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1 Le mardi 11 octobre 2005
2 [Déclaration liminaire de l'Accusation]
3 [Audience publique]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 10 heures 01.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour à tous. Nous allons maintenant
7 entendre les déclarations liminaires de l'Accusation dans cette affaire.
8 Peut-être que le Greffier d'audience aurait l'obligeance de bien vouloir
9 nous citer l'affaire, s'il vous plaît.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Il
11 s'agit de l'affaire IT-95-13/1-T, l'Accusation contre Mile Mrksic, Miroslav
12 Radic et Veselin Sljivancanin.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, vous avez la parole.
14 M. MOORE : [interprétation] Je m'appelle Monsieur Moore. Je suis substitut
15 du Procureur, accompagné de Mme Marie Tuma, M. Karim Khan Agha, Mme
16 Meritxell Regue, M. Alex Demirdjian et le dernier et pas le moindre, notre
17 commis aux audiences, Mme Sandra D'Angelo.
18 M. VASIC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Je salue
19 toutes les personnes présentes dans le prétoire. La Défense de Mile Mrkic,
20 M. Miroslav Vasic.
21 M. BOROVIC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. La
22 Défense de Miroslav Radic sera représentée par M. Borovic, avocat à
23 Belgrade et Mira Tapuskovic, également, avocat à Belgrade.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Pour l'accusé Sljivancanin.
25 M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Bonjour à
26 toutes les personnes présentes dans le prétoire. Je m'appelle Novak Lukic,
27 conseil de la Défense de Veselin Sljivancanin, et co-conseil, Momcilo
28 Bulatovic.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Lukic.
2 Monsieur Moore.
3 M. MOORE : [interprétation] Bonjour. La ville de Vukovar est une ville
4 historique, une vieille ville. Elle remonte au 14e siècle. C'est une ville
5 qui a été décrite par -- dans un ouvrage datant des années 1950, un guide
6 touristique européen, comme étant une ville sur les rives du Danube, une
7 ville agréable, charmante, pittoresque et tout à fait intéressante. On
8 recommandait la visite de cette ville.
9 Le 19 novembre 1991, une équipe de télévision britannique s'est rendue sur
10 les lieux et a visité cet endroit. Voilà ce qu'ils ont découvert :
11 [Diffusion de cassette vidéo]
12 M. MOORE : [aucune interprétation] D'après l'ambassadeur Okun, qui était
13 l'envoyé spécial auprès du secrétaire général des Nations Unies lorsqu'il a
14 visité Vukovar le 19 novembre de cette même année, il a décrit la situation
15 comme suit : "Vukovar était la ville la plus détruite pendant l'ensemble
16 des combats en Croatie. Quasiment chaque bâtiment, chaque structure avait
17 été détruite ou fait l'objet de tirs ou de coups de feu ou de
18 bombardements. On voyait les signes de la destruction partout."
19 Nous allons entendre un peu plus tard les propos de l'ambassadeur Okun.
20 Pour les Serbes, Vukovar, d'après eux, était la réincarnation de la
21 tendance croate qui faisait montre de duplicité et les Croates souhaitaient
22 véritablement avoir leur indépendance. C'est quelque chose dont ils avaient
23 fait preuve précédemment lors du régime fasciste et nazi pendant la
24 Deuxième guerre mondiale. Le terme péjoratif "Oustacha" était utilisé par
25 bon nombre de Serbes lorsqu'ils souhaitaient faire preuve de leurs
26 sentiments à leur égard. Avec chaque revers essuyé par l'armée yougoslave
27 et des humiliations répétées sans cesse, ceci a sans doute été repris de
28 façon très claire par l'ensemble des médias du monde entier.
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1 La nation croate qui accédait à l'indépendance, après ces combats intensifs
2 de Vukovar et la présence de leurs troupes, comme ils le voyaient,
3 représentait pour eux quelque chose vers lequel ils aspiraient, une
4 aventure héroïque sur la voie de leur liberté, de leur indépendance. En
5 conséquence, il s'agissait ici de quelque chose qui bouillonnait et ces
6 actes et ces agissements de différents individus entre le 18 et le 21
7 novembre en 1991, en particulier à Vukovar, étaient perçus par d'aucun
8 comme étant vu par des lunettes spéciales qui leur faisaient davantage
9 penser aux discussions que d'aucun pouvait avoir dans des anti-chambres
10 bien cachées de tout cela.
11 Cette affaire porte sur des crimes de guerre et des crimes contre
12 l'humanité qui ont été commis pendant l'attaque et peu de temps après que
13 la ville de Vukovar se soit rendue au mois de novembre. Les crimes
14 reprochés dans cet acte d'accusation porte tous sur la détention, les
15 mauvais traitements, et pour finir, le meurtre de plus de 260 Croates et
16 civils non-serbes qui ont été évacués de l'hôpital de Vukovar le 19 et 20
17 novembre. Bon nombre de ces personnes évacuées subissaient un traitement
18 médical à l'époque avant d'être évacuées et avant d'être assassinées par la
19 suite.
20 Par conséquent, les événements qui sont décrits ainsi sont ceux pour lequel
21 sont poursuivis en justice les accusés. Ceci faisait partie d'une attaque
22 généralisée et systématique contre les Croates et les non-Serbes de la
23 municipalité de Vukovar. La conséquence de ces événements, qui ont conduit
24 à cette fosse commune trouvée à Ovcara, fait partie de ces agissements bien
25 organisés et perpétrés par ceux qui y ont pris part.
