Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 11 novembre 2015

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 31.

  5   [La Chambre de première instance se concerte]

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes dans la salle

  7   d'audience, au personnel qui nous assiste dans nos travaux.

  8   Madame la Greffière, veuillez la cote de l'affaire.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Ceci est

 10   l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 12   Il y a deux points que je souhaite soulever brièvement avant de reprendre

 13   la déposition du témoin.

 14   Le premier point concerne le Témoin expert Stankovic. Dans son dernier

 15   rapport concernant les experts relatifs à Tomasica, la Défense a annoncé

 16   qu'elle souhaitait élargir le cadre de la déposition du Témoin expert

 17   Stankovic pour inclure les éléments de preuve contenus dans le rapport du

 18   feu Dusan Dunjic. Les Juges de la Chambre sont préoccupés par la question

 19   de savoir si cela doit remettre à plus tard la déposition de M. Stankovic,

 20   et est-ce que les parties au procès ont parlé d'une éventuelle admission au

 21   dossier du rapport rédigé par M. Dunjic en vertu de l'article 94 bis (C).

 22   Monsieur Tieger, à vous.

 23   M. TIEGER : [interprétation] Je ne souhaite pas entrer dans les détails des

 24   discussions qui ont été menées, mais je sais que M. McCloskey a parlé avec

 25   la Défense longuement et il a manifesté de la part de l'Accusation une

 26   volonté de flexibilité et d'arriver à un accord et d'accepter les arguments

 27   de la Défense relatifs au rapport ou au témoignage, je pense que des

 28   progrès ont été réalisés. Et je pense que la Défense, elle aussi, a fait


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  1   preuve d'un esprit conciliateur, mais je ne sais pas si on est arrivés à un

  2   accord officiel. Je pense que Me Lukic peut en dire davantage, ou alors je

  3   peux contacter M. McCloskey et faire savoir aux Juges de la Chambre ce qui

  4   en est un peu plus tard.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, est-ce que les discussions

  6   sont toujours en cours ou est-ce que vous êtes sur le point de les

  7   finaliser ?

  8   M. LUKIC : [interprétation] Je pense que les débats sont toujours en cours.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et à quel moment croyez-vous pouvoir

 10   arriver ou passer à l'étape suivante ?

 11   M. LUKIC : [interprétation] Très prochainement, je crois.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 13   [La Chambre de première instance se concerte]

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, les Juges de la Chambre

 15   souhaitent être informés du résultat ou des issues de ces débats -

 16   évidemment nous espérons que le résultat sera positif - et nous voulons

 17   avoir de vos nouvelles dans une semaine au plus tard.

 18   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'imagine qu'à ce moment-là-là vous nous

 20   ferez savoir aussi à quel moment nous devons nous attendre à recevoir le

 21   rapport de M. Stankovic, puisque la décision relative à l'admission du

 22   rapport de M. Dunjic a une incidence sur le rapport de M. Stankovic rédigé

 23   en sa qualité d'expert - et c'est une question tout aussi urgente que

 24   d'autres questions qui sont restées en suspens.

 25   Alors, pour le point suivant, il faut passer à huis clos partiel.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 27   Messieurs les Juges.

 28   [Audience à huis clos partiel]


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 24   [Audience publique]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 26   Monsieur Zec, il semblerait que vous avez utilisé 46 minutes jusqu'à

 27   présent.

 28   M. ZEC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.


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  1   Par ailleurs, je vous signale que nous avons téléchargé les extraits de

  2   l'interview accordée par Milan Martic que j'ai utilisés hier, que j'ai

  3   présentés au témoin hier. Ces extraits portent maintenant la cote 6754a sur

  4   la liste 65 ter. La cote P réservée pour ces extraits est P7638. Et je

  5   pense que maintenant ce document peut être admis au dossier de façon

  6   définitive.

  7   [Le témoin vient à la barre]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Peut-être faudrait-il attendre jusqu'à la fin

 10   des questions supplémentaires. Nous avons l'intention de nous servir de ce

 11   même document, et nous allons demander que d'autres extraits soient admis

 12   aussi.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, nous attendrons un petit peu,

 14   mais du moins, nous avons à présent les extraits choisis par l'Accusation

 15   qui ont été téléchargés.

 16   Bonjour, Monsieur Strbac. Avant de continuer, je tiens à vous rappeler que

 17   la déclaration solennelle que vous avez prononcée au début de votre

 18   déposition est toujours en vigueur, à savoir vous vous êtes engagé à dire

 19   la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Par ailleurs, je vous

 20   rappelle qu'il faut vous concentrer sur les questions posées au moment de

 21   fournir les réponses. M. Zec va maintenant reprendre son contre-

 22   interrogatoire.

 23   Vous avez la parole, Monsieur Zec.

 24   M. ZEC : [interprétation] Merci.

 25   LE TÉMOIN : SAVO STRBAC [Reprise]

 26   [Le témoin répond par l'interprète]

 27   Contre-interrogatoire par M. Zec : [Suite]

 28   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Strbac. Aujourd'hui, je voudrais


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  1   vous parler d'une autre opération qui a été menée par la Défense

  2   territoriale de Benkovac. Skabrnja et Nadin sont deux villages qui se

  3   situent dans la région entre Benkovac et Zadar, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui. Skabrnja appartient au territoire de la municipalité de Zadar,

  5   tandis que Nadin appartient à la municipalité de Benkovac.

  6   Q.  Et ces villages avaient une population croate pratiquement à 99 %,

  7   n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Vous n'êtes pas sans savoir que la Défense territoriale de Benkovac a

 10   participé à une attaque lancée sur ces deux villages le 18 novembre 1991,

 11   n'est-ce pas ?

 12   R.  Elle n'a pas agi de façon indépendante.

 13   Q.  Très bien. Je vais vous poser des questions plus pointues.

 14   Alors, les Juges de la Chambre se sont vu présenter -- en fait, avant de

 15   poursuivre, vous venez de confirmer que cette unité a bien participé à

 16   l'attaque, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui, oui. J'ai dit que l'unité y a bien participé.

 18   Q.  Les Juges de cette Chambre se sont vu présenter les cahiers de note du

 19   général Mladic qui nous montrent que le 17 novembre 1991, le général Mladic

 20   et le commandement du 9e Corps ont défini les tâches à exécuter par les

 21   unités à Skabrnja et Nadin, il s'agissait des opérations de ratissage. Ceci

 22   figure dans la pièce P349, pages 348 à 356. Vous étiez au courant du fait

 23   que le 9e Corps d'armée de la JNA se trouvait à la tête de cette opération,

 24   n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Au cours de cette opération, le 18 novembre 1991 et par la suite, les

 27   forces serbes ont tué des civils croates dans ces villages, n'est-ce pas ?

 28   R.  Il y a eu des victimes parmi les civils, mais aussi parmi les soldats,


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  1   des deux côtés.

  2   Q.  Au moins 48 corps de victimes ont été remis entre les mains de la

  3   partie croate, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   M. ZEC : [interprétation] Est-il possible d'afficher le document 33427 de

  6   la liste 65 ter, s'il vous plaît.

  7   Q.  Ceci est un extrait tiré du Journal médical croate, la date est l'année

  8   1992. Le texte n'existe que dans la version anglaise, mais je vais vous

  9   donner lecture d'une partie du premier paragraphe, où on peut lire ce qui

 10   suit :

 11   "44 personnes ont été tuées à Skabrnja; sept ont été tuées à Nadin. L'âge

 12   des victimes allait de 23 ans à 92 ans, pratiquement la moitié des victimes

 13   étaient des femmes. La plupart des victimes ont été exécutées par des tirs

 14   qui ont été tirés de près … plusieurs victimes ont subi des tortures avant

 15   d'être exécutées … une femme a été touchée par des tirs et un char lui a

 16   passé par-dessus le corps."

 17   Cela concerne bien les corps que vous avez remis aux Croates, n'est-ce

 18   pas ?

 19   R.  Eh bien, j'imagine que oui. Je ne sais pas de quelle façon ces

 20   personnes ont été tuées et si elles ont été torturées avant d'être tuées.

 21   Je ne sais rien sur ce point-là. C'est ce qui est indiqué dans ce document.

 22   Mais est-ce que la chose s'est vraiment passée ainsi, je n'en sais rien.

 23   M. ZEC : [interprétation] Je souhaite demander le versement au dossier de

 24   ce document, Messieurs les Juges.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 33427 de la liste 65 ter

 27   recevra la cote P7644.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document est admis au dossier.


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  1   M. ZEC : [interprétation]

  2   Q.  Mis à part cet exemple, Monsieur Strbac, vous saviez que les jeunes

  3   soldats serbes qui ont participé à ces opérations en 1991 ont reçu des

  4   consignes de la part de leurs supérieurs hiérarchiques sur la base

  5   desquelles ils passaient de l'autre côté pour tuer toutes les personnes sur

  6   qui ils tombaient, n'est-ce pas ?

  7   R.  Non, je dois avouer que je ne comprends pas très bien le sens de votre

  8   question. Ils passaient de quel côté ?

  9   Q.  Je parlais de l'autre côté de la ligne du front, au territoire contrôlé

 10   par les Croates, c'est là que se dirigeaient ces jeunes soldats serbes,

 11   donc ils traversaient la ligne du front et tuaient toutes les personnes sur

 12   lesquelles ils tombaient sans aucune distinction, n'est-ce pas ?

 13   R.  Je ne saurais le confirmer. Je l'entends pour la première fois de votre

 14   bouche. L'opération que vous avez évoquée à Skabrnja et Nadin a bien eu

 15   lieu. La bataille a duré deux jours, et les conflits ont été féroces. Il y

 16   a eu des victimes des deux côtés, mais en ce qui concerne le reste…

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Zec, les interprètes vous

 18   invitent à parler un peu plus haut.

 19   M. ZEC : [interprétation] J'en tiendrai compte.

 20   Q.  Monsieur, vous avez déposé dans l'affaire Hadzic, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Et est-ce que vous confirmez avoir dit la vérité à la Chambre dans

 23   cette affaire ?

 24   R.  Oui, je crois avoir dit la vérité.

 25   Q.  Ce que je viens de vous dire au sujet des consignes données aux soldats

 26   et sur la base desquelles ils traversaient la ligne du front et tuaient

 27   sans distinguer toutes les personnes qu'ils trouvaient sur place, c'est ce

 28   que vous avez dit aux Juges de la Chambre dans l'affaire Hadzic. Si vous le


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  1   souhaitez, je peux vous le montrer. Mais cela fait partie de votre

  2   témoignage. Est-ce que vous le confirmez ?

  3   R.  Mais je n'ai jamais rien dit de semblable, voyons.

  4   M. ZEC : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, afficher le document

  5   33410 de la liste 65 ter. Il nous faut la page 115. Il s'agit du compte

  6   rendu d'audience de l'affaire Hadzic et la page du compte rendu d'audience

  7   qui nous intéresse est 12 550.

  8   Q.  Ici, le conseil de la Défense vous a posé des questions au sujet d'une

  9   affaire qui vous préoccupait, à quoi vous avez répondu :

 10   "Si je me souviens bien de cette affaire, il s'agissait d'un jeune soldat

 11   qui a été amené à la ligne de front. Ses supérieurs hiérarchiques lui ont

 12   dit : Tout ce qui se trouve de l'autre côté, ce sont tes ennemis. Ce soldat

 13   a traversé la ligne de front lui-même et il a tué toutes les personnes

 14   qu'il a trouvées de l'autre côté, y compris un couple marié, il s'agissait

 15   de personnes âgées. Il est revenu en courant et en criant : 'Youhouhou', je

 16   viens de tuer deux Oustachi."

 17   Et un peu plus loin, vous dites :

 18   "Dans le cadre de la procédure d'appel, j'ai défendu toutes ces

 19   jeunes personnes qui ont été forcées à tuer. Je souhaitais alors et je le

 20   souhaite au jour d'aujourd'hui que ceux qui les ont forcés à s'engager dans

 21   la guerre soient emmenés devant des tribunaux…"

 22   Alors voilà ce que vous avez déclaré dans l'affaire Hadzic. Est-ce que vous

 23   le confirmez ?

 24   M. LUKIC : [interprétation] Oui, mais cela est différent par rapport à la

 25   question qui a été posée, qu'ils avaient reçu l'ordre de tuer n'importe qui

 26   et tout le monde. Ici, nous voyons qu'on lui a dit que tout le monde qui se

 27   trouvait de l'autre côté faisait partie des forces ennemies.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais cela implique, néanmoins,


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  1   qu'ils ont été obligés de tuer. Ce n'est pas littéralement la même chose.

  2   Mais M. Zec vous a maintenant lu ce que vous avez dit mot à mot, ou ce qui

  3   a été enregistré comme étant votre déposition. Est-ce que vous le confirmez

  4   ou est-ce que vous remettez en question ces propos ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, il s'agissait d'une affaire où j'ai

  6   défendu un homme accusé d'avoir tué deux personnes âgées qui se trouvaient

  7   de l'autre côté de la ligne de front, et ce jeune homme a été condamné;

  8   mais on ne peut pas généraliser, c'est un cas de figure. En tant que son

  9   conseil de la Défense, je me suis servi de cette histoire dans le cadre de

 10   la procédure d'appel et dans le cadre du mémoire d'appel que j'ai rédigé,

 11   une fois qu'il a été proclamé coupable et condamné. Donc, j'ai demandé

 12   qu'on lui accorde un pardon puisqu'il n'était pas coupable. Quelqu'un

 13   l'avait ramené à la ligne de front en lui disant : Voilà la ligne de front

 14   et tout ce qui se trouve de l'autre côté fait partie de tes ennemis.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais la question posée est fort simple :

 16   est-ce que vous confirmez la déposition que vous avez fournie dans

 17   l'affaire Hadzic ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais il est impossible de fournir une réponse

 19   aussi simple, puisque le Procureur m'a posé une question, et maintenant il

 20   généralise ce qui a été dit dans cette affaire. Or, ce n'est pas ainsi que

 21   les choses se passaient. Je ne peux pas répondre de la sorte.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, la question que je

 23   vous pose est fort simple : est-ce que vous confirmez ce que vous avez dit

 24   dans l'affaire Hadzic ? Oubliez la question qui vous a été posée par M.

 25   Zec.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en gardant à l'esprit l'explication que

 27   j'ai fournie. Donc, il s'agissait d'une procédure d'appel dans un cas de

 28   figure concret où j'exerçais le rôle du conseil de la Défense.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur Zec.

  2   M. ZEC : [interprétation] Je souhaite demander le versement au dossier de

  3   cette page.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document recevra la cote P7645,

  6   Messieurs les Juges.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document est admis au dossier.

  8   M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Juge, nous allons sans doute

  9   demander que l'on verse au dossier plusieurs pages de ce document pour

 10   avoir un contexte plus large.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, si tel est le cas, Mme la

 12   Greffière recevra par la suite la consigne pour télécharger une nouvelle

 13   version.

 14   Monsieur le Témoin, vous avez dit que cela concernait un seul cas de

 15   figure, mais dans le texte qui vous a été lu, vous avez déclaré par

 16   ailleurs :

 17   "J'ai défendu tous ces jeunes hommes qui ont été forcés de tirer sur des

 18   gens et de les tuer."

 19   S'il s'agissait d'un seul cas individuel, alors cela ne concorde pas

 20   complètement avec cette évocation de "tous les jeunes gens qui ont été

 21   forcés de tirer sur des gens et de les tuer."

 22   Avez-vous des observations à formuler ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Si on tirait un peu partout, à un

 24   moment donné, en fait, j'ai assuré la défense de quelque 30 personnes dont

 25   certaines avaient tué leurs propres pères, d'autres avaient tué leurs

 26   camarades, et cetera. Donc, en tant qu'avocat, je défendais toutes les

 27   personnes accusées. C'est dans ce sens-là que je me suis exprimé.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et êtes-vous en train de nous dire


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  1   qu'ils étaient tous forcés de tuer leurs propres pères, leurs propres

  2   camarades parce qu'on ne peut pas dire vraiment qu'ils ont été forcés ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Personne ne leur a dit de pointer leur fusil

  4   vers leur père en disant : Voilà, tire sur ton père. C'était une situation

  5   de guerre, tout simplement. Et lorsque vous avez une situation de guerre,

  6   et qu'il y a des armes un peu partout, il est facile de tirer sur la

  7   gâchette et de tuer les personnes, même vos proches, sans parler de vos

  8   ennemis. C'est mon point de vue en ce qui concerne la guerre, et cela n'a

  9   rien à voir avec les questions qui viennent de m'être posées par

 10   l'Accusation.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous des cas de figure précis que

 12   vous pouvez citer ? Est-ce que vous pouvez citer le nom d'un soldat qui a

 13   été forcé de tuer son père ou son camarade.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais non, absolument pas.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Monsieur Zec.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, absolument pas. Je n'ai jamais défendu un

 17   homme forcé de tuer quelqu'un. L'homme dont j'assurais la défense

 18   s'appelait, je crois, Nikola Gagic, c'est un jeune homme --

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, vous avez répondu à ma question.

 20   Vous me dites que vous êtes incapable de citer des cas de figure précis.

 21   Monsieur Zec, vous pouvez continuer.

 22   M. ZEC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'était tout simplement pas là.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Strbac, veuillez, s'il vous

 25   plaît, écouter attentivement la question suivante et apporter vos réponses.

 26   Monsieur Zec, à vous.

 27   M. ZEC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 28   Q.  Suite aux événements qui se sont produits à Skabrnja et à Nadin, les


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  1   femmes, les enfants et les personnes âgées qui y étaient restés, on les a

  2   fait monter à bord d'autocars, on les a transportés à Benkovac, puis sur un

  3   jour ou deux, on les a remis entre les mains de la partie croate, n'est-ce

  4   pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Hier, lorsque Me Lukic vous a demandé si les Serbes offraient des

  7   Croates civils aux fins d'échange, vous avez dit que les deux parties

  8   détenaient des civils. Ceci figure à la page du compte rendu d'audience 41

  9   100. Et vous avez cité un exemple lorsque vos hommes à Benkovac ont arrêté

 10   huit Croates pour les échanger contre des Serbes. Cela figure à la page du

 11   compte rendu d'audience 41 081.

 12   Au cours de ces échanges qui ont eu lieu, les civils que l'on avait fait

 13   sortir du territoire de la SAO de Krajina, on les a fait venir sur le

 14   territoire contrôlé par les Croates, n'est-ce pas ?

 15   R.  Il va falloir que vous m'expliquiez un peu votre question. Au départ,

 16   vous avez évoqué ce que j'ai fait au niveau des civils de Skabrnja, puis

 17   vous avez passé à un autre sujet. Veuillez préciser votre question, s'il

 18   vous plaît. Est-ce que votre question concerne directement ce qui s'est

 19   produit à Skabrnja et à Nadin, ou est-ce que votre question concerne autre

 20   chose ?

 21   Q.  En ce qui concerne Skabrnja, vous avez confirmé que ces personnes

 22   avaient été déplacées vers le territoire croate. Alors maintenant, je vous

 23   pose des questions au sujet de la déposition que vous avez fournie hier

 24   lorsque vous avez parlé des civils que les parties au conflit détenaient.

 25   Vous avez fourni un exemple en disant que vos hommes ont arrêté des civils

 26   croates à Benkovac pour les échanger. Ma question est fort simple : les

 27   civils qui étaient arrêtés de la sorte, on les faisait sortir du territoire

 28   de la SAO de Krajina pour les faire passer de l'autre côté, du côté croate,


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  1   n'est-ce pas ?

  2   R.  Mais quels civils, de quels "civils" parlez-vous ? Des civils qui ont

  3   été arrêtés à Benkovac, parlez-vous de ces huit hommes-là, ou de quoi

  4   parlez-vous exactement ? Vous dites "tous les civils". A quels civils

  5   pensez-vous ?

  6   Q.  Eh bien, prenons l'exemple de ces huit Croates de Benkovac. Ils ont été

  7   mis en état d'arrestation, on les a fait sortir du territoire de la SAO de

  8   Krajina, et on les a transférés vers le territoire contrôlé par les

  9   Croates ?

 10   R.  [aucune interprétation]

 11   Q.  Je pense que vous avez répondu affirmativement, mais cela n'a pas été

 12   enregistré dans le compte rendu d'audience.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous confirmez, donc, que ces civils ont

 14   été transférés --

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. C'est moi qui assurais l'échange.

