

 12   R.  Le compte rendu de l'affaire Stakic, je pense, est repris verbatim pour ce

 13   qui est de la conversation que j'aie eue avec le Dr Stakic. Et je me souviens

 14   aussi qu'il y a eu mention faite de l'interview avec Kovacic.

 15   Q.  Ai-je raison de dire que vous avez omis de vous présenter en disant votre

 16   vrai nom auprès du Dr Stakic ou du Dr Kovacevic [comme interprété] que vous avez

 17   interviewés en février 1996 ?

 18   R.  Oui. Je crains fort qu'il en soit ainsi.

 19   Q.  Vous avez donné un faux nom ?

 20   R.  Non. On ne m'a même pas demandé mon nom. J'ai dit que j'étais journaliste.

 21   Q.  Ai-je raison de dire qu'à l'occasion, cette réunion avec M. Kovacevic [comme

 22   interprété] n'a pas été enregistrée sur une bande audio, que cela a été fait en

 23   1992 ?

 24   R.  Non, j'étais là-bas avec un autre reporter de "New York Times".

 25   Q.  Pour ce qui est de la rencontre que vous avez eue avec le Dr Kovacevic

 26   [comme interprété], ai-je raison de dire que ce M. Kovacevic [comme interprété]

 27   était en train de boire de la Slivovica pendant toute cette entrevue ?

 28   R.  Oui, c'est vrai.


Page 2703

  1   Q.  Et combien de temps a duré la réunion ?

  2   R.  Je dirais une heure, une heure et demie. Je ne m'en souviens pas au juste.

  3   Q.  Est-ce que vous avez aussi bu à ses côtés ou est-ce que vous avez juste

  4   symboliquement pris une gorgée, sans pour autant garder sa cadence ?

  5   R.  Je n'ai certainement pas gardé la cadence. J'ai peut-être pris une gorgée,

  6   peut-être le quart d'un verre au plus.

  7   Q.  Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que Kovacevic [comme

  8   interprété] a pris sept à huit verres en cet espace d'une heure ou une heure et

  9   quart, donc pratiquement la bouteille entière ?

 10   R.  C'est à peu près cela, oui.

 11   Q.  Dans la transcription de l'affaire Stakic, et il s'agit de la pièce P199

 12   dans ce procès-ci, page 228 du prétoire électronique, et je précise qu'il s'agit

 13   de la page du compte rendu d'audience T8125, datée du 17 septembre 2002, vous

 14   avez été d'accord pour dire que ce Dr Kovacevic [comme interprété] n'était

 15   définitivement pas quelqu'un de sobre, mais vous avez hésité à le qualifier de

 16   soûl du fait d'avoir bu toute cette eau-de-vie pendant que vous l'avez

 17   interrogé. Nous allons attendre l'affichage de la page en question. Il s'agit de

 18   la page 228. Et je crois que c'est vers le bas de page qu'il faut se pencher.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est les lignes 19 et suivantes, et on dit

 20   "il n'était pas sobre" à la ligne 22.

 21   M. IVETIC : [interprétation]

 22   Q.  Certainement.

 23   R.  Mais oui, il n'était certainement pas sobre. Il a de toute façon parlé de

 24   façon cohérente, et je l'ai admiré pour ce qu'il disait. Parce que la

 25   conversation était plutôt intéressante et il a été extrêmement sincère. Il

 26   n'était pas soûl au point de ne pas pouvoir faire des phrases, mais il n'était

 27   certainement pas sobre.

 28   Q.  Vous avez goûté à cette eau-de-vie, n'est-ce pas ?


Page 2704

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Ai-je raison de dire que tout de suite après avoir eu ces entrevues en

  3   février 1996 avec les Dr Kovacevic [comme interprété] et Stakic, à qui vous

  4   n'avez pas communiqué votre identité, vous avez envoyé à M. Keegan un CD avec

  5   vos notes ? M. Keegan était membre du bureau du Procureur du Tribunal pénal

  6   international pour l'ex-Yougoslavie.

  7   R.  J'ai envoyé un mémo et des notes à l'intention de M. Keegan, que je ne

  8   connaissais pas si bien, du reste.

  9   Q.  Enfin, moi, je pense que vous le connaissiez puisque vous l'avez rencontré

 10   juste avant que d'aller à Prijedor pour interviewer ces deux individus à qui

 11   vous n'avez pas dévoiler votre véritable identité.

 12   R.  Je l'ai rencontré avant que d'y aller. Je ne sais pas combien de temps

 13   avant, mais ce n'était pas tout de suite juste avant mon départ. Enfin, comme je

 14   vous l'ai déjà dit, je n'ai pas dévoilé mon nom parce que j'avais plutôt peur.

 15   Je n'avais pas d'autorisation de me trouver là-bas et ces gens-là n'avaient

 16   aucune raison de m'apprécier de façon particulière.

 17   Q.  Je vais essayer de rafraîchir votre mémoire, Monsieur. Nous avons reçu des

 18   informations, une déclaration, ou plutôt, une information relative à une

 19   interview avec vous au Tribunal pénal international en date du 16 janvier 1996.

 20   N'était-ce pas juste avant que vous ne partiez à Prijedor en février 1996 ?

 21   R.  C'était un mois avant. Je me souviens que c'était un jour après l'interview

 22   qu'on est allés à Zagreb et c'était la Saint-Valentin, donc ça se passait un

 23   mois avant.

 24   Q.  En fait, M. Keegan et le bureau du Procureur, à l'époque, non seulement

 25   voulaient de faire de vous un témoin, mais ils voulaient que vous soyez l'un de

 26   leurs experts cruciaux pour déterminer qu'il y a eu un élément de criminalité à

 27   grande échelle et de façon systématique de la part des Serbes avec implication

 28   des Dr Kovacevic [comme interprété] et Stakic, n'est-ce pas ?


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  1   R.  Je ne sais pas si c'était l'objectif. Moi, j'aidais M. Keegan dans l'affaire

  2   Tadic.

  3   Q.  Alors, si on se penche sur la chronologie, ai-je raison de dire que pour la

  4   première fois vous avez rencontré les représentants du bureau du Procureur, à

  5   savoir M. Keegan, à la date du 18 avril 1995, à Washington ?

  6   R.  Je ne me souviens pas de la date, mais ça s'est passé à Washington.

  7   Q.  Et ensuite, vous avez rencontré des représentants du TPIY en janvier, comme

  8   vous nous l'avez dit, un mois avant que de partir pour Prijedor ?

  9   R.  Oui. Je crois que c'est à ce moment-là qu'ils avaient déjà un bureau à La

 10   Haye. Je ne pense pas qu'ils l'aient eu l'année d'avant.

 11   Q.  Et à l'époque où vous êtes allé à Prijedor, en février 1996, pour

 12   interviewer ces messieurs-là, c'est-à-dire les Dr Stakic et Kovacevic, avez-vous

 13   à un moment donné identifié votre personne comme étant quelqu'un qui a rencontré

 14   des gens du bureau du Procureur pour ce qui est de se préparer pour être témoin

 15   de l'Accusation ou témoin expert ?

 16   R.  Bien sûr que non. J'étais en train de préparer un article pour le journal.

 17   Et je l'ai rédigé, cet article, et il a été publié.

 18   Q.  Est-ce qu'à un moment donné vous avez fait savoir à l'un quelconque de ces

 19   hommes qu'ils étaient suspectés par les enquêteurs du Tribunal et du droit

 20   qu'ils avaient à la présence d'un avocat ou d'un conseil de la défense pour ce

 21   qui est de répondre ou pas à vos questions ?

 22   R.  Non. Les journalistes ne font pas cela. Je voulais savoir qui ils étaient et

 23   je voulais savoir ce qu'ils pensaient au sujet des sujets débattus lorsqu'on

 24   s'est rencontré et lorsqu'on a abordé les sujets qui ont découlé des événements

 25   d'Omarska, Trnopolje et Keraterm.

 26   Q.  Est-ce que vous considérez que votre conduite pour ce qui est de ces

 27   interviews en février 1996, sous ces conditions, a été une conduite objective en

 28   votre qualité de journaliste ?


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  1   R.  Eh bien, il était nécessaire d'obtenir un récit dans une situation de

  2   circonstances extrêmes, et étant donné ce fait, il s'agissait de relater la

  3   violence des crimes commis dans le secteur, notamment dans ces camps.

  4   Q.  Est-ce que vous considérez que votre conduite lors des interviews que vous

  5   avez effectuées en février 1996, sans pour autant dévoiler votre identité et

  6   sans pour autant les informer du fait d'avoir été consulté à deux reprises par

  7   le bureau du Procureur pour être leur témoin ou leur témoin expert, est-ce que

  8   vous considérez que ce comportement était un comportement objectif de la part

  9   d'un journaliste ?

 10   R.  J'ai considéré que c'était la seule façon de les faire me raconter ce qui

 11   s'était passé en 1992, depuis 1992, depuis la dernière de nos rencontres. Je

 12   pense avoir déclaré que j'étais la personne qu'ils avaient -- enfin, que si

 13   j'étais la personne qu'ils avaient rencontrée en 1992, j'aurais peut-être été

 14   arrêté physiquement ou peut-être aurais-je fait des traitements pires.

 15   Q.  Est-ce que vous considérez que vous avez été neutre dans votre comportement

 16   ou est-ce que vous avez été partial à l'époque ?

 17   R.  Eh bien, une fois de plus, on est en train de couper les cheveux en quatre

 18   et de jouer sur les mots. Je pense avoir expliqué aux Juges de la Chambre que

 19   mes activités professionnelles ont été celles -- enfin, ce qui avait été

 20   dissimulé en août 1992. Nous avons appris bien plus de choses à ce sujet et je

 21   suis revenu vers ces gens pour m'entretenir avec eux. J'ai estimé qu'il était de

 22   l'intérêt public d'apprendre ce qui s'était passé, et je pense avoir déclaré qui

 23   j'étais pour entendre leurs récits. Et si j'en avais dit plus, peut-être me

 24   serais-je exposé à des dangers.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur, ce n'est pas la réponse à la

 26   question. Est-ce que les actions que vous aviez entreprises sont, de votre avis,

 27   neutres, ou est-ce que vous avez été partial à l'époque ? Je comprends la

 28   question et je comprends que si la première fois que vous avez rencontré


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  1   l'Accusation -- mais on dit que dans la question que si vous avez rencontré les

  2   membres du bureau du Procureur et que vous êtes par la suite allé vous

  3   entretenir avec des gens avec qui vous vous êtes déjà entretenu, sans pour

  4   autant dire à la personne que vous avez interviewée que vous aviez déjà été

  5   contacté par l'Accusation, est-ce que ceci peut faire de vous une personne

  6   partiale, ou partiale en partie, ou est-ce que vous pouvez être considéré comme

  7   étant neutre dans ces circonstances ?

  8   Est-ce c'est la question que vous avez eue à l'esprit, Maître Ivetic ?

  9   M. IVETIC : [interprétation] Absolument, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc le fait que d'avoir redouté de vous

 11   présenter ou d'avoir donné votre identité véritable, c'est tout à fait une autre

 12   question.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse. Objectif, oui; neutre, non, pas

 14   nécessairement.

 15   M. IVETIC : [interprétation]

 16   Q.  Est-ce que vous considérez que vos interviews à l'époque, du fait d'avoir

 17   accompli ce travail en ce temps, étaient une tâche qui pourrait être utile à

 18   l'Accusation s'agissant de la poursuite de ces gens devant ce Tribunal ?

 19   R.  Si cela avait été le cas, ça a été une considération tout à fait secondaire

 20   à mes yeux. Ce que j'avais à l'esprit, c'est que ces discussions allaient jeter

 21   de la lumière sur des violences qui ont été les pires des violences commises en

 22   Europe depuis plus de la moitié d'un siècle, et que c'était dans un intérêt

 23   public que c'était fait.

 24   M. IVETIC : [interprétation] Je voudrais maintenant que l'on nous montre la

 25   pièce 65 ter 1D00236 au prétoire électronique.

 26   Q.  Et en attendant, Monsieur, je dirais qu'il s'agit d'une information de deux

 27   pages de la part de l'Accusation pour ce qui est d'une autre réunion que vous

 28   avez eue avec ces gens-là et qui date de 2001. Est-ce que vous vous souvenez


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  1   d'avoir eu une rencontre avec les représentants du bureau du Procureur de ce

  2   Tribunal dès 2001 ?

  3   R.  Je ne me souviens pas de cette réunion concrète, mais je reconnais le nom de

  4   la personne qui a communiqué cette information qui figure au haut. C'est

  5   quelqu'un qui s'est adressé, en effet, à moi au sujet de cette affaire, et je

  6   reconnais certains des noms qui font leur apparition plus bas.

  7   Q.  Eh bien, je vais vous dire quel a été le sujet de cette réunion, peut-être

  8   cela va-t-il rafraîchir votre mémoire au sujet de la rencontre. Je cite :

  9   "Pendant la réunion avec Mark Harmon et avec M. Musselmeyer, Mark Harmon m'a

 10   informé du fait que j'étais censé rencontrer Edward Vulliamy pour lui remettre

 11   une copie de l'acte d'accusation Plavsic-Krajisnik et demander à ce que soit lu

 12   le document et étudier les modalités suivant lesquelles ces accusés pourraient

 13   être liés à la perpétration desdits crimes. Harmon m'a fait savoir que Vulliamy

 14   avait probablement des informations de la part d'une personne 'initiée' qui

 15   serait susceptible de nous aider à établir les liens. Et peut-être serions-nous

 16   en mesure d'identifier les personnes qui possèdent une meilleure connaissance

 17   politique, une connaissance politique plus rapprochée, pour contacter qui de

 18   droit en notre nom afin de nous aider.

 19   "Lorsque j'ai rencontré M. Vulliamy, je lui ai remis une copie de l'acte

 20   d'accusation et j'ai parcouru le document en sa présence. Il a parlé des liens

 21   qui pourraient être établis entre Karadzic, Koljevic, Plavsic, jusqu'à

 22   Milutinovic et Arsic [sic] s'agissant des secteurs de Banja Luka et Prijedor et

 23   des forces militaires, en particulier Kovacevic, Stakic, Drljaca et Mikic qui,

 24   d'après lui, étaient liés aux camps d'Omarska et Trnopolje."

 25   Alors, Monsieur, je vais vous demander si ceci rafraîchit votre mémoire au sujet

 26   de la rencontre que vous avez eue en 2001 avec les représentants du bureau du

 27   Procureur de ce Tribunal ?

 28   R.  Est-ce que je peux voir la date une fois de plus ?


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  1   Q.  Absolument.

