Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 27 juin 2014

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 31.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde.

  6   Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

  8   Il s'agit de l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 10   En attendant que le témoin soit escorté dans le prétoire, je voudrais

 11   rappeler les parties que la Chambre leur a demandé, et ceci le 23 [comme

 12   interprété] juin, de nous fournir l'échelle des cartes qui ont été versées

 13   au dossier en tant que pièces D526 et P6599. Et je vous demande de vous

 14   référer au compte rendu d'audience, 22 904 et 905.

 15   [Le témoin vient à la barre]

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, si les parties ont été en mesure

 17   de vérifier cela, eh bien, vous pouvez peut-être vous exprimer là-dessus.

 18   M. STOJANOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 19    Hier, j'ai rencontré M. Shin et nous nous sommes mis d'accord que nous

 20   allions le faire en l'espace d'une semaine. A ce moment-là, nous allons

 21   vous communiquer une réponse commune.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et mis à part les échelles, il

 23   faudrait aussi voir quelles sont les cotes correspondant aux cartes, parce

 24   que si vous élargissez la carte, il vous faut quand même des références par

 25   rapport à la nouvelle carte, par rapport à cet agrandissement, donc gardez,

 26   s'il vous plaît, l'échelle et les cotes.

 27   Bonjour, Monsieur le Témoin.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais vous rappeler à nouveau que

  2   vous êtes toujours tenu par la déclaration solennelle que vous avez

  3   prononcée au début de votre déposition, à savoir que vous allez dire la

  4   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  5   M. Groome va poursuivre son contre-interrogatoire.

  6   LE TÉMOIN : VLADIMIR RADOJCIC [Reprise]

  7   [Le témoin répond par l'interprète]

  8   Contre-interrogatoire par M. Groome : [Suite]

  9   Q.  [interprétation] Bonjour, Mon Colonel.

 10   R.  Bonjour.

 11   Q.  Hier, quand je vous ai posé ma dernière question -- enfin, je vais

 12   continuer dans la même veine.

 13   Hier, je vous ai promis la possibilité d'examiner à nouveau votre

 14   déclaration dans l'affaire Karadzic et vous avez parlé de "l'encerclement"

 15   ou bien "l'encerclement partiel", et je voudrais vous rappeler ce que vous

 16   avez dit au compte rendu d'audience 23 108 :

 17   "Ce problème que nous avions avec les termes d'encerclement et un

 18   encerclement partiel, je pense que si vous examinez ma déposition dans

 19   l'affaire Karadzic, je pense que là vous allez justement trouver le terme

 20   'encerclement partiel'. Et je vais vous demander de faire cela pour

 21   résoudre le problème. Parce que moi, j'ai travaillé dans -- enfin, à

 22   l'académie militaire, j'étais professeur de tactiques militaires, et je

 23   doute vraiment que j'aie pu utiliser le terme 'encerclement' alors qu'il

 24   s'agissait d'un 'encerclement partiel'. Donc, si je l'ai fait, il s'agit là

 25   d'une erreur tout à fait non intentionnelle."

 26   Et donc, hier, je vous ai justement fourni un exemplaire de votre

 27   déposition dans l'affaire Karadzic et je vous demande est-ce que vous avez

 28   eu la possibilité de l'examiner ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Est-ce que vous avez pu trouver les termes "encerclement partiel" dans

  3   cette déposition ?

  4   R.  Non.

  5   M. GROOME : [interprétation] Je vais demander que l'on voie sur l'écran

  6   cette déclaration. A savoir, 1D02128.

  7   Q.  Et donc, comme vous allez le voir sur l'écran, je vais tout d'abord

  8   attirer votre attention sur le paragraphe 4. Donc, dans le paragraphe 4,

  9   vous faites référence aux troupes de l'ABiH déployées dans le cercle

 10   extérieur; est-ce bien cela ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Si nous examinons le paragraphe 6, vous allez voir que dans le premier

 13   cercle [comme interprété] on parle de l'encerclement du Corps de Sarajevo-

 14   Romanija par un "cercle interne et externe", et ils étaient encerclés par

 15   les troupes de l'ABiH. Vous allez trouver exactement ces termes.

 16   M. IVETIC : [interprétation] Dans la version en B/C/S, on ne trouve pas le

 17   même ordre. Donc, le paragraphe 5 et 6 sont remplacés.

 18   M. GROOME : [interprétation]

 19   Q.  Donc, voici le premier paragraphe. La première [comme interprété]

 20   phrase :

 21   "Ma brigade était encerclée par un anneau externe."

 22   Et ensuite, on voit :

 23   "Le Corps de l'ABiH tenait le Corps de Sarajevo-Romanija encerclé et

 24   avait plus d'éléments que nécessaire."

 25   Et donc, est-ce que j'ai raison de dire, au vu de votre déposition d'hier,

 26   que ce terme que vous avez utilisé ici, à savoir l'encerclement, eh bien,

 27   que ce n'est pas le bon terme ?

 28   R.  Oui. Et je vous demanderais de corriger cela, parce que là il s'agit


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  1   d'un "encerclement partiel". Parce que quand on examine la carte, on voit

  2   bien qu'on n'a pas été complètement encerclés. En tout cas, pas ma brigade,

  3   ni mon corps d'armée non plus.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Radojcic, écoutez, nous ne

  5   pouvons rien changer dans une déposition que vous avez donnée dans une

  6   autre affaire. Maintenant, cela se trouve dans le compte rendu d'audience,

  7   vous l'avez corrigé dans votre déposition en l'espèce, et cela suffira.

  8   Vous pouvez poursuivre.

  9   M. GROOME : [interprétation]

 10   Q.  Hier, quand vous avez parlé de cela, vous avez dit :

 11   "J'ai été embauché -- enfin, je travaillais à l'académie militaire en tant

 12   que professeur de tactiques. J'ai des doutes que j'aie pu utiliser le mot

 13   'encerclement' à la place de 'encerclement partiel'."

 14   Et là, je me pose la question de savoir comment un professeur de

 15   l'académie militaire, professeur de tactiques, a pu utiliser lors de deux

 16   de déposition dans deux affaires différentes à tort ce terme "encerclement"

 17   au lieu de parler de "encerclement partiel" ?

 18   Comment expliquez-vous cela ?

 19   R.  Ecoutez, je n'ai pas d'explication. Ecoutez, personne n'a relevé cela

 20   lors de la première déposition. Moi-même, je ne l'ai pas relevé. Bon,

 21   maintenant je le vois. Et je n'ai pas d'explication raisonnable. C'est sans

 22   doute une faute de frappe, et j'ai fait une faute, moi aussi, pour ne pas

 23   l'avoir remarqué.

 24   Q.  Est-ce que qui que ce soit vous a suggéré justement de parler de

 25   "l'encerclement" quand il s'agit de la disposition de vos troupes dans la

 26   zone de Sarajevo ?

 27   R.  Non. De façon catégorique, je dirais non.

 28   Q.  Très bien. Nous n'allons pas poursuivre dans ce sens. Si vous voulez


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  1   ajouter quoi que ce soit, vous pouvez le faire, évidemment.

  2   R.  Ecoutez, je suis vraiment mal à l'aise de m'être retrouvé dans une

  3   situation pareille. Dans ma déclaration écrite, on peut lire "encerclement"

  4   alors qu'on voit à l'œil nu qu'on ne peut pas vraiment encercler. Bon,

  5   c'est moi qui me suis trompé, parce que toutes les cartes, tous les

  6   documents montrent bien qu'on n'était pas vraiment encerclés. Alors, ça

  7   serait complètement absurde de dire qu'on se trouvait encerclé dans un

  8   étau.

  9   Q.  Bon. Nous allons reprendre là où nous nous sommes arrêtés hier.

 10   M. GROOME : [interprétation] Et je vais demander à cet effet de voir sur

 11   l'écran P6616. Là, vous allez voir toute une série de photos. Et je vais

 12   demander de voir la dernière page de ce document.

 13   Q.  On va attendre que cela apparaisse sur l'écran.

 14   Donc, hier, vous étiez d'accord avec moi pour dire qu'on ne pouvait pas --

 15   donc, vous êtes d'accord avec moi pour dire que sur ce lance-roquettes

 16   multiples modifié on ne voit pas la tourelle, et donc, l'ajustement ne peut

 17   pas être fait par des mouvements latéral ou horizontal le long des rails

 18   pour changer l'azimut, mais on doit le faire en changeant la direction des

 19   roues du véhicule ou bien en faisant avancer ou se déplacer le véhicule qui

 20   porte le lance-roquettes multiples ?

 21   R.  Eh bien, oui. Mais moi, je peux vous dire que même sans la tourelle,

 22   ces lance-roquettes étaient tout à fait en mesure de déplacer la bombe

 23   aérienne et de changer l'azimut ou la trajectoire.

 24   Q.  Donc, vous dites que le lanceur que vous -- le lanceur que vous aviez

 25   au sein de votre brigade n'avait pas de tourelle ? C'est bien cela que vous

 26   dites ?

 27   R.  Pas le type de tourelle qu'on a vue dans des manuels, mais en tout cas

 28   on avait un mécanisme qui nous permettait de déplacer la bombe et de


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  1   changer la direction, et cetera.

  2   Q.  Autrement dit, quand ce camion est garé, les rails sont face au nord et

  3   le lanceur est dirigé vers le nord. Mais si vous voulez tirer cette bombe

  4   vers l'est, que faites-vous ?

  5   R.  Ecoutez, ce n'était pas vraiment nécessaire de déplacer le lanceur lui-

  6   même. Il fallait tout simplement diriger le véhicule vers la cible, et

  7   ensuite les servants font un ajustement fin en utilisant la manette pour le

  8   diriger plus précisément vers la cible.

  9   Q.  Donc, si j'ai bien compris, ce camion va être dirigé vers la direction

 10   de façon générale, et ensuite, à l'aide de l'ajustement plus précis, vous

 11   pouvez encore peaufiner et préciser davantage la direction des rails ?

 12   R.  C'est exact.

 13   Q.  Est-ce qu'il se trouve quoi que ce soit sur ce véhicule qui permet

 14   d'ajuster de façon très précise la trajectoire de la roquette que l'on va

 15   tirer, ou bien est-ce qu'on se sert d'un compas tout simplement ?

 16   R.  Ecoutez, je ne le sais pas. Je ne sais pas répondre avec précision…

 17   Q.  Mais pour que les choses soient bien claires, ce mouvement que vous

 18   faites à l'aide de ce levier, c'est un mouvement qui va aller de gauche

 19   vers la droite et de la droite vers la gauche ?

 20   R.  Oui. Dans les deux sens, latéralement, cela dépend de la direction que

 21   vous voulez obtenir.

 22   Q.  Je vous ai demandé si vous deviez utiliser un véhicule particulier, et

 23   vous avez dit que non, mais qu'il fallait quand même y avoir une sorte

 24   d'hydraulique pour changer l'inclinaison de l'arrière du véhicule. Est-ce

 25   que vous vous souvenez avoir dit cela ?

 26   R.  Oui, oui.

 27   Q.  Donc, le véhicule qui dispose de ce mécanisme, eh bien, ce serait un

 28   camion de type dumper, qui va, par exemple, contenir une charge et qui va


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  1   pouvoir déverser ensuite en inclinant la benne ?

  2   R.  Oui, je pense que c'est bien cela.

  3   Q.  C'était bien cela que vous avez utilisé pour placer votre lanceur ?

  4   R.  Oui, je pense que oui.

  5   Q.  Je voudrais qu'on parle encore de ces bombes aériennes modifiées, et de

  6   l'agissement de leur tir. Donc ces lanceurs n'avaient pas de canon, n'est-

  7   ce pas, ils tiraient la bombe à l'aide des rails; est-ce exact ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  On va oublier pour l'instant la bombe aérienne, en ce qui concerne la

 10   roquette, cette roquette ne pouvait pas être tirée avec précision si on

 11   n'utilisait pas les canons fournis par les producteurs; est-ce exact ?

 12   M. IVETIC : [interprétation] Objection, car on demande au témoin de se

 13   livrer à des conjectures, et puis on lui demande aussi de répondre aux

 14   questions auxquelles devrait répondre un expert, et puis la traduction

 15   n'est pas bonne.

 16   M. GROOME : [interprétation] Eh bien, M. Ivetic a posé beaucoup de

 17   questions au sujet de la façon dont on se sert des bombes aériennes. Et

 18   moi, je pose des questions à ce sujet, je pense que j'ai absolument le

 19   droit de lui poser des questions pour voir quelles sont ses connaissances

 20   là-dessus.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

 22   L'objection est rejetée.

 23   M. GROOME : [interprétation]

 24   Q.  Est-ce qu'on pouvait tirer une roquette de type Plamen sans utiliser

 25   les canons, est-ce qu'on pouvait la tirer avec précision ?

 26   R.  Ecoutez, je ne peux pas répondre à la question, mais en tout cas je

 27   pense que je ne peux pas répondre de façon précise.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et qu'est-ce que vous pourrez nous dire


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  1   de façon non précise ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, je vous ai dit tout simplement que je

  3   ne dispose pas de connaissance pour répondre à la question, pas de façon

  4   précise.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous voulez dire que vous ne

  6   savez rien à ce sujet, ou vous pouvez tout simplement nous dire ce que vous

  7   savez à ce sujet, puis les Juges vont juger de la pertinence de votre

  8   réponse.

  9   Est-ce que vous pouvez dire quoi que ce soit à ce sujet ou bien vous

 10   ne savez rien là-dessus ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Quand je suis venu déposer ici, j'ai voulu

 12   déposer des choses que je connais très bien, dont je ne peux parler sans

 13   aucun problème.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, vous êtes ici pour répondre de la

 15   manière que vous puissiez aux réponses [comme interprété] que l'on vous

 16   pose. Vous nous dites votre réponse, si vous dites que vous savez rien à ce

 17   sujet, évidemment vous pouvez le dire, on va passer à une autre question.

 18   Mais si vous avez quelque connaissance à ce sujet pour répondre à la

 19   question donc, eh bien, faites-le, et ensuite les Juges vont juger de la

 20   qualité, la pertinence de votre réponse pour voir si on peut l'utiliser ou

 21   non, et si on va lui accorder un certain poids ou non.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai voulu tout simplement être honnête,

 23   correct, et aider à éclaircir les mystères, pour ainsi dire, de la bombe

 24   aérienne. Alors que là, on me pose des questions qui relèvent de

 25   l'expertise, d'une expertise précise, et je réponds d'une façon qui n'est

 26   pas très précise. Je voudrais que l'on sache que j'ai été le commandant de

 27   brigade, je n'étais pas chargé de construire des lanceurs, et cetera.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous nous dites vos réponses, et si


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  1   vous ajoutez que vous n'êtes pas vraiment sûr de votre réponse, mais que

  2   vous répondez sur la base de vos connaissances ou de votre expérience, vous

  3   pouvez tout simplement le dire. N'entrez pas dans les débats avec les Juges

  4   de la Chambre. Concentrez-vous sur les questions posées par M. Groome.

  5   Est-ce que vous êtes en mesure de dire quoi que ce soit à ce sujet ou non ?

  6   Si vous pouvez dire quoi que ce soit à ce sujet, eh bien, faites-le, s'il

  7   vous plaît.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ce que je peux dire c'est que le lanceur

  9   des bombes aériennes ressemble au lanceur de la roquette russe Kacusa qui

 10   n'avait pas de canon, mais des rails, et pourtant c'était une roquette

 11   connue pour sa précision. C'est tout ce que je peux vous dire.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A vrai dire, nous avons entendu des

 13   éléments indiquant qu'il s'agissait là d'un missile qui n'était pas très

 14   précis. Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi vous pensez que ces

 15   missiles étaient très précis ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, c'est ce que j'ai entendu dire à la

 17   télévision ou en lisant des choses dans la presse, j'ai entendu beaucoup de

 18   dires au sujet de ces bombes aériennes. On dit des choses qui n'ont rien à

 19   voir avec la vérité. Ils parlaient de [inaudible]. Parfois, j'ai même

 20   entendu dire que les cratères de cette bombe pouvaient avoir un diamètre de

 21   300 à 400 mètres, c'est complètement absurde. Donc, je peux vous dire que

 22   j'ai entendu des choses qui ne correspondent absolument pas à la vérité.

 23   J'ai essayé d'être plus précis, parce que moi, je disposais d'une bombe

 24   aérienne dans ma brigade, dans mon armement, et donc j'ai essayé de vous

 25   donner des informations pour aider les Juges de la Chambre pour éclaircir

 26   ce mystère de l'utilisation tactique de cette arme, sans vraiment entrer

 27   dans des détails liés à la construction de cette arme, parce que là, je

 28   n'ai pas d'expertise dans ce sens. Mais moi, je peux vous dire de quelle


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  1   façon nous avons utilisé cette bombe, et pourquoi l'avons-nous utilisée.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Autrement dit, les autres n'avaient

  3   pas de connaissance, ils n'avaient pas d'expérience, et donc ne sont pas à

  4   même de dire quoi que ce soit concernant cela.  C'est ce que vous dites,

  5   autrement dit.

  6   Bon, Monsieur Groome, vous pouvez poursuivre.

  7   M. GROOME : [interprétation]

  8   Q.  Je vais revenir sur les questions que je vous ai posées, parce que je

  9   ne vous ai pas posé une question au sujet des bombes aériennes modifiées,

 10   mais au sujet du système de lance-roquettes Plamen.

 11   Pendant que vous avez travaillé en tant que commandant de la Brigade

 12   d'Ilidza, est-ce que vous avez jamais donné l'ordre à quelqu'un de tirer

 13   une roquette Plamen sans utiliser l'équipement des lance-roquettes muni de

 14   tubes ?

 15   R.  Eh bien, en ce qui concerne l'armement de ma brigade, nous n'avions pas

 16   de lance-roquettes multiple Plamen. Il n'y en avait pas dans aucune brigade

 17   du Corps de Sarajevo-Romanija.

 18   Q.  Mais est-ce que vous aviez d'autre système de lance-roquette ?

 19   R.  Ma brigade n'en avait pas, et je le dis de façon catégorique. Le

 20   système de lance-roquette Plamen, d'après les règles de la JNA, ne pouvait

 21   se trouver que dans les unités opérationnelles dans les corps et pas dans

 22   les forces de l'armée de terre. Cela ne faisait pas partie de l'équipement

 23   des unités tactiques.

 24   Q.  Je vais vous poser la question autrement. Vous avez été commandant de

 25   brigade et vous avez été instructeur aussi, est-ce que vous avez jamais

 26   entendu dire qu'on utilise par exemple, Plamen, Orkan ou Grom, sans canons,

 27   est-ce que vous avez jamais entendu parler d'une telle utilisation de ce

 28   système ?


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  1   R.  Non, jamais.

  2   Q.  Hier, vous avez dit qu'on pouvait utiliser les roquettes comme un

  3   mortier. Est-ce que vous avez jamais donné l'ordre de tirer un mortier sans

  4   utiliser le canon ou le tube ?

  5   R.  Techniquement, ce n'était pas possible.

  6   Q.  Ai-je raison de dire que techniquement il n'est pas possible de le

  7   faire parce qu'on ne peut pas provoquer la détonation de la charge sans

  8   utiliser le tube ?

  9   R.  Eh bien, c'est une solution technique qui est complètement différente.

 10   Le principe du fonctionnement de mortier est complètement différent; vous

 11   mettez l'obus dans le tube et ensuite, ça tombe, la charge s'active. Alors

 12   que le lance-roquettes suit un principe complètement différent. Là, c'est

 13   le tube qui fonctionne comme un système de guidage qui va propulser la

 14   roquette.

 15   Q.  Bien. Ai-je raison de dire que le poids d'une bombe aérienne modifiée

 16   la tient sur le dispositif de lancement jusqu'à l'allumage du combustible,

 17   et c'est là que les forces de gravitation agissent et que ce missile ou

 18   cette bombe commence à voler ?

 19   R.  Je n'ai pas de commentaire à faire.

 20   Q.  Vous ne savez pas ?

 21   R.  Je ne sais pas.

 22   Q.  Vous allez vous souvenir du fait qu'hier, je voulais me concentrer sur

 23   certains aspects concrets du sujet. Nous allons passer maintenant sur vos

 24   tableaux de tir provisoire dont vous avez déjà parlé. Et vous avez précisé

 25   que c'était provisoire comme tableaux de tir pour des bombes aériennes

 26   modifiées, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Pour être bien certain d'avoir correctement compris les tableaux de


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  1   tir, ai-je raison de dire que ces tableaux de tir pour Plamen sont

  2   différents de ceux d'Orkan ?

  3   R.  Je pense que ces tableaux sont différents.

  4   Q.  Donc chaque système d'armement ou chaque pièce d'artillerie utilisant

  5   des éléments balistiques dispose de tableaux de tir à soi, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Quand un expert en matière technique ferait des tableaux de tir pour

  8   des bombes aériennes modifiées, ce type d'expert était censé faire un

  9   tableau de tir à part pour une bombe de 100 kilos ou une bombe de 250 kilos

 10   ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Et alors il faudrait faire des tableaux de tir à part pour tout type de

 13   configuration. Il devrait y avoir trois jeux de tableaux de tir pour, par

 14   exemple, une bombe de 100 kilos qui est mue par une fusée Plamen, ou Orkan,

 15   ou Grom. Donc chacun de ces dispositifs disposerait d'un tableau de tir

 16   différent ?

 17   R.  Etant donné qu'il s'agit d'un missile différent, d'une charge

 18   différente et d'un poids différent, il me semble logique que chacun ait son

 19   propre tableau de tir.

 20   Q.  Et serait-il logique - ça peut vous paraître évident - serait-il

 21   logique de dire qu'une configuration pour une bombe de 250 kilos utilisant

 22   trois fusées Plamen, et une autre utilisant quatre fusées de propulsion

 23   Plamen, devrait disposer de tableaux de tir différent ?

 24   R.  Je vous ai dit hier que nous avions un dispositif de lancement avec

 25   trois fusées de lancement, trois moteurs. Et j'ai dit, je me suis trompé

 26   lors du procès précédent en disant quatre. Donc, je peux vous parler de

 27   missiles mus par trois moteurs de fusée.

 28   Q.  Ma question était celle de savoir s'il y avait eu un autre système


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  1   d'utilisé avec un nombre différent de moteurs de fusée, ce système devrait

  2   avoir un tableau propre à lui pour ce qui est des tirs, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Alors, pour élaborer un tableau de tir, les experts, les techniciens

  5   tirent des dizaines de munitions variées pour déterminer avec un degré

  6   assez élevé de fiabilité la trajectoire balistique; c'est bien cela ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Est-ce que vous nous dites dans votre témoignage, étant donné qu'il n'y

  9   a pas eu de munitions ou il y avait des pénuries de munitions importantes,

 10   qu'elle avait été la situation de la VRS dans cette phase ultérieure de la

 11   guerre et le fait qu'il eut fallu tirer de grandes quantités de munitions

 12   pour établir des tableaux de tir appropriés, ça posait problème ?

