Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 11 novembre 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 33.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous.

  6   Madame la Greffière d'audience, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-09-

  8   92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Monsieur Groome, vous souhaitiez

 10   présenter les arguments concernant la manière dont l'Accusation souhaite

 11   présenter les éléments de preuve de Mme Tabeau. On pourrait le dire tout de

 12   suite avant qu'elle arrive, mais une autre manière de le faire est de

 13   l'aborder dès maintenant de façon à ce que la Défense puisse y réfléchir.

 14   M. GROOME : [interprétation] Mme Marcus allait le faire. J'ai ses notes, je

 15   peux le faire maintenant, ou je peux le faire au début du deuxième volet

 16   d'audience.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si c'est ses notes, il est peut-être

 18   préférable d'attendre qu'elle soit là, donc durant le deuxième volet

 19   d'audience.

 20   M. GROOME : [interprétation] Je lui demanderai qu'elle soit présente.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puisqu'il n'y a pas d'autres aspects

 22   liminaires à aborder, est-ce que l'on pourrait faire entrer le témoin

 23   suivant, qui est, Monsieur Groome…

 24   M. GROOME : [interprétation] C'est le général Richard Dannatt.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et je voudrais très rapidement

 26   aborder le document D330. Le 1er [comme interprété] juillet, la Chambre de

 27   première instance a accepté le versement de la vidéo D330 avec comme

 28   instructions que la Défense fournisse une transcription anglaise corrigée.


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  1   La Défense a fait part par une correspondance informelle le 3 octobre

  2   qu'elle avait donc fourni une traduction anglaise corrigée de la vidéo.

  3   Cependant, l'Accusation répondait le même jour en disant qu'une ligne ne

  4   figurait pas dans la transcription. Autant que la Chambre sache, il n'y a

  5   pas eu de réponse de la Défense à ce sujet. La Chambre a examiné la vidéo

  6   et les notes, et ceci semble correspondre avec ce que l'Accusation a

  7   mentionné, c'est-à-dire qu'il manquerait une phrase dans la transcription.

  8   La Chambre considère que la transcription devrait refléter ce qui figure

  9   dans la vidéo et, par conséquent, demande à la Défense de fournir une

 10   nouvelle version qui sera à nouveau corrigée, et ceci, avant le 15

 11   novembre.

 12   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Dannatt.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que vous déposiez, le Règlement de

 16   procédure et de preuve exige que vous prononciez une déclaration

 17   solennelle. Nous allons vous fournir le texte.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous invite à lire cette déclaration

 20   solennelle.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 22   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 23   LE TÉMOIN : FRANCIS RICHARD DANNATT [Assermenté]

 24   [Le témoin répond par l'interprète]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.

 26   Monsieur Dannatt, la raison pour laquelle je vous appelle simplement

 27   "Monsieur", ce n'est pas parce que je fais fi de grade ou de titre, mais

 28   c'est la manière dont les Chambres ici s'adressent aux témoins qui viennent

 


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  1   déposer ici.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Aucun problème. Merci.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous allez tout d'abord répondre aux

  4   questions de M. Groome, qui est à votre droite et qui représente

  5   l'Accusation.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  7   M. GROOME : [interprétation] Merci.

  8   Interrogatoire principal par M. Groome :

  9   Q.  [interprétation] Pourriez-vous, tout d'abord, décliner votre identité.

 10   R.  Je m'appelle Francis Richard Dannatt, et j'étais général dans l'armée

 11   britannique jusqu'en 2009, où j'ai pris ma retraite.

 12   Q.  Quels sont les titres que vous avez à l'heure actuelle ?

 13   R.  Je suis conneta [phon] de la Tour de Londres et je suis également un

 14   indépendant à la Chambre des Lords au parlement britannique.

 15   Q.  Monsieur le Général Dannatt, les paragraphes 7 à 22 de votre rapport,

 16   que nous aurons dans quelques instants à l'écran, présentent en détail

 17   votre formation professionnelle et votre expérience. En bref, vous décrivez

 18   votre formation militaire et votre expérience entre 1971 et 2009, c'est une

 19   carrière dont le point d'orgue a été le chef de l'état-major principal, qui

 20   signifie que vous êtes en fait le responsable de la branche professionnelle

 21   des forces armées britanniques, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui. En fait, j'ai rejoint l'armée en 1969, et mes deux premières

 23   années j'étais en fait un officier en formation, et j'ai été ensuite

 24   officier à partir de 1971.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez ralentir parce

 26   que les interprètes ont du mal à suivre la cadence de votre discours.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer.


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  1   M. GROOME : [interprétation]

  2   Q.  Général Dannatt, à l'automne 2011, est-ce que je vous ai demandé si

  3   vous étiez disposé à être témoin --

  4   R.  Oui. Vous me l'avez demandé et j'ai accepté.

  5   Q.  Et, en partie, on vous a demandé -- donc, dans le cadre de ce rôle de

  6   témoin, on vous a demandé de vous pencher sur une série de documents et de

  7   répondre à une série de questions basées sur votre étude de ces documents

  8   ainsi qu'en utilisant votre expérience en tant que commandant militaire;

  9   est-ce exact ?

 10   R.  Oui. Et donc, j'ai parcouru ces documents et j'ai fourni un rapport.

 11   M. GROOME : [interprétation] Je voudrais que le document de la liste 65 ter

 12   28317 soit affiché sur les écrans. Il s'agit d'un document qui porte la

 13   date du 23 avril 2012 et qui est intitulé "Déclaration du général Dannatt."

 14   Ce document a été recensé officiellement auprès de la Chambre le 24 avril

 15   2012. Vous avez un exemplaire de ce document, une version papier. Est-ce

 16   que je pourrais également demander que l'on en fournisse également un

 17   exemplaire au témoin durant sa déposition ?

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Des objections de la 

 19   Défense ?

 20   M. IVETIC : [interprétation] Aucune.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, dans ce cas-là, est-ce que l'on

 22   peut fournir une copie papier de ce document au témoin.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 24   M. GROOME : [interprétation]

 25   Q.  Général Dannatt, nous voyons le document de la liste 65 ter 28317 sur

 26   les écrans. Est-ce qu'il s'agit bien de votre rapport ?

 27   R.  Effectivement.

 28   Q.  Pourrait-on passer à la dernière page de ce document de façon à ce que


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  1   l'on puisse voir la date de ce rapport.

  2   R.  Oui, je consulte cette page en ce moment.

  3   Q.  Est-ce que vous pouvez confirmer qu'il s'agit effectivement de votre

  4   rapport ?

  5   R.  Oui, qui porte la date du 23 avril.

  6   M. GROOME : [interprétation] Pourrait-on verser ce document au dossier.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière d'audience.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document de la liste 65 ter 28317

  9   reçoit la cote P2629.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cote provisoire aux fins

 11   d'identification.

 12   M. GROOME : [interprétation] Pourrait-on afficher le document de la liste

 13   65 ter 26317A. Le général Dannatt a préparé le rapport avant le début du

 14   procès et, par conséquent, les citations dans le rapport mentionnent les

 15   numéros 65 ter et également les numéros ERN. Pour aider la Chambre

 16   lorsqu'elle va consulter ce rapport, nous avons préparé un tableau de

 17   concordance de ces documents. Je voudrais que ce document, donc, reçoive

 18   une cote provisoire aux fins d'identification, et je demanderai que ce soit

 19   en fait une cote définitive lorsque je demanderai le versement du rapport à

 20   proprement parler.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière d'audience.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document de la liste 65 ter 28317A

 23   recevra la cote P2630.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cote MFI aux fins d'identification.

 25   M. GROOME : [interprétation]

 26   Q.  Dans le paragraphe 3 du rapport, vous présentez la manière dont vous

 27   comprenez ce rapport. Au paragraphe 4, vous mentionnez -- c'est à la

 28   première page des deux versions. Vous mentionnez donc :


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  1   "De temps en temps, j'ai demandé des documents supplémentaires afin de me

  2   familiariser plus avant avec certains points de détail."

  3   Ma question est la suivante : est-ce que vous pensez que vous avez eu accès

  4   à suffisamment de documents concernant l'armée de la Republika Srpska pour

  5   fournir des éléments complets et des conclusions fiables concernant le

  6   commandement et son fonctionnement dans cette armée ?

  7   R.  Oui, j'ai demandé des documents supplémentaires, qui m'ont été fournis,

  8   et j'ai jugé que j'avais suffisamment d'éléments pour arriver à une

  9   conclusion.

 10   Q.  Avant de considérer votre analyse et vos opinions figurant dans le

 11   rapport, je voudrais tout d'abord me concentrer sur vos diplômes et vos

 12   qualifications. Je ne vais pas vous demander de repasser en revue votre CV

 13   que vous avez fourni dans le rapport, mais je voudrais que vous nous

 14   parliez de certains points précis qui pourraient être pertinents aux yeux

 15   de la Chambre pour que celle-ci puisse vous reconnaître comme témoin expert

 16   en l'espèce.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Encore une fois, je vous demande que les

 18   intervenants ménagent des pauses entre les questions et les réponses et

 19   qu'ils ralentissent.

 20   M. GROOME : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'est de ma faute.

 21   Q.  Général, est-ce que vous avez été reconnu par une Chambre de première

 22   instance dans ce Tribunal comme un expert dans les questions qui portent

 23   sur le commandement et le contrôle ?

 24   R.  Oui. J'ai participé au procès contre le général Krstic il y a un

 25   certain nombre d'années et j'ai été reconnu comme expert dans ce procès à

 26   l'époque.

 27   Q.  Est-ce que vous avez été reconnu par les Juges de la Cour

 28   internationale de justice en tant qu'expert dans les questions militaires


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  1   qui portaient sur l'ex-Yougoslavie ?

  2   R.  Oui, et des questions similaires m'ont été posées dans le procès

  3   précédent, similaires à celles qu'on va me poser aujourd'hui.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous parlez d'un procès ici alors que la

  5   question portait sur la CIJ. Est-ce que vous parlez de la CIJ ou est-ce que

  6   vous parlez du TPIY ?

  7    LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai mal entendu la question. J'ai

  8   déposé effectivement devant le TPIY dans un autre procès, mais j'ai

  9   également déposé devant la CIJ en tant qu'expert. Je suis désolé. J'ai mal

 10   entendu la question. Merci d'avoir corrigé ma réponse.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer.

 12   M. GROOME : [interprétation]

 13   Q.  Au paragraphe 11, que l'on trouve à la page 3 du rapport sur le système

 14   de prétoire électronique, vous mentionnez, et je vous cite :

 15   "J'étais l'auteur principal des publications de doctrine militaire, et

 16   notamment du volume 1, intitulé 'Opérations', qui présentait une doctrine

 17   révisée en matière de combat pour l'armée britannique, doctrine qui était

 18   adaptée à l'environnement sécuritaire d'après-Guerre froide."  

 19   Ma question à ce stade est de savoir si l'on vous avait donné ce rôle

 20   d'élaboration de cette doctrine ainsi que d'autres publications que vous

 21   avez mentionnées précisément parce que vous étiez un expert dans les thèmes

 22   liés au commandement et au contrôle militaire ?

 23   R.  Oui. On m'a donné cette mission parce qu'à l'époque, j'avais le grade

 24   de colonel et j'étais responsable au niveau du collège de formation de

 25   l'armée britannique, et comme son nom l'indique, ce cours de formation

 26   enseigne à des officiers haut gradés l'art de la guerre au niveau

 27   stratégique et opérationnel, et pour ce faire, il faut avoir des

 28   connaissances exhaustives, pas uniquement sur la manière dont fonctionne


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  1   l'armée britannique, mais également des connaissances comparatives du

  2   fonctionnement des autres armées. Et à l'époque, c'est-à-dire en 1992-1993,

  3   c'est-à-dire juste après la fin de la Guerre froide, il était plus ou moins

  4   évident qu'on se concentrait auparavant sur le modèle soviétique, c'était

  5   donc un modèle alternatif, et je le connaissais bien, afin de forger la

  6   doctrine britannique par rapport à d'autres doctrines d'armées qui

  7   pouvaient être de l'autre côté de la ligne de confrontation. Il était donc

  8   important de comprendre tant la manière dont nous fonctionnions mais

  9   également la manière dont des adversaires potentiels fonctionnaient. Et

 10   c'est donc dans cette toile de fond que j'ai établi la doctrine de l'armée

 11   britannique dans des situations de combat pour la période qui a suivi la

 12   fin de la Guerre froide.

 13   Q.  Et cette publication a été en vigueur jusqu'à quand ?

 14   R.  Jusqu'à environ 2005, et, en fait, c'était sa durée de vie prévue en ce

 15   qui me concerne. Le monde est en évolution constante et, par conséquent,

 16   toute organisation, toute organisation militaire, doit réviser sa doctrine

 17   et doit réviser la manière dont elle mène ses activités par rapport aux

 18   changements qui s'opèrent dans le monde actuel. Et juste après la fin de la

 19   Guerre froide, la conjoncture mondiale avait un certain aspect, mais après

 20   le 11 septembre 2001, le monde a changé, et l'armée britannique a donc jugé

 21   qu'il était bon de réviser sa doctrine et une nouvelle doctrine a été

 22   publiée en 2005.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La version B/C/S vient simplement de

 24   terminer. Je vous demande donc de garder ceci à l'esprit lorsque vous

 25   parlez.

 26   M. GROOME : [interprétation]

 27   Q.  Dans les paragraphes 12 et 14 à 15 - on peut les trouver aux pages 3 et

 28   4 dans les deux versions sur le système de prétoire électronique - vous


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  1   décrivez votre déploiement en ex-Yougoslavie, et plus particulièrement en

  2   Bosnie-Herzégovine ainsi qu'au Kosovo, et dans le cadre de cette mission,

  3   vous deviez notamment mettre en œuvre les accords de paix de Dayton. Durant

  4   cette mission, est-ce que vous avez eu la possibilité de rencontrer

  5   personnellement Ratko Mladic ?

  6   R.  Non, je n'ai jamais rencontré personnellement Ratko Mladic.

  7   Q.  Au paragraphe 11, vous mentionnez que le général Sir Michael Rose, qui

  8   était le commandant de la FORPRONU, vous l'expliquez donc, et puis il vous

  9   avait demandé de rédiger ce que vous décrivez comme un plan de campagne

 10   pour la Bosnie, un plan que vous avez fourni au général Rose en février

 11   1994. J'aimerais savoir si vous savez pourquoi vous avez été choisi pour ce

 12   rôle ?

 13   R.  On m'a nommé pour m'acquitter de cette mission parce que le général

 14   Rose, avant d'avoir été commandant de la FORPRONU, le général Rose a été en

 15   fait le commandant du collège de formation, et j'étais donc sous ses ordres

 16   et, notamment, je rédigeais cette doctrine pour les situations de combat en

 17   temps de guerre. Et, il m'a contacté, il m'a dit, vous enseignez la

 18   planification de campagne au collège de formation de l'armée britannique,

 19   et je pense que l'opération de la FORPRONU en Bosnie a besoin d'avoir une

 20   vision plus claire, et je voudrais que vous établissiez une équipe de façon

 21   à ce que vous puissiez rédiger un plan de campagne pour la Bosnie.

 22   Donc, en fait, ce qu'il m'a demandé c'était de transposer la théorie

 23   en pratique pour la Bosnie, c'est-à-dire d'appliquer la théorie que

 24   j'enseignais au collège de formation de l'armée britannique. C'était, bien

 25   sûr, un défi, comme vous pouvez l'imaginer intéressant, et moi-même ainsi

 26   que l'équipe d'experts que j'ai mise sur pied ont été très enthousiastes,

 27   et j'ai donc présenté au général Rose ce plan quand je suis allé à Sarajevo

 28   le rencontrer.


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  1   Q.  Dans le cadre de ces activités, est-ce que vous avez dû vous

  2   familiariser avec les armées des différentes parties belligérantes en ex-

  3   Yougoslavie ?

  4   R.  Oui, mais comme vous pouvez vous l'imaginer, le conflit en Bosnie

  5   faisait rage depuis déjà un certain temps à l'époque, c'est-à-dire au début

  6   de l'année 1994, et, par conséquent, au collège de formation nous avions

  7   déjà étudié ce qui se passait en Bosnie et en ex-Yougoslavie de manière

  8   générale et ceci par le menu. Donc, même si à l'époque, c'est-à-dire en

  9   janvier 1994, je n'avais pas servi en Bosnie, j'avais déjà pas mal de

 10   connaissance de ce qui se passait sur le terrain, et beaucoup de formateurs

 11   au collège de formation de l'armée britannique avaient déjà servi en

 12   Bosnie. Et, par conséquent, compte tenu de mon parcours, compte tenu du

 13   contexte que je connaissais et en posant des questions, en contactant

 14   différentes personnes, en faisant des recherches avec l'équipe d'experts

 15   militaires que j'avais mise sur pied au collège de formation de l'armée

 16   britannique afin de produire ce plan de campagne pour le général Rose, et

 17   il est évident donc que ce plan devait être le résultat de beaucoup de

 18   recherches, de beaucoup d'études, et devait avoir également un objectif

 19   pratique, sinon ce n'aurait pas, en fait, répondu aux attentes du général

 20   Rose.

 21   Q.  J'aimerais passer au rapport en tant que tel à présent. Au paragraphe

 22   23 qui se trouve aux pages 5 dans les deux versions du prétoire

 23   électronique, vous déclarez qu'il existe des principes de base qui

 24   s'appliquent à toutes les armées conventionnelles, et vous expliquez le

 25   premier principe au paragraphe 24. La première phrase nous dit, et je cite

 26   :

 27   "Le premier principe consiste en la chose suivante, les commandants

 28   supérieurs donnent des ordres aux commandants subordonnés qui obéissent à


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  1   ces ordres et les mettre en œuvre."

  2   Ma question est la suivante, j'aimerais savoir s'il existe des différences

  3   dans l'application de ce principe en cas d'armées nationales différentes ?

  4   R.  Non, Monsieur. Je pense que ce principe est un principe fondamental

  5   commun à toutes les armes, à toutes les organisations militaires. Les

  6   commandants donnent des ordres aux commandants subordonnés qui obéissent à

  7   ces ordres, et qui les mettent en œuvre. C'est comme cela que fonctionne

  8   une organisation militaire dans toute armée.

  9   Q.  Vous expliquez le deuxième principe au paragraphe 25, où vous déclarez

 10   :

 11   "Le deuxième principe consiste à ce que les subordonnés doivent faire

 12   rapport vers l'amont des résultats de leurs actions pour informer leurs

 13   supérieurs de l'état d'avancement ou, le cas échéant, pour que le

 14   commandement supérieur mette en œuvre son propre processus décisionnel."

 15   Là, encore, j'aimerais savoir s'il existe des différences dans

 16   l'application de ce principe en cas d'armées nationales différentes ?

 17   R.  Le principe de base est commun à toutes les armées. Sa mise en œuvre

 18   varie d'une armée à l'autre en fonction de la doctrine militaire qu'une

 19   armée particulière suit. Et je serais heureux de vous donner davantage de

 20   détails maintenant ou plus tard.

 21   Q.  Je vais vous poser des questions de détail dans quelques instants. Mais

 22   avant cela, j'aimerais revenir au premier principe, celui qui dit que les

 23   supérieurs donnent des ordres aux subordonnés. Pourriez-vous énumérer les

 24   différentes façons par lesquelles un commandant peut donner un ordre à son

 25   subordonné ?

 26   R.  Un commandant peut donner un ordre à ses subordonnés de plusieurs

 27   façons. Il peut rédiger une directive par écrit, qui est une déclaration

 28   générale de ses intentions à l'avenir. Il peut également délivrer un ordre


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  1   opérationnel, qui est une déclaration détaillée de ce qu'il faut faire. Il

  2   peut donner des ordres en personne, en parlant face-à-face, et il peut

  3   donner des ordres par radio. Ces ordres peuvent être donnés de façon

  4   abrégée en utilisant la technologie moderne, telle que le courriel et les

  5   SMS. Le principe sous-jacent étant que le subordonné doit comprendre ce que

  6   le supérieur veut qu'il fasse, et il y a plusieurs façons pour que cet

  7   ordre donné par le supérieur soit transmis. Il n'y a pas de bonne ou de

  8   mauvaise façon de transmettre des ordres, il y a juste différents moyens

  9   qui existent. L'important c'est ce que l'intention soit comprise, et que

 10   l'action soit exécutée par la suite.

 11   Q.  Est-ce que le fait qu'un ordre a été donné oralement et pas verbalement

 12   diminue l'obligation ou atténue l'obligation du subordonné de mettre en

 13   œuvre cet ordre ?

