Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi, 14 juin 2016

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 30.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes dans ce

  6   prétoire et à l'extérieur de ce prétoire. Cela fait un certain temps

  7   maintenant que nous nous sommes trouvés dans cette salle d'audience.

  8   Veuillez citer l'affaire, Monsieur le Greffier, je vous prie.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit

 10   de l'affaire IT-09-02-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

 12   Je me tourne vers la Défense. Etes-vous prêts à citer à la barre votre

 13   témoin ?

 14   M. IVETIC : [interprétation] Il y a quelque chose que je souhaitais

 15   indiquer concernant les courriels électroniques que j'ai envoyés la semaine

 16   dernière, ainsi qu'hier, concernant des documents supplémentaires. Donc, je

 17   souhaitais consigner au compte rendu d'audience le fait qu'une déclaration

 18   recueillie par la Défense Karadzic, qui est le numéro 1D3876, comprend un

 19   certain nombre de documents qui sont cités dans la déclaration et auxquels

 20   il n'a pas été attribué de numéros 65 ter.

 21   Je saisis donc cette occasion pour mettre à jour les éléments à cet

 22   égard. Ce document se trouve référencé dans la note de bas de page numéro

 23   52 du Témoin Andrey Demurenko, ce qui se trouve dans la note de bas de page

 24   dans l'affaire Karadzic, il s'agit de la note en bas de page. Et dans

 25   l'affaire Karadzic, il s'agit de la pièce P150, qui figure déjà sur notre

 26   liste de témoins et qui porte le numéro de pièce D138 dans l'affaire

 27   Mladic.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mladic, veuillez ne pas parler


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  1   à voix haute, s'il vous plaît.

  2   M. IVETIC : [interprétation] Ensuite, le numéro ERN 014-8076 [comme

  3   interprété], cité dans notre paragraphe 24, est une déclaration qui a été

  4   téléchargée et qui porte le numéro 65 ter 1D5967, que nous souhaitons

  5   ajouter à notre liste de pièces à conviction sur la liste 65 ter concernant

  6   ce témoin.

  7   Egalement, la pièce P1960 qui est une pièce de l'affaire Karadzic, qui se

  8   trouve au paragraphe 50 de la déclaration de Demurenko, qui ne figure pas

  9   sur notre liste de pièces. Il s'agit de la pièce D139.

 10   Et le numéro 65 ter de l'affaire Karadzic est 1D26663, qui est cité dans le

 11   paragraphe 58 de la déclaration de M. Demurenko, et qui n'a pas de numéro

 12   65 ter sur notre liste, qui a été téléchargé dans le prétoire électronique

 13   sous le numéro 1D5968. Nous demandons aux Juges de nous permettre de bien

 14   vouloir ajouter ce document.

 15   Ensuite, un autre numéro 65 ter de l'affaire Karadzic, qui est le 21618,

 16   cité dans le paragraphe 70 de la déclaration de M. Demurenko, numéro 65 ter

 17   19020. Nous l'avons donc consigné au compte rendu d'audience.

 18   Et le numéro ERN 07050079 cité dans le paragraphe 135 de la

 19   déclaration de M. Demurenko. Et ce document-là n'avait pas de numéro 65 ter

 20   et n'a pas été téléchargé sur la liste 65 ter et a le numéro 1D5969. Nous

 21   demandons à l'ajouter sur la liste 65 ter pour cette liste concernant ce

 22   témoin.

 23   Et ensuite, nous avons deux éléments correspondant aux notes de

 24   récolement 1D5970, les conférences Martens de la Croix-Rouge

 25   internationale, et le 1D5971 qui est une photographie. Nous demandons aux

 26   Juges de la Chambre de nous autoriser à ajouter ces documents à notre

 27   liste.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous avez cité le paragraphe 50 de la


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  1   déclaration de M. Demurenko. Je ne vois pas de numéros dans la déclaration

  2   de M. Demurenko au paragraphe 50. Veuillez nous le trouver, s'il vous

  3   plaît. Est-ce que vous voulez parler de la note de bas de page numéro 54 ?

  4   M. IVETIC : [interprétation] Non, je crois que je parle -- attendez, je

  5   vais vérifier. Le paragraphe 50. Il semblerait qu'il s'agisse de la note de

  6   bas de page 54 qui concerne donc la fin du paragraphe 50, que vous trouvez

  7   en haut de la page 20 de la déclaration du témoin.

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Donc, vous auriez dû dire, oui, il

  9   s'agit de la note de bas de page 54.

 10   M. IVETIC : [interprétation] Effectivement, j'aurais dû.

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Il n'y a que là que l'on voit le

 12   numéro.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Plusieurs demandes, donc, concernant des

 14   ajouts de documents à la liste 65 ter de la Défense. Avez-vous quelque

 15   chose à ajouter ?

 16   M. TIEGER : [interprétation] Non. Concernant la question de l'ajout, non.

 17   Nous autorisons ces ajouts. Nous n'avons pas d'objection à formuler.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, nous faisons droit à votre demande

 19   d'ajout.

 20   En dehors de ces questions-là, êtes-vous prêt à citer votre témoin à la

 21   barre.

 22   M. IVETIC : [interprétation] Tout à fait.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Faites entrer le témoin dans le

 24   prétoire, s'il vous plaît.

 25   [La Chambre de première instance et la Greffier se concertent]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En attendant la venue du témoin dans le

 27   prétoire, je souhaite accueillir les interprètes russes. Je crois que le

 28   témoin parle anglais, mais que dans le cas où il s'exprime en russe, nous

 


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  1   aurons l'aide, que nous apprécions énormément, des interprètes russes.

  2   L'interprétation vers le russe sera sur quel canal, s'il vous plaît ?

  3   L'INTERPRÈTE : La cabine russe précise que ce sera sur le canal numéro 7

  4   vers le russe et vers l'anglais sur le canal numéro 4, comme d'habitude.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans le cas où le témoin souhaite

  6   entendre l'interprétation en russe des questions, ce sera sur quel canal ?

  7   L'INTERPRÈTE : Ce sera sur le canal numéro 7, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il ne faut pas confondre les canaux.

  9   Nous devons entendre le russe et non pas le néerlandais.

 10   Bonjour, Monsieur Demurenko.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour à vous.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de faire une déposition, le

 13   Règlement exige que vous prononciez une déclaration solennelle dont le

 14   texte vous est actuellement remis. Je vous demande de bien vouloir

 15   maintenant prononcer cette déclaration.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 17   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 18   LE TÉMOIN : ANDREY DEMURENKO [Assermenté]

 19   [Le témoin répond par l'interprète]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir,

 21   Monsieur Demurenko.

 22   Avant de commencer, je souhaite vous demander quelle est votre langue de

 23   préférence. Votre langue maternelle, le russe, parce que nous avons une

 24   interprétation vers le russe et vers l'anglais. Nous savons que vous

 25   comprenez et que vous parlez l'anglais. Quelle langue préférez-vous

 26   utiliser ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je préfère m'exprimer en russe parce qu'il y a

 28   des détails importants que je pourrais omettre si je m'exprime en anglais.

 


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes tout à fait libre de choisir

  2   votre langue. Donc, vous allez déposer en russe et les questions vous

  3   seront traduites, interprétées vers le russe.

  4   Vous allez, en premier lieu, être interrogé par Me Ivetic. Un instant, s'il

  5   vous plaît.

  6   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  7   [La Chambre de première instance se concerte] 

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je ne vous ai pas encore

  9   présenté.

 10   Vous allez d'abord être interrogé par Me Ivetic, qui se trouve sur

 11   votre gauche, il est debout. Me Ivetic est un membre de l'équipe de la

 12   Défense de M. Mladic. Je vais vous demander, s'il vous plaît, parce que

 13   nous avons lu votre déclaration, qui sera sans doute bientôt versée au

 14   dossier, je vous demande de bien vouloir vous concentrer sur la question

 15   qui vous est posée. Si des détails supplémentaires seront requis, à ce

 16   moment-là on vous demandera de nous fournir ces détails, mais je vous

 17   demande en premier lieu ou, surtout, de bien vouloir vous concentrer sur la

 18   question qui vous est posée.

 19   C'est à vous, Maître Ivetic.

 20   Interrogatoire principal par M. Ivetic :

 21   Q.  [interprétation] Bonjour, Colonel.

 22   R.  Bonjour à vous.

 23   Q.  Monsieur, je souhaite tout d'abord vous demander de vous présenter, je

 24   souhaite que vous nous donniez vos noms et prénoms pour que cela puisse

 25   être consignés au compte rendu d'audience, s'il vous plaît.

 26   R.  Je m'appelle Andrey Vladimirovic [phon] Demurenko, colonel de réserve

 27   de l'armée russe.

 28   M. IVETIC : [interprétation] Et je souhaite que nous regardions le 1D03876


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  1   du prétoire électronique, s'il vous plaît, j'ai une version papier de ce

  2   document, avec l'aide de l'huissier, s'il vous plaît, que je souhaite

  3   présenter à mon confrère de la partie adverse et ensuite au témoin.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic, je crois que M. Mladic

  5   souhaite attirer votre attention.

  6   M. IVETIC : [interprétation] Nous attendons encore l'affichage du document

  7   à l'écran. J'espère que je ne suis pas seul à voir un écran noir.

  8   Q.  Maintenant, nous l'avons sur tous les écrans. Monsieur, si vous

  9   regardez la première page de cette déclaration de témoin consolidée, vous

 10   souvenez-vous en premier lieu d'avoir donné une déclaration à Marko

 11   Sladojevic qui faisait partie de l'équipe de la Défense de M. Karadzic,

 12   comme vous le voyez indiqué au niveau du premier paragraphe ?

 13   R.  Oui, je m'en souviens.

 14   Q.  Alors, je souhaite que nous regardions maintenant la dernière page

 15   affichée à l'écran et la version papier. Sur cette page, nous voyons une

 16   signature ainsi qu'une date qui a été inscrite à la main, qui est celle du

 17   13 octobre 2012. Première question, reconnaissez-vous la signature qui se

 18   trouve sur cette page ?

 19   R.  Oui, je la reconnais. C'est ma signature.

 20   Q.  La date qui est inscrite ici, correspond-elle à vos souvenirs, à savoir

 21   la date à laquelle cette déclaration a été signée ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Avez-vous eu l'occasion de parcourir avec moi l'ensemble de cette

 24   déclaration pour vérifier si tous les éléments qu'il contient sont exacts ?

 25   R.  Oui, oui, tout à fait.

 26   Q.  Je propose donc que nous passions à la page 2 de cette déclaration et

 27   que nous regardions le paragraphe 3 de cette déclaration, qui se trouve en

 28   haut de la page -- la deuxième partie du paragraphe 3 se trouve en haut de


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  1   la deuxième page.

  2   Et deuxième ligne à partir du haut -- non, ce paragraphe se lit comme

  3   suit:

  4   "Bien évidemment, je connais tout l'arsenal qui était à la disposition des

  5   unités que je viens d'énumérer dans ma réponse précédente. Toutes les armes

  6   d'infanterie, notamment des obusiers de 155 millimètres et des

  7   mitrailleuses de tous calibres -- pardonnez-moi, 62 -- non, 62, pardonnez-

  8   moi, 60, 82, et 120 millimètres."

  9   Monsieur, est-ce que vous parlez de calibres de mitrailleuse ou est-ce que

 10   vous parlez d'autre chose ici ?

 11   R.  C'est une question que vous me posez ?

 12   Dans le cas qui nous intéresse ici, il s'agit d'une énumération de calibres

 13   de mitrailleuses et le premier chiffre correspond à un obusier. Un obusier

 14   n'est pas une mitrailleuse.

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maître Ivetic, vous avez omis de

 16   citer "et toute l'artillerie", ou "toutes les pièces d'artillerie", vous

 17   n'avez pas évoqué cela dans votre citation.

 18   M. IVETIC : [interprétation] Pardonnez-moi. Effectivement, vous avez

 19   raison.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, essayons de faire court.

 21   Lorsque vous avez parlé de 60-, 82-, et de 120 millimètres, à quel type

 22   d'arme faisiez-vous référence ? S'agit-il de mitrailleuses ou d'autre

 23   chose ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, dans ma réponse que j'ai donnée, eh bien,

 25   j'ai énuméré les armes que je connais dans l'unité que je commandais, et

 26   ces types de calibres correspondaient à des mortiers. Le premier, le 150,

 27   correspond à un obusier.

 28   M. IVETIC : [interprétation]


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  1   Q.  Alors, maintenant passons à la page 46 de la déclaration, à la fois

  2   dans le prétoire électronique et dans la version papier, et je vais

  3   demander à ce que nous regardions le paragraphe 107 de cette déclaration.

  4   Monsieur, ici on peut lire, et je cite, je vais simplement citer votre

  5   réponse dans ce paragraphe, la quatrième ligne à partir du début de ce

  6   paragraphe :

  7   "Réponse : Je ne vois pas où il y a un problème. Vous tracez simplement un

  8   trait d'une position de tir éventuelle ou, plutôt, - correction de

  9   l'interprète - un éventuel lieu où une explosion a eu lieu et ensuite vous

 10   tirez un trait jusqu'à une éventuelle position de tir. Nous avons des

 11   instruments fort précis au sein de l'armée, comme des systèmes de

 12   reconnaissance, un GPS, système de géolocalisation et d'autres

 13   instructions, qui sont capables de calculer l'endroit à un millimètre près,

 14   des instructions comme des dispositifs laser, et cetera."

 15   D'abord, lorsque vous dites qu'au sein de l'armée vous disposez

 16   d'instructions très précis tels que des systèmes de géolocalisation, GPS et

 17   autres, qui sont capables de calculer l'endroit au millimètre près, à quels

 18   autres instruments avez-vous pensé ?

 19   R.  Alors, ce que j'avais à l'esprit, c'était une boussole utilisée dans

 20   l'artillerie.

 21   Q.  Alors, la suite de ce paragraphe, à la dernière ligne de cette page, et

 22   je cite :

 23   "Question : Et à ce moment-là vous disposiez d'un système de

 24   géolocalisation, d'un GPS ?"

 25   Et ensuite, à la page suivante :

 26   "Réponse : Nous avons toujours eu un dispositif nous permettant de nous

 27   orienter, depuis que les Américains ont utilisé cet instrument. Il s'agit

 28   d'un système militaire universel."


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  1   Veuillez préciser, Monsieur, et nous dire si par rapport à l'enquête menée

  2   à propos de Markale, et lorsque vous avez mené cette enquête, avez-vous

  3   utilisé un système de géolocalisation, un GPS ou tout autre instrument.

  4   R.  Non. A l'époque, ni moi ni mes subordonnés ne disposaient de système de

  5   géolocalisation ou la variante russe. Nous utilisions ce que nous avions à

  6   notre disposition.

  7   Q.  Et veuillez nous dire ce que vous avez utilisé et dont vous disposiez ?

  8   R.  Oui, je peux. Cette boussole que nous utilisons dans l'artillerie.

  9   Q.  A la page 72 maintenant de votre déclaration, s'il vous plaît, dans la

 10   version papier et dans le prétoire électronique, et concernant la partie

 11   qui se trouve en bas de la page et qui porte sur le rapport de situation

 12   qui est cité dans le document qui correspond au 1D28136, 5 juin 1995. En

 13   bas de la page, vous avez un commentaire à propos de ce document, et vous

 14   dites :

 15   "Je suis tout à fait d'accord pour dire que différentes unités nationales

 16   au sein de la FORPRONU ont combattu ensemble contre les Serbes de Bosnie."

 17   Alors, la question que je souhaite vous poser est celle-ci : s'agit-il

 18   d'unités nationales au sein de la FORPRONU qui combattent ensemble entre

 19   eux ou avec quelqu'un d'autre contre les Serbes de Bosnie ?

 20   R.  Je parlais des unités qui faisaient partie des contingents des forces

 21   du maintien de la paix, telles que les unités pakistanaises.

 22   Q.  Et vous combattiez ensemble, donc ces unités que vous identifiez, vous

 23   vous battiez contre les Serbes ?

 24   R.  Eh bien, peut-être que le mot de combat n'est peut-être pas le terme le

 25   plus approprié, mais il était assez clair dans de nombreux cas que les

 26   efforts déployés contre les Serbes de Bosnie étaient des efforts qui

 27   émanaient non seulement des Bosniens, mais certaines unités de la FORPRONU,

 28   conjointement avec les Bosniaques.


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  1   Q.  Merci, Monsieur. Donc, outre ces corrections que nous venons de voir

  2   ensemble, maintenez-vous tout ce que vous avez dit dans le reste de votre

  3   déclaration, estimez-vous que ceci est conforme à la vérité d'après votre

  4   souvenir ?

  5   R.  Oui, je pense que c'est exact. Quelques fois, je dois préciser mes

  6   réponses.

  7   Q.  Et si je devais vous poser les mêmes questions aujourd'hui que les

  8   questions qui vous ont été posées et qui figurent dans votre déclaration,

  9   vos réponses seraient-elles les mêmes que celles que nous trouvons dans

 10   votre déclaration ?

 11   R.  Tout à fait les mêmes.

 12   Q.  Monsieur, aujourd'hui, vous avez prononcé une déclaration solennelle en

 13   vertu de quoi vous allez dire toute la vérité, est-ce que nous pouvons donc

 14   estimer que ce qui figure dans votre déclaration est conforme à la vérité ?

 15   R.  Oui, oui.

 16   M. IVETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, la Défense demande le

 17   versement au dossier de la déclaration du témoin 1D3876, ainsi que les

 18   pièces connexes qui figurent dans un courriel que j'ai envoyé à toutes les

 19   parties hier soir. Je crois qu'il doit s'agir de 44 pièces au total, si mes

 20   calculs sont exacts.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, je crois qu'il est

 22   préférable d'aborder en premier lieu la déclaration.

 23   M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La déclaration donc aura quel numéro.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document reçoit la cote D2120,

 26   Messieurs les Juges.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc cette déclaration est versée au

 28   dossier.


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  1   Nous allons aborder la question des pièces connexes par la suite.

  2   M. IVETIC : [interprétation] Donc, je vais à ce stade lire un résumé de la

  3   déclaration du témoin, les interprètes doivent disposer d'un exemplaire de

  4   cette déclaration.

  5   Andrey Demurenko est un colonel de l'armée russe à la retraite. Outre

  6   l'Académie militaire russe Frunze auquel il est allé, il est également allé

  7   à "American US staff college".

  8   Il a été déployé en qualité de membre de la mission de la FORPRONU en

  9   janvier 1995 et s'est rendu à Zagreb où l'état-major général des forces de

 10   maintien de la paix des Nations Unies se trouvaient. Par la suite, il s'est

 11   rendu à Sarajevo où il était le chef d'état-major ou premier adjoint du

 12   commandant du secteur Sarajevo jusqu'au mois de décembre 1995. Il a servi

 13   sous trois généraux français, le général Gobilliard, le général de

 14   Lapresle, et le général Bachelet.

 15   Il a constaté que 70 % [comme interprété] du personnel des Nations

 16   Unies était en faveur de l'idée que les Serbes étaient les agresseurs,

 17   parce que c'est ainsi qu'ils ont été présentés par leurs commandants et les

 18   médias sur des faits qui avaient été choisis à dessein, et on ne nous a pas

 19   montré ce que faisait la partie bosniaque. Quarante pour cent du personnel

 20   des Nations Unies avait sa propre opinion, mais gardait le silence à ce

 21   sujet. Des officiers français avaient l'habitude de dire au colonel

 22   Demurenko, en privé, qu'ils avaient un avis différent au sujet de la guerre

 23   en Bosnie mais qu'ils ne pouvaient pas exprimer cet avis en raison des

 24   ordres qui étaient différents de leurs opinions personnelles. Les officiers

 25   français pensaient que le principal moteur de la guerre était le fanatisme

 26   religieux des Musulmans de Bosnie, et manque de préparation, et ne

 27   pouvaient pas accepter donc le point de vue serbe, ainsi que l'illusion des

 28   Musulmans de Bosnie, à savoir qu'ils étaient convaincus qu'ils


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  1   obtiendraient un support militaire.

  2   Il a constaté que de nombreux observateurs militaires des Nations

  3   Unies étaient vraiment partiaux et en faveur de la partie musulmane de

  4   Bosnie, et n'ont donné des informations que sur les tirs entrants et non

  5   pas sur les tirs sortants qui provenaient des Musulmans de Bosnie. Par

  6   conséquent, ils décrivaient le pilonnage de Sarajevo comme étant une

  7   agression serbe. Egalement, il y avait des officiers pakistanais qui ne

  8   recueillaient même pas leurs propres informations de façon indépendante,

  9   mais utilisaient simplement ce qu'ils avaient reçu de la partie musulmane

 10   de Bosnie. La FORPRONU à Sarajevo avait l'impression que les Musulmans de

 11   Bosnie tiraient sur leur propre population avec des tireurs embusqués, mais

 12   c'était quelque chose qui était difficile de prouver parce que le haut

 13   commandement leur avait demandé de mettre un terme à de telles enquêtes.

