Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 13 mai 2015

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 34.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde dans le prétoire

  6   et à l'extérieur du prétoire.

  7   Monsieur le Greffier, s'il vous plaît, citez le numéro de l'affaire.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur

  9   le Juge. C'est l'affaire numéro IT-09-92-T, le Procureur Ratko Mladic.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 11   Nous attendons qu'on fasse entrer le témoin dans le prétoire. Si j'ai bien

 12   compris, ce témoin est le dernier témoin pour aujourd'hui. Et si je regarde

 13   le calendrier, le témoin qui va déposer demain finira probablement sa

 14   déposition demain. Pour ce qui est du temps accordé à l'Accusation, c'est

 15   une heure 25 minutes, ce n'est pas une heure et demie.

 16   [Le témoin vient à la barre]

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et après le témoin qui va

 18   témoigner demain, le témoin suivant sera prêt…

 19   M. LUKIC : [interprétation] La semaine prochaine, vendredi.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 21   Bonjour, Monsieur Radulj.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Radulj, avant de continuer,

 24   j'aimerais vous rappeler que vous êtes toujours tenu par la déclaration

 25   solennelle que vous avez prononcée au début de votre témoignage.

 26   Maître Stojanovic, vous avez la parole.

 27   LE TÉMOIN : SLOBODAN RADULJ [Reprise]

 28   [Le témoin répond par l'interprète]


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  1   Interrogatoire principal par M. Stojanovic : [Suite]

  2   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Radulj.

  3   R.  Bonjour.

  4   Q.  Vous allez vous souvenir qu'hier nous nous sommes arrêtés au moment où

  5   je vous ai posé des questions concernant votre nouveau poste, le poste de

  6   l'adjoint du procureur militaire. J'aimerais que vous disiez à la Chambre :

  7   quand vous êtes arrivé en octobre 1993 au parquet militaire, quel était le

  8   nombre de procureurs, vos collègues, qui faisaient partie du parquet

  9   militaire ?

 10   R.  Si je me souviens bien, il y avait le procureur en chef et trois

 11   adjoints, et moi j'étais le quatrième adjoint. L'un de mes collègues est

 12   parti en Australie un mois après mon arrivée.

 13   Q.  Comment s'appelait le procureur militaire à l'époque où vous étiez

 14   adjoint du procureur militaire ?

 15   R.  Il avait le grade de commandant et il s'appelait Srboljub Jovicinac.

 16   Q.  Pouvez-vous nous dire quelle était la compétence territoriale du

 17   parquet militaire au sein duquel vous avez commencé à travailler ? Quel

 18   était le territoire couvert par votre parquet militaire ?

 19   R.  Le parquet militaire à Banja Luka couvrait la zone de responsabilité du

 20   1er et du 2e Corps de la Krajina. Pour ce qui est de la région

 21   géographique, cela couvrait le territoire couvrant Brcko, Ozren, Doboj,

 22   Vlasic, Kupres, Grahovo et le territoire s'étendant dans la direction de

 23   Bihac, de Novi Grad. Et au nord, la frontière était la Save.

 24   Q.  Merci. Et quelle était votre compétence matérielle ? En tant que

 25   parquet militaire compétent pour le 2e et le 1er Corps de la Drina, quels

 26   étaient les types d'affaires dont vous étiez en charge ?

 27   R.  Pour ce qui est de la compétence matérielle et des infractions pénales

 28   par rapport auxquelles nous étions compétents, il s'agissait de toutes les


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  1   infractions pénales commises par les membres de l'armée de la Republika

  2   Srpska qui faisaient partie des effectifs d'active ou de réserve pendant

  3   qu'ils étaient en service. Mais cela comprenait également le trajet entre

  4   l'unité et leurs maisons, puisque ce sont les unités qui s'occupaient du

  5   transport des membres de l'armée entre leurs unités et leurs maisons.

  6   Q.  J'ai une question pratique à vous poser : un conscrit militaire qui est

  7   en congé chez lui commet un crime, dites-nous qui serait compétent pour ce

  8   qui est d'un procès au pénal à intenter à l'encontre de cette personne ?

  9   R.  A l'époque où un membre des forces armées se trouve en congé chez lui,

 10   dans ce cas-là ce conscrit est considéré comme étant civil, et c'est le

 11   parquet civil qui aurait été compétent pour ce qui est d'un procès au pénal

 12   qui aurait été intenté à son encontre.

 13   Q.  Maintenant, je vais vous poser une question concernant un point

 14   différent. Si un civil qui n'est pas membre de l'une des unités de la VRS

 15   commet une infraction pénale concernant l'armée - l'espionnage, par

 16   exemple, ou s'approprier de façon illicite des biens militaires ou

 17   commettre une autre infraction pénale, une diversion, par exemple, donc

 18   tout ce qui est en connexion avec l'armée - qui aurait été compétent pour

 19   poursuivre au pénal cette personne ?

 20   R.  Il faut que je développe cela un peu plus. A l'époque, c'était le code

 21   pénal de la RSFY qui était appliqué ainsi que le code pénal de la

 22   République socialiste de Bosnie-Herzégovine. Pour ce qui est du code pénal

 23   de la RSFY, il y avait des infractions pénales prévues dans le chapitre 15

 24   ou 20, je n'en suis pas tout à fait certain, il s'agissait des infractions

 25   pénales contre les forces armées et contre la sécurité. Si une personne, un

 26   civil ou un militaire, commet une infraction pénale pour ce qui est de

 27   menace à la sécurité des forces armées, dans ce cas-là c'est le tribunal

 28   militaire et le parquet militaire qui auraient été compétents pour les


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  1   poursuites au pénal de cette personne.

  2   Q.  Merci. Et j'ai encore une autre question concernant votre compétence.

  3   Si une infraction pénale qui ne tombe pas sous le coup des infractions

  4   pénales prévues dans le code pénal pour ce qui est des forces armées, donc

  5   si cette infraction pénale est commise par un policier qui est membre du

  6   MUP, qui aurait été dans ce cas-là compétent pour poursuivre au pénal cette

  7   personne ?

  8   R.  Je n'arrive pas à me souvenir si on avait de tels cas, mais je pense

  9   que pour ce qui est du code pénal, ceci est clairement prévu. A savoir,

 10   dans le code pénal, cela n'est pas prévu de façon précise. Il y est dit que

 11   si un tel crime est commis, un crime contre les forces armées, la sécurité

 12   des forces armées, indépendamment du statut de l'auteur du crime, c'est le

 13   tribunal militaire qui est compétent pour ce qui est des procès au pénal

 14   intentés à l'encontre de ces personnes.

 15   Q.  Si un policier commet un crime tel que vol, cambriolage, meurtre, qui

 16   aurait été compétent dans ce cas-là ?

 17   R.  Dans un tel cas, ce sont les tribunaux civils qui auraient été

 18   compétents pour juger des policiers qui commettaient des tels crimes.

 19   Q.  Merci. Pour ce qui est de la compétence des tribunaux militaires et des

 20   parquets militaires, est-ce que ces tribunaux étaient compétents pour juger

 21   les auteurs de tous les crimes indépendamment de leur gravité et de

 22   prononcer des sanctions pour ce qui est des auteurs de ces crimes ?

 23   R.  Je n'ai pas compris votre question.

 24   Q.  Est-ce que les tribunaux militaires et les parquets militaires

 25   jugeaient en première instance des auteurs de crimes indépendamment de leur

 26   gravité et des sanctions prévues pour ces crimes, ou il existait une

 27   instance judiciaire supérieure pour juger ces crimes ?

 28   R.  Oui. Etant donné qu'il y avait des tribunaux de première instance,


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  1   ainsi que la Cour suprême militaire, les tribunaux de première instance

  2   ainsi que le parquet s'occupaient des procès au pénal pour tous les crimes

  3   indépendamment de la sanction prévue pour ces crimes. Et pour ce qui est de

  4   la Cour suprême, c'était l'instance judiciaire d'appel pour ce qui est de

  5   ces cas.

  6   Q.  Merci.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stojanovic, dans la réponse du

  8   témoin, vous avez d'abord parlé de la compétence du procureur et ensuite la

  9   compétence du tribunal. Vous avez dit que le procureur était compétent pour

 10   ce qui est des poursuites au pénal en première instance, et ensuite vous

 11   avez parlé de la Cour suprême… J'aimerais que vous fassiez une distinction

 12   claire entre la compétence des tribunaux, et pourriez-vous expliquer cela.

 13   Peut-être que vous pourriez poser la question qui est la question la

 14   plus importante : est-ce que votre bureau, bureau du procureur, était

 15   également compétent pour des poursuites au pénal au deuxième degré en tant

 16   que bureau du procureur pour ce qui est des appels ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux répondre ? Oui. Le parquet,

 18   le procureur, était compétent pour ce qui est de tous les crimes commis

 19   indépendamment de la sanction prévue pour ces crimes. Et pour ce qui est

 20   des appels, le procureur ne faisait qu'interjeter appel pour ce qui est des

 21   décisions judiciaires rendues par les juridictions de première instance.

 22   Donc c'était tout pour ce qui est des procès en appel, le parquet ne

 23   faisait qu'interjeter appel sur les décisions prises par les tribunaux de

 24   première instance.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et si une personne qui est accusée ou

 26   qui est déjà condamnée fait appel, est-ce que dans ce cas-là le procureur

 27   s'occupe des poursuites au pénal devant la cour d'appel, la Cour suprême ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà quelle est la procédure qui s'applique


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  1   dans ces cas-là. Si la personne qui est condamnée n'est pas contente pour

  2   ce qui est de la peine qui lui a été prononcée, elle a le droit

  3   d'interjeter appel auprès de la Cour suprême militaire. Et lorsque la Cour

  4   suprême militaire reçoit l'appel, il informe le bureau du procureur du fait

  5   qu'il y a eu dépôt d'appel, après quoi le procureur a le droit de déposer

  6   une réponse écrite concernant cet appel. Et par la suite, la Cour suprême

  7   militaire rend sa décision, qui est la décision définitive.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Lorsque vous avez dit que le seul

  9   rôle du parquet était d'interjeter appel, je vois que son rôle était un peu

 10   plus important puisque le parquet était impliqué à la procédure en appel

 11   lorsqu'une personne condamnée interjette appel concernant le jugement en

 12   première instance.

 13   Continuez.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 15   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci.

 16   Q.  Nous qui n'étions pas membres du parquet militaire à l'époque, pouvez-

 17   vous nous dire où se trouvaient les bureaux du parquet militaire en 1993 et

 18   1994 ?

 19   R.  Les bureaux du parquet de la VRS, comme on appelait exactement ce

 20   parquet, avaient son siège à Han Pijesak. Mais plus tard, ce siège a été

 21   déplacé vers la fin de la guerre à Zvornik.

 22   Q.  Dites-nous où se trouvait le siège de la Cour suprême militaire qui

 23   procédait en deuxième instance, en appel ?

 24   R.  Le siège de la Cour suprême militaire se trouvait également dans un

 25   premier temps à Han Pijesak, et par la suite à Zvornik. Et ces deux

 26   institutions se trouvaient toujours dans les mêmes locaux.

 27   Q.  Merci. Pouvez-vous nous dire quelles étaient les conditions de travail

 28   du parquet militaire où vous travailliez à l'époque ? Lorsque je dis "les


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  1   conditions de travail", je fais référence aux locaux, aux cadres,

  2   équipement, tout ce qui est nécessaire pour que le parquet puisse

  3   travailler de façon appropriée.

  4   R.  Généralement parlant, les conditions de travail étaient très mauvaises.

  5   Et c'est un euphémisme. Il n'y avait pas suffisamment de cadres compétents

  6   ni de personnel technique. Nous avions des machines à écrire mécaniques et

  7   les dactylographes avaient presque besoin d'une demi-heure pour pouvoir

  8   dactylographier une seule page.

  9   Les locaux étaient limités, et le plus souvent il n'y avait pas

 10   d'électricité. Le procureur en chef utilisait une veille Golf modèle I, et

 11   le plus souvent il ne disposait pas de suffisamment de carburant. Le siège

 12   se trouvait à Banja Luka.

 13   Q.  A l'époque, est-ce qu'il y avait des locaux qui étaient utilisés pour y

 14   détenir des personnes qui devaient être détenues provisoirement ?

 15   R.  Oui. Dans la caserne qui s'appelait Mali Logor, il existait la prison

 16   d'enquête militaire, ou VIZ, c'était l'abréviation de cette prison, où

 17   étaient emprisonnées les personnes qui avaient commis des infractions

 18   pénales pour lesquelles étaient compétents les tribunaux militaires et le

 19   parquet militaire.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Puis-je poser une question pour tirer

 21   un point au clair, Maître Stojanovic.

 22   Monsieur le Témoin, à la page 7, ligne 18, il a été consigné au compte

 23   rendu que : "Le siège se trouvait à Banja Luka."

 24   Le siège de quoi ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Le siège du parquet militaire pour ce qui est

 26   du 1er et du 2e Corps de la Krajina, et je travaillais dans ce parquet

 27   militaire. Puisque la question concernait les conditions de travail dans ce

 28   bureau, le procureur qui était compétent pour le 1er et le 2e Corps de la


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  1   Krajina.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais vous nous avez dit auparavant que

  3   le bureau du procureur se trouvait d'abord à Han Pijesak et ensuite à

  4   Zvornik. C'est pour cela que je vous pose la question à présent concernant

  5   Banja Luka. Quand le siège a-t-il été déplacé à Banja Luka ? Puisque vous

  6   ne nous avez pas dit auparavant que le siège du procureur se trouvait à

  7   Banja Luka.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me le permettez, je vais vous

  9   expliquer cela en détail.

 10   Il y avait des bureaux du procureur en première instance qui couvraient le

 11   1er et le 2e Corps de la Krajina à Banja Luka. Il y avait également le

 12   bureau du procureur à Bijeljina qui couvrait la région de la Bosnie

 13   orientale, et ensuite le bureau du procureur à Sokolac pour la région de

 14   Sarajevo-Romanija, ainsi que le bureau du procureur à Bileca qui couvrait

 15   le territoire du Corps de Bileca.

 16   Me Stojanovic m'a posé la question pour savoir où se trouvait le siège de

 17   la Cour suprême militaire et du parquet qui procédait en deuxième instance.

 18   Le parquet militaire de la VRS ainsi que la Cour suprême militaire avaient

 19   leur siège à Han Pijesak. Et vers la fin de la guerre, ce siège a été

 20   déplacé à Zvornik. Donc il s'agit des organes judiciaires qui procédaient

 21   en deuxième instance. C'est pour cela que j'ai mentionné Han Pijesak et

 22   Zvornik.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur le Témoin.

 24   Maître Stojanovic, vous pouvez poursuivre.

 25   M. STOJANOVIC : [interprétation]

 26   Q.  J'allais vous poser la question suivante, Monsieur Radulj, et je vais

 27   maintenant continuer à la poser : d'après le code sur la procédure pénale,

 28   dites-nous qui était en charge de l'enquête qui était diligentée contre les


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  1   suspects, les personnes suspectées d'avoir commis des crimes ?

  2   R.  D'après le code de procédure pénale, c'est le tribunal qui s'occupait

  3   de l'enquête, plus précisément le juge d'instruction du tribunal militaire.

  4   Q.  Qui est l'organe qui dépose la plainte ou qui demande qu'une enquête

  5   soit diligentée pour lancer des poursuites au pénal concernant des suspects

  6   et des inculpés ?

  7   R.  D'après la loi qui était en vigueur à l'époque, le parquet militaire

  8   était compétent : une fois que la plainte était reçue ou une fois que les

  9   informations étaient reçues disant qu'une personne aurait commis un crime,

 10   procéder dans le plus bref délai pour demander au juge d'instruction du

 11   tribunal militaire qu'il diligente une enquête. Et le juge d'instruction, à

 12   la fin de l'enquête, doit retourner le dossier de l'affaire au procureur

 13   militaire.

 14   Q.  Encore une question concernant les solutions procédurales. Qui, d'après

 15   le système applicable à l'époque, était compétent pour soumettre des

 16   propositions et qui était chargé de prononcer les peines de prison pour les

 17   personnes condamnées ou celles qui leur permettaient d'être relâchées de la

 18   prison ?

 19   R.  D'après la loi, le procureur militaire proposait une peine de prison;

 20   cependant, le tribunal avait l'obligation de prononcer une peine de prison

 21   lui aussi si le délit était tel qu'il encourait une peine de prison de dix

 22   ans.

 23   Q.  Lorsque vous parlez de la peine de prison de dix ans, est-ce que vous

 24   voulez dire peine de prison minimum ou peine qui risque d'encourir une

 25   peine de dix ans ?

 26   R.  Je ne suis pas tout à fait sûr à présent, mais je pense qu'il

 27   s'agissait de la peine de prison de dix ans minimum. Je ne suis pas sûr à

 28   100 %, mais je pense que c'était dix ans minimum, voire peut-être plus.


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  1   Q.  Oui. Je vous remercie. Et je vous comprends tout à fait, car beaucoup

  2   de temps s'est écoulé et toutes ces lois ont été amendées à de nombreuses

  3   reprises.

  4   Maintenant, dites-nous, dans le système régissant le bureau du procureur et

  5   son travail, d'après la loi, qui au sein du système se prononce pour

  6   qualifier les crimes et délits pour dire : Là, il s'agit d'un crime de

  7   guerre, ou d'un homicide, ou d'un vol aggravé, ou de quelque chose qui

  8   n'est pas un vol ? Qui qualifie donc les crimes et les délits ?

  9   R.  Le système du fonctionnement du bureau du procureur militaire

 10   ressemblait à cela : le procureur général recevait toutes les affaires, et

 11   je me souviens très bien que dans la page de garde du document il y avait

 12   la qualification du crime, qu'il s'agisse d'un homicide ou d'un délit, tel

 13   que le non-respect d'une obligation militaire ou quoi que ce soit d'autre.

 14   Et ensuite, nous, les adjoints et les assistants, sur la base des

 15   instructions données par le procureur général, l'on agissait. Cependant, à

 16   l'époque, le juge n'était pas tenu de donner droit aux propositions du

 17   procureur. Donc les faits de l'affaire relevaient du domaine du juge.

 18   Q.  Justement, c'était ma question suivante. Lorsque vous dites que le juge

 19   n'était pas tenu de donner droit à la proposition du procureur mais qu'il

 20   était simplement guidé par les faits de l'affaire, ceci m'amène à vous

 21   poser la question suivante : d'après la loi alors, est-ce que le tribunal

 22   avait la possibilité de se pencher sur les mêmes faits tout en qualifiant

 23   le délit différemment du point de vue juridique ?