 14   R.  Pas du tout. A condition que l'intention ait été clairement transmise,

 15   toute forme de transmission de cette intention est légitime. Un ordre oral

 16   est tout à fait acceptable.

 17   Q.  Est-il possible qu'un ordre ne soit donné ni par écrit ni verbalement,

 18   mais simplement en faisant un geste ?

 19   R.  Je pense que je maintiendrai ma réponse précédente. Tant que

 20   l'intention du supérieur est bien transmise aux subordonnés, le moyen par

 21   lequel cette intention est transmise n'a pas d'importance. Je vais

 22   illustrer cela, par l'exemple, des gladiateurs qui combattaient dans le

 23   Colisée à Rome. Lorsque le point d'orgue de l'engagement est atteint, le

 24   peuple regardait l'empereur, et levait le pouce vers le haut ou baissait le

 25   pouce pour indiquer son assentiment ou non. Donc, je pense qu'un geste est

 26   une façon tout à fait acceptable de transmettre un message, mais ce n'est

 27   pas la façon la plus habituelle.

 28   Q.  Aux paragraphes 27 et 28 de votre rapport - page 7 dans le prétoire


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  1   électronique pour la version originale et page 6 dans la version traduite -

  2   vous décrivez deux paradigmes généraux ou concepts du commandement

  3   militaire, l'Auftragstaktik, c'est-à-dire l'approche manœuvrière aux

  4   opérations, et la Befehlstaktik, une approche qui se fonde sur un

  5   commandement centralisé. Pourriez-vous expliquer en quelques phrases à

  6   l'attention des Juges de la Chambre les différences qui existent entre

  7   cette approche manœuvrière aux opérations et l'approche du commandement

  8   centralisé ?

  9   R.  Oui. Et je vais essayer d'être bref. Ce sont deux termes allemands que

 10   vous avez utilisés. La première tactique l'Auftragstaktik est une doctrine

 11   militaire qui est utilisée au mieux par les armées professionnelles lorsque

 12   le niveau d'instruction est élevé et lorsque l'éducation militaire, en

 13   particulier celle des officiers, est de haut niveau, et c'est une forme de

 14   commandement et de contrôle qui a pour objectif d'optimaliser l'initiative

 15   de commandants moins aguerris. En bref, un commandant supérieur donne,

 16   déclare son intention générale, délègue des missions à des personnes, et

 17   s'attend à ce que cette dernière prenne l'initiative dans un cadre plus

 18   large tout en restant dans le cadre de son intention générale pour

 19   atteindre la mission et l'objectif. Et de la sorte, les cerveaux bien

 20   instruits des commandants moins aguerris peuvent gagner ou se faire la

 21   main, gagner en expérience pour atteindre le meilleur effet et bien mener

 22   l'opération demandée.

 23   Le troisième élément qui entre en jeu dans ce système est le suivant : même

 24   si le commandant supérieur délègue ces missions, il a une obligation

 25   impérative de superviser l'exécution de ces missions, et il le fait soit de

 26   près soit de plus loin en fonction de la confiance qu'il a dans ses

 27   subordonnés, subordonnés à qui il a confié ces missions. Voilà donc comment

 28   une armée bien instruite opère. Ce sont principalement les armées


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  1   occidentales qui fonctionnent de la sorte, comme l'armée britannique,

  2   l'armée des Etats-Unis, et plus largement les armées du système de l'OTAN.

  3   L'autre système est celui du Befehlstaktik, c'est un autre mot allemand, et

  4   c'est une doctrine qui est plus centralisée. Elle se caractérise par une

  5   armée qui est assez grande, composée de conscrits probablement, et où le

  6   niveau d'instruction est plus faible. Et d'après ce système, nous n'avons

  7   pas la souplesse, la flexibilité et la délégation que nous retrouvons dans

  8   la première tactique, l'Auftragstaktik, que je viens de décrire. Cela veut

  9   dire que le commandant supérieur donnera des instructions détaillées à ses

 10   subordonnés qui vont mener ces missions et, une fois la mission accomplie,

 11   les subordonnés s'attendent à recevoir d'autres instructions. Donc, ce que

 12   j'essaie de vous dire en l'essence, c'est que d'après la Befehlstaktik

 13   centralisée, on laisse beaucoup moins l'initiative aux commandants plus

 14   jeunes comparée à l'autre système que j'ai décrit.

 15   Tout dernier commentaire, et j'aimerais revenir à l'une de mes questions

 16   précédentes, dans ces deux systèmes, il est impératif que les subordonnés

 17   fasse rapports en amont du résultat de leurs activités. D'après la

 18   Befehlstaktik centralisée, donc la doctrine centralisée, cela se fait sur

 19   une base régulière sans exception et en détail. D'après l'Auftragstaktik,

 20   la première tactique, il est acceptable de ne faire rapport que lorsque

 21   quelque chose d'important a eu lieu, pas de nouvelle bonne nouvelle, et le

 22   commandant supérieur assume dans ce cas-là que tout va bien et que tout

 23   fonctionne comme prévu.

 24   Q.  Je laisse aux interprètes le temps de terminer votre réponse, et puis

 25   je vais poser la question suivante.

 26   Sur cette question des rapports, d'après la doctrine centralisée, la

 27   doctrine de commandement centralisé ou la Befehlstaktik, que se passe-t-il

 28   en général si un rapport n'arrive pas en temps ?


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  1   R.  Si un rapport n'arrive pas en temps voulu, on s'attend à ce qu'un

  2   officier des opérations à l'état-major du QG du supérieur envoie un message

  3   radio, aujourd'hui un courriel au QG subordonné et demande : Où se trouve

  4   le rapport ? Quelle est la situation ? Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi

  5   n'y a-t-il pas eu d'information ? Donc, on chercherait les informations.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous devez vraiment ralentir. Cela va

  7   vraiment trop vite pour les interprètes.

  8   Veuillez continuer.

  9   M. GROOME : [interprétation]

 10   Q.  J'aimerais, à présent, attirer votre attention sur la VRS et sur vos

 11   conclusions quant à son système de commandement et de contrôle.

 12   Quel type de système de commandement était utilisé par la VRS ? Lequel de

 13   ces deux modèles était utilisé ?

 14   R.  La VRS reprenait les caractéristiques d'une armée contrôlée de façon

 15   centralisée, c'est-à-dire la Befehlstaktik, que je vous ai décrite, et je

 16   vais vous expliquer pourquoi je pense que la VRS a suivi ce système.

 17   L'histoire a montré que la VRS a été formée à partir de l'armée de l'ex-

 18   Yougoslavie, et même si la Yougoslavie n'était pas - comment dire ? - même

 19   si la Yougoslavie était un membre plus ou moins à part entière du Pacte de

 20   Varsovie, et sous influence soviétique, le système militaire, néanmoins,

 21   suivi par l'armée nationale yougoslave était très influencé par le modèle

 22   soviétique, qui était un modèle fondé sur le contrôle centralisé

 23   caractérisé par la Befehlstaktik que je vous ai expliquée.

 24   Q.  Dans le cadre de votre mission ou de votre travail, avez-vous pu

 25   dégager un point de vue sur le fait de savoir si le premier principe, celui

 26   où les supérieurs donnent des ordres aux subordonnés, fonctionnaient ou

 27   étaient d'application dans l'armée de Republika Srpska ?

 28   R.  Oui. Toutes mes enquêtes ont montré que l'armée de Republika Srpska


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  1   agissait comme toute armée, c'est-à-dire des directives, des ordres

  2   opérationnels, et quelquefois des ordres donnés verbalement, qui étaient

  3   passées à des subordonnés pour que des missions soient menées, et ce, de

  4   façon très traditionnelle.

  5   Q.  Général, au paragraphe 32, que l'on retrouve à la page 9 de la version

  6   originale et à la page 8 de la version traduite, vous décrivez un événement

  7   pendant lequel vous étiez commandant de la 4e Brigade blindée en mission en

  8   Bosnie pour mettre en œuvre les accords de paix de Dayton, et vous décrivez

  9   une tentative que vous avez faite pour rencontrer le général Talic.

 10   J'aimerais savoir ce que ce cas-là vous a montré quant à la structure de

 11   commandement de la VRS ?

 12   R.  Sans entrer dans les détails de ce qui s'est passé à l'époque, je

 13   dirais qu'alors que je rencontrais régulièrement et que je discutais

 14   régulièrement avec les commandants des forces musulmanes et croates, je

 15   n'avais pas encore eu l'occasion de rencontrer le commandant des forces

 16   serbes de Bosnie. Et d'après les accords de Dayton, nous devions nous

 17   déplacer en Republika Srpska et agir dans la zone territoriale de la

 18   Republika Srpska. Ma préoccupation était la suivante : même si un accord

 19   avait été atteint au niveau stratégique à Dayton, peut-être que les soldats

 20   sur le terrain ne comprendraient pas pourquoi des soldats de l'OTAN, des

 21   troupes de l'OTAN allaient entrer en Republika Srpska et peut-être qu'à ce

 22   moment-là des combats allaient avoir lieu. Donc j'ai décidé que, pour que

 23   cela n'arrive pas, je devais me rendre à Banja Luka, voir le général Talic

 24   et confirmer directement auprès de lui qu'il avait bien compris ses

 25   obligations au terme des accords de Dayton et que mes troupes avaient le

 26   droit de traverser la frontière, d'entrer en Republika Srpska et d'agir

 27   pour mettre en œuvre ces accords de Dayton.

 28   Et j'ai fait savoir via les officiers de liaison mon arrivée, et je


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  1   me suis rendu à Banja Luka, mais je n'ai pas pu rencontrer le général Talic

  2   car il n'avait pas reçu l'autorisation de la part du général Mladic pour me

  3   rencontrer. J'ai transmis le message que je voulais transmettre aux

  4   officiers de liaison du général Talic à l'état-major. On m'a dit que le

  5   général Talic n'avait pas eu l'autorisation pour décider de me rencontrer

  6   et qu'il ne pouvait le faire que si le général Mladic, c'est-à-dire le

  7   commandant de l'armée, lui donnait cette autorisation. Et cela m'a

  8   davantage convaincu dans l'idée que c'était la structure centralisée de

  9   commandement et de contrôle qui était d'application dans l'armée de

 10   Republika Srpska.

 11   Q.  A l'avant-dernière phrase du paragraphe 30, vous dites :

 12   "La culture de rapports réguliers vers l'amont n'a jamais changé, et, en

 13   fait, les règlements exigeaient de passer les informations vers l'amont."

 14   J'aimerais savoir sur quoi se fonde cette conclusion sur la fonction de

 15   rapport de la VRS. Est-ce que vous pourriez nous résumer sur quoi vous avez

 16   basé ce point de vue, Monsieur ?

 17   R.  Dans un certain nombre de documents que j'ai examinés, il était très

 18   clairement dit qu'il y avait des obligations de reddition de comptes

 19   placées sur le QG des subordonnés d'envoyer des rapports à un certain

 20   moment donné dans la journée, et ce, en amont, afin que le QG supérieur

 21   puisse en être bien informé. J'ai également examiné plusieurs documents à

 22   plusieurs étapes différentes du conflit qui étaient des exemples démontrant

 23   que ces rapports avaient été envoyés du QG de la brigade à ses QG

 24   supérieurs, et du QG du corps à l'état-major principal.

 25   Même lorsque les combats étaient devenus très difficiles et que la

 26   guerre avait rejoint son apogée, le système de "reporting" se faisait

 27   toujours. Donc, mon enquête a démontré que c'était effectivement le cas et

 28   que le mécanisme de commandement et de contrôle fonctionnait de manière


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  1   efficace et était en place.

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'aimerais vous demander si -- vous

  3   nous avez dit avoir souhaité rencontrer le général Talic, et vous nous avez

  4   également dit qu'il n'avait pas reçu l'autorisation du général Mladic. De

  5   qui avez-vous reçu cette information ? Comment le savez-vous ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] L'officier de liaison avec lequel je m'étais

  7   entretenu était navré, il s'excusait, et il m'a dit à ce moment-là que le

  8   général Talic n'avait pas reçu l'autorisation de me rencontrer et que ce

  9   n'était rien de personnel, et donc je devais transmettre mon message par le

 10   truchement de l'officier de liaison. Je crois que c'était le capitaine

 11   Popovic. Voilà. Je ne sais pas s'il était colonel ou capitaine, mais

 12   c'était Popovic. J'ai une image du colonel en tête, mais je ne me souviens

 13   pas de son nom.

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 15   M. GROOME : [interprétation] Je demanderais que P353 soit affiché à

 16   l'écran, et ce qui m'intéresse surtout, c'est une entrée qui se trouve au

 17   compte rendu d'audience de 246 à 272 dans l'original et 244 à 270 dans la

 18   traduction. J'aimerais maintenant que l'on passe à 244, s'il vous plaît.

 19   Q.  Général, pendant que l'on attend l'affichage de ce document à l'écran,

 20   vous ai-je demandé hier soir d'examiner une entrée faite dans le carnet du

 21   général Mladic ?

 22   R.  Oui, effectivement.

 23   Q.  Nous sommes toujours en attente de l'affichage de la traduction en

 24   langue anglaise à l'écran. Vous souvenez-vous d'une entrée dans laquelle

 25   Mladic enregistre une information qu'il a reçue lors d'une réunion qu'il a

 26   eue avec les dirigeants municipaux ?

 27   R.  Oui. J'ai vu cette entrée hier soir. Mais je ne l'ai pas à l'écran. Je

 28   crois en fait que -- voilà, ça y est. La traduction est affichée maintenant


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  1   à l'écran.

  2   M. GROOME : [interprétation] C'est bien la page 244. Mais j'aimerais

  3   demander que l'on passe à la page 246, s'il vous plaît, et que l'on montre

  4   également la traduction en langue anglaise. Il s'agira de 246 en anglais et

  5   de 244 en B/C/S, et le B/C/S c'est la transcription de l'original. Voilà,

  6   nous avons maintenant la page en anglais.

  7   Q.  S'agit-il bien de l'entrée que vous avez examinée hier 

  8   soir ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Cette entrée dans le carnet de Mladic figure au dossier et la Chambre

 11   sera en mesure de l'examiner. Mais j'aimerais vous demander de bien vouloir

 12   nous résumer de quelle manière est-ce que cette réunion qui a eu lieu avec

 13   les représentants du gouvernement du cru cadre avec la manière de

 14   rassembler des informations par un commandant afin de pouvoir prendre des

 15   décisions relatives au commandement ?

 16   R.  Pour répondre à votre question, je dois placer le tout dans son

 17   contexte, à savoir il faut voir de quel type de conflit il s'agit, c'est-à-

 18   dire il faudrait décrire le conflit qui caractérise le conflit en Bosnie-

 19   Herzégovine en 1995. Lorsqu'il s'agit d'une opération militaire classique,

 20   lorsqu'une armée se bat contre une autre armée, dans ce cas-là vous

 21   rassemblez les renseignements concernant une armée, vous cadrez vos projets

 22   et vous menez à bien des opérations. Mais dans ces circonstances-ci, dans

 23   ce cas-ci, c'était ce que l'on a dit, qu'il s'agissait d'une guerre contre

 24   la population, c'est-à-dire que la communauté locale faisait réellement

 25   partie du fond où la guerre s'est menée.

 26   Et donc, des commandants militaires à tous les niveaux menaient des

 27   dialogues de manière régulière avec les autorités civiles, qu'il s'agissait

 28   de maires de ville, de dirigeants des communautés locales ou des ministres


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  1   du gouvernement du cru. Il était donc important que les dirigeants civils

  2   comprennent ce que l'armée était en train de faire et il était important

  3   que les militaires écoutent ce que les représentants civils avaient à leur

  4   dire. Donc les rapports entre l'armée et les civils étaient une

  5   caractéristique réelle de ce type de conflit, car il ne s'agissait pas

  6   simplement d'une guerre menée par deux parties belligérantes, mais c'était

  7   encore plus complexe car c'est exactement comme je l'ai décrit, c'était une

  8   guerre parmi la population, et donc la population civile était un élément

  9   critique et faisait partie de cette guerre, en fait.

 10   Q.  J'aimerais maintenant attirer votre attention à un autre sujet.

 11   Général, vous avez rédigé votre rapport d'expert avant que ce procès ne

 12   débute. Votre analyse a été basée sur les éléments de preuve documentaires

 13   et également sur certaines vidéos. Avant de venir déposer aujourd'hui, vous

 14   ai-je fourni la déposition du général Manojlo Milovanovic, qui était le

 15   chef de l'état-major du général Mladic, et vous ai-je demandé de passer en

 16   revue son témoignage ?

 17   R.  Oui, effectivement, vous l'avez fait. Je l'ai passé en revue.

 18   Q.  Est-ce que vous l'avez passé en revue dans son ensemble ? Avez-vous

 19   passé en revue l'interrogatoire principal, le contre-interrogatoire ainsi

 20   que les questions posées par les Juges ?

 21   R.  Non, ce n'est pas cela que j'ai fait. Parce que, initialement, vous

 22   m'avez fourni certains éléments ou certaines parties du transcript, et

 23   dernièrement vous m'avez fourni l'ensemble du transcript, dont j'ai pris

 24   connaissance. Cela m'a pris un peu de temps pour le lire.

 25   Q.  Avant de vous demander de nous donner vos observations, j'aimerais vous

 26   demander de décrire aux Juges de la Chambre quel était le rôle d'un chef

 27   d'état-major par rapport à un commandant ?

 28   R.  Le chef de l'état-major dans toute formation se trouve dans une


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  1   position unique; non seulement que ce dernier, comme le nom l'indique, est

  2   le chef de l'état-major, c'est-à-dire que c'est le chef du QG, le dirigeant

  3   du QG, mais il s'agit également d'une personne qui agit en tant que

  4   commandant adjoint.

  5   Maintenant, ce n'est pas le cas dans toutes les armées. Dans l'armée

  6   britannique, le chef de l'état-major va agir en tant que commandant adjoint

  7   si le commandant n'est pas présent ou s'il n'est pas en mesure d'exercer

  8   ses fonctions pour une raison ou pour une autre, et il assumera le

  9   commandement jusqu'à ce qu'un commandant de remplacement soit nommé.

 10   Mais dans le cas de l'armée yougoslave nationale, c'est-à-dire la JNA, et

 11   donc également dans l'armée de la Republika Srpska, le chef de l'état-major

 12   est le commandant adjoint, et c'est lui qui dispose d'une autorité pour

 13   agir au nom du commandant si le commandant n'est pas présent. Et donc,

 14   lorsque le commandant n'est pas présent, le chef de l'état-major, en sa

 15   qualité de commandant adjoint, détient une autorité égale à celle du

 16   commandant même. Donc la position d'un chef de l'état-major est une

 17   position très importante pour les deux raisons que je viens de décrire.

 18   Q.  Et après avoir pris connaissance de la déposition du général

 19   Milovanovic, est-ce que cela vous a permis d'avoir une opinion plus -- en

 20   d'autres mots, est-ce que cela confirme vos conclusions ou bien est-ce que

 21   cela fait en sorte que vous souhaitez les modifier ?

 22   R.  D'un point de vue militaire professionnel, j'ai été fasciné de lire

 23   l'ensemble du témoignage du général Milovanovic et de prendre connaissance

 24   du contre-interrogatoire, car cela m'en a dit long sur les origines de

 25   l'armée de la Republika Srpska. Je connaissais le sujet de par mes

 26   recherches, mais j'ai trouvé cela fascinant de lire sa description de ce

 27   qu'il s'est passé car ceci est venu s'ajouter à la recherche que j'avais

 28   effectuée. Et donc, j'ai vu que l'armée de la Republika Srpska avait pris


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  1   ses origines dans l'ancien district militaire de l'armée yougoslave

  2   nationale, de la JNA, et que les doctrines et les règlements de la VRS ont

  3   été pris presque dans leur ensemble de la doctrine et des règlements de la

  4   JNA, qui était une armée professionnelle plutôt compétente, et elle avait

  5   un système de fonctionnement de commandement et de contrôle que je

  6   reconnaissais. Et même si en mai, juin, et au début de 1992, il s'agissait

  7   de tout un défi de faire en sorte que l'armée de la Republika Srpska puisse

  8   commencer à fonctionner rapidement, étant donné qu'une guerre civile était

  9   sur le point de se passer, ceci a été fait de manière rapide en raison de

 10   la doctrine et des règlements et d'un très grand nombre d'effectifs qui ont

 11   été transférés d'une armée à l'autre en bloc.

