Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 24 novembre 2014

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 33.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous dans le

  6   prétoire.

  7   Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous. Il s'agit

  9   de l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 11   Nous allons entendre une déposition par voie de vidéoconférence

 12   aujourd'hui.

 13   Est-ce que la vidéoconférence fonctionne ? Madame la Greffière, qui vous

 14   trouvez de l'autre côté de la vidéoconférence, est-ce que vous pouvez me

 15   dire si vous m'entendez ou si vous me voyez.

 16   Mme LA GREFFIÈRE [via vidéoconférence] : [interprétation] Bonjour,

 17   Messieurs les Juges. Nous vous entendons et nous vous voyons.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, nous aussi, ce qui veut dire

 19   qu'il n'y a pas de problème technique et nous pouvons commencer.

 20   Je vais demander au témoin de bien vouloir se lever.

 21   Bonjour, Monsieur Deuric.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de déposer, le Règlement du

 24   Tribunal exige que vous prononciez une déclaration solennelle. On vous en

 25   remet le texte, et je vous demande de bien vouloir le lire.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 27   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 28   LE TÉMOIN : MOMIR DEURIC [Assermenté]


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  1   [Le témoin répond par l'interprète]

  2   [Le témoin dépose par vidéoconférence]

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez vous rasseoir.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, pourriez-vous nous

  6   informer des personnes présentes dans la salle là où vous vous trouvez.

  7   Mme LA GREFFIÈRE [via vidéoconférence] : [interprétation] Messieurs les

  8   Juges, à part le témoin et moi-même, il y a un technique informatique.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Personne d'autre.

 10   Mme LA GREFFIÈRE [via vidéoconférence] : [interprétation] Personne d'autre.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 12   Alors, Monsieur, vous allez tout d'abord être interrogé par Me

 13   Stojanovic. Vous allez le voir apparaître à l'écran très bientôt. Et Me

 14   Stojanovic est le conseil de M. Mladic.

 15   Maître Stojanovic, si vous êtes prêt, je vous en prie.

 16   M. STOJANOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

 17   Interrogatoire principal par M. Stojanovic :

 18   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 19   R.  Bonjour. Bonjour à tout le monde.

 20   Q.  Monsieur, j'aimerais vous demander pour commencer de décliner votre

 21   identité lentement.

 22   R.  Je m'appelle Momir Deuric, fils de Lazo, et je suis né le 5 juillet

 23   1946 dans la municipalité de Vlasenica, à Susica.

 24   Q.  Monsieur Deuric, est-ce qu'à un moment vous avez fait une déclaration

 25   par écrit à l'équipe de M. Karadzic ?

 26   R.  Oui.

 27   M. STOJANOVIC : [interprétation] Je demande l'affichage dans le prétoire

 28   électronique du document 65 ter 1D04305. Regardons la dernière page, s'il


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  1   vous plaît.

  2   Q.  Monsieur Deuric, est-ce que vous voyez la page à l'écran ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  La signature sur cette page et la date ont-elles été écrites de votre

  5   main ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Merci. Vous avez aujourd'hui prononcé la déclaration solennelle, et

  8   nous nous sommes rencontrés pour une séance de récolement avant que vous ne

  9   déposiez ici, j'aimerais savoir si vos réponses aujourd'hui seraient les

 10   mêmes si je vous posais les mêmes questions que celles auxquelles vous avez

 11   répondu ?

 12   R.  Oui, ma déclaration serait exactement la même, je n'aurais rien à y

 13   changer. Et ce que j'y dis est la vérité.

 14   Q.  Merci.

 15   M. STOJANOVIC : [interprétation] Je demande le versement de la déclaration

 16   du Témoin Momir Deuric, portant la cote 65 ter 1D04305.

 17   M. MacDONALD : [interprétation] Pas d'objection, Messieurs les Juges.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 19   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D04305 reçoit la cote

 20   D797, Messieurs les Juges.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document est admis au dossier.

 22   Veuillez continuer, Maître Stojanovic.

 23   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci. Si vous me le permettez, Monsieur

 24   le Président, j'aimerais à présent donner lecture du résumé de la

 25   déclaration.

 26   M. LE JUGE ORIE : [hors micro]

 27   L'INTERPRÈTE : Le Juge Orie est hors micro.

 28   M. STOJANOVIC : [interprétation] Le témoin, Deuric, Momir, s'est retrouvé


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  1   sur son lieu de travail à l'état-major de la Défense territoriale de

  2   Vlasenica lorsque la guerre a commencé en Bosnie-Herzégovine. Il était

  3   chargé de la sécurité du dépôt de la Défense territoriale, une installation

  4   dans la localité de Susica à Vlasenica. Quatre autres collègues s'y

  5   trouvaient, deux Serbes et deux Musulmans, qui faisaient le même travail.

  6   Le témoin a vu l'homogénéisation nationale avant la guerre, les conflits

  7   entre les différents groupes ethniques quant à l'avenir de la Yougoslavie,

  8   la réponse à la mobilisation et l'armement de la population à la fois serbe

  9   et musulmane. Alors que la guerre se rapprochait de plus en plus de

 10   Vlasenica, la population a commencé à paniquer, ce qui a provoqué de grands

 11   mouvements de Serbes vers la Serbie et de Musulmans vers Kladanj et Tuzla.

 12   Les groupes ethniques dans les villes et dans les campagnes avaient peur

 13   les uns des autres, ce qui a donné lieu à une méfiance généralisée. Après

 14   le 21 avril 1992 et après l'appel à la mobilisation, le témoin a reçu une

 15   affectation de guerre et s'est vu affecté à la sécurité de l'installation

 16   de Susica.

 17   Il a été un témoin oculaire lorsque, au début du mois de mai 1992, la

 18   population serbe qui avait fui et qui avait trouvé refuge à Vlasenica, qui

 19   venait de Gorazde, Kladanj et Olovo, avait commencé à arriver. La

 20   population a été placée dans une partie du dépôt à Susica qui n'avait pas

 21   d'équipement militaire. La population serbe a peu à peu quitté cette

 22   installation et a trouvé un meilleur logement. Plus tard, cette

 23   installation a été reprise par l'armée, qui a commencé à y mettre des

 24   Musulmans qui seraient venus du village de Memici et plus tard de

 25   Vlasenica. Il y a eu des cas où des familles musulmanes sont arrivées là-

 26   bas de leur propre gré pour y passer la nuit en attendant d'être

 27   transportées ailleurs parce qu'elles ne se sentaient pas en sécurité chez

 28   elles.


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  1   Pendant son séjour et pendant son travail à Susica, le témoin a vu à

  2   plusieurs reprises des délégations étrangères en visite, escortées par la

  3   police, et s'est rendu compte plus tard qu'il s'agissait de représentants

  4   de la Croix-Rouge internationale. Le 26 septembre 1992, après l'attaque de

  5   forces musulmanes sur le village de Rogosija et après le meurtre de

  6   certains membres de sa famille éloignée, il a été actif dans l'armée. Après

  7   deux jours, après avoir rencontré Dragan Nikolic, il s'est rendu compte, et

  8   c'est Dragan Nikolic qui le lui a dit, que le centre d'accueil de Susica

  9   avait été fermé et que les personnes qui s'y trouvaient avaient été

 10   emmenées pour échange.

 11   Ceci conclut le résumé de la déclaration du témoin, Monsieur le

 12   Président, et si vous me le permettez, je n'ai que quelques questions à

 13   poser à ce témoin.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous en prie, faites comme vous

 15   l'avez suggéré, Maître Stojanovic.

 16   M. STOJANOVIC : [interprétation] Je vous remercie.

 17   Q.  Monsieur Deuric, je vais me contenter de vous poser deux questions sur

 18   des choses que vous connaissez peut-être et portant sur l'alimentation qui

 19   était fournie à la population qui se trouvait dans cette installation

 20   lorsque vous y travailliez, lorsque vous étiez au centre d'admission de

 21   Susica.

 22   D'où provenait cette alimentation; et en quoi consistait-elle ?

 23   R.  La nourriture venait de Vlasenica. Je ne sais pas exactement quelle

 24   cuisine préparait cette nourriture, mais je crois qu'elle s'appelait

 25   Putnik. La nourriture était excellente.

 26   Q.  Dans le cadre de votre affectation à la sécurité dans l'installation de

 27   Susica qui avait un équipement militaire, est-ce que vous receviez la même

 28   nourriture que les personnes qui étaient logées à Susica ?


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  1   R.  Oui, c'était la même nourriture.

  2   Q.  Dans le bâtiment dont vous assuriez la sécurité, est-ce que vous étiez

  3   séparé physiquement du bâtiment où ces personnes se trouvaient ?

  4   R.  Il y avait deux bâtiments, en fait. Le premier entreposait de

  5   l'équipement militaire, et moi, je me trouvais la plupart du temps dans ce

  6   bâtiment-là. J'approvisionnais et je réassortissais l'équipement lorsqu'il

  7   arrivait, parce que l'approvisionnement arrivait, mais on le laissait là.

  8   Donc il fallait un petit peu réarranger les choses, réassortir les choses.

  9   Et puis, ce bâtiment était séparé du bâtiment où le reste de la population

 10   avait été placée.

 11   Q.  Après votre recrutement et après les événements bien connus dans le

 12   village de Rogosija, est-ce que vous êtes revenu plus tard au bâtiment de

 13   Susica ?

 14   R.  Oui, en 1994. Jusqu'à ce moment-là j'étais sur la ligne de front, et

 15   puis on m'a réaffecté à mon ancien milieu de travail, le dépôt. C'était aux

 16   alentours du mois d'octobre 1994.

 17   Q.  A l'époque, jusqu'à la fin de la guerre, est-ce qu'il y avait des

 18   prisonniers dans le bâtiment de Susica ?

 19   R.  Non, il n'y avait pas de prisonniers.

 20   Q.  Je vous remercie de vos réponses, Monsieur Deuric. Je suppose que le

 21   bureau du Procureur va à présent procéder à son contre-interrogatoire.

 22   R.  Je vous en prie.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'Accusation est-elle prête pour le

 24   contre-interrogatoire ?

 25   M. MacDONALD : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur, vous allez à présent être

 27   contre-interrogé par M. MacDonald. M. MacDonald est le conseil du bureau du

 28   Procureur.


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  1   Je vous en prie, Monsieur MacDonald.

  2   Contre-interrogatoire par M. MacDonald :

  3   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Deuric.

  4   R.  Bonjour.

  5   Q.  Je vais vous poser des questions principalement sur le camp de Susica.

  6   Mais avant de le faire, je voudrais vous demander de prendre le paragraphe

  7   26 de votre déclaration. On y voit que vous avez participé à des opérations

  8   de combat à Cerska et Kravica en mars ou aux alentours du mois de mars

  9   1993; est-ce que vous pouvez le confirmer ?

 10   R.  Oui, c'est exact.

 11   Q.  Dans le même paragraphe, vous parlez d'un événement impliquant des

 12   combattants musulmans au mont Udrc, et vous dites qu'ils sont descendus de

 13   cette montagne et ont tué 12 soldats du secteur de Krajina.

 14   M. MacDONALD : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter -

 15   -

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui --

 17   M. MacDONALD : [interprétation] -- 65 ter 09563, s'il vous plaît.

 18   Q.  Il s'agit d'un rapport de combat daté du 2 mars 1993 du commandement de

 19   la Brigade de Zvornik envoyé au commandement du Corps de la Drina. Il nous

 20   parle de ce secteur à cette époque-là. Et je vais vous demander de regarder

 21   la deuxième moitié du point 1, s'il vous plaît. Il est dit :

 22   "Aux alentours de 8 heures 30, des colonnes de civils et de soldats ont été

 23   remarquées depuis Udrc et Rasevo vers Konjevic Polje. Les colonnes ont été

 24   ciblées au moyen de tout ce qui était à disposition."

 25   Donc, vous, vous nous parlez du meurtre de 12 soldats dans le même secteur

 26   au même moment de cet incident, mais à ce moment-là la VRS était en train

 27   de bombarder des colonnes constituées de civils, et ce, avec tous les

 28   moyens possibles, n'est-ce pas ?


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  1   R.  Ce n'est pas vrai. Ce groupe est venu d'Udrc et a tué 12 soldats du

  2   Corps de Krajina. A Cerska, nous n'avons combattu aucun civil. Ce groupe se

  3   trouvait sur le mont Udrc et est descendu vers le village le plus proche,

  4   Babici, parce que le Corps de Krajina --

  5   Q.  Non, je vous pose une question sur ce rapport qui est un événement

  6   séparé, même s'il a eu lieu au même endroit au même moment, et qui porte

  7   sur des bombardements de la VRS sur des colonnes incluant, entre autres,

  8   des civils, et je vous parle du fait que la VRS ciblait ces colonnes par

  9   tous les moyens possibles. Est-ce que vous êtes au courant de cet événement

 10   ?

 11   R.  Non, je ne sais rien à ce propos. Nous, nous sommes passés par Cerska

 12   vers Konjevic Polje, et de Konjevic Polje nous sommes allés vers Kravica,

 13   mais nous n'avons vu aucune montagne [comme interprété] sur le chemin.

 14   Quand je dis nous, je parle de moi-même et de mon unité.

 15   Q.  Alors je vais poursuivre.

 16   M. MacDONALD : [interprétation] Ma collègue me dit que le document a déjà

 17   été admis au dossier, en fait, sous la cote P06928. Merci beaucoup.

 18   Q.  Monsieur Deuric, pendant vos propres opérations à l'époque, vous étiez

 19   en charge de la coordination avec le 1er Corps de la Krajina, et en

 20   particulier l'unité commandée par le commandant Mauzer; est-ce que vous

 21   pouvez le confirmer ?

 22   R.  Je ne sais pas qui commandait cette unité. Notre unité venait de

 23   Vlasenica. Elle est passée par Cerska, Konjevic Polje, sur le chemin de

 24   Kravica. A gauche, à droite, moi, je ne sais pas quelles unités s'y

 25   trouvaient. Et lorsque nous sommes partis de Kravica et que nous sommes

 26   arrivés au village de Siljkovici, c'est là que nous avons vu le 1er Corps

 27   de la Krajina à notre droite. Je pense que nous sommes restés là-bas quatre

 28   ou cinq jours.


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  1   M. MacDONALD : [interprétation] L'Accusation demande l'affichage du

  2   document 65 ter 09775, s'il vous plaît.

  3   Vous avez là un ordre du combat du Corps de la Drina daté du 12 février

  4   1993. Page 3 en anglais, s'il vous plaît, même page en B/C/S. Paragraphe

  5   5.3

  6   Q.  Nous voyons là la lpbr de Bratunac et le bataillon du 1er Corps de

  7   Krajina et un bataillon d'infanterie qui sont sur le point de mettre sur

  8   pied une attaque. Ils sont censés mener des opérations d'active grâce à une

  9   brigade spéciale d'opération à la tête de laquelle Mauzer se trouve. C'est

 10   lui le commandant.

 11   Est-ce que vous faisiez partie du 3e Bataillon d'infanterie ?

 12    R.  Je pense, oui.

 13   Q.  Et Kravica, c'était le secteur dans lequel vous étiez déployé ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Et votre objectif était de capturer le village de Kravica à l'époque ?

 16   R.  Oui. Mais nous n'avons pas participé à des combats. Nous avons

 17   principalement avancé en colonne. Nous n'avons pas vu de civils ou de

 18   troupes ennemies.

 19   M. MacDONALD : [interprétation] L'Accusation demande le versement de ce

 20   document, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, le document 09775

 23   reçoit la cote P6935.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document est admis au dossier.

 25   Témoin, je voudrais vous poser une question. Dans votre réponse précédente,

 26   vous avez laissé entendre que vous vous êtes rendu compte pendant

 27   l'opération, ou du moins que c'était un hasard, que c'était à la fin de

 28   votre cheminement que le Corps de Krajina s'y trouvait, et vous avez dit à


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  1   votre gauche.

  2   Est-ce que vous avez des connaissances sur le fait qu'il s'agissait d'une

  3   opération de coordination telle que le document que nous avons vu le

  4   suggère ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Le Corps de la Krajina se trouvait à notre

  6   droite, à la droite de mon unité.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il se peut que je me sois trompé -- quoi

  8   qu'il en soit, à gauche ou à droite. J'aimerais savoir si vous étiez au

  9   courant d'une coordination entre votre unité et les unités du Corps de

 10   Krajina ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai aucune information à ce sujet.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 13   Veuillez continuer.

 14   M. MacDONALD : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur Deuric, maintenant je voudrais que nous parlions de ce camp de

 16   Susica.

 17   Vous avez travaillé dans un entrepôt et vous avez été chargé de la

 18   préservation de l'équipement de la TO. Alors, à quelle distance se trouvait

 19   cet entrepôt de l'endroit où les prisonniers ont été gardés ?

 20   R.  Vingt mètres peut-être, pas plus.

 21   Q.  Ai-je raison de dire qu'il n'y avait pas d'entraves physiques au sein

 22   de ce camp, il n'y avait rien qui aurait pu vous empêcher d'aller de

 23   l'entrepôt jusqu'à cet autre entrepôt ?

 24   R.  Les entrées se trouvaient plus éloignées l'une de l'autre. L'entrée

 25   dans un bâtiment et l'entrée dans l'autre bâtiment se trouvaient être assez

 26   éloignées.

 27   Q.  Je m'excuse si ma question n'a pas été claire. Je voulais demander s'il

 28   n'y avait pas de barrières physiques entre la porte de votre entrepôt à


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  1   vous et celle de l'entrepôt où les prisonniers ont été gardés ? C'est ce

  2   que je voulais vous poser comme question.

  3   R.  Non. Il n'y a pas eu d'obstacles du tout.

  4   Q.  Il y avait un pylône pour le transport de l'électricité en forme de la

  5   lettre A, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Et ce pylône, il était à quelle distance de l'entrepôt où vous

  8   travailliez ?

  9   R.  Quinze à 20 mètres, à peu près.

 10   Q.  Et imaginons que je sorte de cet entrepôt, celui où vous travaillez, je

 11   ne pouvais voir aucun obstacle entre moi-même et ce pylône, n'est-ce pas ?