 24   R.  Oui, absolument. Le tribunal disposait d'un tel droit. Et dans la

 25   pratique, il y avait des affaires dans lesquelles le tribunal se prononçait

 26   en disant que le délit commis n'était pas aussi grave que ce que le

 27   procureur avait indiqué. Ou bien, on avait des situations inverses.

 28   Q.  Merci. Est-ce que dans le cadre de votre travail en tant qu'adjoint du


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  1   procureur, vous avez été soumis à des pressions de quelque type que ce soit

  2   à l'égard des poursuites lancées contre les auteurs de crime ?

  3   R.  Non, je n'ai jamais subi de pression. Cela étant dit, bien sûr, j'ai

  4   toujours suivi les ordres de mon supérieur hiérarchique, c'est-à-dire du

  5   procureur général, ses ordres et ses instructions.

  6   Q.  Est-ce que vous, en tant qu'organe judiciaire militaire - autrement

  7   dit, en tant que bureau du procureur militaire - est-ce que vous étiez

  8   tenus de soumettre des rapports à qui que ce soit, et si oui, à qui ?

  9   R.  Oui. Notre travail était assujetti aux contrôles, bien sûr, et je sais

 10   que le procureur général se rendait souvent aux réunions du commandement du

 11   corps d'armée et d'autres commandements des autres unités où il soumettait

 12   des rapports concernant le travail du bureau du procureur militaire.

 13   Q.  S'agissant de la qualification de certains délits, est-ce que vous, en

 14   tant qu'adjoint du procureur, est-ce que vous ne vous êtes jamais retrouvé

 15   dans des situations où l'on a fait pression sur vous afin que vous fassiez

 16   quelque chose qui allait à l'encontre de votre avis pour ce qui est d'un

 17   délit en particulier ?

 18   R.  Non, je n'ai jamais été exposé à de telles pressions. Et je pense que

 19   ce n'était pas le cas du bureau du procureur en général non plus, car le

 20   procureur était de toute façon un professionnel militaire, et sa

 21   personnalité était telle qu'il était très difficile de l'influencer de

 22   quelque manière que ce soit. Nous, ses collaborateurs, nous avons pensé et

 23   nous pensons encore aujourd'hui que c'était un vrai professionnel, peut-

 24   être même parfois plus sévère que nécessaire. Et je dirais peut-être que

 25   c'était un homme qui se préoccupait aussi de sa propre carrière et qui

 26   influençait plutôt les autres afin que les affaires soient résolues de

 27   manière légitime. Donc il était très difficile de l'influencer.

 28   Q.  En tant qu'adjoint du procureur, et par la suite en tant que procureur


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  1   militaire vous-même, est-ce que vous avez eu des problèmes à l'égard des

  2   éléments de preuve qu'il fallait recueillir, à l'égard de l'accès au lieu

  3   du crime, à l'égard des enquêtes sur les lieux et des témoins qu'il fallait

  4   faire venir afin de corroborer l'acte d'accusation, et aussi à l'égard des

  5   ordonnances contraignantes ? Donc, là, je parle des questions de procédure.

  6   Est-ce que vous avez rencontré de telles difficultés dans le cadre de votre

  7   travail ?

  8   R.  Comme je l'ai déjà dit, j'ai commencé à travailler au sein du bureau du

  9   procureur militaire vers la fin de l'année 1993. A l'époque, la situation

 10   était un peu meilleure par rapport à celle qui prévalait en 1992. Le

 11   problème à l'époque concernait les difficultés de se rendre sur les lieux,

 12   de recueillir les éléments de preuve, l'impossibilité d'avoir accès aux

 13   témoins, et c'était justement en raison du fait que nous n'avions pas de

 14   véhicule nous permettant de nous rendre sur les lieux du crime. Car il

 15   s'agissait de la région entre Brcko et Bihac, comme je l'ai dit. Donc, pour

 16   la plupart, tout dépendait de ce que la police militaire et les organes

 17   chargés de la sécurité pouvaient recueillir et soumettre au bureau du

 18   procureur. Par la suite, tout ce qui n'avait pas été fait juste après les

 19   faits relevait de la compétence du juge d'instruction qui était chargé de

 20   l'enquête.

 21   Q.  En vertu de la loi applicable à l'époque pour ce qui est de la

 22   procédure, pendant combien de temps est-ce que le suspect ou l'inculpé

 23   pouvait être retenu en détention provisoire ?

 24   R.  Ecoutez, là, je dois dire que nous, au sein du bureau du procureur,

 25   nous avons rencontré de nombreux problèmes. Tout d'abord, le plus souvent,

 26   c'était la police qui écrouait une personne et qui décidait que la personne

 27   allait être retenue en détention policière pendant deux jours. Et pendant

 28   ces deux jours, le bureau du procureur était tenu de préparer les éléments


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  1   de preuve pertinents et soumettre une requête pour qu'une enquête soit

  2   diligentée et soumettre également une proposition visant à prolonger la

  3   détention provisoire, tout d'abord, pour une durée d'un mois.

  4   Au cours de cette période de temps très brève, compte tenu du fait

  5   que nous n'avions pas suffisamment de ressources, y compris de ressources

  6   humaines, parfois nous avons dû travailler jour et nuit afin de tout faire

  7   dans les délais. Et je vais mentionner que généralement, l'on travaillait

  8   de 7 heures du matin jusqu'à 7 heures du soir. Donc nous n'avions pas

  9   vraiment d'horaire. Et puis, cela dépendait aussi de la question de savoir

 10   si nous avions l'électricité ou pas.

 11   Donc, si l'on arrivait à soumettre une requête pour qu'une enquête

 12   soit diligentée à l'heure, la personne qui était en détention provisoire y

 13   restait jusqu'à la fin de l'enquête. Mais la durée maximum était de six

 14   mois. Cependant, si le juge d'instruction ne terminait pas son enquête dans

 15   ce délai, cette personne, quel que soit le crime ou délit en question,

 16   devait être libérée conformément à la loi. Et même si le bureau du

 17   procureur demandait que le délai soit prorogé, le tribunal relâchait la

 18   personne.

 19   Q.  Merci. Maintenant, dites-nous, concrètement parlant, vous en tant

 20   qu'adjoint du procureur militaire au cours de cette période, si vous vous

 21   souvenez, dites-nous si vous avez eu des situations où vous avez poursuivi

 22   ou mis en accusation des personnes d'appartenance ethnique serbe alors que

 23   la partie civile était la personne ou les personnes appartenant au groupe

 24   ethnique non-serbe, quel que soit le crime ou délit ?

 25   R.  Oui, il y a eu de telles affaires. Des Serbes qui ont commis des actes

 26   criminels à l'encontre des non-Serbes et qui ont été mis en accusation en

 27   raison de cela.

 28   Il m'est difficile de me rappeler toutes les affaires, mais je me souviens


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  1   d'une affaire qui était très difficile. Il s'agissait d'un homicide à

  2   l'encontre d'un non-Serbe pour le gain d'une somme d'environ 500

  3   deutschemarks, et le Serbe qui avait commis ce meurtre a été condamné à une

  4   peine de 12 ans de prison. Et puis, il y a eu d'autres affaires semblables.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite vous poser une question.

  6   L'affaire dont vous vous souvenez, est-ce qu'il s'agissait là d'un meurtre

  7   commis lors des combats ou des activités militaires, ou bien le contexte

  8   était-il tout à fait différent ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Concrètement parlant, d'après des souvenirs,

 10   si mes souvenirs sont bons, le soldat serbe était dans un véhicule le long

 11   de la route entre Prijedor et Ljubija, je crois. Il s'est arrêté pour faire

 12   entrer un civil et a demandé à ce civil s'il avait de l'argent. Il l'a

 13   admis par la suite. Et l'autre dit que c'était le cas et qu'il avait 500

 14   marks allemands. Et puis, si mes souvenirs sont bons --

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que vous

 16   pouvez vous concentrer sur ma question. Ma question était de savoir si ceci

 17   s'est déroulé dans un contexte militaire. Est-ce que la personne a utilisé

 18   sa voiture pour rejoindre sa famille ou bien est-ce qu'elle était auprès de

 19   son unité lorsque ceci s'est passé ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas de l'année en question.

 21   Peut-être que c'était en 1994. Il était sur le chemin du retour, après

 22   avoir quitté son unité. Je ne me souviens pas de tous les détails, c'est

 23   très difficile. Tout ceci s'est passé il y a 20 ans.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Si je vous ai bien compris, d'après

 25   vos souvenirs, il ne s'agissait pas d'un contexte militaire direct. Ce

 26   n'était pas dans un tel contexte que ce crime avait été commis.

 27   Voici pourquoi je vous pose cette question.

 28   Car, Maître Stojanovic, maintenant nous avons écouté pendant 40 minutes


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  1   environ un débat portant sur des questions abstraites. Or, les faits de

  2   cette affaire portent, entre autres, sur le fait qu'il n'y a pas eu

  3   d'enquêtes diligentées à l'égard des crimes qui se trouvent au cœur de

  4   cette affaire. Or, au cœur de cette affaire, nous n'avons pas un meurtre

  5   d'un civil qui a été volé, à qui l'on a dérobé ses biens; mais ce sont les

  6   crimes de guerre, les crimes contre l'humanité.

  7   Donc, est-ce que vous vous souvenez des poursuites menées contre des

  8   militaires soupçonnés d'avoir commis un crime de guerre, un crime contre

  9   l'humanité, dans le contexte de cet acte d'accusation ? Et si vous n'êtes

 10   pas au courant d'un tel acte d'accusation, est-ce que vous pouvez savoir

 11   s'il y en a eu concernant de grandes opérations, des pilonnages contre les

 12   civils, et cetera, ce genre d'acte d'accusation ? Est-ce qu'il y a eu des

 13   poursuites qui ont été diligentées pour de tels crimes et délits ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que je suis arrivé au bureau du

 15   procureur militaire vers la fin de l'année 1993.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne m'intéresse pas à savoir à quel

 17   moment vous êtes arrivé. Ce qui m'intéresse, c'est si vous n'avez jamais

 18   poursuivi quelqu'un pour une telle raison. Et, bien sûr, je comprends que

 19   vous n'avez pas mené des poursuites dans le cadre des affaires qui se

 20   déroulaient avant votre arrivée au bureau du procureur. C'est logique.

 21   Mais est-ce que vous vous souvenez s'il y a eu de telles affaires

 22   menées par vous ou votre bureau ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je me souviens de certaines affaires de

 24   ce genre. L'une d'elles concernait un certain Sugic, une autre Amidzic, et

 25   puis il y avait d'autres. De toute façon, il y a eu beaucoup d'affaires

 26   dans le cadre desquelles mes collègues ont lancé des poursuites. Je ne peux

 27   pas vous donner le détail de telles affaires. Mais ce que je peux vous

 28   dire, c'est que vers la fin de la guerre - c'est-à-dire, au fur et à mesure


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  1   que la guerre se prolongeait et que le bureau du procureur militaire et le

  2   tribunal militaire avaient des capacités renforcées - nous avons commencé à

  3   prendre en considération de plus en plus de telles affaires. Et vous savez

  4   que de tels crimes n'ont pas de prescription, donc les poursuites peuvent

  5   être lancées ultérieurement.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout ceci reste abstrait. Donnez-nous un

  7   exemple concernant lequel vous étiez chargé des poursuites. Je comprends

  8   que vous n'étiez pas tout à fait au courant des affaires dans lesquelles

  9   vos collègues ont mené des poursuites. Mais donnez-nous un exemple des

 10   affaires où vous avez poursuivi quelqu'un pour un crime de guerre ou crime

 11   contre l'humanité. Racontez-nous cela.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] La seule chose dont je me souviens aujourd'hui

 13   ici, c'est une affaire qui concernait Sugic. Puis, il y avait une autre

 14   affaire, Amidzic, et je pense que le procès a commencé après la guerre.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Racontez-nous le détail de

 16   cette affaire Sugic. Qui a fait l'objet des poursuites, quel en a été le

 17   résultat, que s'est-il passé ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, cette affaire a été une affaire dont

 19   le tribunal militaire de Banja Luka a été saisi. Lorsque les frères Sugic

 20   ont été arrêtés, à l'époque j'étais le procureur de permanence. On m'a

 21   appelé pour que j'assiste à leur interrogatoire. Et suite à

 22   l'interrogatoire, j'ai demandé qu'ils soient gardés en détention tous les

 23   deux. C'était en 1996 ou 1997. Je suis sûr que ceci s'est passé après la

 24   guerre.

 25   Quant à la suite qui lui a été donnée --

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je souhaite que vous me

 27   parliez des affaires qui se sont déroulées pendant la guerre, si vous avez

 28   de tels exemples.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, une des affaires importantes dont

  2   j'étais chargé, je l'ai déjà mentionnée, c'était l'affaire Stanovic. Et

  3   puis, il y avait une autre affaire, l'affaire Valter, mais c'est une

  4   affaire différente par rapport à ce que vous me demandez.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je ne m'intéresse pas aux affaires

  6   auxquelles ma question ne fait pas référence. Mais si j'ai bien compris,

  7   cette affaire Stanovic est concernée par ma question. Dites-nous, qui était

  8   l'accusé et que s'est-il passé ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Si je vous ai bien compris, vous me posez la

 10   question concernant cette première affaire, dont les faits se sont déroulés

 11   sur la route entre Prijedor et Ljubija ?

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non. Je m'intéresse aux affaires

 13   qui traitent clairement des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité,

 14   des poursuites lancées pendant la guerre en raison du fait que, d'après

 15   l'acte d'accusation, aucune action efficace n'ait été menée à bien afin

 16   d'empêcher ou de sanctionner de tels crimes. Donc, mis à part cette affaire

 17   concernant la personne qui conduisait la voiture à un certain endroit, je

 18   souhaite savoir si le bureau du procureur A ou le bureau du procureur B ou

 19   vous-même, si vous avez -- enfin, ça ne m'intéresse pas de savoir si vous

 20   avez eu suffisamment de machines à écrire et ce genre de chose. Ce que je

 21   souhaite savoir, c'est quelles étaient les poursuites lancées par votre

 22   bureau concernant les crimes de guerre tels qu'ils sont énoncés dans l'acte

 23   d'accusation à l'encontre de l'accusé.

 24   Donc, tout d'abord, je souhaite que vous me disiez cela, car ceci pourrait

 25   contester la thèse de l'Accusation. Est-ce que vous avez des exemples ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai pas de tels exemples.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 28   Poursuivez, Maître Stojanovic. Et, Maître Stojanovic, j'espère  que vous


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  1   comprenez --

  2   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai plus

  3   de questions. Je ne vais pas avoir besoin de beaucoup de temps, Monsieur le

  4   Président, car c'est vous qui avez posé les questions à ma place.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais, Maître Stojanovic, vous avez

  6   passé 40 minutes à poser des questions au témoin concernant le système, les

  7   voitures qui ont été conduites et d'autres choses, et vous n'avez pas posé

  8   de questions concernant le cœur de cette affaire. Et maintenant, je

  9   comprends que ce témoin ne peut pas nous dire quoi que ce soit au sujet des

 10   poursuites dans lesquelles il aurait participé pendant la guerre à l'égard

 11   des crimes énoncés dans l'acte d'accusation à l'encontre de l'accusé ici.

 12   Par conséquent, ce qu'il sait peut-être à l'égard d'autres affaires

 13   et d'autres informations n'est pas vraiment utile pour la Chambre de

 14   première instance. Et c'est la raison pour laquelle j'ai pensé, au bout de

 15   40 minutes, alors qu'il vous restait seulement quelques minutes encore, que

 16   peut-être je pourrais essayer afin d'arriver au cœur de la question qui

 17   nous intéresse dans cette affaire.

 18   Poursuivez, s'il vous plaît, Maître Stojanovic.

 19   M. STOJANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, avec tout le

 20   respect que je vous dois, le témoin a clairement indiqué quels étaient le

 21   cadre juridique et les possibilités de diligenter des enquêtes et lancer

 22   des poursuites à l'époque. Ça, c'était une raison.

 23   Et puis, la deuxième concerne ce que je vais essayer de clarifier par le

 24   biais de quelques questions encore avec ce témoin.

 25   Q.  Monsieur le Témoin, vous avez mentionné l'affaire Rado [sic] et

 26   Amidzic. Est-ce que vous vous souvenez des crimes concernés et dans quelle

 27   zone ? Ils étaient membres du groupe qui a été mis en accusation.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi.


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  1   M. TRALDI : [interprétation] Excusez-moi. Pour le compte rendu d'audience,

  2   il est indiqué qu'il s'agissait de l'affaire "Rado et Amidzic", alors que

  3   j'ai peut-être mal entendu quelque chose. Mais j'ai entendu le témoin

  4   parler de l'affaire Amidzic et non pas Rado.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que vous pouvez poser la

  6   question au témoin après la pause, Maître Stojanovic, car nous allons

  7   d'abord procéder à une pause.

  8   Nous allons prendre une pause, Monsieur le Témoin. Nous souhaitons vous

  9   retrouver ici au bout de 20 minutes.

 10   Et puis, vous pouvez suivre l'huissier, Monsieur le Témoin.

 11   Et, Maître Stojanovic, vous --

 12   [Le témoin quitte la barre]

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez besoin de combien de temps

 14   encore ?

 15   M. STOJANOVIC : [interprétation] Pas plus de dix minutes, Monsieur le

 16   Président.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci est consigné au compte rendu

 18   d'audience. Nous allons maintenant faire la pause et reprendre nos travaux

 19   à 11 heures moins dix.

 20   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

 21   --- L'audience est reprise à 10 heures 54.

 22   [Le témoin vient à la barre]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stojanovic, veuillez procéder.

 24   M. STOJANOVIC : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur Radulj, vous avez évoqué l'affaire Amidzic. Est-ce que vous

 26   vous rappelez en rapport avec quelle affaire les suspects ont été mis en

 27   accusation, et au nombre de ces suspects, cet homme répondant au nom

 28   d'Amidzic ?


