Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 18 octobre 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 35.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous dans le

  6   prétoire et à l'extérieur de ce dernier.

  7   Madame la Greffière, veuillez appeler l'affaire, je vous prie.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

  9   Messieurs les Juges. Affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 11   La Chambre a été informée qu'aucune question préliminaire ne sera soulevée

 12   avant le début de la déposition du témoin; alors veuillez, je vous prie,

 13   faire entrer le témoin dans la salle d'audience.

 14   [Le témoin vient à la barre]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Bowen.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de continuer, j'aimerais vous

 18   rappeler que vous êtes toujours tenu par la déclaration solennelle

 19   prononcée hier au début de votre déposition.

 20   LE TÉMOIN : JEREMY BOWEN [Reprise]

 21   [Le témoin répond par l'interprète]

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Bowen et Monsieur Jeremy, je

 23   voudrais vous rappeler de ménager des pauses entre les questions et les

 24   réponses et de ne pas parler trop rapidement. Vous devriez suivre mon

 25   exemple et parler calmement comme je l'ai fait il y a quelques instants.

 26   Cela faciliterait le travail des interprètes et des sténotypistes.

 27   Veuillez poursuivre, je vous prie.

 28   M. JEREMY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,


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  1   Messieurs les Juges.

  2   Interrogatoire principal par M. Jeremy : [Suite]

  3   Q.  [interprétation] Et bonjour, Monsieur Bowen.

  4   R.  Bonjour.

  5   Q.  J'aimerais commencer avec une précision pour ce qui est de votre

  6   déposition d'hier, et surtout j'aimerais que l'on précise un point qui

  7   porte sur le départ des civils de Cerska.

  8   Maintenant, à la page du compte rendu d'audience 18 055, lignes 7 à 9, le

  9   compte rendu d'audience se lit comme suit. Je vous pose la question

 10   suivante, et donc je dis :

 11   "Question : Est-ce que vous savez s'il s'agit de civils serbes de Bosnie

 12   qui étaient à Cerska qui étaient partis ?"

 13   Et vous avez répondu à la question par la suivante, vous avez dit que:

 14   "Réponse : La présomption était qu'ils s'étaient retirés vers Srebrenica."

 15   En réalité, j'aimerais vous poser une question concernant les civils

 16   musulmans de Bosnie plutôt que de vous poser une question concernant les

 17   civils serbes de Bosnie. Donc je voulais simplement préciser un point avec

 18   vous. En répondant à ma question, à quel groupe avez-vous réellement fait

 19   référence ?

 20   R.  Eh bien, je vous ai compris comme étant une question portant sur les

 21   Musulmans de Bosnie, donc j'ai compris votre question comme étant une

 22   erreur, en réalité. Et donc, c'est ainsi que j'ai répondu.

 23   Q.  Très bien. Merci.

 24   M. JEREMY : [interprétation] Monsieur le Président, Mme Stewart nous

 25   présentera maintenant un extrait vidéo portant sur le mouvement des civils

 26   dans Srebrenica. Il s'agit du document 65 ter 22510I.

 27   [Diffusion de la cassette vidéo]

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais vérifier pour voir si la


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  1   transcription est terminée et si tout a été correctement transcrit.

  2   M. JEREMY : [interprétation] Monsieur le Président, la transcription a été

  3   fournie aux cabines d'interprètes.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nonobstant ce fait, le débit était très

  5   rapide. Je demanderais aux parties de nous dire si elles ont besoin de plus

  6   de temps. Veuillez poursuivre, je vous prie.

  7   M. JEREMY : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur Bowen, avez-vous reconnu ce rapport ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et vous souvenez-vous de la date approximative à laquelle ce rapport a

 11   été fait ?

 12   R.  Je crois qu'il s'agissait du mois d'avril, je crois, du mois d'avril

 13   1993. Ou bien était-ce 1994 ? C'était le mois d'avril après la chute de

 14   Cerska dont nous avons parlé hier.

 15   Q.  Je vous remercie. L'homme que nous avons vu dans cet extrait vidéo et

 16   qui disait que la population était évacuée de Srebrenica et que ces

 17   derniers avaient déjà fait l'objet de nettoyage ethnique ailleurs, vous

 18   rappelez-vous de qui il s'agissait ?

 19   R.  C'était un envoyé spécial du Haut-commissaire des Nations Unies pour

 20   les Réfugiés. Je crois que son nom était Jose Maria -- mais je ne me

 21   souviens pas du nom de famille de cette personne. C'était un envoyé pour

 22   HCR, un envoyé qui était beaucoup plus qu'un porte-parole. C'était

 23   réellement quelqu'un qui était engagé également dans des réunions et des

 24   rencontres avec les dirigeants.

 25   Q.  Et il nous parle de personnes à Srebrenica qui avaient déjà fait

 26   l'objet de nettoyage ethnique autour de Srebrenica. S'agit-il du schéma du

 27   déplacement de la population dont vous avez fait référence dans votre

 28   témoignage hier ?


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  1   R.  Oui. J'ai fait référence à ce type de schéma, c'est-à-dire où les

  2   personnes se retrouvaient dans une situation ou ils se retrouvaient dans un

  3   endroit pour lequel ils estimaient qu'il s'agissait d'une zone sûre, alors

  4   que la pression de l'armée des Serbes de Bosnie continuait même à ce nouvel

  5   endroit, même là.

  6   M. JEREMY : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais demander que

  7   cet extrait vidéo soit versé au dossier.

  8   M. IVETIC : [interprétation] Aucune objection.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 22501I recevra la cote

 11   P2529.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Versé au dossier.

 13   Monsieur Jeremy, vous pouvez poursuivre.

 14   M. JEREMY : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur Bowen, au paragraphe 11 de votre déclaration, P2515 MFI, vous

 16   parlez d'une visite à Bijeljina en 1994 où vous avez rencontré un

 17   représentant serbe de Bosnie, et vous dites qu'il était impliqué dans

 18   "l'envoi des Musulmans". J'aimerais maintenant vous montrer un extrait

 19   vidéo qui est en rapport avec ceci.

 20   M. JEREMY : [interprétation] Il s'agit du document 65 ter 22511C, et nous

 21   allons commencer à 56 secondes.

 22   Monsieur le Président, la transcription de cet extrait vidéo a été

 23   remise aux cabines.

 24   [Diffusion de la cassette vidéo]

 25   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 26   "Le reporter : Vojkan était le président de la commission pour le mouvement

 27   libre de la population civile. Cela veut dire qu'il était chargé du

 28   nettoyage ethnique. Un rapport comparé pour les Nations Unies établit qu'il


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  1   dirige des groupes d'hommes musulmans qui terrorisent les communautés

  2   musulmanes. Vojkan Jerkovic nie le tout.

  3   Il dit, Je suis très heureux que cette équipe de télévision est venue. Il a

  4   transformé Bijeljina en une ville ethnique serbe et les Musulmans ont hâte

  5   de sortir.

  6   Interlocuteur en B/C/S : Il devrait remercier l'Etat serbe de leur avoir

  7   permis un mouvement, un déplacement de la population, de leur avoir permis

  8   de se déplacer librement.

  9   Une femme : C'est très dangereux. J'ai tout perdu. Je n'ai que les

 10   vêtements sur mon dos.

 11   Un homme en B/C/S : On frappait très fort à la porte. C'était un

 12   représentant serbe.

 13   Le reporter : Lorsque la permission est arrivée pour leur départ, Vojkan

 14   s'est assuré que nous étions là. Il leur a dit qu'ils pouvaient se saluer,

 15   et ensuite ils devaient partir. Les expulsions ne sont plus faites à bout

 16   portant, mais les Serbes comme Vojkan sont déterminés à chasser les

 17   Musulmans de ces villes. Il s'agit toujours de nettoyage ethnique."

 18   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 19   M. JEREMY : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur Bowen, le représentant auquel vous faites référence au

 21   paragraphe 11 de votre déclaration, s'agit-il du représentant que nous

 22   avons vu ici, Vojkan ?

 23   R.  Oui. Son nom était Vojkan Jerkovic.

 24   Q.  Dans ce reportage, vous dites que Vojkan avait fait du nettoyage

 25   ethnique "une procédure officielle". Pourriez-vous expliquer cette

 26   observation en fournissant un peu plus de détails ?

 27   R.  Il s'agissait là d'un documentaire d'une heure que j'ai fait sur le

 28   voyage emprunté par les personnes qui ont pris le corridor qui passait par


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  1   le secteur serbe. Donc vous n'avez vu là qu'un extrait vidéo. Mais c'était

  2   devenu une procédure bureaucratique. C'étaient des personnes qui, d'après

  3   le témoignage des personnes concernées, nous montrent un vieil homme et une

  4   personne, et ces derniers nous disent qu'ils avaient fait l'objet de

  5   pressions et ils se sentaient intimidés. Il y avait des expulsions à bout

  6   portant. Ces dernières avaient cessé, mais les personnes qui étaient

  7   restées derrière étaient néanmoins chassées. Ils étaient contraints de

  8   partir. Et, en réalité, maintenant ils avaient une procédure bureaucratique

  9   où ces gens devaient se rendre à un bureau pour remplir les formulaires. Et

 10   Vojkan Jerkovic a déclaré que sa mission ailleurs était telle qu'il

 11   s'attendait à recevoir un prix Nobel pour la paix pour son travail, parce

 12   qu'il essayait de faire la paix, de transporter ces gens de manière

 13   pacifique.

 14   Mais les dernières personnes qui étaient déplacées étaient intimidées. Il

 15   m'a semblé également qu'au reporter des Nations Unies, nous avions tenté de

 16   voir de quoi il s'agissait réellement, parce que les conséquences étaient

 17   les mêmes, les traumatismes étaient les mêmes; sauf maintenant qu'au lieu

 18   de se faire expulser à bout portant, ils étaient néanmoins expulsés par un

 19   changement d'équilibre ethnique dans la ville. Des personnes qui avaient

 20   des points de vue extrémistes avaient le pouvoir dans la ville et ils

 21   essayaient de faire de leur mieux pour essayer de chasser ces personnes.

 22   Donc la nuit, lorsque les caméras de télévision n'étaient pas là, les

 23   habitants étaient passés à tabac, on entrait dans leurs demeures par

 24   effraction et ils étaient chassés.

 25   M. JEREMY : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que cet

 26   extrait vidéo soit versé au dossier en tant que pièce de l'Accusation.

 27   M. IVETIC : [interprétation] Aucune objection.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.


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  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document recevra la cote P2530,

  2   Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

  3   M. IVETIC : [interprétation] Nous aimerions demander l'autorisation de

  4   consulter notre client.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. M. Mladic

  6   doit rester assis.

  7   Mais avant de continuer, je voudrais mentionner que P2530 est versé au

  8   dossier.

  9   Si vous avez besoin de plus de temps pour consulter votre client, Maître

 10   Ivetic, vous pouvez le faire.

 11   Monsieur Jeremy, je vois que vous êtes debout. Non, je ne savais pas si

 12   vous vouliez intervenir ou pas, donc vous pouvez vous asseoir. Je ne

 13   voulais pas vous dire que vous ne devriez pas être debout, mais je voulais

 14   simplement savoir si vous vouliez intervenir.

 15   M. JEREMY : [interprétation] Non. Merci, Monsieur le Président. Je vais

 16   simplement donner à Me Ivetic un petit peu plus de temps pour qu'il puisse

 17   consulter son client.

 18   Q.  Monsieur Bowen, vous avez couvert des événements également à Srebrenica

 19   en juillet 1995. C'est là que vous vous êtes rendu après Sarajevo ?

 20   R.  C'est exact. J'étais à Sarajevo à l'époque -- c'est-à-dire, au moment

 21   de la chute de Srebrenica et de la prise de contrôle par les forces serbes

 22   de Bosnie. Nous n'étions pas en mesure de nous déplacer de Sarajevo à

 23   Srebrenica et c'est pourquoi nous avons fait nos reportages depuis Sarajevo

 24   même.

 25   Q.  J'aimerais vous montrer un autre extrait vidéo.

 26   M. JEREMY : [interprétation] Il s'agit du document 65 ter 22879H.

 27   [Diffusion de la cassette vidéo]

 28   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]


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  1   "Les premières photographies de l'enclave de Srebrenica sont montrées

  2   par la télévision. Les Casques bleus néerlandais ont simplement pu voir les

  3   Serbes de Bosnie qui, pour les caméras allumées, remettaient des chocolats.

  4   Le général Ratko Mladic, le commandant en chef de l'armée des Serbes de

  5   Bosnie, s'est adressé à la population : 'N'ayez pas peur, les autocars vous

  6   transporteront vers un territoire musulman. Les femmes et les enfants

  7   d'abord. Personne ne sera blessé.'

  8   Aujourd'hui, 30 000 personnes ont été évacuées.

  9   Radovan Karadzic, le leader des Serbes de Bosnie, se trouvait dans le

 10   studio. Ceci montre la supériorité de la population serbe. Les menaces de

 11   la communauté internationale ne veulent rien dire pour nous. Si l'OTAN

 12   attaque, nous allons réagir. Il a dit que les Musulmans de Zepa et de

 13   Gorazde et se trouvant dans d'autres zones de sécurité, si ces derniers ne

 14   remettaient pas les armes, les Serbes allaient attaquer. Et pour ce qui est

 15   des personnes qui quittaient Srebrenica, il a dit que personne ne les

 16   forçait de partir.

 17   Il s'agit là du nettoyage ethnique, je dirais. Tout d'abord, la

 18   différence est que ces personnes ne veulent pas profiter de l'hospitalité

 19   de l'armée des Serbes de Bosnie.

 20   Que disent les Nations Unies ?

 21   Les Nations Unies ont toujours avancé qu'il s'agissait du nettoyage

 22   ethnique et qu'il s'agissait d'un génocide."

 23   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 24   M. JEREMY : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur Bowen, vous rappelez-vous d'où proviennent les images pour ce

 26   reportage ?

 27   R.  Je me souviens très bien d'avoir monté ce reportage. Techniquement,

 28   nous étions à Sarajevo et nous étions en mesure d'enregistrer la télévision


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  1   des Serbes de Bosnie qui était diffusée depuis Pale. Nous étions dans une

  2   station de télévision à Pale, et c'est là que nous avons reçu la majorité

  3   de ces images. Il est tout à fait possible que certaines images provenaient

  4   de différentes sources et que nous les avions envoyées à Londres pour

  5   améliorer la qualité technique. Mais essentiellement, toutes les images

  6   provenaient de la télévision de Pale. Nous étions en mesure de les voir

  7   depuis Sarajevo, et c'est ainsi que nous avons pu nous servir de ces

  8   images.

  9   Q.  Et la personne que l'on voyait à la fin de cet extrait vidéo, celui qui

 10   disait que les Nations Unies condamnaient le nettoyage ethnique et

 11   estimaient qu'il s'agissait d'un génocide, vous souvenez-vous de qui il

 12   s'agissait ?

 13   R.  Oui, c'était Alexander Ivanko. C'était le porte-parole pour le HCR des

 14   Nations Unies.

 15   Q.  J'aimerais maintenant vous poser une dernière question, Monsieur Bowen.

 16   Aujourd'hui, et hier d'ailleurs, nous avons parlé des réfugiés musulmans de

 17   Bosnie, des personnes que vous avez pu remarquer pendant votre séjour en

 18   Bosnie, au cours de vos séjours en 1992, 1993, 1994 et 1995. Réfugiés qui

 19   se trouvaient à Sarajevo, à Gorazde, Travnik, Trnopolje, Cerska et

 20   Bijeljina, entre autres. Pourriez-vous nous donner une évaluation du nombre

 21   de réfugiés avec lesquels vous êtes entré personnellement en contact, que

 22   vous avez interviewés et que vous avez vus de vos propres yeux ?

 23   R.  Eh bien, je dirais que dans le cadre -- ou, plutôt, dans le courant de

 24   ces quelques années en Bosnie, je me suis sans doute entretenu avec des

 25   centaines de réfugiés un à un, et j'en ai vu des milliers. Des milliers de

 26   personnes, littéralement. Des personnes dans des abris improvisés. Des

 27   personnes marchant dans la rue, eux qui venaient juste de se faire expulser

 28   de leurs maisons. Des personnes montant à bord des autocars. Des personnes


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  1   en train de pleurer. J'ai vu des centres de réfugiés. C'était le sujet

  2   constant, le leitmotiv constant de la guerre. Il s'agissait de réfugiés qui

  3   très souvent se trouvaient dans des situations précaires. Ils étaient

  4   traumatisés. J'ai sûrement dû m'entretenir avec plus d'une centaine de

  5   réfugiés. J'en ai vu certainement des milliers.

  6   Q.  S'agissant de réfugiés auxquels vous venez de faire référence, quelles

  7   étaient vos observations personnelles de l'impact que ce nettoyage ethnique

  8   a eu sur ces personnes et leurs familles ?

  9   R.  L'impact du nettoyage ethnique -- l'impact de ce nettoyage ethnique sur

 10   ces personnes était absolument catastrophique. Cela ne fait aucun doute.

 11   J'étais journaliste même avant mon mandat là-bas. J'ai eu beaucoup

 12   d'expérience, donc j'avais une expérience de plus de 20 ans et je m'étais

 13   rendu sur le terrain où 17 ou 18 guerres avaient déjà eu lieu. J'ai vu un

 14   très grand nombre de réfugiés. C'est toujours traumatisant. Mais je pense

 15   que la manière dans laquelle ces personnes étaient déplacées, il s'agissait

 16   d'un nettoyage ethnique qui était vraiment traumatisant. Ceci avait un

 17   caractère catastrophique sur leurs vies. Très souvent, ils étaient expulsés

 18   à bout portant, parfois ils n'avaient que quelques minutes pour sortir de

 19   leurs maisons, ne pouvant rien prendre avec eux. Ils étaient sans argent,

 20   sans demeure. Ils disaient que cela est arrivé du jour au lendemain.

 21   Et très souvent, lorsque je me suis entretenu avec ces réfugiés, je dois

 22   vous dire que j'ai entendu les mêmes récits au cours de ces plusieurs

 23   années, ils disaient que très souvent ils étaient déplacés ou ils étaient

 24   chassés de chez eux par des personnes qu'ils connaissaient, de manière

 25   violente, et surtout au début de la guerre. Et l'impact sur eux était

 26   terrible. Ils étaient traumatisés. Je m'entretenais avec des vieilles

 27   personnes, des vieux hommes, parce que les hommes en âge de porter des

 28   armes - encore une fois, c'est une caractéristique - mais les hommes en âge


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  1   de porter les armes étaient séparés, ils avaient été emmenés. Et très

  2   souvent, les personnes qui restaient derrière c'étaient les femmes et les

  3   personnes âgées. Donc ils ont souvent vu, été témoin du meurtre de leurs

  4   maris, de leurs fils, de leurs frères. Et j'ai souvent entendu ce genre de

  5   récit. Et parfois, ils parlaient également de jeunes garçons adolescents,

  6   âgés de 13 ou 14 ans, qui avaient été emmenés avec des hommes un petit plus

  7   âgés qu'eux.

  8   Et donc, il s'agit là, encore une fois, d'une société patriarcale

  9   très traditionnelle, et très souvent ces derniers étaient laissés sans

 10   hommes, si vous voulez, alors que les femmes avaient un rôle à jouer

 11   important dans la communauté. Mais les hommes n'y étaient plus, et donc les

 12   gens avaient peur. Ils étaient traumatisés et ils étaient complètement

 13   perdus. Et ceci s'est gravé dans ma mémoire, le fait de voir ces personnes

 14   qui avaient été chassées de chez eux d'une manière aussi brutale. C'était

 15   réellement horrible. Et je dois vous dire, en tant que journaliste, il

 16   m'était devenu difficile de faire en sorte que ces extraits soient montrés

 17   à la télévision, parce qu'il y avait presque une fatigue concernant les

 18   réfugiés, si vous voulez, par les personnes qui organisaient les

 19   programmes, et donc c'était très difficile. Encore une fois, ces réfugiés

 20   ont fait l'objet d'un abus physique. Et très souvent, il leur était -- et

 21   je dois vous dire, encore une fois maintenant --

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ralentissez, je vous prie.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais ralentir. J'avançais à l'époque que le

 24   fait même que l'on répétait ces récits de manière fréquente était justement

 25   ce qui les rendait encore plus importants, parce qu'il y avait un schéma

 26   qui était clair déjà au tout début de la guerre et qui s'est poursuivi tout

 27   au long de la guerre.

 28   M. JEREMY : [interprétation]


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  1   Q.  Merci, Monsieur Bowen.

  2   M. JEREMY : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions, Monsieur le

  3   Président, Messieurs les Juges.

  4   Il y a deux pièces que j'aimerais encore verser au dossier. Tout

  5   d'abord, c'est le dernier extrait vidéo, 22879H.

  6   M. IVETIC : [interprétation] Aucune objection pour que le document 22879H

  7   soit versé au dossier.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 22879H recevra la cote

 10   P2531, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P2531 est versé au dossier.

 12   M. JEREMY : [interprétation] Le deuxième document est le document avec

 13   lequel nous avons terminé l'audience d'hier, il s'agit du document 65 ter

 14   01027. Il s'agit d'une lettre de la Mission de surveillance de l'EC envoyée

 15   au général Mladic et datée du 2 mars 1993. Ce n'est pas un document que M.

 16   Bowen a vu de manière simultanée à ce moment-là. Donc son témoignage se

 17   recoupe avec le contenu de ce document, et c'est sur la base de ceci que je

 18   demande le versement au dossier de ce document.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic.

 20   M. IVETIC : [interprétation] Nous nous opposons à ce que ce document soit

 21   versé au dossier parce qu'il n'a pas été rédigé par le témoin. Ce n'est pas

 22   un document que le témoin connaissait. Son témoignage d'hier ne peut pas

 23   corroborer ce que les communications ont affirmé dans ces documents. Si

 24   l'Accusation demande à ce que ce document soit versé directement, nous nous

 25   attendons à ce qu'ils présentent une version aux fins d'une requête aux

 26   fins de versement direct avec tous les critères nécessaires pour ce type de

 27   requête, comme il a été le cas avec plusieurs requêtes aux fins de

 28   versement direct par le passé.


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  1   [La Chambre de première instance se concerte]

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit d'un document qui n'est pas

  3   très long, et les règlements concernant le versement au dossier des

  4   documents de manière directe, la Chambre a accepté et a expliqué pourquoi

  5   les documents qui sont versés au dossier directement et qui sont

  6   directement liés au sujet sur lequel porte la déposition du témoin à ce

  7   moment-là, ceci peut être versé de cette manière. Mais l'objection est

  8   rejetée.

  9   Madame la Greffière, quelle sera la cote de ce document ?

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document 01027 recevra la cote

 11   P2532.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Versé au dossier.

 13   M. JEREMY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

 14   Messieurs les Juges.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, est-ce que vous êtes prêt

 16   pour ce qui est du contre-interrogatoire du témoin ?

 17   M. IVETIC : [interprétation] Je crois que oui, Monsieur le Juge.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Bowen, vous allez à présent

 19   être contre-interrogé par Me Ivetic, qui est l'un des membres de l'équipe

 20   de Défense de M. Mladic.

 21   Allez-y, je vous prie.

 22   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Contre-interrogatoire par M. Ivetic :

 24   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Bowen.

 25   R.  Bonjour.

 26   Q.  Avant que d'entamer mes questions, je vais vous demander de veiller à

 27   faire une pause après ma question, et les réponses qui seront apportées

 28   aussi devront avoir une pause après, et je vais m'efforcer de faire la même


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  1   chose après vos réponses, pour faciliter le travail des sténotypistes et

  2   les interprètes. Nous sommes-nous compris ?

  3   R.  Oui, c'est compris.

  4   Q.  Bien. Alors, pour être tout à fait certain d'avoir compris les choses

  5   convenablement au sujet de votre biographie, je vous demanderais -

  6   référence faite à la première page de votre déclaration en application de

  7   l'article 92 ter, qui est la pièce P2515, MFI - il a été indiqué trois

  8   langues, mais il n'y a pas une seule qui se trouvait être le serbo-croate.

