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1 Le mardi 6 décembre 2016
2 [Réquisitoires]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 35.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous dans le
7 prétoire et autour du prétoire.
8 Monsieur le Greffier d'audience, s'il vous plaît, citez le numéro de
9 l'affaire.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci. Bonjour, Monsieur le Président,
11 Messieurs les Juges. C'est l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko
12 Mladic.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
14 Avant de commencer, j'ai deux questions à soulever. La première question
15 concerne l'information reçue par la Chambre hier que dans la galerie du
16 public il y avait des gestes inappropriés dirigés vers le prétoire. La
17 Chambre a pris cela au sérieux et a donc résolu cette question. Je pense,
18 Maître Lukic, que vous savez comment cela a été résolu. Il est clair
19 maintenant que nous nous attendons à ce que le public dans la galerie se
20 conduise de façon appropriée. Vous savez ce que la Chambre a fait
21 exactement pour prévenir cela à l'avenir, et je ne vais plus parler de cela
22 pour le moment. C'est la première chose.
23 La deuxième chose, je pense que c'était hier, la Défense a déposé une
24 requête pour ajouter encore trois documents, trois déclarations, pour ce
25 qui est du prononcé de fixation de la peine, et je me pose la question pour
26 savoir quand l'Accusation répondra à cela. Je pense que si vous répondez de
27 façon expéditive, il serait plus facile pour nous de nous occuper de ces
28 questions pendant les réquisitoires et plaidoiries.
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1 M. TIEGER : [interprétation] Nous allons donc fournir notre réponse,
2 Monsieur le Président, le plus rapidement possible.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et qu'est-ce que cela veut dire,
4 Monsieur Tieger ?
5 M. TIEGER : [interprétation] Cela dépend quand vous avez besoin de cela,
6 mais, par exemple, jeudi avant la fin de l'audience.
7 [La Chambre de première instance se concerte]
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est bien. Comme cela, les deux parties
9 auront la possibilité de se pencher là-dessus dans leurs réquisitoires et
10 plaidoiries, si on fait droit à cette requête avant la fin des
11 réquisitoires et plaidoiries.
12 M. TIEGER : [interprétation] Nous allons faire de notre mieux pour faire
13 cela.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a d'autres questions à
15 soulever ? Non.
16 Alors, Monsieur Traldi, vous pouvez poursuivre.
17 M. TRALDI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Et bonjour,
18 Messieurs les Juges.
19 La Défense affirme que la VRS protégeait des villages musulmans dans
20 plusieurs municipalités, notamment à Sanski Most, Kljuc et Rogatica. Les
21 municipalités que la Défense cite montrent de façon convaincante quel était
22 le scénario selon lequel les crimes étaient commis, y compris le nettoyage
23 ethnique. Par exemple, au paragraphe 686 de leur mémoire en clôture, la
24 Défense soutient que 3 000 non-Serbes étaient restés à Sanski Most, où ils
25 étaient protégés, et "pas d'actions hostiles n'ont été lancées contre eux",
26 et je cite par rapport à cela Nenad Davidovic, qui était officier de la 6e
27 Brigade et membre de la cellule de Crise.
28 Donc, il y avait 3 000 habitants qui restaient par rapport à 28 285 [comme
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1 interprété] habitants avant la guerre. Lorsque vous y réfléchissez, à
2 savoir que de 28 000 non-Serbes restaient 3 000, il faut que vous vous
3 penchiez sur le témoignage de Davidovic, qui a admis, pages 31 550 et 557,
4 que les autorités serbes à Sanski Most étaient d'avis que quiconque était
5 considéré comme "pas loyal envers les autorités serbes devait être expulsé
6 avec leurs familles."
7 Maintenant, sur vos écrans, vous pouvez voir la pièce P841 [comme
8 interprété], page 24. Il s'agit des notes de Davidovic concernant une
9 réunion de la cellule de Crise, et cela s'est tenu le 8 juin 1992. Dans ces
10 notes il est question, entre autres, selon ses mots, du fait qu'il fallait
11 chasser les Musulmans et les Croates de Sanski Most, dans la mesure où il
12 est possible de contrôler fermement le pouvoir.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, lorsque vous parlez de
14 Sanski Most, dans la citation il ne figure pas "en dehors de Sanski Most".
15 M. TRALDI : [interprétation] Dans le document, il est écrit :
16 "Les Musulmans et les Croates doivent être chassés pour qu'on puisse tenir
17 le pouvoir de façon stable."
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Donc, il n'y a pas de mention
19 "Sanski Most" dans ce document ?
20 M. TRALDI : [interprétation] Oui.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.
22 M. TRALDI : [interprétation] A Sanski Most, ainsi que dans d'autres
23 municipalités, ces personnes étaient chassées par la perpétration -- des
24 arrestations en masse, cinq massacres retenus dans l'acte d'accusation, par
25 la destruction de leurs habitations, de leurs villages et de leurs lieux de
26 culte.
27 [problème technique]
28 M. TRALDI : [interprétation] J'ai perdu le LiveNote pour quelques instants,
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1 c'est pour cela que j'ai ménagé une pause.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et lorsque cela revient -- parce
3 que LiveNote sur nos écrans fonctionne, non ? Juste un instant, s'il vous
4 plaît. Oui, cela s'est arrêté. Il faut qu'on attende que cela revienne.
5 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semble que cela fonctionne de
7 nouveau. Nous voyons encore une fois dans quelle mesure nous dépendons de
8 bons services de notre sténotypiste, et nous l'apprécions beaucoup.
9 Monsieur Traldi, vous pouvez reprendre en reprenant dans la phrase où le
10 compte rendu s'est arrêté, où vous avez dit : "A Sanski Most et dans
11 d'autres municipalités", et cetera.
12 M. TRALDI : [interprétation] Donc, c'est là-bas où ils ont été liquidés, en
13 perpétrant des crimes horribles, notamment la destruction de leurs
14 habitations, villages, en procédant à des arrestations en masse et
15 commettant cinq massacres retenus dans l'acte d'accusation.
16 L'évêque catholique Komarica décrit "la fuite en masse terrible de mes
17 fidèles, en particulier de la région de Sanski Most et de Prijedor, qui
18 essayaient de sauver leurs vies." Pièce P7011, page 2.
19 Et le Témoin de la Défense Kupresanin a admis qu'il était au courant de ces
20 crimes et que le 1er Corps de Krajina était au courant également, la page
21 du compte rendu 29 820 jusqu'à 821.
22 Peut-être le plus terrible des crimes commis à Sanski Most était le
23 massacre d'au moins 29 femmes et enfants musulmans dans un garage à
24 Hrustovo à la date du 31 mai, ou vers cette date-là, 31 mai 1992. Parmi les
25 enfants [comme interprété] et les enfants tués dans ce garage, il y avait
26 une femme âgée qui avait 75 ans ainsi que des enfants qui avaient moins de
27 10 ans. Après quoi, la 6e Brigade s'est félicitée de commettre le
28 "nettoyage couronné de succès à Hrustovo". P2365, page 3.
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1 Maintenant nous voyons ici la pièce P2409, c'est la décision de la cellule
2 de Crise de Sanski Most et c'est seulement quelques jours après le massacre
3 à Hrustovo. Ils ont décidé d'envoyer à Manjaca des hommes politiques, des
4 extrémistes nationalistes, et tous ceux qui étaient indésirables sur le
5 territoire de la municipalité de Sanski Most. Dans la pièce P2362, on peut
6 voir qu'il s'agissait des non-Serbes. Donc, le déplacement des non-Serbes
7 de Sanski Most relevait d'une politique officielle.
8 De même, la Défense affirme au paragraphe 687 que des villages musulmans
9 étaient protégés sur le territoire de la municipalité de Kljuc, mais
10 lorsque GRM014 a dit que les Musulmans pouvaient y rester et qu'ils y
11 étaient protégés, il a été contraint d'admettre que les Musulmans avaient
12 quitté Kljuc à cause des crimes perpétrés contre eux - la page du compte
13 rendu 30 397 - et les villages pour lesquels il disait, ainsi que d'autres
14 témoins de la Défense, que les Musulmans "restaient indemnes", on peut voir
15 dans les documents de guerre de la Republika Srpska qu'il n'y avait pas de
16 Musulmans ou très peu de Musulmans qui étaient restés, c'est pièces P4071
17 et P7639 [comme interprété].
18 Et pour ce qui est des notes du général Mladic, on peut voir qu'il suivait
19 le nombre de la population musulmane : en janvier, 17 000, qui a été réduit
20 à 5 000 en septembre et à 2 000 en novembre.
21 A Rogatica, pour ce qui est du village de Satorovici, il dit, et c'est au
22 paragraphe 689, "un exemple concret de paix qui régnait entre les Musulmans
23 et la VRS." Et après que Tolimir ait ordonné en octobre à différents corps
24 de la VRS de procéder aux échanges, les soldats ont regroupé les Musulmans
25 de Satorovici, les ont fait partir de leurs maisons et les ont transportés
26 à Sarajevo. C'est au paragraphe 345 de notre mémoire en clôture et dans le
27 résumé concernant Rogatica. Egalement, les témoins de la Défense
28 Veselinovic et Sokolovic ont admis que lorsque Mladic était entré à Zepa en
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1 automne 1995, lui-même et ses subordonnés ont commencé le processus de
2 déplacement de presque tous les Musulmans qui restaient dans la
3 municipalité de Rogatica.
4 La réponse de Mladic au nettoyage ethnique illustre le fait qu'il
5 partageait l'objectif commun et a contribué à sa mise en œuvre.
6 La Défense avance que Mladic a essayé de punir ses subordonnés lorsqu'ils
7 ont commis des crimes. Il a ordonné certaines mesures disciplinaires à un
8 certain nombre de fois. Confer les paragraphes 117 à 119 de notre mémoire
9 en clôture; les paragraphes 795 à 796 du mémoire en clôture de la Défense.
10 Mladic disposait de l'autorité à la fois officielle et fonctionnelle qui
11 lui permettait d'ordonner ces mesures disciplinaires contre ses
12 subordonnés. Et comme ce commandant faisait l'éloge de l'obéissance et du
13 bon fonctionnement de la chaîne de commandement, comme il l'a dit devant la
14 16e Assemblée, au P431, page 42 : "Il nous faut une obéissance absolue.
15 Sans discipline, il n'y a rien…" Et donc, il a usé de cette autorité.
16 Ce que les parties contestent, c'est ce pour quoi Mladic a utilisé son
17 autorité. La Défense avance que Mladic a donné des ordres pour sanctionner
18 ses soldats qui se "comportaient de façon irresponsable parce qu'ils ont
19 commis des crimes", mais les éléments de preuve montrent que ces ordres
20 n'ont pas été donnés pour sanctionner des crimes commis dans le cadre de
21 l'entreprise criminelle commune. Les officiers de la VRS ont appliqué cette
22 politique d'impunité quasiment exclusivement dans tous les échelons de la
23 VRS.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cette autorité a été utilisée pour
25 quoi, si cette autorité n'a pas été utilisée dans le cadre de l'entreprise
26 criminelle commune ?
27 M. TRALDI : [interprétation] En premier lieu, vous avez vu comment
28 fonctionnait la justice militaire et traitait de questions comme la
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1 rébellion armée, la désertion. Et Radulj, le procureur militaire de Banja
2 Luka, a admis que des crimes avaient été commis contre des Serbes et contre
3 l'armée -- et il a reconnu que ce type de crimes avait été commis et a été
4 poursuivi par cette justice militaire.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
6 M. TRALDI : [interprétation] Nous allons maintenant nous pencher sur un des
7 exemples cités par la Défense. La Défense cite le P4453 dans la note de bas
8 de page 1 674 de leur mémoire en clôture pour appuyer ce qu'ils avancent, à
9 savoir que Mladic a ordonné la sanction de crimes contre des non-Serbes.
10 Vous le voyez à l'écran maintenant. Il s'agit d'un avertissement du
11 commandant de la SRK d'alors, Tomislav Sipcic, à la Brigade de Rogatica, le
12 commandant Rajko Kusic. Sipcic écrit le 26 juin 1992, et je cite :
13 "Pour la dernière fois, je vous avertis de vous abstenir de commettre des
14 massacres, de vous livrer à des exactions, en traitant mal une population
15 innocente quelle que soit sa nationalité."
16 Quel que soit cet ordre qui est peut-être l'illustration des agissements de
17 l'officier, il illustre le problème que la Défense tente de nous faire
18 accepter, à savoir d'attribuer à Mladic ce qui semble être une action
19 humanitaire qui aurait été menée par tout soldat de la VRS. Peu de temps
20 après que cet ordre ait été donné, Sipcic - qui a averti Kusic de ne pas
21 massacrer des innocents - il a été remplacé tout de suite par l'autre
22 commandant de la SRK, Stanisic Galic. La 30e Division a été placée sous son
23 commandement, qui avait déjà nettoyé des Musulmans les zones de Kljuc,
24 comme nous l'indiquons dans notre résumé sur Kljuc. Kusic et ses unités,
25 d'autre part, ont continué à commettre des crimes contre des non-Serbes, et
26 ce, jusqu'en 1995. Comme il a dit ouvertement au commandement du Corps de
27 la Drina, à la pièce P1064, le 7 août 1995, il restait cinq "balija" qui
28 tentaient de se rendre à pied à Relovica [phon] le long de la voie de
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1 chemin de fer et ils ont été liquidés, et des "Oustachi non armés" ont
2 également été liquidés.
3 Au moment où il a rendu son rapport sur la liquidation de ceux qu'il
4 appelait des balija en 1995, Kusic était lieutenant-colonel. Nous
5 constatons que Mladic a été à l'origine d'une des promotions de Kusic, et
6 il y en a eu plusieurs. Malgré ces crimes massifs et tristement célèbres
7 commis par les unités de la Brigade de Rogatica contre des civils non-
8 serbes, la pièce P3689 expose la pensée de Kusic. Je vais demander à Mme
9 Stewart de visionner cette partie.
10 [Diffusion de la cassette audio]
11 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
12 "Il serait très injuste si je ne mentionnais pas Rajko Kusic, un soldat
13 très important, le commandant de la Brigade de Rogatica, qui a été et
14 demeure toujours l'alpha et l'oméga du sommeil protégé des enfants serbes.
15 Rajko, vous êtes digne de tous les honneurs."
16 [Fin de la diffusion de la cassette audio]
17 M. TRALDI : [interprétation] Donc, si nous nous penchons sur ce document,
18 nous constatons que la façon de grimper les échelons de la VRS était de
19 procéder au nettoyage ethnique, comme l'a été Kusic à Rogatica. Dans
20 Rogatica, il y avait plus de 13 000 Musulmans en 1991. A la fin de l'année
21 1991 [comme interprété], ils étaient entassés dans trois petites enclaves
22 de la municipalité. Comme je l'ai dit, au moment où Zepa est tombée, il ne
23 restait quasiment plus aucun Musulman. La brigade de Kusic avait dirigé
24 cette campagne de nettoyage. Elle avait été organisée et armée par la JNA
25 et le SDS en mars 1992. Comme nous l'indiquons dans notre résumé, dès sa
26 création, ceci a été placé sous le commandement de la 216e Brigade de la
27 JNA de Dragomir Milosevic. Comme Kusic l'a indiqué dans la pièce P6931, et
28 le Témoin de la Défense Djeric l'a confirmé, la Brigade de Rogatica a été
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1 intégrée à la VRS le 19 mai 1992 ou vers cette date. Ensuite, cette brigade
2 a commis des crimes contre des innocents dans des endroits qui comprenaient
3 le camp de Rasadnik et l'école de Vlahovic, placés tous deux sous le
4 contrôle de Kusic. Les détenus de Rasadnik ont été torturés, ont subi des
5 sévices sexuels, ont été humiliés, passés à tabac, utilisés pour des
6 travaux forcés. Certains détenus sont décédés suite aux passages à tabac et
7 conditions fort dures, y compris une femme âgée de 101 ans, Hanka Kustura.
8 De même, dans l'école de Vlahovic, il y avait des soldats des brigades et
9 de la police serbe qui ont passé à tabac, torturé, violé et cambriolé des
10 détenus à l'école de Vlahovic. Les détenus ont été violés à maintes
11 reprises, des hommes et des femmes. Et d'autres détenus pouvaient entendre
12 ces victimes hurler pendant la nuit. P309, paragraphes 69 à 77; P2223, page
13 4.
14 La Défense a laissé entendre dans son mémoire que des non-Serbes se sont
15 rendus de leur plein gré à Rasadnik et à l'école de Vlahovic, arguant du
16 fait que les références faites aux prisonniers de Rasadnik sur les listes
17 étaient pure fiction. Il s'agissait simplement de faciliter l'échange de
18 ces personnes. Mais les non-Serbes de Rasadnik et à l'école de Vlahovic ne
19 s'y sont pas rendus de leur plein gré, comme le prouvent les documents,
20 comme le document P6809 [comme interprété] et le P6805, et les éléments de
21 preuve des témoins qui ont survécu et que vous avez entendus, mais en se
22 fondant sur la simple logique du fait que les gens n'ont pas tendance à
23 rester sur place alors que d'autres sont passés à tabac, violés et torturés
24 mentalement.
25 Nous avons constaté que Mladic a promu Kusic à la pièce P3684 - il exerçait
26 donc son autorité personnelle - et certains exemples sont tirés de ses
27 carnets, des réunions avec son état-major pour aborder les questions des
28 promotions et des distinctions. Par exemple, à la pièce P360, pages 149 à
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1 150, au cours de laquelle il prend des notes sur les nominations de Radmilo
2 Zeljaja et Vladimir Arsic, qui avaient dirigé la 43e Brigade lors du
3 nettoyage ethnique de Prijedor en 1992, ces deux hommes ont été promus
4 pendant la guerre. Arsic, lorsque la guerre était terminée, était général,
5 comme l'a indiqué le Témoin Javoric, témoin de la Défense, à la page du
6 compte rendu d'audience 31 424.
7 A la fin de nos récits sur la municipalité et ainsi que dans le paragraphe
8 487 de notre mémoire en clôture, nous avons parlé de la réputation
9 tristement célèbre de la campagne de nettoyage dans cette municipalité, et
10 nous disposons d'éléments de preuve qui indiquent que Mladic et d'autres
11 officiers de la VRS ou de membres de la JRS [comme interprété] ont
12 clairement indiqué qu'ils étaient d'accord souvent avec les promotions de
13 ces auteurs. Et Kusic a gravi les échelons dans toutes les municipalités
14 reprochées dans l'acte d'accusation. Arsic, à la fin de la guerre, est
15 général; Galic est nommé commandant de la SRK après que ses unités aient
16 nettoyé Kljuc; Radislav Krstic est devenu commandant de la DK après que la
17 2e Brigade de Romanija ait nettoyé la municipalité de Sokolac, comme nous
18 l'avons dit hier; Andric est devenu chef du Corps de la Drina, chef d'état-
19 major, après que la Brigade de Birac ait nettoyé la Bosnie orientale; le
20 commandant du camp de Manjaca, Bozidar Popovic, a été promu colonel.
21 La VRS, en même temps, a tenté de dissimuler les crimes, comme vous pouvez
22 le constater dans les carnets de Mladic, où il ordonne que des informations
23 sur le nombre très important de Musulmans ensevelis dans la fosse de
24 Tomasica soient "bien conservés pour que les personnes non autorisées ne
25 puissent pas découvrir cela." P358, page 155.