 12   R.  C'est cela.

 13   Q.  Pour que les choses soient bien consignées de façon claire au compte

 14   rendu, je vais reformuler ma question.

 15   Y avait-il un obstacle physique entre la porte de l'entrepôt où vous

 16   travailliez et le pylône dont nous venons de parler ?

 17   R.  On avait placé là des caisses vides qui servaient au transport de

 18   munitions, ou de grenades, d'obus, donc souvent il y avait cet obstacle-là

 19   entre le pylône et la porte.

 20   Q.  Je vais aller de l'avant. S'agissant de la Défense territoriale de

 21   Vlasenica, vous vous êtes présenté là-bas le 21 avril 1992. En fait, vous

 22   avez répondu à une convocation, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  A l'époque où vous étiez chargé de la garde de ces installations de la

 25   Défense territoriale, vous avez précisé que l'armée avait pris le contrôle

 26   de Susica en fin mai. Slobodan Piuk [comme interprété] était l'un des

 27   officiers de la VRS qui était présent à Susica; est-ce bien cela ?

 28   R.  Je ne sais pas de quel Slobodan vous êtes en train de parler. Il y


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  1   avait un dénommé Slobodan Pajic, mais lui, il n'était pas à Susica.

  2   Q.  J'aimerais vous montrer le témoignage que vous avez fourni dans

  3   l'affaire Karadzic.

  4   M. MacDONALD : [interprétation] Ce document porte la référence 65 ter

  5   31641. La page dont nous avons besoin est la page 14.

  6   Q.  Il n'y a pas de version en B/C/S, Monsieur, aussi vais-je en donner

  7   lecture tout simplement. Le conseil vous a posé une question et il a dit ce

  8   qui suit :

  9   "A cette même page, le témoin fait référence à Veljko Basic et Slobodan

 10   Pajic, qui, d'après les propos dudit témoin, ont pris un autocar plein de

 11   femmes et d'enfants de Susica et ils ne sont jamais revenus. Vous avez

 12   parlé de Veljko Basic dans votre déclaration. Slobodan Pajic était un

 13   officier de la VRS --"

 14   Puis vous avez répondu : "Oui."

 15   Puis la question est réitérée :

 16   "Ce Slobodan Pajic était un officier de la VRS qui était présent à Susica,

 17   n'est-ce pas ?"

 18   Et vous avez répondu : "Oui, Veljko Basic était le directeur du camp," et

 19   vous passez à autre chose.

 20   Alors, Monsieur, je vais vous reposer ma question : Slobodan Pajic était un

 21   officier de la VRS présent à Susica, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui, il n'est resté que très peu de temps, lui. Il a quitté Susica. Je

 23   ne sais pas s'il est allé au champ de bataille.

 24   Q.  Quand se trouvait-il être présent là-bas ?

 25   R.  Au mois de mai. Je ne sais pas trop. Fin mai, me semble-t-il, ou mi-

 26   mai.

 27   Q.  Savez-vous s'il avait donné l'ordre ou s'il avait évalué le niveau de

 28   la sécurité qui était présente à Susica afin que ce soit fait avant juin ?


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  1   R.  Je n'en ai pas connaissance de cela.

  2   Q.  On y reviendra un peu plus tard. Qui était votre supérieur hiérarchique

  3   à Susica ?

  4   R.  J'ai ouï dire que c'était Veljko qui était le directeur du camp. Veljko

  5   Basic, un policier à la retraite.

  6   Q.  Oui, vous l'avez déjà dit dans votre déclaration. Mais qui était votre

  7   supérieur hiérarchique à vous ?

  8   R.  A nous ? C'était feu Bosko Nastic. Il est devenu par la suite chef de

  9   compagnie, le chef du QG aussi.

 10   Q.  Merci. Ai-je bien compris, ce Bosko Nastic était votre supérieur

 11   hiérarchique lorsque vous vous trouviez à Susica ?

 12   R.  Oui. Il était chef du QG jusqu'en 1991, puis il a été relevé de ses

 13   fonctions par Fikret Hodzic. Ou Ferid Hodzic, plutôt.

 14   Q.  Et quand a-t-il été révoqué de ses fonctions par le dénommé Ferid

 15   Hodzic ?

 16   R.  En 1991. Je ne sais pas vous dire quand. Je crois que c'était vers le

 17   mois d'août ou septembre.

 18   Q.  Et quand cette armée a pris le contrôle du camp en mai 1992 --

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez un instant, Monsieur MacDonald.

 20   Je crois que maintenant il y a une certaine confusion.

 21   Monsieur le Témoin, on vous a posé des questions au sujet de ce M. Bosko

 22   Nastic. On vous a demandé s'il avait été votre supérieur hiérarchique à

 23   l'époque où vous travailliez à Susica. Etait-ce bien le cas ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, parce qu'il connaissait bien cet entrepôt

 25   et le matériel qui s'y trouvait.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et quand au juste cela se passe-t-il ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] A compter du 21 avril, c'est là que j'ai été

 28   affecté à Susica. Et pendant les activités de combat, moi j'étais à Susica


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  1   ?

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le 21 avril de quelle année ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] 1992.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ensuite, en avril 1992, c'est lui qui

  5   était votre supérieur hiérarchique, si je vous ai bien compris ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et jusqu'à quand est-il resté votre

  8   supérieur hiérarchique à Susica même ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Il a passé à peu près un mois là, puis il est

 10   allé au champ de bataille. Il était chef d'une compagnie là-bas. Les autres

 11   qui étaient à l'époque dans la cellule de Crise, je ne sais pas trop vous

 12   dire qui est-ce qui travaillait là-bas au juste.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. J'ai reçu les réponses que je

 14   souhaitais.

 15   A vous, Monsieur MacDonald.

 16   M. MacDONALD : [interprétation]

 17   Q.  Les prisonniers de guerre étaient gardés au camp de Susica, n'est-ce

 18   pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Les interprètes ne vous entendent pas, Monsieur. J'aimerais que vous

 21   vous rapprochiez du micro. Et je vais répéter ma question.

 22   J'ai demandé si les prisonniers de guerre ont été gardés au camp de Susica

 23   une fois que l'armée a pris le contrôle de celui-ci en fin mai 1992, n'est-

 24   ce pas ?

 25   R.  Oui. Au mois de mai. Je ne sais pas exactement quand est-ce que l'armée

 26   a pris le contrôle, mais je pense que ça s'est passé au mois de mai.

 27   Q.  Il y avait des centaines de détenus à Susica à un moment donné, n'est-

 28   ce pas ?


Page 28711

  1   R.  Quand il y en avait un peu plus, on les envoyait pour des échanges,

  2   pour autant que je sache. Et dès qu'ils étaient assez nombreux, surtout les

  3   civils, les femmes et les enfants, elles et eux, on les envoyait tout de

  4   suite, ceux qui voulaient partir à Kladanj ou à Cerska.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur MacDonald, vous êtes en train

  6   de vous servir du terme de "prisonniers de guerre". Est-ce que vous avez

  7   l'intention de vous en servir dans un sens technique du terme ? Et aussi,

  8   est-ce l'avis de l'Accusation qu'il y avait des combattants qui avaient été

  9   faits prisonniers ou est-ce que vous avez eu autre chose à l'esprit ?

 10   M. MacDONALD : [interprétation] Non, Monsieur le Président, justement

 11   j'allais contester le terme.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais vous avez posé la question en

 13   parlant de prisonniers de guerre, et on a répondu par un "oui".

 14   M. MacDONALD : [interprétation] Je vais évoquer ce fait pour indiquer qu'il

 15   y avait également des civils de gardés.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

 17   M. MacDONALD : [interprétation] Je vais maintenant passer à ce que vous

 18   venez de dire à la fin de vos propos.

 19   Q.  En fait, Susica, ça avait été destiné pour y garder des femmes, enfants

 20   et des personnes âgées, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui. J'ai déjà indiqué que certaines personnes venaient de leur plein

 22   gré parce qu'on se sentait plus en sécurité que chez soi. C'est ce que nous

 23   disaient les gens.

 24   Q.  Monsieur Deuric, pour que les choses soient dites de façon claire,

 25   l'Accusation est d'avis que l'armée a fait venir des civils pour les

 26   détenir à Susica, et ceci incluait des hommes qui n'étaient pas des

 27   combattants, des femmes, enfants et personnes âgées. Et la Chambre a

 28   entendu des témoignages de la part de différents témoins à cet effet-là.


Page 28712

  1   M. MacDONALD : [interprétation] En termes de référence, Messieurs les

  2   Juges, je dirais qu'il y a le Témoin RM088, pièce P524, page 8, paragraphe

  3   36. Ce témoin a parlé de jeunes femmes et de filles. D'autres témoins ont

  4   également parlé de civils, y compris des femmes enceintes et des gens qui

  5   n'avaient pas tous leurs moyens, qui ont été gardés pendant un certain

  6   temps dans Susica. Je serais heureux de fournir les références aux Juges si

  7   besoin est.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur MacDonald, si vous vous penchez

  9   sur les réponses, en particulier page 15, lignes 12, 13, 14, le témoin a

 10   dit qu'il y avait eu des civils, des femmes et des enfants. Donc, si vous

 11   vous penchez en même temps sur les réponses fournies par lui - laissez-moi

 12   juste vérifier la ligne où ça se trouve - il est question de leur statut

 13   là-bas, et il a dit ce qui suit -- il semblerait qu'il y ait un problème…

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, voilà. Si vous vous penchez sur la

 16   page 16, à commencer par la ligne 7, c'est la deuxième ligne de sa réponse

 17   à lui. Il semble que si contestation il y a, cela devrait se trouver à ce

 18   niveau-là plutôt qu'au niveau du fait de savoir s'il y a eu ou pas des

 19   civils.

 20   Continuez.

 21   M. MacDONALD : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Q.  Monsieur Deuric, certains détenus ont été gardés là pendant des

 23   périodes assez longues, au camp de Susica, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, ils pouvaient aller effectuer différentes tâches. Ils se

 25   présentaient, ils se portaient volontaire pour aller faire ceci ou cela.

 26   C'étaient pour la plupart des cas de figure des artisans.

 27   Q.  Monsieur Deuric, il y a eu une visite de l'OSCE le 2 septembre 1992, et

 28   ils ont fait état du fait d'avoir vu des détenus et il leur a semblé qu'ils


Page 28713

  1   étaient pâles, maigres, épuisés. Et ils ont tiré la conclusion de dire que

  2   : "Sans aucun doute, la plupart d'entre eux étaient affamés."

  3   Les détenus que vous avez vus vous-même au camp de Susica étaient-ils

  4   épuisés, pâles et amaigris, n'est-ce pas, en début septembre ?

  5   R.  Que sais-je ? Il y en avait qui étaient maigres avant de venir. Eux

  6   aussi, ils se portaient volontaire pour aller effectuer différentes tâches. 

  7   M. MacDONALD : [interprétation] Je demanderais à ce qu'on nous affiche la

  8   pièce 65 ter 07021 A de la liste 65 ter. Il s'agit ici d'un extrait d'un

  9   rapport dont j'ai parlé tout à l'heure. J'aimerais qu'on nous affiche la

 10   page 2 en anglais, s'il vous plaît, et la page 2 en B/C/S aussi.

 11   La première page, Messieurs les Juges, est la page de garde du rapport, et

 12   le reste c'est un extrait.

 13   Sous l'intitulé, on dit : "Nombre de détenus, description." La ligne 2 --

 14   excusez-moi. Il faudrait nous afficher la page 2 en anglais. L'intitulé :

 15   "Conditions en matière de santé" -- ah oui, excusez-moi, c'est la page 3 en

 16   anglais. Merci.

 17   Q.  Au paragraphe 2, sous l'intitulé, troisième ligne, il est dit :

 18   "Les détenus semblaient être amaigris, épuisés et pâles, et nous étions

 19   moins à même de déterminer si la nourriture était insuffisante ou s'ils

 20   étaient vêtus de vêtements trop grands. Mais il n'y avait pas de doute pour

 21   ce qui est de dire que la plupart d'entre eux étaient affamés."

 22   Alors, Monsieur Deuric, nous sommes d'avis au niveau de l'Accusation

 23   que ces détenus ont été gardés là au camp de Susica pendant des périodes de

 24   temps assez longues sans pour autant être nourris de façon correcte.

 25   R.  Je ne suis pas d'accord avec vous. Je sais que la nourriture

 26   était apportée régulièrement et je sais que tous recevaient à manger.

 27   M. MacDONALD : [interprétation] Je voudrais maintenant que nous revenions

 28   vers la page 2 en anglais. Et en B/C/S, nous resterons à la même page. On


Page 28714

  1   va voir quel est "Le nombre des détenus et le descriptif fourni."

  2   Q.  En ligne 2, il y est dit :

  3   "On nous a dit que ce centre était utilisé pour qu'on y garde et enregistre

  4   les prisonniers et les réfugiés serbes pour des périodes de quelques jours

  5   à peine, mais nous avons déterminé qu'au moins plusieurs de ces détenus se

  6   trouvaient là-bas depuis deux mois ou plus. Nous avons eu l'impression

  7   qu'il s'agissait de civils innocents qui n'avaient pas porté d'armes et qui

  8   ne s'étaient pas attaqués aux Serbes et que bon nombre d'entre eux

  9   semblaient être des gens du cru."

 10   Alors, Monsieur Deuric, vous allez d'abord nous dire si vous êtes d'accord

 11   avec nous ou pas pour indiquer qu'un certain nombre de détenus avaient été

 12   gardés là-bas pendant deux mois, voire même plus ?

 13   R.  Je ne le sais pas, cela. Je ne sais pas qui a été amené, à quel moment,

 14   quand est-ce qu'on les a envoyés pour des échanges et combien de temps

 15   certains d'entre eux sont restés là.

 16   Q.  Monsieur Deuric, vous avez précédemment été content d'indiquer aux

 17   Juges de la Chambre que certains détenus arrivaient et étaient emmenés tout

 18   de suite ailleurs. C'est ce que vous avez affirmé. Si vous saviez cela,

 19   vous deviez forcément savoir aussi qu'un certain nombre de détenus avaient

 20   été gardés là pendant des périodes plus longues, périodes allant parfois

 21   jusqu'à durer deux mois ou plus ?

 22   M. STOJANOVIC : [interprétation] Objection.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, un instant, Monsieur le

 24   Témoin.

 25   Oui, Maître Stojanovic.

 26   M. STOJANOVIC : [interprétation] Le témoin a déjà répondu à la question; il

 27   a dit qu'il ne savait pas combien de temps on avait gardé ces personnes-là

 28   là-bas, en particulier au sujet de deux mois.


Page 28715

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais étant donné l'introduction que

  2   M. MacDonald a faite à sa question, la question est autorisée.

  3   Le témoin peut maintenant répondre.

  4   Veuillez répondre, Monsieur le Témoin. M. MacDonald vous a demandé de nous

  5   dire comment vous avez fait pour pouvoir affirmer que certains prisonniers

  6   étaient partis très peu de temps après leur arrivée. Alors, comment pouvez-

  7   vous dire que vous ne saviez pas au sujet d'autres personnes qui n'étaient

  8   pas parties de là si vite que cela ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais écoutez, d'après ce que j'en sais,

 10   certains avaient demandé à être échangés tout de suite. Certains sont

 11   restés pour travailler et ils sont allés accomplir des tâches très variées.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez personnellement

 13   rencontré certains Musulmans là-bas ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'en connaissais pas mal. On se

 15   fréquentait, on se voyait entre nous.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous pose la question parce que, au

 17   paragraphe 20 de votre déclaration, je peux lire ceci :

 18   "Et bien que j'aie été à Susica pendant la journée, je passais surtout le

 19   temps dans nos locaux pour éviter d'être vu par les Musulmans que je

 20   connaissais parce qu'ils auraient pu me demander des choses."

 21   Alors, ici, vous dites que plus ou moins vous avez évité tout contact avec

 22   les Musulmans; or, maintenant, vous nous indiquez que vous les fréquentiez.

 23   Alors, est-ce que vous pouvez m'expliquer d'où viennent les changements

 24   survenus au niveau de votre réponse ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous dire, je ne pouvais pas les

 26   éviter dans une enceinte où il y avait dix personnes qui me connaissaient

 27   toutes. Je ne les évitais pas, ces personnes. Je ne les évitais pas. Si on

 28   me demandait quelque chose, une cigarette, et ce genre de chose, oui, nous


Page 28716

  1   avons eu un contact. Je n'ai pas évité des contacts pour je ne sais quelle

  2   raison. Ce que j'évitais, c'est de les voir me demander de les aider

  3   autrement, parce que je ne pouvais pas le faire.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelle sorte d'aide auraient-ils pu vous

  5   demander, à votre avis, et ce que vous avez voulu éviter ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Quelle sorte d'aide ? A plusieurs reprises,

  7   par exemple, une connaissance s'est adressée à moi, l'un de mes amis, pour

  8   que je l'emmène, qu'il prenne un bain. Et moi, je ne pouvais pas le faire,

  9   puisque je n'étais pas en mesure de faire cela.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire qui il était ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'est difficile de me souvenir de cela.

 12   Cela s'est passé il y a 22 ans.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais c'était votre ami, c'est ce que

 14   vous nous avez dit.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y en a eu. Je dois dire qu'il y en a eu,

 16   oui.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je comprends que vous vous souvenez

 18   que votre ami vous a demandé à plusieurs reprises de l'emmener quelque part

 19   pour qu'il se lave, et en même temps vous nous dites que vous ne savez pas

 20   qui il était.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai oublié les noms de ces gens. Je n'arrive

 22   pas à me souvenir de son nom.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etait-il un soldat ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous savez qu'il était l'un de vos

 26   amis. Vous savez ce qu'il vous a demandé. Vous savez cela exactement. Vous

 27   savez qu'il était soldat. Mais vous ne savez pas qui il était.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas me souvenir des noms des gens.