 16   J'en ai parlé hier. C'était le premier échange que j'avais assuré. Oui.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Monsieur Zec.

 18   M. ZEC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le document 33419 de

 19   la liste 65 ter, s'il vous plaît. Ceci est un article tiré de Slobodna

 20   Dalmacija, la date de l'article c'est le mois d'août 1991. Il y est

 21   question d'un échange qui s'est produit non loin de Skabrnja, entre le côté

 22   croate et serbe. Dans la version en B/C/S, il faut se concentrer sur la

 23   dernière colonne, à droite; et dans la version anglaise, l'extrait qui nous

 24   intéresse figure à la première page de cette traduction partielle.

 25   Q.  Donc, juste avant le dernier paragraphe, on peut y lire :

 26   "A ce moment-là, l'avocat de Benkovac, Savo Strbac, est arrivé et il a

 27   signé les documents permettant d'effectuer l'échange et les a signés au nom

 28   de la partie de Benkovac."


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  1   Un peu plus loin, on évoque les huit Croates qui ont fait l'objet de cet

  2   échange. Donc, il s'agit bien là de l'échange que vous avez évoqué, du

  3   premier échange que vous avez organisé, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui, oui. C'est bien l'échange que j'ai assuré. Alors quant à savoir si

  5   la teneur de cet article correspond à la vérité, on peut en discuter.

  6   Q.  Eh bien, dans le même paragraphe, un peu plus bas, nous trouvons une

  7   question, que je cite :

  8   "Pourquoi tous ces hommes ont-ils été placés en détention pendant trois

  9   jours ?"

 10   "Dès que l'un d'entre eux a déclaré qu'il livrait des journaux dans

 11   les stands de presse de Benkovac, et c'est d'ailleurs devant ce stand qu'il

 12   a été arrêté … il me semble que les hommes de Martic auraient pu arrêter

 13   n'importe qui de la même façon,' déclare Brato Vulelija, 'en effet, il y en

 14   a qui a été arrêté devant son magasin et la plupart d'entre eux lorsqu'ils

 15   descendaient d'un autobus…'"

 16   Donc voilà dans quelle condition les gens ont été arrêtés, n'est-ce pas ?

 17   R.  C'est exact. C'est exact. Et je l'ai déjà dit avant et je le répète

 18   aujourd'hui, que cinq Serbes ont été arrêtés du côté croate; et qu'à

 19   Benkovac, huit hommes ont été arrêtés, avant que l'on ne procède à un

 20   échange. J'ai rédigé un article au sujet de cela pendant la guerre, qui a

 21   été publié, qui est paru.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense qu'hier vous nous avez pas

 23   expliqué pour quelles raisons ils ont été arrêtés. Vous avez déclaré qu'ils

 24   avaient été arrêtés, vous avez parlé de leur échange. Mais est-ce qu'ils

 25   ont été arrêtés afin que l'échange ait lieu, ou est-ce que d'autres motifs

 26   justifiaient leur arrestation ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant du groupe dont nous parlons en ce

 28   moment, le seul motif était l'organisation d'un échange. Autrement dit, eh


Page 41153

  1   bien, pour que vous nous rendiez nos hommes, vous voyez, il y a des gens

  2   qui sont allés prendre un bain dans la mer et qui ont été arrêtés

  3   simplement pour que l'échange puisse avoir lieu, et que nos hommes nous

  4   soient restitués. C'était comme cela que ça fonctionnait à l'époque.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais même si ce n'est pas très joli

  6   d'arrêter des gens qui sont en train de prendre un bain de mer, quelle est

  7   la justification légale qui a été avancée pour l'arrestation de ces huit

  8   Croates ? Est-ce que le seul objectif cité a été celui d'organiser un

  9   échange ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que les policiers ont mis par écrit, je n'y

 11   ai pas eu accès à ce moment-là, mais quand je suis parti à Zadar, on m'a

 12   simplement dit que je devais intervenir dans le dossier en rapport avec

 13   cinq des accusés. On m'a dit : Dites-leur que si les nôtres sont relâchés,

 14   nous allons les relâcher, eux. Je ne sais pas s'il y avait le moindre

 15   fondement juridique expliquant cette arrestation ou si les personnes

 16   arrêtés ont été emmenées au commissariat de police pour attendre la suite

 17   de l'affaire.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous interrogeais au sujet de

 19   l'arrestation des huit Croates, et pas au sujet des Serbes qui ont été

 20   arrêtés, mais au sujet des Croates, quel était le fondement juridique

 21   justifiant leur arrestation.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je parlais d'eux également. Je pourrais relire

 23   la liste, le document concernant les Serbes mais pas les Croates. Est-ce

 24   qu'il y a un fondement juridique ou pas, je ne sais pas. Ils ont été

 25   emmenés au poste de police et ils m'ont dit qu'ils étaient restés deux ou

 26   trois jours après leur arrestation, en attente de nouveaux événements, en

 27   attente de l'échange.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai compris ce que vous avez dit dans


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  1   votre déposition hier, mais je vous prie de me dire si je me trompe en vous

  2   affirmant que j'ai compris que cinq Serbes ont été arrêtés pour des raisons

  3   qui n'étaient pas de bonnes raisons et qu'ensuite huit Croates ont été

  4   arrêtés afin qu'un échange soit organisé. Je vous parle maintenant des

  5   motifs qui auraient pu être avancés pour justifier l'arrestation des huit

  6   Croates.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais vous venez de dire ce que j'ai déjà dit

  8   hier. J'ai compris qu'ils avaient été arrêtés uniquement dans le but

  9   d'organiser l'échange concernant les cinq autres. Il n'y a pas de grande

 10   question philosophique derrière tout ça.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc nous parlons de la même chose.

 12   Alors, quel est le fondement juridique qui a permis l'arrestation des huit

 13   Croates -- ou, plutôt, il n'y avait aucun fondement juridique justifiant

 14   l'arrestation des huit Croates afin d'organiser un échange de ces huit

 15   Croates contre les cinq Serbes, n'est-ce pas ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais on est en train de tourner en rond. Moi,

 17   je vous dis que je n'ai pas vu quoi que ce soit d'écrit. La seule chose que

 18   je sais, c'est ce que les policiers m'ont dit, à savoir que je pouvais

 19   partir pour assister à un échange. Voilà, c'est tout. On ne m'a jamais rien

 20   dit d'autre. Ce que je sais c'est que c'étaient des gens qui n'avaient rien

 21   de particulier, qui étaient des gens comme tout le monde, qui allaient à

 22   leur travail. Leur seule faute c'était d'être des Croates, comme la seule

 23   faute des Serbes, enfin, c'était d'être Serbes, rien d'autre. Et ils ont

 24   été arrêtés.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ceci permet de préciser la

 26   question.

 27   Monsieur Zec, à vous.

 28   M. ZEC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je


Page 41155

  1   demande le versement au dossier de cet article de presse.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

  3   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 65 ter numéro 33419 devient

  4   la pièce à conviction P7646.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui est admise au dossier de l'espèce.

  6   Veuillez procéder.

  7   Maître Lukic, je suppose que si le contexte qui entoure ce passage de

  8   l'article dont il a été donné lecture, à savoir le reste du texte de cet

  9   article, peut être pertinent, vous allez demander le versement au dossier

 10   également de toutes les parties qui ont été traduites dans ce texte.

 11   Veuillez procéder.

 12   M. ZEC : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter numéro

 13   33428.

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. ZEC : [interprétation]

 16   Q.  Il s'agit d'un article de l'agence France Presse, nous n'en disposons

 17   ici qu'en langue anglaise, mais je vais donner lecture de ce qui figure en

 18   page 2.

 19   M. ZEC : [interprétation] A peu près au milieu de la page, nous lisons :

 20   "'Nous n'avons pas le choix,' insistait Savo Strbac, secrétaire du

 21   gouvernement au sein de la République serbe de Krajina, proclamé

 22   unilatéralement en 1991, suite à un conflit armé avec la Croatie qui avait

 23   duré huit mois. 'Il est hors de question, à nos yeux, de rentrer en

 24   Croatie. Notre objectif final, c'est l'union avec les autres Serbes (en

 25   Bosnie et dans la République de Serbie).'"

 26   Donc, Monsieur Strbac, c'était bien la position défendue par votre

 27   gouvernement, n'est-ce pas ?

 28   R.  J'ai été élu secrétaire au gouvernement vers la fin du mois d'avril


Page 41156

  1   1993 - ça, ce n'est pas un secret - et j'ai continué à exercer ce poste

  2   aussi longtemps qu'a duré l'existence de la RSK, à savoir jusqu'au 4 août

  3   1995. Mais, par ailleurs, j'étais également président de la commission

  4   chargée des échanges de prisonniers.

  5   Q.  Et la question que je vous posais était la suivante, car nous venons de

  6   donner lecture des mots qui ont été prononcés par vous, si vous souhaitez

  7   je peux vous la relire. Il est écrit dans ce document, par exemple :

  8   "Il est hors de question pour nous de rentrer en Croatie. Notre objectif

  9   final, c'est l'union avec les autres Serbes (de Bosnie et de la République

 10   de Serbie)."

 11   C'était bien la position défendue dans votre gouvernement, celui que vous

 12   serviez, n'est-ce pas ?

 13   R.  Eh bien, vous extrayez les choses de leur contexte. Vous sortez une

 14   phrase d'un texte beaucoup plus long, et je suis censé confirmer ce que

 15   vous dites sur cette base. Le sens que l'on peut donner à une phrase risque

 16   de différer grandement du sens général lorsqu'on l'extrait du texte.

 17   Q.  Mais c'est bien une déclaration faite par vous. Est-ce que vous la

 18   contestez aujourd'hui ?

 19   R.  Peut-être ai-je dit quelque chose qui se rapproche de ces mots, mais on

 20   ne m'a jamais soumis ces documents pour que je les révise ou que j'en

 21   autorise la publication après vérification. Il est très difficile de

 22   contrôler ce qui paraît dans la presse étrangère. Je pourrais vous parler

 23   de mes positions exactes et personnelles, si vous le souhaitez.

 24   M. ZEC : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cet article

 25   de presse.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 65 ter numéro 33428 devient

 28   la pièce à conviction P7647.


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  1   M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas eu le temps

  2   jusqu'à présent d'intervenir. Je ne sais pas quel est l'exercice auquel on

  3   est en train de se livrer ici. Est-ce qu'on pourrait contre-interroger le

  4   journaliste ? Je ne sais pas. On ne sais pas de quoi il question ici.

  5   On n'a pas pu voir le texte original qui est en anglais, et il n'est

  6   pas possible de soumettre un document dans ces conditions au témoin.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais il lui a été présenté en tant

  8   qu'article publié, paru dans la presse, et il lui a été demandé de

  9   confirmer ou d'infirmer qu'il a prononcé les mots qui ont été cités.

 10   M. LUKIC : [interprétation] Il a dit qu'il ne se rappelait pas.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est ce qu'il a dit dans sa déposition.

 12   Donc, nous savons que ce qui est écrit ici, eh bien, le témoin déclare

 13   avoir prononcé des mots assez semblables à ce qui est écrit, mais n'avoir

 14   pas eu la possibilité - c'est ce qu'il vient de dire dans sa déposition -

 15   n'avoir pas eu la possibilité d'évaluer, de vérifier et de comparer par

 16   rapport au contexte.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Mais, Monsieur le Président, tout de même, je

 18   ne pense pas que la Chambre puisse accepter ce genre d'élément de preuve.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, que nous risquions un

 20   quelconque danger ou pas, cela nous donne tout de même la possibilité, même

 21   si ne nous appuyons pas complètement sur cet élément, la possibilité de

 22   savoir que ce texte a été publié, qu'il a été soumis au témoin qui en parlé

 23   dans sa déposition. Et si c'est un risque de poison, eh bien, c'est un

 24   exercice un peu à la limite, d'une certaine façon, de la part de

 25   l'Accusation.

 26   Mais la pièce P7647, Maître Lukic, étant donné que vous êtes déjà intervenu

 27   et que je me suis prononcé sur son admission, la pièce P7647 est admise au

 28   dossier.


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  1   Et puis, Monsieur Zec, maintenant, j'aborde un autre sujet. Nous

  2   avons admis qu'en tant qu'élément de preuve en l'espèce la pièce P7647

  3   [comme interprété] qui correspond au numéro 65 ter numéro 300410 [comme

  4   interprété]. Je pense que nous en avons utilisé une page et vous avez dit

  5   qu'il s'agissait d'un document qui, intégralement, contenait 119 pages et

  6   que vous aimeriez en utiliser d'autres extraits. C'est un document dont

  7   l'intégralité a été téléchargée dans le prétoire électronique. Donc, mon

  8   attention est attirée par le fait qu'apparemment vous avez déclaré vouloir

  9   verser au dossier d'autres pages du même document.

 10   M. ZEC : [interprétation] Nous allons revenir sur le sujet et vérifier.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous devriez agir de la sorte. Mais

 12   pour le moment, vous pouvez poursuivre.

 13   M. ZEC : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter 33249.

 14   Q.  Monsieur Strbac, ce document est un article de presse concernant un

 15   discours prononcé par Slobodan Milosevic en 1992. Penchez-vous, je vous

 16   prie, sur le troisième paragraphe qui commence par les mots suivants :

 17   "La République de Serbie a aidé le peuple serbe…"

 18   Et puis, regardez d'un peu plus près, il est question, entre autres, de

 19   distribution d'armes et d'envoi de volontaires vers la Croatie. Vous avez

 20   parlé hier des Croates qui étaient en train de s'armer, et vous avez

 21   également dit avoir été au courant du fait que les Serbes de Croatie

 22   s'armaient également en coopération avec les autorités de la République de

 23   Serbie, comme le dit M. le Président ici même, n'est-ce pas ?

 24   R.  Quelle est votre question exacte ? Vous me demandez de confirmer ce qui

 25   est écrit dans cet article, ou bien me demandez-vous ce que je sais sur ce

 26   sujet ?

 27   Q.  Lorsque vous lisez le paragraphe que j'ai évoqué, vous constaterez

 28   qu'il est fait référence d'aide venant de Serbie, aide qui se manifeste,


Page 41159

  1   entre autres, par la fourniture d'armement et l'envoi de volontaires vers

  2   la Croatie. Et vous saviez également, n'est-ce pas, que cette espèce de

  3   coopération existait entre les autorités de la SAO de Krajina et les

  4   autorités de la République de Serbie, n'est-ce pas ?

  5   R.  Eh bien, il y avait une coopération. Je ne vois d'ailleurs pas le mot

  6   "coopération" ou les mots utilisés par vous pour dire ce que vous venez de

  7   dire. Je ne trouve pas ces mots dans l'article que j'ai sous les yeux. Vous

  8   avez parlé d'assistance sous forme d'armement. Moi, ce que je vois,

  9   lorsqu'il est question d'armement, c'est qu'il est associé à un engagement

 10   très ferme de la Serbie envers le peuple et l'armée.

 11   Où est-ce que vous avez trouvé les mots que vous m'avez soumis ? Il

 12   est fait mention d'aide sous forme de financement, de fournitures de

 13   vêtements, de vivres, et cetera. Mais est-ce que vous avez vu qu'il est

 14   question d'envoi d'armes ?

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous lisez l'intégralité du

 16   paragraphe, Monsieur Strbac, nous pourrons continuer. Mais si vous

 17   continuez à ne pas trouver ce mot, M. Zec va vous en donner lecture.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, je l'ai trouvé. Il y a un endroit où

 19   on lit "en armements également".

 20   M. ZEC : [interprétation]

 21   Q.  A la fin du paragraphe, il est également question de l'envoi de

 22   volontaires en Croatie. Alors, vous étiez au courant de cette forme de

 23   coopération, n'est-ce pas ?

 24   R.  Mais qu'est-ce que vous voulez que je vous dise aujourd'hui, est-ce

 25   qu'il y a eu des volontaires venus de Serbie qui ont été envoyés en Croatie

 26   ? Oui, il y en a eu. Pendant toute la guerre, des gens n'ont pas cessé

 27   d'arriver.

 28   Q.  Avec des armes également, n'est-ce pas ?


Page 41160

  1   R.  Eh bien, je suppose. Il est écrit ici "porteur d'armes également".

  2   Qu'est-ce que cela veut dire exactement, je ne sais pas. Peut-être savez-

  3   vous quel est le sens à donner à ces mots.

  4   M. ZEC : [interprétation] Je demande que s'affiche le numéro 65 ter numéro

  5   7456.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas exactement où vous

  7   souhaitez aller, Monsieur Zec, mais à un certain moment, je pense que les

  8   détails ne sont pas d'une importance suffisante pour que la discussion se

  9   poursuive aussi longtemps et que l'on regarde chaque mot prononcé au cours

 10   d'un entretien. En dehors de cela, bien sûr, les entretiens qui sont

 11   publiés par les journaux posent de toute façon quelques problèmes.

 12   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 13   M. ZEC : [interprétation] Peut-être pourrais-je soumettre un nouveau

 14   document au témoin qui lui permettra de confirmer qu'il était au courant de

 15   ce genre d'activités.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Eh bien, un document

 17   seulement, avez-vous dit. Nous allons regarder l'heure, l'horloge, et je

 18   vous demande de procéder assez rapidement.

 19   M. ZEC : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter numéro

 20   07468.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas le document qui est affiché

 22   en ce moment qui nous intéresse ? Le 7456 ?

 23   M. ZEC : [interprétation] Bien, bien, d'accord. Continuons avec celui-ci.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Passons au suivant. Donc, en

 25   ce moment, nous avons sous les yeux le document 65 ter numéro 7468.

 26   M. ZEC : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur Strbac, ce document est un ordre de mobilisation émanant de

 28   Milan Babic et destiné à la SAO de Krajina et à sa Défense territoriale,


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  1   qui demande à la Serbie d'apporter l'appui du MUP de Serbie à la Défense

  2   territoriale de la SAO de Krajina.

  3   Donc, nous voyons qu'il s'agit d'une demande écrite qui est envoyée au MUP

  4   de Serbie. Cela indique, n'est-ce pas, que les autorités de la SAO de

  5   Krajina savaient qu'ils pouvaient demander de l'aide à la Serbie, n'est-ce

  6   pas ?

  7   R.  Probablement. Je ne sais pas quoi vous dire. Tout est écrit dans ce

  8   document.

  9   Q.  Monsieur Strbac, vous étiez l'homme chargé de recueillir des

 10   informations au sujet de l'évolution des événements dans l'ex-Yougoslavie.

 11   Vous étiez chef du renseignement au sein de la Défense territoriale de

 12   Benkovac à l'époque, et ici, nous avons sous les yeux un ordre de

 13   mobilisation destiné aux Défenses territoriales. Donc, vous devez avoir été

 14   informé que ce genre de chose se passait à l'époque, n'est-ce pas ?

 15   R.  Non, pas nécessairement. Pourquoi est-ce que j'aurais dû être au

 16   courant ? Je suis devenu secrétaire du gouvernement au mois d'avril, deux

 17   ans plus tard. Pourquoi est-ce que j'aurais dû avoir connaissance de

 18   l'ordre que nous avons sous les yeux en ce moment ?

 19   Q.  Eh bien, c'était l'époque où vous étiez chef du renseignement de la

 20   Défense territoriale de Benkovac, et cet ordre concerne la nécessité de

 21   mobiliser les unités de la TO au sein de la Krajina. Etes-vous en train de

 22   dire que vous n'avez pas été informé de tout cela à l'époque ?

 23   R.  Eh bien, pour être franc avec vous, je n'ai jamais eu cet ordre sous

 24   les yeux, mais même en l'absence de ce document, on savait bien qu'une

 25   mobilisation était en cours. Je vous ai dit dans quelle condition j'ai été

 26   moi-même mobilisé au mois d'octobre 1991 au sein du commandement de corps

 27   d'armée de Knin, et à partir de 1977 j'étais membre de la Défense

 28   territoriale de l'état-major municipal de Benkovac.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, M. Zec a simplement

  2   laissé entendre, qu'étant donné la mobilisation et cette demande

  3   d'assistance destinée à la TO et adressée à la République de Serbie, eh

  4   bien, il vous a laissé entendre que vous auriez dû être au courant de ce

  5   qui se passait. Vous nous avez dit que vous n'aviez jamais vu ce document

  6   jusqu'à présent. Passons à autre chose.