  2   R.  Oui, c'est en haut de la page.

  3   Q.  Absolument. C'est au haut de la page.

  4   R.  Ça s'est passé après le 9 [comme interprété] septembre à New York, où j'ai

  5   eu à travailler dans une grande mesure. Je ne me souviens pas de cette réunion

  6   concrète, et je pense avoir parlé à M. Tait-Harris au sujet de ce qui s'était

  7   passé.

  8   Il était venu à New York. Je ne me souviens pas des autres personnes et du fait

  9   de les avoir eues là-bas de présentes ou pas. Je ne me souviens pas de ceci. Je

 10   n'ai pas joué de rôle dans les affaires qui ont impliqué Mme Plavsic ou qui

 11   auraient impliqué M. Krajisnik. Pour ce qui est des informations d'initié, non,

 12   ce n'est pas un terme utilisé par moi.

 13   Q.  Monsieur, leur auriez-vous proposé --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais essayons d'abord d'éviter toute

 15   confusion.

 16   Quand vous dites que vous ne vous souvenez pas de la présence des autres -- mais

 17   moi, à la lecture de ce document, et c'est un risque auquel nous sommes exposés

 18   à la lecture d'un document pour la première fois, il est dit que l'auteur de ce

 19   document était Jonathan Tait-Harris, qui a rencontré Mark Harmon et Nicola

 20   Piecente et M. Musselmeyer pour ensuite - d'après ce que je puis lire ici -

 21   avoir une rencontre tout seul avec M. Vulliamy, mais ceci ne nous fournit pas

 22   une date de la rencontre --

 23   M. IVETIC : [interprétation] Mais avant ce document, ça a été déjà dit,

 24   j'imagine.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Par conséquent, on a peut-être parcouru

 26   trop vite ce document pour en arriver à une confusion au sujet de la rencontre

 27   qui a eu lieu.

 28   M. IVETIC : [interprétation]


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  1   Q.  C'est pour cela que j'ai dit en 2001, parce que je ne connais pas la date

  2   exacte de la rencontre qu'a eue ce monsieur.

  3   R.  Oui, Monsieur le Président. Je suis en train de relire et je vois ce qui est

  4   dit. Je n'avais rien à voir avec La Haye en 2001. En fin novembre.

  5   Mais de toute façon, j'ai rencontré ce monsieur Tait-Harris à New York,

  6   mais pas ces autres gens au sujet de l'affaire et de cette question.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Vous avez dit que c'était peu de temps

  8   après le 11 septembre. Est-ce que vous pouvez dire, puisque ce document est daté

  9   du 5 novembre 2001 -- non, on voit qu'il s'agit du 11 mai, ou est-ce qu'il

 10   s'agit du 5 novembre ici ? Alors, si vous dites que c'est peu de temps après le

 11   11 septembre, ça fait deux mois après, et c'est peut-être donc deux mois après

 12   cette date.

 13   Enfin, si j'ai bien compris, vous vous souvenez de votre rencontre avec M.

 14   Tait-Harris ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etait-ce avant le 11 septembre ou après ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'était avant. J'en suis pratiquement

 18   sûr.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De sorte que l'on puisse arriver à la

 20   conclusion qu'on doit lire la date comme étant la date du 11 mai et pas du 5

 21   novembre.

 22   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc je ne sais pas quel était le temps dont

 24   avait besoin Tait-Harris pour écrire son mémorandum.

 25   Mais en tout cas, il faudrait vraiment lire attentivement pour qu'il n'y

 26   ait pas malentendu.

 27   M. IVETIC : [interprétation] Moi, je peux essayer d'expliquer les choses, si

 28   vous me le permettez.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, faites donc. Puisque le témoin n'a pas

  2   l'air de se souvenir exactement des personnes qu'il avait rencontrées.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens d'avoir rencontré Tait-Harris. Mais

  4   je ne me souviens pas de grand-chose au sujet de cette réunion. Et puis, les

  5   autres personnes, je ne les ai pas rencontrées, pas dans la même pièce en tout

  6   cas.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

  8   M. IVETIC : [interprétation]

  9   Q.  En ce qui concerne cet événement, pouvez-vous nous dire s'il y a eu d'autres

 10   réunions qui se sont déroulées dans le bureau du Procureur au cours du mois de

 11   novembre 2011 ?

 12   R.  Je ne sais pas. Dites-le-moi, puisque moi je ne me souviens pas.

 13   Q.  Mais vous avez bien déposé dans l'affaire Karadzic au mois de novembre 2011.

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Et vous avez eu un entretien avec le bureau du Procureur le 7 novembre 2011.

 16   Est-ce que vous vous en souvenez maintenant ?

 17   R.  Oui, oui.

 18   Q.  Eh bien, on va revenir sur ce document. Est-ce que vous avez conseillé le

 19   bureau du Procureur en ce qui concerne la stratégie à suivre --

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que le nom de l'affaire que vous

 21   avez mentionné quand vous avez dit la préparation du témoin pour sa déposition,

 22   puisque vous avez parlé tellement vite, cela ne se trouve pas consigné au compte

 23   rendu d'audience.

 24   M. IVETIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. C'était

 25   l'affaire Karadzic.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc l'affaire Karadzic. Et la date ?

 27   M. IVETIC : [interprétation] Le 11 novembre 2011.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc 2011.


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  1   M. IVETIC : [interprétation] Oui. Et l'entretien, la préparation, a eu lieu le 7

  2   novembre 2011.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Et maintenant, on va voir quel était le

  4   contexte de cette réunion, parce que apparemment les choses n'étaient pas très

  5   claires.

  6   Parce qu'à un moment donné on a cru comprendre qu'il s'agissait du mois de

  7   novembre 2000, mais en fait, maintenant on sait que c'était le mois de novembre

  8   2011.

  9   M. IVETIC : [interprétation]

 10   Q.  Eh bien, pour que les choses soient bien claires, je vous pose des questions

 11   au sujet de la réunion qui eu lieu le 11 mai, la réunion que vous avez avec John

 12   Tait-Harris.

 13   Est-ce que vous avez, à l'époque, conseillé le bureau du Procureur quant à la

 14   stratégie à employer pour engager les poursuites contre ces accusés serbes ?

 15   R.  Eh bien, c'est vrai que j'ai déposé dans de nombreuses affaires pour le

 16   bureau du Procureur, mais je n'ai pas été cité dans l'affaire concernant MM.

 17   [comme interprété] Plavsic ou Krajisnik. Donc, quand on parle des "connaissances

 18   d'initié", eh bien, c'est M. Tait-Harris qui dit cela. Moi, je n'avais pas

 19   vraiment de connaissance particulière que je sache au sujet de MM. Krajisnik ou

 20   Plavsic.

 21   Q.  Eh bien, je vais vous poser la question clairement : est-ce que le bureau du

 22   Procureur du Tribunal a utilisé vos conseils quand il s'agit de poursuivre MM.

 23   Milutinovic, Arsic ou Mikic ?

 24   R.  Je ne savais pas que ces personnes étaient accusées par ce Tribunal ou bien

 25   qu'il y ait eu des actes d'accusation. En tout cas, je ne l'ai pas lu dans la

 26   presse. Pas par le bureau du Procureur de ce Tribunal-ci.

 27   Q.  Donc vous dites que M. Jonathan Tait-Harris ne dit pas la vérité quand il

 28   dit que :


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  1   "Il a utilisé les liens possibles que l'on pouvait établir entre Karadzic,

  2   Koljevic, Plavsic, jusqu'à Milutinovic et Arsic [sic] concernant les militaires

  3   dans la zone de Banja Luka et Prijedor et aux camps d'Omarska et Trnopolje."

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais intervenir, permettez-le-moi.

  5   Discutez des liens possibles ne nous dit pas qui avait mentionné les noms en

  6   premier, alors même que vous dites à M. Vulliamy que M. Jonathan Tait-Harris n'a

  7   pas dit la vérité quand il a écrit qu'il avait discuté des liens avec le témoin.

  8   La question qui a été posée à M. Vulliamy était : Avez-vous donné les noms ou

  9   bien vous a-t-il proposé des noms ? C'est comme ça que je le comprends.

 10   Si je vous ai mal compris, eh bien, veuillez le vérifier avec le témoin.

 11   Je pense que dire que "il a discuté" veut forcément dire qu'il a proposé des

 12   noms, eh bien, ce n'est pas une conclusion logique de ceci, en tout cas à mon

 13   avis.

 14   Mais vous pouvez poursuivre.

 15   M. IVETIC : [interprétation]

 16   Q.  Avant ceci, Monsieur le Témoin, avant cette fois-là, vous avez rencontré le

 17   bureau du Procureur à deux reprises, au mois d'avril 1995 et au mois de juillet

 18   1996. Et à ce moment-là, ils vous ont présenté en tant que témoin expert pour

 19   prouver un mode de comportement systématique et omniprésent concernant les

 20   crimes commis; est-ce exact ?

 21   R.  J'ai été cité en tant que témoin, et je pense que je les ai rencontrés plus

 22   que deux fois avant la date qui figure dans ce mémorandum. Je pense que j'ai été

 23   cité en tant que témoin dans l'affaire concernant M. Kovacic, c'était en 1998,

 24   mais aussi dans l'affaire Tadic et dans l'affaire du Dr Kovacevic. Tout cela

 25   figure parmi les pièces à conviction et dans ma déposition. En tout cas, dans

 26   mes notes aussi. Ces noms se trouvaient dans mes notes.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'avez toujours pas répondu à la

 28   dernière question. Autrement dit, au cours de cette première réunion qui a eu


Page 2716

  1   lieu au mois d'avril 1995 ou au mois de janvier 1996, il vous a demandé si le

  2   bureau du Procureur a discuté avec vous de la possibilité de vous citer en tant

  3   que témoin expert pour établir le lien entre les crimes et ce type de

  4   comportement omniprésent et systématique à l'époque.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, on ne m'a pas demandé de discuter des liens

  6   donnés, des connaissances à dire ici. Je ne comprends pas la question que l'on

  7   me pose. Moi, je ne fais rien d'autre que déposer.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, je vais répéter la question posée

  9   par Me Ivetic.

 10   Quand vous les avez rencontrés au mois d'avril 1995 et au mois de janvier

 11   1996, quel a été l'objet de cette discussion ? Est-ce qu'à l'époque on vous a

 12   demandé éventuellement de déposer en tant que témoin expert ? Je ne dirais pas

 13   plus pour l'instant.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Au mois d'avril 1995, écoutez, je ne me souviens

 15   pas. Excusez-moi. Avril 1995. Oui, effectivement. Oui, c'est là que l'on m'a

 16   proposé de comparaître en tant que témoin expert dans l'affaire Tadic. Et au

 17   mois de janvier 1996, pareil.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et en tant que témoin expert, vous deviez

 19   déposer au sujet du mode de comportement généralisé qui prévalait à l'époque ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait de donner mon point de vue au sujet

 21   de la guerre et suite à la visite que j'ai effectuée aux camps à cette époque-

 22   là, et on en a parlé hier et aujourd'hui, j'ai dit la même chose aux Juges dans

 23   l'affaire Tadic.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Ivetic, veuillez procéder.

 25   M. IVETIC : [interprétation] Merci.

 26   Q.  Est-ce que le bureau du Procureur, comme il est écrit ici 

 27   -- écoutez, je vais vous lire ce que Tait-Harris a dit ici pour que les choses

 28   soient bien claires.


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  1   Dans le premier paragraphe, où il parle de cette préparation avant de vous

  2   rencontrer, il a dit :

  3   "Il serait peut-être aussi en mesure d'identifier les personnes avec une

  4   perspective politique d'initié, des personnes que Vulliamy pourrait contacter en

  5   notre nom pour nous aider."

  6   Est-ce que le bureau du Procureur vous a demandé de contacter des personnes en

  7   leur nom et place pour les aider dans ces affaires ?

  8   R.  Non, je ne me souviens pas de cela. Et que je sache, et tant que je me

  9   souvienne, non, je ne l'ai pas fait. Parce que je n'étais pas en position de

 10   contacter des gens en leur nom, et d'ailleurs je ne le fais jamais.

 11   Q.  Ensuite, il est écrit comme suit :

 12   "En ce qui concerne le transfert par la force, il a recommandé que l'on

 13   s'adresse à son collègue, Ian Traynor, qui travaille pour le journal 'The

 14   Guardian', et qui était, selon lui, bien informé à ce sujet."

 15   Est-ce que vous reconnaissez avoir proposé au bureau du Procureur de s'adresser

 16   à ce collègue ?

 17   R.  Oui, c'est tout à fait possible. Vu que c'est quelqu'un qui a beaucoup

 18   travaillé là-dessus, il savait ce qui se passait. Et, de toute façon, ce n'est

 19   pas un Serbe de Bosnie. C'est un collègue à moi.

 20   Q.  Je ne sais pas d'où vient cette histoire des Serbes de Bosnie. Ce n'est pas

 21   moi qui l'ai dit.

 22   R.  [aucune interprétation]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que c'est un problème de

 24   compréhension. La question que vous avez posée c'est : "Avez-vous recommandé que

 25   le bureau du Procureur s'adresse à votre collègue pour l'aider dans leur procès

 26   contre les Serbes ?"

 27   Ça peut être que ceci n'a pas été très bien compris. Donc le témoin a répondu à

 28   la question.


Page 2718

  1   Mais il s'agissait d'une question complexe, en deux parties. Tout d'abord,

  2   la première partie de la question : Avez-vous recommandé le bureau du Procureur

  3   de s'adresser à une telle personne; et ensuite, il y avait la deuxième partie de

  4   la question, à savoir pour aider le bureau du Procureur à entamer des poursuites

  5   au pénal contre des Serbes.

  6   Donc vous avez mentionné le nom de votre collègue, et quand vous l'avez

  7   mentionné, était-ce pour aider le bureau du Procureur à poursuivre au pénal

  8   certains Serbes ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, probablement pour cela. Ecoutez, je ne

 10   m'en souviens pas exactement.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous pensiez que M. Traynor allait être

 12   en mesure d'aider le bureau du Procureur dans son travail qui consiste à

 13   traduire en justice les Serbes ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Probablement, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, Maître Ivetic, j'espère que je vous

 16   ai aidé.

 17   M. IVETIC : [interprétation] Vous l'avez, Monsieur le Président.

 18   Q.  On va regarder la dernière partie du document sur l'écran : 

 19   "Nous avons laissé l'acte d'accusation à Vulliamy pour qu'il réfléchisse.