 12   De plus, il était particulièrement intéressant de comprendre de par la

 13   déposition du général Milovanovic que la présence du général Mladic était

 14   importante en tant que commandant de l'état-major principal. Il était très

 15   clair dans son témoignage que le général Mladic était une personnalité,

 16   était une personne avec beaucoup d'importance et avait beaucoup de

 17   personnalité, et tout ce qui était fait était fait avec son autorisation.

 18   Et lorsque le général Mladic, pour une raison ou une autre, n'était pas

 19   présent au QG ou lorsqu'il était absent du pays, le général Mladic [comme

 20   interprété], en sa qualité de commandant adjoint, prenait les décisions. Il

 21   informait le général Mladic très rapidement de ses décisions, et quand

 22   l'autorisation du général Mladic ne lui était pas donnée ou si cela n'était

 23   pas conforme et ne cadrait pas avec ce que le général Mladic souhaitait, il

 24   les modifiait, il modifiait ses ordres.

 25   Et donc, le style du commandement du général Mladic m'était apparu

 26   très clairement de par la déposition du général Mladic [comme interprété]

 27   et j'ai rapidement compris quel était son style de commandement.

 28   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, je vois qu'il est

 


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  1   l'heure de la pause. Et avant de poser ma prochaine question, je voulais

  2   vous demander si vous souhaitiez prendre une pause ?

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons prendre une pause

  4   maintenant. Monsieur Dannatt, pour ce qui vous concerne, la pause sera un

  5   peu plus longue que d'habitude. Normalement nos pauses sont de 20 minutes,

  6   mais il nous faudra entendre certaines requêtes immédiatement après la

  7   pause, et donc votre pause durera probablement une demi-heure. Vous pouvez

  8   maintenant disposer et suivre M. l'Huissier.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

 10   [Le témoin quitte la barre]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de prendre la pause, Monsieur

 12   Mladic, j'aimerais vous rappeler que lorsque vous consultez votre conseil,

 13   vous devriez parler à voix basse. Et pour ce faire, vous devriez enlever

 14   vos écouteurs, car il vous sera plus facile de communiquer à voix basse

 15   avec votre conseil.

 16   Nous allons maintenant faire une pause, et reprendrons nos travaux à 11

 17   heures moins dix.

 18   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

 19   --- L'audience est reprise à 10 heures 57.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Marcus, je vous souhaite la

 21   bienvenue dans la salle d'audience. L'Accusation a annoncé vouloir faire

 22   quelques commentaires concernant la déposition du Dr Tabeau. Vous avez

 23   maintenant l'occasion de nous en faire part.

 24   Mme MARCUS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je vous

 25   remercie.

 26   Avez votre permission, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 27   j'aimerais distribuer les copies des listes de pièces à être versées par le

 28   truchement du Dr Tabeau. Je crois que le fait de voir ces listes pourrait


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  1   vous aider à comprendre ma requête. Est-ce que vous l'avez, Monsieur le

  2   Président ?

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je l'ai sous les yeux. Nous l'avons

  4   reçue. Je vous remercie.

  5   Mme MARCUS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Très

  6   bien. Donc, eu égard au nombre de documents et du sujet que couvrira

  7   l'Accusation par le truchement du Dr Tabeau, je croyais qu'il était utile

  8   de présenter à la Chambre de première instance de la manière dont j'entends

  9   présenter les éléments de preuve.

 10   Et je crois que cela pourrait faire gagner du temps et pourrait aider

 11   la Chambre à entendre sa déposition.

 12   Nous voyons, en haut, deux extraits de dépositions antérieures et en

 13   dessous, deux rapports d'expert en tant que pièces connexes à être versés

 14   au dossier par le truchement du Dr Tableau en application de l'article 92

 15   ter. Vous allez voir les extraits de déposition en haut, et les numéros de

 16   ces derniers sont 30446 et 30447. Et en dessous du rapport, en tant que

 17   pièce connexe qui porte le numéro 29146 et 11102.

 18   Dans le cadre du récolement de sa déposition qui aura eu lieu demain,

 19   le Dr Tabeau a préparé trois éléments qui sont des éléments essentiels à sa

 20   déposition, et j'ai l'intention de lui demander de faire une attestation ou

 21   de confirmer ceci à la suite du processus 92 ter. Et vous allez pouvoir

 22   voir ces points sur la liste de pièces juste en dessous du CV mis à jour.

 23   Et ces numéros sont 30454, 30455 et 30465, deux rangées plus bas.

 24   Pour conclure, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le Dr

 25   Tableau a préparé une série de diapositives pour sa présentation dans le

 26   cadre de sa déposition, et ceci figure dans la liste de pièces sous 30454

 27   [comme interprété]. Ces diapositives sont de nature descriptive, expliquent

 28   et simplifient certains aspects de son témoignage. Ils ont un caractère


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  1   démonstratif et non pas un caractère évidenciaire [phon], et j'ai

  2   l'intention de m'en servir afin de pouvoir vous aider à comprendre sa

  3   déposition un peu plus tard.

  4   Je propose de faire verser au dossier tous les documents du Dr Tabeau

  5   qui figurent sur cette liste à la fin de son témoignage. Ceci permettra de

  6   faire en sorte que le témoin suivant, qui est RM407, et qui a des

  7   contraintes de temps, comme vous le savez, pourra à ce moment-là déposer.

  8   Et si nous n'arrivons pas à faire verser au dossier tous les documents,

  9   ceci pourrait être reporté à plus tard si vous le souhaitez.

 10   Afin de pouvoir faciliter ce processus, je vous demande la

 11   permission, Monsieur le Président, d'assigner des numéros MFI aux documents

 12   figurant sur cette liste par avance. Je m'en remets entre vos mains, à

 13   savoir si vous souhaiteriez que l'on assigne ces numéros MFI maintenant ou

 14   à la fin de son processus de confirmation à la suite de sa déposition en

 15   vertu du 92 ter.

 16   Et un dernier point, Monsieur le Président. Le 7 novembre, au compte

 17   rendu d'audience 18875, la Chambre a demandé que toutes questions portant

 18   sur l'accès des documents de source du Dr Tabeau, que la Chambre devrait en

 19   être informée. A 11 heures 30, du 7 novembre, l'Accusation a envoyé une

 20   communication informelle à la Chambre vous informant, Monsieur le

 21   Président, Monsieur les Juges, de l'information à cet égard, que je

 22   souhaite mentionner pour le compte rendu d'audience.

 23   La Défense a envoyé un courriel à l'Accusation avec plusieurs questions le

 24   28 octobre 2013, dont une demande d'accéder à la base de données intégrées

 25   qui se trouvent au sein de l'Unité de démographie du bureau du Procureur.

 26   L'Accusation a répondu à la demande de la Défense le même jour. Et dans

 27   cette réponse, nous avons informé la Défense que l'Unité de démographie a

 28   été fermée en septembre 2011, mais que cette unité a été réactivée aux fins


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  1   de préparatif de la déposition du témoin expert le Dr Tabeau dans cette

  2   affaire. Et l'Accusation a offert à la Défense l'accès à toutes les bases

  3   de données au sein de l'Unité de démographie, et a demandé à la Défense

  4   d'obtenir des informations supplémentaires afin de nous permettre de

  5   répondre à leur demande, c'est-à-dire à quel moment auront-ils besoin de

  6   l'accès à cette base de données, combien de personnes devraient accéder

  7   cette base de données, et cetera. Et aucune réponse n'a été soulevée,

  8   aucune autre requête concernant cette question n'a été soulevée par la

  9   Défense dans les correspondances supplémentaires. Et l'Accusation et le Dr

 10   Tabeau sont prêts à fournir plein accès à tous les documents sur lesquels

 11   le Dr Tabeau s'est fiée dans le cadre du préparatif de son rapport

 12   d'expert.

 13   Et je voulais simplement vous donner une information quant aux questions et

 14   aux détails techniques et logistiques, et cela pourra prendre quelques

 15   jours, et que des accords contractuels devraient aussi être faits car,

 16   comme je l'ai mentionné, le personnel de l'Unité de démographie ne sont

 17   plus présents ici, on devra les faire venir, et cetera. Et donc, si par

 18   exemple, la Défense demandait l'accès immédiat aujourd'hui à ces documents,

 19   nous ne serions pas en mesure de le faire. Mais, toutefois, dès que nous

 20   recevrons cette demande, nous allons faire de notre mieux pour leur

 21   permettre accès à ces documents. Je vous remercie de m'avoir donné

 22   l'occasion de vous présenter mes arguments.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame Marcus. Est-ce que la

 24   Défense souhaite répondre immédiatement, ou veut un peu plus de temps pour

 25   y réfléchir ?

 26   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur les Juges,

 27   nous n'avons aucune objection à ce que la Chambre octroie des cotes MFI

 28   pour les documents présentés dans cette liste. Nous avons toujours une


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  1   objection en ce qui concerne les rapports conformément au titre de

  2   l'article 94.

  3   Et donc, nous n'avons pas l'intention de demander l'accès à cette

  4   base de données avant la déposition du témoin. Notre propre expert a dû

  5   subir des soins médicaux et donc est en train de récupérer pour l'instant.

  6   Donc il faudra assurer la coordination avec l'Accusation suite à la

  7   déposition du Témoin Tabeau.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela signifie que vous

  9   ne comptez pas procéder au contre-interrogatoire de Mme Tabeau

 10   immédiatement ?

 11   M. IVETIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président, la déposition de

 12   Mme Tabeau peut continuer.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous avez dit que vous demanderiez

 14   de coordonner ceci avec l'Accusation suite à la déposition du Témoin

 15   Tabeau. Donc, ça ne sera pas après l'interrogatoire principal mais après la

 16   fin de la déposition ?

 17   M. IVETIC : [interprétation] Effectivement.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De façon à ce que la Défense puisse se

 19   préparer à présenter donc ses moyens à décharge, le cas échéant.

 20   M. IVETIC : [interprétation] C'est exact.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc, Madame Marcus, je vous

 22   propose de fournir les numéros 65 ter à Mme la Greffière d'audience de

 23   façon à ce qu'elle puisse déjà donner des cotes provisoires et réserver

 24   donc les différentes cotes nécessaires.

 25   Mme MARCUS : [interprétation] Vous voulez que je le fasse ici dans le

 26   prétoire ou par écrit ?

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par écrit, et je vous demande donc de

 28   faire copie au personnel de la Chambre de première instance ainsi qu'au

 


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  1   personnel de la Défense.

  2   Merci, Madame Marcus. Et merci à Me Ivetic pour la réponse déjà brève qu'il

  3   a fournie.

  4   Est-ce que l'on peut maintenant demander au témoin de rentrer dans le

  5   prétoire.

  6   Madame Marcus, vous pouvez disposer.

  7   Monsieur Groome, pour ce qui est de l'horaire, est-ce que nous sommes dans

  8   les temps ? Je crois que vous aviez demandé 90 minutes.

  9   M. GROOME : [interprétation] Oui, nous sommes dans les temps.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Ce qui signifie que vous

 11   n'aurez pas besoin de la totalité de cette séance.

 12   [Le témoin vient à la barre]

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dannatt, M. Groome va donc

 14   poursuivre son interrogatoire principal.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 16   M. GROOME : [interprétation]

 17   Q.  A la page du compte rendu d'audience 16 932, le général Milanovic

 18   [comme interprété] dit :

 19   "Le fonctionnement du commandement doit être centralisé, c'était le cas

 20   dans notre armée. C'était un commandement continu et toute activité devait

 21   se solder par un exercice de synthèse ou d'analyse. Et entre l'analyse et

 22   l'ordre qui avait été donné, on passe par les phases de supervision et de

 23   contrôle pour savoir comment l'ordre est mis en application."

 24   Je vous demanderais de faire un commentaire sur cette déposition du général

 25   Milanovic [comme interprété] et de façon à ce que l'on puisse le comprendre

 26   dans le cadre de la structure conceptuelle que vous avez présenté en début

 27   de déposition aujourd'hui ?

 28   R.  Il s'agit d'une description claire du fonctionnement d'une organisation


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  1   militaire ou d'une armée, c'est-à-dire qu'elle est basée sur une

  2   philosophie de commandement centralisé, et c'est ce que le général

  3   Milanovic dit ici, à savoir qu'une mission est arrêtée, des ordres sont

  4   donnés, les activités commencent dans le cadre de cette mission - ces

  5   activités sont supervisées - et ensuite une analyse est menée pour savoir

  6   ce qui s'est passé et ce qui ne s'est pas passé afin de mieux comprendre si

  7   cette opération a été une réussite ou pas et de façon à ce qu'une opération

  8   similaire fonctionne mieux à l'avenir.

  9   Donc, ce qu'il décrit, c'est en fait un processus complet de la décision

 10   jusqu'à l'exécution et jusqu'au retour d'information à la fin d'une

 11   opération.

 12   Q.  Au paragraphe 56 de votre rapport, que l'on trouve à la page 19 en

 13   anglais et à la page 16 dans la traduction en B/C/S, vous êtes d'accord

 14   avec cette citation, à savoir :

 15   "Le système de communication de la VRS semble être diversifié et robuste."

 16   Est-ce que vous avez des éléments qui vous permettent d'étayer cette

 17   opinion lorsque vous avez examiné la déposition du général Milovanovic ?

 18   R.  Le général Milovanovic, en tant que chef d'état-major, se concentre en

 19   large mesure sur le processus d'établissement de rapports et de flux

 20   d'information, et il parle de la question des directives, des ordres qui

 21   sont donnés, de l'utilisation de lignes téléphoniques sécurisées, de

 22   l'utilisation de la radio, et il est tout à fait univoque, à savoir que

 23   pour que le commandement d'une armée fonctionne de manière efficace, il est

 24   très important qu'il y a un très bon flux d'information du sommet vers les

 25   QG subordonnés et les formations subordonnées afin de mieux comprendre le

 26   processus décisionnel qui peut se dérouler par la suite au niveau des QG

 27   supérieurs. Et comme dans le cadre d'autres armées bien organisées, il y a

 28   toujours, en fait, des méthodes de communication qui font un doublon, parce


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  1   que si une méthode de communication est brouillée ou que les radios, par

  2   exemple, ne fonctionnent pas, l'information peut quand même passer, de

  3   façon à s'assurer que les QG supérieurs et subordonnés puissent rester en

  4   contact d'une manière ou d'une autre les uns avec les autres.

  5   Q.  Je voudrais maintenant revenir plus particulièrement sur le général

  6   Mladic en tant que commandant de l'état-major général -- ou de l'état-major

  7   principal, je vous prie de m'excuser. Au paragraphe 39 de votre rapport,

  8   vous faites la déclaration suivante :

  9   "En pratique, même si ce n'est pas conformément aux règlements de la VRS,

 10   le général Mladic faisait montre de toutes les caractéristiques d'un

 11   commandant d'armée qui était tout à fait en contact avec le terrain."

 12   Est-ce que je pourrais vous demander d'expliquer de quelles

 13   caractéristiques vous parlez ?

 14   R.  D'après ce que j'ai lu, les rapports télévisés ou des vidéos que j'ai

 15   vus, il est évident que le général Mladic était un commandant très efficace

 16   et qu'il contrôlait de très près ce qui se passait. Un des exemples les

 17   plus évidents, et c'est un exemple qui a été cité à de nombreuses reprises,

 18   ce sont ses activités à Srebrenica en juillet 1995.

 19   Srebrenica était dans le cadre de la zone d'opérations du Corps de la

 20   Drina, mais c'était le centre des activités de l'époque, donc on pourrait

 21   dire que c'était là où l'armée concentrait ses plus importants efforts, et

 22   donc ce n'était pas illogique de la part du général Mladic en tant que

 23   commandant de l'armée d'aller au sein de la zone de responsabilité du Corps

 24   de la Drina pour voir ce qu'il se passait.

 25   Et il exerçait un contrôle personnel important sur ce qui se passait.

 26   Par exemple, il y a eu trois réunions à l'hôtel Fortuna et il a assuré la

 27   présidence de ces réunions. On voit des vidéos de M. Mladic qui évolue dans

 28   la ville et qui donne des instructions.


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  1   Donc, ce que cela signifie pour moi, c'est qu'il s'agit vraiment d'un

  2   commandant qui est vraiment un commandant de terrain. C'était quelqu'un qui

  3   avait une forte personnalité, qui était respecté. Et, par conséquent, ce

  4   qu'il disait et les ordres qu'il donnait, eh bien, ils étaient respectés.

  5   Et lorsque je l'ai décrit en tant que commandant de terrain, c'est ce que

  6   je voulais dire. Ce n'était pas quelqu'un qui était très éloigné dans un

  7   QG, mais c'était quelqu'un qui voulait être sur le terrain et qui voulait

  8   exercer un contrôle personnel. Et c'est une manière tout à fait raisonnable

  9   de mener des activités militaires.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre langue a probablement fourché

 11   lorsque vous parliez de "l'hôtel Fortuna"; vous vouliez dire "l'hôtel

 12   Fontana", n'est-ce pas ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, vous avez tout à fait raison. Mes

 14   excuses.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer.

 16   M. GROOME : [interprétation]

 17   Q.  Le général Milanovic [comme interprété] a dit dans sa déposition que

 18   Mladic se trouvait dans la zone de Sarajevo au début de la guerre. Est-ce

 19   que ceci est cohérent avec ce que vous avez décrit, à savoir que c'était un

 20   commandant qui avait une approche très proche du terrain ?

 21   R.  Ceci cadrerait tout à fait avec un commandant qui se concentrerait sur

 22   le point d'activité principal, c'est-à-dire à l'endroit où les activités

 23   les plus importantes ont lieu. C'est-à-dire c'est là qu'un commandant

 24   souhaiterait se situer de façon à ce qu'il ait une bonne impression sur ce

 25   qui se passe et de façon à ce qu'il comprenne bien la situation dans le

 26   lieu le plus critique des opérations. Et il est évident qu'étant donné que

 27   Sarajevo était la capitale de la Bosnie, c'était certainement le centre des

 28   activités, certainement au début, et ce n'est donc pas surprenant qu'il ait


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  1   choisi de se baser là-bas pour qu'il sache exactement ce qui se passait et

  2   pour qu'il puisse avoir une influence sur ce qui se passait.

  3   Q.  Au paragraphe 62 de votre rapport, vous décrivez le concept de contrôle

  4   dans tous les domaines qui doit être, donc, une des compétences d'un

  5   commandant. Est-ce que vous pourriez décrire quelles sont les relations

  6   entre ces deux concepts que nous venons d'aborder.

  7   R.  Oui, je suis désolé d'incorporer encore un terme allemand, mais la

  8   théorie militaire Fingerspitzengefuhl est en fait un terme qui permet au

  9   commandant de comprendre jusqu'au bout des doigts comment les choses

 10   fonctionnent et comment les choses vont évoluer. Et vous pouvez le faire,

 11   pas en étant nécessairement présent tout le temps sur le terrain; vous

 12   pouvez le faire en obtenant des informations, en les analysant, en les

 13   comprenant et en donnant des ordres et des instructions. Mais souvent, il

 14   faut avoir un sentiment qui vous permet d'établir ce qui est important, et

 15   ceci vous permet également de vous concentrer sur les activités qui devront

 16   être les activités principales. Donc vous avez en fait ces deux concepts,

 17   le Fingerspitzengefuhl, et le fait d'être sur le terrain, qui peuvent se

 18   recouper. C'est-à-dire que vous devez être sur le terrain et, en même

 19   temps, vous devez avoir un sentiment jusqu'au bout des doigts pour savoir

 20   ce qui va se passer ou ce qui semble se passer sur le terrain.

 21   Q.  Au paragraphe 60 dans votre rapport, que l'on trouve à la page 20 dans

 22   l'original et à la page 17 de la traduction, vous faite la citation

 23   suivante, et vous dites :

 24   "Un commandant est responsable de ses actions vis-à-vis de ses soldats qui

 25   sont sous son commandement, quelles que soient les circonstances. Et

 26   d'ailleurs, les interceptions radio téléphoniques qui sont abordées dans

 27   d'autres parties de la déclaration montrent bien que Mladic recevait des

 28   rapports et donnait des ordres, qu'il soit présent physiquement ou pas à


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  1   l'endroit où les événements se déroulaient."

  2   Est-ce que je peux vous demander de développer plus avant et de nous dire

  3   comment vous êtes arrivé à cette conclusion ?