26 Le commandant du Bataillon de Vlasenica, Slobodan Pajic, donne un ordre et
27 précise que l'opinion publique ne doit pas découvrir les conditions de vie
28 des détenus de Susica, et on ne doit pas non plus leur apporter de la
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1 nourriture. P193, page 4. Les ensevelissements dans les fosses communes,
2 paragraphes 492 à 498 de notre mémoire en clôture. Et comme ils
3 dissimulaient leurs crimes, Mladic et d'autres membres de l'entreprise
4 criminelle commune ont fait l'éloge de cette campagne de nettoyage ethnique
5 couronnée de succès; et comme M. Tieger l'a mentionné hier, il s'agissait
6 d'en faire un état de fait.
7 Bien évidemment, ils n'ont pas sanctionné les auteurs. La VRS a reconnu que
8 certains officiers étaient responsables et qu'il fallait empêcher les
9 crimes et punir les auteurs. Mais lorsque les officiers de la VRS n'ont pas
10 sanctionné ces personnes, ils ont dit :
11 "Ils sont donc responsables de ces crimes."
12 P3352, page 8.
13 Contrairement à ce qu'avance la Défense au paragraphe 2 902 de son mémoire
14 en clôture, que l'état-major n'était pas impliqué dans la justice militaire
15 dans laquelle de telles affaires devaient être traitées, Mladic et Gvero
16 ont envoyé des instructions au tribunal militaire. Milovanovic a dit dans
17 sa déposition que Gvero et son secteur contrôlait et analysait tout le
18 système judiciaire. Page du compte rendu d'audience 16 919. Et nous avons
19 indiqué quelle était la relation entre l'état-major principal et la justice
20 militaire dans notre mémoire en clôture aux paragraphes 110 à 120.
21 La Défense avance au paragraphe 678 de son mémoire en clôture que
22 quelquefois les soldats qui avaient commis des crimes ont été envoyés au
23 front. Notre dossier est clair à cet égard : ceci a permis de faciliter
24 davantage de crimes. Vous avez entendu dire cela de la bouche d'officiers
25 de la VRS comme RM802, de personnel du tribunal militaire comme Radulj, le
26 Témoin de la Défense Matijevic, du MUP de la RS. Ils étaient tous d'accord
27 pour dire que les auteurs ont été armés et qu'ils sont partis au combat, et
28 il n'est donc pas surprenant qu'ils récidivent.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, une confusion dans mon
2 esprit. Vous parlez du paragraphe 2 902 du mémoire en clôture de la
3 Défense. Ceci n'a rien à voir avec ce dont nous parlons, me semble-t-il.
4 M. TRALDI : [interprétation] Je n'avais pas l'intention d'aborder la
5 question de la réunion à l'école Fontana. C'est en rapport avec l'école de
6 Velagici.
7 La Défense se fonde également sur les ordres qui n'ont aucune valeur et qui
8 ne sont que superficiels pour suivre les lois de la guerre. Karadzic
9 ordonne prétendument qu'il fallait protéger les non-Serbes dans les
10 municipalités comme Sokolac. Il s'agit là d'un seul exemple, au paragraphe
11 1 502. Ils ignorent, par exemple, la réponse de Tupajic, dans la pièce
12 P3181, en expliquant que la 2e Brigade de Romanija et de Sokolac, faisant
13 partie du MUP, rendait compte à leurs propres chaînes de commandement au
14 niveau de la république, Mladic, Mico Stanisic et Karadzic. Ils ignorent la
15 réalité des faits sur le terrain. Et la 2e Brigade de Romanija a continué à
16 nettoyer la municipalité de Sokolac. Ses commandants ont été promus.
17 Mladic, Galic et Karadzic, comme nous l'avons noté, ont reçu les honneurs
18 de cette brigade.
19 Brown explique le sens de ces ordres. Il n'y a pas eu de poursuites et,
20 donc, d'autres crimes ont été commis. Page du compte rendu d'audience 19
21 536. Un exemple très clair qui est donné ici, page du compte rendu
22 d'audience 19 536. Ceci est particulièrement vrai dans le cadre de la
23 directive numéro 1, où la Défense se repose sur un libellé communément
24 utilisé sur comment se conformer aux conventions de Genève, mais nous avons
25 montré que cette directive a été mise en œuvre pendant toute la durée du
26 nettoyage ethnique et de ces séparations. Donc, les résultats ont fait
27 l'objet d'éloges plutôt que de poursuites.
28 D'un autre côté, ceci envoyait un message clair, un message qui précisait
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1 que la VRS prenait l'exécution des lois de guerre au sérieux, mais qu'il
2 n'était pas nécessaire de poursuivre chaque crime commis par un soldat.
3 Donc, si la Défense laisse entendre que la justice militaire avait quelques
4 défis à affronter, elle n'avait pas besoin de poursuivre tous les cas de ce
5 genre; il s'agissait simplement d'envoyer un message dans ce sens. Le fait
6 qu'il n'y a pas eu intention de poursuivre les crimes contre les non-Serbes
7 se trouve illustré dans les cas que nous avons présentés au niveau de nos
8 preuves. Par exemple, Radulj a admis à la page du compte rendu d'audience
9 35 582 que certains corps de victimes étaient disponibles, que l'arme du
10 crime était connue, que les auteurs s'étaient confessés et qu'il n'y avait
11 aucune raison pour que les procureurs militaires ne les condamnent pas.
12 Pour ce qui est des massacres de Velagici et de Skrljevita, deux massacres,
13 un petit nombre de crimes ont été commis et les auteurs ont été arrêtés.
14 Personne n'a été sanctionné pour ces crimes pendant la guerre même si les
15 corps ont été retrouvés, l'arme du crime également, et que les auteurs ont
16 confessé. Donc, de nombreux défis auxquels a dû faire face la justice
17 militaire. Aucune raison pour que les soldats ne soient pas poursuivis pour
18 les crimes commis contre des non-Serbes. Et dans le cas où ils l'étaient,
19 comme Admizic et Kajtez, et les autres, ils auraient dû être condamnés.
20 La Chambre a reçu suffisamment d'éléments de preuve sur le fonctionnement
21 de cette justice militaire qui a préparé des milliers de cas en 1992,
22 P3535; et des affaires impliquant des victimes serbes qui ont été
23 poursuivies de façon agressive et dans lesquels cas les auteurs ont été
24 condamnés. P2375, P1054, et Radulj. La Défense, néanmoins, affirme que la
25 justice militaire ne fonctionnait pas, comme cela est cité à la pièce
26 P3560. Mais à la pièce P3560, page 4, la justice militaire indique qu'elle
27 est satisfaite de son travail et note en outre que malgré les conditions
28 difficiles de son travail au niveau des tribunaux, elle a réussi à obtenir
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1 de "bons résultats" en 1995. Même si vous-mêmes, vous avez reçu des
2 rapports correspondant à cette année-là qui montraient qu'aucun effort
3 n'avait été fait pour sanctionner les soldats pour les crimes qu'ils
4 avaient commis contre des non-Serbes. La raison pour laquelle ceux-ci ont
5 été considérés comme de bons résultats est que les soldats ont fait ce
6 qu'ils étaient censés faire, autrement dit, nettoyer ethniquement le
7 territoire pour lequel la VRS était responsable.
8 Est-ce que nous pouvons passer brièvement à huis clos partiel, s'il vous
9 plaît.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
12 [Audience à huis clos partiel]
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25 [Audience publique]
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
27 M. TRALDI : [interprétation] Au paragraphe 134 de son mémoire, la Défense
28 indique que lorsque les officiers de la VRS apprenaient des meurtres dans
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1 les municipalités, ils prenaient des mesures pour mener des enquêtes pour
2 arrêter et punir les auteurs. La Défense se fonde sur des preuves relatives
3 au massacre dans des endroits tels que Brisevo et à Prijedor, et plusieurs
4 sites à Sanski Most.
5 A Brisevo, vous avez entendu des preuves que tout le monde était au courant
6 des massacres - la VRS, les autorités civiles, le MUP - mais aucun auteur
7 n'a été sanctionné. Le témoin de la Défense Kupresanin a dit dans son
8 témoignage qu'il s'est rendu là-bas après le massacre avec des officiers du
9 1er Corps de la Krajina. Prijevo [comme interprété] était un village non
10 armé. Et même s'il était incohérent lorsqu'il disait à quel haut gradé il
11 l'avait dit, on peut savoir que Tadic [comme interprété] était au courant,
12 par exemple, à la page 2 de P7477. Et Radulj a reconnu que son bureau n'a
13 poursuivi personne à Sanski Most pour des crimes contre des non-Serbes.
14 La Défense prétend également aux paragraphes 866 et 67 que la VRS a
15 mené des enquêtes et a réprimé des meurtres des détenus de Manjaca, Omer
16 Filipovic et Esad Bender, même si le garde de Manjaca Radinkovic a reconnu,
17 compte rendu page 31 734, que personne n'a été poursuivi avant dix ans
18 après les crimes, bien après le départ de Mladic de la VRS. Radinkovic a
19 également reconnu que la police militaire de la VRS avait commis des
20 crimes, au contraire de ce que la Défense, dans son mémoire, qui dit qu'il
21 s'agissait de Chetniks non identifiés.
22 La Défense cherche à faire le flou sur les auteurs à Manjaca et au
23 sujet de ce que savaient les officiers hauts gradés, mais les sources
24 qu'elle cite, telles que le P229, en rapport du camp de Manjaca selon
25 lequel des policiers militaires "ne comprennent pas que les prisonniers
26 sont également des êtres humains", ce qui reflète que la VRS a commis une
27 grande partie des sévices et que les hauts commandants étaient au courant.
28 Bien au contraire, plutôt que d'avoir poursuivi les auteurs, le
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1 commandement du camp a dissimulé le crime. Sabanovic exprime que le
2 commandant Popovic lui avait ordonné de faire la fausse déclaration selon
3 laquelle un détenu de Kljuc qui avait été passé à tabac jusqu'à sa mort
4 était mort de pneumonie. P3124, pages 9 et 10.
5 Donc le système de justice militaire ne poursuivait pas les auteurs
6 des crimes contre les Musulmans et les Croates. On peut voir la suite de la
7 stratégie de la Défense aux paragraphes 132 et 133 du mémoire de la
8 Défense. Mladic n'était pas au courant ou n'était informé que de manière
9 sélective des crimes incriminés dans cette affaire. Nous ne prétendons pas
10 - et nous ne devons pas prouver - que Mladic recevait notification de
11 chaque crime individuel par lesquels ses subordonnés et les autres
12 réalisaient les objectifs de l'entreprise criminelle commune. Mais les
13 exemples dont parle la Défense reflètent la faiblesse de cet argument. Je
14 veux m'attarder sur trois événements qui, selon la Défense, ont fait
15 l'objet d'enquête et ont été, en tout cas en partie, signalés.
16 Vous avez entendu parler de la campagne de nettoyage à Kotor Varos
17 avec le premier témoin. Elvedin Pasic a expliqué comment son village avait
18 été pilonné le deuxième jour de Bajram en 1992. Les Serbes ont annoncé à
19 l'aide d'un mégaphone : "Balijas, nous allons arriver."
20 Sa famille a fui comme les Serbes entraient dans le village et
21 incendiaient les maisons. Ils ont fui de village en village, ont ensuite
22 cherché à retourner à leur village, à Hrvacani, pour constater que leur
23 village avait été totalement incendié, y compris leur maison. Ils sont
24 arrivés à Vecici, qui était assiégé.
25 Vous voyez que Vecici avait acquis une importance stratégique et il
26 avait retenu l'attention de Mladic. Cela reflète une systématicité dans la
27 campagne de nettoyage : le commandement incontesté de Mladic; la mise en
28 œuvre par la VRS du nettoyage ethnique par le biais des crimes, tout cela a
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1 formé un tout, en ce compris les meurtres en masse; et Mladic savait que la
2 campagne était mise en œuvre à l'aide de ces crimes; et il y avait la
3 tentative de la VRS de dissimuler les crimes, tout en s'abstenant de punir
4 les auteurs. Mladic a rendu un ultimatum pour que personne ne quitte, ni
5 femme, ni enfant, ni homme ne quittent le village jusqu'à ce que les armes
6 soient rendues. P2884, page 3. C'est l'ordre dont Zupljanin parlait, j'en
7 ai parlé hier. Les hommes de Vecici, notamment des combattants musulmans de
8 Bosnie, mais également des adolescents et quelques femmes, ont formé une
9 colonne et se sont rendus dans les bois pendant la nuit en colonne pour
10 rejoindre un territoire tenu par les Musulmans. Ils ont été capturés par la
11 VRS, envoyés à l'école de Grabovica, dans une caserne, et les hommes et les
12 femmes ont été expulsés, plus de 150 hommes ont été massacrés. La Défense
13 cherche à faire endosser la responsabilité à des Serbes civils non
14 identifiés, mais Krsic a reconnu que les forces de la VRS les ont emmenés à
15 l'école de Grabovica où les prisonniers ont été mis sous la garde de la
16 VRS. Les prisonniers ont été séparés, les hommes, les femmes et les
17 enfants, sous les ordres de Novakovic. Et Pasic a vu un soldat qui faisait
18 la séparation, a dit aux femmes et aux enfants qu'il ne leur arriverait
19 rien, mais comme l'a dit Pasic, "nos hommes vont payer". Compte rendu
20 d'audience page 577. Et les preuves montrent que les femmes et les enfants
21 ont été éloignés et les hommes ont été massacrés.
22 J'ai commencé par dire que la Défense prétendait que les crimes
23 étaient signalés au compte-goutte de manière sélective. Vous voyez ici le
24 1er Corps de la Krajina adressé à l'état-major principal le 4 novembre
25 1992. Et vous voyez que l'état-major principal savait qu'il y avait un
26 "massacre brutal" des prisonniers capturés. Vous voyez ici que le 1er Corps
27 de la Krajina a signalé le lendemain que 150 soi-disant extrémistes avaient
28 été tués lors de combats. Comme Brown l'avait dit, le 1er Corps de la
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1 Krajina était en train de transformer sa version des événements, donner
2 d'autres versions des événements.
3 Et je demande que l'on passe à huis clos partiel.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Huis clos partiel.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
6 [Audience à huis clos partiel]
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2 [Audience publique]
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
4 M. TRALDI : [interprétation] La Défense évoque également le massacre de 80
5 prisonniers à l'école de Velagici, à Kljuc. Vous avez reçu le dossier du
6 tribunal militaire, P3528, et ce dossier montre que les auteurs étaient
7 soldats de la VRS, contrairement à ce que dit la Défense au paragraphe 64
8 du mémoire de la Défense, selon lequel il s'agissait de soldats de la JNA
9 qui n'étaient pas sous le contrôle de Mladic. Vous avez entendu des témoins
10 et des hauts commandants qui n'étaient pas à Kljuc et qui étaient au
11 courant du massacre. Le chef d'état-major du 1er Corps de la Krajina,
12 Kelecevic, était au courant, compte rendu d'audience page 3 242 [comme
13 interprété]. Radulj savait qu'il était encore à Prijedor dans l'été 1992,
14 compte rendu d'audience 35 538-35 539. Et vous pouvez voir dans le dossier
15 militaire que Talic était au courant, car les auteurs lui ont écrit et ont
16 demandé à être renvoyés dans leurs unités. Comme nous disons dans notre
17 résumé de Kljuc, après avoir écrit à Talic, ils ont été libérés sans
18 procès. Et la Défense cite également Velagici comme exemple d'un cas où des
19 crimes contre les non-Serbes ont fait l'objet d'enquête, et les auteurs ont
20 été effectivement arrêtés pour les crimes. Les deux ont été libérés après
21 avoir écrit à Talic, et ensuite, une nouvelle fois libéré après avoir été
22 réarrêté en 1993. Cela montre que les hauts niveaux du commandement de la
23 VRS n'avaient aucune volonté de les punir pour avoir massacré près de 80
24 prisonniers musulmans non armés.
25 Nous indiquons dans notre mémoire que personne n'a été traduit par la
26 justice militaire pour les crimes de Batkovic, même si l'administration du
27 camp et le tribunal militaire étaient au courant des meurtres des détenus,
28 en ce compris ceux qui étaient tués lors de travail forcé à l'usine de
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1 Zitopromet. Dans ce cas, l'administration du camp a dit au CICR que les
2 prisonniers avaient été échangés et pas tués.
3 La Défense cite ces preuves et dit que les crimes de Batkovic n'étaient que
4 partiellement signalés à Mladic. Mais le témoin qui vous en a parlé, RM088,
5 a dit que la VRS dissimulait les crimes du CICR en envoyant des faux
6 rapports au sujet de ce qui se passait aux détenus -- il n'était pas au
7 courant de faux rapports que le camp envoyait aux commandants supérieurs.
8 Pour revenir un moment à ce que dit la Défense, la Défense, aux paragraphes
9 832 et 834 de son mémoire, se fonde sur l'affirmation du Témoin Solaja
10 selon laquelle il n'y avait pas de policiers pour expulser les non-Serbes
11 de Banja Luka. Et même si - comme l'a dit M. Tieger hier - il a reconnu que
12 Radic, dont il dit qu'il n'a pas de politique d'expulsion des non-Serbes,
13 était sous la pression constante de ceux qui étaient "au fait de la
14 hiérarchie politique" parce que les non-Serbes n'avaient pas été expulsés
15 et les mosquées n'avaient pas été détruites. Ces preuves démontrent
16 l'entreprise criminelle commune, le pouvoir était exercé par ceux qui
17 étaient au sommet, qui partageaient le but commun, qui critiquaient Radic
18 pour ne pas avoir expulsé les non-Serbes. Ils le furent plus tard. Ils
19 déclarent que les mosquées étaient encore debout; et comme vous le savez,
20 toutes les mosquées ont été détruites. Et les preuves relatives à Manjaca
21 sont similaires. La Défense essaie d'utiliser le fait qu'un soldat de la
22 VRS criait pour rien et disait que la détention en masse de civils non-
23 serbes à Manjaca n'était pas dans l'intérêt des Serbes. Les prisonniers
24 étaient "amenés en grande quantité, sans aucune sélection. De telles
25 personnes ne peuvent pas être traitées comme des prisonniers de guerre, ni
26 être internés dans des camps de prisonniers de guerre. Ce camp peut être
27 considéré comme un camp de détention, un camp pour la séparation des
28 Musulmans et des Croates, ce que l'histoire n'oubliera pas." P221.
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1 La Défense estime que cela montre que la VRS cherchait à éviter d'arrêter
2 des non-combattants à Manjaca, mais ce que cela montre en fait, c'est qu'un
3 homme se préoccupait de cela, et que le commandement du corps, les gardes
4 du camp envoyaient des rapports au commandement du corps. Ils savaient
5 qu'on arrêtait des gens qu'on n'aurait pas dû arrêter. Nous citons les
6 preuves aux paragraphes 28 et 29 de notre mémoire. Et la VRS utilisait des
7 ressources pour détenir des civils pendant une guerre parce que le camp
8 faisait partie du processus de les rassembler et de les expulser dans le
9 cadre de l'objectif commun.
10 Je vois l'heure qu'il est, Messieurs les Juges.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement, c'est l'heure, Monsieur
12 Traldi, Nous allons faire une pause. Nous reprendrons à 11 heures moins 10.
13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.
14 --- L'audience est reprise à 10 heures 52.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, vous pouvez procéder.
16 M. TRALDI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
17 Avant d'aborder mon sujet suivant, j'aimerais apporter deux petites
18 corrections au compte rendu d'audience. D'abord, au compte rendu
19 d'aujourd'hui page 7, ligne 8, comme vous l'avez souligné, j'ai parlé du
20 paragraphe 2 902 du mémoire en clôture de la Défense, alors qu'il
21 s'agissait du paragraphe 1 277 et de la note en bas de page 2 902.
22 Hier page 44 0378 [comme interprété] du compte rendu d'audience, nous avons
23 parlé de P976 alors qu'il devait s'agir pour la directive numéro 4 de P2217
24 ou P196 [comme interprété] pour les deux exemplaires déposés en tant
25 qu'élément de preuve.