  9   Est-ce que nous pouvons donc conclure du fait que vous n'êtes pas à même de

 10   vous servir, ni couramment, ni autrement, du serbo-croate ?

 11   R.  C'est exact. J'ai appris quelques choses lorsque je suis allé dans les

 12   Balkans, j'en ai appris assez pour pouvoir parler aux barrages routiers.

 13   Mais je ne peux pas m'entretenir avec qui que ce soit en langue serbo-

 14   croate.

 15   Q.  Est-ce qu'il y aurait eu qui que ce soit d'autre de la BBC à avoir

 16   participé à l'approbation de votre déplacement vers La Haye pour témoigner

 17   en application du 92 ter ou alors au sujet du témoignage dans l'affaire

 18   Karadzic qui a également été présenté pour un versement au dossier en

 19   application de l'article 92 ter ?

 20   R.  Quand vous dites déclaration en application du 92 ter, c'est la

 21   déclaration de témoin que j'ai déjà faite ?

 22   Q.  Oui, c'est exact.

 23   R.  Personne au niveau de la BBC n'était censé approuver ou ne pas

 24   approuver mon témoignage et mon déplacement ici, non.

 25   Q.  Une question de nature générale d'abord pour vous. Etes-vous d'accord

 26   avec moi pour dire qu'un journaliste a une obligation professionnelle qui

 27   est celle de rapporter de façon précise au sujet des faits dont il vient à

 28   avoir connaissance ?


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  1   R.  Oui, je suis d'accord.

  2   Q.  Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire qu'un journaliste a

  3   aussi l'obligation professionnelle d'être impartial dans la transmission

  4   des faits dont il vient à prendre connaissance ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'un journaliste a également

  7   l'obligation professionnelle d'investiguer et de vérifier les faits qui

  8   sont rapportés par autrui avant que de les diffuser afin de s'assurer que

  9   cela est bien exact ?

 10   R.  Oui, je serais d'accord avec vous dans une certaine mesure. Parfois, il

 11   est nécessaire de transmettre les opinions d'autrui, ne pas les traiter

 12   comme étant des déclarations de fait, mais dire que vous êtes en train de

 13   transmettre des points de vue d'autrui ou la façon de percevoir qu'a

 14   quelqu'un d'autre d'une situation donnée. Et il n'est pas toujours à même,

 15   ce journaliste, d'investiguer au sujet de déclarations qui sont faites à

 16   une conférence de presse, d'interview ou autre conversation, en particulier

 17   lorsque cette personne parle à partir de fonction de responsabilité

 18   quelconque. Et vous devez dire en tant que journaliste que ça, c'est le

 19   point de vue avancé par cet individu-là.

 20   Q.  Monsieur, est-ce que vous estimez que lorsque vous avez fait des

 21   reportages au sujet de ce qui se passait en ex-Yougoslavie, vous vous êtes

 22   efforcé de vous conformer à l'obligation d'être impartial et précis ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Et cette déclaration de témoin que nous avons à présent sous les yeux,

 25   le P2515, marqué à des fins d'identification, est-ce que vous estimez que

 26   cette déclaration aussi se trouve être conforme à la vérité et conforme à

 27   l'obligation du journaliste d'être précis et impartial ?

 28   R.  Oui, je pense que cela correspond à la vérité et que cela satisfait à


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  1   l'obligation du journaliste, tout comme ce que j'ai déjà eu l'occasion de

  2   déclarer devant ce Tribunal.

  3   Q.  Est-il exact de dire que vous avez certaines fois dû vous fier à des

  4   informations obtenues par des opérateurs radioamateurs à Sarajevo lorsque

  5   vous avez envoyé des reportages pour la BBC ?

  6   R.  A plusieurs occasions, nous avons cité, voire filmé, des amateurs radio

  7   qui entretenaient des communications depuis Sarajevo avec certaines des

  8   enclaves sous le contrôle du gouvernement bosnien en Bosnie de l'Est. Et

  9   quand vous parlez du fait de se fier à cela, je crois que c'est exagéré. On

 10   les citerait comme sources d'information, tout comme on citerait, par

 11   exemple, la source de l'information au UNHCR ou la télévision de Serbes de

 12   Bosnie à Pale.

 13   Q.  Dans les occasions où vous veniez à citer des amateurs radio comme

 14   étant des sources, est-ce que vous avez pris des mesures pour ce qui était

 15   de vérifier les informations divulguées à vous avant que vous ne les

 16   diffusiez sur les ondes ?

 17   R.  Je pense que mon approche était celle de dire que les informations de

 18   la source n'étaient pas nombreuses. Et la façon dont les gens se

 19   procuraient des informations à Sarajevo était celle de passer par des

 20   amateurs radio. Alors, quand vous citez ce type d'information, il convient

 21   aussi de fournir le contexte; il est évident que ces amateurs radio

 22   intervenaient dans des circonstances qui leur étaient particulières.

 23   Q.  Etiez-vous conscient du fait qu'à l'époque, d'autres individus avaient

 24   des préoccupations relatives à l'exactitude ou l'inexactitude de ce qui a

 25   été diffusé par les amateurs radio ?

 26   R.  En ma qualité de journaliste, indépendamment de l'origine de ce celui

 27   qui parle, je suis toujours préoccupé par l'exactitude de ce qu'il m'est

 28   raconté. Je le savais il y a 20 ans, je le sais également maintenant. Les


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  1   gens, pour parler, parlent d'une perspective qui est la leur. Ils ne sont

  2   pas objectifs. Ils sont influencés par les circonstances, leur éducation,

  3   leur contexte. Et je crois que c'est un élément normal dans la

  4   communication humaine.

  5   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais que nous passions à la page 3 de la

  6   déclaration du témoin au prétoire électronique, et je précise qu'il s'agit

  7   de la page 4 en B/C/S.

  8   Q.  Nous avons besoin de nous pencher sur le paragraphe 2, où vous nous

  9   dites que vous vous êtes penché sur votre déclaration première et que vous

 10   avez également revu certains enregistrements vidéo à des fins de rédaction

 11   de cette déclaration. Alors, étant donné qu'il n'y a aucun enregistrement

 12   vidéo ou aucun enregistrement audio à être mentionné de façon précise, je

 13   voudrais vous demander si vous avez réexaminé et revu la totalité de vos

 14   reportages de l'ex-Yougoslavie ou est-ce que vous avez pris une sélection

 15   de ces reportages et déclarations ?

 16   R.  Au fil des années, j'ai envoyé beaucoup de reportages de l'ex-

 17   Yougoslavie. Il y avait différentes versions d'une même histoire, je ne

 18   peux pas vous affirmer que j'aie tout revu. Mais avant que de faire ma

 19   déclaration de témoin en juin 2009, j'ai également rédigé un livre. Ce

 20   livre ne se rapportait pas seulement à l'ex-Yougoslavie, mais on y a

 21   mentionné l'ex-Yougoslavie. Et pour rédiger ce livre, je me suis également

 22   penché à nouveau sur les copies de reportages dont je disposais à la

 23   maison. J'ai également consulté mes carnets de notes originaux et je me

 24   suis entretenu avec des personnes avec qui j'avais travaillé pour me

 25   rafraîchir la mémoire. Ce qui fait que j'estime m'être bien préparé, et, en

 26   fait, je pense que c'est surtout le cas pour ce qui est des informations

 27   contextuelles dont j'avais besoin. Bien entendu, au bout d'un certain

 28   nombre d'années, il faut vous rafraîchir la mémoire. Mais oui, je me suis


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  1   penché sur tout ceci, et je pense pouvoir dire que je suis très familiarisé

  2   avec la totalité des reportages qui ont été présentés ici en tant

  3   qu'éléments de preuve.

  4   Q.  Fort bien. Revenons maintenant vers le texte de votre déclaration qui

  5   nous avons sous nos yeux à l'écran. Au paragraphe 4, vous vous décrivez

  6   comme étant "un reporter de guerre assez expérimenté" lorsque cette guerre

  7   a commencé en Yougoslavie. Au paragraphe 3, vous dites que vous avez fait

  8   des reportages à partir de toute une série d'endroits. Serait-il plus exact

  9   de dire que vous avez envoyé des reportages en provenance de quelque 60

 10   pays où il y avait eu des conflits armés entre les années 1970 et 1980

 11   [comme interprété] ?

 12   R.  Ça devrait être ça. Je ne peux pas vous dire exactement 60. Mais vous

 13   vous souviendrez qu'à l'époque, il y avait des pays nouvellement créés. Et

 14   oui, j'ai eu beaucoup de travail. J'ai constamment voyagé entre 1989,

 15   lorsque je suis allé faire des reportages depuis ma première guerre, c'est-

 16   à-dire celle du Salvador. Et oui, j'ai été témoin oculaire bon nombre de

 17   conflits armés.

 18   Q.  Alors, quand on parle de quelque 60 pays différents ou à partir

 19   desquels vous avez fait des reportages relatifs à des conflits armés et

 20   avant la guerre de Yougoslavie, avez-vous vu des combats à quelque endroit

 21   où vous seriez allé avant ce conflit ?

 22   R.  Attendez, il faut être tout à fait clair. Il ne s'agit pas de 60 pays

 23   et il ne s'agit pas de 60 zones de guerre. Les 60 pays englobent aussi des

 24   récits en temps de paix. Donc j'ai été à bien des endroits qui avaient été

 25   exposés à des tirs directs avant l'ex-Yougoslavie, au Salvador, à Bagdad

 26   avant que cette ville ne soit bombardée par les Américains, Britanniques et

 27   autres. En 1991, j'ai été en Afghanistan lorsque les Soviétiques s'en

 28   allaient. En 1992, avant que d'aller à Sarajevo, j'ai été à Kaboul lorsque


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  1   les Moudjahidines ont pris la ville, et il y a eu des combats violents avec

  2   beaucoup de victimes que j'ai eu l'occasion de voir moi-même et il y a eu

  3   des moments très périlleux.

  4   Mais oui, en d'autres termes, j'ai eu une expérience assez importante

  5   pour ce qui est du fait d'être exposé à des tirs, de me retrouver parmi des

  6   gens armés à différents endroits, différentes circonstances, différentes

  7   guerres, avec des armées régulières, des groupes d'insurgés. Et avant la

  8   Bosnie en 1992, j'avais été en Croatie en 1991 aussi.

  9   Q.  C'est peut-être cela qui a prêté à confusion dans mon esprit. Alors,

 10   étant donné que vous avez déjà disposé de cette expérience en matière de

 11   reportage en provenance de lieu de combat, comment ne pouviez-vous pas

 12   croire vos yeux en 1991 en Croatie lorsque vous avez précisé, au paragraphe

 13   5, que vous n'en croyiez pas vos yeux lorsque vous avez vu un char en train

 14   de tirer ? 

 15   R.  Oui, mais la phrase d'après de cette déclaration vous dit pourquoi. Ce

 16   qui m'a frappé, c'est que rien de semblable ne s'était passé en Europe

 17   depuis 1945. Ce qui m'a stupéfait, c'est de voir en ma qualité d'Européen

 18   des chars en train de tirer non pas des manœuvres mais pour de bon. Il y a

 19   eu en Hongrie en 1956 des chars qui ont, j'imagine, aussi tiré. Mais

 20   lorsqu'il s'agit de ce type de guerre, j'ai vu utiliser des chars datant de

 21   la Deuxième Guerre mondiale avec des chars aussi plus modernes, des T-54.

 22   Et ce qui m'avait stupéfait, c'était non pas de voir un char tirer, mais

 23   c'était de voir un char tirer en Europe et des villages en train de brûler

 24   avec des corps éparpillés partout dans les rues. Je ne m'attendais pas en

 25   ma qualité d'Européen à voir ceci. Mes expériences de guerre étaient des

 26   expériences d'Asie, d'Amérique centrale. Mais ce n'était pas dans ma propre

 27   cour que cela se passait jusque-là. Et c'est cela qui m'avait stupéfait.

 28   Q.  Alors, revenons un peu vers votre contexte de carrière. Est-il exact de


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  1   dire qu'avant que d'être reporter, vous n'avez jamais fait votre service

  2   dans des forces armées, ni dans votre pays, ni ailleurs ?

  3   R.  Je n'ai jamais été dans les forces. Avant que de devenir journaliste,

  4   j'ai été étudiant en troisième cycle dans les affaires internationales aux

  5   Etats-Unis d'Amérique.

  6   Q.  Est-il exact de dire qu'au fil de votre éducation, vous n'avez jamais

  7   eu un entraînement militaire ?

  8   R.  Non. Je n'ai jamais été dans l'armée.

  9   Q.  Est-il exact de dire, quand on parle de vos activités de journaliste,

 10   que vous avez reçu un prix à Monte Carlo en 1994 pour un documentaire que

 11   vous avez intitulé "Un travail non achevé", relatif aux événements de

 12   Mostar ?

 13   R.  C'est exact. Il s'agissait du siège de la partie est, essentiellement

 14   musulmane, à Mostar en 1993.

 15   Q.  Mis à part ce prix, est-ce qu'on vous a accordé d'autres discernements

 16   pour ce que vous avez fait en ex-Yougoslavie ?

 17   R.  Il s'est passé pas mal de temps depuis. J'ai eu une médaille à un

 18   festival de la télévision à New York vers cette même période pour ce qui

 19   est de la couverture que j'avais assurée depuis Mostar. Et je crois que ce

 20   serait tout pour ce qui est des distinctions qui seraient liées à mes

 21   reportages en provenance de l'ex-Yougoslavie.

 22   Q.  Vous avez mentionné le fait que vous avez aussi publié un livre. Est-ce

 23   que ce livre est intitulé "Récits de guerre" ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Est-ce que vous avez publié d'autres livres où vous parlez de l'ex-

 26   Yougoslavie, exception faite d'une section dans ce livre qui se rapporte à

 27   cette ex-Yougoslavie ?

 28   R.  Non. Mais j'ai déjà mentionné le fait que l'an passé, j'ai publié un


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  1   livre au sujet des insurrections arabes, et ce livre-là, je le commence en

  2   mentionnant le témoignage que j'ai fourni dans ce même prétoire dans

  3   l'affaire diligentée contre Radovan Karadzic, et ça coïncidait avec le

  4   début de la Révolution tunisienne. Et j'ai fait quelques comparaisons avec

  5   ce qui risquait de survenir au niveau de poursuite en justice contre des

  6   leaders arabes comme cela a été le cas pour ce qui est des leaders de l'ex-

  7   Yougoslavie. Et j'ai mentionné cette ex-Yougoslavie dans ce que j'ai rédigé

  8   par la suite.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je peux vous demander un

 10   éclaircissement. Vous nous avez dit que vous avez témoigné dans ce prétoire

 11   contre Radovan Karadzic. Est-ce que vous vouliez dire que vous avez

 12   témoigné contre Radovan Karadzic ou est-ce que vous avez témoigné dans

 13   l'affaire contre Radovan Karadzic ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais je ne

 15   suis pas sûr de faire la distinction juridique.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, on ne s'attend pas de la part

 17   d'un témoin à un témoignage contre ou pour quelqu'un. On s'attend à ce

 18   qu'ils témoignent partant de leurs souvenirs véridiques de certains

 19   événements, et cela peut se produire dans le contexte d'un procès diligenté

 20   contre quelqu'un.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Fort bien --

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous allez peut-être être cité par l'une

 23   des parties en présence. Et si l'Accusation vous cite à comparaître, on

 24   peut raisonnablement s'attendre à ce que cette Accusation s'attende à ce

 25   que votre témoignage vienne étayer leur thèse contre telle personne.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends maintenant, Monsieur le

 27   Président. Je m'excuse de cette mauvaise compréhension de la terminologie

 28   juridique qui est la mienne. Je suis comparu ici comme témoin contre


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  1   Radovan Karadzic, j'ai été cité à comparaître par l'Accusation.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous êtes en train de répéter que

  3   vous avez été témoin contre une personne.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oh, excusez-moi. Je suis comparu en tant que

  5   témoin dans le procès contre le Dr Karadzic.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Maintenant, je voulais m'assurer

  7   du fait que lorsque vous vous servez de ces mots, vous n'avez pas

  8   l'intention de dire que dans votre témoignage il y a eu des éléments

  9   d'attitude hostile à l'égard de l'un quelconque des accusés. Est-ce que

 10   nous nous comprenons bien ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge, je comprends. J'ai

 12   fourni mon témoignage partant du meilleur de mes souvenirs de l'époque, et

 13   j'ai cité à comparaître par l'Accusation.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, ceci a été tiré au clair.

 15   Maître Ivetic, vous pouvez continuer.

 16   M. IVETIC : [interprétation] Merci.

 17   Q.  Alors, Monsieur, je souhaite revenir sur la question du char vous avez

 18   vu tirer en 1991 en Croatie, vous ne pouviez pas en croire à vos yeux. Je

 19   note dans votre déclaration, que nous avons encore toujours sous les yeux,

 20   au paragraphe 5, la référence faite à l'incendie d'un village croate semble

 21   indiquer que le char dont vous parlez était un char serbe qui tirait sur

 22   les Croates. En réalité, Monsieur, vous rapportez un échange de tirs entre

 23   un char yougoslave et les forces croates, y compris un char croate, n'est-

 24   ce pas ?

 25   R.  Alors je ne vois pas qu'il y ait une quelconque implication dans cela,

 26   à savoir qu'il s'agissait d'un char serbe qui tirait de façon indiscriminée

 27   sur un village croate. En réalité, il y avait un char croate qui se

 28   trouvait dans la région, il y avait des combats en cours, le village était


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  1   en flammes, et le char que j'ai vu ne tirait pas sur le village. Le char

  2   tirait dans une autre direction. Nous avons eu accès à cette partie-là de

  3   l'endroit où il y avait les combats, nous venions de Zagreb, et donc je

  4   devais me trouver du côté croate des lignes. Donc c'était croate, c'était

  5   un char croate. Je n'ai pas laissé entendre, me semble-t-il, que ce char

  6   appartenait à la JNA.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Ivetic, où dans ce paragraphe

  8   avez-vous l'impression que le témoin sous-entendait qu'il s'agissait d'un

  9   char serbe ?

 10   M. IVETIC : [interprétation] Ecoutez, je n'ai pas dit que c'est ce que

 11   laissait entendre le témoin. J'ai dit que c'est ce que sa déclaration

 12   semblait entendre.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais c'est la déclaration du témoin.

 14   Ça, c'est ma première question.

 15   M. IVETIC : [interprétation] A la lecture de la déclaration, Messieurs les

 16   Juges --

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est précisément la question que je

 18   vous demande. Où dans ce paragraphe avez-vous cette impression ?

 19   M. IVETIC : [interprétation] Moi, j'ai eu cette impression à la lecture de

 20   l'intégralité de la déclaration, qui se concentre sur les actions des

 21   Serbes. Et c'est ambigu lorsque cela n'est pas précisé, on ne sait pas quel

 22   char tire.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors, revenons-en à ce que vous avez

 24   dit. A la page 23, ligne 13, vous avez dit :

 25   "Je souhaite revenir sur la question du char que vous avez vu tirer en 1991

 26   en Croatie, vous ne pouviez pas en croire vos yeux. Je note que concernant

 27   la déclaration, que nous avons toujours sous les yeux, au paragraphe 5, il

 28   est fait état de l'incendie d'un village croate, ça semble indiquer que le


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  1   char dont vous parlez est un char serbe qui tire tranquillement sur les

  2   Croates."

  3   M. IVETIC : [interprétation] Tous les membres de mon équipe ont eu cette

  4   impression-là. Donc je souhaitais simplement demander des précisions.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'entends bien. J'entends bien. Vous

  6   dirigez l'intention du témoin sur le paragraphe 5 --

  7   M. IVETIC : [interprétation] Oui.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] -- et vous lui posez la question. Vous

  9   lui dites à partir du paragraphe 5 -- veuillez me dire d'où vous déduisez

 10   cette impression.

 11   M. IVETIC : [interprétation] Oui, à la lecture du paragraphe 5, dans le

 12   contexte de l'ensemble de sa déclaration.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je vous demande de bien

 14   vouloir ne pas vous cacher derrière les membres de votre équipe. Vous êtes

 15   responsable de vos propos et de ce que vous dites au témoin.

 16   Nous allons maintenant avoir une pause.

 17   Monsieur Bowen, on va vous raccompagner.

 18   Nous allons avoir une pause, et nous reprendrons à 10 heures 50.

 19   --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

 20   [Le témoin quitte la barre]

 21   --- L'audience est reprise à 10 heures 54.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En attendant l'entrée du témoin dans le

 23   prétoire, la Chambre de première instance remarque que  dans la réponse

 24   fournie par la Défense dans sa 39e requête dans le cadre du 92 bis, qui a

 25   été déposée hier, nous n'avons pas encore précisé qu'une prorogation de

 26   délai a été accordée. La prorogation de délai a été accordée le 4 octobre

 27   et la prorogation accordée est de 14 jours. Le nouveau délai a donc été

 28   fixé à la date du 17 octobre.


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  1   Faites entrer le témoin dans le prétoire, s'il vous plaît.

  2   La Chambre de première instance a informé les parties en conséquence. Et

  3   donc, ceci a été maintenant consigné au compte rendu d'audience.

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic.

  7   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

  8   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Permettez-moi de préciser une de mes réponses

 10   dans le volet d'audience précédent.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors on m'a demandé si j'avais servi dans les

 13   forces armées, et la réponse exacte que j'ai donnée était non. Mais pour

 14   que je puisse vous donner une image complète, j'ai passé du temps dans

 15   l'armée britannique lorsque j'étais un jeune homme. J'avais environ 18 ans.

 16   C'est qu'on appelle un officier potentiel. Je pensais rejoindre l'armée.

 17   J'étais à Aldershot, qui est une ville britannique militaire importante, et

 18   j'ai passé du temps chez eux et j'ai fait un certain nombre de choses. Donc

 19   j'ai eu des rapports avec l'armée dans ce sens-là. C'est tout ce que je

 20   souhaitais préciser.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 22   Maître Ivetic, c'est à vous.

 23   M. IVETIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher le 1D1339

 24   dans le prétoire électronique, s'il vous plaît. Cela doit correspondre à

 25   l'ouvrage dont le témoin est l'auteur. Et si nous pouvons passer à la page

 26   2 du prétoire électronique, pages 126 à 127, s'il vous plaît, de ce même

 27   ouvrage.

 28   Q.  Et je souhaite vous demander de vous reporter à la fin de la page 126


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  1   et le haut de la page 127. Je crois que nous pouvons voir que nous parlons

  2   toujours du même char cité dans le paragraphe 5 de votre déclaration. Vous

  3   dites que "cela ressemblait à une nouvelle version de Kelly's Heros, je

  4   m'attendais à voir Telly Savalas en train de mâchouiller un cigare."

  5   Ensuite, au milieu de la page 127 :

  6   "Les Croates de la région avaient investi un musée militaire et ont emporté

  7   un char T-34, le type de char que l'Armée rouge a amené de Stalingrad à

  8   Berlin pour infliger une défaite aux Nazis. Son canon fonctionnait encore

  9   et ils disposaient des obus adéquats. Ils ont donc creusé pour que ce

 10   vétéran de la Deuxième Guerre mondiale puisse être positionné le long de

 11   l'autoroute de la Fraternité et de l'Unité qui reliait Zagreb à Belgrade.

 12   De temps en temps, ils tiraient sur les Serbes qui se trouvaient à un mille

 13   environ.

 14   "Dans un hôpital qui avait été un lieu de villégiature et une ville

 15   thermale, dans cette ville se trouvait un nombre très important d'hommes

 16   blessés. Dans le sous-sol, il y avait des médecins. C'était relativement

 17   sûr comme environnement. Il y avait les Croates qui étaient blessés. Dans

 18   un service médical au rez-de-chaussée, à côté des grandes fenêtres, se

 19   trouvaient les combattants serbes blessés qui avaient été attachés aux lits

 20   lors d'un barrage. Les fenêtres avaient été soufflées par le bombardement

 21   et les hommes qui étaient couchés sur leurs lits avaient de nouvelles

 22   blessures et coupures aux bras et sur le visage qui provenaient des éclats

 23   d'obus et de verre. Et leurs visages étaient contusionnés parce qu'ils

 24   pensaient que l'obus suivant allait peut-être venir du toit. On aurait tout

 25   aussi bien pu les placer au soleil pour que les vautours les dévorent."