 20   Je lui ai demandé de nous dire s'il était en mesure de nous donner des

 21   informations concernant les événements à Sarajevo. Il a répondu qu'il était en

 22   mesure de nous fournir toute une série d'informations venant de toute une série

 23   de sources différentes, telles que le pilonnage sans discrimination, les tirs et

 24   la terreur à laquelle la population de Sarajevo a été soumise."

 25   Et c'est la dernière question que je vous pose.

 26   Est-il exact que vous avez proposé des informations qui venaient de sources

 27   différentes pour aider le Procureur au sujet de Sarajevo ?

 28   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]


Page 2719

  1   M. IVETIC : [aucune interprétation]

  2   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  3   M. IVETIC : [aucune interprétation]

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je ne sais pas. Le meilleur serait de

  5   poser la question à M. Tait-Harris directement. Je ne me souviens lui avoir

  6   proposé toute une série de sources. C'est vrai que je lui ai raconté l'incident

  7   des tirs à Dobrinja alors que les gens étaient en train de faire la queue pour

  8   avoir de l'eau, et j'ai été témoin de cela et des événements qui ont suivi

  9   immédiatement après cet événement. Mais je ne me souviens pas de lui avoir

 10   fourni une liste ou quoi que ce soit de ce genre. Et je ne me souviens pas

 11   d'avoir lu l'acte d'accusation.

 12   M. IVETIC : [interprétation]

 13   Q.  Merci, Monsieur.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, Maître Ivetic.

 15   M. IVETIC : [interprétation] Eh bien, je vais demander le versement au

 16   dossier de ce document, le document 65 ter 1D00236.

 17   Mme BIBLES : [aucune interprétation]

 18   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 19   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira d'un document qui va recevoir la

 20   cote D45.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document D45 est versé au dossier.

 22   [Le conseil de la Défense se concerte]

 23   M. IVETIC : [interprétation]

 24   Q.  Je vous remercie des réponses que vous m'avez fournies.

 25   M. IVETIC : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions pour ce témoin.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 27   [La Chambre de première instance se concerte]

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. le Juge Moloto a une question pour vous.


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  1   Questions de la Cour : 

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Vulliamy, ce matin on vous a posé

  3   des questions au sujet de Trnopolje, et dans une des réponses que vous avez

  4   fournies, vous avez dit qu'il s'agissait d'un endroit étonnant qui portait à

  5   confusion. Vous avez dit qu'il y avait des zones qui étaient clôturées, d'autres

  6   non.

  7   Ce que je voudrais vous demander, c'est de savoir si vous avez eu la possibilité

  8   de visiter l'intégralité du camp de Trnopolje, y compris les zones clôturées ?

  9   R.  Oui, Monsieur le Président [comme interprété]. Je vous remercie de cette

 10   question. Nous avons eu la possibilité, effectivement, de faire un tour des

 11   parties du camp qui n'étaient pas clôturées ou qui étaient clôturées en partie,

 12   celles qui se trouvaient sur les côtés des bâtiments. Et je suis désolé de

 13   m'exprimer de façon si générale, parce que là il y avait toute une -- enfin, des

 14   gens différents qui étaient là pour des raisons différentes. Il y en avait qui

 15   sont arrivés là de leur plein gré, d'autres qui sont arrivés par des autocars,

 16   qui ont été acheminés par des autocars. D'autres qui sont arrivés en fuyant des

 17   combats. Cela étant dit, on ne nous a pas laissé entrer dans la partie clôturée

 18   à l'intérieur du camp, celui que nous avons essayé de filmer par-dessus la

 19   clôture.

 20   Là où se trouve le barbelé avec le mur au fond - vous l'avez vu sur les

 21   images - cette partie-là était gardée et il y avait des barbelés autour. Et là

 22   se trouvaient, d'après ce que nous avons compris, les gens de Keraterm. Et on ne

 23   nous a pas laissé entrer là-dedans.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc, mis à part ces deux parties, la

 25   partie à moitié clôturée et l'autre qui ne l'était pas du tout, est-ce qu'on

 26   vous a laissé entrer, ou est-ce que vous saviez s'il y avait d'autres parties de

 27   ce camp ?

 28   R.  Eh bien, je ne savais pas à l'époque et je ne le sais même pas aujourd'hui


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  1   si nous avons tout vu à Trnopolje.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous venez de nous dire que vous n'avez pas

  3   tout vu. Donc vous n'avez pas tout vu, c'est évident. Je vous demande si vous

  4   saviez à l'époque qu'il y avait d'autres endroits dans ce camp ?

  5   R.  A l'époque, non.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et maintenant, que savez-vous à ce sujet ?

  7   R.  Eh bien, il y a des rumeurs. Il y a un livre qui est sorti récemment où on

  8   parle des endroits où il y a eu des passages à tabac, mais maintenant je sais

  9   donc que c'est une partie du camp que je n'ai pas pu voir en 1992. Maintenant je

 10   sais que nous n'avons pas vu l'intégralité du camp. Nous ne sommes pas entrés

 11   dans tous les bâtiments, dans toutes les pièces.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous savez quoi que ce soit au

 13   sujet de l'objectif de l'utilisation de ces parties du camp que vous n'avez pas

 14   eu l'occasion de visiter ?

 15   R.  A l'époque, non.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce qu'on vous a dit par la suite à quoi

 17   servaient ces parties-là du camp ?

 18   R.  Oui. J'en ai parlé en détail avec de nombreux survivants.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et à quoi ont servi ces pièces-là ?

 20   R.  Eh bien, il y a des pièces qui ont été utilisées pour violer des filles et

 21   des femmes, et puis il y a eu des pièces qui ont été utilisées pour passer à

 22   tabac des prisonniers. Nous avons vu des photos qui témoignent de cela, et j'ai

 23   fait mes recherches au cours des 20 années qui ont suivi ces événements, et j'ai

 24   entendu des dépositions de gens qui avaient été dans le camp. Il y en a qui ont

 25   déposé, d'ailleurs, en l'espèce.

 26   Et on a parlé, donc, de ces endroits que je n'ai pourtant pas visités.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Témoin.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.


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  1   M. le Juge Fluegge a une question à vous poser.

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vulliamy, nous avons entendu sur

  3   la vidéo ainsi que pendant vos interrogatoires que certains détenus avaient le

  4   droit de se rendre dans des villages voisins pour se procurer de la nourriture.

  5   Quelqu'un vous a-t-il dit que c'était possible de quitter le camp pour aller

  6   ailleurs, outre le fait d'aller chercher de la nourriture dans les villages

  7   voisins; par exemple, pour entrer chez eux ou d'autres endroits en ex-

  8   Yougoslavie ou ailleurs ?

  9   R.  Permettez-moi de vous répondre. C'est une réponse assez complexe que je dois

 10   vous fournir. Il y a beaucoup de gens qui sont allés chercher de la nourriture à

 11   Trnopolje. Il y avait peu de Croates dans ce village qui avaient été contraints

 12   de quitter leurs maisons. Ces maisons étaient vides, et les gens pouvaient

 13   rentrer chez eux pour aller se procurer de la nourriture. Le médecin et le

 14   vétérinaire dont je vous ai parlé un peu plus tôt sont allés dans les maisons

 15   pour essayer de trouver des médicaments, des aspirines, et cetera.

 16   Je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui s'est évadé, qui a réussi à

 17   s'évader. Je crois que vous avez posé une question à ce sujet. Mais les gens

 18   pouvaient partir, et c'était permis, ils étaient autorisés à rentrer chez eux

 19   dans leurs villages. J'ai interviewé la vétérinaire très longuement au fil de

 20   ces années qui se sont écoulées et elle a pu retourner à Kozarac pour aller

 21   chercher des gens qui étaient restés là après le bombardement. Et elle parle

 22   plus particulièrement d'un homme âgé aveugle, d'une femme handicapée qui est

 23   décédée au moment où ils sont arrivés.

 24   Il y a eu de la circulation de personnes, mais je n'ai jamais rencontré

 25   quelqu'un qui a réussi à s'évader et qui a réussi à parvenir en Croatie en toute

 26   sûreté. 

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que vous nous dites en fait que

 28   certaines personnes étaient autorisées à se rendre chez elles pour aller


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  1   chercher de la nourriture et des médicaments, et que ces personnes devaient

  2   toutes retourner à Trnopolje ?

  3   R.  Moi, j'avais vraiment l'impression que si ces personnes ne revenaient pas,

  4   elles seraient en difficulté. Et le jour où nous avons visité le camp - et ceci

  5   a été confirmé depuis - c'eut été extrêmement dangereux pour ces personnes de se

  6   déplacer sans autorisation sur le territoire en tant qu'anciens détenus de

  7   Trnopolje. Il y a de fortes chances pour que ces personnes soient appréhendées

  8   et abattues.

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [aucune interprétation]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai quelques questions à vous poser

 11   également, Monsieur le Témoin.

 12   Ceci porte sur les questions que vous a posées M. le Juge Fluegge.

 13   A Trnopolje, d'après ce que j'ai compris, il y avait des hommes, il y avait des

 14   femmes et il y avait des enfants. Eh bien, ces personnes qui étaient autorisées

 15   à rentrer chez elles, est-ce qu'il aurait pu s'agir d'hommes, de femmes qui

 16   accompagnaient leurs maris, si les familles se trouvaient là, ainsi que les

 17   enfants, de façon à ce que l'ensemble de la famille puisse rentrer à la maison

 18   pour aller chercher de la nourriture ?

 19   R.  Oui, Monsieur le Président. Effectivement, c'eut été le cas. Il y a de la

 20   nourriture qui a pu être livrée au fur et à mesure des personnes qui rentraient

 21   à la maison. Mais pour suivre la réponse que j'ai fournie à M. le Juge Fluegge,

 22   il y a eu un cas, et j'ai fait un reportage dessus, j'ai organisé une interview

 23   avec la personne en question, c'est quelqu'un qui est rentré chez elle de

 24   Keraterm pour aller rejoindre sa famille. Cette personne a été assassinée.

 25   Donc c'était possible, mais c'était extrêmement dangereux d'agir ainsi.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, voici ma question : y avait-il des

 27   familles, à savoir mari, femme et enfants, qui étaient détenues à Trnopolje ?

 28   R.  Ah oui, tout à fait. Tout à fait.


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  1   Des familles entières, tout à fait.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et si quelqu'un était autorisé à rentrer chez

  3   lui, que ce soit un homme ou une femme, est-ce que cette personne serait

  4   autorisée à emmener sa femme, ou son mari, ou ses enfants, pour rentrer chez

  5   elle, pour que tout le monde puisse rentrer ensemble, ou est-ce qu'un membre de

  6   la famille serait autorisé seulement à rentrer ? Avez-vous des informations là-

  7   dessus ?

  8   R.  Ecoutez, je ne sais pas. C'est possible, mais je ne connais aucun cas de

  9   famille qui est rentrée de la sorte et qui est partie. Je ne connais aucun cas

 10   de famille entière qui soit partie.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez donc ni confirmer ni affirmer

 12   cela.

 13   R.  Oui, c'est exact.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas, j'ai une question de suivi par

 15   rapport aux questions qui ont été posées par M. le Juge Moloto.

 16   M. le Juge Moloto vous a parlé d'autres endroits dans le camp. Vous avez dit que

 17   vous ne pouviez pas accéder aux bâtiments, et, en tenant compte des faits jugés,

 18   les Juges de cette Chambre admettent, sans autre élément de preuve, que parmi

 19   les bâtiments il y avait une école de deux étages et un bâtiment qui est connu

 20   sous le nom de Dom, ce qui comprend un théâtre, quelque chose qui ressemble à un

 21   centre culturel, si vous voulez.

 22   Et lorsque vous avez dit que vous ne pouviez pas accéder aux pièces, est-ce que

 23   vous voulez parler de pièces qui se trouvaient dans ces bâtiments-là ou est-ce

 24   que vous voulez parler de pièces qui se trouvaient ailleurs ?

 25   R.  Je ne sais pas, Monsieur le Président. Oui, je suis d'accord avec ce que

 26   vous dites, il y avait ces principaux bâtiments; il y avait le Dom, centre

 27   culturel, et l'école. Mais depuis lors, j'ai organisé des entretiens avec

 28   différentes personnes concernant les pièces particulières dans lesquelles il a


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  1   été reporté que les femmes ont été violées et qu'il y a eu des passages à tabac

  2   et des meurtres. Je ne me suis pas penché sur la question dans le détail de

  3   savoir quelles étaient ces pièces. Il n'y avait aucune trace particulière, et

  4   comme je l'ai dit dans ma déposition et comme je l'ai écrit, il n'y avait aucune

  5   trace de sang sur les murs ou quelque chose de la sorte que je puisse voir.

  6   Jusqu'à ce que nous obtenions les photographies qui nous ont été remises.

  7   Donc il est difficile pour moi de répondre avec exactitude. Il y avait

  8   certains endroits auxquels nous n'avions pas accès et sur lesquels je n'ai pas

  9   de renseignements, mais vous savez, nous avons été entravés dans nos mouvements.

 10   Je ne sais pas si ces deux pièces se trouvaient dans ce bâtiment ou non.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y avait d'autres bâtiments à Trnopolje

 12   dans le camp ?

 13   R.  Je ne sais pas. Il y avait différentes personnes qui disaient qu'il y avait

 14   différents incidents qui se sont déroulés dans les bâtiments ou dans d'autres

 15   bâtiments. Il y a peut-être des endroits auxquels nous n'avons pas accédé.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous parlez "d'autres bâtiments". Est-ce que

 17   ça signifie qu'il y avait d'autres bâtiments qui faisaient partie du camp à

 18   Trnopolje outre les deux bâtiments principaux, qu'il y avait davantage de

 19   bâtiments qui appartenaient à ce que vous décrivez comme étant le camp ?

 20   R.  D'après ce que je sais et d'après moi, ces deux bâtiments dont vous avez

 21   parlé -- il y avait le bâtiment principal, il y avait des structures ou des

 22   constructions dans le camp. Mais un des viols que vous avez décrits s'est

 23   déroulé dans la maison adjacente. Donc on ne sait pas très bien où se trouve le

 24   devant du bâtiment.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour finir, vous avez parlé en fait d'une

 26   partie qui était à part, qui était partiellement clôturée ou pas clôturée en

 27   partie. Est-ce que c'était clair pour vous, au niveau du camp en général, où se

 28   trouvaient ces parties-là ? Est-ce que vous pouviez le savoir à l'époque, si


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  1   cela n'était pas clôturé ?