26 Au sein de la VRS, Mladic a conduit la mise en oeuvre de la campagne de
27 nettoyage en intégrant les unités de la Défense territoriale serbe et les
28 groupes paramilitaires serbes dans la chaîne de commandement, en
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1 resubordonnant les unités du MUP de la Republika Srpska pendant les
2 opérations de nettoyage, qui travaillaient avec les unités du MUP serbe et
3 les cellules de Crise dans le but de mettre en œuvre l'objectif commun.
4 Par exemple, la Brigade de Kozara [comme interprété], dont j'ai parlé à la
5 dernière séance, a vu les non-Serbes expulsés par le biais d'un certain
6 nombre de crimes, y compris d'opérations de nettoyage menées par la VRS
7 avec l'appui du MUP de la Republika Srpska. Des crimes de masse ont eu lieu
8 à Grabovica, Hanifici et ailleurs; des regroupements de non-Serbes par les
9 soldats ont également eu lieu avec exactions commises contre ces détenus;
10 les non-Serbes étaient écartés de leur emploi, en général par les autorités
11 civiles; et des convois recevaient l'ordre de sortir des municipalités au
12 niveau de la république. La Défense affirme au paragraphe 1 164 qu'il n'y a
13 aucun élément de preuve attestant de l'existence d'un plan commun en vue de
14 déplacer les non-Serbes hors de Kotor Varos. En fait, tous ces événements
15 ont eu lieu et ne peuvent être expliqués que par l'existence d'un objectif
16 commun et d'un plan commun, à savoir deux éléments retenus dans les charges
17 contre l'accusé.
18 J'aimerais maintenant parler de Mladic et des interactions de la VRS avec
19 d'autres organes. Comme nous l'avons établi dans notre mémoire, les
20 Défenses territoriales étaient rapidement incorporées en général au sein de
21 la VRS, ce qui correspond à la décision de créer la VRS, P2799, et
22 l'assemblée a aboli la Défense territoriale de cette façon en identifiant
23 des unités de la Défense territoriale formée par la SDS, et faisant partie
24 de la structure de commandement de la VRS comme l'une des premières
25 priorités, le 11 mai 1992. Mladic a ordonné à ses subordonnés d'assurer le
26 commandement et la direction de la Défense territoriale et des unités de
27 volontaires le même jour. Ceci figure en pièce P3032.
28 Plusieurs témoins, y compris Milorad Sajic, Zoran Djeric, Milenko Jankovic
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1 et Rade Javoric, ont admis que leurs Défenses territoriales étaient placées
2 sous le commandement de la VRS immédiatement ou presque immédiatement après
3 la création de la VRS. Et comme Hanson l'a expliqué en page 4 162 du compte
4 rendu d'audience, l'examen qu'il a fait des documents de la cellule de
5 Crise a permis de montrer que dès sa nomination, Mladic a assumé le
6 commandement et imposait sa volonté. Nous avons vu un certain nombre
7 d'exemples de cela hier.
8 Le 12 mai, lorsque la décision de l'assemblée a été émise, il y a eu
9 deux types d'unités de la Défense territoriale mises en place. C'est ainsi
10 que des unités ont été établies au niveau de la République de Bosnie-
11 Herzégovine, et l'unité de Milovan Sajic ainsi que les unités de la Défense
12 territoriale créées par le SDS, telles que l'unité de Rajko Kusic ou de
13 Slobodan Kuruzovic, ont vu le jour, y compris à Prijedor. Nous avons établi
14 dans notre mémoire quel a été le nombre des unités de la Défense
15 territoriale qui sont devenues partie intégrante de la Défense territoriale
16 officielle de la Republika Srpska lorsque celle-ci a été décrétée le 16 mai
17 [comme interprété] 1992. Et comme nous l'avons établi dans les récits que
18 nous faisons des situations dans les municipalités, ces trois unités que je
19 viens d'évoquer étaient des unités de la VRS aux environs du 20 mai.
20 La Défense fournit des exemples précis d'unités de la Défense
21 territoriale dont elle affirme qu'elles n'ont pas été resubordonnées. Je
22 vais passer cela en revue.
23 Passons à huis clos partiel, je vous prie pour le début, Monsieur le
24 Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Huis clos partiel, je vous prie.
26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur
27 le Président.
28 [Audience à huis clos partiel]
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16 [Audience publique]
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.
18 M. TRALDI : [interprétation] Ensuite, la Défense territorial de Sanski Most
19 a été resubordonnée à la VRS pendant les opérations de nettoyage de Sanski
20 Most à la fin du mois de mai 1992. La 6e Brigade de Basara était dès lors
21 placée avec toutes ses forces à Sanski Most, sous le commandement unifié en
22 1992, et nous apportons des preuves de cela dans ce que nous disons de
23 cette municipalité. C'est ainsi que tout ceci est venu du commandant de
24 corps Talic, qui était alors commandant du 5e Corps de la JNA, et qui
25 prenait déjà des mesures en vue de garantir que toutes les Défenses
26 territoriales et leurs états-majors de la RAK soient loyales vis-à-vis de
27 la JNA à la mi-avril. Et ainsi, quelques jours après il émettait cet ordre,
28 vous avez vu que l'état-major de la Défense territoriale de Sanski Most a
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1 été remplacé et qu'un nouvel état-major a été créé dès que la municipalité
2 a été prise, et le commandant du nouvel état-major était Anicic, le colonel
3 Anicic, qui avait par le passé commandé la Défense territoriale serbe de
4 Sanski Most, constituée quelques mois auparavant. Vous avez entendu le
5 Témoin Kelecevic du 5e Corps, à ce moment-là, 1er Corps de Krajina, chef
6 d'état-major qui a témoigné en disant que le 5 mai, les unités de la
7 Défense territoriale de la RAK étaient placées sous le commandement du 5e
8 Corps d'armée.
9 Ensuite, nous avons le document P3294 dans lequel Rasula, le président de
10 la cellule de Crise de Sanski Most, dans son journal personnel, indique que
11 le 21 mai, Basara a dit lors d'une réunion de l'état-major de crise que
12 l'ordre de Talic selon lequel la Défense territoriale "avait reçu le statut
13 d'armée placée sous le commandement unifié et quelques membres de la
14 Défense territoriale étaient devenus des officiers de la VRS". La VRS a
15 ensuite mené des opérations de nettoyage à Sanski Most. Vous avez vu que
16 les unités de la Défense territoriale ont participé en vertu d'ordres venus
17 des officiers de la 6e Brigade, et dans la pièce P2411, vous voyez que le
18 commandant de la Défense territoriale Anicic émet un ordre destiné à ces
19 unités resubordonnées vis-à-vis de la 6e Brigade, pour que l'attaque du 26
20 mai de Sanski Most, y compris l'attaque de Mahala, ait lieu.
21 Le témoin de la Défense Vinko Nikolic, l'un des dirigeants de SOS de Sanski
22 Most - qui comme vous l'avez vu faisait partie de la Défense territoriale
23 de Sanski Most à la fin avril - a expliqué que lorsque son unité a
24 participé à ces opérations à la fin du mois de mai à Mahala, Vrhpolje et
25 Hrustovo dont j'ai parlé déjà, cela s'est passé sous le commandement de la
26 6e Brigade et que les deux parties font ensuite référence à cela dans les
27 mémoires en clôture. Ils parlent du 8 juin 1992, date à laquelle la Défense
28 territoriale de Sanski Most a été abolie. La 6e Brigade établit un poste de
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1 commandement avancé à Sanski Most et a nommé Anicic à son commandement.
2 Et de même, vous voyez qu'à Prijedor, le 17 mai, Mladic pouvait donner des
3 ordres qui descendaient le long de la hiérarchie militaire et atteignaient
4 la chaîne de commandement de la JNA, c'est-à-dire Slobodan Kuruzovic et son
5 unité de la Défense territoriale organisée par le SDS. Je dis "organiser
6 par le SDS" parce que ce n'était pas une unité officielle de la TO de la
7 Bosnie-Herzégovine, mais comme nous l'avons écrit dans notre mémoire, la
8 JNA a joué en son sein un rôle significatif et Kuruzovic en était l'un des
9 dirigeants.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous pouvez procéder.
11 M. TRALDI : [interprétation] J'attendais que la transcription écrite me
12 rattrape, Monsieur le Président. Je vois que c'est le cas.
13 Vous voyez également les ordres dont je viens de parler, ainsi que
14 l'ordre de Mladic, qui constitue la pièce P3032; l'ordre mis en œuvre par
15 Talic, le P7460; et puis l'ordre d'Arsic adressé à Kuruzovic, P7122. La
16 Défense a également évoqué les cellules de Crise. Dans notre mémoire, nous
17 parlons de la coopération entre la VRS et les autorités civiles s'agissant
18 à la fois de façon générale et de façon plus spécifique de diverses
19 municipalités.
20 J'aimerais me concentrer sur un exemple précis fourni par la Défense. La
21 Défense s'appuie sur le témoignage de Basara pour indiquer qu'il n'était
22 pas membre de la cellule de Crise même s'il a assisté à pas mal de réunions
23 et que dans le journal personnel de Rasula il apparaît sur deux listes de
24 participants établies par la cellule de Crise qui ont été déposées au
25 dossier, et ce, en dépit du fait que trois autres soldats de la 6e Brigade,
26 Nikolic, Boro Tadic, et Nenad Davidovic, étaient également membres de la
27 cellule de Crise. Les cellules de Crise fonctionnaient - comme nous l'avons
28 montré dans ce passage de notre mémoire en clôture - en tant qu'organes de
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1 coordination qui apportaient leur concours aux organes serbes plus
2 importants pour travailler à leur côté au sein d'une municipalité. Vous
3 avez entendu un responsable du comité de la RAK, président du comité et
4 membre de la cellule de Crise, et vous avez également entendu parler des
5 autres dirigeants des principales institutions de la RAK, de l'armée, du
6 judiciaire, du bureau du procureur, de la police, qui prenaient la
7 direction des activités dans leur zone de responsabilité dans ce cadre.
8 Je vais maintenant parler en quelques mots de la police. Le MUP de la
9 Republika Srpska a joué un rôle critique avec la VRS dans la mise en œuvre
10 de la campagne de nettoyage. Le personnel du MUP de la Republika Srpska a
11 déplacé des populations au sein d'un certain nombre de camps dans le cadre
12 du système et a participé avec les forces de la VRS à des opérations
13 brutales de nettoyage ethnique dans un certain nombre des municipalités
14 mentionnées à l'acte d'accusation. Le ministre Stanisic dit que
15 l'organisation de la VRS et du MUP ne faisait qu'un, il s'agissait donc
16 d'une force indivisible. Nous le voyons dans la pièce P2724 [comme
17 interprété], page 2. Et nous trouvons mention de cela à Prijedor, où le
18 chef du service de Sécurité, Simo Drljaca, a mis en place la "coopération
19 entre le MUP et la VRS," pièce P7211.
20 La Défense, pour sa part, s'efforce de reporter la responsabilité sur les
21 unités du MUP de la Republika Srpska pour un certain nombre de crimes en
22 contestant leur resubordination. Il s'agit de crimes qui ont été commis
23 dans le cadre d'un tout. Je ne vais pas rentrer dans le détail des auteurs
24 en donnant l'identité de chacun d'entre eux. Mais dès lors qu'il y avait
25 resubordination - nous allons parler de cela, par exemple, au paragraphe
26 247 de notre mémoire en clôture - eh bien, un certain nombre de témoins de
27 la Défense, membres du MUP, comme Mile Matijevic, Mane Djuric et Milenko
28 Karisik, ont établi clairement que la pratique générale consistait pour
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1 leurs unités à être resubordonnées vis-à-vis du commandement de la VRS
2 pendant les opérations conjointes. Ils ont confirmé un certain nombre
3 d'incidents spécifiques liés à cette resubordination. Ils ont également
4 confirmé qu'après une action, ils rendaient compte en remontant la chaîne
5 de commandement. Donc, il ne s'agit pas d'incidents isolés ou de la
6 responsabilité d'un crime ici ou là, des crimes commis pendant les
7 opérations. Mladic était responsable, dans tous les cas, de tous les crimes
8 que l'un des membres de l'entreprise criminelle commune à laquelle il
9 participait a commis en se servant de la resubordination à cette fin, mais
10 le dossier montre grâce à des éléments de preuve que la resubordination
11 était la pratique générale clairement établie.
12 Parlons maintenant des militaires. Au début, lors des premières réunions de
13 l'état-major principal, Mladic, Milovanovic et d'autres officiers de
14 l'état-major principal sont convenus que tous les paramilitaires qui le
15 souhaitaient pouvaient être réincorporés dans la chaîne de commandement de
16 la VRS. La VRS, comme Milovanovic l'a dit dans sa déposition, "les
17 commandants, les grands chefs de ces forces paramilitaires, parlaient avec
18 eux et leur demandaient d'être placés sous commandement de la VRS." Comme
19 il l'a dit dans sa déposition, "ces initiatives ont été bienvenues dès le
20 mois de septembre," page 16 899 du compte rendu d'audience.
21 Un certain nombre de paramilitaires ont alors été incorporés dans la chaîne
22 de commandement de la VRS. Vous avez entendu qu'à partir du moment où ils
23 étaient incorporés, les plus hauts officiers de la VRS, leurs supérieurs
24 dans la hiérarchie, étaient responsables de leur comportement. Ceci est
25 indiqué, par exemple, à la page 5 017 du compte rendu d'audience. Prenons
26 un exemple, la Défense laisse entendre au paragraphe 3 366 de son mémoire
27 en clôture que les paramilitaires, tels que le "voïvode Alexis", n'ont pas
28 été incorporés. Il est clair que les mots voïvode Alexis font référence à
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1 Slavko Aleksic, qui a joué un rôle très pertinent, comme l'indique le
2 compte rendu d'audience en page 18 421 [comme interprété]. C'était l'un des
3 hommes de Seselj --
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je vous demander de vérifier votre
5 référence pour ce qui est du paragraphe 3 366 dans le mémoire en clôture de
6 la Défense. Il s'agit seulement de deux lignes, 33 -- oh, peut-être que
7 non. Permettez-moi de vérifier. Peut-être que c'est moi qui ai commis cette
8 erreur.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Traldi, à la page 24, ligne
10 15, vous avez mentionné qu'il était l'un des hommes de Seselj, puis vous
11 avez dit une phrase qui n'a pas été consignée au compte rendu. Pourriez-
12 vous la répéter, s'il vous plaît.
13 M. TRALDI : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Je vais reprendre à
14 cet endroit-là.
15 Seselj, pièce P4013, explique que tous ses hommes étaient placés sous le
16 commandement de la VRS. Le Témoin de la Défense Radomir Maksimovic,
17 officier du Corps Sarajevo-Romanija, a confirmé, pages du compte rendu 26
18 815 à 26 816, qu'Aleksic faisait partie du Corps Sarajevo-Romanija et
19 agissait conformément aux instructions du commandement du corps. Et le
20 Témoin de la Défense Zdravko Salipur a dit dans son témoignage pour ce qui
21 est d'Aleksic, je cite :
22 "Je sais avec certitude que l'unité qu'il commandait faisait partie de la
23 VRS en tant qu'une compagnie. C'est certain qu'ils faisaient partie de la
24 VRS en tant qu'une formation militaire."
25 C'est la page du compte rendu 37 452 à 53.
26 Ils ont affirmé de la même façon au paragraphe 1 432 que Mladic n'avait pas
27 le contrôle sur les paramilitaires à Rogatica. Mais le chef de l'état-major
28 de la Brigade de Rogatica, Ujic, a admis qu'au sein de sa brigade il y
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1 avait des paramilitaires, page du compte rendu 26 980.
2 La Défense attribue à Mladic des mesures prises par la VRS contre certains
3 groupes paramilitaires, paragraphes 745 à 753 de notre mémoire en clôture.
4 Dans la pièce P2931, Karadzic indique clairement que les membres de
5 l'entreprise criminelle commune n'avaient jamais eu l'intention d'engager
6 des poursuites au pénal contre les paramilitaire qui étaient subordonnés au
7 commandement de la VRS pour les crimes qu'ils avaient commis contre les
8 non-Serbes.
9 Ici, il s'agit d'un officier de la VRS qui glorifie le rôle des
10 paramilitaires pour ce qui est du déplacement des non-Serbes. Il s'agit de
11 Miladin Prstojevic, colonel du Corps de la Drina, qui a dit, je cite :
12 "Avec l'arrivée des organisations paramilitaires dans la municipalité
13 de Zvornik, en particulier depuis l'arrivée d'Arkan et de ses hommes, ce
14 territoire était libéré des Turcs. Sur le territoire de cette municipalité,
15 il y avait 60 % des Turcs, et aujourd'hui il n'y en a plus. C'est un
16 territoire nettoyé, il n'y a que des Serbes ethniques qui y vivent."
17 Comme nous avons déjà dit, les mesures contre les paramilitaires
18 n'avaient rien à voir avec le désaccord pour ce qui est de l'objectif
19 commun; ils ne devaient qu'assurer le fonctionnement de la chaîne de
20 commandement. Et comme Karadzic a dit dans la pièce P2931, cela ne
21 concernait pas les paramilitaires qui avaient été subordonnés à la chaîne
22 de commandement.
23 La contribution d'Arkan ainsi que la contribution d'autres organes
24 basés à Belgrade à la mise en œuvre de l'entreprise criminelle commune,
25 tels que la JNA, la VJ et la Sûreté de l'Etat de Serbie, étaient organisées
26 par Slobodan Milosevic, membre de l'entreprise criminelle commune. Lorsque
27 Mladic a été nommé commandant de la VRS à la date du 12 mai, Milosevic
28 avait déjà pris le contrôle de la JNA, du MUP de la Serbie et de la
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1 présidence de la RSFY; il a contribué de façon significative à l'armement
2 et à la formation des forces serbes qui procédaient au nettoyage ethnique
3 en Croatie; il a lancé la transformation de l'armée qui, et j'ai déjà dit
4 cela hier, a mené à la création de la VRS; et a participé à la réunion à
5 laquelle Mladic, qui était précédemment officier de la JNA sous son
6 contrôle, a été nommé chef de la VRS; et partageait les objectifs des
7 dirigeants des Serbes de Bosnie, notamment l'objectif consistant à créer un
8 Etat serbe ethniquement homogène, ce qui incluait la grande partie de la
9 Bosnie-Herzégovine et exigeait le déplacement forcé des non-Serbes des
10 régions ciblées.
11 Donc, il a contribué à la réalisation de ces objectifs par sa
12 participation à la réunion avec Tudjman en 1991 concernant la division de
13 la BiH entre les Serbes et les Croates et par ses déclarations à Milan
14 Babic selon lesquelles il ne devait pas "empêcher" Karadzic d'expulser les
15 Musulmans de Bosnie vers les vallées de rivière pour relier entre eux les
16 territoires serbes. Et ces mêmes objectifs partagés sont indiqués en
17 décembre 1993, lorsque Milosevic a rencontré Mladic, Karadzic, Krajisnik,
18 Mico Stanisic, Jovica Stanisic et d'autres dirigeants de la RS et de la
19 Serbie. Cette réunion s'était tenue à Belgrade. Dans les notes de Mladic,
20 on peut voir que ce groupe a discuté des objectifs stratégiques et d'une
21 opération militaire future. Et Milosevic, ce qui a été montré, qu'il avait
22 le contrôle et qu'il apportait de l'aide à la VJ, a été d'accord en
23 ajoutant, je cite : "Le général Perisic fera tout pour que l'aptitude au
24 combat ne soit pas comprise." Il s'agissait de son autorité concernant le
25 soutien militaire fourni par la VJ.