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  1   Je les connaissais des exercices militaires avant la guerre puisqu'ils

  2   venaient pour des entraînements militaires. Nous nous connaissions bien,

  3   mais même à l'époque je ne connaissais pas les noms de tous ces gens.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors il n'était que votre 

  5   connaissance, non pas votre ami. Est-ce que je vous ai bien compris ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ils me connaissaient tous par mon nom

  7   puisqu'on a participé à des entraînements militaires. Mais vous savez, il y

  8   avait peut-être une centaine de personnes qui venaient pour faire de

  9   l'entraînement militaire, je ne pouvais pas connaître les noms de tous ces

 10   gens.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ils ne pouvaient pas quitter le camp, si

 12   je vous ai bien compris.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le sais pas. Moi, je ne m'occupais pas

 14   de cela. J'étais dans l'entrepôt où je travaillais. Et je ne sais pas s'ils

 15   allaient se laver. C'étaient des gardes qui connaissaient cela. Je ne sais

 16   pas si les gardes ou les supérieurs, les commandants, leur permettaient de

 17   faire cela.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sinon, il aurait pu sortir pour se laver

 19   quand il le voulait, n'est-ce pas ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Probablement.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Puisque vous nous dites que vous

 22   saviez que vous ne pouviez pas l'emmener quelque part pour qu'il se lave,

 23   puisque cela n'a pas été permis.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] On ne m'a pas permis de faire cela puisque je

 25   ne pouvais pas contacter ces personnes. Je n'étais pas autorisé à les

 26   contacter. Et je n'avais pas le temps pour le faire puisque je travaillais

 27   dans l'entrepôt.

 28   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]


Page 28718

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Mon épouse et mes enfants se trouvaient en

  2   Serbie. Moi, je pensais que je me rendais chez moi dans la soirée pendant

  3   deux heures pour m'occuper du bétail, et c'est tout.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je comprends que vous n'aviez pas

  5   le temps. Mais est-ce que vous pensez qu'il vous aurait demandé à plusieurs

  6   reprises de vous emmener quelque part pour qu'il se lave s'il avait pu

  7   faire cela par lui-même ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai pensé que si j'avais fait cela pour une

  9   personne, que d'autres personnes m'auraient demandé la même chose, et moi,

 10   je n'avais pas le temps pour m'occuper d'eux. C'est pour cela que je ne

 11   voulais pas le faire.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous vous contredisez ici, puisque

 13   vous dites que vous ne pouviez pas le faire, qu'on ne vous a pas permis de

 14   faire cela, et ensuite vous nous dites que vous n'avez pas fait cela

 15   puisque vous n'aviez pas le temps pour faire cela. Est-ce que vous avez une

 16   explication pour cela ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'étais pas autorisé à le faire, mais

 18   même si j'avais eu une autorisation pour faire cela, je ne pouvais pas le

 19   faire.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, n'était-il tout simplement la

 21   situation comme la suivante : ils y étaient détenus, ils y étaient

 22   prisonniers, et on ne leur permettait pas de sortir, et vous, vous ne les

 23   avez pas fait sortir ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas comment vous avez compris cela.

 25   Moi, je n'avais pas le temps pour le faire et je n'avais pas demandé non

 26   plus à mes supérieurs si j'étais autorisé à le faire. Et même si quelqu'un

 27   m'avait autorisé à le faire, je n'aurais pas pu le faire puisque les autres

 28   m'auraient vu, et dans ce cas-là je n'aurais fait cela que pour une seule


Page 28719

  1   personne. Et d'ailleurs, vu mon travail que je faisais à l'époque, je ne

  2   pouvais pas le faire.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ma question était différente. N'est-il

  4   pas vrai que ces gens ne s'y trouvaient pas de leur propre gré ou pour

  5   faire un travail puisqu'ils étaient prisonniers là-bas ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le sais pas. Je ne saurais répondre à

  7   cette question puisque --

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  9   Continuez. Je vois l'heure.

 10   M. MacDONALD : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurais dû regarder l'heure avant cela.

 12   En fait, dix minutes avant cela. Excusez-moi pour avoir travaillé plus

 13   longtemps.

 14   Monsieur le Témoin, nous allons faire la pause et nous allons reprendre à

 15   11 heures.

 16   Monsieur MacDonald -- ah, vous êtes déjà debout, oui.

 17   Nous allons faire la pause.

 18   --- L'audience est suspendue à 10 heures 40.

 19   --- L'audience est reprise à 11 heures 03.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après ce que vois, le lien pour la

 21   conférence vidéo fonctionne toujours. L'audio aussi ? Il faut que je

 22   demande à Mme la Greffière de l'autre côté si tout va bien.

 23   Mme LA GREFFIÈRE [via vidéoconférence] : [interprétation] Oui. Nous pouvons

 24   vous entendre et nous pouvons vous voir.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous aussi.

 26   Monsieur MacDonald, continuez.

 27   M. MacDONALD : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 28   Q.  Monsieur Deuric, le dernier document qu'on a vu avant la pause était le


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  1   document se rapportant à la mission de l'OSCE à Susica au début septembre

  2   1992, et j'ai lu ce qu'était leur impression, à savoir que des gens

  3   auxquels ils ont parlé et pour lesquels il a été constaté qu'ils s'y

  4   trouvaient depuis deux mois ou plus étaient des civils innocents qui

  5   n'étaient pas armés et qui ne se sont pas opposés aux Serbes qui les ont

  6   capturés. Cette impression était une impression correcte, n'est-ce pas ?

  7   M. STOJANOVIC : [interprétation] Je soulève une objection.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stojanovic, vous avez la parole.

  9   M. STOJANOVIC : [interprétation] Peut-être que je n'ai pas bien compris,

 10   mais pour ce qui est de la question posée par le Procureur, dans le compte

 11   rendu il est consigné qu'il s'agissait des civils qui ne portaient pas

 12   d'armes d'après ce rapport de la mission; et pour ce qui est du document en

 13   B/C/S, on peut y lire : "Nous avons eu l'impression qu'il s'agissait des

 14   civils innocents qui n'ont pas attaqué les Serbes en utilisant des armes,"

 15   et cela n'est pas la même chose que de dire qu'ils ne portaient pas

 16   d'armes.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas s'il y a eu une erreur

 18   concernant la traduction. Je ne peux pas vérifier cela. Mais ce n'est pas

 19   la façon appropriée, Maître Stojanovic, de soulever cette question. Me

 20   Lukic est assis près de vous. Et je pense que M. MacDonald n'a fait que

 21   citer le contenu du rapport. Donc, s'il y a un problème concernant la

 22   traduction du document, il faut demander une vérification de la traduction,

 23   et non pas commenter la traduction.

 24   Monsieur le Témoin, l'impression de la mission de l'OSCE, de la Conférence

 25   sur la sécurité et de la coopération en Europe, d'après laquelle ils ont

 26   constaté que des gens qui s'y trouvaient y étaient depuis deux mois ou plus

 27   de temps étaient des civils innocents qui ne n'utilisaient pas d'armes

 28   contre les Serbes qui les ont capturés, est-ce que c'était une impression


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  1   correcte ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pouvais pas le savoir. Puisque moi, je

  3   ne savais pas combien de temps les gens s'y trouvaient, un mois ou deux

  4   mois. Je ne disposais pas de ce registre. Et je ne sais pas s'il y avait

  5   des personnes qui s'y trouvaient même plus d'un ou deux mois.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et qu'ils étaient des civils ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait des civils, sans aucun doute. Mais

  8   il y avait des membres de l'armée en vêtements civils aussi. Toutes ces

  9   personnes n'étaient pas en uniforme. Mais pour savoir si une personne a été

 10   emmenée en tant que civil ou en tant que membre de l'armée, ça, je ne

 11   pouvais le savoir.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je vous ai bien compris, vous

 13   ne saviez pas qui pouvaient être des soldats ou des civils pour ce qui est

 14   des personnes détenues là-bas ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr que je ne pouvais pas le savoir.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je vous ai bien compris

 17   lorsque vous avez dit que vous n'aviez pas de connaissance aucune pour ce

 18   qui est de savoir comment ils étaient arrivés là-bas, qui les avait amenés

 19   là-bas, pour quelle raison ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pouvais pas le savoir.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez procédé à la

 22   vérification quotidienne de la quantité de nourriture reçue par les

 23   prisonniers ou par ceux qui étaient détenus là-bas ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais présent au moment où il y avait le

 25   déjeuner et le petit-déjeuner, puisque nous recevions nos repas en même

 26   temps. Et nous recevions des rations égales, nous et ces autres personnes.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Est-ce que vous êtes resté là-bas

 28   pour pouvoir les observer, observer toutes ces personnes qui recevaient de


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  1   la nourriture ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pouvais pas les observer. C'était

  3   l'extérieur du bâtiment où ils prenaient leurs repas, petit-déjeuner ou

  4   déjeuner.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] "Toutes ces personnes", cela veut

  6   dire combien de personnes exactement ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas compris votre question.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que tous étaient à

  9   l'extérieur au moment où ils recevaient de la nourriture. Je vous ai posé

 10   la question pour savoir combien de personnes se trouvaient à l'extérieur et

 11   que vous avez observées au moment où elles recevaient de la nourriture.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela dépendait. Ce n'était pas le même nombre

 13   de personnes tous les jours. Il y en avait qui partaient dans la matinée

 14   pour travailler. Toutes les personnes, dans ce cas-là, ne se trouvaient pas

 15   sur le site. Puisque la nourriture était distribuée sur le lieu de travail

 16   pour ceux qui étaient partis pour travailler.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ceux qui étaient partis à l'extérieur

 18   recevaient-ils leur déjeuner ou pas ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le savais pas, puisqu'ils se sont

 20   présentés en tant que volontaires pour sortir du camp pour aller

 21   travailler, et je suppose qu'ils recevaient eux aussi la nourriture.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 23   Continuez, Monsieur MacDonald.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Juste pour poser une question pour

 25   vérifier un point.

 26   Monsieur le Témoin, on vous a posé la question -- à la page 25, ligne 16,

 27   le Président, le Juge Orie, vous a posé la question pour savoir si ces

 28   personnes étaient des civils ? Et vous avez dit : "Ils étaient des civils."


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  1   Et tout à l'heure, il y a consigné au compte rendu que vous avez dit que :

  2   "C'est à contester." Je pensais avoir entendu quelque chose de différent.

  3   Est-ce que vous avez dit qu'il s'agissait des civils sans aucun doute, "ce

  4   n'est pas contesté" ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit qu'il y en avait qui étaient en

  6   vêtements civils, mais je ne sais pas s'ils étaient sur la ligne du front -

  7   ça, je ne le sais pas - et s'ils avaient participé au combat.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] A ce moment-là, est-ce que vous avez

  9   dit que c'était contestable de voir s'il s'agissait des civils ou pas, ou

 10   est-ce que vous avez dit que ce n'était pas contestable qu'il s'agissait

 11   des civils ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'est contestable.

 13   [La Chambre de première instance se concerte]

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 15   Monsieur MacDonald, vous pouvez continuer.

 16   M. MacDONALD : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur Deuric, vous saviez que des détenus musulmans étaient soumis à

 18   des violences de la part des gardes, n'est-ce pas ?

 19   R.  Je ne le savais pas. On disait que des choses se passaient, mais moi,

 20   je n'étais pas témoin oculaire de ces violences.

 21   Q.  Vous connaissez Predrag Bastah et Goran Viskovic ?

 22   R.  Oui, je les connais.

 23   Q.  Tous les deux étaient des gardes au camp de Susica où vous travailliez,

 24   n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui, pendant une période de temps courte. Ils ne sont pas restés au

 26   camp de Susica pendant longtemps en tant que gardes.

 27   Q.  Vous savez que tous les deux ont été condamnés par la cour de la

 28   Bosnie-Herzégovine pour des crimes commis au camp de Susica et à Vlasenica,


Page 28724

  1   n'est-ce pas ?

  2   R.  Je le sais. J'ai appris cela.

  3   M. MacDONALD : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant afficher le

  4   document de la liste 65 ter qui porte le numéro 31640.

  5   Q.  Monsieur Deuric, c'est le jugement qui a été rendu dans cette affaire.

  6   Les crimes qui ont été reprochés à ces deux gardes étaient des crimes qui

  7   consistaient à prendre des prisonniers du camp de Susica, et beaucoup de

  8   ces prisonniers sont toujours portés disparus. Goran Viskovic, membre de la

  9   VRS, a été déclaré coupable d'avoir emmené des prisonniers pour faire des

 10   travaux forcés et pour le viol des détenues femmes. Et d'après ce jugement,

 11   les gardes de Susica étaient présents dans le camp au moment où les crimes

 12   susmentionnés ont été commis. Vous deviez être au courant de cela à

 13   l'époque, à savoir que ces crimes ont été commis ?

 14   R.  Je n'étais pas là-bas à l'époque.

 15   Q.  Quand avez-vous appris que ces crimes ont été commis ?

 16   R.  J'ai appris que des crimes ont été commis lorsque je suis parti du camp

 17   de Susica, après le 26 septembre.

 18   Q.  Oui, mais quand ?

 19   R.  Je ne peux pas me souvenir de la date. On parlait de cela dans la

 20   ville, mais je ne sais pas si c'était la vérité puisque je n'étais pas

 21   témoin oculaire de cela.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur MacDonald, lorsque le témoin

 23   dit, "Je ne me trouvais là-bas à l'époque," cela veut dire qu'il a reçu des

 24   informations pour ce qui est de savoir quand cela s'est passé, et pour ce

 25   qui est de votre question, je pense que cela n'apparaît pas dans votre

 26   question. Donc ça crée une confusion. Et nous avons des difficultés pour ce

 27   qui est d'évaluer la fiabilité du témoignage de ce témoin si nous ne savons

 28   pas la date à laquelle ces crimes ont été commis et qui ont été reprochés à


Page 28725

  1   ces personnes.

  2   M. MacDONALD : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Q.  Ces crimes qui ont été reprochés à ces personnes ont été commis entre

  4   juin et septembre 1992. Et pour que tout soit clair, vous travailliez au

  5   camp de Susica à l'époque, n'est-ce pas, Monsieur Deuric ?

  6   R.  Oui, je travaillais au camp de Susica.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous travailliez au camp de Susica entre

  8   juin et septembre 1992 ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 11   M. MacDONALD : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur Deuric, l'un de vos anciens collègues, un musulman qui lui

 13   aussi assurait la sécurité de l'équipement de la TO à Susica avant la

 14   guerre, était également détenu au camp de Susica, n'est-ce pas ?

 15   R.  Non.

 16   M. MacDONALD : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher le document de

 17   la liste 65 ter qui porte le numéro 31638. Et il ne faut pas que ce

 18   document soit diffusé en public.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela a été consigné au compte rendu.

 20   Est-ce qu'il faut qu'on donne des instructions au témoin à ce sujet ?

 21   M. MacDONALD : [interprétation] Non, Monsieur le Président --

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 23   M. MacDONALD : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur Deuric, vous voyez quelques noms qui sont mentionnés sur la

 25   page devant vous. Je vais vous demander de ne pas lire ces noms à haute

 26   voix. C'était bien la personne qui était votre collègue à Susica, le nom

 27   que l'on voit ici ?

 28   R.  Je ne vois pas de nom à l'écran. Ah, maintenant je le vois. Oui, oui.


Page 28726

  1   Q.  Est-ce que cette personne est l'un de vos anciens collègues à Susica ?

  2   R.  Oui. Oui, c'était un de mes voisins. Sa maison se trouvait à côté du

  3   dépôt.

  4   Q.  Est-ce qu'il a travaillé avec vous à Susica avant la guerre ?

  5   R.  Non. Il travaillait à l'entreprise de sylviculture. Il ne travaillait

  6   pas à l'état-major de la Défense territoriale.

  7   M. MacDONALD : [interprétation] Peut-on afficher la page 3 de la version

  8   anglaise du document, s'il vous plaît. Je pense que cela correspond à la

  9   page 3 en B/C/S aussi. Oui. Le paragraphe qui se trouve tout en haut de la

 10   page.

 11   Q.  Monsieur Deuric, vous voyez ce paragraphe ? A la lecture de ce

 12   paragraphe, on voit que cette personne déclare que vous êtes tout d'abord

 13   son ami et qu'il travaillait avec vous. Donc il travaillait avec vous ?

 14   R.  Il n'a jamais travaillé avec moi. Non, non. C'était un voisin. C'était

 15   un voisin des gardes, de nous tous.

 16   M. MacDONALD : [interprétation] La page 7 dans les deux documents à

 17   présent, s'il vous plaît -- ou dans les deux langues, plutôt. L'avant-

 18   dernier paragraphe pour l'anglais, et je crois que c'est le sixième

 19   paragraphe avant la fin pour le B/C/S.

 20   Q.  Monsieur Deuric, dans ce paragraphe, cette personne décrit l'événement

 21   pendant lequel Dragan Nikolic lui a mis un pistolet dans la bouche, et puis

 22   il déclare que vous êtes entré dans le hangar et que vous lui avez sauvé la

 23   vie.

 24   Est-ce que vous vous souvenez de cet événement, Monsieur ?

 25   R.  Je ne me souviens pas de cet événement, je ne l'ai pas vu non plus.

 26   J'ai dit la même chose la dernière fois. Je ne l'ai pas vu. Peut-être que

 27   cela a eu lieu, mais s'ils m'avaient vu, peut-être qu'ils auraient arrêté

 28   ce qu'ils étaient en train de faire, et cette personne a compris que je lui


Page 28727

  1   avais sauvé la vie. Mais je ne l'ai pas vu.

  2   Q.  Bon, êtes-vous allé dans l'entrepôt ?

  3   R.  Non. Je suis allé jusqu'à la porte. Je pense qu'il y avait une visite

  4   qui avait eu lieu à ce moment-là et on cherchait un garde. Alors, si l'on

  5   ne trouvait pas de garde, je pense qu'on s'est tourné vers moi et qu'on m'a

  6   demandé d'aller en chercher un. Et dans ce cas-là, je devais dire à la

  7   personne qu'un visiteur était là. Dans ce genre de cas, dans ce genre de

  8   situations, je me rendais jusqu'à la porte.

  9   M. MacDONALD : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter

 10   31641, s'il vous plaît.