  7   M. ZEC : [interprétation] Je demande le versement au dossier des deux

  8   documents que nous venons d'examiner, et j'en ai terminé de mon contre-

  9   interrogatoire.

 10   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que vous demandiez le

 12   versement au dossier de deux documents.

 13   M. ZEC : [interprétation] Eh bien, je vais vous citer les numéros 65 ter.

 14   D'abord, le numéro 65 ter 33249.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De quoi s'agissait-il exactement ?

 16   M. ZEC : [interprétation] Le discours de Slobodan Milosevic en 1992.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Ce document n'a pas été utilisé dans le

 18   prétoire.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'était pas un -- non, c'était un

 20   entretien. Attendez, vérifions.

 21   Est-ce que ce n'est pas le document dont je vous ai demandé si vous

 22   souhaitiez l'utiliser plus avant, avant de vous demander de passer à autre

 23   chose.

 24   M. ZEC : [interprétation] C'est le document que je n'ai pas utilisé, c'est

 25   le numéro 65 ter 7456.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 27   Madame la Greffière, donnez-nous les numéros des deux documents dont

 28   le versement a été demandé.


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  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 65 ter numéro 33249 devient

  2   la pièce P7648. Le document 65 ter numéro 07468 devient la pièce P7649.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les pièces P7648 et P7649 -- excusez-

  4   moi, j'ai commis une erreur. Donc, les pièces P7648 et P --

  5   M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce qu'on peut savoir

  6   sur base de citation du compte rendu d'audience de la journée

  7   d'aujourd'hui, à quel moment le document 7456 a été utilisé.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, je vais vérifier.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Vraiment, je ne m'y retrouve pas.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le numéro 7546 [sic], n'est personnes

 11   versé au dossier, Maître Lukic, aucune demande n'a été faite dans ce sens.

 12   M. LUKIC : [interprétation] Toutes mes excuses. Je suis un peu perdu dans

 13   les numéros vraiment.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, j'ai mal prononcé. Je vais

 15   essayer une nouvelle fois pour lever toute confusion.

 16   Les pièces P7648 et P7649 sont désormais versées au dossier.

 17   [La Chambre de première instance se concerte]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, M. le Juge Moloto a une question à

 19   vous adresser, Monsieur Strbac.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Malheureusement, la pièce sur laquelle

 21   je souhaitais m'appuyer a été enlevée de l'écran.

 22   Monsieur Strbac, vous avez dit ne jamais avoir vu cette pièce à conviction

 23   jusqu'au jour d'aujourd'hui; par conséquent, vous n'étiez pas au courant de

 24   l'existence de cette demande. Toutefois, la question qui vous a été posée -

 25   et je vais vous la relire - portait sur un élément un peu différent de

 26   celui que vous abordez dans votre réponse. M. Zec vous a dit :

 27   "Ce type de demande reflète bien le fait que les autorités de la SAO de

 28   Krajina savaient qu'elles pouvaient obtenir de l'aide de la Serbie."


Page 41164

  1   Par conséquent, la question ne consiste pas à vous demander si vous avez

  2   déjà vu ce document jusqu'au jour d'aujourd'hui, mais si vous étiez au

  3   courant du fait qu'un tel document permet de penser que la SAO de Krajina

  4   attendait de l'aide des autorités, indépendamment du fait de savoir si vous

  5   avez déjà eu ce document sous les yeux ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] De telles questions sont très difficiles, y

  7   répondre est très difficile. Je peux vous dire tout ce que je veux, ce que

  8   j'ai pensé ou fait, et ce que je n'ai pas pensé et ce que je n'ai pas fait;

  9   cela reviendra au même. Cette requête, cette demande a manifestement été

 10   envoyée. Maintenant, est-ce qu'il a été fait droit à cette demande, est-ce

 11   qu'elle a été satisfaite, ça, je ne le sais pas.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ma question ne concernait pas la

 13   demande. C'est ce que j'essaie de vous expliquer depuis un certain temps.

 14   Etiez-vous au courant à l'époque du fait que les autorités de la SAO de

 15   Krajina attendaient d'obtenir de l'aide des autorités serbes de Serbie ?

 16   Oubliez un instant la pièce à conviction.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais que je vous dise "oui" ou "non", qu'est-

 18   ce que cela aurait comme sens à vos yeux ?

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Malheureusement ---

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que je peux dire les deux. M. LE JUGE

 21   MOLOTO : [interprétation] Malheureusement, vous n'êtes pas ici pour me

 22   poser des questions; vous êtes ici pour répondre aux questions et pas pour

 23   les poser.

 24   Est-ce que vous étiez au courant du fait que les autorités de la SAO de

 25   Krajina s'attendaient à recevoir de l'aide provenant de Serbie ? Vous

 26   pouvez répondre, je n'étais pas au courant; vous pouvez répondre, oui,

 27   j'étais au courant; donc vous pouvez répondre l'un ou l'autre.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, moi, je vais choisir une quatrième


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  1   option. Si la demande a été envoyée, pour commencer, cela signifie que les

  2   autorités s'attendaient à obtenir cette aide. Alors, combien d'aide elles

  3   ont obtenue, je ne sais pas. Je ne crois pas, et je n'aime pas beaucoup

  4   qu'on me dise à l'avance quel genre de réponse je peux fournir aux

  5   questions qui me sont posées.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Eh bien, moi non plus, je n'aime pas

  7   beaucoup qu'on me dise quelle question je peux poser. Je ne vous ai pas

  8   demandé si les autorités avaient demandé de l'aide ou pas, elles ont

  9   demandé de l'aide, ça, cela a été dit dans la déposition. Mais la question

 10   concernait à vous demander : Si vous étiez au courant de l'existence d'une

 11   pratique incarnée par de l'aide apportée par les autorités serbes de Serbie

 12   aux autorités de la SAO de Krajina ? Vous pouvez dire oui, j'étais au

 13   courant; ou non, je n'étais pas au courant. La question est simple,

 14   Monsieur le Témoin.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] L'un de mes professeurs avait l'habitude de

 16   dire : On ne fait pas erreur lorsqu'on donne des réponses erronées, mais

 17   lorsqu'on pose des fausses questions, de mauvaises questions.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous ne sommes pas ici pour discuter

 19   de ces questions. Je veux bien admettre que vous ne souhaitez pas répondre

 20   à ma question.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, nous dire ce que vos

 22   professeurs vous ont appris est une façon implicite de critiquer mon

 23   confrère, le Juge Moloto, ce qui n'est pas une façon convenable de se

 24   comporter de la part d'un témoin dans le prétoire.

 25   Maître Lukic, est-ce que vous avez quelque chose à dire ? Non. Monsieur

 26   Zec.

 27   M. ZEC : [interprétation] Monsieur le Président, vous m'avez interrogé au

 28   sujet du document 65 ter numéro 33410, et je pourrais vous fournir une


Page 41166

  1   réponse plus tard.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendons une seconde. Voyons d'abord,

  3   Me Lukic a dit qu'il voulait utiliser d'autres parties du document.

  4   D'autres questions dans le cadre des questions supplémentaires,

  5   Maître Lukic ?

  6   M. LUKIC : [interprétation] Oui, nous avons d'autres questions.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, il est 10 heures 30, donc nous

  8   faisons la pause pour le moment.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Je suis d'accord, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Strbac, vous pouvez suivre

 11   l'huissier et sortir de la salle et revenir dans 20 minutes.

 12   [Le témoin quitte la barre]

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous reprendrons nos travaux à 11 heures

 14   moins dix.

 15   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

 16   --- L'audience est reprise à 10 heures 50.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons attendre l'arrivée du témoin

 18   dans le prétoire.

 19   [Le témoin vient à la barre]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Strbac, vous allez maintenant

 21   faire l'objet de questions supplémentaires de la part de Me Lukic.

 22   Je vous en prie, c'est à vous.

 23   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Nous

 24   allons conserver ce document sur nos écrans. Je vais commencer par celui-

 25   là.

 26   Nouvel interrogatoire par M. Lukic :

 27   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Strbac.

 28   R.  Bonjour à vous.


Page 41167

  1   Q.  Vous avez vu ce document qui est daté du 1er avril 1991. Existait-il

  2   encore un Etat mixte formant la Yougoslavie qui comprenait la Croatie et la

  3   Serbie ?

  4   R.  Oui. C'était à l'époque où tout existait encore, et ce, jusqu'au mois

  5   de janvier 1992, lorsque la Croatie a été reconnue par la communauté

  6   internationale; donc, il y avait encore un Etat mixte à l'époque.

  7   Q.  Je crois que vous n'avez toujours par répondu à une question ou, en

  8   tout cas, il y a une question qui est restée en suspens. Je vais vous lire

  9   cela maintenant. Vous n'avez pas répondu à la question de M. le Juge Moloto

 10   à la page 25.

 11   Un instant, s'il vous plaît.

 12   Page 25, ligne 4. Je vais vous la lire en anglais de façon à ce que vous

 13   puissiez l'entendre à nouveau et connaître la question que vous a posée M.

 14   le Juge Moloto, et ensuite je vous poserai ma question.

 15   Et je cite :

 16   "Je ne vous ai pas demandé s'ils l'avaient demandé. Ils l'ont demandé, cela

 17   fait partie des éléments de preuve. La seule question que je pose, c'est de

 18   savoir si vous étiez au courant de cette pratique qui consistait à faire

 19   une demande d'assistance, et c'étaient les autorités serbes qui envoyaient

 20   cette demande d'assistance aux autorités de la SAO de Krajina ? Oui,

 21   j'étais au courant; non, je n'étais pas au courant. C'est une question

 22   simple."

 23   Donc, Monsieur Strbac, au mois d'avril 1991, saviez-vous que le SUP de

 24   Krajina avait envoyé une demande d'assistance au SUP de Serbie, quelqu'un

 25   vous en a-t-il informé ?

 26   R.  Personne ne m'a informé de cela, à savoir si j'ai entendu parler de

 27   quelque chose ou si je l'ai deviné, là, il s'agit d'autre chose. Personne

 28   ne m'en a informé. Nous avions toujours notre Etat mixte, la RSFY, nous


Page 41168

  1   avions toujours la JNA. Ce n'était qu'en mai 1991 que la JNA a commencé à

  2   jouer ce rôle de zone tampon, comme nous en avons parlé hier. Donc, comment

  3   aurais-je pu être au courant ? De toute façon, j'ai déjà fourni une

  4   réponse.

  5   Q.  Bien. Il s'agit en réalité de deux décisions; une qui est un ordre et

  6   l'autre qui correspond aux conclusions. Dans l'ordre, aucune aide n'est

  7   demandée, donc aucune aide à la TO. Ça n'est que dans les conclusions que

  8   l'aide de la part du SUP de la République de Serbie est demandée. Cette

  9   conclusion qui a été adoptée par le président du Comité exécutif, le Dr

 10   Milan Babic, était-ce obligatoire pour le MUP à l'époque et pour le SUP de

 11   la République de Serbie ?

 12   R.  Non. D'après ce que je sais, d'après mes souvenirs, non, je ne pense

 13   pas que ceci avait un quelconque caractère obligatoire pour qui que ce

 14   soit, et je le répète, parce que l'Etat mixte de la RSFY existait toujours,

 15   elle disposait de sa propre force armée. Et une des composantes de la force

 16   armée, et notamment la JNA, était la Défense territoriale, et tout un

 17   chacun savait qui pouvait ordonner la mobilisation. Il y avait des lois

 18   fédérales, il y avait les lois de la République qui régissaient cela.

 19   Aucune nouvelle loi n'avait été adoptée. En tout cas, d'après mes

 20   souvenirs, c'est le cas.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Zec, vous étiez à moitié

 22   debout. Je ne vous entends pas. Avez-vous ouvert votre microphone ? De quoi

 23   s'agit-il ?

 24   M. ZEC : [interprétation] Pardonnez-moi. La question était tout d'abord

 25   très précise. Et ensuite, la question est devenue très générale. On lui a

 26   posé une question très précise au niveau de cet ordre et le témoin, à la

 27   façon répétée, dit qu'il ne sait pas, qu'il ne sait pas, qu'il ne l'a

 28   jamais vu. Je suppose que nous avons donc obtenu la réponse.


Page 41169

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les choses sont ainsi.

  2   M. LUKIC : [interprétation] Ma question était d'ordre général et cette

  3   conclusion était contraignante, en tout cas, pour le SUP, la police de

  4   Serbie.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Me Zec a laissé cela en l'état, mais je

  6   souhaite vous poser une autre question. Dans la République socialiste

  7   fédérative de Yougoslavie, la SAO de Krajina était-elle intégrée à la

  8   constitution et régie par la constitution ? Est-ce que cet organe existait

  9   et était intégré à la constitution de la Fédération ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. La SAO de Krajina et la République de la

 11   Krajina serbe non plus, il ne s'agissait pas d'Etats ou d'entités qui

 12   étaient reconnus même par la République de Serbie.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 14   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 15   Q.  Cependant, il s'agissait de moments difficiles, troublés. Vous nous

 16   avez dit hier que l'armement du peuple croate était contraire à la

 17   constitution, mais que cela se déroulait à l'époque. Mais je souhaite vous

 18   poser cette question-ci, si vous le savez, cette décision sur la

 19   mobilisation, a-t-elle été prise conformément à la loi ou est-ce l'organe

 20   du Dr Babic qui a simplement adopté cela, contrairement aux lois en vigueur

 21   et contre les organes qui étaient habilités à ordonner la mobilisation ?

 22   R.  Ecoutez, je viens de répondre et j'ai dit que la Défense territoriale

 23   dans la SRFY et dans ce qui s'appelait encore la République de Croatie

 24   était une des composantes des forces armées. Il y avait deux composantes de

 25   ce type, et on savait exactement qui était à même d'ordonner une

 26   mobilisation. Là, il s'agissait de la SAO de Krajina. Les Serbes, après un

 27   référendum, un référendum qu'ils ont organisé eux-mêmes, ont formé la SAO

 28   de Krajina. Il y avait deux autres districts autonomes serbes qui ont été


Page 41170

  1   créés par la suite, la Slavonie orientale et occidentale; et ce n'est que

  2   le 19 décembre, c'est-à-dire à la fin de l'année 1991, qu'ils ont été

  3   unifiés et ont fait partie de la SAO de Krajina. Et lorsqu'ils ont été

  4   réunis, ils n'étaient reconnus par personne; et je vais répéter, même pas

  5   par la Serbie. Et moi, j'étais le secrétaire à l'époque, mais c'était un

  6   vrai sujet juridique qui faisait l'objet de débat à l'époque. Les Nations

  7   Unies et dans d'autres institutions également ont beaucoup évoqué cela et

  8   moi-même, j'ai fait partie des négociations.

  9   Q.  Merci. Alors je vais revenir au début du contre-interrogatoire et vous

 10   rappelez qu'on vous a posé une question sur le moment où la JNA était une

 11   force qui servait de tampon entre la Croatie et entre les parties serbes et

 12   croates qui étaient armées toutes les deux, et on vous a laissé entendre

 13   que cela s'est produit au moment où le général Mladic est arrivé à Knin. On

 14   vous a montré un document qui indiquait qu'il y est arrivé au mois de juin,

 15   et vous avez dit que le changement dans la façon dont la JNA opérait s'est

 16   produit le 15 septembre. Qu'est-ce qui a été l'élément déclencheur, le 15

 17   septembre 1991, concernant la JNA ?

 18   R.  Un ordre avait été donné par les autorités croates de bloquer toutes

 19   les installations de la JNA, et ce, de la pire façon possible, ce qui était

 20   tout à fait logique car, bon, c'était naturel parce que la JNA se

 21   défendait; et à ce moment-là constituait un allié naturel des Serbes, parce

 22   que les Serbes étaient menacés par ces mêmes autorités qui les avaient

 23   chassés de la constitution comme étant un peuple constitutif, comme je l'ai

 24   expliqué hier.

 25   M. LUKIC : [interprétation] Je souhaite maintenant que nous regardions la

 26   pièce P7638, s'il vous plaît.

 27   Q.  Il s'agit d'un entretien avec Milan Matic qui est daté du 14 octobre

 28   1994. Nous allons le voir s'afficher sur nos écrans dans quelques instants.


Page 41171

  1   On vous a montré la page 10 dans les deux versions linguistiques, donc

  2   c'est la page qu'il nous faut afficher encore une fois.

  3   Et on vous a suggéré l'idée que la JNA a changé de rôle en vous fondant sur

  4   ce document-là, parce que Milan Martic a dit que :

  5   "Le général Mladic est arrivé au mois de juin ou de juillet 1991, a réussi

  6   à créer un climat de confiance pour les Serbes et a déclaré ouvertement que

  7   les Serbes avaient raison."

  8   Sur la page suivante dans les deux langues - il nous faut afficher le

  9   dernier paragraphe, s'il vous plaît, dans les deux langues - M. Babic parle

 10   de Kijevo -- pardonnez-moi, M. Martic parle de Kijevo, où il dit que la

 11   décision a été prise aux fins d'attaquer Kijevo. Nous avons parlé de la

 12   façon dont la route qui menait à cet endroit avait été bloquée, et nous en

 13   avons parlé hier. La dernière phrase ici se lit comme suit :

 14   "Nous avons conquis Kijevo, nous avons même réussi à libérer le village de

 15   Babic, Vrlika, Cetina et Civljane, dans ce secteur. Il n'y a eu de victimes

 16   à l'exception de civils qui ont été tués par la police croate au moment où

 17   elles se retiraient."

 18   Donc, seriez-vous d'accord pour dire qu'il n'y a pas eu de victimes du côté

 19   croate à cette occasion-ci ? Que savez-vous au sujet de cet événement ?

 20   R.  Je ne peux pas être d'accord parce que je crois qu'il y a eu plusieurs

 21   victimes - je ne sais pas au nombre de combien - et ces entretiens avaient

 22   un autre objectif, il ne s'agissait pas simplement de dire la vérité.

 23   Q.  Etiez-vous au courant de civils serbes qui ont été tués par la police

 24   croate lors de son retrait ?

 25   R.  Si cela est arrivé, il y a eu peut-être une victime, mais je ne m'en

 26   souviens pas aujourd'hui.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, j'ai essayé de poser une

 28   question au témoin.


Page 41172

  1   La question que j'avais à l'esprit était la suivante : savez-vous si

  2   les victimes, qui d'après ce document ont été tuées par la police croate au

  3   moment où elle se retirait, étaient des Serbes ou des Croates ?

  4   Et dans votre question, vous avez dit - et il s'agit d'une question

  5   directrice - "que les civils serbes", eh bien moi, j'aurais souhaité poser

  6   la question moi-même au témoin, mais nous avons maintenant la réponse.

  7   C'est à vous.

  8   M. LUKIC : [interprétation] Pardonnez-moi, j'ai mal lu. non, j'ai même mal

  9   compris.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est à vous.

 11   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Puis-je consulter M. Mladic pendant quelques instants ?

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous le pouvez.

 14   [Le conseil de la Défense et l'accusé se concertent]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre voix devient de plus en plus

 16   forte, Monsieur Mladic.

 17   [La Chambre de première instance se concerte]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est à vous, Monsieur Lukic.

 19   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 20   Q.  Ici, sur la page 7 du même document, l'avant-dernier paragraphe.

 21   L'entretien est étrange - on ne voit pas quelles sont les questions qui

 22   sont posées et ne sont consignées que les réponses - et on peut voir au

 23   milieu de la page en anglais et l'avant-dernier paragraphe dans la version

 24   en B/C/S se lit comme suit :

 25   "Il y avait deux vagues qui sont venues par la terre; une qui venait de la

 26   direction de Sibenik et de Drnis, et l'autre qui venait de Sinj. La police

 27   à ces endroits a reçu des ordres visant à prendre les armes et à libérer

 28   Knin par la force, de ce qu'ils appelaient la 'police rebelle".


Page 41173

  1   Avez-vous des informations sur des plans qui ont été échafaudés, comme on

  2   le constate ici, et qu'il y a eu deux vagues qui venaient de Sibenik, de

  3   Drnis et de Sinj et qui se dirigeaient vers Knin ?

  4   R.  C'est possible. Oui, il se peut qu'il s'agisse du 17 août 1990, date à

  5   laquelle la police croate, d'abord dans des véhicules blindés, s'est

  6   efforcée de désarmer les forces de police dans les municipalités serbes; et

  7   lorsqu'ils ont été empêchés de le faire en raison des barrages, la partie

  8   croate à ce moment-là a envoyé la police ainsi que deux hélicoptères. Et la

  9   JNA a envoyé deux MiG et a renvoyé ces deux hélicoptères. Mais tout ceci a

 10   trait au 17 août 1990 lorsque, officiellement, se déroulait la révolution

 11   des rondins, comme cela s'est appelé, en tout cas certainement du côté

 12   serbe.