 13   R.  Ça c'est une question qu'il faut poser à un expert.

 14   Q.  Bien. Le dernier des témoins à avoir témoigné avant vous, M. Veljovic,

 15   page du compte rendu d'audience 22 949, il a témoigné cette semaine ce

 16   monsieur, il nous a affirmé qu'il n'y avait pas eu de tableaux de tir, ni

 17   provisoire ni autre, pour ce qui est des bombes aériennes modifiées. Il est

 18   évident que vous ne pouvez pas tous les deux avoir raison sur ce point.

 19   Alors, est-il possible que jamais aucun tableau de tir temporaire n'ait été

 20   envoyé à l'intention de la brigade ?

 21   R.  Je ne sais pas ce que M. Veljovic a pu déclarer. Mais il est absurde

 22   d'affirmer que l'on procède à des tirs sans aucun élément de départ. Nous

 23   avons disposé de tableaux de tir, j'ai dit que c'était provisoire. Ils

 24   étaient provisoires parce que ce n'était pas une arme qui n'était en

 25   permanence mise à la disposition de type de formation qui était la nôtre.

 26   Mais j'affirme que personne ne nous aurait donné ce genre de tableaux sans

 27   avoir essayé et procédé à des tirs pour élaborer ce type de tableaux. Ce

 28   que M. Veljovic a déclaré peut être expliqué par ses connaissances


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  1   insuffisantes en matière de dispositifs de lancement et de bombes de ce

  2   type. Et pour autant que je le sache, il n'a pas possédé, lui, de

  3   dispositifs de lancement de ce genre.

  4   Q.  Je voudrais vous donner lecture d'une chose, il s'agit d'une question

  5   qui vous avait été posée par Mme Edgerton dans l'affaire Karadzic au sujet

  6   des tests effectués pour ce qui est de ces bombes aériennes modifiées.

  7   M. GROOME : [interprétation] Page de compte rendu 31 250, et j'aimerais

  8   qu'on nous affiche la pièce 65 ter 30850, prétoire électronique page 43.

  9   Q.  La question qu'on vous a posée était la suivante :

 10   "Question : Combien de fois a-t-on tiré cela ?"

 11   Et vous avez dit :

 12   "Vous parlez de la zone de responsabilité de ma brigade ?

 13   "Question : Non, pendant les tests, combien de tirs y a-t-il eu ?"

 14   Et vous avez répondu :

 15   "Malheureusement, je ne peux pas vous le dire. Toutefois, si nous avons

 16   obtenu ce qu'il est convenu d'appeler des tableaux de tir provisoire, cela

 17   signifie que ceux qui nous ont communiqué ces tableaux de tir devaient

 18   posséder des informations pertinentes partant desquelles ils pouvaient

 19   exprimer une opinion pour ce qui est du lancement des bombes avec ces

 20   dispositifs de lancement et que c'était faisable."

 21   Est-ce que vous maintenez ce type de réponse ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Dans votre réponse fournie dans l'affaire Karadzic, vous avez dit "si

 24   nous avons reçu des tableaux de tir." Alors, bien que j'accepte que vous

 25   estimez devoir avoir forcément dû recevoir ceci, je voudrais dire, moi, que

 26   vous n'avez pas gardé le souvenir d'avoir vu de vos yeux des tableaux de

 27   tir utilisés pour des bombes aériennes modifiées ?

 28   R.  J'ai vu personnellement ce tableau de tir accroché au dispositif de


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  1   lancement, et j'ai demandé au chef de l'artillerie ce que c'était. Il a dit

  2   c'est un tableau provisoire à l'aide duquel nous procédons à l'orientation

  3   des bombes et à la prise des éléments pour nos tirs. Alors, je le

  4   maintiens.

  5   Si j ai dit "si tant est que nous avons reçu", ça ne veut pas dire peut-

  6   être que nous avons reçu. On vous a peut-être traduit de la sorte. Mais

  7   j'ai voulu dire étant donné qu'on les a reçus, donc c'est certainement

  8   ainsi que cela se faisait.

  9   Q.  Pouvez-vous nous dire le nom du chef de cette unité d'artillerie qui

 10   vous a montré ce tableau de tir en expliquant ce qui s'y trouvait ?

 11   R.  Je crois qu'il s'appelait Bosiljcic Predrag.

 12   Q.  Je voudrais vous demander de nous épeler son nom de famille lettre par

 13   lettre.

 14   R.  B-o-s-i-l-j-c-i-c. Il n'y a pas de E entre le "lj" et le "ch".

 15   Q.  Bon. Merci. Vous n'avez pas possédé de tableaux de tir temporaires pour

 16   les mortiers ?

 17   R.  Pour les mortiers, nous avions des tableaux de tir permanents

 18   habituellement utilisés. C'était un manuel. Et pour ce qui est du tube du

 19   mortier, il y avait un extrait du livre du règlement de tir au mortier,

 20   c'était accroché. Une petite plaque métallique était accrochée au tube du

 21   mortier, ce qui fait que le tireur pouvait prendre les mesures nécessaires,

 22   les calculs de distance avec l'utilisation de ce tube. C'était fait pour

 23   des raisons purement pratiques.

 24   Q.  Vous venez de mentionner un manuel. Ai-je raison de dire que chaque

 25   type de mortier possédait un manuel fournissant aux soldats des

 26   informations relatives à la façon dont ça devait être entretenu, chargé et

 27   utilisé pour tirer, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui. Chaque mortier avait un règlement. Le 82 millimètres, puis le 120


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  1   millimètres, et le 60 millimètres aussi, un règlement avec toutes les

  2   données afférentes audit mortier. Et à la fin de ce règlement, il y avait

  3   un tableau de tir dont on avait accroché un extrait sur ces plaquettes,

  4   comme je vous l'ai dit tout à l'heure.

  5   Q.  Est-ce que ces règles englobaient des informations également pour ce

  6   qui est du type de cible et des cas concrets où le mortier était efficace ?

  7   R.  Oui. Dans le texte du règlement, il y avait des données afférentes au

  8   type d'obus utilisé par le mortier, et avec ces différents obus on tirait

  9   sur des cibles différentes. J'étais jeune sous-lieutenant quand j'étais à

 10   la tête d'une unité de ce type, ça, je peux vous l'expliquer dans le

 11   moindre détail.

 12   Q.  Je pense pour le moment que ceci nous suffit comme renseignement.

 13   Est-ce que dans ce règlement il est procédé à l'identification des

 14   cibles à l'encontre desquelles il ne convient pas d'utiliser ce type

 15   d'arme; par exemple, est-ce qu'on disait à ne pas utiliser dans tel cas de

 16   figure ou tel autre cas de figure ? Existait-il des informations ?

 17   R.  Non, il n'y avait pas ce type d'information. Ce qu'on écrivait, c'était

 18   à peu près trois types d'obus existent. L'obus momentané pour tirer sur des

 19   cibles à ciel ouvert. Il y a un fusible qui fait exploser l'obus tout de

 20   suite, et c'est destiné à détruire les effectifs de l'ennemi. Puis, il y

 21   avait les obus fumigènes, pour mettre de la fumée dans certains

 22   territoires, pour masquer nos déplacements lorsque nous lancions une

 23   attaque. Afin de ne pas être vus par l'ennemi, donc, on utilisait ces obus

 24   fumigènes. Et il y avait un troisième type d'obus, c'était les obus à

 25   luminosité très grande. Il y avait un parachute qui était activé au moment

 26   de la chute, et l'obus, en tombant, illuminait le territoire pour nous

 27   permettre de tirer de façon plus précise sur l'ennemi.

 28   Q.  Ai-je raison de dire que j'ai compris qu'il y avait un règlement


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  1   normatif pour ce qui est des tableaux de tir relatifs à chaque type

  2   d'équipement que vous aviez dans votre brigade ? Les obusiers, les pièces

  3   d'artillerie, il y avait donc à chaque fois un règlement avec des tableaux

  4   de tir à part ?

  5   R.  Vous avez raison. Ces règlements étaient mis à disposition aux

  6   personnes intéressées au sein de la brigade pour qu'elles puissent s'en

  7   servir.

  8   Q.  Vous nous avez dit qu'il y avait eu des tableaux de tir provisoires

  9   pour les bombes aériennes modifiées. Ai-je raison de dire qu'il n'y a pas

 10   eu de manuel relatif à leur utilisation et pour ce qui est de leur

 11   fonctionnement ? Ça n'a pas été rédigé, ce genre de chose ?

 12   R.  Non, ça n'a pas été rédigé. Parce que ce n'était pas une arme

 13   standardisée pour notre formation. Vous avez dit "modifié" vous-même, donc

 14   la modification s'est faite a posteriori. Afin de pouvoir les utiliser, on

 15   a établi des tableaux de tir provisoires. La fois passée, on avait parlé de

 16   ce que voulaient dire les tableaux provisoires. Eh bien, ces tableaux sont

 17   alors utilisés à titre provisoire jusqu'à l'élaboration d'un règlement en

 18   bonne et due forme, et les éléments qui sont donnés dans ce tableau se

 19   trouvent être pertinents.

 20   Q.  Bien --

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] En ce moment-ci, vous êtes en train

 22   de parler de tableaux de tir destinés aux bombes aériennes modifiées. Vous

 23   nous avez dit précédemment, je vous cite :

 24   "J'ai vu ce tableau de tir accroché à un dispositif de lancement."

 25   Est-ce que vous pouvez nous expliquer de quoi ça avait l'air ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas vous parler de détail. Je ne

 27   pense pas que cela ait été une pièce métallique. Ça devait avoir été

 28   accroché sur un carton et collé sur le dispositif de lancement. Je ne peux


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  1   pas vous en dire plus parce qu'à ce moment-là ça ne m'intéressait vraiment

  2   pas.

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais vous avez été intéressé par la

  4   chose à l'époque, parce que vous aviez posé la question au chef

  5   d'artillerie.

  6   Et c'est la raison pour laquelle je vous pose cette question : quelle

  7   était la taille de ce tableau de tir ? Je peux imaginer que cela se

  8   trouvait sur une plaquette métallique.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense c'était un format A4.

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Moi, j'aurais quelques questions

 12   supplémentaires à vous poser. Etait-ce écrit à la main, tapé ou imprimé ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était imprimé.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Combien de lignes y avait-il à peu près

 15   sur ce format A4 ? Y en avait-il dix ou 20 ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pense pas pouvoir vous répondre de façon

 17   précise. Mais il devait y avoir les éléments nécessaires, des éléments pour

 18   ce qui est du calcul des distances, du calcul des angles.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Mais dites-nous donc quels sont

 20   les éléments nécessaires.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour toute pièce d'artillerie, comme le

 22   mortier ou le dispositif de lancement de bombe aérienne, pour qu'on puisse

 23   s'en servir de façon précise, il faut qu'on ait la distance exacte à la

 24   cible. Sans avoir le calcul de distance, vous ne pouvez pas être précis

 25   dans vos tirs.

 26   Le deuxième élément, c'est un calculateur d'angle par rapport à la cible.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais qu'est-ce que vous pouviez voir sur

 28   cette pièce de papier ou métal, peu importe ce que c'était ? Qu'avez-vous


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  1   vu, c'est cela qui m'intéresse ? Qu'y avez-vous vu ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me suis entretenu avec le chef de

  3   l'artillerie à 20 mètres de la pièce. Je ne me suis pas approché, je n'ai

  4   pas cherché à connaître les détails. Je voulais savoir comment ils

  5   procédaient à leurs préparatifs. Je ne suis pas entré dans ce type de

  6   détails. Je m'excuse, mais je ne peux pas vous répondre.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Seriez-vous d'accord avec moi pour dire

  8   qu'aux fins de disposer d'un tableau de tir précis, même si c'est

  9   provisoire, vous devez avoir toute une liste d'angles de tir et de

 10   distances appropriées ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement. On devait savoir quelle est

 12   l'échelle qui nous montre les différentes distances. On montre la distance

 13   minimale et la distance maximale de tir. Entre ces deux limites extrêmes,

 14   il y a des données, pour autant que je m'en souvienne, par 10 ou 15 mètres

 15   de distance. Alors, à chaque 10 ou 15 mètres, l'élément de calcul de

 16   distance était gradé de la sorte. Je ne peux pas être plus précis. Il y

 17   avait donc par interpolation des éléments variables. Parce que, plus

 18   l'angle était grand, plus la distance était importante, et ainsi de suite.

 19   Alors, si on veut calculer la distance, comme je l'ai fait avec mes

 20   dispositifs de tir, c'était précis. Si on tire de façon indirecte, sans

 21   voir la cible, comme le Procureur l'a dit, on calculait les azimuts. Nous,

 22   on parle de calcul d'angle. Là, on doit prendre un compas, et c'était moins

 23   précis. Et pour viser directement, on y allait avec un élément de calcul de

 24   distance ou avec un laser pour avoir des éléments tout à fait précis.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A l'époque où vous avez tiré, étaient-ce

 26   des tirs directs ou pas ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelle était, plus ou moins, la portée


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  1   qui était couverte par ces bombes aériennes modifiées ? Quelle était la

  2   portée minimum et quelle était la portée maximum ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas vous répondre de façon précise.

  4   Je sais qu'il y avait une portée minimale et une portée maximale. Je peux

  5   supposer que le minimum ça devait être 500 ou 600 mètres. Le maximum était

  6   peut-être de l'ordre de 3 ou 4 kilomètres. Mais ça, je le dis partant de

  7   l'expérience qui est la mienne. Mais je ne peux pas être précis dans ma

  8   réponse.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Enfin, j'essaie de comprendre ce que

 10   vous voulez dire par là. Donc, tout l'éventail se trouvait dans vos

 11   évaluations. Pour prendre, par exemple, le minimum, 600 mètres, et le

 12   maximum c'était de 3 kilomètres, alors ça nous ferait 2 400 mètres d'écart

 13   entre l'un et l'autre.

 14   Et, à présent, vous êtes en train de nous dire que ce tableau de tir

 15   variait par zone de 10 ou 20 mètres. Alors, si on prenait le plus grand des

 16   écarts, disons 20 mètres par écart ou par cran, ça vous signifierait plus

 17   de 100 lignes au niveau de votre tableau, et c'était censé se trouver sur

 18   une feuille d'un format A4 ? Est-ce que c'est ce que vous nous dites ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous dire, pour vous rapprocher de la

 20   façon dont on s'est servis, et j'ai parlé avec bien des réserves de 600

 21   mètres à 3 kilomètres. Mais je ne connais pas les distances minimales et

 22   maximales. Ce que j'ai voulu vous expliquer, c'est l'interpolation entre le

 23   maximum et le minimum. J'ai donc dit avec des réserves qu'il s'agissait

 24   d'un minimum de 600 mètres et d'un maximum de 3 à 4 kilomètres. Mais je

 25   vous répète que je ne sais pas quel est le minimum et quel est le maximum.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes. Mais, bien entendu, j'ai vu dans

 27   ma vie et dans le métier que je fais des tableaux de tir qui sont des

 28   documents assez longs et assez complexes. Ça ne peut pas tenir dans un


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  1   format A4. Par conséquent, je me demande si, avec l'expérience qui est la

  2   vôtre, vous avez jamais vu un tableau de tir pour ce type de système

  3   d'armement qui tiendrait sur une feuille A4. C'est cela que j'ai voulu vous

  4   indiquer dès le départ et j'ai commencé à vous poser mes questions. Partant

  5   de votre expérience, si on a un écart ou un éventail de 600 mètres à 3

  6   kilomètres, et si on prend 500 mètres comme minimum, ou 600, peu importe,

  7   ce que je vous affirme, c'est que pour un tableau de tir de cette nature il

  8   faudrait bien plus qu'un format A4.

  9   Alors, je vous pose la question de savoir s'il en est ainsi et vous

 10   répondez que vous étiez en train de supposer en parlant de 600 mètres à 3

 11   ou 4 kilomètres…

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous prenez un règlement pour un mortier de

 13   82 millimètres, vous allez voir là-dessus que le tableau de tir se trouve

 14   sur plusieurs pages. L'extrait, quant à lui, l'extrait du règlement est

 15   accroché sur le tube du mortier. Il n'est pas d'un format A4. Il est d'un

 16   format A5. Ce n'est pas une liste complète. C'est un extrait.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Seriez-vous d'accord pour dire que

 18   si vous travaillez ou fonctionnez partant d'un extrait sans disposer d'un

 19   tableau complet de tir, ça peut influer de façon énorme sur la précision et

 20   les séquelles des tirs avec ce système ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Quand vous avez un équipage bien formé, non.

 22   Parce qu'ils savent que 2 500 mètres et 2 600 mètres, ils ont les données

 23   et ils savent quelles sont les distances. Par interpolation simple, ils

 24   diminuent la distance au niveau du dispositif de distance, où ils trouvent

 25   une valeur médiane qui est approximativement la plus proche de ce qui est

 26   exact.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites si vous avez un équipage bien

 28   formé et entraîné. Vous nous avez dit aussi qu'il y a eu à trois reprises


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  1   des tirs de bombes aériennes modifiées. Où cet équipage a-t-il été entraîné

  2   à des tirs avec des bombes aériennes modifiées ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est des gens qui ont probablement participé

  4   de façon active à tout ceci. Ils ont dû participer avec l'ingénieur qui

  5   s'est servi de leurs schémas pour la construction du dispositif.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous parlez de la production du

  7   système, de la fabrication. Mais travailler dans un atelier pour la

  8   construction pour ce type d'arme, cela équivaudrait à un entraînement sur

  9   le terrain lorsque l'on tire avec ce système ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire.

 11   C'est fait dans la zone de la brigade, le commandant a dû participer de

 12   façon active à la fabrication. Donc, dès le départ, il a dû avoir

 13   connaissance des détails.

 14   L'équipage qui a été utilisé pour le lancement, c'était un équipage

 15   expérimenté en matière d'obusiers et du reste. C'est des artilleurs

 16   expérimentés. Pour eux, ça ne devait pas poser problème pour ce qui est de

 17   procéder à des tirs réussis avec l'utilisation de ce type de tableaux.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et qu'en est-il -- parce que vous

 19   avez parlé de trois bombes aériennes qui ont été tirées. Avez-vous eu

 20   d'autres bombes aériennes modifiées; et qu'en est-il advenu ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je m'en souvienne, cela était

 22   de la responsabilité de mon adjoint chargé de la logistique. Je pense que

 23   nous en avions une dizaine de ces bombes. On en a utilisé trois. Les autres

 24   n'ont pas été utilisées. Après la signature des accords de Dayton, avec

 25   toutes les autres armes, ça a été transféré vers le secteur de la montagne

 26   Romanija, vers Sokolac. C'est là que le commandement du corps d'armée nous

 27   avait dit qu'il fallait entreposer les armes.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Le Juge Fluegge a des questions, me


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  1   semble-t-il.

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'ai une question de suivi.

  3   Mais donnez-moi un petit instant. Dans la réponse à la question du Juge

  4   Orie, vous avez dit, pour ce qui est de ce tableau de tir provisoire à

  5   format A4, vous avez dit que vous vous étiez entretenu avec le chef de

  6   l'artillerie.

  7   "Nous étions à quelque 20 mètres de la pièce ou du dispositif. Je ne

  8   me suis pas approché pour vérifier. Nous n'avons fait qu'en parler…"

  9   Et vous avez dit que vous aviez vu un tableau de tir accroché au dispositif

 10   de tir.

 11   Mais d'une distance de 20 mètres, que pouviez-vous, quel type de métal

 12   pouvait bien être accroché au dispositif de lancement ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Avant que l'équipage ne prépare le dispositif

 14   de lancement, je me suis approché du dispositif. C'était la première fois

 15   que je le voyais, et je l'ai examiné. Entre autres, j'ai remarqué ce

 16   tableau de tir. Par la suite, je me suis éloigné, et avec le chef

 17   d'artillerie, pendant que les autres faisaient leur travail, je me suis

 18   entretenu avec l'autre sur ce qui m'intéressait. Je n'ai pas été seulement

 19   qu'à 20 mètres. Je m'étais approché du dispositif avant son utilisation. Je

 20   voulais voir de quoi ça avait l'air parce que pour moi c'était nouveau, et

 21   ensuite je suis revenu sur mes pas.

 22   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et pourquoi avez-vous dit alors que

 23   vous ne vous étiez pas approché, si vous vous étiez approché ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais à une vingtaine de mètres lorsque la

 25   bombe a été lancée, c'est ce que j'ai dit. Mais avant cela, j'ai inspecté

 26   l'arme. C'est logique quand vous recevez quelque chose de nouveau, vous

 27   vous approchez pour voir de quoi ça l'air, et ensuite quand on va tirer

 28   vous vous éloignez pour observer de loin comment les choses fonctionnement.


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  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je ne vous ai pas demandé de nous

  2   dire quoi que ce soit de logique. Je vous ai demandé ce qui s'est passé sur

  3   le terrain. A un moment donné, vous avez dit que vous l'aviez vu et que

  4   vous ne vous étiez pas approché. Maintenant, vous nous dites que vous vous

  5   étiez approché pour en discuter plus tard à 20 mètres de distance. Vous

  6   vous êtes approché ou pas ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'étais approché, et je me suis éloigné par

  8   la suite. Tout ce que je vous ai dit est vrai.

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

 10   M. IVETIC : [interprétation] Si je puis attirer votre attention sur le

 11   compte rendu temporaire page 18, lignes 21 à 25, le témoin n'a jamais dit

 12   que c'était métallique.

 13   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] A examiner la page du compte rendu

 14   d'audience 18, ligne 23, Maître Ivetic, il semblerait que vous ayez raison.

 15   Mais, moi, j'avais entendu le témoin dire autre chose.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

 17   M. GROOME : [interprétation]

 18   Q.  Mon Colonel, au cours de ce dernier échange, --

 19   M. GROOME : [interprétation] En fait, Monsieur le Juge, il me semble que le

 20   moment est venu de faire une pause. Mais je souhaite apporter une

 21   correction parce que je crois qu'une erreur s'est glissée dans le compte

 22   rendu d'audience.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Si vous le pensez.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aimerais revenir au point qui a été

 25   soulevé tout à l'heure.

 26   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] A la page du compte rendu d'audience

 28   16, lignes 15 à 20 -- ou, plutôt, 15 à 19, voilà la réponse que vous avez


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  1   fournie :

  2   "Pour les mortiers nous avions des tableaux de tir ordinaires qui se

  3   présentaient sous forme de manuels et les extraits de ces tableaux étaient

  4   toujours fixés au tube de chaque mortier. Et c'était une petite plaque de

  5   métal qu'on rattachait au tube."

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je le vois. Monsieur le Témoin,

  7   permettez-moi de résumer.