 14   L'ABiH a également attaqué à de nombreuses reprises les unités de la

 15   FORPRONU.

 16   Il était clair au colonel Demurenko que la VRS ne souhaitait pas

 17   détruire ni la ville de Sarajevo ni les troupes ennemies à Sarajevo même

 18   s'il y avait l'occasion de le faire. La vie dans la partie serbe de

 19   Sarajevo était exactement la même que dans la partie musulmane de la ville.

 20   Il y avait des problèmes au sujet des aliments, de l'eau, et cetera.

 21   Le colonel Demurenko est à 100 % sûr que l'aide humanitaire envoyée à la

 22   partie musulmane finissait sur les marchés noirs. Il a entendu parler de la

 23   contrebande des armes et d'armes qui étaient fournies aux Musulmans de

 24   Bosnie par les organisations humanitaires et les forces de l'ONU, mais il

 25   s'agissait que des rumeurs et il n'a pas eu d'information officielle à ce

 26   sujet.

 27   La plus grande partie des forces de l'ABiH était cantonnée dans des

 28   bâtiments civils. Ils disposaient d'une vingtaine de chars, cinq à six


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  1   batteries de mortier, et chaque batterie avait cinq à six mortiers, de 82

  2   millimètres et de 120 millimètres. Il a vu comment les unités de l'ABiH

  3   provoquait les forces serbes en ouvrant le feu et en se déplaçant sur

  4   d'autres endroits. L'ABiH disposait également d'un tunnel sous le mont

  5   Igman, qui était utilisé pour transporter des soldats, l'aide humanitaire

  6   et les armes.

  7   Après l'explosion de Markale II qui a eu lieu en août 1995, le témoin s'est

  8   rendu sur le lieu deux heures après que l'incident avait été signalé.

  9   L'enquête était encore en cours lorsqu'il est rentré et, à ce moment-là, il

 10   a appris que le porte-parole de l'ONU, un colonel britannique, a tenu une

 11   conférence de presse et qu'il a dit que c'étaient les Serbes qui étaient

 12   responsables de cette explosion. Il l'a fait sans aucun fondement, étant

 13   donné que l'enquête était en cours encore.

 14   Le colonel Demurenko en a parlé au commandant du secteur de Sarajevo, il a

 15   proposé de former un groupe d'enquête pour mener l'enquête au sujet de ce

 16   pilonnage. Le colonel Demurenko et son équipe s'est rendue sur les lieux et

 17   a mené une enquête pour découvrir quelle était la source du pilonnage. Le

 18   résultat de cette enquête était que les Serbes n'avaient pas pu tirer un

 19   obus lors de cet incident. Lorsqu'il a rentré, il a fini son rapport qui

 20   était accompagné des photos, et un aide du commandant Bachelet lui a dit

 21   qu'il était impossible de le publier, étant donné que son rapport différait

 22   de la version annoncée par le porte-parole de l'ONU.

 23   Le colonel Demurenko a ensuite organisé une conférence de presse où il a

 24   rendu public les résultats de son enquête. Ensuite, l'officier de liaison

 25   de l'armée BiH lui a rendu visite, c'était un capitaine qui était le neveu

 26   du premier ministre bosnien, et qui a dit à Demurenko qu'un ordre avait été

 27   donné de le tuer et qu'il ne lui restait qu'un jour de vie. Ensuite, il

 28   n'était pas d'accord avec le rapport établi par le commandement G2 de la


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  1   FORPRONU BH s'agissant de l'interprétation des éléments de preuve radar

  2   Cymbeline, parce que les mortiers utilisés devaient avoir un arc de

  3   trajectoire plus élevé, et non pas plus bas.

  4   S'agissant des membres de l'ONU qui ont été détenus en mai/juin 1995,

  5   le colonel Demurenko a dit que le mot "otages" a été utilisé entre

  6   guillemets dans les rapports de l'ONU parce que les prisonniers de guerre

  7   ne pouvaient pas être utilisés en tant que terme parce que les membres de

  8   l'ONU devaient être impartiaux. Il n'y avait pas de terme approprié pour

  9   cette situation, et c'est pourquoi le terme d'otages était utilisé, même

 10   s'ils n'étaient pas de vrais otages. L'ABiH a lancé une offensive, les

 11   Serbes ont répondu, ont été bombardés, et c'était une action injuste et

 12   partiale par les pays tiers qui étaient impartiaux. C'était un moment

 13   critique pendant la guerre et, à ce moment-là, la partie musulmane a été

 14   soutenue par les pays qui ont mené le bombardement, et donc c'était une

 15   réponse adéquate quant aux Serbes lorsqu'ils ont répondu de cette manière.

 16   Et le terme "d'otages" est inacceptable.

 17   Ainsi se termine le résumé de sa déclaration.

 18   Mon Colonel, je voulais vous poser quelques questions

 19   supplémentaires. D'abord, passons à la page 1 de votre déclaration, qui est

 20   versée maintenant au dossier en tant que pièce D2120. Deuxième paragraphe,

 21   à la quatrième ligne depuis le début de ce paragraphe où il est dit, entre

 22   autres, il est dit que vous avez fait des études au Collège d'état-major

 23   américain. Pourriez-vous nous dire quel était ce collège américain et où il

 24   se trouvait ?

 25   R.  C'était la troisième fois que j'étais membre d'une école militaire

 26   supérieure. Il s'agit de "Command Staff College" aux Etats-Unis, qui se

 27   trouve à Fort Levenworth, au Kansas.

 28   Q.  Et vous avez suivi des études à ce collège pendant combien de temps ?


Page 44033

  1   R.  D'habitude, les cours durent un an. Moi, je suis resté un peu plus

  2   longtemps parce que deux mois avant le début des cours, tous les officiers

  3   venant d'autres pays ont suivi une formation supplémentaire, individuelle.

  4   Q.  Et qui était vos instructeurs ?

  5   R.  C'étaient des instructeurs américains, des généraux.

  6   Q.  D'accord. Et dans ce paragraphe de votre déclaration, vous dites que

  7   vous avez obtenu un doctorat dans le domaine des sciences militaires. Est-

  8   ce que vous avez d'autres qualifications, dans quel domaine, pourriez-vous

  9   nous le dire ? Quelles sont vos qualifications supplémentaires ?

 10   R.  Tout d'abord, l'appellation russe pour quelqu'un qui détient un

 11   doctorat est littéralement un candidat pour le doctorat dans le domaine des

 12   sciences politiques, donc j'ai fini mes études au sein de l'équipe qui

 13   rendait des services au bureau du président. Donc, je suis professeur des

 14   sciences militaires de la Fédération russe et, de temps en temps, je suis

 15   invité de rendre service en tant qu'expert dans le cadre des différents

 16   colloques scientifiques.

 17   Q.  Dans l'interprétation que nous avons reçue, il était dit que vous avez

 18   reçu le titre de candidat au doctorat dans le domaine des sciences

 19   politiques. Pourriez-vous être plus précis ? S'agit-il des sciences

 20   militaires ou de quelque chose d'autre ?

 21   R.  En russe, le titre est candidat dans le domaine des sciences

 22   politiques, et celui qui menait notre formation, qui était à la tête de

 23   notre formation, était la personne chargée de la sécurité nationale. En

 24   fait, il s'agit de la politique qui est utilisée dans le domaine des

 25   sciences militaires.

 26   Q.  Et dans cette déclaration -- en fait, elle a été recueillie en 2012.

 27   Depuis 2012, avez-vous participé à des colloques, est-ce que vous avez été

 28   invité à participer aux différentes conférences dans le domaine dans lequel


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  1   vous avez obtenu le doctorat ou bien vous avez obtenu le doctorat en 2012 ?

  2   R.  Oui, comme je l'ai déjà dit, au cours de toutes ces années, de temps en

  3   temps les organisations russes ou internationales m'appelaient pour

  4   participer aux différents ateliers ou pour participer aux groupes, ou bien

  5   pour donner des cours dans le cadre des thèmes qui étaient intéressants

  6   pour les organisations qui m'appelaient. De manière générale, il s'agissait

  7   des opérations de maintien de la paix.

  8   L'INTERPRÈTE : L'interprète demande au témoin de répéter sa réponse. Oui,

  9   il s'agit en fait des guerres hybrides.

 10   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais que l'on examine maintenant 1D5970

 11   dans le système du prétoire électronique. Moi, j'ai la version imprimée que

 12   je peux mettre à la disposition du témoin et de mes confrères de l'équipe

 13   de l'Accusation.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, est-ce que l'Accusation

 15   envisage de remettre en question les qualités professionnelles et

 16   l'expérience professionnelle de ce témoin.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Non. Tel que c'est présenté dans ce document,

 18   non, mais bien sûr nous allons entrer plus en détail au sujet de l'enquête

 19   menée et comment elle a été menée. Mais je ne souhaite pas remettre en

 20   question le fait qu'il ait été candidat au doctorat, ni remettre en

 21   question le fait qu'il ait participé aux différentes conférences, et

 22   cetera. Mais je voulais permettre à Me Ivetic de compléter cette phase,

 23   mais je voulais soulever une question, à savoir qu'on est en train de nous

 24   éloigner du fond de la déposition de ce témoin.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, il y a un grand débat au

 26   sujet de l'enquête et des conclusions tirées par ce témoin, mais il n'y a

 27   aucune remise en question de son éducation et du fait où il a fait des

 28   études, et cetera. Donc, il faut qu'on se concentre sur des sujets qui sont


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  1   les plus importants.

  2   M. IVETIC : [interprétation] Le témoin a été contre-interrogé dans le cadre

  3   de l'affaire Karadzic et, à l'époque, M. Tieger a remis en question la

  4   crédibilité et l'impartialité de ce témoin --

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais cela n'était pas dû au fait

  6   qu'il n'était pas suffisamment formé.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Cela n'avait rien à voir avec sa formation

  8   dans le cadre des sciences politiques ou militaires.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Et s'agissant de

 10   l'interprétation de Marten, nous avons lu que M. Demurenko a parlé lors de

 11   ce colloque, et le Juge Pocar l'a fait également. S'agissant de la

 12   transparence, il y a eu un grand nombre de Juges qui étaient présents lors

 13   de ce colloque, et je peux vous dire que mes confrères, le Juge Moloto et

 14   Fluegge, n'étaient pas présents, mais moi, j'y étais présent, donc il n'y a

 15   aucun doute là-dessus.

 16   Veuillez poursuivre.

 17   M. IVETIC : [interprétation]

 18   Q.  J'aimerais que l'on examine la page 3 de ce document où il est dit

 19   que:

 20   "Andrey Demurenko est un colonel à la réserve, un vétéran des opérations de

 21   maintien de la paix de l'ONU dans l'ancienne Yougoslavie. Et il a suggéré

 22   que ce problème soit examiné depuis le point de vue du personnel

 23   humanitaire.

 24   "'Les commandants ont des doutes quant à l'impartialité des travailleurs

 25   humanitaires et, souvent, nous ne sommes pas sûrs au sujet du contrôle

 26   exercé quant à l'aide fournie. La Croix-Rouge internationale doit être le

 27   coordinateur principal pour toutes les organisations humanitaires qui

 28   fournissent de l'aide dans un conflit armé.'"


Page 44036

  1   Est-ce la conclusion exacte de ce que vous avez dit lors des colloques

  2   Marten et qui est présentée ici ?

  3   R.  Je ne comprends pas très bien votre question. Mais, de manière

  4   générale, je maintiens ce que j'ai dit jusqu'à présent. Tout ce que j'ai

  5   dit jusqu'à présent est absolument vrai.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question était la suivante : est-ce

  7   que ce qui venait de vous être lu, est-ce que cela correspond à ce que vous

  8   avez dit lors des colloques de Marten, même si c'est un résumé de ce que

  9   vous avez dit. Donc, est-ce vrai ou pas ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous entrez plus en détail -- peut-être que

 11   c'est une question d'interprétation. De la traduction que j'ai reçue, cela

 12   semblait un petit peu imprécis, comme si la Croix-Rouge avait un contrôle

 13   sur l'aide humanitaire qui était fournie à Sarajevo. Mais d'autre part,

 14   d'après mes souvenirs et d'après les informations dont je disposais, les

 15   convois humanitaires fournissaient certaines choses illégales, telles que

 16   des armes pour les Bosniens. Donc, ainsi, ceci pourrait être compris d'une

 17   manière et d'une autre --

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, personne ne vous

 19   accuse de quoi que ce soit. Tout simplement, j'ai lu comment ce que vous

 20   avez dit dans le cadre des colloques de Matin a été résumé. Pourriez-vous

 21   nous dire si c'était correct ou pas.

 22   Il est dit que vous, en tant que colonel, en tant qu'ancien colonel et

 23   vétéran des opérations de maintien de la paix de l'ONU dans l'ancienne

 24   Yougoslavie, donc vous avez apparemment suggéré qu'il fallait examiner la

 25   question de l'accès du personnel humanitaire et de l'aide humanitaire du

 26   point de vue des forces armées. Et ensuite, entre guillemets, il est dit :

 27   "'Les commandants avaient des doutes quant à l'impartialité des

 28   travailleurs humanitaires et, souvent, les commandants n'étaient pas sûrs


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  1   au sujet du contrôle exercé par rapport à cette aide.'"

  2   Et ensuite, il est dit entre guillemets :

  3   "'La Croix-Rouge internationale doit être le coordinateur principal de

  4   toutes les organisations humanitaires qui fournissent de l'aide dans un

  5   conflit armé.'"

  6   Est-ce un résumé exact, correct, de ce que vous avez dit lors de ces

  7   colloques ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Question suivante, Maître Ivetic.

 10   M. IVETIC : [interprétation] Nous demandons le versement au dossier de ce

 11   document.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 65 ter 1D59750 devient la

 14   pièce D2121, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document est versé au dossier.

 16   M. IVETIC : [interprétation]

 17   Q.  Passons maintenant à la déclaration du témoin, à savoir D2120, page 4,

 18   paragraphe 8. C'est au milieu dans le paragraphe 8.

 19   Vous avez expliqué quelles étaient les missions d'un chef de l'état-major.

 20   Et j'aimerais savoir si vous occupiez une autre position, si vous avez une

 21   autre fonction outre les fonctions décrites dans ce paragraphe en tant que

 22   chef de l'état-major pour le secteur Sarajevo.

 23   R.  Oui. La deuxième fonction qui m'était donnée par l'état-major russe

 24   était d'être le commandant du contingent russe dans l'ancienne Yougoslavie.

 25   C'était un petit groupe de soldats où il y avait un bataillon en Croatie,

 26   un bataillon en Bosnie-Herzégovine. Il y avait une escadrille aérienne

 27   donc, et encore une petite unité. Donc, j'étais responsable du contingent

 28   russe.


Page 44038

  1   Q.  Et à la page 33, au paragraphe 80, vous dites que sous votre

  2   commandement, il y avait 5 000 personnes et que vous ne pouviez pas

  3   connaître tous leurs noms.

  4   S'agissant de ces 5 000 personnes, qui étaient ces personnes qui étaient

  5   placées sous votre commandement ? Est-ce que vous parlez du commandant du

  6   bataillon russe ou de quelque chose d'autre ?

  7   R.  Non. Ici, je parle du secteur Sarajevo et cette unité avait 5 000

  8   soldats. Il y avait un contingent français, un contingent pakistanais et de

  9   nombreux d'autres. J'étais leur commandant en tant que chef de l'état-

 10   major.

 11   Q.  Merci. Passons maintenant à la page 7 de votre déclaration, paragraphe

 12   14. A la quatrième ligne en partant du bas, donc, je donne lecture de votre

 13   réponse :

 14   "De manière générale, la mission principale de tout chef d'état-major

 15   principal est de maintenir l'aptitude au combat de ses troupes et pour que

 16   ces soldats puissent opérer de manière efficace. C'était une opération

 17   tactique et il y avait un aspect de renseignement, même si le terme de

 18   'renseignements' n'était pas utilisé. En Yougoslavie, on parlait de la

 19   collecte des informations en Yougoslavie…"

 20   Mon Colonel, lorsque dans votre déclaration vous dites qu'on n'employait

 21   pas le terme de 'renseignements', est-ce que l'on vous a expliqué pourquoi

 22   ce terme n'était pas utilisé, pourquoi l'on ne parlait pas de

 23   renseignements recueillis ?

 24   R.  Tout simplement, nous n'étions pas une des parties belligérantes. Donc,

 25   sur le plan diplomatique, nous ne pouvions pas employer le terme de

 26   "renseignements", donc la "collecte des informations" décrivait de la

 27   meilleure façon les activités que nous exercions en tant que forces

 28   militaires de type occidental.


Page 44039

  1   Q.  Et, au sein des structures de la FORPRONU, qui est-ce que recueillait

  2   des renseignements ou des informations, comme nous venons de le lire ?

  3   R.  Je viens de vous le dire. Il y avait une unité ou un département ou une

  4   sous-unité appelée G2, qui recueillait des informations qui étaient

  5   nécessaires pour que la FORPRONU puisse fonctionner de manière efficace.

  6   Q.  Outre les officiers au sein du groupe G2, est-ce qu'il y avait

  7   quelqu'un d'autre qui recueillait des informations à la FORPRONU et qui le

  8   faisait de manière officieuse ?

  9   R.  Il ne s'agissait pas de renseignements; il s'agissait de recueillir des

 10   informations. Pratiquement toutes les unités de l'état-major, d'une manière

 11   ou d'une autre, participaient à la collecte des informations, notamment les

 12   observateurs militaires. C'est tout à fait normal. Ils étaient les yeux et

 13   les oreilles de tout contingent, outre le groupe G2.

 14   Ensuite, il y avait également le département G3, c'étaient des unités

 15   tactiques et opérationnelles; puis le groupe G4, qui était chargé de la

 16   logistique; puis G5, chargé de l'aide humanitaire, ainsi de suite. Ils

 17   contribuaient tous à ce processus de collecte d'informations qui nous

 18   aidait à maintenir la paix.

 19   Q.  Outre le personnel du secteur Sarajevo, est-ce qu'il y avait des

 20   informations selon lesquelles il y avait d'autres personnels militaires qui

 21   recueillaient des informations ou des renseignements ?

 22   R.  Oui. Je le savais, mais l'on ne consignait pas par écrit. Tout

 23   simplement, ce n'était pas possible. Par exemple, nous savions qu'il y

 24   avait des activités menées par des forces spéciales britanniques, par

 25   exemple, à savoir le SAS et d'autres, qui menaient des enquêtes

 26   approfondies, et puis, les unités G2, unités américaines qui étaient

 27   attachées au commandement de l'armée BH. Donc, j'étais en contact avec eux

 28   et nous étions en termes amicaux, mais je savais qu'ils ne faisaient pas


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  1   partie des forces de maintien de la paix.

  2   Q.  Merci. Lorsque vous dites que "nous savions quelles étaient les

  3   activités de ces forces spéciales britanniques", à qui vous vous référez

  4   lorsque vous dites "nous savions" ?

  5   R.  Je pense à moi-même et aux officiers de l'état-major du secteur

  6   Sarajevo. C'était principalement des officiers russes et ukrainiens. Entre

  7   nous, nous échangions des informations plus aisément.

  8   Q.  Merci, Mon Colonel.

  9   M. IVETIC : [interprétation] Je vois qu'il est l'heure de faire la pause,

 10   Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est exact, Maître Ivetic.

 12   Monsieur Demurenko, nous allons faire une pause de 20 minutes, et ensuite

 13   nous allons reprendre nos travaux.

 14   [Le témoin quitte la barre]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons reprendre nos travaux à 10

 16   heures 50.

 17   --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

 18   --- L'audience est reprise à 10 heures 50.

 19  

 20   [Le témoin vient à la barre]

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, vous pouvez procéder.

 22   M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Q.  J'aimerais que nous descendions un peu dans la page et que nous nous

 24   penchions sur le paragraphe 16 de votre déclaration. Dans ce paragraphe 16,

 25   vous dites :

 26   "Tous les moyens d'information, tous les journalistes, ainsi que mes

 27   confrères occidentaux (c'est-à-dire avant tout Britanniques, Français,

 28   Néerlandais et Américains) qui travaillaient pour la FORPRONU répandaient


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  1   des rumeurs selon lesquelles les Serbes étaient les agresseurs et qu'ils

  2   souhaitaient détruire toute la Bosnie. Cette idée manquait de réalisme dès

  3   lors que je la comparais à la situation sur le terrain. Soixante pour cent

  4   environ des employés des Nations Unies soutenaient l'idée que les Serbes

  5   étaient des agresseurs parce que leurs commandants et les moyens

  6   d'information ne présentaient qu'un certain nombre de faits bien choisis,

  7   en laissant les autres de côté, en laissant de côté les actes imputables à

  8   la partie musulmane de Bosnie. Les 40 pour cent restants du personnel des

  9   Nations Unies avaient leur propre opinion mais se taisaient à ce sujet, et

 10   n'osaient exprimer des divergences d'opinion qu'en privé."