 13   Q.  Alors regardons le paragraphe qui se trouve juste au-dessus de celui-

 14   ci, qui évoque les hélicoptères de Zagreb.

 15   R.  Oui, c'est la question qui est posée en serbe.

 16   "Concernant le fait d'arrêter les hélicoptères de Zagreb."

 17   Je ne sais pas si on le retrouve dans la version anglaise, mais cela figure

 18   dans le texte en B/C/S.

 19   Q.  Oui, oui, mais il s'agit uniquement des réponses ici aux questions.

 20   Nous avons simplement "question" et la réponse qui suit, mais ce n'est pas

 21   grave.

 22   R.  Et en dehors de cela, d'après ce dont je me souviens, il y avait

 23   d'autres tentatives, plusieurs, visant à désarmer les Serbes pour prendre

 24   le contrôle de ces territoires. Je me souviens, il y avait Raseljke, qui

 25   était le nom d'une de ces opérations, au cours de laquelle les membres de

 26   l'armée croate se sont infiltrés. Et ils étaient pour l'essentiel habillés

 27   en civil, mais toutes ces opérations ont échoué parce que si elles avaient

 28   réussi, la Krajina serait tombée beaucoup plus tôt, et elle n'aurait pas


Page 41174

  1   attendu jusqu'à 1995.

  2   Q.  Merci. Nous allons maintenant regarder le 04909, s'il vous plaît. Il

  3   s'agit d'un document qui émane du commandement du 9e Corps et qui est daté

  4   du 16 septembre 1991, donc le lendemain de l'attaque généralisée contre les

  5   casernes en Croatie.

  6   On vous a montré le paragraphe 2 de ce document, sur lequel nous pouvons

  7   lire que dans sa décision le général Mladic a décidé que dans une action

  8   coordonnée avec Knin, Benkovac, et les forces de la Défense territoriale,

  9   il allait lancer une attaque généralisée en direction de la mer; cependant,

 10   plus loin dans ce paragraphe, on constate qu'il dit :

 11   "Et débloquer les forces de la JNA qui ont été encerclées et coupées à Sinj

 12   et à Drnis."

 13   Et au paragraphe 1 --

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Lukic, si vous regardez le

 15   compte rendu d'audience -- bon, cela a été corrigé. Merci.

 16   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 17   Q.  Donc au paragraphe 1, nous pouvons lire :

 18   "Ecraser les forces du ZNG et le MUP sur l'axe sur lequel ils avancent et

 19   protéger et casser le blocus contre les unités, les institutions, les

 20   entrepôts, et les institutions de la JNA."

 21   Que signifie le sigle "ZNG" ?

 22   R.  C'est le nom de la Garde nationale croate. C'est le nom qu'ont donné

 23   les Croates à leur armée, le Corps de la Garde nationale. Je crois que

 24   c'était en septembre 1991, ce n'était pas officielle le HVO; et cela s'est

 25   appelé le HVO par la suite au mois de novembre de cette année-là au moment

 26   où l'armée croate a été officiellement créée ou proclamée. Avant cela, cela

 27   s'appelait la Garde nationale croate.

 28   Telle était la tactique des Croates pour officialiser les troupes


Page 41175

  1   appartenant au parti, les hommes appartenant au parti et à toutes les

  2   personnes auxquelles ils avaient remis les armes, ils leur ont accordé un

  3   statut légal, et à ce moment-là ces personnes sont devenues des membres du

  4   MUP. Ce qui constituait une force importante.

  5   Q.  A l'époque, qui était le président de la Présidence, vous en souvenez-

  6   vous ?

  7   R.  Mesic.

  8   Q.  Vous voulez parler de Stipe Mesic ?

  9   R.  Oui, Stipe Mesic, le Croate qui avait été nommé, délégué par la

 10   Croatie.

 11   Q.  En tant que président de la présidence était-il le supérieur

 12   hiérarchique du colonel Mladic ? C'était un colonel à l'époque.

 13   R.  Le président de la présidence de la RSFY est également le commandant

 14   suprême des forces armées, en vertu de tous les textes législatifs qui

 15   régissent les forces armées.

 16   M. LUKIC : [interprétation] Je souhaite que nous regardions maintenant le

 17   P04166, s'il vous plaît.

 18   Page 42, s'il vous plaît.

 19   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 20   M. LUKIC : [interprétation] Cela s'est passé à huis clos, peut-être qu'il

 21   faudrait passer à huis clos partiel.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons passer à huis clos partiel.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 24   Messieurs les Juges.

 25   [Audience à huis clos partiel]

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


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  1  (expurgé)

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 20  (expurgé)

 21   [Audience publique]

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 23   M. LUKIC : [interprétation] Il serait sans doute préférable de retirer ce

 24   document de l'écran.

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience publique,

 26   Messieurs les Juges.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Le document a été enlevé.


Page 41177

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il a été enlevé. Très bien.

  2   M. LUKIC : [interprétation] Le document suivant que je souhaite voir

  3   afficher à l'écran porte la cote P04913.

  4   Q.  Monsieur Strbac, ce document vous a été montré hier déjà. Il sera

  5   affiché dans quelques instants. Il s'agit d'un article publié dans le

  6   Vjesnik de Zagreb.

  7   M. LUKIC : [interprétation] L'article figure à la page 2 dans la version

  8   B/C/S.

  9   Q.  Vers le milieu de la page, nous voyons l'intitulé "Mladic". Et le titre

 10   de l'article : "Drnis portera le nom de Ratkovo", les mots qui sont

 11   attribués au général Mladic. Dans la première phrase, nous lisons :

 12   "Le général Ratko Mladic, le commandant en chef du Corps de Knin notoire…"

 13   Alors, pour commencer, j'aimerais que nous précisions si vous connaissez ce

 14   journal, Zagrebacki Vjesnik, et si vous savez si sa manière d'informer le

 15   public au sujet des Serbes était objective ?

 16   R.  Eh bien, d'après ce que j'ai pu voir, et je m'efforçais à suivre tout

 17   ce qui était publié dans la presse à l'époque, non, cela n'a pas été le

 18   cas, ce journal ne faisait pas partie des médias particulièrement

 19   objectifs.

 20   Q.  Un peu plus bas, à la ligne 6 à peu près, ligne 5 dans la version

 21   anglaise, nous pouvons lire :

 22   "Bien sûr, il n'a été pas permis aux journalistes de suivre le cours des

 23   négociations…"

 24   Puis, encore quelques lignes plus loin, nous lisons :

 25   "D'après ce qu'en disent les participants aux négociations, Mladic

 26   a…"

 27   Donc, manifestement, la journaliste soussignée, Jadranka Krisovic

 28   [phon], n'a pas entendu M. Mladic prononcer ces paroles qui sont citées


Page 41178

  1   ici.

  2   R.  Manifestement.

  3   Q.  Avez-vous entendu le général Mladic dire que la ville de Drnis finira

  4   par s'appeler Ratkovo ?

  5   R.  Je n'ai jamais vu cet article auparavant. Je vois que dans la dernière

  6   phrase, on indique que la ville s'appellera Ratkovo, ou alors, Mladenovo,

  7   les deux noms étant basés sur le prénom et sur le nom de Ratko Mladic.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, répondre à la

  9   question posée. Avez-vous, à quelque moment que ce soit, entendu Mladic

 10   prononcer ces paroles ? Puisque là, vous êtes en train de vous livrer à des

 11   observations au sujet de ce que vous venez de lire. Avez-vous entendu dire

 12   M. Mladic ceci ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je crois l'avoir déjà dit. Non, je

 14   répète, c'est la première fois que je suis en train de lire cela dans cet

 15   article.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais la question était de savoir si

 17   vous n'avez jamais entendu dire cela. Oui ou non ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, non, pour la troisième fois, jusqu'au

 19   moment où j'ai vu cet article il y a quelques instants. Mais si vous voulez

 20   que je vous réponde en un seul mot, alors, ma réponse est non.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaitais obtenir une réponse à la

 22   question posée.

 23   Vous pouvez continuer, Maître Lukic.

 24   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   Q.  Est-ce que le nom de la ville Drnis a été effectivement changé ? Est-ce

 26   que la ville a été appelée Mladenovo ou Ratkovo à quel que moment que ce

 27   soit ?

 28   R.  Non.


Page 41179

  1   Q.  Un enregistrement vidéo vous a été montré et je n'ai pas l'intention de

  2   vous le faire visionner de nouveau - le document porte la cote P7639 - et à

  3   la fin de cet enregistrement, le général dit qu'ils ne peuvent que

  4   l'attendre dans une ville détruite, en pensant à Drnis.

  5   Est-ce que la ville de Drnis a été effectivement détruite ?

  6   R.  Eh bien, j'ai eu l'occasion de passer par la ville de Drnis à plusieurs

  7   reprises lorsque je me déplaçais pour organiser des échanges dans un

  8   village, le village de Zitnic, et d'après ce que j'ai pu constater, la

  9   ville n'a pas été détruite.

 10   Q.  Et qu'en est-il de la ville de Kijevo ?

 11   R.  Je dois avouer que je n'ai jamais passé par ce village. Par conséquent,

 12   je ne peux que me livrer à des conjectures à cet égard.

 13   Q.  Connaissez-vous l'appartenance ethnique des habitants de Kijevo ?

 14   R.  La population était croate en majorité. Je ne peux pas vous préciser

 15   les pourcentages. Je ne sais pas s'il s'agissait de 95 % ou de 100 %, mais

 16   en tout cas, c'étaient les Croates, surtout, qui habitaient ce village.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de vous reposer la

 18   question au sujet du village de Kijevo. La question portait sur la

 19   destruction de Kijevo. Vous avez indiqué ne l'avoir jamais vu, mais avez-

 20   vous entendu parler de la destruction de Kijevo ou avez-vous lu quelque

 21   chose à cet égard ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà dit que je n'ai jamais passé par ce

 23   village.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, Monsieur Strbac, écoutez ma

 25   question.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, dans cette salle d'audience, ce

 28   sont les Juges de la Chambre qui rendent des décisions et pas vous. Vous


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  1   connaissez le métier. La question qui vous a été posée était de savoir si

  2   la ville de Kijevo a été détruite, à quoi vous avez répondu en disant : Je

  3   n'ai jamais passé par ce village, et, par conséquent, je ne peux me livrer

  4   qu'à des conjectures.

  5   Alors, maintenant, je vous ai posé une autre question : avez-vous entendu

  6   parler de la destruction de Kijevo ? Avez-vous lu quelque chose à cet égard

  7   ? Alors, il est superflu de répéter votre réponse précédente puisqu'il

  8   s'agit d'une question différente. Donc je vous la repose : avez-vous

  9   entendu parler de la destruction de la ville de Kijevo ou avez-vous fait

 10   des lectures sur le sujet ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Pas dans le sens où vous l'évoquez. Quand on

 12   parle de "destruction", alors on s'imagine que le village a été détruit à

 13   100 %, alors que le niveau de destruction pouvait ne s'élever qu'à 5 %. Il

 14   y a eu des combats, il y a eu des batailles, et la ville ou le village a

 15   été détruit dans une certaine mesure.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez préciser ? Est-ce

 17   25 % des bâtiments et des structures ont été détruits ? Est-ce qu'il y en

 18   avait plus ? Est-ce qu'il y en avait moins ? Pouvez-vous nous donner

 19   d'autre détail au sujet de ce que vous avez pu lire ou entendre ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Je ne sais pas si le village a

 21   été détruit à 5 %, à 20 %, à 50 %, je ne le sais pas. Je n'ai pas passé par

 22   le village, et je ne me souviens pas d'avoir lu là-dessus. J'ai lu tout

 23   simplement que des combats ont été menés et qu'il y a eu des destructions

 24   infligées sans doute par l'artillerie et ses activités.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là, vous êtes en train de vous livrer à

 26   des conjectures.

 27   Maître Lukic, vous pouvez continuer.

 28   M. LUKIC : [interprétation] Merci.


Page 41181

  1   Hier, il a été question du contexte dans lequel les conversations figurant

  2   dans la pièce P7639 ont été menées, il y a aussi le document 33408d de la

  3   liste 65 ter. Alors, je vais demander à Mme Stewart de bien vouloir nous

  4   présenter le document portant la cote précédente, à savoir 33408c de la

  5   liste 65 ter. Les transcriptions pour ce document qui, en réalité, est un

  6   enregistrement vidéo ont été téléchargées dans le système du prétoire

  7   électronique, et j'aimerais que cela soit montré à l'écran, ou au moins que

  8   les interprètes puissent l'avoir à l'écran.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Eh bien, pour commencer il faut

 10   voir d'abord si les interprètes sont en mesure de retrouver ces

 11   transcriptions. Et deuxièmement, il faudrait savoir si l'exactitude de la

 12   transcription a déjà été vérifiée; si oui, alors nous pouvons montrer cet

 13   enregistrement.

 14   Est-ce que les interprètes sont prêts à interpréter ? Je vois que oui.

 15   Très bien. Vous pouvez continuer.

 16   M. LUKIC : [interprétation] Merci. Je vois que Mme Stewart elle-même a

 17   hoché de la tête de façon affirmative lorsque vous avez demandé si

 18   l'exactitude de la transcription a été vérifiée.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois que tout le monde hoche de

 20   la tête. Par conséquent, je suis convaincu que tout va bien.

 21   Vous pouvez continuer.

 22   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 23   Donc, c'est l'enregistrement vidéo principal qu'il nous faut; 47 minutes, 0

 24   secondes jusqu'à 48 minutes, 15 secondes. Veuillez le montrer maintenant,

 25   s'il vous plaît.

 26   [Diffusion de la cassette vidéo]

 27   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] 

 28   "Ensuite, nous allons retirer toutes nos unités de Sinj, de la garnison de


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  1   Sinj, et nous allons le faire en suivant l'ordre suivant : d'abord

  2   l'équipement; et les armes - cela se réfère à toutes les armes, y compris

  3   celles qui se trouvent dans les entrepôts, mis à part les armes utilisées

  4   par les unités dans la garnison de Knin dont vous vous servez pour vous

  5   défendre; ensuite, il y a tous les équipements; toute la machinerie;

  6   ensuite les membres des familles du personnel militaire et les civils

  7   travaillant au sein de l'armée seront évacués, et avec eux, la population

  8   qui ne souhaite pas rester dans la région, avec tous leurs biens mobiliers.

  9   Pour que cela se passe de façon normale, nous subordonnons tout et de

 10   moindre importance par rapport à l'évacuation des familles à nos yeux. Donc

 11   les familles, pour commencer, puis l'équipement, ensuite les armes, ensuite

 12   la machinerie…"

 13   M. LUKIC : [interprétation]

 14   Q.  Est-ce que vous avez des connaissances confirmant que les unités qui se

 15   trouvaient dans la garnison de Knin se voyaient encerclées en automne

 16   1991 ?

 17   R.  Je ne l'ai jamais vu personnellement, mais je sais - et j'en ai déjà

 18   parlé - que le 15 septembre on a donné l'ordre de monter un blocus de

 19   toutes les casernes. Cet ordre a été émis par la partie croate et cet ordre

 20   a d'ailleurs été exécuté.

 21   Q.  A l'époque, avez-vous entendu parler des attaques lancées contre les

 22   membres de famille des officiers de la JNA qui habitaient dans la région ?

 23   R.  Bien évidemment. J'en ai entendu parler et j'ai même eu l'occasion de

 24   parler à de nombreuses familles une fois qu'elles ont passé du côté serbe.

 25   Il y en avait que je connaissais personnellement puisque je travaillais

 26   autrefois à Zadar, où de nombreux officiers accompagnés de leurs familles

 27   étaient cantonnés. Les familles faisaient l'objet de nombreux mauvais

 28   traitements. Par exemple, on les faisait venir devant les casernes et


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  1   ensuite on les forçait à appeler leurs maris qui étaient bloqués à

  2   l'intérieur, elles étaient forcées à les encourager à se rendre. Et souvent

  3   elles étaient accompagnées de leurs enfants. Cela se passait pratiquement

  4   tous les jours jusqu'au moment où le blocus a été levé. Et, bien

  5   évidemment, il y a un certain nombre d'officiers qui n'ont pas réussi à

  6   résister à la tentation, si bien qu'ils sont sortis des casernes ou alors

  7   ils se sont rendus pour rejoindre leurs familles. Certains ont même été

  8   poursuivis par la suite pour trahison par les tribunaux de Serbie.

  9   Q.  Merci.

 10   M. LUKIC : [interprétation] Je souhaite demander le versement au dossier de

 11   cet enregistrement vidéo, Monsieur le Juge.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cet extrait concret a-t-il été

 13   téléchargé séparément ?

 14   M. LUKIC : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, Madame la Greffière, s'il vous

 16   plaît, la cote.

 17   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 33408c de la liste 65 ter

 18   recevra la cote D1349, Messieurs les Juges.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'enregistrement est admis au dossier.

 20   M. LUKIC : [interprétation] Merci.

 21   Est-il maintenant possible d'afficher à l'écran la pièce P07641, s'il vous

 22   plaît.

 23   Q.  Ce document vous a été montré hier, Monsieur Strbac. Il sera affiché à

 24   l'écran dans quelques instants. C'est un autre document qui émane du 9e

 25   Corps d'armée. Il date du 4 octobre 1991.

 26   On vous a montré la page 2 du document. J'aimerais que nous l'affichions

 27   pour raviver vos souvenirs quant au texte qui vous a été présenté. Le point

 28   numéro 3, nous y lisons que le chef de l'état-major, le colonel Ratko


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  1   Mladic, a dit ceci :

  2   "J'ai décidé :

  3   "De poursuivre les opérations d'offensive en direction de Zadar…"

  4   Revenons à présent à la page 1, le point numéro 2, l'avant-dernier

  5   paragraphe, c'est le dernier paragraphe dans la version anglaise. Nous

  6   pouvons y lire :

  7   "Les unités occupent des positions favorables et elles ont engagé une

  8   défense circulaire à partir de ces positions dans la matinée, elles vont

  9   poursuivre une attaque contre la ville de Zadar afin de lever le blocus des

 10   forces armées qui se trouvent dans cette ville."

 11   Alors, d'après vos connaissances, est-ce que ce blocus des forces armées

 12   s'est poursuivi au cours du mois d'octobre 1991 ?

 13   R.  Oui, oui, Zadar était la ville la plus proche de moi. Je connais de

 14   nombreux officiers cantonnés à Zadar. D'ailleurs, ils se sont repliés de

 15   Zadar en passant par Benkovac. Donc, tous ces événements qui se sont

 16   produits au début des années 1990, après que la guerre a éclaté, ce sont

 17   les événements qui me touchent de très près.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, penchez-vous, s'il vous

 19   plaît, sur le compte rendu d'audience, à la page 43, ligne -- non, en fait,

 20   je me trompe. Page 43, ligne 2, d'après ce qui a été enregistré dans le

 21   compte rendu d'audience, vous avez déclaré :

 22   "Dans le document, on peut lire que le chef de l'état-major, le colonel

 23   Ratko Mladic a dit ceci, j'ai adopté la décision de…" et cetera.

 24   Alors, pour commencer, j'ai du mal à retrouver cet endroit.

 25   M. LUKIC : [interprétation] Toutes mes excuses. Revenons à la page

 26   précédente, s'il vous plaît.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je pense que vous citiez la page 2.

 28   M. LUKIC : [interprétation] Oui, la page 2, suivi d'une signature. Ah, il y


Page 41185

  1   a une erreur. Je comprends ce que vous voulez dire à présent. Dans la

  2   version anglaise, il est question du "commandant"; alors qu'en B/C/S, donc

  3   dans la version originale, on parle du "chef de l'état-major".