26 Et les moyens de preuve sont énumérés aux paragraphes 516 à 520 de
27 notre mémoire en clôture. Cela montre que beaucoup de temps après que
28 Milosevic ait commencé à essayer de s'attirer les faveurs de la communauté
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1 internationale en leur disant qu'il condamnait les crimes commis par la
2 VRS, il a continué à fournir le soutien militaire par rapport auquel
3 Harland a expliqué qu'il permettait aux Serbes de Bosnie de continuer leur
4 campagne de nettoyage ethnique. C'est la pièce P1.
5 Et bien que plus tard pendant la période couverte par l'acte
6 d'accusation Milosevic ait été parfois en désaccord avec les dirigeants des
7 Serbes de Bosnie par rapport à la taille du territoire qui devait saisir et
8 continuer à les assister, ces désaccords ou divergences ne nient pas son
9 engagement à réaliser l'objectif commun.
10 Aux paragraphes 818 à 822, la Défense affirme que nous n'avons pas
11 fourni suffisamment de moyens de preuve pour ce qui est des membres de
12 l'entreprise criminelle commune. M. Tieger a parlé du président Karadzic
13 plus en détail et j'ai parlé de Milosevic. Mais pour ce qui est d'autres
14 membres de l'entreprise criminelle commune, nous en parlons aux paragraphes
15 499 à 528 de notre mémoire en clôture.
16 Maintenant, je vais passer à certaines questions concernant les chefs
17 d'accusation concrets. Ce sont les chefs 7 et 8 de l'acte d'accusation,
18 concernant la déportation et le transfert forcé. Pour ce qui est de toutes
19 les municipalités, la Défense a essayé d'expliquer le départ de tous les
20 non-Serbes comme étant de leur plein gré. Lorsqu'on se penche sur les
21 moyens de preuve cités par la Défense, nous pouvons voir que les gens qui
22 fuyaient n'avaient pas le choix. Ces gens étaient victimes de transfert
23 forcé.
24 Par exemple, au paragraphe 2 386 [comme interprété] de leur mémoire
25 en clôture, la Défense cite la pièce P6568, paragraphe 10, pour montrer que
26 les Musulmans de Bosnie auraient voulu quitter Pale de leur plein gré "sans
27 entrave et de façon organisée." Nous voyons ici une proposition par les
28 citoyens musulmans des municipalités de Pale et de Koran transmise à la
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1 cellule de Crise de Pale. Dans la ligne suivante de cette proposition, et
2 cette ligne est cruciale, on peut voir pourquoi les Musulmans voulaient
3 partir, je cite :
4 "Pour des raisons d'abus, d'arrestations illicites exclusivement aux
5 Musulmans, cambriolages des appartements avec effraction, désarmement des
6 policiers musulmans, saisie des armes personnelles ayant un permis de
7 port."
8 Vous avez entendu des témoignages selon lesquels tous les policiers
9 musulmans ont été licenciés à Pale quelques jours avant cela.
10 Et les Musulmans de Pale voulaient partir puisqu'ils étaient
11 persécutés. C'est un exemple de situation où les gens n'avaient pas
12 réellement le choix. Comme nous avons déjà dit dans notre récit concernant
13 Pale, les persécutions ont escaladé, et deux membres de la présidence des
14 Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic et Nikola Koljevic, à ce moment, ont
15 réaffirmé - publiquement dans le cas de Karadzic, et dans le cas de
16 Krajisnik [comme interprété] c'était devant un groupe de Musulmans qu'il
17 l'a dit - que les Musulmans étaient indésirables à Pale. Puis, le reste des
18 Musulmans sont partis par la suite à bord de convois, et c'était en début
19 juillet 1992.
20 La Défense affirme que les gens de Kotor Varos partaient de leur
21 plein gré, comme c'était confirmé par le témoignage d'un témoin, je cite :
22 "Nous n'avions pas de possibilité de survivre à Kotor Varos." C'est P3303.
23 Et de même, à Sokolac, la Défense a cité la pièce P6639, un rapport de la
24 2e Brigade de Romanija, rapport du commandant Krstic du 4 août 1992, où il
25 a dit que les Musulmans du village de Parzevici ont été déportés "à la
26 demande explicite des Musulmans." Mais ils ont omis ce qui figure dans le
27 document concernant ce qui s'était passé à Sokolac, fin juillet et début
28 août 1992, et que cela a continué à Novoseoci, dont j'ai parlé hier, après
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1 la demande des villageois de Parzevici au début du mois de juillet. La
2 brigade de Krstic attaquait des villages de Musulmans en les détruisant, en
3 détruisant leurs lieux de culte. C'est aux paragraphes 11 et 12 de notre
4 résumé concernant Sokolac. Et, bien sûr, à ce moment-là, des mois après que
5 les Musulmans avaient été licenciés à Sokolac, y compris les policiers
6 musulmans, la 2e Brigade de Romanija détruisait des villages musulmans, et
7 certains villageois pensaient qu'il était mieux pour eux de quitter ces
8 villages. Et Tucker a expliqué qu'une campagne de nettoyage ethnique
9 similaire en Bosnie orientale au début de 1993 a poussé les villageois
10 musulmans de fuir leurs domiciles. Des observateurs militaires des Nations
11 Unies ont vu des villages qui étaient pilonnés et attaqués par
12 l'infanterie. Donc, les villageois savaient que le nettoyage ethnique se
13 passerait et "ils partaient avec ce qu'ils pouvaient porter entre les
14 mains, ils fuyaient les forces des Serbes de Bosnie."
15 Et la VRS voulait que ce départ soit permanent. L'état-major principal a
16 noté, le 30 mai 1993, après la mise en œuvre de la directive 4, que "les
17 forces musulmanes de la Podrinje étaient démantelées. La majorité de leur
18 population fuyait." Et ils ont remarqué que les problèmes majeurs des
19 opérations futures de la VRS étaient les problèmes liés à "la prévention de
20 la population musulmane de rentrer dans des villages précédemment
21 abandonnés."
22 Au paragraphe 813, la Défense a cité le témoignage de Boro Tadic, qui a nié
23 que la VRS appliquait la politique visant à déplacer de façon permanente
24 les Musulmans et les Croates en faisant abstraction du fait que la cellule
25 de Crise de Sanski Most, dont il était membre, demandait que des gens de
26 Sanski Most quittent Sanski Most. C'est P3256. Et c'était prévu comme un
27 objectif militaire. Et il y a également le témoignage de Tolimir pour ce
28 qui est de l'importance de prévenir que les non-Serbes rentrent chez eux.
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1 C'est P6723. Et il y a beaucoup de moyens de preuve concernant la politique
2 mise en œuvre par les membres de l'entreprise criminelle commune dont on a
3 parlé dans notre mémoire en clôture, et M. Tieger a fait référence à cela
4 hier.
5 Et la Défense affirme qu'il s'agissait des opérations de combats légitimes,
6 mais les moyens de preuve montrent encore une fois que la façon è laquelle
7 la VRS menait ses opérations était destinée de nettoyer ces régions
8 ciblées, comme Mladic a demandé dans la directive 4, ou Andric dans son
9 ordre en mai 1992. Et le fait que des gens fuyaient la guerre faisait
10 partie de ce résultat des combats de la VRS et des décisions prises au
11 niveau stratégique, parce qu'ils considéraient toute la population comme
12 étant des ennemis. Donc, selon ces décisions stratégiques, il fallait
13 séparer la population en utilisant la force militaire et en commettant des
14 crimes.
15 L'une des façons les plus évidentes de le faire était la destruction des
16 lieux de culte. Les témoins serbes, notamment Predrag Radic, Milan Tupajic,
17 RM015, RM016 et RM513, ont tous dit dans leur témoignage que le message
18 visant à détruire les mosquées envoyé à des communautés des Musulmans de
19 Bosnie était de détruire les lieux où les Musulmans venaient pour prier, où
20 ils ont grandi, se mariaient, pleuraient leurs morts; le message qui disait
21 qu'eux-mêmes ainsi que leurs communautés n'étaient plus bienvenus. P4333,
22 pages du compte rendu 7 468 jusqu'à 7 470.
23 Maintenant, pour ce qui est de la politique mise en œuvre par les membres
24 de l'entreprise criminelle commune, donc, on peut voir que cela a été fait
25 au niveau de la république. On peut voir cela également dans la déclaration
26 de Mladic devant l'assemblée, je cite : "Nous ne pouvons pas permettre que
27 des mosquées à deux minarets" restent intactes dans la poche de Tesanj.
28 C'est P2508. Et vous pouvez voir également le même scénario, et c'est ce
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1 qu'a confirmé Riedlmayer dans son témoignage, en disant qu'il n'y avait pas
2 de mosquée qui était resté intacte après la guerre dans les municipalités
3 couvertes par l'acte d'accusation, page du compte rendu 17 933. Comme un
4 autre témoin a expliqué en disant :
5 "La destruction des mosquées avait pour but d'effacer toutes les traces de
6 l'existence des Musulmans dans cette région et d'intimider les Musulmans
7 restants pour qu'ils quittent la région. Le nettoyage ethnique était la
8 raison pour détruire des mosquées…"
9 La Défense cite le témoignage de Gojkovic, qui a essayé d'établir une
10 distance entre la VRS et la destruction des mosquées. Son témoignage n'est
11 pas fiable. Entre autres, il a admis qu'il n'a étudié que des photos
12 recueillies par l'expert de l'Accusation, Riedlmayer. Pour ce qui est des
13 sites pour lesquels Mladic est tenu responsable, il n'a pas expliqué ses
14 conclusions -- pour ce qui est des sites qui ont été détruits pendant les
15 combats et 84 après le départ de la VRS de cette région, c'est la
16 conclusion que la Défense cite dans son mémoire en clôture, au paragraphe
17 1156. En fait, Gojkovic a admis à la page du compte rendu 37 609 que
18 certains de ces sites ne tombaient dans aucune de ces deux catégories. Il a
19 repris la plupart, mais pas toutes les conclusions de Riedlmayer pour ce
20 qui est d'une mosquée de Srebrenica de façon à dissimuler la date de la
21 destruction et, de cette façon, il n'a pas souligné que la VRS avait le
22 contrôle de la région.
23 Nous allons maintenant passer aux chefs 4 et 6, extermination et meurtre.
24 Je vais commencer par l'extermination. La Défense dit que les différents
25 massacres ne peuvent pas faire l'objet d'éléments agrégés concernant les
26 différentes attaques et constituer une extermination. Deux choses que je
27 souhaite dire. Un certain nombre de massacres reprochés répondent aux
28 conditions d'extermination à grande échelle en tant que telles. Je ne vais
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1 pas vous fournir une liste complète, mais ceci comprend notamment
2 Biljepolje [phon], B16.2, le meurtre des prisonniers restants à Vlasenica à
3 la fin du mois de septembre 1992; annexe A3.3, le meurtre de plus de 200
4 Musulmans dans l'école de Biljani; annexe A4.4, le massacre de plus de 150
5 Musulmans détenus à l'école de Grabovica, comme j'en ai parlé ce matin; et
6 B13.1, le massacre de plus de 150 Musulmans dans le camp de Keraterm, dans
7 la pièce numéro 3.
8 Deuxièmement, la jurisprudence du Tribunal est très claire à cet effet,
9 différents faits constituant des meurtres peuvent être agrégés si ceux-ci
10 sont fondés sur une analyse au cas par cas des circonstances distinctes
11 dans lesquelles ceux-ci se sont produits et font partie d'une seule et même
12 opération. Par exemple, dans le cas qui nous intéresse, les meurtres dans
13 un seul camp peuvent être agrégés. Omarska et le KP Dom de Foca, par
14 exemple, peuvent être qualifiés comme des actes d'extermination sous cette
15 rubrique, puisqu'il s'agit, par exemple, de ce que, comme nous l'avons
16 indiqué dans notre mémoire en clôture, la liste des victimes, dans le
17 tableau comprenant les faits répertoriés, signifie que les meurtres en
18 masse comprennent Omarska et le KP Dom de Foca.
19 Je vais maintenant, finalement, aborder les questions des municipalités
20 individuelles; mais avant de faire cela, je souhaite indiquer clairement
21 qu'on ne reproche pas à Mladic d'avoir participé à une entreprise
22 criminelle commune conjointe dans chaque municipalité qui a fait l'objet de
23 nettoyage ethnique. Les crimes contre les populations musulmanes et croates
24 dans ces municipalités font partie d'une seule et même entreprise
25 criminelle commune visant à nettoyer ethniquement la région de la
26 population non-serbe au moyen de crimes massifs. Je vais me concentrer
27 maintenant sur la Bosnie orientale et la RAK, mais si la Chambre a d'autres
28 questions à poser au sujet du nettoyage ethnique des communautés non-serbes
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1 dans le secteur de Sarajevo, je suis prêt à répondre à ces questions-là
2 également.
3 Je vais commencer, donc, par la Bosnie oriental et Vlasenica. Grâce à la
4 campagne de nettoyage ethnique dirigée par Svetozar Andric, la Brigade de
5 Birac et les forces du MUP de la Republika Srpska sous le commandement de
6 la SJB Mane Djuric, à l'automne de l'année 1992, la population musulmane de
7 Vlasenica qui était restée sur place a été contrainte à partir et à se
8 rendre dans l'enclave de Cerska. Des membres des forces bosno-serbes à
9 Vlasenica ont reçu pour consigne d'incendier les maisons musulmanes pour
10 les empêcher de revenir. Les forces du MUP ont tué des Musulmans dans leurs
11 propres maisons. La politique était tout à fait claire, elle consistait à
12 nettoyer ethniquement tous les non-Serbes de cette municipalité, comme
13 l'illustre l'ordre donné par la Brigade de Birac, P466 et la décision de la
14 SAO, la Région autonome de Birac, P3737, aux fins de déplacer la population
15 musulmane de Birac. Les témoins de la Défense ont affirmé que les Musulmans
16 avaient été intimidés, harcelés, licenciés, désarmés et soumis à des
17 arrestations massives sur la base simplement de leur appartenance ethnique,
18 et donc ont quitté Vlasenica de leur plein gré; ces affirmations ne sont
19 tout simplement pas crédibles.
20 Nous avons indiqué que les éléments de preuve concernant le Corps de Susica
21 faisaient partie de cette campagne dans le tableau des faits répertoriés et
22 indiquent comment les détenus ont été retenus dans des conditions
23 terribles, frappés, violés, certains d'entre eux ont été tués. La Défense
24 fait valoir d'abord que Susica était un centre de transit humain, et
25 deuxièmement, que la VRS n'a pas commis ces crimes ou n'avait pas
26 connaissance des crimes qui ont été commis à cet endroit.
27 Comme vous avez pu constater au fil de ces deux jours, les mêmes témoins de
28 la Défense citent et prouvent notre thèse. Au paragraphe 1 666, ils
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1 affirment, par exemple, que :
2 "Les civils et les personnes avaient trouvé leur hébergement, et ont
3 traversé Susica, notamment des réfugiés."
4 Ce que les éléments de preuve disent en réalité c'est que :
5 "Il y avait des civils à Susica qui venaient des villages voisins, mais qui
6 ne sont pas venus de leur plein gré. Il y a eu quelques cas de personnes
7 qui sont venues de leur plein gré, mais un très grand nombre de civils, des
8 hommes et des femmes, ont été fait prisonniers dans les villages voisins et
9 dans la ville elle-même, et on les a fait venir à Susica."
10 Donc de dire que Susica était un endroit humain, en ignorant les éléments
11 de preuve sur des crimes massifs et brutaux qui ont été commis à cet
12 endroit, des femmes ont été violées dans la maison de gardien, CR 5346,
13 5347, des prisonniers ont été frappés à mort, et les conditions de
14 détention étaient fort difficiles. La Défense fait valoir que la VRS
15 n'était pas au courant des crimes commis à Susica, ignorant même les
16 éléments de preuve de leur propre témoin, Mane Djuric, qui a témoigné à la
17 page du compte rendu d'audience 27 709, et a dit que la VRS n'était pas au
18 courant des passages à tabac et des meurtres qui ont été commis à cet
19 endroit, et ils ne tiennent pas compte des éléments non contestés qui
20 précisent que le commandant du Bataillon de Vlasenica savait, était au
21 courant et avait ordonné le massacre, mais avait demandé à ce que ceci soit
22 dissimulé, fin septembre 1992.
23 J'ai parlé du massacre de Drum également reproché au fait répertorié A1.9
24 [comme interprété]. Il s'agit simplement d'un exemple d'une opération de
25 nettoyage conjointe entre la VRS et le MUP de la Republika Srpska. Nous
26 renvoyons à notre mémoire en clôture à Djuric qui a expliqué comment de
27 telles opérations ont fonctionné à Vlasenica. Le P3391 et le P182 ont
28 identifié des soldats de la VRS ainsi que du personnel du MUP de la
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1 Republika Srpska, comme faisant partie des attaquants; P7352, il s'agit du
2 rapport de la Brigade de Birac, qui renvoie au fait que la brigade a
3 atteint Drum et Gradina, qui a été nettoyé au cours de la même opération, à
4 la fin du mois de mai, au début du mois de juin 1992 lorsque cette
5 opération a été menée.
6 A l'instar de Vlasenica, Foca est devenue quasiment entièrement serbe
7 pendant la guerre. Comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, il y a
8 une transformation choquante des données démographiques concernant cette
9 municipalité. En 1992, Mladic a noté que Foca comprenait 99 % de Serbes.
10 P355, page 66. Cette transformation, que des membres de l'entreprise
11 criminelle commune ont fêtée à maintes reprises, Karadzic et Krajisnik, a
12 été réalisée par le biais d'une opération de nettoyage ethnique à grande
13 échelle comprenant notamment la détention et le mauvais traitement de
14 milliers de non-Serbes au KP Dom de Foca et par le biais d'un scénario
15 particulièrement brutal de violence sexuelle contre les quelques femmes
16 musulmanes qui étaient restées à Foca. Les conséquences de cette campagne
17 ont été dévastatrices : des centaines de prisonniers du KP Dom ont été
18 massacrés. Comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire en clôture, le
19 Groupe tactique de Foca, à commencer par les unités du SDS en 1991 et ont
20 été intégrés à la VRS en juin 1992. Un des commandants du SDS qui a
21 organisé les unités de la Défense territoriale de Foca ont été intégrés à
22 la VRS TG de Foca, c'est Marko Kovac et Pero Elez et son unité qui, d'après
23 la Défense, et la Défense l'admet, sont responsables de nombreux crimes
24 graves commis dans la municipalité de Foca et Kalinovik. La Défense tente
25 de se distancer de Mladic par rapport à ces crimes, mais en niant que Elez
26 a été intégré à la VRS. Mais les éléments de preuve sont clairs, à savoir
27 qu'Elez a été un des subordonnés de Mladic lorsqu'il a commis ces crimes.
28 Par exemple, le TG de Foca, nous avons un ordre qui est daté du 6 juillet
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1 1992, un ordre donné par Mladic, et qui ordonne à la Foca de TG "d'attaquer
2 l'axe général Ustikolina-Gorazde, en accomplissant les tâches suivantes :
3 d'encercler l'ennemi autant que faire se peut le long de l'Osanice, la
4 Drina, et le village de Ilovaca."
5 Ici, nous voyons un passage d'un ordre du commandant de TG de Foca, Marko
6 Kovac, qui est daté du lendemain. Si nous regardons le point 2, nous
7 constatons que Kovac ordonne à la TG de Foca d'attaquer "dans la direction
8 générale d'Ustikolina-Gorazde, ayant pour tâche d'engager le plus possible
9 les forces ennemies le long du front qui se trouve au niveau du village
10 d'Osanica, à la confluence de la Drina et du village d'Ilovaca."