 26   Tout d'abord, ce récit qui est extrait de votre livre, est-il un récit

 27   exact et correspond-il à la vérité concernant les faits dont vous avez été

 28   le témoin oculaire à l'époque ? 


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Et, en fait, s'agit-il du même char que vous citez au paragraphe 5 de

  3   votre déclaration ?

  4   R.  Vous voulez parler du T-346 [comme interprété] que l'on a installé sur

  5   la rive en creusant un endroit pour le faire ?

  6   Q.  C'est exact.

  7   R.  Non.

  8   Q.  Donc vous ou quelqu'un d'autre du bureau du Procureur avez-vous pris

  9   une décision en toute connaissance de cause pour retirer toute mention du

 10   char au paragraphe 5 pour préciser qu'il s'agissait d'un char croate ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  [aucune interprétation]

 13   R.  Alors je souhaite ajouter quelque chose, Monsieur. Si vous regardez le

 14   paragraphe précédent, je parle du char qui se déplaçait. A aucun moment je

 15   n'ai dit que c'était un char serbe.

 16   Q.  Soit. Alors il y a autre chose que vous n'avez pas mentionné dans votre

 17   déclaration, c'était une couverture assez importante des événements de

 18   Mostar. Conviendriez-vous avec moi pour dire que Mostar, plutôt que

 19   Sarajevo, était le théâtre des opérations le plus épouvantable en Bosnie-

 20   Herzégovine ?

 21   R.  Alors, moi, j'ai estimé, en 1993, lorsque j'étais à Mostar, que quand

 22   bien même il s'agissait d'une petite enclave, d'une petite région, que le

 23   niveau de violence que j'ai constaté, le niveau des combats et le niveau de

 24   souffrance étaient pires qu'à Sarajevo. C'est ce que je pensais en tout cas

 25   à l'époque. Je ne suis pas du tout en train de minimiser ce que j'ai vu à

 26   Sarajevo. Sarajevo était un secteur plus important. Et la différence

 27   essentielle était qu'il y avait à Sarajevo une aide humanitaire plus

 28   importante, même si le -- et je pense que le niveau de souffrance était


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  1   plus important à Mostar, parce qu'à ce moment-là, en 1993, il y avait

  2   quasiment aucune aide humanitaire qui parvenait dans la ville à l'époque.

  3   Moi, j'ai dû traverser la montagne pour pouvoir y arriver car les routes

  4   avaient été complètement coupées.

  5   Q.  Et conviendriez-vous qu'une autre différence entre Mostar et Sarajevo

  6   qui vous a conduit à conclure cela, c'est qu'à Mostar vous dites que

  7   c'était le théâtre des opérations le plus épouvantable, il y avait un

  8   niveau de dévastation très important et il n'y avait pas de marché noir à

  9   Mostar ?

 10   R.  Alors le manque d'aide humanitaire signifiait qu'il y avait très peu de

 11   marchandises à échanger, donc un marché noir tout petit à Mostar. Il y

 12   avait quelques personnes qui avaient des liens de l'autre côté des lignes,

 13   je ne veux pas parler des Serbes de la région du côté est, et certains

 14   avaient des connaissances. Et c'était une enclave beaucoup plus petite,

 15   beaucoup plus militarisée et beaucoup plus organisée. On pourrait comparer

 16   cela avec la situation à Gorazde, et voire même à Dobrinja. Comme à

 17   Sarajevo, nous savons que dans le centre de Sarajevo il y avait un marché

 18   noir prospère.

 19   Q.  Conviendriez-vous, alors, que malgré le fait qu'il n'y ait pas de

 20   marché noir prospère, le fait que cela était plus isolé que Sarajevo,

 21   Mostar est, contrôlé par la partie musulmane, a pu maintenir un

 22   approvisionnement régulier en armes et autres approvisionnements pour

 23   permettre aux forces de l'ABiH dans cette partie-là de la ville de mener

 24   une offensive et de prendre du terrain de façon importante des Croates ?

 25   R.  Alors ils tenaient la ligne de Jablanica, et moi, j'ai emprunté cette

 26   route pour entrer dans Mostar est. Moi, je suis rentré à cheval, des bêtes

 27   de somme qui transportaient un nombre important de choses, comme des obus

 28   de mortier et des munitions pour des petites armes. Ça, c'était en 1993. Je


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  1   me souviens que sur le plan militaire, c'était très organisé. Les Croates

  2   s'appuyaient beaucoup sur leurs armes lourdes pour bombarder la ville

  3   plutôt que d'utiliser les fantassins.

  4   Q.  Est-il exact que les forces de l'ABiH qui étaient approvisionnées par

  5   cette route, le long de cette route Ho Chi Minh que vous avez décrite, ont

  6   pu lancer une offensive et prendre un territoire important des forces

  7   croates de Bosnie avant que Sarajevo ne leur ordonne d'arrêter l'offensive

  8   ?

  9   R.  Alors je ne me souviens pas des détails précis. Je ne sais pas très

 10   bien si cela est arrivé au moment où j'étais là, mais je me souviens

 11   certainement du fait que les gens qui ont participé à ces opérations

 12   militaires me disaient qu'ils avaient pris -- ou, en tout cas, je ne me

 13   souviens pas si je n'étais pas dans le secret, je ne sais pas si ce sont

 14   les autorités de Sarajevo qui leur ont demandé de mettre un terme à cela.

 15   Je ne sais pas.

 16   Q.  Je vais maintenant revenir à Sarajevo. Avez-vous eu l'occasion de vous

 17   pencher sur la question, avez-vous eu une quelconque connaissance qu'à

 18   Sarajevo, avec un marché noir qui fonctionnait bien et une ville qui

 19   n'était pas sur un plan géographique isolée comme Mostar, que les forces de

 20   l'ABiH ont pu s'équiper encore mieux et se procurer des armes et des

 21   munitions ?

 22   R.  Alors, en 1992, ils n'étaient pas bien équipés. J'ai vu des

 23   combattants, par exemple, qui étaient armés de fusils de chasse, qui

 24   n'avaient pas de kalachnikovs ou des armes automatiques de type militaire.

 25   Et au fil de la guerre, surtout après avoir construit leur tunnel, il est

 26   vrai qu'ils étaient mieux organisés et ils se sont organisés sur le plan

 27   militaire. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Oui, ils étaient mieux.

 28   1992 était assez chaotique, ils n'avaient pas grand-chose. Mais en 1994,


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  1   1995, ils étaient mieux équipés, et au fil du temps ils se sont mieux

  2   équipés.

  3   Q.  Alors, est-ce que nous pouvons nous concentrer sur Sarajevo pendant

  4   quelques instants. Conviendriez-vous qu'une des autres différences entre

  5   Sarajevo et Mostar, c'est le fait qu'à Mostar les forces de l'ABiH étaient

  6   unifiées, alors qu'à Sarajevo il y avait de nombreuses factions armées,

  7   hostiles les unes envers les autres ?

  8   R.  Oui, je dirais que c'est une façon adéquate, exacte, de décrire la

  9   situation à l'époque. Encore une fois, il s'agissait de taille. A Mostar,

 10   les forces de l'ABiH étaient beaucoup plus -- ils étaient davantage une

 11   force de cohésion qu'à Sarajevo, parce que c'était différent. Surtout en

 12   1994, 1993-1994, il y avait un nombre important de factions belligérantes

 13   différentes à Sarajevo. Je dirais que le terme de "factions belligérantes"

 14   est trop fort. Il y avait des factions rivales, je devrais dire.

 15   Q.  Alors, pour être plus clair, ces factions rivales étaient surtout

 16   constituées des forces musulmanes ?

 17   R.  Non, pas tout à fait, pas toujours. Il s'agissait des personnes qui

 18   étaient de mariage mixte et il y avait des Croates et des Serbes

 19   d'appartenance ethnique purement serbe et purement croate, mais je ne

 20   dirais pas qu'il n'y avait que des Musulmans. La plupart des dirigeants que

 21   je connaissais personnellement, néanmoins, étaient Musulmans. Et la plupart

 22   des hommes qui portaient des armes également.

 23   M. IVETIC : [interprétation] Alors je demande à ce que l'on regarde

 24   maintenant le 1D1348 dans le prétoire électronique.

 25   Q.  Il s'agit là du compte rendu d'audience de votre déposition dans

 26   l'affaire Prlic.

 27   M. IVETIC : [interprétation] Je souhaite que nous regardions la page 46 du

 28   prétoire électronique, qui devrait correspondre à la page du compte rendu


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  1   d'audience 12 756 du compte rendu sous-jacent. Je souhaite que nous

  2   regardions ceci à partir de la ligne 3.

  3   Q.  Je vais vous citer les questions et les réponses, et ensuite j'aurai

  4   des questions de suivi à vous poser :

  5   "Question : Monsieur Bowen, vous avez évoqué les tirs embusqués.

  6   Maintenant, lorsque vous avez parlé de votre expérience à Mostar est, ainsi

  7   que dans votre déclaration écrite, vous faites mention de plusieurs

  8   activités de tireurs embusqués. La question que j'ai à vous poser est

  9   celle-ci : avez-vous remarqué ou avez-vous eu connaissance qu'il y avait

 10   des actions menées par des tireurs embusqués de Mostar est en direction de

 11   Mostar ouest, ce qui signifie que les forces musulmanes, dans ce cas,

 12   auraient utilisé ces actions de tireurs embusqués comme moyens de combat,

 13   ou cela se concentrait-il surtout sur les actions de tireurs embusqués de

 14   la partie ouest de Mostar ?

 15   "Le témoin : Je n'ai pas vu cela, mais je suppose que cela se produisait.

 16   Je suppose qu'il s'agissait d'une tactique qu'ils utilisaient. L'armée de

 17   Bosnie -- les autorités de Bosnie utilisaient -- l'armée de Bosnie

 18   utilisait cette tactique-là à Sarajevo, et les tirs embusqués allaient dans

 19   les deux sens, de part et d'autre de la ligne de front de Sarajevo, et je

 20   n'avais aucune raison de douter que les tirs embusqués allaient de part et

 21   d'autre des lignes de front à Mostar également."

 22   Ceci reflète-t-il fidèlement votre réponse à la question ?

 23   R.  Je n'ai aucune raison de mettre en doute le compte rendu d'audience.

 24   Q.  La réponse correspond-elle à la vérité ou diriez-vous la même chose

 25   aujourd'hui dans votre déposition ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Alors, pour ce qui est de la tactique consistant à utiliser les tireurs

 28   embusqués à Sarajevo par les autorités de Bosnie, pourriez-vous préciser


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  1   cela. Dans l'affaire Prlic, il y a les pages qui précèdent ce que je viens

  2   de lire et on parlait des tireurs embusqués qui tiraient sur les civils qui

  3   tentaient de traverser la frontière ou la ligne de démarcation. Est-ce le

  4   type de tactique dont vous parlez ici ou autre chose ?

  5   R.  Vous voulez parler de Mostar ou de Sarajevo ici ?

  6   Q.  Pardon, à Sarajevo.

  7   R.  Non. Lorsque je parle d'actions menées par des tirs embusqués de la

  8   partie serbe ou de la partie bosniaque ?

  9   Q.  La partie bosniaque.

 10   R.  Alors je crois qu'il y avait suffisamment d'éléments de preuve pour

 11   indiquer que du côté bosniaque il y avait des tireurs embusqués qui

 12   tiraient au-delà des lignes de front sur le territoire contrôlé par les

 13   Serbes. Personnellement, je n'ai jamais filmé les types qui ont fait cela.

 14   Mais je sais j'ai des collègues qui ont fait cela, et j'ai vu des vidéos.

 15   Et je crois que j'ai utilisé à un moment donné des images d'un de mes

 16   collègues, quelqu'un qui avait filmé cela, un tireur embusqué bosniaque qui

 17   tirait du côté serbe. Et également les tirs embusqués qui venaient de

 18   l'autre côté aussi. Donc il est vrai que les tirs embusqués pouvaient être

 19   aperçus de part et d'autre.

 20   Q.  Très bien.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que vous ne poursuiviez.

 22   Monsieur Jeremy, est-ce que la thèse de l'Accusation consiste à dire qu'il

 23   n'y avait absolument pas de tirs embusqués du côté musulman sur le

 24   territoire détenu par les Serbes ?

 25   M. JEREMY : [interprétation] Non, pas du tout, Monsieur le Président. En

 26   réalité, une des pièces connexes dans le cadre de la déposition de ce

 27   témoin est la vidéo que M. Bowen a citée lorsqu'il a parlé de tirs

 28   embusqués des Musulmans de Bosnie sur le territoire serbe.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, d'après la manière dont

  2   je comprends vos questions, vous essayez d'établir qu'il y a eu des tirs

  3   embusqués de l'autre côté également. Donc cela ne semble être pas contesté.

  4   Par conséquent, je vous demande de bien vouloir vous concentrer sur les

  5   questions qui sont contestées.

  6   M. IVETIC : [interprétation] Alors je vais me rapporter à ma question,

  7   Messieurs les Juges, je crois que j'avais été plutôt clair. J'ai cité ici

  8   l'affaire Prlic où le témoin a déposé en disant qu'on a parlé des tirs

  9   embusqués contre des civils qui tentaient de traverser la frontière entre

 10   l'est et l'ouest de Mostar, et je lui ai demandé s'il faisait référence à

 11   la tactique de tir embusqué dont il a parlé lorsqu'il a dit que les tireurs

 12   embusqués ont tiré sur des civils en essayant de traverser la frontière ou

 13   autre chose. Et il parle d'autre chose. Donc j'ai essayé de préciser cette

 14   tactique qui consistait à utiliser les tireurs embusqués dont il a parlé.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Si je peux ajouter quelque chose.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, je vous remercie. Je ne sais pas s'il y

 18   avait également des tireurs embusqués qui tiraient sur des personnes qui

 19   essayaient de traverser la ligne de démarcation, mais l'impression que

 20   j'avais c'est qu'ils se mettaient en position de façon à pouvoir voir les

 21   cibles qui bougeaient de l'autre côté et ensuite tiraient dessus.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Ivetic.

 23   M. IVETIC : [interprétation] Merci.

 24   1D1347 du prétoire électronique, page 33.

 25   Q.  Un autre extrait de compte rendu d'audience dans l'affaire Naletilic.

 26   Je crois qu'il s'agit d'une partie de vos documents "Questions inachevées".

 27   Et je souhaite vous demander de regarder ici ce qui est écrit :

 28   "Hodja, le commandant de Goran, a utilisé un miroir pour vous indiquer où


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  1   se trouvait un tireur embusqué croate. Il était dans la tour. Hodja n'a pas

  2   essayé de cacher la manière dont l'armée bosnienne traite ses prisonniers

  3   non plus. Un prisonnier de guerre croate est apparu dans la tranchée que

  4   nous venons de traverser. Les prisonniers devaient creuser les tranchées et

  5   poser des sacs de sable dans des positions très exposées et très

  6   dangereuses sur la ligne de front. Lorsque ces personnes ne travaillent

  7   pas, elles sont détenues dans une cave mal ventilée où ils transpirent.

  8   Nous pouvions les filmer, mais nous n'étions pas autorisés à leur parler.

  9   "Un prisonnier était gravement blessé et il souffrait beaucoup. De

 10   nombreux prisonniers avaient été blessés, et les blessures avaient été

 11   provoquées, disaient les gardes avec un certain contentement, par les tirs

 12   croates sur la ligne de front. Les prisonniers étaient maigres, mais ils

 13   n'étaient pas pires que les civils. Et les gardes disaient qu'ils

 14   mangeaient la même nourriture.

 15   "Les personnes qui les ont capturées savaient que le travail qu'ils

 16   faisaient sur le front - ce qu'ils faisaient, ils exhumaient les corps - ce

 17   qui est contraire aux conventions de Genève. D'après eux, cela est mieux

 18   que de voir leur propre peuple le faire. Et dans cette guerre, il n'y a pas

 19   d'endroit à mi-chemin. Il y a des victimes et des vainqueurs. Les soldats

 20   bosniaques savent qui ils veulent être. Ils ont déterré ces corps parce

 21   qu'ils savent que c'est une monnaie d'échange dans le cadre d'échange de

 22   prisonniers."

 23   Tout d'abord, Monsieur, dites-nous si ceci correspond à ce que vous

 24   avez vu et si ceci correspond à vos connaissances concernant les événements

 25   qui se sont déroulés dans la partie est de Mostar ?

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce que vous venez de lire, est-ce de la

 27   déposition du témoin ou est-ce que cela fait partie d'un extrait vidéo ?

 28   M. IVETIC : [interprétation] C'est un documentaire intitulé "Travaux


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  1   inachevés", qui a été produit par le témoin.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc la première chose qu'il faut

  3   d'abord établir est qui est la personne qui parle, et il ne faut pas se

  4   référer à ce texte comme étant des réponses données par le témoin dans le

  5   cadre de son témoignage.

  6   M. IVETIC : [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, maintenant que ceci est clair, il

  8   faudrait peut-être poser vos questions de manière à ce que cela devienne

  9   plus clair. C'est-à-dire qu'ainsi nous pourrons savoir si le témoin est en

 10   train de répondre aux questions dans le cadre de son témoignage, ou bien

 11   est-ce des extraits des vidéos qui lui sont montrés dans le prétoire.

 12   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 14   M. IVETIC : [interprétation] 

 15   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que c'est vos propres propos extraits du

 16   documentaire "Travaux inachevés" ?

 17   R.  Oui, c'est moi qui ai écrit le récit pour ce documentaire. Ce

 18   documentaire était étoffé par des images. C'est donc le script que j'ai

 19   rédigé. Et c'était un extrait du récit que j'ai rédigé, donc, du

 20   documentaire qui a été montré dans l'affaire en question en tant qu'élément

 21   de preuve.

 22   Q.  Et ce script qui faisait partie du documentaire, est-ce que cela

 23   correspond à la vérité, à ce que vous avez vu à Mostar est ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Très bien. Cette tactique ou cette façon de se comporter envers les

 26   prisonniers, est-ce quelque chose que vous avez également vu à Sarajevo;

 27   comme, par exemple, lorsque vous avez vu les hommes de Caco forçant les

 28   hommes à se rendre sur la ligne de front avec des pelles ?


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  1   R.  C'était quelque peu différent à Sarajevo, car Caco et ses hommes

  2   essayaient de chercher des gens dans les cafés qu'ils considéraient comme

  3   étant des personnes qui ne foutaient rien, qui ne faisaient rien, et donc

  4   ils les emmenaient sur la ligne de front. Je l'ai vu de mes propres yeux,

  5   c'est-à-dire qu'il y avait un groupe de personnes en civil, et ils étaient

  6   escortés par un groupe d'hommes armés qui avaient passé à côté d'une

  7   caserne et se dirigeaient vers la ligne de front qui se trouvait sur la

  8   colline. C'était une tactique dont Caco s'est servi. C'était une tactique

  9   populaire, si vous voulez. Donc ils allaient chercher des hommes dans les

 10   cafés. Donc il ne s'agissait pas de combattants qui étaient prisonniers,

 11   comme c'était le cas à Mostar. Il s'agissait de civils, et je n'ai pas

 12   connaissance de leur origine ethnique, mais Caco et ses hommes estimaient

 13   que ces personnes ne faisaient pas tout ce qu'elles pouvaient faire dans

 14   cette guerre et, donc, les contraignaient à faire quelque chose.

 15   Q.  Très bien. Je vous remercie. Maintenant, j'aimerais revenir à votre

 16   déclaration, P2515, marquée aux fins d'identification. Page 13 en anglais,

 17   page 17 en B/C/S. Je voudrais attirer votre attention sur les trois

 18   dernières lignes du paragraphe 42. Il est indiqué :

 19   "Les étrangers étaient moins bienvenus. Certaines parties de Sarajevo

 20   étaient en train de devenir des zones où l'on ne pouvait pas être présents,

 21   surtout lorsqu'il s'agit de reporteurs étrangers, en raison des hostilités

 22   des chefs locaux."

 23   Est-ce que Caco en est un ? Caco dont le nom complet est Muslan Topalovic,

 24   commandant de la 10e Brigade de Montagne de l'ABiH ?

 25   R.  Oui, j'ai fait très spécifiquement référence à Caco et au secteur de

 26   Sarajevo sous le contrôle de la 10e Brigade de Montagne.

 27   Je connaissais des gens qui s'y trouvaient. Donc j'ai essayé d'y aller,

 28   mais je ne m'y suis jamais rendu avec ma caméra ou avec un gilet pare-


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  1   balles qui m'identifierait comme étant un reporter. Je me suis simplement -

  2   - je marchais dans les rues avec un ami qui, en réalité, était un membre de

  3   la 10e Brigade de Montagne. Donc j'étais en mesure de voir ce qui s'y

  4   passait, mais je n'aurais pas été en mesure de filmer. On aurait au moins

  5   retiré l'appareil photo ou la caméra.

  6   Q.  Essayez de préciser un point, je vous prie. Il y a quelques instants,

  7   vous nous avez dit que les activités de Caco n'impliquaient pas les

  8   prisonniers, alors que maintenant, en réponse à une autre question, vous

  9   dites à la ligne 14 : "C'est ainsi que j'ai réussi à voir ses prisonniers."

 10   R.  Non. Excusez-moi, je faisais référence aux personnes qui se trouvaient

 11   à l'intérieur de Sarajevo et qu'il avait fait prisonnières. Donc c'étaient

 12   les prisonniers de ses hommes. C'étaient des prisonniers de guerre, si vous

 13   voulez. Il s'agissait de combattants serbes qui avaient été capturés. Il y

 14   avait des personnes qui avaient -- c'étaient des personnes qui avaient été

 15   prises dans les cafés et elles avaient été escortées sur la ligne de front.

 16   C'étaient des prisonniers, mais ce n'étaient pas des prisonniers de guerre.

 17   Q.  Je vous remercie de cette précision. Est-il exact de dire que la 10e

 18   Brigade de Montagne, dirigée par cette personne dont le surnom est Caco,

 19   était composée d'un très grand nombre de Moudjahidines ?

 20   R.  Je n'ai jamais entendu parler de cela pendant que j'étais à Sarajevo.

 21   Je n'ai rien vu de la sorte non plus. Je n'ai pas vu de combattants

 22   étrangers faisant partie de ce groupe.

 23   Q.  Très bien.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, j'aimerais obtenir une

 25   précision quant à une réponse qui est donnée par le témoin.

 26   Monsieur, un peu plus tôt, vous nous avez dit dans le cadre de

 27   l'interrogatoire principal que vous avez tenté d'entrer dans Grbavica et

 28   que vous avez réussi à le faire à une reprise seulement au cours de toutes


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  1   ces années. Dois-je comprendre ce paragraphe 41 [comme interprété] comme

  2   étant celui qui dit que s'agissant du territoire serbe où l'on ne pouvait

  3   pas se rendre sans permission, permission que vous n'avez presque jamais

  4   obtenue, et que vous dites maintenant qu'à l'intérieur de la ville, dans

  5   les parties contrôlées par les Musulmans, une situation analogue s'est

  6   produite, c'est-à-dire qu'il y avait des zones où l'on ne pouvait pas être

  7   présent, où vous ne pouviez pas vous rendre ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas exactement pareil. Pour aller à

  9   Dobrinja, il fallait traverser l'aéroport, la ligne de front également. En

 10   fait, l'aéroport agissait en guise de ligne de front. Donc il fallait

 11   obtenir une permission pour aller à Pale. Et à Pale, j'ai obtenu une

 12   permission d'aller à Grbavica. Mais j'ai réussi à y aller une seule fois

 13   entre 1992 et 1993 [comme interprété]. Je ne m'y suis rendu qu'une seule

 14   fois, malgré mes maintes demandes. Et donc, il fallait se rendre dans le

 15   secteur en passant par la caserne de Bistrica, et c'est là que je me suis

 16   rendu. En fait, c'est un secteur qui est contrôlé par la 10e Brigade de

 17   Montagne, et là on pouvait y aller. Mais si vous preniez votre caméra, si

 18   vous commenciez à travailler, ils étaient hostiles. Il y avait un très

 19   grand nombre de cas où les hommes se faisaient arrêter, les caméras étaient

 20   confisquées, les gilets pare-balles étaient confisqués. Donc je n'ai jamais

 21   pris le risque de faire. Je n'ai pas voulu perdre notre véhicule, nos

 22   gilets pare-balles, notre équipement de tournage non plus.