 11   Voilà ce qui est écrit ici. Alors, Monsieur, je vous interroge au sujet de

 12   ces 60 pour cent et 40 pour cent. Comment avez-vous obtenu ces

 13   renseignements chiffrés ?

 14   R.  Bien sûr, il s'agissait d'établir mentalement un équilibre. Je n'avais

 15   ni le pouvoir ni la possibilité de mener des enquêtes d'opinion, mais

 16   c'était une espèce d'équilibre psychologique, et je pense qu'il

 17   correspondait à la vérité. L'équilibre des opinions que l'on pouvait

 18   rencontrer.

 19   Q.  Comment est-ce que vous avez atteint cet équilibre psychologique ? Sur

 20   quelles informations vous êtes-vous appuyé pour ce faire ?

 21   R.  J'ai pris en compte l'ensemble des informations que je recevais, à

 22   savoir les informations tirées des rapports, de conversations officielles,

 23   de conversations officieuses, de discussions que nous avions entre nous,

 24   représentants de la FORPRONU. Donc, en un mot, la majorité de toutes ces

 25   personnes pensait que les Serbes étaient les agresseurs, les autres ne

 26   croyant pas à cette réalité et pensant, au contraire, que nous étions en

 27   présence d'une guerre civile et qu'il ne pouvais pas y avoir une partie qui

 28   aurait toujours raison et l'autre qui aurait toujours tort.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre. La

  2   question qui vous était posée portait sur les éléments qui ont constitué la

  3   base de votre appréciation. Or, ce que vous faites maintenant consiste

  4   simplement à répéter ce que vous estimiez être le cas. Donc, vous vous

  5   écartez de la question, Monsieur.

  6   Veuillez procéder, Maître Ivetic.

  7   M. IVETIC : [interprétation] D'accord.

  8   Q.  Et si nous nous penchons sur la deuxième partie de ce paragraphe, à

  9   savoir les trois dernières lignes, nous lisons ce qui suit :

 10   "Il était clair que l'opinion occidentale avait été imposée aux Nations

 11   Unies et n'était orientée que dans une seule direction, à savoir que les

 12   Serbes était coupables de tout. Cette opinion 'correcte' entre guillemets

 13   était toujours exprimée dans les rapports de la FORPRONU qui tendaient à

 14   reprocher aux Serbes la situation régnant à Sarajevo."

 15   Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par ces mots.

 16   R.  Oui, je le peux. La lecture des rapports quotidiens, des rapports de

 17   situation, des rapports hebdomadaires, des rapports mensuels, et la

 18   comparaison de ces rapports ainsi que des détails que l'on obtenait à

 19   partir des points d'observation et des autres positions de la FORPRONU,

 20   donc cette comparaison a mis en évidence un déséquilibre entre ce qui se

 21   passait effectivement sur le terrain dans le secteur de Sarajevo et ce qui

 22   en était dit dans les documents écrits.

 23   Par exemple, un manque de clarté considérable régnait quant au nombre

 24   important d'obus ou de tirs qui étaient consignés dans les rubriques

 25   intitulées "inconnu". Par exemple, au cours de 24 heures, la partie serbe

 26   pouvait avoir tiré dix fois, la partie musulmane de Bosnie deux fois, et on

 27   trouvait huit tirs répertoriés comme de source inconnue. Or, moi, je posais

 28   la question qu'est-ce qui fait que nous sommes incapable d'établir


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  1   l'origine de ces tirs déclarés inconnus, ces tirs ou ces obus, et la

  2   réponse que je recevais, c'était le silence.

  3   Q.  Penchons-nous maintenant sur le paragraphe suivant, à savoir le

  4   paragraphe 17, qui commence dans cette page et se poursuit à la page

  5   suivante. Si je puis vous résumer, Monsieur, vous dites dans ce paragraphe

  6   que les officiers français vous répétaient fréquemment en privé qu'ils

  7   avaient un avis différent au sujet de la guerre en Bosnie et que les ordres

  8   qu'ils recevaient allaient à l'encontre de leurs opinions personnelles.

  9   Pouvez-vous nous donner une idée du niveau de grade de ces officiers

 10   français dont vous parlez dans ce paragraphe ?

 11   R.  Oui. Ils étaient d'un grade égal au mien ou légèrement inférieur,

 12   c'est-à-dire des colonels, des lieutenants-colonels, des commandants, des

 13   capitaines. Etant donné la nature de mes missions officielles, je

 14   travaillais souvent avec eux et il m'arrivait souvent d'inspecter les

 15   bataillons français. C'était l'une des mes tâches en tant que chef d'état-

 16   major, et je discutais avec les membres de ces bataillons français. Je

 17   n'avais pas, lorsque je procédais à l'inspection de ces bataillons,

 18   l'intention de déterminer quelle était l'opinion de ces hommes au sujet de

 19   l'équilibre entre les Serbes et les Musulmans de Bosnie. Ce n'était pas là

 20   ma mission. Mais, parfois, il m'arrivait d'entendre des opinions de ce

 21   genre, et c'est pourquoi j'en ai rendu compte par écrit dans ma

 22   déclaration.

 23   Q.  D'accord. Passons maintenant à la page 8 de votre déclaration,

 24   paragraphe 18, où vous dites :

 25   "Les officiers français estimaient que le moteur principal de la guerre

 26   était le fanatisme religieux des Musulmans de Bosnie et le manque de

 27   préparation de leur part à comprendre les avis des autres groupes ethniques

 28   ou nationaux ainsi que leur position. La deuxième raison importante à la


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  1   base de la guerre était l'appui militaire accordé aux Musulmans de Bosnie

  2   ou, plutôt, l'illusion nourrie par les Musulmans de Bosnie qu'ils

  3   obtiendraient un appui important en faveur de leur guerre."

  4   Alors, voici ma question, Colonel : selon les officiers français, par

  5   rapport à ces illusions entretenues par les Musulmans de Bosnie selon

  6   lesquelles ils obtiendraient un soutien militaire à la guerre qu'ils

  7   menaient, ils s'attendaient à obtenir ce soutien de la part de qui ?

  8   R.  Eh bien, il ne s'agissait absolument pas d'illusions. A la lecture des

  9   documents, à l'analyse des faits, et au vu de la façon dont les événements

 10   se déroulaient de façon générale, il était tout à fait manifeste qu'un tel

 11   soutien provenait de l'Occident, de l'ouest, et était accordé aux Musulmans

 12   de Bosnie. Je n'avais pas pour mission de recueillir des informations

 13   relatives aux parties spécifiques, c'est-à-dire France, Etats-Unis, ou

 14   Angleterre, qui accordaient ce soutien. Ce n'était pas nécessaire. Mais la

 15   réalité du fait qu'un soutien était accordé aux Musulmans de Bosnie était

 16   tout à fait évidente.

 17   Q.  D'accord. Nous sautons la page 9 et nous passons au paragraphe 22 de

 18   votre déclaration, dans lequel vous parlez d'un colonel français très

 19   agressif, qui était opposé à vous en tant que Russe et opposé également à

 20   la passivité politique du général Gobilliard. Dans les trois dernières

 21   lignes de ce paragraphe, vous dites :

 22   "Chaque fois qu'il participait à des réunions et que les rapports présentés

 23   portaient sur les activités des Musulmans de Bosnie, il niait le fait que

 24   les Musulmans aient pu avoir des activités illégales. Il faisait même taire

 25   certains officiers lorsque ces derniers essayaient de dire la vérité au

 26   sujet des combats à Sarajevo."

 27   Voici donc ma première question : est-ce que vous vous rappelez quoi que ce

 28   soit de plus au sujet de ce colonel français ? Par exemple, la position


Page 44045

  1   exacte qu'il tenait.

  2   (expurgé)

  3   (expurgé)

  4   (expurgé). Je me souviens des traits de

  5   son visage et de son comportement. Et au passage, j'ajouterais que j'ai

  6   obtenu des informations indiquant qu'il avait comparu devant le TPIY en

  7   tant que témoin. Vous pouvez donc vérifier dans vos rapports, je suppose.

  8   Mais ce qui est tout à fait certain depuis le début, c'est que cet homme

  9   était anti-Russe, anti-Serbe, et trop agressif pour faire partie du

 10   contingent des Nations Unies. Il était loin d'avoir une position

 11   impartiale.

 12   Q.  Vous l'avez identifié en tant que commandant adjoint. Mais où se

 13   situait-il dans la hiérarchie par rapport à vous ?

 14   R.  Moi, j'étais commandant adjoint, donc il était au même niveau que moi,

 15   hiérarchiquement parlant.

 16   Q.  Est-ce que quelqu'un --

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit, Monsieur le Témoin, que

 18   nous pouvons vérifier dans nos documents que cette personne a comparu

 19   devant le TPIY en qualité de témoin. Pouvez-vous nous dire comment vous

 20   avez découvert qu'il avait été entendu en tant que témoin ? Et puis était-

 21   ce un témoin protégé ou n'était-il pas protégé, est-ce que vous le savez ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne sais pas quel était son statut

 23   exact. J'ai simplement vu au passage son nom de famille.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais pouvez-vous nous dire qui vous

 25   a fourni le renseignement indiquant que la personne que vous avez à

 26   l'esprit a comparu en tant que témoin devant ce Tribunal ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crains de risquer de commettre une erreur

 28   si je répondais précisément. Il est possible que je l'aie appris à la


Page 44046

  1   lecture des journaux ou que j'ai entendu certains de mes collègues

  2   américains avec lesquels j'avais des contacts dans le cadre du maintien de

  3   la paix me le dire.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, c'est à vous maintenant

  5   que je m'adresse. Est-ce qu'il y aurait un moyen quelconque pour que la

  6   Chambre devant laquelle vous vous exprimez, parce que, bien entendu, parler

  7   d'un "officier français" n'est pas suffisant pour nous permettre d'en

  8   découvrir davantage. Et si le témoin formule un certain nombre d'opinions

  9   au sujet de son attitude, il pourrait peut-être y avoir une possibilité de

 10   vérifier cela sur la base des éléments de preuve fournis par ce témoin

 11   mais, pour l'instant, nous avons les mains vides. Pourriez-vous nous aider

 12   d'une quelconque façon ?

 13   M. IVETIC : [interprétation] Nous allons essayer, mais nous sommes un peu

 14   limités par les souvenirs du témoin. Manifestement, s'il ne peut pas nous

 15   donner un nom, je ne peux pas rechercher un nom quelconque. C'est la raison

 16   pour laquelle je me suis concentré sur sa position hiérarchique pour

 17   déterminer si, sur la base de ce renseignement, nous pouvions découvrir

 18   davantage de détail au sujet de ce témoin, et voir en particulier dans

 19   combien d'affaires il a pu témoigner. Car, c'est l'une des tâches les plus

 20   difficiles pour le Greffe que de localiser une personne particulière

 21   simplement à partir de sa position hiérarchique.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je dirais que nos problèmes sont à

 23   peu près comparables. Vous pouvez avoir une liste et la comparer à une

 24   liste de témoins que vous connaissez, car il n'y a tout de même pas un

 25   grand nombre d'officiers français qui ont témoigné.

 26   La Chambre pourrait être considérablement aidée par ce type de

 27   renseignement.

 28   Si l'Accusation avait une idée à nous communiquer pour nous permettre


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  1   de mieux comprendre cette partie de la déposition du témoin, ce serait

  2   également apprécié par les Juges de la Chambre.

  3   Veuillez procéder.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'aurais une question à poser au

  5   témoin.

  6   Monsieur Demurenko, selon ce que vous savez et les informations dont vous

  7   disposiez, est-ce qu'il a témoigné dans la présente affaire devant le

  8   Tribunal yougoslave ou simplement dans une affaire ou une autre ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que cela s'est passé il y a pas mal

 10   de temps. Je crois que c'était dans l'affaire Slobodan Milosevic, l'une des

 11   premières affaires jugées par le TPIY.

 12   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Puis-je poser une question sur un

 14   sujet différent au témoin, Maître Ivetic.

 15   Monsieur, vous dites que cet homme était commandant adjoint, c'est-à-dire

 16   au même niveau hiérarchique que vous. Vous étiez commandant adjoint du

 17   secteur de Sarajevo et vous étiez chef d'état-major, ce que signifie que

 18   vous étiez le premier adjoint. Etait-il un des autres adjoints, donc

 19   inférieur à vous pour le secteur de Sarajevo ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il n'était pas inférieur à moi. Il était

 21   au même niveau hiérarchique. C'est un peu comme dans l'armée américaine et

 22   dans toutes les armées occidentales, y compris dans l'armée russe. Sous

 23   l'autorité d'un commandant, on trouve plusieurs commandants adjoints qui

 24   sont chacun chargé d'un travail particulier ainsi qu'un chef d'état-major.

 25   Eh bien, là, c'était la même chose.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est ce que je voulais mieux

 27   comprendre.

 28   Il était donc commandant adjoint du secteur de Sarajevo, un peu comme


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  1   vous ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

  3   M. IVETIC : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur, est-ce qui que ce soit a réprimandé ou puni ce colonel

  5   français pour son comportement ou l'a ramené à un comportement plus

  6   acceptable d'une autre façon ?

  7   R.  Je n'en sais rien. Mais notre comportement doit toujours être régi par

  8   notre code d'étique professionnel. C'est ainsi que les choses devraient

  9   être. Or, cela ne semblait pas s'appliquer à cet homme, qui n'était pas

 10   réprimandé.

 11   Q.  Passons maintenant à la page 8, paragraphe 20 au milieu de la page.

 12   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais que l'on fasse descendre la page à

 13   l'écran.

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Excusez-moi, Maître Ivetic. Avant que

 15   vous ne posiez votre question, j'ai une question à poser au témoin.

 16   Monsieur Demurenko, vous avez dit "je ne sais pas" en réponse à la dernière

 17   question qui vous était posée, et à la fin de votre réponse, vous avez

 18   ajouté il n'était pas réprimandé. Comment savez-vous qu'il n'était pas

 19   réprimandé si vous ne savez rien au sujet de ce qu'il a pu subir ou pas ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je voulais dire c'est que lorsque

 21   j'assistais à des réunions, il formulait des remarques inadmissibles, il

 22   n'était pas réprimandé. Mais il est tout à fait possible qu'au sein du

 23   groupe français, suite aux réunions en question et après que j'ai quitté

 24   les lieux ainsi que les Pakistanais et les Ukrainiens, lorsque les Français

 25   se retrouvaient seuls, il est possible que ce commandant se soit fait

 26   reprocher son comportement. Mais je ne le sais pas d'une quelconque façon.

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie de cette précision.

 28   Maître Ivetic.


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  1   M. IVETIC : [interprétation]

  2   Q.  Au premier paragraphe dans la première partie de ce paragraphe 20, vous

  3   évoquez un commandant russe dont vous dites qu'il avait été renvoyé en

  4   Russie parce qu'il était incapable d'avoir un comportement impartial à

  5   l'égard des Musulmans. C'est au milieu de la page, vous dites :

  6   "Mais, par ailleurs, un certain nombre d'observateurs militaires des

  7   Nations Unies étaient véritablement en faveur de la partie musulmane de

  8   Bosnie et n'informaient ceux qu'ils devaient informer que des tirs entrant

  9   sans tenir compte des tirs sortant tirés par les Musulmans de Bosnie, ce

 10   qui était une façon de présenter les combats menés à Sarajevo comme une

 11   agression des Serbes et comme des pilonnages dus aux Serbes."

 12   Donc, voilà ce qui est écrit. Alors voici ma question : est-ce que vous

 13   pourriez nous dire d'abord comment vous avez découvert cette insuffisance

 14   des rapports relatifs aux tirs sortant ?

 15   R.  Eh bien, comme je l'ai déjà dit, je l'ai fait en comparant différentes

 16   sources d'information qui permettaient de juger de la partialité ou de

 17   l'impartialité de certaines unités. En d'autres termes, dès lors que nous

 18   savons qu'un obus a été tiré au voisinage de Sarajevo et qu'un rapport des

 19   observateurs militaires des Nations Unies indique un certain chiffre, alors

 20   que le personnel présent au poste de contrôle cite un autre chiffre, et

 21   qu'on obtient encore un troisième chiffre des hommes stationnés dans le

 22   voisinage, ces contradictions vous apportent des informations. On peut

 23   comparer et voir quel est le degré de véracité de ces chiffres et quelle

 24   est l'impartialité ou la partialité des sources qui les fournissent.

 25   J'ai fréquemment rencontré ce genre de situations qui m'ont donné

 26   l'impression que l'agression des Musulmans de Bosnie était passée sous

 27   silence assez souvent, était mise sous le tapis, alors que les cas

 28   d'agressions dus aux Serbes étaient mis en avant.


Page 44050

  1   Q.  Monsieur, est-ce qu'un représentant quelconque des Nations Unies a pris

  2   des mesures pour tenter de corriger cette insuffisance des rapports ?

  3   R.  Je ne suis pas au courant du fait que des mesures quelconques aient été

  4   prises dans ce sens. Tous les commandants sous les ordres desquels j'ai

  5   servis pendant cette période, les généraux français, se sont efforcés

  6   d'appliquer le principe de l'impartialité. Ils soulignaient fréquemment le

  7   fait que ces principes devaient guider leurs actions, et qu'il convenait de

  8   faire toujours preuve de la plus grande impartialité. Mais ce n'était que

  9   des appels à l'impartialité. Dans la réalité du travail avec les documents,

 10   il n'est pas tout à fait manifeste que cette impartialité était toujours

 11   appliquée. Les documents étaient utilisés pour prouver que l'une ou l'autre

 12   des parties avait raison ou avait tort.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous donner quelques

 14   éléments plus précis à ce sujet. Vous formulez des déclarations générales

 15   sur toutes sortes de choses. Mais est-ce que vous auriez des exemples

 16   précis de ce que vous venez de dire, à savoir que les documents étaient

 17   utilisés pour prouver que l'une des parties ou l'autre avait tort ou

 18   raison ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si

 20   je répondais à cette question, je récolterais sans doute trois

 21   dénonciations sur le papier. Mais, vous savez dans les opérations au

 22   quotidien vous recevez des rapports de trois sortes d'unités différentes et

 23   vous avez nécessité de les comparer.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, vous pouvez établir si des

 25   rapports diffèrent ou non dans leur contenu, s'il y a des contradictions

 26   dans les éléments qui y sont indiqués. Mais ce n'est toujours pas une

 27   explication quant à ce qui provoque ces contradictions ou ces différences.

 28   Et c'est la raison pour laquelle je vous ai demandé si vous pouviez nous


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  1   donner un ou plusieurs exemples puisque vous êtes en train de parler de

  2   différences dans les rapports. Donc, est-ce que vous pourriez nous donner

  3   un ou plusieurs exemples susceptibles, peut-être pas d'expliquer mais, en

  4   tout cas, d'apporter des éléments supplémentaires par rapport à ce que vous

  5   avez dit, à savoir que ces rapports étaient utilisés pour prouver que l'une

  6   ou l'autre des parties avait tort ou raison.

  7   Je ne dis pas qu'un ou l'autre des parties aurait été traitée d'une

  8   façon plus correcte ou moins correcte que l'autre. Mais, est-ce que vous

  9   avez des exemples ? Est-ce que vous avez des documents de ce genre qui

 10   pourraient nous amener à la même conclusion que la vôtre; ou bien des

 11   documents au nombre de trois, par exemple, en nous disant ce que contient

 12   le premier, le deuxième, le troisième ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Si je savais que vous alliez me poser

 14   cette question, j'aurais apporté ces documents.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, restons-en là sur ce point.

 16   Veuillez procéder, Maître Ivetic.

 17   M. IVETIC : [interprétation] Je pourrais peut-être apporter mon concours.

 18   Car il y a un paragraphe sur lequel je n'ai posé aucune question au témoin,

 19   à savoir le paragraphe 24, où l'on trouve mention d'un document dont le

 20   numéro ERN est fourni, c'est l'une des pièces connexes de l'acte

 21   d'accusation dont nous avons demandé le versement au dossier, où on voit

 22   des descriptions et des conclusions formulées par le témoin. Nous avons ce

 23   document et je crois qu'il en existe plusieurs autres dans la quarantaine

 24   de documents dont nous avons demandé le versement au dossier et qui sont

 25   évoqués dans la déclaration du témoin. On peut comparer les mots utilisés

 26   dans ces divers documents et comparer les conclusions tirées par le témoin

 27   que vous avez devant vous, Messieurs les Juges.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pour votre information, Maître


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  1   Ivetic, ce document n'est pas encore téléchargé dans le prétoire

  2   électronique.

