Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 10311

  1   Le jeudi 25 avril 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 35.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  6   Madame la Greffière d'audience, veuillez citer l'affaire, je vous prie.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

  8   Il s'agit de l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière

 10   d'audience.

 11   Et j'aimerais dans un premier temps informer tout un chacun que pour des

 12   raisons personnelles et urgentes, M. le Juge Fluegge n'est toujours pas en

 13   mesure de siéger aujourd'hui, et comme nous l'avons déjà indiqué hier, les

 14   Juges estiment qu'il va dans l'intérêt de la justice de continuer à

 15   entendre cette affaire, en application de l'article 15 bis. Qui plus est,

 16   j'aimerais vous dire que s'il y a encore quelque problème de son, ce qui

 17   serait possible si certains microphones sont branchés en même temps, il

 18   faut savoir que tout le monde est en train d'essayer de trouver une

 19   solution à ce problème, qui n'est toujours pas réglé.

 20   Est-ce que vous rappelez-vous faire entrer le témoin, je vous prie, si vous

 21   n'avez pas d'autres interventions.

 22   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 23   [Le témoin vient à la barre]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Van Duijn.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais vous rappeler que vous êtes

 27   toujours tenu de respecter la déclaration solennelle que vous avez

 28   prononcée au début de votre déposition.


Page 10312

  1   Monsieur McCloskey.

  2   M. McCLOSKEY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Et merci.

  3   Nous sommes prêts.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, je vous en prie, c'est à vous.

  5   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je vous remercie.

  6   LE TÉMOIN : LEENDERT VAN DUIJN [Reprise]

  7   [Le témoin répond par l'interprète]

  8   Interrogatoire principal par M. McCloskey : [Suite]

  9   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 10   R.  Bonjour.

 11   Q.  Je souhaiterais que nous parlions brièvement de Potocari, nous avons

 12   compris que le 12 et le 13 vous y avez travaillé, ce sont les jours où les

 13   réfugiés ont été transportés. Et je vais bientôt vous montrer un extrait

 14   vidéo et je sais que vous vous en souviendrez cela a été filmé le 13 vous

 15   figurez d'ailleurs sur cet extrait vidéo. Mais dans un premier temps est-ce

 16   que vous pourriez nous dire en quoi consistait à Potocari votre travail, le

 17   12 et le 13 ?

 18   R.  Le 12 et le 13, fondamentalement je dirigeais les soldats néerlandais

 19   qui se trouvaient à l'extérieur de la base. Les autres soldats et les

 20   officiers étaient retournés à la base à Potocari, et lorsque je suis revenu

 21   des positions d'arrêt, fondamentalement avec mes soldats je me suis

 22   positionné entre les réfugiés. Et après la chute de l'enclave lorsque les

 23   soldats serbes sont arrivés auprès de nos positions, j'ai commencé à

 24   diriger les soldats néerlandais, à aider les réfugiés et à les aider en

 25   fait dans la mesure où cela était possible.

 26   Q.  Et avez-vous assisté à la séparation des hommes en âge de porter les

 27   armes, des hommes plus âgés et des jeunes hommes de leurs familles

 28   effectuée par les forces serbes à Potocari ?


Page 10313

  1   R.  Oui, oui. Pendant la séparation, en fait, nous étions là, nous avons vu

  2   comment les soldats serbes ont séparé les hommes en bonne condition

  3   physique des autres réfugiés.

  4   Q.  Et quels efforts avez-vous déployé vous et vos hommes pour essayer

  5   d'élucider un tant soit peu les problèmes ou la pression imposée par cette

  6   séparation ?

  7   R.  Mes soldats ont essayé d'aider dans la mesure de leurs moyens, on fait

  8   en sorte que les gens restent debout, évitent pour faire en sorte que les

  9   gens évitent de tomber du fait de la chaleur, du surencombrement et de

 10   situations particulières. Et moi-même, j'ai parlé aux commandants serbes et

 11   j'ai essayé de les convaincre de laisser les hommes ou les garçons plus

 12   jeunes, et à mon avis, les hommes qui étaient beaucoup trop âgés, qui ne

 13   pouvaient pas être des soldats, donc, et essayez de faire en sorte qu'on

 14   puisse les laisser partir avec leurs familles, pour qu'ils puissent rester

 15   avec leurs familles.

 16   Q.  Est-ce que vos efforts ont été couronnés de succès lorsqu'il s'agit par

 17   exemple d'empêcher la séparation des garçons plus jeunes et des hommes plus

 18   âgés ?

 19   R.  Je dois qu'à chaque fois, que j'ai essayé de les convaincre; cela a

 20   porté ces fruits. Ce qui fait que ces hommes ont pu rester avec leurs

 21   familles ou ces garçons en tout cas n'ont pas été séparés, ont pu rester

 22   avec leurs familles. Mais, bien entendu, il y a eu des incidents, des zones

 23   d'ombre, des zones d'ombre que je continue, qui font partie en fait du vécu

 24   que j'ai transporté avec moi aujourd'hui lorsque je n'ai pas m'opposer ou

 25   demandé aux commandants serbes de laisser partir ces hommes.

 26   Et fondamentalement pour répondre à votre question, chaque fois que je leur

 27   ai demandé, essayé de les convaincre pour que ces hommes puissent rester,

 28   cela a fonctionné.


Page 10314

  1   Q.  Alors maintenant --

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais poser, Monsieur McCloskey une

  3   question supplémentaire.

  4   Combien de temps avez-vous fait cet effort, Monsieur, combien de temps est-

  5   ce que cela a été couronné de succès, cinq fois, 20 fois, 100 fois ? Est-ce

  6   que vous pourriez peut-être nous donner une indication à ce sujet ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous savez, il est très difficile pour fournir

  8   ce type d'estimation, Monsieur le Président, mais bon je dirais entre 50 à

  9   100 fois par jour ou pour cette journée.

 10   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation] 

 11   M. McCLOSKEY : [interprétation]

 12   Q.  Alors nous allons maintenant nous intéresser au 13 juillet, et au

 13   document P1147. Il s'agit de la vidéo de Srebrenica. Et nous allons

 14   visionner à partir de l'arrêt ou du point 05 : 41 jusqu'à 07 : 00. Et de

 15   temps à autres, je vais interrompre pour vous poser une question.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   M. McCLOSKEY : [interprétation]

 18   Q.  Est-ce que vous savez qui est ce jeune homme qui porte ce béret bleu ?

 19   R.  Cela fait très longtemps de cela, mais oui, je le reconnais, c'est moi-

 20   même.

 21   Q.  Alors nous allons poursuivre.

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   M. McCLOSKEY : [interprétation] Nous avons fait un arrêt sur image 06 : 07

 24   : 5.

 25   Q.  Cette personne dont nous voyons le côté du visage et qui étend le bras

 26   vers vous, et qui porte un uniforme de camouflage ou en tout cas une veste

 27   de camouflage, comment est-ce que ou sous quel nom est-ce que vous

 28   connaissiez cette personne ?


Page 10315

  1   R.  Il s'agit du commandant serbe que je connaissais sous le nom de Mane.

  2   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire brièvement en quoi consistaient vos

  3   échanges avec lui, ce jour-là.

  4   R.  Au cours de ces deux jours, parce que, là, il s'agit du deuxième jour,

  5   du 13, mais cela est valable pour le 12 également, il a indiqué de façon

  6   très, très claire qu'il était le commandant sur le terrain. Et en fait,

  7   c'était lui qui me disait quand allaient arriver les autocars, combien

  8   d'autocars allaient arriver, quand est-ce que les réfugiés pouvaient

  9   essayer de monter à bord des autocars. Et le 12, j'avais en fait pris des

 10   mesures avec lui, il s'agissait plutôt d'un accord, bon vous ne pouvez pas

 11   le voir sur cet extrait, mais il faut savoir que la majorité des réfugiés

 12   étaient déjà partis. Au début, il y avait un groupe important de réfugiés,

 13   et les soldats des Nations Unies se trouvaient parmi ces réfugiés, les

 14   aidaient, et à une vingtaine de kilomètres se trouvaient les soldats

 15   serbes. Et j'ai fait, j'ai passé en quelque sorte un accord avec Mane pour

 16   que les soldats serbes n'aillent pas au milieu des réfugiés, parce que

 17   nous, soldats des Nations Unies, nous nous trouvions au milieu de cette

 18   foule.

 19   Q.  Et est-ce qu'il a été identifié, est-ce qu'il vous a dit qui était son

 20   commandant à ce moment-là ?

 21   R.  Il m'a dit que son commandant, en fait je ne connais que son surnom. Le

 22   surnom est Stalin.

 23   Q.  Bien.

 24   M. McCLOSKEY : [interprétation] Pour ce qui est des indications et des

 25   photographies, nous nous en remettons à la déclaration en application de

 26   l'article 92 ter.

 27   Et nous allons poursuivre le visionnage de cet extrait vidéo.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]


Page 10316

  1   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  2   M. McCLOSKEY : [interprétation] Bien. Alors nous nous sommes arrêtés au

  3   point 06 : 45 : 7.

  4   Q.  Et j'aimerais maintenant ou aborder avec vous un autre thème qui avait

  5   lien avec cela. Est-ce que vous avez eu des contacts personnels avec le

  6   général Mladic lors de ces deux jours où vous vous êtes trouvé à Potocari ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire, et je fais appel à votre mémoire,

  9   aux détails qu'elle aura retenus, si ce qu'il disait, ce qu'il vous a dit,

 10   ce qu'il a dit aux autres personnes qui se trouvaient avec vous, prenez le

 11   temps et décrivez-nous du mieux que vous pouvez vos souvenirs.

 12   R.  La première conversation que j'ai eue avec le général Mladic a été une

 13   conversation assez générale, qui a porté sur de nombreux sujets : Le temps,

 14   le sport, ou les sports, la situation, est-ce que j'étais un officier, un

 15   commandant du Bataillon néerlandais se trouvant sur ces lieux. Et puis cela

 16   a évolué progressivement. Il m'a demandé de quel pays je venais. Je dois

 17   dire que cette question m'a surpris, parce que je pensais qu'il était

 18   absolument évident que je viens des Pays-Bas et que le Bataillon

 19   néerlandais venait des Pays-Bas. Mais, par la suite, j'ai compris pourquoi

 20   le général Mladic m'a posé cette question, parce qu'à deux mètres de la

 21   position où je me trouvais, où je parlais au général Mladic, il y avait

 22   quelques soldats néerlandais qui faisaient une pause, qui buvaient de

 23   l'eau, juste le long de ma route, sur le bas côté. Il a commencé à montrer

 24   du doigt ces soldats, l'un après l'autre en me demandant s'ils étaient

 25   également des Pays-Bas. Il a dit Holandija. Donc il m'a dit : "Est-ce que

 26   celui-ci vient également de Hollande" ? Bon ils étaient tous, il s'agissait

 27   tous de soldats très Néerlandais au physique, très néerlandais, race

 28   [inaudible], et le dernier soldat en fait avait une peau très basanée. Je


Page 10317

  1   ne sais pas d'où il venait, mais le fait est que c'était un de nos soldats.

  2   Donc c'était un homme de couleur, et le général Mladic m'a demandé au

  3   moment où il m'a montré ce soldat, il ne m'a pas demandé d'où il venait. Et

  4   il m'a dit ce type : "Est-ce qu'il vient d'Éthiopie ?" Et je lui ai

  5   expliqué qu'il était également soldat néerlandais, et que nous étions une

  6   société extrêmement multiraciale aux Pays-Bas, et que cela fonctionnait, et

  7   que ce soldat était également un soldat néerlandais.

  8   Alors le général Mladic m'a dit qu'il pensait que c'était un énorme

  9   problème pour les Pays-Bas, que cette société multiraciale néerlandaise. Et

 10   il m'a dit, et nous étions à l'époque en 1995, il a dit dans dix ans -- il

 11   m'a dit que dix ans, il serait aux Pays-Bas avec ses soldats pour aider les

 12   Néerlandais et les protéger --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mladic, veuillez rester assis.

 14   C'est ma dernière mise en garde. Si vous souhaitez consulter votre conseil

 15   --

 16   Maître Lukic. Maître Lukic.

 17   M. Mladic doit rester debout [comme interprété] et -- il se remet debout,

 18   il devra sortir du prétoire. M. Mladic exprime son accord ou son désaccord.

 19   Il l'exprime par la gestuelle de son visage, et puis, lorsqu'il n'est pas

 20   d'accord, il se met debout et demande une consultation avec vous.

 21   Alors, vous savez que nous faisons quand même preuve d'une certaine

 22   souplesse pour ce qui est des consultations avec les conseils, mais nous

 23   avons déjà dit qu'elles ne pouvaient avoir que pendant les pauses.

 24   Monsieur Mladic, je vous demanderais d'attendre que j'aie terminé.

 25   Je disais donc que ces consultations ont lieu à deux conditions. A

 26   condition, premièrement, que M. Mladic reste assis et, deuxièmement, il

 27   peut s'exprimer, mais à voix basse pour que personne dans ce prétoire ne

 28   puisse entendre ce qu'il dit, ce qui sera fait s'il chuchote; sinon, les


Page 10318

  1   consultations sont limitées au temps de pause.

  2   Cela s'est passé à plusieurs reprises. J'ai déjà mis en garde M. Mladic à

  3   plusieurs reprises, je lui ai demandé de ne pas se lever parce que cela

  4   peut avoir des conséquences ou un effet très intimidant, et la Chambre

  5   n'accepte absolument pas cela.

  6   Si M. Mladic souhaite maintenant vous consulter, à ces deux conditions - à

  7   savoir, il reste assis et il chuchote - vous avez la possibilité de

  8   l'entendre maintenant.

  9   [La Chambre de première instance se concerte]

 10   [Le conseil de la Défense se concerte]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'entends M. Mladic. Il faut qu'il parle

 12   à voix plus basse, sinon, il devra attendre la pause pour ce faire.

 13   Monsieur Van Duijn, nous allons reprendre le fil de votre déposition. Vous

 14   étiez en train de nous parler de votre conversation avec M. Mladic, et vous

 15   étiez en train de nous dire qu'il vous avait dit que, dans dix ans, il

 16   serait aux Pays-Bas pour aider les Néerlandais à les protéger de …

 17   Pouvez-vous reprendre donc vos propos.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'a dit qu'il serait aux Pays-Bas dans dix

 19   ans pour protéger les Néerlandais des autres races et des Musulmans

 20   également, et je lui ai dit que je n'étais pas d'accord avec lui.

 21   M. McCLOSKEY : [interprétation]

 22   Q.  Comment est-ce que vous avez pu communiquer de façon si détaillée avec

 23   le général à ce moment-là ?

 24   R.  Lors de cette conversation, son interprète -- ou plutôt, l'interprète

 25   serbe, a fait l'intermédiaire entre le général Mladic et moi-même.

 26   Q.  Et est-ce que vous pouvez décrire les autres contacts et communications

 27   ou échanges que vous avez eus personnellement avec le général Mladic ce

 28   jour-là ?


Page 10319

  1   R.  Plus tard ce même jour, il y a eu un incident, cela m'a été relaté et

  2   j'ai également entendu qu'une femme avait un comportement hystérique et, à

  3   ce moment-là, j'ai fait appel à mon interprète musulman, qui était

  4   d'ailleurs l'interprète pour la Compagnie Bravo, à ce moment-là le

  5   capitaine Groen était déjà reparti à la base de Potocari. Mais l'interprète

  6   était resté et m'a aidé toute la journée. Donc grâce à l'aide de cet

  7   interprète, j'ai entendu que cette femme commençait à avoir un comportement

  8   hystérique parce qu'elle avait ses cinq enfants dans la foule. Et elle

  9   pensait que ses cinq enfants se trouvaient toujours dans cette foule, à

 10   l'arrière par rapport à là où elle se trouvait. Donc, à ce moment-là, nous

 11   avons arrêté le flux des réfugiés vers les autocars et les camions, et elle

 12   a constaté que ses cinq enfants se trouvaient déjà à bord du camion,

 13   c'était l'un des derniers camions du convoi, et que le convoi avait déjà

 14   commencé à partir. Donc nous avons empêché les réfugiés de continuer à se

 15   déplacer, elle était au milieu des réfugiés et elle a commencé à hurler et

 16   elle voulait en fait se frayer un chemin à travers la foule. Donc nous

 17   l'avons aidée à sortir de la foule et par l'intermédiaire de l'interprète

 18   j'ai entendu son histoire et ce qu'elle avait à raconter. Et donc, à ce

 19   moment-là, nous avions toujours cet accord qui avait été conclu avec Mane,

 20   nous, nous étions entre les réfugiés et les autocars, à savoir à une

 21   cinquantaine de mètres de la route où il n'y avait personne. Et puis à côté

 22   des autocars, les soldats serbes se trouvaient là et c'est également là en

 23   fait qu'ils séparaient les hommes.

 24   Donc il y avait également un autre accord tacite suivant lequel les soldats

 25   néerlandais ne pouvaient pas passer où aller jusqu'à ce côté. Pour moi, il

 26   était absolument évident que je souhaitais réunir cette femme avec ses cinq

 27   enfants, donc j'ai demandé à l'interprète s'il pouvait m'aider. Et là, j'ai

 28   vu le général Mladic qui se trouvait à côté des autres soldats serbes, donc


Page 10320

  1   dans cette zone où je voulais placer la femme dans l'un des camions, et

  2   comme je l'ai déjà, donc ils avaient déjà commencé à partir. Et je savais

  3   que c'était la seule personne qui pouvait empêcher que l'on me tire dessus

  4   parce que, dans un sens, j'étais en train plus ou moins de franchir ce qui

  5   correspondait à une frontière.

  6   Donc j'ai demandé à l'interprète d'aller trouver le général Mladic et de

  7   lui expliquer ce que je faisais, de lui expliquer que je ne faisais rien

  8   d'extraordinaire, de radical, et que je n'étais pas en train d'essayer de

  9   briser en quelque sorte l'accord tacite mais que j'essayais tout simplement

 10   de faire en sorte que cette femme puisse repartir près de ses enfants.

 11   Alors l'interprète musulman hésitait parce qu'il ne voulait pas aller

 12   trouver le général Mladic. Je peux comprendre tout à fait, je le

 13   comprenais, il était absolument terrifié. Mais je lui ai demandé de

 14   m'aider, je lui ai dit : Bon, bien moi de toute façon je vais y aller, donc

 15   si vous voulez m'aider vous pouvez le faire, aidez-moi s'il vous plaît.

 16   Mais je n'étais pas sûr qu'il allait le faire. Donc j'ai pris la femme avec

 17   moi, j'ai commencé à courir, je l'ai placée à bord du camion avec ses cinq

 18   enfants. Et lorsque je me suis retourné, j'ai vu que l'interprète était

 19   allé trouver le général Mladic et lui parlait. Et étant donné qu'on ne m'a

 20   pas tiré dessus, j'en ai conclu que l'interprète avait réussi à convaincre

 21   le général Mladic, à faire en sorte de calmer le jeu en fait.

 22   Et, bien entendu, ensuite, bon, je me suis rendu auprès de mon interprète

 23   et du général Mladic pour voir comment cette conversation évoluait, et par

 24   l'intermédiaire de mon interprète, le général Mladic a commencé à me dire

 25   qu'il pensait que j'étais complètement fou parce que j'essayais d'aider les

 26   réfugiés musulmans de cette façon, que j'étais complètement fou parce que

 27   j'étais à leur écoute, et en plus je lui avais envoyé un interprète

 28   musulman pour qu'il lui parle directement parce que, à ce moment-là, il


Page 10321

  1   n'avait pas tout à fait compris que l'interprète parlait en mon nom. Et il

  2   m'a dit, donc toujours en passant par l'intermédiaire de l'interprète

  3   musulman qu'ils tireraient -- qui l'abattrait sur le champ l'interprète si

  4   cela venait à se reproduire.

  5   Par ailleurs, il y avait aussi une sorte de jeu pervers que le

  6   général Mladic a commencé à jouer il a rapproché l'interprète près de lui,

  7   il lui a passé un bras autour des épaules, et il a tiré sur sa poitrine en

  8   me demandant si je reconnaissais mon interprète, que j'ai été interloqué,

  9   et j'ai répondu, Mais, bien sûr, c'est mon interprète, et il m'a dit : Non,

 10   vous avez tort. Cet homme qui se tient à côté de moi, c'est quelqu'un de

 11   bien, c'est un homme exemplaire, un Serbe et vous devriez le respecter. Et

 12   il m'a demandé si je le connaissais -- si je connaissais le général Mladic.

 13   J'ai répondu que : Bien sûr, je sais que vous êtes le général Mladic. Et

 14   ensuite il m'a dit : Non, je ne suis pas le général Mladic, je suis un

 15   Musulman. Tout ce qui me préoccupe dans la vie c'est de faire des bébés. Et

 16   puis il a ajouté quelque chose je ne me souviens plus du terme qu'il a

 17   utilisé mais c'était une injure, il a parlé de bâtard ou de quelque chose

 18   dans ce genre.

 19   Alors voilà ce qu'il s'est passé au cours de cette conversation. Et

 20   mon interprète musulman a été forcé d'interpréter toutes ces choses-là

 21   proférées par le général Mladic.

 22   Q.  Pour en finir, j'aimerais aborder brièvement un autre sujet.

 23   Vous avez dit tout à l'heure qu'à un moment donné vous avez pu voir des

 24   documents sur le terrain. Pourriez-vous nous dire à quel moment cela s'est

 25   produit et de quel type de document ou de matériel il s'agissait ?

 26   R.  Eh bien, après ce qui est représenté dans les extraits vidéo que nous

 27   venons de voir, la grande majorité des réfugiés est partie, et par

 28   conséquent, j'ai eu suffisamment de temps pour me concentrer sur d'autres


Page 10322

  1   questions, par exemple, sur un incident où était impliqué une citerne d'eau

  2   que les Serbes ont essayé de prendre avec eux alors que nous avions placé

  3   cette citerne à l'endroit où se trouvaient les personnes blessées, qui

  4   étaient aidés par les Médecins sans frontières.