11 En somme, il exécute l'ordre de Mladic.
12 Ici, vous pouvez constater qu'à la page 3, l'ordre de Kovac, je cite,
13 "du Bataillon de l'armée serbe de Miljevine", que le témoin de la Défense
14 Pljevalcic, a confirmé qu'il s'agissait de l'unité même d'Elez. Page du
15 compte rendu d'audience 27 221. Donc Elez faisait très clairement partie de
16 la chaîne de commandement de Mladic.
17 Alors un peu plus bas sur cette page, il est fait un renvoi au
18 détachement de Dragan Nikolic, placé sous le commandement de Brane Cosovic.
19 Juste avant que cet ordre ne soit donné, et après que Kovac ait prit le
20 commandement du TG de la Foca, des membres de ce détachement avaient
21 massacré un groupe de civils musulmans qui se cachait dans les bois, près
22 du village de Mjesaja.
23 Pouvons-nous passer quelques instants à huis clos partiel, s'il vous
24 plaît.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons passer à huis clos
26 partiel.
27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
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17 [Audience publique]
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
19 M. TRALDI : [interprétation] Comme nous l'avons indiqué dans notre résumé
20 sur Foca et notre tableau sur les faits rapportés, le KP Dom a été dirigé
21 conjointement par la VRS et le ministère de la Justice. De nombreux détenus
22 ont été violentés et de nombreux détenus ont été tués. La Défense fait
23 valoir que les conditions au KP Dom étaient parfaites, et si cela n'était
24 pas le cas, c'est qu'il n'y avait pas suffisamment d'approvisionnements. Si
25 les détenus étaient passés à tabac, eh bien, c'est qu'il y avait des
26 paramilitaires et, donc, des personnes incontrôlées. Ce qui illustre les
27 éléments de preuve portant sur les actes criminels commis au KP Dom. La
28 Défense note au paragraphe 1 530 qu'un témoin a réussi à échapper aux
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1 passages à tabac lors de sa détention, comme l'indique le témoignage de cet
2 homme. Et de nombreux éléments de preuve indiquent qu'il y a eu des
3 passages à tabac graves et des meurtres d'autres détenus.
4 Kalinovik, maintenant. Souvenez-vous de ces Musulmans à propos
5 desquels la Défense affirme fièrement que Mladic a dit qu'ils n'avaient pas
6 dû être chassés ou n'ont pas été noyés parce qu'ils ont été neutralisés
7 d'une façon différente. Comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, et
8 grâce à la campagne de nettoyage dirigée par le Groupe tactique de
9 Kalinovik de la VRS, au mois de septembre 1992, la population de plusieurs
10 milliers de Musulmans de Kalinovik avait disparu. La Défense tente
11 d'écarter la responsabilité de la VRS pour cette campagne, mais ceci est
12 sans fondement.
13 Comme à Foca, la Défense tente d'exonérer Mladic de ces crimes, parce
14 qu'elle refuse d'accepter qu'Elez était intégré à la VRS et que l'unité
15 d'Elez à Kalinovik était responsable des terribles crimes qui y ont été
16 commis. Par exemple, quelques jours avant le crime, Elez a rencontré Mladic
17 personnellement, P353, page 394. Et tout de suite après, son unité a
18 participé à des opérations de la VRS ayant pour but de prendre le contrôle
19 du couloir de Rogoj, et ceci faisait partie du Groupe tactique de Foca,
20 P6684. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute qu'Elez était intégré à l'époque
21 où le crime a été commis.
22 De même, la Défense reconnaît que l'unité d'Elez a participé à des
23 crimes contre des détenus dans l'école Radojevic Miladin. Les éléments
24 montrent que ces crimes -- qu'Elez était intégré à la VRS.
25 Les prisonniers que l'unité d'Elez a massacrés ont été sortis d'un
26 dépôt de munitions dans la caserne du Kalinovik TG à Jelasacko Polje. Les
27 détenus ont été détenus dans des conditions inhumaines et ont fait l'objet
28 de traitements inhumains régulièrement. La Défense allègue que le MUP de la
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1 RS n'était pas responsable de la détention et que la VRS "n'était même pas
2 là dans ce dépôt", a cité Fejzija Hadzic dans sa déposition. Non seulement
3 Hadzic n'a pas dit que la VRS n'était pas présente, il a clairement
4 identifié le commandant de ce centre, Djordjislav Askraba. P7748 montre
5 qu'Askraba a été détaché auprès de la VRS par le MUP de la Republika Srpska
6 pendant la période qui nous intéresse. De même, au paragraphe 1 592, la
7 Défense cite la pièce P4073, page 4, pour laisser entendre que le MUP de la
8 RS détenait des hommes musulmans à l'école élémentaire Kalinovik, et
9 ensuite les a transférés à la prison militaire lorsque le commandant de la
10 TG de Kalinovik a pris en charge la sécurité de ces hommes. Les éléments de
11 preuve montrent aux paragraphes 12 et 13 que le résumé Kalinovik indique
12 clairement que la prison militaire citée dans la pièce P4073 correspondait
13 à ce dépôt qui se trouvait dans la caserne de Jelasacko Polje, un dépôt de
14 munitions.
15 La Défense laisse entendre qu'aucun plan n'avait été élaboré pour
16 chasser les Musulmans de Kalinovik, et c'est la raison pour laquelle,
17 lorsqu'ils sont partis, "c'était malheureux, mais c'était simplement la
18 conséquence de la guerre." Lors des opérations de nettoyage qui se sont
19 déroulées au début du mois d'août, ces détenus ont donc été maltraités. De
20 nombreux détenus ont été massacrés. Et ensuite, le schéma s'est reproduit à
21 Kalinovik ainsi que dans d'autres municipalités sur l'ensemble du
22 territoire de la Bosnie-Herzégovine.
23 Je vais maintenant finalement parler de la RAK. Je vais parler de
24 cette question juste avant la pause. Bon nombre de personnes ont été
25 déplacées de la RAK et ont été détenues à Manjaca. Cela faisait partie d'un
26 processus qui finalement a conduit à leur déplacement. La Défense avance
27 qu'à certains moments le rôle de la VRS dans le fait de capturer ces hommes
28 à Manjaca, leur transport, et cetera, était important.
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1 Des détenus à l'école de Kikic à Sanski Most ont été rassemblés par
2 les forces serbes lors de l'opération de nettoyage menée par la VRS dans la
3 municipalité à la fin du mois de mai 1992. Des groupes ont été emmenés à
4 l'école par des soldats de la VRS, confer la pièce P3246, y compris la
5 police militaire et des membres du SOS qui opéraient sous le commandement
6 de la VRS à l'époque. Le 6 juin, ils ont été transférés à Manjaca. D'après
7 les documents de la cellule de Crise, ce transfert a été coordonné par le
8 chef de la sécurité et du renseignement du 1er Corps de Krajina, le colonel
9 Stevilovic. Lorsqu'ils sont arrivés à Manjaca, certains d'entre eux ont
10 fait subir des mauvais traitements aux détenus. Ils ont massacré plusieurs
11 d'entre eux, notamment Danilusko Kajtez, un membre du SOS qui intervenait
12 au nom de la 6e Brigade à l'époque. Les éléments le montrent aux
13 paragraphes 28, 29 de notre résumé sur Sanski Most et les faits répertoriés
14 dans le tableau B1.11 [comme interprété].
15 Donc, les unités de la VRS ont rassemblé de nombreux détenus. La VRS
16 a coordonné leur transfert à Manjaca avec les autorités civiles de Sanski
17 Most. Les soldats de la VRS les ont maltraités lorsqu'ils sont arrivés et
18 en ont massacré certains. Lorsque la VRS a continué à détenir des personnes
19 de Sanski Most, elle savait pertinemment qu'il s'agissait essentiellement
20 de civils, et ce, pendant des mois. Donc, la VRS savait certainement qu'ils
21 étaient arrivés au camp et savait également qu'ils avaient subi des mauvais
22 traitements. On constate la même chose dans d'autres municipalités de la
23 RAK. Des détenus ont été transférés de Prijedor, rassemblés, et cela
24 faisait partie des opérations de nettoyage. Des détenus à Kljuc, à la fin
25 du mois de juin, ont été envoyés à Manjaca et dans des centres de détention
26 depuis leurs municipalités d'origine.
27 J'en ai terminé. Nous allons avoir la pause.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous êtes dans les temps ?
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1 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
2 M. TRALDI : [interprétation] Je crois que oui.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez vérifier, je vous prie, si
4 c'est objectif ou pas, si c'est tout à fait clair.
5 Nous allons avoir une pause et nous allons reprendre à midi 15.
6 --- L'audience est suspendue à 11 heures 52.
7 --- L'audience est reprise à 12 heures 19.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur Traldi.
9 M. TRALDI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
10 La campagne de nettoyage a atteint son paroxysme dans la violence à
11 Prijedor. Avant la guerre, comme le montrent les preuves, Prijedor était
12 une communauté dynamique avec plus de 50 000 non-Serbes, P7029; un symbole
13 de fraternité et d'unité dans la région, Radulj; le dernier endroit où l'on
14 pensait qu'un conflit ethnique pouvait survenir, RM065. Après l'effroyable
15 campagne de nettoyage menée par la 43e Brigade et le SJB de Prijedor, comme
16 Radulj l'a reconnu, ce symbole de fraternité et d'unité n'existait plus.
17 Arsic, Zeljaja et Drljaca, leurs forces sont arrivées à ce résultat par le
18 biais d'une destruction généralisée des villages croates et musulmans, les
19 maisons, les mosquées et les églises catholiques, en tuant plus de 1 500
20 Musulmans et en arrêtant des milliers dans des conditions inhumaines et
21 brutales.
22 Les deux parties ont présenté des moyens de preuve au sujet de Prijedor, et
23 je vais approfondir cela pour conclure ma partie de cet exposé.
24 A l'époque où la VRS a été formée, les autorités de Prijedor, avec la JNA
25 et l'état-major du SJB de Prijedor, avaient pris le contrôle des organes du
26 gouvernement et pris le pouvoir dans ce que Mandic a reconnu être une mise
27 en œuvre du deuxième niveau de la variante B. Quelques jours avant la
28 transformation officielle de la JNA en VRS, la 43e Brigade de la VRS a mené
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1 des attaques contre les communautés musulmanes et croates de Prijedor. Des
2 milliers de personnes ont trouvé la mort lors des opérations de nettoyage
3 et dans les camps de Prijedor.
4 Les attaques initiales, qui ont commencé vers le 23 mai 1992, ont été
5 menées sur les villages de Hambarine et de Kozarac. Il s'agissait de
6 niveaux de commandement élevés et coordonnés. La 43e Brigade a présenté un
7 rapport au commandement du corps au sujet du "ciscenje" de Hambarine, P3946
8 [comme interprété], page 139; et Kelecevic l'a confirmé, compte rendu
9 d'audience page 37 253. Et Kelecevic a reconnu que lors du nettoyage,
10 Hambarine a fait l'objet de pilonnage massif et des civils musulmans ont
11 été tués, compte rendu d'audience 37 254. Un survivant a expliqué à quoi
12 ressemblait le terrain. Pilonnage constant, des populations cachées dans
13 les caves, les avions qui survolaient les lieux, et les autres civils qui
14 fuyaient alors que l'infanterie pilonnait les domiciles privés à l'aide de
15 tanks et les incendiaient, P3243, page 7.
16 Dans la pièce P7364, page 2, on décrit le but de l'attaque, la
17 punition des habitants de Hambarine à la suite d'un incident comportant des
18 armes au poste de contrôle de Hambarine.
19 La 43e Brigade était en contact avec le commandement du corps pour préparer
20 l'attaque de Kozarac. Zeljaja a prévu que plus de 1 000 Musulmans
21 trouveraient la mort. Talic a fait rapport à Milovanovic, lui signalant que
22 Kozarac était encerclée, faisait l'objet d'un blocus et tomberait le
23 lendemain, P7475. La VRS a pilonné et attaqué Kozarac ensuite pendant deux
24 jours. Un nombre important de Musulmans ont été tués, comme le Témoin de la
25 Défense Javoric l'a reconnu. Ensuite, au paragraphe 281 de notre tableau
26 des faits répertoriés en annexe pour Kozarac, les preuves montrent qu'un
27 nombre important de ces Musulmans tués étaient soit des civils, soit des
28 personnes hors de combat.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Traldi, à la page 4, ligne 1,
2 je pensais que vous aviez indiqué le nombre de personnes tuées. Avant la
3 phrase : "Comme Javoric l'a reconnu…"
4 M. TRALDI : [interprétation] J'avais dit que Zeljaja avait prévu que 1 000
5 personnes trouveraient la mort.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ça, c'était plus tôt.
7 M. TRALDI : [interprétation] Et Javoric a reconnu -- ah, je pense que j'ai
8 dit juste un nombre important. C'est cela qu'il a avoué. Je ne pense pas
9 qu'il ait précisé de nombre particulier.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.
11 M. TRALDI : [interprétation] L'agent de la CSB de Banja Luka Radulovic a
12 décrit cette action comme une "opération typique militaire de terre
13 brûlée," P3207, paragraphe 85.
14 Et effectivement, le 26 mai, le CSB de Banja Luka a présenté un rapport au
15 MUP de la RS au sujet de Hambarine et de Kozarac :
16 "Plusieurs centaines d'habitants de ces villages ont été tués ou blessés
17 lors de ces attaques" - P3434 - "et des milliers d'autres personnes ont été
18 rassemblées et arrêtées."
19 Quelques jours plus tard, un groupe de Musulmans a cherché à reprendre la
20 ville de Prijedor. Zeljaja a appelé Talic et lui a dit qu'il "nettoyait
21 tout" et n'épargnerait ni les femmes ni les enfants. Un survivant a
22 expliqué, je cite, "c'est ce qu'il y a de plus proche de la réalité du
23 traitement des Musulmans et des Croates à Prijedor," P3273.
24 Ce jour-là, la VRS a détruit le quartier musulman de Stari Grad à Prijedor
25 et a rassemblé les civils qui vivaient là-bas. Deux jours plus tard, le 1er
26 Corps de la Krajina a indiqué que 7 000 non-Serbes avaient été arrêtés à
27 Prijedor, P2875.
28 Comme ils étaient regroupés, Talic a félicité la 43e Brigade par écrit pour
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1 ses opérations à Hambarine, Kozarac et Prijedor, alors que le 1er Corps de
2 la Krajina a signalé à l'état-major principal que :
3 "Les conscrits de nationalité musulmane avaient demandé à être libérés de
4 leurs unités car ils étaient mécontents de la destruction massive de leurs
5 villes," et notamment Kozarac.
6 P151, page 2.
7 Ces milliers de Serbes détenus ont dans un premier été détenus à Omarska,
8 Keraterm et Trnopolje. La Défense cherche à faire porter la responsabilité
9 aux autorités civiles pour exonérer Mladic de toute responsabilité, mais en
10 vain. Premièrement, la VRS a acheminé des milliers de détenus à Omarska,
11 Keraterm et Trnopolje. Le chef de l'état-major du 1er Corps de la Krajina,
12 Kelecevic, a reconnu que la VRS a emmené des nombres importants de
13 prisonniers vers ces centres, et on peut voir cela à la page 37 257 jusqu'à
14 la page 37 258 du compte rendu d'audience. Il y a d'autres preuves dans
15 notre récit sur Prijedor.
16 Le commandant de Trnopolje, Kuruzovic, a été incorporé à la VRS dans la 43e
17 Brigade, on en a déjà parlé, et les Serbes de Bosnie ont présenté des
18 rapports au sujet du système de camps tout en dissimulant les crimes, mais
19 ils reconnaissaient que Trnopolje était géré par la VRS.
20 La VRS a aidé à faire fonctionner Omarska et Keraterm en assurant une
21 sécurité extérieure et dans une certaine mesure intérieure. La police
22 militaire faisait partie des équipes d'interrogateurs qui essayaient de
23 sélectionner et de trier les détenus. Tout cela figure dans notre résumé
24 sur Prijedor.
25 Les crimes commis dans ces camps étaient horribles. Selon la Croix-Rouge
26 serbe, plus de 23 000 personnes, 8 000 chaque fois, y compris des femmes,
27 des enfants et des personnes âgées, étaient passés par Trnopolje en
28 septembre 1992, P7199. Ces personnes ont été soumises à des conditions et
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1 des traitements indicibles. Ils vivaient à l'extérieur dans des abris de
2 bâtons, de plastique et de couvertures, utilisaient des latrines qu'ils
3 avaient dû creuser eux-mêmes et essayaient de chercher tant bien que mal à
4 trouver à manger. Les soldats de la VRS ont violé les femmes et des petites
5 filles jusqu'à 12 ans. Kuruzovic lui-même s'est livré à des crimes
6 particulièrement brutaux de violence sexuelle. Les hommes étaient
7 interrogés de manière brutale, passés à tabac avec des battes de baseball,
8 des barres en fer, des crosses de fusil ou des pieds de table, on leur
9 tirait dessus, on les coupait avec des couteaux. Et il y a eu toute une
10 série d'autres sévices.
11 Keraterm était un camp de torture. Les détenus étaient cantonnés dans des
12 conditions inhumaines. Les détenus étaient passés à tabac de manière
13 brutale à l'arrivée, avant d'être enfermés dans des entrepôts pleins,
14 tachés de sang, avec insuffisamment d'espace. Ils étaient à même le sol,
15 des sols en béton. Les gardes et les soldats, en ce y compris les soldats
16 de la VRS dont on a parlé, Zigic et Knezevic, ont passé à tabac beaucoup de
17 détenus, certains d'entre eux y ont trouvé la mort, et d'autres soldats ont
18 violé des femmes détenues là-bas.
19 A Omarska, comme le dit P3414, les détenus craignaient la mort à chaque
20 minute, à chaque seconde. Ils avaient peur de mourir car ils savaient, ils
21 sentaient, ils entendaient, ils sentaient l'odeur de la souffrance infligée
22 par les actes criminels qui se comptaient par milliers et qui étaient
23 infligés à leurs codétenus. Les détenus voyaient les autres, voire des
24 membres de la famille, qui étaient humiliés, menacés de mort, passés à
25 tabac ou forcés à boire de l'huile mécanique. Les détenus voyaient et
26 entendaient des violences sexuelles. Ils avaient peur de faire leurs
27 besoins, d'utiliser les toilettes, parce qu'ils étaient passés à tabac
28 lorsqu'ils le faisaient. Des détenus étaient assassinés. Les Musulmans et
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1 les Croates, lorsqu'ils étaient des dirigeants politiques, intellectuels,
2 ou lorsqu'ils étaient de professions libérales, lorsqu'ils étaient
3 policiers, des hommes d'affaire, étaient particulièrement visés pour
4 liquidation. Les autres, qui ne présentaient aucun intérêt pour l'autorité,
5 n'étaient pas libérés, mais ceux qui avaient de la chance étaient
6 transférés et finalement expulsés.
7 Lors des interrogatoires, on passait les détenus à tabac, on leur cassait
8 des os. Ils étaient parfois tués. On entend les gémissements, les cris et
9 les pleurs de ceux qui souffraient. Les soldats de la VRS entraient dans le
10 camp et passaient à tabac, torturaient des détenus, en tuaient certains.
11 Certains détenus étaient obligés de déplacer les cadavres et les laisser
12 sur le gazon, près de la maison blanche, où ils étaient entassés au vu de
13 tous les autres détenus avant d'être emmenés. Une détenue, lorsqu'elle a
14 été interrogée au sujet des crimes contre sa famille, a dit :
15 "Ma vie a cessé en 1992 et ma souffrance ne se terminera jamais."