  8   Vous avez évoqué les extraits des tableaux de tir qui étaient fixés sur des

  9   mortiers, et vous avez décrit les plaques de métal rattachées aux tubes du

 10   mortier. Mais, en fait, à un moment donné vous avez déclaré ne pas savoir

 11   de quelle façon ces extraits de manuel étaient fixés au système de

 12   lancement pour ce qui des bombes aériennes modifiées. Vous vous êtes lancé

 13   dans des conjectures en disant que peut-être on avait collé l'extrait du

 14   manuel sur une pièce de carton, et cetera. Je pense qu'au total c'est ainsi

 15   qu'on peut résumer votre déposition.

 16   Monsieur Groome, y a-t-il d'autres questions que vous souhaitez soulever

 17   pendant que le témoin est présent dans la salle d'audience.

 18   M. GROOME : [interprétation] Non, je pense qu'on a tout simplement mal

 19   consigné les propos du témoin et il m'a semblé bon de le tirer au clair

 20   avant la pause.

 21   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 22   M. GROOME : [interprétation]

 23   Q.  Mon Colonel, je pense qu'il y avait un malentendu au niveau du compte

 24   rendu d'audience, donc je vais vous donner lecture des propos prononcés par

 25   le Juge Orie. A la page du compte rendu d'audience 23, le Juge Orie a dit :

 26   "Oui, c'est ainsi que le système était produit. Mais diriez-vous que c'est

 27   la même chose, la façon dont le système fonctionne, dans un atelier lors de

 28   sa fabrication et lors des formations qui sont poursuivis sur le terrain ?"


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  1   Et vous avez répondu de façon suivante d'après ce qui a été enregistré dans

  2   le compte rendu d'audience :

  3   "Non, ce n'est pas là ce que je veux dire. Je veux dire tout simplement que

  4   puisque la chose a été faite dans la zone de responsabilité de la brigade,

  5   le commandant a dû prendre une part active à la fabrication. Donc, il est

  6   au courant de tous les détails dès le départ."

  7   R.  C'est bien ce que j'ai dit, mais je n'ai pas évoqué "le commandant". Je

  8   n'ai pas pensé à moi-même. J'ai pensé plutôt au chef de l'artillerie et au

  9   commandant de l'artillerie sur le terrain. Voilà à qui je fais référence.

 10   Q.  Merci.

 11   M. GROOME : [interprétation] Nous avons tiré cela au clair. Merci.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Faites sortir le témoin de la salle

 13   d'audience, s'il vous plaît.

 14   Nous vous reverrons dans 20 minutes, Monsieur le Témoin.

 15   [Le témoin quitte la barre]

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire une pause, et

 17   reprendre nos travaux à 11 heures moins cinq.

 18   --- L'audience est suspendue à 10 heures 34.

 19   --- L'audience est reprise à 10 heures 58.

 20   [Le témoin vient à la barre]

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Radojcic, nous allons

 22   poursuivre votre interrogatoire.

 23   Monsieur Groome, à vous.

 24   M. GROOME : [interprétation] Merci.

 25   Q.  Colonel, hier, vous avez très gentiment offert de mettre à ma

 26   disposition ce livre qui vous aurait été remis par un officier français.

 27   Alors, compte tenu du fait que les lance-roquettes de votre brigade

 28   représentaient une certaine nouveauté, avez-vous peut-être une photographie


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  1   de ce dispositif de lancement ou peut-être même un enregistrement vidéo ?

  2   R.  Malheureusement, non. Pour ce qui est du livre, si vous le permettez,

  3   on peut même essayer de le faire emporter ici pendant que je suis sur

  4   place, par le truchement de Me Ivetic. Je peux lui donner les consignes

  5   nécessaires pour faire venir le livre parce que j'aimerais que nous

  6   l'examinions ensemble pendant que je suis ici.

  7   Q.  Puisque vous avez prononcé la déclaration solennelle, vous n'avez pas

  8   le droit d'entrer en contact avec qui que ce soit, du côté de la Défense ou

  9   de l'Accusation. Il va donc peut-être falloir attendre pour que vous soyez

 10   libéré de votre déclaration solennelle, et cela ne me pose pas de problème.

 11   Mais merci de l'avoir offert.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En même temps, Monsieur Groome, si on

 13   peut donner quelques instructions simples par le biais de la Section des

 14   Témoins et des Victimes -- c'est vrai que, Monsieur le Témoin, vous n'avez

 15   pas le droit d'entrer en contact avec la Défense ou l'Accusation. Mais si,

 16   par exemple, des parents à vous savent où se trouve le livre, dans quelle

 17   pièce, dans quel bureau, alors vous pouvez demander qu'on le fasse venir

 18   par le biais de la Section des Témoins et des Victimes pendant que vous

 19   êtes toujours à La Haye. Cette possibilité est ouverte. La Chambre, en

 20   revanche, ne peut pas se faire une idée de l'importance de ce livre.

 21   M. GROOME : [interprétation]

 22   Q.  Avant de continuer, il y a un autre point dans le compte rendu

 23   d'audience d'aujourd'hui qu'il me semble bon de corriger. Vous avez admis

 24   d'avoir déclaré quelque chose qui n'était pas parfaitement correct.

 25   Aujourd'hui, à la page du compte rendu d'audience 11, vous avez été

 26   enregistré comme ayant dit : "Pas une seule brigade du Corps Sarajevo-

 27   Romanija n'avait à sa disposition des lanceurs de roquettes multiples du

 28   type Plamen."


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  1   Alors, les Juges de la Chambre ont pris connaissance des éléments de preuve

  2   dont la source était les membres provenant d'autres brigades au sujet de

  3   ces lanceurs Plamen.

  4   M. GROOME : [interprétation] Je réfère les Juges de la Chambre à la page du

  5   compte rendu d'audience 21 204.

  6   Q.  Et aussi à la pièce P4404, où l'on peut lire que le Corps Sarajevo-

  7   Romanija utilisait les roquettes du type Plamen en 1995. Donc, je souhaite

  8   vous donner cette occasion de vous expliquer. Etes-vous sûr que le Corps de

  9   Sarajevo-Romanija n'avait pas un seul lance-roquettes du type Plamen à sa

 10   disposition ? Ou avez-vous voulu dire tout simplement que vous n'en aviez

 11   pas au sein de votre brigade ?

 12   R.  Lorsque j'ai dit que ma brigade n'en disposait pas, c'est quelque chose

 13   que j'affirme avec une certitude à 100 %, et je suis sûr que les brigades

 14   qui nous étaient voisines n'en avaient pas non plus. Tout simplement, il

 15   n'est pas prévu d'avoir les lance-roquettes du type Plamen dans les

 16   brigades, conformément à l'ordre préétabli. Ces lanceurs devaient se

 17   trouver dans des unités opérationnelles. Et, d'après mes connaissances,

 18   mêmes le corps d'armée n'en disposait pas. Peut-être l'état-major principal

 19   leur a-t-il accordé un lanceur pour s'en servir à titre provisoire. Mais il

 20   n'était pas prévu de l'avoir au niveau du corps. Donc, voilà une réponse

 21   très précise, et que je maintiens.

 22   Q.  Merci. Fort bien. Je veux bien accepter qu'il puisse exister une

 23   contradiction entre la déposition que vous avez faite dans l'affaire

 24   Karadzic et la déposition que vous avez faite ici au cours de la semaine

 25   courante. Je vais vous lire quelques extraits du compte rendu d'audience

 26   pour vous demander une explication.

 27   Alors, pendant votre déposition dans l'affaire Karadzic --

 28   M. GROOME : [interprétation] Et je remercie Mme Stewart pour la référence.


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  1   C'est la page du compte rendu d'audience 31 250, le document 30850 de la

  2   liste 65 ter, page, dans le système du prétoire électronique 43 --

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut ralentir un petit peu.

  4   M. GROOME : [interprétation] Toutes mes excuses --

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Autrement, la sténotypiste ne peut pas

  6   s'en sortir.

  7   M. GROOME : [interprétation] Je répète la page --

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas pour dire qu'elle ne fait

  9   pas son travail de façon étonnamment excellente.

 10   M. GROOME : [interprétation] Je vais le garder à l'esprit pour l'avenir.

 11   Q.  Alors, la question suivante vous a été posée :

 12   "Question : Vous n'avez pas d'éléments d'information relatifs aux tests qui

 13   auraient été effectués lors de la fabrication des armes en ex-Yougoslavie ?

 14   Vous n'en savez rien ?"

 15   Et vous avez répondu :

 16   "Malheureusement, je ne peux pas répondre à votre question parce que je

 17   n'en sais rien."

 18   Et puis, au cours de cette semaine, à la page du compte rendu d'audience 23

 19   040, vous avez dit, en répondant à une question posée par Me Ivetic :

 20   "Question : Vous êtes-vous assuré que les lanceurs destinés aux bombes

 21   aériennes modifiées ont été testés ?

 22   "R.  Bien évidemment. Pas une seule pièce d'armement utilisée par l'armée

 23   n'est acceptée avant d'avoir été soumise par des tests au cours de la

 24   fabrication. Dans ce cas de figure particulier, d'après mes connaissances,

 25   les tests ont été effectués à Kalinovik, c'est un ancien polygone

 26   d'artillerie qui est utilisé, justement, pour effectuer les tests de ce

 27   type. Et les tableaux de tir que nous avons reçus étaient basé, justement

 28   sur des tests qui y avaient été effectués."


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  1   Ne pensez-vous pas qu'il existe une contradiction entre ces deux réponses,

  2   et pouvez-vous fournir une explication ?

  3   R.  Certainement, je peux vous fournir une explication. En fait, en

  4   répondant aux questions posées par la dame qui m'a interrogé dans l'affaire

  5   Karadzic, on évoque justement Kalinovik au niveau des tests, cela est sûr.

  6   Essayez, s'il vous plaît, de retrouver ce passage. Je pense que j'y évoque

  7   Kalinovik parce que j'ai fourni à peu près la même explication que j'ai

  8   fournie là. Il n'y a pas de sens si on dit que quelque chose a été utilisé

  9   sans avoir été testé. Je suis bien d'accord avec vous, nous n'avons pas

 10   suivi toute la procédure étape par étape, comme on le faisait dans l'ex-

 11   JNA, mais des tests ont certainement été faits au niveau des bombes

 12   aériennes. Parce que, de toute façon, ces bombes passaient par-dessus les

 13   têtes de nos unités, si vous voulez. Donc, toute erreur aurait eu des

 14   séquelles néfastes pour nos hommes aussi.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic.

 16   M. IVETIC : [interprétation] Je signale à tout le monde la ligne numéro 1

 17   dans le document affiché sur l'écran, M. Groome en a cité la cote 65 ter,

 18   et on voit qu'on s'y réfère effectivement à Kalinovik dans la déposition

 19   dans l'affaire Karadzic.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais il faudrait montrer la page

 21   précédente aussi, parce qu'on ne voit pas ici ce qui avait été fait

 22   exactement à Kalinovik.

 23   M. GROOME : [interprétation]

 24   Q.  Donc, Me Ivetic et vous-même avez raison. Vous avez, en effet, évoqué

 25   Kalinovik lors de votre déposition dans l'affaire Karadzic. Est-ce que

 26   c'est quelque chose que vous savez grâce à vos connaissances personnelles,

 27   à savoir que des tests ont été effectués, ou est-ce une conclusion que vous

 28   tirez, que vous déduisez sur la base de votre expérience en tant


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  1   qu'officier militaire, en partant du présupposé que tous les armes doivent

  2   être testées avant d'être utilisées ?

  3   R.  C'est plutôt ce que vous avez dit en deuxième lieu. Je n'ai pas parlé

  4   directement aux personnes responsables pour vérifier si les tests avaient

  5   été effectués, où, quand, à quel moment. Je m'exprime tout simplement sur

  6   la base de mes connaissances en tant qu'officier, je sais que pas une seule

  7   pièce d'artillerie ne saurait être utilisée avant d'avoir été testée. Et

  8   dans ce contexte-là, j'ai évoqué Kalinovik.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons, s'il vous plaît, à la page

 10   suivante du compte rendu d'audience. Un instant, s'il vous plaît. Voilà,

 11   j'ai lu le passage pertinent.

 12   Vous pouvez poursuivre.

 13   M. GROOME : [interprétation] Fort bien.

 14   Q.  Le lanceur qui a été fabriqué dans votre brigade sur le site, a-t-il

 15   été envoyé à Kalinovik pour être soumis à des tests ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Quelqu'un est-il venu de Kalinovik pour examiner le lanceur et vérifier

 18   s'il avait été construit correctement et en se pliant aux projets qui vous

 19   avaient été fournis ?

 20   R.  A Kalinovik, on ne pouvait trouver que le polygone d'artillerie. Il n'y

 21   avait pas de personnel compétent pour se pencher sur la matière. L'institut

 22   qui a procédé à des tests et qui a élaboré les projets pour élaborer par la

 23   suite également les tableaux de tir se trouve ailleurs. C'est cet institut

 24   qui a prévu un règlement et qui a prévu des instructions pour fabriquer

 25   cette pièce d'artillerie. J'imagine que les ingénieurs de ma brigade qui

 26   ont travaillé pour fabriquer le dispositif étaient en contact avec les gens

 27   de Pretis. C'est tout ce que j'en sais.

 28   Q.  Mais de quel institut s'agit-il ?


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  1   R.  Lorsque j'ai utilisé le terme d'"institut", en fait, je voulais tout

  2   simplement dire qu'il y avait un établissement qui s'occupait de la chose.

  3   Et dans ce cas de figure en particulier, il s'agit de l'usine des munitions

  4   appelée Pretis. C'était eux qui avaient construit cette pièce.

  5   Q.  Quelqu'un de Pretis est-il venu à la Brigade d'Ilidza une fois le

  6   lanceur fabriqué pour l'examiner et pour vérifier si tout avait été

  7   construit de façon correcte ?

  8   R.  Je n'ai pas de connaissance précise à ce sujet, mais je sais que les

  9   ingénieurs construisant la pièce étaient en contact avec eux.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, s'il vous plaît.

 11   Pourriez-vous nous dire quelque chose au sujet des séries de produits,

 12   qu'il s'agisse de bombes ou de lanceurs ? En fait, je veux dire, vous nous

 13   avez dit que le nombre total était de dix et que vous avez lancé trois

 14   bombes, alors savez-vous quel était le niveau de production totale pour ce

 15   qui est des bombes ? Etaient-elles au nombre de 100, de 50, de 2 000 ? Le

 16   savez-vous ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une question à poser à l'état-major

 18   principal.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demande de nous répondre si vous

 20   le savez.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le sais pas.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et, en fait, ma question ne se réfère

 23   pas uniquement aux bombes, elle se réfère aussi aux lanceurs.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est des bombes et des lanceurs

 25   dont disposait l'armée de la Republika Srpska, vraiment, je ne possède pas

 26   d'information à cet égard.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 28   M. GROOME : [interprétation]


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  1   Q.  Monsieur, j'aimerais maintenant que nous nous concentrions sur la

  2   précision des bombes aériennes modifiées. Dans votre déclaration préalable,

  3   au paragraphe 55, vous dites que l'erreur de marge moyenne pour ces armes

  4   était au maximum de 10 mètres sur 1 000 mètres de distance.

  5   Ai-je raison de penser que cette déclaration relative à la précision des

  6   bombes aériennes modifiées se limite aux trois bombes que vous avez lancées

  7   personnellement ? C'est de là que vous dérivez vos chiffres; ai-je raison

  8   de l'affirmer ?

  9   R.  En effet.

 10   Q.  Et ai-je raison de penser que les règlements ou les manuels qui étaient

 11   fournis en même temps que les armes contenaient des informations relatives

 12   à la marge d'erreur pour chaque pièce d'armement particulière ?

 13   R.  Je ne saurais vous répondre d'une façon précise. Je ne m'en souviens

 14   pas.

 15   Q.  Bref, le chiffre que vous avez fourni, celui de 10 mètres sur 1

 16   kilomètre, n'est pas un élément d'information que vous avez reçu de l'usine

 17   Pretis ou de quelque autre source externe. C'est votre évaluation

 18   personnelle basée sur le lancement des trois bombes.

 19   R.  Exactement. Les chiffres sont basés sur mon expérience, sur

 20   l'expérience qui était la mienne au sein de ma brigade.

 21   Q.  Alors, nous avons brièvement abordé le sujet de M. Veljovic, vous

 22   n'étiez pas sûr du poste qu'il occupait. Saviez-vous qu'il était officier

 23   chargé des opérations au sein du département des opérations et de

 24   l'entraînement au Corps de Sarajevo-Romanija ?

 25   R.  Oui, je le savais.

 26   Q.  Donc, en termes de l'échelle hiérarchique, il était supérieur d'un cran

 27   à vous ?

 28   R.  Oui. Il travaillait au commandement du corps d'armée, dans le


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  1   département chargé des opérations et de l'entraînement. Mais d'après mes

  2   connaissances, il n'était pas à la tête de ce département. Il était tout

  3   simplement un officier.

  4   Q.  Cette semaine, à la page du compte rendu d'audience 22 949, le

  5   commandant Veljovic a parlé de la précision de ces bombes aériennes

  6   modifiées. Il a déclaré qu'elles pouvaient manquer leur cible jusqu'à 2

  7   kilomètres.

  8   Ma question pour vous est la suivante : reconnaissez-vous que c'est

  9   une distance nettement supérieure à celle de 10 mètres que vous évoquez

 10   dans votre déposition ? L'acceptez-vous ?

 11   R.  Oui, il s'agit d'une différence importante au niveau des

 12   chiffres. Et je préfère ne pas commenter, parce que je ne sais pas sur

 13   quelle base il a avancé son évaluation. Peut-être que certains lanceurs

 14   avaient une marge d'erreur de ce type. Je ne le sais pas. Je n'ai parlé que

 15   de ce que j'ai vu au sein de ma brigade lorsque nous avons lancé ces

 16   bombes. Les déviations n'étaient pas comparables.

 17   Q.  Par ailleurs, il a déclaré que tout le monde au sein du Corps de

 18   Sarajevo-Romanija savait que la marge d'erreur était bien de 2 kilomètres.

 19   En tant que membre de ce même corps d'armée, êtes-vous en train de nous

 20   dire que vous ne le saviez pas ?

 21   R.  Non, je ne le savais pas. Et pour tout vous dire sincèrement, ce

 22   n'est pas une question qui m'intéressait. J'avais d'autres problèmes à

 23   régler au sein de ma brigade. Et si c'est ce qu'il a déclaré, eh bien,

 24   voilà, je ne sais pas comment il a pu arriver à la conclusion que nous le

 25   savions tous. Peut-être qu'il pensait uniquement au commandement du corps

 26   d'armée.

 27   Q.  Il a déclaré que les bombes aériennes n'étaient pas censées être

 28   utilisées dans les zones habitées justement à cause de cette importante


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  1   erreur de marge.

  2   Saviez-vous qu'il était considéré inapproprié de recourir à ce type de

  3   dispositif pour cibler les zones habitées ?

  4   R.  Les bombes aériennes en elles-mêmes sont utilisées par toutes les

  5   armées du monde, y compris pour cibler les zones habitées et pour

  6   s'attaquer, bien sûr, aux cibles militaires. Ne me le reprochez pas, s'il

  7   vous plaît, si je vous cite un même exemple. Au cours du bombardement de la

  8   Serbie qui a été fait par les forces de l'OTAN, les bombes de percussion

  9   ont été utilisées contre les cibles qui se situaient dans le centre-ville

 10   de Belgrade et de Novi Sad, et il s'agissait bien des zones habitées.

 11   Alors, je ne vois pas pourquoi on ne peut pas appliquer le même principe

 12   ailleurs.

 13   Q.  Je ne vais pas me lancer dans un débat concernant ce que l'OTAN a pu

 14   faire ou ne pas faire.

 15   Permettez-moi de poser ma question suivante --

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, j'aimerais poser une

 17   question au témoin.

 18   Ces projectiles utilisés à Belgrade, s'agissait-il de projectiles guidés,

 19   ou de bombes aériennes ordinaires, ou encore de bombes aériennes modifiées

 20   telles qu'utilisées par le Corps de Sarajevo-Romanija ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr, l'OTAN disposait des bombes de

 22   technologie récente, téléguidées, de haut vol, et leur marge d'erreur

 23   n'était que de quelques dizaines de centimètres.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Merci.

 25   Vous pouvez poursuivre, Monsieur Groome.

 26   M. GROOME : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur, n'est-il pas vrai qu'une fois - peut-être lorsque vous avez

 28   lancé la bombe pour la quatrième fois - une bombe aérienne est tombée sur


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  1   vos positions mais, heureusement, sans exploser ? Cela s'est-il produit ?

  2   R.  Peut-être une erreur s'est glissée. J'ai parlé du fait que nous avons

  3   dû lancer de nouveau la première bombe. La première bombe n'a pas lancé.

  4   J'étais présent au moment où elle a été lancée. Donc, si c'est à cet

  5   événement-là que vous pensez, alors ma réponse est oui.

  6   Q.  Donc, la première bombe que vous avez mentionnée, elle est tombée sur

  7   les positions qui étaient contrôlées par vos hommes. Vous ai-je bien

  8   compris ?

  9   R.  Non, non, non, elle n'est pas tombée sur nos positions. Elle est tombée

 10   sur un endroit qui se situait entre nos positions et l'usine de

 11   réfrigérateurs. Mais juste par surabondance de précaution, j'ai ordonné à

 12   mes hommes de se déplacer vers la gauche et vers la droite. Puisque c'était

 13   la première fois que nous lancions une bombe de ce type, je souhaitais être

 14   sûr à 100 % que nous suivions la procédure d'une façon efficace et sûre.

 15   Q.  Permettez-moi de vous donner lecture de la déposition faite par le

 16   commandant Veljovic il y a deux jours, au moment où il était assis à la

 17   même place que vous en ce moment. Cela figure à la page du compte rendu

 18   d'audience T-22956.

 19   "Question : Très bien. Je vais revenir à la question que je vous ai posée

 20   aujourd'hui au départ. Hier, à la page du compte rendu d'audience 22 956,

 21   vous avez déclaré que M. Radojcic était au courant d'un cas de figure où

 22   une bombe aérienne modifiée est tombée sur la tête de ses propres hommes

 23   mais sans exploser par la suite. Comment le savez-vous ?"

 24   Voilà la réponse du commandant Veljovic :

 25   "Eh bien, je le sais parce que j'étais l'officier chargé des opérations

 26   dans le corps d'armée et il m'en a parlé.

 27   "Question : Et à quel moment vous en a-t-il parlé ?

 28   "Réponse : En 1995."


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  1   Cela ravive-t-il vos souvenirs ? Vous souvenez-vous maintenant d'avoir dit

  2   au commandant Veljovic en 1995 qu'une bombe aérienne modifiée est tombée

  3   sur vos positions pourtant sans exploser ?