 23   Mais comme je l'ai dit, j'ai réussi à m'y atterrer, à y aller en

 24   compagnie de mon ami qui était un membre de la 10e Brigade de Montagne.

 25   Donc c'était un secteur où l'on ne pouvait pas aller travailler, mais ce

 26   n'était pas comme, par exemple, traverser une ligne de front et obtenir une

 27   permission pour aller vers un territoire. Je pouvais me déplacer à pied

 28   sans montrer mes papiers. Mais un journaliste, un reporter, étranger


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  1   surtout, ne pouvait pas y pénétrer pour y travailler de manière ouverte.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

  3   M. IVETIC : [interprétation]

  4   Q.  Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que Caco se livrait à des

  5   activités criminelles contre les Serbes et les non-Serbes ?

  6   R.  Lorsque j'ai entendu parler de Caco pour la première fois, il avait une

  7   réputation de Robin des Bois, comme on le dit au Royaume-Uni. C'est-à-dire

  8   que lorsque les personnes souffraient de manque de nourriture -- bon, ils

  9   avaient suffisamment de denrées alimentaires pour ne pas mourir de faim,

 10   parce que l'opération d'aide humanitaire du HCR existait et leur

 11   fournissait des approvisionnements. Mais personne ne pouvait vraiment

 12   devenir gros de cette nourriture, dans le sens où c'était distribué de

 13   façon régulière, mais les denrées étaient plus ou moins les mêmes. Et donc,

 14   il avait cambriolé un entrepôt de nourriture et l'avait distribuée aux

 15   gens. Donc c'est là qu'il s'est forgé cette réputation de Robin des Bois.  

 16   Mais il y avait un très grand nombre de rapports qui nous parvenaient en

 17   nous disant que Caco était en train d'intimider les Serbes, il défiait le

 18   gouvernement. Et, en même temps, il faut dire que ses effectifs ou ses

 19   forces menaient à bien des activités militaires sur la ligne de front. Et

 20   je le sais de nouveau de par mon ami, de par ma connaissance qui, en fait,

 21   a pris part à certaines de ces actions, et donc il m'a décrit les

 22   différends qui existaient entre le gouvernement et Caco. Cette personne me

 23   disait qu'ils étaient en train d'effectuer leur opération, et le plan était

 24   d'obtenir le soutien du gouvernement, mais cela n'est jamais arrivé. Le

 25   soutien n'est jamais arrivé, et ils ont perdu des combattants. Et ce genre

 26   d'incidents, justement, a augmenté les tensions entre le gouvernement et

 27   Caco.

 28   Q.  Monsieur, hier, lorsque le Procureur a commencé votre contre-


Page 18099

  1   interrogatoire [comme interprété] en vous montrant une vidéo par rapport à

  2   l'hôtel Europa, vidéo dans laquelle on pouvait apercevoir plusieurs hommes

  3   vêtus de vêtements civils se déplaçant dans l'hôtel et portant des

  4   kalachnikovs, vous avez dit à la page du compte rendu d'audience 1 835

  5   [comme interprété], il s'agissait d'hommes qui étaient des combattants qui

  6   étaient venus en aide aux réfugiés.

  7   Est-ce que vous êtes réellement en train de nous dire que ces hommes armés,

  8   portant des armes, étaient là pour aider l'évacuation plutôt que d'être

  9   cantonnés à l'hôtel Europa ?

 10   R.  Ils étaient en train d'aider l'évacuation. Je ne me suis -- je me suis

 11   rendu à l'hôtel Europa souvent et je n'ai jamais vu d'hommes armés

 12   cantonnés à l'hôtel. Ils se trouvaient à différents endroits, à différents

 13   points de contrôle dans la ville. Il y avait effectivement des hommes

 14   armés. Mais ce jour-là particulier, et pendant la nuit en question, si j'ai

 15   bien compris, ils étaient venus aider pour ce qui est de l'évacuation de

 16   certains civils vieux et infirmes, de femmes et d'enfants qui essayaient de

 17   sortir d'un bâtiment incendié. Et donc, à aucun moment de l'époque pendant

 18   la guerre - et comme je l'ai dit, je me suis rendu souvent à l'hôtel - je

 19   n'ai jamais vu d'hommes armés réellement cantonnés à l'intérieur de

 20   l'hôtel. Cet hôtel n'agissait pas en tant que QG de l'armée. Ce n'était

 21   même pas un endroit où ils allaient prendre un café entre les différents

 22   quarts de travail.

 23   Q.  Est-il correct de dire que vous vous rendiez à cet hôtel pour rendre

 24   visite à votre ami qui était un membre de l'unité de 

 25   Caco ?

 26   R.  Oui, c'était mon ami, et la famille de mon ami, oui.

 27   Q.  [aucune interprétation]

 28   R.  J'aimerais ajouter quelque chose. Après que mon ami ait rejoint les


Page 18100

  1   rangs de l'unité de Caco, je pouvais voir sa famille beaucoup plus souvent

  2   que mon ami. Donc je voyais sa mère, ses sœurs, je leur offrais du café. Et

  3   nous avions apporté notre approvisionnement avec nous, et donc je

  4   considérais qu'il était injuste que nous ayons autant de denrées, et donc

  5   je voulais distribuer ces denrées parmi ces personnes.

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous avez dit que vous êtes allé voir

  7   votre ami à l'hôtel Europa.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'était mon ami. Ce n'était pas Caco.

  9   C'était mon ami qui est devenu un combattant dans l'unité de Caco.

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Excusez-moi. J'ai eu un lapsus

 11   linguae.

 12   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pourquoi est-ce que votre ami ou sa

 14   famille vivait à l'hôtel Europa ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, c'est une femme. C'est sa famille, et

 16   ils étaient déplacés de leur maison qui se trouvait en haut -- sur une

 17   élévation, à côté de la ligne de front, en fait. C'était juste à côté du

 18   point où il y avait la piste de luge.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 20   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais qu'on prenne le document 1D339

 21   [comme interprété] dans le prétoire électronique, page 8.

 22   Q.  De nouveau, Monsieur, il s'agit de votre livre, et pour être juste et

 23   pour donner une image complète, j'aimerais me concentrer sur le bas de la

 24   page droite, 139. C'est là que vous parlez de votre amie et de l'hôtel

 25   Europa. Et vous dites :

 26   "A tous les quelques mois par la suite, lorsque j'étais à Sarajevo, je me

 27   rendais à l'hôtel Europa pour essayer de la retrouver. Je donnais

 28   habituellement à sa famille un sac de provisions pris des magasins de la


Page 18101

  1   BBC. Très souvent, elle n'était pas là et je laissais la nourriture avec sa

  2   mère. La guerre avait tout changé pour les civils de Sarajevo, et alors

  3   qu'elle se poursuivait, les gens ont commencé à oublier les vies qu'ils

  4   avaient auparavant et leurs rêves d'avenir. Alors que la paix tombe dans

  5   l'oubli et que la guerre l'emporte sur tout, mon amie - je ne vais pas

  6   mentionner son nom - était retournée dans sa maison familiale pour

  7   s'occuper de son père. C'était dangereux, mais il était également dangereux

  8   d'être assis dans les couloirs incendiés et sombres de l'hôtel Europa. Au

  9   moins, elle faisait quelque chose, et très rapidement elle en a fait même

 10   plus. Elle a rejoint l'unité de son père en tant qu'infirmière. Je ne l'ai

 11   pas revue jusqu'à l'année suivante, dans la vieille ville de Sarajevo, tout

 12   près de l'hôtel Europa. Les cernes sous ses yeux étaient plus sombres et

 13   elle portait un uniforme de camouflage. Elle a dit qu'elle était devenue un

 14   combattant, et elle a raconté l'histoire de déception."

 15   Tout d'abord, Monsieur, est-ce que cet extrait de votre livre cadre avec

 16   les faits ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  L'amie dont vous nous parliez et cette histoire, en fait, de déception,

 19   est-ce que c'était l'histoire que vous nous avez racontée ? Est-ce que ça

 20   correspond au récit que vous nous avez raconté il y a quelques instants,

 21   correspondant à l'ABiH et les hommes de Caco et l'offensive ?

 22   R.  Oui, c'est l'un des incidents. Parce que les gens qui le soutenaient

 23   étaient progressivement de plus en plus éloignés du leadership du

 24   gouvernement bosnien et des forces armées de ce dernier.

 25   Q.  Très bien.

 26   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais que l'on prenne la page 11 de ce

 27   livre.

 28   Q.  Qui devrait correspondre aux pages 144 et 145 de votre ouvrage. A


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  1   gauche, le premier paragraphe qui commence par "Dans le domaine de Caco",

  2   ce paragraphe parle de l'un des incidents dont nous avons parlé concernant

  3   les hommes qui avaient été envoyés pour creuser les tranchées. J'aimerais

  4   donner lecture du milieu du paragraphe et je vais vous poser une question

  5   par la suite : 

  6   "Après la guerre, certains des hommes de Caco ont également été emprisonnés

  7   pour avoir tiré sur les civils serbes pour aucune autre raison que leur

  8   origine ethnique. Ils ont jeté les corps de leurs victimes dans un ravin.

  9   Mon amie, qui s'est trouvée dans un monde de violence, semblait être près

 10   de s'effondrer. Elle était pâle. Elle portait un pain qui était destiné à

 11   sa mère et à sa sœur. Un homme de son unité qui la protégeait avait été

 12   tué. Elle ne savait pas ce qui allait se passer ensuite."

 13   Donc, est-ce que c'est bien ce que vous avez écrit dans votre ouvrage ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Est-ce que ce que vous avez écrit ici est un récit véridique des

 16   événements ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  J'aimerais maintenant que l'on prenne P2515, marqué aux fins

 19   d'identification. C'est votre déclaration. Page 7 en anglais, page 9 en

 20   B/C/S. Et j'aimerais vous renvoyer au paragraphe 20. Et vous dites :

 21   "L'accès à la ville était toujours difficile, la raison en étant que les

 22   Serbes de Bosnie prenaient la décision sur les personnes qui pouvaient

 23   entrer et sortir."

 24   Je vous ai demandé si vous aviez pensé que les actions de Caco et de

 25   ses hommes, et d'autres comme eux, avaient peut-être une incidence sur la

 26   capacité des personnes de quitter Sarajevo ?

 27   R.  La raison principale pour laquelle les gens ne pouvaient pas

 28   quitter la ville, c'était le siège. Au fil du temps, il y a eu apparition


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  1   de personnes ou d'individus tels que Caco. Mais il serait erroné de dire

  2   qu'ils contrôlaient de grandes parties de la ville et qu'ils avaient été

  3   maîtres de la vie là-bas. Ils ont joué un rôle de facteur important à

  4   certains moments. Mais la raison fondamentale pour laquelle les gens ne

  5   pouvaient pas quitter la ville, d'après moi, et partant de ce que j'ai pu

  6   voir et partant des éléments de preuve qu'on m'a soumis, c'était le siège

  7   que les Serbes de Bosnie avaient établi autour de la ville.

  8   Q.  Nous avons déterminé qu'au moins dans un paragraphe de cette

  9   déclaration, il a été fait référence à Caco, bien que vous n'ayez pas

 10   mentionné son nom. Pourquoi n'avez-vous pas, de façon concrète, fait

 11   référence à Caco dans ce paragraphe de votre déclaration où vous parliez

 12   des activités qui ont été les siennes et celles de ses hommes à lui ?

 13   R.  Peut-être pourrait-on se pencher sur le paragraphe concret afin que je

 14   voie de façon précise à quoi vous faites référence.

 15   Q.  Absolument. Page 13 en anglais, page 17 en B/C/S. Il s'agit de la

 16   dernière partie de ce paragraphe 42, où nous avons commencé à discuter de

 17   Caco.

 18   R.  Je pense que je n'ai pas mentionné son nom là-bas parce que je ne

 19   voulais pas m'occuper de tout son récit. Et je suppose que c'était aussi

 20   mon instinct de journaliste. Quand vous évoquez le nom de quelqu'un, il

 21   convient de parler plus en détail de l'individu en question. Quand on dit,

 22   en termes simples, "les chefs de guerre locaux", ça en disait assez pour ce

 23   dont on voulait parler. Nous n'avions pas besoin de couvrir tout ce qu'il

 24   faisait.

 25   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord avec nous pour dire que Caco n'était pas

 26   le seul des chefs de guerre locaux du côté de la Bosnie-Herzégovine pour

 27   lesquels vous savez qu'ils opéraient selon ces modalités-là ?

 28   R.  A compter du tout début de la guerre, il y a eu d'autres hommes en


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  1   puissance, ou chefs de guerre, si vous le préférez, qui intervenaient dans

  2   Sarajevo et qui ont eu des hommes à eux. Il y avait deux Celo. J'en ai --

  3   j'ai connu l'un des deux, qui s'appelait Juka. C'étaient des gens dont on

  4   parlait pas mal, que l'on connaissait par leurs surnoms à l'époque et que

  5   l'on avait considéré être des acteurs ou intervenants semi-indépendants

  6   dans la constellation des forces militai qui se trouvaient là-bas.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je voudrais poser une

  8   question à titre d'éclaircissement.

  9   Est-ce que vous vous êtes fait une impression au sujet de l'aspect

 10   quantitatif de tout ceci ? Est-ce qu'il y en avait, par exemple, 30 % à

 11   avoir suivi ces chefs de guerre autodésignés qui avaient eu leur propre

 12   programme, et je ne dis pas nécessairement qu'ils ont pris part aux

 13   hostilités de façon tout à fait autonome ? Est-ce qu'ils étaient 10 % ou 70

 14   % ? Enfin, est-ce que vous vous êtes fait une impression au sujet de

 15   l'importance -- de la taille de ces factions ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Au tout début de la guerre -- en fait, lorsque

 17   je suis revenu de là-bas en juillet 1992, ce Juka, c'était quelqu'un dont

 18   la carrière prenait déjà fin, mais au tout début c'était un combattant très

 19   en vue qui avait une force assez organisée. L'impression générale, c'était

 20   que c'étaient des joueurs minoritaires. Et je pense que la plus grande des

 21   menaces à l'égard du gouvernement du président Izetbegovic c'était Caco. Et

 22   je crois qu'ils ont entrepris quelque chose contre lui.

 23   Au fur et à mesure que le temps passait, l'ABiH se faisait de plus en plus

 24   organisée et ces gens perdaient de leur importance. Mais le fait est que le

 25   siège se poursuivait, les niveaux de la perpétration de crime augmentaient,

 26   les niveaux de corruption aussi, le marché noir également, et ces gens

 27   étaient déjà ou étaient devenus des criminels ou des semi-criminels dans

 28   leurs activités. Il était difficile de voir où cessaient les activités


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  1   militaires légitimes et où commençaient les activités criminelles.

  2   Je me souviens de l'un des Celo qui, au début de la guerre, avait en fait

  3   été une espèce de mafieux au fond. Mais il avait des gens qui le suivaient

  4   et qui allaient se battre. C'étaient des durs.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que c'était devenu des

  6   joueurs de moindre importance ou des intervenants de moindre importance.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dirais plutôt qu'ils constituaient 5 %

  8   plutôt que les 45 ou 49 %. Je ne peux pas parler de chiffres, je ne sais

  9   pas combien ils étaient, mais c'étaient des intervenants de taille moindre.

 10   Il y avait un certain nombre d'individus qui les suivaient. Mais je ne peux

 11   parler de pourcentages ou de mouvements en masse.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 13   Continuez, je vous prie.

 14   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on nous affiche le

 15   1D13389 [comme interprété], page 9 du prétoire électronique. Ça devrait

 16   correspondre aux pages 140 et 141 de votre livre à vous.

 17   Q.  Nous avons déjà parlé de Juka Prazina, il est mentionné en fin de la

 18   page 140 et début de page 141, en haut à droite. Et là, je crois qu'on

 19   commence à parler d'un homme que vous avez évoqué tout à l'heure. Et

 20   j'aimerais que vous me suiviez :

 21   "Ils se sont faits des fortunes à la revente de vivres et de cigarettes au

 22   marché noir, tout ce qui pouvait être passé en contrebande vers Sarajevo

 23   par les lignes de front et ce qui était apporté par les soldats corrompus

 24   des Nations Unies et les employés corrompus des Nations Unies. Les mafieux

 25   locaux étaient devenus très puissants. J'en ai connu un plus ou moins.

 26   C'était quelqu'un qui, dans des temps normaux, aurait été arrêté par la

 27   police, mais lorsque la guerre a commencé, il s'était fait une réputation

 28   de combattant dans ce qu'il appelait ou qualifiait d'unité spéciale de la


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  1   police militaire. C'était, physiquement parlant, quelqu'un de très costaud;

  2   il ne pouvait pas passer inaperçu. Il avait le crâne rasé, et son nom était

  3   Celo, ce qui signifiait qu'il était chauve. Une année après le début de la

  4   guerre, il avait conçu toute une série d'opérations. Il roulait dans une

  5   espèce de décapotable avec une très jeune fille, qui était sexy d'une façon

  6   assez étrange, et il était accompagné d'un certain nombre de gardes du

  7   corps. Tous ses hommes étaient armés. Il entrait dans les bars en faisant

  8   le malin, en crânant avec cette jeune femme. Il portait un pendentif en

  9   argent en forme de gang de boxe. Et il avait beaucoup d'argent, il avait

 10   beaucoup de marks. Il avait des paquets de Malboro qu'il jetait, et il

 11   savait que ses hommes allaient les récupérer."

 12   Est-ce que vous pouvez nous dire si ceci est précis et correspond à la

 13   vérité de ce que vous avez pu voir à Sarajevo au sujet de cet individu ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Et est-ce que c'est le Celo que vous avez mentionné à plusieurs

 16   reprises ? Parce que vous avez dit qu'il y en avait eu plusieurs, des Celo.

 17   R.  Oui. Et comme l'a dit le Juge de la Chambre, il avait un petit groupe

 18   d'individus, une douzaine d'hommes qui l'accompagnaient tout le temps.

 19   Enfin, à l'époque, c'est ainsi que les choses se présentaient. Mais au bout

 20   d'une année, ce n'était plus le combattant du début. Il avait fait du

 21   racket. Il avait l'apparence de quelqu'un de cette émission de télévision

 22   "Les Sopranos". Il crânait dans la ville. Ce n'était pas quelqu'un qui

 23   constituait une véritable force militaire, mais c'était un criminel. Il

 24   avait joué un rôle remarquable au début de la guerre lorsqu'il faisait

 25   partie de ce qu'il était convenu d'appeler unité spéciale.

 26   Q.  J'allais vous poser la question justement. Est-ce que vous avez

 27   considéré qu'il s'agissait d'une unité spéciale de la police militaire de

 28   l'ABiH loyale au président Izetbegovic ?


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  1   R.  Au début de la guerre, il y a eu toutes sortes d'unités qui, de façon

  2   générale, disaient d'elles-mêmes que c'étaient des "forces spéciales" ou

  3   des "unités spéciales" alors qu'il n'y avait véritablement aucun fondement

  4   en termes d'entraînement militaire. Mais ça sonnait bien, ça faisait bien.

  5   Et comme je l'ai dit, en 1992, lorsqu'ils ont organisé leur propre défense

  6   dans cette partie-là de la ville, les choses étaient plutôt chaotiques. La

  7   première fois où on m'a présenté à cet homme Celo, il a dit de lui-même

  8   qu'il faisait partie d'une unité spéciale. Il portait un uniforme, il avait

  9   une kalachnikov et il disait qu'il était combattant dans une unité

 10   spéciale, telle qu'il la qualifiait, unité de la police militaire, me

 11   semble-t-il. Et lorsque je suis allé le trouver une deuxième fois au bout

 12   d'un an depuis le début de la guerre, il ressemblait plus à un mafieux qu'à

 13   autre chose, et il ne disait pas de lui-même qu'il était combattant. Il a

 14   dit qu'il était dans le business, business en matière de criminalité.

 15   Q.  Merci.

 16   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que l'heure

 17   est venue de faire notre deuxième pause.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet.

 19   Mais une toute petite question pour ce qui est de la dernière des réponses

 20   que vous venez d'apporter. Vous avez parlé d'unités ou de prétendues unités

 21   où les choses se faisaient de façon plutôt chaotique. Lorsqu'ils ont

 22   affirmé qu'ils faisaient partie d'unités spéciales, vous êtes-vous fait

 23   l'impression qu'il s'agissait là d'unités qui ont été créées par des

 24   autorités plus haut placées, ou alors étaient-ce des unités autoproclamées

 25   affirmant pour elles-mêmes qu'elles faisaient partie de ces effectifs ayant

 26   des attributions ou compétences de la police et qui avaient peut-être à ce

 27   moment-là formellement bénéficié de compétences de la sorte ? Donc,

 28   étaient-ce des effectifs de police autoproclamés ou est-ce qu'ils faisaient


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  1   partie en quelque sorte des structures de l'autorité gouvernementale ou de

  2   l'autorité de la police ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, mon impression au début

  4   de la guerre, quand je suis allé là-bas en juillet 1992, bien qu'il y ait

  5   eu des unités officielle liées au gouvernement, il y a eu ces espèces

  6   d'unités de renégats, et c'était l'une de ces unités autoproclamées. Je

  7   pense qu'ils étaient plutôt autoproclamés que nommés à ces postes-là. Ils

  8   ont été utiles, ils ont fait une partie du boulot, mais ils ne recevaient

  9   d'ordres de quiconque d'autre, si ce n'est d'eux-mêmes.

 10   Au début de l'année d'après, en 1993, il y avait le général Delic qui

 11   était chargé de l'armée, il y avait un QG officiel, il y avait des

 12   procédures. Lorsque j'allais à Mostar, il fallait avoir des permissions de

 13   passage de la ligne de front, et j'allais voir le général Delic pour avoir

 14   des lettres d'accréditation et il nous les donnait. Mais en 1992, il n'y a

 15   pas eu de procédure de ce type. Et je crois que le meilleur terme à

 16   utiliser, c'est celui de la situation chaotique et d'unités autoproclamées,

 17   que de parler d'unités qui auraient été formellement investies de certains

 18   pouvoirs par le gouvernement central -- en fait, il s'agissait d'un groupe

 19   de leaders qui siégeaient dans la présidence, ce gouvernement central.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ces unités auto-organisées ou

 21   quasi-unités, est-ce que ça fonctionnait dans le cadre de ce nouveau

 22   système mis en place, si on peut le qualifier ainsi ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Juka a été expulsé, je crois, de

 24   Sarajevo, et par la suite, en 1994, on l'a retrouvé mort en Belgique. Ce

 25   Celo, je ne sais pas ce qu'il est advenu de lui. En 1993, il était dans des

 26   affaires mafieuses plutôt que dans des combats. Et ils se sont organisés

 27   très vite, parce qu'ils ont dû s'organiser vite. Et lorsque dans tout ceci

 28   il y a eu participation d'officiers de la JNA ou ex-officiers de la JNA de


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  1   façon plus réelle, ils se sont organisés le long de lignes militaires. Ils

  2   ont récupéré des unités de la Défense territoriale qui ont obtenu des armes

  3   pour créer des unités spéciales, et vers la fin de la guerre c'est devenu

  4   une armée organisée, plus ou moins organisée.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  6   Monsieur Jeremy.

  7   M. JEREMY : [interprétation] A des fins d'organisation de nos activités,

  8   nous aimerions savoir si nous en arriverons à notre témoin suivant à la fin

  9   de la journée ou est-ce qu'on devrait le garder pour lundi ?

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, est-ce que vous pouvez

 11   aider M. Jeremy ?

 12   M. IVETIC : [interprétation] Je crois que nous sommes encore dans les

 13   estimations de temps nécessaire, on avait parlé de trois heures et demie.