  5   Alors, à cet endroit, j'ai entendu plusieurs personnes dire -- me parler de

  6   la situation qui prévalait près de ce qu'on appelait la "maison blanche".

  7   Cette maison blanche se trouvait juste en face de la grille d'entrée qui

  8   donnait l'accès à la base de Potocari, et ce qui posait problème devant

  9   cette maison blanche, c'est qu'il y avait trop d'hommes qui se voyaient

 10   séparés et détenus là-bas, et c'est pourquoi on m'a demandé d'aller voir ce

 11   qui s'y passait.

 12   Donc je suis allé à la maison blanche, et le commandant serbe, Mane suivi

 13   de son interprète m'a accompagné, nous étions sur la pelouse devant la

 14   maison, et là-bas, j'ai un grand nombre de passeports et de pièces

 15   d'identité et d'autres effets personnels qui étaient amoncelés en face de

 16   cette maison blanche.

 17   Q.  Et est-ce que vous avez fait des observations au sujet de ces documents

 18   à qui que ce soit ?

 19   R.  Eh bien, après avoir évalué la situation et après avoir compris que la

 20   maison était bondée d'hommes qui avaient été isolés des autres du reste des

 21   réfugiés, j'ai parlé avec Mane qui se trouvait aussi sur le lieu et je lui

 22   ai demandé pour quelles raisons ces hommes-là ne pouvaient pas garder leurs

 23   passeports, parce que auparavant il m'avait présenté un récit disant que

 24   ces hommes avaient été séparés des autres réfugiés parce qu'il s'agissait

 25   de procéder à des vérifications et voir s'ils étaient des criminels de

 26   guerre, donc il voulait vérifier leur liste pour s'en assurer

 27   Donc je lui ai demandé : Mais si un homme n'a pas sa pièce d'identité,

 28   comment pouvez-vous vous assurer de qui il s'agit ? Et ensuite, il a souri


Page 10323

  1   et il m'a dit que les hommes qui se trouvaient dans cette maison n'auront

  2   plus besoin de leurs documents.

  3   Et à ce moment-là, je me suis rendu compte qu'un sort sinistre leur était

  4   réservé.

  5   Q.  Merci d'être venu déposer au Tribunal.

  6   M. McCLOSKEY : [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur McCloskey.

  8   Maître Ivetic, êtes-vous prêt à contre-interroger le témoin ?

  9   M. IVETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Van Duijn, vous allez

 11   maintenant être contre-interrogé par Me Ivetic. Me Ivetic fait partie de

 12   l'équipe de la Défense de M. Mladic.

 13   Maître Ivetic, à vous.

 14   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 15   Contre-interrogatoire par M. Ivetic :

 16   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Van Duijn.

 17   R.  Bonjour, Monsieur Ivetic.

 18   Q.  Monsieur, avant de vous poser quelques questions, je vous conseille de

 19   vous concentrer sur les questions que je vous pose afin de fournir des

 20   réponses les plus précises possibles. Si jamais vous ne comprenez pas une

 21   question que je vous pose, veuillez me le signaler. Si vous avez compris

 22   ces instructions, nous pouvons commencer.

 23   R.  Tout est clair.

 24   Q.  Très bien. Alors, pour commencer, j'aimerais vous poser la question

 25   suivante : Avant d'être déployé dans l'enclave de Srebrenica en 1995, avez-

 26   vous reçu une formation; avez-vous suivi un cours concernant le cadre

 27   constitutionnel ou juridique en vigueur par la République socialiste

 28   fédérative de Yougoslavie ou la République socialiste de Bosnie-Herzégovine


Page 10324

  1   ?

  2   R.  La formation que j'ai suivie était plutôt de caractère militaire, bien

  3   sûr. Dans le cadre de cette formation, on tenait compte de la situation

  4   politique, mais l'accent n'était pas placé sur ces aspects politiques. À

  5   l'époque, j'avais le grade du commandant de section.

  6   Q.  Merci, Monsieur. Vous dites que l'entraînement que vous avez suivi

  7   avait plutôt un caractère militaire; est-ce que vous avez appris quelque

  8   chose sur la structure hiérarchique ou sur l'organigramme du système de la

  9   Défense territoriale ou de l'armée de la Republika Srpska ou de l'armée de

 10   la BiH ? Etiez-vous au courant des échelons hiérarchiques au sein de ces

 11   structures et de leurs modes de fonctionnement ?

 12   R.  Si mes souvenirs sont bons, nous avons reçu des informations de nature

 13   générale concernant ces structures militaires, mais notre formation s'est

 14   focalisée surtout sur la zone dans laquelle nous allions être déployés et

 15   sur les unités militaires que nous rencontrions, donc on nous a informés

 16   surtout au sujet de Srebrenica.

 17   Q.  Merci, Monsieur. Un autre élément de contexte avant de passer aux

 18   détails.

 19   Si j'ai bien compris en 1999, donc après votre déploiement en ex-

 20   Yougoslavie, vous avez été promu capitaine et vous avez servi comme

 21   officier chargé du renseignement au sein de l'armée néerlandaise royale.

 22   Ceci figure à la page 5 de la déclaration en vertu de l'article 92 ter,

 23   pièce P1154.

 24   Alors j'aimerais savoir si vous avez effectué des missions caractéristiques

 25   pour un officier chargé du renseignement pendant que vous étiez déployé à

 26   Srebrenica dans les rangs du Bataillon néerlandais ?

 27   R.  Non.

 28   Q.  Merci, Monsieur. Alors maintenant j'aimerais que vous nous en disiez un


Page 10325

  1   peu plus sur la formation que vous avez reçue et les instructions que vous

  2   avez reçues avant d'arriver à Srebrenica.

  3   Pour commencer, si j'ai bien compris en tant que commandant de section vous

  4   aviez 34 hommes qui vous étaient subordonnés ?

  5   R.  Je pense que vous venez de citer un chiffre exact, en effet.

  6   Q.  Et à l'époque, vous aviez 24 ans, tandis que la plupart des hommes sous

  7   votre commandement avaient entre 19 et 20 ans; ai-je raison de l'affirmer ?

  8   R.  Oui, je pense que vous évaluez la chose avec justesse.

  9   Q.  Ni vous ni les hommes qui vous étaient subordonnés n'aviez aucune

 10   expérience au niveau des combats, avant d'être arrivés à Srebrenica; ai-je

 11   raison de l'affirmer ?

 12   R.  Oui, c'est exact.

 13   Q.  Bon, avant d'arriver à Srebrenica, vous et les autres soldats de votre

 14   section, ainsi que tous les autres soldats du Bataillon néerlandais ont

 15   suivi une formation dans le cadre des préparatifs de cette mission, et

 16   cette formation a été mise sur pied par l'armée néerlandaise royale ?

 17   R.  En effet.

 18   Q.  Et pour que tout soit très clair, cette formation qui a été organisée

 19   par l'armée néerlandaise royale ne comprenait pas des éléments de formation

 20   caractéristiques pour les autres représentants de l'ONU, ne faisant pas

 21   partie de l'armée néerlandaise royale ?

 22   R.  Non, en effet.

 23   Q.  Alors, dans le cadre de cette formation, cette sur-mesure pour

 24   s'adapter à votre mission et qui a été organisée par l'armée néerlandaise

 25   royale avant votre déploiement à Srebrenica, on vous a fait une

 26   introduction générale sur le contexte historique et sur la façon dont

 27   l'enclave de Srebrenica a été mise en place; ai-je raison de l'affirmer ?

 28   R.  Oui, c'est exact.


Page 10326

  1   Q.  Et cette formation taillée sur mesure pour que vous puissiez vous

  2   acquitter votre mission comprenait aussi des instructions relatives à la

  3   résolution spéciale du Conseil de sécurité de l'ONU, et à l'accord sur le

  4   cessez-le-feu qui s'appliquait à l'enclave de Srebrenica ?

  5   R.  Oui, c'est exact.

  6   Q.  Un fois votre formation terminée, et une fois vos forces déployées à

  7   Srebrenica, en 1995, est-ce que en tant que membre du Bataillon

  8   néerlandais, vous avez compris que votre mission visait à faire respecter

  9   la résolution du Conseil de sécurité et l'accord sur le cessez-le-feu en

 10   vigueur dans l'enclave ?

 11   R.  Oui, c'est la façon dont nous avons compris notre mission.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, lorsque vous parlez de la

 13   résolution prise par le Conseil de sécurité, vous pourriez peut-être nous

 14   préciser quelle résolution vous avez à l'esprit.

 15   M. IVETIC : [interprétation] Il s'agit de la Résolution de 1993. Donc elle

 16   a été adoptée au moment où l'enclave a été mise en place. Je ne peux pas

 17   vous citer la cote du document au pied levé, mais nous allons l'étudier en

 18   détail et nous allons passer au crible toutes les instructions que ce

 19   monsieur a reçues au sujet de sa mission.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc la résolution a été adoptée en

 21   1993, l'année où l'enclave a été mise en place. Nous pouvons poursuivre.

 22   M. IVETIC : [interprétation] Il s'agit de la pièce P23.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P23.

 24   M. IVETIC : [interprétation] Oui, et qui porte la date du 8 mai 1993.

 25   Q.  Monsieur, j'aimerais maintenant que nous nous approfondissions un peu

 26   ce débat de nature très générale. J'aimerais maintenant me pencher sur la

 27   déposition que vous avez faite dans l'affaire Popovic, le 29 septembre 2006

 28   pour vérifier que tout ce qui figure dans le compte rendu d'audience est


Page 10327

  1   bien exact.

  2   M. IVETIC : [interprétation] Peut-on afficher, s'il vous plaît, le document

  3   1D898 de la liste 65 ter.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, vous m'avez référé à la

  5   pièce P23. Mais en fait cette pièce ne contient pas la résolution du

  6   Conseil de sécurité de l'ONU.

  7   Alors pour éviter tout malentendu, je vous signale qu'il faut être très

  8   précis quand on se réfère aux instruments juridiques.

  9   La pièce P23 est un accord passé entre M. Mladic et M. Halilovic au

 10   sujet de la démilitarisation. Nous avons penché brièvement sur ce document,

 11   hier, c'est un document où la FORPRONU servait de témoin au moment où

 12   l'accord a été passé, et en vertu de cet accord, un certain nombre de

 13   tâches ou de missions ont été confiées à la FORPRONU.

 14   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, mes questions se

 15   basent dans leur totalité sur les entretiens qui ont eu lieu avec ce

 16   témoin, et sur ses déclarations préalables qui nous ont été communiquées.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, si vous vous

 18   référez à la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, alors il est

 19   superflu de vous cacher derrière les autres pour en dissimuler votre

 20   erreur, parce que ce n'est pas du tout utile aux Juges de la Chambre.

 21   M. McCLOSKEY : [interprétation] Monsieur le Président, je vais peut-être

 22   pouvoir être utile à Me Ivetic et aux Juges de la Chambre, il s'agit de la

 23   Résolution 824 qui correspond à la pièce P22, et de la Résolution 836 qui

 24   correspond à la Résolution P24.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et les deux résolutions datent de 1993 ?

 26   M. McCLOSKEY : [interprétation] En effet.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais c'est la raison pour laquelle j'ai

 28   demandé de quelle résolution de 1993, il s'agissait.


Page 10328

  1   Maître Ivetic, nous avons deux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU

  2   qui ont été toutes les deux adoptées en 1993. Nous avons par ailleurs un

  3   accord portant sur la démilitarisation, donc veuillez formuler vos

  4   questions de façon très précise.

  5   Vous pouvez poursuivre.

  6   M. IVETIC : [interprétation] Merci.

  7   J'aimerais qu'on affiche le document 1D898 de la liste 65 ter. Page 3 du

  8   document qui correspond à une page du compte rendu d'audience originale --

  9   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le chiffre.

 10   -- j'aimerais que nous nous penchions tout particulièrement sur les lignes

 11   18 à 22. Et comme le document n'existe que dans une seule version

 12   linguistique, nous pouvons peut-être l'agrandir quelque peu pour que le

 13   témoin puisse le déchiffrer plus facilement.

 14   Q.  Alors Monsieur, j'aimerais vous poser des questions au sujet de

 15   l'extrait qui commence à la ligne 8, je cite :

 16   "Question. Je n'ai pas l'intention d'approfondir tout ceci, mais quand on

 17   examine les sous-titres, on s'aperçoit qu'il devait y avoir le cessez-le-

 18   feu, que la région est censée être isolée, que la région est censée être

 19   démilitarisée, que les unités paramilitaires et militaires sont censées

 20   quitter la région. C'était là le thème de votre mission telle que vous les

 21   avez compris, n'est-ce pas ?

 22   "Réponse. Oui."

 23   Alors pouvez-vous confirmer que cet extrait tiré de votre déposition dans

 24   l'affaire Popovic correspond à la vérité, et reflète d'une façon correcte

 25   la façon dont vous aviez compris votre mission au moment où vous avez été

 26   déployé à Srebrenica, en 1995 ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Et sur la base de quoi avez-vous compris que l'enclave de Srebrenica


Page 10329

  1   devait être démilitarisée ? D'où vient cette interprétation ?

  2   R.  Je n'ai pas compris votre question, Maître Ivetic. 

  3   Q.  Je vais alors la reformuler.

  4   Vous avez compris que votre mission consistait en partie à démilitariser la

  5   région par un recours à la force. Alors comment êtes-vous arrivé à cette

  6   conclusion, à cette interprétation ? Est-ce que quelque chose qui vous a

  7   été communiqué par vos supérieurs hiérarchiques, est-ce quelque chose que

  8   vous avez lu dans un document?

  9   R.  Dans le cadre de notre formation, on nous a fait savoir qu'en partie

 10   notre mission consistait à faire respecter et maintenir le cessez-le-feu en

 11   vigueur, et à préserver l'intégrité de la zone démilitarisée. Donc c'est

 12   quelque chose qu'on m'a appris et qu'on m'a fait savoir au cours de la

 13   formation avant d'être déployé.

 14   Et j'apporte une petite correction. Nous n'avions pas suffisamment de

 15   personnel pour imposer la démilitarisation par un recours à la force, tout

 16   ce que nous pouvions faire c'était de maintenir le cessez-le-feu.

 17   Q.  Mais, Monsieur, une fois que vous avez été employé dans l'enclave,

 18   avez-vous eu l'occasion de conclure que ce cessez-le-feu n'existait que sur

 19   papier et qu'il ne correspondait pas à la situation sur le terrain ?

 20   R.  La situation qui prévalait dans l'enclave était différente par rapport

 21   à ce qu'on nous a appris au cours de notre formation, en effet.

 22   Q.  En fait il n'y avait pas de cessez-le-feu respecté sur le terrain; est-

 23   ce que vous êtes d'accord avec ce constat ?

 24   R.  Oui, c'est exact.

 25   Q.  Je vais me pencher en détail sur ce sujet un peu plus tard, mais

 26   permettez-moi de vous posez dès maintenant la question suivante : Est-ce

 27   que -- d'après vous, l'enclave n'avait pas été démilitarisée au moment où

 28   vous êtes arrivé, est-ce qu'il y avait toujours des groupes de Musulmans de


Page 10330

  1   Bosnie armés qui opéraient au sein de l'enclave au moment où vous avez été

  2   déployé ?

  3   R.  Il existait toujours un groupe armé de Musulmans de Bosnie, ce groupe

  4   était opérationnel, cela est exact. La démilitarisation de l'enclave

  5   n'avait pas été menée à bout. On avait entamé et un certain nombre de

  6   résultats ont été obtenus, mais le processus de la démilitarisation n'avait

  7   pas été terminé.

  8   Q.  Merci, Monsieur. J'aimerais que nous nous penchions maintenant en

  9   profondeur sur cette question de la démilitarisation de l'enclave.

 10   Pour commencer, j'aimerais vous poser des questions au sujet de la

 11   déposition faite par un autre témoin pour voir si vous êtes d'accord avec

 12   lui et si cela correspond à vos connaissances ou à vos expériences.

 13   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais donc que l'on affiche la pièce

 14   P00057 au prétoire électronique --

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, nous avons une pratique

 16   qui me semble très bonne, d'abord on essaie d'établir ce que le témoin sait

 17   et ne sait pas en lui posant des questions, et ce n'est que par la suite

 18   qu'on le confronte avec des dépositions faites par d'autres témoins, donc

 19   il est toujours superflu à recourir à cette méthode. Et je vous invite à

 20   vous plier à notre pratique habituelle.

 21   M. IVETIC : [interprétation] Merci.

 22   Q.  Monsieur, pendant que vous vous trouviez sur le terrain à Srebrenica et

 23   au fur et à mesure que le temps s'écoulait, est-ce que vous avez eu

 24   l'impression que le nombre de combattants musulmans était en augmentation

 25   et que vous les voyiez plus souvent se promener dans les rues ?

 26   R.  Je ne peux pas me rappeler des chiffres, je ne sais pas si le nombre de

 27   combattants musulmans armés était en hausse, mais comme le temps passait,

 28   l'activité s'intensifiait des deux côtés.


Page 10331

  1   Q.  Et juste pour préciser, lorsque vous vous servez du terme "activité",

  2   j'imagine que vous faites référence à des activités d'ordre militaire ou à

  3   des activités de combat.

  4   R.  En effet. Je pense aux tirs, aux détonations, aux patrouilles, aux

  5   activités d'ordre militaire. Oui.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'impression que nous avons c'est que la

  7   question qui vous a été posée porte sur la présence des Musulmans armés sur

  8   les lieux. Et vous dites que leur nombre ait été en hausse ou non, en tout

  9   cas, les activités se sont intensifiées. Vous avez ajouté qu'elles se sont

 10   intensifiées des deux côtés. Donc faut-il comprendre que les deux parties

 11   étaient en présence et se livraient à des activités de combat, que les

 12   forces serbes se trouvaient à l'extérieur de l'enclave tandis que les

 13   forces musulmanes étaient actives à l'intérieur de l'enclave ? Est-ce ainsi

 14   qu'il faut comprendre votre réponse ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet, Monsieur le Président. Les forces

 16   serbes étaient plus actives à l'extérieur de l'enclave, en effet.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et leurs activités, contre quelle

 18   cible étaient-elles dirigées ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Et bien parfois ils ouvraient le feu tout

 20   simplement en direction de la ville. Et puis on les voyait aussi faire des

 21   patrouilles, on voyait des véhicules se déplacer à l'extérieur de

 22   l'enclave, et nous avons pu suivre toutes ces activités depuis nos postes

 23   d'observation. Et puis, bien sûr, nous avions des éléments d'information

 24   que nous recevions de l'extérieur de l'enclave grâce à nos patrouilles, et

 25   parfois nous étions aussi en contact avec les forces musulmanes.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 27   M. IVETIC : [interprétation]

 28   Q.  Est-ce que vous avez, Monsieur, entendu parler, ou avez-vous appris de


Page 10332

  1   quelque façon que ce soit qu'il s'est produit un incident lorsqu'un certain

  2   nombre de vos collègues du Bataillon néerlandais ont été capturés par les

  3   forces de Musulmans de Bosnie dans la région connue sous le nom du

  4   "Triangle de Bandera" ? Si vous en savez quelque chose, veuillez nous

  5   communiquer vos connaissances.

  6   R.  Je n'ai entendu que des récits qui circulaient, tout ce que je sais, je

  7   le sais par ouï-dire. Donc oui, j'ai entendu parler de cet incident, mais

  8   il ne s'est pas produit dans ma zone de responsabilité.

  9   Q.  J'ai une question qui s'enchaîne à la question précédente et à savoir :

 10   Le triangle Bandera se trouvait le long de la frontière de l'enclave de

 11   Srebrenica, donc dans une zone qui était censée être démilitarisée ?

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, pour ce qui est du

 13   triangle de Bandera, je pense que nous avons déjà eu des éléments de preuve

 14   à cet effet, et nous avons pu constater ce qu'il en est, donc ce n'est pas

 15   une question litigieuse.

 16   Par conséquent, lorsque nous avons invité Me Lukic à ne poser que des

 17   questions qui peuvent nous apporter des éléments nouveaux, il a ignoré

 18   notre conseil, parce qu'en fait, ce n'est pas la peine de nous présenter

 19   des éléments de preuve sur des sujets qui ne sont pas litigieux.

 20   Mais je regarde quelle heure il est et je vois que le moment est venu de

 21   faire une pause. Et vous pouvez repenser à vos questions et les reposer

 22   après la pause.

 23   Monsieur Van Duijn, nous allons faire une pause de 20 minutes. Vous pouvez

 24   suivre l'huissière.

 25   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 26   [Le témoin quitte la barre]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons maintenant faire une pause

 28   et nous reprendrons nos travaux à 11 heures moins dix.


Page 10333

  1   --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

  2   --- L'audience est reprise à 10 heures 55.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on peut faire entrer le témoin

  4   dans le prétoire, s'il vous plaît.

  5   [La Chambre de première instance se concerte]

  6   [Le témoin vient à la barre]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, vous pouvez continuer.

  8   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Q.  Monsieur, est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que le

 10   personnel ou les effectifs de l'ABiH, que vous avez pu voir lors de votre

 11   déploiement dans cette enclave de Srebrenica, avaient souvent disposé

 12   d'armes d'infanterie qui semblaient être tout à fait neuves ? Quand je

 13   parle d'armes d'infanterie, je veux dire kalachnikovs.

 14   R.  Je ne dirais pas souvent, mais dans une phase ultérieure, certes, lors

 15   de notre mission, nous avons pu voir que les effectifs musulmans avaient

 16   possédé des armes toutes neuves.