  4   R.  Il est certain que je ne lui ai jamais dit quoi que ce soit de ce type.

  5   Peut-être qu'il s'est trompé. La bombe que j'ai lancée et qui est tombée

  6   non loin de nos positions, c'est de cela que j'ai parlé, peut-être que

  7   l'événement s'est gravé dans son esprit comme si la bombe avait tombé sur

  8   nos positions. Il doit s'agir d'un malentendu, ou alors sa mémoire l'a

  9   trompé.

 10   Cela ne s'est jamais produit, en tout cas. Sinon, je l'aurais évoqué dans

 11   un rapport journalier. Or, vous avez tous mes rapports journaliers à votre

 12   disposition, donc il est facile de procéder à des vérifications.

 13   Q.  Donc, il semblerait que vous êtes en désaccord avec lui au sujet de la

 14   conversation que vous avez eue. A en juger par votre dernière réponse,

 15   confirmez-vous que vous-même et le commandant Veljovic avez abordé le sujet

 16   d'une bombe aérienne qui n'a jamais explosé ?

 17   R.  Je ne m'en souviens pas. Ecoutez, cela s'est passé il y a 20 ans, il y

 18   a 19 ans. Certainement je m'en souviens pas.

 19   Q.  Monsieur le Colonel Radojcic, au mois d'avril 1995, pouvez-vous nous

 20   dire quel était le nombre de bombes aériennes modifiées que vous aviez à

 21   votre disposition au sein de votre brigade ?

 22   R.  Je ne me souviens plus du nombre exact que nous possédions au mois

 23   d'avril, mais je sais que nous en avions au total dix. Je sais que j'ai

 24   obtenu dix bombes aériennes modifiées au total, et de ce total j'en ai

 25   utilisé trois. De cela je suis certain.

 26   Alors, certainement, toutes ces bombes ne sont pas arrivées toutes au même

 27   moment à notre brigade. Mon chef de logistique pourrait vous fournir une

 28   réponse précise à cette question parce que c'est lui qui s'occupait


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  1   directement de la chose. Moi, je ne recevais que des informations

  2   indirectes à ce sujet. Je lisais des rapports où je pouvais voir quel était

  3   le niveau d'approvisionnement sur le plan des munitions, et parfois je

  4   m'apercevais qu'une bombe était arrivée. Mais quel était le rythme de

  5   l'approvisionnement, je ne peux pas en parler.

  6   Q.  Et vers cette période, votre officier chargé de la logistique vous a-t-

  7   il dit : Désolé, mais nous n'en avons plus ?

  8   R.  Non, il ne m'a jamais dit quoi que ce soit de pareil.

  9   Q.  J'aimerais maintenant me pencher sur la bombe aérienne qui a touché

 10   Hrasnica le 7 avril 1995 --

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, Monsieur Groome.

 12   Cette bombe aérienne qui n'a jamais explosé, aviez-vous l'intention de

 13   l'activer ou pas ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était une erreur de ma part et de mon équipe

 15   si la bombe n'a jamais explosé.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci d'avoir répondu à ma question.

 17   Mais depuis quelle position cette bombe a-t-elle été lancée ? Où se

 18   trouvait le lanceur au moment où vous avez lancé cette bombe qui n'a jamais

 19   explosé ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Le lanceur était placé sur la route qui mène

 21   d'Ilidza à Sarajevo. Je vous signale que cette route avait été fermée pour

 22   toute circulation dès le début de la guerre et n'avait jamais été utilisée.

 23   Dès que vous sortez d'Ilidza, il y a une rue qui tourne vers la rue

 24   Kasindolska, et c'est de cette localité-là que nous avons lancé la bombe.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et où est-elle tombée ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Elle était censée toucher une usine qui

 27   s'appelait Hladnjaca, c'est une usine de réfrigérateurs qui était indiquée

 28   sur une carte militaire. L'usine était construite en béton armé. Et avant


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  1   la guerre, elle avait été utilisée pour réfrigérer de la viande. C'est une

  2   usine de grande dimension et qui occupe une position dominante dans ce

  3   quartier. Il n'y avait pas de civils dans les environs puisque seules les

  4   unités étaient cantonnées dans la zone. Et nous les avons pris pour cible,

  5   et je me suis dit qu'il fallait d'abord faire un premier test en prenant

  6   l'usine pour cible. Si vous souhaitez que je raconte les détails, je peux

  7   vous répéter une partie que j'ai présentée hier.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous pouvons toujours le relire, ce

  9   n'est pas la peine. Mais pouvez-vous me montrer exactement sur une carte

 10   d'où la bombe a été lancée et où se trouvait l'usine des réfrigérateurs ?

 11   Pourriez-vous nous donner, par ailleurs, une idée des dimensions de cette

 12   usine de réfrigérateurs, s'agissait-il d'une usine qui mesurait 100 mètres

 13   sur 100 mètres ou 200 mètres sur 100 mètres ? Pouvez-vous nous donner une

 14   indication moins vague ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement. Je pense qu'elle mesurait 50

 16   mètres sur 70 mètres. Et puis, elle devait avoir 50 à 60 mètres d'hauteur.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et à quelle distance se situait-

 18   elle par rapport aux positions de tir ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] A une distance de quelque 600 mètres, peut-

 20   être un peu moins, peut-être un peu plus. Mais environ 600 mètres.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et de combien de mètres avez-vous manqué

 22   votre cible ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais la bombe n'est jamais arrivée à l'endroit

 24   prévu et n'a jamais touché la cible. Pour assurer que nous allions bien

 25   toucher l'usine des réfrigérateurs, j'ai demandé à l'équipe de baisser le

 26   niveau d'élévation parce que j'avais peur que la bombe allait survoler

 27   l'usine et toucher la zone habitée de Stupska Petlja. Et c'est pourquoi

 28   j'ai demandé à l'équipe, au personnel, de réduire le niveau d'élévation du


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  1   tube. Cependant, c'était une erreur parce que la bombe a percuté un endroit

  2   qui se trouvait à une distance de quelque 300 ou 400 mètres seulement, et

  3   puis, comme le détonateur n'avait pas été activé, elle n'a pas explosé.

  4   Mais notre cible directe, c'était l'usine des réfrigérateurs, qui n'a

  5   jamais été touchée.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et votre équipe, avait-elle beaucoup

  7   d'expérience ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] L'équipe avait suffisamment d'expérience. Son

  9   commandant avait de l'expérience. C'était moi-même qui leur avais demandé

 10   personnellement de réduire le niveau d'élévation du tube. Donc c'était une

 11   erreur de ma part.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une des trois occasions, vous avez été

 13   en mesure de vous forger une opinion quant à la précision de ce système

 14   d'armement, c'était bien celle-ci, n'est-ce pas ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'était ma première expérience des bombes

 16   aériennes. Malheureusement, nous avons raté la cible. Et donc dans ce sens,

 17   nous avons agi et corrigé notre activité par la suite.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur Groome.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Excusez-moi, avant de poursuivre, où

 20   est tombée la bombe, à quelle distance par rapport à la cible ou cet

 21   entrepôt frigorifique ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, au début, il a touché, mais on ne l'a

 23   pas touchée, la bombe est tombée à peu près 150 mètres avant l'entrepôt.

 24   Elle est tombée à peu près 150 mètres avant l'entrepôt, de sorte qu'on ne

 25   pouvait pas s'approcher de la bombe pour voir pour quelles raisons cela n'a

 26   pas marché parce que la bombe se trouvait déjà dans le territoire de

 27   l'ABiH.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  2   M. GROOME : [interprétation]

  3   Q.  D'après votre meilleur souvenir, cela s'est produit quand ?

  4   R.  Cela s'est produit avant le lancement numéro deux et numéro trois.

  5   C'était le premier lancement. Je ne me souviens pas de la date précise.

  6   Mais, en tout cas, c'était le premier lancement que l'on a fait. Alors, si

  7   c'était au mois d'avril, c'était peut-être quelques jours avant cela.

  8   Q.  Bien. Donc, d'après votre meilleur souvenir, cela s'est produit

  9   quelques jours avant le lancement de la bombe aérienne de Hrasnica ?

 10   R.  Oui. Si Hrasnica a eu lieu au mois d'avril 1995, je dirais que cela

 11   s'est produit quelques jours, au maximum une semaine, avant.

 12   Q.  Peut-être que c'est une question qui paraît évidente que je vais vous

 13   poser, mais quand même. Si vous aviez des tables de tir temporaires qui,

 14   d'après vous, vous permettaient de mesurer la distance à l'aide d'un laser,

 15   ensuite de vérifier cela avec les tables pour savoir exactement où va la

 16   bombe, pourquoi vous avez décidé d'ajuster l'inclinaison ? Parce que cela

 17   ne fait aucun sens.

 18   R.  Ecoutez, non, quand on y pense comme cela, non. Mais moi, je voulais

 19   voir vraiment comment fonctionne cette combe. Donc, c'est pour cela que

 20   j'ai donné l'ordre de viser cet objectif d'abord. Mais c'est clair que

 21   cette élévation n'était pas suffisamment grande, vu que la cible a été trop

 22   proche. Et donc, je pense que l'élévation a été beaucoup trop petite et

 23   était en dessous du minimum, si vous me comprenez.

 24   Q.  Donc, ce que vous dites, c'est que la première fois que vous avez

 25   utilisé cette arme, vous avez pris la décision vous-même, en toute

 26   responsabilité, d'ignorer les tableaux de tirs que vous avez reçus et puis

 27   de deviner l'évaluation nécessaire pour toucher la cible. C'est bien cela

 28   qui s'est produit ?


Page 23195

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Bon. Maintenant, on va parler de Hrasnica.

  3   M. GROOME : [interprétation] Et je vais demander de voir la pièce P592.

  4   Q.  Ai-je raison de dire qu'entre le lancement de la première bombe et le

  5   lancement de la bombe sur Hrasnica, entre-temps, vous n'avez reçu aucune

  6   instruction, aucune information supplémentaire concernant l'utilisation de

  7   cette arme ?

  8   R.  Non, je n'ai pas reçu cela de l'extérieur. Mais nous avons analysé

  9   l'erreur avec mes hommes. Nous avons déterminé la raison de l'erreur. Et

 10   nous n'avions pas besoin d'autres éléments d'information.

 11   Q.  Merci. Donc, là je pense que c'est un ordre du général Dragomir

 12   Milosevic. Je pense que vous le connaissez parfaitement bien, vous en

 13   parlez dans le paragraphe 107 de votre déclaration. Et là dedans, le

 14   général Milosevic donne un ordre, il demande que :

 15   "La cible la plus profitable doit être décidée et choisie à Hrasnica

 16   ou à Sokolovic pour infliger les pertes matérielles et le nombre de

 17   victimes le plus haut possible."

 18   Dans le paragraphe 107, vous avez dit :

 19   "Quand nous avons reçu nos ordres au niveau de la brigade, j'ai compris

 20   qu'il s'agissait de cibler exclusivement des cibles militaires."

 21   Est-ce que vous avez dit cela ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Eh bien, je voudrais vérifier ce que vous avez dit et surtout à la

 24   lumière des événements du 7 avril.

 25   Au niveau du paragraphe 1, la première phrase, vous dites :

 26   "La Brigade d'Ilidza va immédiatement préparer le lancement d'une bombe

 27   aérienne et va transporter la bombe pour son lancement."

 28   Vous étiez le commandant de la brigade, vous avez émis un ordre, cet ordre


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  1   ?

  2   R.  Oui, j'ai émis un ordre. Mais vous savez, chaque lancement de bombe

  3   aérienne dépendait de la compétence des commandants du corps d'armée. Donc,

  4   je ne pouvais pas prendre cette décision de façon autonome.

  5   Q.  Bien. C'était une bombe de 250 kilos, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Une bombe qui avait trois roquettes Plamen attachées à elle ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Chacune de ces roquettes avait à la tête une charge ?

 10   R.  Non. Et, il était d'un certain nombre, nous n'avions qu'une seule

 11   bombe, et nous avions trois moteurs autour.

 12   Q.  Vous avez dit hier justement qu'il fallait enlever la charge de la

 13   roquette ?

 14   M. IVETIC : [interprétation] Non, non, il n'a pas dit cela.

 15   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 16   M. GROOME : [interprétation] Ecoutez, je vais passer à autre chose, et je

 17   vais demander à M. Ivetic de me donner la référence.

 18   M. IVETIC : [interprétation] 23143. M. Groome n'a jamais posé de questions

 19   au sujet de roquettes. Il a parlé de la bombe et des roquettes.

 20   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation] 

 21   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question posée était de savoir "à

 23   quel moment on les attachait", alors qu'en ce moment, on parle de roquettes

 24   qui sont attachées aux bombes aériennes pour les propulser. Et la question

 25   qui était posée c'était de savoir :

 26   "Si à partir du moment où on les attachait, si on les attachait avec une

 27   ogive ?

 28   Et la réponse était :


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  1   "C'est plein d'explosifs, vous ne pouvez pas l'enlever et ensuite le

  2   remettre."

  3   C'est de cela que vous avez parlé, Monsieur Groome.

  4   M. GROOME : [interprétation] Oui, exactement.

  5   Q.  Donc, vous avez entendu la réponse. Est-ce que je vous ai bien compris

  6   ?

  7   R.  Je pense que vous ne m'avez pas compris. Vous m'avez demandé si on

  8   pouvait enlever l'explosif, moi je pensais que vous voulez dire enlever

  9   l'explosif de la bombe aérienne, et j'ai dit que non, parce que il s'agit

 10   du TNT qu'on ne peut pas enlever. En ce qui concerne les lance-roquettes

 11   multiples, les roquettes de ce lance-roquettes contiennent deux parties,

 12   une partie qui contient la douille avec la poudre à l'intérieur, et puis

 13   une partie qu'on peut enlever, qui est amovible. On l'a enlevé parce qu'on

 14   n'avait pas besoin de cette partie-là quand on utilisait les roquettes pour

 15   servir de propulseur à la bombe aérienne.

 16   Q.  Donc, vous avez demandé qu'une seule bombe aérienne soit tirée sur

 17   Hrasnica ce jour-là ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Et dans votre déclaration, vous dites aussi qu'à Hrasnica il y avait

 20   des cibles militaires légitimes, et là, vous avez parlé de l'école Aleksa

 21   Santic et du bureau de poste de Hrasnica ?

 22   R.  C'est exact.

 23   Q.  Je ne sais pas si on m'entend.

 24   Est-ce que l'un d'eux était votre cible, votre cible légitime sur laquelle

 25   vous avez l'intention de tirer ?

 26   R.  Oui. J'ai demandé que l'on tire soit sur l'école soit sur la poste,

 27   parce que les deux se trouvent à proximité. Je pense qu'ils ont ciblé

 28   l'école, parce que l'école était un centre d'entraînement des unités


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  1   spéciales du 1er Corps d'armée de l'ABiH.

  2   Q.  Dans ce cas, est-ce que vous dites que vous pensiez qu'une bombe

  3   pouvait détruire les deux cibles ou bien est-ce que vous avez laissé le

  4   choix à vos subordonnés de choisir la cible ?

  5   R.  Vous savez, nos supérieurs hiérarchiques dans l'artillerie étaient des

  6   gens du coin. Ils connaissaient mieux donc la configuration du terrain et

  7   la situation. Il savait ce qui était plus facile à toucher. Ils m'ont dit

  8   qu'il était mieux de tirer sur l'école, parce que l'effet d'un tir sur

  9   l'école aurait été plus grand, plus important.

 10   Q.  Mais pourquoi l'école représentait une meilleure cible ?

 11   R.  Parce que le commandement se trouvait dans le poste, le commandement de

 12   la 104e Brigade motorisée. Cela sous-entendait, vu qu'il y a eu des

 13   activités de combat ce jour-là, eh bien, que le gros du commandement

 14   participait aux activités de combat, de sorte que l'installation,

 15   l'immeuble de la poste soit plutôt vide. Et donc, on s'est dit qu'il valait

 16   mieux détruire le centre servant à entraîner les unités spéciales.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit tout à l'heure qu'il a été

 18   décidé de tirer soit sur l'école soit sur la poste, vu que les deux

 19   bâtiments étaient tout proche. Mais quelle est la pertinence de cette

 20   proximité ? Quelle est la pertinence, je ne vois pas ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous savez ces deux bâtiments sont tout près,

 22   et ils avaient une importance similaire. Je leur ai dit, écoutez tirer sur

 23   ce que vous voulez. Parce que si on avait touché l'un ou l'autre bâtiment,

 24   le résultat aurait été important, et donc j'ai laissé le chef de

 25   l'artillerie choisir. Et, il m'a dit qu'il avait choisi le centre, parce

 26   que l'effet serait plus important et nous permettrait donc d'exécuter

 27   mieux, de façon plus complète, l'ordre du général Milosevic, et c'est pour

 28   cela que je l'ai laissé faire.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'était une réponse longue mais vous

  2   n'avez pas répondu à la question que je vous ai posée.

  3   M. GROOME : [interprétation]

  4   Q.  Colonel Radojcic, même si la bombe est tombée tout près, elle n'a pas

  5   touché ni la poste ni l'école; est-ce exact ?

  6   R.  Oui.

  7   M. GROOME : [interprétation] Pourrions-nous voir la pièce P591 sur les

  8   écrans. Il s'agit d'un rapport qui vient du Corps de Sarajevo-Romanija

  9   envoyé à l'état-major principal, et ceci le 7 avril 1995, le jour même où

 10   est tombée la bombe modifiée.

 11   Q.  Je pense que vous avez déjà vu cela, mais je vais vous donner un

 12   instant pour que vous puissiez vous repérer.

 13   M. GROOME : [interprétation] Et ensuite je vais changer de page et passer à

 14   la page 2.

 15   Et voilà, je vais vous donner lecture de cela, vous lire la portion qui

 16   m'intéresse.

 17   "A Ilidza, on a tiré un obus de 120 millimètres et puis une bombe aérienne

 18   de 250 kilos a été lancée sur le centre de Hrasnica. D'après le centre

 19   d'interception, les Musulmans ont déclaré qu'une roquette Luna avait

 20   atterri."

 21   Ce rapport envoyé par le général Milosevic à l'état-major principal

 22   contient des informations au sujet de cette bombe aérienne, des

 23   informations que vous avez fournies à Milosevic, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Donc, ce rapport était basé sur des rapports quotidiens, communiqués

 26   oralement ou par écrit, par vous à votre supérieur, à savoir le général

 27   Milosevic ?

 28   R.  Je pense que nous avions un contact direct, et donc nous lui avons


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  1   communiqué cette information immédiatement. Et puis ensuite, cela faisait

  2   partie aussi des rapports quotidiens envoyés par la suite.

  3   Q.  Je voudrais vous rappeler quelque chose que vous avez dit hier en

  4   répondant à la question que je vous ai posée.

  5   Au niveau du compte rendu d'audience 23 120 jusqu'à 121 :

  6   "Question : Mis à part la mauvaise présentation des choses, est-ce que vous

  7   deviez aussi faire des rapports sur les missions non réussies ? Quand votre

  8   brigade n'était pas en mesure d'accomplir une tâche, est-ce que vous étiez

  9   aussi obligé d'en informer vos supérieurs ?"

 10   Et vous avez répondu par l'affirmative.

 11   Ensuite, deux questions plus loin, je vous pose la question suivante :

 12   "Je vais vous poser une question théorique. Par exemple, s'il y avait un

 13   commandant moins important que vous qui n'a pas réussi à exécuter sa

 14   mission, est-ce que ce commandant aurait été obligé d'incorporer dans ses

 15   rapports quotidiens cette tâche non exécutée ?"

 16   Vous avez dit : "Oui."

 17   Et voici ma question : donc, vous avez déposé au sujet de l'école ou du

 18   bureau de poste qu'il s'agissait de tirer, et moi je vous dis que ce n'est

 19   pas vrai. Parce que si vous deviez vraiment viser l'école ou bien le bureau

 20   de poste, vu que vous les avez ratés, vous auriez dû le dire dans un

 21   rapport envoyé à vos supérieurs, vu que vous avez raté la cible ?

 22   R.  Après le lancement de la roquette, on m'a informé de l'endroit où la

 23   roquette est tombée, et j'ai reçu cela de mes observateurs, mais aussi des

 24   observateurs militaires de la FORPRONU. Moi, j'ai informé le général

 25   Milosevic de l'endroit où la bombe est tombée. Il m'a dit : D'accord, ça

 26   va. Tout va bien. Attends. Attends de voir s'il y a autre chose à faire.

 27   Mais moi, je suis content avec le tir et avec ce que vous avez dit. Bon, ce

 28   n'est pas mot pour mot ce que nous nous sommes dits. Je paraphrase, là, nos


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  1   propos.

  2   Q.  Vous venez de le dire il y a quelques instants, vous aviez beaucoup de

  3   rapports quotidiens envoyés par la brigade. Je ne me souviens pas que vous

  4   ayez consigné dans vos rapports quels qu'ils soient à aucun moment le fait

  5   que vous avez raté la cible. Est-ce que vous l'avez fait ?

  6   R.  Bien sûr, cela devait figurer dans le rapport quotidien. Mais vu que la

  7   bombe est tombée à une vingtaine de mètres de la cible, nous pensions que

  8   nous avions bien réussi à obtenir notre effet. Et très peu de temps après,

  9   les forces musulmanes ont affaibli leurs activités en direction d'une

 10   brigade qu'ils ciblaient avant souvent. Donc, c'était un échec relatif,

 11   tout relatif. Parce que si vous réussissez à toucher à 20 mètres de la

 12   cible, ce n'est pas exactement un échec.

 13   Q.  Je vais vous rappeler plusieurs réponses que vous avez données au Juge

 14   Orie hier. Compte rendu d'audience 23 122 à 123.

 15   "Juge Orie : Si - parce que vous avez parlé du manque de précision des

 16   mortiers - par exemple, même si le premier obus n'avait pas touché la

 17   cible, vous nous avez dit que vous auriez continué à exécuter cette tâche

 18   de toute façon. Autrement dit, vous auriez donc tiré un deuxième,

 19   troisième, quatrième obus. Est-ce bien comme cela ?

 20   "Réponse  : Oui.

 21   "Juge Orie : Est-ce que cela signifierait aussi que si un obus d'artillerie

 22   tombe à un endroit qui est tout près de ce que vous considérez être une

 23   cible militaire, et si par la suite vous n'essayez pas de tirer encore une

 24   fois sur cette cible militaire, eh bien, cela voudrait dire que ce que vous

 25   avez touché c'était cela la cible ? Parce que là où l'obus est tombé, si ce

 26   n'était pas la cible, et vu que vous nous avez dit que vous ne vous êtes

 27   jamais arrêté sans avoir accompli la tâche, eh bien, ça veut dire que ce

 28   qui était à côté de la cible était en réalité la cible."


Page 23203

  1   Autrement dit, je vous dis sur la base de cela que vous n'avez pas

  2   ciblé le bureau de poste ou bien l'école mais tout simplement le centre de

  3   Hrasnica, et la bombe est tombé exactement là où elle devait tomber. N'ai-

  4   je pas raison de dire cela ?