Page 35527

  1   R.  Eh bien, cette affaire Amidzic, j'en ai été saisi en 1996 ou 1997. Ce

  2   qui s'est passé à ce moment-là, c'est que plusieurs substituts ont quitté

  3   le bureau du procureur militaire à ce moment-là, et donc les affaires en

  4   suspens ont été assignées à ceux d'entre nous qui étions encore là --

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, Monsieur le Témoin,

  6   voudriez-vous, je vous prie, répondre à la question. La question qui vous a

  7   été posée était la suivante : quelles étaient les charges retenues contre

  8   les accusés ? Il ne vous était pas demandé à quel moment vous vous êtes

  9   chargé de l'affaire, ni pour quelle raison les autres sont partis, mais

 10   quelles étaient les charges.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord. Si je me souviens bien, il était

 12   question d'un crime majeur commis contre des civils dans une école non loin

 13   de Kljuc. Et je crois me rappeler que cette affaire concernait une dizaine,

 14   sinon plus, d'accusés.

 15   M. STOJANOVIC : [interprétation]

 16   Q.  Merci. En faisant appel à vos souvenirs, pourriez-vous nous parler de

 17   l'affaire Sugic ? Quels étaient les crimes qui ont conduit à la mise en

 18   accusation des accusés dans l'affaire Sugic ?

 19   R.  Si je me souviens bien, s'agissant de Sugic, il s'agissait du meurtre

 20   de civils dans un village situé au voisinage de Celinac. Quant à l'année,

 21   je crois qu'il s'agissait de 1992 ou 1993, mais je n'en suis pas sûr.

 22   Q.  Merci. En 1996 ou 1997, lorsque vous occupiez le poste de

 23   procureur militaire, avez-vous subi quelque pression que ce soit en vue

 24   d'empêcher les poursuites contre les présumés coupables de crimes contre

 25   des non-Serbes commis par des Serbes en 1992 ?

 26   R.  Des pressions de ce genre, il n'y en a jamais eu, ni à ce moment-là, ni

 27   avant.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stojanovic, avant que nous


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  1   parlions des pressions.

  2   Qu'est-ce qui expliquait que des crimes commis en 1992 ou 1993

  3   n'aient fait l'objet de poursuites que beaucoup plus tard, puisqu'il s'agit

  4   de cinq ans plus tard ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux que vous donner mon avis personnel,

  6   si cela peut vous être utile. Je pense que le problème résidait dans le

  7   fait qu'il était impossible d'accéder aux accusés, que les faits

  8   disponibles étaient insuffisants, que beaucoup des auteurs avaient été tués

  9   pendant la guerre ou avaient quitté le territoire de la Republika Srpska,

 10   c'est-à-dire de la Bosnie-Herzégovine.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui m'intéresse, c'est avant tout les

 12   faits plutôt que les avis personnels, mais au moins vous nous avez dit

 13   quelques mots quant aux faits sous-jacents éventuels de ce qui s'est passé.

 14   Veuillez procéder, Maître Stojanovic.

 15   M. STOJANOVIC : [interprétation]

 16   Q.  Etait-il possible de traduire une personne devant les tribunaux au cas

 17   où il était impossible de se procurer les éléments de preuve, d'accéder aux

 18   témoins, de déterminer les faits en raison de la situation de guerre ?

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stojanovic, encore une fois, en

 20   l'absence de preuve, vous ne pouvez pas traduire quelqu'un devant les

 21   tribunaux. Tout ce qui est en train de se dire ici est évident. Or, bien

 22   sûr, ce dont la Chambre a besoin, ce sont d'éléments de preuve clairs. En

 23   tout cas, les Juges de cette Chambre s'attendent à recevoir pendant la

 24   présentation des moyens de la Défense des éléments de preuve clairs

 25   indiquant que lorsque le Procureur affirme qu'il n'y a pas de bonnes

 26   raisons de poursuivre, il n'y a pas eu d'enquêtes ou de poursuites. Et ce

 27   que vous venez de faire dire au témoin, ce ne sont que des éléments très

 28   généraux quant au fait que les éléments de preuve étaient absents. Mais ce


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  1   qui intéresserait les Juges, c'est pourquoi dans ces affaires les éléments

  2   de preuve manquaient, et cetera, plutôt que des déclarations générales.

  3   Pourriez-vous, donc, essayer d'obtenir des réponses claires aux

  4   questions que vous posez sur des informations concrètes.

  5   M. STOJANOVIC : [interprétation]

  6   Q.  Eh bien, soyons concrets. Dans l'affaire Amidzic, est-ce que vous

  7   pouviez engager des poursuites si les raisons que vous venez d'évoquer dans

  8   votre réponse à la question posée par le Président de la Chambre, M. le

  9   Juge Orie, étaient présentes, existaient ?

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non, non --

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr que non.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Ce qui est intéressant, ce n'est

 13   pas de savoir s'il n'y avait pas de raisons. Mais est-ce qu'il y avait des

 14   raisons ? Est-ce que les éléments de preuve étaient disponibles, pourquoi

 15   est-ce que ces éléments ont été considérés comme insuffisants, qui étaient

 16   les accusés, est-ce qu'on pouvait les rencontrer, et cetera ? Pas est-ce

 17   qu'il était impossible de les rencontrer ou est-ce qu'il n'y avait pas

 18   d'éléments de preuve, parce que tout cela, bien sûr, ce sont des éléments

 19   hypothétiques. Passons aux faits concrets de cette affaire. Ce serait dans

 20   l'intérêt de la Défense de démontrer que tout ce qui pouvait être fait a

 21   été fait.

 22   Veuillez procéder.

 23   M. STOJANOVIC : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur Radulj, dans l'affaire Amidzic, en tant que procureur, est-ce

 25   que vous avez pensé que toutes les conditions requises pour que vous

 26   engagiez des poursuites au moment où vous avez été saisi de l'affaire

 27   existaient ?

 28   R.  A ce moment-là, j'ai fait ce que j'ai pu. J'ai demandé que des enquêtes


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  1   soient menées. Et avant la fin de l'enquête, je ne pouvais rien faire.

  2   Q.  Je vois. Merci. Bien, passons maintenant à une question différente. A

  3   quel moment est-ce que le bureau du procureur militaire et le tribunal

  4   militaire ont été démantelés ?

  5   R.  Le tribunal militaire a été démantelé par le vote d'un acte officiel en

  6   l'an 2000.

  7   Q.  Les affaires qui n'étaient pas arrivées à leur terme et qui relevaient

  8   de la compétence du tribunal militaire, qu'est-il advenu de ces affaires à

  9   ce moment-là ?

 10   R.  Toutes les affaires qui relevaient de la compétence judiciaire du

 11   tribunal militaire ont été transmises à des juridictions civiles en

 12   application de règles et de réglementations spéciales.

 13   Q.  J'en terminerais avec la question suivante : savez-vous si les

 14   instances judiciaires civiles ont poursuivi les poursuites pour crimes de

 15   guerre qui avaient été lancées en 1992 ?

 16   R.  Je sais qu'une fois que toutes les affaires concernant des crimes aient

 17   été engagées à partir de 1992, elles ont toutes donné lieu à des poursuites

 18   judiciaires en Republika Srpska et en République de Bosnie-Herzégovine.

 19   Q.  Je vous remercie, Monsieur Radulj. Je vous remercie de votre aide. Nous

 20   n'avons plus de questions à vous poser.

 21   M. STOJANOVIC : [aucune interprétation]

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Stojanovic.

 24   Monsieur le Témoin, l'affaire Amidzic, vous en avez été saisi à quel moment

 25   ? Je crois vous avoir entendu dire que c'était en 1996 ou 1997 ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Me Stojanovic vous a demandé si vous

 28   pouviez engager des poursuites à ce moment-là et vous avez répondu en


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  1   disant que vous aviez demandé la poursuite de l'enquête. Mais en l'espèce,

  2   il est particulièrement important de déterminer si les poursuites auraient

  3   pu être engagées en 1992 et 1993, parce que cette affaire ne concerne pas

  4   une absence d'action de la part des autorités après la guerre, mais surtout

  5   une absence d'action dans l'avenir immédiat de la commission des crimes, au

  6   lendemain de la commission des crimes.

  7   Alors, est-ce que vous disposez de quelque fait que ce soit qui, à votre

  8   connaissance, pourrait expliquer pourquoi l'affaire Amidzic n'a pas été

  9   jugée ou, en tout cas, n'a pas fait l'objet d'une poursuite de l'enquête en

 10   1992-1993 ? Est-ce que vous disposez de faits, à votre connaissance, qui

 11   expliquent ce qui a été fait ? Quelles sont les investigations qui ont été

 12   menées en 1992 et 1993 ? Et je m'intéresse à des faits concrets, pas à des

 13   avis généraux au sujet des difficultés liées à la période de guerre, parce

 14   que ces difficultés sont évidentes. Mais je vous demande si vous avez des

 15   faits concrets à nous communiquer à ce sujet.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je peux dire, c'est ce que j'ai

 17   entendu; ce que j'ai appris, en d'autres termes, au moment où je suis

 18   arrivé au bureau du procureur en 1993. Il y avait des gens qui évoquaient

 19   la commission d'un crime majeur au voisinage de Kljuc à ce moment-là. J'ai

 20   découvert que certaines personnes avaient été mises en détention par la

 21   police militaire, mais selon ce que l'on racontait, toute la brigade avait

 22   menacé d'abandonner son poste ou bien quelques soldats ont comparu devant

 23   le tribunal militaire et exercé des pressions de façon à ce que les

 24   personnes emprisonnées soient relâchées. Tout cela, ce sont des rumeurs que

 25   j'ai entendues. Je ne saurais pas vous dire que j'ai vu quoi que ce soit de

 26   tout cela, que j'en ai été témoin oculaire.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a quelques instants, vous avez dit

 28   que vous pensiez que le problème résidait dans le fait que les accusés


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  1   n'étaient pas accessibles et que les éléments de preuve manquaient. Or,

  2   maintenant, vous nous parlez d'accusés, ou plutôt, de suspects qui ont été

  3   effectivement arrêtés, mais qu'une espèce de révolte ou de mutinerie a eu

  4   lieu qui a empêché, en tout cas c'est ce que vous avez entendu dire, qui a

  5   empêché que la suite de l'enquête se mène et que les poursuites se

  6   poursuivent. Vous ai-je bien compris ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je viens de dire ce dont j'ai entendu parler -

  8   -

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] -- étant entendu que d'après ce qu'on disait

 11   deux hommes seulement avaient été mis en détention, alors que le nombre de

 12   suspects était de dix au moins.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais au moins ces deux suspects étaient

 14   disponibles. Parce que dans l'avis personnel que vous nous avez communiqué

 15   il y a quelques instants, vous n'avez fait aucune référence au fait qu'un

 16   ou plusieurs accusés ou suspects étaient disponibles et vous n'avez pas

 17   laissé entendre qu'un ou plusieurs suspects étaient accessibles lorsque

 18   vous avez parlé des pressions qui ont été exercées en vue d'empêcher les

 19   poursuites. Vous n'avez pas non plus évoqué une espèce de révolte au sein

 20   de l'armée, comme vous nous le dites à l'instant, d'après ce que vous avez

 21   entendu. Donc je me demande quel est l'avis exprimé par vous il y a un

 22   instant puisque vous n'avez rien dit de ce que vous êtes en train de nous

 23   dire maintenant.

 24   Est-ce que vous pouvez l'expliquer ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai une explication à ce sujet. Je répondais

 26   à des questions qui concernaient la période où je faisais partie du bureau

 27   du procureur, et j'ai parlé de cette période. Je pensais que ce qui s'était

 28   passé auparavant n'était pas un sujet sur lequel je pouvais témoigner,


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  1   étant donné que je n'étais pas présent au moment des faits.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, vous n'étiez pas présent au

  3   moment des faits que vous venez de nous décrire il y a un instant, lorsque

  4   vous avez dit que vous exprimiez un avis personnel plutôt qu'un fait.

  5   Enfin, j'en resterai là.

  6   Monsieur Traldi, êtes-vous prêt à contre-interroger le témoin ?

  7   M. TRALDI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Bonjour.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour.

  9   Monsieur Radulj, vous allez maintenant être contre-interrogé par M. Traldi,

 10   que vous voyez sur votre droite et qui est substitut du Procureur.

 11   Veuillez procéder, Monsieur Traldi.

 12   Contre-interrogatoire par M. Traldi :

 13   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 14   R.  Bonjour.

 15   Q.  Monsieur, vous avez été interrogé par le bureau du Procureur en 2002,

 16   n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et puis-je partir du principe que, selon vous, vous avez dit la vérité

 19   au cours de cet entretien ?

 20   R.  Exact, la vérité.

 21   Q.  J'aimerais commencer par rebondir rapidement sur les questions qui

 22   viennent de vous êtes posées par la Défense au sujet du tribunal militaire

 23   de Banja Luka.

 24   D'abord, ai-je bien compris ce que vous venez de dire à l'instant dans

 25   votre déposition, à savoir que les éléments de preuve dont vous disposiez

 26   au sujet du tribunal militaire de Banja Luka et du bureau du procureur

 27   militaire ainsi que de son travail auparavant concernent seulement la

 28   période qui démarre en 1993 ?


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  1   R.  Je n'ai pas bien compris votre question, mais je pense que vous me

  2   demandez de confirmer que ma déclaration préalable ici concerne la période

  3   qui démarre en octobre 1993, c'est-à-dire au moment où j'ai commencé à

  4   faire partie du bureau du procureur. C'est bien ce que vous me demandiez ?

  5   Q.  Vous m'avez bien compris, Monsieur.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, vous parlez de

  7   témoignage, vous parlez de déclaration préalable, je pense qu'il

  8   conviendrait d'essayer de faire la distinction entre les éléments de preuve

  9   donnés ici à l'instant et ce qui figure dans la déclaration préalable qui a

 10   été communiquée aux Juges de la Chambre.

 11   M. TRALDI : [interprétation]

 12   Q.  Eh bien, je vais poser des questions précises s'agissait du mot

 13   "élément de preuve" que je viens d'utiliser. Ai-je bien compris, Monsieur,

 14   ce que vous dites dans votre déposition ce matin, donc dans votre

 15   déposition au sujet du tribunal militaire de Banja Luka et du bureau du

 16   procureur militaire, en partant du principe que cela ne concerne que la

 17   période qui a démarré à partir de votre entrée au bureau du procureur

 18   militaire en octobre 1993 ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Alors vous avez, il y a quelques instants, évoqué deux affaires,

 21   l'affaire Amidzic et l'affaire Sugic. Ces deux affaires impliquaient des

 22   soldats de la VRS accusés d'avoir assassiné des civils musulmans, n'est-ce

 23   pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Vous avez été impliqué dans ces deux affaires en 1996; c'est bien ce

 26   que vous avez dit ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Lorsque vous avez été saisi de ces affaires, vous aviez au préalable


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  1   reçu les dossiers concernant ces affaires, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Et vous aviez déjà entendu parler de ces affaires au sein de votre

  4   bureau comme vous l'avez dit au sujet de l'affaire Amidzic, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Et, Monsieur, dans votre position de témoin ici aujourd'hui, vous êtes

  7   conscient du fait qu'en 1992, c'est-à-dire peu après la commission des

  8   crimes, tous les auteurs ont été mis en état d'arrestation, n'est-ce pas ?

  9   R.  Non, je ne suis pas au courant. De quoi parlez-vous ? De quelle affaire

 10   ? Je ne comprends pas bien.

 11   Q.  Eh bien, Monsieur, dans votre position de témoin ici aujourd'hui, vous

 12   savez que peu de temps après le crime dont Amidzic et d'autres ont été

 13   accusés, ces auteurs présumés ont été arrêtés, n'est-ce pas ?

 14   R.  Non. J'ai dit que j'avais appris que seulement deux auteurs avaient été

 15   arrêtés.

 16   Q.  Eh bien, avançons pas à pas. A partir de la lecture du dossier, vous ne

 17   vous rappelez pas que les 12 auteurs présumés ont fait des déclarations

 18   dans lesquelles ils avouaient le crime ?

 19   R.  Je n'ai pas le souvenir de cela, parce que cela s'est passé il y a plus

 20   de 20 ans. Mais pour l'essentiel, je n'avais pas passé revu l'ensemble de

 21   l'affaire à ce moment-là car le dossier n'était pas encore complètement

 22   constitué.

 23   Q.  Et donc, vous ne vous rappelez pas non plus qu'à ce moment-là ils ont

 24   écrit au général Talic en se plaignant d'avoir été placés en détention,

 25   disant que le dossier de l'affaire les concernant était vide depuis neuf

 26   mois, et que deux d'entre eux ont été arrêtés une deuxième fois en 1993 ?

 27   Vous ne vous rappelez pas de cela non plus ?

 28   R.  Non. La seule chose dont je me souvienne, c'est que quelqu'un - mais


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  1   ça, c'était déjà en 1996 - est-ce que c'était le juge d'instruction ou

  2   quelqu'un d'autre, en tout cas, cette personne a dit que la plupart des

  3   auteurs présumés avaient été tués. Pas tous, cependant.

  4   Q.  Mais vous étiez au courant du crime déjà en 1992, n'est-ce pas, le

  5   massacre de l'école de Velagici ? Vous saviez que les auteurs de ce

  6   massacre ont été arrêtés et relâchés ?

  7   R.  Non. J'ai entendu parler de cela en 1993, au moment où je suis entré au

  8   bureau du procureur. Je l'ai déjà dit.

  9   Q.  En fait, vous avez entendu parler de cela à Prijedor en 1992 même si le

 10   crime avait eu lieu à Kljuc, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui. S'agissant de Prijedor, j'en ai entendu parler. Mais je répète que

 12   cette affaire de Kljuc, j'en ai entendu parler en 1993.

 13   M. TRALDI : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter

 14   numéro 32564, page 41, sur les écrans.

 15   Q.  Il s'agit d'une partie de votre entretien avec les représentants du

 16   bureau du Procureur.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Entre-temps, j'aimerais poser une autre

 18   question.

 19   Monsieur le Témoin, si vous êtes saisi d'une affaire et que l'enquête n'est

 20   pas achevée, vous ne lisez pas l'intégralité du dossier ? Est-ce que c'est

 21   cela que je dois comprendre à partir de la réponse faite par vous il y a un

 22   instant ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas que je ne le lis pas. Mais

 24   c'est que lorsqu'une demande est faite aux fins de diligenter une enquête,

 25   vous ne disposez que de très peu de documents à lire. Vous n'avez que très

 26   peu de documents que vous pouvez voir car c'est le début de l'enquête

 27   uniquement, et vous avez de très nombreux dossiers à traiter. Donc il faut

 28   avancer rapidement. Et puis, cela fait très longtemps.


Page 35537

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, j'essaie de revoir

  2   littéralement ce que vous avez dit dans votre réponse à l'écran. Une

  3   seconde, je vous prie. Vous avez dit :

  4   "… pour l'essentiel, je n'ai même pas examiné l'intégralité du

  5   dossier parce que l'enquête n'était pas achevée."