26 Les accusés dans cette affaire, Mrksic, Radic et Sljivancanin, au cours de
27 la période couverte par l'acte d'accusation, étaient des officiers d'active
28 de Belgrade et des gardes de la Brigade motorisée qui était basée à
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1 Belgrade. Par la suite, je les appellerais tout simplement les gardes.
2 La conduite criminelle de chacun des accusés en tant que tel et de
3 surcroît, les agissements commis ou les actes commis par d'autres avec
4 lequel ils partageaient ce dessein criminel commun, d'après nous, les rend
5 pénalement responsable pour les chefs d'accusation qui sont contenus dans
6 l'acte d'accusation conformément à l'Article 7(1). De surcroît, le
7 manquement des accusés à leurs devoirs d'empêcher, de punir toute conduite
8 criminelle de leurs subordonnés, les rend également responsable des chefs
9 d'accusation contenus dans l'Article 7(3) du Statut.
10 Je souhaite simplement, brièvement, vous rappeler quelle était la structure
11 militaire qui existait à l'époque. J'espère que ceci permettra de faire la
12 clarté sur certains éléments de cette affaire.
13 Les forces armées étaient composées de l'armée populaire yougoslave. Je
14 l'appellerai la JNA à partir de maintenant, et de la Défense territoriale,
15 la TO.
16 La JNA était composée de l'état-major général et de trois armes : l'armée
17 de terre, l'aviation, la défense aérienne et la marine. Il y avait trois
18 districts militaires, et le district militaire qui nous intéresse ici était
19 le 1er District militaire qui couvrait la Serbie occidentale, une grande
20 partie de la Bosnie-Herzégovine, la Croatie orientale, y compris la
21 Slovanie orientale, le Baranja, le Srem occidental où se trouvait la ville
22 de Vukovar à cet endroit-là.
23 De plus, l'état-major général et les trois armes, il y avait un organe
24 distinct des forces armées qui traitait des questions de sécurité, y
25 compris le contre-renseignement, plus connu sous le nom de service de
26 Sécurité.
27 Sljivancanin, lui-même, était un officier chargé de la sécurité de ces
28 gardes de la Brigade motorisée à l'époque couverte par cet acte
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1 d'accusation, mais en tant que tel, n'avait pas de responsabilité de
2 commandant de jure. A cause de la tâche particulière et du rôle qui était
3 le leur, à savoir, assurer la protection et la sécurité des hauts
4 dirigeants politiques et militaires de la RSFY, les gardes de la Brigade
5 motorisée ne faisaient pas partie ou n'étaient pas rattachés au district
6 militaire en tant que tel, ils étaient plutôt rattachés directement à la
7 SBSO, le secrétariat fédéral de la Défense populaire généralisée. C'était
8 une unité d'élite au sein de la JNA, et était composée d'officiers très
9 qualifiés, et parmi les membres de l'armée.
10 En quelque sorte, c'était l'élite qui assurait la protection de l'élite. La
11 brigade elle-même, placée sous le commandant alors du colonel Mrksic, et
12 pendant la période couverte par l'acte d'accusation, était composée de deux
13 bataillons de garde motorisée, deux bataillons de police militaire qui,
14 d'après nous, constitue un élément important ici, un bataillon blindé, un
15 bataillon qui devait assurer la protection et les installations et les
16 différents éléments logistiques. Le fait qu'il y ait deux bataillons
17 militaires, la police des bataillons, la police militaire, est important
18 car cela leur donnait un certain pouvoir. Cela leur donnait le pouvoir de
19 protéger, de contrôler toute situation bien davantage que d'autres
20 brigades. Ceci, si l'on compare avec d'autres éléments, en particulier les
21 brigades motorisées de la JNA qui, elle-même, n'avait qu'une seule
22 compagnie de police militaire.
23 Parlons maintenant de la Défense territoriale ou de la TO. Avant le début
24 du conflit armé en Croatie, la police et la TO de la République croate,
25 avait été divisée en structure distincte, l'une croate, l'autre serbe. Dans
26 certaines régions où les Serbes étaient majoritaires ou avaient une
27 minorité importante, ils avaient repris le contrôle des structures
28 existantes. Ils avaient mis en place leurs propres unités de police et de
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1 la TO. Très souvent, les états-majors ne rendaient aucun compte aux
2 autorités de la République croate parce qu'on considérait qu'il s'agissait
3 d'autorités croates. Ils étaient restés loyaux envers la RSFY et la Serbie.
4 Par conséquent, le processus qui consistait à mettre en place déjà des
5 structures locales serbes de la TO et de la police avait déjà commencé vers
6 le mois de janvier 1991.
7 Pour finir, je souhaite parler de la question des volontaires. En 1982, la
8 loi sur la Défense populaire généralisée avait été votée, et ce, dans un
9 cadre juridique bien distinct. L'objectif de ceci était de permettre des
10 renforts aux forces armées de la RSFY en leur fournissant des volontaires
11 qui rejoignaient à ce moment-là la JNA et la TO. Il s'agissait de personnes
12 qui n'avaient pas fait leur service militaire, mais qui avaient accepté de
13 rejoindre les forces armées. En vertu de leurs droits et de leurs
14 responsabilités, ces volontaires étaient considérés sur un pied d'égalité
15 avec les autres membres de l'armée ou les autres conscrits militaires.
16 Je vais maintenant brièvement parler de ce que j'appelle l'exercice du
17 commandement et la Chambre entendra différents témoignages à ce propos, en
18 particulier, le général Pringle, un peu plus tard.
19 Pour ce qui est de la présidence de la RSFY, il s'agissait de l'organe de
20 contrôle et de commandement le plus élevé au sein des forces armées.
21 Cependant, l'unité de commandement, l'autorité unique, était considérée
22 comme principe de doctrine jugé essentiel pour la réussite de toute
23 opération militaire, comme on peut le constater dans toutes les armées du
24 monde.