  5   R.  Non, non, vous n'avez absolument pas raison de dire ça.

  6   Q.  Mais, Monsieur, vous avez déposé après avoir prêté serment. Si votre

  7   cible était l'école ou le bureau de poste et si vous aviez raté votre

  8   cible, vous auriez lancé un autre obus ?

  9   M. IVETIC : [interprétation] Non, ce n'est pas ce que le témoin a dit. Car

 10   la question portait sur des mortiers, la question que M. Groome vient de

 11   lire.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome.

 13   M. GROOME : [interprétation] Ecoutez, je n'ai rien à dire. Cela se produit

 14   très souvent. Je vais vous laisser décider de l'objection soulevée.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poser la question que vous

 16   vouliez poser. Je rejette l'objection.

 17   Vous pouvez poursuivre. Ou bien le témoin peut tout simplement répondre à

 18   la question.

 19   M. GROOME : [interprétation]

 20   Q.  Donc, pour que les choses soient bien claires, le Juge Orie a aussi dit

 21   :

 22   "Est-ce que cela voudrait aussi dire qu'un obus d'artillerie," ne parlons

 23   pas seulement des mortiers, que vous continuerez à lancer des obus jusqu'à

 24   ce que la cible soit touchée.

 25   Et donc, je vous repose la question après l'avoir citée. D'après votre

 26   déposition sous serment, si vous aviez vraiment ciblé l'école ou le bureau

 27   de poste et si votre cible avait été ratée, vous auriez lancé un autre obus

 28   jusqu'à la réussite tout simplement. Est-ce exact ?


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  1   R.  Mais non, vous ne pouvez pas faire un amalgame entre les obus

  2   d'artillerie et la bombe aérienne modifiée. Un obus d'artillerie doit être

  3   tiré d'un canon ou d'un obusier. Mais quand vous lancez la bombe aérienne,

  4   c'est toute une autre histoire. Moi, j'ai informé mon supérieur

  5   hiérarchique immédiatement de l'endroit où la bombe est tombée. Il m'a dit

  6   : D'accord, très bien, je suis content. Tu n'as pas besoin de continuer.

  7   Attends l'ordre suivant. Donc, moi, j'ai respecté l'ordre de mon supérieur

  8   hiérarchique. Je me suis confirmé à cet ordre à ce moment-là.

  9   Q.  Donc, de quoi il s'agit ici ? Le général Milosevic vous dit qu'il est

 10   content. Mais on ne parle pas de la mission accomplie ? Parce que quand

 11   vous avez envoyé votre rapport au général Milosevic, vous avez dit que vous

 12   avez mené à bien son ordre, vous l'avez exécuté avec succès. Il vous a

 13   ordonné de lancer une bombe aérienne sur le centre de Hrasnica. Vous l'avez

 14   fait. La bombe est tombée dans le centre de Hrasnica; vous avez accompli

 15   votre mission. Il était content. Vous n'aviez pas besoin de faire quoi que

 16   ce soit d'autre. Est-ce exact ?

 17   M. IVETIC : [interprétation] Ecoutez, ce n'est pas ce qu'il a dit. Ce n'est

 18   pas ce qu'il a dit. Je réitère mon objection.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, ce que vous faites, et ce

 20   que vous avez fait déjà maintes fois, c'est d'intervenir pour donner des

 21   indications claires au témoin par rapport à ce qui vous préoccupe. Vous

 22   pouvez très bien vous en occuper pendant les questions supplémentaires.

 23   M. IVETIC : [interprétation] Ecoutez, non, j'ai tout à fait droit d'élever

 24   une objection quand le conseil ne cite pas exactement ce que le témoin a

 25   dit. C'est pour cela que je fais une objection, et je vous demande de

 26   prendre une décision par rapport à cela.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, hier déjà, je vous ai donné

 28   quelques instructions concernant les objections. Et vous ne vous êtes pas


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  1   conformé à ces instructions. Est-ce exact ?

  2   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, quand il s'agit de

  3   documents --

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous ai posé une question très

  5   simple. Je vous ai demandé si hier, si je vous ai instruit comment procéder

  6   par rapport aux objections, et je vous ai demandé si vous vous êtes

  7   conformé à ces instructions, oui ou non.

  8   M. IVETIC : [interprétation] Je pense que cette objection n'a rien à voir

  9   avec les instructions que vous nous avez données hier par rapport aux

 10   objections. Moi, je parle de la déposition du témoin.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, vous avez répondu à ma

 12   question. Vous pensez que c'était en accord avec l'instruction que je vous

 13   ai donnée hier. Eh bien, maintenant, c'est couché au compte rendu

 14   d'audience.

 15   Si vous avez une objection à faire, vous devez tout d'abord annoncer qu'il

 16   s'agit là d'une objection et ensuite prendre les mesures appropriées, et

 17   ensuite on va entendre vos objections. Et c'est comme cela que nous allons

 18   procéder dorénavant.

 19   Nous avons entendu la réponse du témoin.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, est-ce que vous pouvez

 22   répéter votre dernière question, et ça devrait inclure -- enfin, c'est une

 23   question plutôt longue que vous avez posée.

 24   M. GROOME : [interprétation] Je crois que le colonel Radojcic se souvient

 25   de la question.

 26   Q.  Monsieur, n'était-il pas exact de dire que l'ordre donné par le général

 27   Milosevic avait été exécuté avec succès, il a été satisfait du résultat ?

 28   N'est-ce pas là ce qui s'est passé ici ?


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  1   R.  Oui, il a été satisfait de la précision que nous avons obtenue. Il a

  2   dit : Bien, c'est bon. On attendra. Et moi, j'ai dit qu'on attendrait

  3   d'autres instructions.

  4   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que l'heure

  5   est venue de faire la pause.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est l'heure de la pause.

  7   Nous allons prendre notre pause, et reprendre à midi 20.

  8   Le témoin peut quitter le prétoire et suivre l'huissier.

  9   [Le témoin quitte la barre]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que de prendre notre pause, je

 11   voudrais demander aux parties d'essayer de tomber d'accord sur le fait de

 12   savoir quelle partie d'une carte exemptée de toute annotation nous

 13   pourrions utiliser pour ce qui est de l'emplacement du tir de la première

 14   bombe aérienne et l'endroit de sa chute, et l'emplacement également de cet

 15   entrepôt de réfrigération. Et si vous le souhaitez, vous pourriez trouver

 16   une carte appropriée. Je ne verrais aucun inconvénient à l'une ou l'autre

 17   des parties en présence de demander au témoin d'apposer des annotations

 18   pour ce qui est des endroits qu'elles considèrent pertinents.

 19   M. GROOME : [interprétation] C'est M. Weber qui a quelques propositions et

 20   nous allons rester ici pendant la pause pour en parler.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors, nous allons faire une

 22   pause, et nous allons reprendre à midi 20.

 23   --- L'audience est suspendue à 12 heures 03.

 24   --- L'audience est reprise à 12 heures 22.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a un accord auquel vous

 26   seriez arrivé. Monsieur Mladic, j'arrive à vous entendre. Vous êtes censé

 27   ne pas parler à voix haute.

 28   Est-ce que les parties sont tombées d'accord ?


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  1   M. GROOME : [interprétation] Nous allons travailler avec la page 32 de la

  2   pièce P3. Je serai heureux de le faire lorsque j'aurai terminé avec mes

  3   questions sur Hrasnica, si cela arrange les Juges de la Chambre.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'imagine qu'il n'y a pas d'objection de

  5   la part de la Défense ?

  6   M. IVETIC : [interprétation] Non, il n'y en a pas, Monsieur le Président.

  7   Je crois que cela nous laisse suffisamment de marge de manœuvre pour avoir

  8   des indications au sujet des sites précis.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon.

 10   [Le témoin vient à la barre]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Radojcic, M. Groome va

 12   maintenant continuer son contre-interrogatoire.

 13   A vous, Monsieur Groome.

 14   M. GROOME : [interprétation] Je vais demander à ce qu'on nous affiche le

 15   P582 sur nos écrans. Il s'agit d'un rapport manuscrit de la FORPRONU

 16   relatif à la bombe aérienne qui est tombée sur Hrasnica.

 17   Q.  En attentant, Colonel, le capitaine Overgard, qui a été témoin dans

 18   cette affaire, est allé sur les lieux dès que la bombe aérienne est tombée

 19   sur Hrasnica, je me propose de vous montrer le rapport relatif à l'enquête

 20   effectuée par la FORPRONU suite à l'arrivée de leurs hommes sur le site de

 21   l'événement.

 22   M. GROOME : [interprétation] Alors, j'aimerais que maintenant on nous

 23   affiche la page 4 dans les deux versions.

 24   Q.  Ce qui m'intéresserait c'est les diagrammes qu'on a dessinés ici ou

 25   tracés ici. Alors, ça n'a pas été traduit mais je vous demande de vous

 26   pencher sur les images dans la version anglaise du document. On voit un

 27   dessin relatif, à ce qui, de leur avis, est tombé sur Hrasnica ce jour-là.

 28   Nous avons votre témoignage disant que la bombe aérienne modifiée n'avait


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  1   que trois fusées de propulsion d'accrochées dessus. Alors ceci étant,

  2   gardez à l'esprit, ai-je raison de dire que ceux qui ont dessiné ceci

  3   montrent à peu près quelle était l'apparence plus ou moins de cette bombe

  4   au jour de l'événement ?

  5   R.  Je pense que le dessin n'est ni précis ni correspond à ce que cela

  6   avait donné. Ça avait quand même une apparence autre. Et je sais qu'il y

  7   avait eu trois fusées de propulsion à porter cette bombe, pas quatre. Le

  8   dessin du véhicule à moteur qui a porté ceci ne présente que des fragments

  9   en gros, mais il n'y a point de détails dessus.

 10   Q.  Si la Chambre autorisait la présentation d'une feuille de papier

 11   pendant la pause à venir, est-ce que vous seriez à même de nous dessiner

 12   plus ou moins la bombe qui est tombée sur Hrasnica ?

 13   R.  Je suis très mauvais dessinateur. Je ne peux pas vous le faire. Je peux

 14   vous le décrire, oui, mais le dessiner, non.

 15   Q.  Bon. Je ne vais pas vous demander de faire quelque chose que vous

 16   estimez ne pas savoir bien faire.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, un instant.

 18   Monsieur le Témoin, vous nous avez qu'il y avait eu trois fusées de

 19   propulsion sur cette bombe. Les choses sont claires. M. Groome l'a indiqué

 20   aussi.

 21   Alors, essayons d'imaginer un dessin d'une bombe avec trois fusées de

 22   propulsion. Vous avez aussi dit que :

 23   "Le dispositif de lancement ne présentait que le gros sans le détail du

 24   dispositif."

 25   Alors, qui a-t-il d'erroné dans ce dessin, puisqu'on parle d'éléments

 26   principaux ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense qu'ici les fusées de 128 millimètres

 28   qui sont dessinées ici, et on voit cela dans la partie supérieur. On voit


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  1   des ogives au haut de la douille. Dans la pratique, ça n'existait pas. On

  2   avait sorti les ogives et la fusée est restée avec la charge de poudre

  3   dedans.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Vous indiquez que les ogives

  5   avaient été enlevées. Ça, on en a déjà parlé. Quoi encore ? Entre autres,

  6   il n'y avait pas quatre fusées, mais trois. Qu'y a-t-il d'erroné encore ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que les moteurs sont trop proches de

  8   l'ogive, de la fusée de propulsion. Je ne parle pas de la fusée, je parle

  9   de la bombe aérienne. La bombe aérienne était beaucoup plus grande

 10   qu'indiquée sur ce dessin.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela signifie que, de façon relative,

 12   les fusées de propulsion sont trop longues par rapport à la taille de la

 13   bombe aérienne. Ai-je bien compris ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai voulu dire aussi que les fusées de

 15   propulsion ici semblent être attachées au corps de la bombe, et on pourrait

 16   avoir l'impression que c'est très proche, mais dans la pratique c'était en

 17   retrait. Et ce n'est pas ainsi que se présentait la bombe aérienne. Elle

 18   était bien plus longue dans la pratique, dans la réalité.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Alors, si vous nous dites que cela

 20   a été plus en retrait, quel était l'écart qui séparait les fusées de

 21   propulsion et la bombe en tant que telle ? Deux centimètre, 10 centimètres,

 22   50 centimètres ? Est-ce que vous pouvez nous donner une idée ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ici, on voit les fusées autour de la

 24   bombe en tant que telle. Mais dans la pratique, c'était plus en retrait et

 25   c'était plus près des ailettes qui étaient fixées à la bombe aérienne.

 26   Parce que je ne sais pas comment cela pouvait voler, il n'y a aucune

 27   aérodynamique à voir une bombe aérienne présentée de la sorte.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mis à part votre expertise à ce sujet,


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  1   vous nous avez également précisé que c'était donc disposé autrement, que

  2   c'était plus court et qu'il n'y avait pas les ogives dessus. Quoi encore ?

  3   Alors, on ne parle pas de détails, mais d'éléments élémentaires.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Le corps de la bombe montre le dispositif de

  5   lancement avec des rails. Mais j'en ai parlé dans mon témoignage, il y

  6   avait des manettes qui permettaient de déplacer le dispositif de lancement

  7   à gauche et à droite pour ce qui est de l'azimut, comme l'a dit le monsieur

  8   de l'Accusation. Et, en plus, ça pouvait permettre de régler l'élévation,

  9   le degré d'élévation.

 10   Mais si on se penche dessus de la sorte, on n'a pas les détails qui sont

 11   importants. Je n'entre pas dans le détail de l'électronique qui assurait le

 12   mode d'activation de la bombe en tant que telle.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'électronique c'était attaché à quoi au

 14   juste ? Et quelle était la finalité de la présence de ces éléments

 15   électroniques ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais ça permettait d'activer les charges des

 17   fusées de propulsion. C'était de la poudre.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Alors, l'allumage.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est devait être simultané; autrement, ça

 20   aurait constitué un problème. Oui.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et c'était fait de façon électronique.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 24   Continuez, Monsieur Groome, je vous prie.

 25   M. GROOME : [interprétation] Page 2 en B/C/S et page 3 en anglais

 26   maintenant, s'il vous plaît. Je voudrais que le témoin se penche sur le

 27   paragraphe numéro 4.

 28   Q.  Permettez-moi de vous donner lecture de ce qui est dit ici et je vais


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  1   vous demander de commenter.

  2   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

  3   M. GROOME : [interprétation] Mme Stewart m'indique que c'est peut-être en

  4   page 1 au prétoire électronique. Et dans ce cas-là, je m'excuse. Alors,

  5   page 1 en B/C/S, page 2 en version anglaise. On voit que le paragraphe 4 en

  6   anglais se trouve un peu en haut.

  7   Q.  Alors, au paragraphe 4, il est dit que la durée de vol de cette bombe

  8   était à peu près de 20 secondes et qu'il restait une fumée noire derrière.

  9   Est-ce que vous avez observé ce phénomène ? Est-ce que vous êtes d'accord

 10   avec la caractérisation qui est donnée ici de la trajectoire de la bombe ?

 11   R.  Je ne l'ai pas observé personnellement. J'étais au commandement à ce

 12   moment-là. Mais lors de l'activation, il y a une fumée, peut-être pas

 13   noire, mais il reste une fumée derrière. Et la durée du vol, ça devait être

 14   à peu près ça. Ça allait peut-être un peu plus vite, peut-être pas 20

 15   secondes, disons dix.

 16   Q.  On dit aussi ici que le projectile allait lentement. Seriez-vous

 17   d'accord avec moi pour dire qu'une bombe aérienne modifiée, ça vole plus

 18   lentement qu'un obus de mortier ou une bombe aérienne ou un obus

 19   d'artillerie normal ?

 20   R.  C'est certain.

 21   Q.  Et est-ce que ça fait du bruit ? Cette bombe, pendant qu'elle vole,

 22   est-ce qu'elle fait du bruit ?

 23   R.  Oui. Un bruit terrible et terrifiant, parce qu'à l'occasion du vol,

 24   dans sa trajectoire, la combustion de la poudre permettait d'entendre un

 25   sifflement très fort. Un bruit qui n'était pas des plus agréables à

 26   l'oreille.

 27   Q.  Et avez-vous pu juger de la distance sur laquelle on pouvait entendre

 28   ce bruit ?


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  1   R.  On pouvait certainement l'entendre sur 500 mètres. Parce que mon

  2   commandement se trouvait à 500 mètres de là, par exemple, et moi j'ai pu

  3   entendre.

  4   Q.  Le tout premier projectile que vous avez lancé, la première bombe

  5   aérienne que vous avez pu voir, à quelle distance se trouvait-elle entre

  6   l'endroit où ça a été tiré et l'endroit où c'est tombé ?

  7   R.  Peut-être 450 à 500 mètres. Si vous parlez de celle qui est tombée non

  8   loin de l'entrepôt frigorifique.

  9   Q.  Donc, vous nous dites dans votre témoignage que ce bruit, ce

 10   sifflement, pouvait être entendu sur à peu près 500 mètres de distance par

 11   rapport à la trajectoire de cette bombe aérienne ?

 12   R.  Oui.

 13   M. GROOME : [interprétation] Je voudrais qu'on nous affiche la page 5 dans

 14   les deux langues, et je m'excuse par avance --

 15   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 16   M. GROOME : [interprétation] Non, en fait, c'est la page 5 en anglais et la

 17   page 4 en B/C/S.

 18   Q.  Alors, on nous dit ici que partant des fragments retrouvés, les gens

 19   qui ont enquêté ont dit que de leur avis :

 20   "Les moteurs des mortiers avaient porté des ogives."

 21   Les fusées de propulsion avaient eu leurs ogives, et vous, vous dites que

 22   non. Alors, au vu de ceci, est-ce que vous pouvez nous apporter une

 23   explication alternative au sujet du fait de savoir si ces ogives étaient

 24   dessus ou pas ?

 25   R.  Certainement. Ici, si l'ogive était dessus, les traces de poudre n'y

 26   seraient plus. Les ogives auraient tout détruit. Or, ici, on voit que c'est

 27   plutôt intact. Donc, il n'y avait pas eu d'ogive.

 28   Q.  Bien. Merci. Je vais à présent passer vers un autre sujet, très


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  1   similaire du reste, mais je n'ai plus besoin de cette pièce à conviction.

  2   Colonel Radojcic, au paragraphe 107, qu'on a déjà vu, et au paragraphe 88

  3   de votre déclaration, que l'on voit présentement, vous avez affirmé que le

  4   général Milosevic a donné un ordre d'attaquer la ville et qu'il n'a pas

  5   spécifié les cibles concrètes, les commandants de brigades savaient

  6   c'étaient que des cibles militaires uniquement. Au paragraphe 88, vous

  7   dites que :

  8   "Les commandants de brigades étaient des officiers formés qui savaient

  9   quelles étaient les cibles sur lesquelles on pouvait tirer."

 10   Alors, je voudrais maintenant vérifier ce que vous nous avez dit là.

 11   M. GROOME : [interprétation] Et à ce titre, j'aimerais qu'on nous montre la

 12   pièce P923.

 13   Q.  C'est ce que vous avez utilisé au paragraphe 88. Il s'agit d'un ordre

 14   émanant du général Milosevic où il répond à des informations données au

 15   sujet d'une opération préparée par l'ABiH contre la VRS.

 16   M. GROOME : [interprétation] Je voudrais qu'on nous affiche la page 2 en

 17   B/C/S et la page 1 en anglais.

 18   Q.  Donc, dans le cadre de cet ordre-ci, on trouve toute une série de

 19   devoirs qu'on a confiés, et il y en a un qui est souligné dans l'original

 20   et dans l'anglais et qui nous dit :

 21   "Les dispositifs de lancement et les bombes aériennes doivent être tenus

 22   prêts pour tirer en direction de la ville…"

 23   Alors, ma question pour vous, parce qu'au paragraphe 88 de votre

 24   déclaration vous dites qu'il n'a pas été donné de cibles concrètes au

 25   niveau de cet ordre, n'est-ce pas ?

 26   R.  En effet.

 27   Q.  Et dans votre témoignage devant les Juges de cette Chambre, vous avez

 28   déclaré que lorsque c'était ce qu'on avait écrit, avoir des bombes


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  1   aériennes de prêtes pour tirer sur la ville, il devait être compris que

  2   c'était en direction de cibles militaires connues de vous; c'est bien cela,

  3   n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Ce document fait partie des documents strictement confidentiels. Donc,

  6   c'est un haut niveau de confidentialité, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Et le commandement du Corps de Sarajevo-Romanija avait eu la

  9   possibilité d'envoyer aux commandants des brigades des informations par

 10   voie confidentielle ? Vous avez eu des moyens de communication sécurisés.

 11   R.  On avait les deux, sécurisé et non sécurisé. On avait des téléphones

 12   qui passaient par la piste de l'aéroport, et ce n'était donc pas très sûr.

 13   Et nous avions des téléphones dont les lignes passaient par notre

 14   territoire, qui ne passaient pas par des relais de transmission, et ceux-là

 15   étaient, par conséquent, beaucoup plus sécurisés.

 16   Q.  Je voudrais vous dire que le général Milosevic avait eu la possibilité

 17   de vous envoyer de façon sécurisée des informations tout en étant plutôt

 18   sûr du fait que l'ennemi n'allait pas s'emparer ou se procurer ce type

 19   d'information.

 20   R.  Oui, il a cela à sa disposition.

 21   Q.  Or, dans la première phrase de cet ordre-ci, il est dit de façon assez

 22   floue, et c'est assez contraire aux ordres que les Juges de la Chambre ont

 23   vus, on indique que l'on peut constater des plans de la part de l'ennemi

 24   pour ce qui est d'opération contre le Corps de Sarajevo-Romanija, mais on

 25   ne dit pas quel type d'opération et où.

 26   Est-ce que maintenant ceci vient nous dire que le commandant du corps avait

 27   eu des connaissances limitées au sujet des détails de l'opération planifiée

 28   par l'ennemi ?


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  1   R.  Ceci est un ordre en vue de préparatifs de notre part. Les ordres

  2   détaillés ont suivi par la suite. Ceci est un ordre de préparation pour que

  3   nous puissions relever le niveau d'aptitude au combat, et ensuite les

  4   ordres concrets viendraient plus tard. Et si vous avez cet ordre-là, vous

  5   verrez bien que ce que je suis en train de vous dire est bien vrai.

  6   Q.  Penchons-nous donc sur un autre ordre qui a suivi de quelques jours

  7   celui-ci.

  8   M. GROOME : [interprétation] Et à ce titre, j'aimerais qu'on nous affiche

  9   le 18618 de la liste 65 ter. Il est question d'un ordre émanant du général

 10   de brigade Dragomir Milosevic daté du 30 avril 1995.