 17   Q.  Merci, Monsieur. Je voudrais à présent parler de votre témoignage en

 18   application de l'article 92 ter.

 19   M. IVETIC : [interprétation] Et à ce titre, je voudrais que l'on nous

 20   affiche la pièce P1154. Et je souhaite que l'on nous affiche la page 9 du

 21   prétoire électronique. Cela devrait correspondre à la page 2 262 du compte

 22   rendu d'audience d'origine, pour ce qui est de numérotation d'origine.

 23   Et je voudrais que nous nous concentrions … je m'excuse du

 24   contretemps. Il me semble que ce n'est pas la bonne page. Il faudrait qu'on

 25   voie 2 262 en haut. J'ai parlé de page 9, et je vois qu'ici on en est à la

 26   page 23.

 27   Alors 2 262, à savoir la page précédente. Merci.

 28   Essayons de nous pencher sur les lignes 10 à 18 du compte rendu en


Page 10334

  1   application du 92 ter.

  2   Q.  Et ici, Monsieur, si vous pouvez me suivre, vous n'avez pas besoin de

  3   lire, je vais faire un résumé pour le compte rendu. Vous parlez de

  4   l'armement du Bataillon néerlandais, à quoi vous avez pu accéder, vous avez

  5   parlé des conditions climatiques qui étaient celles de Srebrenica, et étant

  6   donné qu'il y avait un déploiement dès le début du Bataillon néerlandais,

  7   il y avait des armes trop vieilles qui faisaient que les balles tombaient à

  8   côté.

  9   Alors ceci est-il le résultat de l'impossibilité de réapprovisionner les

 10   troupes ?

 11   R.  Oui, tout cela est exact.

 12   Q.  Et l'ABiH et les combattants que vous avez pu voir dans l'enclave, est-

 13   ce qu'il vous a semblé qu'ils avaient les mêmes difficultés pour ce qui est

 14   de leurs armes d'infanterie et de leur lance-roquettes, difficultés

 15   auxquelles a dû faire face la partie néerlandaise, ou est-ce qu'ils ont eu

 16   tout de même la possibilité de se réapprovisionner ?

 17   R.  Je n'ai aucune information portant sur les difficultés auxquelles

 18   devaient faire face les forces musulmanes pour ce qui est de leur

 19   réapprovisionnement.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je poser une question de suivi.

 21   Quelle a été exactement la cause de leur impossibilité à se

 22   réapprovisionner ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, il n'y a pas eu d'autorisation de

 24   fournie par les forces serbes qui avaient pour mission de se trouver sur le

 25   secteur OP Papa, qui était sur une route goudronnée par laquelle pouvaient

 26   passer les convois, si tant est que la chose était rendue possible. Mais,

 27   en somme, la totalité des convois à compter du mois de mars n'obtenaient

 28   pas d'autorisation de la part des effectifs serbes.


Page 10335

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez des connaissances

  2   personnelles à ce sujet ? Est-ce que vous avez appris cela par ouï-dire ?

  3   Parce que vous avez témoigné à ce sujet, et j'aimerais savoir si c'est une

  4   information que vous avez pu recueillir à titre personnel ou est-ce que

  5   vous l'avez ouï dire de la bouche de quelqu'un d'autre ? Est-ce que vous

  6   pouvez nous en dire plus ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, dans des entretiens avec les gens de

  8   la logistique, j'ai appris quelles étaient les difficultés pour ce qui

  9   était de l'obtention des permis de passer et tout ce qu'il fallait

 10   contacter au niveau des forces serbes pour obtenir ces approbations. Et,

 11   plus tard, il y a eu, bien entendu, bien des déceptions de leur côté

 12   lorsque ces autorisations n'étaient pas délivrées. Et nous avons pu

 13   apprendre de la bouche des officiers de la logistique qu'il y avait des

 14   convois qui étaient sur la route qui étaient arrêtés à des postes de

 15   contrôle dans un autre secteur.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez, Maître Ivetic.

 17   M. IVETIC : [interprétation]

 18   Q.  Monsieur, est-ce que vous avez eu l'occasion d'en entendre parler ou

 19   est-ce que vous avez été témoin pour assister à l'approvisionnement des

 20   Musulmans de Bosnie ou de faire du commerce avec les Musulmans de Bosnie

 21   pour ce qui est d'armes et de munitions, sans se limiter au personnel du

 22   Bataillon néerlandais ?

 23   R.  Je n'ai aucune connaissance ou information à ce sujet.

 24   Q.  Merci. J'aimerais à présent vous poser quelques questions au sujet de

 25   la teneur de votre témoignage dans une autre affaire, Blagojevic et Jokic.

 26   M. IVETIC : [interprétation] A ce titre, j'aimerais que l'on nous affiche

 27   la pièce 1D896 de la liste 65 ter. Ça devrait être la page 30 du prétoire

 28   électronique, et c'est lié au compte rendu page 1 102 de ladite affaire. Je


Page 10336

  1   souhaite que nous nous penchions sur la teneur de la ligne 18 et de celle

  2   qui suit.

  3   Q.  Alors, Monsieur, je vais en donner lecture. Je vous convie à suivre la

  4   partie de ce volet. Cela commence à la page suivante et cela commence comme

  5   suit :

  6   "Question : Bien. Mais toute la finalité poursuivie c'était de faire en

  7   sorte que ce secteur, ou cette enclave, se trouve être protégé par les

  8   Nations Unies, et les Serbes étaient censés respecter la neutralité de la

  9   zone, à condition, bien entendu, que les gens à l'intérieur soient

 10   démilitarisés à part entière, n'est-ce pas ?

 11   "Réponse : Cela a été la teneur de l'accord, oui.

 12   "Question : Bon. Cela a été la teneur de l'accord. Mais une fois que vous

 13   êtes arrivé sur le terrain et pendant toute cette période où vous avez été

 14   là-bas, ça n'a jamais été démilitarisé, n'est-ce pas ?"

 15   M. IVETIC : [interprétation] Page suivante maintenant, s'il vous plaît.

 16   Q.  "Réponse : Non, pas à part entière. Non.

 17   "Question : Alors c'est comme si on disait qu'une femme est un peu

 18   enceinte. On est démilitarisé ou on ne l'est pas ?

 19   "Réponse : Quand on souhaite démilitariser, on a besoin d'un certain nombre

 20   de soldats. Vous allez dans le secteur qui est très grand et vous avez si

 21   peu de soldats à votre disposition, donc il n'est pas possible de

 22   démilitariser alors que vous n'avez que 200 ou 300 soldats sous vos ordres.

 23   "Question : Quand vous parlez de 200 ou 300 soldats, vous êtes en train de

 24   parler, bien entendu, du Bataillon néerlandais, n'est-ce pas ?

 25   "Réponse : Oui, exactement.

 26   "Question : Bien sûr, nous sommes en train de parler de 1995, on a proclamé

 27   cette zone comme étant démilitarisée dès 1993, et ce n'est pas la faute du

 28   Bataillon néerlandais, mais ceux qui avaient été là-bas avant vous n'ont


Page 10337

  1   pas réussi à faire de cette zone une zone démilitarisée ?

  2   "Réponse : Oui, nous savions que les Musulmans avaient des armes, en effet.

  3   "Question : Bien. Mais ma question était celle de savoir si tous ceux qui

  4   étaient venus avec vous n'avaient pas pris des armes qui se trouvaient là ?

  5   "Réponse : Non".

  6   Alors, Monsieur, lorsqu'il s'agit de ce fragment de témoignage fourni par

  7   vous dans une autre affaire, tel que je viens d'en donner lecture et vous

  8   avez pu suivre, est-ce que vous pouvez confirmer pour le compte rendu

  9   d'audience ici si cela est conforme à la vérité et si cela reprend de façon

 10   précise tout ce que vous avez dit, et dites-nous aussi si vous diriez

 11   exactement la même chose si on venait à vous poser la même question sous

 12   serment de dire la vérité.

 13   R.  C'est tout à fait conforme à la vérité et exact.

 14   Q.  Alors maintenant, une ou deux questions de suivi.

 15   Etant donné que le Bataillon néerlandais n'avait pas suffisamment de

 16   personnel - il n'avait que 200 ou 300 soldats, cela ne suffisait pas pour

 17   démilitariser l'enclave - est-ce que vos collègues, vous, vos commandants

 18   ont fait en sorte que les commandants de la FORPRONU à Sarajevo, à Zagreb,

 19   en soient informés, le savez-vous ?

 20   R.  Le fait est que, en juillet 1995, nous n'avons disposé que de 2- à 300

 21   soldats, et cela a été dû au fait que les convois d'aide humanitaire qui

 22   apportaient des vivres ou des réapprovisionnements pour le Bataillon

 23   néerlandais, et les convois qui emmenaient des soldats pour des permissions

 24   n'avaient pas non plus été à même de revenir sur place du fait de l'absence

 25   d'autorisation pour ce qui était de passer par les postes de contrôle

 26   serbes. Ce que je sais -- ce dont j'ai entendu parler, c'est que le colonel

 27   Karremans en personne a présenté à plusieurs reprises des rapports au

 28   commandement de la FORPRONU pour leur faire savoir qu'il y avait une


Page 10338

  1   situation troublante découlant de ce manque de personnel et de cette

  2   carence de fourniture ou d'approvisionnement.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, il y a une suggestion

  4   dans votre question qui est celle de laisser entendre que cette

  5   démilitarisation avait été la tâche de la FORPRONU, j'imagine. Est-ce que

  6   c'est ce que vous avez retrouvé comme terme dans l'accord ? Et si c'est le

  7   cas, afin que nous comprenions mieux votre question, veuillez nous le dire.

  8   Indépendamment, bien sûr, d'une interprétation juste ou erronée de la chose

  9   …

 10   M. IVETIC : [interprétation] Ma question était liée au témoignage déjà

 11   fourni par ce témoin, parce que quand il a parlé de démilitarisation, j'ai

 12   voulu savoir s'il avait été débattu de ce fait, à savoir que cette

 13   démilitarisation n'avait pas pu être réalisée et que c'était la tâche qui

 14   était la leur.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Maintenant, vous avez l'opinion du

 16   témoin. Peut-être pourrais-je moi-même poser la question au témoin.

 17   Alors, Monsieur le Témoin, était-ce votre mission à vous que de

 18   démilitariser ce secteur, ou est-ce que les parties en présence étaient

 19   censées démilitariser ce secteur ? De votre avis, comment la situation se

 20   présentait-elle ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Notre objectif avait été de maintenir cette

 22   zone en tant que zone démilitarisée. A chaque fois que nous avions un

 23   contact avec les forces musulmanes, lorsque nous les voyions porter des

 24   armes, ça faisait partie de notre mission que d'essayer de nous emparer de

 25   ces armes. Mais étant donné le fait que nous n'avions que si peu de

 26   personnel, il n'y a pas eu d'activité distincte à ce sujet, si ce n'est de

 27   demander aux forces musulmanes de restituer leurs armes pour se conformer à

 28   l'accord au terme duquel le secteur était censé être démilitarisé.


Page 10339

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce qu'il devait y avoir une

  2   présence militaire des Musulmans, étant donné le régime mis en place ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, ça n'a pas du tout été ce qui a été

  4   convenu.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre réponse est quelque peu ambiguë.

  6   Est-ce que l'accord disait qu'ils ne devaient pas se trouver là-bas ou est-

  7   ce que l'accord disait qu'ils devaient se trouver là-bas ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ils ne devaient être là-bas.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, il ne devait pas y avoir

 10   d'activités militaires de déployés par les effectifs musulmans là-bas. Mais

 11   il y en a eu.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et alors, dans cette mesure, ou dans

 14   cetexte quand vous parlez de démilitarisation; est-ce que vous parlez de la

 15   nécessité d'éloigner toute présence militaire ou de palier à toute activité

 16   militaire ? Est-ce que vous avez compris aussi que vous deviez saisir les

 17   armes qui se trouvaient là-bas ? Est-ce que c'est ainsi que vous avez

 18   compris le terme de démilitarisation ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, au fond lorsque nous constations que

 20   ces forces musulmanes possédaient des armes, c'était d'habitude quand ils

 21   nous tiraient dessus, quand ils tiraient sur nos patrouilles dans le

 22   secteur.

 23   Donc dans ce type de situations, il n'a pas eu de débat ou il n'y a pas, si

 24   le préférez, eu de demande de faite auprès des soldats musulmans qui nous

 25   tiraient dessus de restituer leurs armes. On pouvait ça et là voir que ces

 26   hommes musulmans étaient en train de porter des armes, mais dans la plupart

 27   des cas de figure, on apprenait qu'ils avaient des armes parce qu'ils

 28   étaient en train de nous tirer dessus.


Page 10340

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors leur avez-vous dit qu'ils

  2   n'étaient pas censés se trouver là ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, j'ai eu plusieurs contacts avec les

  4   commandants musulmans dans le secteur dont j'ai eu la charge, et je précise

  5   qu'il s'agissait de la partie nord-est de l'enclave et j'avais dans ce

  6   secteur des postes d'observation qui s'appelaient Québec et Roméo, et j'ai

  7   parlé à ces soldats musulmans en leur disant qu'ils n'étaient pas censés

  8   porter des armes.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ils n'étaient pas censés

 10   se trouver là non plus. On est en train de parler de présence militaire et

 11   d'activités militaires.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Il était difficile de faire une distinction

 13   très nette entre les réfugiés et la population qui se trouvait dans

 14   l'enclave pour dire : Bon, ici on a les réfugiés et les civils et ces

 15   hommes-là, eux, sont des soldats. Parce que ça n'a pas été organisé de la

 16   sorte. Ils n'étaient pas organisés comme nous avons organisé nous-mêmes.

 17   Il est donc difficile de dire nous pouvions nous entretenir avec l'un

 18   des hommes du village et il pouvait porter des vêtements civils, et une

 19   heure plus tard, il allait prendre ces armes, et il s'en allait l'arme au

 20   poing, pour nous tirer dessus à nous ou sur les effectifs serbes.

 21   Donc on ne pouvait pas clairement faire la distinction entre la

 22   présence militaire et la présence de civils.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Maître Ivetic, veuillez

 24   continuer.

 25   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Vous m'avez

 26   demandé si cela faisait partie intégrante de l'accord. L'accord est la

 27   pièce P23, c'est signé le 8 mai 1993 par le général Mladic, le général

 28   Halilovic et le général Morillon et dans cet accord on décrit le rôle de la


Page 10341

  1   FORPRONU pour ce qui est de la mise en œuvre d'un contrôle, et la mise en

  2   place d'une zone démilitarisée à Srebrenica.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Mais de qui devait-on prendre les

  4   armes ou saisir les armes en application de cet article 5, Maître Ivetic ?

  5   M. IVETIC : [interprétation] Eh bien, toutes les armes qui entraient là,

  6   toute personne en possédant, et c'est ce qui dit -- ce que dit la version

  7   en serbe : "On ne devrait pas autoriser les soldats à entrer dans cette

  8   zone démilitarisée."

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais vous avez parlé de la mission

 10   de la FORPRONU. Vous avez parlé d'obligations qui sont celles des soldats,

 11   n'est-ce pas ? Et vous faites référence au paragraphe 5. Laissez-moi me

 12   pencher sur le texte.

 13   M. IVETIC : [interprétation] Bien peut-être pourrait-on se pencher sur la

 14   version en anglais, parce qu'il y est dit que la FORPRONU allait contrôler

 15   la zone démilitarisée et on énumère les détails dont j'ai donné lecture ?

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais de qui devait-on déposséder -- qui

 17   devait-on déposséder de ces armes ?

 18   M. IVETIC : [interprétation] Mais toutes personnes armées devaient être

 19   dépossédées.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Alors toutes personnes armées.

 21   Voyons voir. Vérifions. Donnez-moi un instant.

 22   "Les non-combattants ceux qui veulent entrer ou qui se trouvent dans la

 23   zone démilitarisée, exception faite des membres de la FORPRONU, n'ont pas

 24   l'autorisation de posséder ni arme, ni munition, ni explosif. Les

 25   munitions, armes, explosifs en leur possession seront saisis par la

 26   FORPRONU."

 27   Donc ça, ça se rapporte à ceux qui ne sont pas des combattants.

 28   M. IVETIC : [interprétation] Ligne suivante, Monsieur le Juge.


Page 10342

  1   "Les combattants ne seront pas autorisés à entrer ou à se trouver dans la

  2   zone démilitarisée."

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je crois que cela n'est

  4   pas contesté, je suis en train de regarder vers l'Accusation, donc il n'est

  5   pas contesté que c'est ce que les combattants n'étaient pas censés faire.

  6   Mais il n'est pas aussi question de saisie d'armes.

  7   A l'article 5, dernier paragraphe, il est donné ou il est énuméré les

  8   missions concrètes, de la FORPRONU, me semble-t-il. Je serais tout à fait

  9   disposé à me pencher sur des dispositions qui énonceraient les tâches de la

 10   FORPRONU, et ce qui a été défini ça se trouve au paragraphe 4 de l'article

 11   5, mais il se peut que ce soit plus précisé ou énoncé plus en détail

 12   ailleurs.

 13   Veuillez continuer.

 14   M. IVETIC : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur, vous avez témoigné au sujet de difficultés auxquelles les

 16   effectifs du Bataillon néerlandais faisaient face parce qu'il ne pouvait

 17   revenir de leur permission ce qui faisait que l'enclave était tombée dans

 18   une situation où les effectifs de la FORPRONU ne faisaient que diminués. Et

 19   donc avant que ces individus ne quittent la zone, cette zone ne se trouve

 20   pas être démilitarisée ? Avant qu'ils ne s'en aillent, s'il y avait des

 21   membres du bataillon indépendamment de leur nombre, et j'imagine qu'il

 22   devait être plus de 300, ces 300 hommes ne suffisaient pas pour

 23   démilitariser un secteur de la taille de Srebrenica, n'est-ce pas ?

 24   R.  C'est tout à fait exact, oui.

 25   Q.  Alors est-ce que le Bataillon néerlandais ou la FORPRONU, à votre

 26   connaissance, avait des chiffres ou des estimations pour ce qui est de la

 27   force des Musulmans de Bosnie en arme se trouvant dans l'enclave de

 28   Srebrenica en 1995 ?


Page 10343

  1   R.  Je ne me souviens pas de cela. Il se peut qu'il y ait eu des

  2   évaluations de faites à l'époque, mais je ne m'en souviens pas à présent.

  3   Q.  Cela se comprend. Le problème auquel vous avez eu à faire face et que

  4   vous avez souvent mentionné, à savoir le fait que les membres de la

  5   FORPRONU aient essuyé des tirs de la part des Musulmans de Bosnie. Alors

  6   indépendamment du fait de savoir si on vous avait tiré dessus à vous ou

  7   pas, lorsque vous voyez des Musulmans de Bosnie armés et lorsque vous

  8   essayez de les désarmer, ils s'en allaient et ils disparaissaient dans ce

  9   terrain qu'ils connaissaient de façon évidente beaucoup mieux que vous,

 10   n'est-ce pas ?

 11   R.  C'est tout à fait exact.

 12   Q.  Est-il exact de dire aussi que vous n'avez pas eu la possibilité de

 13   procéder à l'envoi de toutes les patrouilles que vous aviez envisagées, et

 14   vous n'avez donc pas eu la possibilité d'exercer un contrôle sur la

 15   totalité du terrain qui tombait sous votre responsabilité ou dans

 16   l'accomplissement de votre mission, c'est-à-dire le nord de l'enclave ?

 17   R.  Cela est tout à fait exact aussi.

 18   Q.  Alors j'aimerais à présent vous demander quelque chose au sujet d'un

 19   individu répondant au nom de Nasir Sabanovic. Est-ce que vous savez nous

 20   dire qui c'était en 1995, quelles étaient ses fonctions, et si vous avez eu

 21   l'occasion de rencontrer l'individu en question ?

 22   R.  Nasir Sabanovic était un commandant militaire des Musulmans de Bosnie,

 23   dans le secteur de responsabilité qui était le mien. Et la plupart du

 24   temps, lorsque je me trouvais au poste d'observation Québec, j'avais des

 25   entretiens avec lui au sujet des activités déployées par lui et celles des

 26   Serbes de Bosnie de l'autre côté -- à l'extérieur de l'enclave.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Van Duijn, il n'est point

 28   nécessaire de déconnecter votre micro, parce que les problèmes techniques


Page 10344

  1   d'hier ont été surmontés, ce qui fait que nous n'avons plus les bruits que

  2   nous avions eus hier. Vous pouvez donc vous concentrer sur les questions et

  3   les réponses.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Cela nous aide

  6   également.

  7   Q.  Alors, Monsieur, dites-nous, y a t-il eu des situations où M. Sabanovic

  8   ou d'autres responsables militaires des Musulmans de Bosnie vous

  9   rencontraient, et est-ce que ces gens qui vous rencontraient, vous et les

 10   autres supérieurs du Bataillon néerlandais, portaient des armes ou pas ?

 11   R.  Certaines fois, Nasir Sabanovic portait sur lui une arme, un pistolet.

 12   Q.  Est-ce que quiconque du Bataillon néerlandais de la FORPRONU aurait dit

 13   à M. Sabanovic qu'il n'était pas censé être armé et est-ce qu'on a essayé

 14   de le désarmer ?

 15   R.  A l'occasion des réunions que j'ai eues avec lui, étant donné qu'il n'a

 16   pas eu de rencontres avec mes supérieurs hiérarchiques à moi, donc

 17   s'agissant des rencontres que j'ai eues avec lui, je lui ai dit qu'il

 18   n'était pas censé porter une arme, mais je n'ai pas essayé de le désarmer.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, même question de suivi.