25 Un commandant était assisté par un membre du personnel qui était
26 chargé, à tout moment, au cours des opérations militaires, de lui fournir
27 des informations détaillées sur l'évolution de la situation. On considérait
28 qu'il était essentiel qu'un commandant, à tout moment, soit au courant de
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1 la situation des unités de ses subordonnés et ce, à deux échelons plus bas.
2 Les ordres étaient donnés de façon très claire aux fins de maintenir ce
3 système au cours du conflit en Croatie.
4 Encore une fois, il est important de remarquer que chaque officier des
5 forces armées de la RSFY devait rendre compte de violation en temps de
6 guerre. Des officiers étaient tenus pour responsables pour leurs
7 agissements et l'agissement, également, de leurs subordonnés et pouvaient
8 être tenus personnellement responsables pour un manquement à empêcher ou
9 punir des crimes qui s'étaient produits sous leur commandement. Nous
10 constaterons que Mrksic, entre autres, avait reçu des ordres de son
11 supérieur hiérarchique, le général Panic, à savoir que ce principe
12 s'appliquait partout surtout après la chute de Vukovar, le 18 novembre.
13 Je souhaite demander à la Chambre de tourner son attention brièvement vers
14 ce que j'appellerai un ensemble de cartes. Il y a six cartes que la Chambre
15 peut regarder en temps et en heure. Je pense que la Chambre connaît bien
16 les différents emplacements en question sur la carte. Peut-être que je
17 pourrais vous aider en vous montrant la carte numéro 3 car c'est la carte
18 la plus claire où on voit très bien le dessin et la manière dont est
19 délimitée la Croatie. On voit très bien le Danube et à droite, en direction
20 nord/sud, on voit la ville de Vukovar, le Danube. Ensuite, sur la carte
21 numéro 4, il s'agit d'une carte qui regroupe différents éléments. On voit
22 Vukovar et nous avons essayé de montrer à quel endroit se trouvaient les
23 emplacements qui nous concernent. On peut y voir l'hôpital, Velepromet qui
24 était un poste qui permettait d'aller plus loin; Ovcara où ont eu lieu les
25 horreurs. On voit, ici, les casernes et le QG, en particulier pour la TO.
26 Au début des années 1990, la République croate allait droit vers son
27 indépendance. Après le 19 mai, il y a eu un référendum par rapport à sa
28 position au sein de la fédération yougoslave, la Croatie a déclaré son
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1 indépendance le 25 juin 1991. Les conséquences de tout ceci étaient tout à
2 fait claires. La plupart des Serbes qui vivaient en Croatie n'ont pas pris
3 part à ce référendum car ils avaient prévu que la Croatie accéderait à
4 l'indépendance et avait déjà tenu un référendum à la fin du mois d'août et
5 au début du mois de septembre de l'année précédente. Le conseil national
6 serbe s'est prononcé en faveur de l'autonomie serbe, en tant qu'unité
7 constitutive de la fédération de la RSFY. Par conséquent, l'identification
8 ethnique est devenue de plus en plus claire et ceci est devenu beaucoup
9 plus évident que par le passé. Dans le contexte de cette situation, les
10 Serbes croates étaient en train de s'armer depuis l'année 1990, des
11 attaques ou des attaques lancées contre des villages serbes par la JNA, la
12 TO serbe a commencé, au printemps, au début de l'été 1991, par exemple, à
13 pilonner différentes villes. Il y a eu une escalade de tension entre les
14 deux communautés qui, tout à fait clairement, ont, manifestement, conduit à
15 un conflit armé généralisé vers le mois d'août 1991.
16 Avant le début du conflit armé, des villages ont été détruits. Des
17 civils croates ont été enlevés. Certains d'entre eux ont été torturés.
18 Certains d'entre eux ont été violés. Ils étaient contraints en travaux
19 forcés. Certains d'entre eux ont été brutalement massacrés par la JNA et
20 les TO serbes. Ceci a été fait de manière tout à fait systématique et sans
21 discrimination. De surcroît, un nombre important de civils croates était
22 obligé de fuir l'avancée des forces serbes qui prenaient le contrôle de
23 leurs villages.
24 Manifestement, la position de la JNA était très importante et la JNA
25 devenait de plus en plus violente, alors que le contexte politique
26 évoluait, que la JNA, d'après nous, avait envoyé en Croatie différentes
27 parties en conflit aux fins de maintenir l'ordre entre les autorités
28 croates et les Serbes en Croatie qui étaient considérés comme des insurgés.
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1 Néanmoins, cela devenait de plus en plus clair qu'à partir de l'été 1991,
2 de grandes parties des commandements et unités de la JNA en Croatie
3 accordaient leurs appuis aux insurgés serbes de Croatie dans leur conflit
4 armé contre les autorités ou dans leur combat armé contre les autorités
5 croates. Nous avançons que ceci a été fait aux fins de consolider l'avancée
6 territoriale serbe et ce, vers le mois de septembre 1991. Deux mois avant
7 la question de Vukovar, les unités de la JNA, la 1ere Division motorisée qui
8 agissait en coordination avec les unités serbes de la TO, de la SBS [comme
9 interprété] et des divisions de la TO de la République de Serbie, des
10 volontaires serbes avaient renvoyé des chars dans la République serbe et
11 des Serbes volontaires avaient envoyé des chars dans les villages Baranja
12 de la Slavonie orientale, du Srem occidental, à l'exception de Vukovar.