 11   Q.  Il s'agit de votre déposition antérieure.

 12   M. MacDONALD : [interprétation] Et je demande l'affichage de la page 15.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur MacDonald, bien sûr, je ne sais

 14   pas dans quelle direction vous comptez allez. Mais si vous regardez votre

 15   question à la page 29, ligne 16, vous constaterez que la question est

 16   double, elle contient deux éléments. Le témoin a dit qu'ils n'avaient

 17   jamais travaillé ensemble. Alors on se concentrait surtout sur cet élément-

 18   là dans la réponse du témoin. Mais l'autre élément de votre question s'est

 19   un petit peu perdu, et peut-être qu'il serait pertinent et important. Alors

 20   je vous encourage dès lors à éviter les questions à plusieurs composantes.

 21   Veuillez continuer où je vous avais interrompu.

 22   M. MacDONALD : [interprétation]

 23   Q.  Oui, alors je voudrais me référer aux lignes 6 à 12. Alors, Monsieur

 24   Deuric, vous n'avez pas le document dans votre langue. Je vais vous en

 25   donner lecture. L'Accusation vous a posé des questions dans cette affaire-

 26   là sur cet événement, et la question était :

 27   "Il s'agit du grand paragraphe dans cette déclaration lorsque l'un de vos

 28   collègues a déclaré que Nikolic lui avait pointé un pistolet sur la gorge


Page 28728

  1   et que vous, vous êtes entré dans le nouveau bâtiment qui était grand. Est-

  2   ce que vous voyez cela, Monsieur Deuric ?"

  3   Votre réponse : "Je le vois."

  4   La question : "Donc vous vous en souvenez ?"

  5   La réponse : "Je ne l'ai pas vu mettre le pistolet dans sa bouche, mais

  6   j'ai rencontré Jenki lorsqu'il sortait de l'entrepôt."

  7   Tout d'abord, Jenki, c'était bien le surnom de Dragan Nikolic ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Donc, Monsieur Deuric, ce que j'avance, c'est qu'en fait vous vous

 10   souvenez de cet événement, vous vous souvenez qu'il a eu lieu ?

 11   R.  Je ne me souviens pas de cet événement, et je vous le dis en prenant

 12   toutes mes responsabilités. Je vous dis qu'il est possible qu'ils m'aient

 13   vu, mais moi, je ne les ai pas vus lorsque cela a eu lieu.

 14   Q.  Je vais poursuivre.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors le témoin pourrait-il nous

 16   préciser de qui il parle lorsqu'il dit "Je ne les ai pas vus," le "les".

 17   Monsieur, de qui parlez-vous ?

 18   M. STOJANOVIC : [interprétation] Eh bien, Jenki et cet ami qui a déclaré

 19   cela.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais savoir si vous ne l'avez

 21   jamais vu ou si vous ne l'avez pas vu lors de cet événement que l'on a

 22   décrit ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, lors de cet événement-là, dans ce cas-là.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous savez qu'il était à Susica,

 25   mais vous ne vous souvenez pas l'avoir vu dans ce cas particulier. Est-ce

 26   que j'ai bien compris ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, il était à Susica.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il était détenu là-bas ?


Page 28729

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons une réponse au deuxième

  3   élément de votre question, la question que vous aviez posée au témoin,

  4   Monsieur MacDonald.

  5   Veuillez continuer.

  6   M. MacDONALD : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur Deuric, les Juges de la Chambre ont entendu des éléments de

  8   preuve d'autres témoins qui se trouvaient au camp de Susica. L'un d'entre

  9   eux a déclaré que deux prisonniers avaient été sortis à un moment après le

 10   déjeuner, et il a déclaré qu'il n'a entendu que des cris et puis qu'on a

 11   fait rentrer les prisonniers, l'un d'entre eux avait perdu connaissance. Et

 12   il a déclaré qu'il les avait entendus dire qu'ils avaient été roués de

 13   coups à la tour A en dehors du hangar. Je fais référence ici à la pièce

 14   P207, paragraphe 42.

 15   La tour A, c'est la tour qui se trouvait à 15 ou 20 mètres de votre

 16   entrepôt; c'est ce que vous aviez dit, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Est-ce que vous avez vu ou entendu les rouages de coups lorsqu'ils ont

 19   eu lieu à cette tour ?

 20   R.  Je n'ai rien vu, je n'ai rien entendu.

 21   Q.  Le même témoin a déclaré qu'il avait pu voir du sang qui avait été

 22   absorbé par le sable près de cette tour en forme de A lorsqu'il se rendait

 23   aux toilettes. Je fais référence au paragraphe 50. Alors le témoin, qui

 24   était un ancien de vos collègues, celui dont on vient de parler lorsque

 25   l'on a abordé l'événement avec Dragan Nikolic, a déclaré qu'à chaque fois

 26   qu'il pleuvait, la pluie amenait le sang et que des bulles se formaient à

 27   hauteur du poteau en forme de A. Page 7 du document 31638, dans les deux

 28   langues, pour le document 65 ter.


Page 28730

  1   Alors, est-ce que vous avez vu cette tache de sang qui avait été absorbé

  2   dans le sable à hauteur de ce poteau en forme de A à un moment ou l'autre

  3   lorsque vous travailliez à Susica ?

  4   R.  Je n'ai jamais vu cela.

  5   M. MacDONALD : [interprétation] Je demande à présent l'affichage de la

  6   pièce P00193, s'il vous plaît.

  7   Q.  Monsieur Deuric, vous avez là une évaluation de sécurité de la VRS

  8   datée du mois de juin 1992.

  9   M. MacDONALD : [interprétation] Page 4 dans les deux langues, s'il vous

 10   plaît.

 11   Q.  Il s'agit d'une évaluation de sécurité qui porte sur Susica. Deuxième

 12   paragraphe avant la fin en anglais, quatrième paragraphe avant la fin en

 13   B/C/S, s'il vous plaît. Je cite :

 14   "Afin d'empêcher d'informer le public sur l'apparition des prisonniers et

 15   leurs conditions de vie, toute tentative d'emporter des appareils

 16   d'enregistrement et d'explosifs à l'intérieur ou de mener des

 17   interrogatoires ou des entretiens ne doit pas avoir lieu, des grands

 18   mouvements doivent être interdits, et cetera."

 19   Monsieur Deuric, la VRS a déclaré cela -- a recommandé de prendre cette

 20   mesure parce que des civils innocents avaient été détenus pendant de

 21   longues périodes de temps, qu'ils avaient l'air blafards, qu'ils étaient

 22   émaciés, qu'ils étaient hagards et qu'ils avaient été soumis à des

 23   violences ?

 24   R.  Vous savez quoi ? Ce n'est pas comme si moi j'étais là-bas et je

 25   vérifiais tout ce qu'il se passait. J'avais mes propres missions à

 26   effectuer. J'avais mes fonctions à assumer. Et je n'y étais pas 24 heures

 27   sur 24. J'avais également des temps de pause. Je rentrais chez moi, je me

 28   reposais. Je ne pouvais pas tout savoir sur ce qu'il se passait dans ce


Page 28731

  1   complexe, quand j'y étais et quand je n'y étais pas. Et même quand j'étais

  2   dans ce complexe, j'avais mon propre travail à effectuer.

  3   Q.  Monsieur Deuric, je voudrais passer à présent au dernier sujet, à

  4   savoir la fin de Susica en tant que camp.

  5   Vers la fin du mois de septembre, juste avant que vous n'entendiez les tirs

  6   lourds de Rogosija, il y avait un petit peu plus de 100 prisonniers à

  7   Susica; vous pouvez le confirmer ?

  8   R.  Je ne sais pas combien il y en avait, parce que tous les jours ils

  9   sortaient pour travailler, et ce n'est que le soir que tout le monde était

 10   réellement dans le complexe. Moi, je n'y étais pas le soir, donc je ne

 11   pouvais pas voir combien de prisonniers s'y trouvaient.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais poser une question au

 13   témoin.

 14   Vous avez dit qu'ils sortaient pour travailler, mais vous ne les avez pas

 15   vus le soir parce que vous n'y étiez pas. Est-ce que vous les voyiez

 16   retourner au camp en début de soirée ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je les voyais le matin dans le camp lorsque

 18   j'arrivais au travail, je voyais ceux qui s'alignaient pour sortir

 19   travailler. Et la même chose se passait le lendemain.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais moi, je vous demandais si vous

 21   les voyiez revenir en début de soirée au camp. Est-ce que vous les voyiez à

 22   ce moment-là ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Parfois, quand je restais plus tard, je me

 24   trouvais dans le complexe au moment de leur arrivée. Mais si je partais

 25   plus tôt, ils n'étaient pas encore rentrés. Ils revenaient plus tard.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, en général, est-ce que vous étiez

 27   déjà rentré à leur retour ou est-ce qu'il était plus habituel que vous

 28   soyez encore présent quand ils revenaient ?


Page 28732

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Ça dépendait du travail. Si j'avais plus de

  2   travail à l'entrepôt, eh bien, je restais, et je les voyais revenir. Si

  3   j'avais moins de travail, alors je rentrais tôt chez moi.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends que dans certains cas vous

  5   deviez rester plus tard, mais ma question était la suivante : est-ce qu'en

  6   général - c'est-à-dire la plupart du temps, dans la majorité des cas - vous

  7   étiez déjà parti lorsqu'ils revenaient ou est-ce que la plupart du temps

  8   vous étiez encore présent à leur retour ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans la plupart des cas, j'étais encore là

 10   lorsqu'ils revenaient.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Alors la question était de

 12   savoir s'il y avait environ 100 prisonniers. Vous nous avez répondu : Je ne

 13   sais pas parce que je n'étais pas là le soir, mais j'y étais le matin.

 14   Alors, pourquoi êtes-vous incapable de me dire combien ils étaient environ

 15   si vous les voyiez le matin et que la plupart du temps vous les voyiez

 16   également revenir en début de soirée ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que ce n'était pas moi qui étais censé

 18   les dénombrer, alors je ne sais pas combien s'y trouvaient. Il est possible

 19   qu'il y en ait eu 100. C'est possible, j'insiste. Mais peut-être qu'il y en

 20   avait moins. Je n'en suis pas sûr. Et je ne peux pas vous faire

 21   d'affirmation sur des choses dont je ne suis pas sûr.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais environ 100 personnes, vous

 23   pouvez nous donner une évaluation ? Personne ne vous demande de nous dire

 24   s'il y en avait 95 ou 105, mais environ 100. Vous devez le savoir, n'est-ce

 25   pas ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en suis pas sûr.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer, Monsieur MacDonald.

 28   M. MacDONALD : [interprétation] L'Accusation demande l'affichage du


Page 28733

  1   document 65 ter 07651C, s'il vous plaît.

  2   Q.  Monsieur Deuric, il s'agit là d'un passage du carnet de guerre de

  3   Novica Simic, le commandant du Corps de Bosnie orientale. En haut à droite

  4   de la version en B/C/S, en bas à gauche pour la version en anglais, vous

  5   voyez une note, "Brigade de Birac", et une date, 20.09. Je voudrais

  6   préciser que ce carnet de guerre date de 1992.

  7   Alors vous travailliez encore au camp de Susica le 20 septembre 1992,

  8   n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et dans l'encadré, on voit : "Prison à Vlasenica. Femmes, 2. Hommes,

 11   130."

 12   Est-ce que cela vous aide à vous rappeler qu'à la fin du mois de septembre

 13   il y avait plus de 100 personnes dans la prison de Vlasenica ?

 14   R.  D'après ce qui est écrit ici, si ces informations sont exactes, oui…

 15   Q.  Alors, Monsieur Deuric, ce que je vous demande, et je vais essayer

 16   d'être le plus précis possible, c'est si maintenant vous vous souvenez

 17   qu'il y avait 132 personnes à Susica le 20 septembre 1992 ?

 18   R.  Je ne suis pas sûr.

 19   L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas saisi ce que le témoin a dit.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez répéter votre dernier

 21   commentaire, Monsieur le Témoin.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en suis pas sûr.

 23   M. MacDONALD : [interprétation] L'Accusation demande le versement au

 24   dossier de ce passage.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 07651C reçoit la cote

 27   P6936.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document est versé au dossier.


Page 28734

  1   M. MacDONALD : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur Deuric, les Juges de la Chambre ont entendu des éléments de

  3   preuve selon lesquels les prisonniers qui sont restés à Susica ont été

  4   emmenés et exécutés suite au discours de Radovan Karadzic le 29 septembre,

  5   et pas, comme vous déclarez dans votre déclaration, emmenés pour échange.

  6   Alors, mis à part de ce que vous affirmez sur ce que Dragan Nikolic vous a

  7   déclaré, est-ce que vous avez eu d'autres informations sur le sort de ces

  8   détenus qui se trouvaient au camp de Susica à la fin du mois de septembre ?

  9   R.  Je n'ai pas d'autres informations. C'est ce qu'on m'a dit à

 10   l'enterrement le 29 septembre. C'était l'enterrement de mes deux neveux qui

 11   ont été tués à Rogosija. C'étaient les deux fils de mon cousin. J'étais en

 12   retard à l'enterrement. Je revenais de l'enterrement --

 13   Q.  Monsieur Deuric, je vous pose une question sur le sort des personnes

 14   qui se trouvaient à Susica. Alors certaines de ces personnes qui avaient

 15   été identifiées ont été vues pour la dernière fois au camp de Susica et

 16   ensuite ont été exhumées de fosses communes, notamment une d'entre elles

 17   qui se trouvait à Ogradice. Les personnes qui sont parties du camp de

 18   Susica à la fin du mois de septembre 1992 ont été tuées, n'est-ce pas ?

 19   R.  Je ne sais rien de cela.

 20   M. MacDONALD : [interprétation] Ceci conclut mon contre-interrogatoire,

 21   Messieurs les Juges. Alors il y a une autre question, j'ai oublié de

 22   demander le versement d'un passage qui porte la cote 07021A. Je vous

 23   demande de bien vouloir le verser au dossier à présent.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agissait d'un passage de quoi ?

 25   M. MacDONALD : [interprétation] De la mission de l'OSCE au camp de Susica.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 27   M. MacDONALD : [interprétation] Merci.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.


Page 28735

  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La cote de ce document devient P6937.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document est admis au dossier.

  3   M. MacDONALD : [interprétation] Et mes confrères sont en train de me

  4   rappeler un deuxième document. C'était le verdict dans l'affaire portée

  5   contre Predrag Bastah. Le document est plutôt long, Messieurs les Juges, je

  6   crois qu'il fait environ 830 [comme interprété] pages. Et donc, je demande

  7   le versement au dossier des premières pages, mais je serais heureux d'en

  8   discuter avec mes confrères.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je crois que vous vous êtes

 10   contenté de demander au témoin si ces personnes avaient été condamnées.

 11   Vous avez donné la date des accusations qui avaient été portées et le type

 12   d'accusations, qui portaient sur travail forcé notamment. Mais le témoin

 13   n'a rien pu nous en dire. Alors, quel est l'objectif de votre demande de

 14   versement au dossier, vu que personne ne conteste que ces personnes aient

 15   été mises en accusation ou condamnées pour ces crimes ?

 16   M. MacDONALD : [interprétation] Le témoin a confirmé que les deux personnes

 17   condamnées étaient des gardes au camp de Susica. Et l'Accusation, par

 18   rapport aux crimes, avance que tout cela est lié à la déposition du témoin

 19   et au nombre de crimes qui ont eu lieu à Susica.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous recommanderais de d'abord en

 21   discuter avec Me Stojanovic avant de devoir éplucher un jugement, Monsieur

 22   MacDonald.

 23   M. MacDONALD : [interprétation] Très bien. Très bien. Alors, aux fins du

 24   compte rendu, la cote est 31640 pour la liste 65 ter. Je vous remercie.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, nous lui attribuerons une cote

 26   provisoire pour l'instant.

 27   Quelle sera la cote ?

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P6938.


Page 28736

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Cote provisoire.

  2   Maître Stojanovic, est-ce que vous avez d'autres questions à poser au

  3   témoin ?

  4   M. STOJANOVIC : [interprétation] Avec votre autorisation, quelques

  5   questions seulement.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, allez-y, je vous prie.

  7   Nouvel interrogatoire par M. Stojanovic. :

  8   Q.  [interprétation] Monsieur Deuric, quelques questions seulement à vous

  9   poser.

 10   D'où avez-vous tiré des informations disant que certaines personnes ayant

 11   séjourné à Susica avaient demandé de leur plein gré à aller travailler à

 12   l'extérieur des installations de Susica ?

 13   R.  C'est eux-mêmes qui me l'ont raconté, ceux qui sont allés travailler,

 14   je veux dire. Ils ont dit qu'ils préféraient aller travailler. Pour sortir,

 15   donc, un peu. Ils sont allés travailler à côté de la route. Il y avait des

 16   plombiers et des maçons qui se déplaçaient là où il fallait.

 17   Q.  Est-ce qu'ils vous l'ont dit eux-mêmes à vous ?

 18   R.  Je les ai entendus se parler entre eux et d'autres personnes se

 19   joignaient à la conversation encore.

 20   Q.  Merci.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je poser une question

 22   complémentaire. Ont-ils été payés pour le travail accompli ? Est-ce que

 23   vous pouvez nous le dire, Monsieur le Témoin ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en sais rien. Je ne sais pas s'ils ont

 25   été payés.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 27   Continuons.

 28   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci.


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  1   Q.  Est-ce que, à quelque moment que ce soit, vous auriez vu l'une

  2   quelconque des personnes ayant séjourné à Susica ne pas recevoir le repas

  3   qui a été acheminé vers Susica ?

  4   R.  Non. Je ne suis pas sûr de cela du tout. Je n'ai pas entendu de rumeurs

  5   courir en ce sens.

  6   Q.  Je vais en terminer avec ceci.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stojanovic, on vous demande

  8   d'éteindre votre micro pendant que le témoin est en train de répondre.

  9   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci.

 10   Q.  Je vais terminer avec cette question-ci. Est-ce que vous avez été à

 11   même de voir s'il y a eu des visites de médecins ou d'infirmiers dans les

 12   installations à Susica alors que vous étiez là-bas ?