 20   Lui avez-vous dit qu'il n'était même pas censé se trouver dans l'enclave ?

 21   Vous lui avez parlé en sa qualité de commandant des effectifs musulmans,

 22   des effectifs militaires. Mais tout à l'heure, on a établi qu'il n'était

 23   pas censé se trouver là. Vous nous avez expliqué les difficultés que vous

 24   avez eues pour ce qui est de définir qui était en fait un combattant et qui

 25   n'en était pas. Alors, pour ce qui est de M. Sabanovic, il ne pouvait pas y

 26   avoir un doute quel qu'il soit pour ce qui est de son statut militaire.

 27   D'un, dites-nous si vous êtes d'accord; et de deux, dites-nous si

 28   vous lui avez dit qu'il n'était pas censé se trouver là-bas ?


Page 10345

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne suis pas

  2   d'accord. Parce qu'à chaque fois que je me suis entretenu avec Nasir

  3   Sabanovic, il me disait à chaque fois qu'il ne voulait pas se trouver dans

  4   ce type de situation. Et, si mes souvenirs sont bons, à chaque fois que je

  5   me suis entretenu avec lui, il portait des vêtements civils. Il n'était

  6   jamais venu en uniforme. Et il m'expliquait que compte tenu de la

  7   situation, il s'est trouvé forcé à prendre les armes.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes. Mais vous l'avez décrit vous-

  9   même comme étant un commandant militaire. Est-ce que vous êtes en train de

 10   nous dire qu'il n'était pas censé y avoir une présence militaire quelle

 11   qu'elle soit ? Vous nous avez parlé des difficultés auxquelles vous avez dû

 12   faire face. Indépendamment du fait de porter un uniforme ou pas, vous

 13   l'avez considéré comme étant un chef militaire ? Et aux termes de l'accord

 14   de démilitarisation, il n'était pas censé y avoir de présence militaire du

 15   tout.

 16   Alors, le lui avez-vous dit à quelque occasion que ce soit ? Parce que vous

 17   nous dites qu'il n'avait pas souhaité lui-même se trouver dans ce type de

 18   situation. Mais ça ne change rien aux termes de l'accord passé ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais la difficulté c'est qu'on savait --

 20   on le voyait comme étant un commandant militaire, parce que c'était le seul

 21   commandant militaire dans le secteur avec qui j'ai pu m'entretenir, et je

 22   pense qu'à une occasion j'ai eu un entretien où il m'a dit qu'il se

 23   considérait comme étant un civil.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis en train de relire votre

 25   réponse. Vous avez dit :

 26   "Nasir Sabanovic était un commandant militaire des Musulmans de Bosnie dans

 27   ma zone de responsabilité. Et la plupart des fois où j'ai été au poste

 28   d'observation Québec, je m'entretenais avec lui au sujet de ses activités


Page 10346

  1   et j'apprenais de sa part ce qu'il pensait des activités déployées par les

  2   forces serbes de l'autre côté de l'enclave."

  3   Alors, était-il considéré comme étant un civil, si quelqu'un arrivait à

  4   bord d'un char en disant : Je suis un civil, vous avez décrit cet homme un

  5   chef militaire.

  6   Alors, peut-être aurait-il suffit de le lui dire, mais -- peut-être cela

  7   aurait-il suffi. Mais il me semble que dans vos réponses, vous faites de

  8   lui un civil ou un quasi-civil, mais vous avez discuté avec lui de ses

  9   activités en sa qualité de commandant militaire.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Hm-hm.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que vous semblez dire qu'il

 12   eut fallu agir différemment. Mais ma question est simple : lui avez-vous

 13   dit que des chefs militaires n'étaient pas censés se trouver là-bas ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne lui ai jamais dit cela.

 15   En fait, j'étais content d'avoir une espèce de filière de

 16   commandement face à moi lorsqu'il s'agissait des soldats musulmans dans le

 17   secteur. Parce que j'aurais pu m'entretenir avec lui au sujet de tirs

 18   échangés qui venaient de l'enclave, de l'intérieur de l'enclave, et

 19   notamment lorsqu'on tirait sur nos effectifs à nous, ceux des Nations

 20   Unies.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous dites que, pour vous, il y

 22   avait un avantage pour ce qui était du statu quo, y compris la présence

 23   militaire; est-ce que je comprends bien votre réponse ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est tout à fait cela.

 25   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 26   M. IVETIC : [interprétation]

 27   Q.  Au cours des échanges que vous avez eus avec M. Nasir Sabanovic, est-ce

 28   qu'il a été plutôt honnête à propos de sa participation aux combats et aux


Page 10347

  1   activités de sabotage ? Je pense, par exemple, à des actions militaires

  2   telles que -- qui consistaient, par exemple, à sortir de l'enclave, à poser

  3   des mines, à détruire des objets militaires serbes.

  4   R.  Oui, il a été assez honnête à ce sujet. C'est vrai. Il m'a dit qu'il

  5   patrouillait à l'extérieur de l'enclave ou qu'il sortait de l'enclave avec

  6   une patrouille et, comme vous venez de le décrire, qu'il plaçait des mines

  7   et qu'il a d'ailleurs effectué des raids à l'extérieur de l'enclave. C'est

  8   vrai.

  9   Q.  Et est-ce qu'il ne vous a jamais relaté quoi que ce soit à propos de

 10   soldats musulmans, ou de lui-même d'ailleurs, qui seraient sortis de

 11   l'enclave et qui auraient brûlé des villages serbes entourant l'enclave de

 12   Srebrenica ?

 13   R.  Ecoutez, je ne me souviens pas qu'il ait parlé d'avoir incendié des

 14   villages, mais il a parlé, certes, de raids effectués, du fait que des

 15   mines avaient été posées, de ce genre d'activités.

 16   Q.  Alors, maintenant, nous allons prendre un peu de recul par rapport à M.

 17   Sabanovic, et j'aimerais vous poser une question plus générale.

 18   J'aimerais savoir si vous avez jamais eu l'occasion d'entendre des récits

 19   ou de découvrir des incidents ou des événements au cours desquels des

 20   soldats musulmans étaient sortis de l'enclave de Srebrenica et avaient

 21   brûlé ou incendié des villages serbes ?

 22   R.  Oui, j'ai entendu parler de cela, et c'était dans d'autres secteurs qui

 23   n'étaient pas placés sous ma responsabilité mais qui se trouvaient dans

 24   l'enclave.

 25   Q.  Et la question que j'aimerais vous poser est comme suit. Vous nous

 26   dites que vous en avez entendu parler. Est-ce que vous pourriez nous dire

 27   quelles sont les sources qui vous ont fourni ces récits qui portaient,

 28   donc, sur le fait que les combattants musulmans de Bosnie de Srebrenica


Page 10348

  1   étaient sortis de l'enclave et avaient incendié des villages serbes ?

  2   R.  C'étaient d'autres commandants, d'autres commandants des Nations Unies,

  3   tels que moi-même. Voilà ce que j'entendais.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, alors je suis un peu

  5   perplexe par l'une des réponses précédentes, qui m'étonne. Parce que vous

  6   avez posé une question : est-ce que vous avez jamais entendu parler ou

  7   appris que des soldats musulmans étaient sortis de l'enclave de Srebrenica

  8   et avaient incendié des villages serbes.

  9   Et votre réponse a été comme suit :

 10   "J'ai entendu parler de cela, certes, dans d'autres zones qui ne se

 11   trouvaient pas dans ma responsabilité mais qui se trouvaient dans

 12   l'enclave."

 13   Alors, est-ce que vous vouliez parler de ce qui s'était passé dans

 14   l'enclave ou à l'extérieur de l'enclave ? Parce que la question, en fait,

 15   qu'on vous avait posée portait sur ce qui se passait à l'extérieur de

 16   l'enclave, sur le fait que ces gens étaient sortis de l'enclave.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, cela ne s'est pas passé dans l'enclave,

 18   ce dont je parlais. J'en ai entendu parler par d'autres commandants, des

 19   collègues du Bataillon néerlandais, par exemple, qui étaient responsables

 20   d'autres zones et qui avaient vu cela depuis leurs postes d'observation ou

 21   qui avaient vu des patrouilles ou des commandants musulmans dans cette zone

 22   qui quittaient l'enclave, qui pénétraient dans la zone serbe et qui

 23   incendiaient des villages.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 25   Poursuivez, Maître Ivetic.

 26   M. IVETIC : [interprétation]

 27   Q.  Est-ce que vous avez eu l'occasion de parler avec soldats serbes de

 28   l'autre côté de la ligne de démarcation, et est-ce qu'ils ont été ouverts


Page 10349

  1   vis-à-vis de vous, est-ce qu'ils ont été plutôt amicaux ?

  2   R.  Ecoutez, à côté de mon poste d'observation, il y avait une casemate ou

  3   un bunker serbe, qui se trouvait juste à l'extérieur de la limite de

  4   l'enclave. Bon, nous avons parlé parfois, ils étaient très sympathiques,

  5   parfois ils l'étaient moins, mais le fait est que nous avons pu avoir une

  6   communication libre avec eux. Ils étaient ouverts, oui.

  7   Q.  J'aimerais vous poser des questions légèrement différentes à propos de

  8   la démilitarisation.

  9   M. IVETIC : [interprétation] Et je souhaiterais que le document 1D900 de la

 10   liste 65 ter, qui se trouve dans le système e-court, soit affiché. Et

 11   premièrement, est-ce que la première page du document pourrait être

 12   affichée.

 13   Q.  Je ne sais pas, Monsieur, si vous préférez l'avoir en néerlandais ou en

 14   anglais, mais dans un premier temps je vais vous demander si vous

 15   reconnaissez ce document avant de vous poser des questions à propos de ce

 16   document. Donc, peut-être que nous allons voir la première page dans un

 17   premier temps.

 18   R.  Peu m'importe, l'anglais ou le néerlandais. Cela me convient.

 19   Q.  [aucune interprétation]

 20   R.  Je pense qu'il s'agit de la première page de mon débriefing, qui s'est

 21   passé aux Pays-Bas.

 22   Q.  Je vous remercie. Il s'agit du débriefing qui a eu lieu avec l'armée

 23   royale néerlandaise en septembre 1995 ?

 24   R.  Oui, c'est exact.

 25   M. IVETIC : [interprétation] Et j'aimerais maintenant que la page 8 de la

 26   version anglaise soit affichée. Elle correspond à la page 7 de la version

 27   en B/C/S, et si nous avons besoin de la page néerlandaise, il s'agit

 28   également de la page 8.


Page 10350

  1   Q.  C'est le premier paragraphe entier de la page anglaise qui m'intéresse,

  2   car j'ai quelques questions à vous poser à propos de ce document de

  3   débriefing, qui commence comme suit :

  4   "Après que le poste d'opération E ait été pris, les Musulmans ont amélioré

  5   bon nombre de leurs positions. Ils ont également creusé beaucoup plus de

  6   tranchées. Il y a d'autres trous qui ont été ajoutés. Et durant leurs

  7   patrouilles, les Musulmans ne les autorisaient plus  aller dans Zanik. Nous

  8   ne savions pas pourquoi. Il faut savoir que le mont Kvarac 789 était rempli

  9   de combattants musulmans à l'époque.

 10   "Lors de cette période, la présence des Serbes était si menaçante que nous

 11   avons décidé de ne pas faire grand cas des armes des Musulmans.

 12   "Dans son secteur, aucune arme n'a été prise aux Musulmans à cette époque-

 13   là. Le bataillon a indiqué qu'ils devraient ne pas tenir compte de cela en

 14   faisant valoir le droit à la défense légitime. Cela s'est poursuivi pendant

 15   un certain temps, il y avait de nombreux Musulmans qui se déplaçaient avec

 16   armes. Pendant ses réunions avec la Nations Unies, Nasir avait toujours un

 17   pistolet sur lui. Les Musulmans, en règle générale, faisaient en sorte que

 18   ces armes ne soient pas vues lorsqu'ils se trouvaient près des postes

 19   d'observation. Les membres des Nations Unies avaient essayé de désarmer les

 20   Musulmans dès le début. Toutefois, cela n'a pas véritablement souvent

 21   abouti parce que les Musulmans s'enfuyaient toujours."

 22   Alors, est-ce que vous pouvez confirmer dans un premier temps si ce qui est

 23   déclaré ici et ce dont je viens de vous donner lecture est véridique et

 24   exact, et est-ce que vous seriez disposé à le répéter ?

 25   R.  Oui, oui, c'est tout à fait véridique et exact.

 26   Q.  Là, j'aimerais vous poser un peu plus de questions.

 27   Parce que dans le document, il est indiqué que le bataillon avait

 28   "indiqué". Alors, j'aimerais savoir qui parmi le Bataillon néerlandais vous


Page 10351

  1   a fait part de ce point de vue et vous a indiqué que votre personnel ne

  2   devrait pas tenir compte des armes des Musulmans de Bosnie ?

  3   R.  Je me souviens qu'à l'époque je me trouvais au poste d'observation

  4   Québec et que toutes les communications et directives à l'époque passaient

  5   par l'intermédiaire de mon commandant de compagnie, le capitaine

  6   Mathijssen.

  7   Q.  Vous avez utilisé les termes de "communications" et de "directives".

  8   Est-ce que vous considérez que cette communication, à savoir fermer les

  9   yeux sur les armes des Musulmans de Bosnie, était une directive émanant de

 10   vos officiers supérieurs au sein du bataillon ?

 11   R.  Oui, tout à fait.

 12   Q.  Est-ce que vous avez également reçu des consignes de la part d'un

 13   officier supérieur, par exemple, de votre bataillon, pour taire cette

 14   directive, pour ne pas en parler ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Fort bien.

 17   M. IVETIC : [interprétation] Alors, puisque ce document est maintenant sur

 18   nos écrans, j'aimerais aborder un autre thème qui figure sur la même page

 19   néerlandaise et anglaise, mais qui se trouve à la page suivante en version

 20   serbe. Il s'agit d'un sujet tout à fait différent. Cela se trouve au milieu

 21   de la page, juste après la phrase où il est indiqué :

 22   "Les Musulmans disposaient d'armes plutôt bonnes, telles que, par exemple,

 23   des kalachnikovs relativement récentes."

 24   Q.  Et j'aimerais en fait vous donner lecture de ce qui suit :

 25   "Les Serbes parlaient des largages aériens américains et des hélicoptères

 26   des Nations Unies qui avaient des ravitaillements. Il avait vu dans

 27   l'obscurité des lumières qui auraient pu provenir d'un hélicoptère. Après

 28   cela, le bataillon a demandé à ce que cela soit expliqué, mais en fait, ce


Page 10352

  1   qui a été dit, c'était que ce n'était 'pas disponible' et que c'était 'tout

  2   à fait fortuit'. Cet incident s'est passé au moment où l'information a été

  3   obtenue des Serbes suivant laquelle il y avait des largages aériens

  4   américains. Par la suite, les patrouilles ont trouvé des restes de rations

  5   d'urgence américaines, des boîtes de conserve, et cetera, et cetera."

  6   Premièrement, il est question de "il", alors il a vu des lumières dans

  7   l'obscurité, lumières qui auraient pu venir d'un hélicoptère ?

  8   R.  Oui, lorsqu'il est question de "il", c'est une référence à moi, tout à

  9   fait.

 10   Q.  Et je dois vous demander si ces renseignements dont je viens de vous

 11   donner lecture qui se trouvent dans votre rapport de débriefing sont

 12   véridiques et exacts et si vous diriez la même chose si la même question

 13   vous était posée aujourd'hui ?

 14   R.  Oui, c'est exact et véridique.

 15   Q.  Est-ce que vous pourriez nous expliquer de façon détaillée à quoi

 16   correspond ceci, AWACS ?

 17   R.  Un avion AWACS, pour le décrire, en fait, de façon simple, je vous

 18   dirais qu'il s'agit d'un équipement à radar. Lorsque l'avion survole une

 19   certaine zone, grâce à cet équipement, il peut détecter toute activité,

 20   telle que, par exemple, d'autres avions et des hélicoptères qui sont en vol

 21   également dans le même secteur. C'est la raison pour laquelle nous avions

 22   posé la question, parce que nous avions parfois entendu dire qu'un avion

 23   avec ce dispositif d'AWACS pourrait être mis à notre disposition. Et à

 24   l'époque, nous l'avions demandé, parce qu'au cours des jours qui ont

 25   précédé cet incident, nous voyions parfois la nuit des lumières, des

 26   lumières dans le ciel. Bien sûr, c'était la nuit; il faisait nuit et on

 27   voyait les lumières. Et parfois nous entendions également le bruit fait par

 28   l'hélicoptère, les hélices de l'hélicoptère. Donc c'est pour cela que,


Page 10353

  1   lorsque nous avons entendu ces bruits et que nous avons vu à nouveau ces

  2   lumières, nous avons demandé s'il y avait bel et bien un avion avec ce

  3   dispositif AWACS dans la zone, et cela ne s'est pas passé, en tout cas,

  4   c'est ce qu'on m'a dit.

  5   Q.  Et pour que tout soit bien clair aux fins du compte rendu d'audience,

  6   ces avions avec ce radar AWACS à bord à quelle force aérienne appartenait-

  7   il ou à quel pays, quels étaient les pays qui avaient ce système de radar

  8   AWACS à bord de leurs avions, d'après ce que vous savez ?

  9   R.  Écoutez, je ne suis pas sûr quels sont les pays qui disposaient de ces

 10   avions à ce moment-là. Je ne m'en souviens pas.

 11   Q.  Est-ce que vous vous souvenez au moins s'il s'agissait d'un pays membre

 12   de l'OTAN --

 13   R.  Je ne m'en souviens pas.

 14   Q.  [aucune interprétation]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez peut-être

 16   essayer de parler moins vite pour le compte rendu d'audience.

 17   M. IVETIC : [interprétation] Excusez-moi.

 18   Q.  Est-ce que vous-même avez rédigé un rapport à ce sujet hormis le fait

 19   que cela soit mentionné, me semble-t-il, dans toutes vos séances de

 20   débriefing qui ont suivi votre déploiement ?

 21   R.  Peut-être seulement dans les rapports relatifs à la mission. Mais je ne

 22   sais pas. Je ne sais pas si cela a été fait par écrit ou tout simplement

 23   par communication radio.

 24   Q.  Merci. Alors nous avons parlé d'un incident où vous aviez demandé un

 25   avion avec radar AWACS et on vous a dit que cet avion n'était pas

 26   disponible. Mais d'après ce que vous dites, je crois comprendre qu'il y

 27   avait quand certains -- enfin vous disposiez quand même de certains indices

 28   audio et visuel à propos de l'existence d'un hélicoptère qui volait à cet


Page 10354

  1   endroit-là à plusieurs occasions, n'est-ce pas, ou est-ce que cela s'est

  2   passé à plusieurs occasions ou à une occasion ?

  3   R.  A plusieurs occasions. Mais je ne me souviens pas du nombre de façon

  4   détaillée.

  5   Q.  Fort bien. Donc vous indiquez que les patrouilles avaient trouvé des

  6   rations, des rations de secours - non, excusez-moi, je vais reprendre ma

  7   question -

  8   Est-ce que ce type de rations correspondait à la catégorie de rations

  9   que l'on voit normalement dans le cadre d'aide humanitaire ou est-ce qu'il

 10   s'agissait de rations militaires ?

 11   R.  Non, il s'agissait de rations militaires.

 12   Q.  Et -- bon, vous connaissez la situation qui prévalait à Srebrenica

 13   pendant l'été de l'année 1995, est-ce que vous pensez que ce type de

 14   rations d'urgence militaires auraient pu arriver par d'autres moyens, en

 15   d'autres termes, n'auraient pas forcément été emmenés depuis l'extérieur ?

 16   R.  Non, non, je pense qu'elles avaient dû être emmenées depuis

 17   l'extérieur.

 18   Q.  Je vous remercie. Alors une autre chose à propos de ce document avant

 19   que je ne passe à autre chose. Il s'agit dans la version anglaise de deux

 20   paragraphes avant la fin. Je vais vous en donner lecture et ensuite je vous

 21   poserais quelques questions. Voilà ce qui est écrit :

 22   "Il y avait également deux membres des forces SAS britannique, Jim et Dave,

 23   qui se trouvaient à l'intérieur de l'enclave, et le bataillon les avait

 24   rattachés à 108. Il ne savait pas ce qui étaient les ordres de ces membres

 25   du Groupe SAS à l'intérieur de l'enclave. Il avait entendu de la part du

 26   lieutenant Caris que ces hommes qui appartenaient au Groupe SAS faisaient

 27   office d'officier de liaison pour le général Smith et qu'ils étaient en

 28   contact direct avec [inaudible]. Le Bataillon néerlandais les considérait


Page 10355

  1   un peu comme en quelque sorte des empêcheurs de tourner en rond à

  2   l'intérieur de l'unité."

  3   Alors, premièrement, lorsqu'il est dit : "Il ne savait pas quels étaient

  4   les ordres des membres du Groupe SAS à l'intérieur de l'enclave," il s'agit

  5   de vous, à nouveau, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui, oui, tout à fait.

  7   Q.  Et puis il est écrit dans une phrase : "Il avait entendu de la part du

  8   lieutenant Caris que ces hommes du Groupe SAS faisaient office -- étaient

  9   utilisés comme une sorte d'officiers de liaison pour le général Smith et

 10   étaient en contact direct avec lui."

 11   Alors la première fois que nous voyons "il," c'est une référence à vous-

 12   même. Vous avez entendu cela de la bouche du lieutenant Caris, et puis le

 13   dernier "il" correspond au général Smith ?

 14   R.  Oui, c'est exact.

 15   Q.  Et maintenant nous avons obtenu ces précisions; est-ce que vous

 16   confirmez que ce dont je viens de vous donner lecture est exact et

 17   véridique et je pense aux faits dont il est question ?

 18   R.  Oui, c'est exact et véridique.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je voudrais savoir à quoi

 20   correspond la référence 108.