13 C'était pour cette raison que Vukovar était tellement important parce que
14 Vukovar, comme vous le savez, est situé du côté croate sur le Danube, ce
15 qui a divisé la Croatie de la Serbie. Vukovar, à ce moment-là, était
16 considéré comme une place forte croate, la dernière en Slavonie orientale.
17 Cette ville était considérée comme ayant une importance stratégique pour
18 les deux parties, mais avait été également très symbolique pour les Serbes
19 et les Croates.
20 A partir du mois de juillet 1991, les forces serbes ont lancé des attaques
21 militaires contre la ville de Vukovar et sans pour autant que ceci ait un
22 effet immédiat.
23 A partir du 29 septembre, nous avançons que cette date importante car
24 un ordre très important a été donné à ce moment-là. Les gardes de la
25 Brigade motorisée, avant le redéploiement de la SPSO [comme interprété], a
26 été resubordonné au 1e District militaire. En donnant ses ordres, le
27 lieutenant général Panic qui était le commandement dans ce district
28 militaire a, par la suite, mis en place deux groupes opérationnels : le
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1 premier qui se trouvait au nord, l'autre qui se trouvait au sud. Le groupe
2 opérationnel nord couvrait la région de Baranja et la Slavonie orientale du
3 nord jusqu'au fleuve Vuka. Cette affaire porte principalement sur les
4 activités et structures de commandement du groupe opérationnel sud. Il est
5 important de remarquer que toute la période allant jusqu'au
6 24 novembre, le groupe opérationnel sud était responsable de la plus grande
7 partie de la Slavonie orientale qui se trouvait au sud du fleuve Vuka et
8 par conséquent, aurait pris part et ce, de façon importante, au siège de
9 Vukovar et aurait été tenu pour uniquement responsable pour l'évacuation de
10 l'hôpital de Vukovar.
11 Pour toute la période couverte par l'acte d'accusation, Mrksic était le
12 commandant de ces gardes et il était le commandant de ce groupe
13 opérationnel sud. Le groupe opérationnel sud, comme je l'ai dit, était
14 composé de gardes ainsi que d'un détachement de Serbes de la TO de la
15 région et d'autres unités de la TO de la République Serbe et de petites
16 unités de la JNA. Le groupe opérationnel du sud était responsable pour une
17 grande partie ou couvrait une grande partie de la Slavonie orientale qui se
18 trouvait au sud du fleuve Vuka et comme je vous l'ai dit, a pris part de
19 façon intensive aux combats autour de Vukovar. C'est ainsi que fonctionnait
20 la chaîne de commandement et le système de reporting entre le commandement
21 sud du groupe opérationnel et le commandant, le colonel Mrksic et ses
22 unités subordonnées.
23 Je souhaite maintenant passer au commandant Sljivancanin. Il était le chef
24 des organes de la sécurité de ces gardes et il était manifestement le
25 subordonné de Mrksic. C'est Mrksic qui, plus tard, a ordonné à Sljivancanin
26 d'organiser et de mener l'évacuation de l'hôpital. Sljivancanin était
27 l'officier chargé de la sécurité dans le groupe opérationnel sud et comme
28 je l'ai dit, il n'avait pas de responsabilité de commandement en tant que
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1 tel, d'après le règlement de la JNA. Néanmoins, nous avançons que
2 Sljivancanin, au cours de l'opération dans le groupe opérationnel sud, est
3 allé bien au-delà des responsabilités qui incombent à un officier chargé de
4 la sécurité. Je vais tenter de traiter ce rôle qu'il a joué par la suite
5 dans mes déclarations liminaires.
6 Pour finir, je souhaite parler du troisième accusé, le capitaine Miroslav
7 Radic.
8 Au cours de l'année 1991, au mois d'octobre, Mrksic a introduit ce
9 qui a été appelé des détachements d'assaut qui faisaient partie du groupe
10 opérationnel sud et lui étaient directement subordonnés. Le commandant
11 Tesic était le commandant de ce 1er Bataillon d'assaut et a joué un rôle
12 prépondérant dans le siège de Vukovar. Ce détachement, en particulier,
13 était composé de trois groupes d'assaut et l'accusé, le capitaine Radic,
14 était le commandant du 3e Groupe d'assaut. Comme je vous l'ai dit, il est
15 important de remarquer que les personnes qui composaient ces groupes
16 d'assaut avaient un lien étroit avec les accusés en question.
17 Le groupe d'assaut de Radic était composé de membres de la JNA, de
18 réguliers, de réservistes et d'un détachement de Vukovar de la TO que je
19 vais décrire par la suite. Le détachement de Petrova Gora était commandé
20 par Stanko Vujovic et il est actuellement jugé pour crimes de guerre à
21 Belgrade ainsi que Stanko Vojanvic qui est également jugé pour crimes de
22 guerre pour les crimes commis à Vukovar et je crois que c'était son
23 assistant. Le détachement de Leva Supoderica était commandé par un certain
24 Kameni qui, lui aussi, est en train d'être jugé pour des crimes de guerre
25 commis à Vukovar.
26 S'agissant du poste de commandement du groupe d'assaut de Radic, il se
27 trouvait à Nova Ulica 81. Vous vous souviendrez peut-être de la carte 6 qui
28 vous montre l'endroit où se trouve cette maison. C'était la maison de
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1 Vujanovic.