  4   R.  Ce que je voulais dire, c'est qu'un commandant est responsable pour un

  5   plan qu'il conçoit afin de mener à bien une mission donnée, et dans

  6   certaines circonstances, et c'est la raison pour laquelle j'utilise le

  7   terme "zone de responsabilité tactique", "TAOR" en anglais, et je pense que

  8   la guerre en Bosnie est une de ces formes de conflit, c'est-à-dire qu'en

  9   fait, le territoire qui est contesté est divisé en zones de responsabilité

 10   tactiques. Tout ce qui se passe dans le cadre d'une zone de responsabilité

 11   est précisément cela, c'est-à-dire qu'en fait, cela reste la responsabilité

 12   du commandant. Donc, que le commandant, homme ou femme, soit physiquement

 13   présent, ce n'est pas vraiment ce qui est important ici. Des missions

 14   peuvent être déléguées, mais la responsabilité ne peut jamais faire l'objet

 15   d'une délégation. Si vous êtes considéré comme responsable d'une opération

 16   ou d'un plan de campagne, c'est votre responsabilité, même si vous déléguez

 17   l'exécution de ce plan ou de cette opération. Et dans le cadre d'un conflit

 18   où vous avez des subdivisions territoriales, ce qui se passe dans votre

 19   zone de responsabilité tactique reste votre responsabilité. Et c'est ce que

 20   j'essaie d'expliquer ici.

 21   Q.  Au paragraphe 80, vous parlez des défis opérationnels pour pouvoir

 22   transporter toutes les populations de Potocari hors de cette zone. Et vous

 23   dites :

 24   "Dès le départ, cependant, les instances militaires doivent garder à

 25   l'esprit qu'une fois qu'elles décident de faire partir un nombre important

 26   de civils d'un endroit vers un autre, en vertu du droit international, les

 27   instances militaires prennent certaines responsabilités et, par conséquent,

 28   ont certaines obligations d'un point de vue juridique."


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  1   Ma question est la suivante : dans quelles circonstances serait-il

  2   approprié qu'une forme militaire d'occupation ait la possibilité de faire

  3   partir d'une zone un nombre important de personnes ?

  4   R.  L'usage légitime de forces militaires doit se faire contre d'autres

  5   forces militaires. J'ai parlé précédemment aujourd'hui d'une expression qui

  6   est "guerre parmi les populations", et un commandant militaire responsable

  7   doit également garder à l'esprit la sécurité des civils et des non-

  8   combattants dans sa zone de responsabilité tactique ou dans la zone

  9   géographique où une opération va être menée. Et, par conséquent, la

 10   solution responsable ou l'option responsable est de proposer aux non-

 11   combattants civils de cette zone la possibilité de quitter cette zone pour

 12   leur propre sécurité et, dans ce cas-là, de fournir des moyens de transport

 13   afin qu'ils puissent partir. J'utilise le terme "offrir la possibilité"

 14   parce que c'est la manière appropriée. Si l'on force les personnes à

 15   quitter leur maison, dans ce cas-là, d'un point de vue international et

 16   d'un point de vue juridique, ceci risque d'être considéré comme

 17   inacceptable. Et si l'on force les personnes à partir, ce n'est pas la

 18   bonne manière de procéder. L'action appropriée à mener, c'est en fait de

 19   concevoir vos opérations militaires de telle manière à ce que vous évitiez

 20   à un centre de population de devoir partir de la zone si ces populations

 21   ont décidé d'y rester.

 22   Mais dans ce cas, il y avait un nombre important de personnes qui, pour une

 23   raison ou pour une autre, devaient quitter cette zone. De là à savoir si

 24   c'était volontaire ou pas, le fait est que ces personnes devaient quitter

 25   la zone, et certains éléments de la VRS ont pris la responsabilité de

 26   déplacer ces personnes d'un endroit vers un autre.

 27   M. GROOME : [interprétation] Je demande l'affichage de la pièce P363, s'il

 28   vous plaît. Il s'agit d'une partie du carnet militaire du général Mladic.


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  1   Et je demande l'affichage dans le prétoire électronique de la page 4 dans

  2   les deux versions.

  3   Q.  Général Dannatt, j'aimerais vous montrer une entrée du carnet militaire

  4   du général Mladic, et cette entrée rapporte qu'une réunion qui a eu lieu à

  5   Dobanovci, dans la banlieue de Belgrade, le 15 juillet 1995. Milosevic,

  6   Stoltenberg, Akashi, Bildt, le général de La Presle et le général Smith

  7   étaient présents. Au bas de la page, nous voyons que Mladic a pris note

  8   d'une réunion séparée entre lui, le général de La Presle et le général

  9   Smith. Est-ce que vous connaissez le général Rupert Smith ?

 10   R.  Oui, je connais le général Smith très bien.

 11   M. GROOME : [interprétation] Passons à la page suivante, s'il vous plaît,

 12   dans les deux versions.

 13   Q.  Nous voyons que le général Mladic -- un instant, un instant pour que la

 14   page suivante s'affiche. Nous voyons ici que le général Mladic a consigné

 15   une déclaration du général Smith. Et j'aimerais attirer votre attention sur

 16   le paragraphe qui commence au numéro 4. Mladic prend note de ce que Smith

 17   déclare. Il a pris note de la chose suivante :

 18   "Le traitement de la population à Srebrenica et à Zepa. Il y a des rumeurs

 19   qui circulent sur des atrocités, des massacres et des viols."

 20   Ma première question se fonde sur votre instruction et votre expérience

 21   vaste de commandant. J'aimerais savoir quel serait l'objectif d'un

 22   commandant qui dit à un autre commandant qu'il y a des informations qui

 23   circulent sur des crimes commis par les troupes de ce commandant ?

 24   R.  Si un commandant dit à un autre commandant qu'il a des informations

 25   selon lesquelles ou qu'il a entendu des rumeurs disant que des activités

 26   illégales ou inadéquates avaient été menées par les troupes du commandant,

 27   comme cela semble être le cas dans cette conversation qui a lieu entre le

 28   général Smith et le général Mladic, dans ce cas-là l'action responsable de


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  1   l'autre partie, celle contre qui ces allégations sont portées, serait

  2   d'entamer une enquête. Bien sûr, je ne sais pas si cela a eu lieu dans les

  3   faits, mais si j'avais participé à cette conversation et si quelqu'un avait

  4   proféré une allégation de la sorte, je me sentirais tenu par mon honneur et

  5   obligé d'enquêter et d'obtenir des informations les plus récentes

  6   possibles.

  7   Lorsque j'étais à la tête de l'armée britannique, de temps en temps des

  8   allégations étaient rapportées sur des actions inappropriées de soldats

  9   britanniques, soit en Irak ou en Afghanistan. Et l'on peut bien comprendre

 10   l'importance absolue de devoir enquêter ouvertement et de façon

 11   transparente sur ces rumeurs, sur ces allégations, soit pour les rejeter

 12   catégoriquement ou, si elles sont fondées, de demander une enquête plus

 13   approfondie et, le cas échéant, de faire comparaître les auteurs de ces

 14   activités inadéquates ou illégales devant le système judiciaire et devant

 15   des tribunaux si nécessaire. Malheureusement, de temps en temps, dans

 16   l'armée britannique, nous avons été confrontés à ce genre de cas. Mais ce

 17   serait la réponse appropriée à ce genre de comportement.

 18   M. GROOME : [interprétation] Alors, j'aimerais que l'on regarde à présent

 19   une autre entrée du carnet qui date du mois de juillet, plus tard au cours

 20   du mois de juillet. C'est la pièce P345. Page 229 dans le prétoire

 21   électronique.

 22   Q.  Pendant que l'on attend l'affichage de cela à l'écran, j'aimerais vous

 23   dire, Général, la chose suivante : nous savons à présent que le général

 24   Mladic, lorsqu'il a reçu ces informations du général Smith, n'est pas

 25   retourné à Srebrenica mais a été participé au mariage de l'un de ses amis

 26   le lendemain. A votre avis, est-ce que l'on s'attende à un commandant des

 27   forces qui a reçu des informations de ce genre-là, informations sur de

 28   telles atrocités, de se comporter de la sorte ?


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  1   R.  Bon, je ne vois pas le document à l'écran, mais peu importe. Je pense

  2   qu'il est surprenant si des allégations de ce genre-là ont été apportées

  3   qu'un commandant choisisse de se rendre à la réception d'un mariage, à un

  4   événement social, plutôt que de suivre attentivement les événements et

  5   commencer une enquête sur les circonstances. Je ne peux pas me mettre à la

  6   place du général Mladic, je n'étais pas dans sa peau ce jour-là, mais je

  7   suis assez surpris en tout cas que s'il avait pris au sérieux les

  8   allégations du général Smith, qu'il n'était pas préoccupé et qu'il n'ait

  9   pas voulu suivre le plus près ou plus près possible l'évolution de la

 10   situation et qu'il ait préféré se rendre à une réception de mariage. Je

 11   crois que cela est surprenant, et je crois qu'il pouvait s'attendre à des

 12   critiques.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Puis-je, Monsieur Groome, poser une

 14   question. Monsieur Dannatt, est-il possible ou acceptable qu'un commandant

 15   dans ce genre de cas ordonne à son bras droit d'entamer une enquête ou

 16   ordonne à tout autre personne qu'il estime être qualifiée pour le faire ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur, c'est tout à fait possible, et

 18   peut-être que c'est ce qu'il s'est passé. Mais ce que j'essayais de dire

 19   c'est que si ces allégations étaient aussi graves et significatives

 20   qu'elles le semblaient, je me demande si le commandant le plus haut gradé,

 21   la personne qui est responsable en dernier ressort, a fait preuve de

 22   sagesse en se montrant à la réception un mariage à un moment très sensible

 23   et très difficile. Sa présence au mariage n'a pas empêché l'enquête, mais

 24   la question que je pose, et je n'ai pas encore eu de réponse à cette

 25   question, c'était de savoir si c'était bien l'endroit le plus approprié

 26   auquel il pouvait se trouver, vu les allégations qui avaient été portées.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai également une question. Est-ce que


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  1   vous pensez que cela entre dans le cadre de votre expertise, je vais vous

  2   donner un exemple, supposons que des ordres aient été donnés, ordres

  3   d'enquêter, j'aimerais savoir si dans ce genre de cas les choses ne

  4   relèvent pas plutôt de la politique que du commandement et du contrôle

  5   d'une armée ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le commandement et le contrôle, Monsieur,

  7   se trouve le jugement, et le caractère idoine de l'utilisation de ce

  8   jugement. Je pense qu'en qualité d'expert militaire, il est tout à fait

  9   légitime de se demander pourquoi le général Mladic a décidé de se rendre à

 10   un mariage alors que des allégations très graves avaient été portées contre

 11   son armée. C'est une question de jugement.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mladic, veuillez rester assis.

 13   Apparemment, vous voulez consulter votre conseil.

 14   [Le conseil de la Défense et l'accusé se concertent]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Plus bas, s'il vous plaît. Nous vous

 16   entendons. Je pense que l'huissier m'a mal compris ce que j'ai dit, nous

 17   vous entendons, je m'adressais à M. Mladic. Je ne parlais pas d'un problème

 18   d'écouteur.

 19   M. GROOME : [interprétation]

 20   Q.  Général Dannatt, MM. les Juges Moloto et Orie ont tous deux émis la

 21   possibilité que Mladic, lorsqu'il a reçu ces informations du général Smith,

 22   ait pu donner des ordres pour entamer une enquête sur la question. Lorsque

 23   vous avez analysé les documents qui vous ont été remis pour étude, est-ce

 24   que vous avez trouvé des éléments de preuve ou quoi que ce soit qui ait

 25   indiqué que lorsque le général Mladic a reçu ces informations, il a ordonné

 26   d'entamer une enquête ?

 27   R.  Je ne pense pas avoir vu quoi que ce soit. Mais, là encore, mes

 28   connaissances sont limitées peut-être qu'il y a des documents qui existent


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  1   et que je n'ai pas vus indiquant qu'une enquête a été ordonnée, mais pour

  2   ma part je n'ai rien vu de ce genre-là.

  3   Q.  J'aimerais attirer votre attention sur l'écran. A présent, nous avons

  4   la pièce P345 à l'écran - page 229 dans le prétoire électronique - nous

  5   voyons dans cette entrée du carnet du général Mladic qu'il a consigné une

  6   réunion le matin du 24 juillet 1995, un moment où les informations sur ce

  7   qui se passe à Srebrenica sont connues du grand public. Il rencontre le

  8   président Milosevic et le général Perisic, le chef de l'état-major de

  9   l'armée yougoslave. Et il consigne que Milosevic a dit : "Srebrenica et

 10   Zepa nous ont fortement porté atteinte."

 11   Si le président d'un pays voisin et ami, en présence du commandant de son

 12   armée, dit au commandant de la VRS que les événements à Srebrenica et à

 13   Zepa ont provoqué énormément de dégâts, j'aimerais savoir si cela suffit

 14   pour que ce commandant démarre une enquête sur les circonstances et sur les

 15   responsables ?

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Groome, je ne suis pas sûr

 17   que nous ayons la bonne page affichée en B/C/S. Veuillez vérifier, s'il

 18   vous plaît.

 19   M. GROOME : [interprétation] Je ne parle pas B/C/S. Peut-être que Me Ivetic

 20   peut nous aider. Je pense que la version dactylographiée du carnet nous

 21   aiderait plutôt que de la version manuscrite.

 22   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous avez fait référence à l'entrée

 23   de 9 heures 30. C'est peut-être la partie inférieure de la page, mais c'est

 24   illisible ou quasiment illisible.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mis à part la lisibilité, je pense que

 26   c'est la bonne page à l'écran. Maître Ivetic, est-ce que vous pouvez nous

 27   confirmer que la première puce, qui commence par les lettres "SM",

 28   représente la bonne référence ? Et je crois que c'est la bonne page en


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  1   B/C/S que nous avons à l'écran, à moins qu'il y ait contestation.

  2   M. IVETIC : [interprétation] On me dit que cela semble être la bonne page,

  3   même si c'est assez illisible à l'écran.

  4   Puis-je consulter mon client, Monsieur le Juge ?

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais n'oubliez pas d'instruire

  6   votre client de parler à voix basse pour que personne ne l'entende.

  7   [Le conseil de la Défense et l'accusé se concertent]

  8   M. IVETIC : [interprétation] Oui, mon client vient de m'indiquer qu'il

  9   avait du mal à lire la page à l'écran et qu'il préférerait avoir une copie

 10   papier de cette page, si l'Accusation en dispose.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce pour suivre les questions ou

 12   plutôt pour vérifier la véracité de la citation ? Je vous dis cela, car je

 13   sais qu'il existe une version dactylographiée en B/C/S. Nous pouvons en

 14   demander l'affichage.

 15   M. IVETIC : [interprétation] Je pense qu'il voudrait faire les deux, mais

 16   principalement suivre les questions.

 17   M. GROOME : [interprétation] Je vais peut-être en donner lecture, et nous

 18   allons essayer de trouver une copie pour M. Mladic. Le document dit :

 19   "Réunion avec le président Milosevic et le général Perisic.

 20   SM : Srebrenica et Zepa nous ont fortement porté atteinte.

 21   Point suivant : Vous devez avoir une dimension politique dans le

 22   poste du commandant de l'armée.

 23   Point suivant : Je voulais prouver à tout le monde que vous êtes un

 24   homme sérieux."

 25   C'est la fin de l'entrée.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, vous n'avez pas tout lu, Monsieur

 27   Groome. La première puce commence par une astérisque et ensuite, SM.

 28   Ensuite, nous avons une deuxième puce sans identification claire quant à


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  1   qui parle et puis, une troisième puce. C'est comme cela que se présente la

  2   version anglaise. Veuillez continuer.

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, et je voudrais ajouter que cette

  4   entrée est datée du 24 juillet 1995 et dit Belgrade, 9 heures 30.

  5   M. GROOME : [interprétation]

  6   Q.  Revenons à ma question, Général. Si un commandant reçoit ce genre

  7   d'informations, est-ce que ces informations suffiraient pour entamer une

  8   enquête quant aux circonstances exactes de ce qu'il s'est passé à

  9   Srebrenica et Zepa et pour savoir qui était responsable au sein de l'armée

 10   de la Republika Srpska ?

 11   R.  A mes yeux, c'est un commentaire assez grave qui a été fait par M.

 12   Milosevic. Je suppose que les trois puces du document sont à attribuer aux

 13   propos de Milosevic. Et si eux me disaient cela et si j'étais le général

 14   Mladic, si j'avais participé à cette réunion, j'aurais été relativement

 15   gêné. Dire que Srebrenica et Zepa font l'objet d'une attaque militaire pour

 16   capturer ces villes est une chose, mais ces commentaires portent sur ce

 17   qu'il s'est passé par la suite. Donc, je serais gêné d'apprendre qu'il y a

 18   eu de grands dommages. Je serais gêné lorsqu'on me dit, si j'étais

 19   commandant de l'armée, je serais gêné de cela, parce qu'il y a une

 20   dimension politique et l'on remettrait en question mon rôle de commandant

 21   de l'armée. Et je serais également gêné que le président d'un autre pays

 22   soit en train de me dire, en fait : J'aimerais vous aider et j'aimerais

 23   faire à tout le monde que vous êtes un homme sérieux. Suite à tout cela, eh

 24   bien, j'aurais entamé une enquête pour savoir ce qu'il s'était passé et qui

 25   était responsable. Et cette gêne se serait assez rapidement transformée en

 26   colère. J'aurais voulu savoir, aller vraiment au fond des choses pour

 27   rejeter ces allégations, parce que le président d'un autre pays m'a dit des

 28   choses gênantes.


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  1   M. GROOME : [interprétation] Avant de passer au document suivant, je

  2   voudrais vous dire que Mme Stewart dispose d'une copie papier de cette

  3   entrée du carnet de Mladic. M. le Greffier peut peut-être la fournir à la

  4   Défense et la donner à M. Mladic s'il désire la lire.

  5   Je demande l'affichage du document 02261 de la liste 65 ter. Cela va

  6   prendre peut-être un instant.

  7   Q.  Mais il s'agit d'une évaluation de Radislav Karisic [comme interprété]

  8   pour une période qui inclut le mois de juillet 1995. Cette évaluation a été

  9   faite le 6 novembre 1995, bien après les événements de Srebrenica qui ont

 10   été sus du public. Avant de vous faire lire un passage de ce document,

 11   j'aimerais savoir si vous connaissiez cette utilisation des évaluations des

 12   membres de l'armée et, si oui, quelle était la fonction de ces évaluations

 13   ?

 14   R.  Oui, je connais bien le processus d'évaluation dans l'armée

 15   britannique. Ceci est fait de manière constante pour toutes les personnes,

 16   indépendamment du grade, il s'agit d'un rapport annuel et sur les

 17   activités. Donc, il y a deux objectifs pour ces évaluations annuelles. Le

 18   premier est afin d'aider une personne à améliorer, donc de lui donner la

 19   capacité d'améliorer sa performance; et deuxièmement, c'est d'évaluer, de

 20   savoir s'ils peuvent être promus à un grade supérieur ou peut-être à un

 21   poste plus exigeant. Donc, je connais très bien le processus. Et lorsque

 22   j'ai vu ce document pour la première fois, j'ai été intéressé par ce

 23   document, étant donné que je connais très bien la procédure et les

 24   processus de l'armée britannique, et je voulais voir de quelle manière

 25   l'armée de la Republika Srpska menait à bien ce type d'évaluations. J'ai

 26   donc lu les propos qu'a faits le général Mladic concernant le général

 27   Krstic.

 28   M. GROOME : [interprétation] J'aimerais que l'on se penche sur la partie


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  1   intitulée "Description et conclusion". Et si nous lisons cela, nous pouvons

  2   lire que Mladic écrit des commentaires très détaillés et positifs sur le

  3   service de Krstic pendant la guerre, dont pendant la période de la guerre,

  4   pendant la période entourant Srebrenica. Et à la dernière page de cette

  5   évaluation, il évalue les performances de Krstic comme étant "excellentes".

  6   Et en effet, la dernière phrase de l'évaluation se lit comme suit :

  7   "Le général Krstic est l'un des généraux les plus prometteurs du peuple

  8   serbe."

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pourrait-on passer à la page suivante

 10   en anglais, s'il vous plaît.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 12   M. GROOME : [interprétation] "…est le général le plus prometteur du peuple

 13   serbe."

 14   Q.  D'après votre expérience en tant que commandant, si nous acceptons que

 15   Mladic était sincère dans ses louanges du général Krstic, est-ce que ceci

 16   nous indique quoi que ce soit quant à l'intention de Mladic concernant ce

 17   qui s'est passé à Srebrenica ?