 21   M. IVETIC : [interprétation] C'était la question que j'allais vous poser.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Excusez-moi. Alors la

 23   question que Me Ivetic allait vous poser portait sur la référence au numéro

 24   108; à quoi est-ce que cela correspond ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Le numéro 108 correspondait -- enfin était le

 26   numéro des unités de reconnaissance et de commando qui faisaient partie du

 27   Bataillon néerlandais.

 28   M. IVETIC : [interprétation]


Page 10356

  1   Q.  Et j'ai juste encore une précision à vous demander. Car il me semble

  2   que dans votre réponse vous n'avez pas précisé qu'il s'agissait d'une unité

  3   de commando de l'Armée royale néerlandaise. Est-ce bien exact ?

  4   R.  Oui, c'est exact.

  5   Q.  Est-ce que le Groupe 108 donc avait la même mission que le reste du

  6   Bataillon néerlandais ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Et est-ce que ce Groupe 108 présentait ses rapports en utilisant la

  9   même chaîne de commandement que le Bataillon néerlandais ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Alors quel était l'effectif, combien d'hommes se trouvaient au sein de

 12   cette Unité de Commando néerlandaise, le numéro 108 ?

 13   R.  C'était une section, mais je ne me souviens pas du nombre exact

 14   d'hommes.

 15   Q.  Est-ce que vous savez si cette Unité 108 était, ou est-ce que vous

 16   savez plutôt si leur présence était connue des camps serbes et musulmans ?

 17   Est-ce que leur existence donc à Srebrenica était connue ou dissimulée ?

 18   R.  Il n'y avait pas de présence dissimulée. Ils agissaient en tant

 19   qu'Unité spéciale de Reconnaissance au sein du Bataillon néerlandais. Donc

 20   ils respectaient les mêmes règles, les mêmes directives.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je vois l'heure qu'il

 22   est. J'aimerais vous demander de pouvoir mettre un terme à votre contre-

 23   interrogatoire en une ou deux minutes.

 24   M. IVETIC : [interprétation] Oui, oui, tout à fait. J'ai encore une

 25   question avant la pause.

 26   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire - si tant est que vous le sachiez -

 27   quel type d'affectations avait été donné à cette Unité 108 lorsqu'ils se

 28   sont trouvés dans l'enclave de Srebrenica ?


Page 10357

  1   R.  Ils participaient à des patrouilles également notamment des patrouilles

  2   de reconnaissance. Mais je n'ai pas d'information à propos des détails de

  3   leurs affectations.

  4   Q.  [aucune interprétation]

  5   M. IVETIC : [interprétation] Je pense que le moment est peut-être venu de

  6   faire la pause.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Je vais dans un premier 

  8   temps inviter le témoin à suivre Mme l'Huissière, et je vous demanderais

  9   Monsieur de revenir dans 20 minutes.

 10   [Le témoin quitte la barre]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, je vois que vous

 12   souhaitez intervenir. Vous ne vous êtes pas levé juste parce que ça va être

 13   la pause.

 14   M. GROOME : [interprétation] Non, non, je voulais juste soulever une

 15   question très brièvement à huis clos partiel.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons passer à huis clos

 17   partiel.

 18   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 19   [Audience à huis clos partiel]

 20   (expurgé)

 21   (expurgé)

 22   (expurgé)

 23   (expurgé)

 24   (expurgé)

 25   (expurgé)

 26   (expurgé)

 27   (expurgé)

 28   (expurgé)


Page 10358

  1   (expurgé)

  2   (expurgé)

  3   (expurgé)

  4   (expurgé)

  5   (expurgé)

  6   (expurgé)

  7   (expurgé)

  8   (expurgé)

  9   (expurgé)

 10   (expurgé)

 11   (expurgé)

 12   (expurgé)

 13   (expurgé)

 14   (expurgé)

 15   (expurgé)

 16   (expurgé)

 17   (expurgé)

 18   (expurgé)

 19   (expurgé)

 20   (expurgé)

 21   (expurgé)

 22   (expurgé)

 23   (expurgé)

 24   (expurgé)

 25   (expurgé)

 26   [Audience publique]

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [aucune interprétation] --

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] --


Page 10359

  1   C'est une décision qui va être rendue eu égard à la requête présentée

  2   de façon urgente par l'Accusation, à propos du témoignage du témoin RM284,

  3   l'Accusation ayant demandé qu'il soit entendu dans le cadre d'une

  4   vidéoconférence, et cela a été déposé le 5 avril 2013.

  5   Au vu de la date qui est proposée pour la déposition, et au vu de la

  6   nature urgente de cette demande, de façon exceptionnelle, la Chambre va

  7   rendre sa décision de façon orale, les raisons motivant notre décision

  8   seront présentées par écrit par la suite.

  9   Après avoir pris en considération les arguments présentés par les

 10   parties, la Chambre conclut qu'il va dans l'intérêt de la justice

 11   d'autoriser ce témoin à témoigner par le biais d'une vidéoconférence, et

 12   par conséquent la Chambre fait droit à la requête.

 13   J'en ai terminé avec ces deux décisions. Et comme je vous l'ai

 14   indiqué, les raisons qui motivent notre décision seront présentées par

 15   écrit en temps voulu.

 16   Nous faisons une pause, et nous allons reprendre maintenant à 12 h

 17   15.

 18   --- L'audience est suspendue à 11 heures 57.

 19   --- L'audience est reprise à 12 heures 18.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez faire entrer le témoin dans le

 21   prétoire, s'il vous plaît.

 22    [Le témoin vient à la barre]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, si vous êtes prêt,

 24   vous pouvez reprendre.

 25   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 26   Q.  Monsieur, j'aimerais vous poser quelques questions supplémentaires au

 27   sujet de cette Unité 108.

 28   Est-ce que l'Unité 108 opérait en fonction des ordres bleus ou des


Page 10360

  1   ordres verts, et dans votre réponse, veuillez nous préciser quelle est la

  2   différence entre ces ordres qu'on désignait comme bleus et les ordres qu'on

  3   désignait comme verts ?

  4   R.  Je réponds d'abord à votre première question. L'Unité 108 fonctionnait,

  5   elle aussi, conformément aux ordres bleus, qui concernaient les activités

  6   quotidiennes du Bataillon néerlandais. Cette unité, donc, faisait partie du

  7   Bataillon néerlandais. Cela ne fait aucun doute.

  8   Quant à ce que l'on appelait ordres verts, ils concernaient des

  9   activités où l'aspect militaire était plus prononcé, et j'ai dû faire face

 10   à une telle situation le 9, dans la soirée. Nous sommes allés à bord de

 11   deux véhicules de transport de troupes au cours de la nuit, même si ces

 12   véhicules étaient de couleur blanche. En tout cas, nous avons essayé de

 13   soustraire nos activités aux yeux des observateurs. Donc, c'était une façon

 14   militaire de se déplacer vers le sud de l'enclave et d'entamer les travaux

 15   sur des positions d'arrêt.

 16   Quant à l'Unité 108, elle se conformait à toutes les activités

 17   habituelles du Bataillon néerlandais.

 18   Q.  Merci, Monsieur.

 19   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais maintenant revenir sur le document

 20   1D900. Et cette fois-ci, j'aimerais que l'on affiche la page 11 de la

 21   version anglaise, qui correspond à la page 10 en B/C/S. Je signale qu'il

 22   s'agit aussi de la page 11 en néerlandais.

 23   Q.  C'est un extrait qui concerne le laps de temps que vous avez décrit et

 24   qui s'est écoulé entre le 9 et le 10 juillet, lorsque vous vous trouviez

 25   sur des positions d'arrêt. Je vous présente d'abord cet extrait, et

 26   ensuite, je vais écouter votre réponse. 

 27   C'est le dernier paragraphe entier sur la page en anglais, et on peut y

 28   lire :


Page 10361

  1   "La surveillance de l'espace aérien est revenue en courant, s'est jetée

  2   dans un véhicule de transport de troupes qui attendait et a rejoint

  3   immédiatement le convoi, sa dernière partie. Il a attendu pendant un moment

  4   et ensuite s'est retiré pas à pas".

  5   Alors pour commencer, ce "il" dans cet extrait, à qui cela fait-il

  6   référence ? S'agit-il de vous ?

  7   R.  Oui, en effet.

  8   Q.  Compte tenu de ce fait, pourriez-vous nous confirmer les faits qui sont

  9   présentés ici, et est-ce qu'il s'agit d'un récit véridique, d'après vos

 10   souvenirs ?

 11   R.  Oui, la description est véridique et elle est correcte.

 12   Q.  Et, pour commencer, qu'est-ce que signifie ce sigle YPR ? Est-ce que

 13   c'est un acronyme qui se réfère aux véhicules de transport de troupes que

 14   vous avez évoqués tout à l'heure ?

 15   R.  Oui. C'est l'expression néerlandaise pour désigner une certaine marque

 16   de véhicules de transport de troupes dont nous utilisions sur place.

 17   Q.  Et les personnes que vous avez identifiées comme faisant partie de la

 18   surveillance aérienne, de qui s'agissait-il ? S'agissait-il des effectifs

 19   de l'Unité 108 ?

 20   R.  Oui. Ils étaient membres de l'Unité 108, renforcés par quelques soldats

 21   de la SAS britannique.

 22   Q.  Ai-je raison d'affirmer que cet incident s'est produit pendant la

 23   période qui nous concerne, à savoir entre le 9 et le 10 juillet, lorsque

 24   vous vous êtes replié de votre position première pour mettre en place une

 25   position d'arrêt ? A moins d'avoir tort, il me semble qu'il s'agit du point

 26   2.

 27   R.  Si mes souvenirs sont bons, cela s'est produit le 11 juillet. Je me

 28   repliais de l'emplacement initial où se trouvait ma position d'arrêt au sud


Page 10362

  1   de la ville, en direction de la base de la Compagnie Bravo, qui était

  2   cantonnée dans la ville de Srebrenica elle-même, et avant de pénétrer dans

  3   la partie sud de la base de Srebrenica, la surveillance aérienne était

  4   revenue de sa mission.

  5   Q.  Monsieur, vous dites que les membres de la surveillance aérienne

  6   étaient revenus de leur mission. D'après ce que vous avez pu comprendre,

  7   leur mission consistait-elle à fonctionner comme des observateurs qui

  8   étaient censés faciliter les activités de l'appui aérien rapproché de

  9   l'OTAN, et par conséquent, les frappes aériennes contre les cibles serbes ?

 10   R.  Oui, c'est ce que nous en savions. Nous avions déjà demandé un appui

 11   aérien, et dans ce cas de figure particulier, nous l'avons obtenu. Et la

 12   surveillance aérienne s'occupait de détecter ce qui se passait sur le

 13   terrain depuis un avion qui était censé assurer l'appui aérien rapproché.

 14   Et, bien sûr, je pouvais voir l'effet de leurs activités, puisque les

 15   canons antiaériens des Serbes tiraient sur ces avions.

 16   Q.  Alors, permettez-moi de vous poser une question qui concerne le sujet

 17   que nous avons abordé tout à l'heure. Les activités de la surveillance

 18   aérienne, qui faisaient appel aux frappes aériennes militaires contre les

 19   positions serbes, peuvent-elles être définies comme conformes aux ordres

 20   verts, c'est-à-dire aux ordres militaires ou, alors, comme conformes aux

 21   ordres bleus, c'est-à-dire les ordres relatifs au maintien de la paix ?

 22   R.  Voire même dans le cadre des ordres bleus, nous avions la possibilité

 23   de faire appel à l'appui aérien. Et dès la soirée du 9, pratiquement tous

 24   les ordres qui ont été donnés aux effectifs du Bataillon néerlandais

 25   étaient des ordres verts, plus ou moins, parce que nous partions en mission

 26   à bord de véhicules de transport de troupes en arborant nos casques bleus,

 27   mais de toute façon, il est impossible d'exécuter, dans le sens plein de ce

 28   mot, les ordres verts.


Page 10363

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je pense que ce témoin a

  2   déjà expliqué qu'il fallait faire une distinction entre les frappes

  3   aériennes, d'une part, et l'appui aérien rapproché, d'autre part. Mélanger

  4   les deux peut semer la confusion par la suite. Donc, veuillez le garder à

  5   l'esprit, s'il vous plaît.

  6   M. IVETIC : [interprétation]

  7   Q.  Pourriez-vous nous dire quelle est la distinction qui sépare l'appui

  8   aérien rapproché des frappes aériennes ?

  9   R.  J'ai évoqué le terme de l'appui aérien rapproché parce que cela faisait

 10   partie de notre mandat. L'appui aérien rapproché est une forme d'appui très

 11   concrète qu'on fournit grâce à l'aviation. Donc, il s'agit d'aider les

 12   unités sur le terrain d'une façon très pointue, très précise.

 13   Quant aux frappes aériennes, comme vient de l'indiquer le Juge, elles

 14   ont un caractère tout à fait différent. Elles se déroulent à une échelle

 15   plus importante, et on n'en isole pas un emplacement précis pour engager

 16   des activités.

 17   Q.  Merci de l'avoir précisé, Monsieur.

 18   J'aimerais maintenant revenir sur votre déclaration en application de

 19   l'article 92 ter, pièce P1154.

 20   M. IVETIC : [interprétation] Il nous faut la page 8 de cette déclaration --

 21   ou plutôt, de votre déposition précédente qui se trouve à la page 2 261 du

 22   compte rendu d'audience original. En fait, non, c'est la page 9. Oui, c'est

 23   la page 2 261. Revenons à la page que nous avions tout à l'heure. Toutes

 24   mes excuses.

 25   Q.  Alors, Monsieur, j'aimerais que vous vous concentriez sur les lignes 13

 26   à 16 de ce document. Vous évoquez les postes d'observation et vous

 27   expliquez qu'ils ont essayé de faire du troc avec la population locale pour

 28   pouvoir mieux manger. Est-ce que vous avez entendu parler ou est-ce que


Page 10364

  1   vous avez été témoin oculaire des activités qui se passaient au noir et qui

  2   étaient engagées par les forces armées de la BiH ou l'ABiH à l'intérieur de

  3   l'enclave ? Je pense plus précisément à la vente de l'aide humanitaire

  4   livrée à l'enclave.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur McCloskey.

  6   M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui. J'aimerais que nous recourions à la

  7   déclaration 92 ter à chaque fois que cela est possible, et, par ailleurs,

  8   nous avons ainsi un certain nombre de faits jugés. Donc, j'aimerais qu'on

  9   fournisse des références complètes.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous souhaitez présenter au témoin

 11   les réponses qu'il avait déjà fournies à une autre occasion, il n'est pas

 12   très utile, Maître Ivetic, de lui faire lire un tel ou un tel fait jugé.

 13   S'il est possible de lui présenter la version originale du compte rendu

 14   d'audience, ce serait plus utile.

 15   Est-ce que vous l'avez ?

 16   M. IVETIC : [interprétation] Je ne l'ai pas téléchargée au prétoire

 17   électronique.

 18   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 19   M. IVETIC : [interprétation] Mais de toute façon, je me sers de ce document

 20   comme un point de départ. Il est question du marché noir.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur McCloskey, je vais maintenant

 22   procéder à la vérification de tous les faits jugés.

 23   Entre-temps, nous allons reprendre les débats. Me Ivetic peut poser

 24   ses questions. S'il estime nécessaire que le témoin soit informé des choses

 25   qui ne sont pas visibles dans le compte rendu d'audience, vous pouvez de

 26   nouveau soulever une objection.

 27   Veuillez reprendre, Maître Ivetic.

 28   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.


Page 10365

  1   Q.  Monsieur, est-ce que vous avez eu l'occasion d'être un témoin oculaire

  2   des opérations au noir qui ont été engagées par les forces de l'ABiH à

  3   l'intérieur de l'enclave ? Je pense plus précisément à la vente d'aide

  4   humanitaire livrée en l'enclave.

  5   R.  Pendant que je me trouvais dans l'enclave, j'ai entendu dire que

  6   certains éléments, et je ne sais pas si ces éléments faisaient partie des

  7   forces de la BiH, vendaient de l'aide humanitaire aux réfugiés. J'ai

  8   entendu parler du café et du sucre qu'on faisait venir dans l'enclave.

  9   Donc, j'en ai entendu parler, mais je n'ai jamais été sur place au

 10   moment cela s'est produit, si mes souvenirs sont bons.

 11   Q.  Est-ce que vous avez des connaissances relatives aux incidents où

 12   l'ABiH a offert aux effectifs du Bataillon néerlandais la possibilité de

 13   participer dans des activités illicites de ce type ? Je parle des activités

 14   au marché noir.

 15   R.  C'est une histoire dont j'ai entendu parler. Mais je n'ai jamais été

 16   témoin oculaire de ce type d'événement et je n'ai jamais participé à ce

 17   type d'activité.

 18   Q.  Et avez-vous eu l'occasion de voir ou d'entendre dire que les forces de

 19   l'armée de la BiH à Srebrenica cherchaient à proposer des prostitués aux

 20   membres du Bataillon néerlandais qui étaient engagés dans des postes

 21   d'observation ?

 22   R.  J'ai entendu des histoires de ce type circuler. Mais je tiens apporter

 23   une précision à vos deux questions. Pour moi, il n'est pas du tout prouvé

 24   que c'étaient les forces de la BiH qui se trouvaient derrière ces

 25   différentes tentatives.

 26   Q.  Permettez-moi de vous demander une précision. Je garde à l'esprit le

 27   fait que vous ne savez pas si c'étaient les forces de la BiH qui avançaient

 28   ce type de proposition, que vous ne savez pas de quelles personnes ou de


Page 10366

  1   quelles parties il s'agissait, mais s'agissait-il de propositions qui

  2   provenaient de l'enclave elle-même?

  3   R.  Je pense que oui, en effet.

  4   Q.  Et avez-vous eu l'occasion de voir ou d'entendre parler des personnes

  5   situées à l'intérieur de l'enclave de Srebrenica qui participaient à des

  6   guerres intestines et aux assassinats afin de régler les comptes

  7   mutuellement et pour pouvoir contrôler le marché noir ?

  8   R.  Je n'en ai jamais entendu parler. J'ai entendu des histoires qui

  9   circulaient au sujet des règlements de comptes, mais je n'ai jamais entendu

 10   une explication quant à ce qui les avait motivés.

 11   Q.  Merci, Monsieur. Alors, maintenant, je laisse de côté cette question du

 12   marché et je me penche sur un sujet qui vous sera plus familier.

 13   S'il est nécessaire de passer à huis clos partiel, signalez-le-moi, s'il

 14   vous plaît, mais voilà ma question. Quelques semaines après votre

 15   déploiement à Srebrenica, est-ce que vous avez eu une expérience

 16   dérangeante et qui concerne des personnes qui sont restées aux Pays-Bas ?

 17   Si vous souhaitez que nous passions à huis clos partiel, n'hésitez pas à me

 18   le signaler, je le répète encore une fois.

 19   R.  Non, cela n'est pas nécessaire.

 20   Q.  Très bien. Donc, vous souvenez-vous de cet incident que je viens

 21   d'évoquer et où vous avez reçu la lettre envoyée par le frère de l'un des

 22   commandants musulmans de Srebrenica à votre adresse aux Pays-Bas ?

 23   R.  Oui, je m'en souviens.

 24   M. IVETIC : [interprétation] Examinons maintenant le document 1D900, c'est

 25   un rapport sur lequel nous nous sommes déjà penchés précédemment. Il nous

 26   faut la page 2 des versions anglaise et néerlandaise, page 3 en B/C/S.

 27   Q.  Je pense que nous trouvons ici le résumé le plus succinct de cet

 28   incident sur lequel je souhaite vous poser des questions.


Page 10367

  1   M. IVETIC : [interprétation] Je répète, page 2 de la version anglaise

  2   et néerlandaise.

  3   Q.  Dernier paragraphe à cette page, veuillez suivre pendant que je lis,

  4   s'il vous plaît :

  5   "Au mois de février, sa fiancée a reçu une lettre d'un Yougoslavie habitant

  6   à Amsterdam. Il s'est avéré qu'il s'agissait du frère d'Ibro Smajic. Cette

  7   lettre comprenait, entre autres, les mots suivants : 'Votre petit ami est

  8   au courant de tout et l'argent est en route,' et puis il y avait une lettre

  9   en serbo-croate qui y était rattachée. Il en a informé M. Rave. Un peu plus

 10   tard, une enveloppe est arrivée, cette enveloppe contenait quelque 800

 11   marks allemands. Il ne savait pas du tout comment les Yougoslaves avaient

 12   déterré son adresse aux Pays-Bas. Rave croyait que cette adresse a pu être

 13   relevée par un sergent qui était souvent en contact avec Ibro Smajic.

 14   Lorsqu'il est parti, ce sergent qui s'appelait Hagenbeek avait offert un

 15   cadeau, des baskets et un jogging à cet homme. Et il savait, par ailleurs,

 16   que quelqu'un d'autre avait eu une expérience similaire."

 17   Alors, pour commencer, ceci est-il un récit correct et véridique ?

 18   R.  Oui, il correspond à la vérité et il est exact.

 19   Q.  Et la personne qui est identifiée ici comme étant Rave, qui vous a

 20   parlé de cet incident et qui a soupçonné l'un de vos collègues d'avoir aidé

 21   ce commandant des Musulmans de Bosnie à contacter les résidents

 22   néerlandais, s'agissait-il de Rave ?

 23   R.  Oui. Nous avons aussi un sigle qui indique son rang, c'est un acronyme,

 24   et il s'appelle Bert Rave. Et je pense que vous le connaissez puisqu'il a

 25   déposé devant ce Tribunal.

 26   Q.  Merci. Et j'imagine que votre frère [sic] ne savait rien de tout ceci,

 27   bien que ce soit indiqué dans la lettre ? Il ne savait pas pourquoi la

 28   lettre a été envoyée ou pourquoi l'argent a été envoyé; ai-je raison de


Page 10368

  1   l'affirmer ?