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et, par ailleurs, --

  5   M. LUKIC : [interprétation] Et ensuite, on évoque le général Vukovic.

  6   L'INTERPRÈTE : L'interprète signale que les voix se chevauchent.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je le vois la page 3, merci.

  8   M. LUKIC : [interprétation] Excusez-moi.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et d'ailleurs, je ne pense pas qu'il ait

 10   dit quoi que ce soit, le général Mladic, il a plutôt écrit quelque chose.

 11   M. LUKIC : [interprétation] En effet.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer.

 13   M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Q.  Dans les cahiers de notes du général Mladic, qui portent la cote P349,

 15   pages 348 à 356, il a été question d'une attaque contre Skabrnja.

 16   La pièce c'est P349, et les pages sont de 348 à 356.

 17   Q.  Donc, d'après ce qui vous a été dit, cela a été évoqué dans les cahiers

 18   de notes du général Mladic, et ensuite nous avons aussi le document 33427

 19   de la liste 65 ter qui vous a, lui aussi, été présenté, et il y est

 20   question du même événement. Alors permettez-moi de vous poser maintenant

 21   une question relative à Skabrnja.

 22   Savez-vous à quel moment cet événement s'est produit à Skabrnja ?

 23   R.  Le 18 et le 19 novembre 1991.

 24   Q.  Que s'est-il passé alors ? Est-ce que la colonne militaire a quitté ?

 25   R.  Eh bien, Skabrnja se trouvait dans l'arrière-pays par rapport à

 26   l'aéroport de Zadar, qui s'appelait Zemunik, et qui fonctionnait à la fois

 27   comme un aéroport civil et militaire. A ce moment précis, il se trouvait

 28   entre les mains de la JNA. Et souvent, la JNA recevait des menaces ou


Page 41186

  1   faisait l'objet des attaques de la direction de Skabrnja et d'un autre

  2   village qui s'appelait Galovac. Alors, moi, je n'ai pas participé à ces

  3   opérations, mais j'ai assuré la défense d'un certain nombre de Serbes qui

  4   ont été poursuivis par les tribunaux croates au sujet de ces opérations. Et

  5   c'est alors en assurant leur défense que j'en ai appris beaucoup, en

  6   étudiant les dossiers. Donc, un convoi, qui englobait les membres de la JNA

  7   et des membres de la Défense territoriale et ainsi que quelques

  8   volontaires, a pris la route en partant du Gornji Zemunik, et cette colonne

  9   s'est déplacée le long de la route. Mais ils n'étaient pas déployés en une

 10   formation de combat.

 11   Q.  Un instant, s'il vous plaît. Qui se trouvait à la tête de cette

 12   colonne ?

 13   R.  Je pense que c'était un capitaine qui s'appelait Stevanovic. Il se

 14   trouvait à la tête de la colonne, il avait un haut-parleur à la main et il

 15   faisait appel à toutes les personnes responsables de se présenter pour

 16   entamer des discussions et des négociations, en disant qu'il était superflu

 17   de tirer.

 18   Q.  Très bien. Et quel a été le sort subi par cet homme qui portait le

 19   haut-parleur ?

 20   R.  Eh bien, il a été touché d'une balle tirée par un tireur embusqué, qui

 21   l'a touché au niveau du front. La colonne s'est arrêtée. Tout le monde a

 22   cherché un abri derrière les blindés. Plusieurs chars se trouvaient à

 23   l'arrière de la colonne, le convoi est resté sans bouger pendant une minute

 24   ou deux. Et puis un soldat qui faisait son service militaire obligatoire et

 25   qui était de Macédoine ou de par son appartenance ethnique s'est montré

 26   suffisamment courageux pour aller voir ce qui est arrivé à son supérieur

 27   hiérarchique, et alors lui aussi a reçu une balle à la tête, au niveau du

 28   front, et il a été tué sur place.


Page 41187

  1   Q.  Et dans ce convoi, est-ce qu'il se repliait, est-ce qu'il quittait

  2   l'aéroport de Zemunik ? Et quels étaient les groupes ethniques qui en

  3   faisaient partie ?

  4   R.  Vous parlez du convoi qui se dirigeait vers Skabrnja ?

  5   Q.  Oui.

  6   R.  Eh bien, il y avait des personnes qui appartenaient à toutes sortes de

  7   groupes ethniques. J'ai déjà indiqué que l'une des victimes était un

  8   Macédonien, et d'ailleurs j'ai pu lire dans un dossier qu'un Croate qui

  9   venait de Makarska faisait partie de ce convoi - j'ai oublié son nom de

 10   famille - eh bien, lui aussi faisait son service militaire obligatoire.

 11   Cela figurait dans un des dossiers que j'ai étudiés. Il participait à cette

 12   opération.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez vous

 14   tranquilliser un petit peu, Monsieur le Témoin, s'il vous plaît.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous voulez dire que vous souhaitez que je

 16   ralentisse mon débit ?

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Précisément, en effet.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Et puis, il y avait des représentants d'autres

 19   groupes ethniques. En fait, la colonne reflétait la composition ethnique de

 20   la JNA à l'époque -- à cette époque, il y avait peu de membres de la JNA

 21   qui avaient déjà quitté ses rangs, je parle des soldats qui faisaient leur

 22   service militaire obligatoire.

 23   M. LUKIC : [interprétation]

 24   Q.  Très bien. Et est-ce qu'il y a eu une bataille par la suite ?

 25   R.  Eh bien, la colonne a été reformée, restructurée, pour ainsi dire.

 26   Quelqu'un a assumé le commandement, et elle a commencé à se déplacer de

 27   nouveau. Une bataille a eu lieu, et elle a duré pendant deux jours.

 28   Q.  Merci. Je vous remercie. Où est-ce que les tirs ont commencé sur le


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  1   convoi ?

  2   R.  Eh bien, toutes les maisons possédaient des armes. Il y avait des

  3   civils et des personnes qui n'étaient pas des civils à l'intérieur des

  4   maisons. Les civils étaient armés eux aussi et, selon ce qu'on m'a dit, ils

  5   ont dû prendre le contrôle des maisons au porte à porte, les unes après les

  6   autres.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, vous venez de poser pas

  8   mal de questions. Nous avons entendu pas mal de réponses au sujet des

  9   événements et des lieux où ces événements se sont déroulés. Et si j'ai bien

 10   compris ce qu'a dit le témoin, il n'était pas présent sur les lieux. Il

 11   s'agit simplement d'une reconstitution de ce qu'il a pu lire quelque

 12   part --

 13   M. LUKIC : [interprétation] Oui.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- ou entendu quelque part. Je ne vous

 15   ai pas interrompu jusqu'à présent, mais vous savez que ce genre de

 16   déposition n'est pas véritablement ce dont nous avons besoin.

 17   M. LUKIC : [interprétation] Il ne s'agit pas simplement d'ouï-dire, qui est

 18   d'ailleurs autorisé devant ce Tribunal; il s'agit de ce que savait le

 19   témoin, de connaissances qu'il a acquises en examinant les documents qu'il

 20   a lus afin de préparer la défense de certains accusés.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais d'abord, c'est une espèce de

 22   ouï-dire qui n'est pas interdite en tant que telle. C'est la raison

 23   d'ailleurs pour laquelle je ne vous ai pas interrompu jusqu'à présent.

 24   Mais, en tout cas, les sources devraient être bien définies --

 25   M. LUKIC : [interprétation] D'accord.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- s'agissant des documents sur lesquels

 27   s'appuie le témoin. Et puis, il y a une autre question -- non, non, j'en

 28   resterai là. Mais la connaissance que le témoin a acquise en relisant des


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  1   documents est, bien sûr, avant tout ce dont la Chambre a besoin, car cela

  2   implique une possibilité d'apprécier la crédibilité et la fiabilité de la

  3   déposition, ce qui n'est pas le travail que le témoin doit accomplir.

  4   C'est ce que je souhaitais vous dire.

  5   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. J'ai

  6   simplement encore quelques questions à poser et j'en aurais terminé sur ce

  7   sujet.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie. J'en terminerai rapidement

 10   sur le sujet actuel.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est l'heure de la pause. Si vous en

 12   terminez sur le sujet actuel rapidement, peut-être pourrons-nous arriver à

 13   son terme.

 14   M. LUKIC : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder.

 16   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie.

 17   Q.  Pourriez-vous, Monsieur, rapidement, nous dire quelles étaient les

 18   diverses sources sur lesquelles vous vous êtes appuyé lorsque vous avez

 19   obtenu ces informations ?

 20   R.  Eh bien, j'ai déjà évoqué une source. J'ai lu les dossiers des affaires

 21   instruites par le tribunal, car il y avait un groupe de 16 ou 17 membres de

 22   la Défense territoriale du secteur de Benkovac qui avaient été traduits en

 23   justice devant le tribunal croate de Zadar.

 24   Q.  Vous rappelez-vous le nom du premier accusé sur la liste ?

 25   R.  Je pense qu'il s'agissait de Zoran Lakic, qui commandait la Défense

 26   territoriale de Benkovac; je crois que c'était son nom qui était en tête de

 27   liste. En tout cas, il faisait partie des noms figurant dans la liste. Et

 28   puis, le dossier de l'affaire a été ensuite transféré de Croatie vers la


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  1   Serbie sur la base de l'accord conclu entre les enquêteurs de crimes de

  2   guerre de Croatie et de Serbie, donc j'ai une nouvelle fois eu la

  3   possibilité de lire les dossiers des affaires, et je l'ai fait.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agissait de dossiers d'affaires

  5   devant le tribunal. Avez-vous consulté aussi d'autres documents ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai parlé avec des participants à

  7   l'événement, une dizaine d'entre eux environ, s'agissant des combats en

  8   tant que tels. Quant aux victimes, nous en avons déjà parlé, et nous avons

  9   aussi évoqué l'échange qui est lié à ces victimes. Le Procureur m'a

 10   interrogé au sujet de ce point également, et je peux d'ailleurs apporter

 11   des précisions complémentaires si des questions me sont posées sur ce

 12   sujet.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous parlé avec des participants

 14   représentant les deux parties en présence ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais alors, avec des participants de

 17   quelle partie avez-vous parlé ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Des représentants de la JNA, avec des

 19   représentants de la JNA.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 21   Veuillez procéder, Maître Lukic.

 22   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie.

 23   Q.  Et dans le dossier de l'affaire, ils se trouvaient des déclarations

 24   émanant de participants croates également, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui, le dossier de l'affaire intégrait des déclarations de participants

 26   représentant les deux parties. C'est dans ces déclarations que j'ai trouvé

 27   celle d'un jeune homme qui était un Croate de Makarska.

 28   Q.  Veuillez maintenant nous dire la chose suivante : savez-vous quoi que


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  1   ce soit au sujet du statut des personnes qui ont participé à ce combat du

  2   côté croate ?

  3   R.  Eh bien, lorsque la commission que je dirigeais a remis les restes

  4   humains à la partie croate, ils n'ont pas souhaité le faire le premier

  5   jour; et le deuxième jour, nous avons procédé à cette remise des restes

  6   mortuaires qui, ensuite, ont été examinés et nous avons eu accès à

  7   l'autopsie à laquelle il a été procédé…

  8   Excusez-moi, quelle était votre question ? J'ai perdu le fil.

  9   Q.  Ma question concernait le statut des personnes en question.

 10   R.  Ah, oui. Au début, la partie croate a indiqué qu'il s'agissait

 11   uniquement de civils; mais dès le premier anniversaire de l'événement, il

 12   s'est avéré qu'au moins 28 membres de ce groupe étaient des membres de la

 13   ZNG, qui était à l'époque l'armée croate, parce que nous avons constaté

 14   dans les annonces de décès parus dans les journaux que c'était bien le cas,

 15   et les Croates ont reconnu par la suite que ce fait était exact et que ces

 16   hommes avaient reçu le statut de combattant, leurs familles ayant bénéficié

 17   d'avantages matériels correspondants. Et ensuite, il a été découvert qu'une

 18   unité était stationnée à cet endroit, cette unité répondait au nom de

 19   Bataillon indépendant de Skabrnja; il s'agissait d'une unité composée

 20   d'hommes qui ne portaient pas l'uniforme, mais qui étaient porteurs

 21   d'armes.

 22   Q.  Où est-ce qu'ils ont été installés à Benkovac, ces hommes de Skabrnja,

 23   lorsqu'ils ont été amenés dans cette ville ?

 24   R.  Eh bien, ces personnes étaient sous escorte, et c'étaient des gens qui

 25   avaient été évacués de leurs domiciles. Il y avait des personnes âgées, des

 26   femmes et des enfants, qui ont été amenés à Benkovac et installés dans

 27   l'immeuble d'une école maternelle, qui n'accueillait pas d'enfants à ce

 28   moment-là, mais dans laquelle étaient logées des familles serbes qui


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  1   avaient été amenées quelques jours auparavant depuis certains villages

  2   serbes de la périphérie qui avaient subi des activités de combat intenses.

  3   Q.  A partir de quelle région venaient ces Serbes qui étaient dans le

  4   jardin d'enfant ?

  5   R.  Le plus grand nombre provenait d'un village qui s'appelait Lisanj

  6   Tinske, et qui était tout près de Skabrnja et de Galovac.

  7   Q.  Merci.

  8   M. LUKIC : [interprétation] Ce sera tout, Monsieur le Président, sur ce

  9   sujet. Je crois que nous avons dépassé l'heure de la pause.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 11   Monsieur le Témoin, nous aimerions vous revoir dans cette salle dans 20

 12   minutes. Vous pouvez maintenant sortir en suivant l'huissier.

 13   [Le témoin quitte la barre]

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, pourriez-vous nous

 15   indiquer de combien de temps vous aurez encore besoin à peu près.

 16   M. LUKIC : [interprétation] Je devrais pouvoir en terminer en 10 à 15

 17   minutes, 15 minutes, disons.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque j'ai parlé précédemment du QG,

 19   je parlais évidemment d'une déposition du témoin expert qui évaluait la

 20   qualité des sources. M. Riedlmayer a fait la même chose, il agissait donc

 21   en qualité d'expert, et ce témoin agit de même. Mais les informations qu'il

 22   donne ne sont pas toutes utiles pour la Chambre. Il convient de garder cela

 23   à l'esprit après la pause.

 24   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Nous

 25   apporterons des détails sur les dossiers à la Chambre par la suite.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons vous revoir après la

 27   pause et entendre la réponse de l'Accusation.

 28   Nous allons faire une pause de 20 minutes et reprendrons nos travaux à midi


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  1   20.

  2   --- L'audience est suspendue à 12 heures 00.

  3   --- L'audience est reprise à 12 heures 19.

  4   [La Chambre de première instance se concerte]

  5   M. LUKIC : [interprétation] Avant que le témoin -- ah, excusez-moi,

  6   Monsieur le Président.

  7   Avant que le témoin ne pénètre dans la salle, Monsieur le Président, je

  8   puis dire que s'agissant du document 65 ter numéro 33410, nous souhaitons

  9   ajouter à la demande de versement au dossier les deux pages précédant le

 10   passage cité. Seule la page 115 a été proposée jusqu'à présent, et nous

 11   aimerions demander l'ajout des pages 113 et 114, qui correspondent aux

 12   pages de compte rendu d'audience numéro 12 548 et 12 549.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ce document a déjà été admis au

 15   dossier en tant que pièce P7545, n'est-ce pas ?

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui --

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Donc, à présent, les détails de la

 18   requête sont bien compris.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je crois d'ailleurs que je vous

 20   avais plus ou moins invité à présenter une requête d'ajout de pages

 21   supplémentaires. Donc, je demanderais qu'une nouvelle version de la pièce à

 22   conviction remplace la pièce P7645 actuelle, qu'elle soit donc préparée et

 23   téléchargée de façon à ce qu'ensuite Mme la Greffière puisse recevoir

 24   l'ordre de remplacer la version actuelle par la nouvelle version.

 25   [Le témoin vient à la barre]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic.

 27   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 28   Q.  Monsieur Strbac, je vais encore devoir vous interroger pendant 10 à 15


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  1   minutes. Nous avons examiné l'exemple que vous avez donné concernant ce

  2   moment où vous avez participé au premier échange de prisonniers en tant que

  3   conseil, au moment de l'arrestation des cinq Serbes et des huit Croates. En

  4   dehors de cet exemple, est-ce que vous savez si la partie serbe a regroupé

  5   des civils ramassés dans la rue en vue de les utiliser dans le cadre

  6   d'échange ?

  7   R.  Non, je vous ai déjà expliqué cela. Je l'ai expliqué le premier jour.

  8   Q.  Très bien. Mais à un certain moment, vous avez déclaré que les deux

  9   parties détenaient des civils. D'où venaient ces civils ?

 10   R.  Du côté serbe, il s'agissait de personnes arrêtées pour des délits de

 11   droit commun ou des délits criminels, et à un certain moment, ces personnes

 12   étaient envoyées pour participer à un échange, car la partie adverse

 13   demandait à les récupérer.

 14   Q.  Je vous remercie.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais une précision.

 16   Vous avez dit "du côté serbe". Je vous ai posé des questions au sujet des

 17   cinq Serbes et des huit Croates. Mais lorsque vous dites "du côté serbe,

 18   ils étaient arrêtés", est-ce que vous parlez de Croates qui ont été

 19   arrêtés ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour l'essentiel, je parle de Croates,

 21   essentiellement de Croates.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous ai demandé un peu plus tôt pour

 23   quel motif ces personnes étaient arrêtées, et vous dites à présent que ces

 24   personnes étaient arrêtées pour des délits et des crimes, alors qu'un peu

 25   plus tôt durant l'audience, vous avez dit que d'après vous, ils n'étaient

 26   arrêtés que dans le but d'être échangés et que vous n'aviez aucune idée des

 27   motifs qui auraient pu justifier cette arrestation, que vous ne pouviez que

 28   les présumer. A présent, vous nous dites qu'ils étaient arrêtés en raison


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  1   de commission de délits et de crimes --

  2   M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, la première question

  3   concernant les huit Croates, alors que la question que je viens de poser

  4   était générale, ne concernait pas que ces huit personnes.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais --

  6   M. LUKIC : [interprétation] Et j'ai dit précisément qu'elle concernait

  7   davantage que ces huit personnes.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Mais pourquoi est-ce que vous

  9   n'aviez pas de connaissances au sujet des huit Croates, alors qu'à présent,

 10   vous avez des connaissances quant aux motifs de l'arrestation des autres ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas dit explicitement que je n'avais

 12   pas de connaissances. Je n'ai cessé de répondre que je n'avais pas eu les

 13   documents sous les yeux, les pièces du dossier. Il s'agissait d'une affaire

 14   assez spéciale et une question générale m'a été posée sur un autre sujet.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon.

 16   Maître Lukic, lorsque vous avez dit les deux parties détenaient des civils

 17   et que vous avez évoqué les endroits d'où venaient ces civils, il n'y avait

 18   pas une séparation suffisamment nette dans cette phrase, alors qu'elle

 19   existait dans votre question précédente où vous avez clairement établi

 20   cette distinction et à laquelle le témoin a répondu en disant qu'il s'était

 21   déjà expliqué sur ce point, mais peut-être pas suffisamment, car la

 22   question concernant huit personnes ou cinq personnes était très générale.

 23   Mais enfin, avançons.

 24   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder.

 26   M. LUKIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 27   Je demande l'affichage sur les écrans de la pièce P7647.

 28   Q.  Monsieur Strbac, le document qui va s'afficher sous peu sur votre écran


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  1   et les nôtres vous a déjà été montré. Il s'agit d'un texte tiré de

  2   différents journaux traduit en anglais. Mais nous ne voyons pas dans le

  3   document affiché à l'écran qui étaient les auteurs de ce texte. Donc, je ne

  4   peux pas vous interroger précisément sur ce point, car vous ne pouvez pas

  5   voir le nom de l'auteur du texte affiché actuellement. Je vois mal comment

  6   je peux vous demander dans ces conditions qui est l'auteur de cet

  7   entretien.

  8   R.  Je pense qu'il s'agissait de l'agence France Presse.

  9   Q.  Il n'y a pas de signature à la fin, mais enfin, en en-tête, nous voyons

 10   le nom de Viktorija Stegic. Vous rappelez-vous s'il vous est arrivé à un

 11   moment quelconque d'accorder un entretien à cette femme ?