 18   R.  [aucune interprétation]

 19   M. IVETIC : [interprétation] Objection. Cette question fait appel aux

 20   conjectures. On demande au témoin de se livrer à des conjectures, va au-

 21   delà de l'expertise du témoin.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome.

 23   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, le général Dannatt nous

 24   a expliqué l'utilisation de ce système d'évaluation dans le cadre d'un

 25   système militaire, et je lui demande simplement de nous dire qu'est-ce que

 26   cela nous indique concernant le comportement du général Krstic à Srebrenica

 27   eu égard aux commentaires que nous voyons ici ?

 28   M. IVETIC : [interprétation] Mais ce n'est pas la façon dont la question a


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  1   été posée.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous avez une objection à cette

  3   question, de la manière dont elle a été reformulée, est-ce que vous

  4   aimeriez toujours soulever une objection, Maître Ivetic ?

  5   M. IVETIC : [interprétation] Non, pas de la manière dont elle a été

  6   reformulée, je n'aurais pas d'objection à ce moment-là.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dannatt, pourriez-vous, je vous

  8   prie lire la deuxième question qui vous a été posée par M. Groome, elle a

  9   été reformulée par M. Groome et figure à l'écran. Pourriez-vous, je vous

 10   prie, en prendre connaissance.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis justement en train de la lire.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mladic, c'est maintenant la

 13   troisième fois aujourd'hui que je vous demande de parler à voix basse. Je

 14   ne souhaite pas répéter ceci de nouveau. Veuillez poursuivre, je vous prie.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ma tentative de répondre à la question

 16   telle que formulée, d'après ce que j'ai cru comprendre, le général Mladic,

 17   en tant que commandant de l'armée, rédige un rapport sur l'un de ses

 18   commandants de corps, à savoir le général Krstic dans ce cas-ci, et il lui

 19   donne la mention excellente, il l'évalue comme étant excellent, donc il

 20   approuve son comportement et il a dit qu'il est un général avec beaucoup de

 21   succès. Donc, il approuve son comportement.

 22   Le problème que j'ai, et ce n'est pas à moi d'essayer de répondre à cette

 23   question, c'est que nous savons qu'il est un fait qu'environ 8 000 hommes

 24   et garçons ont trouvé la mort à Srebrenica et quelqu'un en est responsable.

 25   Le général Krstic était le commandant du Corps de la Drina et ces morts ont

 26   eu lieu dans la zone de responsabilité du Corps de la Drina. Nous devons

 27   croire qu'il ne s'agit pas d'une activité qui a été ordonnée par le général

 28   Mladic ou le général Krstic; l'on doit penser qu'une activité illégale a eu


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  1   lieu à une échelle plus large.

  2   Mais si nous prenions ceci pour hypothèse, je ne vois pas comment le

  3   comportement du général Krstic aurait été vraiment excellent de la manière

  4   dont le général Mladic le décrit. Ses performances au début de la guerre

  5   auraient pu être justement telles, mais plus de 8 000 hommes et garçons ont

  6   trouvé la mort dans la zone de responsabilité du Corps de la Drina, et cela

  7   fait en sorte que l'on a un très grand point d'interrogation. Je suis donc

  8   étonné, en tant qu'officier de carrière, que l'on puisse qualifier le

  9   comportement de quelqu'un comme étant excellent eu égard à un si grand

 10   point d'interrogation qui y figure là.

 11   M. GROOME : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur Dannatt, ma dernière question que je souhaite vous poser est

 13   la suivante. La question à savoir si le général Mladic a commis des crimes

 14   est une question sur laquelle doit trancher la Chambre. Cela va bien au-

 15   delà de vos compétences. Mais ce que j'aimerais vous demander d'un point de

 16   vue purement militaire est de savoir si vous pensez que le général Mladic,

 17   donc, d'un point de vue purement militaire, est responsable pour le

 18   comportement de ses subordonnés et de leurs actions concernant la ville de

 19   Sarajevo et concernant les zones qui étaient placées sous le contrôle de la

 20   VRS et concernant ce qui s'est passé à Srebrenica ? Est-ce que vous avez eu

 21   une opinion à partager avec nous d'un point de vue purement militaire ?

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic.

 23   M. IVETIC : [interprétation] Objection. La question est beaucoup trop

 24   large. Et c'est à la Chambre de statuer sur ce genre de question.

 25   [La Chambre de première instance se concerte]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, on a répondu à cette

 27   question car le témoin nous a dit que la responsabilité ne pouvait pas être

 28   déléguée, et cela, donc, fait en sorte que la Chambre le comprend de cette


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  1   manière-ci, donc à moins que vous nous dites que ce n'est pas vrai que vous

  2   avez une responsabilité militaire sur vos subordonnés parce que vous ne

  3   pouvez pas déléguer votre responsabilité. Mais, bien sûr, il s'agirait

  4   d'une déclaration plutôt abstraite. Mais la Chambre estime que l'on a

  5   répondu à cette question qui a été posée. A moins que je n'aie pas très

  6   bien compris votre réponse, Monsieur Dannatt.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, vous avez compris mes

  8   réponses précédentes tout à fait correctement. Les tâches peuvent être

  9   déléguées, mais la responsabilité ne peut pas être déléguée. Là où on est

 10   préoccupé, c'est-à-dire que si l'on demande aux personnes de mener à bien

 11   certaines tâches, en se rappelant que vous êtes personnellement

 12   responsable, le fait de mener une enquête et, si nécessaire, de traduire

 13   les responsables en justice, ça fait partie de la responsabilité.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, vous êtes en train d'élargir la

 15   question quelque peu, car vous nous expliquez ce que être responsable

 16   encourt, et donc vous avez répondu à cette question. Je vous remercie.

 17   Monsieur Groome.

 18   M. GROOME : [interprétation] Simplement pour donner suite aux commentaires

 19   faits par les Juges de la Chambre.

 20   Q.  Le Juge Orie a compris votre réponse précédente comme étant une réponse

 21   à cette dernière question, à savoir que --

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est la Chambre.

 23   M. GROOME : [interprétation] Excusez-moi.

 24   Q.  La Chambre estime qu'il s'agissait d'une déclaration plutôt abstraite.

 25   J'aimerais vous demander si vous pouviez appliquer ce concept abstrait à

 26   votre étude des documents et d'autres éléments de preuve portant sur le

 27   général Mladic ?

 28   R.  Je crois qu'il nous faut revenir aux documents qui ont fait l'objet


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  1   d'une discussion il y a quelques instants lorsqu'il semblait, au moins à

  2   une occasion, que le général Smith a fait référence aux rumeurs de

  3   massacre, de viol et de meurtres, et le président Milosevic a fait une

  4   référence à savoir que de tels événements pouvaient leur porter atteinte.

  5   Et donc, pour reprendre ma réponse précédente, à savoir que l'on peut pas

  6   déléguer la responsabilité, si vous êtes préoccupé par ce qui s'est passé,

  7   en effet, en votre nom, la seule chose responsable que vous pouvez faire à

  8   ce moment-là est de diligenter une enquête pour savoir où se trouve la

  9   vérité et si d'autres personnes ont commis des torts, et donc c'est eux

 10   plutôt que vous qui devront être traduits en justice. Parce que si vous ne

 11   vous livrez pas à une telle enquête, vous pouvez faire preuve de négligence

 12   pour ne pas avoir été responsable. Vous devez démontrer de la discipline.

 13   Et donc, le fait de faire preuve de négligence et de ne pas faire la bonne

 14   chose fait partie de tout ceci.

 15   M. GROOME : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions, Monsieur le

 16   Président, Messieurs les Juges. 

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Groome.

 18   C'est l'heure de la pause. Monsieur Dannatt, nous allons maintenant prendre

 19   une pause de 20 minutes. Je vous demanderais de bien vouloir suivre

 20   l'huissier, s'il vous plaît.

 21   [Le témoin quitte la barre]

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons reprendre nos travaux à midi

 23   20.

 24   --- L'audience est suspendue à 12 heures 00.

 25   --- L'audience est reprise à 12 heures 21.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez, je vous prie, faire entrer le

 27   témoin dans la salle d'audience.

 28   Monsieur Groome, je vous écoute.

 


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  1   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai oublié de demander

  2   le versement au dossier du document 65 ter 2261, il s'agit de l'évaluation

  3   du général Krstic. Je propose de le faire maintenant.

  4   M. IVETIC : [interprétation] Aucune objection.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

  7   Juges, le document 2261 recevra la cote P2631.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Versé au dossier.

  9   Je vais commencer par aborder une question, et lorsque M. Dannatt sera là,

 10   j'arrêterai. Je voudrais parler de l'injonction de comparaître pour le

 11   Témoin RM225, qui a été délivrée le 25 avril de cette année. Pour

 12   mentionner les choses en bref, je ne crois pas que le témoin sera appelé à

 13   témoigner, mais je vais aborder la question un peu plus tard. Vous pourrez

 14   peut-être réfléchir sur les conséquences de cela, Monsieur Groome.

 15   [Le témoin vient à la barre]

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dannatt, vous serez maintenant

 17   contre-interrogé par Me Ivetic, qui est un membre de l'équipe de la Défense

 18   de M. Mladic. Maître Ivetic, vous avez la parole.

 19   M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 20   Contre-interrogatoire par M. Ivetic :

 21   Q.  [interprétation] Bonjour, Général.

 22   R.  Bonjour.

 23   Q.  Tout d'abord, Monsieur, j'aimerais vous demander si vous estimez être

 24   un expert sur les sujets de la JNA, la doctrine de défense de l'armée

 25   populaire yougoslave et la doctrine de la Défense territoriale ou du

 26   système de la TO qui était en vigueur dans la République socialiste

 27   fédérative de Yougoslavie avant 1992 ?

 28   R.  J'ai étudié ces questions dans une certaine mesure et je crois bien


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  1   maîtriser le sujet, et ce, dans un contexte plus large qui cadre avec ma

  2   formation militaire et avec mon expérience en tant qu'officier dans l'armée

  3   britannique, qui est une expérience de plus de 40 ans.

  4   Q.  Mais, Monsieur, j'aimerais maintenant vous demander la question si vous

  5   pensez être un expert ou non ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Est-ce que vous estimez que votre expertise sur ces sujets est en

  8   mesure de couvrir l'ensemble de l'histoire et des origines de la JNA, de la

  9   doctrine de la Défense populaire yougoslave et du système de la Défense

 10   territoriale à partir de ses débuts ?

 11   R.  Je me suis penché sur un très grand nombre de questions. De quelle

 12   manière définissez-vous un expert ? Est-ce que je connais tout, est-ce que

 13   je maîtrise tous les sujets ? Je pourrais vous dire que je connais un très

 14   grand nombre d'éléments, et si vous me posez si j'ai suffisamment de

 15   connaissances pour répondre aux questions qui me sont posées, je répondrais

 16   par l'affirmative.

 17   Q.  En se fondant sur votre propre définition en tant qu'expert, est-ce que

 18   vous estimez être expert sur le sujet de la VRS, c'est-à-dire l'armée de la

 19   Republika Srpska ?

 20   R.  Je répondrais de la même manière. J'ai fait une étude approfondie de la

 21   VRS dans un contexte plus élargi de la situation, et je crois pouvoir être

 22   en mesure de donner une opinion sur le sujet.

 23   Q.  Est-ce que vous estimez que votre expertise concernant la VRS puisse

 24   couvrir et inclure l'ensemble de la période allant de 1992 à 1995 ?

 25   R.  Sans vouloir être répétitif ou ennuyeux, je ne peux pas prétendre de

 26   connaître tout ce qui s'est passé entre 1992 et 1995, mais je me suis

 27   penché sur un très grand nombre de questions, j'ai été présent en Bosnie,

 28   et ce, à plusieurs reprises entre 1992 et 1995, et je crois avoir


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  1   suffisamment de connaissances pour pouvoir offrir une opinion à la Chambre.

  2   Et c'est la raison, d'ailleurs, pour laquelle je suis ici.

  3   Q.  Avez-vous jamais eu l'occasion de rencontrer ou avez-vous jamais

  4   participé à des échanges avec les officiers de la JNA ou avec d'anciens

  5   officiers de la JNA avant 1992 ?

  6   R.  Avant 1992, non.

  7   Q.  En dehors des rapports d'experts que vous avez rédigés pour le bureau

  8   du Procureur de ce Tribunal dans l'affaire Krstic et dans cette affaire-ci,

  9   avez-vous rédigé des articles ou des publications sur les doctrines de

 10   commandement et de contrôle de la JNA, de la VRS ou de la Défense populaire

 11   yougoslave, et ce, concernant les doctrines de ces dernières ?

 12   R.  Non.

 13   Q.  Vous avez publié un livre, que, je crois, vous mentionnez au paragraphe

 14   22 dans votre déclaration d'expert dans cette affaire. Seriez-vous d'accord

 15   avec moi pour dire que votre livre est plutôt une autobiographie, plutôt

 16   que d'être un texte représentant ou parlant de la doctrine du commandement

 17   soit de la JNA, de la VRS ou de la Défense populaire yougoslave ?

 18   R.  Je crois que le titre du livre est intitulé "Autobiographie", et je

 19   crois que cela répond à votre question.

 20   Q.  Dans votre déclaration concernant ce livre, vous dites maintenant qu'il

 21   s'agit d'une autobiographie, mais vous dites également dans la déclaration

 22   qu'il s'agit d'une étude sur les dirigeants. Et c'est la raison pour

 23   laquelle je vous demande s'il s'agit d'une autobiographie ou s'il s'agit

 24   également d'une étude sur la direction d'une armée, y compris le

 25   commandement et le contrôle ?

 26   R.  Je ne pense pas que le fait que ce livre soit qualifié d'autobiographie

 27   empêche également d'aborder une discussion concernant la direction d'une

 28   armée. Dans les 12 chapitres de ce livre, je fais référence à ma propre


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  1   expérience dans le domaine du commandement et du contrôle. Et je ne vois

  2   donc aucune incohérence.

  3   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais que l'on consulte maintenant la

  4   pièce P2629, qui a une cote MFI.

  5   Q.  Et qui est votre déclaration d'expert. J'aimerais que l'on passe à la

  6   page 3 dans les deux versions, et j'aimerais qu'on se concentre sur le

  7   paragraphe 11. Ici, vous parlez de la période où vous avez été instructeur

  8   et vous parlez de la structure de ce cours de formation d'études comparées

  9   avec les autres procédures de commande et de contrôle des autres armées.

 10   Est-ce que dans ces études comparatives vous avez parlé des forces armées

 11   de la RSFY ?

 12   R.  Dans la mesure où les forces armées de la RSFY ont des antécédents en

 13   matière de doctrine dans les bases doctrinales plus générales de l'Union

 14   soviétique et des armées du Pacte de Varsovie, ma réponse à votre question

 15   est affirmative. De plus, nous avons également beaucoup étudié dans le

 16   détail le Pacte de Varsovie dans cette série de formations, et à l'époque

 17   il y avait donc la JNA qui faisait partie du Pacte de Varsovie, et, par

 18   conséquent, les implications plus générales sont -- ma réponse est

 19   affirmative.

 20   Q.  Quelle sont les années durant lesquelles la JNA était membre du Pacte

 21   de Varsovie, Général ?

 22   R.  Je pense que ce que j'essaie de vous dire, c'est que pour comprendre de

 23   manière plus générale les aspects de doctrine de la JNA, il faut savoir que

 24   celle-ci a été influencée par le style soviétique de commandement et de

 25   contrôle, et puis les membres de la JNA participaient à des cours de

 26   formation en Russie, et, par conséquent, le cadre doctrinal est fortement

 27   influencé par l'armée russe et par l'Union soviétique et par le Pacte de

 28   Varsovie.


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  1   Q.  En tant qu'expert, vous n'êtes pas en mesure de répondre à la question

  2   de savoir pendant combien de temps les Yougoslaves ont fait partie du Pacte

  3   de Varsovie ?

  4   R.  Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.

  5   Q.  Dans votre déclaration, vous avez également mentionné que vous étiez

  6   l'auteur de cette doctrine britannique révisée de situation de combat en

  7   période de guerre. Et je pense que c'est au paragraphe 22, approche

  8   manœuvrière donc aux opérations, c'est au paragraphe 22 de votre

  9   déclaration qui est à la page 5 en anglais, page 5 en serbe. Est-ce que

 10   vous serez d'accord avec moi pour dire que cette doctrine, dont vous êtes

 11   l'auteur avec votre équipe, ne s'applique pas et n'a aucune raison d'être

 12   dans une étude de la VRS et dans notre discours aujourd'hui ?

 13   R.  Je mentionne dans ma déclaration que j'ai une bonne compréhension de

 14   l'importance de la doctrine et de l'importance d'une armée d'avoir une

 15   doctrine qui conditionne sa manière de réfléchir. Et le rôle que l'on

 16   m'avait donné était en fait de rédiger une doctrine qui était adaptée à

 17   l'armée britannique dans la période après la Guerre froide. Et c'est ce que

 18   j'avance ici, et je pense que je donne les éléments qui soutiennent cette

 19   thèse.

 20   Q.  Je ne vais pas contester cela, Monsieur.

 21   R.  Merci.

 22   Q.  Est-ce que l'on pourrait passer à la première page de votre déclaration

 23   P2629, cote MFI, et j'aimerais qu'on se concentre sur le paragraphe 4 de ce

 24   document. Vous dites que des documents vous ont été fournis par le bureau

 25   du Procureur et que vous les avez étudiés et que vous pouvez donc formuler

 26   des commentaires à leur sujet. Ma première question est de savoir si vous

 27   avez conservé un registre de tous les documents qui avaient été fournis par

 28   l'Accusation à votre attention pour examen ?


Page 19098

  1   R.  Je n'ai pas conservé de registre ou de recueil, mais il y a un autre

  2   document qui a été mentionné et qui recense, afin d'aider les Juges de la

  3   Chambre, qui recense les documents que j'ai consultés, et je leur ai donné

  4   des numéros de façon à ce qu'ils puissent s'identifier. Je ne l'ai pas

  5   devant moi, mais c'est un document de trois ou quatre pages qui recense

  6   donc tous les documents avec leur contenu et vous avez un numéro qui est

  7   propre à ce procès et qui est associé à chacun de ces documents. Et ça

  8   constitue donc cette liste de documents que j'ai consultés.

  9   Q.  Je pense que la liste que vous mentionnez est intitulée "Index des

 10   documents cités dans le rapport d'expert du général Dannatt, 23 avril

 11   2012," et la copie que j'ai à ma disposition n'identifie que les documents

 12   qui en fait étaient cités dans votre déclaration. Est-ce que nous parlons

 13   de la même liste ?

 14   R.  Est-ce que l'on pourrait m'afficher ce document sur les écrans, s'il

 15   vous plaît ?

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est déjà téléchargé ?

 17   M. GROOME : [interprétation] Oui. En fait, cela fait partie du document MFI

 18   P2630.

 19   M. IVETIC : [interprétation]

 20   Q.  Est-ce qu'il s'agit du tableau dont vous parlez ?

 21   R.  Oui. Merci.

 22   Q.  Et est-ce que ce tableau identifie chacun des documents que vous avez

 23   consultés et qui ont été fournis par le bureau du Procureur afin de

 24   diligenter ce rapport d'expert ?

 25   R.  Autant que je me souvienne, vous savez, j'ai élaboré ce rapport il y a

 26   18 mois de cela lorsque je pensais que j'allais déposer dans ce procès, et

 27   cette liste de documents est une liste de documents que j'ai consultés, et

 28   que j'ai mentionnés dans mon rapport. Maintenant de là à savoir si chacun


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  1   de ces documents est mentionné dans ce rapport, je ne pourrais le faire que

  2   si je repasse en revue la totalité du rapport, mais l'objet de cette liste

  3   était d'avoir des numéros propres à cette affaire de façon à ce que ceci

  4   aide la Chambre de première instance.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois qu'il y a un malentendu,

  6   Monsieur le Témoin. Ce que Me Ivetic souhaiterait savoir c'est si mis à

  7   part les documents que vous mentionnez explicitement dans votre rapport, il

  8   y a d'autres documents que vous avez consultés mais que vous n'avez pas

  9   mentionnés explicitement dans ce rapport. Et cette liste semble être un

 10   tableau des documents qui sont cités. Me Ivetic souhaiterait savoir s'il y

 11   a d'autres documents qui n'ont pas été cités de façon à ce qu'il sache

 12   exactement quels sont les documents que vous avez examinés et qui

 13   pourraient constituer le fondement de ce rapport.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est ainsi que j'avais compris sa

 15   question, il y avait d'autres documents, mais il m'a demandé si j'avais un

 16   registre ou une liste et ma réponse était non, et sa question suivante

 17   était quels sont les autres documents que vous avez consultés, je ne peux

 18   pas répondre à cette question parce que je m'en souviens pas.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, saurait peut-être été

 20   votre prochaine question ?