  2   R.  Oui, vous avez raison. Je ne sais pas comment ils ont trouvé mon

  3   adresse, et je ne savais absolument rien du tout au sujet de l'argent. Il y

  4   avait aussi une lettre en serbo-croate qui a été traduite par nous. Mais je

  5   n'étais pas du tout au courant de la teneur de cette lettre.

  6   Q.  Très bien. Et dans cet extrait que je viens de lire, on peut voir dans

  7   la dernière phrase :

  8   "Il savait que quelqu'un d'autre avait vécu une expérience similaire."

  9   Alors, j'imagine que cela se réfère à votre collègue fournissant des

 10   informations de nature personnelle aux Musulmans de Bosnie. Est-ce que

 11   c'est lui qui était au courant du fait que d'autres avaient vécu des

 12   expériences similaires ou est-ce que vous parlez de M. Rave ?

 13   R.  Non. Ce "il" ici se réfère à moi. Mais en fait, maintenant, quand j'y

 14   pense, je ne me souviens plus d'autre personne qui aurait vécu des choses

 15   similaires.

 16   Q.  J'aimerais vous poser quelques questions au sujet d'un incident relié,

 17   et je pense que la façon la plus efficace de procéder est de vous présenter

 18   une liste des réponses que vous avez fournies aux questions qui vous ont

 19   été posées dans le cadre de l'affaire Popovic.

 20   M. IVETIC : [interprétation] Document 1D898 de la liste 65 ter au prétoire

 21   électronique, page 6, veuillez afficher le document, s'il vous plaît.

 22   Q.  Nous commençons à la ligne 2 à compter depuis le début de la page.

 23   Veuillez suivre ma lecture, Monsieur :

 24   "Question : Et est-ce qu'il y a eu des soupçons concernant la poste interne

 25   et la possibilité que la population locale ait pu la manipuler ?

 26   "Réponse : Oui, parce que nous avions des soupçons au sujet des éléments de

 27   renseignement dont nous disposions en général ou au niveau des informations

 28   personnelles qui étaient connues par les commandants militaires musulmans


Page 10369

  1   locaux.

  2   "Question : Et je pense qu'aussi la centrale de la Compagnie Bravo avait

  3   été connectée par un représentant de la population

  4  

  5  

  6   locale ?

  7   "Réponse : Oui. C'est ce que j'ai entendu dire.

  8   "Question : Une ou deux questions vous ont déjà été posées à ce sujet, mais

  9   j'aimerais l'approfondir. Vous avez compris au fil du temps qu'il y avait

 10   d'autres agences qui étaient en présence dans l'enclave et dans ses

 11   environs, n'est-ce pas ? Je pense aux agences militaires.

 12   "Réponse : Oui, c'est exact.

 13   "Question : Hier, nous vous avons posé une question relative à la présence

 14   de la SAS britannique à l'intérieur de l'enclave. Ils n'étaient pas compris

 15   dans la mission officielle, n'est-ce pas ?

 16   "Réponse : Je pense qu'ils avaient leur propre mission, mais ils logeaient

 17   dans notre base avec nous.

 18   "Question : Et vous ne savez pas si leurs objectifs étaient les mêmes que

 19   les vôtres ou s'ils étaient tout à fait différents ?

 20   "Réponse : Je n'ai aucun élément d'information à ce sujet.

 21   "Question : Je pense que vous vous êtes aperçu à un moment donné que les

 22   effectifs militaires américains étaient eux aussi actifs dans la région de

 23   l'enclave.

 24   "Réponse : Je n'ai aucune information à cet effet. La seule chose que nous

 25   avons relevée, c'est que nous avons trouvé un certain nombre de rations

 26   américaines pendant que nous faisions nos patrouilles."

 27   Alors, pour commencer, Monsieur, pourriez-vous me confirmer que le texte

 28   que je viens de vous dire correspond à la vérité et qu'il est correct ?


Page 10370

  1   R.  Oui, tout est véridique et correct, en effet.

  2   Q.  Je vais commencer par la dernière partie du texte. Cet incident relatif

  3   aux rations américaines, c'est quelque chose que nous avons déjà évoqué

  4   tout à l'heure lorsque nous avons parlé des rations d'urgence ?

  5   R.  Oui, il s'agit d'un seul et même incident. Il s'agit des mêmes rations.

  6   Q.  Très bien. Et dans cet extrait du compte rendu d'audience, vous dites

  7   que vous vous êtes aperçu à un moment donné que d'autres agences militaires

  8   ont été actives à l'intérieur de l'enclave et dans ses environs. Est-ce que

  9   vous parliez de l'armée de la BiH uniquement ou est-ce que vous aviez à

 10   l'esprit des agences étrangères qui étaient physiquement présentes à

 11   l'intérieur de l'enclave ?

 12   R.  Je pensais exclusivement aux activités de la SAS britannique, et je

 13   n'ai pas parlé des fournitures qui ont été remises par les forces de la BiH

 14   ou d'autres agences étrangères.

 15   Q.  Merci de cette précision.

 16   Alors, j'aimerais que nous nous concentrions maintenant sur le laps

 17   de temps qui va du 9 au 10, voire au 11 juillet, lorsque vous vous trouviez

 18   aux positions d'arrêt. Vous en parlez en détail dans votre déposition en

 19   vertu de l'article 92 ter, à commencer par la page 11 et suivantes, ainsi

 20   qu'à la page 15 de P1154, qui correspond à la page du compte rendu

 21   d'audience 2 268 en vertu de l'article 92 ter. Au début de la page, à la

 22   ligne 1, on évoque le départ des soldats musulmans. Et je pense que cela

 23   concerne des discussions qui ont eu lieu dans la partie sud de Srebrenica,

 24   dont il est question sur la page précédente.

 25   J'aimerais vous poser la question suivante : d'après vos connaissances, où

 26   se trouvaient ces soldats musulmans au moment où les événements décrits

 27   dans le compte rendu d'audience se sont produits ?

 28   R.  Puis-je lire la page précédente, s'il vous plaît, afin de placer les


Page 10371

  1   choses dans leur contexte.

  2   Q.  Bien entendu.

  3   M. IVETIC : [interprétation] Peut-on revenir à la page précédente et peut-

  4   on zoomer la deuxième partie de la page, s'il vous plaît.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Bon. Maintenant, c'est clair pour moi.

  6   M. IVETIC : [interprétation]

  7   Q.  Alors, ces soldats musulmans pour lesquels vous avez dit qu'ils étaient

  8   partis, pouvez-vous nous aider à nous y retrouver, où se trouvaient donc

  9   ces soldats musulmans une fois qu'ils sont partis?

 10   R.  J'ai fait référence à la partie des positions d'arrêt où je me trouvais

 11   moi-même, c'est-à-dire au sud de la ville. Et nous sommes restés là-bas

 12   jusqu'au moment où les réfugiés, comme je l'ai dit à la page précédente,

 13   ont eu la possibilité de se diriger vers le nord, c'est-à-dire vers

 14   Potocari, où se trouvait le campement. Et pendant une période donnée de

 15   temps dans la nuit et le matin, lorsqu'il y avait encore des Musulmans là-

 16   bas en train de prendre position non loin de nos sites à nous, les sites de

 17   nos positions d'arrêt, ce que je mentionne ici au haut de la page, que je

 18   puis voir devant moi, c'est le fait qu'à un moment donné, les soldats

 19   musulmans s'étaient retirés, ils sont partis. Par rapport, donc, au point

 20   où je me trouvais moi-même, j'ai pu voir qu'ils s'étaient dirigés eux aussi

 21   vers le nord, dans la même direction que celle du déplacement des réfugiés.

 22   Q.  Ces soldats musulmans, que vous venez de nous décrire de façon plus

 23   concrète à présent, est-ce que vous avez eu des estimations concernant leur

 24   nombre ou leur puissance ?

 25   R.  A proximité immédiate de mon blindé de transport de troupes, les forces

 26   variaient. Ils étaient des fois cinq, des fois dix, parfois même 20, mais

 27   je crois que ce chiffre de 20 était un maximum.

 28   Q.  Si, maintenant, nous pouvons avancer un peu plus dans le compte rendu,


Page 10372

  1   et je crois qu'il s'agirait de la page 18 de votre déposition en

  2   application du 92 ter que nous avons ici au prétoire électronique. Pour le

  3   compte rendu, je précise qu'il s'agit de la page 2 271 de la transcription

  4   originale --

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, puis-je poser une

  6   question.

  7   M. IVETIC : [interprétation] Certainement.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit qu'ils se sont déplacés

  9   dans la même direction.

 10   Vous souvenez-vous s'ils avaient porté des armes, et si oui, lesquelles ?

 11   Et pouvez-vous aussi nous dire comment ils se sont déplacés ? Avaient-ils

 12   des véhicules ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils se déplaçaient à pied. Et ceux qui se

 14   trouvaient à proximité immédiate de moi-même portaient un fusil mitrailleur

 15   sur un trépied, et ils avaient quelques armes portatives, des pistolets.

 16   Dans un cas de figure, il y a eu aussi un lance-roquettes.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et des fusils ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, des fusils aussi.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 20   M. IVETIC : [interprétation] Je vois maintenant qu'on nous a affiché la

 21   page que j'ai demandée. Alors, penchons-nous sur les lignes allant de 17 à

 22   22.

 23   Q.  Ici, à ces lignes 17 à 22, page 18 de la pièce P1154, vous nous avez

 24   dit que vous aviez vu des hommes musulmans qui s'étaient dirigés vers

 25   Susnjari. Je ne veux pas vous citer de façon erronée, et je voudrais donner

 26   lecture de votre réponse de façon intégrale : 

 27   "Réponse : "Alors, en fait," - dites-vous dans votre réponse -"ça s'est

 28   passé lorsque nous nous trouvions au point 0.02, où nous avons vu un nombre


Page 10373

  1   important d'hommes qui se dirigeaient vers Susnjari. Ils ont quitté le

  2   point 0.02 vers OP Mike, c'est-à-dire poste d'observation Mike, et ce, dans

  3   une autre direction. On a pu les voir porter des armes de petit calibre sur

  4   eux. Il y avait des hommes de tout âge, il y avait même des jeunes garçons

  5   et des hommes âgés. Ils n'ont pas tous porté des armes, mais c'étaient tous

  6   des hommes et ils allaient dans cette direction-là."

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, vous avez souhaité lire à

  8   des fins de précision. Or, vous avez dit "or" en anglais au lieu de lire

  9   "so" en anglais dans la ligne 2.

 10   M. IVETIC : [interprétation] Je m'excuse.

 11   Q.  Alors, est-ce que c'est là le groupe de soldats musulmans dont nous

 12   avons parlé jusqu'au moment où ils sont partis au matin du 11 ? Ou est-ce

 13   qu'il s'agit d'un groupe autre ?

 14   R.  Non. Le groupe du matin du 11 était bien plus petit. Ceci avait été un

 15   groupe fort important. Il se peut que les soldats que j'avais vus le 11 au

 16   matin et le 10 au soir, et même le 9, aient fait partie de ce grand groupe

 17   que j'ai pu voir à la date du 11 en train de partir du point 0.02 pour

 18   aller en direction de Susnjari. Mais je ne peux pas être tout à fait sûr.

 19   Q.  Merci, Monsieur. Essayons de parler maintenant de ce groupe que vous

 20   avez qualifié de grand groupe ou de groupe important se dirigeant vers

 21   Susnjari. Quand vous dites "groupe important" ou "grand groupe",

 22   qu'entendez-vous au juste ?

 23   R.  Je pense qu'il devait y avoir là des centaines d'hommes, de garçons et

 24   d'hommes âgés dans le groupe. En fait, ils faisaient partie d'une colonne

 25   qui était en train de marcher en direction de Susnjari.

 26   Q.  Lorsque vous dites qu'ils portaient des armes de petit calibre ou que

 27   certains d'entre eux portaient cela, est-ce que vous parlez des mêmes types

 28   d'armes, c'est-à-dire pistolets, fusils, peut-être des mitrailleuses ou des


Page 10374

  1   lance-roquettes portatifs ?

  2   R.  Les seules armes que j'ai vues étaient des armes de petit calibre. Il

  3   n'y avait pas eu de mitrailleuses ou de lance-roquettes.

  4   Q.  Et pour ce qui est d'apporter des éclaircissements à la réponse que

  5   vous avez faite : est-ce que vous avez parlé d'armes de petit calibre ou de

  6   fusils de petit calibre ?

  7   R.  J'ai dit armes de petit calibre, cela veut dire pistolets des fusils.

  8   Q.  Merci. Alors ce groupe, ce grand groupe, ai-je raison de dire à son

  9   sujet qu'à un moment donné, ils ont continué à marcher dans une direction

 10   donnée puis ils sont revenus sur leurs pas ? Est-ce que c'est bien ce

 11   groupe-là qui l'a fait ?

 12   R.  Ce n'est pas ce que j'ai vu.

 13   Q.  Bien.

 14   R.  Je les ai vus quitter le point 0.02 pour aller vers l'ouest et je ne

 15   les ai jamais vus revenir.

 16   Q.  Penchons-nous maintenant sur la page suivante de votre déposition en

 17   application du 92 ter. Ce serait la page 19 dans le prétoire électronique,

 18   et penchons-nous concrètement sur les lignes 16 à 24.

 19   Ici, vous parlez, Monsieur, du matin où vous avez reçu un message disant

 20   que des effectifs serbes s'étaient emparés de l'enclave, votre mission

 21   consistait à déposer vos armes et, en somme, n'avoir pour mission que la

 22   fourniture d'une aide humanitaire par la suite.

 23   Alors la question que je voudrais vous poser, tout d'abord, c'est celle-ci

 24   : Pouvez-vous nous dire si, avant ce moment-là, vous avez reçu des ordres

 25   qui étaient primordialement de couleur verte, c'est-à-dire de nature

 26   militaire ?

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur McCloskey.

 28   M. McCLOSKEY : [interprétation] Est-ce qu'on peut avoir une date ? Parce


Page 10375

  1   qu'il n'est pas clair à partir du compte rendu d'audience de quelle date on

  2   est en train de parler.

  3   M. IVETIC : [interprétation]

  4   Q.  Vous souvenez-vous de la date où vous avez reçu ce message ? Etait-ce

  5   le 11 ou le 12 ?

  6   R.  Je pense que c'était le 12 juillet, c'était la première journée du

  7   début des transferts.

  8   Q.  Mais êtes-vous d'accord avec moi pour dire que les ordres que vous avez

  9   reçus avant ceci de la part de vos supérieurs avaient été plutôt des ordres

 10   de nature verte ? Parce que cet ordre-ci est de tout à fait un ordre de

 11   couleur bleue, pour les qualifier ainsi.

 12   R.  Au soir du 9, nous avons reçu cet ordre vert qui consistait à prendre

 13   des positions d'arrêt afin d'essayer de stopper ou essayer du moins de

 14   stopper le -- l'avancée des forces serbes en direction du nord, afin que

 15   les réfugiés puissent avoir le temps de parvenir jusqu'au secteur de

 16   Potocari. Et l'ordre vert a été en vigueur jusqu'à l'obtention de cet

 17   ordre-ci où l'on nous a donné instruction de déposer nos armes, mais ça

 18   allait au-delà de la mission en bleu que nous avions reçue au début de

 19   notre mission ou de notre tâche. Parce que la tâche en bleu, la mission

 20   normale du Bataillon néerlandais, cela comportait aussi des règles

 21   d'implication dans les combats avec possibilité d'appui aérien rapproché,

 22   et cela englobait bien plus que ce que nous avions comme mission jusque-là.

 23   A partir de ce moment concret, la seule chose que nous pouvions faire était

 24   de fournir une aide humanitaire, c'était bien moins que ce que nous avions

 25   eu comme mission auparavant.

 26   Q.  Lorsqu'il s'agit des ordres que vous aviez obtenus, soit vert ou bleu,

 27   obtenus précédemment, est-ce que l'on vous aurait donné des ordres

 28   consistant à coordonner vos activités avec celles des soldats musulmans de


Page 10376

  1   Bosnie ? Je parle de vos activités qui consisteraient à tirer en direction

  2   des forces des Serbes de Bosnie qui étaient en train de progresser.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, lorsque vous avez parlé

  4   "d'ordres qui étaient mélangés, c'est-à-dire verts et bleus"…

  5   Alors, au témoin de me rectifier si besoin est, mais, moi, j'ai cru

  6   comprendre que le témoin avait considéré que les ordres reçus avant la date

  7   du 9, qui étaient des ordres qui englobaient une mission de plus grande

  8   envergure, qui incluraient la possibilité de participer au conflit, c'est-

  9   à-dire participer au combat avec un appui aérien rapproché, et vous

 10   considérez ceci comme étant de ordre de couleur bleue.

 11   Or maintenant vous parlez d'ordres verts et bleus, mixtes, et ça prête à

 12   confusion, Maître Ivetic, parce qu'à moins que vous n'ayez la possibilité

 13   de nous préciser les ordres auxquels vous faites référence exactement.

 14   M. IVETIC : [interprétation] A la page 63, au numéro 4, le témoin a

 15   commencé par répondre en disant que :

 16   "Le 9 il y avait ce qu'on qualifie d'ordre vert," et ensuite les

 17   ordres sont devenus mixtes, verts et bleus.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais faisons une distinction entre

 19   mission et ordre.

 20   Si j'ai bien compris, l'ordre qui a été donné le 9 visait à ne pas

 21   intervenir de façon ouverte et de ne pas [comme interprété] se comporter

 22   plutôt de façon militaire. Et l'ordre vert, si j'ai bien compris, c'était

 23   des ordres qui étaient en vigueur avant l'obtention des ordres bleus, à

 24   moins que je n'aie pas bien compris.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, vous avez bien compris. Dans mon esprit,

 26   il n'y a pas eu de confusion entre les ordres pour ce qui est des dates

 27   allant jusqu'au 9. A compter du 6 janvier jusqu'au 9 juillet, nous avions

 28   une mission en bleu. Et à partir du 9 juillet, ou du soir du 9 juillet, mes


Page 10377

  1   activités étaient plutôt vertes, donc plutôt militaires, nous avons essayé

  2   de faire de ces activités des activités couvertes, donc des activités sous

  3   le couvert, et c'était des activités de combat avec tirs et exposition à

  4   des tirs.

  5   Et ça a duré jusqu'au matin du 12.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors si l'on comprend ainsi le

  7   témoignage, Maître Ivetic, on ne comprend pas alors ce à quoi vous faites

  8   référence lorsque vous parlez d'ordres verts et bleus, donc de ce mélange

  9   d'ordres verts et bleus et j'aimerais que vous fassiez une distinction pour

 10   ce qui est de ces ordres.

 11   Veuillez continuer.

 12   M. IVETIC : [interprétation] Merci. Je vais le préciser.

 13   Q.  Les ordres que vous avez reçus entre le 9 et le 12 juillet, c'était des

 14   ordres qui se rapportaient à la coordination des activités de combat en

 15   compagnie des combattants musulmans contre les combattants serbes ?

 16   R.  Je ne me souviens pas avoir reçu ce type d'ordres, mais si vous vous

 17   penchez sur mes positions d'arrêt et les activités des forces musulmanes

 18   là-bas, j'ai coordonné mes activités avec autant que faire se pouvait afin

 19   que nous ne nous tirions pas dessus les uns les autres. Je ne sais pas s'il

 20   y a eu des ordres de reçus par la filière de la chaîne de commandement,

 21   mais c'est ce que j'ai fait sur le site, oui.

 22   Q.  Je voudrais maintenant, Monsieur le Témoin, que nous allions un peu

 23   plus de l'avant et que l'on se centre sur la période de temps où vous êtes

 24   arrivé au campement des Nations Unies de Potocari.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Et si je peux élaborer, je voudrais parler des

 26   difficultés de la situation. Parce qu'à un moment donné, il y a eu

 27   tentative de coordination avec les soldats qui se trouvaient là-bas, les

 28   soldats musulmans qui se trouvaient là-bas, mais avec les changements de


Page 10378

  1   nombres dont j'ai parlés -- les changements intervenus au niveau des

  2   quantités d'effectifs. Il y a eu, quelques heures plus tard, une situation

  3   où un soldat musulman avait pris possession devant un lance-roquettes qui

  4   se trouvait juste face à mon blindé de transport de troupes et on m'a dit

  5   que c'était parce que les forces musulmanes voulaient nous empêcher de

  6   quitter ce site. Donc il était très difficile de coordonner nos activités

  7   avec celles des effectifs musulmans qui étaient présents là-bas parce que

  8   ça changeait tout le temps.

  9   M. IVETIC : [interprétation]

 10   Q.  Mais pendant cette période de temps, est-ce que ce lance-roquettes, qui

 11   se trouvait à proximité de votre blindé de transport de troupes - je ne

 12   sais plus s'il y en avait un ou deux - mais, dites-nous : Est-ce qu'on vous

 13   avait menacé ? Est-ce que les forces musulmanes de Bosnie avaient menacé --

 14   de nous tirer dessus, puisqu'il n'y avait pas eu d'appui aérien rapproché,

 15   il n'y a pas eu de frappe aérienne. Vous l'a-t-on dit ?

 16   R.  Je ne me souviens pas qu'il y ait eu un lien quelconque avec cet appui

 17   aérien rapproché. Pour autant que je m'en souvienne, nous avions pris nos

 18   positions d'arrêt et il y avait aussi possibilité pour nous de quitter ces

 19   positions d'arrêt. Et ceci apporte peut-être des éclaircissements pour ce

 20   qui est de la partie de la déclaration relative au départ des soldats

 21   musulmans, où j'avais la liberté d'intervenir, de quitter mes positions

 22   d'arrêt et de me déplacer vers une autre position d'arrêt.