  6   Pour ma part, lorsque je vous ai entendu dire, Je n'ai pas examiné,

  7   j'ai compris que vous vouliez parler du fait que vous ne l'aviez pas lu.

  8   Mais il s'agit d'autre chose -- si le mot "examiné" signifie autre chose,

  9   veuillez, je vous prie, nous le dire.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai lu la plainte au pénal et j'ai lu le

 11   descriptif de l'acte criminel. La nature de l'acte, le nombre des victimes,

 12   le lieu, la date. Mais s'agissant des autres détails, à ce moment-là j'ai

 13   estimé qu'ils étaient de moindre importance. Peut-être ai-je lu quelque

 14   chose à leur sujet, mais aujourd'hui je ne m'en souviens pas. Je vous ai

 15   dit ce qui était resté dans ma mémoire.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Considérez-vous que les aveux auxquels

 17   M. Traldi vient de faire référence, des aveux provenant de la bouche de

 18   suspects qui sont en garde à vue, sont de moindre importance lorsque vous

 19   êtes saisi d'une affaire criminelle ?Je vous pose cette question en tant

 20   que professionnel : est-ce que vous êtes en train de dire que les aveux

 21   sont de moindre importance dans le cadre de la commission d'un crime, de

 22   moindre importance que ce que vous dites avoir lu dans le dossier ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Evidemment, les aveux dans des affaires de ce

 24   genre sont l'élément le plus important. C'est incontestable. Mais ce que je

 25   dis, c'est que je ne me rappelle pas si je l'ai lu ou pas. Peut-être que je

 26   l'ai lu. Mais après 23 ou 24 ans, j'ai du mal à me rappeler exactement ce

 27   que j'ai lu. Par ailleurs, nous étions saisis d'un très grand nombre

 28   d'affaires. Et lorsque j'ai vu ce qu'on m'a montré, j'ai décidé d'agir


Page 35538

  1   immédiatement. Je voulais que l'enquête se poursuive.

  2   D'ailleurs, au départ, j'ai été surpris que l'affaire m'ait été confiée.

  3   Donc j'ai demandé que les réactions soient urgentes --

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous avez répondu à

  5   ma question.

  6   Veuillez procéder, Monsieur Traldi.

  7   M. TRALDI : [interprétation]

  8   Q.  Donc le texte que vous avez à l'écran est une partie de votre entretien

  9   avec le bureau du Procureur. Le compte rendu n'existe qu'en anglais, donc

 10   je vais le lire lentement.

 11   M. TRALDI : [interprétation] Et je demanderais que le bas de la page soit

 12   affiché.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons vérifier. J'ai remarqué,

 14   Monsieur le Témoin, que vous m'avez salué en anglais, et j'aimerais donc

 15   savoir, puisque après vous avez dit "dobro jutro", j'aimerais savoir si

 16   vous pouvez lire l'anglais ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas très fort en anglais. Il serait

 18   préférable de passer par les interprètes.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je ne laisse pas supposer que nous

 20   nous passerions des interprètes. Mais si vous lisez un texte à l'écran,

 21   est-ce que vous avez au moins la possibilité de le déchiffrer.

 22   Veuillez procéder.

 23   M. TRALDI : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur le Témoin, je vous ai interrogé au sujet de ce que vous aviez

 25   entendu dire concernant le massacre de Velagici en 1992 au moment où vous

 26   étiez à Prijedor. Et à partir du début de la discussion sur ce point, la

 27   troisième question à partir du bas, la question qui vous a été posée est la

 28   suivante :


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  1   "Vous rappelez-vous le moment où vous avez pour la première fois pris le

  2   téléphone -- non, ce n'est pas ma question. Lorsque vous avez pour la

  3   première fois été saisi du dossier de l'affaire Velagici, comment cette

  4   affaire vous a été confiée si le capitaine Jovicinac ne vous l'a pas

  5   affectée ?"

  6   Et votre réponse est la suivante :

  7   "Je pense que la première fois où cette affaire est arrivée entre mes mains

  8   c'était en 1996, et à ce moment-là j'ai réagi et j'ai fait les propositions

  9   que j'ai faites. Mais j'étais déjà au courant avant parce que j'avais

 10   entendu des rumeurs."

 11   La question suivante qui vous est posée est la suivante : 

 12   "A quel moment avez-vous entendu parler du massacre de Velagici ?"

 13   Et vous répondez :

 14   "Je pense que j'en ai entendu parler quand j'étais encore à Prijedor, avant

 15   que les gens ne commencent à en parler."

 16   Question suivante :

 17   "Donc le massacre de Velagici a eu lieu le 1er juin 1992. Est-ce que

 18   c'était peu après que vous en avez entendu parler, en juin 1992 ?"

 19   Ensuite, vous décrivez le fait que vous avez eu vent de cette affaire

 20   d'abord en voyant une colonne de véhicules de la JNA qui était attaquée à

 21   Kljuc en mai 1992. Et maintenant, je demande l'affichage de la page

 22   suivante à l'écran. En haut de la page, vous dites :

 23   "… c'est seulement après, à la mi-juin ou à la mi-juillet, que j'ai entendu

 24   parler du massacre commis à l'école, plus précisément dans le village de

 25   Velagici. Je n'ai été au courant de cette affaire qu'en 1996."

 26   Donc vous maintenez ce que vous avez dit dans votre entretien préalable,

 27   c'est-à-dire que vous avez été informé du massacre de Velagici à la mi-juin

 28   ou à la mi-juillet 1992, alors que vous étiez encore à Prijedor ?


Page 35540

  1   R.  Eh bien, pour être tout à fait franc, compte tenu du temps qui s'est

  2   écoulé depuis, je pensais que j'en avais été informé à Prijedor, et je l'ai

  3   dit en 2002. Comme je l'ai déjà dit, cela fait  longtemps et tout cela est

  4   dû au temps qui a passé. Mais je pense que ce que j'ai dit dans ma

  5   déclaration préalable est exact, que j'avais cette connaissance.

  6   Q.  Et il est exact que vos souvenirs étaient plus frais en 2002

  7   qu'aujourd'hui, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui, oui.

  9   Q.  Alors l'affaire Velagici était la seule affaire dans laquelle le

 10   tribunal militaire de Banja Luka a prononcé des charges en vertu de

 11   l'article 142 concernant les crimes de guerre, et non en vertu de l'article

 12   36 concernant le meurtre, n'est-ce pas ?

 13   Excusez-moi, je devrais être un peu plus précis. C'est la seule affaire

 14   dans laquelle des charges ont été prononcées contre des soldats de la VRS

 15   en application de l'article 142 pour crime contre des non-Serbes, n'est-ce

 16   pas ?

 17   R.  Ce que je sais, c'est qu'il s'agissait d'un crime très, très grave.

 18   Mais en cet instant, aujourd'hui, je ne suis pas capable de vous dire dans

 19   quelles conditions exactes l'affaire a été traitée sur le plan juridique.

 20   Il est possible que l'article 142 ait été impliqué.

 21   Q.  On vous a interrogé au sujet de l'article 142 au cours de votre

 22   entretien avec le bureau du Procureur et vous avez déclaré que le procureur

 23   militaire vous avait dit avoir reçu pour instruction de ne pas appliquer

 24   l'article 142, à savoir la qualification de crimes de guerre, de ne plus le

 25   faire. Est-ce que vous maintenez aujourd'hui ce que vous avez dit à

 26   l'époque ?

 27   R.  Je dis une nouvelle fois que vous me mettez dans une situation un peu

 28   difficile car j'ai du mal à me rappeler ce genre de détails. Mais je peux


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  1   vous faire part d'un avis qui était discuté et partagé par nous les

  2   juristes, si vous me le permettez.

  3   Q.  En ce moment, je vous demande très précisément si vous maintenez votre

  4   déclaration faite durant votre entretien avec le bureau du Procureur - et

  5   nous pouvons revoir le texte exact, si vous le souhaitez - à savoir que le

  6   procureur militaire vous a dit avoir reçu pour instruction de s'abstenir de

  7   recourir à l'article 142, à savoir l'article qui permet la qualification de

  8   crimes de guerre à l'encontre de soldats de la VRS accusés de crimes contre

  9   des non-Serbes.

 10   R.  Eh bien, il convient de tenir compte que la déclaration que j'ai faite

 11   date d'il y a 13 ans. Mais cela étant dit, je crois que ce que j'ai dit à

 12   l'époque était exact. Pour le reste, je ne me rappelle plus les détails.

 13   Q.  Donc je peux partir du principe que si vous ne vous rappelez pas

 14   aujourd'hui s'il vous a donné cette instruction, c'est un problème de

 15   mémoire ?

 16   R.  S'il m'a bien dit ce que vous venez de citer, je crois en tout cas

 17   qu'il n'a pas indiqué qui lui avait donné ces instructions. Mais en tout

 18   cas, si vous me le permettez, j'aimerais expliquer pourquoi il n'y a pas eu

 19   de qualification pour crimes de guerre. La seule raison c'est que l'état de

 20   guerre n'était pas encore déclaré à l'époque sur le territoire de la

 21   Republika Srpska, parce que c'était seulement la menace imminente de guerre

 22   qui avait été décrétée. Donc, voilà pourquoi ces crimes ne pouvaient pas

 23   être qualifiés comme crimes de guerre.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aimerais une précision.

 25   Si ces crimes n'ont pas été qualifiés en tant que crimes de guerre,

 26   pourquoi est-ce que c'est un tribunal militaire qui en a été saisi et pas

 27   un tribunal civil ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous donner la réponse, puisque la


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  1   réponse figure dans le texte de la loi où il est dit que les personnes qui

  2   sont dans l'armée, les militaires, répondent de tous les crimes qu'elles

  3   avaient commis indépendamment du fait qu'il s'agissait des crimes commis

  4   contre l'armée ou des crimes du droit commun. Dans tous ces cas-là, il

  5   s'agissait de meurtres graves pour lesquels la peine de mort était prévue

  6   dans le code pénal qui était appliqué à l'époque.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Et dois-je comprendre que même

  8   quand l'état de guerre n'est pas déclaré, si un soldat commis le meurtre

  9   d'un civil, c'est le tribunal militaire qui doit être saisi de cette

 10   affaire ? Merci.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous répondre à cette question. C'est

 12   le tribunal militaire qui est compétent de le juger, uniquement parce qu'il

 13   est membre de forces armées. C'est la seule raison pour laquelle c'est le

 14   tribunal militaire qui en est compétent.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez répondu à ma question. Je

 16   vous remercie.

 17   M. TRALDI : [interprétation]

 18   Q.  Il est clair que les frères Sugic et les auteurs des crimes à Velagici

 19   n'étaient pas condamnés à des peines d'emprisonnement pour des crimes

 20   commis pendant la guerre. Vous vous êtes mis d'accord pendant l'entretien

 21   pour dire que cela a été fait pour ce qui est de ces personnes et d'autres

 22   personnes, que cela aurait été un pas considérable pour ce qui est de

 23   prévenir d'autres crimes qui avaient été commis par les soldats de la VRS

 24   pendant la guerre. Est-ce que vous maintenez cela aujourd'hui ?

 25   R.  Oui. Je suis certain que cela aurait permis de prévenir que de tels

 26   crimes soient commis et que cela aurait été une sorte de message pour

 27   d'autres de ne pas faire la même chose.

 28   Q.  Et le fait que ces personnes n'ont pas été condamnées a fait répandre


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  1   le message tout à fait opposé à cela.

  2   R.  Exactement.

  3   Q.  Et le bureau du procureur a pris la décision -- je vais recommencer ma

  4   question.

  5   Pendant la guerre, les soldats serbes qui ont tué des Serbes ont fait

  6   l'objet de poursuites au pénal, et c'était quelque chose qui a été fait de

  7   façon efficace, n'est-ce pas ?

  8   R.  Je pense que ces soldats serbes ont fait l'objet de poursuites au pénal

  9   juste comme les autres. Je n'ai vu aucune différence entre les deux.

 10   Q.  Regardons la page 44 du même document.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question qui a été posée n'était pas

 12   de savoir si vous voyiez une différence entre les deux, mais plutôt si

 13   pendant la guerre des soldats serbes qui ont tué des Serbes ont fait

 14   l'objet de poursuites au pénal de façon efficace. Est-ce que cela est vrai

 15   ou pas ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne saurais vous dire à présent qu'il y ait

 17   eu une différence entre les deux types de cas, mais il était plus facile

 18   d'obtenir des moyens de preuve lorsque les victimes étaient des Serbes.

 19   Puisque s'il s'agissait des non-Serbes qui étaient tués, les parents

 20   de victimes partaient et il n'était pas facile de rassembler des preuves

 21   qui étaient nécessaires pour lancer des poursuites au pénal.

 22   Lorsqu'il s'agissait de victimes serbes, cela était plus facile.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez.

 24   M. TRALDI : [interprétation]

 25   Q.  Est-ce qu'on peut voir maintenant une autre partie de l'entretien que

 26   vous avez eu avec le bureau du Procureur, en partant de l'endroit où il est

 27   dit : "Parce qu'à Sanski Most…," et cetera.

 28   Une question similaire vous a été posée en 2002 lorsque votre mémoire était


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  1   meilleure. On vous a posé la question suivante : 

  2   "Parce qu'à Sanski Most personne n'a été mis en accusation pour les

  3   meurtres des non-Serbes. Personne n'a été emprisonné."

  4   Votre réponse :

  5   "Malheureusement, vous avez raison. C'est vrai."

  6   Et je vais m'arrêter ici pour le moment. Est-ce que vous maintenez ce que

  7   vous avez dit à l'époque lors de l'entretien au bureau du Procureur, qu'à

  8   Sanski Most personne n'a été mis en accusation -- personne des soldats de

  9   la VRS pour ce qui est des meurtres des non-Serbes ?

 10   R.  Je suis surpris d'avoir entendu cette question, puisque je ne me

 11   souviens pas qu'une question m'ait été posée concernant Sanski Most, et je

 12   n'ai rien à voir avec Sanski Most non plus.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi --

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela ne m'est pas clair.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, est-ce qu'il y a un

 16   enregistrement audio ou une vidéo de cet entretien ?

 17   M. TRALDI : [interprétation] Oui, il y a l'enregistrement audio de cet

 18   entretien.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, si vous dites, "Je

 20   n'ai pas dit cela," alors nous allons écouter l'enregistrement audio pour

 21   voir si vous avez dit ce que vous avez dit, à savoir que vous ne vous

 22   souvenez pas que des questions vous ont été posées concernant Sanski Most

 23   ou que vous avez dit quelque chose là-dessus. Si vous avez des doutes par

 24   rapport à cela, nous sommes en mesure de voir s'il s'agit d'un

 25   enregistrement incorrect de votre entretien, puisque la Chambre, dans ce

 26   cas-là, n'accepterait pas cela.

 27   Est-ce que vous insistez là-dessus, que vous n'avez pas dit cela et que

 28   cette question ne vous a pas été posée ? Puisque nous allons vérifier cela.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, je n'ai pas de doutes. J'ai des doutes

  2   pour ce qui est de ma mémoire, pour être tout à fait franc. Et d'après les

  3   informations dont je disposais à l'époque en tant que substitut du

  4   procureur, personne originaire de Sanski Most n'a fait l'objet de

  5   poursuites au pénal.

  6   Même au jour d'aujourd'hui, je ne dispose pas d'informations dans ce sens-

  7   là, disant qu'à Sanski Most il y avait des personnes qui ont fait l'objet

  8   des poursuites au pénal.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous ne parlez pas de ce qui est abordé

 10   ici en tant que sujet de cette discussion. Vous nous dites : "J'ai peut-

 11   être dit quelque chose qui diffère de ce qui a été enregistré." Vous dites

 12   que vous n'avez pas dit cela ou que vous ne vous souvenez pas d'avoir dit

 13   cela, que vous avez appris cela dans cet enregistrement.

 14   Mais si vous dites : "A l'époque, je n'ai pas dit ce dont je me

 15   souvenais, mais j'ai dit à la personne qui menait l'entretien que j'ai

 16   appris cela en m'appuyant sur ce qui a été enregistré."

 17   Si vous dites : "Je fais référence à la source de mes

 18   connaissances et je n'ai pas dit cela comme faisant partie de mes

 19   souvenirs," alors nous allons vérifier cela. Si vous pensez que cela vaut

 20   la peine de faire cela, nous allons le faire.

 21   Est-ce que vous voulez que nous fassions cela ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne pense pas que cela soit nécessaire.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Vous avez répondu à ma question.

 24   M. TRALDI : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur le Témoin, vous avez dit il y a quelques instants que vous

 26   n'aviez rien à voir avec Sanski Most. Mais pour ce qui est de Sanski Most,

 27   vous aviez un lien avec Sanski Most puisque la 6e Brigade, basée à Sanski

 28   Most, faisait partie du 1er Corps de la Krajina, et les soldats et les


Page 35546

  1   crimes commis par ces soldats relevaient de la compétence de votre bureau,

  2   n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui, cela est vrai.

  4   Q.  Regardons le reste de votre réponse à cette question. Vous avez dit :

  5   "Oui, c'est, et vous avez remarqué cela très bien, puisqu'au début de la

  6   guerre il y avait moins d'affaires au pénal traitées, et leur nombre a

  7   augmenté avec le temps puisque pendant la guerre d'autres organes étaient

  8   établis et l'armée devenait de plus en plus disciplinée. Et ils demandaient

  9   que des responsables soient déterminés pour des agissements illégaux,

 10   l'armée a demandé cela, et pour ce qui est de 1992, tout le monde voulait

 11   tout simplement oublier tout par rapport à cela."

 12   Lorsque vous avez dit en 1992 que vous aviez fait référence aux crimes

 13   commis en masse par les membres du 1er et du 2e Corps de la Krajina contre

 14   la population civile musulmane et croate, ceci s'est passé pendant la

 15   guerre dans leurs zones de responsabilité, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Ensuite, on vous a posé la question suivante :

 18   "Mais, encore une fois, cela se fondait sur l'appartenance ethnique des

 19   victimes en grande partie ? Puisque, et vous allez vous mettre d'accord

 20   avec moi par rapport à cela, puisque nous avons parcouru tous les dossiers

 21   de meurtres commis en 1992 et 1993. Et  pour ce qui est des soldats serbes

 22   qui ont tué des Serbes, les membres de famille serbes, vous avez été

 23   efficace pour ce qui est de poursuivre ces soldats, n'est-ce pas ?"