16 P3242, compte rendu d'audience 6237 et 6254.
17 Enfin, j'aimerais que nous parlions précisément de la semaine écoulée entre
18 les 20 et 25 juillet 1992, date du nettoyage ethnique de Prijedor qui, à ce
19 moment-là, comme nous l'établissons dans notre mémoire en clôture, a
20 atteint un point particulièrement grave.
21 Avant d'entrer dans les détails au sujet des éléments de preuve concernant
22 cette semaine-là, la Défense déclare qu'aucun personnel de la VRS n'a
23 participé aux enterrements de personnes tuées pendant la semaine du 20
24 juillet dans la fosse commune de Tomasica; en fait, la VRS a été
25 omniprésente autour de cette fosse commune. Les archives de la mine de
26 Ljubija rendent compte des machines utilisées par la VRS autour de cette
27 fosse commune les jours les plus importants de cette semaine, date des
28 massacres. On trouve cela dans les P7422 et P7423.
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1 Huis clos partiel, Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
4 [Audience à huis clos partiel]
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21 [Audience publique]
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.
23 M. TRALDI : [interprétation] J'ai commencé par Tomasica parce que Tomasica
24 et Jakarina Kosa sont des endroits où tant de personnes ont été tuées
25 pendant la semaine du 20 au 25 juillet dont les cadavres ont été retrouvés.
26 Pendant cette semaine, près d'un millier de personnes ont été assassinées
27 dans le cadre de neuf incidents répertoriés. La diapositive que nous voyons
28 à présent, réalisée à partir de la pièce P2441, met l'accent sur les zones
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1 qui ont subi le nettoyage. Sur la gauche, vous voyez les villages croates,
2 en particulier Brisevo et Miska Glava, où plus d'une centaine de personnes
3 ont été emmenées au centre culturel, ont subi des exactions, et certaines
4 ont été tuées, avant que les autres soient emmenées à la mine de Ljubija en
5 passant par le stade et risqué d'être assassinées.
6 A côté de cet endroit, vous voyez les secteurs de Brdo et Biscani, où des
7 centaines de Musulmans ont été assassinés, notamment à Carakovo, et où de
8 très nombreuses personnes, après avoir été regroupées dans le secteur de
9 Brdo, ont été assassinées dans la salle numéro 3 du camp de Keraterm. Sur
10 la droite, vous voyez Omarska, où 200 Musulmans de Brdo, toujours, ont été
11 tués. Et en bas de l'image, au centre, vous voyez Tomasica, où un grand
12 nombre de personnes ont été tuées. Pour bien comprendre l'incidence de ce
13 nettoyage, il est utile de se rappeler que les points en vert qui ne sont
14 pas encerclés dans la partie supérieure droite de l'image sont concentrés
15 autour de Kozarac, qui avait subi le nettoyage dès la fin mai, et
16 j'aimerais à présent rappeler que le nettoyage de ces zones supplémentaires
17 a eu lieu à la mi-juin.
18 Des opérations dans lesquelles ces personnes ont été assassinées ont eu
19 lieu en juillet, ce qui nous ramène aux opérations de la semaine de
20 nettoyage ethnique précédente. Au début de la semaine, le 1er Corps de
21 Krajina a rendu compte à l'état-major principal du fait que Prijedor était
22 totalement tombée sous le contrôle de la VRS, voir pièce P7476; il était
23 question de combattants musulmans qui n'apparaissaient "que sporadiquement,
24 en petits groupes, autour de Kozarac et d'un certain nombre de villages,"
25 P2892. Kelecevic a admis que Prijedor était sous contrôle de la VRS à ce
26 moment-là, page du compte rendu d'audience 37 273. En fait, dans les
27 semaines précédentes, le corps d'armée avait informé l'état-major principal
28 qu'il y avait une centaine de présumés rebelles qui restaient dans le
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1 secteur de Prijedor et qui "s'étaient divisés en plusieurs petits groupes
2 de cinq à dix personnes qui se cachaient dans les caves, dans les bois et
3 dans des abris souterrains. Ces groupes étaient détectés alors qu'ils
4 cherchaient à se nourrir et étaient éliminés s'ils ne se rendaient pas."
5 Donc, Prijedor étant tombée sous contrôle total de la VRS, des officiers de
6 la VRS se sont rendus à Trnopolje et ont dit à un détenu -- aux détenus de
7 Brdo et de Biscani de rendre leurs armes en ajoutant qu'ils subiraient le
8 "nettoyage ethnique" dès que l'occasion serait donnée à la police; ceci
9 figure au paragraphe 284 de notre mémoire. La Défense affirme que des
10 centaines de non-Serbes tués pendant cette semaine n'ont été que le
11 résultat de combats légitimes, paragraphe 933 de leur mémoire en clôture,
12 et s'efforce constamment de transformer ces quelques rebelles présumés qui
13 restaient en une véritable armée, ce qui n'a guère à voir avec la façon
14 dont le Corps de la Krajina les a dépeints à l'époque. Nous trouvons cela
15 dans la propagande du Kozarski Vjesnik, mais vous avez obtenu des éléments
16 de preuve montrant l'existence de massacres et encore de massacres pendant
17 cette semaine à Brisevo, Carakovo, et dans toutes les zones de Biscani et
18 de Brdo, ainsi que dans les camps où les détenus étaient emmenés.
19 Les archives officielles serbes suite au nettoyage confirment également les
20 aveux de Radulj selon lesquels la communauté multiethnique de Prijedor
21 n'existait plus et que la communauté musulmane avait été dévastée. Je cite
22 : "Des douzaines de villages ont déjà été totalement détruits et privés de
23 leurs habitants", Carakovo, Zecovi, Rizvanovici, Biscani, Rakovcani, dans
24 toute cette région autour de Brdo, le nettoyage s'est produit en juillet
25 1992, et Hambarine, Kozarusa, Kozarac, Kamicani avaient été nettoyés à la
26 fin du mois de mai.
27 Le CSB note : "Ces destructions ont vu le début d'un exode de masse
28 des Musulmans et des Croates."
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1 Comme le montrent les archives serbes, ils ont affirmé que les
2 destructions étaient le résultat des combats, mais nous savons sur la base
3 des éléments de preuve ce qui s'est réellement passé cette semaine-là.
4 Kupresanin a avoué que Brisevo n'était pas armé. La déposition des témoins
5 concerne des massacres qui ont eu lieu dans toutes les zones de Brdo,
6 Biscani et Brisevo, et les documents du 1er Corps de Krajina rendent compte
7 de la réduction très importante du nombre des forces musulmanes dans le
8 secteur, pour employer un euphémisme.
9 Ce que vous voyez maintenant sur cette diapositive suivante, ce sont
10 les villages évoqués dans la pièce P3598 qui sont les plus pertinents
11 s'agissant de la campagne de nettoyage ethnique de Prijedor et que l'on
12 voit repris dans les pièces P7029, qui concernent le recensement de 1991,
13 et P7126 qui sont une partie du recensement de Prijedor fait par la
14 Republika Srpska en 1993. Comme vous le voyez, de nombreuses communautés
15 que je viens de nommer sont littéralement réduites à néant, et cela fait
16 froid dans le dos, n'existent donc plus en 1993. Au bas de la colonne de
17 gauche, vous voyez qu'un millier de personnes membres de la communauté
18 musulmane en 1991 et, qu'à droite, il n'y en plus aucun, en 1993 plus
19 personne. Village après village, ces disparitions se sont produites.
20 Avec ces éléments à l'esprit, Monsieur le Président, Messieurs les
21 Juges, M. Tieger va maintenant évoquer plus précisément le chef
22 d'accusation numéro 1.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, veuillez procéder, je
24 vous remercie.
25 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
26 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, les crimes dont vous venez
27 d'entendre parler ont fait partie intégrante d'un effort organisé pour
28 restructurer la Bosnie sur le plan démographique, dans le but de créer une
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1 situation factuelle susceptible de garantir l'existence d'un Etat bosno-
2 serbe dans les secteurs réclamés par ces derniers, dans lesquels il ne se
3 trouverait plus aucun ennemi historique, comme il les appelait. Les crimes
4 auxquels ils ont eu recours pour obtenir ces résultats, et notamment le
5 génocide, ont fait partie intégrante de ce plan commun.
6 Comme le mémoire en clôture de l'Accusation le détaille aux
7 paragraphes 167 à 174 et en particulier au paragraphe 282 :
8 Il était clair que la reconfiguration ethnique de la Bosnie avait
9 pour but qu'il n'y ait plus de mélange de population. Comme nous l'avons
10 entendu, cela passait par une exigence : la commission de crimes
11 particulièrement graves.
12 La séparation des personnes par rapport à tout ce qui avait été leurs
13 maisons, leurs communautés, leurs biens propres et leur existence ne peut
14 pas s'accomplir dans la réalité sans que des crimes soient commis, crimes
15 suffisamment graves pour aller au-delà, pour éliminer la résistance
16 naturelle des personnes et les contraindre à abandonner tout ce qui était
17 leur, tout ce qu'ils connaissaient et aimaient. Les membres de l'entreprise
18 criminelle commune étaient tout à fait au courant de cela, et en fait, ont
19 menacé d'exercer un niveau de violence telle qu'il suffirait à leur
20 permettre d'atteindre cet objectif, à savoir obtenir, y compris la
21 "disparition" et l'"extinction" de ces personnes.
22 Ces membres de l'entreprise criminelle commune ont préparé leurs
23 partisans à utiliser la force nécessaire et la violence suffisante en
24 assénant le message selon lequel les Serbes faisaient face à une attaque
25 génocidaire. Mladic a dit durant une réunion de la VRS :
26 "Les hordes oustachi et islamiques qui préparent depuis des décennies
27 dans le secret cette attaque sont prêtes à nous faire subir
28 l'extermination."
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1 Vous vous rappellerez l'ambassadeur Okun qui reconnaît le rapport
2 existant entre de tels qualificatifs et ce qu'il appelle un "génocide
3 préventif".
4 Ces crimes ont immédiatement fait parler d'eux et ont été connus par
5 le monde entier, suscitant des protestations internationales répétées par
6 rapport aux actions de Mladic et Karadzic. Au courant des déplacements
7 forcés et de la façon dont ces déplacements étaient effectués par les
8 membres de l'entreprise criminelle commune, ils ont tenté de désamorcer les
9 critiques, de se défendre par rapport aux crimes, de minimiser les
10 résultats, de promouvoir les auteurs de ces crimes plutôt que de les punir
11 et ont défiguré totalement les résultats de ces crimes. Il y a menace, il y
12 a eu mise en œuvre, il y a eu maintien de cette mise en œuvre, il y a eu
13 félicitations par rapport aux résultats et même récompenses; pour quelle
14 raison ? Parce que ces crimes, et notamment le génocide, n'étaient pas les
15 seuls moyens nécessaires pour obtenir le résultat, à savoir le déplacement
16 permanent des populations et des territoires indésirables.
17 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
18 M. TIEGER : [interprétation] Je vais parler maintenant du contexte
19 entourant les crimes commis contre la communauté musulmane de Prijedor, et
20 je le fais parce que le niveau et l'intensité des crimes commis dans la
21 région de Prijedor illumine de façon très frappante les différents facteurs
22 qui ont eu une pertinence par rapport à l'existence de ces incidents. La
23 même analyse qui a été appliquée aux faits entourant Prijedor peut ensuite
24 être utilisée par la Chambre de première instance pour apprécier
25 l'incidence de ces facteurs sur les autres crimes commis dans les
26 municipalités incriminées de génocide. J'ai, dans le cadre de mon propos,
27 choisi six municipalités où des génocides présumés ont été commis pour que
28 les analyses concernent également les autres municipalités par la suite.
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1 Comme vous le voyez sur l'écran et comme nous le savons, le génocide
2 est un des actes prohibés les plus graves qui est commis dans l'intention
3 de détruire un groupe ou une partie d'un groupe dans sa totalité. Les
4 meurtres relevant de l'article 42(A), en l'espèce, comme vous le savez,
5 concernent une communauté de 49 000 Musulmans, où plus de 1 500 civils ont
6 été tués. Ceci est mis en évidence dans un certain nombre d'éléments de
7 preuve concernant les incidents répertoriés et montre les pourcentages qui
8 sont en cause. En 1993, selon la volonté du général Mladic, 5 000 Musulmans
9 auraient été tués. Personne ne semble, à l'époque, s'étonner de ces
10 chiffres. Nous évoquons ces faits dans les paragraphes 350 et 376 de notre
11 mémoire en clôture et dans la synthèse concernant Prijedor aux paragraphes
12 1 et 57.
13 Les crimes évoqués dans les articles 42(B) [comme interprété] et (C),
14 vous avez entendu parler du fait que plusieurs milliers de personnes ont
15 été regroupées et détenues dans des centres de détention, 7 000 à Omarska
16 et Keraterm, deux installations terrifiantes où le meurtre et la torture
17 étaient quotidiens, où les détenus étaient affamés peu à peu et entassés
18 les uns sur les autres dans des conditions indicibles, manquant d'eau et de
19 soins médicaux, terrifiés par rapport à la possibilité d'être battus à
20 nouveau, torturés ou tués, craignant de mourir, comme nous l'avons entendu,
21 "chaque minute et chaque seconde de leur vie".
22 Ceci figure aux paragraphes 357 et 58, paragraphes 362 et 364 du
23 mémoire de l'Accusation.
24 Après quelques semaines d'existence dans ces installations, ces
25 personnes étaient réduites à l'état de squelette, comme vous l'avez vu dans
26 un certain nombre d'éléments de preuve, et cette descente vers la mort a
27 été largement commentée par les médias internationaux. De très nombreux
28 prisonniers, comme le reconnaît Paddy Ashdown, -- un aspect effrayant,
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1 comme il l'a dit lorsqu'il s'est rendu auprès des détenus qui avaient été
2 transférés à Manjaca, et qui était d'après lui une installation où les
3 conditions étaient simplement un peu inférieures à celles d'un "hôtel".
4 Ceci est au paragraphe 365 du mémoire de l'Accusation.
5 Plusieurs milliers d'autres détenus ont été détenus à Trnopolje, qui était
6 une installation où régnait le désespoir étant donné l'incertitude de leur
7 sort à venir, une installation dans laquelle des horreurs, des viols, des
8 suppressions ou des privations importantes de nourriture constituaient le
9 quotidien et ont entraîné des conséquences physiques importantes sur les
10 détenus, jour après jour, soumis à la torture, aux privations et à d'autres
11 actes qui évoquent "des méthodes de destruction qui consistent à ne pas
12 tuer immédiatement les membres d'un groupe, mais à chercher à les détruire
13 physiquement petit à petit."
14 Nous voyons cela dans l'arrêt Tolimir, paragraphe 225.
15 Donc, des milliers et des milliers et des milliers de crimes ont été
16 commis, dont chacun satisfait aux critères régissant le génocide s'agissant
17 de l'élément moral. Ceci nous laisse face à la question de savoir si ces
18 actes se sont produits avec une intention génocidaire, intention donc de
19 détruire un groupe ou une partie d'un groupe dans sa totalité. Or, la
20 Défense argue du fait qu'une partie de ce groupe n'était pas concernée, en
21 tout cas que la portion des Bosno-Musulmans ou Bosno-Croates de la
22 population de Bosnie-Herzégovine évoquée au paragraphe 55 de son mémoire
23 n'était pas concernée.
24 Au contraire de cela, comme le montrent les paragraphes 383 à 389 de
25 notre mémoire, le Tribunal a conclu que l'objectif et les conséquences de
26 la situation devaient aboutir sur un génocide, même si l'intention
27 préexistante ne concerne qu'un secteur géographique limité, comme par
28 exemple une seule municipalité. Paragraphe 385 de notre mémoire.
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1 Et lorsque vous regardez ce qui s'est passé à Prijedor, vous voyez ce
2 qui suit. La communauté musulmane de Prijedor était à peu près identique,
3 en tout cas du point de démographique, sinon plus importante que celle de
4 Srebrenica. Par ailleurs, comme à Srebrenica, c'était un emblème important
5 vers la fin de la guerre. Car Prijedor, au début de la guerre, était un
6 symbole important de la Seconde Guerre mondiale et de l'action des Serbes
7 de Bosnie à cette époque. Il y a donc toute la logique entourant la Seconde
8 Guerre mondiale qui s'applique à cette ville. Le concept défendu par les
9 Serbes de Bosnie était qu'ils cherchaient à remédier à la situation par
10 division ethnique. Prijedor correspond à la jurisprudence du Tribunal, et
11 j'appelle votre attention sur le paragraphe 384 de notre mémoire à cet
12 égard.
13 Alors, prenons les arguments de la Défense concernant l'intention. La
14 Défense affirme que ce qui s'est passé à Prijedor et l'intention qui a
15 présidé à ces événements ne constituent pas une intention génocidaire en
16 raison d'une "approche discriminatoire" des meurtres qui contredit
17 l'intention de détruire physiquement l'ensemble d'un groupe. Ceci figure au
18 mémoire de la Défense, paragraphe 52. En d'autres termes, si l'auteur n'a
19 pas l'intention de tuer chacun des membres d'un groupe, l'intention
20 génocidaire n'existerait pas.
21 Eh bien, ceci est une mauvaise interprétation assez courante qui
22 découle de l'association qui est commise en général entre le génocide et
23 des destructions équivalentes à celles de l'holocauste ou du Rwanda. Au
24 contraire de cette appréciation erronée, comme les actes génocidaires le
25 montrent clairement, les meurtres ne sont qu'un aspect additionnel d'une
26 attaque intégrale contre un groupe. Par exemple, le fait de transférer les
27 enfants d'un groupe vers un autre groupe n'a pas pour résultat physique la
28 destruction de chacun des membres de ce groupe. C'est un acte qui aboutit à
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1 la disparition de la capacité du groupe de "se renouveler" en tant que
2 groupe. Vous voyez cela dans l'application de la convention sur le génocide
3 de la Cour de justice internationale, au paragraphe 36 [comme interprété]
4 de la règle concernant cela.
5 Une erreur de conception assez courante, c'est de penser que le
6 transfert sous la force est incompatible avec l'intention génocidaire parce
7 que les gens n'ont été que transférés et pas tués. Bien au contraire, comme
8 la jurisprudence le démontre clairement, je le répète, lorsque le transfert
9 s'accompagne d'actes qui sont prohibés par les conventions sur le génocide
10 et, l'article 4, permet "que des moyens supplémentaires soient utilisés par
11 lesquels la destruction physique est obtenue." On trouve cela dans l'arrêt
12 Krstic, au paragraphe 31. C'est un indicateur puissant de l'intention de
13 détruire un groupe en tant que tel, comme l'arrêt Krstic l'établit
14 clairement.
15 Donc, s'il est vrai que le transfert forcé en tant que tel ne
16 constitue pas un acte de génocide, ce n'est qu'une partie du raisonnement
17 complexe concernant le transfert de population. Les opérations d'expulsion,
18 comme vous l'avez entendu, étaient en général précédées d'attaques
19 terrifiantes par leur violence et leur inévitabilité contre des domiciles,
20 des villages et des villes. Des membres de familles étaient arrachés à
21 leurs maisons et séparés les uns des autres. De nombreuses victimes étaient
22 ensuite détenues dans des conditions terrifiantes pendant de longues
23 périodes avant d'être expulsées. Ces personnes étaient plongées dans
24 l'angoisse de l'exil et la nécessité terrifiante de penser à la perte de
25 leur domicile, de leur communauté et de leur existence, bien trop souvent
26 dans des douleurs importantes ou après avoir perdu un certain nombre de
27 leurs personnes les plus proches. La jurisprudence du Tribunal a reconnu le
28 mal causé à ces victimes par le transfert forcé dans des circonstances
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1 traumatisantes comme étant des actes de génocide.