  3   M. IVETIC : [interprétation] Il l'est. Je m'en suis chargé personnellement

  4   hier, donc je sais qu'il a été téléchargé.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Il n'était pas chargé ce matin à 8

  6   heures 30.

  7   M. IVETIC : [interprétation] Eh bien, à 8 heures 30 du soir hier, j'ai

  8   effectué le travail. J'ai vérifié ce matin et à 7 heures 45 j'ai constaté

  9   qu'il est téléchargé. En tout cas, sur nos ordinateurs. Je ne sais pas s'il

 10   y a un retard entre le téléchargement sur certains ordinateurs et l'envoi

 11   des documents à d'autres ordinateurs, car nous nous adressons au

 12   département électronique pour cela, chargé de l'électronique. Mais je vais

 13   vérifier et veiller à ce que les documents, dont le versement a été demandé

 14   au dossier, soient communiqués à toutes les personnes qui devraient le

 15   recevoir. Il y aura échange de courriel à ce sujet, je vérifie --

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 17   M. IVETIC : [interprétation] -- eh bien, c'est tout ce que je peux proposer

 18   en ce moment.

 19   Q.  Passons maintenant à la page 13 de la déclaration du témoin, paragraphe

 20   36, où le témoin déclare :

 21   "J'ai entendu parler d'entrée illégale d'armes à destination de la partie

 22   musulmane de Bosnie provenant d'organisations humanitaires et de forces des

 23   Nations Unies mais il ne s'agissait que de rumeurs et je n'ai obtenu aucune

 24   information officielle à ce sujet."

 25   Colonel, je crois comprendre que vous n'avez obtenu aucune information

 26   officielle sur ce sujet de l'entrée illégale d'armes destinées à ces

 27   positions, mais sur quelle source vous êtes-vous appuyé pour dire ce que

 28   vous dites dans ce paragraphe ?


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  1   R.  Encore une fois, je ne dispose pas d'un document particulier. Les

  2   rumeurs sont des rumeurs. Mais je vous parle de ce qui s'est inscrit dans

  3   ma mémoire. Je n'ai rien à ajouter.

  4   Q.  Est-ce que ces rumeurs provenaient d'une personne ou de sources

  5   multiples ?

  6   R.  Certainement pas d'une seule personne, mais plutôt de dizaines de

  7   personnes.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Je pensais que la précision donnée par le

 10   témoin était arrivé à point nommé. Car il y a une différence entre des

 11   sources et des rumeurs. Le témoin a indiqué dans sa réponse précédente

 12   qu'il s'agissait de rumeurs. Alors, la question qui demeure c'est de savoir

 13   si quelqu'un d'autre -- mais, enfin, je pense que la distinction a été

 14   faite --

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois que vous aviez une objection

 16   mais la réponse du témoin vous a satisfait, n'est-ce pas, à lever vos

 17   préoccupations, si je comprends bien. Pas au sujet de la question mais au

 18   sujet d'un risque de confusion.

 19   M. TIEGER : [interprétation] Je dirais que c'était plus prophylactique

 20   qu'autre chose, mais nous avons obtenu la bonne réponse, n'est-ce pas ?

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder, Maître Ivetic.

 22   M. IVETIC : [interprétation]

 23   Q.  Par rapport aux rumeurs, pouvez-vous nous dire quelle est la nature des

 24   sources qui vous a informé de l'existence de ces rumeurs ?

 25   R.  Sincèrement, je ne suis pas un militaire. Ce n'est pas à moi qu'il

 26   appartient de parler de ces rumeurs. Je ne suis pas ce genre de personne.

 27   Mais, en bref, je dirais que j'habitais sur place. J'entendais ce dont

 28   parlaient les gens. Et j'ai entendu et vu des armes entre les mains de


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  1   civils qui étaient arrivés là, manifestement, par des moyens illégaux. Il

  2   était tout à fait évident que parmi les civils il y avait pas mal d'armes

  3   en circulation, il n'est pas possible pour moi de vous montrer un document

  4   à ce sujet.

  5   Q.  Pas de problème. Passons à la page 11 de votre déclaration, paragraphe

  6   30, paragraphe qui commence sur cette page et se poursuit sur la page

  7   suivante. Dans ce passage, vous parlez du tunnel qui existait sous le mont

  8   Igman. Et si nous passons maintenant sur les écrans au haut de la page

  9   suivante, je pourrais vous poser ma question qui concerne plus

 10   particulièrement la fin du paragraphe qui se termine donc à la page

 11   suivante, où nous lisons :

 12   "Oui, c'était une possibilité. On pouvait déplacer 500 à 600 hommes, de

 13   nuit, en passant par le tunnel. Donc oui, c'était un siège mais avec

 14   quelques nuances."

 15   Sur quoi reposaient les informations dont vous disposiez au sujet du tunnel

 16   et du nombre d'hommes qui pouvaient être déplacés de nuit grâce à ce

 17   tunnel, comme indiqué dans ce paragraphe ?

 18   R.  Alors, pour ce qui est du tunnel, cette question a été posée à

 19   plusieurs reprises lors des réunions que nous avons eues. C'est un sujet

 20   qui a été débattu. Il est clair que ce tunnel existait. Et cela étant dit,

 21   ce tunnel existe toujours. C'est un musée à Sarajevo. L'interprétation

 22   n'est pas tout à fait exacte. Cela ne se trouve pas sous le mont Igman.

 23   Mais son point de sortie se trouvait sous l'aéroport et l'entrée se

 24   trouvait à proximité d'une maison dans un quartier résidentiel, et la

 25   sortie se trouvait près de l'aéroport. Et tout le monde savait, toute la

 26   population de Sarajevo savait que ce tunnel était utilisé pour différentes

 27   raisons, à la fois pour le roulement des troupes et pour approvisionner les

 28   uns et les autres en eau, en marchandises, et cetera. Nous connaissions


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  1   même les tarifs pour transporter pendant la nuit certaines marchandises et

  2   pour louer le tunnel pour une nuit, par exemple. Il y avait une mafia à

  3   Sarajevo qui s'occupait de cela et qui contrôlait cela. Il est clair que

  4   les deux parties étaient en contact : il y avait les points d'entrée, donc

  5   le point d'entrée et le point de sortie. Et dans mes rapports, j'ai tenté

  6   de décrire cela, mais je n'ai pas réussi. Mes commandants m'ont dit que je

  7   devais ne plus parler de cela et qu'il n'y avait pas de tunnel. Tels

  8   étaient les ordres. "Les ordres sont les ordres."

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Permettez-moi de poser une question,

 10   s'il vous plaît.

 11   A la page 34, à partir de la ligne 6, vous nous avez parlé de ces armes

 12   illégales et vous dites que, sincèrement, vous êtes un militaire et que "Ce

 13   n'est pas à moi de parler de rumeurs. Je ne suis pas ce genre de personne.

 14   En somme, nous vivions là. Alors, ce que j'ai entendu dire, ce dont les

 15   gens parlaient, j'ai entendu dire qu'il y avait des armes dont s'étaient

 16   procurés les civils et qu'ils avaient obtenu, bien évidemment,

 17   illégalement."

 18   Alors, est-ce que vous connaissiez l'appartenance ethnique de ces

 19   personnes qui, comme il était dit, étaient en possession de ces armes

 20   illégales ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, certainement pas. D'autant plus que je

 22   savais qu'il y avait à la fois des Serbes et des Musulmans à Sarajevo.

 23   C'était une ville multiethnique.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc, vous avez entendu dire qu'il

 25   existait des armes illégales. Vous ne savez pas quelle partie utilisait ces

 26   armes ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement pas.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document que vous avez téléchargé a

  2   été téléchargé sous quel numéro 65 ter, s'il vous plaît. Moi, je dispose de

  3   -- je crois que le document que vous avez cité et qui figure au paragraphe

  4   24 de la déclaration.

  5   M. IVETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Alors, je crois qu'il

  6   doit s'agir du 1D5967.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite vérifier avec le Greffier

  8   pour voir si ce document a été téléchargé. J'ai essayé en utilisant ce

  9   numéro-là, ainsi que le 1D05967, mais je n'ai pas trouvé le document.

 10   Apparemment, ce numéro est inconnu. Vous avez vérifié ce matin. Veuillez

 11   vérifier une nouvelle fois, je vous prie.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document n'a pas été communiqué.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce document n'a pas été transmis, il a

 14   été téléchargé.

 15   M. TIEGER : [interprétation] Ce document, en fait, se trouve sur la liste

 16   de la Défense à deux reprises. Il y a deux numéros : le 1D05967 et le

 17   1D03900 qui a été téléchargé par la suite.

 18   M. IVETIC : [interprétation] Cela va peut-être s'avérer utile. Je n'arrive

 19   pas à afficher le document.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous ne pouvez pas confirmer que cela a

 21   été téléchargé et communiqué sous le numéro que vous nous avez donné ?

 22   M. IVETIC : [interprétation] Je peux confirmer que ce document a été

 23   téléchargé, mais je ne sais pas si ce document a été communiqué. Mais je ne

 24   peux pas le transmettre à partir d'ici. Et je ne peux pas le faire. Je ne

 25   peux pas transmettre des documents à partir de mon ordinateur ici dans le

 26   prétoire.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semblerait que ce document a été

 28   communiqué deux fois.


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  1   M. TIEGER : [interprétation] Le 3900 a été transmis. Nous l'avons.

  2   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mladic, s'il vous plaît,

  4   veuillez ne pas parler à voix haute, s'il vous plaît.

  5   Veuillez poursuivre.

  6   M. IVETIC : [interprétation]

  7   Q.  Colonel, alors, pour ce qui est du tunnel, c'est quelque chose qui a

  8   été débattu souvent et c'est un sujet qui a été abordé à de maintes

  9   reprises.

 10   "Et mes commandants m'ont dit 'de me la fermer, de me taire, qu'il

 11   n'y avait pas de tunnel et que des ordres sont les ordres.'"

 12   Lorsque vous dites "commandants", vous faites référence à qui ?

 13   R.  Les trois : le général Gobillard, le général Bachelet et de Lapresle.

 14   Et j'ai soulevé cette question en présence de ces trois personnes, et ces

 15   trois personnes m'ont dit que je ne devais pas en parler.

 16   Q.  Alors, passons à la page 13 de votre déclaration et le paragraphe 37

 17   qui se trouve sur cette page.

 18   Dans ce paragraphe, vous parlez de forces de l'ABiH qui se trouvent à

 19   Sarajevo et vous y dites qu'ils disposaient de 20 chars, cinq à six

 20   batteries de mortier, chaque batterie comprenant cinq à six mortiers, et de

 21   82 et de 120 millimètres. Quelle était votre source concernant le nombre de

 22   chars dont disposait l'ABiH à Sarajevo ?

 23   R.  Cela relevait de nos fonctions. Nous devions connaître le nombre de

 24   troupes des différentes parties, et le département G2 était responsable de

 25   ce recueil d'informations et, surtout, c'était surveillé et contrôlé par

 26   toutes les unités et tous les observateurs qui se trouvaient à des postes

 27   d'observation, et cela se trouvait consigné dans tous les documents et les

 28   rapports qui étaient rédigés quotidiennement et de façon hebdomadaire. Et


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  1   tout le monde était au courant.

  2   Q.  Alors, nous allons changer de sujet et passer à la page 9 de votre

  3   déclaration et regarder le paragraphe 23, s'il vous plaît. Le deuxième

  4   paragraphe à partir du haut. Et là, vous dites à deux reprises :

  5   "J'ai rencontré les journalistes de la CNN, Christiane Amanpour, à l'hôtel

  6   Holiday Inn et je lui ai demandé pourquoi elle était toujours contre les

  7   Serbes, et elle m'a dit que cela n'était pas ses affaires. A plusieurs

  8   reprises à la FORPRONU, nous avions l'impression que les Musulmans de

  9   Bosnie tiraient par l'intermédiaire de tireurs embusqués contre leur propre

 10   population, mais c'était difficile à prouver, car le haut commandement nous

 11   avait clairement indiqué que nous devions mettre un terme à ce type

 12   d'enquête. Et en outre, dans des cas d'activités menées par des tireurs

 13   embusqués, il est très difficile de prouver l'origine du tir, et quasiment

 14   impossible de prouver si le tir provenait de l'un ou l'autre camp

 15   s'agissant de tireurs embusqués."

 16   Alors la question que je souhaite vous poser, par rapport à

 17   l'impression qu'avait la FORPRONU que les Musulmans de Bosnie tiraient sur

 18   sa propre population par l'intermédiaire de tireurs embusqués, que le haut

 19   commandement vous a dit de mettre un terme à votre enquête, pouvez-vous

 20   nous dire de qui il s'agit dans ce cas ?

 21   R.  Eh bien, bon, mon officier, il s'agissait surtout de mon supérieur

 22   hiérarchique qui était officier, et principalement le commandant de la

 23   force de la BiH qui avait un grade très élevé au sein du secteur Sarajevo.

 24   C'est eux qui imposaient des restrictions sur la dissimulation de ces

 25   informations.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pourriez-vous nous donner des noms ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il s'agit du général Smith.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et le commandant des forces de la


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  1   BiH ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. J'ai rencontré le commandant des forces

  3   de la BiH dans le cadre de négociations officielles seulement. Je n'ai pas

  4   rencontré des généraux de l'armée de la BiH. C'était contraire au principe

  5   d'impartialité. Je ne parle que de la FORPRONU.

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Moi, je ne parle que de la FORPRONU

  7   aussi. Vous avez dit :

  8   "Mon supérieur hiérarchique et essentiellement le commandant des forces de

  9   la BiH dans le secteur Sarajevo."

 10   Et à la manière dont je comprends votre réponse, le commandant des forces

 11   de la BiH se trouvait ou faisait partie de la FORPRONU. C'est cela que vous

 12   voulez dire ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je voulais parler du secteur Sarajevo.

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et qui a un grade plus élevé ou

 15   qu'est-ce qui est au-dessus du secteur Sarajevo ? Vous parliez à ce moment-

 16   là d'une personne, vous avez dit que c'était plus important ou plus élevé

 17   que le secteur Sarajevo. Qui était-ce ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Encore une fois, au-dessus de notre secteur

 19   dans la hiérarchie, il y avait le commandement de la BiH de la FORPRONU, et

 20   c'était le général Smith qui était le commandant de ces forces.

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Il était commandant du secteur

 22   Sarajevo ou était-il le commandant des forces de la BiH des forces en

 23   Bosnie-Herzégovine ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Précisément.

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Etait-il commandant du secteur

 26   Sarajevo ou faisait-il partie du haut commandement en Bosnie-Herzégovine de

 27   la FORPRONU ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, bon vous avez tout d'abord le


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  1   secteur. Et au-dessus du secteur, il y avait le commandant des forces de la

  2   BiH, et ensuite le commandement de la FORPRONU à Zagreb. Il y avait ces

  3   trois niveaux de commandement de la FORPRONU en ex-Yougoslavie.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] C'est précisément la raison pour

  5   laquelle je vous ai demandé de me citer et de me donner des noms. Vous nous

  6   avez donné le nom du général Smith. A-t-il rempli toutes ces fonctions,

  7   pourriez-vous nous donner le nom de personnes qui se trouvaient au-dessus

  8   de lui ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous ai déjà cité un exemple, le commandant

 10   de mon secteur était le général Gobilliard.

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Quel était votre secteur ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je répète, dans mon secteur, le secteur

 13   Sarajevo, les commandants étaient les suivants, le général Gobilliard, le

 14   général de Lapresle, le général Bachelet.

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Dois-je comprendre votre réponse de

 16   la façon suivante, le général Smith était au-dessus des trois généraux

 17   français ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci. Maintenant, nous nous sommes

 20   compris.

 21   Maître Ivetic, c'est à vous.

 22   M. IVETIC : [interprétation]

 23   Q.  Est-ce que -- supprimez cela.

 24   A-t-on jamais avancé une raison pour laquelle il fallait mettre un terme à

 25   ces enquêtes ?

 26   R.  Peut-être qu'ils avaient leurs raisons, qu'ils avaient ces raisons à

 27   l'esprit, mais ces raisons n'ont jamais été communiquées lors des réunions

 28   que nous avons eues, et rien n'a été couché sur le papier. L'idée que l'on


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  1   avançait était celle de l'impartialité, et c'est tout.

  2   Q.  Alors, veuillez nous dire pourquoi la FORPRONU avait l'impression que

  3   les Musulmans de Bosnie tiraient par l'intermédiaire de tireurs embusqués

  4   sur leur propre population ?

  5   R.  Alors, à nos yeux, cela semblait évident. Dans certaines rues de

  6   Sarajevo, lorsque vous voyez des personnes tuées ou blessées dans la rue,

  7   que ces personnes avaient été touchées non pas par les Serbes qui se

  8   trouvaient sur des positions dans les collines autour de Sarajevo, mais en

  9   regardant de près, on pouvait constater qu'il n'y avait aucun secteur du

 10   côté serbe qui correspondait à une clairière à partir de laquelle on aurait

 11   pu tirer. Il n'y avait aucune ligne de tir claire pour un tireur embusqué,

 12   et ces personnes ont dû être touchées par quelqu'un qui a tiré dans le

 13   centre de la ville. Mais personne ne les a recherchés. Si vous voulez

 14   parler des activités anti-tirs isolés ou contre les tireurs isolés, nous

 15   pouvons en parler séparément.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, est-ce que vous pouvez nous

 17   démontrer qu'au regard d'un événement en particulier, il était évident que

 18   les tirs n'auraient pas pu provenir de la partie serbe et que les tirs

 19   devaient certainement provenir de la partie musulmane ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr. Dans la plupart des rapports de

 21   situation sur des incidents provoqués par des tireurs embusqués ou de

 22   fusillade, la colonne qui indiquait la source précisait que c'était

 23   "inconnu". Mais, en même temps, il est clair que personne n'aurait pu tirer

 24   du côté serbe. On aurait pu tirer du côté serbe, mais on n'aurait pas pu

 25   toucher quelqu'un parce que la ligne de mire était entravée. Mais le

 26   rapport de situation qui indiquait "inconnu" ou toutes les personnes qui

 27   lisaient ce rapport pouvaient raisonnablement se poser la question de

 28   savoir qui avait tiré.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais si vous regardez les rapports de

  2   situation, il n'est pas toujours très clair quelle est la ligne de mire, en

  3   fait, qui est visible. Et donc, si dans un rapport on précise que c'est

  4   inconnu et que la source est inconnue, et vous avez conclu cela, je n'ai

  5   pas très bien compris sur quelle base vous avez conclu cela, mais vous avez

  6   dit que cela n'aurait pas pu provenir du côté serbe.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce que je voulais dire c'est que les

  8   formats des rapports de situation étaient différents de ceux des

  9   observateurs militaires. Nous n'avons pas demandé -- en fait, il n'y avait

 10   pas de description écrite. Nous souhaitions avoir des croquis sur le site

 11   et les pentes des collines, et les zones, et les dépressions, et cetera.

 12   C'était clair sur un croquis.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite regarder un tel document

 14   pour que ce soit clair et qui vous permettrait de corroborer votre

 15   déposition. Pouvez-vous nous montrer un quelconque rapport de situation qui

 16   nous permettrait de mieux comprendre ce que vous nous dites ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, à l'instant présent, je ne peux pas.

 18   Mais je crois que c'est assez clair. Dans les archives, vous avez tous les

 19   rapports des observateurs militaires ainsi que leurs croquis.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour votre gouverne, les Juges de cette

 21   Chambre ne passent pas du temps dans les archives pour essayer de trouver à

 22   leur propre initiative des éléments de preuve. Cela n'est pas ainsi que

 23   cela fonctionne.

 24   M. IVETIC : [interprétation] A la page 75 de la déclaration du témoin, on

 25   évoque un rapport de situation qui donne les coordonnées ainsi que des tirs

 26   provenant du territoire contrôlé par les Bosniens.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais regarder ceci de plus près.

 28   M. IVETIC : [interprétation]


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  1   Q.  Alors, nous avons parlé d'activités menées par des tireurs embusqués à

  2   grande échelle contre les tireurs embusqués Musulmans qui intervenaient à

  3   Sarajevo.

  4   R.  Oui, je m'en souviens. Lorsque la patience [comme interprété] au sein

  5   de l'état-major des commandants de la FORPRONU à Sarajevo, moi, j'ai pu

  6   convaincre un commandant d'établir des groupes contre les tireurs

  7   embusqués. Et l'armée française dispose d'une arme extraordinaire, d'une

  8   arme de précision, qui est beaucoup plus précise et forte que le fusil SVD

  9   utilisé par les parties belligérantes. C'est une arme qui est beaucoup plus

 10   puissante que celle de 7,62 millimètres utilisée par les parties

 11   belligérantes, tout à fait à même de contrer les tirs et les offensives des

 12   tireurs embusqués qui avaient un nid de mitrailleuses à l'intérieur des

 13   bâtiments de Sarajevo. Et ces groupes ont donc été créés et officiellement

 14   travaillaient aux côtés de tireurs embusqués.