 24   Votre réponse :

 25   "C'est vrai puisque dans de tels cas -- et il y avait également d'autres

 26   cas puisque la situation politique n'était pas bonne pour s'occuper de tels

 27   cas."

 28   Ensuite, il y avait deux autres questions. D'abord, lorsque vous avez dit


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  1   qu'il y avait d'autres cas qui n'étaient pas traités à l'époque, vous avez

  2   fait référence à des décisions prises de ne pas poursuivre les soldats de

  3   la VRS pour des crimes commis contre les Musulmans et les Croates pendant

  4   la guerre, et même dans le contexte des crimes commis en masse, vous avez

  5   donc confirmé que ces crimes ont été commis par les membres du 1er et du 2e

  6   Corps de la Krajina ?

  7   R.  Je suis sûr que vous n'avez pas compris mes propos de façon appropriée.

  8   Je n'ai jamais dit, et personne d'autre n'a dit, que des auteurs de crimes

  9   ne devaient pas être poursuivis. Cela n'a été jamais dit, c'est certain.

 10   Et pour ce qui est de la période pendant laquelle nous n'avions

 11   d'institutions nécessaires pour ce qui est des poursuites au pénal des

 12   criminels, toutes ces choses qui étaient arrivées dans cette période, qui

 13   était en quelque sorte une période avec beaucoup de lacunes dans le

 14   système, lorsque l'Etat qui existait avant la guerre a disparu et lorsque

 15   le nouvel Etat a commencé d'émerger, cela s'est passé en partie à cause de

 16   la situation politique et morale qui prévalait à l'époque au sein de

 17   l'armée.

 18   Donc, personne n'a dit à l'époque que les auteurs des crimes ne devaient

 19   pas être poursuivis au pénal.

 20   Q.  Permettez-moi de reformuler ma question. D'abord -- et je vais vous

 21   poser plusieurs questions, en fait, concernant cela.

 22   D'abord, est-ce que vous maintenez ce que vous avez dit lors de cet

 23   entretien, à savoir qu'il est vrai que dans le registre on voit que les

 24   soldats serbes qui ont tué des Serbes ont fait l'objet de poursuites au

 25   pénal de façon efficace par le tribunal militaire de Banja Luka pendant la

 26   guerre ?

 27   R.  Je ne serais d'accord avec cela aujourd'hui non plus. Peut-être que

 28   cela a été traduit d'une façon inappropriée. Puisque cela n'a jamais été


Page 35548

  1   mon opinion.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, s'il s'agit d'une

  3   question liée à la traduction, nous allons vérifier cela en réécoutant

  4   l'enregistrement audio. Nous allons vérifier la traduction. Si vous n'avez

  5   pas dit cela, nous voulons le savoir parce que nous ne voulons pas avoir

  6   l'enregistrement inexact de ce que vous avez dit lors de l'entretien. Dans

  7   ces cas similaires, lorsqu'il y avait des inexactitudes dans la traduction

  8   et dans l'enregistrement audio.

  9   Par rapport à de tel cas, la Chambre n'admet pas que quelqu'un soit

 10   accusé de ces inexactitudes des interprètes, par exemple, ou des

 11   sténotypistes.

 12   Et c'est pour cela que je vous pose la même question encore une fois

 13   : est-ce que vous voulez qu'on vérifie l'interprétation de ce que vous avez

 14   dit à l'époque ? Si vous dites "oui", nous allons le faire.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela veut dire que vous ne

 17   contestez pas l'exactitude de l'enregistrement audio de cette déclaration,

 18   et de l'interprétation non plus ? Vous ne contestez pas cela ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne conteste pas l'exactitude de la

 20   déclaration et de l'interprétation de la déclaration, mais j'aimerais

 21   fournir une explication. Permettez-moi de vous expliquer cela.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous ne parlons pour le moment que de ce

 23   que vous avez dit à l'époque. Cela a été résolu. Maintenant, c'est à M.

 24   Traldi de voir quelles autres questions il va vous poser. Et si vos

 25   explications sont directement liées à cette question, alors, bien sûr, vous

 26   allez avoir l'occasion de nous fournir ces explications.

 27   M. TRALDI : [interprétation]

 28   Q.  Je vais répéter la question que je vous ai déjà posée : est-ce que vous


Page 35549

  1   maintenez toujours que ce que vous avez dit lors de l'entretien, qu'il est

  2   vrai que des soldats serbes qui ont commis des meurtres de Serbes ont été

  3   poursuivis au pénal de façon relativement efficace par votre tribunal

  4   pendant la guerre ? Oui ou non ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Est-ce que vous maintenez ce que vous avez dit par rapport à ces

  7   affaires, que les affaires où les victimes étaient les Serbes étaient

  8   traitées en priorité ?

  9   R.  Non.

 10   Q.  Est-ce que vous maintenez également -- répondez par un oui ou par un

 11   non, s'il vous plaît. Donc, est-ce que vous maintenez également ce que vous

 12   avez dit dans cet entretien par rapport à d'autres affaires, et là je fais

 13   référence aux affaires où les victimes n'étaient pas les Serbes, qui ont

 14   été laissées pour être traitées à un autre moment ? Oui ou non ?

 15   R.  Encore une fois, il faut que j'explique cela.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'abord, les interprètes n'ont pas

 17   entendu votre réponse. S'il vous plaît, répétez votre réponse d'abord pour

 18   nous dire si ces autres affaires où il s'agissait des crimes commis contre

 19   les non-Serbes étaient laissées pour être traitées à un autre moment. Est-

 20   ce que vous maintenez cela ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Posez votre question suivante, Monsieur

 23   Traldi.

 24   M. TRALDI : [interprétation]

 25   Q.  Le fait que les affaires concernant les crimes que les soldats de la

 26   VRS ont commis contre les non-Serbes étaient laissées de côté pour être

 27   traitées à un autre moment et le fait qu'en 1996 vous avez traité l'affaire

 28   où les auteurs des meurtres commis en masse ont été arrêtés, et ils ont


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  1   avoué avoir commis ces crimes, il s'agissait, en fait, des unités qui ont

  2   commis ces crimes en 1992, nous amènent à la conclusion qu'en 2002, lors de

  3   votre entretien, vous avez dit qu'il était vrai que les affaires concernant

  4   les crimes commis contre les Serbes étaient traités en priorité ?

  5   R.  J'ai dit que les affaires où les accusés étaient les Serbes étaient

  6   traitées en priorité, puisque cela concernait les Serbes qui évitaient le

  7   service militaire. C'est à quoi je pensais lorsque j'ai dit cela.

  8   Q.  Mais il y avait des procès au pénal contre les soldats qui ont tué des

  9   Serbes qui ont été traités également. Par exemple, l'affaire concernant

 10   Pero Marin, n'est-ce pas ?

 11   R.  Je ne m'en souviens pas de cette affaire du tout.

 12   Q.  En fait, je vous dis que ce qu'on peut voir dans ce qui a été

 13   enregistré est la chose suivante : les affaires concernant les victimes

 14   serbes ou les affaires, comme vous l'avez dit, où les intérêts de l'armée

 15   étaient violés, non seulement avaient la priorité pour être traitées, mais

 16   également pour ce qui est des sanctions prononcées, des peines

 17   d'emprisonnement prononcées, ces affaires ont été traitées en priorité, et

 18   cela relevait de la compétence du tribunal militaire de Banja Luka, n'est-

 19   ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   M. TRALDI : [interprétation] Je vois qu'il est venu le moment propice pour

 22   faire la pause.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais j'aimerais parler de votre

 24   déclaration un peu plus en détail et essayer de voir ce que vous nous

 25   dites.

 26   Vous voyez à l'écran, concernant les affaires pour lesquelles vous avez dit

 27   qu'elles étaient traitées en priorité, que ces affaires ne concernaient que

 28   des cas de meurtre, n'est-ce pas ?


Page 35551

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas de ces détails. Cela

  2   s'est passé il y a longtemps. Mais je sais que --

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous lire -- ou, plutôt, je vais

  4   vous lire lentement ce que vous avez dit. La personne qui vous posait des

  5   questions vous a posé la question suivante :

  6   "… en grande partie, cela se basait sur l'appartement ethnique des victimes

  7   ? Puisque nous avons parcouru tous les dossiers concernant les meurtres

  8   commis entre 1992 et 1993, on a pu conclure que des soldats serbes qui ont

  9   tué des Serbes, des membres de familles serbes, ont été poursuivis au pénal

 10   de façon efficace. Seriez-vous d'accord pour dire cela ?"

 11   Et d'abord, lorsque -- je vous demande si vous êtes d'accord pour dire

 12   qu'il s'agissait des cas de meurtre ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas répondre par un "oui" ou par un

 14   "non", puisque je vous ai déjà demandé de me permettre de vous expliquer

 15   cela. Et je vous ai dit qu'il était plus facile d'obtenir les preuves

 16   lorsqu'il s'agissait des Serbes puisque --

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est une question différente. Vous avez

 18   interprété votre propre réponse, et pour cette raison j'ai voulu revenir à

 19   la question pour voir de quoi il s'agissait exactement. Il y a peut-être de

 20   bonnes raisons pour cela, mais c'est un autre point. Mais est-ce que cette

 21   question concernait uniquement des cas de meurtre ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Selon ce que je vois, oui, étant donné ma

 23   déclaration précédente.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, je vais revenir à votre

 25   réponse, qui était :

 26   "C'est vrai…"

 27   Et ensuite, vous avez continué et vous avez dit :

 28   "… c'est parce que ces affaires étaient traitées en priorité et d'autres


Page 35552

  1   affaires ont été laissées de côté pour être traitées à un autre moment dans

  2   le temps."

  3   Je pense que vous avez expliqué il y a quelques instants que lorsque vous

  4   avez fait référence aux affaires qui étaient traitées en priorité, que vous

  5   avez fait référence aux affaires où des obligations militaires n'étaient

  6   pas respectées ou étaient violées. Il m'est difficile de comprendre cette

  7   réponse d'une autre façon qu'à la façon suivante : les affaires qui avaient

  8   la priorité étaient les affaires où des soldats serbes qui avaient tué des

  9   Serbes étaient poursuivis au pénal, et non pas des Serbes qui ont déserté

 10   de l'armée ou qui n'ont pas répondu à l'appel à la mobilisation. C'est

 11   comment j'ai analysé les mots que vous avez utilisés.

 12   Si vous avez une bonne explication pour nous dire pourquoi je devrais

 13   comprendre votre réponse d'une autre façon, et je ne parle que de votre

 14   réponse. Si vous avez une explication pour nous dire pourquoi vous avez dit

 15   que ces affaires avaient la priorité, pourquoi nous devrions comprendre que

 16   ces affaires concernaient des soldats qui désertaient de l'armée ou qui ne

 17   répondaient pas à l'appel à la mobilisation, qui enfreignaient leurs

 18   obligations militaires, alors s'il vous plaît, dites-le-nous. Dites-nous

 19   comment nous pourrions comprendre cela à la façon que vous l'avez

 20   mentionné ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez semé une confusion totale dans mon

 22   esprit. J'aimerais voir ma signature dans ce document provenant de 2002.

 23   Puisque cela ressemble à une réponse d'un juge du tribunal militaire et non

 24   pas d'un procureur militaire.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous contestez l'exactitude

 26   du compte rendu et de l'interprétation, est-ce que c'est ce que vous faites

 27   ? Puisque, vous savez, nous avons déjà dit qu'il est possible de vérifier

 28   cela.


Page 35553

  1   Il y a quelques instants, vous avez commencé à expliquer que les

  2   affaires qui avaient la priorité étaient d'autres affaires. Vous avez

  3   expliqué votre propre explication ou votre déclaration et il m'était

  4   difficile de suivre de façon logique votre explication. Par conséquent, je

  5   vous ai donné l'occasion d'expliquer logiquement comment nous aurions pu

  6   comprendre votre référence à ces affaires pour lesquelles vous avez dit

  7   qu'elles avaient la priorité comme étant comprises comme étant d'autres

  8   affaires par rapport aux affaires concernant le meurtre. Vous avez toujours

  9   l'occasion de le faire.

 10   Si vous êtes d'accord, vous pouvez le faire. Mais si vous voulez

 11   mettre en question l'exactitude du compte rendu et de l'interprétation,

 12   vous pouvez le faire aussi. Nous allons procéder à la vérification.

 13   Qu'est-ce que vous voulez faire : expliquer plus ce texte, pas ce qui

 14   s'est passé, mais le texte même; ou que nous procédions à la vérification

 15   de l'exactitude de l'interprétation ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Ai-je le droit à une pause ? Ou faut-il

 17   attendre la pause régulière ?

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mladic, vous ne devez pas vous

 19   mêler de cela.

 20   L'heure est venue à la pause régulière, mais, s'il vous plaît, veillez

 21   répondre brièvement à ma question de savoir si vous avez expliqué cela ou

 22   si vous souhaitez vérifier des choses, et ensuite nous le ferons après la

 23   pause. Nous allons vous donner l'opportunité après la pause si vous

 24   souhaitez l'expliquer et si vous souhaitez contester l'exactitude, mais

 25   dites-nous maintenant et nous le ferons dès que possible.

 26   Quelle est l'option que vous choisissez pour après la pause ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je répondre après la pause ? Parce que

 28   j'aimerais bien réfléchir, si possible, un peu pendant la pause.


Page 35554

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez suivre l'huissier. Nous

  2   allons prendre une pause et nous allons reprendre notre travail à midi 25.

  3   [Le témoin quitte la barre]

  4   --- L'audience est suspendue à 12 heures 01.

  5   --- L'audience est reprise à 12 heures 25.

  6   [Le témoin vient à la barre]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Radulj, avant la pause, nous

  8   vous avons posé une question, la question de savoir si vous souhaitiez

  9   vérifier l'exactitude de l'enregistrement ou bien si vous souhaitiez

 10   fournir une explication concernant le contexte dans lequel vous avez

 11   utilisé les mots "ces affaires avaient la précédence" en parlant d'autre

 12   chose que les affaires de meurtre.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai bien réfléchi au sujet de tout cela.

 14   Compte tenu du fait que j'ai fait ma déclaration il y a 13 ans, je ne me

 15   souviens pas de beaucoup de choses que j'ai faites il y a même un an. Et je

 16   renonce à cette vérification car elle n'aurait rien changé.

 17   Maintenant, pour ce qui est de la question qui concerne les

 18   poursuites pour les crimes et délits s'agissant desquels les Serbes avaient

 19   la priorité, je maintiens ma déclaration lorsque je dis qu'à ce moment-là

 20   je pensais uniquement aux affaires qui concernaient l'armée et l'obligation

 21   militaire.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci n'est pas vraiment une

 23   explication puisque ceci était déjà clair, mais je laisse le soin à M.

 24   Traldi pour ce qui est de la poursuite de cette question.

 25   Monsieur Traldi.

 26   M. TRALDI : [interprétation] En fait, j'allais me tourner vers un sujet

 27   différent, Monsieur le Président, Monsieur le Juge.

 28   Q.  Et je souhaite que l'on reparle de Prijedor.


Page 35555

  1   M. TRALDI : [interprétation] Peut-on afficher à l'écran la pièce 65 ter

  2   07108.

  3   Q.  Ce que nous voyons à l'écran, et pour le moment seulement en B/C/S,

  4   c'est la décision par le biais de laquelle vous avez été nommé au poste du

  5   procureur général par intérim en mai 1992.

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Où était votre bureau ?

  8   R.  Mon bureau se trouvait au deuxième étage du tribunal de première

  9   instance de Prijedor.

 10   Q.  Et quelle était la distance entre ce bâtiment et le poste de police de

 11   Prijedor ?

 12   R.  Le poste de police était tout près. Dans la même rue. C'était le

 13   bâtiment juste à côté, du côté droit, si vous vous teniez en face de

 14   l'entrée de la cour.

 15   Q.  Et le bâtiment de la municipalité était en face; est-ce exact ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Et puis, dans la même rue, de l'autre côté, se trouvait le siège de la

 18   compagnie minière Ljubija dans laquelle vous aviez travaillé précédemment;

 19   est-ce exact ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Maintenant, nous pouvons voir dans cette même décision qui vous nomme à

 22   ce poste qu'Esad Mehmedagic était relevé de ses fonctions. M. Mehmedagic

 23   était un Musulman, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Le connaissiez-vous ?

 26   R.  Seulement de vue.

 27   Q.  Et il avait des problèmes de vue, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui, j'ai entendu dire cela.


Page 35556

  1   Q.  Vous ne l'avez jamais vu après la guerre, n'est-ce pas ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  La Chambre de première instance a reçu les éléments de preuve indiquant

  4   que M. Mehmedagic a été détenu à Omarska au cours de l'été 1992, il a été

  5   sorti de là-bas et il n'y est jamais retourné, et puis par la suite il a

  6   été exhumé de la fosse commune de Stari Kevljani. Etiez-vous au courant de

  7   cela ?

  8   R.  J'ai appris cela. J'ai appris que son corps avait été exhumé, mais je

  9   ne sais plus quand. Je ne me souviens pas.

 10   Q.  Et avez-vous appris également qu'il avait été détenu à Omarska ?

 11   R.  Je n'avais pas d'information indiquant qu'il était à Omarska, mais

 12   j'avais l'information indiquant qu'on l'a fait aller quelque part, qu'on

 13   l'a emmené quelque part de sa maison.

 14   Q.  Saviez-vous qui l'a emmené ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Saviez-vous à quelle institution appartenaient les personnes qui l'ont

 17   emmené; c'était la police ou l'armée ?

 18   R.  Non.

 19   Q.  M. Mehmedagic était l'un des nombreux Musulmans et Croates qui ont été

 20   relevés de leurs fonctions dans la municipalité de Prijedor en mai 1992;

 21   est-ce exact ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Vous et le juge qui était le président de la cour, le juge Mico Kreco,

 24   vous étiez d'accord pour dire en parlant de ces licenciements qu'ils

 25   étaient illégaux et pas raisonnables, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Comme vous, le Juge Kreco était un Serbe, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.


Page 35557

  1   Q.  Et au préalable, un autre juge était le président de la cour. C'était

  2   Nedzad Seric, n'est-ce pas ?

  3   R.  Je ne le connaissais pas. Mais oui, c'est exact.

  4   Q.  Il était Musulman, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Omer Kerenovic avait été juge à la cour de Prijedor précédemment, avant

  7   la guerre ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Lui aussi, il était un Musulman, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  A la fois le juge Seric et le juge Kerenovic ont été exhumés eux aussi

 12   de la fosse commune de Stari Kevljani, n'est-ce pas ?