2 Pendant le siège de Vukovar, il y a eu régulièrement des réunions à
3 ce poste de commandement afin de planifier les opérations militaires qui
4 devaient être lancées par le groupe d'assaut de Radic. Ces réunions
5 Vujovic, Vujanovic et Kameni y assistaient régulièrement, de même que le
6 commandant Sljivancanin, c'est curieux et bizarre, beaucoup des effectifs
7 serbes estimaient que Sljivancanin était le véritable commandant de
8 l'opération de Vukovar. Mais comment dire, il y avait une relation de
9 travail très étroite de Radic avec le détachement de la TO serbe de Vukovar
10 sous son commandement ainsi qu'avec Sljivancanin. D'après un témoin,
11 Sljivancanin considérait que Radic était son bras droit. Comment le dire en
12 termes simples, ce que nous avançons, c'est que Radic, au fond, c'était le
13 levier ou du moins, le lien entre Sljivancanin et la TO de Vukovar.
14 Le 12 novembre 1991 ou vers cette date, le dirigeant nationaliste
15 serbe, une personne qu'on connaît pour sa modération, Seselj, qui a été mis
16 en accusation et va être jugé par ce Tribunal, est allé à Vukovar pour une
17 réunion qui s'est tenue au poste de commandement au 81 Nova Ulica. Outre
18 Seselj, il y avait d'autres personnes, y compris les officiers de la garde,
19 Sljivancanin était présent aussi ainsi que Radic, un certain Bojkovski, les
20 commandants de la TO serbe locale de Vukovar, Kameni, Vujovic, Vujanovic.
21 Kameni, on le savait, avait des liens politiques avec le SRS. D'après ce
22 témoin, Seselj a dit ceci aux participants à cette réunion : "Nous sommes
23 tous une seule et même armée. Cette guerre est une grande épreuve pour les
24 Serbes. Ceux qui réussissent cette épreuve seront les vainqueurs. Ceux qui
25 désertent seront punis. Pas un seul Oustachi ne doit quitter ce ville
26 vivant."
27 Il est intéressant de relever que cinq ans après les horreurs de
28 Vukovar, Sljivancanin a dit, dans une interview qu'il a accordée à un
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1 journal, qu'il était d'accord avec la politique menée par Seselj. Il a
2 ajouté qu'à son avis, Arkan était un homme très courageux, un brave.
3 Radic était manifestement celui qui avait le moins d'ancienneté parmi
4 les trois accusés. C'était malgré tout un lien, et du coup, il jouait un
5 rôle crucial. Il était le lien avec la TO. Il avait des contacts réguliers
6 avec lui. Il était le bras droit de Sljivancanin. Il avait donc son
7 autorité. Il avait cette fonction importante d'être l'agent de liaison avec
8 la TO serbe. Mais comme il a utilisé les listes de personnes qui se
9 trouvaient à l'hôpital au moment de la chute de Vukovar - nous le verrons -
10 il a été un de ceux qui ont pris la décision de déterminer qui allait aller
11 où.
12 Il y a eu cette réunion avec Seselj et ce qui s'est dit. C'est
13 important, parce que ceci montre qu'il y a un parti pris politique de ceux
14 qui participent à la réunion. C'était six jours à peine avant que ces
15 horreurs ne soient commises.
16 De l'avis de l'Accusation, on a manifesté, lors de cette réunion, la
17 volonté de poursuivre et de persécuter tous ceux qui n'étaient pas Serbes à
18 Vukovar, et que c'est là qu'a commencé à prendre forme cette entreprise
19 criminelle commune.
20 Nous parlons maintenant du mois de septembre et d'octobre 1991. Les
21 forces du Groupe opérationnel du sud, sous le commandement de Mrksic,
22 avaient pratiquement encerclé la ville de Vukovar. Cette période a duré à
23 peu près trois mois. Il y a eu siège de la ville, notamment de l'hôpital.
24 La ville, pendant ce siège, a été la cible de bombardements à l'artillerie
25 et de bombardements aériens d'une campagne continue, bombardements répétés,
26 aveugles le plus souvent, pour forcer les gens à vivre dans des abris, dans
27 des caves. Pour s'emparer de la ville, les forces armées serbes ont lancé
28 plusieurs attaques de blindés et d'infanterie. C'est ainsi que le 18
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1 novembre, les forces croates qui défendaient Vukovar se sont finalement
2 rendues.
3 Nous avons déjà vu, dans ces premières images qui ont été diffusées,
4 le siège de Vukovar et les effets qu'il a eus. La zone a été très
5 endommagée, beaucoup de personnes tuées, un grand nombre de personnes
6 déplacées.
7 Vers le 18 novembre, 170 membres des forces croates qui avaient
8 défendu Vukovar se sont rendus à Mitnica, à plusieurs kilomètres du centre
9 de la ville. Au cours des négociations, en vue de la reddition, les
10 commandants des forces croates se sont rendus à des unités régulières de la
11 JNA. Mais ces forces croates ont insisté pour dire que cette reddition
12 devrait se faire sous les auspices de la Croix Rouge. Cette reddition s'est
13 faite aussi sous le regard direct des médias. Deux des personnes concernées
14 ont été le général Pavkovic, qui est aussi en attente de procès au TPIY,
15 mais pas dans ce cadre ou par rapport à cette question. Il a été officier
16 de liaison pour le QG du Groupe opérationnel sud, et un certain Borsinger
17 qui était du CICR.
18 Je vais vous demander maintenant de vous pencher sur l'intercalaire 4
19 ainsi que sur l'intercalaire 5. Je vais commencer, si vous me le permettez,
20 par l'examen de l'intercalaire 5, puis nous reviendrons à l'intercalaire 4.
21 Intercalaire 5, j'espère que tout le monde pourra ainsi voir les
22 personnes assises à cette table. La personne à gauche avec l'insigne de la
23 Croix Rouge, c'est Nicolas Borsinger, que nous allons revoir deux jours
24 plus tard sur le pont de Vukovar. Nous avons Borsinger. A côté de lui se
25 trouve Pavkovic, que nous allons aussi revoir sur le pont. A droite se
26 trouve une personne qui représente les forces croates au moment de la
27 reddition.