 13   R.  Oui, j'ai eu l'occasion de le voir à peut-être deux reprises, des gens

 14   du secteur de la santé qui se sont déplacés jusque-là.

 15   Q.  Merci, Monsieur Deuric. Au nom de la Défense de M. Mladic, je tiens à

 16   vous remercier de l'effort que vous avez consenti à faire. Nous n'avons

 17   plus de questions à vous poser.

 18   R.  [aucune interprétation]

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Juge Fluegge a une ou plusieurs

 20   questions à vous poser.

 21   Questions de la Cour : 

 22   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Deux questions de suivi par rapport à

 23   ce que M. Stojanovic a dit. Quel type de personnel médical s'est donc

 24   déplacé jusqu'au camp ?

 25   R.  C'est à moi que vous posez la question ?

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bien sûr que c'est à vous que je pose

 27   la question. Quel type de personnel médical ? Médecins, infirmières ?

 28   Enfin, combien de personnes ? Vous avez dit "deux fois". Est-ce que vous


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  1   pouvez nous fournir un peu plus de détails ?

  2   R.  J'ai été présent deux fois lorsqu'ils sont venus. Certaines personnes

  3   s'étaient plaintes de problèmes à l'estomac. Ils ont été examinés par un

  4   médecin dehors. Mais moi, je ne me suis pas approché pour savoir ce que ça

  5   a donné. Il y a eu des gens qui ont été examinés.

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Comment le savez-vous alors ? Comment

  7   savez-vous que certaines personnes ont été examinées par ce médecin ? Parce

  8   que vous venez de dire que vous ne vous étiez pas approché.

  9   R.  Je pouvais le voir. Si j'étais à 20 ou 30 mètres de là, je pouvais

 10   voir. Je ne me suis pas approché.

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] L'examen médical s'est passé à

 12   l'extérieur du bâtiment ? A ciel ouvert ?

 13   R.  A l'entrée même du bâtiment. Devant l'entrée du bâtiment.

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que ce médecin était tout seul

 15   ?

 16   R.  Non.

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Qui était donc avec lui ?

 18   R.  Si mes souvenirs sont bons, il y avait deux infirmières de présentes.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Donc ça revient à dire trois

 20   personnes. Et ça s'est passé deux fois, dites-vous.

 21   R.  Oui, je pense que c'est à deux reprises que ça a eu lieu.

 22   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Combien de prisonniers ce médecin a-

 23   t-il examinés ?

 24   R.  Ça, je ne peux pas vous le dire. Je ne peux pas le savoir.

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais vous venez de nous dire à

 26   l'instant que vous l'avez vu, c'était à 20 ou 30 mètres. Combien de

 27   patients y a-t-il eu à être examinés par ce médecin ?

 28   R.  Plusieurs se sont approchés. Je n'ai pas prêté attention. Je ne sais


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  1   pas ce qui a été examiné et comment.

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais comment savez-vous alors

  3   pourquoi ces gens-là ont été examinés, parce que vous avez parlé de

  4   problèmes d'estomac ?

  5   R.  C'est ce que j'ai ouï dire de la part des personnes qui étaient

  6   présentes.

  7   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Quel genre de personnes se trouvaient

  8   donc à proximité ?

  9   R.  Les personnes qui se trouvaient dans l'enceinte.

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais qui étaient ces gens-là ?

 11   C'étaient des gardiens, des prisonniers, des collègues à vous ?

 12   R.  Il y avait des gardiens et des prisonniers, les uns et les autres.

 13   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et on vous a dit quelle était la

 14   raison de ces examens médicaux ?

 15   R.  Ils le disaient, et je sais qu'il y en a eu deux qui sont morts dans

 16   l'enceinte. Il se peut que c'est à ce moment-là que les médecins sont

 17   venus. Moi, je ne me suis pas approché. Il y a eu une commission médicale

 18   qui a constaté que c'étaient des gens qui avaient des problèmes cardiaques

 19   et qui sont morts de mort naturelle. Mais moi, je ne me suis pas approché.

 20   Ça ne m'intéressait pas outre mesure. J'avais mon travail. On disait aussi

 21   que c'était pour cela qu'ils étaient venus et qu'il y avait d'autres

 22   personnes qui avaient eu des problèmes d'estomac. Alors, était-ce

 23   maintenant à ce moment-là que la commission est venue, je ne le sais pas.

 24   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Deux petites questions sur le même

 26   sujet.

 27   Est-ce que vous connaissiez ce docteur ? Saviez-vous qui c'était, ce

 28   médecin ?


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  1   R.  Non.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etait-ce un médecin local, du cru

  3   ?

  4   R.  Je ne sais pas.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais si c'était un médecin local,

  6   quelqu'un du cru, est-ce que vous l'auriez forcément reconnu ?

  7   R.  Probablement que oui.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous connaissiez les médecins de

  9   Vlasenica, les médecins généralistes ?

 10   R.  J'en connais certains; d'autres, non. Je n'allais pas très souvent me

 11   faire examiner. Eux, ils travaillaient par relèves. Je ne les connaissais

 12   pas tous.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 14   Avez-vous d'autres questions, Monsieur MacDonald ?

 15   M. MacDONALD : [interprétation] Non, merci, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, ceci met un terme à

 17   votre témoignage. Je tiens à vous remercier d'être venu à l'endroit où nous

 18   avons établi cette liaison vidéo pour répondre aux questions qui vous ont

 19   été posées. Vous pouvez maintenant vous en aller.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 21   [Le témoin se retire par vidéoconférence]

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, vous qui êtes de

 23   l'autre côté de la liaison vidéo, nous allons mettre un terme à cette

 24   communication. J'ai l'impression que vous ne m'entendez plus parce que vous

 25   n'avez pas vos écouteurs.

 26   La communication vidéo vient de prendre fin.

 27   A l'attention des parties en présence, je voudrais que vous notiez que les

 28   endroits où l'on a utilisé le mot "incontestable", ça a été un mot qui a


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  1   été probablement utilisé à tort, donc ça sera corrigé au compte rendu. Je

  2   le dis pour votre information.

  3   Et après la pause, j'aimerais commencer par la lecture d'une décision des

  4   Juges de la Chambre. Par la suite, nous allons poursuivre avec le contre-

  5   interrogatoire du témoin auquel nous avons dit d'attendre -- et il attend

  6   depuis jeudi.

  7   Nous allons faire maintenant une pause et reprendre à midi 25.

  8   --- L'audience est suspendue à 12 heures 02.

  9   --- L'audience est reprise à 12 heures 26.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que de poursuivre avec des

 11   témoignages, je tiens à ce que nous abordions deux questions brièvement.

 12   D'abord, il est question des liaisons vidéo, et là je m'adresse en premier

 13   lieu à la Défense. Le 18 novembre de cette année, la Chambre a exprimé sa

 14   préoccupation au sujet des demandes de communication vidéo présentées par

 15   la Défense sans pour autant qu'il y ait des éléments de preuve appropriés

 16   pour ce qui est de la prétendue impossibilité ou manque de volonté de la

 17   part des témoins pour ce qui est d'un déplacement vers La Haye. S'agissant

 18   d'une requête de vidéoconférence présentée le 3 novembre 2014, la Chambre

 19   voit qu'il n'y a pas de documentation médicale à l'appui suffisante et

 20   remise à jour. La Chambre demande donc à la Défense de présenter ceci au

 21   plus tard jusqu'au 28 novembre 2014. Ce complément devrait comporter

 22   également une déclaration du témoin concernant son attitude vis-à-vis d'un

 23   voyage éventuel à La Haye ou une documentation médicale récente pour ce qui

 24   est de l'impossibilité du témoin à voyager.

 25   Le deuxième sujet que je souhaitais aborder se rapporte aux pièces connexes

 26   au sujet de Vladimir Radojcic.

 27   La Chambre va mettre à profit cette opportunité pour rendre sa

 28   décision pour ce qui est du versement au dossier de pièces connexes


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  1   relatives au Témoin Vladimir Radojcic. Le 2 juillet de cette année, la

  2   Défense a demandé à ce qu'on l'autorise à présenter des écritures au sujet

  3   d'un grand nombre de pièces connexes relatives au Témoin Radojcic. Partant

  4   des instructions fournies par les Juges de la Chambre datées du 15 juillet,

  5   la Défense a présenté ses écritures le 17 juillet et présenté 51 pièces

  6   connexes pour versement au dossier. La Chambre prend bonne note du fait que

  7   ceci constitue une diminution de la liste, bien qu'il y ait une diminution

  8   limitée, qui au départ constituait 61 pièces connexes.

  9   Le 25 juillet, l'Accusation a présenté sa réponse en faisant remarquer que

 10   la pièce connexe portant la référence 18618 de la liste 65 ter était déjà

 11   versée au dossier en tant que pièce P6617 et, donc, qu'elle faisait

 12   objection au versement au dossier de 14 sur les 50 pièces connexes

 13   restantes, et surtout partant du fait, je cite, que :

 14   "Ces documents ne sont que d'une pertinence marginale et ayant une valeur

 15   probante minimale, si tant est qu'il y en ait une, pour ce qui est des

 16   questions matérielles liées à l'affaire."

 17   Qui plus est, l'Accusation s'oppose au versement au dossier de 11 sur 14

 18   des pièces connexes, disant que cela constituerait des éléments de preuve

 19   tu quoque inacceptables. L'Accusation fait remarquer que la pièce portant

 20   la référence 1D2153 de la liste 65 ter a été retirée en tant que pièce

 21   connexe par les soins de la Défense alors qu'une traduction révisée a été

 22   mise à disposition de la Défense, ce qui fait que l'Accusation voudrait,

 23   quant à elle, demander un versement au dossier avec la version originale de

 24   la traduction.

 25   La Chambre a examiné 14 pièces connexes qui ont fait l'objet d'objection de

 26   la part de l'Accusation et croit comprendre que ce sont des documents qui

 27   sont des rapports signés par le Témoin Radojcic, commandant de la 1ère

 28   Brigade d'infanterie d'Ilidza, et destinés au commandement du Corps


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  1   Sarajevo-Romanija et portant en grande mesure sur les activités de combat

  2   dans la zone de responsabilité de ce témoin, voire des activités de la

  3   FORPRONU à Sarajevo, pendant la période couverte par l'acte d'accusation.

  4   S'agissant du fait de savoir si les 11 sur 14 pièces à conviction

  5   constituent du tu quoque, la Chambre rappelle à l'Accusation qu'il y a une

  6   décision orale datée du 22 juillet 2014 où il a été dit aux parties en

  7   présence que, d'une façon générale, la Chambre ne considérait pas que des

  8   éléments de preuve tu quoque ne sont pas tels rien que partant du sujet

  9   abordé. Ceci peut être retrouvé au compte rendu d'audience, page 24 510.

 10   Donc la Chambre estime que les 14 pièces connexes proposées ne sont pas des

 11   éléments de preuve dénués de pertinence ou de valeur probante et, par voie

 12   de conséquence, elle fera savoir si ces pièces et d'autres pièces connexes

 13   présentées par la Défense répondent aux critères de recevabilité pour ce

 14   qui est des pièces connexes.

 15   La Chambre rappelle que le droit coutumier pour ce qui est du versement des

 16   pièces connexes en application des articles 92 bis, 92 ter et 92 quater

 17   prévoit la possibilité du versement au dossier de certains documents si

 18   cela constitue une partie indissociable et indispensable pour ce qui est du

 19   témoignage fourni par écrit par tel témoin. Et pour répondre à ce type de

 20   critère, la partie qui demande un versement doit démontrer que ce témoin et

 21   son témoignage constituent des références qui seraient incompréhensibles ou

 22   qui auraient une valeur probante moindre si tant est qu'il n'y aurait pas

 23   admission au dossier des pièces connexes. La Chambre a élaboré son

 24   interprétation du droit coutumier pour ce qui est du versement des pièces

 25   connexes à la date du 9 juillet 2012, pages de compte rendu d'audience 530

 26   à 531; et notamment dans sa décision rendue par écrit à la date du 23

 27   juillet 2012; puis le 22 novembre 2012, pour ce qui est consigné aux pages

 28   5 601 à 5 603; de même que dans sa décision écrite datée du 7 février 2013.


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  1   Partant de tout ceci, la Chambre estime que certains documents à l'appui

  2   qui ont été versés au dossier, une fois que cela sera effectivement versé

  3   au dossier, feront que le témoignage du Témoin Radojcic ne sera pas

  4   incompréhensible et n'aura guère moins de valeur probante. La Chambre, par

  5   conséquent, accepte le versement au dossier des pièces 65 ter 1D2030,

  6   1D2087, 1D2130, 1D2131, 1D2134, 1D2146, 1D2148, 1D2150 à 1D2152 compris,

  7   puis 1D2155 à 1D2158 inclus, 1D2161, 1D2162, 1D2164 à 1D2166 inclus,

  8   1D2168, 1D2171, 1D2173, 1D2175, 1D2177, 1D2179 et 1D2180. Ces pièces sont

  9   versées au dossier en tant que pièces connexes accompagnant la déclaration

 10   écrite du Témoin Radojcic.

 11   Mme la Greffière est conviée…

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois qu'il y a peut-être une

 14   confusion maintenant au sujet de l'un des chiffres que j'ai mentionnés. Au

 15   compte rendu, on voit à deux reprises 1D2162. Je voulais dire que la

 16   Chambre procède au versement au dossier du 1D2161 et 1D2162.

 17   Mme la Greffière est maintenant priée d'attribuer des cotes à ces pièces

 18   qui accompagnent la déclaration écrite et de les communiquer par mémo

 19   interne.

 20   La Chambre fait remarquer que bon nombre de pièces connexes auxquelles il

 21   est fait référence dans la déclaration ne pas correspondre [comme

 22   interprété] avec les commentaires faits par le Témoin Radojcic dans sa

 23   déclaration.

 24   La Chambre trouve que le reste des documents ne constitue pas une partie

 25   indissociable et indispensable quant à la déclaration écrite du Témoin

 26   Radojcic et rejette par la présente son versement au dossier et n'estime

 27   pas qu'il y ait un préjudice quelconque de porté à la Défense.

 28   Et s'agissant de la référence 65 ter 1D2153, la Chambre fait


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  1   remarquer que c'est une pièce connexe qui a été retirée par la Défense et

  2   qui est maintenant demandée pour un versement au dossier par l'Accusation.

  3   Alors ce que je me pose comme question, c'est de savoir si la Défense

  4   fait objection ou pas au versement de ce dossier par les soins de

  5   l'Accusation alors que ça figurait sur votre liste. Maître Lukic.

  6   M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, le Témoin Radojcic a été

  7   interrogé par Me Ivetic, il n'est pas avec nous aujourd'hui, et j'aimerais

  8   que vous nous accordiez un jour ou deux pour le consulter. Parce que je ne

  9   sais pas vous le dire de tête.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Quelle que soit votre position,

 11   s'agissant maintenant de ce que nous dira l'Accusation, je dirais que la

 12   Défense a reçu une traduction révisée par les soins du service de

 13   traduction, le CLSS. Et j'imagine que Me Ivetic va pouvoir nous confirmer

 14   avoir reçu cette traduction.

 15   M. LUKIC : [interprétation] Je l'espère.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je propose donc de faire en sorte

 17   que la Défense télécharge la traduction révisée et informe le Greffier de

 18   la chose une fois que ce sera fait, et par la suite nous déciderons du fait

 19   de lui accorder une cote MFI ou une cote tout court dans le dossier.

 20   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre fait remarquer également que

 22   les versions originales en B/C/S des documents portant les références 65

 23   ter 1D2149 et 1D2172 semblent être le même document bien que les

 24   traductions diffèrent. La Chambre, donc, demande à la Défense de l'informer

 25   de l'original et de la traduction que l'on demande à faire verser au

 26   dossier, et ce, avant le 28 novembre 2014.

 27   Ceci met un terme à l'énoncé des décisions rendues par la Chambre pour ce

 28   qui est des pièces connexes liées à la déclaration du Témoin Radojcic.


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  1   Et si la Défense est maintenant prête à faire entrer son témoin, le témoin

  2   qui est censé poursuivre son témoignage, je demanderais à l'huissier de le

  3   faire venir ici afin que l'Accusation puisse poursuivre son contre-

  4   interrogatoire. Parce que c'était là que nous nous étions arrêtés quant au

  5   témoignage de M. Barasin.

  6   [Le témoin vient à la barre]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Barasin.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dû attendre un certain temps.

 10   Nous nous en excusons. C'est parce que nous devions entendre le témoignage

 11   d'un témoin par conférence vidéo.

 12   Avant de continuer, il faut que je vous rappelle que vous êtes toujours

 13   tenu par la déclaration solennelle que vous avez prononcée au début de

 14   votre déposition. M. Traldi, maintenant, va poursuivre son contre-

 15   interrogatoire.

 16   M. TRALDI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 17   LE TÉMOIN : OSTOJA BARASIN [Reprise]

 18   [Le témoin répond par l'interprète]

 19   Contre-interrogatoire par M. Traldi : [Suite]

 20   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 21   R.  Bonjour.

 22   M. TRALDI : [interprétation] Peut-on maintenant afficher le document de la

 23   liste 65 ter qui porte le numéro 1D02034.

 24   Q.  En attendant l'affichage du document, l'un des documents dont vous

 25   parlez dans votre déclaration est la pièce D676, un extrait du livre qui

 26   s'intitule : "C'est un crime d'oublier le crime." Est-ce que vous avez lu

 27   ce livre en préparation pour votre témoignage ?

 28   R.  Je n'ai pas lu ce livre et je n'ai pas fait référence à ce livre. J'ai


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  1   fait référence au livre de Sefer Halilovic qui s'intitule : "Une stratégie

  2   rusée." Je n'ai pas lu ce livre. Je n'ai pas fait référence au premier

  3   livre mais au deuxième livre, le livre de Sefer Halilovic, "Une stratégie

  4   rusée", même si entre les deux il y a des similarités.

  5   M. TRALDI : [interprétation] Peut-on maintenant afficher le paragraphe 18

  6   de la déclaration de ce témoin, et il s'agit de la pièce D790.