 14   Et je pense que nous allons utiliser le reste de la journée avec ce témoin-

 15   ci.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc cela revient à dire que le témoin

 17   suivant n'a pas à rester ici en stand-by.

 18   M. JEREMY : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Bowen, je vous prie de suivre

 20   l'huissier. Nous allons faire une pause de 20 minutes.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 22   [Le témoin quitte la barre]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons reprendre à midi et quart.

 24   --- L'audience est suspendue à 11 heures 56.

 25   --- L'audience est reprise à 12 heures 16.

 26   M. JEREMY : [interprétation] Messieurs les Juges.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Jeremy.

 28   M. JEREMY : [interprétation] Dans l'intérêt des efforts que nous nous


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  1   assurions d'être sûrs de terminer aujourd'hui, je dirais que je n'ai pas de

  2   questions supplémentaires à poser.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon.

  4   Maître Ivetic, alors on en est entre vos mains pour ce qui est de

  5   laisser ce témoin partir aujourd'hui. Veuillez le garder à l'esprit.

  6   M. IVETIC : [interprétation] Oui, je vais faire de mon mieux.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Entre-temps, je vais profiter de

  8   l'opportunité -- non, je vais le faire après la pause.

  9   [Le témoin vient à la barre]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Monsieur Ivetic.

 11   M. IVETIC : [interprétation] Merci.

 12   Q.  Monsieur, lorsque nous avons interrompu nos échanges tout à l'heure, on

 13   avait parlé d'unités que vous avez décrites comme étant des unités

 14   autoproclamées, et on en a évoqué trois. Ensuite, on a dit qu'il y avait

 15   plus d'un Celo. L'un d'entre eux était un mafieux. L'autre, était-ce Ramiz

 16   Delalic, qui était le commandant de la 9e Brigade de Montagne de l'ABiH ?

 17   R.  La raison pour laquelle j'ai été quelque peu vague au sujet de ce Celo-

 18   là, c'est que je n'avais pas eu beaucoup de contact avec et je n'ai pas su

 19   grand-chose à son sujet. Je crois que vers la fin de la guerre il a été

 20   grièvement blessé, mais je ne sais pas trop ce qu'il a fait pendant la

 21   guerre.

 22   Q.  Bon. Ces gens-là et leurs unités que vous avez décrits comme étant des

 23   intervenants de moindre importance dans Sarajevo, est-il exact de dire

 24   qu'ils étaient stationnés et qu'ils opéraient à l'extérieur de différentes

 25   écoles dans Sarajevo ?

 26   R.  Si tant est que cela ait été le cas, je n'ai pas eu l'occasion de

 27   l'apprendre. Je n'ai vu aucun élément de preuve qui montrerait qu'ils

 28   opéraient depuis ou depuis les environs de bâtiments d'école.


Page 18112

  1   Q.  Mais est-ce que vous avez appris que ces gens-là - par exemple, Caco

  2   faisait partie de la 10e Brigade de Montagne, et Celo, le numéro deux,

  3   était dans la 9e Brigade de Montagne - qu'ils exerçaient un contrôle à

  4   l'égard de l'artillerie, des chars, mortiers et ce genre d'armes ?

  5   R.  Je ne savais pas de quel type d'armement ils disposaient. Ces soldats

  6   ou combattants de Caco que j'ai vus portaient essentiellement des

  7   kalachnikovs.

  8   Q.  Bien. Mais tant que nous avons votre livre sur nos écrans, j'aimerais

  9   que nous nous penchions sur la page 14 du prétoire électronique. Et ce qui

 10   nous intéresse, c'est le haut de la page 151. C'est ce qui se trouve à

 11   droite de l'écran. Vous y dites, Monsieur :

 12   "Les reporters ne devraient pas perdre de vue la cruauté de la guerre, mais

 13   il convient aussi de dire clairement quand des crimes sont commis et, si

 14   possible, dire qui en est responsable. Nous nous devions d'être plus

 15   sévères à l'égard des dirigeants des Serbes de Bosnie que les gouvernements

 16   occidentaux avaient traités jusqu'à la quasi-fin de la guerre comme étant

 17   des personnalités légitimes avec qui l'on pouvait tenter de s'entendre."

 18   Est-ce que c'est toujours de cette opinion-là que vous êtes, Monsieur ?

 19   R.  Ce à quoi j'ai fait référence à ce moment-là, c'est le fait d'avoir été

 20   très pris de court mis à part la série de questions relatives aux

 21   violations des droits de l'homme, aux violations des droits de la guerre ou

 22   de la loi humanitaire internationale, ce qui a d'ailleurs fait

 23   particulièrement l'objet d'accusations formulées à l'égard de la direction

 24   des Serbes de Bosnie. C'est le fait de voir les leaders de la FORPRONU, des

 25   gens des armées occidentales, les rencontrer, trinquer avec, et j'ai

 26   considéré que cela était un comportement qui était en contradiction avec ce

 27   qui venait des autres sources d'information.

 28   Je crois qu'eux, ils devaient se concentrer sur un contexte


Page 18113

  1   politique. Et moi, je me concentrais sur les reportages relatifs au sort

  2   des civils, et je l'ai fait de façon plus approfondie que je ne le ferais à

  3   présent. En ma qualité de journaliste plus expérimenté, je situerais plutôt

  4   le contexte politique de ce qui se passait, mais il me semblait qu'il y

  5   avait une espèce d'initiative d'organisée de la direction des Serbes de

  6   Bosnie, par exemple, du point de vue d'un nettoyage ethnique. Et je vois

  7   que j'ai fait des erreurs dans les reportages parce que j'ai considéré que

  8   la politique était par trop compliquée pour le public, mais là j'estime que

  9   c'est une erreur. Si je pouvais à présent de nouveau informer le public de

 10   la guerre en Bosnie, je crois que je le ferais autrement. Nous avons

 11   beaucoup parlé des aspects humanitaires, de l'impact de la guerre sur les

 12   civils, mais nous aurions dû nous concentrer davantage sur les hommes

 13   politiques de ce qui se passait, et c'est ce que je pense qu'on aurait dû

 14   faire.

 15   Q.  Page 24 du document au prétoire électronique, je vous renvoie vers les

 16   pages 168 et 169 de votre livre. Ce qui nous intéresse, c'est ce qui figure

 17   en bas de page 169 :

 18   "Les motifs des journalistes ne sont jamais tout à fait purs dans ce type

 19   de domaines. Nous intervenons également dans la vie des autres personnes,

 20   et nous nous disons qu'au final on devrait aboutir à quelque chose de

 21   positif. Quel était donc mon droit que de jouer au bon Dieu lorsque j'ai

 22   décidé de me servir de la plateforme de BBC News pour m'assurer qu'Eldar

 23   Kalamujic, cet homme qui avait un enfant malade, puisse être évacué ?

 24   Réponse : j'ai pensé faire quelque chose de bien, rectifier des torts. Mais

 25   ces actions ont aussi des conséquences."

 26   Alors, Monsieur, est-ce que, en votre qualité de journaliste, vous pensez

 27   que ceci doit être la tâche d'un journaliste ?

 28   R.  Je crois que vous devriez donner le contexte complet de ce paragraphe,


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  1   parce que vous devriez vous référer au paragraphe qui figure à la page

  2   précédente parce que j'y ai dit que je n'ai qu'une fois de ma vie décidé de

  3   manipuler un récit pour essayer de faire sortir Eldar et sa famille et les

  4   faire évacuer.

  5   Par la suite, il y a eu le cas d'une fille qui a été grièvement blessée, le

  6   gouvernement britannique a envoyé un avion médical pour évacuer plus

  7   d'enfants. Et j'ai pensé que cela avait été fait sous des pressions

  8   politiques pour aider la situation en Bosnie. Ils ont été également sous

  9   pression pour ce qui est d'une intervention militaire, mais ils n'étaient

 10   pas disposés à le faire. Et il y avait eu un docteur dans un hôpital qui a

 11   dit que cet enfant ne serait pas évacué parce qu'il y a des enfants en

 12   Grande-Bretagne qui sont en train de mourir de maladie du foie, eux aussi.

 13   Il n'était pas blessé. Il mourait parce qu'il avait des problèmes de foie.

 14   Et j'ai estimé que ce n'était pas une bonne chose que de laisser les choses

 15   se passer ainsi. Et comme vous pouvez le voir dans le livre, nous avons

 16   décidé de faire en sorte que cet homme soit sauvé.

 17   J'ai décidé de le faire - et c'est la seule fois où je l'ai fait - je

 18   me suis dit pourquoi ne pas mettre à profit le pouvoir de la presse pour

 19   essayer de faire évacuer cet enfant. Et c'est ce que j'ai fait. Et

 20   maintenant, je dois dire que quand il y a eu transplantation de foie à

 21   Londres, il y a déjà eu des dégâts au cerveau. Il a vécu encore quelques

 22   années. Ses parents ont été heureux de la chose. Ils ont dit que nous

 23   avions fait une bonne chose, et il a encore vécu pendant plusieurs années.

 24   Ses parents ont estimé que nous avions fait une bonne chose dans ce cas de

 25   figure.

 26   Mais j'ai considéré que le livre devrait parler aussi des motivations

 27   des journalistes pour ce qui est de la couverture des guerres, et j'ai

 28   estimé qu'il était de l'intérêt de la vérité de parler également de cet


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  1   événement. Je n'ai pas fait état de la façon dont je faisais mes

  2   reportages. Là, je parle de cet événement de façon claire, et ça se trouve

  3   en page 168, deuxième paragraphe à compter du bas.

  4   Q.  Alors je souhaite aborder maintenant quelque chose dont vous parlez

  5   dans votre déclaration. Est-ce que nous pouvons afficher la page 11 du

  6   prétoire électronique, page 14 en B/C/S. Cela se trouve aux paragraphes 37

  7   et 38, et il s'agit de l'événement de l'autocar transportant les orphelins

  8   et le bombardement qui a suivi l'enterrement. Etes-vous sûr qu'il ne s'agit

  9   pas encore d'un autre événement pour lequel vous pensiez intervenir pour

 10   corriger les 

 11   torts ?

 12   R.  Tout à fait sûr, à 100 %.

 13   Q.  Alors, regardons un petit peu cet événement ensemble. Tout d'abord,

 14   est-il exact de dire que d'un des enfants tués, orpheline Glavas, en

 15   réalité, était d'appartenance ethnique serbe, et elle savait que sa famille

 16   n'avait jamais donné son accord pour qu'elle soit emmenée à Sarajevo avec

 17   le convoi ?

 18   R.  Eh bien, voyez-vous, je n'ai jamais demandé à la famille quel était

 19   leur groupe ethnique. Et curieusement, je me suis concentré sur la mort de

 20   l'enfant. Et d'après mon rapport, il est clair que la famille ne souhaitait

 21   pas qu'elle soit emmenée, et elle avait été défendue par cette organisation

 22   d'aide locale qui avait organisé cette évacuation mal ficelée. On nous a

 23   dit à l'origine qu'elle était orpheline, et ensuite nous avons découvert

 24   qu'elle n'était pas du tout orpheline. Elle avait une mère et une grand-

 25   mère. Pour ce qui est de son groupe ethnique, je n'ai jamais posé la

 26   question.

 27   Q.  Alors, au paragraphe 37 de votre déclaration, vous dites que l'autocar

 28   a fait l'objet de balles qui semblaient provenir de positions serbes. Vous


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  1   n'avez pas été le témoin oculaire de ces tirs, n'est-ce pas ?

  2   R.  Non. Des tirs entrants, non.

  3   Q.  Est-il exact de dire que votre reportage qui a été diffusé au sujet de

  4   cet événement, que vous avez évoqué lors de l'interrogatoire principal, a

  5   mal identifié l'emplacement ou a identifié de façon erronée l'endroit où se

  6   trouvait l'autocar ? Ou, en tout cas, l'endroit où il y a eu les tirs de

  7   feu ?

  8   R.  Alors, comme je l'ai dit au début de ma déposition, dans cette partie-

  9   là du reportage, j'ai mal identifié l'endroit où se trouvaient les tireurs.

 10   Mais, en réalité, si je regarde la vidéo, c'était illogique, connaissant le

 11   terrain à Sarajevo comme je le savais. C'était illogique car, comme je le

 12   savais, que je l'ai appris après, les tirs auraient pu provenir de cet

 13   endroit, parce que cet endroit était toujours entre les mains des forces du

 14   gouvernement. Et nous avons quitté le poste de contrôle bosniaque et nous

 15   avons descendu la route jusqu'à Ilidza, le poste de contrôle à la fin qui

 16   était sans doute à un demi-mille du bâtiment, peut-être un peu plus.

 17   Q.  Alors, quelle est la distance à laquelle peut tirer un tireur embusqué

 18   ?

 19   R.  Alors ça dépend du type d'arme utilisé et ça dépend des conditions

 20   météologiques. Cela dépend de la dextérité et cela dépend de la vitesse du

 21   vent. Je crois qu'entre les mains d'un tireur expert, une balle de gros

 22   calibre - à mon sens, je ne pense pas que cela ait été utilisé à cette

 23   occasion-ci - d'après les blessures dont on m'a parlé constatées sur les

 24   enfants, je crois que cela représente à peu près un kilomètre, m'a-t-on

 25   dit. Une kalachnikov, d'après ce que j'ai compris, entre les mains d'un

 26   tireur d'élite accompli, peut tirer jusqu'à 300 ou 400 mètres.

 27   Mais comme vous l'avez signalé à juste titre, je ne suis pas un militaire,

 28   donc je peux effectivement me tromper au niveau de la distance parcourue.


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  1   Ce que je sais, en revanche, c'est que cet événement portant sur ces tirs

  2   s'est déroulé quelques minutes après que l'autocar ait quitté le dernier

  3   poste de contrôle bosniaque et se dirigeait vers Ilidza. Il y avait très

  4   peu de place, un petit tronçon de route, parce que j'avais emprunté cette

  5   route jusqu'à Ilidza moi-même. Donc la distance était courte entre ces deux

  6   endroits. A quelques minutes, me semble-t-il, en voiture. Trois, voire

  7   quatre minutes, peut-être.

  8   Q.  Est-il exact de dire que vous avez vu un caméraman sur les lieux tout

  9   de suite après les tirs ?

 10   R.  Non, pas tout de suite après les tirs, je crois, parce qu'il pensait

 11   avoir filmé l'autocar alors qu'il se dirigeait vers le dernier poste de

 12   contrôle, lorsque nous avons vu les images des enfants qui étaient attachés

 13   avec des draps de lit. Ensuite, ils sont descendus de l'autocar. Ils ont

 14   tiré sur l'autocar qui se dirigeait vers Ilidza et ils sont retournés dans

 15   leurs bureaux. C'est-à-dire que par la suite, comme nous l'avons appris --

 16   je crois une heure environ après ce moment-là, nous avons appris ce qui

 17   s'était passé. Nous sommes retournés -- je crois que j'ai raison de dire

 18   qu'à l'époque nous sommes retournés. Les enfants se trouvaient dans une

 19   morgue de fortune qui n'était pas très éloignée du poste de contrôle

 20   bosniaque. Et comme vous avez pu le voir d'après les images, ce qui a été

 21   diffusé aujourd'hui [comme interprété], nous disposions des images de deux

 22   enfants recouverts de draps, et les draps étaient tachés de sang. En

 23   d'autres termes, peu de temps après que ces enfants aient été tués. Et le

 24   sang n'avait pas séché. Le sang coulait toujours de leurs corps lorsque

 25   nous sommes arrivés sur les lieux.

 26   Q.  Est-il exact, Monsieur, que votre caméraman a reçu l'information

 27   initiale indiquant que la source provenait du bâtiment de "Oslobodjenje" ?

 28   R.  Non, je ne pense pas que le caméraman ait reçu cela. Je ne me souviens


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  1   pas, en fait, d'où venait ce rapport externe.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demande encore une fois de bien

  3   vouloir ralentir, s'il vous plaît.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je ne me souviens pas de ce rapport

  5   externe. Je ne sais pas d'où il venait, mais je pense que cela aurait pu

  6   provenir de notre staff qui se trouvait dans la région parce qu'ils

  7   m'auraient, en tout cas, corrigé si j'avais commis une erreur quant à qui

  8   contrôlait le bâtiment de "Oslobodjenje" à ce moment-là et pendant toute la

  9   durée de la guerre.

 10   M. IVETIC : [interprétation]

 11   Q.  Donc, si nous excluons Oslobodjenje comme étant une source de tir en

 12   raison de l'endroit où il se trouvait, qui contrôlait le bâtiment ?

 13   R.  Eh bien, en se fondant sur l'endroit où il se trouvait et qui le

 14   contrôlait, parce que la manière dont nous essayions de comprendre cela,

 15   c'était de parler aux gens qui se trouvaient près du poste de contrôle. Par

 16   la suite, également, nous avons parlé aux gens des Nations Unies, quelles

 17   étaient les informations dont ils disposaient. Nous nous sommes rendus à la

 18   FORPRONU pour leur demander des informations également, parce que la source

 19   des soldats de la FORPRONU à différents endroits était une information que

 20   nous rapportions à la presse. On nous a dit très clairement que cette

 21   fusillade s'est déroulée longtemps après que l'autocar ait quitté le

 22   dernier poste de contrôle bosniaque. Et étant donné que vous en parlez,

 23   étant donné que le bâtiment de "Oslobodjenje" est peut-être à un demi-mille

 24   de cet endroit, je ne pense pas que ce soit physiquement possible d'ouvrir

 25   le feu de là et d'atteindre l'autocar.

 26   Si je me souviens bien, l'autocar a été touché sur le côté. Donc cela

 27   n'aurait pas pu être le long de la route; cela a dû se passer quelque part

 28   sur le côté de la route, après qu'il ait quitté le dernier poste de


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  1   contrôle bosniaque et qu'il se soit rapproché d'Ilidza. Je ne sais pas à

  2   quel endroit de la route ou sur quel tronçon ceci s'est produit.

  3   Q.  Alors, pour ce qui est de votre conclusion de savoir qui est

  4   responsable de la fusillade contre l'autocar, avez-vous diligenté une

  5   enquête officielle pour déterminer qui était à l'origine de 

  6   cela ?

  7   R.  Je ne pense pas. Les choses avançaient très vite à ce moment-là. Je

  8   crois que nous avons été pris dans d'autres reportages des médias.

  9   M. IVETIC : [interprétation] Alors, est-ce que nous pouvons regarder

 10   quelque chose qui provient de l'affaire Karadzic, qui est le 1D1349. Page

 11   99 dudit document, qui devrait correspondre à la page 

 12   10 166 du compte rendu sous-jacent.

 13   Q.  A partir de la ligne 16, voici la question qu'on vous 

 14   pose :

 15   "Question : Comment avez-vous pu établir que c'étaient les Serbes qui ont

 16   tiré sur l'autocar ? Comment en êtes-vous arrivé à rejeter la thèse en

 17   vertu de laquelle ceci aurait pu être l'œuvre de soldats musulmans, ou

 18   plutôt, du gouvernement, même si la thèse était étayée par les Nations

 19   Unies ?

 20   "Réponse : A ce moment-là, je n'avais pas entendu parler de la thèse qui

 21   indiquait que la partie gouvernementale de Bosnie agissait contre son

 22   propre peuple. J'ai pour la première fois entendu parler de cette thèse de

 23   la part d'un aide militaire du général Lewis MacKenzie, qui était le

 24   commandant de secteur de Sarajevo pour la FORPRONU à l'époque, vers la fin

 25   de cette première visite où je me suis rendu à Sarajevo, qui était au mois

 26   d'août 1992. Donc il m'a pris de côté et il m'a dit : Ecoute, en fait, je

 27   souhaite que vous sachiez que nous sommes convaincus que les Serbes --

 28   pardon, que le gouvernement bosniaque se pilonne lui-même. Et donc, j'ai


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  1   dit : De quelle preuve disposez-vous ? Et il a dit : Nous n'avons pas

  2   vraiment de preuve, mais c'est ce que nous pensons."

  3   Tout d'abord, Monsieur, s'agit-il là du même aide de camp ou aide que vous

  4   évoquez dans votre déclaration au paragraphe 39, qui se trouve à la page 12

  5   de l'anglais et page 16 en B/C/S ? Encore une fois, il s'agit de la pièce

  6   P2251 [comme interprété], avec une cote provisoire. Est-ce que nous parlons

  7   du même individu ?

  8   R.  Oui, nous parlons du même individu.

  9   Q.  Alors ma première question sur ce thème : pourriez-vous nous identifier

 10   cet aide de camp du général MacKenzie qui vous a donné ces informations ?

 11   Si vous le souhaitez, nous pouvons passer à huis clos partiel.

 12   R.  Non. En tant que journaliste, je ne peux pas divulguer mes sources.

 13   Q.  Outre cet aide de camp du général MacKenzie, était-ce le seul homme qui

 14   vous a parlé d'un tel complot ou d'autres représentants officiels des

 15   Nations Unies à l'époque vous ont-ils fait part de ce genre de choses ou

 16   pas ?

 17   R.  C'était le seul représentant officiel des Nations Unies qui en a parlé.

 18   Il était -- il m'a pris de côté et il m'a dit à voix basse comme si c'était

 19   quelque chose qui était en partie secret. Et comme je l'ai dit -- comme

 20   vous venez de l'indiquer, mon opinion à moi consistait à dire que les

 21   preuves auraient dû surgir. Dans mon métier de journaliste, j'ai constaté

 22   qu'il était difficile de garder quelque chose secret pendant 20 ans. Et je

 23   suis surpris que quelque chose de ce genre n'ait pas été avancé jusqu'à

 24   présent. J'ai dit qu'effectivement, c'était le cas. Pour ce qui est de cet

 25   autocar, on a tiré dessus à bout portant depuis le territoire serbe de

 26   Bosnie.

 27   Q.  Alors, est-ce que vous pensez, Monsieur, qu'il n'y a pas eu de preuve

 28   dans les 20 années qui se sont écoulées, un seul élément indiquant que


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  1   c'était l'ABiH qui tirait de leur côté, pour quelque raison que ce soit ?

  2   R.  Alors que j'étais à Sarajevo, je n'ai vu aucune preuve de ce genre.

  3   Maintenant, au cours des 20 dernières années, il y a eu des rapports qui

  4   ont été rendus publics, il est vrai, et des sources militaires, par

  5   exemple, qui ont partagé ce genre d'information avec moi récemment à propos

  6   d'événements qui se sont déroulés en 1995. L'événement -- par exemple, j'ai

  7   entendu quelqu'un affirmer qu'au cours de l'attaque contre le marché qui a

  8   occasionné l'intervention de l'OTAN en 1995, eh bien, qu'il existait des

  9   preuves d'après les analyses du cratère qui précisaient que les tirs

 10   provenaient des explosions -- les tirs, les explosions provenaient de la

 11   partie bosniaque.

 12   Mais je souhaite consigner au compte rendu d'audience qu'en tant que

 13   journaliste, j'aurais été absolument ravi de rédiger ce genre d'histoire.

 14   J'aurais obtenu beaucoup de reconnaissance pour cela et je n'aurais eu

 15   aucune hésitation à diffuser ce genre de récit. Et nous avons essayé de

 16   comprendre cela autant que faire se peut, sur qui pilonnait qui, et

 17   j'aurais été ravi de pouvoir déclarer cela sans équivoque, que j'aurais pu

 18   constater que le gouvernement de Bosnie tirait sur son peuple en provoquant

 19   un nombre très important de victimes parmi les civils ou des victimes.

 20   J'aurais pu faire un reportage là-dessus. Mais je n'ai pas vu ce genre de

 21   preuve.

 22   Et il y a des personnes qui se sont exprimées depuis ce moment-là et qui

 23   disent : Oui, nous avons mené une opération qui s'est occupée de ça. Alors

 24   il y a d'autres choses un peu malsaines qui se sont passées qui sont

 25   ressorties depuis. Mais, à mon sens, rien ne permet d'avancer cela dans les

 26   20 années qui se sont écoulées. Je crois que les niveaux de détail --

 27   enfin, les détails seraient ressortis, me semble-t-il. Mais je peux me

 28   tromper.


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  1   Q.  Alors vous n'avez pas entendu parler de la soi-disant unité Seva qui

  2   intervenait à Sarajevo et qui a mené de telles opérations ?