 23   Q.  Merci d'avoir apporté cet éclaircissement.

 24   Je voudrais revenir à la période de temps où vous êtes arrivé à la

 25   base des Nations Unies.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, puis-je poser une

 27   question.

 28   Si j'ai bien compris votre réponse, lorsque les effectifs musulmans se


Page 10379

  1   trouvaient encore là-bas et lorsqu'ils ont essayé d'utiliser un lance-

  2   roquettes contre vous, vous n'aviez pas ressenti une liberté de mouvement

  3   pour ce qui était de changer de position, et vous n'avez pu le faire qu'une

  4   fois ces gens-là partis ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  7   M. IVETIC : [interprétation] Merci.

  8   Q.  Alors, Monsieur, peut-on se concentrer sur la période de temps qui est

  9   celle de votre arrivée au campement des Nations Unies à Potocari. Et je

 10   voudrais tout d'abord attirer votre attention sur la date du 12 juillet.

 11   Aurais-je raison de dire qu'à un moment donné les combattants de l'armée

 12   serbe sont partis et ils ont été remplacés par des effectifs de la police

 13   serbe ?

 14   R.  Tout d'abord, je voudrais dire que je ne suis pas arrivé au campement

 15   des Nations Unies à ce moment-là. On parle maintenant d'heures tardives de

 16   la soirée. Moi, j'étais quelque part entre le campement et la position 0.02

 17   au sud du campement, mais pas dans le campement des Nations Unies en tant

 18   que tel.

 19   Et à un moment donné, des membres des effectifs de la police serbe,

 20   puisqu'ils se sont présentés en tant que tel, sont venus aussi à cet

 21   endroit-là. Je ne sais pas s'ils ont été remplacés, mais à un moment donné

 22   des membres de la police serbe sont venus au site où je me trouvais moi-

 23   même, en effet.

 24   Q.  Bien.

 25   M. IVETIC : [interprétation] Alors, je voudrais maintenant que nous nous

 26   penchions sur le 1D897, c'est une fois de plus une partie du compte rendu

 27   de l'affaire Popovic. Page 30 du prétoire électronique, qui devrait

 28   correspondre à la page 2 341 du compte rendu d'audience de ce procès.


Page 10380

  1   Alors, essayons de nous pencher plutôt sur la deuxième moitié de la page, à

  2   compter de la ligne 14 et au-delà.

  3   Q.  Est-ce que vous souhaitez que je vous présente ce que vous avez dit

  4   pour avoir un suivi, un contexte, parce qu'au début de la page 14 :

  5   "Quand vous avez continué vos témoignages, page 53 du compte rendu,

  6   lignes 9 à 12, où vous avez dit que vous étiez en contact avec le

  7   commandant Franken et que c'est de sa bouche que vous avez appris que lui

  8   aussi avait connaissance du fait que les réfugiés allaient être transportés

  9   et que, pratiquement, c'est là que vous aviez compris que c'était ce qui

 10   allait se produire. Est-ce bien exact ?

 11   "Réponse : Oui. A l'occasion de mes contacts avec le commandant

 12   Franken, lui a confirmé qu'il avait également ouï dire à l'occasion de

 13   pourparlers que c'était le cas, et que les réfugiés étaient censés être

 14   transportés hors de l'enclave.

 15   "Question : Ce commandant Franken le savait déjà lorsque vous l'avez

 16   contacté, n'est-ce pas ?

 17   "Réponse : Oui. Cela est exact. En somme, il a été surpris de voir

 18   que c'était en train de se produire déjà.

 19   "Question : Donc, partant de là, partant de votre réponse, est-ce

 20   qu'il serait possible de conclure du fait que l'accord relatif à

 21   l'évacuation des réfugiés avait été établi à des niveaux plus hauts que les

 22   vôtres et à un niveau plus haut que celui du capitaine Mane, qui était sur

 23   le site même ?

 24   "Réponse : Je ne sais pas s'il y a eu un accord quel qu'il soit de ce

 25   genre. Ce qui était clair, c'est que non seulement à mon niveau, mais à des

 26   niveaux supérieurs aussi, il y a eu des négociations relatives à

 27   l'évacuation des réfugiés."

 28   Monsieur, est-ce que vous confirmez cette partie-là de votre


Page 10381

  1   déposition, est-ce que ceci correspond à la vérité et est-ce précisément

  2   les faits tels que vous les avez énoncés ?

  3   R.  Oui, c'est conforme à la vérité et c'est tout à fait précis.

  4   Q.  S'agissant des pourparlers ou des discussions à des réunions au niveau

  5   supérieur, avez-vous eu des connaissances plus précises que vous vous

  6   seriez procurées à ce moment-là ou plus tard pour dire que vous avez dû

  7   vous référer à d'autres pour ce qui est de ce sujet même ?

  8   R.  Non, je n'ai pas eu cela à l'époque, du tout.

  9   Q.  Bon, alors, je vais limiter mes questions à ce que vous avez pu

 10   apprendre ou entendre dire.

 11   Est-ce que l'un quelconque de vos supérieurs hiérarchiques, y compris le

 12   commandant Franken, aurait dit à un moment donné que les évacuations de la

 13   population hors de l'enclave étaient considérées comme une mauvaise chose

 14   et que ce type de chose devrait être empêchée ?

 15   R.  Je ne peux pas me souvenir d'avoir entendu dire quoi que ce soit de ce

 16   type de la part du commandant Franken, non.

 17   Q.  Bon.

 18   M. IVETIC : [interprétation] Alors, si à présent nous pouvions nous pencher

 19   sur la page 69 de ce même compte rendu au prétoire électronique, et ça

 20   devrait être la page 2 380 du compte rendu afférent.

 21   Q.  Et j'aimerais que l'on nous montre les lignes 18 à 25. Je vais d'abord

 22   citer :

 23   "Question : Est-il exact de dire qu'une évacuation rapide des gens de

 24   Potocari était la seule solution pour la population ?"

 25   Et la réponse apportée était celle-ci :

 26   "A l'époque, lorsque tous ces réfugiés s'étaient rassemblés à l'endroit où

 27   se trouvait auparavant une usine, à ce moment-là, il n'y avait pas de

 28   solution autre que celle de les évacuer, parce que, comme je l'avais dit


Page 10382

  1   auparavant, il y avait de fortes possibilités de voir une épidémie se

  2   présenter, les gens n'avaient pas à manger, n'avaient pas d'eau et les

  3   températures étaient fort élevées. Cela veut dire qu'à ce moment-là, il n'y

  4   avait plus d'autres solutions; c'est exact."

  5   Alors, dites-nous, Monsieur, si vous maintenez cette partie-là de votre

  6   déposition antérieure et est-ce que c'est conforme à la vérité, et est-ce

  7   précis pour ce qui est de ce sujet concret ?

  8   R.  Oui. C'est tout à fait conforme à la vérité et tout à fait précis.

  9   Q.  En sus, Monsieur, est-il exact de dire que les réfugiés qui s'étaient

 10   rassemblés à Potocari avaient en fait, pour bon nombre d'entre eux, exprimé

 11   le souhait de quitter l'enclave pour quelle que raison que ce soit ?

 12   R.  Oui. A ce moment-là, eux aussi avaient compris, parce qu'ils n'avaient

 13   plus ni foyer, ni lit, ni vivres, ni eau, et que ce n'était pas un endroit

 14   où ils pouvaient rester.

 15   Q.  Ai-je raison de dire, Monsieur, que le Bataillon néerlandais avait créé

 16   une chaîne humaine avec son propre personnel pour utiliser par la suite des

 17   blindés de transport de troupes pour essayer de canaliser la foule et

 18   empêcher les gens d'y aller sous forme de "stampedo" lorsqu'ils se sont

 19   efforcés d'accéder aux autocars pour sortir de Srebrenica ?

 20   R.  Oui, nous, on avait formé une chaîne humaine de l'autre côté de la

 21   route, c'est exact, et nous avons essayé d'apaiser ces réfugiés. Non

 22   seulement ils étaient en train de former un "stampedo", mais en plus, en

 23   raison de la chaleur, ils perdaient conscience, ils

 24   étaient en train de tomber par terre, et il y avait un gros risque de voir

 25   les gens marcher les uns sur les autres. Donc plus tard, le deuxième jour,

 26   on a utilisé quatre blindés de transport de troupes, non pas deux, pour

 27   essayer de créer une espèce d'entonnoir en forme de lettre V pour faciliter

 28   l'orientation de cette quantité énorme de réfugiés.


Page 10383

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je voudrais vous demander

  2   d'essayer de faire en sorte que nous fassions une pause dans les deux

  3   minutes qui viennent. 

  4   M. IVETIC : [interprétation] Oui, merci. Je crois qu'après ma question

  5   suivante, on pourra faire une pause.

  6   Q.  Alors dans cette période de temps, les Serbes n'étaient pas encore

  7   arrivés, et en l'absence du personnel serbe, pourriez-vous nous dire que

  8   les réfugiés musulmans de Bosnie avaient eux aussi exprimé la volonté de

  9   s'en aller, et est-ce qu'il n'y a eu personne pour les forcer à quitter

 10   Srebrenica ?

 11   R.  Oui, ils tenaient à s'en aller, ils voulaient s'en aller parce qu'à ce

 12   moment-là les forces serbes n'étaient pas là, il n'y avait que les forces

 13   des Nations Unies. Et j'ai pris la décision de commencer à effectuer les

 14   transports de ces réfugiés. Et à mon avis, pour les réfugiés, ça avait été

 15   une opportunité pour eux de faire en sorte que les familles restent

 16   ensemble afin qu'ils montent à bord d'autocars, de camions, ensemble d'une

 17   façon normale, sans pour autant être bousculés, poussés ou sans recevoir de

 18   coups de pied ou être brutalisés d'une façon quelle qu'elle soit.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 20   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons faire une pause.

 22   Vous pouvez suivre l'huissière, Monsieur Van Duijn.

 23   [Le témoin quitte la barre]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur McCloskey, je vous vois debout.

 25   M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous avons un

 26   autre témoin qui est disponible, et je voulais dire que je n'ai pas de

 27   questions supplémentaires à poser.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, de combien de temps


Page 10384

  1   pensez-vous avoir besoin après la pause, il nous restera quelque 40

  2   minutes.

  3   M. IVETIC : [interprétation] Eh bien, je vais probablement avoir besoin de

  4   la totalité de ce temps, et il se peut que j'aie besoin de dix à 15 minutes

  5   au-delà.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce que vous pouvez faire un

  7   effort pour en terminer avec le témoignage de ce témoin-ci aujourd'hui,

  8   sans faire attendre alors le témoin suivant.

  9   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons faire une pause, et

 11   nous reprendrons à 13 heures 25.

 12   --- L'audience est suspendue à 13 heures 16.

 13   --- L'audience est reprise à 13 heures 37.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-on faire entrer le témoin dans le

 15   prétoire.

 16   [La Chambre de première instance se concerte]

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, si vous avez besoin de

 18   cinq ou dix minutes supplémentaires, il se peut que nous en venions à

 19   demander l'indulgence de toutes les personnes qui travaillent avec nous,

 20   mais, de toute façon, nous terminerons avant 14 heures 30.

 21   M. IVETIC : [interprétation] Ecoutez, nous avons trois courts extraits

 22   vidéo à montrer. Je ne sais pas combien de temps cela va prendre pour

 23   charger la vidéo -- bon. Ce que vous montrez ne dure pas plus qu'une

 24   minute.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous nous donnez peut-être les

 26   numéros par avance ?

 27   M. IVETIC : [interprétation] Je l'ai déjà fait.

 28   M. GROOME : [interprétation] Oui, nous pouvons tout à fait vous aider, si


Page 10385

  1   cela est possible.

  2   Monsieur le Président, M. McCloskey est…

  3   M. GROOME : [interprétation] Il doit arriver d'une minute à l'autre, mais

  4   nous pouvons poursuivre.

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Maître Ivetic.

  7   M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  8   Q.  Je souhaiterais maintenant que nous parlions de la séparation et

  9   d'autres choses que vous avez relatées à propos des évacuations. Alors,

 10   premier temps, pièce P1154, page 34 de ce document, c'est-à-dire il s'agit

 11   à nouveau de votre déposition en application de l'article 92 ter.

 12   M. IVETIC : [interprétation] Et j'indique que cela correspond à la page 2

 13   287 [comme interprété] du compte rendu d'audience, lignes 6 à 13.

 14   Q.  Et là, vous parlez des explications qui vous ont été fournies par Mane,

 15   à savoir qu'ils avaient une liste de criminels de guerre et qu'il fallait

 16   qu'ils vérifient les noms de tous les hommes pour voir si ces noms

 17   figuraient sur la liste. Alors, dois-je comprendre de votre déposition que

 18   vous, en tant que militaire, ne considériez pas cette séparation des hommes

 19   par rapport aux autres réfugiés comme autre chose qu'un événement qui

 20   pourrait se produire lorsqu'un camp s'empare du territoire d'un autre ?

 21   R.  Oui, c'est exact. Fondamentalement, cela correspond à une

 22   procédure normale.

 23   Q.  Alors, pages 51 et 50 de ce compte rendu d'audience, vous faites

 24   référence à la maison blanche, à ce qui s'y passait, et au fait que vous

 25   aviez découvert des passeports qui avaient été laissés là. Et à la page 12

 26   du compte rendu d'audience --

 27   M. IVETIC : [interprétation] Excusez-moi, il me semble qu'il n'y a

 28   pas de traduction ? On me dit que le problème est réglé.


Page 10386

  1   Q.  Donc, compte rendu d'audience d'aujourd'hui, page 12, ligne 4, vous

  2   parlez des passeports, et outre les passeports, vous faites référence au

  3   fait que des documents d'identité ont été trouvés devant la maison blanche,

  4   et je souhaiterais que nous nous intéressions à nouveau à votre déposition

  5   dans l'affaire Popovic pour voir si cela va vous rafraîchir la mémoire à

  6   propos de ce que vous avez trouvé à cet endroit.

  7   M. IVETIC : [interprétation] Document 1D897 pour le système e-court, page 9

  8   de ce document, et cela devrait correspondre à la page 2 320 du compte

  9   rendu d'audience d'aujourd'hui. C'est le haut de la page, à partir de la

 10   première ligne. Et je cite, Monsieur :

 11   "Question : Vous nous avez également dit hier qu'après le départ des

 12   réfugiés de Potocari le 13 juillet 1995, ils ont laissé un certain nombre

 13   d'objets personnels, et vous avez mentionné, entre autres, des

 14   photographies et des couvertures. Alors, ma question est comme suit :

 15   hormis ces photographies et couvertures, est-ce que vous avez vu des

 16   documents d'identité, des documents permettant d'identifier les personnes,

 17   des passeports, des permis de conduire, des permis de port d'armes et des

 18   documents semblables ?

 19   "Réponse : Les passeports que j'avais vus se trouvaient sur la pelouse du

 20   bâtiment qu'on appelle la 'maison blanche', et si je ne m'abuse, les autres

 21   photographies et couvertures dont j'ai parlé hier étaient les objets

 22   personnels qui avaient été abandonnés dans la zone des réfugiés. Dans la

 23   zone des réfugiés, j'ai vu des couvertures des photographies. Je n'ai pas

 24   vu de passeports, par exemple, dans la zone des réfugiés. Les passeports

 25   que j'ai vus se trouvaient sur la pelouse de la maison blanche.

 26   "Juge Agius : Et les cartes d'identité, les permis de port d'armes et les

 27   permis de conduire, qu'en est-il ?

 28   "Le témoin : Non, non, je n'ai pas vu cela.


Page 10387

  1   "Juge Agius : Fort bien. Merci."

  2   Donc, est-ce que cette déposition que vous avez faite dans l'affaire

  3   Popovic vous rafraîchit la mémoire à propos de ce que vous aviez trouvé ?

  4   Est-ce que vous avez trouvé les passeports seulement sur la pelouse devant

  5   la maison blanche, et vous n'avez pas trouvé de documents d'identité ?

  6   R.  Oui, cela me rafraîchit la mémoire. Je réfléchis à ce que j'avais

  7   trouvé sur la pelouse de la maison blanche. Alors, je suis absolument sûr

  8   qu'il y avait des passeports à cet endroit, et si je ne me trompe, il y

  9   avait également d'autres types de documents d'identité sur cette même

 10   pelouse. Mais vous devez savoir que ces documents étaient en serbo-croate,

 11   et j'ai eu l'impression, en fait, qu'ils correspondaient à des documents

 12   d'identité.

 13   Q.  Donc vous êtes en train de modifier la déposition que vous avez faite

 14   dans l'affaire Popovic ou est-ce que vous confirmez cette déposition ?

 15   Parce que, là maintenant, je dois dire que j'ai du mal à comprendre.

 16   R.  Je confirme la déposition que j'ai faite dans l'affaire Popovic, et je

 17   vous dis très clairement que lorsque M. le Juge Agius m'a posé la question

 18   à propos des cartes d'identité, des permis de port d'armes et des permis de

 19   conduire, je pense qu'il faisait référence à la zone où s'étaient trouvés

 20   les réfugiés. Et comme je l'ai déjà indiqué auparavant, je n'avais pas vu

 21   de documents d'identité dans la zone destinée aux réfugiés. J'y avais vu

 22   des photographies et des couvertures.

 23   Q.  Et à propos de la maison blanche, est-ce que les passeports que vous

 24   avez trouvés se trouvaient en un seul et même endroit ou est-ce qu'ils

 25   étaient dispersés ?

 26   R.  Ils se trouvaient en fait sur la pelouse de la maison blanche qui avait

 27   une superficie de 10 mètres de long et de 4 à 5 mètres de large. Ils

 28   étaient dispersés sur cette surface.


Page 10388

  1   Q.  Ai-je raison d'avancer que vous avez trouvé quelque 20 à 25 passeports

  2   que vous avez rassemblés et placés dans la poche de votre short ?

  3   R.  Oui, cela semble plus ou moins exact.

  4   Q.  Est-ce que vous avez eu l'impression qu'il s'agissait de vieux

  5   passeports de la République yougoslave socialiste ou est-ce qu'il s'agit de

  6   nouveaux passeports de Bosnie-Herzégovine ? Ou est-ce que vous ne savez pas

  7   ?

  8   R.  Je ne le savais pas.

  9   Q.  Est-ce que vous savez si ces passeports étaient encore valides à ce

 10   moment-là ?

 11   R.  Non, non, je ne le savais pas.

 12   Q.  Puis-je avancer que vous ne pouvez pas exclure la possibilité que les

 13   passeports avaient été abandonnés par les hommes musulmans ?

 14   R.  Je n'en sais rien. Je n'en sais rien, pourquoi ils ont laissé leurs

 15   passeports à cet endroit.

 16   Q.  Est-il exact qu'outre les passeports que vous aviez trouvés à

 17   l'extérieur de la maison blanche, vous avez également vu que d'autres

 18   réfugiés avaient abandonné leurs passeports ainsi que des effets personnels

 19   à la gare routière ?

 20   R.  Non. Je ne pense pas qu'à la gare routière ou dans la zone pour les

 21   réfugiés, comme nous l'avons indiqué préalablement, j'avais vu des

 22   passeports. Je n'ai vu, là-bas, que des photographies et des couvertures.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, pour que la Chambre

 24   comprenne et suive votre raisonnement et la série de questions que vous

 25   posez, est-ce que vous êtes en train d'envisager la possibilité que ces

 26   passeports n'étaient plus valides et que, de ce fait, les personnes qui les

 27   avaient laissés là le savaient et, pour cette raison, ont pensé : Bon, ils

 28   ne sont plus valides, donc, par conséquent --


Page 10389

  1   M. IVETIC : [interprétation] Non, non, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'en est-il, alors --

  3   M. IVETIC : [interprétation] Le témoin nous a indiqué ce que Mane avait dit

  4   à propos du fait qu'ils n'auraient plus besoin de leurs documents

  5   d'identité, mais cela aurait pu -- on peut envisager une autre

  6   interprétation. Si un passeport n'est plus valide, le détenteur du

  7   passeport n'en a plus besoin.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. C'est clair pour la Chambre.

  9   M. IVETIC : [interprétation]

 10   Q.  Est-ce que vous vous souvenez que dans la déclaration originale que

 11   vous avez faite au bureau du Procureur le 25 octobre 1995 se trouvait une

 12   référence à propos du fait que vous aviez vu des passeports à la gare

 13   routière, et lorsque cela vous a été présenté lors de l'affaire Popovic,

 14   vous avez déclaré que vous ne saviez pas comment cela s'était retrouvé dans

 15   votre déclaration pour le TPIY ? Vous vous souvenez de cela ?

 16   R.  Non, je ne m'en souviens pas.

 17   M. IVETIC : [interprétation] Ou peut-être, aux fins du compte rendu

 18   d'audience, étant donné que je ne l'ai pas mentionné, je dirais que cela

 19   figure à la page 2 353 du compte rendu d'audience dans l'affaire Popovic.

 20   Mais fondamentalement, le témoin nous dit aujourd'hui qu'il ne se souvient

 21   pas avoir vu les passeports dans la gare routière.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ça, ce n'est pas un élément de preuve

 23   auquel la Chambre a accès. Mais s'il y a un accord à propos de ce que le

 24   témoin nous dit -- cela est maintenant consigné au compte rendu d'audience.

 25   Monsieur McCloskey, est-ce que vous considérez que cela est exact ou non ?

 26   M. McCLOSKEY : [interprétation] Ecoutez, je vais réfléchir, je vais voir.

 27   Je ne m'en souviens pas au pied levé, comme cela, Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends.


Page 10390

  1   M. IVETIC : [interprétation] Si nous pouvons être d'une certaine utilité,

  2   je vous dirais que cela figure aux lignes 1 à 23 de la même page. C'est à

  3   M. McCloskey que je m'adresse.

  4   Q.  Est-ce que vous saviez que dans le cadre du système civil de Bosnie,

  5   une carte d'identité était utilisée comme un document d'identification de

  6   base ?