  2   R.  Vous avez tout à fait raison, Monsieur le Président. Parce qu'entre la

  3   partie qui était clôturée ou partiellement clôturée et les bâtiments, il était

  4   difficile de juger où se trouvait la ligne de démarcation, en particulier parce

  5   que nous pouvions comprendre ou établir que des personnes pouvaient sortir aller

  6   chercher de la nourriture, qu'il y a eu des viols dans une maison adjacente et

  7   que cela était tout à fait différent d'où il y avait la base où se trouvaient

  8   les hommes qui arrivaient de Keraterm. Ceci se trouvait adossé à un mur d'un

  9   côté du camp lorsqu'on entrait -- je vais essayer de vous dire où c'est, je vais

 10   vous indiquer quelle est la direction en regardant la carte. Il y avait un mur,

 11   il y avait trois côtés clôturés, un avec des barbelés, et cette partie-là du

 12   camp était très clairement délimitée par les gardiens et les clôtures tout

 13   autour et le mur.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de vos réponses.

 15   R.  Merci, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, un besoin de poser quelques

 17   questions supplémentaires au témoin ?

 18   Mme BIBLES : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie. Regardons l'heure. Nous

 20   sommes proches de l'heure juste. Il serait peut-être préférable de faire la

 21   pause maintenant.

 22   Mme BIBLES : [interprétation] Ce serait sans doute mieux, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais demander à M. l'Huissier de vous

 24   raccompagner. Nous allons vous revoir ici dans 20 minutes.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 26   [Le témoin quitte la barre] 

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire une pause et nous

 28   reprendrons à midi 05.


Page 2728

  1   --- L'audience est suspendue à 11 heures 46.

  2   --- L'audience est reprise à 12 heures 13.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que nous pouvons faire entrer le

  4   témoin dans le prétoire, s'il vous plaît.

  5   [La Chambre de première instance se concerte]

  6   [Le témoin vient à la barre]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bibles, pourriez-vous nous dire de

  8   combien de temps vous aurez besoin.

  9   Mme BIBLES : [interprétation] Je dois vous dire au mieux que ce sera 30 minutes.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vulliamy, Mme Bibles va vous poser

 11   des questions supplémentaires.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

 14   Mme BIBLES : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

 15   Nouvel interrogatoire par Mme Bibles :

 16   Q.  [interprétation] Monsieur Vulliamy, pendant le contre-interrogatoire on vous

 17   a posé une série de questions à propos d'un incident qui s'est déroulé alors que

 18   vous étiez en route pour Omarska, il y avait des tirs, des coups de feu. Vous

 19   souvenez-vous de cette série de questions ?

 20   R.  Oui, tout à fait.

 21   Mme BIBLES : [interprétation] Je crois qu'au compte rendu d'audience il s'agit

 22   des pages 2 621 à 2 627.

 23   Q.  Monsieur Vulliamy, on vous a montré une vidéo qui était censée dépeindre ces

 24   coups de feu. Vous en souvenez-vous ?

 25   R.  Oui.

 26   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, nous allons maintenant

 27   visionner deux séquences vidéo. Le premier est le D43, qui a été présenté hier

 28   par le conseil de la Défense. Et à l'instar du conseil de la Défense, nous


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  1   allons nous concentrer sur les sons ambiants. Ensuite, nous allons visionner le

  2   65 ter 22615A.

  3   Q.  Monsieur Vulliamy, je vais d'abord demander à Mme Stewart de visionner le

  4   D43 et ensuite le 22615A. Je vais vous demander d'écouter plus particulièrement

  5   les sons que vous entendrez. Je crois qu'il n'est donc pas utile d'avoir une

  6   traduction, Messieurs les Juges.

  7   Dans la première séquence, je vais vous demander d'écouter le son des

  8   coups de feu. Et, après quoi, j'aurai des questions à vous poser.

  9   R.  Je vous remercie, Madame.

 10   Mme BIBLES : [aucune interprétation]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le D43 est un document qui, pour l'instant,

 12   n'a qu'une cote provisoire. Et étant donné que nous sommes censés ignorer des

 13   paroles prononcées, nous allons fermer les yeux et simplement entendre les coups

 14   de feu. Donc nous n'avons besoin ni de transcription ni de traduction des

 15   paroles prononcées.

 16   Nous pouvons donc visionner cette séquence vidéo une seule fois.

 17   Mme BIBLES : [interprétation] Je vais donc demander à Mme Stewart de visionner

 18   le D43, s'il vous plaît.

 19   [Diffusion de la cassette vidéo]

 20   Mme BIBLES : [interprétation] Je vais demander maintenant à Mme Stewart de

 21   visionner le numéro 65 ter 22615A.

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   Mme BIBLES : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur Vulliamy, avez-vous assisté aux événements qui sont décrits sur ces

 25   images, aux deux événements ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Veuillez nous dire où vous étiez à bord de ces véhicules que nous avons vus

 28   ?


Page 2731

  1   R.  J'étais dans le même véhicule que Penny Marshall, cette jeune femme qui

  2   portait un chemisier rose, elle est blonde, et j'étais toujours assis dans le

  3   véhicule.

  4   Q.  Et pourriez-vous nous dire aux fins du compte rendu d'audience, en premier

  5   lieu, veuillez nous faire une comparaison des deux représentations visuelles ?

  6   R.  Même s'il ne s'agit pas de deux scènes identiques, ce sont des scènes tout à

  7   fait analogues. La première où les images sont moins bonnes puisqu'il y a eu un

  8   transfert d'images sur différentes bandes, par rapport à l'autre.

  9   Q.  Et au niveau du D43, la première série d'images, pourriez-vous nous décrire

 10   les sons que vous entendez vers la fin de cette séquence vidéo ?

 11   R.  Oui, tout à fait. Comme j'ai dit dans ma déposition hier, me semble-t-il, au

 12   niveau de cette séquence d'images, j'entends les coups de feu rapides et

 13   fréquents comme un combat. Et comme j'ai dit hier dans ma déposition, une

 14   explosion forte, ou, en tout cas, ce qui me semblait être à moi des tirs

 15   d'artillerie.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je vous poser la question suivante :

 17   est-ce que vous vouliez parler de l'ensemble de cette séquence ou que de la fin

 18   de cette séquence vidéo ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Pardonnez-moi. Vers la fin de cette séquence

 20   d'images, on entend des coups de feu de tirés -- des coups de feu intenses et

 21   rapides. Et vers la fin de cette séquence, on entend une explosion forte.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous voulez parler de la fin de cette

 23   séquence vidéo ?

 24   Mme BIBLES : [interprétation] Oui, tout à fait.

 25   Q.  Au moment où vous étiez là le 5 août 1992, avez-vous entendu quelque chose

 26   qui ressemblait aux sons que vous avez entendus sur la vidéo D43 ?

 27   R.  Non, Madame. Comme je vous l'ai dit hier, j'ai entendu des tirs de fusil

 28   sporadiques. Mais rien de cette force-là ni représentant de telles munitions.


Page 2732

  1   Q.  Et d'après le compte rendu d'audience, vous avez, hier, parlé de la deuxième

  2   séquence, 65 ter 22615A.

  3   R.  L'incident est quasiment terminé. Si on entend un coup, on en entend qu'un

  4   seul.

  5   Q.  Et quel est le son que l'on peut entendre essentiellement sur cette deuxième

  6   vidéo ?

  7   R.  Pas grand-chose. Je crois qu'on entend le bruit d'un moteur qui démarre ou

  8   quelque chose comme ça, si je me souviens bien.

  9   Q.  Et est-ce que ceci coïncide avec vos souvenirs des sons que vous avez

 10   entendus à ce moment-là ?

 11   R.  Je ne me souviens pas des sons de la voiture à l'époque. Pardonnez-moi.

 12   Q.  Pourriez-vous nous dire laquelle de ces deux vidéos décrit et reflète comme

 13   il se doit, ou de façon exacte, les incidents ?

 14   R.  D'après mon souvenir, c'est la deuxième séquence vidéo.

 15   Mme BIBLES : [interprétation] L'Accusation demande le versement au dossier du 65

 16   ter 22615A, et je puis identifier que ceci a été authentifié comme provenant de

 17   la télévision serbe de Sarajevo. Ça a été communiqué le 10 février 2012 sur un

 18   disque dur. Et sur un tableur Excel, ceci a été communiqué sous la forme d'un

 19   lot de documents, comme cela est indiqué, puisque cette vidéo est associée à

 20   Edward Vulliamy en tant que témoin.

 21   [Le conseil de la défense se concerte]

 22   M. IVETIC : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas, Madame la Greffière, la deuxième

 24   vidéo, je suppose que le tableau Excel a été téléchargé.

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 22615A reçoit la cote P202.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le P202 est versé au dossier.

 27   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite maintenant

 28   visionner un passage, comme vous nous l'avez demandé hier, Messieurs les Juges,


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  1   numéro 65 ter 22564A. Les Juges de la Chambre ont demandé hier à pouvoir

  2   examiner de plus près une séquence vidéo, 22564, puisque cette séquence

  3   contenait des sons. Ce passage a été visionné et provient de la compilation plus

  4   globale de l'affaire Tadic. Nous avons numérisé ces images. Il y a du son

  5   dessus. Et pour que ceci soit bien clair, je souhaite le visionner.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En même temps, je souhaite enjoindre les

  7   parties de regarder cela, parce qu'il nous faudra comparer ces deux vidéos que

  8   nous avons déjà vues, pour voir si les parties peuvent se mettre d'accord sur le

  9   fait de savoir si certains passages de ce qui est montré décrivent le même

 10   incident ou événement, en comparant de façon détaillée qui se déplace où, de

 11   quelle façon pour ce qui est de la gestuelle des corps, des armes, de façon à ce

 12   que les parties puissent nous dire si certains passages, s'il ne s'agit pas de

 13   l'ensemble des vidéos, mais certains passages de ces vidéos représentent les

 14   moments ou ces événements à l'identique.

 15   Ceci nous permettra de comparer les deux séquences d'images et voir s'il y a une

 16   différence au niveau de la bande-son. La Défense fera de son mieux, bien

 17   évidemment, aussi, mais ceci serait très utile pour les Juges de la Chambre.

 18   Bien sûr, si vous pouvez vous mettre d'accord, ce sera très utile pour nous.

 19   Mme BIBLES : [interprétation] La position de l'Accusation est la suivante : ces

 20   deux séquences vidéo, le D43, et je crois que c'est maintenant le P202, que les

 21   deux sont des images identiques prises de la même caméra, à la seule différence

 22   que les premières images sont des images brutes. Le D212 [comme interprété] sont

 23   des images brutes, et le D43 a une bande-son qui a été rajoutée après.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ce n'était pas exactement ce que je

 25   souhaitais entendre à ce stade. Mais si vous êtes d'accord sur le fait que ce

 26   que nous voyons est la même chose, la Chambre peut tout à fait comparer ce

 27   qu'elle entend.

 28   M. IVETIC : [interprétation] Sauf que nous avons un extrait de la télévision


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  1   serbe de Sarajevo et l'autre vient de la RTS.

  2   L'INTERPRÈTE : Les voix de chevauchent.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien --

  4   M. IVETIC : [interprétation] On dirait que ce sont des scènes comparables ou des

  5   enregistrements comparables, mais je voudrais que la bande originale du

  6   fournisseur, donc la D43, me soit fournie pour que je puisse savoir et pour

  7   pouvoir avoir plus d'éléments d'information. Je ne suis pas en mesure de savoir

  8   si c'est l'original ou les rushs. Les rushs, c'est un terme quand même très

  9   précis. Et à partir du moment où c'est diffusé, ce ne sont plus des scènes

 10   brutes.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas la question que j'aborde

 12   maintenant, à savoir lequel est l'original. Je voudrais que l'on compare les

 13   deux. Qui que ce soit était à l'origine de la diffusion, je voudrais savoir si

 14   les images sont exactement les mêmes. Est-ce qu'il s'agit de mêmes déplacements

 15   de personnes, est-ce que c'est le même point de vue de la caméra, la même prise

 16   de vue, et à partir de ce moment-là nous allons pouvoir savoir si ce sont les

 17   prises de vue d'une même caméra et est-ce qu'il s'agit du même enregistrement.

 18   Donc c'est ce que nous souhaitons savoir. Est-ce que vous pouvez envisager les

 19   choses sous cet angle-là ? Donc vous pouvez simplement vous mettre d'accord avec

 20   la Défense pour que la Chambre puisse, à partir de là, procéder à son analyse.

 21   Mme BIBLES : [interprétation] Oui --

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mladic, est-ce que vous pouvez

 23   enlever votre casque et est-ce que vous pouvez parler d'une voix un peu moins

 24   forte.

 25   [Le conseil de la Défense se concerte]

 26   [Diffusion de la cassette vidéo]

 27   Mme BIBLES : [interprétation] Merci.

 28   Q.  Monsieur Vulliamy, dans cet extrait, avez-vous entendu le bombardement très


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  1   fort que nous avons entendu en visionnant le document D43 ?

  2   R.  Non.

  3   Mme BIBLES : [interprétation] Je demande le versement du document 65 ter 22564A.

  4   M. IVETIC : [interprétation] Pas d'objection.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière d'audience.

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document 22564A devient la pièce à

  7   conviction P203.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document P203 est versé au dossier.

  9   Madame Bibles, je ne pense pas que le témoin ait parlé de "bombardement". Je

 10   pense qu'il a été question de bruits. Mais c'est de mémoire que je parle. Peut-

 11   être que je me suis trompé.

 12   Mme BIBLES : [interprétation] Il se peut que l'erreur vienne de moi. J'essayais

 13   de retrouver la phrase exacte.

 14   Q.  Monsieur Vulliamy, donc revenons à cet événement. Donc, comment avez-vous

 15   interprété cet événement à l'époque ?

 16   R.  Il est très difficile de le dire, mais nous avions l'impression que le

 17   comité de Prijedor ne souhaitait pas véritablement que l'on se rende à Omarska.

 18   Ils nous ont dit qu'effectivement, ils auraient préféré qu'on ne s'y rende pas.

 19   Mais ils étaient tenus par l'ordre de M. Karadzic, et je pense que j'ai déjà dit

 20   dans ma déposition que je n'avais pas l'impression que cette attaque et cet

 21   échange de coups de feu étaient quelque chose d'authentique. Je pense que j'ai

 22   déjà dit que c'étaient des coups de feu qui passaient par-dessus nos têtes, que

 23   les ripostes aussi passaient en grande altitude, en fait, et que les gens que

 24   l'on voyait courir autour ne cherchaient pas véritablement à se mettre à l'abri.