 11   Q.  Je vais vous donner suffisamment de temps pour que vous puissiez lire

 12   la page en question afin de prendre connaissance des éléments élémentaires

 13   contenus dans ce document. Vous me ferez savoir lorsque vous aurez eu

 14   l'opportunité de lire.

 15   R.  Ça y est.

 16   Q.  Moi, ce qui m'intéresse en particulier ici, c'est le point 10.

 17   M. GROOME : [interprétation] Et, j'aimerais qu'on nous affiche la page

 18   suivante en anglais.

 19   Q.  Ici, on dit :

 20   "Les lieux de concentration des effectifs de l'ennemi (Pazaric, le tunnel,

 21   Igman et autres) doivent être surveillés de façon incessante et il convient

 22   de tirer de façon précise sur les cibles sus-indiquées."

 23   Alors, ma première question pour vous est la suivante : ici, le général

 24   Milosevic indique quel est le type de cible qu'il convient de prendre en

 25   mire, alors c'est là que se trouvent des concentrations des forces de

 26   l'ennemi, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Et en sus de ce type de cible, il parle de lieux concrets : tunnel,


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  1   Igman, Pazaric. Est-ce que c'était là des emplacements où il y avait une

  2   forte concentration, d'après ce que vous en savez, des forces de l'ennemi ?

  3   R.  Oui. Je peux expliquer plus en détail, si cela vous intéresse.

  4   Q.  Non. Ce qui m'intéresse plus c'est la façon de procéder que les

  5   éléments concrets qui sont liés à la teneur de l'ordre.

  6   Alors, dans cet ordre, non seulement il vous fournit le type de sites

  7   qu'il a à l'esprit, mais il vous donne des exemples concrets afin que son

  8   intention soit tout à fait claire. Ai-je raison de tirer ce type de

  9   conclusion ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Essayons maintenant de nous pencher sur l'endroit où il parle de

 12   "cibles que l'on a relevées". Cela signifie qu'avant que de tirer avec des

 13   armes en direction des effectifs de l'ennemi, il faut d'abord que la cible

 14   soit constatée, qu'elle soit observée, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Donc, en vertu de cet ordre, si vous ne pouvez pas voir l'ennemi, vous

 17   n'êtes pas censé tirer ?

 18   R.  Certain.

 19   Q.  Essayons maintenant de nous pencher sur la phrase "tir précis".

 20   En utilisant cette formulation de "tir précis", le général Milosevic a

 21   laissé à ses subordonnés au niveau des brigades et bataillons le soin de

 22   décider de l'arme à utiliser. En d'autres termes, il a laissé le soin à ses

 23   subordonnés la décision de tirer au canon, à l'obusier, au mortier ou alors

 24   au fusil; est-ce bien exact ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Il ne souhaite pas que soit utilisée une arme avec des niveaux de

 27   déviation importants, qui risquerait de rater les effectifs de l'ennemi ?

 28   R.  Eh bien, quand on dit "précis", on sous-entend que nous sommes censés


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  1   tirer de façon précise.

  2   Q.  Alors, si vous pouvez choisir le type d'armes à utiliser, vous êtes

  3   censé choisir l'arme qui vous permet de choisir la plus grande des

  4   précisions possibles ?

  5   R.  Oui, la plus grande précision possible et avoir l'effet escompté le

  6   plus important possible aussi.

  7   M. GROOME : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer dans la version

  8   anglaise la page 1.

  9   Q.  Et j'attire votre attention le point 1. Ici, dans son ordre, il dit

 10   également :

 11   "Préparer les pièces d'artillerie pour des tirs en temps de nuit."

 12   Alors, ceci signifie que les pièces d'artillerie qui sont mentionnés dans

 13   cet ordre doivent être prêtes de façon à permettre des tirs précis même

 14   dans l'obscurité de la nuit, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Donc, je voudrais vous présenter la façon dont je comprends la logique

 17   de cet ordre et je vais vous demander si vous êtes d'accord avec. La

 18   logique de cet ordre se lit comme suit : il y a eu amoncellement des

 19   troupes de l'ennemi, il faut entreprendre des efforts pour les neutraliser

 20   ou les disperser, en tirant de façon précise dessus, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   M. GROOME : [interprétation] Je voudrais maintenant que nous revenions vers

 23   la pièce P923, et en attendant son affichage, je voudrais récapituler ce

 24   que nous savons de cet ordre.

 25   Q.  Le 30 avril, Milosevic donne le type de site sur lequel il convient de

 26   tirer, il fournit plusieurs exemples de cible a miré, à prendre en mire, et

 27   il laisse à ses commandants subordonnés le soin de choisir les armes;

 28   quatrièmement, il faut avoir vu la cible; et cinquièmement, il demande à ce


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  1   que les pièces d'artillerie soient préparées de façon à être à même de

  2   tirer de nuit et il demande à ce que l'attaque soit faite avec précision.

  3   Est-ce que vous êtes d'accord avec ma caractérisation de l'ordre qu'on voit

  4   de voir ?

  5   R.  Tout à fait.

  6   Q.  Maintenant, on voit que la pièce 923 vient d'être affichée sur nos

  7   écrans. C'est un ordre daté du 19 avril. Vous nous dites dans votre

  8   témoignage que "tirer sur la ville", ça veut dire tirer sur des cibles

  9   militaires connues des commandants de brigade, n'est-ce pas ?

 10   R.  Exact.

 11   Q.  Alors à la différence de l'ordre du 30 avril, cet ordre du 19 avril ne

 12   fait pas ou ne laisse pas au soin des commandants de brigade le choix des

 13   types d'armes pour ce qui est de tirer. On demande explicitement la

 14   préparation de bombe aérienne, et l'Accusation dans cette affaire affirme

 15   que c'est le type le moins précis possible que vous ayez eu à votre

 16   disposition.

 17   Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que dans cet ordre du 19 avril, le

 18   général Milosevic vous dit que vous n'avez pas le choix, l'embarras du

 19   choix pour ce qui est du type d'armes à utiliser; vous devez utiliser la

 20   bombe aérienne, n'est-ce pas ?

 21   R.  Il a dit qu'il fallait préparer les bombes aériennes pour des tirs.

 22   Cela signifiait qu'il convenait de les préparer, de prendre la meilleure

 23   des positions de tir, et l'ordre ici n'exclut pas la possibilité d'utiliser

 24   d'autres pièces d'artillerie pour tirer sur des cibles en ville, et d'après

 25   ce que vous avez déjà expliqué, en direction de cibles militaires, non pas

 26   civiles, qui ont été déjà sélectionnées d'avance.

 27   Q.  Pour ce qui est des cibles militaires dont vous aviez pris

 28   connaissance, êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'il n'était pas


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  1   approprié de recourir aux bombes aériennes pour cibler un certain nombre de

  2   ces objectifs ?

  3   R.  Oui. Il aurait certes été impossible de tirer sur tous les objectifs

  4   prévus en se servant de bombes aériennes.

  5   Q.  Dans l'ordre du 19 avril, on n'évoque pas de cible concrète et, qui

  6   plus est, on ne définit même pas le type de cible qu'il faut envisager. Ai-

  7   je raison de l'affirmer ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Alors, permettez-moi de vous expliquer comment je comprends la logique

 10   qui sous-entend cet ordre et vous me direz ce que vous en pensez.

 11   Nous avons des éléments d'information non-définis nous disant que l'ennemi

 12   est en train de préparer une action contre la VRS. On ne sait pas quel type

 13   d'action. Une des possibilités pour contrecarrer cette action consiste à

 14   recourir aux bombes aériennes modifiées quelque part dans la ville. Est-ce

 15   bien là la logique qui sous-entend cet ordre ?

 16   R.  D'après la manière dont je comprends cet ordre c'est un ordre qui était

 17   censé entamer des préparations, il s'agissait de relever le niveau

 18   d'aptitude au combat, d'informer tous les officiers jusqu'aux échelles

 19   hiérarchiques les plus basses des conséquences possibles, à savoir de les

 20   informer de ce qui se pouvait se passer si nous n'étions pas suffisamment

 21   préparer pour agir la nuit. Il y a aussi la question des munitions. Il

 22   fallait les préparer en anticipant un combat éventuel. C'est de cette

 23   façon-là que j'analyse cet ordre, c'est un ordre de type préparatoire. Il

 24   est vrai que ces termes sont assez flous, je dois l'avouer, surtout au

 25   niveau des cibles militaires. Mais cela ne veut pas dire [inaudible]

 26   j'aurais tiré une bombe aérienne ou que j'aurais eu recours à l'artillerie

 27   pour cibler de différents objectifs sans procéder à une sélection préalable

 28   de quelque type que ce soit. Et, par ailleurs, je vous expliquerai par la


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  1   suite comment nous procédions à la sélection des cibles.

  2   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation demande le

  3   versement au dossier du document 18618 de la liste 65 ter.

  4   M. IVETIC : [interprétation] Pas d'objection à soulever.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 18618 recevra la cote

  7   P6617, Messieurs les Juges.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P6617 est admise au dossier.

  9   M. GROOME : [interprétation] Je vais maintenant revenir à la bombe aérienne

 10   qui avait été lancée sur Hrasnica. J'aimerais que l'on affiche la pièce

 11   1058, c'est un rapport qui émane de l'état-major principal de la VRS et il

 12   est envoyé au président de la RS le 7 avril 1995, le jour même.

 13   Q.  Alors, en gardant à l'esprit les différences qui séparent les deux

 14   ordres que nous venons d'examiner, celui du 19 avril et celui du 30 avril,

 15   penchez-vous, s'il vous plaît, sur l'en-tête de ce document. Il y a

 16   beaucoup de choses dans ce rapport particulier qui ne m'intéresse pas.

 17   J'aimerais que vous vous concentriez surtout sur la date et sur la nature

 18   générale du rapport, et dites-moi à quel moment nous pouvons passer à la

 19   page suivante.

 20   R.  Vous pouvez passer à la page suivante dès maintenant.

 21   Q.  Passons à la page suivante, s'il vous plaît.

 22   M. GROOME : [interprétation] Il nous faut en fait la page 3 de la version

 23   B/C/S' qui correspond à la page 5 de la version anglaise.

 24   Q.  Et j'aimerais attirer votre attention sur le paragraphe où il est

 25   question du bombardement de Hrasnica, c'est le passage grâce auquel

 26   Karadzic en est informé.

 27   Voilà. Cela figure au petit (b). Donc 3(b).

 28   M. GROOME : [interprétation] Et je signale aux Juges de la Chambre que pour


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  1   eux, le texte figure en haut de la page.

  2   Q.  Voilà ce qui a été enregistré :

  3   "Nous avons riposté de façon appropriée aux activités de l'ennemi. Une

  4   bombe aérienne a été lancée sur le centre de Hrasnica, il s'agit d'une

  5   bombe de 250 kilos."

  6   Alors, le général Milovanovic, qui est l'auteur de ce rapport, informe par

  7   ce biais le président Karadzic, que la riposte d'activité de l'ennemi a été

  8   appropriée, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et le bombardement de Hrasnica a été décidé pour riposter à une

 11   certaine action entreprise par l'ABiH, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Alors, revenons maintenant à l'ordre de Milosevic, à celui où il

 14   ordonne de bombarder Hrasnica pour voir ce que l'ennemi a pu faire pour

 15   inciter le général à émettre un ordre de ce type.

 16   M. GROOME : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, afficher la pièce

 17   P592 sur les écrans encore une fois.

 18   Q.  Cette fois-ci, je préfère ne pas me concentrer sur les ordres donnés

 19   par Milosevic en tant que tel mais plutôt sur la situation générale qu'il

 20   cherche à résoudre.

 21   Donc, dans cet ordre on prévoit le bombardement de Hrasnica et de

 22   Sokolovic, où les plus grandes pertes et les plus importants dégâts

 23   matériels peuvent être infligés en réponse :

 24   "A ce qui s'est passé au cours de ces trois jours précédents, au cours

 25   desquels les forces musulmanes n'arrêtaient pas d'attaquer les positions de

 26   la 2e Brigade d'infanterie légère de Sarajevo, et ces attaques ont été

 27   particulièrement prononcées dans le secteur entourant l'usine Famos.

 28   Plusieurs de nos soldats et un grand nombre de civils ont été blessés."


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  1   Monsieur le Colonel, je vous suggère que la logique qui sous-entend cet

  2   ordre et qui, je l'affirme, a été parfaitement comprise au moment où

  3   l'ordre a été exécuté était la suivante : l'armée de la BiH ayant infligé

  4   des blessures à un grand nombre de civils serbes, la VRS a décidé de

  5   riposter en lançant une bombe aérienne modifiée en plein milieu d'une zone

  6   habitée par de nombreux civils avec l'intention d'infliger des blessures

  7   semblables à un grand nombre de civils.

  8   Ceci ne correspond-il pas à la vérité ? N'est-ce pas une description

  9   véridique de ce qui s'est produit le 7 avril 1995 ?

 10   R.  Pour pouvoir vous fournir une réponse précise, permettez-moi de vous

 11   dire que conformément au droit de guerre international, le commandant d'une

 12   unité est tenu d'évacuer la population civile pour éviter toute perte

 13   civile. Donc, c'est une tâche qui revenait au commandant de la 104e

 14   Brigade, M. Fikret Prevljak. S'il avait l'intention d'attaquer la 2e

 15   Brigade de Sarajevo, alors il avait du même coup l'obligation d'en informer

 16   la population civile de manière à ce qu'elle puisse être évacuée. Ou, tout

 17   au moins, de façon à permettre à la population civile de trouver un abri,

 18   pour s'abriter des combats à venir. Or, il ne l'a pas fait.

 19   En tant qu'un officier de carrière qui a suivi toutes les formations

 20   nécessaires, si je recevais un ordre de prendre pour cible des civils,

 21   notamment en se servant d'une bombe aérienne, j'aurais su que cet ordre

 22   constitue une infraction pénale et je ne l'aurais pas exécuté.

 23   Et je dois avouer que cet ordre particulier que vous venez d'examiner est

 24   écrit d'une façon très maladroite. Je serais fort étonné d'apprendre que

 25   c'est le général Milosevic qui l'a écrit. Ça doit être l'œuvre d'un de ses

 26   officiers de permanence. Quand on m'a dit, par conséquent, de toucher une

 27   cible, pour moi cela veut dire uniquement que je devais cibler des

 28   objectifs militaires. Tout autre type d'activité constituerait une


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  1   infraction pénale de mon point de vue. Et croyez-moi quand je vous dis que

  2   je n'aurais jamais exécuté un ordre de ce type.

  3   Q.  Mais, Monsieur, tout à l'heure, vous nous avez dit que Milosevic était

  4   satisfait des résultats obtenus grâce à la bombe aérienne. Or, vous n'avez

  5   pas touché une cible militaire. Vous avez touché une cible civile, n'est-ce

  6   pas ?

  7   R.  Non, je n'ai pas touché une cible civile. Je n'ai pas réussi à toucher

  8   l'usine que j'avais à l'esprit. Et pour quelle raison le général Milosevic

  9   était-il satisfait ? Tout simplement à cause de l'effet produit par le

 10   lancement de la bombe aérienne, et non pas par les pertes que nous aurions

 11   infligées. Ils avaient probablement conclu que nous allions poursuivre nos

 12   activités s'ils n'arrêtaient pas les leurs, et c'est pourquoi ils se sont

 13   arrêtés. Donc, dire que nous avons délibérément pris pour cible des civils,

 14   eh bien, cela ne peut être envisagé que dans le contexte de la réponse que

 15   je vous ai déjà fournie au sujet des obligations qui revenaient au

 16   commandant de la partie musulmane et au sujet de la façon dont j'analyse

 17   l'ordre pertinent.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites qu'il était satisfait du

 19   résultat. A quel moment vous l'a-t-il communiqué ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Après avoir exécuté son ordre de lancer la

 21   bombe aérienne et lorsque j'ai appris exactement où la bombe était tombée.

 22   Je me suis servi des transmissions radio…

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela s'est-il passé une heure après le

 24   lancement de la bombe ou deux heures plus tard ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, le laps de temps était plus court. De 30

 26   à 40 minutes, je crois.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et quel effet avez-vous produit d'après

 28   ce que vous lui avez dit ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je lui ai communiqué ce que je savais à ce

  2   moment-là. Je ne savais pas exactement quels étaient les effets produits en

  3   termes de pertes éventuelles. Je savais sur quel site la bombe était tombée

  4   et je lui ai dit tout simplement que j'allais exécuter son ordre. Que la

  5   cible n'avait pas été touchée, mais qu'elle était tombée non loin de la

  6   cible prévue. Et j'ai demandé de nouvelles instructions.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment, vous avez été informé en

  8   détail pour ce qui est de l'endroit où la bombe est tombée.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, à ce moment-là, je ne disposais pas

 10   d'informations détaillées. Parce que mes observateurs suivaient la

 11   situation de leurs postes d'observations, ils ont vu l'endroit où la bombe

 12   était tombée. Et je connaissais de façon générale, donc, le site, mais je

 13   ne savais pas quelles avaient pu être les pertes éventuelles. Ce n'est que

 14   plus tard que je l'ai appris de la part des membres de la FORPRONU.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et saviez-vous qu'une école se situait

 16   en plein centre du village ou de la ville ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais il ne s'agit pas d'un village. C'est une

 18   partie de Sarajevo où il n'y avait que de la police -- mais enfin, bref,

 19   oui, je savais quelle cible j'avais sélectionnée. Et d'après ce que j'avais

 20   compris, à ce moment-là et à cet endroit donné, les civils ne devaient pas

 21   s'y trouver.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce qu'ils auraient dû être évacués;

 23   c'est ce que vous êtes en train de nous dire ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je m'attendais à ce que le commandant de

 25   la 104e Brigade se plie aux règles des lois internationales.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, d'après vous, les civils

 27   n'auraient pas dû se trouver sur place, mais l'avez-vous vérifié ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je savais qu'il y avait des civils à Hrasnica.


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  1   Mais je savais aussi que la cible que j'avais choisie était une usine,

  2   c'est-à-dire des installations où il n'y avait pas de civils. C'était un

  3   centre d'entraînement des forces spéciales de l'armée de la BiH.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous avez manqué votre cible.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, et je l'ai déjà répété à plusieurs

  6   reprises. Mais nous ne l'avons pas manqué de beaucoup, donc cela ne revient

  7   pas à dire que les civils qui se trouvaient en dehors de la zone prédéfinie

  8   ont été affectés.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous avez expliqué quel était le

 10   pouvoir destructeur d'une bombe aérienne. Or, nous avons ici une bombe

 11   aérienne de 250 kilos. Avez-vous pensé aux effets que cette bombe

 12   entraînerait si jamais elle tombait sur des maisons non loin de la cible

 13   prédéfinie ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'y ai pensé, et je savais pertinemment

 15   qu'une bombe aérienne détruit la cible. Mais si la cible est manquée, alors

 16   la bombe perd la plupart de sa force en chemin. Par exemple, on m'a appris

 17   que si la bombe tonnait à 50 ou à 30 mètres de distance par rapport à un

 18   être humain, la pire chose qui peut arriver à la personne concernée est

 19   d'avoir des problèmes d'écoute. C'est ce qui m'a été communiqué par les

 20   personnes qui s'y connaissaient mieux que moi.

 21   La bombe aérienne que nous avons lancée a creusé un cratère, et je vous ai

 22   déjà indiqué les dimensions de ce cratère. Il avait 5 mètres de profondeur

 23   et il avait quelque 15 mètres de large. C'est révélateur en soi que notre

 24   intention était bien de détruire un bâtiment, et non pas de tuer des

 25   civils.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurai peut-être quelques autres

 27   questions pour vous par la suite, mais je dois d'abord vérifier un extrait

 28   de votre déposition d'hier.


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  1   Vous pouvez poursuivre, Monsieur Groome.

  2   M. GROOME : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur le Colonel, nous allons nous rappeler de ce qui s'est produit

  4   lorsque cette bombe aérienne est tombée.

  5   M. GROOME : [interprétation] Je vais demander à Mme Stewart de bien vouloir

  6   passer la pièce P839. C'est un rapport de la BBC. Le journaliste s'appelle

  7   Martin Bell. La date est le 7 avril 1995. Et je vais commencer le

  8   visionnement à partir de la dix-septième seconde.

  9   [Diffusion de la cassette vidéo]

 10   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 11   "Le cessez-le-feu prévu est en train de s'écrouler rapidement.

 12   Aujourd'hui, des offensives ont eu lieu sur au moins deux fronts en Bosnie

 13   et au sud de Sarajevo. Il y a des personnes blessées et tuées."

 14   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 15   M. GROOME : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur, sur la base de votre déposition précédente, à savoir que vous

 17   vous attendiez à ce que le commandant de l'armée de la BiH écarte les

 18   civils du site, est-ce que cela revient à dire que vous saviez que la bombe

 19   serait lancée sur une zone densément habitée par les civils ? Et vous, vous

 20   attendiez tout simplement qu'on les déplace ?

 21   R.  Pour commencer, dans des situations similaires, lorsque je recevais des

 22   informations relatives à ce type d'activité, moi je donnais l'ordre à la

 23   population de se trouver un abri. Et puisque le combat était déjà en cours

 24   pendant plus de trois jours, je m'attendais à ce que la population soit

 25   déjà partie pour s'abriter. C'était la seule chose qui avait du sens. Par

 26   ailleurs, les distances ici ne se mesurent pas en kilomètres. La distance

 27   qui séparait nos lignes était de quelques centaines mètres. Donc, bien sûr,

 28   je m'attendais à ce qu'il n'y ait pas de civils habitant juste à côté du


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  1   centre prévu pour l'entraînement des forces spéciales, cela est tout

  2   naturel. Ici, vous ne voyez qu'un fragment. Ce n'est qu'un extrait. Je vois

  3   d'ailleurs que cet enregistrement a été fait à 21 heures 14, c'est-à-dire

  4   presque 12 heures après l'explosion. Est-ce que l'enregistrement vidéo

  5   représente correctement les effets concrets, je ne le sais pas.

  6   Q.  Donc, vous êtes maintenant en train de nous dire que d'après vous il

  7   s'agit d'un élément de preuve monté de toutes pièces; est-ce là ce que vous

  8   êtes en train de nous dire ?

  9   R.  Ce serait aller trop loin. Je n'ai pas dit qu'il s'agissait d'un

 10   enregistrement "falsifié" ou "monté de toutes pièces". Je dis tout

 11   simplement que cet enregistrement vidéo n'est pas très convaincant. Je ne

 12   suis pas convaincu que ce soit les effets d'une bombe aérienne. N'oubliez

 13   pas que toutes ces régions avaient subi de nombreuses années de guerre, et

 14   que cela se passe en 1995. Il y avait peu de bâtiments à l'époque qui

 15   n'avaient pas été déjà endommagés. Donc, comment est-ce qu'on peut savoir

 16   si vraiment ce qu'on voit sur l'enregistrement représente les conséquences

 17   d'une bombe aérienne lancée ? S'il y a des fragments de la bombe, alors il

 18   faudrait me les montrer, mais sur ces images nous n'en voyons pas. Lorsque

 19   vous m'aurez montré les fragments de la bombe, alors je ferai confiance à

 20   cet enregistrement.