 13   R.  Je ne suis pas au courant de ce fait. Je ne sais pas.

 14   Q.  Et donc, vous ne savez pas non plus qu'eux aussi, ils avaient été

 15   détenus à Omarska auparavant ?

 16   R.  Non, je ne suis pas au courant de cela.

 17   Q.  M. Mehmedagic, le juge Seric et le juge Kerenovic, c'étaient des

 18   personnes de renom au sein de leur communauté avant la guerre, n'est-ce

 19   pas ?

 20   R.  C'est exact.

 21   Q.  Et d'autres Musulmans de renom ont été tués dans le camp aussi, n'est-

 22   ce pas, comme le maire, Muhamed Cehajic ?

 23   R.  Oui, j'ai entendu parler de cela.

 24   Q.  Vous avez entendu dire qu'il avait été détenu à Omarska et qu'il a été

 25   tué ?

 26   R.  Oui, j'ai entendu parler de cela.

 27   Q.  Hier, à la page 35 488 du compte rendu d'audience, vous avez dit qu'à

 28   votre avis, en 1992, les organes de pouvoir en Bosnie avaient disparu et


Page 35558

  1   qu'il était nécessaire d'en créer de nouveaux. Or, le renvoi de ces leaders

  2   de communauté, ces Musulmans de renom, était l'une des manières dont on a

  3   fait disparaître ou transformer les organes de pouvoir à Prijedor, n'est-ce

  4   pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Et les nouveaux organes de pouvoir incluaient la VRS, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Et à Prijedor, les nouveaux organes de pouvoir incluaient la cellule de

  9   Crise aussi, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Et vous avez dit au cours de votre déposition tout à l'heure que vous

 12   et le juge Kreco, vous étiez d'accord pour dire que le licenciement des

 13   Musulmans et des Croates était illégal. Ces licenciements se sont

 14   poursuivis car ces nouveaux organes de pouvoir des Serbes de Bosnie étaient

 15   là et prenaient déjà des décisions. C'étaient eux, réellement, qui étaient

 16   en charge de la vie à Prijedor, n'est-ce pas ?

 17   R.  Eh bien, je ne peux pas dire que c'étaient eux vraiment qui étaient en

 18   charge de la vie. Peut-être certains individus prenaient de telles

 19   décisions.

 20   Q.  Eh bien, la cellule de Crise a pris la décision indiquant qu'il fallait

 21   licencier les Musulmans et les Croates. De l'avis du procureur général et

 22   du juge président, ceci était illégal, mais les Musulmans et les Croates

 23   ont été licenciés quand même. Et la raison en était que la cellule de Crise

 24   détenait le pouvoir, n'est-ce pas ?

 25   R.  Eh bien, je sais que le 29 ou le 30 avril, il y a eu un changement de

 26   gouvernement, mais seuls les dirigeants ont été remplacés. Et cela s'est

 27   passé en avril. Pourtant, ceci ne concernait pas d'autres non-Serbes.

 28   Q.  Des non-Serbes qui travaillaient dans les entreprises ont été remplacés


Page 35559

  1   en mai-juin 1992, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui, il y a eu de tels cas.

  3   Q.  Donc il ne s'agissait pas seulement pas des personnes qui étaient au

  4   gouvernement. Des gens de toutes les classes de la société, notamment ceux

  5   qui exerçaient des fonctions d'autorité, s'ils étaient Musulmans ou

  6   Croates, ont été licenciés de leur travail, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui, je pense que les licenciements se sont déroulés après la création

  8   des unités de l'armée de la Republika Srpska. Ceux qui n'acceptaient pas

  9   cela sont partis.

 10   Q.  Prenons cet exemple en particulier. Nous pouvons voir que M. Mehmedagic

 11   a été licencié le 4 mai, c'est-à-dire quelques jours après la prise du

 12   pouvoir et même avant la création de la VRS, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Tout à l'heure, nous avons parlé, et vous avez confirmé ce qui s'était

 15   passé à un nombre de Musulmans de renom au sein de la communauté. Ceci

 16   avait certainement un impact dévastateur sur la communauté musulmane à

 17   Prijedor, là je parle de la mort et de la disparition de un nombre si

 18   important de personnalités de renom ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Et vous avez parlé hier du fait que les relations interethniques à

 21   Prijedor avaient été bonnes avant la guerre. En réalité, Prijedor était

 22   connu avant la guerre comme un endroit où les relations interethniques

 23   étaient bonnes, un endroit où le vieux slogan communiste de fraternité et

 24   d'unité voulait vraiment dire quelque chose ?

 25   R.  Oui.

 26   M. TRALDI : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite verser au

 27   dossier la pièce 65 ter 01078.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur l'Huissier [comme interprété].


Page 35560

  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce P7384, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Elle est versée au dossier.

  3   M. TRALDI : [interprétation]

  4   Q.  Et lorsque vous dites que de nouveaux organes de pouvoir devaient être

  5   créés, puisque la Yougoslavie telle qu'on l'avait connue avait disparu, ce

  6   que l'on sait, c'est qu'à cet endroit les relations interethniques étaient

  7   bonnes. L'unité et la fraternité voulaient vraiment dire quelque chose. Et

  8   donc, c'est là qu'il fallait remplacer quelque chose qui n'existait plus

  9   réellement; est-ce exact ?

 10   R.  Oui. Dans ce sens, cet endroit n'existait plus.

 11   M. TRALDI : [interprétation] Peut-on maintenant afficher la pièce 65 ter

 12   31035.

 13   Q.  Vous avez confirmé tout à l'heure que les Musulmans et les Croates ont

 14   été licenciés des entreprises et aussi du gouvernement. L'une des

 15   entreprises au sein desquelles les Musulmans et les Croates ont été

 16   licenciés vers la fin du printemps et début été 1992 était la compagnie

 17   minière Ljubija, dans laquelle vous aviez travaillé précédemment ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Alors nous avons ici un rapport du poste de police de Prijedor, de la

 20   SJB Prijedor, concernant la compagnie minière de Ljubija.

 21   M. TRALDI : [interprétation] Peut-on afficher la page 3 dans les deux

 22   langues.

 23   Q.  Au deuxième paragraphe, nous pouvons lire :

 24   "Immédiatement après la prise du pouvoir le 30 avril 1992, une

 25   différenciation claire du personnel a été effectué au sein de notre

 26   entreprise…"

 27   Ici, lorsqu'il est question de la "différenciation", c'est ce dont on

 28   parle, c'est la différenciation le long des bases ethniques, et là il est


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  1   question des licenciements des Musulmans et des Croates; est-ce exact ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Et puis, immédiatement après cela, nous pouvons voir qu'il y est

  4   écrit: 

  5   "… après l'attaque contre Prijedor du 30 mai 1992, une spécification du

  6   personnel en temps de guerre a été introduite et le personnel a été

  7   sélectionné conformément à cela, conformément aux décisions du gouvernement

  8   de la Republika Srpska."

  9   Les décisions du gouvernement de la Republika Srpska ont été transmises à

 10   cette compagnie par le biais de la cellule de Crise de Prijedor et de la

 11   cellule de Crise municipale ?

 12   R.  Tout d'abord, je ne me souviens pas. J'y avais été pour la dernière

 13   fois en septembre 1991 et je ne suis plus retourné ensuite. Donc je ne peux

 14   pas vous parler avec plus de précision.

 15   Q.  Eh bien --

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, vous commencez à parler

 17   trop vite.

 18   M. TRALDI : [interprétation] Je vais essayer de ralentir, Monsieur le

 19   Président.

 20   Q.  En réalité, comme vous le savez, et là je vais reposer ma question

 21   différemment, les Musulmans et les Croates ont été licenciés à Prijedor en

 22   raison de la décision prise par la cellule de Crise de Prijedor, n'est-ce

 23   pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Et nous pouvons voir en bas de la page, et si on voit le haut de la

 26   page 4 en B/C/S, une référence faite à la mise en place cohérente des

 27   décisions de licencier les employés au sein de cette compagnie, décisions

 28   de la cellule de Crise de la présidence de Guerre de l'assemblée municipale


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  1   de Prijedor et du gouvernement de la Région autonome de Krajina. Donc la

  2   compagnie minière de Ljubija appliquait les décisions de la cellule de

  3   Crise de Prijedor et de la cellule de Crise de la région autonome, n'est-ce

  4   pas ?

  5   R.  Eh bien, c'était probablement le cas, si c'est ce qu'indique ce

  6   document. Je n'ai pas vraiment de commentaires.

  7   Q.  Nous allons revenir maintenant à la page 3 dans les deux langues. Il y

  8   est écrit -- et c'est en bas de la page 2 en B/C/S. Il y est écrit que :

  9   "Dès le début du mois de juin, seuls dix jours environ après les combats

 10   dans la ville, l'armée et la police ont pris le contrôle en sécurisant

 11   directement tous les structures, les biens et les personnes. Des mesures

 12   supplémentaires ont été prises pour assurer la sécurité générale au sein de

 13   l'entreprise, et une coopération étroite s'est poursuivie avec l'état-major

 14   principal de l'armée et le centre de sécurité publique."

 15   Vous saviez, puisque vous étiez juste à côté du poste de sécurité publique

 16   et puisqu'en face se trouvait le siège de votre ancien employeur, vous

 17   étiez certainement au courant du fait qu'ils coopéraient avec la police et

 18   l'armée, n'est-ce pas ?

 19   R.  Le fait que ce bâtiment était près du mien ne veut pas dire que je

 20   savais ce qui se passait au sein de ce bâtiment. Donc ce que vous êtes en

 21   train de me soumettre est la première fois que j'entends parler de cela. Et

 22   je ne peux ni confirmer ni infirmer cela.

 23   Q.  Nous allons passer maintenant à la page 5 en anglais et 6 en B/C/S.

 24   Nous voyons ici la liste des employés de cette compagnie qui étaient haut

 25   placés. Et on commence par Ostoja Marjanovic, qui était le directeur par

 26   intérim. Vous le connaissiez, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Est-ce que vous saviez que, conformément à ce qui est écrit ici, en


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  1   1992, il était le directeur par intérim de la compagnie et qu'il a été

  2   mobilisé au sein de la VRS ?

  3   R.  Je ne le savais pas.

  4   Q.  Et s'agissant des personnes qui étaient aux postes de directeurs des

  5   compagnies importantes, est-ce qu'elles étaient mobilisées parfois dans le

  6   cadre des efforts de la guerre ?

  7   R.  Oui, c'était le cas.

  8   Q.  Et vous savez, bien sûr, que la compagnie minière de Ljubija était une

  9   compagnie importante à Prijedor, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Elle était chargée de trois mines et employait un grand nombre de

 12   personnes.

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Ses ressources ont été mises à la disposition des efforts de la guerre

 15   aussi, n'est-ce pas ? Elles ont été mobilisées aussi.

 16   R.  Oui.

 17   M. TRALDI : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite proposer le

 18   versement au dossier de ce document.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce P7385.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Elle est versée au dossier.

 22   Monsieur le Témoin, j'ai une autre question pour vous. Lorsque M. Traldi

 23   vous a demandé si des personnes ont été licenciées dans les entreprises,

 24   vous avez dit qu'il y a eu de tel cas.

 25   Or, maintenant que j'examine ce document, je vois que rien que s'agissant

 26   de la mine de Ljubija, il s'agit 1 500 personnes, si ce n'est plus. Donc je

 27   me demande ce que vous vouliez dire lorsque vous avez dit "il y a eu de

 28   tels cas," plutôt que de dire que ceci se déroulait de manière massive ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qui a été fait dans la mine est quelque

  2   chose que je ne peux pas savoir. Entre autres choses, la raison a été

  3   certainement aussi le fait que la production a cessé et puis probablement

  4   également le fait que les non-Serbes quittaient Prijedor à l'époque

  5   massivement. Mais ce genre de chose se déroulait certainement, oui, aussi.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends que l'on peut dire

  7   plus que cela, mais dire qu'il y a eu de tels cas alors que ceci se

  8   déroulait à un niveau massif est autre chose. Et je suppose que vous avez

  9   certainement remarqué que 1 500 personnes ont été licenciées. C'est un

 10   chiffre énorme.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous fournir une petite explication.

 12   Lorsque j'ai parlé des "cas individuels", je parlais de ce qui se passait à

 13   la fin du mois d'avril ou au début du mois de mai, lorsque seuls ceux qui

 14   occupaient des positions de direction ont été licenciés. Or, ce qui s'est

 15   passé après le 30 mai est une chose tout à fait différente. Et il est exact

 16   de dire qu'il y a eu des licenciements en masse des employés à cause de

 17   toutes les mauvaises choses qui ont été effectuées à Prijedor après le 30

 18   mai 1992.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.

 20   M. TRALDI : [interprétation]

 21   Q.  Vous dites que tout ce qui était mauvais à Prijedor a été effectué

 22   après le 30 mai 1992. Etes-vous au courant du fait qu'un grand nombre de

 23   Musulmans ont été tués et que l'on a détruit beaucoup de biens civils

 24   pendant les opérations de Hambarine et Kozarac avant le 30 mai, n'est-ce

 25   pas ? Oui ou non ?

 26   R.  Oui, oui.

 27   Q.  Parlant maintenant d'autres mauvaises choses, hier, à la page du compte

 28   rendu d'audience 35 504, vous avez dit que vous n'avez pas eu de contact


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  1   avec Omarska et Keraterm. Pendant que vous étiez procureur général à

  2   Prijedor, vous saviez que l'on emmenait des gens à Omarska et Keraterm, des

  3   non-Serbes, et que l'on tuait et torturait des non-Serbes dans ces camps;

  4   est-ce exact ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Vous avez dit il y a un instant dans votre déposition ce qu'il en était

  7   des départs massifs de non-Serbes qui quittaient Prijedor. Il s'agissait de

  8   personnes dont vous avez dit hier qu'elles ont été contraintes de partir,

  9   n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  L'une des personnes détenue à Keraterm était un de vos amis dont le nom

 12   était Islamovic, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Et il vous a dit, M. Islamovic, qu'il avait été obligé de s'engager à

 15   quitter la municipalité de Prijedor et que lorsqu'il a pris cet engagement

 16   il a été libéré, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui. Il a même demandé de l'aide pour sortir de Keraterm. Et c'est moi

 18   qui lui ai directement fourni cette aide.

 19   Q.  C'était un Musulman, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Et vous savez que les lieux du culte musulman et croate de la ville de

 22   Prijedor ont été détruits en 1992, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  L'une des mauvaises choses qui s'est passée le jour même du 30 mai,

 25   c'est qu'une mosquée a été détruite, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Et à l'issue des combats qui ont eu lieu ce jour-là, le 30 mai, les

 28   Musulmans et les Croates ont été contraints de déployer des drapeaux au mur


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  1   de leurs maisons, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui --

  3   Q.  Monsieur, excusez-moi. On vous demande de répéter votre réponse.

  4   R.  J'ai dit "oui".

  5   Q.  Au cours de l'interrogatoire principal, vous avez évoqué la lettre que

  6   vous avez envoyée pour vous opposer à l'occupation des maisons abandonnées,

  7   des biens immobiliers abandonnés. Pas mal de propriétés abandonnées

  8   appartenaient par le passé à des personnes qui désormais étaient détenues

  9   dans des camps, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Est-il exact que dans votre lettre vous ne faites mention à aucun

 12   moment de la nécessité de restituer les biens en question à leurs

 13   propriétaires légaux ? Vous faites simplement référence à la nécessité de

 14   faire en sorte que ces biens soient occupés de façon convenable ?

 15   R.  L'objectif de ma lettre consistait avant tout à défendre ces

 16   propriétés, et je soulignais dans ma lettre qu'il s'agissait de propriétés

 17   privées inaliénables et que la municipalité serait tenue pour responsable

 18   si ces biens subissaient de quelconques destructions. Je disais donc qu'il

 19   fallait préserver ces propriétés et les rendre ensuite à leurs

 20   propriétaires. J'ai dit que personne n'était capable de savoir combien la

 21   guerre allait durer, qu'un jour cette guerre devait parvenir à son terme et

 22   que ce jour-là les propriétaires rentreraient dans leurs biens. Et l'accord

 23   de Dayton a été écrit dans ce contexte, en gros, en ce qui concerne les

 24   conditions de restitution des biens à leurs propriétaires.

 25   Q.  Votre lettre a été écrite au moment où vous l'avez écrite après qu'une

 26   décision ait été prise un mois avant consistant à déclarer abandonnées les

 27   propriétés de la municipalité de Prijedor qui se trouvaient dans cette

 28   situation, n'est-ce pas ?


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  1   R.  Oui, pour autant que je m'en souvienne. Une décision temporaire a été

  2   prise, à savoir que le fait que les biens en question dépendaient désormais

  3   de l'Etat, était temporaire et destinée à ce que ces propriétés soient

  4   mieux gardées. Mais cela ne signifiait pas que c'était la municipalité ou

  5   quelque autre instance de l'Etat qui était propriétaire de ces biens.

  6   Q.  Et votre lettre dit clairement que ces propriétés sont allouées à

  7   d'autres personnes, qu'il ne s'agit pas de propriétés de l'Etat mais

  8   qu'elles sont allouées à des soldats de la VRS et à leurs familles, n'est-

  9   ce pas ?

 10   R.  Oui, ces biens devaient être distribués à des familles de soldats

 11   tombés au combat et d'invalides en raison des combats. A l'époque, un grand

 12   nombre d'autobus à bord desquels se trouvaient des Serbes arrivaient de

 13   Travnik, de Zenica, de Sarajevo et d'autres lieux. Donc ces réfugiés

 14   devaient être logés quelque part.

 15   Q.  J'aimerais que nous revenions un moment au changement de pouvoir à

 16   Prijedor. A ce moment-là, pour la première fois, Radio Prijedor a diffusé

 17   des chants chetniks, n'est-ce pas ?

 18   R.  Je ne me suis pas trouvé à Prijedor entre le 15 avril et le 15 mai,

 19   donc je ne sais pas de ce qu'il en est de cette période d'un mois. Mais par

 20   la suite, on entendait à la radio des chants, et notamment des chants

 21   nationalistes serbes au nombre desquels figuraient, entre autres, des

 22   chants chetniks.