 25   Donc ça n'avait pas véritablement l'air d'être un échange de coups de feu

 26   véritable. Donc cela ne m'a pas convaincu. Je pense qu'ils ont simplement

 27   cherché à nous tromper. Et nous avons continué sur notre chemin.

 28   Q.  Maintenant nous allons aborder la question des draps blancs et des drapeaux


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  1   blancs.

  2   Mme BIBLES : [interprétation] Donc je pense que cela se situe en page 2 649, à

  3   partir de la ligne 18.

  4   Q.  Donc on vous a demandé au sujet de ces serviettes blanches ou ces drapeaux

  5   qui étaient hissés sur les différentes constructions, et c'était pendant que

  6   vous passiez par les différents villages. Sur la base des entretiens que vous

  7   avez eus au sujet de ces gens qui ont hissé les draps blancs ou les serviettes

  8   blanches, d'après vous, quels étaient les choix auxquels ils étaient confrontés

  9   en 1992 ?

 10   R.  Qu'ils pouvaient hisser ces drapeaux blancs et que cela signifiait qu'ils

 11   étaient prêts à remettre leurs biens, partir - et, en fait, ils se sont

 12   retrouvés -- enfin, à quitter Trnopolje - ou qu'ils devaient, sinon, accepter

 13   les conséquences. Et c'est ce qui s'est passé, par exemple, dans des endroits

 14   comme Kozarac, où leurs maisons ont été détruites.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] 2 649, Madame Bibles ?

 16   Mme BIBLES : [interprétation] Oui, c'est le compte rendu d'hier.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai pas la nouvelle version.

 18   Mme BIBLES : [interprétation] Est-ce que vous voulez que je continue ?

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui. J'ai dit que j'allais le trouver.

 20   Mme BIBLES : [interprétation]

 21   Q.  On vous a interrogé au sujet de la description que vous faites dans votre

 22   article du 7 août 1992 lorsque vous dites que Trnopolje n'est pas un camp de

 23   concentration. Est-ce que vous vous rappelez que l'on vous a interrogé là-dessus

 24   ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Dans votre réponse, vous expliquez partiellement que vous avez changé

 27   d'opinion, en fait, pendant votre déplacement vers Travnik.

 28   Mme BIBLES : [interprétation] Et c'était page 2 666, me semble-t-il, lignes 18 à


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  2   Q.  Est-ce que vous pourriez nous expliquer pourquoi vous avez changé d'avis

  3   pendant votre déplacement en convoi ? Pourquoi est-ce que cela vous a incité à

  4   changer votre opinion sur Trnopolje ?

  5   R.  Puisque la plupart des gens dans le convoi étaient arrivés de Sanski Most,

  6   il y avait aussi un autocar plein de personnes de Trnopolje, et lorsque nous

  7   sommes arrivés à Travnik, je me suis rendu compte quelle était l'envergure des

  8   événements et je me suis rendu compte de la régularité, en fait, de ces

  9   événements, et je me suis rendu compte très rapidement, par la suite, qu'il y a

 10   eu un massacre qui s'était produit quatre nuits après un autre convoi sur le

 11   mont Vlasic.

 12   Donc, en fait, lorsque je parlais de cette expression, "camp de

 13   concentration", je pense que j'en ai parlé hier, je voulais établir un parallèle

 14   avec les origines sud-africaines, plutôt à cela qu'au IIIe Reich, et je me suis

 15   rendu compte directement que lorsqu'on prenait en compte l'envergure, l'échelle

 16   de ces convois, les expulsions, la régularité de cela, toutes les nuits, le

 17   nombre de personnes qui était concerné qui arrivait à Travnik, je pense qu'il

 18   est arrivé environ 36 000 personnes, eh bien, ça devenait vraiment des nombres

 19   très impressionnants, je veux dire plutôt à six chiffres. Donc Trnopolje,

 20   c'était un centre, un centre vers lequel convergeaient tous ces gens, les

 21   civils, les familles, les enfants, les personnes âgées. Il n'y avait absolument

 22   pas de différence, ils étaient tous mélangés.

 23   Donc j'en ai parlé déjà ici. Je n'ai pas besoin de vous décrire à quel

 24   point c'était. Cela faisait peur. C'étaient des personnes âgées, des enfants,

 25   certains étaient en fauteuil roulant qui roulait sur ces routes non goudronnées,

 26   et c'est devenu assez clair que Trnopolje était un point vers lequel ils

 27   convergeaient. Donc ils convergeaient, cette grande majorité de personnes --

 28   donc c'étaient en fait des expulsions forcées, systématiques. Donc il y avait


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  1   des gens qui sont arrivés de Sanski Most, de leurs maisons.

  2   Le convoi est arrivé à Travnik, et toutes les fois où je me suis rendu à

  3   Travnik par la suite et tous les entretiens que j'ai eus depuis, les entretiens

  4   avec des gens qui se sont retrouvés sur cette route, eh bien, m'ont permis de

  5   conclure qu'il y a eu énormément de meurtres, de viols, de personnes qui ont été

  6   battues.

  7   Q.  Est-ce que vous avez une idée des choix qui étaient présents pour ces non-

  8   Serbes qui se sont trouvés sur place en 1992, donc des gens qui étaient de

  9   personnes en vue ou qui, par exemple, faisaient partie de l'élite de ces

 10   communautés ?

 11   R.  C'était le 5 août, en fait, que l'on a commencé à s'en rendre compte. Il est

 12   devenu clair qui étaient les chefs des parties de l'opposition, ils étaient à

 13   Omarska. Et on nous a présenté le chef du SDA, c'était le parti pro-musulman. Il

 14   est devenu très clair très rapidement que la direction politique, l'élite

 15   locale, a très rapidement été désignée à être éliminée, à être liquidée. Et, en

 16   fait, Mijakic, le commandant du camp, en fait - comment dire ? - s'est

 17   "approprié" la femme qui était chef de fil du parti croate. Donc, si on était

 18   plus haut placé ou moins important dans l'échelle de la hiérarchie, eh bien, on

 19   convenait aux gardiens, et sinon, aux personnes qui étaient les responsables.

 20   Mme BIBLES : [interprétation] J'en ai terminé avec mes questions

 21   supplémentaires.

 22   L'INTERPRÈTE : Les sténotypistes signalent qu'il convient de faire une pause

 23   entre la question et la réponse.

 24   Mme BIBLES : [interprétation] Pour ce qui est des pièces connexes, j'ai décidé

 25   de ne pas demander le versement au dossier des documents 65 ter 17133 [comme

 26   interprété], 17995, 18001, 22365A, ni de 22573. En revanche, je demande le

 27   versement du reste des pièces connexes qui n'ont pas encore été versées au

 28   dossier.


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  1   Pour ce qui est du document 17992, le document qui est l'article qui a été

  2   utilisé par la Défense, j'en demande le versement à ce stade, ainsi que le

  3   versement du document 22572 et du document 22393A. Je note que le document 92

  4   ter pour ce document [comme interprété] comporte les parties pertinentes de sa

  5   déposition dans l'affaire Stakic, où nous trouvons la référence de ces pièces à

  6   conviction.

  7   M. IVETIC : [interprétation] Pas d'objection pour ce qui est des pièces

  8   connexes. Je pense qu'il y a une erreur au niveau de la cote 17993. Elle a été

  9   enregistré au compte rendu d'audience comme 17933, ligne 25.

 10   Et une question en plus qui découle des questions supplémentaires.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, voyons ma liste. 22393A -- non, je me

 12   sers d'une liste plus ancienne. Je vais vérifier.

 13   Pas d'objection ? Je préfère que l'on voie tout d'abord ce qu'il en est des

 14   aspects administratifs.

 15   Donc 17992.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Devient la pièce P204.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui est versée au dossier.

 18   Le document 22393A.

 19   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Devient la pièce à conviction P205.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce document est versé au dossier.

 21   Le document 22572.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Devient la pièce à conviction P206.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui est versée au dossier.

 24   Monsieur Ivetic, vous pouvez poser votre question supplémentaire.

 25   Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Ivetic :

 26   Q.  [interprétation] Monsieur, vous avez vu ces nouveaux extraits que le bureau

 27   du Procureur a montrés, les extraits supplémentaires du convoi, page 56,

 28   première ligne du compte rendu d'audience, et vous avez dit que l'incident était


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  1   quasiment terminé à ce moment-là. Je voudrais savoir, donc, si vous êtes en

  2   train de dire que les coups de feu dont vous vous souvenez se sont produits

  3   avant ce moment-là qui est représenté par l'extrait vidéo ?

  4   R.  Avant.

  5   M. IVETIC : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions pour ce témoin.

  6   Mais les communications qu'ils nous ont faites pour la déposition de ce témoin

  7   ne comprenaient pas le document 22615A.

  8   Mme BIBLES : [interprétation] Nous n'avions pas l'intention de présenter cet

  9   extrait vidéo. Nous savions que le témoin avait déjà dit dans l'affaire Stakic

 10   qu'il pensait que c'était une mise en scène. La Défense a versé le document D43

 11   hier, et c'est uniquement à ce moment-là que nous avons revu cette vidéo qui

 12   comportait les bruits ambiants.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela veut dire que vous n'aviez

 14   pas le document D43 en votre possession avant ?

 15   Mme BIBLES : [interprétation] Nous ne l'avions pas.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord.

 17   [La Chambre de première instance se concerte]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc cela explique pourquoi vous n'avez pas

 19   communiqué cela à la Défense à un stade antérieur.

 20   Donc…

 21   Maître Ivetic, hier, lorsque vous avez demandé le versement du document 1D263 de

 22   la vidéo, vous avez eu un débat sur les tableaux ou les feuilles de remplacement

 23   qui n'ont pas été téléchargés, et finalement nous n'avons pas attribué de cote.

 24   Donc je pense qu'il nous faudra mener cela à son terme.

 25   Madame la Greffière d'audience.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D263 devient la pièce D46.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D46.

 28   Est-ce qu'il y a une objection de la part de l'Accusation ? C'était la


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  1   première vidéo qui a été visionnée hier.

  2   Mme BIBLES : [interprétation] Je voudrais juste être absolument certaine des

  3   numéros que j'ai et des cotes. Donc c'est quasiment identique à la pièce P203.

  4   C'était la vidéo, hier, qui n'avait pas de bande-son et nous avons également

  5   versé au dossier les bruits. Donc, pas d'objection.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D46 est versé au dossier.

  7   D43 a reçu une cote MFI. Je vais vérifier ce qu'il en est avec Mme la

  8   Greffière.

  9   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce D43 garde sa référence MFI puisqu'il y a

 11   eu des problèmes techniques pour ce qui est de ce qui se trouvait au DVD ou CD

 12   qui a été communiqué. Ce qui fait qu'on va en attendant - une solution - le

 13   garder avec la référence MFI.

 14   Alors, maintenant que c'est fait --

 15   Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, pour le compte rendu, nous

 16   faisons objection au D43 ou toute pièce qui viendrait de ce groupe. Parce que

 17   notre position c'est que le D43 est un enregistrement audio qui a été rajouté.

 18   M. LE JUGE ORIE : Hm-hm, je vois. Mais n'est-il pas vrai de dire que ce D46

 19   vient de la même source ?

 20   M. IVETIC : [interprétation] C'est exact.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 22   Le compte rendu dit que cette vidéo était celle où il n'y avait pas de

 23   son. Peut-être n'ai-je pas bien compris. J'ai cru comprendre qu'il n'y avait pas

 24   d'objection. Autrement, ma réponse susciterait des problèmes.

 25   Avez-vous, oui ou non, fait objection auparavant ?

 26   Mme BIBLES : [interprétation] Messieurs les Juges, en fait, j'ai peut-être

 27   besoin de revenir sur la question. Parce que je crois que ce D46, à savoir le

 28   P203, sont la même chose, et je n'ai pas fait objection au D46. Et si j'ai fait


Page 2743

  1   une erreur, je vais attirer l'attention des Juges de la Chambre sur celle-ci à

  2   un moment ultérieur, une fois que j'aurai le loisir de tout voir.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Penchez-vous dessus.

  4   Maître Ivetic, autre chose ?

  5   M. IVETIC : [interprétation] Non, de ma part, pas de questions à évoquer.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

  7   Monsieur Vulliamy, ceci met un terme à votre témoignage dans ce procès, du moins

  8   dans ce procès-ci.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'est dans ce procès.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie d'être venu à La Haye et

 11   d'avoir répondu aux questions qui ont été posées par les parties en présence et

 12   par les Juges de la Chambre. Je vous souhaite un bon retour à votre lieu de

 13   destination, quel qu'il soit.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je rentre à la maison, Messieurs les Juges. Merci

 15   pour votre temps. Et je tiens à vous en remercier une fois de plus.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je demande à ce que le témoin soit escorté

 17   hors du prétoire.

 18   [Le témoin se retire]

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que l'Accusation est prête pour ce qui

 20   est de faire venir son témoin suivant ? Mais j'étais en train de me demander

 21   s'il ne serait pas préférable de faire une pause maintenant. Ce serait une pause

 22   qui irait jusqu'à 1 heure 10. Ça nous laisserait 65 minutes encore pour ce qui

 23   est de la journée d'aujourd'hui. Peut-être serait-ce la meilleure des façons

 24   possibles de procéder. Je vois que tout le monde hoche de la tête, y compris

 25   l'accusé.

 26   Combien de temps pensez-vous devoir consacrer à l'interrogatoire au

 27   principal de ce témoin prochain ?

 28   M. GROOME : [interprétation] Une heure, je crois.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons faire cet interrogatoire au

  2   principal une fois que l'on sera revenu de la pause.

  3   --- L'audience est suspendue à 12 heures 49.

  4   --- L'audience est reprise à 13 heures 14.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que l'Accusation est prête pour ce qui

  6   est de citer son témoin suivant à comparaître ?

  7   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Oui, Messieurs les Juges. L'Accusation cite à

  8   comparaître M. Ibro Osmanovic, le Témoin RM067.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Faites donc entrer le témoin dans le

 10   prétoire.

 11   Entre-temps, je voudrais mettre à profit ce laps de temps pour rendre une

 12   décision des Juges de la Chambre concernant la requête demandant autorisation à

 13   répliquer à des écritures en application du 92 ter liée à ce témoin. Cette

 14   requête a été accordée, et nous avons obtenu une réponse à ce sujet.