 15   Pardonnez-moi, je ne me souviens exactement du nombre de cibles qui ont été

 16   neutralisées. Cela ne porte pas seulement sur le nombre de tireurs

 17   embusqués que nous avons pu tuer, mais cela portait sur une démonstration

 18   de la détermination des commandants du secteur de Sarajevo de se battre

 19   contre ces tireurs embusqués. Et dans le secteur où moi je me trouvais, moi

 20   j'étais à l'origine de ces opérations, nous avons pu réduire grandement les

 21   activités des tireurs embusqués à l'automne de l'année 1995.

 22   Q.  Je souhaite maintenant vous montrer un document qui porte la cote

 23   1D7014. Je dispose d'une copie papier qui peut être montrée au témoin.

 24   En attendant que l'on vous remette la version papier, peut-être que nous

 25   pouvons utiliser ce qui est à l'écran. Nous avons sous les yeux un document

 26   qui émane du bureau des études militaires étrangères et l'auteur est un LTC

 27   John E. Sray. Est-ce que vous connaissez l'auteur ou le bureau des études

 28   militaires étrangères qui est la mention que nous trouvons dans ce


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  1   document ?

  2   Je ne sais pas si vous avez entendu l'interprétation. Connaissez-vous

  3   l'auteur qui est le colonel Sray ou ce bureau des études militaires

  4   étrangères ?

  5   R.  Non, je ne le connais pas personnellement. Je suis tombé sur tel ou tel

  6   article longtemps après, un ou deux ans après la fin de ma mission.

  7   Q.  Je souhaite que nous passions à la page 3, s'il vous plaît. Le dernier

  8   paragraphe -- l'avant-dernier paragraphe.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, vous souhaitez que Me

 10   Ivetic reformule sa question ou est-ce que vous souhaitez intervenir

 11   maintenant ?

 12   M. TIEGER : [interprétation] Non, je souhaite intervenir avant que la

 13   question ne soit posée, car je ne peux pas imaginer comment, compte tenu

 14   des circonstances qui sont les nôtres maintenant, j'attendais de comprendre

 15   comment ce document allait être utilisé, je crois que de toute façon, au

 16   bas mot, ici, il s'agira d'une question directrice, regarder ce que

 17   quelqu'un a dit, est-ce que ceci est conforme ou pas. Bon, il s'agit là

 18   d'un processus qui consiste à poser des questions directrices.

 19   Et compte tenu de la nature même de ce document, qui est un avis

 20   donné par quelqu'un, et que ceci n'a rien à avoir avec ce témoin-ci et,

 21   comme nous pouvons le constater de la source de ce document et, en tout

 22   cas, ce paragraphe en particulier, en fait, trouve sa source dans un

 23   article de journal. Je crois que ceci n'est pas utile du tout. Il s'agit

 24   d'un témoin de faits qui est ici aujourd'hui.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, veuillez reformuler votre

 26   question et abstenez-vous de poser des questions directrices parce que cela

 27   préoccupe M. Tieger. Je remarque également que lors d'une question que vous

 28   avez posée plus tôt, quelques fois, vous demandez au témoin de commenter


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  1   les opinions d'autres personnes. Ceci pose problème. Et il s'agit d'un

  2   témoin de faits qui donne son avis, cela pose problème. Mais cela peut

  3   devenir encore plus compliqué s'il donne son avis sur les opinions des

  4   autres.

  5   Alors, veuillez garder ceci à l'esprit lorsque vous reformulez votre

  6   question, s'il vous plaît.

  7   M. IVETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Faites, s'il vous plaît.

  9   M. IVETIC : [interprétation] Alors, je ne sais pas comment les opinions des

 10   autres font partie ou sont de l'interrogatoire principal maintenant.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je peux le retrouver, si vous

 12   insistez, pendant la pause. Veuillez reformuler votre question.

 13   M. IVETIC : [interprétation]

 14   Q.  Alors, vous nous avez parlé des activités contre les tireurs embusqués

 15   que vous avez menées dans le secteur Sarajevo. Dans l'avant-dernier

 16   paragraphe de ce -- a parlé de ces activités contre les tireurs embusqués.

 17   Et après avoir lu ce paragraphe, ma question consiste simplement à vous

 18   demander si ceci est conforme avec ce que vous nous avez dit au sujet des

 19   activités contre les tireurs embusqués et votre expérience à Sarajevo ou

 20   pas.

 21   La partie qui m'intéresse est celle qui se lit comme suit : "Les

 22   activités contre les tireurs embusqués menées par la force de protection

 23   des Nations Unies, la FORPRONU, à Sarajevo, représentent en réalité des

 24   opérations assez impressionnantes. Des équipes qui mènent à bien ces

 25   opérations reçoivent une formation exceptionnelle de leurs armées et

 26   possèdent des instruments optiques, état de l'art, et un matériel conforme.

 27   Les Français qui utilisent ce type de dispositifs ont décidé de les tester

 28   pendant trois ans parmi le personnel des Nations Unies concernant cette


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  1   question. Leur enquête a "définitivement" (ce sont leurs propres termes)

  2   établi la validité des suppositions faites par le personnel des Nations

  3   Unies que 'certains' tirs provenaient des soldats du gouvernement bosnien

  4   qui tiraient de façon délibérée contre leurs propres civils."

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

  6   M. TIEGER : [interprétation] Pardonnez-moi, encore une fois, je soulève une

  7   objection. Il s'agit d'une question directrice. Plutôt que d'obtenir des

  8   informations sur ce que le témoin sait ou savait à l'époque, maintenant

  9   nous reprenons les propos de quelqu'un qui a dit autre chose, qui a écrit

 10   ou donné son opinion en se fondant sur un article de presse. Et maintenant,

 11   la question qu'on posait -- on soumet ce document au témoin et on demande,

 12   en fait, au témoin d'affirmer cela ou de le confirmer. Donc, il s'agit de

 13   question pertinente.

 14   Et ceci n'a rien à voir avec des documents d'époque dont le témoin

 15   était au courant à l'époque, et je crains que ce processus qui mène à des

 16   questions directrices --

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le compte rendu s'est arrêté. Maître

 18   Ivetic, nous n'avons pas la question.

 19   M. IVETIC : [interprétation] En fait, j'ai posé ma question avant de lire

 20   la citation --

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois. C'est au début de la page

 22   45.

 23   M. IVETIC : [interprétation] Et ceci porte sur les questions que j'ai

 24   posées, parce que le témoin a parlé des activités contre les tireurs

 25   embusqués organisées par les Français qu'il a organisé lui-même, et voilà

 26   la question que je pose simplement par rapport à ce document d'époque, et

 27   qui a été écrit après les événements en question, par quelqu'un qui était

 28   en Bosnie à l'époque, comme le sait M. Tieger, parce qu'il s'agissait d'un


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  1   aide de camp du général Rose.

  2   Et donc, ce que dit l'Accusation est incorrect et trompeur parce qu'en fait

  3   il s'agit de points qui figurent dans ce document d'époque, et je suis en

  4   train simplement de voir si ce document est fiable compte tenu de ce que le

  5   témoin vient de nous dire et nous souhaitons recueillir d'autres

  6   informations.

  7   L'Accusation a, à maintes reprises, particulièrement ces derniers mois avec

  8   leurs témoins, fourni des documents aux témoins et les témoins ont parlé

  9   des documents qu'ils ont présentés ainsi. Et lorsque M. Stankovic -- on

 10   montre simplement une balle qui est une balle d'une arme que l'on montre --

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, veuillez poser votre

 12   question simplement, s'il vous plaît.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Pardon, j'ai oublié la question maintenant.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, on vous a lu le passage d'un

 15   article -- je vais vérifier. J'ai quelques difficultés avec mon ordinateur.

 16   Un instant, s'il vous plaît.

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Permettez-moi.

 18   La question de Me Ivetic, à votre attention, Monsieur Demurenko,

 19   après avoir lu ce passage, il souhaitait vous demander :

 20   "…si ceci est conforme avec ce dont vous avez parlé, à savoir les activités

 21   contre les tireurs embusqués et votre expérience à Sarajevo ou pas ?"

 22   Telle était la question. Pouvez-vous y répondre.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] De manière générale, je suis d'accord lorsque

 24   l'on parle de l'efficacité des activités contre les tireurs embusqués, mais

 25   je ne connais pas de détail au sujet des enquêtes menées par les Français.

 26   De toute façon, c'était important et je suis fier d'y avoir participé.

 27   M. IVETIC : [interprétation] Puis-je poursuivre ?

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] C'était votre question.

 


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  1   M. IVETIC : [interprétation] Oui, je sais.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est l'heure de faire la pause. Je ne

  3   sais pas si le moment est opportun.

  4   M. IVETIC : [interprétation] Le moment est opportun. Nous allons ainsi

  5   gagner un peu de temps.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Nous allons faire la pause.

  7   Monsieur le Témoin Demurenko, vous pouvez quitter le prétoire. Et nous

  8   allons faire une pause de 20 minutes.

  9   [Le témoin quitte la barre]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous reprendrons à midi et quart.

 11   --- L'audience est suspendue à 11 heures 56.

 12   --- L'audience est reprise à 12 heures 17.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après que j'ai compris, l'Accusation

 14   souhaite dire quelque chose.

 15   M. TIEGER : [interprétation] Oui. Et j'aimerais que nous passions à huis

 16   clos partiel.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

 19   partiel.

 20   [Audience à huis clos partiel]

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 26   [Audience publique]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 28   Maître Ivetic, je pense que tout à l'heure vous avez parlé de la page 75 de

 


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  1   la déclaration du témoin. S'agissant d'un exemple que je souhaite obtenir,

  2   donc, là, l'on se réfère à plusieurs documents. Donc, là, l'on fait état du

  3   fait que -- en fait, la première fois où je vous ai demandé de citer un

  4   exemple, vous avez mentionné le paragraphe 24, et ensuite vous avez

  5   mentionné la page 75.

  6   M. IVETIC : [interprétation] Oui, c'est exact.

  7   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  8   [Le témoin vient à la barre]

  9   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, le premier document est

 10   qui est mentionné dans la déclaration, c'est le document 1D28233 en date du

 11   8 juin 1995. Il s'agit d'un rapport de situation. Et si vous regardez la

 12   note de bas de page à la page 5, donc, de ce rapport, l'on fait état de

 13   l'heure à laquelle un civil bosnien a été blessé. Et puis ensuite, l'on dit

 14   que le centre de la ville était sous le contrôle de l'armée BiH et que

 15   l'armée BiH était responsable pour cet incident provoqué par un tireur

 16   embusqué.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Alors, je ne sais pas si c'est le

 18   type de documents que je souhaite obtenir mais, de toute façon, je me

 19   pencherai là-dessus par la suite. En fait, je pense que je l'ai déjà

 20   examiné, mais de toute façon, je tiendrai compte de ce que vous venez de

 21   dire.

 22   Veuillez poursuivre.

 23   M. IVETIC : [interprétation] Merci. Nous souhaiterions demander au

 24   versement le document 1D07014.

 25   M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, j'ai une objection. C'est la

 26   deuxième fois que l'on verse au dossier ce document. La première fois, l'on

 27   a refusé son versement. Cela devait se faire directement, sans passer par

 28   l'intermédiaire d'un témoin, parce que l'on traitait un seul paragraphe de


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  1   ce document émanant d'un journal, et c'est pourquoi il ne faut pas verser

  2   l'article dans son intégralité mais, de toute façon, cela ne règle pas le

  3   problème que nous avons déjà signalé lorsque le document a été proposé aux

  4   fins de versement pour la première fois.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, est-ce que j'ai mal

  6   compris -- donc, si je dis qu'il serait tout à fait pertinent que vous

  7   donniez lecture au témoin de la partie pertinente de cet article ?

  8   M. IVETIC : [interprétation] Oui, je pense que j'ai déjà lu cette partie

  9   pertinente. Mais nous pensons que l'Accusation peut montrer au témoin un

 10   paragraphe d'un document et, ensuite, l'Accusation verse au dossier un

 11   document comportant plusieurs pages, même si le témoin n'en a pas beaucoup

 12   de connaissances. Donc, nous souhaitions que la même règle soit appliquée

 13   de manière équitable à la Défense.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que le document a été versé au

 15   dossier pour la même raison et est-ce que vous avez soulevé une objection à

 16   cette époque. Parce que si la Chambre souhaitait toujours limiter ce qui

 17   est versé au dossier, nous posions toujours la question si la partie

 18   souhaitait que tout le document dans son intégralité soit versé au dossier

 19   ou pas. Alors, est-ce que nous allons procéder de la manière différente

 20   maintenant, je l'ignore. S'il n'y a pas eu d'objection, si vous n'avez pas

 21   signalé des choses concrètes pourquoi il ne faudrait pas verser au dossier

 22   le document dans son intégralité, alors là.

 23   M. IVETIC : [interprétation] Je pense que nous avons soulevé l'objection

 24   lors de la déposition d'un témoin et lorsqu'il s'agissait des archives des

 25   services communaux. Et notre objection portait sur des parties qui étaient

 26   inconnues au témoin. Et ensuite, nous souhaitons obtenir des informations

 27   quant à la provenance de ce document, mais nous n'avons jamais obtenu ces

 28   informations. Et une écriture a été déposée au sujet de l'objection quant


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  1   au versement au dossier de ce document.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais là, je pense que la situation

  3   n'est pas similaire. Il s'agit de deux documents distincts, mais je me

  4   souviens très bien que ceci n'est pas un exemple qui correspond à la

  5   situation que nous avons maintenant ici.

  6   [La Chambre de première instance se concerte]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre considère que conformément à

  8   notre décision précédente, il suffit de donner lecture au témoin une partie

  9   d'un document, et cela veut dire que le reste du document ne doit pas être

 10   versé au dossier, à moins qu'il n'y ait des raisons valables pour le faire.

 11   Donc, ce document n'est pas versé au dossier.

 12   Veuillez poursuivre.

 13   M. IVETIC : [interprétation]

 14   Q.  Mon Colonel, j'aimerais que nous nous penchions sur l'incident Markale

 15   II. J'aimerais que vous vous penchiez sur la page 14 de votre déclaration,

 16   à savoir la pièce D2120. Cela figure dans le paragraphe 42, vous parlez de

 17   cet incident dans ce paragraphe. Et passons maintenant à la page 15,

 18   huitième ligne en partant du haut de la page où l'on fait état de cet

 19   incident. La question suivante vous a été posée :

 20   "Question : Est-ce que vous vous souvenez de quoi que ce soit au sujet de

 21   cette époque au sujet de l'heure. Qu'est-ce qu'on vous a dit ? A quel

 22   moment ceci s'est-il passé ? Qu'est-ce qu'on vous a dit ?"

 23   Et votre réponse était :

 24   "Il ne s'agit pas d'un rapport oral. Comme je vous ai déjà dit, nous

 25   disposions d'un rapport écrit, une copie papier qui était sur notre bureau.

 26   Après l'avoir examinée, j'ai compris qu'il ne s'agissait pas d'un cas de

 27   pilonnage habituel parce qu'il y avait un grand nombre de victimes,

 28   plusieurs dizaines de victimes. Et leur nombre était tel qu'il fallait agir


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  1   de façon immédiate."

  2   Q.  Pourrez-vous nous expliquer pourquoi, compte tenu du nombre des

  3   victimes, pourquoi vous pensiez qu'il ne s'agissait pas d'un cas de

  4   pilonnage habituel ?

  5   R.  Tout d'abord, compte tenu de mon expérience, et non seulement compte

  6   tenu de ma propre expérience mais d'autres personnes aussi, l'on peut

  7   établir combien de fragments, combien d'éclats il y a lors d'un pilonnage

  8   habituel. Lorsque j'ai lu dans le rapport qu'il s'agissait de trois ou

  9   quatre obus, il n'était pas précisé le nombre exact de victimes, mais pour

 10   trois obus il n'y avait pas de victimes, alors que là, un seul obus a

 11   provoqué la mort de 88 personnes. Donc, forcément, vous vous posez la

 12   question de savoir qui est-ce qui essaie de vous tromper. S'agit-il

 13   simplement d'une erreur ou pas. Donc, c'est la raison pour laquelle il

 14   fallait examiner cet incident de manière plus détaillée. Il y avait

 15   d'autres raisons aussi.

 16   Q.  Au bas de la page dans le paragraphe 43, vous dites que vous vous êtes

 17   rendu sur les lieux de l'incident deux heures plus tard.

 18   Et ensuite, vous dites que lorsque vous êtes rentré au QG, le porte-parole

 19   de la FORPRONU pour la BiH, et vous dites que c'était un colonel

 20   britannique, donc ce porte-parole a organisé une conférence de presse et il

 21   a déclaré quelque chose d'inacceptable, à savoir que ce crime était imputé

 22   à la partie serbe.

 23   Est-ce que vous vous souvenez du nom ou de grade, est-ce que vous vous

 24   souvenez du nom ou de la fonction, de la position qu'occupait le

 25   lieutenant-colonel britannique ?

 26   R.  Je me souviens de son rang, c'était un lieutenant-colonel, et il était

 27   l'assistant ou chargé des relations avec le public pour le commandant des

 28   forces pour la Bosnie-Herzégovine. Je ne me souviens pas de son nom de


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  1   famille, mais je me souviens de son visage.

  2   Q.  D'accord. Et vous avez dit qu'il était placé sous le commandement du

  3   commandant pour les forces pour la Bosnie-Herzégovine, je pense que cela

  4   suffit.

  5   Passons maintenant au paragraphe 44 de votre déclaration. Ici, vous

  6   faites état de deux rapports, l'un est établi par un expert croate ou

  7   bosnien, et ensuite j'aimerais vous poser une question au sujet de ce qui

  8   figure un peu plus loin sur cette même page.

  9   Je vous donne lecture :

 10   "Question : Pourriez-vous nous dire, compte tenu de ces

 11   circonstances, après avoir reçu ces deux rapports, est-ce que vous en avez

 12   parlé avec le supérieur ? Et, plus précisément, qui était votre supérieur

 13   hiérarchique ?"

 14   Et vous avez répondu que le général Bachelet était votre commandant,

 15   et il avait remplacé le général Gobilliard à cette place, donc un mois et

 16   demi plus tôt. "Donc je suis allé le voir, et je lui ai proposé de mener

 17   une enquête qui se pencherait là-dessus parce que l'on ne pouvait faire

 18   rien d'autre compte tenu cet événement tragique. Et il a accepté, il m'a

 19   donné le feu vert."

 20   Mon Colonel, tout d'abord, pourriez-vous nous dire, nous préciser un

 21   peu plus l'entretien que vous avez eu avec le général Bachelet, vous avez

 22   dit qu'il vous avait donné le feu vert pour que vous meniez une enquête

 23   portant sur l'incident survenu à Markale, à savoir l'incident de Markale

 24   II.

 25   R.  Oui. C'était un des incidents les plus difficiles de l'époque, je

 26   suis allé voir le commandant, et je lui ai proposé que l'on organise une

 27   enquête plus approfondie à ce sujet. Et conformément à la procédure

 28   habituelle de l'ONU, il fallait mener d'abord une enquête et ensuite


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  1   présenter des conclusions. Alors que cela n'était pas le cas, et le

  2   lieutenant-colonel avait agi autrement. Ça, c'était la première raison.

  3   La deuxième raison est que le général Bachelet m'a demandé pourquoi

  4   vous vouliez le faire, et moi, je lui ai dit : J'en ai assez de ces

  5   mensonges. J'en ai ras-le-bol de cette situation où l'on nous traite

  6   d'idiots passifs qui acceptent, qui gobent tout ce qu'on nous présente. Et

  7   ensuite, je lui ai demandé de me permettre de mener une enquête, et il a

  8   fait un signe de tête en approuvant ma demande.

  9   C'est tout.

 10   Q.  Passons maintenant à la page suivante de votre déclaration, en haut de

 11   la page, y figure votre réponse :

 12   "J'ai entamé, j'ai diligenté l'enquête, j'ai commencé à organiser

 13   l'enquête. Il fallait que je rassemble un groupe d'experts qui allait

 14   m'aider dans mes travaux, et il fallait collecter tous les documents, y

 15   compris les rapports que j'ai mentionnés. Le travail sur l'enquête en lui-

 16   même n'était pas compliqué, c'est quelque chose qui a été fait tant de fois

 17   par le passé."