 21   M. IVETIC : [interprétation] Eh bien, --

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être pas.

 23   M. IVETIC : [interprétation] Peut-être pas.

 24   Q.  Ces documents qui vous ont été fournis, est-ce que c'est des documents

 25   qui avaient été présélectionnés par le bureau du Procureur, ou est-ce que

 26   vous avez eu la possibilité de leur demander ou de leur dire quels étaient

 27   les documents que vous souhaitiez obtenir de leur part ?

 28   R.  Comme ceci a été expliqué ce matin très clairement, j'ai participé à un


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  1   autre procès au sein du TPIY et également une autre affaire impliquant la

  2   Bosnie et la Serbie et, par conséquent, ces deux procès, et ce procès-ci,

  3   signifient que j'ai consulté un nombre important de documents. Pour ce qui

  4   est de ce procès précis, il y a certains documents que le bureau du

  5   Procureur m'a présentés, mais cette liste que vous avez devant vous n'est

  6   pas en fait une liste de lecture recommandée par le bureau du Procureur.

  7   Beaucoup de ces documents, je les avais déjà vus quand je m'étais préparé

  8   pour le procès Krstic il y a 12, 13, ou 14 ans.

  9   Q.  Je voudrais revenir aux préparatifs pour votre rapport d'expert dans

 10   l'affaire Krstic. A l'époque, est-ce que ces documents avaient été

 11   présélectionnés par le bureau du Procureur et est-ce qu'ils vous avaient

 12   été donnés afin que vous puissiez mener cette expertise ?

 13   R.  Je m'étais préparé énormément pour ce procès à l'époque, j'avais eu

 14   également de longues réunions avec des représentants du bureau du

 15   Procureur, avec des enquêteurs, et j'ai également passé un certain temps

 16   sur le terrain en Bosnie pour me pencher sur cette question. Donc, en fait,

 17   ces préparatifs étaient très importants avant ce procès, de façon à bien

 18   comprendre la toile de fond, les endroits où les événements s'étaient

 19   produits, et ensuite je suis retourné en Bosnie un peu plus d'un an après

 20   ma déposition, je suis retourné sur les lieux à plusieurs reprises. Donc,

 21   ma compréhension du contexte est plus vaste que simplement quelques

 22   documents qui m'auraient été fournis.

 23   Q.  Je comprends bien, Monsieur le Témoin. Mais je voudrais rester sur les

 24   documents. Donc, j'aimerais savoir si on vous a donné une série de

 25   documents, est-ce que le bureau du Procureur avait présélectionné ces

 26   documents de façon à ce que vous meniez votre expertise ?

 27   R.  Oui, il y avait des documents que l'on m'a donnés et que je les ai

 28   consultés. Mais ceci ne représente pas la totalité de ma recherche ni la


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  1   totalité de mes préparatifs pour ce procès-là. Je pense que ça aurait été

  2   surprenant si ça avait été le cas, d'ailleurs.

  3   Q.  Je voudrais maintenant que l'on revienne à votre déclaration P2629 MFI

  4   et, en attendant que ce document s'affiche, j'aimerais savoir si vous avez

  5   rédigé cette déclaration seul ou est-ce que d'autres personnes vous ont

  6   aidé dans son élaboration ?

  7   R.  La déclaration pour ce procès-ci reprend dans une grande mesure des

  8   éléments de ma déclaration dans l'affaire Krstic, déclaration que j'avais

  9   rédigée -- j'essaie de me souvenir, parce que cela remonte à 1999. Je me

 10   souviens avoir rédigé moi-même cette déclaration dans ce procès-ci,

 11   quelqu'un qui avait une formation juridique m'a aidé pour élaborer cette

 12   déclaration. Mais comme tout document que vous devez signer, je suis

 13   satisfait de tous les termes qui ont été utilisés. Donc, ça a été en partie

 14   rédigé par moi avec l'aide, comme je le disais d'une autre personne, mais

 15   je considère ceci comme pas vraiment pertinent étant donné que c'est moi

 16   qui ai signé cette déclaration, et je considère cette déclaration comme

 17   représentant mes propos.

 18   Q.  En ce qui concerne la personne qui a une formation juridique et qui

 19   vous a aidé dans l'élaboration, pourriez-vous nous dire qui était

 20   l'employeur de cette personne qui, à l'époque, vous a aidé ?

 21   R.  La personne concernée c'est ma belle-sœur [comme interprété], qui est

 22   avocate dans le domaine des droits de l'homme, et qui a travaillé dans de

 23   nombreux procès dont plusieurs tribunaux à l'époque. Elle ne travaillait

 24   pas, elle avait trois enfants en bas âge. Et, pour répondre qui la payait,

 25   je crois que c'est moi qui l'ai payé, en utilisant le petit pécule qui

 26   avait été mis à ma disposition par le Tribunal pour me préparer en

 27   l'espèce. Donc, je ne me souviens pas quelles étaient les sommes

 28   faramineuses qui étaient impliquées dans cette transaction, mais je l'ai


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  1   défalqué, j'ai défalqué son temps, et pour être honnête, étant donné que

  2   durant l'affaire Krstic j'étais encore dans l'armée, je considérais que

  3   c'était en fait ma responsabilité, étant donné que je suis à la retraite de

  4   l'armée, et je ne pouvais pas vraiment consacrer le temps nécessaire à

  5   l'époque. Et, par conséquent, c'est la raison pour laquelle j'ai demandé à

  6   ma belle-fille de m'aider et d'utiliser son expérience dans ce type

  7   d'affaire, et, je suis très reconnaissant qu'elle ait pu m'aider.

  8   M. IVETIC : [interprétation] Pour terminer sur ce thème, j'aimerais

  9   afficher le document 1D1448 sur le système du prétoire électronique.

 10   Q.  Et, en attendant, je pense qu'il s'agit d'extraits de votre livre, si

 11   la cote est appropriée, et j'aimerais que l'on passe à la page 11 sur la

 12   version du prétoire électronique, qui devrait correspondre aux pages 218 et

 13   219 de votre livre. En haut de la colonne de gauche, il est mentionné :

 14   "La femme de mon aîné, Lucinda, a ensuite travaillé comme avocate pénaliste

 15   à la CPI à La Haye, et ensuite à Sarajevo, et j'ai suivi ses travaux et ses

 16   activités avec beaucoup d'intérêt et je ne fais qu'approuver."

 17   Monsieur, pourriez-vous confirmer si votre belle-fille qui est mentionnée

 18   ici a effectivement travaillé pour la CPI ou pour ce Tribunal-ci ?

 19   R.  C'est une excellente question, et dans la quête de la vérité, je dirais

 20   que je ne suis pas sûr. Je sais qu'elle a travaillé et vécu à Sarajevo

 21   pendant un certain temps, et qu'elle a travaillé à La Haye. Et si ma

 22   description dans ce paragraphe n'est pas exacte, eh bien, c'est le cas,

 23   mais je pense que vous comprendrez que pour des profanes, cette description

 24   suffisait parce que cela décrivait son domaine d'activité, son domaine de

 25   spécialité. Maintenant si vous vouliez être plus précis, vous l'avez été.

 26   Q.  Ce qui m'intéresse plus c'était de savoir dans quel département elle

 27   travaillait, si c'était l'Accusation, la Défense ou une autre entité.

 28   R.  Je ne me souviens pas. Elle a passé à autre chose dans des domaines


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  1   plus exotiques les uns que les autres, et elle représente la Défense. C'est

  2   en fait une affaire très connue au niveau international, et donc elle

  3   représente la Défense. Donc ce n'est pas quelqu'un qui représente en

  4   général le ministère public, mais bien sûr elle suit leurs activités comme

  5   tous les avocats le font et tous les juristes.

  6   Q.  Merci. Je voudrais maintenant revenir à votre déclaration, P2629 MFI,

  7   et je voudrais revenir à la première page de votre déclaration avant

  8   d'avoir emprunté des chemins de traverse.

  9   Au paragraphe 4, vous dites que le document principal sur lequel vous vous

 10   êtes concentré consistait en des rapports rédigés par un autre expert

 11   proposé par le bureau du Procureur, Richard Butler. Ai-je bien compris ce

 12   paragraphe ?

 13   R.  Oui, c'est le travail de Richard Butler. J'ai étudié très attentivement

 14   ces rapports, je les ai trouvés très précieux, et d'après ce que j'ai

 15   compris, c'était quelqu'un qui en savait beaucoup de la situation.

 16   Q.  Est-ce que vous vous souvenez si M. Butler avait un grade au sein des

 17   forces armées américaines ?

 18   R.  Non.

 19   Q.  Pouvez-vous nous dire si dans le travail de M. Butler quelque chose

 20   vous a poussé à conclure qu'il s'agissait de référence pour votre travail ?

 21   Est-ce que vous connaissiez son travail avant votre déposition dans

 22   l'affaire Krstic ?

 23   R.  Non. J'ai rencontré M. Butler pour la première fois lorsque je me suis

 24   préparé pour l'affaire Krstic. J'ai lu les documents à ce moment-là, il me

 25   les avait fournis, alors je vous parle de mémoire. Je pense que je l'ai

 26   rencontré, j'ai parlé avec lui pour préparer cette affaire Krstic, mais

 27   peut-être que je me trompe. Mais d'après mes souvenirs, nous nous sommes

 28   rencontrés, j'ai été très impressionné, et ce qu'il m'a dit m'a informé,


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  1   intéressé, et il m'a également fourni des documents écrits.

  2   Q.  Par rapport à ses documents, son rapport, s'agit-il de documents écrits

  3   qu'il a présélectionnés pour vous et qu'il vous a donnés via le bureau du

  4   Procureur ou est-ce que vous avez obtenu ces documents par d'autres moyens

  5   ?

  6   R.  Non. J'ai obtenu ces documents sur invitation, je pense de la Chambre.

  7   Je pense que le représentant du bureau du Procureur l'a fait. En fait,

  8   c'est l'armée britannique en 1999, qui est entré en contact avec moi, et il

  9   fallait qu'un général, qu'un haut gradé serve de témoin expert pour aider

 10   la Cour, les Juges d'une Chambre à comprendre les questions relatives au

 11   commandement et contrôle. Et, le chef de l'état-major général de l'époque,

 12   connaissant mon parcours, m'a demandé si j'étais prêt à agir en qualité de

 13   témoin expert. J'ai accepté, et je suis venu à La Haye. J'ai rencontré le

 14   représentant du bureau du Procureur, j'ai rencontré l'équipe du bureau du

 15   Procureur, et ensuite nos contacts ont continué.

 16   Donc, je ne dis pas que je connaissais bien les activités du général Krstic

 17   avant cela, ni l'affaire Krstic avant d'avoir été invité à aider les Juges

 18   de la Chambre à comprendre le système de commandement et de contrôle. Je

 19   m'intéressais de plus près à l'affaire Krstic ensuite. Donc je suppose que

 20   c'est le bureau du Procureur qui a dû me fournir des documents. J'ai étudié

 21   ces documents et j'ai rédigé un rapport. Comme je vous l'ai dit, cela a

 22   pris du temps. J'étais sur le terrain en Bosnie, je suis allé voir ce qu'il

 23   en était de quelques points qui portaient sur Srebrenica, et puis je suis

 24   venu à La Haye pour déposer. Donc je ne l'ai pas fait parce que je me suis

 25   dit que c'était une bonne idée, je l'ai fait parce que mon général m'a

 26   invité à le faire ainsi que le bureau du Procureur.

 27   Q.  Est-ce que vous avez mené des recherches sur les publications et le

 28   parcours professionnel de M. Butler pour vous assurer de son expérience, de


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  1   son expertise et de sa fiabilité sur les sujets repris dans ses rapports ?

  2   R.  Je pense que j'ai pris la réputation et le travail de M. Butler pour

  3   argent comptant, et à la lecture de ses rapports, cela m'a conforté dans

  4   cette idée-là. C'est quelqu'un qui avait une grande intégrité, qui était

  5   très capable, et ses rapports me semblaient suffisamment crédibles pour les

  6   utiliser.

  7   Q.  Est-ce que vous vous êtes contenté d'étudier les différents rapports de

  8   M. Butler ou est-ce que vous avez également eu accès à la déposition de M.

  9   Butler dans d'autres affaires devant ce Tribunal ?

 10   R.  Alors, je voudrais une petite précision à votre question. Est-ce que

 11   cette question porte sur ma préparation pour l'affaire Krstic ou autre ?

 12   Q.  Pour l'affaire Krstic et en l'espèce. S'il y a des différences, dites-

 13   nous lesquelles elles sont.

 14   R.  Pour répondre à vos deux questions, je n'ai pas consulté les

 15   dépositions de M. Butler dans d'autres affaires sauf pour la préparation à

 16   l'affaire Krstic et pour les questions qui portaient sur les documents en

 17   ma possession portant sur cette affaire.

 18   Q.  Dois-je en comprendre, Monsieur, que vous voulez dire par là que vous

 19   avez revu ou relu les comptes rendus de la déposition de M. Butler ou les

 20   enregistrements en l'espèce dans l'affaire Mladic ?

 21   R.  Non, là, je crois qu'il faut encore une petite clarification. Est-ce

 22   que vous me demandez si j'ai lu le compte rendu de la déposition de M.

 23   Butler dans cette affaire ?

 24   Q.  Oui, c'est bien cela.

 25   R.  La réponse est non, je ne l'ai pas fait. Je n'ai pas le temps de le

 26   faire. Je suis relativement -- je suis quelqu'un de très occupé et je me

 27   suis préparé du mieux que je pouvais pour ma déposition. Et je n'ai pas

 28   passé du temps à lire le point de vue d'autres personnes. Le général


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  1   Milovanovic est un cas à part et très intéressant parce qu'il était

  2   l'adjoint du général Mladic, et j'ai été fasciné par la lecture de ses

  3   propos. Et d'ailleurs, je tiens à remercier le bureau du Procureur de

  4   m'avoir fourni ces documents.

  5   Q.  Monsieur, la raison pour laquelle je vous pose cette question, c'est

  6   parce que M. Butler a déposé en l'espèce et il a apporté des corrections à

  7   ses rapports. Je voudrais savoir si vous en étiez au courant ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  A l'époque où l'on vous a demandé pour la première fois de préparer un

 10   rapport d'expert dans l'affaire Krstic, est-ce que vous avez ou est-ce que

 11   quelqu'un en votre nom a décidé de lire toutes les publications qui

 12   existaient à ce sujet ?

 13   R.  Alors, si vous parlez d'une étude complète des documents qui

 14   existaient, ma réponse à votre question est non. Je le répète, ce n'est

 15   qu'après ma première visite ici, lorsque l'on m'a invité à rencontrer les

 16   représentants du bureau du Procureur, que j'ai obtenu des documents. J'ai

 17   pu me plonger dans l'affaire et j'ai pu élargir le champ des documents à

 18   disposition par mes propres recherches. J'ai discuté également avec des

 19   enquêteurs, j'ai passé du temps sur le terrain pour peaufiner un petit peu

 20   quelques aspects sur Srebrenica dans l'affaire Krstic, mais je suis parti

 21   des documents que le bureau du Procureur m'a fournis. Et je ne vois pas où

 22   est le problème.

 23   Q.  Passons à la toute dernière page des deux versions de votre

 24   déclaration, s'il vous plaît. Le paragraphe 110 porte un avis, ou je

 25   devrais plutôt dire sur une évaluation relative à la qualité des différents

 26   rapports de M. Butler, et j'aimerais vous demander pourquoi l'on retrouve

 27   ça ici. Est-ce que c'est quelque chose que le bureau du Procureur ou M.

 28   Butler vous a demandé d'inclure dans le cadre de votre rapport d'expert en


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  1   l'espèce ?

  2   R.  Pour que les choses soient claires, vous parlez bien du paragraphe 110,

  3   et pas du paragraphe 109 ?

  4   Q.  Je pense, Monsieur, que les paragraphes 109 et 110 font référence au

  5   même rapport. Corrigez-moi si je me trompe.

  6   R.  Oui, je pense vous avez raison. Mais le paragraphe 109 est plus précis

  7   sur les références à Richard Butler et à son travail. Alors, je vais vous

  8   dire la vérité; honnêtement, je ne m'en souviens pas. J'ai rédigé ce

  9   rapport il y a 18 mois, et, inévitablement, il y avait quelques répétitions

 10   du rapport. Donc, pour répondre honnêtement â votre question à savoir si

 11   j'ai voulu intégrer cela ou si l'on m'a suggéré de le faire, eh bien, j'ai

 12   signé le document et j'assume mes propos et l'avis qui est reflété dans ce

 13   document.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Butler, mais la question reste

 15   -- ah non, pardon, Monsieur Dannatt. Excusez-moi. La question reste de

 16   savoir si vous avez pris l'initiative d'ajouter ces deux paragraphes dans

 17   le rapport. Cela n'a rien à voir avec la responsabilité que vous assumez au

 18   bout du compte. Ce sont deux questions différentes.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, pour éviter toute

 20   équivoque, tous les termes repris dans le paragraphe 110 reflètent mes

 21   propos et j'assume totalement la responsabilité de ces propos. Ce sont mes

 22   mots.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais cela ne répond toujours pas à la

 24   question de savoir qui a réfléchi à l'inclusion de ce paragraphe, qui a

 25   décidé de l'inclure dans le rapport.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, Monsieur, je m'en tiens à ce que j'ai

 27   dit tout à l'heure. J'ai rassemblé tout cela il y a 18 mois, et

 28   honnêtement, je ne m'en souviens. C'est la réponse la plus honnête et la


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  1   plus sincère que je puis vous donner. Je ne veux pas me prêter à des

  2   conjectures car je pourrais me tromper.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer, Maître Ivetic.

  4   M. IVETIC : [interprétation] Merci.

  5   Q.  Le type d'étude que vous avez menée sur la VRS incluait-elle une étude

  6   approfondie de la JNA ?

  7   R.  Bon, je crois que nous sommes vraiment dans de la sémantique pure ici.

  8   Savoir ce qui est approfondi ou pas est relatif. Moi, je me suis penché sur

  9   les origines de l'armée de Republika Srpska, qui découlait clairement d'un

 10   district militaire de la JNA. Et il y a 13 ou 14 ans, lorsque j'ai commencé

 11   à me pencher sur ces questions, je me suis demandé comment une armée qui

 12   avait été créée en pleine urgence en 1992 pouvait prendre le commandement

 13   et le contrôle, pouvait reprendre des réglementations, pouvait prendre

 14   corps et commencer à fonctionner comme une armée, et je me suis dit que

 15   cela ne pouvait pas venir de nulle part. Et lors de ma recherche, j'ai pu

 16   voir clairement que la réponse à cette question était la suivante : la VRS

 17   avait repris les réglementations, la forme et l'essence d'une partie de la

 18   JNA. C'était ça, la réponse à la question. Créer une armée de rien dans

 19   l'urgence en plein milieu d'une guerre civile aurait été impossible.

 20   Q.  J'aimerais, à présent, que nous nous penchions sur la pièce 1D1450. En

 21   attendant l'affichage, je vais vous dire de quoi il s'agit. Il s'agit de la

 22   déposition que vous avez faite devant la CIJ le 20 mars 2006.

 23   Page 3 dans le prétoire électronique. Jusqu'à la page 11 du document

 24   du compte rendu de la CIJ. J'aimerais attirer votre attention sur la

 25   dernière question et sur la première partie de votre réponse.

 26   Je cite :

 27   "Mme Korner : Merci beaucoup, Général Dannatt. Je vais à présent passer

 28   directement à l'un des aspects sur lesquels nous aimerions que vous


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  1   éclairiez les Juges de la Chambre, à savoir la théorie des doctrines de

  2   commandement et le processus décisionnel. Pourriez-vous expliquer aux Juges

  3   de la Chambre quelle est la principale théorie ou quelles sont les

  4   principales théories de ces doctrines ?

  5   "Général Dannatt : Brièvement, les armées mènent leurs activités de l'une

  6   des deux façons suivantes. Ces deux façons se caractérisent par un mot

  7   allemand compliqué. L'un d'entre eux est l'approche Befehlstaktik pour le

  8   commandement et le contrôle, et l'autre est la méthode Auftragstaktik de

  9   contrôle du commandant."