 23   Q.  Au cours de l'entretien que vous avez eu avec le bureau du Procureur,

 24   on vous a demandé si au moment du changement de pouvoir à Prijedor il a été

 25   annoncé que Prijedor porterait désormais le nom de municipalité serbe de

 26   Prijedor. Vous avez expliqué qu'un tel changement de nom n'avait pas été

 27   nécessaire parce que Prijedor faisait partie de la Région autonome de

 28   Krajina et que toutes les municipalités de la Région autonome en question


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  1   étaient dirigées par des Serbes, donc vous considériez logique que les

  2   autorités responsables de Prijedor soient des Serbes. Est-ce que vous

  3   maintenez ce que vous avez dit à l'époque au jour d'aujourd'hui ?

  4   R.  Cette première partie de la question, s'agissant du changement de nom

  5   de Prijedor pour qu'il devienne "Prijedor serbe", c'est la première fois

  6   que j'en entends parler. Et en rapport avec cela, s'il existait une région

  7   autonome serbe, cette région était favorable à la conservation de la

  8   Yougoslavie, et il n'y avait donc pas nécessité de changer le nom de

  9   Prijedor puisque les autorités étaient favorables au maintien de la

 10   Yougoslavie.

 11   M. TRALDI : [interprétation] Eh bien, jetons rapidement un coup d'œil au

 12   numéro 65 ter numéro 32564, page 24, dont je demande l'affichage.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pendant que nous attendons l'affichage

 14   du document, j'aimerais poser une question de suivi.

 15   Vous avez expliqué que lorsque M. Traldi vous a interrogé au sujet de la

 16   lettre envoyée par vous, vous a dit que, bien sûr, la guerre allait prendre

 17   fin un jour et que les Musulmans retourneraient dans leurs maisons, que

 18   c'est ce qui était attendu.

 19   Ce n'est pas dit explicitement dans votre lettre. Les Juges de la Chambre,

 20   que vous avez en face de vous, ont entendu des témoins qui ont indiqué que

 21   ce n'était pas peut-être une idée partagée par tout le monde, le fait que

 22   les Musulmans qui avaient quitté le territoire de ces municipalités étaient

 23   censés y revenir. Nous avons même entendu des témoins qui ont laissé

 24   entendre que ce qui était attendu, c'est qu'ils ne reviendraient pas et que

 25   même l'intention était qu'ils ne reviennent pas.

 26   Alors la question que je vous pose : en dehors de la compréhension

 27   implicite de la nature des attentes des uns et des autres, je vous demande

 28   donc si vous pourriez indiquer un document ou un fait spécifique qui


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  1   permettrait de rendre votre hypothèse parfaitement ferme, à savoir qu'il

  2   était attendu que les non-Serbes reviennent dans la région qu'ils avaient

  3   quittée et que cette attente était réaliste, que c'est vraiment ce que l'on

  4   attendait qu'il se passe ? Donc des éléments concrets qui exprimeraient

  5   cette idée, comme par exemple le fait que, si les Musulmans reviennent

  6   après la guerre, nous devrions préserver leurs maisons pour qu'elles soient

  7   prêtes à les accueillir. Donc je vous demande vraiment des faits concrets à

  8   l'appui de ce que vous venez de dire, plus ou moins, dans votre hypothèse

  9   implicite.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, permettez-moi de répondre à cette

 11   question. Tout d'abord, lorsque j'ai écrit la lettre que j'ai écrite, après

 12   tout, j'étais quelqu'un qui avait une grande expérience en tant que juriste

 13   déjà à cette époque et je connaissais bien le droit international. Et en

 14   tant qu'officier de réserve, je connaissais le droit de la guerre et je

 15   savais qui, en temps de guerre --

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, je ne vous interroge

 17   pas sur ce point. Je ne vous demande pas sur quoi vous fondiez votre

 18   hypothèse. Je vous interroge en vous demandant si vous disposez de faits

 19   concrets - et j'en ai même donné un exemple - de faits concrets, donc, qui

 20   contrediraient certaines des dépositions entendues par les Juges que vous

 21   avez devant vous aujourd'hui et qui permettraient d'étayer l'hypothèse que

 22   vous venez d'exprimer.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] D'abord, fondamentalement, l'objectif était de

 24   protéger ces biens immobiliers, propriétés privées, qui se trouvaient à

 25   Prijedor et qui appartenaient à des citoyens ayant quitté Prijedor. Je

 26   crois que je n'ai peut-être pas été assez clair sur ce point.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin --

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] En deuxième lieu, je tiens à dire --


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous avez été

  2   parfaitement clair sur ce point. Vous nous avez dit cela en termes très

  3   clairs, mais ce n'était pas l'objet de ma question. Je vous demande si vous

  4   disposez de comptes rendus de réunions, de procès-verbaux, éventuellement,

  5   où il serait indiqué explicitement de quelle façon les Musulmans seraient

  6   aidés à revenir, dans quelles conditions il serait possible de leur

  7   restituer leurs propriétés, et cetera ? Je veux dire, je vous demande des

  8   faits concrets qui sont liés à ce que vous savez.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous jetez un coup d'œil aux éléments de

 10   preuve écrits, si c'est à cela que vous pensez, je n'en ai pas. Toutefois,

 11   lors de réunions ultérieures de l'assemblée municipale, ces questions ont

 12   été discutées. J'ai ensuite quitté Prijedor, donc je ne sais pas ce qu'il

 13   est advenu de ces discussions.

 14   Mais il y a une chose que j'ai besoin de dire : la propriété ou les actifs

 15   dont il est question ne sont tombés entre les mains de personne. Quelle que

 16   soit la nature de ces biens, ils ont attendu le retour de leurs

 17   propriétaires légitimes, de leurs propriétaires par la loi, comme tout le

 18   reste en Bosnie-Herzégovine. Donc Prijedor ne s'est pas distingué d'autres

 19   villes, telles que Zenica, Travnik et d'autres.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La dernière partie de votre réponse,

 21   encore une fois, ne correspond pas à ma question. Mais c'est apparemment

 22   quelque chose que vous souhaitiez souligner.

 23   Juge Moloto.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aimerais prendre la parole

 25   maintenant pour ne pas avoir à vous interrompre plus tard, Monsieur Traldi.

 26   Monsieur le Témoin, j'aurais besoin d'un éclaircissement sur l'une de vos

 27   réponses.

 28   Page 50, ligne 15 du compte rendu temporaire d'aujourd'hui, une question


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  1   vous a été posée qui se lit comme suit :

  2    "Pas seulement les personnes les plus importantes au sein du gouvernement,

  3   mais des personnes à tous les niveaux de la société, en particulier des

  4   personnes qui détenaient un poste d'autorité, lorsque ces personnes étaient

  5   Musulmanes et Croates, ont été licenciées de leur travail, n'est-ce pas ?"

  6   Et vous répondez :

  7   "Oui. Je pense que ces licenciements ont eu lieu après la formation des

  8   unités de l'armée de la Republika Srpska. Ceux qui n'acceptaient pas la

  9   création de ces unités militaires sont partis."

 10   Ma question maintenant est la suivante : vous évoquez les unités de l'armée

 11   de la Republika Srpska par rapport à la question qui vous est posée pour

 12   quelle raison ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] La signification de ce lien réside dans le

 14   fait que les unités militaires ont été constituées et ont créé leurs rangs

 15   à partir de ceux qui avaient la volonté de défendre la Republika Srpska et

 16   qui avaient la volonté de vivre au sein de la Republika Srpska. Ceux qui ne

 17   souhaitaient pas le faire ont décidé de quitter Prijedor. Ils se sont donc

 18   licenciés eux-mêmes. Et puis, il y a eu des baisses de production, et

 19   certaines entreprises ont vu le nombre de leurs employés diminuer en raison

 20   des conscriptions. Donc je suppose que le principe ethnique a été utilisé

 21   pour établir ces listes et que des gens ont été licenciés de leurs postes

 22   de travail.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais je crains que vous n'ayez pas

 24   répondu à mes questions. Vous dites aux Juges de la Chambre que le

 25   licenciement des gens a augmenté après la création de la VRS. Je ne

 26   comprends pas dans ces conditions ce que vous entendez par "les unités au

 27   sein desquelles on a versé des soldats de la VRS," parce qu'ils n'ont pas

 28   été licenciés de l'armée, tous ces gens-là, ils ont été licenciés de leurs


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  1   lieux de travail, et vous dites que ceci s'est passé après la création des

  2   unités de la VRS.

  3   Est-ce que je dois comprendre, si je peux m'exprimer un peu

  4   brutalement, que vous êtes en train de dire ici que l'augmentation des

  5   licenciements a eu lieu parce que la VRS voulait la promouvoir ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crains que nous ne nous soyons pas bien

  7   compris. Ce que j'ai dit --

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne vous ai pas demandé ce que vous

  9   avez dit. Je vous ai demandé ce que signifiait ce que vous avez dit. C'est

 10   vous qui avez parlé volontairement de la VRS. La VRS n'était pas mentionnée

 11   dans la question qui vous était posée. Vous avez volontairement introduit

 12   la VRS dans votre réponse en parlant de la création des unités de l'armée

 13   de la Republika Srpska, la VRS.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. J'affirme ici --

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais vous dites "non" à quoi ? Vous

 16   dites que ce n'est pas vous qui avez volontairement parlé de la VRS ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être ai-je évoqué la VRS un peu par

 18   hasard.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez, effectivement, parlé de la

 20   VRS.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Après l'attaque de Prijedor le 30 mai ont eu

 22   lieu des licenciements massifs dans les entreprises, et les personnes

 23   licenciées étaient les non-Serbes. Licenciées massivement; ça, c'est exact.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et selon la déclaration que vous avez

 25   faite, ceci s'est passé après, à partir de la création des unités de la

 26   VRS ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Si cela figure dans ma déclaration

 28   préalable, je le retire.


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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Malheureusement, vous ne pouvez pas le

  2   retirer. Car elle fait partie du dossier, votre déclaration.

  3   Merci, Monsieur Traldi. Vous pouvez procéder.

  4   M. TRALDI : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur, revenons à votre point de vue quant au caractère serbe des

  6   autorités municipales au sein de la Région autonome de Krajina. Une

  7   question vient de vous être posée qui est assez similaire à celle que je

  8   vous ai posée au cours de l'entretien, et vous avez répondu à cette

  9   question :

 10   "Je ne me rappelle pas la dénomination 'serbe', mais c'est possible. Cela

 11   fait longtemps. Je ne me souviens pas. Je pense qu'il n'était pas

 12   particulièrement nécessaire de déclarer qu'il s'agissait d'une municipalité

 13   serbe, parce que cette municipalité faisait déjà partie de la région

 14   autonome serbe."

 15   Et à ce moment-là, on vous demande :

 16   "La Région autonome serbe de Krajina ?"

 17   Et vous répondez :

 18   "Oui."

 19   Puis, on vous demande :

 20   "Qu'entendez-vous par le fait de dire que 'la municipalité est devenue

 21   partie intégrante de la Région autonome serbe de Krajina' ?"

 22   Et vous répondez :

 23   "Toutes les municipalités au sein de la Région autonome serbe de Krajina

 24   avaient des dirigeants serbes. C'est simplement parce que vous m'avez

 25   demandé si la municipalité portait désormais le nom de municipalité

 26   'serbe'. Il n'était pas nécessaire de dire qu'elle était serbe… parce que

 27   c'était logique, puisque toutes les municipalités qui faisaient partie de

 28   la Région autonome serbe de Krajina étaient des municipalités serbes."


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  1   Et vous avez ajouté que vous ne pensiez pas que la dénomination avait

  2   changé. Alors, est-ce que vous maintenez cette partie de vos réponses au

  3   cours de l'entretien avec les représentants du bureau du Procureur dont je

  4   viens de vous donner lecture ? Est-ce que vous maintenez que cette partie

  5   de votre déclaration est véridique et exacte ?

  6   R.  Oui, oui.

  7   Q.  Et vous avez entendu dire, et là je parle de la Région autonome serbe

  8   de Krajina, que le président de sa cellule de Crise, Radislav Brdjanin,

  9   évoquait les Musulmans sous le nom de "balija", n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui, j'en ai entendu parler.

 11   Q.  Et "balija" est un terme péjoratif destiné aux Musulmans, n'est-ce

 12   pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Pour finir, Monsieur, dans votre déposition hier, vous avez dit que la

 15   compagnie minière de Ljubija dans laquelle vous avez travaillé possédait

 16   trois mines : la mine de Ljubija, la mine d'Omarska et la mine de Tomasica.

 17   Il y a quelques instants, vous avez confirmé savoir à l'époque que des gens

 18   étaient détenus dans des conditions terribles et criminelles dans la mine

 19   d'Omarska qui avait été transformée en camp d'Omarska, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui. Je savais que des non-Serbes étaient détenus là-bas.

 21   Q.  La Chambre a entendu des dépositions selon lesquelles il y avait des

 22   fosses communes au sein des propriétés que constituaient les mines de

 23   Ljubija et de Tomasica faisant partie de la compagnie minière de Ljubija.

 24   Est-ce que vous étiez au courant de cela ?

 25   R.  Il y avait des rumeurs selon lesquelles des fosses communes existaient

 26   à Ljubija, mais je n'ai pas été au courant de cela jusqu'à encore il y a

 27   quelques mois.

 28   Q.  Ces fosses communes ont été exhumées en 2013, donc vous êtes au courant


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  1   depuis au moins un an et demi, n'est-ce pas ?

  2   R.  Vous parlez de quoi ? Vous parlez de Ljubija ?

  3   Q.  Tomasica.

  4   R.  Ah, Tomasica. Ah, oui. Oui, comme je vous le dis, je l'ai appris dans

  5   la période récente.

  6   Q.  Donc vous dites dans votre déposition aujourd'hui que vous n'étiez pas

  7   au courant de l'existence de ces fosses communes jusqu'à après la guerre,

  8   même jusqu'à longtemps après la fin de la guerre, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui, effectivement.

 10   Q.  Donc, en tant que procureur militaire, vous n'avez jamais reçu

 11   instruction d'enquêter soit au sujet de la création de ces fosses communes,

 12   soit au sujet des meurtres dont ont été victimes les personnes dont les

 13   corps étaient enterrés dans ces fosses communes, n'est-ce pas ?

 14   R.  Non.

 15   M. TRALDI : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Juge, je

 16   n'ai plus de questions à poser à ce témoin.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Traldi.

 18   Maître Stojanovic, nous allons faire la pause. Mais pouvez-vous nous dire

 19   de combien de temps vous aurez besoin après la pause ?

 20   M. STOJANOVIC : [interprétation] D'après mes calculs, Monsieur le

 21   Président, je devrais avoir besoin d'un maximum de dix minutes. Trois

 22   sujets à aborder.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous allons commencer par faire la

 24   pause.

 25   Monsieur Radulj, vous êtes invité à suivre Mme l'Huissier et à revenir dans

 26   cette salle dans 20 minutes, car nous reprendrons nos travaux à 13 heures

 27   40.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.


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  1   [Le témoin quitte la barre]

  2   --- L'audience est suspendue à 13 heures 18.

  3   --- L'audience est reprise à 13 heures 43.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, pourriez-vous

  5   rappeler à M. Mladic la façon dont il est censé se comporter dans le

  6   prétoire et par rapport à la galerie du public également.

  7   [Le témoin vient à la barre]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Radulj, vous allez répondre aux

  9   questions supplémentaires de Me Stojanovic.

 10   Nouvel interrogatoire par M. Stojanovic :

 11   Q.  [interprétation] Monsieur Radulj, après la création de la VRS et la

 12   mobilisation, est-ce qu'une personne ne faisant pas partie de l'armée ou

 13   n'ayant pas d'obligation militaire pouvait conserver son travail au sein de

 14   l'entreprise, à quelque poste que ce soit ?

 15   R.  Pour autant que je le sache, tous les hommes en âge de porter les armes

 16   étaient soit mobilisés, soit avaient une obligation de travail. Il n'y

 17   avait pas de troisième possibilité, pour autant que je le sache. Et je

 18   parle bien des hommes en âge de combattre.

 19   Q.  Si un homme en âge de combattre, un conscrit militaire, donc, ne

 20   répondait pas à l'appel à mobilisation et n'exprimait pas son désir de

 21   défendre l'Etat, pouvait-il à ce moment-là avoir à répondre de

 22   responsabilité pénale pour avoir refusé cette obligation ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Vous avez parlé de cela déjà en indiquant que c'était un cas

 25   prioritaire pour le traitement d'un dossier judiciaire devant le tribunal

 26   militaire. Mais pour quelle raison ? Pour quelle raison cette priorité ?

 27   R.  De telles affaires étaient prioritaires dans le but de renforcer la

 28   discipline militaire, d'une part. Et d'autre part, dans le but de faire en


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  1   sorte que tout citoyen se plie à son obligation constitutionnelle de

  2   servir, en cas de nécessité, dans les rangs de l'armée.

  3   Q.  Dans la mine de Ljubija, est-ce que des personnes d'origine serbe ont

  4   dû partir pour les raisons susmentionnées ?

  5   R.  Indépendamment de leur appartenance ethnique, ceux qui refusaient de

  6   répondre à l'appel à mobilisation étaient contraints de partir. Dans le cas

  7   contraire, ils étaient soit mis en accusation, soit faisaient l'objet de

  8   poursuites judiciaires ou, en tout cas, d'une enquête, car ces conditions

  9   s'appliquaient également aux citoyens d'appartenance ethnique serbe.

 10   M. STOJANOVIC : [interprétation] J'aimerais demander l'affichage de la

 11   pièce P7385. C'est la page 3 de ce document qui m'intéresse.

 12   Q.  Il y a un instant nous avons vu ce document dans le cadre des questions

 13   qui vous étaient posées par le représentant du bureau du Procureur.

 14   Vous vous rappelez de ce document ?

 15   M. STOJANOVIC : [interprétation] Et je demanderais, en B/C/S uniquement,

 16   l'affichage de la page suivante. En anglais, je crois que c'est la bonne

 17   page qui est à l'écran. En B/C/S, affichage de la page suivante, je vous

 18   prie.

 19   Q.  Une partie de ce rapport vous a déjà été montrée. Un certain nombre de

 20   questions vous ont été posées au sujet de ce document, dont la question

 21   suivante, je cite : "Sur la totalité des salariés de l'entreprise, soit 4

 22   297 salariés, 1 887 ont perdu leur emploi au cours de la première

 23   différenciation ?"

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Où cela se trouve-t-il dans le texte ?

 25   M. STOJANOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge -- oui, vous l'avez

 26   trouvé. Merci.

 27   Q.  Alors, Monsieur le Témoin, est-ce que vous me suiviez ? Donc, 1 887

 28   personnes ont été licenciées. Suite à la procédure légale qui a été menée,


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  1   216 employés ont vu leurs demandes agréées.