 18   Ma question porte sur ce groupe d'experts que vous avez engagés pour vous

 19   aider. Qui étaient ces experts ?

 20   R.  C'étaient mes officiers émanant de l'état-major du secteur Sarajevo.

 21   C'étaient des commandants et des lieutenants-colonels, donc des officiers

 22   du Bataillon russe, et c'étaient des experts dans le domaine d'artillerie

 23   et dans le domaine qui traite du sol.

 24   Q.  Passons au paragraphe 51 de votre déclaration, c'est à la page 20. Ici,

 25   l'on fait état de vos travaux, et je cite votre réponse :

 26   "J'ai rassemblé un groupe d'experts. C'étaient mes assistants les plus

 27   proches. J'ai défini notre mission, j'ai défini notre mission, à savoir

 28   faire des calculs balistiques afin de confirmer ou infirmer les


Page 44078

  1   informations provenant du premier expert, et ce, portant sur l'angle

  2   d'impact, l'angle de chute de l'obus. Deuxièmement, il fallait calculer

  3   l'angle de l'obus, le montrer sur une carte, ensuite marquer la trajectoire

  4   de chute sur une carte, et ensuite il fallait inspecter toutes les

  5   positions de tir potentielles, y compris prendre en photo ces localités.

  6   Donc la mission était définie. Et le jour suivant, nous avons commencé à le

  7   faire. Les experts se sont servis des tableaux de tir pour les obusiers de

  8   120 millimètres. Egalement, ils ont préparé des croquis portant sur l'angle

  9   de chute, et le jour suivant, nous nous sommes rendus sur les lieux où nous

 10   avons pris des photographies, et tout ceci fait partie du dossier

 11   d'enquête."

 12   Pourriez-vous nous dire quelque chose au sujet de ces photographies.

 13   Combien de photographies avez-vous prises et que voyons-nous sur ces

 14   photographies ?

 15   R.  Nous avons pris plusieurs centaines de photographies au cours de

 16   l'enquête afin que notre rapport soit bien établi et documenté.

 17   Q.  Et par la suite, dans le paragraphe 51 de votre déclaration, vous dites

 18   que vous avez rencontré un officier canadien qui était l'adjoint du

 19   commandant lorsque vous êtes allé présenter le rapport, et ensuite vous

 20   dites :

 21   "Lorsque je me suis présenté avec les résultats de mon enquête et lorsque

 22   j'ai présenté ces conclusions à l'assistant, et l'assistant a compris que

 23   nos conclusions étaient différentes par rapport aux conclusions présentées

 24   au grand public présentées par le porte-parole de la FORPRONU, cet officier

 25   canadien m'a dit, 'Votre rapport ne sera pas publié, il n'est pas possible

 26   de le publier, et on ne peut pas le présenter au commandant.' Et lorsque je

 27   l'ai entendu, j'ai pris mon rapport, j'ai pris les photographies et je suis

 28   parti."


Page 44079

  1   Mon Colonel, outre cet officier canadien, étant donné qu'il s'agit d'un

  2   assistant, pourriez-vous être un peu plus précis et nous dire comment il

  3   s'appelait, quel était son grade, quelles étaient les fonctions de cet

  4   officier canadien ?

  5   R.  Je me rappelle tous ces détails, mais son nom de famille vous pouvez le

  6   trouver sur les listes. C'était un assistant du commandant. Et il venait du

  7   Canada.

  8   Q.  Si nous passons maintenant à la page 22 de votre déclaration et que

  9   nous nous penchons sur le paragraphe 56 de celle-ci, le texte est

 10   maintenant à l'écran. Eh bien, dans ce paragraphe, vous décrivez les

 11   actions que vous avez entreprises après avoir parlé à ce Canadien. Et je

 12   vais donner lecture du paragraphe :

 13   "J'avais deux possibilités qui m'étaient offertes. La première consistait à

 14   cesser toute activité et ne plus rien faire afin de favoriser l'enquête. Ma

 15   deuxième possibilité n'était pas très correcte du point de vue de l'étique

 16   militaire et du respect de la hiérarchie mais j'ai été contraint d'y

 17   recourir. Par l'intermédiaire de l'officier de liaison chargé des relations

 18   publiques, je suis entré en contact avec une société de média afin de

 19   rendre public les rapports existants. Cet officier de liaison a accepté de

 20   participer à une interview."

 21   Est-ce que vous pouvez nous donner plus de détails au sujet de cet officier

 22   de liaison dont vous parlez ici ?

 23   R.  Oui, je me rappelle très bien cet homme. C'était un commandant, c'était

 24   un commandant qui servait en qualité d'officier chargé des relations

 25   publiques, autrement dit, des relations avec les médias. Je ne me rappelle

 26   pas exactement son nom de famille. Mais je me rappelle bien les traits de

 27   son visage, et je me rappelle ce qu'il a fait. Il a tenté d'entrer en

 28   contact avec des médias, il a appelé un correspondant répondant au nom de


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  1   Nariskin [phon] à Zagreb qui, à son tour, a appelé "Associated Press", et

  2   une équipe d'"Associated Press" est arrivée sur les lieux. Voilà quel est

  3   mon souvenir.

  4   Q.  Colonel, je propose maintenant que nous regardions une vidéo. Il s'agit

  5   du document 65 ter numéro 1D00607. Elle dure un peu plus de 13 minutes.

  6   Nous avons fourni aux cabines d'interprètes des transcriptions que nous

  7   avons vérifiées hier grâce au CLSS, donc si tout va bien tout cela doit se

  8   trouver ce matin dans le prétoire électronique. La version anglaise est

  9   arrivée ce matin, et j'espère qu'elle est disponible actuellement.

 10   Je vais d'abord demander la diffusion de cette vidéo, ensuite nous nous

 11   arrêterons et je poserai quelques questions à son sujet.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges de la Chambre apprécient que

 13   vous ayez fait le travail de préparation avant le début de l'audience ce

 14   matin, donc il y aura deux diffusions.

 15   Veuillez procéder.

 16   M. IVETIC : [interprétation] Voilà.

 17   Nous commençons la diffusion.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 20   "Je tiens à me présenter. Je suis le Colonel Demurenko, chef d'état-major

 21   du secteur sud. Mais aujourd'hui cela n'a guère d'importance car je ne me

 22   considère pas uniquement comme un chef d'état-major mais également comme un

 23   citoyen de mon pays et comme un militaire de profession, un colonel.

 24   Je tiens à m'expliquer sur les détails de l'enquête qui ont été fournis au

 25   Nations Unies, c'est ce qu'on appelle une expertise des Nations Unies, et

 26   elle porte sur les événements particulièrement terribles qui ont eu lieu il

 27   y a deux jours. Comme vous le savez, un massacre s'est produit en ville,

 28   suite à l'explosion d'un mortier, d'un obus de mortier dans l'une des rues


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  1   centrales de la ville, suite à quoi près de 35 personnes ont été tuées et

  2   plus de 80 blessés, selon le rapport dont je dispose.

  3   En tant que professionnel, je ne puis pas me dire d'accord avec l'argument

  4   de l'expert des Nations Unies concernant les raisons et les sources de ce

  5   pilonnage. Il m'apparaît absolument inacceptable, de même qu'à mes amis

  6   militaires, d'accepter cet argument. Et, par conséquent, je vais tenter

  7   d'expliquer les détails complémentaires dont je dispose.

  8   D'abord," --

  9   M. IVETIC : [interprétation] Nous arrêtons la diffusion à 1 minute 49 de

 10   son début.

 11   Q.  Colonel, la première question que je souhaite vous poser est la

 12   suivante : ceci est-il bien l'interview dont nous venons de parler et dont

 13   vous parlez au paragraphe 56 de votre déclaration écrite ?

 14   R.  Oui, je n'ai donné qu'une seule interview. Pas d'autre.

 15   Q.  Vous dites qu'un argument est inacceptable à vos yeux, tout comme il

 16   l'est aux yeux de vos amis militaires. Lorsque vous parlez de vos "amis

 17   militaires" de qui parlez-vous exactement ?

 18   R.  Eh bien, avant tout, je pensais aux experts artilleurs du Bataillon

 19   russe, ainsi qu'à l'état-major russe, et aux officiers du secteur de

 20   Sarajevo qui étaient d'accord avec moi, qui partageaient mon opinion.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, j'aimerais poser une

 22   question au témoin.

 23   Colonel, est-ce que vous vous rappelez où cette interview a été enregistrée

 24   ? Où vous trouviez-vous au moment de l'interview ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je me trouvais en un lieu qui se trouve

 26   sur le versant nord des collines qui surplombent la ville de Sarajevo. Il

 27   s'agissait d'un point d'observation. On voit qu'on y trouve des sacs de

 28   sable. Et ce poste d'observation avait été choisi afin de permettre aux


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  1   personnes qui occupaient cette position d'avoir la possibilité de voir une

  2   partie de la ville. Ils ne pouvaient pas le faire à partir d'une cave. Ils

  3   souhaitaient avoir une vue dégagée et ils voyaient effectivement la ville

  4   et ce qui s'y passait, la ville de Sarajevo. Nous avions donc un poste

  5   d'observation. J'ai dit qu'on pouvait placer la caméra à cet endroit. Et

  6   vous voyez qu'à partir de là on avait une vue dégagée sur la ville."

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que ce lieu était sous contrôle

  8   serbe ou sous contrôle de la BiH ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était un lieu qui ne se trouvait pas du côté

 10   serbe. C'était un lieu qui était sous le contrôle de la BiH.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 12   Veuillez procéder, Maître Ivetic.

 13   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais que nous continuions la diffusion à

 14   partir de l'endroit où nous nous sommes arrêtés.

 15   [Diffusion de la cassette vidéo]

 16   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 17   "Non, les faits les plus graves à notre avis sont les suivants. Ce que vous

 18   voyez là n'est qu'une partie de l'ensemble des éléments examinés par le

 19   spécialiste des Nations Unies en rapport avec le pilonnage. Ceci est un

 20   bref rapport, rédigé en langue française, dont la conclusion est toutefois

 21   assez étrange. Dans cette conclusion, on trouve l'idée selon laquelle

 22   l'obus en question provenait de la partie serbe. Je veux dire d'un lieu

 23   sous contrôle des Serbes de Bosnie. Vous avez ici une petite image qui

 24   explique quel est l'angle de chute dans la rue du maréchal Tito, et l'angle

 25   formé entre le sol et l'obus de mortier. C'est un élément qui, à nos yeux,

 26   est très important. Je m'expliquerai sur ce point un peu plus tard.

 27   Vous avez ici des photocopies de photographies de l'endroit; nous

 28   voyons la rue et l'endroit où l'obus a explosé. Ces photos sont très


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  1   importantes pour nous. Comme vous pouvez le constater, vous avez une

  2   direction de tir, vous avez le lieu de l'explosion. Et, conformément à

  3   l'enquête, nous voyons que la direction du tir était de 176 degrés, selon

  4   les conclusions des Français, 2967 mils. Nous sommes ici dans le secteur

  5   est. C'est un élément important à nos yeux également. Vous voyez une

  6   photographie qui le montre. Elle est très intéressante, elle provient des

  7   éléments de la police bosniaque -- je veux dire de la police du

  8   gouvernement de Bosnie. Et on y voit l'angle formé entre le sol et l'obus.

  9   Comme vous pouvez le voir, c'est un angle de 70 degrés. Et puis, ce dernier

 10   document qui est un élément très réduit d'une copie de carte géographique.

 11   Je pense que je pourrais apporter des explications au sujet de ce document.

 12   Si, conformément à ces éléments, je devais penser que ce spécialiste

 13   qui a participé à l'enquête était un grand professionnel et un homme

 14   honnête, c'est ce que je crois. Par conséquent --"

 15   M. IVETIC : [interprétation] Je vais m'arrêter ici. Nous avons cessé la

 16   diffusion à 4 minutes 5 [comme interprété] secondes du début de celle-ci.

 17   Q.  J'aimerais vous demander de vous expliquer quant à la personne à

 18   laquelle vous faites référence et dont vous parlez lorsque vous employez

 19   les mots "un enquêteur honnête et professionnel".

 20   R.  Je pensais à l'ensemble des enquêteurs. Je n'avais pas l'esprit une

 21   personne en particulier. Je pensais aux spécialistes français qui ont

 22   procédé aux premières investigations ainsi qu'aux experts de Bosnie-

 23   Herzégovine qui ont présenté leur rapport. Je partais du principe, au début

 24   de mon enquête, qu'il s'agissait de professionnels honnêtes qui

 25   connaissaient bien leur travail. Et cela signifie également que mon équipe

 26   d'enquête n'avait absolument aucune raison de déformer les faits.

 27   M. IVETIC : [interprétation] Pouvons-nous poursuivre la vidéo.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]


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  1   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  2   "Conformément, je le répète, avec les enquêtes officielles et les

  3   éléments constatés, nous avions un certain nombre de choix à faire. Ici,

  4   vous voyez Sarajevo, la ligne de confrontation qui figure en vert sur

  5   l'image. Vous voyez deux immeubles et l'endroit où a eu lieu le pilonnage.

  6   Et grâce à ces éléments, on voit que la direction du tir était de 106

  7   degrés. Conformément à un autre document et, là encore, une question très

  8   intéressante se pose au sujet des différences éventuelles dans les

  9   conclusions. Mais, selon les éléments d'une autre enquête, un autre angle a

 10   été cité."

 11   M. IVETIC : [interprétation] J'interromps la diffusion à 5 minutes, 5

 12   [comme interprété] secondes du début de celle-ci.

 13   Q.  Sur le document que vous voyez devant vous, il est écrit sur la

 14   transcription que vous avez sous les yeux, il est écrit 176 degrés, mais

 15   j'ai cru entendre pendant la diffusion de la vidéo 106. Pourriez-vous

 16   préciser quel est le chiffre exact ?

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être pourrions-nous revenir à la

 18   version audio d'abord pour vérifier, la réécouter.

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   [Diffusion de la cassette vidéo]

 21   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 22   "…la direction du tir était de 100, de 106 degrés. Selon d'autres

 23   documents --"

 24   M. IVETIC : [interprétation] Est-ce que cela vous convient, Monsieur le

 25   Président ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.

 27   Veuillez procéder.

 28   M. IVETIC : [interprétation]


Page 44085

  1   Q.  Colonel, est-ce que vous conviendriez que lorsque vous avez écrit 176

  2   sur le tableau de papier, en fait, dans la vidéo le chiffre prononcé est

  3   106 ?

  4   R.  Oui, c'est possible. C'est possible. Mais cela n'a pas vraiment une

  5   grande importante. Je m'expliquerai sur ce point plus tard.

  6   Q.  Bien entendu. Continuions la diffusion. Nous nous étions arrêtés à 5

  7   minutes, 35 secondes, et nous reprenons à ce point. Nous reprenons donc à 5

  8   minutes 36.

  9   [Diffusion de la cassette vidéo]

 10   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 11   "Encore une fois, nous savons ce qui a été utilisé, à savoir un obus

 12   de mortier de 120. C'étaient les obus classiquement utilisés dans l'armée

 13   yougoslave et, par le passé, c'étaient également des systèmes utilisés par

 14   les Soviétiques. Je connais très bien ces obus, car je suis commandant de

 15   terrain et, comme tout soldat de métier, j'ai participé à plusieurs

 16   reprises à des exercices pratiques de tir d'obus et de supervision des

 17   officiers artilleurs.

 18   Donc, conformément aux plus importants documents relatifs à ces systèmes de

 19   tir, eh bien, nous avons un tableau avec toutes les données

 20   caractéristiques du système utilisé. On voit que dans le cadre normal de

 21   l'utilisation de tels obus, six charges standard sont normalement

 22   utilisées. Et avec un angle 70 degrés et une direction de 176 degrés, après

 23   avoir effectuer les comparaisons avec les données standard, on vérifie sur

 24   la carte géographique. Et s'agissant de l'explosion, on voit encore une

 25   fois ce qu'il en est avec le nombre de degrés concernés. Dans le secteur,

 26   900 mètres, donc à une distance très proche. Cela nous donne 1 400, c'est-

 27   à-dire pas loin de 2 000. On est pratiquement sur la ligne de

 28   confrontation.


Page 44086

  1   Théoriquement, l'obus pouvait venir des positions serbes, je m'expliquerai

  2   là-dessus. Mais ensuite, on a trois chiffres, 2 700, 3 000 [comme

  3   interprété], et la dernière charge qu'ils pouvaient utiliser qui était de 3

  4   600. Aujourd'hui, après un travail prolongé avec mon modeste groupe

  5   d'enquête, composé d'officiers artilleurs, nous nous sommes rendus à cet

  6   endroit, à un autre endroit, à un troisième endroit à pied, et je peux

  7   affirmer sans le moindre doute et de façon absolue, qu'il est impossible de

  8   parler de ce lieu en particulier pour un tir d'obus de mortier dans des

  9   conditions acceptables. A partir de cette position, on n'a aucune

 10   perspective sur l'ensemble du secteur."

 11   M. IVETIC : [interprétation] J'interromps la diffusion de la vidéo à 8

 12   minutes, 15 secondes.

 13   Q.  Colonel, lorsque vous dites que vous vous êtes rendu en divers endroits

 14   que vous avez annotés sur la carte à l'aide d'un marqueur, est-ce que vous

 15   vous pouvez nous expliquer si vous vous êtes rendu uniquement à ces

 16   endroits ou également d'autres endroits dans la même direction ?

 17   R.  Nous sommes allés sur le terrain et, personnellement, sur mes deux

 18   pieds, accompagné de mes officiers qui portaient des appareils photo, nous

 19   avons emprunté non seulement cet itinéraire mais également l'itinéraire qui

 20   est indiqué ici de façon à nous assurer que nous avions inspecté toutes les

 21   directions possibles d'où un mortier pouvait tirer un obus en prêtant une

 22   attention particulière aux points qui sont indiqués sur le document. Mais

 23   nous avons couvert, mètre par mètre, ces deux itinéraires à pied et nous

 24   avons pris des photographies de chacun des lieux qui pouvaient servir

 25   d'éléments de preuve.

 26   Autrement dit, nous avons parcouru à pied tous les lieux où il n'y

 27   avait aucun arbre, aucun rocher et où quelqu'un pouvait donc se tenir

 28   debout. Tout a été dit au sujet de l'agression par les Serbes, mais tout ce


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  1   qui a été dit n'était que mensonge et tromperie. La vérité devait être

  2   établie par un autre groupe d'enquête qui aurait dû être mis en place par

  3   les Nations Unies à une date ultérieure. Notre objectif consistait

  4   uniquement à dire que les premières conclusions publiées étaient de purs

  5   mensonges, et nous en avons apporté la preuve.

  6   Q.  Dans la vidéo, dans le passage qui a été diffusé juste avant, nous

  7   avons trouvé une référence à une table de tir où il était question de

  8   l'utilisation de mortier M52 de 120 millimètres. Dans l'affaire Karadzic,

  9   l'Accusation vous a interrogé au sujet des mortiers de 120 millimètres tels

 10   que le M74. A votre avis, est-ce que ce type de mortier particulier a son

 11   importance, est-ce que l'utilisation de ce type de mortier particulier a

 12   son importance par rapport aux conclusions que vous avez atteintes à

 13   l'issue de votre enquête ?

 14   R.  Non. Dans l'autre affaire dont vous parlez, l'Accusation a avancé

 15   l'argument selon lequel l'armée yougoslave possédait des mortiers plus

 16   modernes et n'utilisait pas les mêmes tables de tir. J'ai répondu que la

 17   modernisation des tripodes ne créait aucune différence, pas plus d'ailleurs

 18   que la modernisation des plateformes sur lesquelles on place le mortier. Le

 19   mortier, tel que fabriqué en Union Soviétique n'avait pas été modifié. En

 20   Yougoslavie, ils n'ont pas fabriqué un nouveau type de mortier. Donc, les

 21   tables de tir utilisées, qu'on utilise telle ou telle table de tir,

 22   n'avaient guère d'importance. Je me suis servi des tables de tir uniquement

 23   à titre d'exemple pour démontrer que nous savions tout ce qu'il y avait à

 24   savoir au sujet de cette arme, et qu'il ne servait à rien d'essayer de nous

 25   tromper, de nous induire en erreur.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais poser une question à ce

 27   sujet.

 28   Colonel, est-ce que cela signifie que les tables de tir concernant l'autre


Page 44088

  1   mortier dont il a été question donneraient exactement les mêmes chiffres

  2   que ce que vous avez utilisés ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Je n'entendais pas

  4   l'interprétation.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous entendez l'interprète à présent ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, je vais répéter ma question.