  3   R.  Non.

  4   Q.  Alors je souhaite regarder le document avec vous. Le 1D --

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, précisez, s'il vous

  6   plaît, un dernier point.

  7   M. IVETIC : [aucune interprétation]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin a dit quelque chose à propos

  9   du pilonnage de son propre peuple. La question suivante à propos du

 10   pilonnage. Vous avez l'intention de parler du pilonnage également ? Parce

 11   que le témoin a répondu encore une fois lorsqu'il a parlé du pilonnage.

 12   Vous avez utilisé un terme différent. J'essaye de comprendre si, oui ou

 13   non, vous vous êtes mal exprimé ou si vous avez l'intention de passer de

 14   pilonnage à tir. Et ensuite, nous pouvons vérifier auprès du témoin, de

 15   savoir si sa réponse correspond effectivement à tir ou pilonnage.

 16   M. IVETIC : [interprétation] Ecoutez, à l'origine, je lui ai posé une

 17   question à propos du pilonnage et des tirs de façon générale, et le témoin

 18   a répondu en disant que -- et ensuite j'ai posé une question spécifique à

 19   propos de l'unité Seva par rapport à cela ou par opposition au pilonnage.

 20   C'est ce que j'entendais par ma question.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors je vais essayer de reconstituer ce

 22   qui s'est passé. Le témoin nous a parlé de quelqu'un qui lui a dit que les

 23   forces gouvernementales pilonnaient leur propre côté. Et le témoin a dit :

 24   "Je ne vais pas divulguer mes sources." Il nous a dit que cet homme était

 25   le seul à lui avoir exposé cette théorie du complot. Et on a parlé à ce

 26   moment-là de pilonnage.

 27   Et ensuite, vous lui avez posé la question, "Est-ce que vous pensez" - et

 28   le témoin a dit qu'il n'avait jamais reçu de preuve à cet égard - "Est-ce


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  1   que vous pensez, Monsieur, qu'il n'y a pas eu de preuve qui ait resurgi à

  2   la surface dans ces 20 années qui se sont écoulées indiquant que la partie

  3   BiH tirait sur son propre camp pour quelque raison que ce soit ?" Donc, là,

  4   nous sommes passés du pilonnage au tir. Et le témoin a répondu à cette

  5   question-là  lorsqu'il a parlé de ces 20 années de preuve, qui se sont

  6   concentrées encore une fois sur le pilonnage. Et ensuite, vous avez posé

  7   une question à propos de l'unité de Seva, et vous parlez de l'unité de Seva

  8   comme une unité "qui intervenait à Sarajevo et qui a mené de telles

  9   opérations." Ce n'était pas très clair, on ne sait pas s'il s'agissait de

 10   pilonnage ou de tir. Je souhaite simplement éviter tout malentendu.

 11   Avez-vous jamais reçu des preuves au sujet de tir ou de coup de feu tiré

 12   sur votre territoire, le territoire contrôlé par les forces de l'ABiH ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Par la suite, et je l'ai déjà dit ce matin,

 14   cela a été évoqué ce matin, on parlait des hommes de Caco qui tiraient sur

 15   des Serbes qui se trouvaient sur le territoire détenu par le gouvernement

 16   de Bosnie. C'était une accusation contre les Musulmans parce qu'on a

 17   indiqué qu'il s'agissait de personnes qui ont été exécutées sommairement.

 18   Alors, lorsque j'ai parlé de l'unité de Seva, il s'agissait d'une référence

 19   au pilonnage, je me concentrais là-dessus essentiellement. Et donc, toutes

 20   mes réponses portaient sur le pilonnage, en réalité.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite éviter toute forme de

 22   confusion, c'est la raison pour laquelle je vous ai posé la question --

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, moi, je n'ai pas du tout entendu

 24   parler de tir.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est à vous, Maître Ivetic.

 26   M. IVETIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant afficher le

 27   1D3388 [comme interprété] du prétoire électronique. Le document est daté du

 28   27 octobre 1994 et il émane du général Rose, qui commande le secteur


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  1   Sarajevo de la FORPRONU.

  2   Q.  Si vous regardez la date, est-ce que vous étiez toujours en Bosnie-

  3   Herzégovine et à Sarajevo à l'époque ? Est-ce que vous assuriez la

  4   couverture des événements ?

  5   R.  J'étais en Bosnie-Herzégovine en 1994. Je n'étais pas à Sarajevo à

  6   cette date-là. Je crois que c'était à peu près le moment où je m'occupais

  7   de ce documentaire qui comprenait l'entretien avec le représentant officiel

  8   serbe qui était engagé dans des expulsions. Donc j'étais davantage sur le

  9   territoire bosno-serbe à ce moment-là. A l'automne de l'année 1994, je

 10   n'étais pas à Sarajevo en tant que tel, contrôlé par le gouvernement de la

 11   BiH.

 12   Q.  Est-ce que vous connaissez le général de brigade Fikret qui est

 13   mentionné en rapport avec "recce" d'Igman ?

 14   R.  Son nom me dit quelque chose. Ce n'est pas quelqu'un que j'ai

 15   rencontré.

 16   Q.  Alors je peux peut-être vous rafraîchir la mémoire. Lors de ce procès,

 17   plusieurs témoins ont identifié un général de brigade Fikret, qu'ils

 18   disaient avoir participé à des activités criminelles, contrebande et tous

 19   types de trafics par le tunnel de l'aéroport de Butmir. Par exemple, David

 20   Frasier, pages du compte rendu d'audience 5 825 à 5 826; RM-136 [comme

 21   interprété], pages 1 664 à 1 666 [comme interprété]. Est-ce que ceci vous

 22   rafraîchit la mémoire concernant le général de brigade Fikret qui

 23   intervenait à Sarajevo ?

 24   R.  Alors, moi, je ne me suis pas occupé de l'histoire du tunnel. Nous

 25   avions un système de roulement entre collègues journalistes, nous entrions

 26   et sortions de Sarajevo. Et je me souviens pas d'avoir eu une interview

 27   avec un général de brigade Fikret, et je n'ai certainement pas traversé le

 28   tunnel. Je savais que cet homme existait, mais je n'ai jamais écrit quoi


Page 18126

  1   que ce soit sur lui. Je pense que ce sont d'autres journalistes de la BBC

  2   qui s'en sont chargés.

  3   Q.  Est-ce que c'est un fait connu que le tunnel existait et qu'il était

  4   emprunté pour le transport de biens et de personnes pour entrer et sortir

  5   de la ville ?

  6   R.  Eh bien, si j'avais connaissance de l'existence du tunnel, je crois que

  7   d'autres personnes sans doute en ont eu connaissance également. Je crois

  8   que c'était de connaissance de tous. Mais, en fait, lorsque je me suis

  9   entretenu avec les personnes, des dignitaires étrangers, par exemple, qui

 10   avaient emprunté le tunnel et qui sont passés par le tunnel, ils l'ont

 11   décrit en détail.

 12   Q.  Est-ce qu'il serait juste de dire que compte tenu de l'opération du

 13   tunnel, par le général de brigade Fikret ou d'autres personnes, pour ce qui

 14   est de l'évaluation de la déclaration et de la responsabilité que vous

 15   attribuez aux Serbes comme étant ceux qui contrôlaient tout ce qui pouvait

 16   entrer et sortir de Sarajevo ?

 17   R.  Le tunnel était un trou dans le mur. Ce n'était pas une faille dans le

 18   mur. Et lorsque je parle du "mur", je parle d'une manière métaphorique.

 19   C'est-à-dire que le siège se poursuivait. Et lorsque les gens ne sont pas

 20   en mesure de se déplacer de leur propre gré de manière aisée, oui, à ce

 21   moment-là, c'était un siège. C'est dans ce sens-là que nous l'appelons un

 22   siège. Mais à l'époque, le siège était poreux en raison de l'activité du

 23   marché noir, de la corruption et des alliances locales entre les personnes

 24   se trouvant des deux côtés de la ligne de front, et le tunnel était un trou

 25   dans ce mur. Maintenant, pour vous parler de la manière dont ceci affectait

 26   la vie des personnes, les personnes ne pouvaient pas emprunter le tunnel

 27   comme ils le souhaitaient. Ils ne pouvaient pas aller visiter leurs

 28   familles se trouvant de l'autre côté de l'aéroport de Butmir. C'était


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  1   contrôlé par l'armée, le tunnel. Il était utilisé pour, j'imagine, le

  2   transport d'approvisionnements militaires.

  3   Q.  J'aimerais que l'on prenne la page 2 de ce même document. En haut, nous

  4   voyons un mot, "tram", et ensuite "flag B", "drapeau B". Et : 

  5   "A 17 heures 35, le 25 octobre, un tram tiré dessus, zone BRATSVA Br, huit

  6   personnes blessées. BAT 4 mène à bien l'enquête (voir le rapport).

  7   "Conclusions

  8   "- la présence des sentinelles et de la police suggère des 'rondes' près de

  9   la rive nord de la rivière;

 10   "- les restes de peinture suggèrent que le tram était situé du côté nord-

 11   est du kiosque de police;

 12   "- et la trajectoire des 'rondes' suggère que le tireur se trouvait

 13   près du sol et qu'il ait tiré du côté de la rivière du côté de la BiH;

 14   "- tout élément corroboratif par les représentants de Bosnie indique

 15   que les tirs étaient de provenance du territoire tenu par les Bosniens

 16   (voir mappe du bâtiment)."

 17   Donc j'aimerais vous demander maintenant de nous dire, avez-vous

 18   connaissance de cet incident qui s'est déroulé le 25 octobre 1994 à

 19   Bratsva, près du pont ?

 20   R.  Non, en tant que journaliste, je n'étais pas dans la ville à ce moment

 21   particulier. Je veux dire que, en tant que journaliste, si j'avais vu ce

 22   document à l'époque, cela aurait fait une excellente histoire. J'aurais

 23   probablement demandé de voir des éléments qui pouvaient corroborer ces

 24   affirmations du côté des représentants bosniens. Ce que je veux dire par

 25   là, c'est que, d'un point de vue journalistique, cela aurait été très

 26   intéressant. Mais je n'étais pas à ce moment-là dans la ville.

 27   Q.  Est-ce que vous pensez que vous aviez pu avoir accès à l'information

 28   concernant un incident comme celui-ci, et que si vous aviez eu cette


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  1   information, vous auriez repensé, vous auriez retiré votre affirmation

  2   quant à la validité de cette théorie de complot dont nous avons parlé au

  3   paragraphe 39 de votre déclaration ?

  4   R.  Non, je ne l'aurais pas retirée, parce que je ne pensais pas au fait

  5   que des opérations majeures de pilonnage contre une population infligeaient

  6   un très grand nombre de pertes, mais cela aurait fait une excellente

  7   histoire à publier et cela aurait été une histoire très intéressante et

  8   importante. Il s'agissait des circonstances particulières d'incidents

  9   particuliers. Et pour revenir à l'incident avec l'autocar, étant donné que

 10   cela ne change pas du tout mon opinion concernant les conclusions que j'ai

 11   tirées et parce qu'à l'époque, concernant l'endroit où l'autobus est arrivé

 12   --

 13   Q.  Je comprends, mais j'aimerais simplement vous poser une question --

 14   R.  Oui.

 15   Q.  -- des observations que vous avez faites concernant la théorie du

 16   complot. Vous l'avez faite au bas de la déclaration, n'est-ce pas ?

 17   R.  Non, je ne crois pas que c'est cet incident nécessairement qui confirme

 18   cette thèse.

 19   Q.  Très bien.

 20   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais maintenant demander que l'on verse

 21   au dossier ce document.

 22   M. JEREMY : [interprétation] Monsieur le Président, je ne m'oppose pas à

 23   l'admission de ce document sur la base de ce contexte. Nous en avons parlé

 24   aujourd'hui. Même si, vous savez, je voudrais noter que le témoin ne se

 25   trouvait pas à Sarajevo à l'époque de l'incident. Et j'aimerais également

 26   mentionner que pour ce qui me concerne, je n'étais pas au courant que ce

 27   document n'était pas un document du général Rose et qui aurait été versé au

 28   dossier par son truchement, tel que l'on s'attendrait à ce que cela soit


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  1   fait en vertu de l'article 90(E). Mais je ne m'oppose pas à l'admission de

  2   ce document.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

  4   Madame la Greffière.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D1338 recevra la cote

  6   D387, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est versé au dossier.

  8   Maître Ivetic, il serait utile aux Juges de la Chambre, et je ne sais pas

  9   s'il existe ou non, mais il s'agit d'éléments de preuve qui pourraient

 10   corroborer que les tirs provenaient du côté bosnien. S'il y a d'autre

 11   matériel concernant ceci, il serait intéressant que la Chambre puisse le

 12   voir.

 13   M. IVETIC : [interprétation] Je comprends très bien. Je vais essayer de

 14   voir s'il y a autre chose que je puisse trouver.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, je vous prie.

 16   M. IVETIC : [interprétation] Je demanderais que l'on affiche le document

 17   1D1336 dans le prétoire électronique.

 18   Q.  Comme vous pouvez le voir, le document date du 17 août 1994 et il émane

 19   du Centre des droits de l'homme de l'ONU à Sarajevo par rapport à une

 20   réunion qui s'est déroulée avec le général --

 21   L'INTERPRÈTE : Inaudible.

 22   M. IVETIC : [interprétation]

 23   Q.  -- de la FORPRONU du secteur Sarajevo. Et maintenant, j'aimerais que

 24   vous preniez la deuxième page et que vous vous concentriez sur le point

 25   numéro 2 :

 26   "Le gouvernement de la BiH semble présenter à la communauté internationale

 27   des points de vue de propagande concernant les violations commises par le

 28   côté serbe, omettant de le faire lorsqu'il s'agissait de leurs actions.


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  1   "Par exemple, la population civile avait des obstacles administratifs

  2   majeurs pour quitter Sarajevo, et la police et les représentants de l'armée

  3   avaient beaucoup de pouvoir. Ils ont contribué de manière importante à

  4   cette politique."

  5   La question que j'aimerais vous poser, Monsieur : est-ce que vous avez

  6   jamais eu accès à cette information de ce type des représentants

  7   internationaux ou d'autres sources, à savoir que le gouvernement de la BiH

  8   imposait des obstacles administratifs aux personnes qui voulaient quitter

  9   la ville de Sarajevo ?

 10   R.  Juste pour préciser quelque chose, c'est une déclaration --j'avais

 11   touché à l'écran, pardon. Excusez-moi. Oui, vous parliez du général

 12   Soubirou ?

 13   M. IVETIC : [interprétation] Non. Reprenez, s'il vous plaît, la première

 14   page.

 15   Q.  La première page --

 16   R.  Oui.

 17   Q.  -- le Centre des Nations Unies pour les droits de l'homme, oui, vous

 18   avez mentionné ceci ?

 19   R.  [aucune interprétation]

 20   Q.  Oui, effectivement. Est-ce que vous aviez connaissance de cela ?

 21   R.  Oui, j'avais entendu parler de cela pendant la guerre, effectivement,

 22   qu'il y avait ces types de problèmes qui existaient -- en fait, qu'il y

 23   avait des obstacles qui étaient mis en place afin que personne ne puisse

 24   pas quitter, et je me demandais si à l'époque ceci avait changé le statut

 25   de la situation, car il s'agissait d'un siège. Mais j'avais l'impression

 26   que non, qu'il ne s'agissait pas de cela, que la situation n'était pas

 27   changée. Car la manière dont j'ai  compris cela, c'est qu'ils essayaient de

 28   garder les gens là et que cela faisait partie de leurs efforts de guerre,


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  1   et je crois que ce qui a enclenché le tout c'est l'imposition d'un siège.

  2   Et également, d'après ce que j'avais cru comprendre, c'est que cela ne

  3   voulait pas dire qu'il était absolument impossible pour les gens de quitter

  4   Sarajevo, car je savais qu'un très grand nombre de personnes avaient quitté

  5   Sarajevo à l'époque. Mais alors qu'elles se sont organisées de plus en

  6   plus, elles sont devenues de plus en plus bureaucratiques. Et je crois

  7   qu'il fallait remplir un très grand nombre de formulaires pour pouvoir

  8   obtenir la permission de se déplacer, de voyager, et cetera.

  9   Q.  Est-ce que vous pensez que votre déclaration qui fait environ 21 pages

 10   et qui omet des références au fait que vous saviez que le côté de la BiH

 11   imposait des obstacles aux personnes qui voulaient quitter Sarajevo, et que

 12   c'était vraiment précis et qu'il n'y avait pas de parti pris pour ce qui

 13   est d'une évaluation des Serbes de Bosnie qui essayaient de quitter la

 14   ville de Sarajevo ?

 15   R.  Non. Je crois que le fait fondamental du siège est vraiment celui-ci :

 16   c'est que le siège avait été imposé et le siège continuait, il se

 17   poursuivait, et c'était réalisé grâce aux forces serbes du côté -- enfin,

 18   en raison des forces serbes du côté bosnien. Et à la suite du siège, de la

 19   manière dont le siège fonctionnait, c'est-à-dire que la vie était devenue

 20   très difficile, corrompue, et pour beaucoup de personnes à l'intérieur de

 21   Sarajevo, ce n'était pas une ville très heureuse. Les gens ne vivaient pas

 22   en harmonie, si vous le souhaitez. Il s'agissait d'un endroit très triste,

 23   divisé. Mais mon opinion était de savoir que le siège était imposé par les

 24   Serbes de Bosnie, et rien ne change en ceci.

 25   Q.  Parlons maintenant de ce dont vous parlez, non pas de l'auteur de ce

 26   document, mais j'aimerais savoir ce que vous savez qui ne figure pas dans

 27   votre déclaration. Est-ce que vous pensez, et ce, également y inclus dans

 28   votre déclaration, que les obstacles avaient été -- est-ce que vous pensez


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  1   que les obstacles avaient été mis en place du côté de la BiH pour empêcher

  2   les personnes de quitter Sarajevo, si votre déclaration décrit de manière

  3   précise et sans parti pris cette information, donc ce dont vous avez parlé

  4   ?

  5   R.  Cette déclaration n'est pas un récit de tout ce que je savais de

  6   Sarajevo du début à la fin. J'y étais de manière régulière pendant trois

  7   ans. Je ne crois pas -- parce que comme je l'ai dit, je crois que le fait

  8   qu'il y avait des obstacles bureaucratiques qui avaient été mis en place,

  9   cela affectait les personnes qui voulaient voyager. Ça n'affectait pas

 10   toutes les personnes, et je ne veux pas répéter, je ne veux pas -- je

 11   n'essaie pas de dire que cela nous écarte du fait que le siège était imposé

 12   par les Serbes de Bosnie.

 13   J'ai voyagé de manière régulière, j'empruntais de manière régulière

 14   la route de Pale, j'ai passé à côté des positions serbes de manière

 15   régulière et j'ai vu les armes, j'ai vu les douilles de calibre allant de

 16   7.5 [comme interprété] à plus. J'ai parlé aux tireurs par le truchement

 17   d'un interprète, et une ou deux fois ils ont pu parler en anglais. Mais je

 18   me suis entretenu avec eux par le truchement d'un interprète, et ces hommes

 19   étaient joyeux d'admettre ce qu'ils étaient en train de faire. Ils nous ont

 20   permis de filmer les armes qui ciblaient des endroits dans la ville. Et

 21   cela constitue un siège. Je suis vraiment désolé. C'est un fait fondamental

 22   et c'est la raison pour laquelle il fallait avoir un pont aérien. Pourquoi

 23   est-ce qu'à ce moment-là il fallait avoir un pont aérien, pour pouvoir

 24   apporter l'approvisionnement, parce qu'il y avait un siège. Et que

 25   faisaient ces hommes sur les collines, que je voyais de manière générale ?

 26   Et j'ai vu des piles de douilles. Que faisaient-ils, autre que de mettre en

 27   place un siège ?

 28   Il y avait des problèmes bureaucratiques pour les personnes, oui, je


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  1   l'ai dit. Il n'y avait pas le formulaire exact, on ne leur tirait pas

  2   dessus pour les empêcher de partir, mais ils avaient des formulaires à

  3   remplir. Et je ne crois pas que cela dilue le fait qu'il y avait un siège.

  4   Q.  S'agissant des hommes de Caco et la 10e Brigade de Montagne,

  5   arrêtaient-ils les gens à bout portant de quitter le territoire ?

  6   R.  Je ne savais absolument pas ce qu'ils faisaient, parce qu'ils

  7   n'étaient pas opérationnels, si vous voulez. Leur zone d'opération n'était

  8   pas près du tunnel qui allait à Butmir, et ils n'étaient pas près non plus

  9   -- près de cette partie-là de la ville. C'était plutôt vers la vieille

 10   ville, et je pense aux hauteurs à côté de la piste de luge. Donc il y avait

 11   une enclave à cet endroit-là. Et je peux vous le dire, et je peux vous

 12   l'affirmer, parce que lorsque je me suis rendu à Mostar, tout d'abord au

 13   mois d'août 1993, lorsque j'ai voulu traverser l'aérodrome et passer par

 14   divers points de l'ABiH, il m'a fallu obtenir une permission officielle. Il

 15   fallait que je m'adresse au général Delic, qui à ce moment-là était le

 16   commandant militaire, et les personnes avec qui nous nous entretenions sur

 17   les points de contrôle étaient des membres en uniforme des forces de la

 18   BiH. C'était encore l'ère de Caco, si je ne m'abuse, et donc ces personnes

 19   n'auraient pas pu avoir le contrôle de cet endroit-là à ce moment-là.

 20   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

 21   Juges, je demande la permission de consulter mon client très brièvement.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certainement, mais seulement si M.

 23   Mladic parle à voix basse.

 24   [Le conseil de la Défense et l'Accusé se concertent]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, Maître Ivetic, est-ce que

 26   ça vous aiderait si nous prenions la pause un peu plus tôt ? Comme ça, vous

 27   aurez plus de temps pour procéder à vos consultations. On n'est pas loin.

 28   M. IVETIC : [interprétation] Ce serait utile, Messieurs les Juges, en


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  1   effet.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons faire une pause de 20

  3   minutes.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Grand merci.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Que l'on escorte donc le témoin hors du

  6   prétoire.

  7   [Le témoin quitte la barre]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et nous allons reprendre à 1 heure 30.

  9   --- L'audience est suspendue à 13 heures 11.

 10   --- L'audience est reprise à 13 heures 32.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais me servir du temps d'attente

 12   pour dire la chose suivante. Le 1er octobre de cette année, l'Accusation a

 13   demandé le versement au dossier du 65 ter 28036, qui a initialement été

 14   conçu ou effectué par le biais du Témoin RM506. La Défense a dit qu'elle

 15   devait prendre un peu de temps pour voir s'il y avait des objections au

 16   versement, et ils ont reçu instruction de le faire avant la fin de la

 17   semaine; compte rendu, page 1 711 [comme interprété]. La Défense est donc

 18   conviée à prendre position. Elle n'a pas à le dire tout de suite, à moins

 19   qu'elle soit en mesure de dire oui ou non tout simplement, mais de le faire

 20   le plus tôt possible.

 21   [Le témoin vient à la barre]

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, veuillez continuer.

 23   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

 24   Q.  Pendant que ce document est encore sur nos écrans, je voudrais qu'on se

 25   penche sur le point 4 qui se rapporte à Rogatica. Dans votre déclaration de

 26   témoin, vous en avez parlé au paragraphe 10. Et le document dit ce qui suit

 27   :

 28   "S'agissant des déplacements forcés de civils de Rogatica qui ont été


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  1   qualifiés par les médias de nettoyage ethnique, le général Soubirou a

  2   considéré que cela faisait partie d'un accord réalisé entre les deux

  3   parties."

  4   Est-ce que, en votre qualité de journaliste, vous avez fait des

  5   investigations pour trouver des informations qui indiqueraient que les

  6   échanges de population à Rogatica en 1994, au mois d'août, concrètement

  7   parlant, étaient en fait une chose négociée entre les deux parties ?