 12   R.  Je ne me rappelle pas ce nom, mais si je vois bien ce que l'on voit au

 13   début du texte affiché, il devrait s'agir de l'agence France Presse.

 14   Q.  C'est cette agence qui a publié la nouvelle, mais --

 15   R.  Je ne sais pas. Je ne sais pas. Je ne connais pas personnellement cette

 16   femme. Je n'exclus pas la possibilité que je lui ai accordé un entretien,

 17   mais vous savez, il y a des centaines de journalistes auxquels j'en ai

 18   accordé, donc je n'en ai pas le souvenir précis.

 19   Q.  Merci. A présent, j'aimerais que nous nous penchions rapidement sur la

 20   pièce P7648. Il est indiqué qu'il s'agit d'un entretien, ou plutôt, d'un

 21   discours prononcé par le président Milosevic lors d'une séance

 22   extraordinaire de l'assemblée de Serbie en date du 9 août 1991. C'est

 23   l'avant-dernier paragraphe en B/C/S qui m'intéresse, qui correspond au

 24   troisième paragraphe depuis le haut de la page en version anglaise.

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maître Lukic, je vois la date du 29

 26   février 1992.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En anglais, qu'on ne trouve pas dans

 28   l'autre version. Est-ce qu'il s'agit de deux documents différents ?


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  1   M. LUKIC : [interprétation] A gauche et à droite de l'écran, vous voyez les

  2   mêmes documents et vous constaterez qu'en haut de la page en B/C/S, nous

  3   lisons British Broadcasting Corporation, BBC, 29 février 1992. Ensuite, il

  4   y a, dans la version B/C/S, une date, celle du vendredi, 9 août 1991, que

  5   nous ne trouvons pas dans la version anglaise.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais il s'agit peut-être d'une erreur de

  7   traduction ou de retranscription.

  8   M. LUKIC : [interprétation] Peut-être.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est la version anglaise qui constitue

 10   l'original ?

 11   M. LUKIC : [interprétation] Je ne sais pas.

 12   M. ZEC : [interprétation] C'est bien cela, si j'ai bien compris, Monsieur

 13   le Président.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. La version en B/C/S devrait être

 15   révisée. Vous prendrez les mesures qui s'imposent, Monsieur Zec.

 16   M. ZEC : [hors micro]

 17   M. LUKIC : [interprétation]

 18   Q.  Concentrons-nous sur ce paragraphe. Nous verrons plus tard quelle en

 19   est la source, si l'original est la version anglaise ou la version en

 20   B/C/S.

 21   Vous avez proféré une remarque très correcte lorsque mon confrère, M.

 22   Zec, vous interrogeait. Il est écrit ici, je cite :

 23   "La République de Serbie a aidé le peuple serbe de la région, tout d'abord,

 24   sur le plan matériel en fournissant de l'argent, des vêtements, des vivres,

 25   des médicaments, et puis aussi sur le plan politique…"

 26   Et un peu plus loin, nous lisons :

 27   "Et au moment où toutes ces formes d'aide se sont avérées insuffisantes,

 28   elle a également fourni des armes … alors tout d'abord, grâce au soutien


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  1   très ferme et à l'engagement très ferme de la Serbie vis-à-vis de l'armée

  2   populaire yougoslave…"

  3   Alors maintenant, je ne sais pas très bien dans quel terme vous poser ma

  4   question, parce qu'on ne semble pas savoir exactement si ce texte date du

  5   mois d'août 1991 ou du mois de février 1992. Mais vous nous avez dit qu'il

  6   y avait sur place des volontaires. Alors voici ma question : sur le

  7   territoire de la République autonome serbe de Krajina, existait-il déjà sur

  8   le terrain des dépôts d'armes avant le début du conflit ?

  9   R.  A l'époque où l'Etat n'était pas encore démembré, il existait des

 10   dépôts d'armes dans toutes les unités militaires d'une certaine importance.

 11   Il y avait des dépôts d'armes qui correspondaient à des corps d'armée, mais

 12   également des dépôts d'armes correspondant à des unités de taille plus

 13   réduite que le corps d'armée. Je sais que non loin de Benkovac, où je

 14   résidais, se trouvait un tel dépôt d'armes; ces lieux étaient très bien

 15   sécurisés, particulièrement défendus, et enterrés dans le sol. Et puis

 16   pendant la guerre, personne n'a totalement vidé ces dépôts d'armes. Je vous

 17   ai dit hier que Tepic, non loin de Bjelovar, a fait exploser un dépôt

 18   d'armes contenant 100 tonnes d'explosifs, en déclarant que cette quantité

 19   d'explosifs était relativement réduite par rapport à la totalité des

 20   explosifs qu'abritait ce dépôt.

 21   Mais indépendamment de la date, même si la date est celle de février 1992,

 22   il est question dans ce document d'un événement qui faisait déjà partie du

 23   passé. Je dois vous dire que la JNA s'est retirée officiellement du

 24   territoire de Croatie, y compris du territoire de la République serbe de

 25   Krajina où se trouvait le plus grand nombre de ces unités, à la date du 19

 26   mai 1991. C'est cela, la date du retrait militaire, du retrait hors de

 27   Croatie et hors de Bosnie.

 28   Q.  Encore une question en conclusion : est-ce que vous saviez de quelle


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  1   façon les unités de l'armée de la République serbe de Krajina obtenaient

  2   leurs armes ?

  3   R.  Je savais certaines choses, et je n'en savais pas d'autres. S'agissant

  4   de ce que je savais - puisque j'étais membre de la Défense territoriale,

  5   comme la plupart des gens, quelle que soit leur appartenance ethnique - le

  6   concept qui était appliqué était celui de la République socialiste

  7   fédérative de Yougoslavie, c'est-à-dire de la Yougoslavie de Tito, selon

  8   laquelle nous devions éviter que qui que ce soit puisse nous surprendre. La

  9   plupart des gens étaient armés. Certains avaient des armes à leur domicile,

 10   il s'agissait des réservistes de la police et de la Défense territoriale.

 11   Parfois les armes étaient laissées dans des dépôts, parfois elles étaient

 12   emportées au domicile de ceux qui les possédaient. C'est de cette façon que

 13   les deux parties ont obtenu leurs armes.

 14   Maintenant quelles sont les autres sources d'armement qui existaient, nous

 15   pouvons en discuter. Les Croates ont procédé à des achats d'armes à

 16   l'étranger. Nous avons déjà parlé des différentes manières dont des armes

 17   étaient importées en provenance de Hongrie, en particulier, en grande

 18   quantité. Ces armes arrivaient grâce à des ponts aériens. Un pont aérien de

 19   cette nature a fait l'objet d'une saisie à l'aéroport de Zagreb. Et les

 20   Serbes avaient également leurs propres canaux d'obtention des armes. Nous,

 21   nous étions du côté de la JNA avec les Serbes, et ce, jusqu'au 19 mai 1991.

 22   Suite à la logique des choses, la Défense territoriale faisait partie des

 23   forces armées et est devenue donc partie au conflit. Donc certaines armes

 24   provenaient de la JNA, des dépôts qui existaient déjà à ce moment-là.

 25   Q.  Monsieur Strbac, je vous remercie. C'est tout ce que j'avais à vous

 26   demander aujourd'hui.

 27   R.  Je vous remercie.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une question à vous poser par


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  1   rapport à votre dernière réponse. Vous nous avez décrit une situation dans

  2   laquelle les armes se trouvaient dans les dépôts, y sont restées, en disant

  3   que cela expliquait plus ou moins les propos tenus par M. Milosevic.

  4   Vous avez également dit quelques mots au sujet des volontaires, mais je

  5   suppose que les volontaires n'étaient pas accueillis immédiatement dans les

  6   dépôts puisqu'ils étaient envoyés de Serbie, comme on le lit dans le

  7   document, vers la Croatie. L'image décrite dans le texte semble un peu

  8   différente s'agissant de la fourniture d'armes.

  9   Est-ce que vous avez un commentaire sur ma remarque ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous voulez dire les volontaires ? Eh bien,

 11   quand quelqu'un est volontaire, cela signifie qu'il n'est pas envoyé par

 12   l'Etat. Sur les théâtres de guerre, de Croatie, puisqu'en Bosnie il y avait

 13   des gens qui venaient de Hollande, d'Ukraine, de Russie, et il y avait des

 14   Serbes de Serbie. Quant aux gens qui se sont organisés eux-mêmes, il y en a

 15   eu aussi qui se sont rendus sur place. Je ne sais pas ce que Milosevic

 16   entendait lorsqu'il a parlé de "volontaires".

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous parlez de volontaires qui

 18   n'ont pas été envoyés par les gouvernements. En même temps, nous voyons

 19   dans ce document il est question d'un grand nombre de volontaires que la

 20   Serbie a envoyés sur le front de Croatie, ce qui permet de penser que la

 21   réalité était un peu différente de ce que vous dites.

 22   Un commentaire sur ce point ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous ai dit, je ne sais pas ce que M.

 24   Milosevic entendait par les mots qu'il a prononcés. Je vous ai dit ce que

 25   je savais. Si une personne était volontaire, cela signifiait qu'elle venait

 26   de son propre chef.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Zec, des questions ?

 28    M. ZEC : [interprétation] Sur un point, rapidement.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, veuillez procéder.

  2   Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Zec :

  3   Q.  [interprétation] Monsieur Strbac, aujourd'hui on vous a interrogé au

  4   sujet d'un certain nombre d'endroits en Krajina, en rapport avec des

  5   opérations militaires menées dans les environs de ces lieux, et vous avez

  6   fourni pas mal de détails au sujet des combats et au sujet des tirs. C'est

  7   un fait que des crimes ont été commis dans toute la région contre des

  8   Croates à ce moment-là. Ces crimes étaient connus et vous savez que ces

  9   crimes ont été commis contre les Croates, n'est-ce pas ?

 10   R.  Que souhaitez-vous que je vous dise en réponse à cette question ? Je

 11   vous ai dit que je suis tombé sur une quarantaine de cadavres et même

 12   davantage de Skabrnja, et que pas mal de ces victimes avaient été tuées

 13   pendant des combats féroces qui se déroulaient à ce moment-là, mais comment

 14   puis-je savoir s'il s'agissait d'un crime de guerre ? Je n'en sais rien. Il

 15   s'agissait de combat. Il y avait des combats féroces qui se déroulaient

 16   autour de Kijevo, et un peu partout ailleurs.

 17   Q.  Mais vous pourriez nous donner un exemple, Skabrnja, Kijevo, et vous

 18   dites que les combats se déroulaient un peu partout, un exemple montrant

 19   que vous étiez au courant de crimes qui étaient commis, n'est-ce pas ?

 20   M. LUKIC : [interprétation] La question a été posée et a obtenu réponse.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une seconde.

 22   Je pense qu'elle a été posée, mais qu'elle n'a pas obtenu réponse.

 23   Veuillez procéder. Compléter votre réponse, je vous prie.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, tous les événements dont nous venons

 25   de parler, il ne s'agit pas d'événements dans lesquels des gens sont

 26   arrivés et ont tué d'autres personnes pendant leur sommeil. Il s'agit de

 27   combats qui avaient lieu dans ces zones, des combats qui duraient un jour

 28   ou deux, et dans lesquels les gens étaient tués. Il y avait aussi des


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  1   combats qui se déroulaient au porte-à-porte dans des secteurs habités.

  2   Quand une personne correspondant à cette définition franchit la ligne et

  3   devient un criminel de guerre, c'est un événement sur lequel les tribunaux

  4   doivent finalement se prononcer, et cela fait plus de 20 ans qu'un tribunal

  5   existe qui traite de ces cas. Dans le cas de Skabrnja, dix personnes ou

  6   plus ont été traduites devant le tribunal, j'ai évoqué un jugement qui

  7   concernait 16 accusés. Je ne peux pas répondre à une question posée dans

  8   ces termes qui me demande de déterminer s'il s'agissait de crimes. Il y a

  9   eu des combats, il y a eu des victimes, mais qu'est-ce qui constitue un

 10   crime ? Je n'en sais rien. Aucun des tribunaux existant ne serait

 11   nécessaire si nous étions capables de répondre à ces questions à l'avance.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si je vous ai bien compris, vous ne

 13   dites pas qu'il s'agissait de victimes civiles mais de victimes tombées au

 14   combat, et vous n'excluez pas la possibilité que certaines de ces victimes

 15   aient été tuées suite à des activités criminelles ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est tout à fait cela, c'est tout à fait ça,

 17   oui. Cela s'est passé malheureusement des deux côtés. Il y a eu toutes

 18   sortes d'unités ou de particuliers qui ont tué, qui ont pillé. Il y a eu

 19   également des combats qui se sont menés contre ces personnes, avec plus ou

 20   moins de succès, et cela s'est passé du côté croate comme du côté serbe.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors merci.

 22   Monsieur Zec.

 23   M. ZEC : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions. Je vous remercie.

 24   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 25   M. ZEC : [interprétation] Si vous me le permettez, peut-être rapidement.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, rapidement.

 27   M. ZEC : [interprétation]

 28   Q.  Encore une fois, Monsieur Strbac, j'aimerais vous renvoyer à ce que


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  1   vous avez déclaré dans votre déposition dans l'affaire Hadzic. Lorsque vous

  2   étiez interrogé au sujet d'un article qui reprenait une interview, un

  3   entretien accordé par vous, vous avez dit précisément que :

  4   "La question des crimes commis contre les Croates n'était en aucun cas un

  5   secret. Les souffrances des Croates dans tout le secteur de Knin ont été

  6   suivies attentivement par des équipes de représentants internationaux…"

  7   Et vous avez dit :

  8   "J'ai fait une déclaration de ce genre à de très nombreuses reprises,

  9   donc je suppose que je l'ai dit aux tribunaux également."

 10   C'est ce que vous avez dit dans votre déposition dans l'affaire

 11   Hadzic; vous la maintenez aujourd'hui ?

 12   R.  Eh bien, lorsque vous le sortez de son contexte comme cela, cela semble

 13   un petit peu trop rude. Quoi que je dise, il y a encore des choses qui

 14   resteront, dont on ne parlera pas. Je n'aime pas donner des réponses qui

 15   sont incomplètes. Je crois que tout ceci a un sens. Alors je vais répéter,

 16   tout ce qui s'est passé et qui est arrivé aux Croates, chaque meurtre, ou

 17   tout autre crime qui s'est déroulé pendant la guerre a-t-il fait l'objet

 18   d'enquête ? Je dirais oui à 99 %; 1 755 membres de la JNA et autres Serbes

 19   ont été traduits devant les tribunaux croates, et ceux qui ont été accusés

 20   correspondaient à plus de 3 000 au total. Mais, en revanche, les crimes

 21   contre les Serbes n'ont pas fait l'objet d'enquête. Et ça, c'était

 22   l'essentiel de ma réflexion et la thèse que j'ai soumise, et je maintiens

 23   ce que j'ai dit.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que vous n'avez pas répondu à

 25   la question. Monsieur Zec, c'est à vous, est-ce que vous êtes d'accord ?

 26   M. ZEC : [interprétation] Alors, cette page que j'ai lue et qui est

 27   extraite du compte rendu d'audience dans l'affaire Hadzic, je souhaite en

 28   demander à ce que ceci soit une pièce jointe, que l'on ajoute à la pièce à


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  1   conviction.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, s'il s'agit d'une citation

  3   littérale, cela est inutile. Si cela est contesté, qu'il s'agisse d'une

  4   citation de l'affaire Hadzic --

  5   M. LUKIC : [interprétation] Nous devrons sans doute en entendre davantage

  6   pour avoir le contexte.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas, je vous suggère ce qui

  8   suit, que vous en parlez à Me Lukic, et savoir quels sont les éléments que

  9   vous souhaitez verser au dossier, et le témoin n'a pas besoin de rester

 10   pour cela.

 11   Nous allons entendre des parties, quels extraits elles ont choisis.

 12   Monsieur Strbac, ceci conclut votre témoignage devant cette Chambre. Nous

 13   vous remercions beaucoup d'être venu jusqu'à La Haye. Vous avez répondu aux

 14   questions posées par les parties, les Juges de la Chambre, et nous vous

 15   remercions. Je vous souhaite un bon voyage de retour. Vous pouvez suivre

 16   l'huissier.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Tout le plaisir était pour moi.

 18   [Le témoin se retire]

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre témoin suivant.

 20   M. LUKIC : [interprétation] Nous n'avons pas été en contact avec lui, nous

 21   ne savons pas s'il est prêt.

 22   [La Chambre de première instance se concerte]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, je le constate, je n'aurais pas dû

 24   m'adresser à vous, Maître Lukic.

 25   Le témoin suivant, est-il prêt à entrer dans le prétoire ?

 26   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent] M. LE JUGE

 27   ORIE : [interprétation] Parce que nous sommes au stade où nous allons

 28   poursuivre le contre-interrogatoire du témoin suivant, n'est-ce pas,


Page 41205

  1   Monsieur Traldi ? Et c'est M. Kijac, n'est-ce pas.

  2   M. TRALDI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Un instant, s'il

  3   vous plaît, veuillez nous accorder quelques instants pour que nous

  4   puissions nous organiser.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges de la Chambre ne s'opposent

  6   jamais à ce qu'une des parties s'organise ou prenne ces dispositions,

  7   Monsieur Traldi.

  8   [La Chambre de première instance se concerte]

  9   [Le témoin vient à la barre]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Kijac. Monsieur Kijac,

 11   nous allons maintenant poursuivre votre contre-interrogatoire. Vous êtes

 12   rentré à la maison, et maintenant vous êtes de retour, et si vous en

 13   souvenez, vous étiez contre-interrogé par M. Traldi lorsque notre volet

 14   d'audience a été interrompu. Je souhaite vous rappeler que vous êtes

 15   toujours tenu par la déclaration solennelle que vous avez prononcée au

 16   début de votre déposition, à savoir que vous allez dire la vérité, toute la

 17   vérité et rien que la vérité, même si cela remonte à une quinzaine de

 18   jours.

 19   M. Traldi va maintenant poursuivre.

 20   M. TRALDI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   LE TÉMOIN : DRAGAN KIJAC [Reprise]

 22   [Le témoin répond par l'interprète]

 23   Contre-interrogatoire par M. Traldi : [Suite]

 24   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 25   R.  Bonjour à vous.

 26   M. TRALDI : [interprétation] Je souhaite que nous affichions la pièce 1300

 27   à l'intention du témoin, s'il vous plaît.

 28   Q.  Au paragraphe 46 de votre déclaration, vous renvoyez à des ordres


Page 41206

  1   donnés par vous et le Dr Karadzic. Vous dites qu'il s'agissait d'ordonner à

  2   ce que des crimes commis dans la Republika Srpska fassent l'objet

  3   d'enquête, et en particulier à Prijedor. Nous voyons ici l'ordre de

  4   Karadzic dont vous parlez, qui est daté du 3 avril 1994, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui, d'après ce que je peux voir. Oui.

  6   M. TRALDI : [interprétation] Numéro 65 ter 32749, s'il vous plaît.

  7   Q.  En attendant son affichage, vous et le président Karadzic, bien

  8   évidemment, vous saviez tous les deux que des crimes graves avaient été

  9   commis contre des Musulmans de Bosnie et des Croates dans la municipalité

 10   de Prijedor, n'est-ce pas ?

 11   R.  Veuillez, s'il vous plaît, afficher l'ordre du président à nouveau à

 12   l'écran pour que je puisse le lire.

 13   Q.  Je vous ai demandé de vous concentrer sur la question qui m'intéresse.

 14   Je vous demande de bien vouloir répondre à ma question. Vous et le

 15   président Karadzic, vous saviez tous les deux que des crimes graves avaient

 16   été commis contre des Musulmans de Bosnie et des Croates dans la

 17   municipalité de Prijedor, n'est-ce pas ?

 18   R.  Eh bien, je ne suis pas tout à fait prêt. Je souhaite que vous

 19   affichiez à nouveau l'ordre du président.

 20   Pour ce qui est des crimes commis à Prijedor, je dois vous dire que nos

 21   services ne disposaient pas de ce type de renseignement. En tant que

 22   service de Sûreté, nous n'enquêtions pas sur les crimes de guerre, et il y

 23   avait --

 24   Q.  Vous, en tant qu'être humain, je vous pose la question, saviez-vous,

 25   oui ou non, que des graves crimes avaient été commis contre des Musulmans

 26   de Bosnie et des Croates à Prijedor ? Oui ou non.