2 Monsieur le Président, le transfert forcé représente un moyen
3 supplémentaire de destruction puisqu'il sape la capacité à long terme du
4 groupe de "se reconstituer" en tant qu'une communauté. C'est dans l'arrêt
5 Krstic, paragraphe 31. Cette conclusion, encore une fois, traduit le fait
6 que la destruction, comme définit dans la convention sur le génocide et
7 dans l'article 4, dépend de l'impact voulu des actes génocidaires et
8 d'autres actes sur la capacité du groupe pour survivre en tant que groupe,
9 et non pas nécessairement sur la destruction physique des membres du
10 groupe. Les attaques sur le groupe dont le but direct n'est pas la
11 destruction physique des membres du groupe peuvent, et souvent, contribuer
12 à cet effort destructeur et traduisent l'intention génocidaire.
13 La Défense affirme également que prendre pour cible des dirigeants
14 n'est qu'une incidence sur le "fonctionnement" d'un groupe national et non
15 pas sur sa "survie physique". C'est au paragraphe 53 du mémoire en clôture
16 de la Défense.
17 Mais encore une fois, ici, on assimile de façon erronée l'intention
18 génocidaire à l'intention de détruire physiquement tous les membres d'un
19 groupe. Egalement, on fait abstraction de la jurisprudence qui a reconnu
20 que prendre pour cible des dirigeants, en fait, "peut être assimilé au
21 génocide et traduire l'intention génocidaire". L'arrêt Tolimir, paragraphe
22 263; le jugement Jelisic, paragraphe 82.
23 Et comme cela a été expliqué dans la jurisprudence, c'est ainsi
24 puisque l'incidence de cette liquidation des dirigeants sur le "tissu" de
25 la société, sur les liens qui font un groupe en tant que tel. C'est dans le
26 rapport final de la Commission d'experts créée conformément à la Résolution
27 du Conseil de sécurité 780, paragraphe 94. Et la Chambre d'appel s'est
28 appuyée là-dessus lors de la rédaction de l'arrêt Tolimir. Pourquoi c'est
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1 ainsi ? C'est parce qu'un groupe ne représente pas seulement une entité
2 physique ou biologique. Ce groupe existe sur la base des liens entre les
3 membres du groupe. Ce sont les facteurs de la cohérence du groupe qui lui
4 permettent d'exister en tant que groupe en tant que tel. Et c'est ce dont
5 il est question dans la convention sur le génocide. La référence peut être
6 trouvée dans le jugement Krajisnik.
7 Pour les mêmes raisons, Monsieur le Président, dans la jurisprudence, il a
8 été reconnu - comme vous le savez également - que les violences sexuelles
9 ont une incidence destructrice non seulement sur les victimes directes,
10 mais également sur leurs familles, leurs communautés et sur le "groupe en
11 tant que tel dans leur intégralité." Paragraphes 360, 368, ainsi que le
12 paragraphe 731.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, ce sont les paragraphes
14 de quel document ?
15 M. TIEGER : [interprétation] Du mémoire en clôture de l'Accusation.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
17 M. TIEGER : [interprétation] Ce sont les paragraphes 360 et 368, et le
18 paragraphe 731 du document Akayesu. Merci d'avoir attiré notre attention
19 là-dessus.
20 Donc, cet impact destructeur plus large ne concerne pas la question du
21 meurtre des membres du groupe, mais le fait que les liens dans les familles
22 et dans les communautés sont interrompus, et c'est le résultat des
23 violences sexuelles.
24 Il est important de faire valoir que c'est différent du "génocide
25 culturel", qui ne concerne que des attaques sur les caractéristiques
26 culturelles ou sociologiques d'un groupe et, comme nous le savons, ne
27 représente pas la destruction interdite par la convention sur le génocide.
28 Mais le comportement qui inclut des actes génocidaires concrets, d'après
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1 les dispositions de la convention, et qui a pour but de prévenir
2 l'existence d'un groupe, qu'il continue à exister en tant qu'entité
3 distincte et séparée, est différent par rapport au comportement qui prend
4 pour cible des caractéristiques culturelles ou sociologiques d'un groupe
5 mais permet à ce groupe de continuer à exister en tant qu'une entité
6 séparée et distincte.
7 La Défense affirme également au paragraphe 88 de son mémoire en clôture que
8 "l'intention" de l'accusé n'incluait pas la destruction des Musulmans et
9 des Croates de Bosnie en tant que peuples. En fait, le "but primordial"
10 était de défendre les Serbes de Bosnie contre la "subjugation". C'est au
11 paragraphe 87 de leur mémoire en clôture.
12 Cette affirmation qui se concentre sur des raisons présumées du
13 comportement de Mladic représente le fait qu'on confond les motifs et
14 l'intention. Comme cela a été clairement dit dans l'arrêt Stakic, les
15 objectifs, les motifs - à savoir les raisons qui poussent quelqu'un à agir
16 d'une certaine façon - sont distincts des moyens utilisés pour mettre en
17 œuvre tout cela. C'est l'arrêt Stakic, où il est dit :
18 "Dans les cas concernant le génocide, la raison pour laquelle l'accusé
19 cherchait à détruire un groupe de victimes n'a rien à voir avec sa
20 culpabilité."
21 C'est au paragraphe 373 -- excusez-moi, c'est l'arrêt, paragraphe 45.
22 L'existence de motifs personnels, de la haine, de l'avidité ou du désir de
23 protéger votre propre groupe ethnique contre la menace d'être subjugué,
24 tout simplement, "ne prémunit pas l'auteur de l'intention spécifique qui
25 l'animait pour commettre le génocide."
26 Arrêt Jelisic, paragraphe 49.
27 Le risque similaire existe dans les affaires concernant l'entreprise
28 criminelle commune où il y a l'intention de déplacer de façon permanente un
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1 groupe en perpétrant des crimes, notamment le génocide. Il est erroné de
2 dire que l'intention destructrice est niée ou annulée puisqu'on pose la
3 question quels sont les moyens utilisés pour mettre en œuvre cet objectif.
4 Donc, l'exemple de base est le suivant : si je veux avoir l'appartement de
5 quelqu'un et si, une nuit, je mets dans cet appartement de l'essence, la
6 défense serait que je ne voulais pas tuer cette personne mais tout
7 simplement l'évincer de son appartement. C'était peut-être mon motif de
8 l'évincer de son appartement, mais le moyen utilisé pour l'évincer de son
9 appartement avec un but traduit de mon intention clairement. Dans, la
10 question n'est pas de savoir si le moyen utilisé reflète ou traduit
11 l'intention de détruire un groupe en tant que tel. Il ne faut pas confondre
12 cela avec l'objectif qui doit être réalisé en utilisant ce moyen. Comme il
13 est dit dans l'acte d'accusation, il y a l'objectif commun visant "à
14 déplacer de façon permanente des Musulmans et des Croates de Bosnie en
15 utilisant des moyens qui consistaient à commettre un certain nombre de
16 crimes, notamment le génocide."
17 Le général Mladic ne peut pas trouver refuge dans les raisons qui étayent
18 ses motifs, qui étaient des motifs pour commettre des meurtres, des
19 incendies et d'autres sévices infligés à la communauté musulmane de
20 Prijedor. Vu l'intensité de ces crimes, l'omniprésence de ces crimes et
21 leur brutalité traduisent l'intention de détruire cette communauté, et rien
22 d'autre. Cette intention, Monsieur le Président, n'est pas démontrée
23 seulement dans l'intention des membres de l'entreprise criminelle commune
24 d'utiliser le niveau de force qui devait être employé contre les Croates et
25 les Musulmans et qui avait pour but leur extermination, leur disparition,
26 leur extinction, mais également du fait qu'ils étaient satisfaits des
27 résultats de cela.
28 En octobre 1992, peu de temps après la destruction la plus brutale de la
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1 communauté musulmane de Prijedor, le général Mladic ainsi que d'autres
2 membres des dirigeants des Serbes de Bosnie se sont réunis à Prijedor pour
3 tenir une séance de l'assemblée. Comme Mme Plavsic l'a dit, ce n'était pas
4 par hasard que Prijedor a été choisie.
5 "Nous tenions compte de tout ce qui s'était passé à Prijedor."
6 Le général Mladic considérait que le peuple de Prijedor avait "tous les
7 droits d'être fier de ses combattants."
8 Il a traduit sa fierté par rapport à ces efforts déployés en des promotions
9 de certains des participants-clés, notamment le général Talic et le colonel
10 Zeljaja, qui a menacé de raser Kozarac si les non-Serbes n'obéissaient pas
11 à leurs demandes. C'est dans les paragraphes -- c'est la pièce P4087 [comme
12 interprété].
13 Les dirigeants des Serbes de Bosnie étaient d'avis que Prijedor devait leur
14 appartenir parce que c'était la région peuplée majoritairement par les
15 Serbes avant la Deuxième Guerre mondiale, pages du compte rendu 34 091 à
16 92. Et pour ce qui est de ces références, on peut les trouver aux pages
17 34 092 et 94. Vu la composition démographique de Prijedor en 1992, on
18 exigeait de l'armée de créer une nouvelle situation factuelle que la
19 communauté internationale ainsi que les Musulmans devaient accepter. Les
20 moyens pour obtenir cette situation factuelle étaient, de façon brutale,
21 efficaces. Et lorsque dans une communauté comme était la communauté de
22 Prijedor, où plus de 1 500 personnes avaient été assassinées en très peu de
23 temps, et plusieurs milliers d'autres ont été affamées, ont été humiliés,
24 maltraités ou torturés dans des centres de détention horribles, où ils ont
25 été brutalement tués au moment où la plupart de ces domiciles avaient été
26 détruits, au moment où les mosquées ont été détruites, et au moment où ils
27 se trouvaient à l'exil, l'intention de détruire cette communauté et de le
28 prévenir de se reconstituer sont indubitables. Et le mot utilisé pour ces
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1 crimes, pour l'intention de commettre ces crimes, est le mot du génocide.
2 Il est venu le moment pour faire la pause, Monsieur le Président. Et
3 lorsqu'on reprend, Monsieur le Président, M. Weber va parler de la terreur
4 concernant Sarajevo.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, Monsieur Tieger, vous avez fini la
6 présentation de vos arguments.
7 Nous allons prendre une pause maintenant et nous allons poursuivre à 13
8 heures 35.
9 --- L'audience est suspendue à 13 heures 14.
10 --- L'audience est reprise à 13 heures 36.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Weber, vous pouvez prendre la
12 parole.
13 M. WEBER : [interprétation] Merci et bonjour à vous, Messieurs les Juges.
14 Pendant plus de trois ans et demi, le monde a regardé Mladic
15 assujettir la population de Sarajevo, qui faisait l'objet d'un siège, lors
16 d'une campagne impitoyable de pilonnages et de tirs embusqués. Pendant
17 toute la durée de la campagne, personne n'a été épargné de l'impact des
18 obus et des balles de la RSK. Quelqu'un a perdu qu'il connaissait, soit
19 quelqu'un qu'ils aimaient, et chacun pouvait être touché à tout moment.
20 Le point culminant de cette campagne était la terreur. Personne ne
21 savait à quel moment le prochain obus ou balle pouvait changer leur vie à
22 tout jamais, et ce, de façon tragique. Cette Chambre de première instance a
23 entendu les témoignages de témoins qui ont parlé de la manière dont ils ont
24 survécu à l'intérieur de la zone encerclée par la SRK. Témoin après témoin
25 ont parlé de la terreur provoquée par les pilonnages et les tirs embusqués
26 contre les civils de Sarajevo. Ces témoins venaient de toutes les couches
27 de la société et bon nombre d'entre eux possédaient une certaine expérience
28 militaire. Ils ont tous eu l'occasion d'observer et de remarquer les
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1 conditions de vie qui étaient les leurs, qu'il s'agissait des observateurs
2 militaires des Nations Unies, d'autres représentants de la communauté
3 internationale, des journalistes, des enquêteurs de police, ou les
4 habitants de Sarajevo eux-mêmes. Tous ces témoins vous ont parlé de la
5 campagne de la VRS qui était violente et qui a duré longtemps, qui est
6 dirigée contre la population civile de la ville.
7 Un de ces témoins était Sulejman Crncalo. Comme M. Traldi vous l'a
8 dit un peu plus tôt, M. Crncalo et sa famille ont été contraints à quitter
9 Pale en juillet 1992 afin de "sauver leurs têtes". Ils sont partis, mais se
10 sont retrouvés piégés à Sarajevo pendant les trois années suivantes. Au
11 cours de ces années, lui et sa famille ont dû supporter ce que d'aucuns ont
12 dû supporter dans la ville. Ils ont vécu sans électricité, sans eau
13 courante. Pour rester chauds, ils ont commencé à brûler du bois. Et lorsque
14 cela est devenu une denrée trop difficile à trouver, ils ont brûlé des
15 chaussures, des planches du plancher et des portes. Lorsque l'aide
16 humanitaire a été coupée, ils ont été contraints à s'alimenter avec de
17 l'herbe bouillie et des feuilles. La difficulté de tout ceci a été
18 exacerbée par la vue de corps et de sang dans les rues dû au pilonnage
19 constant et aux tirs embusqués. M. Crncalo lui-même souhaitait simplement
20 qu'il pleuve pour que l'on puisse effacer les traces de sang dans ces rues.
21 Comme bon nombre d'autres personnes dans le même cas que lui, il
22 avait toujours peur lorsqu'il quittait sa maison qu'il ne rentrerait pas
23 vivant ou que ceux qu'il laissait derrière lui ne seraient pas en vie
24 lorsqu'il rentrerait. Lorsque les obus sont tombés comme des grêlons, il a
25 expliqué : "Nous pensions que personne ne pouvait survivre."
26 S'ils avaient eu l'occasion de partir, vous a-t-il dit, ils seraient
27 partis. Mais à aucun moment pendant le siège lui ou sa famille n'ont eu
28 cette opportunité-là.
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1 Quelque mois seulement avant la fin de la guerre, sa femme s'est
2 rendue au marché de Markale le 28 août 1995, après elle avait entendu dire
3 que du lait en poudre serait peut-être disponible. Lorsque M. Crncalo a
4 constaté qu'elle ne rentrait pas, il a appris ce que nous sommes sur le
5 point de voir.
6 Madame Stewart, veuillez visionner un extrait de la pièce P446, s'il
7 vous plaît.
8 [Diffusion de la cassette vidéo]
9 M. WEBER : [interprétation] Une fois que M. Crncalo a entendu parler de ce
10 pilonnage, il a suivi le chemin qu'avait emprunté sa femme jusqu'au marché.
11 Il a fouillé les rues ensanglantées que nous venons de voir. Lorsqu'il ne
12 l'a pas trouvée, il s'est rendu à l'hôpital et a vérifié la liste des
13 blessés. Ensuite, il a découvert sa femme qui était à la morgue, couchée à
14 côté de six autres femmes décédées. Après tout cela et après avoir survécu
15 pendant des années à Sarajevo, il s'est rendu chez lui pour avoir une
16 conversation qui, pour beaucoup d'habitants de la ville, était devenue trop
17 familière. Il a expliqué à ses enfants ce qu'il était arrivé à leur mère et
18 ils l'ont ensuite enterrée alors qu'il faisait nuit, en même temps que
19 d'autres victimes du pilonnage, parce que les enterrements de jour étaient
20 devenus trop dangereux.
21 Pasa Crncalo était l'une des 43 personnes tuées par l'obus de SRK
22 tiré de secteur de Trebevic le 28 août 1995.
23 Le pilonnage de Markale II était un des derniers d'une liste trop
24 longue de pilonnages et de tirs embusqués contre des civils et des zones
25 civiles à Sarajevo. La Chambre de première instance a vu de nombreuses
26 autres vidéos qui montraient la suite des pilonnages et des tirs embusqués
27 contre la ville, et notamment P136, P864, P7551 et P7566. Même ces vidéos
28 ne vont pas être visionnées lors de la présentation de mes arguments, ceci
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1 montre les ravages et le carnage qui a été provoqué par les balles et les
2 obus de la SRK.
3 Dans notre mémoire en clôture, l'Accusation a clairement exposé cette
4 campagne de pilonnage et de tirs embusqués depuis sa création en avril
5 1992. Cette campagne a été intensifiée et s'est poursuivie sous le
6 commandement du général Mladic entre le mois de mai 1992 et le mois de
7 novembre 1995. Aujourd'hui, l'Accusation va présenter ses arguments
8 concernant la campagne de terrorisation [phon] faisant partie de
9 l'entreprise criminelle commune à Sarajevo et se concentrera sur la
10 responsabilité du général Mladic pour les crimes reprochés que sont la
11 terrorisation, les actes illégaux et le meurtre. Ces arguments aborderont
12 ensuite le pilonnage et les tirs embusqués de la SRK. Et, dernièrement, je
13 me pencherai sur les arguments présentés par la Défense dans son mémoire en
14 clôture. La plupart des arguments de la Défense eu égard à l'entreprise
15 criminelle de Sarajevo figurent aux paragraphes 1 034 à 1 057 du mémoire en
16 clôture de l'Accusation.
17 Le général Mladic est responsable de la campagne parce que c'est lui
18 qui était aux commandes. C'est lui qui a dirigé les forces et qui a mis en
19 œuvre cette campagne. Entre le mois de mai 1992 et la fin de l'année 1995,
20 Mladic a terrorisé la population civile de Sarajevo par le biais d'une
21 campagne de pilonnage et de tirs embusqués qui a été mise en œuvre par les
22 forces de la SRK placées sous son commandement et son contrôle. Et c'est
23 Mladic qui était aux commandes et qui a dirigé cette campagne, intensifiant
24 le niveau de terrorisation en fonction de ses objectifs et ceux des
25 dirigeants bosno-serbes. De cette manière, il a utilisé Sarajevo comme un
26 endroit sur lequel exercer une pression. Les Bosno-Serbes pouvaient exercer
27 des pressions ou réduire l'intensité des attaques aux fins de réaliser
28 leurs objectifs principaux. Ces objectifs principaux comprenaient la mise
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1 en place de la séparation ethnique qu'ils recherchaient ou avaient déjà
2 accomplie sur de grands territoires de la Bosnie.
3 A partir du moment où il est arrivé à Sarajevo en mai 1992, Mladic a
4 participé de façon active à la campagne de terrorisation dans le cadre de
5 l'entreprise criminelle commune, parce qu'il était directement impliqué
6 dans les attaques contre la population civile. A l'époque, son autorité
7 était absolue et il contrôlait complètement la SRK. Il a ensuite adopté
8 cette même approche eu égard à la SRK pendant toute la durée de la campagne
9 et a été très impliqué dans tous les agissements de ladite SRK. Depuis le
10 début jusqu'à la fin, Mladic savait exactement ce qu'il exigeait de ses
11 subordonnés et il était d'accord avec ce que faisaient ces hommes qui
12 exécutaient ses ordres. Ce qui est apparent, c'est que ces hommes-clés et
13 les membres de l'entreprise criminelle commune, Galic et Milosevic, ont été
14 récompensés par lui pour la manière violente dont ils ont mis en œuvre
15 cette campagne de terrorisation sur le terrain.
16 L'autorité de Mladic était également fort connue le long de la chaîne
17 de commandement de la SRK. Ce qui était tout à fait manifeste à la manière
18 dont ses subordonnés réagissaient, c'est que c'est lui qui était
19 responsable de ce qui se passait à Sarajevo.
20 Par exemple, dans la pièce D75, une conversation interceptée datée du
21 24 mai 1992, Mladic a accru son autorité par l'intermédiaire d'un de ses
22 subordonnés à Ilidza. Il a été très clair, il a dit : "C'est moi qui donne
23 les ordres de tirer."