 21   Q.  Peut-être le moment est venu de s'éloigner un peu des bombes aériennes.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je relève ce que vous avez indiqué au

 23   niveau de l'heure, à savoir que l'enregistrement a été fait à 21 heures 14

 24   minutes, et que de nombreux bâtiments avaient déjà été détruits au

 25   préalable. Mais c'est néanmoins une vidéo du 7 avril. Y a-t-il eu beaucoup

 26   d'incidents du même type le 7 avril ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Au niveau de mon commandement au niveau de la

 28   Brigade d'Ilidza, il n'y a pas eu d'autres événements de ce type. Mais on


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  1   tirait sans arrêt. Bon, cela, on ne peut pas le comparer aux événements de

  2   ce type. C'était tout simplement des tirs d'infanterie. Et ces tirs ont été

  3   échangés même lorsqu'un cessez-le-feu était signé, surtout pas quand il ne

  4   l'était pas. Toutefois, l'axe principal de ces activités se trouvait du

  5   côté opposé par rapport à moi. C'était la 4e Brigade qui me séparait de

  6   l'axe principal des activités. Donc, il y a une sorte de corridor qui mène

  7   de l'aéroport jusqu'à Igman, et puis nous avons Hrasnica et la colonie de

  8   Sokolovic, qui se trouve entre deux zones de responsabilité appartenant à

  9   deux de nos brigades. De mon côté il n'y avait pas d'activité, alors que de

 10   l'autre côté des activités intenses étaient en cours déjà pour plus de

 11   trois jours.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci de votre réponse assez verbeuse.

 13   Veuillez, s'il vous plaît, répondre, cependant, à ma question. Ma question

 14   est tout simplement de savoir si de nombreux incidents de ce type ont eu

 15   lieu le 7 avril; oui ou non ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Non.

 17   M. GROOME : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le document 07625

 18   de la liste 65 ter.

 19   Q.  Au paragraphe 113 de votre déclaration préalable, nous lisons :

 20   "Le document 07625 de la liste 65 ter m'a été montré. Il y est question

 21   d'une réunion qui s'est tenue entre les commandants des brigades ou des

 22   régiments et des bataillons indépendants avec le commandant du SRK."

 23   Lorsque le document 07625 de la liste 65 ter sera affiché à l'écran, vous

 24   verrez qu'il s'agit de notes sténographiées de la 58e réunion du Conseil de

 25   la Défense suprême qui s'est tenue le 21 novembre 1993. Donc,

 26   manifestement, il ne s'agit pas d'une réunion du commandement du corps

 27   d'armée SRK.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Groome, nous avons un


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  1   document erroné qui est affiché à l'écran.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mme la Greffière me dit qu'il n'y a

  3   pas de version en B/C/S pour ce document. Et d'après ce que je peux voir

  4   moi-même dans le système du prétoire électronique, nous disposons

  5   uniquement d'une traduction anglaise. Je vois par ailleurs qu'il y en a

  6   deux -- ou, plutôt, la version anglaise a été téléchargée à deux reprises. 

  7   M. GROOME : [interprétation] C'est un document dont la Défense a demandé le

  8   versement au dossier. C'était une pièce associée à la déclaration

  9   préalable. Mais je pense qu'une erreur s'est glissée dans notre procédure.

 10   Donc, voilà la question que je vais poser au témoin --

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Si le document a été téléchargé par

 12   la Défense, alors j'invite la Défense de télécharger aussi la version B/C/S

 13   du document --

 14   M. IVETIC : [interprétation] Mais c'est un document de l'Accusation,

 15   Messieurs les Juges.

 16   M. GROOME : [interprétation] C'est un document de l'Accusation, mais comme

 17   j'ai déjà indiqué, au paragraphe 113, on peut lire que le document est lié

 18   à une réunion du commandement de la brigade, alors qu'en lisant le document

 19   on constate clairement que c'est une réunion du Conseil de la Défense

 20   suprême.

 21   Q.  Alors, Monsieur, juste pour préciser les choses, vous n'avez jamais

 22   participé à une réunion du Conseil de la Défense suprême, n'est-ce pas ? Le

 23   général Perisic vous a-t-il invité à assister à une réunion de ce type à

 24   Belgrade ?

 25   R.  Non, non. J'avais trop peu d'importance pour pouvoir assister à ce type

 26   de réunion.

 27   Q.  Donc, il doit bien s'agir d'une erreur. Veuillez, s'il vous plaît, vous

 28   pencher sur le paragraphe 113 de votre déclaration préalable, puis je


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  1   souhaite vous poser la question suivante : le document que vous avez

  2   évoqué, pouvez-vous nous dire quelle était la date du document que vous

  3   avez souhaité citer de façon à ce que nous puissions déduire de quel

  4   document il s'agit et à quel document vous faites référence au paragraphe

  5   113 de votre déclaration préalable. Vous dites que le document décrit une

  6   réunion qui s'est tenue entre les commandants de brigade et de régiment et

  7   du bataillon indépendant avec le commandant du SRK.

  8   R.  Là, il faut vraiment que vous me permettiez de familiariser avec tout

  9   ceci. Vraiment, je ne suis pas au courant de toutes ces réunions qui se

 10   sont tenues. Je ne m'en souviens pas.

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Peut-on afficher, s'il vous plaît, la

 12   pièce D535 sur l'écran, et notamment le paragraphe 113.

 13   M. GROOME : [interprétation]

 14   Q.  Et voici peut-être la meilleure façon de formuler la question : vous

 15   souvenez-vous maintenant quel document vous a été montré ? Vous souvenez-

 16   vous quel est le document mentionné au paragraphe 113 ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et pouvez-vous nous dire à quelle date à peu près le document a été

 19   rédigé ?

 20   R.  Je crois que c'était à peu près en 1994, mais je ne me souviens plus de

 21   la date exacte.

 22   Q.  Pouvez-vous au moins nous citer le mois ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Non. Et savez-vous qui a rédigé le document ?

 25   R.  Je pense que le document a probablement été rédigé par l'un des

 26   officiers de permanence qui faisait partie du commandement du corps

 27   d'armée.

 28   Q.  Et pourriez-vous nous raconter la teneur du document ?


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  1   R.  Oui. Comme je l'ai déjà expliqué, au sein de ma brigade il n'y avait

  2   pas suffisamment d'officiers professionnels. Mis à part moi-même, nous

  3   n'avions qu'un autre homme qui était officier de carrière. Tous les autres

  4   étaient les officiers de réserve qui, avant la guerre, avaient suivi une

  5   formation à l'école destinée aux officiers de réserve. C'est là qu'ils

  6   avaient suivi leur formation et c'est là qu'ils avaient appris comment

  7   exercer des fonctions importantes au sein de l'armée. Par ailleurs, de

  8   nombreuses personnes étaient des figures qui se distinguaient dans les

  9   combats. Et c'est pas ce qui s'était distingué lors des combats qu'il avait

 10   été nommé commandant, même s'il n'avait pas suivi une formation appropriée

 11   au préalable. Bref, je n'avais pas un seul commandant qui avait suivi une

 12   formation appropriée.

 13   Et permettez-moi, s'il vous plaît, de finir ma réponse.

 14   Alors, tout en gardant cela à l'esprit, j'ai demandé au commandement

 15   du corps d'armée qu'on prenne des mesures pendant le cessez-le-feu pour que

 16   les officiers de cette trempe puissent suivre des cours et exécuter leurs

 17   missions de la façon optimale. Et c'est à cela qui est relié l'ordre qui

 18   nous intéresse.

 19   M. IVETIC : [interprétation] [inaudible] pouvoir vous aider. Dans la

 20   déclaration préalable de l'affaire Karadzic, le témoin se réfère de façon

 21   semblable à un document que j'ai pu repérer. Et en l'espèce c'est la pièce

 22   de la Défense D00094, qui avait porté préalablement la cote 28501 de la

 23   liste 65 ter de l'Accusation.

 24   M. GROOME : [interprétation] Je pense qu'à cette étape il faut, en effet,

 25   examiner le document. Je n'ai pas d'objection à soulever quant à la

 26   possibilité pour M. Ivetic de rouvrir son interrogatoire une fois terminé

 27   mon contre-interrogatoire pour présenter le document au témoin.

 28   M. IVETIC : [interprétation] Mais le document a déjà été admis au dossier.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par conséquent, Maître Ivetic, j'imagine

  2   que vous souhaitez que ce document soit éliminé de la liste des pièces

  3   associées admises au dossier ?

  4   M. IVETIC : [interprétation] En effet.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

  6   M. GROOME : [interprétation] Peut-être que ma mémoire me trompe, mais je

  7   croyais que nous rapportions le débat relatif aux pièces associées jusqu'à

  8   plus tard --

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si une pièce associée est présentée par

 10   erreur et que le document est déjà admis au dossier, il est important pour

 11   M. Ivetic de constater que cela a été fait par erreur et, qu'en réalité,

 12   nous aurions dû admettre au dossier un tel et tel autre document, en tout

 13   cas il s'en occupera pendant les questions supplémentaires.

 14   M. IVETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

 16   M. GROOME : [interprétation] Il y a un autre document similaire. Veuillez,

 17   s'il vous plaît, afficher le document 1D02129.

 18   Q.  Au paragraphe 116 de votre déclaration préalable, nous lisons :

 19   "On m'a montré un document qui porte la cote 1D02129 de la liste 65 ter

 20   dans lequel les organes du renseignement du corps d'armée et de la brigade

 21   nous informent que les forces musulmanes sont en train de préparer une

 22   offensive importante à partir du cercle extérieur et intérieur et en vue de

 23   lever le blocus de Sarajevo."

 24   En regardant ce document, il semblerait qu'on note une réunion du président

 25   Karadzic à la présidence de Guerre d'Ilidza. N'est-ce pas là le document

 26   que vous avez évoqué au paragraphe 16 [comme interprété], peut-être ?

 27   R.  Il n'y est pas question dans le paragraphe 16 [comme interprété].

 28   Q.  Alors, je vais devoir vous poser quelques autres questions, mais je


Page 23235

  1   laisse le soin à Me Ivetic de résoudre la confusion lors de ses questions

  2   supplémentaires, lors de son nouvel interrogatoire principal.

  3   M. GROOME : [interprétation] Mais je vois que le moment est venu de faire

  4   une pause.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons prendre une pause.

  6   Veuillez, s'il vous plaît, faire sortir le témoin de la salle d'audience.

  7   [Le témoin quitte la barre]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, je pense qu'hier

  9   nous avons constaté qu'il était pas réaliste d'espérer que nous pourrons

 10   conclure la déposition de ce témoin aujourd'hui, mais j'aimerais également

 11   que vous me disiez de combien de temps encore vous avez besoin.

 12   M. GROOME : [interprétation] Je crois que je vais profiter des six heures

 13   qui m'ont été allouées. Je ne suis pas sûr combien de temps j'ai déjà

 14   utilisé, cinq heures me dit-on.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela veut dire que nous n'allons même

 16   pas mettre un terme au contre-interrogatoire aujourd'hui. Puisque les Juges

 17   de la Chambre ont également posé de nombreuses questions, nous n'allons pas

 18   vous reprocher cette situation.

 19   Nous allons faire une pause, et reprendre nos travaux à 14 heures moins 20.

 20   --- L'audience est suspendue à 13 heures 23.

 21   --- L'audience est reprise à 13 heures 43.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En attendant de faire entrer le témoin,

 23   je voudrais demander à la Défense de vérifier s'ils n'ont pas eu d'autres

 24   erreurs, fautes ou même fautes de frappe dans les pièces à conviction, les

 25   pièces annexes. Et, Monsieur Groome, si vous trouvez quelque chose qui ne

 26   fait vraiment pas de sens, car le document n'a rien à voir avec ce que le

 27   témoin a dit, eh bien, veuillez en avertir la Défense.

 28   M. IVETIC : [interprétation] Moi, je peux vous donner quelques informations


Page 23236

  1   au sujet du document dont nous avons traité juste avant la pause. Je n'ai

  2   pas réussi à le localiser, mais M. Groome me l'a montré. Et là, il s'agit

  3   d'éléments d'information découlant de la déclaration préalable dans

  4   l'affaire Karadzic concernant un document dans l'affaire Karadzic 65 ter

  5   1D6414. Mais nous n'avons pas ce document. Je dois le trouver.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous ne savez même pas de quoi il

  7   s'agit dans ce document, eh bien, c'est une erreur qui n'est pas moindre

  8   que l'erreur qui consiste à ne pas fournir de traduction en B/C/S d'un

  9   document 65 ter.

 10   [Le témoin vient à la barre]

 11   M. IVETIC : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord avec vous.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, maintenant, il s'agit vraiment

 13   du contenu et pas de la forme. Il faut être clair.

 14   Monsieur Groome.

 15   M. GROOME : [interprétation] Eh bien, vous savez, un certain nombre de

 16   documents n'ont pas pu être vérifiés avec le témoin. Mais si Me Ivetic

 17   trouve des erreurs, eh bien, qu'il nous en parle, par exemple, que dans le

 18   paragraphe 10 [comme interprété], le témoin dit qu'il s'agit là d'un

 19   document, le document 1D8390. Et je n'ai pas réussi à trouver vraiment la

 20   référence de ce document. Donc, je voudrais demander davantage de

 21   précisions là-dessus.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais signaler à M. Ivetic que si

 23   vous souhaitez que la Chambre examine tous les documents avec attention, eh

 24   bien, il faudrait éviter ce genre d'erreur, tout simplement, parce que si

 25   on n'arrive pas à trouver des documents auxquels vous faites référence, eh

 26   bien cela devient un problème.

 27   Vous pouvez poursuivre, Monsieur Groome.

 28   M. GROOME : [interprétation]


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  1   Q.  Monsieur le Témoin, je voudrais attirer votre attention sur le

  2   paragraphe 28 de votre déclaration.

  3   M. GROOME : [interprétation] D535, le paragraphe 28.

  4   Q.  Et dans ce document, vous dites que l'on a tiré que sur des cibles

  5   militaires identifiées et sur les positions de tir. Et vous dites :

  6   "Nous ne ripostions même pas avant de recevoir la permission du

  7   commandement supérieur."

  8   Je vous pose une question très simple, une question très limitée : était-ce

  9   exact, pendant toute la durée du conflit ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Et quand vous faites référence au commandement supérieur, vous faites

 12   référence au commandement au niveau du corps d'armée, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Du Corps de Sarajevo et de Romanija ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Donc, quand vous demandiez cette permission, est-ce que vous demandiez

 17   la permission de tirer pour toutes sortes de munitions, quel qu'en soit le

 18   calibre ou bien seulement pour des munitions d'un certain calibre ?

 19   R.  Sarajevo, qui faisait partie du théâtre des opérations de Bosnie-

 20   Herzégovine, était assez particulier parce qu'il y a eu des périodes de

 21   cessez-le-feu, et donc la situation n'était pas la même selon qu'on était

 22   dans une période de cessez-le-feu ou non.

 23   Q.  Moi, je vous ai posé une question très précise et cela concerne le

 24   paragraphe 28, où vous avez dit que vous ne ripostiez pas sans en recevoir

 25   la permission. Donc, ma question était circonscrite sur la chose suivante :

 26   est-ce que ce que vous dites s'appliquait aux munitions de tous les

 27   calibres ou bien de certains calibres ?

 28   R.  Uniquement des calibres qui dépassaient 20 millimètres.


Page 23238

  1   Q.  Donc, les calibres qui étaient plus petits que cela, vos subordonnés

  2   n'avaient pas besoin de recevoir l'autorisation de tirer; est-ce exact ?

  3   R.  Ecoutez, la procédure était très claire. Si les forces de l'ABiH

  4   procédaient à une attaque directe, c'était complètement absurde qu'on

  5   demande l'autorisation de riposter. Mais si vous aviez des activités

  6   sporadiques qui ne menaçaient pas forcément nos positions de feu, ils nous

  7   demandaient ce qu'il fallait qu'ils fassent, et là la procédure était un

  8   peu différente.

  9   Q.  Autrement dit, à partir du moment où vous pouviez demander la

 10   permission de tirer ou de riposter en toute sécurité, sans vous mettre en

 11   danger, vous deviez le faire ?

 12   R.  Oui, c'était cela.

 13   Q.  Maintenant, je voudrais traiter d'une autre pièce connexe, 1D02179.

 14   C'est le document 1D2179.

 15   Et je voudrais traiter de deux documents, vous en avez parlé dans le

 16   paragraphe 136 de votre déclaration préalable. Et voici ce qu'on peut lire

 17   là-dedans :

 18   "Là il s'agit de documents de la Brigade d'Ilidza de la police militaire

 19   qui contiennent les informations nécessaires. Ici, il s'agit des

 20   informations concernant nos ennemis à Hrasnica, et ces informations, nous

 21   les détenons des civils serbes qui se sont enfuis."

 22   Avant d'examiner ces documents plus en détail, je vais vous poser une

 23   question d'ordre général. Ces deux documents auxquels vous faites référence

 24   dans ce paragraphe, est-ce que ce sont des documents typiques concernant

 25   les types de renseignements auxquels vous aviez accès ?

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-il possible de voir la déclaration

 27   sur l'écran.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais écoutez, c'était une des façons d'obtenir


Page 23239

  1   des informations au sujet de l'ennemi. Donc, des informations que j'ai pu

  2   recueillir des Serbes qui se sont enfuis ou bien des Musulmans arrêtés sur

  3   le terrain, capturés. Et je recevais ces informations de l'organe chargé du

  4   renseignement et de sécurité.

  5   M. GROOME : [interprétation]

  6   Q.  Donc, là, vous venez de voir ce type d'information. Est-ce que vous

  7   pouvez me dire si c'est vraiment le type d'information typique que vous

  8   receviez au sujet des cibles militaires ?

  9   R.  Ce n'est qu'un exemple. C'est, pour ainsi dire, le premier élément

 10   d'information qui ensuite fait partie d'un puzzle. Parce que la règle qui

 11   prévaut dans l'armée, c'est que si votre information est confirmée par

 12   trois sources différentes, eh bien, il s'agit là d'une information fiable.

 13   S'il n'y a qu'une source d'information, cette information va être traitée

 14   avec des précautions.

 15   Et on va essayer de procéder à des vérifications avant de s'y fier.

 16   Q.  Je vais vous demander d'examiner maintenant de plus près le document 1D

 17   -- à savoir, le rapport. Dans le paragraphe 136, on dit que ce rapport

 18   vient des civils serbes qui ont fui.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [aucune interprétation]

 20   M. GROOME : [interprétation] Il s'agit du document 1D02179.

 21   On va voir ce que dit le document.

 22   Q.  Le premier paragraphe parle de l'entretien avec Ilija Mocevic, qui dit

 23   :

 24   "Son témoin au mariage, Mensur Tenzo, l'a persuadé de rejoindre l'ABiH, où

 25   il est resté entre le 19 juillet 1992 jusqu'au 5 décembre 1992. Il a quitté

 26   la prétendue ABiH parce que, d'après lui, il n'y avait pas de Serbes dans

 27   cette armée, ou s'il y en avait, il n'y en avait que très peu."

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Le numéro du document, c'est le


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  1   document 1D02179.

  2   M. GROOME : [interprétation] Oui, oui, c'est bien cela. Cela a été confirmé

  3   par notre commis à l'affaire --

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, mais ce n'était pas correctement

  5   consigné au compte rendu d'audience.

  6   M. GROOME : [interprétation]

  7   Q.  Donc, vous avez affirmé que cette personne s'est enfuie, mais ce n'est

  8   pas vrai. Il est allé voir du côté de l'ABiH, il a décidé de ne pas y

  9   rester, il est parti. C'est la vérité, c'est ce qui s'est passé avec cette

 10   personne, n'est-ce pas ?

 11   R.  Sur la base de cette déclaration, la conclusion à laquelle je peux

 12   arriver c'est que cet homme, avant la guerre, habitait Hrasnica ou la

 13   colonie à Sokolovic. Et à partir du moment où il y a eu le blocus des

 14   moyens de communication, il est resté avec sa famille dans cette région.

 15   Son ami "kum", pour le préserver, pour qu'il ne perde pas sa vie, eh bien,

 16   il lui a conseillé sans doute de rejoindre l'ABiH. Et il a quitté au bout

 17   d'un certain temps pour des raisons exposées ici. Ecoutez, ce n'était pas

 18   le seul cas de ce genre. Il y en a eu beaucoup dans le 1er Corps d'armée de

 19   l'ABiH. Ces gens, par la suite, ont été mobilisés pour faire partie des

 20   pelotons de travail et ont été utilisés pour faire creuser des tranchées et

 21   autres travaux de génie, et surtout dans des endroits à risque.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur, ce qui m'intéresse, c'est la

 23   source des informations que vous donnez. Est-ce que vous connaissez cette

 24   personne, M. Mocevic ? Est-ce que vous le connaissez personnellement, est-

 25   ce que vous connaissez sa vie ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, que faites-vous là ? Vous

 28   interprétez le document; c'est cela ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Je vous réponds sur la base du

  2   document, parce que le document nous donne ces éléments d'information.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges de la Chambre peuvent lire le

  4   document eux-mêmes et l'étudier. Si vous n'avez pas de connaissance

  5   personnelle au sujet de ces circonstances concrètes, alors ce que vous avez

  6   fourni comme élément d'information est de nature générale et découle de

  7   source inconnue.

  8   Vous pouvez poursuivre, Monsieur Groome.

  9   M. GROOME : [interprétation]

 10   Q.  Penchons-nous sur un autre document que vous évoquez dans le même

 11   paragraphe. Le document suivant porte la cote 1D02180.

 12   Ici, nous avons un autre rapport des agents du renseignement. C'est un

 13   rapport type, et on y consigne les informations fournies par Ognjen

 14   Damjanac. Je voudrais que vous vous penchiez sur le milieu du paragraphe où

 15   l'on cite les informations fournies par Damjanac. Je vais vous lire une

 16   ligne tirée de cet extrait :

 17   "La personne avec laquelle nous nous sommes entretenus n'a fourni aucun

 18   élément d'information qui aurait de l'intérêt. Il nous a tout simplement

 19   confirmé ce que nous savions déjà."

 20   Alors, la personne qui a interrogé M. Damjanac estimait que celui-ci était

 21   incapable de fournir des informations qui seraient intéressantes, n'est-ce

 22   pas ?

 23   R.  Eh bien, si vous poursuivez votre lecture, vous arriverez à la partie

 24   intéressante de son interrogatoire.