  7   Monsieur le Président, puisqu'ici on a la référence du document, la seule

  8   référence c'est le numéro 65 ter, j'aimerais poser brièvement la question

  9   suivante.

 10   Q.  A la fin du paragraphe 18, nous voyons la référence au document de la

 11   liste 65 ter, et l'un de ces documents est 1D02034b, et la Défense nous a

 12   informés qu'il s'agit de l'extrait du livre qu'on a vu tout à l'heure

 13   affiché à l'écran. Est-ce que vous nous dites dans votre témoignage

 14   aujourd'hui que vous n'avez pas examiné ce livre en se préparant pour votre

 15   témoignage ?

 16   R.  Non, pas ce livre-là. J'ai déjà dit que j'ai lu le livre de Sefer

 17   Halilovic s'intitulant : "Une stratégie rusée."

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, Monsieur Traldi, j'ai remarqué

 19   qu'ici nous avons un numéro avec la petite lettre b, mais dans le compte

 20   rendu il a été consigné que vous avez dit qu'il s'agit de "1D02034". Nous

 21   avons ici la petite lettre b dans la référence du document, j'ai essayé de

 22   la retrouver, mais je n'ai pas réussi. Bien sûr, la Défense devrait

 23   clarifier cela.

 24   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et sur la liste des pièces connexes

 25   fournie par la Défense, on voit la petite lettre a, et non pas la petite

 26   lettre b.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, pouvez-vous nous expliquer

 28   pourquoi on voit la référence au document 65 ter 1D02034a dans votre liste


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  1   de pièces connexes, alors que le même document porte le numéro 1D02034b

  2   dans la déclaration du témoin. Qu'est-ce que vous avez montré au témoin ?

  3   Est-ce que les deux documents ont été téléchargés dans le prétoire

  4   électronique ?

  5   M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, je sais que j'ai reçu

  6   une explication de notre commis à l'affaire, et je devrais vérifier cela

  7   avec lui --

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Lukic, il faut que vous ayez à

  9   l'esprit que la description du document 65 ter 1D02034a a été présentée

 10   comme l'intitulé : "Oublier un crime, c'est un crime aussi."

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et, en fait, il s'agit d'un extrait de

 12   ce livre dans le prétoire électronique. Ou au moins le titre du document.

 13   Et je pense que je puis comprendre en regardant la version B/C/S qu'il

 14   s'agit effectivement de ce titre de livre où le mot "zlocin", crime,

 15   apparaît deux fois, et je crois que le titre en anglais est effectivement

 16   le titre qu'on peut trouver dans le système du prétoire électronique dans

 17   le document original.

 18   M. LUKIC : [interprétation] C'est tout à fait cela. Il s'agit de ce titre-

 19   là.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais maintenant, cela soulève une

 21   série de questions puisque, Maître Lukic, vous avez parlé au témoin lors de

 22   l'entretien. Qu'est-ce que vous lui avez montré ?

 23   M. LUKIC : [interprétation] Il n'a pas lu le livre, mais je lui ai montré

 24   des extraits.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De ce livre-là ?

 26   M. LUKIC : [interprétation] Oui, de ce livre-là.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous nous avez dit

 28   que vous avez lu un autre livre. Est-ce que la Défense vous a montré des


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  1   extraits de ce livre-là ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais je n'ai pas lu tout le livre. Je

  3   n'ai vu que la partie d'introduction où il parle de la formation de la

  4   Ligue patriotique, où les auteurs en parlent. Et j'ai vu des informations

  5   pour ce qui est des événements à Sanski Most, de la 1ère assemblée de

  6   l'assemblée nationale à Sanski Most. Mais je n'ai pas lu le livre,

  7   seulement quelques extraits de ce livre-là.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Et vos commentaires sont par

  9   rapport à --

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] L'avocat m'a montré des extraits, mais je n'ai

 11   pas vu le livre dont ces extraits sont tirés.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 13   Monsieur Traldi, vous pouvez poursuivre.

 14   M. TRALDI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Peut-on afficher

 15   le document de la liste 65 ter qui porte le numéro 1D02034, qu'on le voie à

 16   nouveau sur nos écrans. Il faut afficher la page 379 seulement dans la

 17   version en B/C/S, étant donné que cette page n'a toujours pas été traduite.

 18   Q.  Maintenant, j'aimerais attirer votre attention sur le point II, sur le

 19   titre de cette section qu'on voit dans la table des matières où il est dit

 20   : "Agression serbe contre Sanski Most."

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Passons à la page 380 maintenant, la page suivante. La section suivante

 23   s'intitule "Des crimes", "zlocini" en B/C/S ?

 24   R.  Oui, c'est ce qui est écrit ici.

 25   Q.  Saviez-vous que ce livre parle des crimes qui ont été commis contre les

 26   non-Serbes dans des quartiers de la municipalité de Sanski Most ?

 27   R.  Je n'ai pas vu ce livre. Je n'ai vu que des extraits de ce livre avant

 28   de m'être rendu à La Haye. Je n'ai vu que des extraits de ce livre.


Page 28751

  1   Q.  Dans cette section du livre, nous voyons des références à des crimes

  2   commis dans plusieurs localités concrètes, et j'aimerais vous poser d'abord

  3   la question pour ce qui est du temps pendant lequel vous étiez au service

  4   dans le service d'information du 1er Corps de Krajina. A l'époque lorsque

  5   vous travailliez dans ce service d'information, saviez-vous que des crimes

  6   ont été commis contre les non-Serbes à Vrhpolje et à Hrustovo, ce que nous

  7   pouvons voir dans la sous-section 2, sous le titre crimes ?

  8   R.  Non, parce que je ne me trouvais pas dans cette partie du théâtre de

  9   guerre. En 1993, je me trouvais dans ce service de presse. J'ai travaillé

 10   sur Modrica, Samac, mais je ne me trouvais pas dans cette partie du théâtre

 11   de guerre.

 12   Q.  Aujourd'hui, en tant que témoin, savez-vous que des crimes ont été

 13   commis - y compris des massacres commis sur à peu près 25 Musulmans de

 14   Bosnie non armés à Vrhpolje - et que cela s'est passé dans la municipalité

 15   de Sanski Most ?

 16   R.  C'est ce que j'ai appris dans des articles divers et dans des

 17   témoignages de certains hommes politiques de Bosnie, mais je n'ai pas vu

 18   ces documents et je ne me trouvais pas dans cette zone à l'époque où ces

 19   événements se sont produits. Si, j'ai appris cela dans les médias et en

 20   examinant des extraits de ce livre.

 21   Q.  En bas de la page, nous voyons une liste de localités, et chacune de

 22   ces localités commence par le mot "logor", camp. Il s'agit des camps,

 23   n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, c'est ce qui est écrit ici.

 25   Q.  Etiez-vous au courant de l'existence des camps qui figurent sur cette

 26   liste pendant que vous étiez au 1er Corps de la Krajina ?

 27   R.  Je n'ai pas entendu parler de ces camps et je ne les ai pas vus.

 28   Q.  Et aujourd'hui, en tant que témoin, savez-vous que des non-Serbes de


Page 28752

  1   Sanski Most ont été détenus, par exemple, dans le camp qui s'appelle

  2   Betonirka ?

  3   R.  Non, je n'ai pas entendu parler de ce camp. Mais en tout cas, la notion

  4   d'un camp chez nous était donc la notion des installations où un groupe de

  5   personnes sont retenues --

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous ne recevons pas

  7   l'interprétation.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] La notion d'un camp, lors de la dernière

  9   guerre chez nous, voulait dire qu'un groupe de personnes était retenu dans

 10   un lieu. Donc je ne pourrais pas appeler cela un camp. Nous n'avions pas de

 11   camps dans le sens classique du terme. Il y avait un camp à Manjaca. Sinon,

 12   il n'y avait pas d'autres camps. J'aurais des difficultés pour appeler ces

 13   localités, ces installations, des camps.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur, vous nous donnez maintenant

 15   des déclarations générales pour ce qui est de la signification du mot

 16   "camp", "logor", mais on vous a posé la question pour savoir ce que vous

 17   saviez du camp à Betonirka. Oubliez maintenant le mot "camp" ou "logor" --

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Non --

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, vous auriez dû dire cela et non

 20   pas commenter la signification du mot "camp", puisque si vous nous indiquez

 21   quoi que ce soit pour ce qui est de la notion du mot camp, cela ne veut

 22   rien dire pour ce qui est de Betonirka. Vous nous dites qu'il n'y avait pas

 23   de camp là-bas, vous ne le saviez pas puisque vous n'en saviez rien du camp

 24   à Betonirka.

 25   Donc, abstenez-vous de donner des déclarations générales et donner

 26   vos conclusions pour ce qui est de la notion du mot camp si vous ne savez

 27   rien pour ce qui est du camp à Betonirka.

 28   Pensez-y à l'avenir.


Page 28753

  1   Monsieur Traldi.

  2   M. TRALDI : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur, pour que tout soit tout à fait clair, vous n'avez en fait

  4   aucune idée du fait si des gens à Betonirka ou dans d'autres de ces

  5   installations, pour citer vos propos, "ont été voyagés là-bas pour y passer

  6   un certain temps," vous ne savez rien par rapport à cela ?

  7   R.  A l'époque, je ne me trouvais pas du tout sur cette partie du théâtre

  8   de guerre, et je ne connais pas de détails pour ce qui est de tout cela.

  9   Q.  Il y a quelques instants, vous avez dit que vous pensiez que vous

 10   n'aviez pas de camps dans le sens classique de ce terme.

 11   Lorsque vous avez utilisé le pronom personnel "nous", à qui avez-vous

 12   fait référence ?

 13   R.  J'ai fait référence à l'armée de la Republika Srpska.

 14   Q.  Si j'ai bien compris, vous avez exclu le camp de Manjaca de cette

 15   catégorie. La Chambre a reçu des moyens de preuve concernant un nombre

 16   d'autres camps; par exemple, du camp de Batkovic. Est-ce que vous étiez là-

 17   bas ?

 18   R.  Non, mais j'ai entendu parler de ce camp.

 19   Q.  La Chambre a également vu des moyens de preuve et entendu des

 20   témoignages concernant des camps dans la municipalité de Prijedor qui

 21   étaient contrôlés par les Serbes de Bosnie, par la police et par l'armée.

 22   Est-ce que vous étiez à l'un de ces camps ?

 23   R.  Seulement dans un de ces camps. A Trnopolje, où il y avait des non-

 24   Serbes qui séjournaient librement. Puisque à Prijedor, à l'époque, il y

 25   avait des attaques contre des individus appartenant à d'autres groupes

 26   ethniques, et la police a organisé cela pour pouvoir protéger ces non-

 27   Serbes des attaques individuelles. Je me suis rendu là-bas. Il s'agissait

 28   d'un camp de type ouvert et des gens pouvaient y entrer librement et


Page 28754

  1   circuler librement.

  2   Q.  J'ai quelques questions de suivi.

  3   D'abord, en quel mois et quelle année vous vous êtes rendu là-bas ?

  4   R.  C'était en 1992. Je pense que c'était en juillet ou en août 1992, mais

  5   je ne suis pas tout à fait certain. Je ne peux pas être précis pour ce qui

  6   est du mois, mais c'était la deuxième moitié de l'année 1992.

  7   Q.  J'ai remarqué que lors de votre témoignage vous avez dit que c'est la

  8   police qui a organisé ce camp. La Chambre a des moyens de preuve disant que

  9   le commandant de ce camp était Slobodan Kuruzovic, qui était membre de la

 10   TO de Prijedor, et ensuite ce camp a été placé sous le contrôle de la

 11   garnison de Prijedor, de la garnison de la VRS. Je vous dis cela, que vous

 12   n'avez pas de connaissance concernant l'organisation de ce camp et

 13   concernant la personne qui était responsable de ce camp ?

 14   M. LUKIC : [interprétation] Excusez-moi, mon éminent collègue pourrait-il

 15   être plus précis et nous dire de quelle installation il s'agit, puisque

 16   cela pourrait semer la confusion --

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que nous parlons du camp de

 18   Trnopolje, n'est-ce pas ?

 19   M. TRALDI : [interprétation] Oui. Mais je peux répéter ma question si Me

 20   Lukic préfère que je le fasse.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. S'il s'agit du camp de Trnopolje,

 22   nous pouvons lire cette question. Est-ce que vous savez qui a organisé le

 23   camp de Trnopolje ou cette installation et qui en était responsable ? Est-

 24   ce que vous avez des connaissances là-dessus ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Pas de connaissance précise. Je sais qu'il y

 26   avait des membres de la police et de l'armée là-bas. Je sais que M.

 27   Kuruzovic était responsable et en charge de camp. Mais à l'époque, la

 28   police et l'armée opéraient conjointement pour rétablir la paix à Prijedor.


Page 28755

  1   Et pour que j'ajoute quelque chose en guise d'explication, je ne me

  2   suis pas rendu dans ce camp pour faire l'inspection du camp, mais j'ai

  3   amené un groupe de journalistes étrangers là-bas. A l'époque, je

  4   travaillais dans le centre de presse et c'est pour cela que je me suis

  5   rendu dans ce camp, pour y amener un groupe de journalistes étrangers.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pendant combien de temps étiez-vous dans

  7   le camp de Trnopolje, ou plutôt, à Trnopolje ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Quelques heures ou une journée.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] "Quelques heures". Combien d'heures ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Au maximum deux heures et demie.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Continuez.

 12   M. TRALDI : [interprétation]

 13   Q.  Monsieur, dans votre dernière réponse, j'ai remarqué que vous avez

 14   mentionné que des membres de la police et de l'armée s'y trouvaient et que

 15   vous saviez que M. Kuruzovic était en charge de ce camp. Dans votre

 16   première réponse, vous n'avez mentionné que la police. J'aimerais savoir si

 17   vous savez que le général Mladic a été accusé, entre autres, des crimes qui

 18   ont été commis contre les civils non serbes dans le camp de Trnopolje ?

 19   R.  D'après ce que j'ai appris, dans le camp de Trnopolje, personne n'a

 20   péri.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'était pas la question. La question

 22   qui a été posée était la question pour savoir si vous savez que des crimes

 23   commis contre les civils non serbes dans le camp de Trnopolje sont des

 24   crimes retenus contre M. Mladic. Est-ce que vous en savez ? Si quelque

 25   chose s'est passé ou pas, c'est une autre question. Savez-vous que ces

 26   crimes ont été retenus contre lui, les crimes commis à Trnopolje ?

 27   Je vois que vous hochez la tête --

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas compris la question auparavant.


Page 28756

  1   Maintenant, j'ai compris la question. Ma réponse est non, je ne sais pas

  2   que des charges ont été retenues contre lui pour ce qui est de ce camp.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez.

  4   M. TRALDI : [interprétation] J'en ai fini avec ce document.

  5   Q.  Monsieur, jeudi dernier, nous nous sommes arrêtés au moment où nous

  6   avons parlé du soldat de la Krajina --

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous passez à un autre sujet,

  8   permettez-moi de poser une question au témoin.

  9   Est-ce que je vous ai bien compris lorsque vous avez dit que des gens

 10   pouvaient se rendre à Trnopolje librement et de leur propre gré ? Est-ce

 11   que c'est ce que vous avez dit dans votre témoignage ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela a été présenté ainsi à moi-même et

 13   aux journalistes étrangers. Et des gens qui étaient en ma présence

 14   faisaient de telles déclarations dans ce sens-là à ces journalistes

 15   étrangers.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et les gens qui étaient présents étaient

 17   qui ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le camp.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'ai compris cela, mais dans le

 20   camp vous avez la direction du camp, des prisonniers. M. Kuruzovic, est-ce

 21   qu'il vous a dit quelque chose comme cela…

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela a été dit aux journalistes et cela a été

 23   confirmé par des gens qui s'y trouvaient, à savoir qu'il ne s'agissait pas

 24   de prisonniers de guerre et des gens qui ont été emmenés par la force, mais

 25   plutôt pour être protégés par rapport à la violence incontrôlable qui se

 26   faisait dans la ville.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et c'est la seule source de vos

 28   informations ?


Page 28757

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais vous avez dit encore une fois

  4   que "des gens ont confirmé cela…"

  5   Mais quels gens, pouvez-vous être plus précis ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je parle des gens qui

  7   ont parlé à des journalistes étrangers et à moi-même. A savoir, des gens

  8   qui étaient des non-Serbes et qui se trouvaient à Trnopolje. Et il

  9   s'agissait une cour d'école. Donc il n'y avait pas d'attributs d'un camp,

 10   là. Il n'y avait que des membres de la police qui assuraient la sécurité de

 11   cette cour, et des gens y ont été amenés pour qu'ils soient protégés de la

 12   violence.

 13   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Cette question vous avait été posée

 14   par rapport à la police et à l'armée. Dites-nous qui vous a fourni cette

 15   information ? Est-ce qu'il s'agissait des membres de la police et de

 16   l'armée ou des gens qui se trouvaient là-bas ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Cette information m'a été fournie par des

 18   gardes du camp et par des gens qui se trouvaient dans le camp.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aimerais vous poser une question

 21   quelque peu différente qui porte sur le même sujet. Vous avez dit que ces

 22   gens s'y trouvaient de leur propre gré et qu'ils pouvaient y entrer et en

 23   sortir librement. Ai-je raison de dire cela ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pendant que vous vous trouviez dans ce

 26   camp pendant ces deux heures et demie, est-ce que vous avez pu voir des

 27   gens entrant dans le camp et sortant du camp librement ?

 28    LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Et si vous me permettez, j'ajouterais


Page 28758

  1   une phrase. Des gens avec qui j'ai parlé dans le camp ont fait ces

  2   déclarations en l'absence de --

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant cela. Pour pouvoir comprendre

  4   tout à fait vos propos. Vous dites que vous avez vu des gens entrant dans

  5   le camp et sortant du camp et des gens quittant le camp pour de bon, et

  6   personne ne les a arrêtés; c'est ce que vous dites ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ils entraient et ils sortaient. Mais je

  8   ne sais pas pendant combien de temps cela se faisait. Mais je sais qu'ils

  9   entraient dans le camp et en sortaient.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous dites que vous ne savez

 12   pas pendant combien de temps ils étaient en dehors du camp ? Ce n'est pas

 13   tout à fait clair.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Le Juge m'a demandé s'ils pouvaient quitter le

 15   camp de façon permanente. Je ne sais pas s'ils quittaient le camp pour de

 16   bon et s'ils n'y revenaient puisque je ne suis pas resté suffisamment

 17   longtemps pour le savoir.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et lorsque vous avez dit "monsieur" qui

 19   vous a posé la question, vous avez fait référence aux journalistes que vous

 20   avez escortés ?