28 Je vais vous demander maintenant d'examiner l'intercalaire 4. Je ne
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1 vais pas diffuser la séquence vidéo; je le ferai plus tard. Cependant, j'ai
2 la copie de la transcription. Voici comment j'aimerais l'utiliser. J'ai
3 surligné à l'intention de toutes les parties les moments, disons, forts.
4 Prenons la première page. Nous allons voir que Pavkovic dit :
5 "Reddition, reddition." A la page 5, nous voyons Pavkovic qui parle à un
6 certain Karaula, en croate, et lui dit : "Vous êtes le Monsieur de
7 Mitnica."
8 Réponse de Karaula : "Oui, oui."
9 Page 6, Nicolas Borsinger intervient. Ce qu'il dit est important.
10 Voici ce qu'il dit : "Je dois expliquer aux deux représentants, la présence
11 du CICR ici qui concerne uniquement les questions humanitaires."
12 Page 7, je vais demander aux membres de la Chambre de souligner ceci
13 même si ceci est déjà surligné. Nous voyons que Pavkovic explique pourquoi
14 il y a intervention, participation active de la Croix Rouge internationale.
15 Il dit : "Les membres des formations croates ont demandé la participation
16 d'un membre du CICR ou de la Mission d'observation."
17 Il poursuit en disant ceci : "Parce que d'après eux, c'est ainsi
18 garantir que l'accord sera appliqué."
19 A notre avis, la négociation qui se déroule à Mitnica montre de façon
20 très précise la préoccupation qu'avaient les forces croates et la nature de
21 la reddition. C'est aussi important au regard de la connaissance qu'avait
22 Pavkovic au regard de la participation de Borsinger sur le pont de Vukovar.
23 De ce fait, les forces qui s'étaient rendues à ce moment-là, elles avaient
24 été escortées par la garde, par la police militaire, sans aucune immixtion
25 ni ingérence des forces de la TO serbe locale. Ils ont été emmenés à la
26 frontière avec la Serbie, après quoi, ils ont été transférés à un camp de
27 détention en Serbie.
28 Il se peut fort bien que la participation de la Croix Rouge elle-
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1 même, et en particulier au départ, la présence de la Croix Rouge a sauvé la
2 vie de ceux qui se rendaient. Si la présence du CICR et des médias avait
3 été un mauvais calcul, ce n'était pas un mauvais calcul qui allait se
4 répéter le 20 novembre au moment de l'évacuation de l'hôpital.
5 Au cours des derniers jours du siège à Vukovar, plusieurs centaines
6 de personnes se sont dirigées, ce n'est pas surprenant, vers l'hôpital.
7 Parce qu'ils croyaient que c'était un lieu sûr où on pouvait se réfugier.
8 Arrivé le 18 novembre, ceux qui se trouvaient sur le périmètre de
9 l'hôpital, y compris le personnel hospitalier, les médecins, les patients,
10 les blessés qui avaient été blessés pendant les combats et d'autres civils,
11 se trouvaient à l'hôpital. Beaucoup se trouvaient dans le sous-sol, puisque
12 la JNA bombardait l'hôpital et avait déjà considérablement endommagé des
13 étages supérieurs de l'hôpital.
14 On estime que le 18 novembre, il y avait de 1 000 à 2 000 personnes
15 qui s'étaient réfugiées à l'hôpital en plus des malades et des blessés. Je
16 voudrais maintenant, si vous le permettez, diffuser une brève séquence qui
17 a été tournée à ce moment-là à l'hôpital.
18 [Diffusion de cassette vidéo]
19 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
20 M. MOORE : [interprétation] Au moment de la reddition des forces qui
21 défendaient Vukovar, un accord d'évacuation a été signé à Zagreb. Les
22 représentants de la République de Croatie l'ont signé ainsi que la JNA et
23 le CICR. Médecins sans frontières l'a signé également ainsi que la Croix
24 Maltaise. L'accord d'évacuation était manifestement un document important.
25 Il avait pour vocation de réglementer l'évacuation des blessés et des
26 malades de l'hôpital sous les auspices des observateurs eux-mêmes.
27 Je vais demander à la Chambre de se rapporter à
28 l'intercalaire 1 du classeur. Nous allons nous servir du logiciel Sanction
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1 pour vous montrer ce texte.
2 Premier paragraphe, j'espère qu'il est surligné. On voit qu'il y a une
3 réunion qui se tient le 18 novembre.
4 Paragraphe 5 : "Seront évacués tous ceux qui sont blessés ou malades et qui
5 sont en train d'être soignés à l'hôpital de Vukovar."
6 Paragraphe 6 : "L'hôpital va être placé sous la protection du CICR; du
7 comité international de la Croix Rouge, qui indiquera ou conseillera les
8 deux parties pour ce qui est de la période où il faudra appliquer la
9 neutralité."
10 Au paragraphe 7 : "La République de Croatie et l'YPA sont d'accord pour
11 dire que c'est la Mission d'observation européenne qui devrait surveiller
12 la totalité de l'observation, puisqu'elle connaît tous les tenants et
13 aboutissants de l'évacuation." On parle de la façon d'assurer cette
14 évacuation.