 25   Q.  Peut-être devriez-vous nous la lire.

 26   R.  Je lis la suite du texte par rapport à la phrase que vous avez citée.

 27   Ah, j'ai perdu l'image. Peut-on l'agrandir, s'il vous plaît.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ne touchez pas l'écran, s'il vous


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  1   plaît.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien. Mis à part le fait qu'il a confirmé

  3   les informations qui nous étaient déjà connues :

  4   "La seule chose, les seuls travaux effectués par la section de

  5   travail à Hrasnica consistent à procéder au nettoyage et à la réparation

  6   des tranchées dans la zone d'Igman. Par ailleurs, ils construisent des

  7   abris en forme de grilles (qui consistent de plusieurs troncs d'arbres

  8   entrecroisés avec une couche de terre qui est placée entre les deux). Un

  9   abri d'environ 300 mètres a été construit. Par ailleurs, il a confirmé que

 10   le commandement de la 4e Brigade motorisée a été déplacé de Hrasnica à

 11   Sokolovic Kolonija et que le QG occupe désormais les locaux qui se situent

 12   au rez-de-chaussée face à l'entrepôt d'Enker-Sokotrans."

 13   Donc, ce sont là de nouveaux éléments d'information qu'il avait été

 14   impossible de confirmer avant l'interrogatoire de cette personne.

 15   Q.  Monsieur, ce rapport est rédigé moins d'un mois avant le bombardement

 16   de Hrasnica. Saviez-vous que le QG de la 4e Brigade motorisée avait été

 17   déplacé de Hrasnica avant que vous ne lanciez une bombe aérienne sur le

 18   site ?

 19   R.  Si je l'avais su, mon officier chargé du renseignement n'aurait pas

 20   indiqué que cela représentait un élément d'information nouveau. Donc, au

 21   départ, il dit que la personne interrogée n'a évoqué que des choses déjà

 22   connues, mais après il ajoute ces éléments d'information au sujet des

 23   tranchées et au sujet du QG et de son transfert. C'est sans doute justement

 24   à cause de la bombe aérienne que le QG a été transféré.

 25   Q.  Eh bien, Monsieur -- mais cela se passe avant l'incident avec la bombe

 26   aérienne. Et pour tout préciser, le QG de la 4e Brigade motorisée se

 27   trouvait dans le bureau du poste, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.


Page 23244

  1   Q.  Donc, ici, nous avons des éléments du renseignement dont vous vous êtes

  2   servi, comme vous l'avez indiqué vous-même, pour déterminer les cibles

  3   militaires. Vous aviez ces documents entre vos mains trois semaines avant

  4   de lancer la bombe aérienne sur le bureau du poste alors que la cible

  5   militaire, à savoir le QG, ne s'y trouvait plus, n'est-ce pas ?

  6   R.  Permettez-moi de dire ceci. Ce n'est pas seulement le commandant qui

  7   compose le commandement de la brigade. Il y a aussi tous les autres hommes

  8   qui l'accompagnent, il y a aussi le centre de transmission de la 104e

  9   Brigade motorisée. Et un centre de transmission est un élément-clé du

 10   commandement et du contrôle. Le bureau du poste permettait au commandant

 11   d'exercer le commandement et le contrôle par le biais des transmissions.

 12   Deuxièmement, en tant que commandant, moi, par exemple, je n'avais pas un

 13   seul QG. J'avais mon QG principal, j'avais un faux QG qui devait leurrer

 14   l'ennemi, et cetera. Donc, la déclaration de ce témoin ne peut être

 15   pertinente que par rapport à un QG de cette brigade.

 16   Q.  Mais en ce qui concerne le bureau du poste, il semblerait que ce poste

 17   de commandement n'était plus utilisé, que les hommes étaient partis ?

 18   R.  Mais ces locaux n'ont jamais été abandonnés pendant la guerre. Le

 19   centre de transmission s'y trouvait tout au long de la guerre, ainsi que

 20   d'autres organes du commandement. Je le sais pertinemment.

 21   Q.  Très bien. J'aimerais maintenant passer à un autre sujet pour me

 22   pencher sur une décision que vous avez adoptée quant à la définition des

 23   cibles.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de poser une question au

 25   témoin. Donc, dois-je comprendre que vous avez changé votre cible

 26   militaire, que vous ne preniez plus pour cible le bureau du poste parce que

 27   c'était un QG mais parce que c'était un centre de transmission ? Parce que

 28   plus tôt, je crois vous avoir entendu dire que le commandant y était, et


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  1   maintenant, après avoir examiné tous les documents qui suggèrent que le QG

  2   ne s'y trouvait pas, alors seulement vous nous dites : Eh bien, le centre

  3   de transmission y était toujours, par conséquent c'était toujours une cible

  4   militaire. N'êtes-vous pas en train de changer de position ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, non, je ne change pas de position.

  6   Le bureau du poste était le QG principal de la 104e Brigade motorisée tout

  7   au long de la guerre. Mis à part ce site, le commandant avait à sa

  8   disposition plusieurs postes de commandement avancés. Donc, il se peut

  9   qu'il s'est déplacé à son poste de commandement avancé numéro un, numéro

 10   deux ou numéro trois. Moi, j'ai gardé mes positions, en revanche. Et quant

 11   au bureau du poste, c'était le QG de la 104e Brigade motorisée tout au long

 12   de la guerre. Et si le commandant n'y était pas -- eh bien, le commandant

 13   tout seul ne remplace pas le poste de commandement. Il n'est pas le

 14   synonyme pour le commandement dans sa totalité.

 15   M. IVETIC : [interprétation] Je vous signale la page du compte rendu

 16   d'audience 47, lignes 2 à 8.

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur le Témoin, dans la phrase

 18   que nous lisons dans ce document, il est indiqué :

 19   "Le commandement de la 104e Brigade motorisée…"

 20   Donc, on parle du commandement, et non pas du commandant en personne. Et on

 21   n'évoque pas un poste de commandement avancé. On parle du "commandement",

 22   donc du QG.

 23   Pouvez-vous offrir un commentaire ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je le peux. Bien sûr qu'un Serbe qui est

 25   en train de s'enfuir ne peut pas connaître tous les détails de la tactique

 26   militaire. Vous avez ici une personne qui n'est pas spécialiste, et il

 27   parle sans distinction de commandant ou de commandement. Mais moi, d'après

 28   tout ce que je sais, je peux vous affirmer que cela ne correspond tout


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  1   simplement pas à la vérité. Moi-même, j'avais trois ou quatre postes de

  2   commandement dans ma brigade et que je changeais en fonction du centre de

  3   nos activités. Donc, on ne peut pas dire que le poste de commandement se

  4   situe uniquement là où se trouve le commandant lui-même.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci à Me Ivetic de nous avoir signalé

  6   sa référence.

  7   Tout à l'heure, vous avez indiqué que le commandement, le QG, de la

  8   104e motorisée se trouvait au bureau du poste. Est-ce que c'est différent

  9   par rapport au QG de la 4e Brigade motorisée ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] En 2004, les unités ont changé d'appellation.

 11   La 4e Brigade est devenue la 104e. La 2e Brigade qui avait été cantonnée à

 12   Stup est devenue la 102e. Et la 5e qui avait été cantonnée à Dobrinja est

 13   devenue la 15e. C'est pourquoi les chiffres que je cite varient d'une

 14   phrase à l'autre. En tout cas, il s'agit d'une seule et même brigade.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Et vous dites que c'est en

 16   2004 que l'appellation a été changée, que la brigade a été réactivée.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Ma langue est fourchée, il s'agit de 1994.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc la 4e et la 104e Brigades, c'est en

 19   fait une seule et même chose ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet. Et son commandant était Fikret

 21   Praljak.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 23   Vous pouvez poursuivre. 

 24   M. GROOME : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on affiche le

 25   document 1D02087 sur l'écran. C'est un rapport intérimaire rédigé par le

 26   colonel Radojcic, le 14 juillet 1995.

 27   Q.  Et vous évoquez ce document au paragraphe 86 de votre déclaration au

 28   préalable. C'est un rapport relativement court. Dans ce rapport, il est


Page 23247

  1   indiqué :

  2   "A 18 heures 50 aujourd'hui, nous avons entamé une attaque d'artillerie

  3   contre un convoi de camions qui n'avait pas été annoncé au préalable, et

  4   qui se déplaçait le long de la soi-disant route d'Igman en se dirigeant…"

  5   je ne vais pas citer l'endroit, je poursuis la citation, "et sous l'escorte

  6   des véhicules de combat de la FORPRONU."

  7   Ma première question sera la suivante : avez-vous donné l'ordre d'ouvrir le

  8   feu sur ce convoi ? Je vous serais reconnaissant d'une simple réponse, par

  9   oui ou par non.

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Les camions sur lesquels vous avez ouvert le feu, vous n'aviez pas

 12   d'élément de renseignement indiquant ce qui se trouvait à leur bord, n'est-

 13   ce pas ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  Ils pouvaient très bien contenir de la farine pour nourrir la

 16   population de Sarajevo, vous ne le saviez pas à l'époque ?

 17   R.  En effet. Mais ces camions auraient pu transporter aussi à leur bord de

 18   la munition.

 19   Q.  Et, ils auraient pu aussi transporter des enfants qu'on cherchait à

 20   emmener dans un hôpital. Vous ne saviez tout simplement pas ce qui avait à

 21   l'intérieur de ces camions ?

 22   R.  En effet, je ne le savais pas. Peut-être que les combattants de l'armée

 23   de la BiH s'y trouvaient.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, avant de poursuivre cette

 25   énumération de toutes les possibilités, oui, il pouvait s'agir des

 26   aliments, il pouvait s'agir des enfants, des personnes âgées, oui, il

 27   pouvait s'agir des fusils, des mortiers, restons-en là, parce que cela ne

 28   nous mène nulle part. Vous ne saviez pas ce qu'il y avait à l'intérieur.


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  1   Poursuivons.

  2   M. GROOME : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur, au paragraphe 86, vous dites :

  4   "Par ailleurs, plusieurs véhicules de l'armée de la BiH et de son 1er Corps

  5   faisaient partie du convoi."

  6   Donc, d'après votre rapport, les premiers éléments d'information que vous

  7   avez reçus c'est qu'il y avait peut-être un véhicule militaire dans le

  8   convoi et que cela n'a été constaté que lorsque vous avez ouvert le feu,

  9   donc après coup ?

 10   R.  En effet.

 11   Q.  Vous avez donc ouvert le feu sur ce convoi de la FORPRONU parce que son

 12   passage n'avait pas été annoncé au préalable, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Donc en absence de toute information au sujet du convoi, vous avez tout

 15   de même donné un ordre pour tirer dessus ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Et avez-vous envisagé la possibilité que la VRS avait été informée du

 18   passage du convoi, mais que tout simplement il y avait un problème au

 19   niveau des transmissions et que cet élément d'information ne vous a pas été

 20   communiqué ? Est-ce une possibilité que vous avez envisagée ?

 21   R.  En l'espèce, il n'y avait aucune possibilité d'erreur. Avant de donner

 22   l'ordre d'ouvrir le feu, j'ai téléphoné au lieutenant-colonel Indjic, qui

 23   était notre officier de liaison, et je lui ai posé la question si des

 24   convois avaient été annoncés, des convois qui devaient passer par la route

 25   d'Igman vers 18 heures 30. Il m'a dit que non, et pour moi, c'était un

 26   indice très clair qu'il s'est passé quelque chose de louche. Et je dois

 27   ajouter qu'à 18 heures 30, il ne fait plus jour là où nous nous trouvions à

 28   la différence de La Haye. A Igman, à 18 heures 30, l'obscurité règne déjà,


Page 23249

  1   et on n'y voit goutte. La distance qui séparait le convoi de mes positions

  2   était peut-être de 2 kilomètres et demi ou de 3 kilomètres.

  3   Q.  Et nous avons entendu plus tôt aujourd'hui que vous disposiez de

  4   l'équipement qui vous permettait de bien voir l'ennemi, n'est-ce pas ?

  5   R.  Certainement. C'est comme ça que nous avons repéré le convoi, parce que

  6   nous avions l'équipement de ce type ainsi qu'un camion du type T-12, qui

  7   est équipé d'un dispositif optique. C'est la raison pour laquelle nous

  8   avons pu toucher le convoi avec succès. Sinon, il nous aurait été

  9   impossible de le faire dans l'obscurité.

 10   Q.  Vous avez donc adopté la décision d'attaquer ce convoi indépendamment

 11   de la question de savoir si c'était une cible militaire ou non, tout

 12   simplement parce que son passage n'avait pas été annoncé au préalable. Ai-

 13   je bien compris votre déposition ?

 14   R.  Vous l'avez bien compris en partie, mais permettez-moi d'expliquer.

 15   C'était une zone de guerre. Tout véhicule qui n'était pas annoncé

 16   était potentiellement un véhicule ennemi. En tant que commandant, je

 17   n'avais pas le droit de faire une erreur parce que cela pouvait nous coûter

 18   très cher. Et c'est la raison pour laquelle j'ai donné l'ordre d'ouvrir le

 19   feu. Il faut envisager cette décision dans le contexte approprié.

 20   J'espère que vous me permettrez d'expliquer quel accord j'avais passé

 21   avec la FORPRONU quant à l'utilisation de la route d'Igman et quant au

 22   passage des convois humanitaires.

 23   Q.  Avant de passer à ce sujet, passons à la pièce P11, c'est un

 24   rapport de la FORPRONU préparé par David Harland, le 15 juillet 1995.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de l'examiner, permettez-moi

 26   de poser une question au témoin.

 27   Vous ai-je bien compris, vous pouviez tirer sur n'importe quelle

 28   cible qui était une cible militaire potentielle ?


Page 23250

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous n'étiez pas tenu de vérifier

  3   d'abord ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] De vérifier, mais comment ? On était en pleine

  5   nuit. Vous voyez des véhicules qui s'approchent de vous, vous ne pouvez pas

  6   établir si c'est un véhicule de la FORPRONU ou si c'est un véhicule

  7   appartenant à l'armée de la BiH. Avec des moyens infrarouges, vous ne

  8   pouvez pas établir avec certitude de quel type de véhicule il s'agit, ce

  9   n'est seulement que lorsque le premier véhicule a pris feu que nous avons

 10   vu d'autres véhicules faisant partie du convoi.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quels autres véhicules, d'autres

 12   véhicules de la FORPRONU ou d'autres véhicules et non pas ceux de la

 13   FORPRONU ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme j'ai déjà expliqué à M. le Procureur,

 15   mis à part les véhicules de la FORPRONU, le convoi comprenait aussi

 16   quelques véhicules de l'armée de la BiH, on pouvait le voir très

 17   clairement.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites, vous en indiquez tout

 19   simplement que vous avez vu d'autres véhicules.

 20   Donc, ce n'est qu'alors que vous avez constaté qu'il y avait des véhicules

 21   de la FORPRONU ainsi que d'autres véhicules.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons maintenant le document

 24   affiché sur l'écran. Nous avons encore deux ou trois minutes que nous

 25   pouvons utiliser, puis il va falloir lever la séance.

 26   M. GROOME : [interprétation] Il nous faut la page 4 dans le système du

 27   prétoire électronique dans les deux versions linguistiques. Je vais vous

 28   donner lecture de la partie pertinente. "C'est vendredi soir, le 14


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  1   juillet, un convoi de la FORPRONU, et du HCR, comprenant quatre véhicules

  2   et transportant de la farine, a été attaqué d'un appartement tenu par les

  3   Serbes au-dessous de la montagne au moment où ils traversaient la montagne

  4   d'Igman."

  5   Puis dans la suite, on décrit l'attaque en détail.

  6   Lorsque vous avez donné l'ordre d'attaquer le convoi, vous avez déjà

  7   indiqué que vous étiez préoccupé par le fait que c'était une zone de

  8   guerre. Mais à votre avis, si vous avez tiré pour avertir la FORPRONU,

  9   qu'est-ce que la FORPRONU aurait fait si vous aviez tout simplement indiqué

 10   en tirant en l'air que vous saviez où le convoi se trouvait et que cela

 11   vous posait problème, à votre avis, qu'est-ce que la FORPRONU aurait fait ?

 12   R.  Nous avons touché les véhicules, mais j'ai tiré une première fois. Ce

 13   n'est que la deuxième fois que nous avons touché le véhicule. C'est une

 14   partie de la route où il était possible de prendre ces véhicules pour

 15   cible. Si j'avais une carte, je pourrais vous montrer l'endroit. Mais si

 16   vous laissez passer les véhicules, alors, il devient impossible de les

 17   prendre pour cible. Et c'est pourquoi il fallait tirer immédiatement.

 18   Q.  Donc plutôt que de lancer un tir d'avertissement et de prendre le

 19   risque de ne pas pouvoir toucher la cible par la suite, vous avez ouvert

 20   immédiatement le feu sur un convoi alors que vous ne saviez pas de quel

 21   convoi il s'agissait, alors que vous ne saviez pas que c'était une cible

 22   militaire ?

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic.

 24   M. IVETIC : [interprétation] Objection.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 26   Je propose de lever la séance pour aujourd'hui, Monsieur Groome. Vous

 27   pouvez reposer la question au témoin lorsque nous aurons repris nos débats

 28   mercredi. Nous allons, par ailleurs, entendre à ce moment-là l'objection


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  1   soulevée par Me Ivetic.

  2   Monsieur le Témoin, je dois vous indiquer de nouveau que vous n'avez pas le

  3   droit de parler ou de communiquer avec qui que ce soit, en fait --

  4   attendez. Je vous donne les mêmes consignes qu'hier. Vous, donc, ne devez

  5   pas parler ou communiquer avec qui que ce soit au sujet de votre

  6   déposition. En revanche, je vous avertis que nous reprendrons nos travaux

  7   seulement mercredi parce que lundi et mardi, deux des Juges de cette

  8   Chambre ont d'autres obligations à remplir. Nous sommes désolés de vous

  9   faire attendre aussi longtemps. Malheureusement, il va falloir que vous

 10   restiez ici jusqu'à mercredi.

 11   Est-ce que cela vous pose problème ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, parce que j'avais déjà anticipé cette

 13   possibilité. J'avais pris des mesures appropriées.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous vous en sommes reconnaissants. Nous

 15   allons terminer votre déposition mercredi suivant.

 16   Vous pouvez maintenant suivre l'huissier.

 17   [Le témoin quitte la barre]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome.

 19   M. GROOME : [interprétation] Je vais peut-être alors demander aux Juges de

 20   la Chambre de signaler à la Section des Témoins et des Victimes qu'il ne

 21   faut pas faire partir le témoin ou alors, vérifier quelles sont leurs

 22   intentions.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne pense pas que ce soit leur

 24   intention. D'après ce que j'ai appris, son vol de retour a été annulé.

 25   M. GROOME : [interprétation] Très bien, merci.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, votre objection

 27   maintenant.

 28   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.


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  1   Monsieur Groome représente d'une façon erronée la déposition précédente du

  2   témoin. Je me référence au compte rendu d'audience provisoire, page 96,

  3   lignes 21 à 25, où il a dit qu'il avait tiré une première fois et que ce

  4   n'est que la deuxième fois qu'il a touché le véhicule. Donc, il n'est pas

  5   vrai qu'un tir d'avertissement n'a pas été lancé, d'après ce que nous

  6   pouvons lire dans le compte rendu d'audience.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais il y a d'autres éléments de preuve,

  8   par ailleurs. Le rapport lui-même représente un élément de preuve.

  9   M. IVETIC : [interprétation] Examinez la question qui figure à la page 96,

 10   ligne 1 [comme interprété].

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donnez-moi un instant.

 12   M. IVETIC : [interprétation] C'est en plein milieu de cette ligne.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je ne vois pas de question posée au

 14   témoin à ce sujet.

 15   M. IVETIC : [interprétation] Ah, pardon. Page 97, ligne 2.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Mais dans

 17   cette question, on ne se réfère pas à la déposition du témoin. C'est plutôt

 18   une position adoptée par l'Accusation sur la base de la totalité des

 19   éléments de preuve dont nous disposons. Et l'Accusation suggère sa thèse au

 20   témoin pour qu'il puisse la commenter. Par ailleurs, j'ai bien compris que

 21   d'après le témoin un premier tir a été lancé avant de toucher les

 22   véhicules, mais cela n'est pas indiqué dans le rapport. Dans le rapport, on

 23   dit tout simplement que la FORPRONU a fait l'objet d'une attaque, on ne

 24   mentionne pas les tirs d'avertissement.

 25   Donc, si vous dites que le compte rendu d'audience ne reflète pas la

 26   déposition du témoin dans sa totalité, ça c'est une chose. Mais si vous

 27   dites que la question posée par l'Accusation n'est pas acceptable, ça c'est

 28   une autre. Vous avez indiqué que l'Accusation a représenté d'une façon


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  1   erronée la déposition faite par le témoin, mais cela n'est pas vrai puisque

  2   si nous avons mis à jour tous les éléments de preuve dans leur totalité, il

  3   y a des éléments de preuve qui suggèrent que c'est la thèse de l'Accusation

  4   qui est correcte.

  5   M. IVETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, le témoin a dit qu'il a

  6   tiré pour avertir la FORPRONU et il me semble que la question de

  7   l'Accusation présentait la chose dans une lumière différente.

  8   M. GROOME : [interprétation] Mais je suis incapable de suivre. A quel

  9   moment le témoin a-t-il dit qu'il a lancé un tir d'avertissement ?

 10   M. IVETIC : [interprétation] J'ai déjà cité l'endroit pertinent, c'est

 11   lignes 21-25. Je vous ai déjà donné la page, Monsieur Groome.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il a dit qu'il y avait un premier tir

 13   d'abord et que le véhicule a été touché par la suite. Alors est-ce que

 14   c'était un tir d'avertissement ? Est-ce que le convoi a eu l'occasion de

 15   s'arrêter dans son mouvement ? Cela n'est pas très clair. Mais on peut

 16   préciser la question par la suite. Mais il faut distinguer entre

 17   l'objection qui a été soulevée et les questions qui restent à préciser.

 18   Quand on dit que la déposition du témoin a été représentée de façon erronée

 19   par l'Accusation, cette objection n'est pas acceptable.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. IVETIC : [interprétation] Mais où peut-on trouver dans le document

 22   l'indication qu'un tir d'avertissement n'a pas été tiré ?

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais si ce n'est pas mentionné, c'est

 24   que ça ne figure pas dans le document.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Si vous voulez réétudier la

 26   question, on peut le faire. Mais pour le moment, nous rejetons l'objection

 27   de Me Ivetic.

 28   Nous levons la séance pour aujourd'hui. Nous présentons nos excuses pour


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  1   notre retard à toutes les personnes qui nous assistent dans notre travail.

  2   Nous reprendrons nos travaux mercredi, le 2 juillet, dans la même salle

  3   d'audience, la salle d'audience numéro I, à 9 heures 30 du matin.

  4   --- L'audience est levée à 14 heures 25 et reprendra le mercredi, 2 juillet

  5   2014, à 9 heures 30.

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