 21   [La Chambre de première instance se concerte]

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, j'ai fait référence au Juge.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous avez dit que vous les avez vus

 24   partir, mais vous ne saviez pas s'il s'agissait d'une période longue de

 25   temps ou d'une courte période de temps, vous ne saviez pas.

 26   Est-ce qu'ils se déplaçaient en voitures ou est-ce qu'ils partaient à pied

 27   ? Qu'est-ce que vous avez vu ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils se déplaçaient à pied. Puisque je devais


Page 28759

  1   leur parler et non pas les accompagner. Et pendant qu'on parlait aux non-

  2   Serbes se trouvant dans le camp, aucun garde n'y était présent ou des

  3   personnes qui auraient pu entraver la conversation qu'on avait menée avec

  4   ces personnes.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que ces personnes qui partaient

  6   du camp portaient des bagages avec eux ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas. Je n'ai pas vu cela.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous avez pu les voir s'éloigner à

  9   quelle distance ? A 100 mètres, à 200 mètres ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils partaient dans tous les sens. Moi, je ne

 11   les observais pas puisque je ne suis pas venu dans le camp pour cela, mais

 12   je les ai vus partir dans tous les sens. Ils retournaient par la suite. Il

 13   s'agissait des entrées et des sorties.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ils entraient et ils sortaient de quoi

 15   exactement ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] De la cour de l'école où ils se trouvaient, et

 17   il y avait une enceinte. Ils dormaient dans l'école, ceux qui y

 18   séjournaient pendant toute la journée ou plusieurs jours.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous dites que vous les avez vus

 20   sortir de la cour de l'école, qui avait une grille, et vous les avez vus

 21   retourner dans la cour, mais vous ne disposez pas de détails concernant

 22   d'autres faits, à savoir pendant combien de temps ils partaient du camp et

 23   --

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Monsieur Traldi.

 26   M. TRALDI : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur, les Juges de la Chambre ont reçu des éléments de preuve, des

 28   éléments du 1er Corps de la Krajina - et je fais référence plus précisément,


Page 28760

  1   pour vous donner un exemple, aux pièces P2875 et P7308 [comme interprété] -

  2   disant que les personnes arrêtées étaient placées au camp de prisonniers de

  3   Trnopolje, et Trnopolje a été cité comme camp de prisonniers.

  4   J'aimerais savoir la chose suivante : à l'exception des deux heures et

  5   demie que vous avez passées avec ces journalistes étrangers, est-ce que

  6   vous aviez [comme interprété] connaissance des conditions qui prévalaient

  7   là-bas ?

  8   R.  C'est exact.

  9   Q.  Alors, je voudrais revenir à présent à "Krajiski Vojnik".

 10   M. TRALDI : [interprétation] Je demande l'affichage du document de la liste

 11   65 ter 11822, s'il vous plaît.

 12   C'est un autre article publié à "Krajiski Vojnik", une interview avec

 13   le président Karadzic. Page 5 pour la version anglaise et à l'extrême

 14   droite de l'image pour la version B/C/S, juste avant la dernière question

 15   en gras :

 16   "Je voudrais ajouter la chose suivante. Les dirigeants pensent que nous

 17   devrions nous unir avec la Serbie et pas la Yougoslavie. Nous pensons qu'il

 18   est nécessaire que la Krajina se joigne à nous. Ce qui est en train de se

 19   faire a lieu à cause du climat international. Tout d'abord, des étapes

 20   seront réalisées là où il y a le moins de résistance. Personne ne peut

 21   arrêter notre unification à la Serbie et, grâce à Dieu, lorsque la Serbie

 22   s'étendra vers l'Una, il sera beaucoup plus facile pour la Krajina

 23   d'atteindre son objectif."

 24   Q.  Alors, là, nous avons le journal "Krajiski Vojnik" qui a publié un

 25   entretien avec le président Karadzic où il plaide pour l'unification avec

 26   la Serbie; c'est bien cela ?

 27   R.  Oui. "Krajiski Vojnik" a repris cet entretien d'un autre journal qui

 28   s'appelle "Glas Srpska". Donc ça ne faisait pas partie de notre travail de


Page 28761

  1   publication. Nous avons juste repris des éléments d'un autre journal.

  2   Q.  Et l'Una, ici, dont on parle, c'est une référence au fleuve Una, n'est-

  3   ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   M. TRALDI : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

  6   document, Messieurs les Juges.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 11822 reçoit la cote P6939,

  9   Messieurs les Juges.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document est admis au dossier.

 11   M. TRALDI : [interprétation] Je demande à présent l'affichage du document

 12   65 ter 05927, s'il vous plaît.

 13   Q.  En attendant qu'il s'affiche, j'aimerais vous dire la chose suivante.

 14   Tout comme le 1er Corps de la Krajina, l'état-major principal de la VRS

 15   avait un secteur chargé du moral des troupes et des questions religieuses,

 16   n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et ce secteur était sous l'autorité du général Gvero ?

 19   R.  Chef de cet organe à l'état-major principal.

 20   Q.  Donc le général Gvero était le chef de cet organe à l'état-major

 21   principal; c'est cela ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et le secteur de l'état-major principal chargé du moral des troupes,

 24   des affaires juridiques et religieuses a publié un magazine qui s'appelait

 25   "Srpska Vojska", n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Est-ce que ce journal, ce magazine, "Srpska Vojska", était distribué

 28   aux unités du 1er Corps de la Krajina, tout comme "Krajiski Vojnik" ?


Page 28762

  1   R.  Oui. C'était la seule publication de l'armée de la Republika Srpska.

  2   Q.  Selon un article-là du général Gvero pour "Srpska Vojska" intitulé :

  3   "Un cordon de soie pour Alija," "Silk cord for Alija" en anglais. Est-ce

  4   que vous connaissez cet article ?

  5   R.  Non, je ne l'ai pas vu.

  6   Q.  Regardons au troisième paragraphe dans les deux langues, s'il vous

  7   plaît. Le général Gvero nous donne son avis sur les raisons de la guerre.

  8   Et il déclare :

  9   "Les Serbes devaient combattre ou disparaître…"

 10   Et puis il ajoute :

 11   "Il fallait soit combattre ou capituler devant les survivants de

 12   l'oppression (actuellement) vengeresse sinistre asiatique et turque et des

 13   menaces constantes qu'ils proféraient en utilisant leurs couteaux

 14   d'Oustachi et dans des charniers d'Oustachi."

 15   Alors, cet article qui a été publié dans "Srpska Vojska" est distribué au

 16   sein de toutes les unités du 1er Corps de la Krajina, n'est-ce pas ?

 17   R.  C'est exact.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, les mots qui sont entre

 19   barres obliques dans la version anglaise "that they would be killed," cela

 20   semble ne pas être une explication linguistique ? Ou est-ce que c'est un

 21   ajout ?

 22   M. TRALDI : [interprétation] On nous dit que cela a été ajouté par les

 23   traducteurs du document.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ça ne se trouve pas dans le

 25   document d'origine. Il s'agit juste d'une remarque quant à l'interprétation

 26   du document qui ne se fonde pas purement sur les termes utilisés dans la

 27   version originale, mais sur une compréhension à première vue des auteurs de

 28   ces menaces; c'est cela ?


Page 28763

  1   M. TRALDI : [interprétation] Oui. Et les barres obliques semblent indiquer,

  2   si j'ai bien compris, qu'il s'agit d'un ajout.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, je comprends bien qu'on ajoute des

  4   barres obliques pour comprendre ce que "balija" ou "Turcs" veut dire dans

  5   le contexte. Mais là, nous avons une interprétation, et je ne pense pas que

  6   cela entre dans le champ des explications nécessaires.

  7   M. TRALDI : [interprétation] Nous demanderons une révision, Monsieur le

  8   Président, si vous le désirez.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, pas seulement ça, en fait. Cela

 10   n'aurait pas dû se trouver là. Ça, c'est une chose -- à moins que vous

 11   n'ayez une meilleure explication.

 12   Veuillez continuer.

 13   M. TRALDI : [interprétation]

 14   Q.  Je vais poser quelques questions de suivi sur, justement, ces termes.

 15   Alors, à quoi fait référence l'expression "couteaux des Oustachi" ?

 16   R.  Messieurs les Juges, il s'agit en fait là d'une dimension historique de

 17   cette interprétation. On fait référence là à la Deuxième Guerre mondiale et

 18   à l'époque où beaucoup de Serbes avaient été tués par des couteaux

 19   oustachi. C'est le symbole de la souffrance des Serbes à Jasenovac et dans

 20   d'autres camps oustachi pendant la Deuxième Guerre mondiale.

 21   Alors je dois vous dire ici que tout cela porte principalement sur le nord

 22   de la Bosnie-Herzégovine où un grand nombre de Serbes ont été tués dans des

 23   camps oustachi, ça, c'est pour la plupart; mais il y a aussi également eu

 24   une offensive au mont Kozara. Donc, tout cela explique le contexte

 25   historique de la souffrance du peuple serbe pendant la Première et la

 26   Deuxième Guerres mondiales.

 27   Q.  Et comment vous comprenez l'expression "Ustasha pits" en anglais,

 28   "fosses d'Oustachi" ?


Page 28764

  1   R.  Pendant la Deuxième Guerre mondiale, un grand nombre de Serbes ont été

  2   tués dans les régions de Karst, où il y avait des fosses naturelles, des

  3   abysses en d'autres mots. Je ne sais pas comment expliquer cela. En fait,

  4   les Serbes ont été jetés dans ces abysses vivants et y mouraient. Cela a eu

  5   lieu en Herzégovine.

  6   Q.  Donc, Monsieur, est-il exact que ces deux références aux "couteaux

  7   oustachi" et aux "fosses" ou aux "abysses oustachi", pour vous, portent sur

  8   la façon dont les Serbes ont été tués ?

  9   R.  Oui, oui. En fait, ce texte rappelle le contexte historique de la

 10   souffrance, et c'est un plaidoyer pour ne pas répéter ce genre de génocide

 11   et de répéter cette souffrance. Cette lutte était censée empêcher cela.

 12   Q.  Alors le terme "turque" utilisé juste au-dessus, juste au-dessus du mot

 13   "Oustachi", ce terme est péjoratif en Bosnie, non ? C'est un terme

 14   péjoratif pour parler des Musulmans de Bosnie ?

 15   R.  Non, non. Non. Ce n'est pas vrai. Si on parle d'une "oppression

 16   vengeresse sinistre asiatique et turque" en Bosnie-Herzégovine, eh bien,

 17   lorsque des enfants, des enfants serbes, ont été emmenés, ont été entraînés

 18   pour devenir des membres de l'armée turque, en fait, c'est un rappel de ce

 19   que l'Empire ottoman faisait en Bosnie-Herzégovine.

 20   Q.  Il n'y avait pas d'armée ottomane ni de présence ottomane en Bosnie-

 21   Herzégovine en 1993 lorsque cet article a été publié ?

 22   R.  Oui, vous avez raison. Il n'y était pas à ce moment-là. Mais ce qu'on

 23   dit ici, c'est que cette lutte, ce combat, cette guerre qui avait commencé

 24   en Bosnie-Herzégovine en 1992, dans certaines de ses formes, de ses

 25   manifestations, nous rappelle l'Empire ottoman. Voilà ce que cela veut

 26   dire.

 27   Q.  Alors, moi, je suis en train de vous dire qu'il est clair que lorsque

 28   le général Gvero suggère qu'il existe un risque d'oppression turque, il ne


Page 28765

  1   fait clairement pas référence à une reconquête de la Bosnie par la Turquie,

  2   mais qu'il parle plutôt clairement du potentiel du gouvernement musulman de

  3   Bosnie dans certaines de ces régions, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   M. TRALDI : [interprétation] Monsieur le Juge, j'ai encore quelques

  6   questions à propos de ce document, mais je vois qu'il est temps de faire la

  7   pause.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement. Veuillez raccompagner le

  9   témoin en dehors du prétoire. Nous allons faire une pause de 20 minutes et

 10   nous reprendrons à 13 heures 45.

 11   [Le témoin quitte la barre]

 12   --- L'audience est suspendue à 13 heures 27.

 13   --- L'audience est reprise à 13 heures 47.

 14   [Le témoin vient à la barre]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, veuillez continuer, je

 16   vous prie.

 17   M. TRALDI : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous afficher la page 2 de

 18   ce document, paragraphe 2, et ce sera le cinquième paragraphe en version

 19   B/C/S.

 20   Q.  Si nous nous penchons maintenant sur la phrase numéro deux -- et je

 21   suis intéressé par la première partie seulement pour le moment :

 22   "Les Croates et les Musulmans sur ce territoire, ces ex-Serbes…"

 23   Puis on dit "Srpska Vojska" a publié une affirmation au terme de

 24   laquelle les Musulmans et les Croates étaient des Serbes auparavant qui se

 25   sont convertis, n'est-ce pas ?

 26   R.  Non. Ils ne se sont pas convertis. Ils ont été convertis par la force.

 27   Ils ont été convertis à l'Islam pendant l'empire Ottoman.

 28   Q.  Il y a un terme qui est utilisé pour ce genre de personne, c'est


Page 28766

  1   "poturice", n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui, c'est un terme qui est parfois utilisé, en effet.

  3   Q.  Et c'est en général compris comme quelque chose de dénigrant en Bosnie,

  4   n'est-ce pas ?

  5   R.  En principe, oui. Parce que les Serbes se sont convertis par la force,

  6   ou alors ont été convertis par la force au Catholicisme. C'est un processus

  7   qui s'est manifesté pendant cette dernière guerre de 1991 à 1995. Il y a

  8   des gens qui se sont convertis pour survivre.

  9   Q.  Un peu plus loin dans ce paragraphe, on peut lire que les Musulmans et

 10   les Croates :

 11   "Sont des non civilisés à l'extrême, ils se comportent de façon sauvage à

 12   l'égard des Serbes et ils sont fanatisés dans leur haine, ce qui fait que

 13   l'objectif est l'extermination des Serbes par tous les moyens et, dans la

 14   plupart des cas de figure, des moyens d'une bestialité des plus grandes."

 15   C'est de la propagande ?

 16   R.  Je ne suis pas d'accord avec vous pour dire que ce n'est que de

 17   la propagande. Et si les Juges me le permettent, j'aimerais dire que vers

 18   la fin des années 1980, il y a eu une hystérie anti-Serbe et des demandes

 19   pour le démantèlement de la Yougoslavie. Mais à titre de rappel, on a

 20   toujours dit que c'était la faute aux Serbes. Le début de la guerre en

 21   Bosnie-Herzégovine a été marqué par des attaques lancées contre la

 22   population serbe et des crimes contre eux. Et j'ai traité de ces crimes

 23   dans le film intitulé "Le génocide". Alors ça a généré de la peur auprès de

 24   la population serbe pour ce qui est de voir se reproduire ce qui s'était

 25   passé dans la Deuxième Guerre mondiale. Et c'est la raison pour laquelle

 26   les Serbes se sont organisés pour se défendre et pour faire en sorte que le

 27   génocide ne se reproduise plus.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes prié de parler un peu


Page 28767

  1   plus lentement.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Fort bien.

  3   M. TRALDI : [interprétation]

  4   Q.  Vous nous avez dit que ceci avait généré de la peur. Et de la colère

  5   aussi, n'est-ce pas ?

  6   R.  Pas de la colère. Je vais vous dire une fois de plus que les souvenirs

  7   historiques sont trop rapprochés. A titre d'exemple, dans la dernière des

  8   guerres il y a eu mon père, et dans celle-ci j'ai dû y participer, donc

  9   pratiquement chaque génération a dû faire la guerre. Cette peur de ces

 10   conflits réitérés entre les peuples et la peur du génocide n'a pas généré

 11   de la colère mais a généré des demandes visant à faire en sorte que la

 12   population soit défendue vis-à-vis de toute éventualité analogue à ce qui

 13   s'était passé dans l'histoire.

 14   Q.  Vous nous avez parlé de la "mémoire historique qui est encore

 15   présente." Ce sont des souvenirs douloureux du point de vue historique,

 16   n'est-ce pas ?

 17   R.  C'est exact, oui.

 18   Q.  Et le général Gvero, dans cet article, fait allusion à ces souvenirs ?

 19   R.  Non, il ne les rappelle pas. Il ne fait pas en sorte pour les raviver,

 20   mais il cherche à rappeler tout un chacun de ce qui s'est passé.

 21   Q.  Les gens qui sont rappelés à cette mémoire historique, ce sont tous des

 22   soldats dans les unités du 1er Corps de la Krajina ? A qui cela a été

 23   distribué, entre autres, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  "Srpska Vojska", est-ce que c'est une revue qui a été distribuée à des

 26   unités dans d'autres corps de la VRS ?

 27   R.  C'était le journal de l'armée de la Republika Srpska, ça a été donc

 28   distribué dans toutes les unités de l'armée de la Republika Srpska sur le


Page 28768

  1   territoire entier de la Republika Srpska. Il y a "Krajiski Vojnik", le

  2   soldat de la Krajina, qui n'a été distribué rien qu'au 1er Corps de la

  3   Krajina. Parce que c'était le journal de notre corps d'armée à nous.

  4   Q.  L'intitulé de cet article, "Une corde en soie pour Alija," c'est en

  5   fait une référence faite par le général Gvero à ce qui est décrit comme

  6   étant une façon de tuer quelqu'un suivant des techniques médiévales, et ça

  7   a été utilisé pour ce qui est de ces dirigeants turcs, n'est-ce pas ?

  8   R.  C'est exact. Il s'est servi de cette métaphore pour dire que la

  9   politique à Alija va se solder par cela. C'était cela le fond de la pensée

 10   du général Gvero.