15 Ce que nous disons, c'est qu'il est dit clairement ici que c'est sous
16 la protection du CICR, que tous les malades et les blessés doivent se
17 trouver du début à la fin, et qu'ici, l'observation, elle a peut-être
18 brillé par son absence. Nulle part dans cet accord d'évacuation on ne dit
19 que la JNA doit transmettre les évacués à une autre instance, doit les
20 remettre à quelqu'un d'autre. Dans l'accord non plus, on ne dit rien du
21 rôle que devrait jouer les autorités autoprogrammées de la SBSO pour ce qui
22 est de l'évacuation de l'hôpital. Cet accord d'évacuation était connu de
23 toutes les parties. Les trois accusés, ici présents, le connaissaient cet
24 accord ainsi que d'autres. Il y a beaucoup d'autres éléments qui sont
25 entrés en jeux et qui ont, dans une certaine mesure, renforcé davantage
26 qu'ils n'auraient affaibli cet accord.
27 Les combats entre les forces serbes et les forces croates avaient été très
28 âpres. Manifestement, les pertes avaient été très lourdes de part et
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1 d'autre, surtout du côté des forces serbes. La garde, elle-même, avait subi
2 des pertes très lourdes, surtout au niveau des officiers. Le colonel
3 Mrksic, apparemment, a relevé que la garde comptait plus de 600 hommes qui
4 avaient été mis hors d'action, y compris beaucoup d'officiers, et que ceci
5 allait entrer dans les annales de la guerre, comme étant une opération
6 militaire où plus d'officiers avaient été tués que de soldats.
7 Ceci montre qu'il y avait vraiment été décimé, donc un sur dix, et que 600
8 hommes avaient été tués ou blessés sur un total d'environ 3 000.
9 On s'attendait à ce qu'il y ait des représailles sur la population civile
10 de Vukovar après la chute de la ville. Du coup, le général Panic donne un
11 ordre au colonel Mrksic. Il lui dit : Emparez-vous de l'hôpital de Vukovar
12 le 18 novembre. Cet ordre, à notre avis, c'est un ordre tout à fait crucial
13 dans notre procès. Parce que sans aucune ambiguïté, il montre que Mrksic
14 est avisé de la menace de représailles et d'autres formes de vengeance dont
15 étaient responsables d'autres forces de la TO locale serbe.
16 Je vais vous demander maintenant d'examiner l'intercalaire 2. Nous allons
17 nous servir de ce logiciel Sanction pour l'examiner. Première page, nous
18 allons voir en haut à gauche qu'il s'agit de la 1e Région militaire. La
19 date est celle du 18 novembre 1991. On voit que c'est un document d'une
20 extrême urgence. C'est surligné. Cet ordre concerne le Groupe opérationnel
21 sud qui se trouve sous le commandement et le contrôle de Mrksic.
22 Je passe à la page suivante, paragraphe 3 : "Dans le cadre de l'exécution
23 de cette mission et de toutes les autres opérations de la région où il
24 s'agit d'écraser les forces Oustachi, appliquez toutes les dispositions des
25 conventions de Genève pour ce qui est des prisonniers de guerre."
26 Je poursuis. Paragraphe 8 : "Toute unité doit avoir un contrôle complet de
27 la situation sur le territoire qui relève de sa zone de responsabilité."
28 Ici, j'insiste aussi : "Les commandants à tous les échelons en seront
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1 responsables. Les lois de guerre ne sont pas entrées en vigueur. Par
2 conséquent, comme toujours, personne n'a le droit de prendre des mesures de
3 représailles ou d'autres formes de revanche; ce qui a pourtant été le fait
4 de certaines unités de la TO locale. A l'avenir, il faudra arrêter les
5 auteurs de tels agissements et prendre toutes les mesures juridiques
6 nécessaires."
7 On voit qui donne cet ordre. Ceci vient du supérieur de Mrksic, Panic, en
8 l'occurrence. Prenons maintenant la dernière page. Nous voyons la date 18
9 novembre 1991, 0045, minuit quarante-cinq.
10 Je vais me servir d'un terme anglais; c'est clair comme de l'eau de roche.
11 Si on reçoit cet ordre, on sait parfaitement ce qui préoccupe Panic. Puis,
12 c'est une question de bon sens quand on voit ce qui s'était passé deux mois
13 auparavant.
14 Notre premier témoin sera le Dr Bosanac. Il était le directeur de
15 l'hôpital, ou elle était le directeur de l'hôpital. Elle avait été informée
16 du fait que l'évacuation des blessés et des malades allait commencer le 18
17 novembre. Cela avait été convenu sous les auspices de la Croix Rouge et des
18 observateurs de la Mission européenne. L'évacuation n'a pas pu se faire ce
19 jour-là, car les deux groupes participaient à la surveillance de
20 l'évacuation des civils et des blessés dans d'autres parties de la ville,
21 sans aucun doute, notamment à Mitnica, dont j'ai déjà parlé.
22 Il a été convenu que les observateurs allaient plutôt aller à l'hôpital
23 pour veiller à surveiller l'évacuation le lendemain, à savoir, le 19
24 novembre. Au cours de la soirée du 18 novembre, parce que, apparemment,
25 Mrksic a eu un briefing de commandement à tous les jours, enfin dans la
26 soirée du 18, Mrksic, à notre avis, a eu, comme d'habitude, son briefing
27 quotidien au QG, à Negoslavi. Il a annoncé que ce serait Sljivancanin qui
28 allait commander l'opération d'évacuation de l'hôpital. C'est ainsi que le
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1 matin du 19 novembre, le commandant Tesic et ses forces du 1er Détachement
2 d'assaut sont parvenus à l'hôpital. Ils l'ont sécurisé. Aucune résistance
3 de la part de qui que ce soit à l'hôpital. A peu près au même temps, Radic,
4 lui aussi, est arrivé à l'hôpital. Vous vous souviendrez, bien sûr, que
5 Radic est directement subordonné à Tesic, mais c'est assez bizarre, Tesic
6 ne lui avait pas dit d'aller à l'hôpital, ni de participer en aucune façon
7 à l'évacuation.