 27   R.  On entendait des récits de ce genre; mais les services de Sûreté

 28   n'étaient pas informés le long de leur chaîne de transmission de


Page 41207

  1   l'information au sujet des événements à Prijedor.

  2   Q.  Donc, il s'agit d'un résumé d'une conversation interceptée par les

  3   autorités croates à la fin du mois de mai 1992. Alors, on voit qu'ils

  4   mentionnent "l'ennemi qui tue les prisonniers qui portaient des armes à

  5   l'est de Prijedor autour de Kozarac."

  6   Donc, nous sommes d'accord à ce stade pour dire que l'ennemi des forces

  7   croates était la VRS à l'époque ?

  8   M. LUKIC : [interprétation] Alors, ce que le document dit, eh bien, il

  9   s'agit d'une conversation téléphonique interceptée, et l'écoute doit

 10   reprendre ce qui est dit. Et la conversation précise que l'ennemi, c'est

 11   l'ennemi des Serbes. S'il s'agit de quelqu'un qui est du côté serbe qui

 12   parle --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il ne s'agit pas d'une objection, Maître

 14   Lukic. Tout d'abord, si M. Traldi pose une question directrice, il est en

 15   droit de le faire dans le cadre du contre-interrogatoire.

 16   M. Traldi a expliqué au témoin ce que c'était, apparemment, il s'agit en

 17   fait d'une transcription non verbale ou de l'interception d'une

 18   communication. Voilà --

 19   M. LUKIC : [interprétation] Dans ce cas, je souhaite savoir où dans le

 20   document il est dit ce qu'avance M. Traldi.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est inutile. Vous pouvez vous

 22   repencher sur la question lors des questions supplémentaires, le cas

 23   échéant.

 24   M. LUKIC : [interprétation] Mais, je souhaite avoir une référence qui

 25   correspond à ce qu'avance M. Traldi.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est clair, ce que vous voulez, et

 27   j'y ai répondu.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Lukic, je crois que M. Traldi a


Page 41208

  1   lu la conversation téléphonique interceptée, et ensuite il a posé une

  2   question à propos de cette écoute, et il a dit : Est-ce que vous et moi,

  3   nous pouvons être d'accord pour dire que "l'ennemi", ce sont les Serbes ?

  4   Il n'avance pas que c'est ce qui est contenu dans le document. Il pose la

  5   question au témoin de savoir s'il peut être d'accord avec le fait que

  6   "l'ennemi" renvoie aux Serbes.

  7   M. LUKIC : [interprétation] En se fondant sur quoi ? Ma question porte là-

  8   dessus. Il se fonde sur quoi ?

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il s'agit d'une question. Il pose

 10   simplement la question.

 11   M. LUKIC : [interprétation] Il s'agit d'une conversation téléphonique

 12   interceptée, Monsieur le Juge. Et sur la base d'une conversation

 13   interceptée --

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'ai essayé d'expliquer la question

 15   posée par M. Traldi.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, je suppose que vous

 17   êtes parti de l'hypothèse que c'est un Serbe dont la conversation est

 18   consignée, et c'est dans ce contexte-là vous demandez qui est l'ennemi.

 19   M. TRALDI : [interprétation] Alors, le fondement que j'ai présenté, et à

 20   l'avenir il est préférable d'avoir une discussion détaillée sur le

 21   fondement d'une question posée en l'absence du témoin, mais étant donné que

 22   nous sommes allés très loin dans cet échange, le résumé est préparé par les

 23   autorités croates. Il s'agit d'un descriptif qui émane d'une collection

 24   d'écoutes ainsi que d'autres résumés préparés par les autorités croates et

 25   fait référence à l'ennemi. La seule question que j'ai posée : est-ce que

 26   nous pouvons être d'accord pour dire qu'à la fin du mois de mai 1992,

 27   l'ennemi des forces croates à Prijedor était la VRS ? La question est tout

 28   à fait équitable.


Page 41209

  1   M. LUKIC : [interprétation] Alors, suite à votre question. Il ne s'agit pas

  2   d'une réponse --

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je m'en tiens à cela, Maître Lukic. Vous

  4   êtes obligé de l'accepter. S'il y a d'autres questions que vous souhaitez

  5   poser à ce sujet, vous pouvez les poser lors des questions supplémentaires.

  6   Maître Lukic, c'est la décision que je rends maintenant et toutes questions

  7   éventuelles que vous avez encore à poser, vous pouvez les soulever lors des

  8   questions supplémentaires.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Objection.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Objection rejetée --

 11   M. LUKIC : [interprétation] Une autre objection. Alors, le fondement de la

 12   question est qu'il avance qu'il s'agit d'une conversation interceptée des

 13   Serbes.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelle est votre objection ?

 15   M. LUKIC : [interprétation] Il s'agit en fait d'une déformation des

 16   éléments de preuve.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette objection est également rejetée.

 18   Monsieur Traldi, vous pouvez poursuivre.

 19   Et le témoin doit répondre à la question.

 20   M. TRALDI : [interprétation]

 21   Q.  Je vais essayer encore une fois, est-ce que nous pouvons nous mettre

 22   d'accord pour dire que l'ennemi des forces croates à Prijedor à la fin du

 23   mois de mai 1992 était la VRS ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Et nous lisons ici que l'ennemi tue les prisonniers. Vous savez que les

 26   prisonniers avaient été retenus par la VRS et autres forces bosno-serbes,

 27   qui ont été retenues dans des conditions déplorables assimilables à des

 28   crimes dans la municipalité de Prijedor ?


Page 41210

  1   R.  Je ne peux pas confirmer cela. En mai 1992, j'étais le chef du centre

  2   de Sarajevo, et à l'instar d'autres centres régionaux, je n'avais aucun

  3   contact avec eux et je n'avais aucune information au sujet de Prijedor,

  4   aucune information quelle qu'elle soit. Donc, il s'agit de quelque chose

  5   dont devait être au courant le chef du service, mais nous qui étions à

  6   Sarajevo, nous n'avions rien à voir avec Prijedor. Je n'étais pas

  7   responsable de Prijedor à l'époque, mais j'étais responsable de Sarajevo.

  8   M. TRALDI : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant afficher le

  9   P6659.

 10   Q.  Et je souhaite que vous répondiez à ma question plutôt que de nous

 11   expliquer la manière dont est organisé le MUP de la Republika Srpska.

 12   Il s'agit du résumé d'une réunion de représentants officiels haut placés du

 13   MUP le 11 juillet 1992. Nous allons passer à la page 2 dans les deux

 14   langues. Au niveau du deuxième paragraphe sont énumérés les participants à

 15   cette réunion, et deux lignes à partir du bas de ce paragraphe, on voit

 16   qu'il est fait mention de Zoran Cvijetic, chef du centre, et Dragan Kijac,

 17   chef du secteur SNB.

 18   Dragan Kijac, c'est bien vous, n'est-ce pas ?

 19   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète de la cabine anglaise : le témoin peut-

 20   il parler dans le microphone, car il est impossible de l'entendre.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez vous rapprocher du microphone

 22   et parler dans le microphone et répondre à la question, s'il vous plaît.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, sans doute.

 24   M. TRALDI : [interprétation]

 25   Q.  Alors, la page 7 dans les deux langues, maintenant, s'il vous plaît, il

 26   y a une partie des remarques de Stojan Zupljanin, qui dirigeait le CSB de

 27   Banja Luka et était en charge de la région de la Krajina, y compris le MUP

 28   de -- c'est-à-dire du côté du MUP de la Republika Srpska.


Page 41211

  1   R.  Alors, je ne vais pas lire tout ceci, mais je peux confirmer que M.

  2   Zupljanin était responsable du secteur de Prijedor.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez ajuster le microphone du

  4   témoin, parce que si vous vous penchez dans ce sens-là, à ce moment-là, le

  5   microphone doit être dans cette direction-là aussi.

  6   Veuillez poursuivre.

  7   M. TRALDI : [interprétation]

  8   Q.  Premier point, il dit :

  9   "L'armée et les cellules de Crise, ou présidences de Guerre, demandent à ce

 10   qu'autant de Musulmans que possible soient rassemblés, car ils quittent ces

 11   camps mal définis, et ces camps mal définis sont remis aux organes des

 12   affaires intérieures pour qu'elles les gèrent. Les conditions dans ces

 13   camps sont mauvaises - il n'y a ni nourriture, certains individus ne

 14   respectent pas les normes internationales parce qu'entre autres, de tels

 15   centres de rassemblement sont inadéquats et il y a d'autres raisons…"

 16   Tout d'abord, cette réunion que vous avez vue, la liste des participants --

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Traldi, est-ce que vous êtes

 18   sûr d'être sur la bonne page en B/C/S ?

 19   M. TRALDI : [interprétation] Je vais vérifier.

 20   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je ne la vois pas --

 21   M. TRALDI : [interprétation] Alors, la page suivante en B/C/S, c'est le

 22   haut.

 23   Q.  Alors, ce que nous voyons ici dans ce paragraphe.

 24   Monsieur, je vais vous reposer la question.

 25   M. TRALDI : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

 26   Q.  A cette réunion dont nous avons vu la liste des participants, vous avez

 27   appris que pas plus tard que le 11 juillet 1992, les Musulmans ont été

 28   rassemblés, laissés dans des camps sans nourriture, dans des endroits où


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  1   les standards ou normes internationales n'étaient pas respectés, n'est-ce

  2   pas ?

  3   R.  Ecoutez, je ne sais pas s'il s'agissait de camps ou de centres de

  4   rassemblement, parce que je ne m'y suis pas rendu. Il s'agissait de

  5   réunions régulières avec les services de sûreté de l'Etat et je ne

  6   participais pas à la discussion. Nous n'avions rien à voir avec ces

  7   questions-là. Nous n'étions pas en charge des camps.

  8   Q.  J'entends bien, vous essayez de vous concentrer sur vos liens avec ces

  9   camps, vos relations. Et moi, je ne parle pas de cela, je vous parle en

 10   tant qu'être humain, le 11 juillet 1992, lorsque Zupljanin a prononcé ces

 11   paroles, vous saviez que l'on rassemblait des Musulmans, qu'on les laissait

 12   dans des camps sans nourriture et qu'on ne respectait pas les normes

 13   internationales. Vous saviez cela, n'est-ce pas ?

 14   R.  D'une manière générale, oui, qu'il y avait des centres de rassemblement

 15   et tous les autres éléments d'informations ne me sont tout simplement pas

 16   parvenus, parce que je ne m'y intéressais pas, parce que je n'étais pas

 17   responsable de ce secteur-là, de ce domaine-là.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dois-je comprendre par là que vous avez

 19   entendu une partie de la phrase et pas le reste de la phrase ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne me souviens même pas de ceci,

 21   Monsieur le Juge.

 22   Je ne m'en souviens pas. Cela remonte à un grand nombre d'années. Je peux

 23   accepter que c'était le cas. Je ne peux pas dire que cela n'était pas le

 24   cas. S'il s'agit des procès-verbaux, qu'il s'agit du rapport, je l'accepte

 25   tel que nous l'avons. Mais je vous parle de mon point de vue et de

 26   fonctions qui étaient les nôtres. Dans nos services, nous n'avons rien à

 27   voir avec ces gens-là. Nous avions tellement d'éléments d'information que

 28   certains éléments ont pu m'échapper.


Page 41213

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il se peut que les éléments

  2   d'information vous aient échappé.

  3   Monsieur Traldi.

  4   M. TRALDI : [interprétation] Numéro 65 ter 02653, s'il vous plaît.

  5   Q.  Alors, il s'agit d'un document qui a été envoyé par et signé au

  6   nom du chef du secteur du SNB de Banja Luka, Nedjelko Kesic, et ceci est

  7   daté du 12 juin 1992, qui demande à ce que trois personnes - Anto Mandic,

  8   Nedeljko Maric et Miro Petrusic - soient relâchées pour faire l'objet

  9   d'autres enquêtes au CSB de Banja Luka. Ceci illustre le fait que le

 10   secteur de la sécurité nationale jouait un rôle dans l'enregistrement et le

 11   traitement des prisonniers ?

 12   R.  Eh bien, voyez-vous, ceci n'avait rien à voir avec Prijedor. Il s'agit

 13   de la prison du district de Banja Luka. Même la dernière fois --

 14   Q.  Je vous demande simplement de répondre à ma question. Ceci illustre le

 15   fait que le secteur de la sécurité nationale jouait un rôle dans

 16   l'enregistrement et le traitement des prisonniers, n'est-ce pas ?

 17   R.  Les services de sûreté de l'Etat, encore une fois, vous avez indiqué

 18   quelque chose, bon, je n'étais pas responsable de ces services.

 19   Les services de sécurité s'intéressaient à certains prisonniers et

 20   travaillaient avec eux. Cela n'est pas contesté. Je l'ai dit la dernière

 21   fois. Lorsque c'était dans l'intérêt des services de travailler avec

 22   quelqu'un ou de traiter ou d'enregistrer certains individus - comme nous le

 23   disions à l'époque - à ce moment-là, cela ne fait pas l'ombre d'un doute

 24   que le centre, les centres des services de renseignement de Banja Luka,

 25   avait sans doute demandé à pouvoir avoir un entretien avec ces trois

 26   personnes, et je pense qu'ils les ont ensuite renvoyés à la prison du

 27   district de Banja Luka, après avoir terminé ce processus d'enregistrement

 28   de traitement de ces personnes. C'est ce que nous faisions. Je ne suis pas


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  1   au courant de cet événement en particulier, mais de manière générale, les

  2   prisonniers de guerre qui nous intéressaient pour notre service, nous

  3   faisions cela. Et si vous le souhaitez, je peux préciser quel était

  4   l'intérêt que mes services avaient à faire cela.

  5   Q.  Alors, un des endroits où les services de la Sûreté nationale et les

  6   représentants officiels s'intéressaient à différentes personnes, eh bien,

  7   c'était bien dans le camp d'Omarska, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui, cela, je l'ai vu après la guerre.

  9   Q.  Et vous saviez certainement --

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin --

 11   M. TRALDI : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur le Témoin --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, n'interrompez pas.

 14   Vous avez répondu à la question. M. Traldi était sur le point de formuler

 15   une nouvelle question à votre intention. Ne l'interrompez pas, s'il vous

 16   plaît.

 17   Monsieur Traldi, c'est à vous.

 18   M. TRALDI : [interprétation]

 19   Q.  Et vous saviez certainement, comme tout un chacun capable de lire les

 20   journaux et d'écouter des émissions à la télévision, vous saviez longtemps

 21   avant avril 1994 que le camp d'Omarska était un endroit où de graves crimes

 22   étaient commis contre les non-Serbes de Prijedor ?

 23   R.  Non. Nous n'avions aucun document émanant des services de Sûreté de

 24   Banja Luka nous renseignant sur la situation. Trouvez-moi un seul document

 25   qui indique que le centre de Banja Luka informe --

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, je vous arrête là parce que

 27   vous n'avez pas écouté attentivement la question. La question n'était pas

 28   de savoir si vous avez reçu des documents officiels à cet effet, mais on


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  1   vous a demandé si vous saviez, et cela a été dit comme suit, "comme toute

  2   personne capable de lire les journaux et de regarder la télévision," donc,

  3   on ne vous parle pas de sources officielles dont vous a parlé M. Traldi,

  4   mais les sources disponibles à tout un chacun. Cela porte sur la

  5   connaissance et non pas sur le fait de savoir si vous avez reçu des

  6   éléments par les voies officielles.

  7   Veuillez répondre à la question, s'il vous plaît.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, je savais ce que disait la

  9   télévision, et les journalistes sont venus dans ces centres de

 10   rassemblement de Prijedor, mais je ne me souviens pas exactement du mois,

 11   mais je me souviens du fait qu'il y avait un ou deux films à la télévision

 12   sur l'ouverture ou le fait qu'on avait donné accès à ces centres aux

 13   journalistes étrangers à Prijedor.

 14   M. TRALDI : [interprétation]

 15   Q.  Mais ces crimes n'ont pas fait l'objet d'ordres que vous avez donnés,

 16   vous et M. Karadzic, n'est-ce pas ?

 17   R.  Je ne sais pas de quels crimes vous voulez parler.

 18   Q.  Cela vous rafraîchit-il la mémoire si je vous soumets la question

 19   suivante, un petit nombre de meurtres a été commis dans la municipalité de

 20   Prijedor à la fin du mois de mars 1994, juste avant votre ordre et l'ordre

 21   du président Karadzic, et que la Croix-Rouge avait menacé d'évacuer chaque

 22   Musulman et Croate qui était resté à Prijedor suite à cela ?

 23   R.  Tout d'abord, je souhaite clarifier un point. M. Karadzic et moi-même,

 24   nous ne pouvions pas donner des ordres. Le président pouvait donner un

 25   ordre, et moi, je ne pouvais que transmettre cet ordre. Je ne pouvais pas

 26   leur donner des ordres. Il s'agit d'une structure interne qui n'est pas

 27   celle des services de Sûreté.

 28   Q.  [aucune interprétation]


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, votre question est une

  2   question à tiroirs. Je pense qu'il est préférable de poser des questions de

  3   façon plus simple.

  4   M. TRALDI : [interprétation] Je vais essayer de procéder pas à pas.

  5   Q.  Vous dites dans votre déclaration que le président Karadzic a donné un

  6   ordre - le 3 avril 1994 - que vous avez transmis à vos subordonnés. Nous

  7   avons vu cet ordre il y a quelques instants. Cela vous rafraîchit-il la

  8   mémoire, il s'agissait d'un ordre portant sur l'ouverture d'une enquête au

  9   sujet d'un petit nombre de crimes commis à la fin du mois de mars 1994, il

 10   ne s'agissait pas d'enquêter sur des crimes dans les camps, ni du nettoyage

 11   de 1992, n'est-ce pas ?

 12   R.  Est-il possible de me fournir ma déclaration préalable, puisque je ne

 13   l'ai pas sous les yeux, pour voir de quelle façon j'ai formulé tout cela

 14   dans cette déclaration. Ça, c'est pour commencer.

 15   Et deuxièmement, Monsieur Traldi, vous savez pertinemment que le service de

 16   la Sûreté d'Etat ne mène pas d'enquêtes au sujet des crimes de guerre. Ceci

 17   a été défini au sein du ministère de l'Intérieur en 1992, lorsqu'on a

 18   redistribué les compétences --

 19   Q.  Monsieur, Monsieur, encore une fois, vous vous remettez à répéter vos

 20   déclarations au sujet de l'organigramme du MUP, que vous avez déjà présenté

 21   à plusieurs reprises. Je vous demande de vous concentrer sur les questions

 22   posées.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic.

 24   M. LUKIC : [interprétation] Lorsque cet ordre a été montré à ce monsieur,

 25   il a demandé de le revoir, puisqu'il n'avait pas pu le lire en détail.

 26   Maintenant, il demande qu'on lui fournisse sa déclaration préalable, et

 27   rien ne lui a été présenté, alors que mon estimé confrère n'arrête pas

 28   d'insister sur une réponse. Cela ne me semble pas approprié.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, que cette approche soit

  2   appropriée ou non, Monsieur Traldi, est-ce que cela vous pose un problème

  3   si vous deviez présenter la déclaration préalable au témoin ?

  4   M. TRALDI : [interprétation] Bien sûr que non.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, est-ce qu'il est vraiment

  6   inapproprié de poser des questions sans avoir fourni la déclaration au

  7   témoin, ça, c'est une autre question, mais en tout cas, le témoin se verra

  8   désormais remettre sa déclaration préalable.

  9   M. LUKIC : [interprétation] Oui, mais il y a aussi la question de l'ordre

 10   D1300. Il a demandé très poliment que l'on lui présente cet ordre, parce

 11   que manifestement, il n'a pas vraiment pu le lire. Et maintenant, on lui

 12   repose des questions au sujet de cet ordre.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il a fourni une déclaration préalable

 14   où il est question d'un ordre, alors il n'est pas inapproprié de poser des

 15   questions là-dessus sans montrer le document de nouveau.

 16   En même temps, Monsieur Traldi, à moins que cela ne fasse partie de

 17   votre stratégie, il me semble préférable de satisfaire à la demande du

 18   témoin.

