Affaire n° : IT-95-13/1-PT

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II

Composée comme suit :
M. le Juge Carmel Agius, Président
M. le Juge Jean-Claude Antonetti
M. le Juge Kevin Parker

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
20 mai 2004

LE PROCUREUR

c/

MIROSLAV RADIC

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DÉCISION RELATIVE À LA DEMANDE DE MISE EN LIBERTÉ PROVISOIRE DE L’ACCUSÉ RADIC

_________________________________

Le Bureau du Procureur :

M. Jan Wubben

Les Conseils de l’Accusé Miroslav Radic :

M. Borivoje Borovic
Mme Mira Tapuskovic

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II (la « Chambre de première instance ») du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal »),

VU la demande urgente de mise en liberté provisoire adressée par l’accusé Radic au lieu et place de la précédente demande de mise en liberté provisoire déposée le 18 juin 2003 (Urgent Request by the Accused Radic for Provisional Release in Lieu of Previously Filed Request for Provisional Release of 18 June 2003 ), déposée le 13 mai 2004 (la « Demande ») par les conseils de l'accusé Miroslav Radic (« Radic »),

ATTENDU que, dans la Demande, Radic sollicite sa mise en liberté provisoire pour une période de cinq jours afin d’assister à l’office traditionnel, célébré à la mémoire de son défunt père à l’occasion de l’anniversaire de sa mort, qui doit avoir lieu à Belgrade le 22 mai 20041,

VU, en outre, l’addendum à la Demande (Addendum to the Request of the Accused Radic for Provisional Release filed on 13 May 2004), déposé par Radic le 14 mai 2004 (l’« Addendum »),

ATTENDU que, dans la Demande et dans l’Addendum, Radic propose les garanties suivantes concernant sa mise en liberté provisoire :

1) une garantie fournie par le Conseil des ministres de la République de la Serbie -et-Monténégro le 2 octobre 20032 ;

4) une garantie fournie par le Gouvernement de la République de la Serbie-et-Monténégro le 4 septembre 20033 ; et

5) une garantie fournie le 13 mai 2004 par le nouveau Gouvernement de la République de la Serbie-et-Monténégro confirmant les garanties datées du 4 septembre 20034,

VU la réponse de l’Accusation à la Demande et à l’Addendum (Prosecution’s Response to the Request and Addendum of Accused Radic for Provisional Release filed on 13 and 14 mai 2004), déposée par le Bureau du Procureur (l’« Accusation  ») le 18 mai 2004 (la « Réponse »),

ATTENDU que, dans sa Réponse, l’Accusation s’oppose à la Demande en faisant notamment valoir ce qui suit :

a) Radic ne satisfait pas aux critères fixés par l’article 64 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal5 (le « Règlement  ») ;

b) Radic ne s’est pas acquitté de la charge de la preuve lui incombant en vertu de l’article 65 du Règlement, puisque les garanties fournies à la Chambre de première instance par le Gouvernement de la République de la Serbie-et-Monténégro les 4 septembre  2003 et 13 mai 2004 sont à première vue insuffisantes. En particulier, il n’est pas précisé dans les garanties : a) quelles mesures le Gouvernement ou le Ministère de l’intérieur prendra pour vérifier que Radic est bien sous surveillance ; b) si les autorités de la Serbie-et-Monténégro recevront officiellement Radic des autorités néerlandaises ; c) si lesdites autorités ont prévu des « visites de contrôle » lorsque Radic se trouvera sur le territoire de la République de la Serbie-et-Monténégro  ; et d) si elles remettront ensuite officiellement Radic aux autorités néerlandaises6 ; et

c) la coopération de la République de la Serbie-et-Monténégro avec le Tribunal est insuffisante7,

VU la requête de l’accusé Radic aux fins d’autorisation de déposer une réplique à la Réponse (Request by the Accused Radic for a Leave to File a Reply to the OTP’s Response to the Urgent Request by the Accused Radic for Provisional Release in Lieu of Previously Filed Request for Provisional Release of 18 June  2003), déposée le 19 mai 2004 par Radic (la « Réplique »), qui demande a) l’autorisation de déposer la Réplique et b) la confirmation de la Demande,

ATTENDU que, dans la Réplique, Radic fait notamment valoir que, lorsque la Chambre de première instance se prononce sur une demande de mise en liberté provisoire, le manque de coopération des autorités de la Serbie-et-Monténégro avec le Tribunal ne devrait pas être un élément essentiel de sa décision8,

ATTENDU que, dans la Demande, Radic prie la Chambre de première instance d’accéder à sa demande de mise en liberté provisoire en vertu de l’article 65 du Règlement,

ATTENDU qu’aux termes de l’article 65 B) du Règlement, la mise en liberté provisoire ne peut être accordée que si la Chambre de première instance a « la certitude que l’accusé comparaîtra et, s’il est libéré, ne mettra pas en danger une victime, un témoin ou toute autre personne »,

ATTENDU que la Chambre de première instance a le pouvoir discrétionnaire de refuser la mise en liberté provisoire même lorsqu’elle est convaincue que les conditions posées par l’article 65 B) du Règlement sont remplies9,

ATTENDU que, même si l’Accusation se dit gravement préoccupée au sujet des garanties fournies par la République de la Serbie-et-Monténégro et du manque de coopération de cette dernière avec le Tribunal, la Chambre n’a pas à se prononcer sur cette question compte tenu du paragraphe suivant,

ATTENDU que la raison invoquée dans la demande de mise en liberté provisoire, à savoir la présence de l’accusé à l’office célébré à la mémoire de son père, ne justifie pas en soi l’élargissement de Radic pendant les cinq jours requis,

PAR CES MOTIFS,

EN APPLICATION de l’article 65 B) du Règlement,

REJETTE LA DEMANDE.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 20 mai 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre de première instance
___________
Carmel Agius

[Sceau du Tribunal]


1 - Demande, par. 10, 12 et 14. Il est également indiqué dans la Demande que, jusqu’à l’ouverture du procès, Radic ne déposera aucune autre demande de mise en liberté provisoire car il « sait parfaitement que toutes les conditions requises par la jurisprudence du Tribunal n’ont pas été totalement remplies pour accéder à la demande de mise en liberté provisoire de l’accusé jusqu’à l’ouverture du procès ».
2 - Ibid., annexe A. De plus, il est joint à l’annexe B de la Demande une déclaration de Radic datée du 11 mai 2004, et à l’annexe C, la lettre adressée par Radic au Ministère de l’intérieur de la République de la Serbie le 29 avril 2004.
3 - Addendum, annexe A.
4 - Ibid., annexe B.
5 - Réponse, par. 9 et 10.
6 - Ibid., par. 9, 11 et 15.
7 - Ibid., par. 12 à 14. Il est également joint à l’annexe I de la Réponse une lettre adressée par le Président du Tribunal au Président du Conseil de sécurité, à l'annexe II, le rapport de l’Accusation adressé au Président du TPIY concernant le non-respect par la Serbie-et-Monténégro de ses obligations de coopérer avec le Tribunal, et à l’annexe III un entretien avec Vojislav Kostunica, Premier Ministre serbe.
8 - Réplique, par. 3 et 10.
9 - Le Procureur c/ Radoslav Brdanin, affaire n° IT-99-36-PT, Décision relative à la requête de Radoslav Brdanin aux fins de mise en liberté provisoire, 25 juillet 2000, par. 22.