 15   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Eh bien, Messieurs les Juges, pendant qu'on

 16   attend le témoin, je voudrais m'adresser aux Juges de la Chambre pour ce qui est

 17   de la déclaration en application du 92 ter de ce témoin. Après réexamen,

 18   l'Accusation se propose d'utiliser le 92 ter uniquement pour ce qui est du 65

 19   ter 28376, qui est une déclaration de témoin datée du 10 octobre 1994; et la

 20   pièce 28377 du 65 ter, qui est une déclaration complémentaire datée du 11

 21   octobre 1995.

 22   Deuxième chose encore. Peut-être pourrais-je faire référence à des faits jugés

 23   pertinents concernant son témoignage, et je suis en train de parler ici des

 24   pièces 505 à 516, puis 1241 à 1250 et 1261 à 1265.

 25   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Osmanovic. Avant que de

 27   commencer à témoigner, la Règle veut que vous fassiez une déclaration

 28   solennelle, dont le texte vous est tendu par l'huissier. Je vous invite à en


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  1   donner lecture.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la vérité,

  3   toute la vérité et rien que la vérité.

  4   LE TÉMOIN : IBRO OSMANOVIC [Assermenté]

  5   [Le témoin répond par l'interprète]

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Grand merci. Veuillez vous asseoir, Monsieur

  7   Osmanovic.

  8   Monsieur Osmanovic, vous allez d'abord être interrogé par Mme D'Ascoli. Mme

  9   D'Ascoli est le conseil de l'Accusation, elle se trouve à votre droite.

 10   Madame D'Ascoli, à vous.

 11   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Interrogatoire principal par Mme D'Ascoli :

 13   Q.  [interprétation] Monsieur, pouvez-vous d'abord nous donner votre nom et

 14   prénom pour le compte rendu.

 15   R.  Je m'appelle Ibro Osmanovic.

 16   Q.  Est-ce que vous pouvez nous donner votre lieu de naissance.

 17   R.  Je suis né à Vlasenica.

 18   Q.  Et quelle est votre appartenance ethnique ?

 19   R.  Je suis Musulman de par mon appartenance ethnique.

 20   Q.  Monsieur Osmanovic, vous souvenez-vous d'avoir donné une déclaration auprès

 21   du TPIY le 5, le 7 et le 10 octobre 1994 ?

 22   R.  Oui, je m'en souviens.

 23   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je demanderais à M. l'Huissier d'afficher la

 24   pièce 28376 sur nos écrans en application du 65 ter. Il s'agit de la déclaration

 25   faite par M. Osmanovic et signée par lui à la date du 10 octobre 1994.

 26   Et, Messieurs les Juges, je voudrais mentionner le fait que nous avons

 27   téléchargé une version de cette déclaration qui a des paragraphes numérotés tant

 28   en B/C/S et en anglais. Bien entendu, nous avons communiqué à la Défense ces


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  1   pièces et il n'y a pas eu d'objection de leur part.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est sous-entendu.

  3   Allez-y.

  4   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur Osmanovic, j'aimerais que vous vous penchiez sur la version

  6   anglaise de cette déclaration. En particulier, je vous convie de vous pencher

  7   sur la signature qui se trouve en bas de la page.

  8   Mme D'ASCOLI : [interprétation] J'aimerais qu'on nous montre le bas de la page.

  9   Q.  Et, Monsieur, dites-nous si vous reconnaissez cette signature ?

 10   R.  Oui. C'est ma signature.

 11   Mme D'ASCOLI : [interprétation] J'aimerais qu'on aille maintenant à la dernière

 12   page, qui est la page 17 de la version anglaise. Est-ce que ça marche ? Est-ce

 13   que tout marche bien ? Est-ce que ce micro-ci marche ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quel est le problème ?

 16   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je vais réessayer.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne pense pas que ce soit le micro parce

 18   que moi, mon micro ne réagit pas du tout.

 19   [Problème technique]

 20   Mme D'ASCOLI : [interprétation] La connexion semble être bonne.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Moi, je n'entends toujours rien.

 22   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Un, deux, trois.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons des problèmes.

 24   Je pense que -- ah, ça a l'air --

 25   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Oui. Ça marche maintenant.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Continuons suite à ces problèmes de

 27   nature technique.

 28   Allez-y, Madame D'Ascoli.


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  1   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je pense avoir demandé qu'on nous montre la

  2   dernière page de la version en anglais de ce document, page 17.

  3   Q.  Et, Monsieur, je vous ai demandé si vous reconnaissiez la signature qui se

  4   trouvait au haut de la page.

  5   Mme D'ASCOLI : [interprétation] A ce titre, j'aimerais qu'on nous affiche le

  6   haut de la page.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est ma signature à moi.

  8   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur, je vais maintenant procéder à certains rectificatifs que vous avez

 10   faits à cette déclaration.

 11   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Alors, si on se penche sur la page 5 de la

 12   déclaration, et c'est la page -- non, c'est la page 5 en anglais et en B/C/S.

 13   Q.  Et je vous renvoie à la première ligne du paragraphe 17.

 14   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Que je souhaite faire zoomer.

 15   Q.  Je crois comprendre que vous souhaitiez procéder à une rectification pour ce

 16   qui est de la troisième personne dont le nom figure ici. Quelle est la

 17   rectification que vous vouliez faire ici ?

 18   R.  Il s'agit de Goran, du fils de Zoran. Ce n'est pas Djuric, mais Deuric.

 19   Goran, fils de Zoran, du nom de famille Deuric. Alors qu'ici on a écrit

 20   "Djuric".

 21   Q.  Donc le nom, le bon nom, devrait se lire Goran Deuric, qui se trouve être le

 22   fils de Zoran, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui, c'est exact.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aimerais demander au témoin d'épeler le

 25   nom de famille de cette personne.

 26   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Oui.

 27   Q.  S'il vous plaît, Monsieur le Témoin, épelez les nom et prénom.

 28   R.  Goran, G-o-r-a-n.


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  1   Q.  Et le nom de famille. Le nom de famille.

  2   R.  D-e-u-r-i-c.

  3   Q.  Merci, Monsieur.

  4   Mme D'ASCOLI : [interprétation] J'aimerais maintenant qu'on nous montre la page

  5   6 et que l'on zoome la première ligne du paragraphe 21.

  6   Q.  Vous vouliez procéder à un rectificatif ici au sujet d'un nom. Veuillez nous

  7   indiquer ce que vous voulez corriger.

  8   R.  C'est le nom seulement qu'il faut changer. Il y a deux frères Miljanic,

  9   Slavisa, et je n'arrive plus à me souvenir de l'autre prénom. Mais c'est le nom

 10   qu'il faut rectifier, c'est Miljanic.

 11   Q.  Donc ce n'est pas Slavisa mais Sinisa qu'il fallait entendre ?

 12   R.  Oui. C'est le nom qu'il faut rectifier. Il y a deux frères Miljanic.

 13   Q.  Justement. Au paragraphe 21, vous voulez faire référence à Sinisa Miljanic;

 14   c'est bien cela ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Monsieur, compte tenu de ces rectificatifs, êtes-vous en train de nous dire

 17   que la déclaration est une consignation, une compilation précise de ce qui s'est

 18   passé à vous et de ce que vous avez vécu, tel que vous pouvez vous en souvenir ?

 19   R.  Oui.

 20   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je vais demander à la greffière ou à la juriste

 21   de la Chambre de nous montrer la pièce 65 ter 28837, qui est une déclaration

 22   supplémentaire faite par vous et signée à la date du 11 octobre 1995.

 23   Q.  Une fois de plus, pouvez-vous vous pencher sur la première page du document

 24   en anglais, et en particulier la signature qui se trouve au bas de la page, et

 25   veuillez nous indiquer si vous reconnaissez cette signature ?

 26   R.  C'est ma signature à moi.

 27   Mme D'ASCOLI : [interprétation] J'aimerais maintenant qu'on nous montre la

 28   dernière page de la version anglaise, page 4.


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  1   Q.  Et, Monsieur, je vais vous redemander si vous reconnaissez la signature qui

  2   se trouve au haut de cette page-ci ?

  3   R.  Oui, c'est la mienne.

  4   Q.  Monsieur, est-ce que vous estimez que ces déclarations supplémentaires

  5   consignent de façon précise ce que vous avez vécu au meilleur de vos souvenirs ?

  6   R.  C'est une déclaration complémentaire qui se trouve être liée au camp de

  7   Batkovic.

  8   Q.  Monsieur, est-ce que vous pouvez répéter ? Ça a trait à quoi, ce que vous

  9   venez de nous dire ?

 10   R.  Le camp de Batkovic, à proximité de Bijeljina.

 11   Q.  Merci, Monsieur.

 12   Suite donc à ces modifications dont il vient d'être question au sujet de

 13   ces déclarations, est-ce que la Chambre, à la lecture de ces deux déclarations,

 14   peut se faire une bonne image de la déclaration, de votre témoignage en tant que

 15   tel ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Et si aujourd'hui on vous posait les mêmes questions qu'on vous a posées à

 18   l'occasion des interviews en 1994 et 1995, est-ce que vous répondriez de la même

 19   façon que vous l'avez fait en substance à l'époque ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Monsieur, maintenant que vous avez fait votre déclaration solennelle, est-ce

 22   que vous confirmez que ce que vous avez fourni comme information se trouve être

 23   conforme à la vérité ?

 24   R.  Oui.

 25   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Messieurs les Juges, l'Accusation demande le

 26   versement au dossier du 65 ter 28376 et du 28377 en application de l'article 92

 27   ter pour en faire des pièces à conviction publiques.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas maintenant à qui m'adresser de


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  1   la part de la Défense. Maître Stojanovic.

  2   M. STOJANOVIC : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection, Monsieur le

  3   Président.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, ce 28376, ça deviendra

  5   quoi.

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ça deviendra la pièce P207, Monsieur le

  7   Juge.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et c'est versé au dossier.

  9   Et maintenant pour ce qui est du 28377.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce à conviction P208, Monsieur

 11   le Juge.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et c'est également versé au dossier.

 13   Veuillez continuer, Madame d'Ascoli.

 14   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 15   Maintenant, avec l'autorisation des Juges de la Chambre, je voudrais

 16   brièvement faire un résumé du témoignage de M. Osmanovic pour les besoins du

 17   compte rendu et pour le public.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je considérer que vous avez déjà

 19   expliqué à M. Stojanovic la finalité de la lecture en public de cette

 20   déclaration ?

 21   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Oui, c'est le cas, Monsieur le Juge.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

 23   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Ibro Osmanovic est un Musulman de Bosnie

 24   originaire de Vlasenica qui a été détenu pendant les années 1992 et 1993 au

 25   poste de police de Vlasenica, à la prison municipale de Vlasenica, au camp de

 26   Susica et au camp de Batkovic. Son témoignage parle de la façon dont la JNA

 27   s'est emparée des institutions les plus importantes de la ville de Vlasenica

 28   entre le 23 et 24 avril 1992.


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  1   Le 22 mai 1992, le témoin a été arrêté et mis en détention avec d'autres hommes

  2   musulmans au poste de police de Vlasenica. Ça a été le début d'une période de

  3   détention qui a duré de mai 1992 à juillet 1993 dans différentes installations

  4   de détention.

  5   Depuis ce poste de police de Vlasenica, le témoin a été transféré à la

  6   prison municipale de Vlasenica, puis au camp de Susica et, pour finir, au camp

  7   de Batkovic à Bijeljina, où le témoin est resté jusqu'à sa libération en juillet

  8   1993.

  9   Pendant sa détention dans la prison de Vlasenica au mois de juin 1992, le témoin

 10   ainsi que d'autres prisonniers ont été emmenés dans le quartier de Drum, le

 11   quartier musulman à l'extérieur de Vlasenica, pour y enterrer des corps. Il a

 12   enterré 22 corps d'hommes en âge adulte, et tous les corps sauf un avaient une

 13   blessure par balle entre les yeux. Le témoin a fourni une déposition concernant

 14   des passages à tabac et des mauvais traitements qui lui ont été infligés au camp

 15   de Susica, dont le commandant était Dragan Nikolic, et il a aussi déposer au

 16   sujet des passages à tabac et meurtres de détenus à Batkovic, où le témoin a été

 17   déplacé vers la fin du mois de juin 1992.

 18   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pour que le compte rendu d'audience soit

 19   bien clair, vous avez mentionné un nom à la page 76, ligne 9. Est-ce que le nom

 20   est bien écrit ?

 21   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Il faudrait lire "Dragan Nikolic", alors qu'ici

 22   on peut lire "Drago Nikolic".

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Moi aussi j'ai une question.

 24   A la page 75, ligne 19, vous dites qu'au poste de police de Vlasenica ainsi qu'à

 25   la prison municipale de Vlasenica et dans la prison, le camp de Susica, vous

 26   avez mentionné l'armée, mais vous ne l'avez pas nommé.

 27   Mme D'ASCOLI : [interprétation] J'ai dit qu'il a parlé de la prise du contrôle

 28   des installations les plus importantes de la ville par la JNA.


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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  2   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur le Témoin, maintenant je vais vous poser quelques questions suite à

  4   ce résumé.

  5   Tout d'abord, savez-vous combien il y avait d'habitants à peu près dans la

  6   ville de Vlasenica en 1992 ?

  7   R.  A peu près 10 000.

  8   Q.  La ville de Vlasenica ?

  9   R.  La ville de Vlasenica, 4 000 à 5 000, mais en comptant les hameaux autour de

 10   la ville.

 11   Q.  D'après votre déclaration de 1994, le deuxième paragraphe, aux mois d'avril

 12   et mai 1992, la population musulmane de Vlasenica n'avait pas le droit de

 13   circuler librement dans la municipalité ou bien de la quitter à moins d'avoir

 14   reçu au préalable des permis pour quitter la ville, et vous avez dit par la

 15   suite que ces permis étaient délivrés par la cellule de Crise de Vlasenica. Mais

 16   vous avez parlé de la population musulmane. Je suppose que la population serbe

 17   ne devait pas obtenir les mêmes laissez-passer ?

 18   R.  La population musulmane pouvait circuler à l'aide de laissez-passer émis et

 19   délivrés par la cellule de Crise de Vlasenica. La population serbe pouvait

 20   circuler librement sans aucun laissez-passer.

 21   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je voudrais demander que l'on présente la pièce

 22   65 ter 02862.

 23   Q.  Monsieur, dans le paragraphe 10 de votre déclaration, vous dites aussi

 24   qu'une fois on vous a délivré un tel laissez-passer pour vous permettre d'aller

 25   visiter votre frère.