  8   Alors ma question consistait à vous demander si, puisque l'Accusation a

  9   parlé de tables de tir concernant d'autres types de mortier, je crois qu'il

 10   a été question de mortier M74, est-ce que les tables de tir du M74

 11   aboutiraient au mêmes informations que celles auxquelles vous êtes parvenu

 12   avec les tables de tir du mortier M52 ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Si l'on peut modifier un élément de telle

 14   ou telle arme, cela n'a aucun effet selon quel que manuel que ce soit sur

 15   la balistique, autrement dit sur la possibilité de manœuvrer le mortier, de

 16   le placer sous une plateforme, de le fixer sur un tripode, cela n'a aucun

 17   effet sur le poids de la plaque qui se trouve sous le mortier. Cela n'a

 18   aucun effet sur l'action de l'arme en tant que tel.

 19   Mais ce n'est pas cela qui est le plus important. Moi, j'ai montré la

 20   table de tir simplement à titre indicatif pour indiquer que cette arme

 21   n'avait aucun mystère pour nous.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, si je vous comprends bien, le

 23   mortier M74 et le mortier M52 ont exactement les mêmes propriétés, je veux

 24   dire le même poids, les mêmes charges, le même contenu. Ils sont une seule

 25   et même chose finalement même si le tube ou ce qui entoure le tube a été

 26   légèrement modifié, cela n'a aucun effet sur la trajectoire du projectile

 27   tiré par le mortier que nous parlions d'un M52 ou d'un M74; c'est bien

 28   cela ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je répète une nouvelle fois que le tube ne

  2   change jamais. Il ne peut jamais faire l'objet d'une modernisation. Le tube

  3   n'est jamais modernisé. Ce qui change c'est la capacité de manœuvrer les

  4   roues, les plaques qui se trouvent sous le tube, et cetera. Rien de tout

  5   cela n'a le moindre effet sur la balistique.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Et les munitions sont exactement

  7   les mêmes, les obus, les projectiles, ils sont exactement identiques. Par

  8   conséquent, la trajectoire, que l'on parle d'un M74 ou d'un M52, la

  9   trajectoire est absolument identique; c'est bien cela ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. La charge reste identique, la poudre

 11   reste identique et la trajectoire reste identique.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 13   Veuillez poursuivre, Maître Ivetic.

 14   M. IVETIC : [interprétation] Eh bien, poursuivons la rediffusion de la

 15   vidéo :

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] 

 18   "Par conséquent, la conclusion que l'on trouve dans les éléments issus de

 19   l'enquête était erronée. J'ai parlé du terrain où se trouvaient les troupes

 20   serbes dans ce secteur. Ce n'est pas à moi qu'il appartient de déterminer

 21   où se trouvent les soldats. Je suis un soldat de métier, un colonel, c'est

 22   un groupe spécialisé comme, par exemple, un groupe qui serait composé de

 23   procureurs au pénal, ou de membres de la cour marshal, je ne sais pas, ou

 24   peut-être de balisticien, et cetera, qui devrait se charger de cela. Pour

 25   nous, ce qu'il importait de comprendre a été compris, à savoir que la

 26   conclusion est erronée.

 27   On parle d'une direction différente. Il y a une certaine distance entre le

 28   lieu de l'explosion et la position de tir et cette distance était de 2 100


Page 44090

  1   mètres. Je me suis trouvé là aujourd'hui, et j'ai constaté qu'il n'y avait

  2   absolument aucune perspective permettant à une batterie ou à un peloton ou

  3   même à un seul mortier de tirer un obus à partir de cet endroit, parce

  4   qu'on trouve là un rocher, une pente et de la forêt. Donc, il n'y a

  5   absolument aucune perspective de vue à partir de cette position. Je suis en

  6   mesure de l'affirmer et de le prouver grâce aux photos que j'ai prises sur

  7   place.

  8   Je peux vous montrer également une carte avec cette même direction et avec

  9   une direction différente, et je pense que le problème dû aux résultats

 10   obtenus par ce groupe d'enquête officiel est le suivant : ces personnes ont

 11   uniquement enquêté au sujet des angles, des directions, de façon

 12   automatique en partant du principe que les Serbes étaient les agresseurs

 13   contre la population civile de Sarajevo. Mais je pense que cette façon de

 14   faire n'est pas correcte, vous serez d'accord avec moi. Il faut procéder à

 15   une enquête plus approfondie. On peut mettre en place un groupe d'experts

 16   en balistique, par exemple, qui va enquêter à partir de tel lieu et de tel

 17   autre lieu dans le secteur, et on peut se servir de la fumée des obus pour

 18   identifier les endroits qui pourraient être considérés comme des positions

 19   de tir acceptables, et peut-être aurait-on pu entrer davantage dans le

 20   détail des explications. Mais pour le moment, je n'ai pas le temps. Encore

 21   une fois, je souhaite déclarer quels sont les éléments corrects et quels

 22   sont les éléments erronés. La conclusion qui a été tirée était absolument

 23   erronée, incorrecte, et les conséquences de ces événements sont très graves

 24   parce qu'il s'agit de Sarajevo. Dans les environs de Sarajevo, on entend le

 25   bruit des obus. Hier, des frappes aériennes ont eu lieu à partir des

 26   environs de ce secteur. Toutes les heures, des civils et des militaires ont

 27   été blessés et tués. Je pense que ceci est absolument inacceptable,

 28   notamment inacceptable aux yeux de militaires de profession. On ne peut pas


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  1   être d'accord lorsqu'on voit un groupe aussi fort qui a été créé, et qu'il

  2   n'y a pas la moindre possibilité d'envisager un point de vue différent.

  3   Nous, nous avons un point de vue différent, un point de vue distinct.

  4   Encore une fois, je parle ici en tant que citoyen de mon pays. Je tiens à

  5   qu'on mette un terme aux déclarations fausses et à la diffusion de

  6   contrevérités au sujet de l'agression serbe dans ce secteur - et j'insiste

  7   là-dessus - je ne parle pas uniquement du terrain tenu par les Musulmans de

  8   Bosnie. Ce n'est pas mon affaire. Je ne tiens pas à accuser qui que ce

  9   soit. Ce genre de travail, c'est le travail de spécialistes des enquêtes

 10   criminelles. Ce n'est pas le travail de militaire comme moi, mais pour

 11   nous. Je tiens à le répéter : l'enquête doit être menée correctement avec

 12   l'ensemble des actions nécessaires, il faut que l'on mette un terme aux

 13   mensonges, je veux dire à ce que déclare les Nations Unies, l'OTAN, et

 14   cetera, contre ce pays.

 15   Je tiens également à dire quelques mots dans ma langue maternelle parce que

 16   je pense qu'il est nécessaire de m'expliquer face aux masses médias

 17   américains mais également aux masses médias russes. Aux Etats-Unis, j'ai,

 18   il y a quelques années, suivi une formation militaire. J'ai une grande

 19   affection pour ce pays et à l'action de maintien de la paix et de

 20   protection de la paix par les militaires qui est menée par ce pays."

 21   M. IVETIC : [interprétation] C'est la fin de la vidéo.

 22   Q.  Alors, Colonel, est-ce que vous maintenez les conclusions que vous avez

 23   présentées dans cette vidéo que nous venons de visionner ?

 24   R.  Oui. Je les maintiens. Par ailleurs, depuis quelques années, nous avons

 25   assisté à plusieurs provocations qui ont été mises en œuvre selon

 26   exactement le même plan, selon le même scénario : ON met en scène une

 27   bombe, et en l'absence de toute enquête on accuse une partie ou l'autre et

 28   on publie les résultats, on rend public les résultats obtenus. C'est

 


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  1   exactement la même chose que ce qui s'est passé dans le cas dont nous

  2   discutons.

  3   M. IVETIC : [interprétation] La Défense demande le versement au dossier de

  4   la vidéo en tant que pièce suivante de la Défense.

  5   M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 65 ter 1D607 devient la pièce

  8   D2122.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je regarde l'heure. Mais

 10   j'invite d'abord M. l'Huissier à escorter le témoin hors de la salle

 11   d'audience.

 12   Nous aimerions vous revoir dans 20 minutes dans cette salle, Monsieur

 13   Demurenko.

 14   [Le témoin quitte la barre]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, la Chambre a exprimé

 16   quelques préoccupations au sujet des déclarations qui comptent une centaine

 17   de pages et du grand nombre d'heures qui devraient être consacrées au

 18   contre-interrogatoire, et la Chambre vous a invité instamment à vous

 19   limiter sur ces deux plans. J'ai remarqué qu'il y avait pas mal de

 20   répétition dans ce qui a été lu dans les rapports qui a fait l'objet de vos

 21   questions. Pourriez-vous nous dire de combien de temps vous pensez avoir

 22   encore besoin ?

 23   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, sur la base des

 24   questions qui me restent à poser, il est probable que j'aurais besoin d'un

 25   peu plus que de la prochaine partie de l'audience. Je pourrais peut-être

 26   terminer à la fin de la prochaine partie de l'audience, mais il est plutôt

 27   probable que j'aurais besoin d'un peu plus de temps.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc votre dernière estimation, vous

 


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  1   pouvez me la rappeler ?

  2   M. IVETIC : [interprétation] Deux heures et demi à trois heures, je crois

  3   que cela devrait aller.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc deux heures, vingt minutes ont déjà

  5   été utilisées par vous. C'est le Greffe qui m'en informe et, en général, il

  6   est très précis sur ce point.

  7   Si vous dites que vous êtes sur la bonne voie, eh bien, vous êtes invité

  8   instamment à essayer de terminer aujourd'hui. A partir de 13 heures 30, il

  9   vous restera donc 45 minutes, ce qui nous amènerait à trois heures 5

 10   minutes. Cela dépasse votre estimation.

 11   Nous allons faire la pause, et nous disposerez en fait de trois heures,

 12   j'ai fait une erreur de cinq minutes.

 13   Nous reprenons à 13 heures 35.

 14   --- L'audience est suspendue à 13 heures 18.

 15   --- L'audience est reprise à 13 heures 36.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque nous avons regardé la vidéo,

 17   vous en avez demandé le versement au dossier, je crois, Maître Ivetic ? Une

 18   cote a été attribuée, et ensuite je vous ai demandé de regarder l'heure.

 19   Mais ce que j'aurais dû faire tout d'abord, c'était confirmer le versement

 20   au dossier.

 21   Donc, le document 2122 est versé au dossier.

 22   [Le témoin vient à la barre]

 23   M. IVETIC : [interprétation]

 24   Q.  Colonel, avant de continuer à parler des événements de Markale, pendant

 25   la pause, j'ai pu passer en revue un certain nombre de documents que

 26   j'aimerais voir avec vous. Il s'agit du P757. Je souhaite que -- je ne sais

 27   pas si une version en B/C/S existe. Mais l'anglais est parfait en ce qui

 28   nous concerne.


Page 44094

  1   La page 3 de ce document, il s'agit du rapport de situation. C'est un

  2   document des Nations Unies et, sur cette page, il y a un individu qui a

  3   signé en bas de la page comme étant le commandant de secteur par intérim,

  4   le 30 juin 1995. Est-ce que vous connaissez cet officier qui a signé en bas

  5   de la version anglaise ?

  6   M. IVETIC : [interprétation] Je vois qu'il existe une version B/C/S.

  7   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Il s'agit de deux documents

  8   distincts.

  9   M. IVETIC : [interprétation] Et il nous faut la page suivante en B/C/S,

 10   s'il vous plaît. Oui. Ça y est.

 11   Q.  Connaissez-vous cet individu dont le nom est cité dans ce document ?

 12   R.  Je crois qu'il s'agit du même colonel que j'ai cité auparavant qui

 13   était très agressif lors de réunion. Son nom commence par un M et je le

 14   connaissais.

 15   Q.  Merci. Nous pouvons maintenant revenir à l'enquête sur Markale. Après

 16   l'entretien que nous avons vu lors du dernier volet d'audience, avez-vous

 17   eu l'occasion de vous entretenir avec le général Bachelet sur cette

 18   entretien et sur ce qui s'était passé ?

 19   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : Page 72, ligne 24. "Et je le

 20   connasisais bien sûr pour l'avoir rencontré".

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, eh bien, moi-même, en mon for intérieur,

 22   j'étais mal à l'aise, parce que je savais que j'allais contre la chaîne de

 23   commandement qui existe dans toutes les armées du monde. Et je n'ai pas

 24   suivi les ordres et j'ai fait quelque chose par moi-même sans respecter les

 25   ordres de mes supérieurs hiérarchiques. Je n'avais pas le choix. C'est la

 26   raison pour laquelle je suis allé rencontrer le général Bachelet pour

 27   pouvoir m'expliquer. Est-ce que vous voulez que je vous en parle ?

 28   M. IVETIC : [interprétation]


Page 44095

  1   Q.  Oui, s'il vous plaît. Veuillez nous dire ce qui s'est passé lorsque

  2   vous vous êtes entretenu avec le général Bachelet.

  3   R.  J'ai dit : "Ecoutez, je suis désolé, Général. Je sais que j'ai perturbé

  4   la chaîne de subordination et que je vous ai trahi." C'est vrai. Et

  5   ensuite, j'étais disposé à écouter ce que le général Bachelet avait à dire,

  6   et il a dit : "Colonel, cela ne fait pas l'ombre d'un doute que vous allez

  7   rencontrer de très graves difficultés à l'avenir et dans un avenir très

  8   proche. Dans quelques jours, on va tenter de vous renvoyer ou de faire

  9   quelque chose vous concernant, et à l'avenir et de façon générale, ce que

 10   vous avez fait est quelque chose qui ne sera pas approuvé par le

 11   commandement de la BiH et dans d'autres quartiers", et la conversation

 12   s'est terminée là.

 13   Q.  Avez-vous suggéré au général Bachelet ce qu'il devait dire au

 14   commandement de la BH, le commandement de Bosnie-Herzégovine ?

 15   R.  J'ai essayé de répéter ce que j'avais dit auparavant, et qu'il fallait

 16   mener une véritable enquête pour faire la lumière sur cet événement, les

 17   raisons de cet événement, les auteurs de cet événement. Mais je ne pouvais

 18   rien recommander d'autre car il était manifeste que les tensions devenaient

 19   de plus en plus vives autour de moi, et plus j'essayais de parler avec ce

 20   général, que je respectais beaucoup, plus ce sera difficile pour lui. C'est

 21   la raison pour laquelle j'ai tenté de prendre mes distances par rapport à

 22   lui. Et il est vrai que je portais l'essentiel de la faute concernant cette

 23   question.

 24   Q.  Et au niveau du commandement de Bosnie-Herzégovine de la FORPRONU,

 25   savez-vous quelle a été la réaction du général Smith par rapport à

 26   l'entretien que vous avez donné aux médias ?

 27   R.  Oui. L'homme, qui était un attaché de presse ou un assistant pour les

 28   questions de relations publiques, m'a dit qu'il était attaché de presse


Page 44096

  1   auprès du général Smith, m'a dit environ un mois plus tard que le général

  2   Smith avait eu connaissance de mon entretien et a tout de suite demandé à

  3   ce que l'on prépare un ordre pour me renvoyer de la FORPRONU. Et cet

  4   attaché de presse, en guise de réponse, lui a conseillé de ne pas faire

  5   cela car, dans ce cas, je ferais figure de héro alors que le général Smith

  6   apparaîtrait comme quelqu'un qui souhaitait étouffer la justice et ferait

  7   l'objet de critique. C'est la raison pour laquelle j'ai dit : "Laissez

  8   Demurenko en paix. De toute façon, il sera bientôt tué et nous pourrons

  9   sauver la face tous les deux." Et ce qu'a dit son attaché de presse --

 10   L'INTERPRÈTE : Nom de l'attaché de presse [inaudible].

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] -- c'est ce qu'il m'a dit lui-même.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans la déclaration du témoin il est

 13   très clair ou, en tout cas, la réaction de Bachelet est très claire dans sa

 14   déclaration. Et ce qui nous intéresse essentiellement c'est quelles ont été

 15   les conclusions de ce témoin. Encore une fois, c'est répétitif.

 16   M. IVETIC : [interprétation] Les conclusions du témoin figurent dans sa

 17   déclaration, dans la déclaration du témoin. Et nous avons présenté des

 18   éléments de preuve sur le manque de partialité des Nations Unies. Et lors

 19   du contre-interrogatoire de M. Smith, il s'agit -- et lorsqu'il y avait un

 20   élément de parti pris lorsqu'il a analysé les faits, et il s'agit d'établir

 21   quels ont été les mobiles et les autres personnes dont on a parlé lors de

 22   la présentation des moyens à charge par rapport à cet événement, c'est la

 23   raison pour laquelle nous insistons dessus. Et, en réalité, ce sont les

 24   informations données par Aleksandar Ivankov. La réaction du général

 25   Bachelet ne se trouve pas dans la déclaration, dans les notes de récolement

 26   que je vous ai transmises.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La réponse du général Bachelet est fort

 28   longue dans la déclaration du témoin, je crois que certains éléments


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  1   figurent dans les notes de récolement. Et, bien sûr, que vous auriez pu

  2   introduire ce sujet-là différemment. Mais il est très manifeste que le

  3   fondement de ce parti pris se trouve dans la déclaration du témoin

  4   lorsqu'il parle de la FORPRONU. Je crois que c'est dans ces centaines de

  5   pages qui nous ont été présentées.

  6   M. IVETIC : [interprétation] Lorsque je parle de "parti pris", je parle de

  7   parti pris de la part de certains individus et non pas de l'organisation en

  8   tant que telle de la FORPRONU.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelquefois la déclaration parle de la

 10   FORPRONU et des intentions de la FORPRONU, je ne sais pas quelles sont les

 11   intentions d'une organisation, et il parle longuement de certains individus

 12   au sein de la FORPRONU.

 13   M. IVETIC : [interprétation] Alors, je souhaite que nous revenions à la

 14   déclaration du témoin, qui est le D2120. Et je souhaite que nous regardions

 15   la page 25 de sa déclaration et le paragraphe 64, page 25, s'il vous plaît.

 16   Q.  Monsieur, dans ce paragraphe de votre déclaration, vous parlez avec

 17   votre rencontre avec le capitaine Salajdzic, officier de liaison du

 18   commandement de la BH, et a indiqué qu'il y avait un ordre qui avait été

 19   donné portant sur votre élimination. Quelle était l'attitude ou le

 20   comportement du capitaine Salajdzic lorsqu'il vous a transmis ce message ?

 21   R.  Nous avions des relations normales et régulières avec cet homme, qui

 22   était l'officier de liaison de l'armée de la BH. Il y avait des échanges ou

 23   des contacts réguliers entre lui et notre état-major. C'était un homme de

 24   grande taille, un jeune capitaine. Il avait l'air un petit peu perdu, il ne

 25   pensait pas être confronté à de tels arguments qui étaient très différents

 26   et contraires à l'esprit de la FORPRONU et, d'un autre côté, il laissait

 27   entendre que je n'avais plus que quelques jours à vivre.

 28   Q.  Très bien. Est-ce qu'il vous a transmis ce message parce qu'il était


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  1   inquiet ? Est-ce ainsi que vous avez perçu cela ? Ou est-ce qu'il a

  2   transmis ce message de façon différente ?

  3   R.  Personne ne m'a rien dit. Salajdzic m'a dit les choses en face. Il ne

  4   s'agissait pas d'une communication. Nous avons simplement parlé.

  5   Q.  Comment était-il, quelle était son humeur au moment où il vous a

  6   parlé ?

  7   R.  Comme je l'ai déjà dit. D'un côté, il avait l'air perdu parce qu'il ne

  8   s'attendait pas à ce qu'il y ait une quelconque résistance; et, d'un autre

  9   côté, il était un petit peu -- il avait une attitude un peu triomphaliste

 10   parce qu'il représentait une organisation qui pouvait facilement m'éliminer

 11   puisque je serais à ce moment-là une victime, et qu'il n'y aurait pas de

 12   châtiment en retour.

 13   Q.  Alors, page 58 de votre déclaration, paragraphe 132. On vous montre ici

 14   le -- il s'agit en fait du rapport de Markale exhaustif et définitif qui a

 15   été établi par le commandement de la FORPRONU par rapport au rapport G2 et

 16   le radar Cymbeline, et vous dites ce qui suit, les quatre dernières phrases

 17   de votre déclaration dans ce paragraphe :

 18   "Je constate que la troisième enquête a été menée par un officier G2.

 19   La position de G2 était toujours tenue par un officier du renseignement de

 20   l'armée américaine. Les relations entre l'officier G2 et moi-même après

 21   l'événement de Markale II se sont dégradées. Il m'a même dit que j'étais à

 22   ses yeux un ennemi, il ne m'a jamais autorisé à utiliser son téléphone

 23   satellite pour appeler la Russie comme il le faisait auparavant."