 10   Je vais m'arrêter là et je voudrais vous poser une question sur cette

 11   partie de votre réponse. Est-ce que vous pouvez me confirmer, Monsieur, que

 12   vous répéteriez exactement la même chose si l'on vous posait la même

 13   question aujourd'hui et est-ce que vous pouvez me confirmer la véracité de

 14   cette réponse ?

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je pense que le témoin

 16   nous a déjà expliqué quelles seraient ses réponses aujourd'hui.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que j'ajouterais à cela aujourd'hui, si

 18   vous me le permettez, c'est que le compte rendu n'est pas totalement

 19   précis, parce qu'on fait référence au contrôle de commandant par opposition

 20   au commandement et au contrôle. Donc je crois que la phrase est un petit

 21   peu erronée, mais je suis tout à fait d'accord avec le commentaire de M. le

 22   Président. J'ai parlé de la Befehlstaktik, j'ai parlé de l'Auftragstaktik,

 23   et je ne vois pas pourquoi j'aurais un différent point de vue deux heures

 24   plus tard.

 25   M. IVETIC : [interprétation]

 26   Q.  Ma question est la suivante, Monsieur. Dans votre déposition auprès de

 27   la CIJ, vous déclarez qu'il n'y a que deux façons pour une armée de mener

 28   ses activités. Est-ce que vous confirmé qu'à part ces deux tactiques pour


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  1   lesquelles vous avez utilisé un mot allemand, il n'existe rien d'autre --

  2   qu'il n'y a pas d'autres doctrines de commandement et de contrôle pour les

  3   personnes qui travaillent dans votre domaine d'activités ?

  4   R.  Bien sûr, la réponse est oui. Tout comme aujourd'hui, dans cette

  5   affaire-là j'essayais d'expliquer aux Juges de la Chambre de quoi il

  6   retournait. Tout n'est pas toujours blanc ou noir, mais c'est la plus

  7   simple façon d'expliquer les choses. Il y a toujours du gris entre les deux

  8   positions pour nuancer les points de vue. Mais lorsque l'on explique

  9   quelque chose, il est bon de dire que d'un côté il y a telle doctrine, et

 10   de l'autre côté, une autre doctrine. C'est la façon dont on explique une

 11   théorie et une approche. Mais vous savez, le débat existe depuis très

 12   longtemps. Dans l'armée, on dirait que c'est un art et pas une science.

 13   L'utilisation de la force armée peut aussi dépendre fortement de la

 14   technologie et de la science. Mais le commandement, c'est quelque chose

 15   d'intuitif, c'est quelque chose pour lequel on a besoin de discernement, et

 16   souvent on y fait référence comme étant un art opérationnel.

 17   Et la Befehlstaktik et l'Auftragstaktik décrivent deux côtés, les

 18   deux faces d'une même monnaie, si vous voulez. Ce n'est pas une question

 19   scientifique. C'est une question plutôt artistique. Ce que je fais et ce

 20   que le général Mladic pourrait faire pourrait être totalement différent,

 21   mais cela se fonderait sur la doctrine qui prévaut, et c'est ce que

 22   j'essaie de vous dire. Il est très important de comprendre que la doctrine

 23   d'une armée, c'est la façon de penser de l'armée. Et la façon de penser de

 24   l'armée influencera énormément l'instruction de ses officiers, la formation

 25   des officiers et des soldats. La doctrine, c'est la pensée. La directive,

 26   quant à elle, c'est plutôt le mot et cela implique qu'un document dirige

 27   l'activité. La doctrine est une pensée et la directive est une activité.

 28   Q.  Très bien. Passons à la page suivante de la déposition à la CIJ.


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  1   J'aimerais parler plus en détail de la partie qui commence au milieu de la

  2   page, plus ou moins. La question, donc, est la suivante -- en fait, c'était

  3   Mme Korner qui vous a posé la question suivante :

  4   "Mme Korner : Nous allons maintenant nous pencher sur un détail concernant

  5   la manière dont la JNA, l'armée nationale yougoslave, fonctionnait et de

  6   quelle manière les entités qui en dépendaient fonctionnaient. Mais vous

  7   devez croire que la JNA a suivi le modèle de Befehlstaktik. De quelle

  8   manière est-ce que cela a été fait ?

  9   "Général Dannatt : Je peux dire qu'à la suite d'une étude

 10   approfondie, je peux le confirmer, et également grâce à un exemple

 11   personnel. J'ai mentionné un peu plus tôt que j'étais l'un des commandants

 12   en Bosnie en 1995. A ce moment-là, lorsque nous planifiions le transfert de

 13   la FORPRONU à la FOR des Nations Unies, j'avais besoin, parmi d'autres

 14   personnes, de parler au général Tadic, qui à l'époque était le commandant

 15   de l'un des Corps de Krajina à Banja Luka. Je n'étais pas en mesure, dans

 16   le cadre de mes fonctions normales, de me rendre à Banja Luka, mais je lui

 17   ai transmis un message en lui disant que je voulais le rencontrer. Et, en

 18   réalité, je suis allé à Banja Luka où l'on m'a informé qu'il n'était pas en

 19   mesure de me rencontrer car il n'avait pas reçu l'autorisation du général

 20   Mladic, son supérieur. C'était étonnant de voir qu'il n'était pas prêt à me

 21   rencontrer, car ce que j'avais à lui dire aurait été très utile concernant

 22   la façon de mener à bien les opérations futures. Mais comme il n'avait pas

 23   reçu cette autorisation, il n'avait pas ou cette permission, il n'avait pas

 24   l'autorisation de me rencontrer, de son propre chef, et je me suis servi de

 25   cet exemple pour démontrer ce type de commandement centralisé."

 26   Donc, Monsieur, j'aimerais vous poser la question suivante : la question

 27   qui très spécifique vous a demandé de vous concentrer tout d'abord à la

 28   JNA, l'armée populaire yougoslave, et votre réponse parle d'un incident qui


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  1   s'est déroulé en 1995. Mais suis-je en droit de dire qu'en 1995, la JNA

  2   n'existait plus ?

  3   R.  Voilà, c'est une façon de poser une série de questions très

  4   intéressantes, vous êtes maintenant en train de vous concentrer sur la

  5   façon dont Mme Korner a posé ses questions. Je ne me souviens pas des

  6   détails de notre conversation qui s'est déroulée à ce moment-là lorsqu'elle

  7   a dit que vous vous attendriez à ce que la JNA suive le modèle de la

  8   Befehlstaktik, et ensuite j'ai donné cet exemple. Probablement ce que

  9   j'aurais fait c'est de dire que la VRS découle de la JNA, et donc la même

 10   doctrine opérationnelle, le modèle de la Befehlstaktik et le modèle qui

 11   caractérise les deux. Je ne crois pas donc qu'il soit déraisonnable que je

 12   me serve d'un exemple qui s'est déroulé en 1995. Maintenant, si vous voulez

 13   que l'on parle de cet exemple-ci, je serai bien heureux de le faire, mais

 14   je crois que je n'arrive pas à suivre exactement là où vous voulez en

 15   venir, je n'arrive pas à comprendre exactement là où vous voulez en venir

 16   concernant la question de Mme Korner.

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pour bien comprendre le compte rendu

 18   d'audience, le document que nous avons sous les yeux est un document qui

 19   fait référence au général Tadic. Vous nous avez expliqué un peu plus tôt,

 20   ce matin, Monsieur Dannatt, que vous aviez voulu rencontrer le général

 21   Talic, avec un L; est-ce exact ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait. C'est un commentaire qui est

 23   truffé d'erreur. Je n'ai pas parlé de la FOR des Nations Unies mais de

 24   l'IFOR. J'ai dit la FORPRONU, transfert de la FORPRONU à l'IFOR, par

 25   exemple, et lorsque j'ai parlé du général Tadic, c'était le général Talic.

 26   Donc il y a, ce compte rendu est truffé d'erreur, mais je ne l'ai pas

 27   mentionné, ça n'est pas ma responsabilité à moi.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie, bien sûr que non.


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  1   Bien, merci beaucoup.

  2   M. IVETIC : [interprétation]

  3   Q.  Maintenant j'aimerais vous poser la question suivante : vous avez

  4   préparé cette expertise qui est très sérieuse, est-ce que vous estimez

  5   qu'il s'agit d'une méthodologie appropriée que de tirer des conclusions

  6   d'une expérience isolée, d'un événement isolé tel que cet incident qui

  7   s'est déroulé avec le général Tadic [comme interprété], au paragraphe 32 de

  8   votre déclaration ?

  9   R.  Oui, je crois que cela serait tout à fait inacceptable de tirer des

 10   conclusions de cette manière-là. Mais vous savez la vie peut des fois être

 11   très ennuyeuse. Et donc le fait de montrer, d'insérer une illustration peut

 12   rendre les choses un peu plus intéressant. Comme vous le savez, par

 13   exemple, cet exemple de commandement, le commandement centralisé que nous

 14   avons vu dans la VRS et anciennement dans la JNA, c'est quelque chose qui

 15   est très fréquent dans les autres documents que nous avons examinés. Si

 16   vous avez du temps, j'en serais heureux d'en parler. Mais c'est un exemple

 17   personnel qui, d'après moi, donnait un peu de couleur à ce document, ce

 18   matériel factuel et théorique.

 19   Q.  Est-ce que vous aviez peut-être pu penser que le général Talic n'a pas

 20   souhaité vous rencontrer pour des raisons personnelles et qu'il ne s'est

 21   servi que d'une excuse pour ne pas vous rencontrer, le fait de dire qu'il

 22   n'avait pas reçu l'autorisation ? Est-ce que c'est plausible ?

 23   R.  C'est tout à fait possible. Mais comme j'ai dit un peu plus tôt, les

 24   deux officiers de liaison - le capitaine Popovic, il y avait un autre

 25   colonel dont je ne me souviens pas de son nom - j'étais quelque peu gêné

 26   lorsque je les ai entendu dire que le général Talic n'était pas en mesure

 27   de me rencontrer, car il n'avait pas reçu l'autorisation de ce faire, car

 28   il ne pouvait obtenir l'autorisation que d'une seule personne, et c'est le


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  1   général Mladic.

  2   Mais, en réalité, je n'arrive pas à voir pourquoi il n'aurait pas

  3   voulu me rencontrer, parce que j'ai dit très clairement que je voulais me

  4   rendre à Banja Luka et que c'était quelque peu difficile de m'y rendre, et

  5   je voulais lui donner des informations qui, probablement, auraient été

  6   utiles pour ce qui est de la mise en œuvre au sens plus large des accords

  7   de Dayton. Et, donc je n'arrive vraiment pas à voir pourquoi il n'aurait

  8   pas voulu me rencontrer. Les généraux se rencontrent de manière fréquente,

  9   régulièrement, j'ai demandé de le rencontrer, si j'avais cru qu'il n'avait

 10   pas souhaité me rencontrer, je ne me serais pas dirigé jusqu'à Banja Luka.

 11   Il s'agissait d'un voyage quelque peu difficile, et donc je ne me serais

 12   pas dirigé en ces directions pour aller le voir.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je regarde l'heure.

 14   M. IVETIC : [interprétation] Oui, nous pouvons prendre une pause.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement. Monsieur Dannatt, vous

 16   serez peut-être heureux de savoir que l'on dit que les avocats sont souvent

 17   des artistes, et maintenant vous nous avez dit que le commandant est un

 18   art. Nous allons peut-être pouvoir réfléchir à cette question au cours des

 19   20 prochaines minutes. Nous allons prendre une pause, et nous reprendrons

 20   nos travaux dans 20 minutes. Vous pouvez maintenant suivre M. l'huissier.

 21   [Le témoin quitte la barre]

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous voulez consulter vos conseils,

 23   Monsieur Mladic, vous allez pouvoir le faire pendant la pause. Nous allons

 24   donc faire une pause, et nous reprendrons nos travaux à 13 heures 40.

 25   --- L'audience est suspendue à 13 heures 20.

 26   --- L'audience est reprise à 13 heures 42.

 27   L'INTERPRÈTE : De la cabine française. Veuillez remplacer les évocations

 28   des artistes par [inaudible] dans la partie précédente.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, Monsieur

  2   Mladic, je vous ai demandé à plusieurs reprises ce matin de ne pas parler à

  3   voix haute. Et lorsque nous étions en train de quitter la salle, vous

  4   parliez encore plus fort que normalement. Alors, veuillez, je vous prie,

  5   faire attention et ne nous placez pas dans la position où nous devrions

  6   prendre des mesures à votre encontre.

  7   La Chambre souhaite mentionner, Monsieur Groome, comme je l'ai dit un

  8   peu plus tôt, l'Accusation ne va pas présenter les éléments de preuve par

  9   le truchement du Témoin RM225, et c'est pour cette raison que la Chambre

 10   retire l'injonction à comparaître ainsi que les parties pertinentes de la

 11   demande adressée à l'Etat où le témoin réside et enjoint le Greffe

 12   d'informer le témoin proposé ainsi que les autorités de l'Etat en question

 13   de cette décision et d'en informer la Chambre lorsque cela sera fait.

 14   M. GROOME : [interprétation] L'Accusation n'a pas d'objection quant à cette

 15   façon de procéder.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement. Cela met un point à

 17   la lecture de cette décision par rapport à cette question. Veuillez, je

 18   vous prie, faire entrer le témoin dans la salle d'audience, s'il vous

 19   plaît.

 20   M. GROOME : [interprétation] Je voudrais simplement mentionner à la Chambre

 21   deux petits problèmes potentiels qui pourraient avoir lieu. Il y a des

 22   témoins [comme interprété] polonais qui ont été appelés pour un témoin qui

 23   témoignera en polonais, et c'est pour jeudi prochain. Et Me Lukic nous a

 24   informé qu'il était en train de revoir son évaluation quant à

 25   l'interrogatoire de M. Brown qui ira peut-être à huit heures pour la

 26   semaine prochaine, donc il s'agira d'une semaine pleine. Et j'informerai à

 27   la Chambre quant à la disponibilité de M. Treanor pour continuer, la

 28   semaine qui suivra. Alors, nous pouvons peut-être tous réfléchir là-dessus.


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  1   Nous allons peut-être prendre cinq minutes pour en discuter avant la fin de

  2   cette semaine.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Avant la fin de la semaine,

  4   donc, je suis d'accord avec vous.

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, vous pouvez continuer

  7   votre contre-interrogatoire.

  8   M. IVETIC : [interprétation]

  9   Q.  Général, je vous demande de prendre votre déclaration écrite, P2629,

 10   versée au dossier aux fins d'identification, page 4 en anglais et page 3 en

 11   serbe, paragraphe 12, et de relire la dernière phrase du paragraphe 12 en

 12   anglais. Vous dites s'agissant des réunions que vous avez eues avec les

 13   commandants supérieurs des trois factions belligérantes. Avez-vous eu

 14   l'occasion de rencontrer des membres de l'état-major principal de la VRS ?

 15   R.  Je suis en train d'essayer de me rappeler. Le général Gvero est venu à

 16   Mrkonjic Grad. Je pourrais vous donner la date exacte si vous me permettiez

 17   de consulter mes documents. C'est en fait la date qui correspond aux

 18   accords de Dayton et il s'agit du retour de Mrkonjic Grad. Le général Gvero

 19   est venu lorsque la région autour de cet endroit-là est passée du contrôle

 20   croate au contrôle serbe.

 21   La plupart de mes échanges n'étaient pas avec les officiers de

 22   l'état-major principal mais avec le général Talic et d'autres qui étaient à

 23   Banja Luka. Et par la suite, le général Simic, j'ai fait sa connaissance et

 24   je l'ai bien connu, mais c'était plus tard, lorsque j'étais de retour en

 25   tant que commandant adjoint de l'OTAN en 1999 -- ou, plutôt, non, en 2000

 26   ou en 2001.

 27   Q.  Très bien. Juste pour rester avec cette réunion que vous auriez eue

 28   avec le général Gvero, est-ce que c'était environ D-plus 90 --


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  1   R.  Oui, je crois que c'est probablement le cas. J'essaie simplement de me

  2   rappeler de la séquence des événements, mais je crois que vous avez raison.

  3   Il y avait une période de quatre ou cinq jours au cours de laquelle les

  4   forces croates devaient quitter. Je crois qu'ils ont quitté à D-plus 45.

  5   Q.  Pourriez-vous expliquer ce que cela veut dire ?

  6   R.  Oui. D, c'est le jour où l'accord de paix de Dayton est devenu

  7   opérationnel, et je crois que c'était le 20 décembre 1995, mais il aurait

  8   pu s'agir du 21 également. Et par la suite, il s'agit de la mise en œuvre

  9   portant sur cet accord, donc D-plus quelque chose.

 10   Q.  Concernant, maintenant, la réunion que vous avez eue avec le général

 11   Gvero, donc vous l'avez rencontré, et plus tard vous avez rencontré le

 12   général Simic, si je ne m'abuse. Est-ce que ces réunions ont servi de base

 13   pour vos opinions, pour les opinions qui sont contenues dans votre rapport

 14   ?

 15   R.  Oui. Je crois que toutes les réunions de ce type permettent d'acquérir

 16   une connaissance plus poussée. Mais je vais essayer d'être bref. Je

 17   voudrais rajouter quelque chose. J'ai mentionné précédemment que j'avais

 18   été colonel dirigeant un cours au niveau du collège de formation de l'armée

 19   britannique, et j'étais notamment responsable d'un cours sur la

 20   planification des campagnes et l'enseignement de cette planification des

 21   campagnes. Et en 1995, j'avais été très intéressé de voir comment les

 22   choses avaient évolué sur le terrain en Bosnie. De 1992 jusqu'au début de

 23   1995, c'est-à-dire, les territoires qui étaient détenus par l'une ou

 24   l'autre des parties n'avaient pas vraiment beaucoup changé de main. Mais au

 25   printemps et au début de l'été 1995, il y a eu une opération de grande

 26   envergure dans le sud et l'ouest de la Bosnie qui a impliqué les forces

 27   croates et musulmanes jusqu'à la Krajina, et Banja Luka a commencé à être

 28   menacée. Mais ce qui était intéressant, c'était de voir comment une


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  1   campagne complexe avait été mise sur pied. Pour être bref, j'ai donc décidé

  2   que durant mon séjour dans le pays entre octobre 1995 et avril 1996, en

  3   marge de ce que je faisais, j'ai décidé de faire une étude pour voir

  4   comment cette campagne avait été élaborée. Et avec un de mes subalternes,

  5   un officier, j'ai donc posé des questions aux commandants des trois parties

  6   belligérantes pour savoir ce qui s'était passé durant l'année écoulée. J'ai

  7   parlé avec le général Dudakovic, le général Glasnovic du côté de la

  8   Croatie, et encore une fois le général Talic a hésité à me parler. Mais les

  9   deux officiers de liaison que j'ai rencontrés à nouveau sont venus au QG de

 10   Sipovo et ils ont été très francs dans la mesure où ils m'ont expliqué

 11   comment ils avaient mené leurs opérations. Et ceci m'a permis, en fait, de

 12   trouver l'explication du développement de ces opérations militaires.

 13   Si je vous donne l'impression de prendre une tangente, je m'en

 14   excuse, mais ceci montre bien comment j'ai pu acquérir une meilleure vision

 15   de la manière dont la guerre était menée et également de voir comment les

 16   différentes armées se comportaient, en gardant à l'esprit que ces trois

 17   armées découlaient à l'origine de la JNA. Et ce dont je me souviens

 18   clairement, c'est qu'il y a eu une conférence de commandants à la fin du

 19   mois de décembre, je crois, en 1995. C'était la première fois que des

 20   commandants haut placés des trois armées étaient réunis dans une même

 21   pièce. Et après des soupçons au départ, ils se sont salués comme d'anciens

 22   camarades, parce qu'ils étaient allés l'école militaire ensemble. Je vous

 23   prie de m'excuser, donc, si je vous donne l'impression d'être hors sujet,

 24   mais c'est simplement pour montrer que je m'étais intéressé de près à la

 25   manière dont ces trois armées avaient des origines communes et j'en ai

 26   tiré, donc, des conclusions. Je suis désolé si vous avez l'impression que

 27   j'ai vraiment été hors sujet.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, si cela ne vous dérange pas,


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  1   c'est pas vraiment le sujet, mais c'est la cadence de votre discours --

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] En fait, c'est mon enthousiasme qui me dicte

  3   ici. Je vous prie de m'excuser.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez, Maître Ivetic.

  5   M. IVETIC : [interprétation]

  6   Q.  J'aimerais revenir à un autre point que vous avez mis en exergue au

  7   paragraphe 6 de votre déclaration que vous avez examinée. Il s'agit de

  8   mémoires.