 26   Je vais vous demander d'examiner l'original de ce document. Est-ce que vous avez

 27   eu la possibilité d'examiner ce document pendant la session de préparation à

 28   votre déposition ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Pourriez-vous nous dire ce que représente ce document ?

  3   R.  Ici, il s'agit d'un laissez-passer pour Remzija Huric de Vlasenica, où on

  4   lui donne la permission de quitter Vlasenica et de se rendre à Jelenica. Ce

  5   genre de laissez-passer était délivré aux gens qui devaient partir, sortir de

  6   Vlasenica.

  7   Q.  Est-ce que ce laissez-passer ressemble à celui que l'on vous a délivré à

  8   vous ?

  9   R.  Oui, à une exception près. Chez moi, il est écrit que j'avais droit de me

 10   rendre à Bregovi de Vlasenica, parce que c'est là que j'avais ma maison de

 11   famille. Et ensuite, il y avait la raison pour m'y rendre, à savoir les visites

 12   à mon frère.

 13   Q.  Et qui a signé ce laissez-passer qu'on vous a délivré à vous ?

 14   R.  Milenko Stanic. Mais c'est Matic qui avait signé son nom et place.

 15   M. STOJANOVIC : [aucune interprétation]

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

 17   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

 18   Q.  Quelle est la signature que vous voyez sur ce laissez-passer; et est-ce que

 19   cette signature est la même que celle-ci qu'il y avait sur le vôtre ou similaire

 20   ?

 21   R.  Ici, c'est Milenko Stanic, mais -- donc ça fait partie du formulaire, mais

 22   la même personne qui a signé mon laissez-passer a signé aussi celui-ci, à savoir

 23   Matic, et il a signé au crayon.

 24   Q.  Donc votre laissez-passer avait la même signature, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui.

 26   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je veux verser ce document, 65 ter 02862, et je

 27   voudrais que ceci devient une pièce à caractère public.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas d'objection.


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  1   Madame la Greffière.

  2   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 06862 [comme interprété] devient

  3   la pièce à conviction P209.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P209 est versée au dossier.

  5   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur, maintenant je vais parler de votre détention dans la prison

  7   municipale de Vlasenica.

  8   Au niveau du paragraphe 28 de votre déclaration de 1994, qui est devenue

  9   la pièce P207, vous avez dit qu'au cours de votre détention dans la prison

 10   municipale de Vlasenica, on vous a emmené à Drum où il fallait que vous

 11   enterriez 22 corps. Pourriez-vous nous dire qui vous y a emmené ?

 12   R.  C'étaient les employés du poste de police de Vlasenica. Des gens en

 13   uniforme, des Serbes.

 14   Q.  Et ceci s'est produit pendant que vous étiez détenu dans la prison de la

 15   municipalité de Vlasenica ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  C'était au mois de juin 1992. Vous souvenez-vous de la date précise ?

 18   R.  Le 2 juin, j'ai été transféré dans la prison municipale du poste de police,

 19   donc c'était au début du mois de juin. Peut-être le 1er.

 20   Q.  En ce qui concerne ces corps que vous avez enterrés, pouvez-vous nous

 21   décrire les habits dont ils étaient vêtus ?

 22   R.  C'étaient des civils.

 23   Q.  Vous voulez dire qu'ils étaient vêtus de vêtements civils ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Et ils avaient quel âge à peu près, si vous vous en souvenez ?

 26   R.  Entre 20 et 60 ans.

 27   Q.  Dans le même paragraphe, Monsieur, vous avez dit que vous connaissiez quatre

 28   personnes parmi ces 22 personnes décédées, à savoir Ekrim Jahic, Nedzad Odic et


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  1   Osmo Odic. Pourriez-vous nous dire quelle avait été leur appartenance ethnique ?

  2   R.  Ils étaient Musulmans.

  3   Q.  Pensez-vous que les autres personnes enterrées appartenaient au même groupe

  4   ethnique, qu'ils étaient Musulmans ?

  5   R.  Oui. Parce que c'est un village musulman, il n'y a que les Musulmans qui

  6   habitent là-dedans.

  7   Q.  Savez-vous si ces corps ont jamais été exhumés de cette fosse ?

  8   R.  Je ne sais pas. Ce que je sais, c'est qu'ils ont été enterrés dans le

  9   cimetière des martyrs de Vlasenica après la fin de la guerre.

 10   Q.  Connaissez-vous le nom du cimetière de Drum où vous les avez enterrés ? Vous

 11   avez dit que c'était près du stade de bauxite ?

 12   R.  Oui, derrière le stade de boksit se trouve le cimetière musulman de Rakite.

 13   Q.  Est-ce un autre cimetière par rapport à celui que vous avez mentionné tout à

 14   l'heure, à savoir le cimetière des martyrs de Vlasenica ?

 15   R.  Cet autre cimetière, eh bien, c'était le cimetière créé après la guerre. Et

 16   on y enterrait les victimes, les corps des gens retrouvés dans des fosses

 17   communes des villages. Et dans l'autre cimetière, le cimetière musulman de

 18   Rakite, on enterrait tout le monde.

 19   Q.  Ma dernière question : est-ce que le village de Dzamdzici est près du

 20   village de Drum ?

 21   R.  Il est juste de l'autre côté de la colline du village de Drum, donc tout

 22   près, effectivement.

 23   Q.  Monsieur, maintenant je vais parler du camp de Susica. Vous avez été

 24   transféré au camp de Susica le 18 juin 1992. C'est quelque chose qui se trouve

 25   dans le paragraphe 31. Vous a-t-on jamais donné la raison de votre détention ?

 26   R.  Non, jamais.

 27   Q.  Et plus loin, dans le paragraphe 32, vous dites qu'en arrivant dans le

 28   hangar de Susica, vous y voyiez entre 500 et 550 personnes parmi lesquelles il y


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  1   avait des gens que vous connaissiez de Vlasenica et des villages aux alentours.

  2   Parmi les hommes que vous connaissiez personnellement dans le camp de

  3   Susica, y en avait-il qui avaient pris part dans les activités de combat, ou

  4   diversion, ou des activités violentes de toutes sortes ?

  5   R.  Que je sache, non. Puisqu'il n'y avait pas de conflit armé à Vlasenica.

  6   Q.  Dans le paragraphe 37 de votre déclaration de 1994, vous parlez de deux

  7   détenus, Durmo Handzic et Asim Zildzic, deux détenus que vous connaissiez. Ils

  8   ont été pris du hangar par Dragan Nikolic le 22 juin 1992. A cet effet, je vais

  9   vous montrer un document.

 10   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Donc je vais demander que l'on montre la pièce

 11   19197. C'est un rapport fait par le gardien de la prison Veljko Basic en date du

 12   22 juin 1992 concernant la mort de ces deux personnes dans le camp de Susica.

 13   Q.  Est-ce que vous avez déjà vu ce document ? Est-ce que vous avez eu la

 14   possibilité de le revoir au cours de la préparation pour votre déposition ?

 15   R.  Oui, je l'ai vu hier.

 16   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, lire ce qui est écrit ici, à savoir la cause

 17   du décès de ces deux personnes, et est-ce que vous pouvez nous dire si la cause

 18   décrite dans ce document correspond à ce que vous, vous avez vu ?

 19   R.  Non, ceci ne correspond pas.

 20   Q.  Est-ce qu'ils sont morts d'une crise cardiaque, comme il est indiqué dans ce

 21   document ?

 22   R.  Non. Ils sont morts suite aux passages à tabac.

 23   Q.  Y a-t-il eu un examen médical des corps de ces personnes au niveau du camp ?

 24   Est-ce que vous avez vu cela ?

 25   R.  Durmo Handzic est mort à côté de moi. Personne ne l'a jamais examiné.

 26   Q.  Qu'en est-il de la deuxième personne ?

 27   R.  Asim Zildzic est mort au cours de la nuit, après qu'on l'ait ramené de la

 28   séance de passage à tabac.


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  1   Q.  D'après ce que vous avez vu après leur mort, est-ce que vous pouvez nous

  2   dire s'ils ont été enterrés conformément aux habitudes musulmanes, comme c'est

  3   décrit dans ce document ?

  4   R.  Peut-être les a-t-on enterrés dans un cimetière musulman, mais certainement

  5   pas selon les us et les habitudes musulmanes.

  6   Q.  La date de ce document est indiquée comme correspondant au 22 juin. Est-ce

  7   que celle-ci correspond à la date du décès de ces deux personnes ?

  8   R.  Oui, la date est bonne. En revanche, le reste des éléments qui se trouvent

  9   dans ce document, à savoir que le Dr Veljko Basic avait examiné les corps et

 10   qu'il a été établi que ces gens sont morts d'une crise cardiaque et enterrés

 11   selon les rites musulmans, eh bien, non, je ne suis pas d'accord avec cela.

 12   Q.  Est-ce que vous connaissez la personne qui a signé ce document ?

 13   R.  C'était Veljko Basic, un policier à la retraite, qui a été acquitté par la

 14   cour de Bosnie-Herzégovine à cause de son âge avancé. Il avait été commandant du

 15   camp de Susica.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. le Juge Moloto a une question.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant de passer à autre chose, je voudrais

 18   poser une question à M. Osmanovic. Quel est le nom de famille d'Asim ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Asim Zildzic.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 21   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite demander le

 22   versement au dossier du numéro 65 ter 19917, de ce document, en qualité de

 23   document public.

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 19917 reçoit la cote P210,

 25   Messieurs le Juges.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ce document est versé au dossier.

 27   Veuillez poursuivre, je vous prie.

 28   Mme D'ASCOLI : [interprétation]


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  1   Q.  Monsieur, dans plusieurs paragraphes de votre déclaration - paragraphes 37,

  2   39, 42, 44, par exemple, de la pièce P207 - vous parlez de quelqu'un que l'on

  3   fait sortir du hangar et qui est passé à tabac. Compte tenu de ce que vous avez

  4   vécu et observé, pourriez-vous dire que les passages à tabac étaient fréquents

  5   ou non dans le camp de Susica ?

  6   R.  Je peux dire qu'ils étaient fréquents. Certaines personnes étaient, en

  7   réalité, battues tous les jours.

  8   Q.  Dans votre déclaration vous parlez également de différents incidents comme

  9   des personnes qui ont été tuées et des personnes qui sont décédées suite aux

 10   passages à tabac à l'extérieur du hangar. Puis-je vous demander quelle était

 11   l'appartenance ethnique de ces personnes, de ces détenus qui ont été passés à

 12   tabac et/ou tués ?

 13   R.  C'étaient des Musulmans.

 14   Q.  Monsieur, compte tenu de ce que vous avez observé et vécu dans le camp de

 15   Susica, pourquoi pensez-vous que des Bosno-Musulmans ont été détenus, frappés

 16   et/ou tués dans le camp de Susica ?

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stojanovic.

 18   M. STOJANOVIC : [interprétation] Le témoin, pour répondre à la question telle

 19   qu'elle a été formulée, devra se livrer à des conjectures.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame d'Ascoli, veuillez reformuler votre

 21   question, s'il vous plaît, de telle sorte que nous sachions sur quels faits le

 22   témoin doit répondre, quelque qu'eut été son avis à l'époque.

 23   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur, pendant votre détention au camp de Susica, compte tenu des

 25   passages à tabac, des meurtres et de ce que vous avez observé, ce qui arrivait

 26   aux détenus bosno-musulmans, avez-vous pu avoir une idée ou est-ce que vous

 27   étiez au courant des raisons pour lesquelles ceci se produisait ainsi ?

 28   R.  C'est tout simplement tous les passages à tabac infligés à un groupe de


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  1   personnes, toute cette torture qui nous était infligée par nos voisins. Jusqu'à

  2   ce jour, personne ne pouvait véritablement comprendre cela. Personne n'était

  3   coupable de rien. Et je vivais dans ma propre maison. On m'a fait sortir de ma

  4   maison et on m'a emmené là-bas, et la même chose est arrivée à mes voisins.

  5   Malheureusement, ces personnes qui ont été tuées ne sont plus parmi nous. Et ces

  6   personnes ont été accusées de toutes sortes de choses. L'une d'entre elles avait

  7   été accusée d'avoir fabriquer des couteaux et d'autres de s'être livrées à la

  8   contrebande. Mais étant donné qu'ils ne pouvaient pas se déplacer, je ne vois

  9   pas comment ils auraient pu faire la contrebande de quoi que ce soit. Ainsi que

 10   la personne qui avait été accusée d'avoir fabriqué des couteaux, à quel moment

 11   aurait-elle fabriqué ces couteaux ? Donc il suffisait de faire porter la faute

 12   pour quelque chose et, à ce moment-là, la personne en question subissait ce

 13   qu'elle subissait.

 14   Q.  Vous avez déjà dit que les motifs de votre détention ne vous ont jamais été

 15   fournis. Et d'après ce que vous savez, est-ce que les personnes qui étaient

 16   détenues dans ce camp savaient pourquoi elles étaient détenues ?

 17   R.  Non. A une occasion, ils sont venus nous dire que nous allions être échangés

 18   contre les Serbes qui étaient détenus et qui broutaient, comme ils le disaient,

 19   de l'herbe dans le stade de Tuzla. Nous avons reçu les mêmes informations à

 20   Batkovic une fois, même si nous n'avons jamais su ou découvert quelles étaient

 21   les raisons de notre détention.

 22   Q.  Monsieur, je vais maintenant passer à votre détention à Batkovic. Vous y

 23   avez été transféré le 30 juin 1992 et vous avez ensuite passé plus d'une année

 24   dans ce camp. Pourriez-vous nous dire environ combien de personnes étaient

 25   détenues à cet endroit-là ? Est-ce que vous pouvez nous fournir une estimation

 26   des personnes détenues dans le camp de Batkovic ?

 27   R.  Lorsque le camp de Batkovic a été créé, le premier groupe est venu de

 28   Vlasenica le 27; le deuxième groupe le 28; et moi, je suis arrivé avec le


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  1   troisième groupe le 30 juin. A Vlasenica, il y avait entre 500 et 550 personnes,

  2   500 étaient déjà arrivés à Batkovic lorsque je suis arrivé là et un groupe est

  3   resté à Vlasenica. Après quoi, il y a eu des personnes qui sont arrivées de la

  4   municipalité de Zvornik, de la municipalité de Brcko, de la municipalité de

  5   Lopare, Lovik [phon], ainsi que d'une région de la municipalité de Rogatica.

  6   Aujourd'hui, mon estimation consisterait à dire que nous étions 

  7   3 500 si nous étions à plein régime, si je puis dire.