  8   R.  Non, je n'ai jamais vu d'élément de preuve à ce sujet. Mais je n'en ai

  9   pas cherché non plus. Comme je vous l'ai déjà dit, je n'étais pas dans la

 10   ville à ce moment concret. Lorsque j'ai précédemment parlé de Rogatica,

 11   j'en ai parlé au sujet d'événements qui s'y étaient produits en 1992, 1993.

 12   Toujours est-il que les gens qui se sont entretenus avec moi au sujet de la

 13   situation à Rogatica lorsque je passais par elle pour aller à Gorazde en

 14   1992, et par la suite je me suis entretenu avec des personnes qui ont été

 15   déplacées de Rogatica vers Sarajevo, et pendant qu'elles se trouvaient à

 16   Sarajevo, je me souviens que ces personnes m'avaient parlé d'un traitement

 17   particulièrement brutal de la part des forces serbes, y compris viol.

 18   Alors, est-ce que cela a par la suite fait l'objet d'un accord, je n'en ai

 19   absolument aucune idée.

 20   Q.  Nous allons bientôt nous pencher sur un clip vidéo qui dure moins d'une

 21   minute. Nous n'avons pas vérifié les comptes rendus, alors on va le

 22   visionner une fois et une deuxième fois conformément à la procédure.

 23   M. IVETIC : [interprétation] Les cabines se sont vues distribuer les

 24   transmissions hier.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est la référence quoi ?

 26   M. IVETIC : [interprétation] Oui, excusez-moi. Il s'agit du 1D1354.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Commencez comme suggéré.

 28   M. IVETIC : [interprétation] Premier passage.


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  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   M. IVETIC : [interprétation] Je n'entends pas de bande audio.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi non plus.

  4   L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent que eux non plus.

  5   M. IVETIC : [interprétation] Peut-être, en attendant de résoudre le

  6   problème technique, pourrais-je poser d'autres questions.

  7   Je voudrais demander le 1D1337.

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je pense que c'est plutôt difficile -

  9   - là, oui, l'image est partie de nos écrans.

 10   M. IVETIC : [interprétation]

 11   Q.  Ce document est daté du 9 novembre 1994. Il émane d'une équipe

 12   d'investigation de la FORPRONU conduite par le lieutenant-colonel --

 13   L'INTERPRÈTE : Dont l'interprète n'a pas entendu le nom.

 14   M. IVETIC : [interprétation]

 15   Q.  -- à Sarajevo, qui parle du fait qu'il y a un rapport technique

 16   d'établi au sujet des obus de mortier. Et nous allons nous pencher sur le

 17   descriptif de l'incident. Au milieu de la page, il est question de deux

 18   obus de 82 millimètres qui sont tombés dans la rue Livanjska.

 19   Alors, est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que cet endroit,

 20   cette rue Livanjska, se trouve à l'intérieur du territoire contrôlé par

 21   l'ABiH, chose qui se trouve être confirmée par le fait que c'est la police

 22   bosnienne qui s'est déplacée sur les lieux de l'événement ?

 23   R.  Je veux bien vous croire sur parole. Je ne me souviens pas concrètement

 24   ni de cette rue, ni du nom et de son emplacement.

 25   Q.  J'aimerais qu'on nous montre la page 3 en B/C/S et en anglais. Et ce

 26   qui nous intéresse, c'est la conclusion rédigée par l'équipe des Nations

 27   Unies.

 28   "Conclusion :


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  1   "Il est possible de conclure du fait que le secteur le plus suspect se

  2   trouve sous le contrôle de la Bosnie-Herzégovine.

  3   "Pour tirer depuis les positions de l'armée des Serbes de Bosnie un obus de

  4   mortier avec le même angle et la même portée, l'axe du mortier devrait être

  5   à 4 200 millièmes (de Grdonj, voire d'Orlovac), ce qui signifie que l'axe

  6   de l'arme par rapport au lieu d'impact se trouverait devoir être de 1 000

  7   millièmes ou de 200 [comme interprété] millièmes (d'Orlovac). Et c'est par

  8   trop clair pour qu'il puisse y avoir ce type d'erreur. Pour qu'un obus de

  9   mortier puisse être tiré depuis la position des Serbes de Bosnie et la

 10   distance devrait être au moins de 3 700 mètres. Et dans ce cas-là, l'angle

 11   de chute devrait être inférieur à 60 degrés."

 12   Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que ceci sont des éléments de

 13   preuve plutôt convaincants montrant que c'est l'ABiH qui avait tiré cet

 14   obus de mortier ?

 15   R.  Je dois être franc et dire que je ne sais pas ce que voulaient dire ces

 16   "millièmes" dont vous parlez. Mais au vu de la première phrase, qui dit que

 17   la zone la plus suspecte c'est le secteur tenu par l'ABiH, est-ce que ça

 18   veut dire que c'est de là que ça a été tiré ?

 19   Alors, moi, je n'étais pas en ville. Je ne peux pas commenter. En ma

 20   qualité de journaliste et d'observateur, je dirais peut-être : quelle est

 21   l'intention de l'attaque si le tir était venu du secteur de la Bosnie-

 22   Herzégovine ? Avaient-ils essayé de toucher une position des Serbes de

 23   Bosnie ou est-ce qu'ils ont tiré à tort et à travers ? Alors ça pose autant

 24   de questions que ça apporte de réponses. S'agissant maintenant des angles

 25   techniques, angles de chute, des millièmes, je ne suis pas un expert, je ne

 26   peux absolument pas commenter.

 27   Q.  Bien. David Frasier, dans ce procès-ci, qui a été le MA du chef du

 28   secteur de Sarajevo de 1994 et 1995, a déclaré au compte rendu, pages 5 880


Page 18139

  1   à 5 882, des connaissances qui étaient les siennes au sujet d'un certain

  2   nombre d'incidents où l'ABiH a essayé de tromper tout le monde en générant

  3   un événement où l'emplacement d'impact d'un obus étant tiré par les Serbes

  4   de Bosnie et puis par la partie bosnienne lorsque les gens étaient sortis

  5   pour enquêter, avec, bien sûr, des victimes humaines. Alors, pour la

  6   première fois, on a dit que ça venait du côté des Serbes, et pour le

  7   deuxième obus, on nous a confirmé que ça venait du côté de la Bosnie-

  8   Herzégovine.

  9   Donc, est-ce qu'on peut conclure du fait que vous n'avez pas eu à

 10   connaître de tels types d'événements qui ont été rapportés par le général

 11   Frasier, qui était commandant à l'époque ?

 12   R.  Non, je n'ai pas eu à connaître de l'événement. Ils n'avaient pas

 13   coutume de dire ce type de choses à la presse, pas de façon ouverte. Donc

 14   je n'ai pas eu à connaître de l'événement.

 15   Q.  Est-ce que ce type d'événements pouvait vous inciter à modifier vos

 16   conclusions pour ce qui est de la déclaration qui figure au paragraphe 39

 17   et qui parle d'une "théorie de complot" au sein des Nations Unies ?

 18   R.  Ecoutez, moi, dans cette question, j'entends aussi des réponses pour ce

 19   qui est de ce commandant Frasier, qui est général maintenant. Par exemple,

 20   je suis encore très intrigué par le fait que des autorités de Bosnie aient

 21   été impliquées dans l'investigation et semblaient corroborer les choses.

 22   Ils ont peut-être voulu dire qu'il y avait eu des francs-tireurs de leur

 23   côté qui ont procédé à ce type d'activité. Donc, pour commenter, il

 24   faudrait que j'entende le contexte entier, le récit entier, plutôt que

 25   d'avoir les quelques lignes que vous venez de nous lire.

 26   Q.  J'aimerais que nous nous penchions sur une autre partie de votre

 27   déclaration en application de l'article 92 ter. Il s'agit de la pièce P2515

 28   MFI, page 8 en anglais, page 11 en B/C/S. Le paragraphe qui nous intéresse


Page 18140

  1   est le numéro 25. Ici, vous parlez du temps que vous avez passé à l'hôpital

  2   d'Etat et à l'hôpital de Kosevo à Sarajevo, et vous parlez de trous créés

  3   par les obus dans les murs de l'hôpital d'Etat.

  4   Est-ce qu'il y a eu des dégâts analogues de provoqués par des obus de

  5   chars à l'hôpital de Kosevo lorsque vous êtes allé en 

  6   visite ?

  7   R.  Non, c'était à un autre emplacement. L'hôpital d'Etat est un bâtiment

  8   très élevé, avec beaucoup d'étages. Il devait y en avoir huit -- six ou

  9   huit étages. Ça fait directement face aux positions qui se trouvaient de

 10   l'autre côté dans la montagne où se trouvaient les Serbes, et il pouvait

 11   donc y avoir une ligne directe de tir en direction de l'hôpital d'Etat.

 12   Alors, pour ce qui est des étages supérieurs, j'y suis allé, j'ai examiné

 13   les choses par moi-même. Ça se passait au début de la guerre. Et aux étages

 14   supérieurs, c'était inhabitable. Il y avait des très gros trous au niveau

 15   des fenêtres. On pouvait même faire passer un corps d'homme par ces trous.

 16   Donc les gens sont passés vers les étages inférieurs et le sous-sol.

 17   L'hôpital de Kosevo, c'était plus petit comme bâtiment. Ça a été

 18   aussi endommagé, mais c'était stratégiquement placé à une position

 19   différente. Parce que l'hôpital d'Etat se trouvait face aux positions de

 20   l'adversaire, alors que ceci était au centre-ville.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, avant que d'oublier, vous

 22   avez parlé du témoignage de M. Frasier en vous adressant au témoin. Je

 23   crois qu'à l'époque où ce témoignage a été fourni, je m'étais adressé à

 24   l'Accusation et à la Défense, à Mme Bolton et à vous, pour voir s'il y

 25   avait une autre documentation, des rapports contemporains liés à ces

 26   événements. Est-ce que vous avez consulté l'Accusation sur ce point-là et

 27   quelle a été l'issue de cette recommandation fortement présentée aux

 28   parties pour ce qui est d'obtenir un rapport détaillé, nous, en tant que


Page 18141

  1   Juges de la Chambre, afin de pouvoir évaluer la valeur probante de cette

  2   documentation ?

  3   M. IVETIC : [interprétation] Je ne pense pas avoir retrouvé de la

  4   documentation afférente. Je me souviens du fait que lorsque nous avions

  5   consulté l'Accusation, ils n'ont pas été au courant de ce type de

  6   documents. Et je ne me souviens pas du fait que le général Frasier ait

  7   mentionné des dates. Je ne pense pas qu'une date ait été mentionnée pour ce

  8   qui est de cet événement.

  9   Nous avons essayé et continué à chercher des documents afférents,

 10   mais nous n'avons pas jusqu'à présent retrouvé de rapport écrit à ce sujet,

 11   exception faite de la déclaration faite par le général Frasier dans son

 12   témoignage. Et je crois qu'il a mentionné ce fait dans une autre

 13   déclaration qui se trouve être faite à une date plus proche des événements

 14   et des conflits.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez pu entendre quoi

 16   que ce soit de la part de Mme Bolton pour ce qui est du résultat de ces

 17   démarches ?

 18   M. JEREMY : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas la

 19   possibilité de vous répondre. Je devrai me pencher sur le sujet.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. La Chambre est très intéressée par

 21   l'obtention de détails au sujet de cette partie importante des pièces à

 22   conviction.

 23   Veuillez continuer.

 24   M. IVETIC : [interprétation] Merci.

 25   Q.  Est-ce qu'à l'occasion de vos activités vous avez pu entendre parler de

 26   ce colonel John Hamill, qui était un officier irlandais dans les UNMO, et

 27   qui par la suite est devenu officier des Nations Unies chargé de

 28   l'artillerie et qui a enquêté au sujet du premier pilonnage du marché de


Page 18142

  1   Markale ?

  2   R.  Non, je n'ai jamais rencontré ce monsieur.

  3   Q.  Ce M. Hamill a été témoin de l'Accusation dans ce procès, et il a parlé

  4   de certains dégâts constatés par lui au niveau de l'hôpital de Kosevo.

  5   M. IVETIC : [interprétation] Et je vais demander à ce qu'on nous l'affiche,

  6   il s'agit de la pièce 1D1352 du prétoire électronique. Page 2 du même

  7   document, qui est la page imprimée du compte rendu d'audience à la page 5

  8   514 de cette affaire-ci.

  9   Q.  Je souhaite parcourir certains éléments de ce compte rendu pour voir si

 10   cela concerne des éléments que vous auriez vus vous-même. Alors je cite :

 11   "Question : A commencer par la question, et ceci vous donnera les dates

 12   dont nous parlons : 

 13   "'Question : Le 5 décembre 1993, vous vous êtes rendu à Kiseljak pour

 14   assister à une conférence, et ensuite vous vous êtes rendu du côté Papa.

 15   Vous avez vu l'hôpital de Kosevo et vous avez vu deux infirmières et un

 16   médecin tués par un obus. Vous avez également vu un trou dans un mur d'un

 17   mètre de diamètre, qui constituait un cercle quasi parfait. Vous souveniez-

 18   vous de cela ?

 19   "'Réponse : C'est presque exact. Je n'ai pas vu d'infirmières ou de médecin

 20   tués. On m'a informé lorsque j'étais là qu'il y avait eu ces victimes au

 21   moment où le bâtiment a été touché par un mortier, mais cela était arrivé

 22   quelque temps auparavant et je ne sais pas quand. J'ai vu le trou dans le

 23   mur. C'était un trou important, et cela constituait un cercle quasi

 24   parfait. Donc cette partie-là est exacte.'

 25   "Tout d'abord, lorsque vous parlez -- ceci coïncide-t-il avec vos

 26   souvenirs, vos observations des faits dans le bâtiment de l'hôpital de

 27   Kosevo en décembre 1993 ?

 28   "Réponse : Oui. Ma réponse, oui. La question, bien évidemment, non.


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  1   "Question : Et ai-je raison de dire que vous êtes parvenu à une conclusion

  2   en vous fondant sur cette observation des faits, c'est-à-dire que le tir

  3   provenait sans doute davantage du côté musulman ou de la zone Papa plutôt

  4   que de la VRS, semble-t-il, comme cela est indiqué dans les quatre phrases

  5   suivantes du compte rendu 

  6   d'audience ?

  7   "Réponse : C'était mon opinion, oui."

  8   Donc, Monsieur, disposiez-vous d'information de ce genre, à savoir que les

  9   dégâts provoqués au niveau de l'hôpital de Kosevo étaient dû à des tirs

 10   tirés par des chars et cela provenait sans doute du côté de la BiH, comme

 11   l'indique M. Hamill dans cette partie du compte rendu d'audience que j'ai

 12   examinée avec vous ?

 13   R.  Non, il n'a jamais partagé son opinion avec moi. Donc je ne disposais

 14   pas de cette information-là.

 15   Q.  Avez-vous eu l'occasion de voir ce trou dont il parle sur ce mur à

 16   l'hôpital de Kosevo lorsque vous vous y êtes rendu ?

 17   R.  Je ne me souviens pas d'un cercle quasi parfait dans le mur, non.

 18   Q.  Puisque nous sommes sur le sujet des hôpitaux, plusieurs témoins en

 19   l'espèce ont parlé de mortiers mobiles de l'ABiH fixés sur des véhicules

 20   qui tiraient près de l'hôpital ou sur l'hôpital afin de provoquer des tirs

 21   en riposte de la part des Serbes. M. Tucker, par exemple, en ce qui

 22   concerne l'hôpital de Kosevo; M. Abdel-Razek, page du compte rendu

 23   d'audience 3 639, parlant de l'emploi de tels obus contre des bâtiments où

 24   était abritée l'aide humanitaire; John Jordan, page du compte rendu

 25   d'audience 1 818 à 1 820, il évoque l'hôpital de Kosevo; et le colonel

 26   Richard Mole, 4 412 à 4 413 du compte rendu, qui parle de l'hôpital de

 27   Kosevo.

 28   Donc, Monsieur, aviez-vous de telles informations concernant des obus


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  1   mobiles qui étaient tirés du côté de la BiH près de l'endroit où se

  2   trouvait l'hôpital ou les bâtiments qui abritaient des agences d'aide

  3   humanitaire pour provoquer des tirs en riposte des Serbes ?

  4   R.  Non, je ne disposais pas ce type d'information. Je savais que

  5   dans le secteur où nous étions nous-mêmes à Sarajevo, l'endroit où je

  6   dormais, à l'hôtel Holiday Inn, là où nous avions un bureau également, je

  7   savais qu'il y avait des tirs sortants que l'on entendait très fort. Et je

  8   sais que quelquefois ils utilisaient un canon sans recul à cet endroit. Et

  9   j'ai entendu des tirs sortants qui provenaient de ce secteur autour de

 10   l'hôtel de temps en temps, mais je ne disposais pas d'information à cet

 11   égard. On ne m'a jamais rien dit sur ce sujet. On ne m'a jamais dit que ce

 12   genre de chose s'était produit à proximité de l'hôpital, non.

 13   Q.  Bien. Maintenant, je vais vous poser une question. Ayant à

 14   l'esprit cette information complémentaire, à savoir la déposition du

 15   colonel Hamill, ces cas où l'ABiH aurait déployé des obus mobiles, est-ce

 16   que ceci vous inciterait à modifier vos conclusions -- ou à réexaminer vos

 17   conclusions pour ce qui est de la théorie du complot des Nations Unies que

 18   nous avons abordée un peu plus tôt, relative au paragraphe 39 de votre

 19   déclaration ?

 20   R.  Alors je crois que si j'avais été dans le secret de cette

 21   information ou de ces éléments à l'époque, j'aurais souhaité me pencher

 22   dessus, vérifier si c'était exact ou pas et sur quoi se fondaient ces

 23   officiers pour dire cela. Et j'aurais aimé parlé à des personnes et avoir

 24   des informations de première main des personnes qui prétendument auraient

 25   agi ainsi ou des personnes qui auraient prétendument entendu parler de cela

 26   ou qui l'auraient vu. Il est très difficile, en fait, de se faire une idée

 27   en se fondant sur quelques éléments très parcellaires et d'arriver à une

 28   conclusion. Alors, si cela modifiait de quelque manière que ce soit ce que


Page 18145

  1   j'ai vu moi-même -- eh bien, ce que j'ai appris au fil des ans en tant que

  2   journaliste, c'est que toutes sortes d'experts peuvent commettre des

  3   erreurs. Ils sont faillibles également.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Jeremy.

  5   M. JEREMY : [interprétation] Messieurs les Juges, je n'ai pas pu vérifier

  6   les références au compte rendu d'audience citées par Me Ivetic. Nous devons

  7   regarder une de ces références de près par rapport au Témoin Tucker, 3 487

  8   [comme interprété], et rien n'est dit à propos du fait que l'ABiH utilisait

  9   des mortiers mobiles pour provoquer des tirs en riposte des Serbes. Donc

 10   nous sommes un petit peu inquiets quant à ce qu'il en est de la

 11   qualification des éléments de preuve. Nous avons déjà entendu parler de ces

 12   éléments dans cette affaire.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, nous contestons -- votre

 14   source est contestée, votre référence. Veuillez nous montrer la page 3487

 15   [comme interprété] que vous nous avez signalée --

 16   M. IVETIC : [interprétation] Malheureusement, Monsieur le Président, les

 17   comptes rendus d'audience ne sont pas chargés dans le prétoire électronique

 18   en l'espèce.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas, si ce n'est pas le cas,

 20   sans le prétoire électronique, veuillez nous donner le numéro, s'il vous

 21   plaît, de la page.

 22   M. IVETIC : [interprétation] 3 847.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, 3 847.

 24   M. IVETIC : [interprétation] Donc les mortiers mobiles lancés depuis

 25   l'hôpital de Kosevo.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez m'orienter, s'il vous plaît, me

 27   dire où c'est, 3 847. Ça y est, je suis sur cette page dans mon système.

 28   M. IVETIC : [interprétation] Alors, depuis le prétoire, on ne peut pas


Page 18146

  1   utiliser "Livenote". Donc il m'est difficile de monter et de descendre sur

  2   nos écrans pour voir les pages.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Encore une fois, Monsieur Jeremy, pour

  4   ce qui est de la page 3 847, mention est faite du pilonnage dirigé contre

  5   l'hôpital de Kosevo par un groupe de mortiers bosno-musulmans. Il n'est

  6   rien dit au sujet du fait que ces mortiers sont mobiles, mais --

  7   M. JEREMY : [interprétation] Messieurs les Juges, ce qui me préoccupe,

  8   c'est qu'on a laissé entendre dire que le but était d'attirer les tirs en

  9   riposte.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que rien n'était dit au

 11   sujet des mortiers mobiles. Lorsqu'on tire depuis l'enceinte d'un hôpital

 12   pour quelque raison que ce soit, à savoir si c'est pour attirer les tirs en

 13   riposte ou non -- je veux dire qu'il y a un fondement, n'est-ce pas,

 14   lorsque Me Ivetic dit sur cette page -- peut-être que ce ne sont pas les

 15   termes exacts. Page 3 847, je vais lire ceci à voix haute : 

 16   "Hier, à la page du compte rendu d'audience," telle et telle, "je souhaite

 17   obtenir davantage de détails au sujet des événements que vous décrivez au

 18   paragraphe 33 [comme interprété] de votre déclaration sur la même page que

 19   nous voyons un peu plus bas. Le pilonnage mené depuis l'hôpital de Kosevo

 20   par un groupe de mortiers bosno-musulmans."

 21   Ou est-ce que vous dites, en réalité, qu'ils disposaient de positions de

 22   mortiers fixes ?

 23   M. JEREMY : [interprétation] Non, je crois qu'il s'agit d'une référence

 24   faite aux mortiers mobiles. Peut-être que mon objection n'était pas claire.

 25   Je m'oppose au fait que ces mortiers mobiles aient été utilisés, par

 26   exemple, à l'hôpital de Kosevo pour attirer les tirs en riposte sur

 27   l'hôpital.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas ainsi que j'ai compris


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  1   votre observation. Nous allons vérifier les autres instances, les autres

  2   exemples, et nous verrons.

  3   Entre-temps, Maître Ivetic, vous pouvez reprendre.

  4   M. IVETIC : [interprétation]

  5   Q.  Aujourd'hui, à la page du compte rendu provisoire 16, ligne 2, je vous

  6   ai posé une question, et vous avez répondu comme suit :

  7   "Question : Est-ce que vous convenez pour dire qu'un journaliste a une

  8   obligation sur un plan professionnel d'enquêter sur les faits et de les

  9   vérifier, faits donnés par d'autres, avant de faire un reportage dessus

 10   pour s'assurer de l'exactitude desdits faits ?"

 11   Vous avez dit :

 12   "Oui, jusqu'à un certain point. Quelquefois, il est important de rapporter

 13   les opinions des uns et des autres. Il ne s'agit pas de déclarations de

 14   fait, mais il faut clairement indiquer lors du reportage que vous présentez

 15   le point de vue de quelqu'un et la perception de quelqu'un à l'égard d'une

 16   situation donnée. Ce qui ne signifie pas dans ce cas-là que vous allez

 17   enquêter sur une déclaration faite par quelqu'un lors d'une conférence de

 18   presse ou d'une interview en particulier, et d'autant plus si cette

 19   personne prenait la parole alors qu'elle était en position d'autorité. Et

 20   ce que vous dites en somme, c'est l'opinion donnée par l'individu en

 21   question."

 22   Monsieur, lorsque vous faites des reportages et que vous avancez

 23   votre propre point de vue ou perception d'une situation donnée, est-ce

 24   quelque chose que vous indiquez ?

 25   R.  Je ne fais pas mention de mes opinions personnelles. Je fais un

 26   jugement professionnel basé sur mon observation, lorsque je parle aux gens,

 27   et plus particulièrement à Sarajevo, par rapport à ce que j'ai vu et ce que

 28   j'ai entendu moi-même. Alors, pour répondre à la citation qui se trouvait


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  1   dans ma réponse, il est clair que toute personne qui s'adresse aux médias,

  2   en particulier si la personne en question est dans une position d'autorité

  3   ou en position forte, elle a tendance à avancer son propre point de vue.

  4   C'est la raison pour laquelle il est très important d'élucider ou de

  5   comprendre d'où viennent ces remarques. Et moi, je ne me lève pas en tant

  6   que correspondant de la BBC pour dire, Voilà, mon point de vue. Je rends

  7   des jugements professionnels qui sont les miens à un instant T.