 11   M. TRALDI : [interprétation] Messieurs les Juges, je demande le versement

 12   au dossier de ce document 65 ter 05927 pour en faire une pièce publique.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 14   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La pièce 05927 deviendra la pièce

 15   P6940.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Versé au dossier.

 17   M. TRALDI : [interprétation] Messieurs les Juges, ceci met un terme à mon

 18   contre-interrogatoire.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Traldi.

 20   Maître Lukic, est-ce que vous pouvez nous dire de combien de temps vous

 21   avez besoin ?

 22   M. LUKIC : [interprétation] Je vais essayer de terminer aujourd'hui.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, ce serait grandement apprécié, en

 24   effet.

 25   Nouvel interrogatoire par M. Lukic :

 26   Q.  [interprétation] Monsieur Barasin, bonjour à nouveau.

 27   R.  Bonjour.

 28   M. LUKIC : [interprétation] Je vais demander à ce qu'au prétoire


Page 28769

  1   électronique on nous affiche le P2874, s'il vous plaît.

  2   Q.  Au sujet de ce document, on a affirmé que les Serbes avaient demandé à

  3   se séparer des deux autres peuples en Bosnie-Herzégovine. Il s'agit de la

  4   date du 21 mai 199, ici. Au 1er Corps, qui est le vôtre, sur le territoire

  5   où ce corps a été déployé et territoire à partir duquel il a complété ses

  6   effectifs, est-ce que ce moment-là il y avait déjà eu des combats ?

  7   R.  Le 21 mai…

  8   Q.  1992.

  9   R.  Oui, il y a eu des activités de combat sur le territoire tenu par le

 10   1er Corps.

 11   Q.  Dans vos activités, est-ce que vous avez eu l'occasion de voir une

 12   documentation datant de 1991 et portant sur la création de l'Herceg-Bosna ?

 13   R.  Oui. J'ai vu certains documents et certaines informations. Mais le

 14   processus de la création de l'Herceg-Bosna a commencé en juin 1990,

 15   lorsqu'il y a eu réunion des chefs du peuple croate avec Alija Izetbegovic.

 16   Puis il y a eu une deuxième réunion à Grude en fin 1991, début 1992, et où

 17   au final il y a eu création de cette armée du HVO. Et je pense que c'était

 18   le 8 avril --

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, parce que vous

 20   parlez si vite --

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- est-ce que vous pouvez dire -- vous

 23   avez dit que : "Il y eu d'autres réunions…"

 24   Est-ce que vous pouvez reprendre.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Après la réunion des dirigeants croates de

 26   Bosnie-Herzégovine avec le président Tudjman, président de Croatie, en juin

 27   1991, il y a eu toute une série d'autres réunions en Bosnie-Herzégovine.

 28   L'une de ces réunions, ça a été une réunion consultative de Grude, suite à


Page 28770

  1   quoi il y a eu création du HVO, et ça date d'avril 1992. Ça s'est fait et

  2   ça a été proclamé publiquement par la direction du peuple croate de la

  3   Bosnie-Herzégovine, ils ont dit qu'ils souhaitaient parachever les

  4   frontières historiques du peuple croate sur ces territoires-là pour les

  5   rattacher à la Croatie.

  6   M. LUKIC : [interprétation]

  7   Q.  Je ne vois pas consigné au compte rendu ce que vous avez dit par

  8   rapport à l'intention qui était la leur ? De faire quoi avec la Croatie ?

  9   R.  Pour qu'une partie de la Bosnie-Herzégovine peuplée par les Croates

 10   depuis des siècles se réunisse avec l'Etat de Croatie.

 11   Q.  J'ai entendu cela, pour que cette partie se soit jointe à l'Etat de

 12   Croatie, mais cela n'a pas été consigné au compte rendu.

 13   Est-ce que l'objectif de la création du HVO de l'Herceg-Bosna était la

 14   séparation de deux autres peuples de la Bosnie-Herzégovine, si vous en

 15   savez quelque chose ?

 16   R.  Oui. Oui, par rapport à tout ce que j'ai vu et entendu, c'était

 17   l'objectif de cela.

 18   Q.  Avant le 21 mai 1992, est-ce que vous avez rencontré des informations

 19   dans votre travail qu'il y avait des attaques contre les installations de

 20   la JNA, ensuite contre les membres de la JNA, avant la création de la VRS ?

 21   R.  Vous avez fait référence à 1991 ou 1992 ?

 22   Q.  A 1992.

 23   R.  Déjà au début de la guerre en Croatie, mais de façon plus intense en

 24   1991, dans la deuxième moitié, et en début de 1992, il y avait des attaques

 25   contre les membres de la JNA et contre les installations de la JNA. Il faut

 26   que je vous rappelle qu'après la réunion de consultation du 28 février à

 27   Mehurici, les responsables musulmans ont fait publier que la Ligue

 28   patriotique illégale a été formée, comme ils l'appelaient à l'époque. Et à


Page 28771

  1   ce moment-là, il y avait neuf états-majors régionaux pour la Bosnie-

  2   Herzégovine, un état-major pour la région de Sandzak, à savoir pour la

  3   population musulmane vivant sur le territoire de Monténégro et de la

  4   Serbie. Et dans cette proclamation, ils ont dit qu'ils avaient déjà 120 000

  5   personnes qui pouvaient combattre en temps de guerre.

  6   Et une directive portant sur la défense du peuple musulman a été

  7   adoptée -- pour ce qui est du peuple musulman en Bosnie-Herzégovine. Dans

  8   cette directive, ils ont présenté le plan concernant le départ de la

  9   population musulmane de certaines parties de la Bosnie-Herzégovine de façon

 10   planifiée, et il y avait des instructions également concernant l'attaque

 11   contre les installations de la JNA et concernant l'empêchement du retrait

 12   des membres de la JNA du territoire de la Bosnie-Herzégovine.

 13   Et il faut que j'ajoute, pour ce qui est du même sujet, qu'il y avait

 14   des attaques contre la colonne à Tuzla en mai et ensuite l'attaque dans la

 15   rue de Dobrovoljacka à Sarajevo. Ce sont des exemples les plus connus. Et

 16   également des attaques en Herzégovine occidentale.

 17   Q.  Quelle était l'appartenance ethnique des membres de la Ligue

 18   patriotique, des Bérets verts ?

 19   R.  C'étaient des Musulmans. Puisque cela figurait dans tout cela. Et

 20   lorsque l'ABiH a été formée de la Ligue patriotique, il y avait dans le

 21   cadre de cette armée des membres d'appartenances ethniques autres. Mais,

 22   bien sûr, ils n'étaient pas nombreux.

 23   Q.  Savez-vous si on a offert aux Musulmans de rester à vivre ensemble avec

 24   les Serbes de la Yougoslavie qui n'était pas la Yougoslavie complète ?

 25   R.  Oui. Et il a été demandé que le référendum ne soit pas tenu. Et les

 26   Serbes n'ont pas participé à ce référendum, ils ont été appelés à vivre

 27   ensemble dans un Etat commun. Mais cette hystérie contre les Serbes qui a

 28   commencé vers la fin des années 1980 a continué, et sur la proposition de


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  1   la Commission de Badinter en janvier, ce référendum a eu lieu contrairement

  2   à la volonté du peuple serbe.

  3   Q.  Est-ce que vous en savez quoi que ce soit pour ce qui est de

  4   l'initiative de Belgrade ?

  5   R.  Je ne saurais répondre à cette question.

  6   Q.  Et pour ce qui est de l'accord de Skopje ?

  7   R.  Oui, l'accord de Skopje a eu lieu dans la première moitié du mois de

  8   mai. Je ne me souviens pas de la date exacte. Et il s'agissait de l'accord

  9   entre Blagoje Adzic, qui était le chef de l'état-major général de la JNA à

 10   l'époque, et le président Alija Izetbegovic. Et selon cet accord, les

 11   unités de la JNA devaient quitter la Bosnie-Herzégovine de façon pacifique.

 12   Mais cet accord n'a pas été réalisé, au retour d'Alija Izetbegovic en

 13   Bosnie-Herzégovine, lorsque l'attaque s'est produite contre les membres de

 14   la JNA dans la rue Dobrovoljacka. Donc, par cette attaque, cet accord a été

 15   rejeté de la part du peuple musulman.

 16   Q.  Est-ce que les Serbes étaient pour maintenir le statu quo ou pour des

 17   changements ?

 18   R.  Nous étions, ou plutôt, les Serbes étaient pour les pourparlers et pour

 19   trouver une solution commune. A plusieurs reprises, il a été répété qu'il

 20   fallait mieux négocier pendant des années que de mener la guerre pendant

 21   quelques jours. Et je pense que cet appel a été lancé aux Croates et aux

 22   Musulmans pour qu'on procède aux négociations. On ne savait pas quand ces

 23   négociations devaient se finir, mais on répétait sans cesse que les

 24   négociations étaient une meilleure solution par rapport à la guerre.

 25   Q.  Merci. Parlons brièvement de Trnopolje maintenant. Vous avez dit que --

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, j'aimerais vous appeler à

 27   poser des questions émanant du contre-interrogatoire. C'est la première

 28   chose. Et la deuxième chose, étant donné que vous allez passer à Trnopolje,


Page 28773

  1   posez des questions portant sur les sujets qui sont contestables. C'est

  2   parce que, par exemple, je ne savais pas que dans les Bérets verts il n'y

  3   avait que des Musulmans, que c'était une organisation de Musulmans

  4   exclusivement, ou peut-être que je n'ai pas bien compris la position de

  5   l'Accusation selon laquelle c'était une organisation multiethnique.

  6   M. LUKIC : [interprétation] L'Accusation a dit que des Serbes voulaient se

  7   séparer des deux autres nations.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le dernier exemple portait sur les

  9   Bérets verts, organisation musulmane. Est-ce que cela a été contesté ?

 10   M. LUKIC : [interprétation] C'est exactement ce que j'aimerais voir pour ce

 11   qui est de ce témoin, puisque c'est en contradiction avec la position de

 12   l'Accusation --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuons. Vous avez encore besoin de

 14   quelques minutes.

 15   M. TRALDI : [interprétation] Nous n'avons pas besoin de beaucoup de temps.

 16   Peut-être quelques minutes.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez, Maître Lukic.

 18   M. LUKIC : [interprétation] Merci. Je vais maintenant passer à Trnopolje.

 19   Q.  Vous avez dit que vous avez vu une grille à Trnopolje. J'aimerais

 20   savoir quelle était la hauteur de cette grille; et est-ce que cela

 21   encerclait Trnopolje de tous les côtés ?

 22   R.  Il s'agissait d'une grille de la cour d'école. Cette grille n'a pas été

 23   fabriquée pour cette occasion-là. Il s'agissait de la grille qui était la

 24   grille de la cour d'école, qui existait déjà sur place.

 25   Q.  Des gens qui partaient dans tous les sens et qui retournaient, selon ce

 26   que vous avez dit, partaient escortés par des gardes et retournaient

 27   escortés par des gardes ou pas ?

 28   R.  Je n'ai pas pu voir cette escorte. J'ai vu des gens qui sortaient du


Page 28774

  1   camp et qui retournaient dans le camp mais sans escorte.

  2   M. LUKIC : [interprétation] Peut-on afficher maintenant dans le prétoire

  3   électronique P6940.

  4   Q.  Avant tout, j'aimerais vous poser la question suivante : le général

  5   Gvero s'occupait, entre autres, de la propagande ? Est-ce que cela faisait

  6   partie de son travail ?

  7   R.  La personne qui était en charge de ces travaux dans toute armée,

  8   lorsqu'il s'agit des opérations de combat, doit s'occuper de la propagande,

  9   entre autres. C'est son travail. Et lorsqu'il y a une guerre, cela veut

 10   dire qu'il y a la propagande aussi.

 11   Q.  Merci. Dans ce document, le général Gvero dit :

 12   "Tout le monde sait que les Serbes n'ont pas voulu cette guerre, ils ont

 13   fait tout ce qu'ils pouvaient pour éviter la guerre."

 14   D'après vos meilleures connaissances, est-ce que cela est une propagande ou

 15   un fait ?

 16   R.  Je n'appellerais pas cela la propagande. Je pense qu'il s'agit d'un

 17   fait.

 18   Q.  On vous avait montré le texte où il est dit qu'il y avait des menaces

 19   constantes, des couteaux d'Oustachi, des fosses d'Oustachi, des atrocités

 20   commises par des Ottomans, des Asiatiques, et cetera. C'est au troisième

 21   paragraphe :

 22   "Mais dans cette guerre, qui leur a été imposée, les Serbes n'avaient pas

 23   le choix. C'était soit la disparition, soit la lutte."

 24   D'après vous, est-ce que cette guerre a été imposée aux Serbes ?

 25   R.  Je le pense et j'affirme que oui. J'ai participé à cette guerre --

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Juste un instant.

 27   Monsieur Traldi.

 28   M. TRALDI : [interprétation] Je ne pense pas que cela influe sur la


Page 28775

  1   réponse, pas nécessairement, puisque je ne me souviens pas avoir dit au

  2   témoin qu'il y avait le joug Ottoman en 1993. Et j'aimerais que mes

  3   questions soient donc consignées correctement aux fins du compte rendu.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Regardons ce que le témoin va dire dans

  5   la continuation de sa réponse.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que la guerre a été imposée. Et

  7   personne ne nous a dit que cette guerre nous était nécessaire. Nous devions

  8   accepter le fait que la guerre nous a été imposée, nous devions sortir de

  9   cette guerre et protéger le peuple des événements qui auraient pu se

 10   répéter et dont j'ai parlé auparavant. Je conclus donc que cette guerre

 11   nous a quand même été imposée.

 12   M. LUKIC : [interprétation]

 13   Q.  Dans la version en B/C/S, à la page 1 du document, probablement la page

 14   2 pour l'anglais --

 15   M. LUKIC : [interprétation] J'aimerais voir la page 2 en anglais. Merci. Ah

 16   non, il faudra passer à la 3.

 17   Q.  Deuxième paragraphe plein en anglais :

 18   "Depuis le début de la guerre, les Serbes ont proposé de l'arrêter. Les

 19   Musulmans ont proclamé la guerre. Les Serbes ont proposé la paix et des

 20   négociations, des pourparlers de paix. Les Musulmans ont mené de nouvelles

 21   offensives à grande échelle."

 22   D'après vous, s'agit-il de propagande ou de faits ?

 23   R.  Ce sont des faits. Et, en fait, M. Cutileiro l'a confirmé en 1995 lors

 24   d'un entretien, il a déclaré que la paix avait déjà été conclue lorsque

 25   Alija l'avait reniée. Ce plan de paix, donc le plan Cutileiro, avait été

 26   accepté par toutes les parties au conflit, mais ensuite Alija Izetbegovic

 27   l'a rejeté unilatéralement.

 28   Q.  Je ne sais pas si cela est contesté par les parties. Je vais vous poser


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  1   la question parce que je pense qu'il n'y a pas eu d'élément de preuve

  2   montré à cet égard.

  3   J'aimerais savoir ce que les Serbes craignaient. Combien de Serbes ont été

  4   tués pendant la Deuxième Guerre mondiale ?

  5   R.  1 700 000. C'est le chiffre que je connais. Environ 700 000 ont été

  6   tués au camp de Jasenovac.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, je regarde l'heure.

  8   M. LUKIC : [interprétation] C'était ma dernière question.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'était votre dernière question.

 10   M. LUKIC : [interprétation]

 11   Q.  Merci, Monsieur Barasin.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi.

 13   M. TRALDI : [interprétation] Je dirais cinq minutes.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde les interprètes : est-ce que

 15   cinq minutes vous conviennent -- et M. Traldi s'est engagé, ce n'est pas

 16   moi qui m'engage.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Pas de problème pour nous, si tout le monde est

 18   d'accord.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, pas plus de cinq

 20   minutes. Veuillez continuer.

 21   Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Traldi :

 22   Q.  [interprétation] Monsieur, vous avez personnellement participé aux

 23   négociations de paix entre la Republika Srpska et le gouvernement de

 24   Bosnie, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Oui, vous l'avez fait ou vous ne l'avez pas fait ?

 27   R.  Vous m'avez demandé si j'avais participé. Et j'ai dit : Non, je n'y ai

 28   pas participé.


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  1   Q.  Par exemple, les Juges de la Chambre ont reçu des éléments de preuve

  2   montrant que le plan Cutileiro n'avait jamais été signé par les Serbes de

  3   Bosnie. Cela est-il exact ?

  4   R.  Non, ce n'est pas vrai. Même à l'époque cela a été présenté au public,

  5   on a dit que le plan avait été accepté, et moi, j'avais lu une interview de

  6   M. Cutileiro --

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur, on vous demande si le document

  8   a été signé. Si vous voulez dire que M. Traldi a tort que le document n'a

  9   pas été signé --

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela n'a été signé par aucune des parties à

 11   l'époque. Il a été accepté, mais il n'a été que paraphé.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer, Monsieur Traldi.

 13   M. TRALDI : [interprétation] Eh bien, ceci conclut mes questions

 14   supplémentaires.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Et je pense que les interprètes

 16   peuvent plus vous faire confiance qu'à moi pour le temps supplémentaire.

 17   Monsieur, ceci conclut votre déposition. Nous tenons à vous remercier

 18   d'être venu à La Haye et d'avoir eu la patience de rester à La Haye et

 19   d'attendre que le témoin qui passait avant vous ait terminé sa déposition.

 20   Donc je vous remercie d'avoir répondu aux questions qui vous ont été posées

 21   pour les parties et par les Juges de la Chambre, et nous vous souhaitons un

 22   bon retour chez vous.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez suivre l'huissier, s'il vous

 25   plaît.

 26   [Le témoin se retire]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous levons l'audience pour la journée.

 28   Nous reprendrons demain, mardi 25 novembre, à 9 heures 30, dans ce même


Page 28778

  1   prétoire, la salle d'audience numéro I.

  2   --- L'audience est levée à 14 heures 21 et reprendra le mardi, 25 novembre

  3   2014, à 9 heures 30.

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