 24   Je souhaite que vous nous parliez de vos relations avec cet homme,

 25   officier G2 au sein du commandement de la BiH avant l'événement de Markale.

 26   R.  Oui, je comprends. Alors, au sein du commandement de la BiH, je n'avais

 27   qu'un camarade, et qui était un lieutenant-colonel américain, qui était à

 28   la tête d'un secteur qui faisait partie du G2. Alors ce que nous avions en


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  1   commun tous les deux, eh bien, c'était que nous connaissions la ville de

  2   Kansas et Levenworth où nous avions reçu notre formation. Et, plus tard,

  3   après cette formation, de temps en temps j'allais le voir, et il était

  4   d'une aide précieuse. Son téléphone satellite était la seule façon qui me

  5   permettait d'appeler ma famille pour dire que j'étais en bonne santé et que

  6   j'étais en vie. C'était pour moi une occasion rare et précieuse. Nulle part

  7   ailleurs n'avais-je cette possibilité-là, et nous avons eu cette relation

  8   jusqu'à la fin du mois d'août. Mais, ensuite, la fois suivante lorsque je

  9   suis venu dans son unité au début du mois de septembre, il avait l'air déçu

 10   et embarrassé, et il m'a dit qu'à l'avenir il ne pouvait plus avoir de

 11   contact avec moi.

 12   Ce n'était pas quelque chose qui relevait du niveau personnel. Tout

 13   simplement, il ne voulait pas être associé à quelqu'un qui, entre

 14   guillemet, était un ennemi, donc c'est ainsi que je l'ai compris, et je

 15   suis parti.

 16   Q.  Est-ce que vous avez eu l'occasion de parler avec l'officier de G2 au

 17   sujet de ce que vous avez conclu quant à Markale ou au sujet de ce qu'il a,

 18   lui, conclu au sujet de Markale et au sujet du radar Cymbeline ?

 19   R.  Franchement, je n'avais pas d'autre possibilité pour mener l'enquête.

 20   Ce que j'ai dit lors de cette interview n'était pas en fait une enquête

 21   véritable, ce n'était que des mots d'une enquête. Tout le reste était caché

 22   de moi. Et moi, je voulais qu'une véritable enquête soit menée, que la

 23   vérité soit rendue publique, mais cela ne s'est jamais passé. Et ma

 24   tentative de lui expliquer pourquoi j'ai fait ce que j'avais fait et de lui

 25   prouver que j'avais raison s'est soldé ainsi, il a eu très peur pour son

 26   travail compte tenu de son travail et de son grade, il a dit je ne peux

 27   plus continuer de te voir, et c'est la fin.

 28   Q.  D'accord. Passons maintenant à une autre partie de votre déclaration,


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  1   page 37, paragraphe 90.

  2   Dans ce paragraphe, au milieu, vous dites que vous ne disposiez pas d'un

  3   dispositif GPS, mais que vous pouviez vous servir des instruments

  4   traditionnels, un peu obsolètes pour déterminer la localité dans le cadre

  5   de votre enquête.

  6   Pourriez-vous nous dire quels sont ces instruments traditionnels, un peu

  7   obsolètes, auxquels vous vous référez dans ce paragraphe ?

  8   R.  Toute personne qui fait des choses qui ont trait à l'artillerie terre à

  9   terre de moindre calibre connaît ce qu'est la boussole d'artillerie qui est

 10   utilisée pour déterminer les coordonnées et les lignes.

 11   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais que l'on présente maintenant dans

 12   le système du prétoire électronique le document 1D5971.

 13   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît,

 14   répéter le numéro.

 15   M. IVETIC : [interprétation] 1D5971.

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

 17   M. IVETIC : [interprétation]

 18   Q.  Est-ce que vous reconnaissez ce qui figure à l'écran, et si oui, dites-

 19   nous ce que c'est ?

 20   R.  C'est ce dont je vous parle, c'est une boussole d'artillerie.

 21   Q.  Je vous prie de nous décrire de quelle manière votre équipe s'est

 22   servie de cet instrument lors de l'enquête portant sur l'incident de

 23   Markale ?

 24   R.  Oui, je peux le faire. De manière générale, il fallait déterminer sur

 25   les lieux et marcher le long de la ligne qui figure dans le rapport initial

 26   sur la carte. J'aimerais attirer votre attention sur le fait que ce n'est

 27   pas nous qui avons dressé cette ligne, mais c'étaient les Français qui

 28   l'avaient faite à l'aide d'autres experts. Donc, nous avons déterminé un


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  1   point en contrebas dans la ville qui nous a permis de tracer cette ligne

  2   imaginaire, et qui était indiquée sur la carte. Donc ainsi, sur la carte,

  3   nous avons pu déterminer les points sur la carte qu'il fallait suivre le

  4   long de cette ligne, et ainsi, en partant du cratère physiquement à pied,

  5   nous avons emprunté cette ligne afin de confirmer ou infirmer la

  6   possibilité d'une position de tir. Donc, cette boussole a joué un rôle

  7   principal lorsqu'on l'a dessiné cette ligne le long des versants sur ce

  8   mont.

  9   M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais que le document soit versé au

 10   dossier.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D2123.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document est versé au dossier.

 14   M. IVETIC : [interprétation] Merci.

 15   Q.  Revenons maintenant à la déclaration D2120, page 26, paragraphe 66.

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Le paragraphe 66 figure à la page 27.

 17   M. IVETIC : [interprétation] Excusez-moi. De toute façon, c'est le

 18   paragraphe qui nous intéresse.

 19   Q.  Etant donné que nous n'avons pas beaucoup de temps, nous allons juste

 20   examiner les trois dernières lignes de ce paragraphe 66 où vous dites :

 21   "Si vous prenez un obus, un projectile, et le fixer à l'aide des tournevis

 22   ou de quelque chose d'autre, et ensuite vous utilisez un autre détonateur,

 23   le cratère se présentera de la même manière, mais il y a des facteurs qui

 24   me font penser qu'il ne s'agissait pas d'un obus de mortier."

 25   Pourriez-vous nous dire, Colonel, quels sont les facteurs qui ont fait que

 26   vous arriviez à la conclusion que l'incident, l'explosion à Markale n'était

 27   pas produit par un obus de mortier ?

 28   R.  Il y avait plusieurs facteurs.


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  1   Une fois arrivé sur les lieux, j'ai pu voir qu'il s'agissait d'une rue très

  2   étroite et qu'il était difficile pour un obus de tomber depuis un mont là-

  3   dessus. Donc, il y avait une chance sur mille pour que cela se produise.

  4   Deuxièmement, sur la photographie que j'ai montrée, il était évident qu'une

  5   moitié de l'obus n'avait pas explosé et elle gisait sur l'asphalte avec

  6   l'empennage. La première partie avait éclaté, elle n'aurait pas pu toucher

  7   une centaine de personnes.

  8   C'est pourquoi j'ai commencé à me demander ce qui avait été possible. En

  9   fait, il était possible d'imiter un obus d'artillerie et de le mettre dans

 10   quelque chose qui donnerait l'impression qu'il s'agissait des éclats d'un

 11   obus explosé et de jeter le blâme sur les Serbes. Là, ce qui est important,

 12   c'est que cela nous a montré, comme des gens profondément bêtes qui

 13   pouvaient croire, faire confiance à une provocation aussi transparente.

 14   Q.  Vous avez parlé tout à l'heure d'une équipe d'experts que vous avez

 15   aidés. Parmi eux, il y avait des experts d'artillerie. Qu'est-ce qu'ils

 16   vous ont dit ? Est-ce qu'ils pensaient qu'il s'agissait d'un impact

 17   habituel d'un obus de mortier ou pas ?

 18   R.  Je dois le répéter. Dans les conclusions présentées par ces experts

 19   d'artillerie, il était dit que la probabilité de toucher depuis un mont une

 20   rue aussi étroite correspondait à la probabilité de frapper une personne à

 21   l'aide d'une pierre. Donc, il y avait une chance sur un million que la

 22   personne soit touchée à l'aide d'une balle depuis l'espace. Donc, une

 23   chance sur un million, presque impossible.

 24   Q.  Et j'aimerais maintenant aborder le sujet final, mon dernier sujet.

 25   Lors de votre déploiement dans le cadre de la FORPRONU, avez-vous jamais

 26   rencontré le général Mladic personnellement ?

 27   R.  Oui, à plusieurs reprises. Je faisais partie de plusieurs délégations

 28   qui avaient eu des entretiens avec le général Mladic.


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  1   Q.  J'aimerais que nous nous penchions sur un tel événement. Vous en avez

  2   déjà déposé dans le cadre de l'affaire Karadzic. Il s'agit de la pièce P364

  3   qui figure dans le système du prétoire électronique. C'est à la page 108 en

  4   anglais et en B/C/S, dans la version imprimée et non pas manuscrite. Donc,

  5   c'est versé au dossier en tant que carnet tenu par le général Mladic.

  6   En attendant que la version en anglais soit affichée, nous voyons que la

  7   réunion s'est tenue le 21 octobre 1995. Et dans la liste des personnes

  8   présentes, nous voyons que votre nom y figure en tant que colonel

  9   Demurenko.

 10   Pourriez-vous nous dire si vous vous êtes rendu à cet entretien avec

 11   les officiers Serbes tout seul ou est-ce qu'il y avait d'autres personnes

 12   qui étaient présentes également ?

 13   R.  Je ne me souviens pas de toutes les circonstances des réunions avec le

 14   général Mladic, mais je me souviens d'une chose : c'est que je n'ai jamais

 15   eu d'entretien en tête-à-tête avec le général Mladic. Je faisais toujours

 16   partie d'un groupe, d'une délégation officielle, qui était de taille

 17   variée, petite ou grande. Et là, je pense qu'il y avait également une

 18   délégation à la tête de laquelle se trouvait un civil. Je pense que le

 19   ministre des Affaires étrangères, Sergei Ivanov, qui était présent, c'était

 20   le ministre russe, en fait, c'est par la suite qu'il est devenu ministre

 21   des Affaires étrangères russe. A l'époque, il était chargé des affaires

 22   pour les Affaires étrangères. Donc, je n'étais pas tout seul. Il était

 23   accompagné par ce représentant.

 24   Q.  Et dans la première partie, nous voyons que vous souhaitiez obtenir des

 25   informations quant à la position serbe par rapport à la présence des forces

 26   multinationales dans l'ex-Yougoslavie. Et vous parlez de la délégation

 27   russe qui s'est rendue à Bruxelles à la tête de laquelle se trouvait un

 28   colonel. Et ensuite, vous parlez du colonel Shavtsov. Pourriez-vous nous


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  1   dire ce qui s'était passé à l'époque à Bruxelles ?

  2   R.  Oui. Le général Shavtsov avait été nommé à la tête d'un groupe chargé

  3   de la coordination entre la Russie et l'OTAN. Par conséquent, il y avait le

  4   ministre des Affaires étrangères, donc j'étais présent moi aussi et nous

  5   faisions partie de ce groupe qui s'occupait des activités millimètres, en

  6   temps de paix, et cetera. Et à Bruxelles, nous avons autorité des contacts

  7   avec les responsables de l'OTAN, et puis au MOns dans le QG de l'OTAN, nous

  8   avons poursuivi nos contacts. Et à l'époque, j'étais à la tête de la

  9   délégation russe.

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Demurenko, on vous a posé

 11   une question au sujet de la rencontre avec le général Mladic où l'on avait

 12   parlé de ces événements survenus à Bruxelles. Est-ce que vous vous en

 13   souvenez ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être que je ne m'en souviens pas en

 15   détail, mais je me souviens de toutes les réunions qui traitaient de la

 16   démilitarisation.

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ce n'était pas ma question. Dans le

 18   document qui est présenté, nous voyons que vous avez rencontré le général

 19   Mladic et que le général Tolimir était présent, ainsi que le colonel

 20   Salapura, le commandant Bukva et d'autres personnes et que l'on parlait de

 21   la délégation russe dont vous venez de parler. Est-ce que vous vous

 22   souvenez de cette réunion où l'on parlait des événements survenus à

 23   Bruxelles ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 26   M. IVETIC : [interprétation]

 27   Q.  Poursuivons l'examen de ce document. Il y est question d'une discussion

 28   portant sur l'envoi de 7 500 hommes -- je veux dire des militaires et du


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  1   financement possible par les Nations Unies qui serait l'option optimale.

  2   Est-ce que vous avez un souvenir de cette discussion concernant 7 500

  3   hommes et savez-vous à quoi cela se rapportait ?

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Lukic … vous n'êtes pas autorisé

  5   à parler à haute voix.

  6   Veuillez procéder, Maître.

  7   M. IVETIC : [interprétation]

  8   Q.  Colonel, est-ce que vous vous rappelez avec quoi la question de ces 7

  9   500 hommes éventuellement financés par les Nations Unies avait un rapport ?

 10   R.  Je m'en souviens. Il a été décidé de renforcer le groupe russe en

 11   Yougoslavie, notamment en y adjoignant des membres des forces d'assaut

 12   aéroportés, une brigade plus particulièrement. Et j'ai participé à

 13   l'évolution des décisions relatives à cette brigade et au lieu où elle

 14   devait être déployées. Si je me souviens bien, il s'agissait d'Ugljevik. Et

 15   l'une des missions qui m'incombait était d'assurer la liaison avec la

 16   partie serbe, c'est-à-dire avec le général Mladic et d'autres parties

 17   prenantes à cet effort, à savoir les Nations Unies, la BiH, et cetera. Je

 18   devais les informer de l'existence de ce plan de notre côté et de la façon

 19   dont nous avions l'intention de le mettre en œuvre. J'ai accompli ce

 20   travail sur les ordres de mon commandant supérieur russe.

 21   Q.  J'aimerais que nous passions maintenant à la page suivante du document

 22   dans les deux langues à l'écran. A peu près au milieu de l'écran, vous

 23   voyez une question qui se lit comme suit :

 24   "Les Russes réfléchissent à deux à quatre secteurs avec un équilibre entre

 25   l'OTAN et la Russie et à la tête desquelles se trouverait un QG, peut-être

 26   l'OTAN et une commission politique et exercerait un contrôle sur la

 27   régularité de la mise en œuvre du mandat. Nous n'avons pas discuté des

 28   questions de détail de la planification. J'aimerais entendre votre opinion


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  1   au sujet de ce qui a été dit à Bruxelles sur ce point, la possibilité

  2   d'envoyer les troupes spéciales de l'armée russe au GS qui devaient être

  3   envoyées immédiatement."

  4   Est-ce que vous pourriez me dire si vous vous rappelez quel était le

  5   rapport avec la discussion de Bruxelles et l'envoi de troupes spéciales de

  6   l'armée russe auprès de l'état-major général dans le cadre du mandat entre

  7   la Russie et l'OTAN ? Qu'est-ce qui devait se passer à ce moment-là ?

  8   R.  Oui, je me rappelle, c'était une période particulièrement tendue. Nous

  9   étions à la fin de l'automne 1998, c'est-à-dire une période où la tension

 10   entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et la VRS était à son comble. Des

 11   activités étaient en cours, et la délégation russe ne souhaitait pas être

 12   marginalisée et a proposé diverses options eu égard à sa participation aux

 13   efforts de maintien de la paix et de restauration de la paix.

 14   L'expression "forces spéciales" en tant que signifiant un commando est une

 15   mauvaise façon de s'exprimer. Il s'agit d'une force qui n'a aucun rapport

 16   avec un commando et que l'on avait l'intention d'utiliser. Il s'agissait

 17   d'un contingent de forces aériennes aéroportées et d'unités aéroportées.

 18   Autrement dit, de deux bataillons qui auraient été placés sous mes ordres

 19   et sous les ordres de la Fédération russe et qui étaient censés travailler

 20   en coopération avec l'OTAN après avoir reçu l'accord de l'OTAN pour

 21   déployer cette brigade et préparer le déploiement d'une autre brigade dans

 22   l'ex-Yougoslavie.

 23   Comme vous le savez, par la suite, ceci a abouti à une situation dans le

 24   cadre de laquelle une compagnie membre de cette brigade a participé à un

 25   certain nombre de conquêtes territoriales, entre guillemet, dans la région

 26   de Pristina, et ces conquêtes se sont ensuite poursuivies au Kosovo. Et

 27   vous savez ce qui s'en est suivi. Tout cela s'est placé dans le cadre de

 28   cette planification à laquelle j'ai participé. Et cet effort global a duré


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  1   cinq ans supplémentaires.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La réponse est en train de s'écarter de

  3   la question.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Demurenko, est-ce que vous

  5   parlez de l'automne 1995 ou de l'automne 1998 ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était l'automne 1995, mais j'ai parlé d'une

  7   période qui était ultérieure à cela lorsque j'ai parlé de l'utilisation, du

  8   mode d'utilisation de la brigade.

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Parce qu'en page 85, lignes 3 et 4,

 10   vous dites :

 11   "Oui, je m'en souviens. C'était une période de grande tension, à l'automne

 12   -- à la fin de l'automne 1998."

 13   Est-ce qu'il faut corriger et écrire 1995 ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Absolument. En fait, en 1998, j'avais déjà été

 15   démis de mes fonctions.

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic.

 18   M. IVETIC : [interprétation] Il me reste deux questions.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Deux questions. Avec l'indulgence des

 20   personnes qui nous aident dans notre travail, je vous invite à poser ces

 21   questions au témoin.

 22   M. IVETIC : [interprétation]

 23   Q.  Voici ma première question, Colonel : comment décririez-vous l'attitude

 24   ou les dispositions du général Mladic par rapport à la Russie et à votre

 25   personne dans le cadre de cette réunion ? Je parle de disposition

 26   émotionnelle.

 27   R.  Je ne peux que vous parler de mon avis personnel et je ne sais pas si

 28   le général Mladic aura le même avis.


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  1   D'une part, il était tout à fait clair qu'il avait un point de vue positif

  2   sur un officier russe, c'est-à-dire ma personne. Ce n'était pas la première

  3   fois que nous nous réunissions. Et il avait la volonté, il était prêt à

  4   entendre mes idées et mes propositions de solution. D'un autre côté, comme

  5   je commençais à le comprendre de mieux en mieux, il s'attendait à ce que le

  6   colonel Demurenko, en tant que représentant de la Russie, participe plus

  7   activement et plus intensément à la Défense de la paix et à la Défense de

  8   la cause du peuple serbe. Mais sur ce plan, je ne pouvais rien pour lui.

  9   Q.  D'accord. Et maintenant, voici ma dernière question. Je vous demande un

 10   instant. Je vais vous demander une précision au sujet de cette précision

 11   dont nous parlons. A votre avis, quels étaient les autres membres de la

 12   délégation dont vous avez dit que vous faisiez partie ?

 13   R.  Vous voulez dire du côté russe ou du côté des Nations Unies ? J'ai vu

 14   des officiers serbes, j'en connaissais très peu. Je connaissais le général

 15   Mladic. Je connaissais le général Tolimir que j'avais vu une fois. Et du

 16   côté russe, le chef de la délégation était un civil, c'était un diplomate.

 17   Mais je crains de commettre une erreur si je citais un nom propre.

 18   D'ailleurs, je n'en ai pas le souvenir. Mais il était tout à fait clair à

 19   mes yeux qu'il s'agissait d'un civil, d'un politique. Quant aux autres, je

 20   ne m'en souviens pas. Je ne me rappelle pas qu'il y ait eu des officiers

 21   des Nations Unies à cette réunion. Je ne me rappelle que cette peu

 22   nombreuse délégation russe et des forces serbes.

 23   Q.  Colonel, je vous remercie de votre patience aujourd'hui et depuis

 24   quelques jours par rapport à moi.

 25   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'était ma dernière

 26   question.

 27   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Demurenko, nous allons


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  1   suspendre l'audience pour aujourd'hui. Nous aimerions vous revoir dans

  2   cette salle demain. Mais avant que vous ne quittiez la salle d'audience, je

  3   me dois de vous donner instruction de ne parler à personne, de ne

  4   communiquer avec personne de quelle que façon que ce soit au sujet de votre

  5   déposition, qu'il s'agisse de ce que vous avez dit aujourd'hui ou de ce que

  6   vous avez encore l'intention de dire demain et peut-être même après-demain.

  7   Mais nous espérons que nous aurons la possibilité de conclure votre

  8   déposition demain.

  9   Si tout cela est clair à vos yeux, vous pouvez maintenant suivre M.

 10   l'Huissier et quitter la salle et nous vous reverrons demain dans cette

 11   même salle à 9 heures 30.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 13   [Le témoin quitte la barre]

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous levons l'audience pour aujourd'hui,

 15   et nous reprenons nos débats demain, le 15 juin, à 9 heures 30, dans cette

 16   même salle d'audience.

 17   --- L'audience est levée à 14 heures 22 et reprendra le mercredi, 15 juin

 18   2016, à 9 heures 30.

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