  9   M. IVETIC : [interprétation] Je voudrais que l'on affiche le document

 10   1D1450 sur le système de prétoire électronique. Et j'aimerais que l'on

 11   affiche la page 7 de ce document. Et ceci correspond à la page 15 du

 12   document de la CIJ.

 13   Q.  J'aimerais que l'on se concentre sur le milieu de la page. Vous verrez

 14   que Mme Korner vous a demandé combien de mémoires vous aviez lus, et votre

 15   réponse est la suivante :

 16   "Général Dannatt : Effectivement. Le général Sir Michael Rose, le général

 17   Sir Rupert Smith, M. Richard Holbrooke, ont tous couché sur papier leurs

 18   mémoires, et je possède certainement ces livres. Et les témoignages dans

 19   ces livres ne font que confirmer les faits que j'ai retrouvés dans les

 20   documents."

 21   J'aimerais savoir si cette déposition dans le procès devant la CIJ

 22   reflète ce qui était dans les mémoires que vous mentionnez au paragraphe 6

 23   de votre déclaration en l'espèce ?

 24   R.  Oui. Mais le temps a passé. J'ai lu ces témoignages. Je pense que nous

 25   avons tous participé aux événements des Balkans dans les années 1990 et

 26   que, par conséquent, tous ceux qui ont participé ont continué à

 27   s'intéresser d'un point de vue professionnel. Et il y a eu un certain

 28   nombre de livres, de mémoires, de témoignages qui ont été publiés. Et,


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  1   effectivement, je confirme que ce qui est mentionné dans le paragraphe 6

  2   est correct, c'est-à-dire que j'ai lu un nombre important de mémoires.

  3   Q.  Et est-ce que votre position est que ces mémoires vont dans le même

  4   sens que vos conclusions sur la JNA et la VRS, tel que ceci figure dans

  5   votre déclaration ?

  6   R.  Je pense, effectivement. On peut voir, en fait, que le ton dans ces

  7   livres ne fait que mettre en exergue les faits que j'ai choisis dans les

  8   documents du procès que j'ai étudiés. Les documents sont souvent très

  9   pointus, mais lorsque l'on a une meilleure compréhension du contexte et de

 10   la toile de fond, bien sûr, ces documents, en fait, prennent tout leur

 11   sens. Donc je pense que c'est un commentaire tout à fait judicieux.

 12   Q.  Pourriez-vous nous rappeler si ce M. Holbrooke avait occupé à un moment

 13   donné un grade militaire ou s'il avait une expérience militaire ?

 14   R.  Je ne me souviens pas. Je suppose que quelqu'un de sa génération avait

 15   probablement - je vais ralentir - avait probablement une expérience

 16   militaire qui remonte à l'époque du Vietnam, mais je ne m'en souviens pas.

 17   Mais je pense que vous ne disconviendriez pas qu'il avait une connaissance

 18   très intéressante de l'évolution et de la conclusion de la guerre en Bosnie

 19   et qu'il a joué un rôle important qui s'est soldé par les accords de paix

 20   de Dayton. Donc je pense que ses opinions sont également très

 21   intéressantes.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dannatt, je vous demande de

 23   vous en tenir à cette question-là. La question n'était pas de savoir s'il

 24   serait intéressant de lire le livre de M. Holbrooke. La question était de

 25   savoir s'il avait un grade militaire ou s'il avait une expérience

 26   militaire. Les quatre premiers mots de votre réponse auraient suffi pour

 27   répondre à la question.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer, Maître Ivetic.

  2   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Q.  Est-ce que vous avez eu la possibilité de lire les livres ou les

  4   mémoires d'anciens officiers de la JNA afin d'étudier la doctrine de

  5   commandement et la structure de commandement de la JNA et de la VRS, ainsi

  6   que la Défense populaire, rôle que vous avez donc pris en charge dans cette

  7   affaire ?

  8   R.  Pour être bref, la réponse serait négative.

  9   Q.  Est-ce que vous connaissez les livres rédigés par le général Branko

 10   Mamula, le Dr Momcilo Lazovic ou le Dr Milenko Stezevic [phon] ?

 11   R.  Encore une fois, la réponse est non, comme pour la question précédente.

 12   Q.  D'accord. S'agissant des documents que vous a fournis le bureau du

 13   Procureur pour lecture et sur lesquels vous vous êtes fondé pour dégager

 14   votre opinion, j'aimerais savoir si ces documents incluent la stratégie de

 15   Défense populaire généralisée et la protection de la RSFY, qui porte la

 16   cote 17295 de la liste 65 ter en l'espèce ?

 17   R.  Je ne vois pas le document à l'écran pour l'instant, mais cela ne va

 18   pas tarder. Je voudrais vous dire que pendant la pause, j'ai réfléchi à une

 19   partie de notre conversation. Lorsque vous parliez de doctrine militaire,

 20   et lorsque moi je vous ai dit que la doctrine consistait en la pensée d'une

 21   armée, je pense qu'à ce sujet justement, le concept de la Défense populaire

 22   généralisée constituerait une stratégie plutôt qu'une doctrine. C'est de

 23   cette façon-là qu'on l'a formulée au début des années 1940, et c'était la

 24   stratégie qui a mené la JNA à sa dissolution au début des années 1990. Ah,

 25   voilà, le document est affiché. Ce document s'appelle un document

 26   stratégique, et voilà pourquoi j'ai fait ce distinguo entre stratégie et

 27   doctrine. Et quand on parle de questions militaires, la terminologie peut

 28   varier.


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  1   Q.  Très bien.

  2   M. IVETIC : [interprétation] Affichons le document 17293 de la liste 65

  3   ter. Il s'agit d'un livre de la JNA datant de 1983 sur le commandement et

  4   le contrôle.

  5   Q.  Et je voudrais vous demander si vous aviez accès à ce document et si

  6   vous l'avez lu dans le cadre de votre déposition en l'espèce ?

  7   R.  Attendons qu'il s'affiche à l'écran, alors.

  8   Q.  Passons à la deuxième page en anglais, s'il vous plaît, c'est la partie

  9   qui m'intéresse. Est-ce que vous vous souvenez avoir lu ce livre, Monsieur

 10   ?

 11   R.  Non. Je ne pense pas, non.

 12   M. IVETIC : [interprétation] Regardons le document 25695 de la liste 65 ter

 13   à présent.

 14   Q.  Il s'agit des règles de service de 1985 des services armés. Et je vous

 15   repose la même question : est-ce que vous avez lu ce document dans le cadre

 16   de votre déposition en l'espèce ? Est-ce que l'on vous l'a fourni ?

 17   R.  Franchement, je ne m'en souviens pas. J'ai consulté plusieurs documents

 18   traitant de la JNA parce qu'ils étaient pertinents pour étudier les

 19   origines de l'armée des Serbes de Bosnie. Je ne me souviens pas, je ne peux

 20   pas vous dire si j'ai consulté ce document ou pas. Et je suppose que vous

 21   allez m'en présenter deux ou trois autres. Mais je ne m'en souviens pas. En

 22   revanche, j'ai compris que la VRS tirait son origine dans la JNA et ses

 23   différents règlements et documents.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, je vois que vous vous

 25   êtes levé.

 26   M. GROOME : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Peut-être que je

 27   pourrais aider Me Ivetic. Il pose des questions sur des documents que le

 28   général Dannatt a consultés mais qu'il ne cite pas dans son rapport.


Page 19125

  1   J'aimerais attirer son attention sur un courriel qui a été envoyé par le

  2   bureau du Procureur en date du 5 juillet 2012 où nous avons fourni une

  3   liste de tous ces documents.

  4   M. IVETIC : [interprétation] Je pense que cela va répondre à quelques

  5   questions que je comptais poser. Merci beaucoup, Monsieur Groome, de ces

  6   informations.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci aussi.

  8   M. IVETIC : [interprétation]

  9   Q.  Est-ce que vous avez eu l'occasion de mener des recherches ou d'étudier

 10   le régime d'instruction militaire qui était en place en RSFY avant 1992 et

 11   qui était d'application pour les officiers de l'armée ?

 12   R.  Non, je n'ai pas étudié cela en particulier.

 13   Q.  Lors de l'interrogatoire principal, vous avez déclaré que les officiers

 14   étaient envoyés pour instruction en Union soviétique. J'aimerais savoir si

 15   dans le cadre de votre expertise et dans le cadre de votre recherche, vous

 16   avez constaté qu'en fait les officiers yougoslaves étaient également

 17   envoyés pour instruction aux Etats-Unis d'Amérique; par exemple, le général

 18   Kadijevic, qui était le ministre de la Défense yougoslave en 1991 et 1992,

 19   qui a suivi des cours au commandement de l'armée américaine et au collège

 20   de l'état-major général alors qu'il était colonel ?

 21   R.  Cela ne me surprend pas, et cela est lié à ce que nous avions dit tout

 22   à l'heure, à savoir que nous savons tous que l'ex-Yougoslavie avait une

 23   place assez particulière dans les pays signataires du Pacte de Varsovie et

 24   que l'ex-Yougoslavie était plutôt influencée par le bloc soviétique.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous êtes en train de nous dire que

 26   cela ne vous surprend pas de savoir que M. Kadijevic ait été instruit aux

 27   Etats-Unis, mais vous ne le saviez pas ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur, je n'en suis pas sûr. Mais cela


Page 19126

  1   ne me surprend pas.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire, alors, si les

  3   officiers qui étaient envoyés pour instruction en Union soviétique étaient

  4   nombreux ou s'agissait-il d'une exception, un, deux, trois ? Etaient-ils

  5   envoyés par centaines ?

  6   Monsieur Groome, vous voulez dire quelque chose ?

  7   M. GROOME : [interprétation] J'aimerais avoir la référence des propos de ce

  8   matin. Je ne retrouve pas la citation.

  9   M. IVETIC : [interprétation] Je pense qu'il a parlé de Moscou plutôt que de

 10   l'Union soviétique.

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non, il a dit en Russie.

 12   Cela, peut-être, va vous aider à trouver le passage pertinent.

 13   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge, d'avoir cet œil acéré

 14   qui me manque parfois.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, pour répondre à votre question,

 16   Monsieur, je ne connais pas les chiffres exacts, mais je sais que plusieurs

 17   personnes sont allées dans des académies russes pour y étudier.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous pose cette question parce que la

 19   question qui a été posée suggère plus ou moins que ces personnes n'étaient

 20   envoyées pas uniquement en Russie mais aussi aux Etats-Unis, ou tout du

 21   moins que certains y ont suivi leur instruction. J'aurais aimé avoir une

 22   idée de grandeur. J'aimerais savoir s'il était coutume de les envoyer en

 23   Occident, ou plutôt, à l'Est ? C'est une question qui m'est venue à

 24   l'esprit. Si les parties ont des informations à ce sujet, cela pourrait

 25   m'aider ainsi que mes collègues.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Personnellement, je dirais qu'ils étaient

 27   plutôt envoyés vers l'Est que vers l'Occident. Parce que la structure de

 28   commandement et de contrôle de la JNA et de la VRS se fondait sur le


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  1   système de commandement et de contrôle centralisé qui est celui du Pacte de

  2   Varsovie et des armées de l'Est. Si un grand nombre s'était rendu dans les

  3   académies militaires des Etats-Unis, on aurait constaté alors qu'avec le

  4   temps, la JNA ou la VRS allait plutôt embrasser la doctrine de commandement

  5   et de contrôle de l'Occident, et pas celle des armées de l'Est et de l'ex-

  6   bloc soviétique et du Pacte de Varsovie.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, veuillez continuer.

  8   M. IVETIC : [interprétation] Merci.

  9   Q.  J'aimerais passer à un autre sujet. Je voudrais revenir à votre

 10   déclaration, la pièce P2629, marquée aux fins d'identification, page 2 en

 11   anglais et pages 1 et 2 pour la version serbe, paragraphe 5. En attendant

 12   que le document s'affiche, j'aimerais vous donner quelques explications,

 13   Monsieur. On y parle des visites de terrain que vous avez menées à

 14   différents emplacements en Bosnie, et vous y étiez accompagné par

 15   l'enquêteur, M. Ruez, et le représentant du bureau du Procureur, M. Andrew

 16   Cayley. J'aimerais savoir si, lors de ces visites sur site, M. Ruez ou M.

 17   Cayley vous ont donné des informations sur ce qu'ils pensaient s'être passé

 18   là-bas ?

 19   R.  Pour répondre brièvement, oui.

 20   Q.  Vous êtes-vous fondé sur ce qu'ont avancé Ruez et Cayley comme étant

 21   des faits d'autorité concernant ce qui s'est passé à ces endroits-là ?

 22   R.  Dans le sens général, oui; mais lorsque je me suis rendu à ces

 23   endroits-là, sur la base de mes observations des bâtiments, des sites

 24   d'enfouissement et de réenfouissement, il était tout à fait raisonnable de

 25   conclure ce qui a pu s'y passer ou pas. Mais, effectivement, c'est une

 26   information qui m'a été transmise surtout par M. Jean-René Ruez, un

 27   enquêteur français, qui avait passé beaucoup de temps à élaborer tout ceci

 28   et à m'informer de tout ceci en détail. Et je dois dire que mon opinion


Page 19128

  1   s'est, dans une grande mesure, basée sur les informations que j'ai reçues.

  2   Q.  Maintenant, compte tenu de l'information qui vous a été donnée par M.

  3   Jean-René Ruez, est-ce que vous estimez que cette information était plutôt

  4   partiale ou impartiale, cette information qui vous a permis de vous forger

  5   des opinions ?

  6   R.  Je ne crois pas que je pourrais considérer que ces informations étaient

  7   partiales; le fait qu'elles semblaient nous mener vers différentes

  8   conclusions, peut-être. Mais il y avait huit [comme interprété] hommes et

  9   enfants musulmans qui avaient été tués, enfouis, dans la plupart des cas

 10   exhumés et réenfouis, dans un secteur qui était placé sous le contrôle de

 11   la population serbe de Bosnie. Je crois donc que j'ai pu tirer mes propres

 12   conclusions quant aux auteurs de manière générale. Mais ce n'est pas à moi

 13   de dire qui avait une responsabilité précise. Qui étaient les auteurs, cela

 14   n'est pas à moi de le dire.

 15   Q.  Très bien.

 16   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on prenne 1D1448

 17   dans le prétoire électronique.

 18   Q.  Il s'agit d'extraits de votre autobiographie, document que nous avons

 19   vu un peu plus tôt. Mais pendant que l'on attend l'affichage de ce

 20   document, j'aimerais savoir si l'on vous a aidé à rédiger ce livre, est-ce

 21   que c'est vous qui en êtes l'auteur ?

 22   R.  Contrairement à la pratique et aux attentes, c'est moi-même qui ai

 23   rédigé ce livre entièrement tout seul.

 24   Q.  Je vous remercie. J'aimerais maintenant que l'on affiche la page 16

 25   dans le prétoire électronique. Ceci cadre avec la page 258 et 259 de votre

 26   livre -- de la copie papier. Et l'on voit également deux colonnes. L'on

 27   parle de la manière dont vous avez été retenu en tant que témoin expert, et

 28   j'aimerais vous poser des questions supplémentaires là-dessus. Donc je vous


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  1   demanderais de bien suivre avec moi. Ici, il est indiqué :

  2   "…le chef de l'état-major principal m'a appelé au téléphone et m'a demandé

  3   si je serais préparé à venir au Tribunal pénal international pour l'ex-

  4   Yougoslavie à La Haye afin de déposer en qualité de témoin expert dans un

  5   procès portant sur le massacre de Srebrenica en 1995. J'ai répondu que

  6   j'allais bien évidemment me plier à cette demande et je suis allé à

  7   plusieurs reprises en Bosnie et aux Pays-Bas afin de me préparer pour ma

  8   déposition. L'accusé était le général Radovan Krstic qui, en juillet 1995,

  9   était le commandant du Corps de la Drina de l'armée des Serbes de Bosnie.

 10   Il était allégué que ses troupes avaient mené à bien un massacre de plus de

 11   8 000 hommes et garçons musulmans autour de Srebrenica à la mi-juillet

 12   1995. Il était très clair de par les documents que j'ai examinés que

 13   l'intention derrière le massacre provenait du haut et que les ordres

 14   directs du général Krstic avaient été reçus du général Ratko Mladic lui-

 15   même. La question présentée devant la Cour était de savoir à quel point

 16   Krstic était impliqué personnellement. Pour me préparer pour cette affaire,

 17   je n'ai pas seulement eu des discussions très élaborées avec l'équipe du

 18   bureau du Procureur de La Haye, mais je me suis également rendu sur le site

 19   de l'exécution et des sites d'enterrement avec un officier de l'armée

 20   française, Jean-René Ruez. Il avait passé des années à enquêter le massacre

 21   et se sentait très proche de toutes les questions."

 22   Alors, tout d'abord, j'aimerais savoir si ceci reflète précisément la

 23   manière dont vous avez été contacté pour venir témoigner en tant que témoin

 24   expert dans l'affaire Krstic ?

 25   R.  Oui. Comme je l'ai dit un peu plus tôt, oui, c'est exact, c'est la

 26   façon dont j'ai été contacté.

 27   Q.  Et dans une partie que vous avez mentionnée un peu plus tôt

 28   aujourd'hui, est-ce que c'est le fait d'avoir passé en revue les documents


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  1   qui vous ont permis de conclure que l'intention derrière le massacre

  2   découlait des ordres directs du général Mladic, est-ce que c'est une

  3   conclusion à laquelle vous étiez parvenu avant d'avoir été appelé pour

  4   venir témoigner en tant que témoin expert dans l'affaire Mladic ?

  5   R.  Je suis en train de réfléchir à la question, et j'aimerais voir quels

  6   sont les propos qui ont encore été utilisés.

  7   C'était une opinion personnelle, et je crois que la transcription de

  8   ma déposition dans l'affaire Krstic n'inclut pas mon opinion, mais j'ai le

  9   droit de présenter une opinion et je peux également ne pas l'exprimer. Je

 10   l'ai exprimée dans mon livre, mais un livre est un livre. Ce n'est pas un

 11   témoignage que je présente devant la Cour.

 12   Q.  Pourriez-vous, je vous prie, identifier pour nous où sont les ordres

 13   directs que vous dites que Krstic a reçu de Mladic pour le massacre ? Sont-

 14   ils rédigés quelque part ?

 15   R.  Non. Je ne crois pas qu'ils sont rédigés quelque part, mais je crois

 16   que j'ai le droit d'exprimer mon opinion dans un ouvrage.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dannatt, vous êtes en train de

 18   vous engager dans un débat, mais vous n'êtes pas en train de répondre à la

 19   question. Me Ivetic peut vous poser une question et vous êtes invité à

 20   répondre aux questions telles quelles vous sont posées plutôt que d'entrer

 21   dans un débat avec le conseil.

 22   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je n'ai pas voulu vous

 24   arrêter exactement à 14 heures 15, car je croyais que la question que vous

 25   alliez poser était une question qui vous était importante. C'est la raison

 26   pour laquelle nous allons lever l'audience quelques minutes plus tard.

 27   Monsieur Dannatt, j'aimerais vous inviter à rester avec nous pendant

 28   encore une demi-minute.

 


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  1   Et Maître Ivetic, dois-je conclure qu'à la lumière du fait que vous

  2   avez passé plus d'une heure ou près d'une heure et demie, que vous aurez

  3   besoin d'encore de temps ?

  4   M. IVETIC : [interprétation] Oui, encore deux heures et demie, Monsieur le

  5   Président. Quatre heures au total, en fait, donc un autre deux heures et

  6   demie.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc, vous allez pouvoir

  8   conclure demain et M. Groome aura l'occasion de poser des questions

  9   supplémentaires.

 10   M. IVETIC : [interprétation] Oui, je crois que cela est tout à fait

 11   possible. C'est mon intention.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Alors, Monsieur Dannatt,

 13   j'aimerais vous demander de ne pas vous entretenir avec qui que ce soit du

 14   témoignage que vous avez donné aujourd'hui ou concernant le témoignage que

 15   vous êtes sur le point de donner demain. Nous aimerions vous revoir demain

 16   matin dans cette même salle d'audience à 9 heures 30. Vous pouvez

 17   maintenant suivre l'Huissier.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 19   [Le témoin quitte la barre]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'audience sera maintenant levée. Nous

 21   allons reprendre nos travaux demain matin, salle d'audience numéro III, 12

 22   novembre, à 9 heures 30.

 23   --- L'audience est levée à 14 heures 20 et reprendra le mardi, 12 novembre

 24   2013, à 9 heures 30.

 25  

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