  8   Q.  Connaissiez-vous beaucoup de personnes détenues à 

  9   Batkovic ?

 10   R.  Les personnes qui sont arrivées de Vlasenica, je les connaissais. Je

 11   connaissais 90 % de toutes ces personnes.

 12   Q.  Je souhaite maintenant vous montrer un document.

 13   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je demande au représentant du Greffe de bien

 14   vouloir afficher le P191, s'il vous plaît. Le document P191, s'il vous plaît.

 15   Q.  Il s'agit d'une photocopie d'une liste des personnes qui ont été détenues à

 16   Batkovic et qui est certifiée conforme en date --

 17   L'INTERPRÈTE : Inaudible. Le 30 juin, peut-être.

 18   Mme D'ASCOLI : [interprétation] -- par le tribunal de première instance de

 19   Bijeljina comme étant un document qui est identique au document d'origine. Et

 20   pour ce qui est de chaque nom, il énumère le nom de famille, le nom du père, le

 21   prénom, le lieu et la date de naissance, le lieu de domicile, l'heure d'arrivée,

 22   le centre de rassemblement, date et heure du départ du centre de rassemblement.

 23   Q.  Monsieur Osmanovic, avez-vous eu la possibilité de revoir dans le détail ce

 24   document lorsque vous avez préparé votre 

 25   déposition ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Vous souvenez-vous avoir vu sur ce document des noms que vous avez reconnus,

 28   qui était des noms de personnes qui étaient détenues en même temps que vous à


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  1   Batkovic ?

  2   R.  Oui.

  3   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à la page 138 du

  4   document d'origine, s'il vous plaît.

  5   Q.  Monsieur, pourriez-vous regarder la mention numéro 21, s'il vous plaît.

  6   R.  C'est mon nom et mon nom de famille. Mon prénom et mon nom de famille.

  7   Q.  Monsieur, vous avez également dit avoir reconnu, lorsque vous avez passé en

  8   revue cette liste assez longue, que vous avez pu reconnaître le nom d'autres

  9   personnes énumérées sur cette liste parce que ces personnes étaient détenues en

 10   même temps que vous à Batkovic. Je vais simplement citer un ou deux exemples.

 11   Par exemple, dans votre déclaration vous parlez d'un homme qui s'appelait Fadil

 12   Halilhodzic, aux paragraphes 60 et 62 du P207. Cette personne avait été choisie

 13   et a été passée à tabac à plusieurs reprises, il appartenait à un groupe que

 14   l'on appelait prisonniers spéciaux, parce qu'on les faisait souvent sortir pour

 15   les passer à tabac. Vous souvenez-vous avoir vu son nom sur la liste ?

 16   R.  Oui.

 17   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, Messieurs les

 18   Juges, il s'agit de la mention numéro 38 de la page 3 du document d'origine, le

 19   P191.

 20   Q.  Monsieur, un peu plus loin dans votre déclaration, au paragraphe 39 du P207,

 21   vous parlez également de quelqu'un qui répond au nom de Reuf Rasidagic, qui a

 22   été battu par Dragan Nikolic quatre ou cinq fois et qui a supplié Nikolic de le

 23   tuer. Vous souvenez-vous avoir vu son nom sur la liste ?

 24   L'INTERPRÈTE : Sevad Saric [phon], précision de l'interprète.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Rasidagic, Reuf. Il a été passé à tabac - il n'a

 26   pas été tué - par Dragan Nikolic dans le camp de Susica. Il l'a frappé avec le

 27   pied, il l'a frappé avec la crosse de son fusil, et il lui a dit : Mens-moi, et

 28   dis-moi quand tu a été au cinéma pour la dernière fois. C'est cher de dépenser


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  1   une balle en te tirant dessus. C'est trois marks la balle. Dis-moi simplement où

  2   est ton frère. Et c'est la raison pour laquelle il le frappait. Et Reuf est

  3   arrivé vivant.

  4   Q.  Et vous souvenez-vous avoir vu son nom également sur cette liste ?

  5   R.  Oui, je m'en souviens.

  6   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Et aux fins du compte rendu d'audience, il

  7   s'agit de la mention numéro 18 de la page 151 du document d'origine, P191.

  8   Et pour finir, est-ce que nous pourrions regarder la page 164 du document

  9   d'origine, s'il vous plaît. Est-ce que nous pouvons regarder la mention numéro

 10   98.

 11   Q.  Monsieur, pourriez-vous me dire si vous reconnaissez ce nom au regard du

 12   numéro 98 ?

 13   R.  Smajic Age de Bijeljina a été frappé à mort à Batkovic.

 14   Q.  Merci, Monsieur.

 15   Mme D'ASCOLI : [interprétation] J'en ai terminé.

 16   Q.  Monsieur Osmanovic, au paragraphe 61 du P107 [comme interprété], et ensuite

 17   de façon plus importante dans votre déclaration de 1995, qui est le P108 [comme

 18   interprété], vous parlez de trois détenus qui étaient censé être des

 19   participants volontaires aux passages à tabac d'autres détenus, qui avaient

 20   l'habitude de frapper les détenus en l'absence ou non des gardes. 

 21   Comment les gardes ont-ils réagi lorsqu'ils voyaient des passages à tabac de

 22   certains détenus sur d'autres détenus ?

 23   R.  Ils riaient et ils étaient d'accord.

 24   Q.  Et est-ce qu'ils ont fait quelque chose à ce sujet ?

 25   R.  Pour les arrêter ? Non.

 26   Q.  Et, d'après ce que vous savez, est-ce qu'un des gardes ou un représentant

 27   officiel de la prison a suggéré l'idée que quelqu'un serait puni pour avoir

 28   participé aux passages à tabac d'autres détenus ?


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  1   R.  Je ne sais rien à ce sujet.

  2   Q.  Monsieur, et, encore une fois, pour ce qui est du camp de Batkovic, dans

  3   certains paragraphes de votre déclaration, aux paragraphes 54 à 64 [comme

  4   interprété], par exemple, vous parlez d'incidents au cours desquels des hommes

  5   sont sortis du hangar, on les a fait sortir, on les a passés à tabac; ainsi

  6   qu'au paragraphe 57 de votre déclaration de 1994, ou plutôt 1995 [comme

  7   interprété], vous dites qu'un homme, Semerovic [comme interprété] est décédé

  8   suite à ces passages à tabac.

  9   Compte tenu de ce que vous avez vu et ce que vous avez pu observer dans ce camp,

 10   est-ce que vous diriez que les passages à tabac étaient fréquents dans le camp

 11   de Batkovic ?

 12   R.  Les passages à tabac avaient lieu tous les jours. C'était comme un repas

 13   quotidien pour un certain groupe d'hommes, un groupe spécial.

 14   Q.  Et quelle était l'appartenance ethnique des personnes qui ont été passées à

 15   tabac et/ou tuées ?

 16   R.  C'étaient des Musulmans et des Croates. Des Croates sont arrivés une fois

 17   que le camp de Brcko avait été fermé. Avant cela, il n'y avait que des

 18   Musulmans.

 19   Q.  Quelle était l'atmosphère dans le camp ? Aviez-vous peur ?

 20   R.  Il y régnait un climat de peur. Tout le monde avait peur et craignait pour

 21   sa vie.

 22   Q.  Monsieur, je souhaite également vous poser des questions au sujet de votre

 23   famille.

 24   Avez-vous perdu des membres de votre famille en 1992 et 1993 après la

 25   prise de contrôle de la ville de Vlasenica ?

 26   R.  Oui. J'ai perdu trois membres de ma famille, de ma famille proche, et au

 27   total 36 membres de ma famille élargie.

 28   J'ai perdu deux frères et une sœur. Ma sœur avait 16 ans. Elle a été


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  1   brûlée à mort. On l'a retrouvée à Pelemis dans la municipalité de Sekovici. Il

  2   n'y restait que 7 % de sa dépouille.

  3   Mon plus jeune frère a été trouvé dans le secteur de Kecani [phon] dans la

  4   municipalité de Vlasenica. Trois fosses communes ont été découvertes, et sa tête

  5   a été retrouvée 25 kilomètres plus loin.

  6   Pour ce qui est de mon frère aîné, on n'a encore rien retrouvé jusqu'à ce

  7   jour. Je ne retrouve aucune trace.

  8   Donc il s'agit de membres de ma famille, de chez-moi. Et mon oncle

  9   maternel est porté disparu également.

 10   Q.  Pourriez-vous me donner le nom de votre jeune sœur qui avait 16 à l'époque ?

 11   R.  Ferida.

 12   Q.  Et pourriez-vous préciser les circonstances sur ce qui est arrivé, si vous

 13   le savez ?

 14   R.  Mon père était dans le camp et nos sœurs ont été envoyées à Cerska. C'était

 15   une enfant, et elle s'est perdue dans les bois et elle s'est perdue dans le

 16   secteur où il y avait les positions serbes. Et ensuite, on l'a ramenée au camp

 17   de Susica. Et donc, les dernières traces l'ont conduit à Pelemis dans la

 18   municipalité de Sekovici, et elle a été retrouvée cette année. Elle a été

 19   ensevelie le 24 -- ou, plutôt, un enterrement musulman au cimetière des martyrs

 20   a eu lieu. Il ne restait que 7 % de sa dépouille, malheureusement. Tout le reste

 21   avait été calciné.

 22   A cet enterrement, la plupart des personnes qui ont été inhumées étaient

 23   des jeunes filles, et aucune n'avait atteint l'âge de 18 ans.

 24   Q.  Je souhaite préciser le compte rendu d'audience. Je constate que son nom a

 25   été consigné comme étant Ferid.

 26   Pourriez-vous répéter son prénom, s'il vous plaît.

 27   R.  Ferida.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que le témoin a dit qu'il ne restait


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  1   que 7 % de ses restes, par opposition à la page 90, ligne 23.

  2   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

  3   Q.  Pourriez-vous donner aux Juges de la Chambre le nom de votre frère cadet

  4   ainsi que le nom de votre frère aîné, s'il vous plaît ?

  5   R.  Hajrudin, mon frère cadet, était encore à Susica lorsque je n'y étais plus.

  6   Il est né en 1967. Et puis, mon frère aîné, marié à Dragica Sokic, une femme

  7   serbe, eh bien, il est né en 1962. Et la dernière fois que je l'ai vu c'était

  8   lorsque j'ai été emmené à Batkovic.

  9   Q.  Vous avez mentionné le fait que votre frère cadet est resté à Susica après

 10   votre départ. Combien de membres de votre famille ont été détenus au camp de

 11   Susica, si jamais il y en a eu qui l'ont été ?

 12   R.  Parmi mes proches, mon frère Hakija, qui a épousé une Serbe, qui devait se

 13   présenter toutes les 24 heures au poste de police et qui a été détenu au poste

 14   de police. D'ailleurs, le reste de la famille, tous les autres membres de la

 15   famille ont été détenus au camp de Susica.

 16   Q.  A-t-on jamais retrouvé les restes de votre frère cadet ?

 17   R.  Oui, à trois endroits différents, et ses restes ont été inhumés.

 18   Q.  Connaissez-vous le nom de ces sites ? Est-ce que vous avez pris part à

 19   l'identification des restes ?

 20   R.  C'est le site de Kljestani 1 et Kljestani 2. J'ai pris part à

 21   l'identification là, et également j'ai pris part à la recherche et à

 22   l'identification -- ou plutôt, à la recherche des restes de ma sœur.

 23   Q.  Pourriez-vous décrire aux Juges de la Chambre votre vécu, donc le fait

 24   d'avoir perdu autant de membres de votre famille et le fait d'avoir été détenu.

 25   Quelle incidence est-ce que cela a eu sur vous ?

 26   R.  C'est la chose la plus difficile que de perdre ses proches. Il est facile de

 27   chercher ceux qui ne font pas partie de notre famille. Mais chercher dans les

 28   restes de quelqu'un qui nous est très proche, qui est né de la même mère, c'est


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  1   très difficile. Notre sœur avait 16 ans. On l'a brûlée. Il n'en reste que quatre

  2   fragments d'os. Il est très difficile d'en parler.

  3   Et ce que j'ai trouvé tellement difficile c'était de ne pas trouver. La

  4   recherche en tant que telle n'est pas aussi difficile que le fait de ne pas

  5   aboutir. J'ai réussi à retrouver deux de mes proches au bout de temps, et je ne

  6   sais pas si je vais pouvoir retrouver les restes du troisième.

  7   Q.  Je vous remercie, Monsieur Osmanovic.

  8   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Il me reste une photo aérienne du camp de

  9   Susica. Je souhaiterais utiliser cela pour montrer le camp. La photo est déjà

 10   versée au dossier, mais je voudrais que le témoin apporte quelques annotations.

 11   Mais je vois l'heure; sinon, il ne me reste plus rien dans le cadre de mon

 12   interrogatoire.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je propose que l'on fasse cela demain.

 14   Monsieur Osmanovic, vous ne devez parler à personne de votre déposition, de ce

 15   que vous avez dit dans le cadre de votre témoignage aujourd'hui, ni de ce que

 16   vous allez aborder demain.

 17   Est-ce que vous comprenez cela ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est clair, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et revenez, s'il vous plaît, dans ce même

 20   prétoire demain matin à 9 heures 30. Vous pouvez partir maintenant. M.

 21   l'Huissier va vous escorter.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 23   [Le témoin quitte la barre]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une remarque. Je m'adresse à vous, Madame

 25   D'Ascoli, mais cela est déjà arrivé à d'autres représentants du bureau du

 26   Procureur. Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, faire bien attention

 27   lorsque le témoin vous répond. Vous avez demandé au témoin si les restes de son

 28   frère cadet étaient retrouvés, mais juste deux minutes avant cela, il nous avait


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  1   parlé de la tête qui a été retrouvée à 27 kilomètres du reste. Donc c'est

  2   quelque chose qui ravive ses souvenirs douloureux.

  3   Je comprends que si vous souhaitez connaître les sites des charniers, que

  4   vous devez poser la question sur les noms des localités, mais lui demander où

  5   ont été retrouvés les restes, eh bien, cela pouvait peut-être apparaître au

  6   témoin comme si vous ne l'aviez pas bien écouté.

  7   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je vous présente mes excuses.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous levons l'audience, nous reprendrons

  9   demain, vendredi le 21 septembre, à 9 heures 30, dans ce même prétoire.

 10   --- L'audience est levée à 14 heures 16 et reprendra le vendredi 21 septembre

 11   2012, à 9 heures 30.

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