24 Le message que Mladic transmettait était fort simple : lorsque le SRK
25 tirait, c'est Mladic qui était à l'origine de ces tirs.
26 L'autorité de Mladic pendant toute la durée de la campagne était
27 claire aux yeux des représentants de la communauté internationale
28 également. En se fondant sur ses expériences avec les commandants de la
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1 SRK, Galic et Milosevic, le général Fraser a conclu que ces deux hommes
2 suivaient les ordres de Mladic et n'avaient quasiment aucune latitude pour
3 prendre leurs propres décisions, mais que dans certains cas ils disposaient
4 d'un petit peu de flexibilité peut-être s'agissant de certains tirs
5 embusqués.
6 Des expériences analogues ont été racontées par d'autres témoins
7 comme Tucker, Abdel-Razek, Harland, Rose, Smith, Wilson et Thomas, entre
8 autres. Les renvois à ces commentaires se trouvent au paragraphe 714 du
9 mémoire en clôture de l'Accusation.
10 Il existe de nombreux autres exemples du commandement actif et engagé
11 du général Mladic eu égard aux troupes de la SRK. Outre les ordres
12 fréquents qu'il donnait et qui concernaient les opérations de la SRK, il
13 était souvent présent sur le front de Sarajevo car il se rendait sur les
14 positions de la SRK. Lors d'une de ces visites, il a eu un entretien en
15 1992 lorsqu'il a fièrement visité ces différentes positions dominantes au-
16 dessus de Sarajevo.
17 Mme Stewart va maintenant vous laisser entendre une partie de cet
18 entretien, il s'agit de la pièce P76.
19 [Diffusion de la cassette vidéo]
20 M. WEBER : [interprétation] Comme nous venons de le constater, Mladic et
21 ses forces contrôlaient les positions dominantes autour de Sarajevo. Et il
22 savait pertinemment que la population de la ville était retenue captive et
23 qu'il pouvait faire de cette population ce qu'il voulait dès le début. Ce
24 qui se trouve reflété dans de nombreuses déclarations de Mladic lui-même au
25 mois de mai 1992. Il disait en toute confiance : "J'ai bloqué Sarajevo, la
26 ville est piégée, il n'y a aucune sortie possible."
27 Lors d'une autre conversation au mois de mai, il a dit à un subordonné
28 d'informer ses hommes que "toute la ville de Sarajevo est bloquée. Ils ne
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1 peuvent rien faire. Ils ne peuvent que respirer, et des oiseaux peuvent
2 voler autour de Sarajevo."
3 Il s'agit des conversations interceptées P327 et P323.
4 La ville était à sa merci, et le général Mladic s'est lancé dans des
5 activités avec la SRK pendant les mois de mai et juin 1992. Sa campagne
6 contre les civils de Sarajevo a démarré peu après avoir été nommé
7 commandant de l'état-major principal de la VRS et il a promis lors de la
8 16e Séance de l'assemblée qu'il intensifierait les attaques en cours contre
9 la ville. Seulement deux jours après la 16e Séance de l'assemblée, le 14
10 mai 1992, ses forces ont lancé une attaque à l'artillerie à grande échelle.
11 De nombreux obus sont tombés sur des zones résidentielles dans la partie
12 est de la ville. Ce bombardement massif a même touché Biljana Plavsic, qui
13 a parlé de ce pilonnage à la pièce P2733. Elle a dit que c'était horrifiant
14 et elle a demandé "est-ce qu'ils sont vraiment obligés de prendre pour
15 cibles des civils ?"
16 Dans les semaines qui ont suivi, Mladic a répété à maintes reprises qu'il
17 allait détruire la ville si on ne répondait pas à ses exigences. Il a
18 promis qu'il riposterait contre la ville et a dit à ses subordonnés :
19 "Assurez-vous que vos soldats soient au courant du fait que Sarajevo va
20 trembler … Sarajevo va trembler. Davantage d'obus tomberont par seconde que
21 pendant toute la durée de la guerre jusqu'à présent."
22 Il s'agit de la pièce P327.
23 Le général Mladic a tenu sa promesse et s'est conformé à ses menaces --
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Mladic doit s'abstenir de faire des
25 gestes quels qu'ils soient, de manifester des expressions particulières au
26 niveau du visage. Et je lui demande de bien vouloir se concentrer sur ce
27 qui se passe dans le prétoire plutôt que dans la galerie du public. C'est
28 un léger avertissement. Je m'en tiens à cela. Vous n'êtes censé parler. Si
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1 vous souhaitez répondre, vous pouvez demander à votre conseil de le faire,
2 qui, dans ce cas, aura la possibilité…
3 [Le conseil de la Défense instance se concerte]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demande de ne pas parler à voix
5 haute.
6 Monsieur Mladic, j'ai dit que vous deviez vous abstenir de faire des
7 gestes, et c'est ce que vous faites maintenant, vous les répétez. Peut-être
8 que vous pouvez vous tourner de façon à pouvoir vous concentrer sur ce qui
9 se passe dans le prétoire.
10 Poursuivons.
11 Vous parlez de nouveau, Monsieur Mladic. C'est le dernier avertissement.
12 Abstenez-vous de faire des gestes, de toute expression du visage ou de
13 parler. En écoutant le réquisitoire, il n'y a rien qui vous oblige à
14 consulter votre conseil. Vous pouvez le faire pendant la prochaine pause si
15 cela vous est nécessaire.
16 [Le conseil de la Défense se concerte]
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur Weber.
18 M. WEBER : [interprétation] Le général Mladic a donné suite à ses menaces
19 et tenu ses promesses. Cela a été particulièrement bien démontré lors du
20 fait répertorié G1. Le 28 mai, le soir, Mladic a décidé d'exercer son
21 autorité et a ordonné à la RSK de bombarder sans discernement les zones
22 civiles de Sarajevo. Ces ordres peuvent être entendus par tout le monde ici
23 dans le prétoire dans l'enregistrement versé au dossier, portant la cote
24 P105, au cours duquel Mladic, de manière calme et répétée, ordonne
25 délibérément à ses subordonnés de tirer sur les zones civiles, notamment
26 Bascarsija, Velesici et Pofalici, parce qu'il n'y a pas là-bas beaucoup
27 d'habitants serbes.
28 En voici un extrait.
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1 [Diffusion de la cassette audio]
2 "L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
3 Mladic : Ne le fais pas, parce que … tu dois aller à Pofalici ?
4 Mirko : Parce que … nous avons tiré beaucoup dessus.
5 Mladic : Tiré à Velesici.
6 Mirko : Velesici ?
7 Mladic : Oui.
8 Mirko : C'est bien compris.
9 Mladic : Tirez sur Velesici et Pofalici. Il n'y a pas beaucoup
10 d'habitants serbes.
11 Mirko : Oui.
12 Mladic : Ensuite, tirez sur cette ville, autour de Humska.
13 Mirko : C'est bien compris.
14 Mladic : C'est clair ?
15 Mirko : C'est clair.
16 Mladic : Mais surveillez, on va les rendre fous.
17 Mirko : C'est bien compris, Monsieur."
18 [Fin de la diffusion de la cassette audio]
19 M. WEBER : [interprétation] Comme indiqué dans le mémoire de l'Accusation
20 aux paragraphes 925 à 930, Mladic a assuré le commandement direct des
21 opérations de la RSK lors de ces bombardements, et les quartiers et lieux
22 pour lesquels le général Mladic avait ordonné le pilonnage ont été
23 pilonnés. Les attaques ont été féroces, il y a eu des victimes dans toute
24 la ville et les dégâts ont été très étendus.
25 Le général Wilson a expliqué ce qu'il a vu ce soir. Il a dit : "Il semblait
26 que l'on s'attaquait à toute la ville, pas seulement certains quartiers,
27 mais on tirait beaucoup sur la vieille ville."
28 Et Wilson continue : "C'était une expérience horrible pour les habitants de
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1 Sarajevo que ce soir-là."
2 Wilson a vu exactement ce qu'avait ordonné le général Mladic, et l'accusé a
3 réalisé son but explicite : terroriser les habitants de la ville, ou, dans
4 ses mots, les rendre fous.
5 La Défense cherche à dire dans les paragraphes 1 906 à 1 910 de son mémoire
6 que la SRK ne visait que des cibles militaires dans la ville lors de leur
7 bombardement G1. La Défense se fonde sur le témoignage de la victime Fadila
8 Tarcin qui, selon elle, montre d'une certaine manière qu'il existait des
9 cibles militaires à Sirokaca. La Défense déforme considérablement son
10 propos. En réalité, Tarcin a dit qu'il n'y avait que des gardes qui
11 n'étaient pas armés dans son quartier. A une ou deux reprises, elle a pu
12 voir quelques policiers de réserve passer par son quartier. Elle a témoigné
13 qu'elle n'a jamais vu de forces de l'ABiH, de postes de contrôle de l'ABiH
14 ou de pièces d'artillerie de l'ABiH à Sirokaca à l'époque, et aucune
15 attaque n'a été menée à partir de ce quartier. La Défense ignore totalement
16 la déposition à la page 5 de P1596, et compte rendu d'audience 4 995 et
17 5 048 jusqu'à 5 053.
18 Une semaine seulement après le fait G1, les forces de Mladic ont lancé une
19 autre série de pilonnages à grande échelle en début juin dans le cadre du
20 fait répertorié G2. Lors de ces pilonnages, des vagues d'obus sont tombés
21 sur Sarajevo de manière récurrente et pendant des jours. Les civils dans la
22 ville ont été tués et blessés, et les quartiers civils détruits à grande
23 échelle. C'est ce que nous indiquons aux paragraphes 933 à 937 du mémoire
24 de l'Accusation.
25 Dans la ville, lors de cette attaque, le journaliste Aernout van Lynden a
26 déclaré que le pilonnage de Sarajevo au début juin était le pilonnage le
27 plus intense qu'il ait connu à l'époque. Il se trouvait avec son caméraman
28 au sommet de l'hôpital public au centre de la ville, et van Lynden a parlé
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1 des attaques et il a décrit le pilonnage à large échelle avec les obus qui
2 tombaient comme la pluie sur la ville sans viser quoi que ce soit en
3 particulier. Il n'y avait aucun but militaire, a-t-il dit, mais il
4 s'agissait simplement de répandre la terreur auprès de tous les habitants
5 de la ville. Compte rendu d'audience page 1 322.
6 La Défense prétend au paragraphe 1 920 dans son mémoire que la SRK n'était
7 pas responsable des attaques décrites à l'incident répertorié G2 car "il
8 existait des ordres stricts selon lesquels les tirs devaient être
9 restreints." Pour étayer cela, ils se fondent sur la directive 1 de la VRS
10 délivrée par le général Mladic le 6 juin, qui indique quelque part que la
11 directive contenait un ordre de restreindre le feu. Mais il n'existe pas de
12 tel ordre dans la directive. Au contraire, le général Mladic a ordonné dans
13 cette directive à la SRK d'utiliser des actions offensives pour améliorer
14 ses positions dans Sarajevo et autour de Sarajevo.
15 Mais indépendamment du libellé de la directive 1, la Défense indique que la
16 SRK n'est pas responsable des bombardements G2, et cela est contredit par
17 les quatre vidéos versées au dossier portant les cotes P72 à P75, qui
18 montrent à quoi ressemblait la ville lors des pilonnages G2.
19 Mme Stewart va à présent nous faire visionner un passage d'une de ces
20 vidéos, P75.
21 [Diffusion de la cassette vidéo]
22 "L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
23 Tout à coup, toute la ville est prise pour cible. Aucun quartier
24 n'est épargné. C'était dimanche soir. Tout tremble. Toutes les dix
25 secondes, des obus d'artillerie et de mortier tombent. Le tir est si
26 intense que les éclairs se superposent les uns aux autres."
27 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
28 M. WEBER : [interprétation] Nous avons vu qu'il ne s'agissait pas d'un
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1 échange de tirs de part et d'autre d'un front, comme la Défense cherche à
2 le dire aux paragraphes 1 918 à 1 921 de son mémoire, et ce n'était pas non
3 plus un exemple des "tirs restreints" soi-disant de la SRK. Il s'agissait
4 simplement d'une attaque franche et massive contre toute une ville, y
5 compris les civils.
6 Les pilonnages tels que G1 et G2 ont donné le ton des années à venir,
7 et les preuves montrent que pendant plus de trois ans la campagne avait été
8 conçue délibérément pour terroriser les habitants de la ville. Dans son
9 mémoire, la Défense dément qu'il y ait eu une campagne de bombardement et
10 de tirs embusqués à quelque moment que ce soit par la SRK. Ce propos est
11 totalement démenti par un nombre impressionnant de preuves dans cette
12 affaire, tel que nous le disons aux paragraphes 760 à 1 033 de notre
13 mémoire.
14 Ces preuves montrent que l'objectif de Mladic et de la SRK était le
15 même, à savoir faire en sorte qu'aucun habitant de Sarajevo ne se sente à
16 l'abri des tirs ou des bombardements. L'objectif de la terreur que l'on
17 répandait dans la ville était évident du fait que l'on s'en prenait de
18 manière constante aux civils, aux objets civils et aux quartiers civils
19 pendant des années d'affilée. Ces activités ont été menées pour rendre la
20 population désemparée et n'obéissaient à aucun objectif militaire légitime.
21 Compte tenu de la durée de la campagne et du rôle central joué par l'accusé
22 dans les activités de la SRK, il n'existe aucune autre conclusion
23 raisonnable que celle qui veut que Mladic voulait que le bombardement et
24 les tirs contre les civils étaient délibérés et qu'en fait ils étaient le
25 produit de ses ordres.
26 Pour les 300 [comme interprété] civils pris au piège à Sarajevo, le
27 risque d'être pris pour cible transformait chaque décision quotidienne en
28 décision portant sur leur vie ou sur leur mort. Les civils ne pouvaient
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1 même pas se promener en rue dans leur propre ville car ils devaient se
2 protéger des balles de la SRK.
3 Vous avez entendu plusieurs vidéos, et je vous en montre une, P836.
4 [Diffusion de la cassette vidéo]
5 "L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
6 Sarajevo est plus dangereuse que jamais. On doit prendre des petites
7 routes pour se protéger des tireurs serbes embusqués. Les Serbes avaient
8 promis qu'ils n'attaqueraient que des cibles militaires dans cette partie
9 de la ville. Cette promesse n'a pas été tenue, parce qu'il s'agit de civils
10 et de véhicules civils, l'un d'entre eux portant même une croix rouge.
11 Peut-être l'ordre n'est-il pas passé, mais d'autres incidents de ce type
12 ont été répertoriés dans d'autres parties de la ville. Le commandant des
13 Nations Unies n'a pas…"
14 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
15 M. WEBER : [interprétation] Comme le montre cette vidéo de juin 1992, les
16 tireurs de la SRK tiraient sur les civils, des gens à vélo, et ils ont même
17 tiré sur des véhicules civils portant des croix rouges.
18 Les obus de la SRK sont tombés sur certains quartiers avec une telle
19 régularité qu'un des témoins, au P2453, a décrit cela comme des "gouttes de
20 pluie".
21 Les civils se sont adaptés à l'environnement hostile en fermant les
22 écoles, en vivant la nuit, en se cachant dans leurs appartements ou caves
23 pendant la journée, en déplaçant des conteneurs et en érigeant des
24 barricades pour se protéger contre les francs-tireurs, mais ils n'étaient
25 malgré tout pas à l'abri des balles de la SRK.
26 Les faits de cette affaire montrent qu'aucune activité civile ni
27 aucun quartier de Sarajevo à l'intérieur des lignes de confrontation
28 n'étaient à l'abri des obus et des balles de la SRK. Comme Van Lynden l'a
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1 également expliqué, la réalité des civils de Sarajevo était qu'à
2 l'intérieur du blocus des Serbes, n'importe quel d'entre eux pouvait être
3 tué par un obus ou par une balle à tout moment. P66, paragraphe 24.
4 Le dossier de cette affaire montre que les civils étaient pris pour
5 cible presque tous les jours --
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Weber, votre référence ne
7 figure pas au compte rendu d'audience parce que vous avez recommencé. Je
8 pense que votre référence était une pièce P.
9 M. WEBER : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président. P66,
10 paragraphe 24, telle est la dernière référence.
11 Le dossier montre que des civils étaient pris pour cible quasiment tous les
12 jours. La campagne de bombardement et de tirs embusqués ciblait les
13 habitants les plus vulnérables de Sarajevo. Des tireurs embusqués tiraient
14 sur les enfants lorsqu'ils traversaient la rue avec leurs parents ou
15 lorsqu'ils rentraient de l'école pour se rendre chez eux. Les obus ont
16 touché des enfants qui jouaient à l'extérieur dans la neige et ont touché
17 leur école alors que des élèves étudiaient parmi les bruits d'explosion.
18 Je vais vous passer à présent la P420.
19 [Diffusion de la cassette vidéo]
20 "L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
21 Muhamed a été blessé à la mâchoire et à la jambe par un obus. Nous
22 jouions. Tout à coup, un obus est tombé. Nous nous sommes mis à courir
23 devant nous vers l'entrée de la maison. Danijel et moi avons commencé à
24 courir et un obus est tombé entre nous deux. Il a été tué sur le coup et
25 j'ai été blessé à quatre endroits."
26 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
27 M. WEBER : [interprétation] C'était Muhamed Kapetanovic, l'une des victimes
28 du fait répertorié G6. Dans cette vidéo et ici dans ce prétoire, la Chambre
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1 a entendu la description du moment où il a été blessé, et son ami Danijel a
2 été tué lors du pilonnage par la SRK d'Alipasino Polje le 22 janvier 1994.
3 En 1994, l'UNICEF --
4 M. LUKIC : [interprétation] Il n'y a pas de traduction.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas de traduction. Donc, je
6 vous propose de lever l'audience un petit peu plus tôt que prévu, Monsieur
7 Weber. J'espère que l'interprétation va revenir. J'ai une petite chose à
8 dire sur les traductions avant de lever l'audience.
9 Est-ce que l'interprétation fonctionne ? Pas encore.
10 M. LUKIC : [interprétation] Non.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que l'on sait pourquoi ?
12 M. LUKIC : [interprétation] Je vois que le micro est allumé dans la cabine
13 des interprètes, mais rien sur le canal 6.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que la traduction française
15 fonctionne ? Entendons-nous la traduction française ? Oui, l'interprétation
16 française fonctionne. Et je n'entends rien pour le B/C/S. Je ne sais pas
17 quelle en est la raison.
18 Maître Lukic, vous expliquerez à M. Mladic que nous avons levé l'audience
19 pour aujourd'hui et nous traiterons demain matin dès le début de la
20 question de la traduction que je voulais traiter.
21 M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons donc lever l'audience. Nous
23 reprendrons -- ah, cela remarche. Apparemment, l'interprétation
24 refonctionne. Je préférerais donc traiter de cette question qui porte sur
25 la pièce à conviction P7366.
26 Le 4 mai 2015, la Chambre a versé au dossier la pièce P7366.
27 Le 18 octobre 2016, l'Accusation a signalé à la Chambre et à la Défense par
28 courriel qu'une traduction anglaise révisée avait été téléchargée dans le
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1 logiciel e-court sous la référence doc ID 0147-1724-1ET. La Chambre donne
2 instruction au Greffe de remplacer la traduction existante de la pièce
3 P7366 par la traduction révisée, la Défense recevant une semaine pour
4 examiner la question, le cas échéant.
5 L'audience est levée pour aujourd'hui. Nous reprendrons demain, mercredi, 7
6 décembre à 9 heures 30, dans ce même prétoire.
7 --- L'audience est levée à 14 heures 15 et reprendra le mercredi, 7
8 décembre 2016, à 9 heures 30.
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