  8   Q.  Est-il exact de dire, Monsieur, que vous avez fait l'objet d'une

  9   conclusion établie par le comité de la BBC dans votre reportage du 4 juin

 10   1997, de quelle manière cet article était allé à l'encontre des lignes

 11   directrices de la BBC, en 1967 ?

 12   R.  Non, je crois que c'était en 2007. N'est-ce pas ?

 13   Q.  Vous avez raison, 2007. Par rapport à ceci, est-il exact de dire que le

 14   comité concernant les normes éditoriales ont trouvé que vous n'aviez pas

 15   indiqué de manière claire lorsque vous avez présenté une thèse ou lorsque

 16   vous avez interprété des sujets qui étaient hautement controversés ?

 17   R.  Eh bien, nous n'avons pas énormément de temps, mais puisque vous avez

 18   pris la décision de parler de cette décision controversée, je dois dire, je

 19   suis navré, Monsieur le Président, mais je crois que je vais devoir

 20   expliquer le contexte en quelques minutes. Je vais essayer de m'efforcer

 21   d'être très rapide.

 22   Dans le cadre de la couverture du Moyen-Orient, plus particulièrement

 23   lorsqu'il s'agit du conflit entre la Palestine et Israël, cela veut dire

 24   qu'il y a eu parfois des complaintes présentées au comité de procédure de

 25   la BBC, et très souvent par des lobbies qui ne sont pas du tout partiaux.

 26   Et donc, il s'agit d'une situation -- dans cette situation-ci, un lobbyiste

 27   payé et un lobbyiste très actif en Grande-Bretagne se sont joints, pour

 28   établir une très longue liste de plaintes. Et je devrais dire que


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  1   finalement, pour conclure, le comité sur les normes de la BBC a pris une

  2   décision qui n'était pas correcte d'après moi, et je pense que le fait est

  3   -- en fait, je n'ai pas reçu de censure de la BBC, je dois vous dire. J'ai

  4   reçu des correspondants de la BBC, des séniors de la BBC beaucoup de

  5   soutien. Ils avaient l'impression que cette complainte n'était pas faite de

  6   manière correcte, et qu'à la suite de ceci une décision incorrecte a été

  7   prise par des personnes qui n'étaient pas bien informées.

  8   Il y avait également une question toute particulière qui s'était posée, à

  9   savoir si j'allais révéler une source. Ils ont dit que si j'avais révélé

 10   cette source, à ce moment-là la véracité de mes propos aurait été plus

 11   claire. Bien évidemment, un journaliste ne peut pas révéler la source, donc

 12   je l'ai pas fait. Et finalement, j'avais une très bonne source, mais j'ai

 13   respecté l'identité de la personne et je ne l'ai pas révélée, je ne l'ai

 14   pas communiquée.

 15   Effectivement, ils ont trouvé une conclusion contre moi, et j'ai

 16   continué à rejeter cette décision. Et ce qui me réconforte, c'est que mes

 17   supérieurs et également les personnes avec lesquelles je travaille l'ont

 18   rejeté eux aussi.

 19   Je devrais dire que le comité de la BBC concernant les normes fait partie

 20   de l'organe qui est en lien avec la BBC, mais ce n'est pas la BBC. En fait,

 21   le statut se trouve dans une zone quelque peu grise concernant ce trust de

 22   la BBC, de ce comité de normes.

 23   Q.  Est-il exact de dire que s'agissant de votre reportage du 12 janvier,

 24   l'on a trouvé que vous avez violé les lignes directrices concernant la

 25   précision ?

 26   R.  Cette conclusion concernant la précision portait sur la source dont

 27   j'ai parlé, car ils avançaient qu'il s'agissait en fait d'une attitude

 28   américaine envers les territoires occupés. Et très bizarrement, ils ont


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  1   conclu que si je l'ai dit -- un représentant sénior américain m'avait dit

  2   qu'ils avaient traité ce territoire comme étant un territoire occupé, même

  3   si dans les déclarations publiques ils n'avaient condamné certains faits

  4   durant l'administration Bush. Même si j'avais dévoilé la source, ils

  5   auraient trouvé que la déclaration aurait été précise; mais comme je n'ai

  6   pas révélé la source, ce n'était pas précis et c'était incorrect.

  7   Mais pour ce qui est des normes de journalisme, ceci n'a rien à voir. Et

  8   donc, les normes n'ont pas été respectées, ont-ils dit.

  9   Mais je dois vous dire que je suis d'accord pour dire qu'ils sont parvenus

 10   à une conclusion, mais je suis en désaccord avec la conclusion. Et de

 11   nouveau, encore une fois, mes supérieurs m'ont soutenu, il n'a pas eu de

 12   censure. Et mes supérieurs m'ont soutenu.

 13   Et je devrais également ajouter qu'il y a eu par la suite -- après cet

 14   incident particulier, la BBC a commencé à se pencher sur cette procédure de

 15   plaintes et ils ont commencé à voir qu'en réalité les personnes qui portent

 16   des plaintes de manière professionnelle, ainsi, pourraient d'une certaine

 17   façon causer des pressions, et les choses ont été changées depuis.

 18   Q.  Est-il exact de dire que le comité du trust de la BBC a établi que :

 19   "Jeremy Bowen a donné ses points de vue professionnels sans

 20   qualification ou sans précision et que le manque de précision dans ses

 21   propos rendait sa déclaration imprécise. Le comité a estimé que le

 22   correspondant du Moyen-Orient aurait dû avoir des sources et établir des

 23   sources dans son commentaire."

 24   R.  Eh bien, je crois que j'ai déjà répondu à cette question. Ils avaient

 25   estimé que je devais révéler ma source et que, de manière magique, la

 26   déclaration serait devenue correcte ou précise ou véridique. Mais je crois

 27   que cela, absolument, n'a aucun sens. Je crois que c'est le résultat de

 28   personnes qui manquaient d'expérience et qui étaient tombées sous


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  1   l'influence de ces lobbyistes professionnels.

  2   Q.  Et un peu plus loin, on peut lire :

  3   "Le comité a estimé que le correspondant du Moyen-Orient aurait dû

  4   soit donner la source des commentaires ou dire qu'il s'agissait d'opinions

  5   de personnes, de représentants, mais que c'était quelque chose qu'il ne

  6   pouvait pas dire."

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais c'est la même question  que vous

  8   avez posée il y a quelques instants.

  9   M. IVETIC : [interprétation]

 10   Q.  Cela n'est-il pas une option moins sévère, de donner cette information

 11   supplémentaire sans nommer la source, puisque vous nous dites que vous

 12   aviez l'impression que vous ne pouviez pas révéler votre source ?

 13   R.  Ils faisaient référence, en réalité, à quatre mots que j'avais mis

 14   entre parenthèses et ce, entre guillemets. Vous ne dites pas -- dans chaque

 15   phrase que vous écrivez, vous ne pouvez pas dévoiler la source, parce que

 16   si c'était, le cas le flux de l'argument ne serait pas cohérent dans ce

 17   récit. Donc j'estimais que le fait qu'un représentant américain très haut

 18   gradé m'avait appuyé, je croyais que c'était tout à fait normal et correct

 19   d'écrire cela. Et j'étais préparé à lui demander s'il aurait accepté que

 20   son identité soit dévoilée au comité, et ils m'ont dit par la suite que

 21   cela n'était pas nécessaire.

 22   Et donc, je maintiens ce que j'ai écrit, et je crois que c'est eux

 23   qui ont fait une erreur professionnelle sérieuse. Et c'est eux qui ont été

 24   critiqués pour ce qui a été perçu comme étant un jugement qui était

 25   influencé.

 26   Q.  Etes-vous d'accord pour dire que le BBC Trust a pour fonction générale

 27   d'établir le cadre stratégique pour la BBC en conformité avec la Chartre

 28   royale de l'accord cadre ?


Page 18153

  1   R.  Oui, effectivement. Dans le cadre de cet accord, oui.

  2   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord également pour dire que la décision prise

  3   par la BBC, c'est-à-dire de maintenir les plaintes contre les journalistes,

  4   comme nous l'avons vu dans votre cas, n'est pas quelque chose qui arrive de

  5   manière régulière au sien de la BBC ?

  6   R.  Je ne sais pas. Je ne suis pas en détail ce que fait le comité sur les

  7   normes éditoriales. Je ne sais pas pour ce qui est -- mais je sais

  8   simplement que pour ce qui me concerne, pour ce qui concerne mon travail,

  9   au fil des années, je sais que je me suis entretenu avec les représentants

 10   haut placés au sein du trust de la BBC par la suite, des personnes très

 11   haut placées, effectivement, qui m'ont dit qu'ils avaient rejeté en fait

 12   les conclusions du comité. Et, en fait, le trust est devenu un organe très

 13   controversé en Grande-Bretagne, et il est question de changement ou de

 14   réforme de cet organe.

 15   Q.  Pourriez-vous nous dire combien de vos collègues, tels que vous,

 16   avaient fait l'objet d'une décision analogue ?

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si c'était là votre objectif d'attirer

 18   l'attention de la Chambre à deux reprises où le comité avait statué de

 19   manière négative sur les reportages faits par ce témoin, il s'agissait de

 20   reportages qui n'étaient pas liés à la Bosnie-Herzégovine de tout façon, si

 21   j'ai bien cru comprendre, alors vous avez atteint votre objectif. Bien

 22   évidemment, vous pourriez nous présenter les statistiques, nous dire à

 23   quelle fréquence est-ce que cela arrive. C'est autre chose. Vous avez

 24   attiré notre attention sur ce point. Le témoin nous a également donné ses

 25   réponses. Si vous estimez avoir besoin d'encore quelques instants, je ne

 26   vais pas vous arrêter ici, mais vous pouvez poursuivre.

 27   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais savoir combien de ses collègues ont

 28   fait l'objet de décisions analogues à leur encontre.


Page 18154

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors je propose ceci. Les parties

  2   devraient donner à la Chambre des informations sur les statistiques sur le

  3   nombre de cas qui ont été présentés au comité de la BBC et donner à la

  4   Chambre des informations détaillées sur ces questions afin que nous

  5   puissions avoir ces événements de preuve que vous estimez être importants,

  6   Maître Ivetic. Et nous allons pouvoir statuer nous-mêmes si cela est

  7   quelque chose que nous aurions besoin ou pas.

  8   M. IVETIC : [aucune interprétation]

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jeremy.

 10   M. JEREMY : [interprétation] Aucune objection, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors je demande aux parties de faire

 12   cela.

 13   M. IVETIC : [interprétation] Oui. Je vous remercie.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, je vous prie.

 15   M. IVETIC : [interprétation] Merci.

 16   Je demanderais l'affichage du document 1D1344 dans le prétoire

 17   électronique.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De combien de temps avez-vous encore

 19   besoin, Maître Ivetic ?

 20   M. IVETIC : [interprétation] J'aurais besoin d'encore environ 15 minutes,

 21   je crois, et il faudrait également -- s'il est possible de présenter la

 22   vidéo qui dure 48 secondes, donc, deux fois. Donc, pas plus de 2 minutes en

 23   tout pour ce qui est de l'extrait vidéo.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. [La Chambre

 25   de première instance se concerte]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous auriez aussi des

 27   questions supplémentaires ?

 28   M. JEREMY : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Mais je voudrais


Page 18155

  1   également ajouter que l'extrait vidéo qui porte le numéro 1D1354 ressemble

  2   à la deuxième partie de la vidéo que j'ai passée hier --

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous voulez dire qu'il n'est pas

  4   nécessaire de la faire passer à moins d'avoir des questions spécifiques sur

  5   ce que nous voyons ?

  6   M. JEREMY : [interprétation] Oui.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, la Chambre s'est penchée

  8   sur votre demande et nous avons également tenu compte de la manière dont

  9   vous avez développé votre contre-interrogatoire. La Chambre vous accorde

 10   dix minutes. Bien évidemment, si nous avons le soutien des cabines

 11   d'interprètes nous permettant de dépasser l'heure prévue de 12 minutes.

 12   Veuillez poursuivre, je vous prie.

 13   M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie.

 14   Je demande l'affichage du document 1D1344 dans le prétoire électronique.

 15   Q.  Il s'agit d'un site Web connu sous le nom de BBC Watch. Et j'aimerais

 16   simplement savoir si cette citation qui vous est attribuée est exacte.

 17   Prenons la page 3, s'il vous plaît. Et c'est vers le milieu de la page.

 18   "Nous provenons tous de quelque part; nous avons tous un prisme nous

 19   permettant de voir le monde; nous avons tous reçu une éducation; et nous

 20   avons nos points de vue et nos expériences. C'est un objectif faux de

 21   vouloir être objectif.

 22   "Mais je crois que je peux être impartial en essayant de démêler tous les

 23   fils qui font une histoire. C'est quelque chose de très ambitieux à

 24   accomplir en deux minutes et demie à la télévision. Il faut comprendre

 25   quels sont nos propres préjudices et nos propres principes et il faut les

 26   mettre de côté dans une boîte."

 27   Est-ce que vous reconnaissez ces propos comme étant les vôtres et qui sont

 28   extraits d'un entretien qui a eu lieu en 2006 avec Ian Burrell ?


Page 18156

  1   R.  Je crois qu'il s'agit d'une citation probablement précise. Je ne me

  2   souviens pas exactement. Mais je voudrais mentionner que le BBC Watch est

  3   une organisation très partiale, et elle existe pour discréditer la BBC

  4   essentiellement. C'est une opération qui est très pro-israélienne et elle

  5   est conçue pour essayer de faire en sorte que la BBC adopte un narratif

  6   pro-Israël à tout moment. C'est une citation précise, mais la source est

  7   très partiale. Et je pourrais vous expliquer ce que j'ai voulu dire dans

  8   cette déclaration, si vous le souhaitez.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si Me Ivetic veut utiliser ses dix

 10   minutes de cette manière-là, il vous le dira.

 11   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 12   M. IVETIC : [interprétation] Merci.

 13   Monsieur le Président, je demanderais que l'on affiche le document 1D1342

 14   dans le prétoire électronique.

 15   Q.  Je crois qu'il s'agit ici d'un article dont vous êtes l'auteur. Ça se

 16   rapporte à la situation en Egypte. J'aimerais qu'on nous affiche la page 2

 17   du prétoire électronique, s'il vous plaît. Ici, vous parlez de cette

 18   organisation des Frères musulmans, et vous dites que :

 19   "Le mouvement politique organisé de façon appropriée, et le seul à

 20   l'être, c'est cette organisation des Frères musulmans. Et il l'emporterait

 21   aux élections libres.

 22   "A la différence de ceux qui combattent pour le Djihad, ils ne

 23   croient pas à la guerre avec l'ouest. Ils sont très conservateurs et non

 24   violents, mais ils sont critiques de la politique occidentale au Moyen-

 25   Orient."

 26   Alors, est-ce que vous estimez que c'est ce que vous avez dit au

 27   sujet de ces Frères musulmans ?

 28   R.  En effet. Mais j'aimerais ajouter quelque point de contexte. Comme vous


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  1   devez certainement le savoir tous si vous suivez les événements qui sont en

  2   train de se produire en Egypte, les Frères musulmans l'ont emporté aux

  3   libres élections, comme je l'avais prévu. Les élections se sont tenues,

  4   c'était librement conduit, les Frères musulmans l'ont emporté et le

  5   président des Frères musulmans a été écarté par un coup d'Etat militaire de

  6   ses fonctions. Et c'est la raison pour laquelle il y a eu des violences.

  7   Bon nombre d'adeptes ont été tués.

  8   Et ces Frères musulmans, bien après tous ces événements, n'ont aucune

  9   espèce de politique officielle de violence. Dans les années 1960 et 1950 du

 10   siècle passé, il y a eu des débats au niveau des Frères musulmans pour ce

 11   qui était de recourir à nouveau aux méthodes violentes qu'ils avaient

 12   utilisées de par le passé. La majorité a décidé que non. Et certains

 13   groupes mineurs qui se sont séparés des Frères musulmans sont par la suite

 14   devenus l'al-Qaeda et ont suivi cette autre voie. Les Musulmans dont je

 15   parle sont très conservateurs, en Egypte et ailleurs, mais véritablement

 16   ils ne sont pas favorables à une politique de violence. Et je le maintiens

 17   -- donc je maintiens ce que j'ai rédigé bien avant la chute de Moubarak.

 18   Q.  Est-ce que vous avez entendu parler de Mahdi Akef ?

 19   R.  Mahdi Akef ? Non. Là, il faudrait que vous me rafraîchissiez la

 20   mémoire.

 21   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais que l'on nous affiche le 1D124

 22   [comme interprété].

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, la Chambre estime que

 24   cela ne l'aide pas que d'entendre des réponses à ces questions, à moins que

 25   vous ne nous expliquiez en une question la pertinence de tout ceci. Vous

 26   êtes en train de contester les opinions formulées par ce témoin qu'il a

 27   exprimées dans son reportage au sujet de thèmes qui ne sont pas ceux qui

 28   sont abordés par ce procès. Veuillez garder ceci à l'esprit pour les


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  1   quelques minutes qu'il vous reste.

  2   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Q.  Si vous vous penchez sur le milieu de l'écran, et ça vient d'un site

  4   internet --

  5   L'INTERPRÈTE : Dont l'interprète n'a pas entendu le nom.

  6   M. IVETIC : [interprétation]

  7   Q.  -- l'homme pour qui les Frères musulmans disent qui s'appelle Mahdi

  8   Akef nous dit ici au sujet des questions liées à la résistance et au

  9   Djihad.

 10   "… est-ce que vous estimez que bin Laden est un terroriste ou un Moudjahid

 11   islamique ?

 12   Alors il dit que :

 13   "C'était certainement un Moudjahid. Je n'ai aucun doute sur sa sincérité

 14   pour ce qui est de résister à l'occupation, et c'est ce qui  l'a rapproché

 15   de Dieu tout Puissant."

 16   Alors, est-ce que, en procédant à des recherches relatives aux Frères

 17   musulmans, est-ce que vous êtes tombé sur ce type d'opinions exprimées par

 18   Mahdi Akef avant que de publier l'article que nous avons eu l'occasion de

 19   voir tout à l'heure ?

 20   R.  J'ai longuement parlé à des membres de la direction supérieure des

 21   Frères musulmans, devant des caméras et sans caméra, et j'ai eu l'occasion

 22   d'entendre bon nombre de condamnations pour ce qui est de ce qu'Osama bin

 23   Laden faisait, ce que faisaient al-Qaeda et tous ceux qui avaient suivi

 24   l'idéologie des théories d'attaques. Alors, si vous vous penchez sur ce

 25   contexte, vous allez trouver des tas de choses pour ce qui est du Moyen-

 26   Orient, et partant de là vous pouvez édifier toutes sortes

 27   d'argumentations. Mais je me suis entretenu avec les principaux

 28   protagonistes de tout ceci, et je les ai à maintes reprises entendu


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  1   condamner bin Laden. Et le fait est que les activités d'al-Qaeda et d'Osama

  2   bin Laden, parmi la majorité des Musulmans du Proche-Orient ou du Moyen-

  3   Orient, c'est très impopulaire, parce que les objectifs poursuivis par lui

  4   et al-Qaeda, c'est des Musulmans qu'ils accusent d'avoir renoncé à leur

  5   foi. Donc, non -- je dis non. Si vous avez besoin d'information liée au

  6   Moyen-Orient, il ne faut pas aller sur hurryup.org [comme interprété].

  7   Q.  Et BBC Trust, on n'y irait pas non plus ?

  8   R.  [aucune interprétation]

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, il y a une phrase que

 10   vous avez prononcée trop vite, elle manque au compte rendu. J'ai dit que la

 11   Chambre n'allait pas être aidée par l'audition des réponses à ces questions

 12   à moins que vous n'établissiez une pertinence. Vous ne l'avez pas fait,

 13   donc, et je ne vous ai pas interrompu. Les dix minutes se sont écoulées

 14   pour ce qui est de votre contre-interrogatoire.

 15   M. IVETIC : [interprétation] Est-ce que je peux vous faire passer le clip

 16   vidéo que nous n'avons pas pu passer pour des raisons techniques ?

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, Monsieur Ivetic. Je vous ai dit que

 18   vous aviez dix minutes, vous avez interrompu les choses à mi-chemin, et ce

 19   que vous avez posé comme questions ne nous a pas aidés. Et vous avez

 20   continué dans le même sens.

 21   Alors ma question pour M. Jeremy, est-ce que vous avez des questions

 22   supplémentaires ?

 23   M. JEREMY : [interprétation] Non, nous n'avons pas d'autres questions.

 24   M. IVETIC : [interprétation] Je voudrais que l'on consigne au compte rendu

 25   d'audience qu'on nous a refusé le droit de passer la vidéo que les services

 26   techniques du Tribunal n'avaient pas pu faire passer du fait de l'audio

 27   manquant.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est déjà consigné au compte rendu


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  1   d'audience, Maître Ivetic.

  2   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors vous avez passé les dix minutes,

  4   donc, d'une autre façon. Je vous ai demandé de conduire votre contre-

  5   interrogatoire conformément aux observations des Juges de la Chambre, mais

  6   vous ne l'avez pas fait.

  7   Monsieur Bowen, je vous remercie d'être venu à La Haye pour répondre aux

  8   questions des deux parties et des Juges de la Chambre. Je vous souhaite un

  9   bon retour chez vous. Vous pouvez suivre l'huissier.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Grand merci, Monsieur le Président. Merci,

 11   Mesdames et Messieurs.

 12   [Le témoin se retire]

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors je vais demander encore

 14   l'indulgence de tout un chacun pour deux ou trois minutes afin d'aborder un

 15   sujet important que je ne peux pas reporter à plus tard parce que cela

 16   n'est pas faisable.

 17   Alors je vais être bref. Il s'agit d'une décision relative à une

 18   proposition formulée par l'Accusation concernant le rapport d'expert de M.

 19   Theunens. A la date du 25 septembre 2013, la Chambre a informé les parties

 20   en présence du fait qu'elle était portée à rejeter la première partie du

 21   rapport Theunens et a demandé à l'Accusation de faire en sorte que les

 22   informations pertinentes de cette partie-là du rapport soient présentées à

 23   l'occasion de l'interrogatoire au principal du témoin.

 24   Le 27 septembre, suite aux présentations d'arguments complémentaires de la

 25   part de l'Accusation, la Chambre a invité celle-ci à faire une proposition

 26   pour ce qui est de savoir de quelle façon il conviendrait au mieux de se

 27   procurer les informations les plus pertinentes de la partie 1, sans pour

 28   autant verser cette première partie au dossier. La Chambre a fourni en


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  1   guise d'exemple le fait que l'Accusation pourrait se pencher sur la

  2   possibilité de verser au dossier une partie 1 dramatiquement réduite, 10 ou

  3   15 % de l'original, ce qui, avec les questions centrées de posées à M.

  4   Theunens, pourrait fournir aux Juges de la Chambre les informations

  5   nécessaires.

  6   Le 2 octobre, la Chambre a formulé une proposition pour ce qui était

  7   d'expurger à peu près 50 pages sur un total de 180 pages de la partie 1.

  8   Après avoir examiné les parties non expurgées, la Chambre est toujours

  9   d'avis que cette partie 1 est par trop longue à la lumière du fait que la

 10   pertinence semble être très limitée. La Chambre pense donc que l'Accusation

 11   devrait prendre les informations pertinentes de la partie 1 pour les faire

 12   verser au dossier à l'occasion de l'interrogatoire au principal de M.

 13   Theunens. L'Accusation doit informer la Chambre et la Défense du temps

 14   complémentaire qu'elle estime nécessaire à cette fin.

 15   C'est ce que nous avions à dire au sujet du témoignage de M. Theunens. Nous

 16   allons lever l'audience pour aujourd'hui et reprendre lundi 21 octobre

 17   2013, à 9 heures 30 du matin dans ce même prétoire, dans cette même salle

 18   d'audience numéro I.

 19   --- L'audience est levée à 14 heures 31 et reprendra le lundi 21 octobre

 20   2013, à 9 heures 30.

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