  7   R.  Non, je ne le savais pas, cela.

  8   Q.  Et les propos que vous avez attribués au Serbe que vous appelez Mane à

  9   propos de ces passeports, j'aimerais vous poser une question à ce sujet.

 10   Lorsqu'il a dit qu'ils n'auront plus besoin de passeports, est-ce qu'il

 11   s'exprimait en anglais ou est-ce qu'il parlait par le truchement d'un

 12   interprète ?

 13   R.  Non, il a parlé grâce à l'aide de l'interprète, Miki, qui était

 14   toujours très près de Mane.

 15   Q.  Est-ce que vous avez eu l'impression que Miki n'était pas un interprète

 16   professionnel, mais plutôt quelqu'un qui avait une connaissance limitée de

 17   l'anglais ?

 18   R.  Non, je n'ai pas eu l'impression que Miki était un interprète

 19   professionnel, mais le fait est qu'il s'exprimait parfaitement en anglais.

 20   Q.  Et est-ce que Mane ou quelqu'un d'autre au nom des Serbes vous a dit de

 21   ne pas prendre les passeports ou est-ce qu'ils vous ont forcé à rendre les

 22   passeports ?

 23   R.  Non, ils ne m'ont pas forcé à rendre les passeports, et ils ne m'ont

 24   pas non plus empêché de les prendre d'ailleurs, non.

 25   Q.  Quant à votre interprétation de la signification qu'avaient pu avoir

 26   les propos proférés par Mane, lorsque vous repensez à ces événements

 27   rétrospectivement et compte tenu de ce qui a été publié dans la presse et

 28   les médias, est-ce que vous pensez que tout ce qui a été dit par la suite a


Page 10391

  1   un impact sur la façon dont vous envisagez le sort des hommes de Srebrenica

  2   ?

  3   R.  L'interprétation des propos proférés par Mane que j'ai faite doit être

  4   comprise à la lumière des images que j'avais déjà pu voir avant d'aller en

  5   mission, et qui vous font penser nécessairement aux camps de concentration.

  6   Ces images, on pouvait les voir à la télévision néerlandaise dès 1991 ou

  7   1992. Et, évidemment, au cours de notre formation, on nous a fait savoir

  8   que ce genre d'atrocités est effectivement quelque chose qui arrivait.

  9   Donc, dès le moment où on a commencé à transporter et à isoler les

 10   hommes, j'avais déjà ces images à l'arrière de la tête, et donc, déjà le

 11   fait que les hommes ont été séparés semblait annoncer un sort funeste qui

 12   leur était réservé. Mais quand j'ai entendu Mane dire ce qu'il a dit, alors

 13   il m'a semblé que leur sort devait être encore plus sinistre, puisque les

 14   hommes après avoir été isolés n'auraient plus besoin de leurs passeports.

 15   Q.  Et la conversation que vous avez eue avec Mane ne se rapportait qu'aux

 16   passeports, pas aux pièces d'identité ?

 17   R.  Nous n'avons évoqué que les passeports, en effet.

 18   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais qu'on affiche brièvement le

 19   document 1D00897 sur la liste 65 ter, page 51, qui correspond à la page 2

 20   362 du compte rendu d'audience.

 21   Q.  Monsieur, ici, aux lignes 8 à 23, il y a un échange assez long

 22   concernant l'utilisation des cartes d'identité à la place des passeports

 23   aux fins d'identification. On y souligne qu'une personne qui n'avait pas de

 24   passeport mais qui était munie d'une carte d'identité satisfaisait aux

 25   critères d'identification qui étaient en vigueur en Bosnie à l'époque sur

 26   le plan juridique. Alors, pendant que vous parliez, j'ai fait une

 27   recherche, et nulle part dans le compte rendu d'audience dans l'affaire

 28   Popovic je n'ai pu repérer un endroit où vous corrigez les personnes qui


Page 10392

  1   vous posent des questions au sujet des cartes d'identité et où vous les

  2   contredisez pour affirmer que vous avez vu, outre les passeports, des

  3   cartes d'identité en face de la maison blanche.

  4   Maintenant, quand vous dites que vous avez vu également des cartes

  5   d'identité devant la maison blanche, peut-être vous trompez-vous ?

  6   R.  Je ne pense me tromper, non.

  7   Q.  Alors, j'aimerais maintenant passer à la page 12 du compte rendu

  8   d'audience temporaire, ligne 4, où vous dites que la maison blanche a été

  9   bondée. J'aimerais essayer d'établir de combien d'hommes il s'agit au

 10   juste.

 11   M. IVETIC : [interprétation] Veuillez afficher, s'il vous plaît, le

 12   document 1D898 de la liste 65 ter, page 18 au prétoire électronique, qui

 13   correspond à la page du compte rendu d'audience 

 14   2 450 [comme interprété] dans l'affaire Popovic.

 15   Q.  Je commence par la ligne 1, et j'aimerais que vous me suiviez

 16   attentivement pendant que je fais ma lecture et pendant que je procède à

 17   des calculs.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, c'est à 2 405 vous vous

 19   référez, n'est-ce pas ?

 20   M. IVETIC : [interprétation] 2 405.

 21   Q.  "La question sur laquelle je souhaite que vous vous concentriez est la

 22   suivante : quand vous dites que vous avez vu plus de 300, voire 350 hommes

 23   qui ont été isolés, c'est le nombre d'hommes qui ont été pris, et non pas

 24   le nombre d'hommes qui ont été amenés avant votre intervention ?

 25   "Réponse : Non. C'est le chiffre total des hommes qui ont été isolés au

 26   cours de la journée, d'après mes estimations.

 27   "Question : Eh bien, c'est une question qui m'intéresse parce que Mme

 28   Fauveau a établi avec vous hier que le nombre de personnes que vous avez


Page 10393

  1   vues dans la maison le premier jour allait de 15 à 50, n'est-ce pas ?

  2   "Réponse : Oui. Je m'en souviens, en effet.

  3   "Question : Et vous dites que le lendemain dans la maison blanche vous avez

  4   vu entre 50 et 100 personnes, n'est-ce pas ?

  5   "Réponse : Oui. Je m'en souviens.

  6   "Question : Donc, au total, le nombre d'hommes que vous avez vus dans ces

  7   deux maisons au cours de ces deux journées était au maximum 150 personnes ?

  8   "Réponse : Les hommes que j'ai vus à ce moment-là, leur nombre devait se

  9   rapprocher de 150 plus ou moins. Mais quand j'examine dans sa totalité ce

 10   laps de temps qui s'écoulait sur deux jours et quand j'essaie de réfléchir

 11   et d'évaluer le nombre d'hommes qui ont été isolés, il me semble qu'ils

 12   devaient être plus nombreux. Je n'étais pas à la maison blanche pendant

 13   toute la journée du deuxième jour et je ne sais pas si d'autres hommes ont

 14   été transportés avant mon arrivée."

 15   Pour commencer, Monsieur, est-ce que vous confirmez ce qui est écrit dans

 16   cet extrait et est-ce que vous vous en tenez toujours à cette déposition

 17   que vous avez faite ? Confirmez-vous qu'elle est véridique et exacte quant

 18   à sa teneur ?

 19   R.  Oui, elle correspond à la vérité et les données sont exactes.

 20   Q.  Alors, les autres hommes que vous avez vus se faire isoler ont peut-

 21   être été relâchés par les Serbes par la suite sans que vous le sachiez,

 22   est-ce que c'est une autre raison pour laquelle vous avez cité le nombre

 23   que vous avez cité pour les hommes isolés dans la maison blanche ?

 24   R.  Non, je ne pense pas que ce soit là la raison. La raison, je l'ai déjà

 25   expliquée au cours de ma déposition précédente, c'est que je n'ai pas passé

 26   tout mon temps sur les lieux, dans la maison blanche.

 27   Q.  Très bien. Et est-il vrai que le 13 juillet dans la matinée, lorsque

 28   vous avez commencé l'évacuation en autobus, et avant l'arrivée des Serbes,


Page 10394

  1   quelque 100 à 150 hommes musulmans de Bosnie sont sortis de ces convois

  2   avant l'arrivée des Serbes ?

  3   R.  Je ne sais pas quels sont les chiffres avancés par NIOD. Je sais que

  4   NIOD a procédé à des évaluations quant au nombre d'hommes musulmans qui ont

  5   réussi à s'en sortir. Je pense qu'ils en ont retrouvé quelques-uns et

  6   qu'ils ont recueilli leurs dépositions pour se faire une idée de la

  7   situation qui prévalait à l'époque. J'espère que ces hommes étaient

  8   nombreux…

  9   Q.  Eh bien, je me fonde sur le chiffre de 100 à 150 hommes musulmans que

 10   vous avez cité dans l'affaire Popovic, page du compte rendu d'audience 2

 11   318. Et qui, à son tour, était basé sur le chiffre cité dans le rapport

 12   NIOD ? Si vous souhaitez, je peux vous présenter cet extrait.

 13   M. IVETIC : [interprétation] Document 1D897, à la fin de la page 7 et au

 14   début de la page 8.

 15   Q.  Donc la question commence à partir de la ligne 19 et votre réponse est

 16   entamée à la ligne 25. Et quand vous aurez fini la lecture, veuillez nous

 17   le dire pour que nous puissions passer à la page suivante.

 18   R.  Puis-je voir la page suivante, s'il vous plaît.

 19   Q.  Et est-ce que cela vous rafraîchit la mémoire quant au chiffre que j'ai

 20   cité tout à l'heure, à savoir le chiffre de 100, 150 hommes musulmans ?

 21   R.  Oui, ce document permet de me rappeler de ma déposition dans l'affaire

 22   Popovic, mais si mes souvenirs sont bons, j'ai déposé dans cette affaire

 23   avant que les chiffres calculés et présenté dans le rapport du NIOD aient

 24   été publiés. Et je ne sais donc pas si les évaluations de ce rapport sont

 25   basées sur mes évaluations ou s'ils ont procédé à des calculs indépendants.

 26   Q.  Mais sur quoi basez-vous votre évaluation ? S'agit-il des observations

 27   que vous avez pu faire personnellement --

 28   R.  [aucune interprétation]


Page 10395

  1   Q.  Bon. Maintenant, j'aimerais passer à un autre sujet.

  2   D'abord, vous décriez un incident où un jeune garçon a été pratiquement

  3   étranglé par un Serbe portant un uniforme noir --

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez nous citer la référence, Maître

  5   Ivetic, s'il vous plaît. De quelle page s'agit-il ?

  6   M. IVETIC : [interprétation] Page 81, ligne -- ah, je pense que la

  7   correction vient d'être apportée. Je suis désolé. Je [inaudible],

  8   sans doute, beaucoup trop vite. J'aimerais donc vous poser des questions au

  9   sujet de cet incident où vous dites qu'un jeune garçon a été pratiquement

 10   étranglé par un Serbe portant l'uniforme noir. Dès le moment où vous vous

 11   êtes adressé à Mane pour lui dire ce qui s'est passé, il a mis fin aux

 12   actions de ce Serbe en uniforme noir, il vous a dit que vous aviez bien

 13   raison de vous plaindre de cette façon de procéder et il a dit au Serbe en

 14   question qu'il était un soldat serbe et ne devrait pas se trouver sur place

 15   et il l'a donc amené ailleurs. Est-ce que cela correspond à la vérité, la

 16   description que je viens de faire ?

 17   R.  Oui, en effet.

 18   Q.  Et mis à part cet incident isolé, personnellement, vous n'avez pas été

 19   témoin de mauvais traitement ou de délits de quelque ordre que ce soit

 20   commis par des Serbes pendant l'évacuation des réfugiés ou pendant la

 21   séparation des hommes ?

 22   R.  Quand il s'agit de mauvais traitement ou de délits, mais bien sûr il y

 23   a eu de nombreuses journées qui regorgeaient de mauvais traitements et de

 24   délits, ou d'activités répréhensibles. Pour ce qui est d'incidents concrets

 25   et de la séparation des hommes en général, je me trouvais bien sûr en plein

 26   milieu de ce qui se passait, et donc j'ai pu voir de mes propres yeux un

 27   certain nombre d'incidents.

 28   Le fait que ce jeune garçon a été pratiquement étranglé, eh bien,


Page 10396

  1   c'est un incident auquel j'ai participé directement, mais il y a eu

  2   d'autres incidents, de nombreux incidents où j'ai essayé de convaincre Mane

  3   de permettre aux hommes de rester avec leurs familles.

  4   Donc si vous souhaitez tirer la conclusion qu'un seul incident s'est

  5   produit à cette époque, eh bien, non, je dois dire que vous avez tort.

  6   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais qu'on nous affiche à présent

  7   la pièce 1D900, page 16 dans la version anglaise, page 14 en version B/C/S.

  8   Q.  Une fois de plus, il s'agit d'un briefing qui est fait à l'intention de

  9   l'Armée royale néerlandaise en 1995.

 10   Il s'agit de la page 16 en version anglaise, page 14 en B/C/S,

 11   disais-je, et je me réfère à l'avant-dernier paragraphe qui commence par

 12   les mots :

 13   "Il a estimé qu'il n'était pas possible que les Serbes fassent quoi

 14   que ce soit à l'égard des réfugiés sans que ce soit remarqué. Alors cela

 15   aurait été remarqué et générerait de la panique, il y aurait eu des cris

 16   parmi les Musulmans. Les Musulmans paniquaient dès qu'ils voyaient quelque

 17   chose, comme par exemple lorsque ce Musulman s'était pendu."

 18   Alors, est-ce que vous confirmez que cet extrait se trouve être conforme à

 19   la vérité et précis s'agissant des faits qui sont évoqués ?

 20   R.  Oui, c'est tout à fait précis. Et si je ne m'abuse, il s'agit de la

 21   soirée et de la nuit du 12 au 13. Et la question qu'on vous a posée était

 22   celle de parler de la nuit et de la soirée pour savoir si les Serbes

 23   seraient revenus pour faire quoi que ce soit à l'égard des réfugiés

 24   musulmans sans que nous ne le remarquions.

 25   Q.  Je voudrais que nous nous penchions sur ce qui est dit trois

 26   paragraphes avant à la même page en anglais, vous évoquiez les hommes dans

 27   la maison blanche, et je cite ce que vous dites :

 28   "Il n'a vu aucun homme à être malmené là-bas."


Page 10397

  1   Alors est-ce que ceci est conforme à la vérité et est-ce bien exact, est-ce

  2   que ça coïncide avec les faits tels que vous en avez eu connaissance ?

  3   R.  C'est tout à fait conforme à la vérité et précis. Si vous vous penchez

  4   sur les événements qui se sont produits pendant que je me trouvais là-bas,

  5   personne n'a été ni battu, ni étranglé, ni quoi que ce soit d'autre. Donc

  6   pendant que j'étais là-bas, il n'y a eu aucun contact physique entre les

  7   Serbes et les hommes musulmans qui se trouvaient dans cette maison blanche.

  8   Q.  Merci, Monsieur. Je voudrais que nous tournions à la page suivante de

  9   ce document. Il se trouve là une partie intitulée "Comportement à l'égard

 10   des civils/réfugiés". C'est le deuxième des alinéas à partir du haut : "Et

 11   pour autant qu'on puisse le dire, c'était raisonnablement bon".

 12   Alors, est-ce que vous confirmez que ce segment décrit de façon exact et

 13   conforme à la vérité l'attitude à l'égard des réfugiés dans Potocari à

 14   l'époque ?

 15   R.  Ecoutez, vous devez lire ceci comme étant une partie du document

 16   entier. Le document entier, je ne sais combien de pages il comporte, mais

 17   cela a été un rapport présenté par moi-même à Assen, et à toutes ces pages-

 18   là, les incidents que nous avons évoqués hier et aujourd'hui se trouvent

 19   être décrits. Donc ceci est une déclaration que vous devez lire dans le

 20   contexte du document tout entier. Donc en sus des mauvais traitements et

 21   autres choses que j'ai eu l'occasion de voir, il n'y a rien eu d'autre à

 22   faire remarquer.

 23   Q.  Justement, Monsieur, c'est la raison pour laquelle je suis un peu dans

 24   la confusion. Le seul mauvais traitement que vous ayez relevé dans votre

 25   rapport et dans votre témoignage antérieur, cela a trait à une personne qui

 26   a presque étranglé un Musulman de Bosnie, et on vient d'en parler

 27   justement. Or, en sus de cela, vous dites que vous n'avez été témoin

 28   oculaire d'aucun mauvais traitement autre. C'est la raison pour laquelle je


Page 10398

  1   vous demande si vous avez été témoin oculaire d'autres mauvais traitements

  2   infligés mis à part cet incident.

  3   Et je vous redemande, Monsieur, vous souvenez-vous si cet incident

  4   avec le jeune garçon en question était le seul mauvais traitement auquel

  5   vous ayez été témoin par vous-même ?

  6   R.  Ecoutez, si vous considérez que pilonner sur des gens, leur tirer

  7   dessus, les expulser de chez eux, le fait de briser des familles et de les

  8   faire passer d'un côté à l'autre, si vous estimez que ce n'est pas des

  9   mauvais traitements, alors là, je crois que vous vous trompez parce que

 10   j'ai perçu ceci comme étant des mauvais traitements. En sus, il y a tout un

 11   éventail d'atrocités de commises, et ça, c'est un des mauvais traitements

 12   que j'ai pu constater par moi-même. Ce mauvais traitement infligé à ce

 13   jeune garçon, oui.

 14   Q.  Mais le fait de tirer sur des gens, de pilonner des endroits et de

 15   transférer des gens d'un endroit à l'autre, n'est-ce pas là des événements

 16   constituant d'une guerre ?

 17   R.  Oui, ce sont des facteurs ou des éléments constituant d'une guerre.

 18   Mais cela ne veut pas dire que c'est une bonne chose de faite.

 19   Q.  Est-il exact de dire, Monsieur, que les seuls cadavres que vous ayez pu

 20   voir et que vous ayez décrits vous-même, c'étaient des victimes

 21   d'hostilités, ça n'avait rien à voir avec les transports de réfugiés ?

 22   R.  Ça, c'est exact. Les corps que j'ai vus étaient des corps qui se

 23   trouvaient à d'autres sites et non pas au site où il y a eu transfert des

 24   réfugiés.

 25   Q.  Merci. Je voudrais maintenant que nous parlions de l'incident où il y a

 26   eu rencontre avec le général Mladic.

 27   Tout d'abord, vous décrivez le général Mladic qui était en train de parler

 28   des Pays-Bas, et il a parlé de prévisions disant que dans dix ans il


Page 10399

  1   aiderait les Néerlandais à se protéger eux-mêmes. Vous avez indiqué que

  2   ceci vous avait été traduit par les soins d'un traducteur serbe. Est-ce le

  3   traducteur répondant au prénom de Miki que nous avons précédemment

  4   mentionné ?

  5   R.  Non, ce n'était pas Miki. Je pense que c'était un interprète qui

  6   accompagnait tout le temps le général Mladic.

  7   Q.  Etait-ce le colonel Jankovic ?

  8   R.  Non, ce n'était pas le colonel Jankovic non plus.

  9   Q.  Bien. J'aimerais à présent que nous parlions d'un autre incident où

 10   l'interprète des Nations Unies que vous avez décrit a eu une rencontre avec

 11   le général Mladic.

 12   Alors dites-moi, tout d'abord, si j'ai raison d'affirmer que tout ce que le

 13   général Mladic a dit vous a été interprété et véhiculé par ce traducteur

 14   des Nations Unies ?

 15   R.  Je pense que c'est exact, oui.

 16   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vois qu'il est 2

 17   heures et 15.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Moi, je me demande de combien de temps

 19   vous avez besoin encore.

 20   M. IVETIC : [interprétation] Mais je crois que je ne pourrai pas le faire

 21   en moins de 25 minutes. J'ai besoin d'encore 25 minutes pour que nous

 22   puissions voir trois extraits vidéo assez brefs, et pour me permettre de

 23   poser des questions au sujet de sa rencontre avec le général Mladic, ce

 24   traducteur répondant au prénom de Miki, puis les entretiens avec Mane, et

 25   ce sont pratiquement les seuls deux sujets que j'ai en suspens.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donnez-nous un instant.

 27   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 28   [La Chambre de première instance se concerte]


Page 10400

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Van Duijn, malheureusement,

  2   nous n'allons pas pouvoir terminer aujourd'hui avec votre témoignage. Bien

  3   que nous ayons voulu le faire, comme vous avez probablement dû le

  4   comprendre. Mais étant donné qu'il faut pas mal de temps encore à la

  5   Défense pour qu'elle puisse terminer son contre-interrogatoire, les Juges

  6   de la Chambre estiment qu'il serait plus équitable de leur permettre de

  7   terminer demain, votre contre-interrogatoire. Je suis désolé d'avoir à vous

  8   demander de revenir, bien que ce soit pour une courte période de temps

  9   s'agissant de la matinée de demain.

 10   Alors, je voudrais entre-temps vous donner instruction de ne pas vous

 11   entretenir avec qui que ce soit au sujet de votre témoignage, et nous

 12   allons très probablement terminer avec votre témoignage à l'occasion de la

 13   première session d'audience demain matin.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Fort bien.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous pouvez maintenant suivre

 16   l'huissière, donc, revenez donc nous voir demain matin à 9 heures 30.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous allons nous revoir donc demain.

 18   [Le témoin quitte la barre]

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons lever l'audience pour

 20   aujourd'hui, s'il n'y a aucune autre question à aborder, et nous

 21   reprendrons demain, vendredi, 26 avril, à 9 heures 30, dans cette même

 22   salle d'audience.

 23   --- L'audience est levée à 14 heures 17 et reprendra le vendredi, 26 avril

 24   2013, à 9 heures 30.

 25  

 26  

 27  

 28