 19   M. TRALDI : [interprétation] Je n'ai aucune raison pour ne pas afficher ce

 20   document.

 21   Veuillez, s'il vous plaît, présenter la pièce D1300, et, par

 22   ailleurs, j'ai un exemplaire vierge de la version B/C/S que je peux donner

 23   au témoin.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie.

 26   M. TRALDI : [interprétation]

 27   Q.  Je vous soumets la proposition suivante : cet ordre se réfère à des

 28   crimes commis à la fin du mois de mars 1995, n'est-ce pas ?


Page 41218

  1   R.  Dans le document, on ne précise pas à quel moment les crimes ont été

  2   commis. On dit tout simplement :

  3   "Entreprendre toutes les mesures nécessaires pour mener une enquête

  4   au sujet des crimes commis sur le territoire de la Republika Srpska, et

  5   notamment dans la région de Prijedor."

  6   Donc, on ne voit pas, en lisant le document, de quelle période il

  7   s'agit, mais admettons que vous avez raison en disant que cela se réfère à

  8   des événements qui se sont produits en 1994. Vous citez sans doute cette

  9   date puisque c'est la date de l'ordre qui a été donné en 1994. Et vous

 10   allez me reprocher de me répéter, mais je dois ajouter --

 11   Q.  Monsieur, merci de votre réponse.

 12   M. TRALDI : [interprétation] Passons à huis clos partiel, s'il vous plaît.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Huis clos partiel, s'il vous plaît.

 14   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 15   Messieurs les Juges. 

 16   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Pages 41219-41222 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6   [Audience publique]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

  8   Nous allons faire une pause, et nous reprenons nos travaux à 14 heures

  9   moins cinq. Mais avant cela, le témoin devrait suivre M. l'Huissier pour

 10   sortir de la salle d'audience.

 11   [Le témoin quitte la barre]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous suspendons nos travaux pour 20

 13   minutes.

 14   --- L'audience est suspendue à 13 heures 33.

 15   --- L'audience est reprise à 13 heures 55.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous attendons que l'on fasse entrer le

 17   témoin sous escorte dans le prétoire.

 18   Et en attendant, Monsieur Traldi, en page 66, ligne 11 du compte rendu

 19   d'audience temporaire, j'avais commencé à interpréter la question posée par

 20   vous. Je crois après relecture que j'aurais mieux fait de m'abstenir de le

 21   faire. Cela a peut-être créé davantage de confusion, que ça n'a contribué à

 22   préciser quoi que ce soit.

 23   M. TRALDI : [interprétation] Je vous avoue que j'avais totalement oublié.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, moi, je ne l'avais pas oublié.

 25   M. TRALDI : [interprétation] J'apprécie beaucoup, Monsieur le Président. Et

 26   avant d'oublier autre chose, j'aimerais, si vous me le permettez, demander

 27   le versement au dossier des trois documents que j'ai utilisés il y a peu.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, vous avez


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  1   certainement des numéros 65 ter de ces documents.

  2   M. TRALDI : [interprétation] Le premier document dont je demande le

  3   versement est le 02653. C'est la demande du poste de sécurité publique de

  4   Banja Luka concernant les trois personnes détenues.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document devient la pièce P7650.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Admise au dossier.

  7   M. TRALDI : [interprétation] Ensuite, nous avons sous pli scellé les deux

  8   autres documents que j'ai utilisés, les 23768 et 23770.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, pouvez-vous leur

 10   octroyer un numéro.

 11   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 65 ter 23768 devient la

 12   pièce à conviction P7651. Et le document 65 ter numéro 23770 devient la

 13   pièce P7652.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les pièces P7651 et P7652 sont admises

 15   au dossier de l'espèce, à conserver sous pli scellé.

 16   [Le témoin vient à la barre]

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je demanderais que l'on affiche la

 18   pièce P7650 à présent car j'aimerais poser une question au témoin.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kijac, M. le Juge Fluegge a une

 20   question à vous poser.

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Kijac, nous avons vu ce

 22   document avant la pause, et j'aimerais vous renvoyer à l'une des réponses

 23   que vous avez faite qui figure en page 72, lignes 7 à 11 du compte rendu de

 24   la journée d'aujourd'hui. Vous avez dit, entre autres :

 25   "…il est incontestable que le centre, le centre des services de sécurité de

 26   Banja Luka, a probablement demandé que ces trois personnes lui soient

 27   remises afin de pouvoir les interroger et les a probablement renvoyées à la

 28   prison de district de Banja Luka suite au processus de traitement subi par


Page 41225

  1   ces personnes."

  2   Alors, si vous regardez la dernière page du document que vous avez

  3   maintenant sous les yeux, nous y trouvons les mots suivants :

  4   "Vous conservez par-devers vous les personnes dont les noms sont cités ci-

  5   dessus en application de nos décisions."

  6   Et ensuite, on trouve trois numéros et la phrase parle de "juin 1992."

  7   Alors, comment pouvez-vous commenter cette ligne ? Pouvez-vous nous

  8   expliquer ce que signifient les mots "conformément à nos décisions" ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, voyez-vous, Monsieur le Président,

 10   Messieurs les Juges, je l'ai remarqué. J'aimerais seulement dire que nous

 11   ne parlons que d'hypothèses, étant donné que dans cette période je n'étais

 12   pas le chef du service. Mais je suppose que des plaintes ont été déposées

 13   contre ces personnes qui étaient détenues en raison de ces plaintes et

 14   qu'elles étaient donc en détention. Donc lorsque nous lisons "nos

 15   décisions", je suppose qu'il s'agissait des décisions de la sécurité

 16   d'Etat, décisions sur la base desquelles ces personnes avaient été placées

 17   en détention. Et je suppose que les plaintes correspondantes avaient été

 18   déposées au pénal tout près du tribunal correspondant ou du bureau du

 19   procureur correspondant. Il doit y avoir eu des informations sur la base

 20   desquelles ces décisions de les placer en détention ont été prises, mais je

 21   ne connais aucun détail précis de l'affaire. Mais, en toute logique, selon

 22   la logique de notre service, si une personne était mise en prison ou qu'une

 23   enquête était diligentée à son sujet, cela signifiait qu'une autorisation

 24   avait été donnée par quelqu'un; ou peut-être le bureau du procureur

 25   n'était-il pas satisfait de la décision et souhaitait-il interroger ces

 26   personnes plus avant. Là, il s'agit de procédures régulières. Nous parlons

 27   donc de la procédure standard.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je comprends ce que vous dites, ou en


Page 41226

  1   tout cas, les hypothèses dont vous me faites part. Mais quel en est le sens

  2   ? Puis-je partir du principe que, d'après ce document, ces personnes

  3   étaient détenues par le secteur du SNB, donc de la sûreté d'Etat ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, voyez-vous, on lit ici le centre des

  5   services de sûreté SNB de Banja Luka, donc je suppose que c'était bien ce

  6   secteur-là qui était concerné. C'est le chef du secteur de la sûreté

  7   d'Etat, M. Kesic, qui signe ce document et c'est donc lui qui dit "nos

  8   décisions" dans les lignes qui précèdent. Par conséquent, je suppose que la

  9   décision de placer ces personnes en détention a été prise par le secteur de

 10   la sûreté d'Etat de Banja Luka.

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 13   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'ai bien compris, merci.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurais peut-être une brève question de

 15   suivi. A partir de votre dernière réponse, j'ai acquis le sentiment, à tort

 16   ou à raison, que c'était donc le service de sûreté de l'Etat qui les avait

 17   placés en détention et qui disait nous souhaitons les interroger plus

 18   avant. Mais sur la base de la question que le Juge Fluegge vous a posée, il

 19   semblait que la responsabilité engagée était celle des services de sécurité

 20   de Banja Luka, et que c'est sur la base du centre de sécurité publique que

 21   ces personnes avaient été placées en détention, que leur détention avait

 22   été ordonnée. Alors, qu'en est-il exactement ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends bien ce que vous voulez dire. Je

 24   ne voudrais pas faire des devinettes encore une fois, mais il est possible

 25   que de tierces personnes, grâce aux surveillances mises en place, aient pu

 26   découvrir que ces personnes étaient impliquées dans des activités hostiles,

 27   et que c'est la raison pour laquelle elles ont été placées en détention et

 28   que des plaintes au pénal ont été déposées à leur encontre. Mais il ne


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  1   s'agit que de suppositions de ma part.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ça, c'est une question différente. Mais

  3   je crois, ayant relu votre réponse antérieure, que ma question était peut-

  4   être superflue.

  5   Monsieur Traldi, vous pouvez procéder. En même temps, j'appelle votre

  6   attention sur le point suivant, est-ce que vous pourriez vérifiez si les

  7   pièces P7651 et 7652 ont vraiment nécessité d'être conservées sous pli

  8   scellé ? Je vous serais gré de bien vouloir le vérifier.

  9   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 10   [La Chambre de première instance se concerte] 

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mes collègues m'informent que des motifs

 12   justifiés de converser ces documents sous pli scellé existent, donc

 13   j'aurais sans doute dû faire davantage confiance à votre appréciation.

 14   Veuillez procéder.

 15   M. TRALDI : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 16   Je demande l'affichage du document 65 ter numéro 09406.

 17   Q.  Il s'agit d'un télégramme des Nations Unies daté du 1er avril 1994, où

 18   nous pouvons lire, au niveau du deuxième paragraphe -- au niveau du premier

 19   paragraphe, on voit qu'il est fait état de "neuf morts" et ensuite, de "22

 20   morts".

 21   Au niveau du deuxième paragraphe, on peut lire que la Croix-Rouge

 22   internationale va, par conséquent, informer Karadzic du fait qu'ils vont

 23   évacuer toutes les 6 000 personnes musulmanes de Prijedor qui souhaitent

 24   partir, ainsi que 3 000 Croates.

 25   Lorsque vous étiez ici il y a trois semaines, vous étiez d'accord pour dire

 26   que M. Zupljanin avait proposé des contrats à des non-Serbes au sein du MUP

 27   de la Republika Srpska pour des raisons de relations publiques ou pour

 28   l'incidence de l'évacuation des quelques non-Serbes qui restaient à


Page 41228

  1   Prijedor sur la Republika Srpska, et son image internationale aurait été

  2   très négative, n'est-ce pas ?

  3   R.  Pardonnez-moi, Monsieur Traldi, mais je ne dispose pas de traduction de

  4   ce document. Je ne vois que la version anglaise. Donc, je vous demande de

  5   bien vouloir me donner une traduction de façon à ce que je puisse voir par

  6   moi-même de quoi il s'agit.

  7   Q.  Pardonnez-moi, Monsieur. Nous n'avons pas encore de traduction. Ou est-

  8   ce que plutôt, le manque de traduction fait que vous ne pouvez pas répondre

  9   à ma question sur le fait de savoir si l'évacuation des quelques Musulmans

 10   et Croates qui étaient restés à Prijedor aurait eu un effet négatif ou

 11   aurait eu un effet très négatif sur l'image internationale de la Republika

 12   Srpska ?

 13   M. LUKIC : [interprétation] Je m'oppose à cette question. Nous ne savons

 14   pas si on peut appeler 9 000 personnes "quelques personnes".

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, veuillez relire le

 16   deuxième paragraphe au témoin et ensuite reposer votre question, parce que

 17   la question qui a été posée porte sur le document que le témoin n'a pas été

 18   à même de lire.

 19   M. TRALDI : [interprétation]

 20   "Le CICR va, par conséquent, informer Karadzic qu'ils vont évacuer

 21   tous les 6 000 Musulmans de Prijedor qui souhaitent partir, ainsi que 3 000

 22   Croates. Car on suppose qu'il est plus sûr d'évacuer ces personnes-là

 23   plutôt que de les laisser là où elles sont."

 24   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que cette évacuation aurait eu

 25   un effet négatif sur l'image internationale de la Republika Srpska si cette

 26   évacuation avait véritablement eu lieu ?

 27   R.  Je ne peux pas vraiment répondre à cette question pour la bonne et

 28   simple raison que je n'ai pas suivi cette affaire. Et ça, c'est le premier


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  1   point.

  2   Et ensuite, il faut garder à l'esprit que certains non-Serbes de

  3   différentes régions avaient demandé à pouvoir quitter le territoire de la

  4   Republika Srpska.

  5   Et, d'après ce que je sais, à Prijedor, il y avait des non-Serbes qui

  6   servaient dans l'armée de la Republika Srpska. Je n'en connais pas les

  7   chiffres, mais je suppose que vous les avez, ces chiffres.

  8   Q.  Comment se fait-il que vous êtes incapable d'apporter un commentaire

  9   sur des discussions au sujet des camps à Prijedor lors de réunions

 10   auxquelles vous avez assisté, mais que vous êtes en mesure de nous fournir

 11   des éléments d'information sur la composition ethnique et des unités de la

 12   VRS à Prijedor ?

 13   R.  Eh bien, parce qu'en regardant ces dépositions, j'ai vu des témoins qui

 14   ont fourni des informations, et deuxièmement --

 15   Q.  Lorsque vous parlez de "dépositions", vous voulez parler de déposition

 16   dans ce procès ?

 17   R.  Oui, lors de procès. Je ne sais pas s'il s'agissait de ce procès-ci ou

 18   d'autres procès.

 19   Q.  Pendant le reste de votre déposition, si des éléments d'information que

 20   vous nous fournissiez se fondent sur quelque chose dont vous avez entendu

 21   parler d'un témoin qui n'a pas témoigné devant ce Tribunal de nombreuses

 22   années après la guerre, est-ce qu'on peut vous demander de bien vouloir

 23   préciser cela lorsque vous répondrez à la question ?

 24   R.  Eh bien, j'ai précisé que par rapport à cette dernière question que

 25   vous m'avez posée que -- bon, d'une part et d'autre part, Monsieur Traldi,

 26   je ne suis pas la personne qui peut dire ce qui peut ternir l'image de la

 27   Republika Srpska. J'étais un haut représentant officiel chargé du

 28   renseignement. Je n'étais pas quelqu'un qui appréciait ce que les hommes


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  1   politiques souhaitaient réaliser et soupeser la politique. Mais je dois

  2   reconnaître que j'occupais un poste élevé au sein du renseignement mais que

  3   je ne m'occupais pas de politique. Je n'étais pas membre du gouvernement,

  4   je n'étais pas membre du Parlement, je n'étais même pas membre du parti,

  5   donc je ne m'occupais pas de politique et mon travail était purement

  6   professionnel.

  7   M. TRALDI : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher le numéro 65

  8   ter 31513, s'il vous plaît.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite poser une question au témoin

 10   en attendant l'affichage de ce document.

 11   S'il vous plaît, vous avez dit : "Je ne suis pas la personne qui peut dire

 12   ce qui peut ternir l'image de la Republika Srpska…"

 13   Qu'est-ce que vous entendiez par là ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, M. Traldi m'a demandé comment la

 15   communauté internationale aurait réagi dans le cas de ce geste. C'est comme

 16   ça que je l'ai compris, et la question portait incessamment là-dessus

 17   comment la communauté internationale aurait réagi à l'évacuation d'un aussi

 18   grand nombre de non-Serbes du secteur de Prijedor. Et en tant que

 19   représentant officiel, en tant que quelqu'un qui était employé, je ne

 20   pouvais pas moi-même en décider. Cela revenait aux hommes politiques. Mes

 21   services ne s'occupaient pas de ce genre de question-là. Nous ne suivions

 22   pas les convois.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et donc vous auriez dû répondre, Je n'ai

 24   jamais réfléchi à cela, ou en tout cas si vous y aviez réfléchi, vous

 25   auriez fait part de votre réflexion.

 26   Monsieur Traldi, vous demandez au témoin de nous donner son avis plutôt que

 27   de parler des faits.

 28   M. TRALDI : [interprétation]


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  1   Q.  Alors, il s'agit ici d'un décret signé par le président Karadzic le 17

  2   novembre 1995, où il est fait état de certains membres du MUP de la

  3   Republika Srpska, qui reçoivent des distinctions. Page 4 dans les deux

  4   langues, sous Petar, numéro 6, centre de service de sécurité publique à

  5   Prijedor, où on cautionne ici les travaux menés par ce centre, n'est-ce

  6   pas ?

  7   R.  Oui, au point 6, on parle du centre de service de la sécurité publique

  8   de Prijedor.

  9   Q.  8 en anglais, 7 en B/C/S, s'il vous plaît. Au point 90 dans la

 10   catégorie intitulée médaille, Ranko Mijic du CJB de Prijedor. Il était à la

 11   tête des centres des interrogatoires de Prijedor, du SJB, SJB, c'est à lui

 12   que l'on donne cette médaille, n'est-ce pas ? Page 88, ligne 18 dans la

 13   catégorie des médailles, médailles du mérite populaire.

 14   R.  Eh bien, voyez-vous, lorsqu'on parle de distinction de ce genre, chaque

 15   centre a suggéré que certains employés reçoivent ces distinctions. Et c'est

 16   à ce moment-là, le ministre de l'intérieur, qui transmet ces informations

 17   au président de la république. Alors, tous les noms des personnes proposés

 18   qui travaillaient dans ces centres régionaux ne recevaient de médaille.

 19   Tout le monde ne recevait pas de médaille. Et donc, cela part de la base,

 20   si vous voulez, et ce sont les différents services ou administrations du

 21   MUP qui reçoivent ces éléments, et ensuite ils donnent leur avis définitif,

 22   et la proposition est soumise au président de la république.

 23   Q.  Et, donc, Monsieur, encore deux exemples.

 24   M. TRALDI : [interprétation] Je souhaite que nous affichions la page 14 de

 25   l'anglais, et la page 13 en B/C/S, au point 21.

 26   Q.  Et en regardant cela, je puis vous dire qu'il s'agit d'un décret du

 27   président, un décret présidentiel; il ne s'agit pas de proposition. Il

 28   s'agit de médaille du mérite de Kvocka du SJB de Prijedor. Vous avez dit


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  1   avoir suivi certains procès. Avez-vous appris qu'il avait été condamné pour

  2   crime contre l'humanité par ce Tribunal ?

  3   R.  Oui, j'ai entendu parler de Kvocka. Mais je répète que la proposition

  4   était envoyée depuis la base, et moi qui m'occupais des affaires du

  5   ministère de l'Intérieur, si cette liste m'avait été montrée, eh bien, je

  6   vous répondrais que je ne connaissais pas 90 % des noms des personnes qui

  7   figurent sur cette liste. Alors que se passait-il lorsque le président de

  8   la république recevait ce type de liste.

  9   Q.  Encore un seul nom que vous connaissez peut-être.

 10   M. TRALDI : [interprétation] Je souhaite que nous regardions la première

 11   page à nouveau, s'il vous plaît, dans les deux langues.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et cela doit être votre dernière

 13   question, Monsieur Traldi.

 14   M. TRALDI : [interprétation] Ce sera effectivement le cas.

 15   Q.  Alors, voyons la médaille de l'étoile de Karadjordje, 2e classe,

 16   Ljubomir Borovcanin de la Brigade de la police spéciale, qui a été

 17   également condamné par ce Tribunal en ce qui le concerne pour des crimes

 18   commis à Srebrenica, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   M. TRALDI : [interprétation] Je demande le versement du numéro 65 ter

 21   31513, s'il vous plaît.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, premier document

 23   sans traduction ?

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le numéro 65 ter 09406 reçoit la cote

 25   P7653.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce document reçoit une cote provisoire.

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Numéro 65 ter 31513 reçoit la cote

 28   P7654.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ces documents sont versés au dossier.

  2   Nous levons l'audience pour aujourd'hui, Monsieur Kijac, et souhaitons vous

  3   revoir demain matin à 9 heures 30. Je vous donne les instructions

  4   suivantes, vous ne devez vous entretenir ou communiquer avec qui que ce

  5   soit au sujet de votre déposition, que ce soit la déposition que vous avez

  6   déjà donnée, ou celle que vous donnerez encore. Si cela est clair, vous

  7   pouvez suivre l'huissier.

  8   [Le témoin quitte la barre]

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous levons l'audience pour aujourd'hui,

 10   et nous reprendrons demain, le jeudi, 12 novembre, à 9 heures 30 du matin,

 11   dans ce même prétoire, numéro I.

 12   --- L'audience est levée à 14 heures 21 et reprendra le jeudi, 12 novembre

 13   2015, à 9 heures 30.

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