  2   Et après vérifications ultérieures, 74 employés supplémentaires ont

  3   été licenciés, dont 16 Serbes qui avaient quitté le territoire de la

  4   Republika Srpska de leur propre volonté. Autrement dit, l'accent est mis

  5   dans ce document sur les raisons pour lesquelles les Serbes ont perdu leur

  6   emploi. Quand on lit qu'ils ont quitté le territoire de la Republika Srpska

  7   de leur propre volonté, qu'est-ce que cela signifie, Monsieur Radulj ?

  8   R.  Au sein du bureau du procureur, nous examinions ces cas de départ et

  9   nous estimions qu'ils étaient motivés par le désir d'échapper à ces

 10   obligations militaires, lorsque la personne concernée était un conscrit, et

 11   nous trouvions ces affaires intéressantes. Quant aux autres cas de départ

 12   motivés par d'autres raisons, ils n'ont pas du tout fait l'objet de notre

 13   travail.

 14   Q.  Je vous pose maintenant la question suivante : si quelqu'un quittait la

 15   ville et l'entreprise dans laquelle il ou elle travaillait, si cette

 16   personne ne se présentait pas au travail du tout pendant un certain temps,

 17   pouvait-elle conserver son emploi selon les lois en vigueur à l'époque ?

 18   R.  Je crois que les lois en vigueur à l'époque stipulaient que si un

 19   salarié était absent de son travail pendant cinq jours consécutifs sans

 20   raison justifiée, cette personne faisait l'objet d'un licenciement

 21   ultérieur, et je crois que nous sommes en train de discuter ce genre de

 22   cas. Je suppose que c'est le cas, parce que je n'ai pas lu l'intégralité du

 23   document.

 24   Q.  Et j'en terminerais avec une autre question.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais intervenir un instant.

 26   Vous avez déjà confirmé que la différenciation concernait une

 27   différenciation réalisée sur des bases ethniques, à savoir des

 28   licenciements de Musulmans et de Croates. Alors, si vous êtes en train de


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  1   dire : "Je crois que c'est le cas, je n'ai pas lu l'intégralité du

  2   document, cela doit signifier qu'il pouvait y avoir d'autres raisons," or,

  3   vous avez confirmé que la différenciation s'était faite sur base ethnique,

  4   et ce qui est écrit dans ce document concerne des différenciations

  5   réalisées dans ce contexte.

  6   Par conséquent, ce que je vous dis, c'est que si vous laissez

  7   entendre à présent qu'il est possible qu'il y ait eu d'autres raisons et

  8   que cette possibilité existe à vos yeux parce que vous n'avez pas lu

  9   l'intégralité du document, or ce document traite de licenciements prononcés

 10   sur la base d'une différenciation répondant aux instructions officielles,

 11   je suppose que c'est cela la différenciation.

 12   Donc, si vous voulez dire maintenant, Eh bien, il y a eu d'autres

 13   raisons pour lesquelles les gens ont été licenciés, très bien, c'est peut-

 14   être le cas, mais pas en rapport avec le document que nous avons sous les

 15   yeux. Et puisque vous vous posiez la question de savoir si vous aviez lu

 16   une quantité suffisante de ce document pour prononcer des commentaires

 17   valables, je suis en train de vous expliquer à présent la façon dont les

 18   mots sont utilisés dans ce document de façon à vous donner la possibilité

 19   de commenter quant à l'usage de ces termes dans le document.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai jamais vu ce document auparavant et la

 21   question m'a été posée par le Procureur sur la base de ce document. Mais

 22   maintenant que le conseil de la Défense m'a lu le document et qu'il vient

 23   de me poser une question, je me suis rendu compte qu'il y avait aussi des

 24   Serbes qui avaient été licenciés. Je sais qu'il y a eu des cas de ce genre.

 25   Toutefois, lorsque j'ai répondu aux questions de M. le Procureur,

 26   j'évoquais la très grande majorité de non-Serbes qui ont refusé de répondre

 27   à l'appel à mobilisation, entre autres; mais il y en a eu d'autres aussi

 28   qui ont été licenciés, comme vous pouvez le voir dans le rapport émanant de


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  1   la mine de Ljubija.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder, Maître Stojanovic.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'ai une question de suivi. Ces 16

  4   Serbes dont il est indiqué qu'ils ont été licenciés l'ont été parce qu'ils

  5   sont partis de leur propre volonté. Alors, à quoi cela aurait-il servi de

  6   maintenir leurs noms sur les feuilles de paye s'ils ne venaient pas

  7   travailler ? En fait, il semble qu'ils aient donné leur démission plutôt

  8   que d'avoir été licenciés.

  9   Je vous remercie.

 10   Maître Stojanovic.

 11   M. STOJANOVIC : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur Radulj, je vais vous poser la question concernant une question

 13   qui vous a été posée à la page 41, ligne 11 à 19 du compte rendu

 14   d'aujourd'hui. On vous a posé la question si les affaires concernant les

 15   non-Serbes en tant que victimes étaient laissées de côté pour être traitées

 16   à un autre moment dans le temps, et vous avez dit que oui. Et je vous pose

 17   la question suivante : pourquoi cela a été fait ?

 18   R.  Je dois souligner le fait suivant. Personne n'a ordonné par écrit que

 19   ces affaires soient laissées de côté, mais c'est la situation qui

 20   nécessitait que les affaires concernant les infractions pénales commises

 21   contre l'armée soient traitées en premier lieu, et également parce qu'il

 22   était presque impossible d'assurer les moyens de preuve pour pouvoir juger

 23   les auteurs de ces infractions pénales de façon légale. Et ni le bureau du

 24   procureur ni le tribunal n'avaient de cadres ni de conditions techniques

 25   pour pouvoir faire cela à l'époque.

 26   Plus tard, lorsque la situation s'est améliorée, ces affaires ont

 27   commencé à être résolues l'une après l'autre. Et même aujourd'hui, devant

 28   les tribunaux en Bosnie-Herzégovine, vous avez les procès qui sont en cours


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  1   concernant ces affaires.

  2   Q.  Monsieur Radulj, au nom de la Défense, je vous remercie d'avoir répondu

  3   à mes questions. Je n'ai plus de questions à vous poser.

  4   R.  Merci.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Stojanovic.

  6   Est-ce que vous avez des questions à poser, Monsieur Traldi, découlant des

  7   questions supplémentaires posées par Me Stojanovic ?

  8   M. TRALDI : [interprétation] Je serai bref, Monsieur le Président.

  9   D'abord, j'aimerais qu'on affiche le document 65 ter 32447.

 10   Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Traldi :

 11   Q.  [interprétation] Il s'agit du document qui émane du bureau du procureur

 12   militaire, et ce bureau se trouvait près de l'état-major principal de

 13   l'armée. Il s'agit de la "Dépêche pour ce qui est des procès au pénal qui

 14   doivent être intentés à l'encontre de personnes qui n'avaient pas répondu à

 15   l'appel à la mobilisation."

 16   M. TRALDI : [interprétation] A la page 5, la fin du document dans les deux

 17   versions.

 18   Q.  Nous voyons que cela a été envoyé à divers bureaux du procureur

 19   militaire, et l'une des priorités était de lancer des poursuites au pénal à

 20   l'encontre des personnes qui n'avaient pas répondu à l'appel à la

 21   mobilisation et que c'est l'état-major principal qui a établi cette

 22   priorité ?

 23   R.  Je n'ai jamais vu ce document auparavant. On ne me l'a jamais montré.

 24   Et je vois que ce document a été rédigé en septembre 1992. Je n'étais pas

 25   au bureau du procureur à l'époque.

 26   Q.  Je suis conscient de cela. Mais est-ce que dans ce document on voit

 27   qu'il s'agit de cette priorité pour ce qui est des activités du bureau du

 28   procureur que vous avez mentionnées lors des questions supplémentaires


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  1   concernant les affaires qui concernaient les gens qui n'avaient pas répondu

  2   à l'appel à mobilisation et que le général Gvero a fait passer ce document

  3   à divers bureaux du procureur militaire ?

  4   R.  Oui.

  5   M. TRALDI : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

  6   document.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela sera la pièce ayant la cote P7386.

  9   M. STOJANOVIC : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection au versement

 10   au dossier.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette pièce est versée au dossier.

 12   M. TRALDI : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant afficher le

 13   document 65 ter 23564 [comme interprété], la page 46.

 14   Je vois qu'il a été consigné au compte rendu que j'ai dit qu'il

 15   s'agit du document "23564". Il faut qu'il y figure 32564. Et regardons le

 16   bas du document.

 17   Q.  J'aimerais vous poser la question suivante concernant les activités du

 18   procureur militaire : "Est-ce qu'il est possible pour un substitut du

 19   procureur d'obtenir un jugement de condamnation dans une affaire… où

 20   l'accusé a procédé aux aveux au procureur militaire et au juge

 21   d'instruction, est-ce qu'une déclaration formelle aurait inclus ces aveux ?

 22   Il s'agit du crime de meurtre ?"

 23   Et je vais résumer brièvement :

 24   "Donc il a été tiré d'une arme.

 25   "Sans déclaration de la part des membres de famille de la victime,

 26   est-ce que dans de telles circonstances on peut obtenir un jugement, un

 27   condamnation ?"

 28   Passons à la page suivante. Il est dit, et je résume votre réponse :


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  1   "Etant donné que les parents n'ont pas témoigné, on ne peut pas conclure

  2   que cela empêcherait que la condamnation soit faite."

  3   Et vous dites :

  4   "Mais cela aurait prévenu ce jugement."

  5   Est-ce que vous maintenez votre réponse aujourd'hui ? Est-ce que vous

  6   maintenez la réponse que vous avez fournie dans cet entretien ? Lorsqu'on a

  7   le cadavre de la victime et lorsque l'auteur du crime a avoué qu'il avait

  8   commis le meurtre, après une expertise balistique, est-ce que dans une

  9   telle situation il y aurait eu des obstacles légaux pour éviter qu'une

 10   condamnation soit rendue ?

 11   R.  Comme sur la base de ce que vous avez dit, il n'y a aucune raison pour

 12   laquelle une condamnation n'aurait pas été prononcée.

 13   M. TRALDI : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser à ce témoin.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Traldi.

 15   Monsieur Radulj, on est arrivé à la fin de votre témoignage devant ce

 16   Tribunal. J'aimerais vous remercier d'être venu à La Haye, d'avoir fait le

 17   long voyage pour venir ici. Je vous remercie d'avoir répondu à toutes les

 18   questions qui vous ont été posées par les parties et par les Juges de la

 19   Chambre. Je vous souhaite un bon voyage de retour. Vous pouvez maintenant

 20   suivre Mme l'Huissier et quitter le prétoire.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 22   [Le témoin se retire]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons encore un peu de temps. Nous

 24   allons traiter alors de certaines questions bien pratiques.

 25   Je veux tout d'abord rendre deux décisions. Peut-être qu'elles prendront le

 26   reste du temps que nous avons à notre disposition. La première est la

 27   décision de la Chambre concernant le rapport d'expert du Témoin Svetlana

 28   Radovanovic au sujet de son analyse des rapports d'expert de l'Accusation


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  1   dont les auteurs sont les Témoins Ewa Tabeau et Helge Brunborg.

  2   Le 9 février 2004, la Défense a soumis une notification de communication du

  3   rapport d'expert de Svetlana Radovanovic conformément à l'article 94 bis du

  4   Règlement de preuve et de procédure. L'Accusation a répondu le 11 mars en

  5   soumettant qu'elle ne contestait pas le statut d'expert de Radovanovic ou

  6   la pertinence de son rapport, mais elle n'accepte pas les conclusions du

  7   rapport et elle souhaite la contre-interroger.

  8   Le 25 mars, la Défense a soumis une réponse à la requête de l'Accusation du

  9   11 mars.

 10   Le 1er avril, l'Accusation a demandé l'autorisation de répondre et a soumis

 11   sa réplique à la réponse de la Défense. La Chambre traitera des requêtes du

 12   25 mars et du 1er avril dans une décision séparée.

 13   A l'égard de la loi qui s'applique concernant les dépositions des témoins

 14   experts, la Chambre rappelle et fait référence à sa décision du 19 octobre

 15   2012 concernant le Témoin expert Richard Butler.

 16   Sur la base du curriculum vitae de Mme Radovanovic et compte tenu du fait

 17   que l'Accusation ne conteste pas les qualifications de Mme Radanovic en

 18   tant qu'expert en matière de démographie, la Chambre est satisfaite et

 19   considère qu'elle a suffisamment de connaissances spécialisées et

 20   d'expertise et que de telles connaissances et expertise peuvent être utiles

 21   à la Chambre pour évaluer la déposition du témoin expert présenté par

 22   l'Accusation.

 23   A l'égard de la requête de l'Accusation visant à contre-interroger le

 24   témoin, la Chambre note que la Défense planifie de citer à la barre Mme

 25   Radovanovic. L'Accusation aura donc l'opportunité de la contre-interroger.

 26   Sur la base de ce qui a été mentionné, la Chambre décide, conformément à

 27   l'article 92 [comme interprété] bis, que le Témoin Radovanovic peut être

 28   citée à la barre en tant que témoin expert et sera disponible à


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  1   l'Accusation pour un contre-interrogatoire.

  2   La Chambre reporte sa décision portant sur le versement au dossier du

  3   rapport jusqu'au moment de la déposition du témoin.

  4   Ainsi se termine la décision de la Chambre.

  5   Puis, la décision suivante sur laquelle se prononcera la Chambre concerne

  6   la décision sur le rapport d'expert du Témoin Dragan [comme interprété]

  7   Gojkovic à l'égard de la destruction des sites religieux en Bosnie-

  8   Herzégovine entre 1992 et 1995 et son analyse du rapport d'expert de

  9   l'Accusation dont l'auteur est Andras Riedlmayer.

 10   Le 13 février 2015, la Défense a soumis une notification de

 11   communication du rapport d'expert de Dragan Gojkovic conformément à

 12   l'article 94 bis du Règlement de procédure et de preuve.

 13   L'Accusation a répondu le 16 mars en disant qu'alors qu'elle ne

 14   conteste pas le statut d'expert de Gojkovic ni la pertinence de son

 15   rapport, elle n'accepte pas les conclusions du rapport et, par conséquent,

 16   demande de le contre-interroger. L'Accusation indique également que les 15

 17   documents en annexe du rapport ne devraient pas être considérés comme

 18   partie intégrale du rapport et que la Défense devrait demander qu'ils

 19   soient ajoutés à la liste des pièces à conviction 65 ter et les verser au

 20   dossier séparément.

 21   Le 30 mars, la Défense a répondu à la requête de l'Accusation du 16

 22   mars.

 23   Le 7 avril, l'Accusation a demandé l'autorisation de répliquer et a

 24   soumis sa réplique à la réponse de la Défense. La Chambre traitera des

 25   requêtes du 30 mars et du 7 avril dans une décision séparée.

 26   Pour ce qui est de la loi qui s'applique à l'égard de la déposition

 27   des témoins experts, la Chambre rappelle et fait référence à sa décision du

 28   19 octobre 2012 concernant le Témoin expert Richard Butler.


Page 35586

  1   Sur la base du curriculum vitae de Gojkovic et compte tenu du fait

  2   que l'Accusation ne conteste pas les qualifications de Gojkovic en tant

  3   qu'expert sur la destruction des sites religieux en Bosnie-Herzégovine

  4   entre 1992 et 1995, la Chambre est convaincue qu'il a les connaissances

  5   spécialisées et l'expertise en la matière et que de telles connaissances et

  6   expertise peuvent être utiles à la Chambre pour évaluer la déposition du

  7   témoin expert de l'Accusation.

  8   Pour ce qui est de la demande de l'Accusation de contre-interroger le

  9   témoin, la Chambre note que la Défense planifie de citer à la barre

 10   Gojkovic. Donc l'Accusation aura l'opportunité de le contre-interroger.

 11   Pour ce qui est de la requête de l'Accusation concernant les 15

 12   documents en annexe du rapport, la Chambre invite la Défense à requérir

 13   qu'ils soient ajoutés à la liste des pièces à conviction 65 ter.

 14   Sur la base de ce qui a été susmentionné, la Chambre décide,

 15   conformément à l'article 94 bis, que le Témoin Gojkovic peut être cité à la

 16   barre en tant que témoin expert sur la destruction des sites religieux en

 17   Bosnie-Herzégovine entre 1992 et 1995 et être à la disposition de

 18   l'Accusation pour un contre-interrogatoire.

 19   La Chambre reporte sa décision sur le versement au dossier du rapport

 20   jusqu'à la déposition du témoin.

 21   Ainsi se termine la décision de la Chambre.

 22   Il nous reste encore deux minutes, donc je vais traiter d'encore un

 23   ou deux points qui sont restés en suspens.

 24   Je vais commencer par les pièces à conviction associées au Témoin

 25   Vidoje Blagojevic, sa déclaration, qui restent en suspens.

 26   Les 1er et 2 avril, la Chambre a demandé si l'omission de la Défense de

 27   traiter du document dont le numéro 65 ter est 14584 au cours de la

 28   déposition du Témoin Vidoje Blagojevic voulait dire que ce document est


Page 35587

  1   retiré en tant que pièce à conviction associée.

  2   La Chambre n'a pas entendu de réponse de la Défense concernant ce

  3   point et considère que son silence est un retrait implicite. La Défense a

  4   la possibilité de revoir la question dans un délai de trois jours.

  5   Puis, concernant l'admission de la pièce P7038.

  6   Le 21 janvier de cette année, la Chambre a marqué aux fins

  7   d'identification sous pli scellé la pièce P7038 sur la base de la requête

  8   de l'Accusation indiquant que l'ensemble du document ne doit pas

  9   nécessairement être versé au dossier. Ceci figure à la page du compte rendu

 10   d'audience 30 337.

 11   Le 2 avril, l'Accusation a informé la Chambre par le biais d'un

 12   courriel électronique que les parties ont discuté de la question et

 13   qu'elles sont en accord pour que P7038 soit versé au dossier.

 14   En supposant que la Défense n'y fait pas objection, la Chambre verse

 15   au dossier la pièce P7038 sous pli scellé.

 16   Nous allons lever l'audience et reprendrons notre travail le jeudi 14

 17   mai, à 9 heures 30.

 18   --- L'audience est levée à 14 heures 15 et reprendra le jeudi 14 mai 2015,

 19   à 9 heures 30.

 20  

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