8 Il semblerait que Radic en personne était allé à l'hôpital de son plein
9 gré, qu'il en avait pris l'initiative personnelle. On est en droit de dire
10 que Sljivancanin est alors allé rejoindre Radic.
11 Peu de temps après l'arrivée de Tesic à l'hôpital, Vujic -- je m'excuse,
12 Vujovic et Vujanovic ainsi que d'autres membres de la TO locale serbe de
13 Vukovar, dont les volontaires serbes et les paramilitaires serbes ont
14 commencé à se regrouper devant l'hôpital. N'oublions pas que l'ordre avait
15 été donné par Panic, la veille. Or, on a laissé entrer ces individus, alors
16 qu'il y avait un danger manifeste, inhérent, vu la tension qui régnait.
17 Certains de ces individus ont dit d'eux-mêmes qu'ils étaient des Chetniks
18 et je le répète, on les a laissés entrer dans l'hôpital, la JNA les a
19 laissés entrer. Ils ont commencé à frapper, à invectiver et à faire subir
20 toutes sortes de mauvais traitements aux patients. La tension montait parmi
21 les forces de la TO locale serbe, mais c'était la première manifestation,
22 la première expression d'incident qui se manifestait au sein de la JNA et à
23 notre avis, il y a eu de la complicité à cet égard, compte tenu qu'on
24 pouvait prévoir qu'il y aurait des problèmes, puisque cela s'était déjà
25 produit un certain temps auparavant.
26 Il n'est pas surprenant de voir que Bosanac a insisté pour que les
27 observateurs eux-mêmes soient présents, au moment de l'évacuation; c'est
28 tout à fait conforme à l'accord d'évacuation. Elle a essayé de contacter,
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1 pour ce faire, les observateurs. Elle a parlé au commandant Sljivancanin,
2 s'agissant de l'accès à l'hôpital, elle avait formulé une demande prudente
3 et l'observateur européen Schou a reçu une réponse de Sljivancanin disant
4 que des observateurs européens ne devraient plus avoir de contacts avec le
5 Dr Bosanac parce que selon Sljivancanin, c'était une criminelle et les
6 observateurs ne devraient pas aller à l'hôpital tant qu'il y avait à des
7 criminels.
8 Tesic a ramené Bosanac au QG du Groupe opérationnel sud pour rencontrer
9 Mrksic. Lors de cette réunion, Mrksic a informé Bosanac qu'il allait
10 changer l'itinéraire d'évacuation qui avait été convenu au départ. On avait
11 peur qu'il y ait des mines, apparemment.
12 Mrksic a aussi informé Bosanac que la Croix Rouge était occupée à
13 Velepromet, à Vukovar, s'occupait des civils qui s'y étaient rassemblés.
14 Mrksic a ajouté que Bosanac devrait retourner à l'hôpital pour y attendre
15 l'arrivée des observateurs du CICR. Il est curieux de voir que Mrksic n'a
16 pas permis à Bosanac de parler à l'un des observateurs au QG. Il a dit ceci
17 : "Il n'y a pas de raison qu'elle les voit maintenant." Bosanac a été
18 simplement ramenée à l'hôpital et il était très clair que la police
19 militaire a exercé un contrôle complet à ce moment-là.
20 Nous sommes là, le 19 novembre; vers cette date, Cyrus Vance et
21 l'ambassadeur Okun, se trouvaient sur les lieux. C'étaient les envoyés
22 spéciaux en vue de la paix dans le cadre de la Conférence internationale
23 sur l'ex-Yougoslavie. Ces deux hommes ont, eux aussi, essayé d'aller à
24 l'hôpital pour faire le point de la situation sur les lieux, mais nous
25 entendrons ce que dira l'ambassadeur Okun; il nous dira ce qui s'est passé.
26 Le Dr Bosanac est rentrée à l'hôpital, elle y a découvert que la JNA, sous
27 les ordres de Sljivancanin, avait déjà commencé à séparer les hommes des
28 femmes et allait les transporter vers le lieu de rassemblement à
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1 Velepromet. Ceci s'est fait manifestement en contravention de l'accord
2 d'évacuation et sans aucunement respecter ce qui avait été l'intention
3 initiale.
4 En dépit des protestations soulevées par le Dr Bosanac disant à
5 Sljivancanin qu'il ne fallait pas que cela se fasse sans la présence des
6 observateurs, il a fait fi de ces remarques et il a poursuivi le processus
7 de séparation et de sélection des personnes qu'il fallait évacuer des
8 bâtiments de l'hôpital, au moment où les femmes et les hommes étaient
9 séparés. Fin d'après-midi, début de soirée, le
10 19 novembre, sur les ordres de Sljivancanin, un grand nombre de personnes
11 qui avaient, d'abord, cherché refuge à l'hôpital, avaient été transportées
12 à Velepromet, lieu de rassemblement, manifestement sous le contrôle de la
13 JNA.
14 Bon nombre de ces personnes ont subi, par la suite, des mauvais
15 traitements. Certains ont été tués à cet endroit qui était utilisé comme
16 centre de détention.
17 Peu de temps après le début d'évacuation de ces civils vers Velepromet, un
18 représentant de la Croix Rouge est arrivé à l'hôpital et a rencontré
19 Bosanac et Sljivancanin. Ce qui s'est passé à ce moment-là, à notre avis,
20 est particulièrement important parce qu'en réalité, Bosanac a fourni une
21 liste des malades et des blessés au représentant international pour une
22 raison qui est manifeste. L'accord d'évacuation spécifiait ce qu'il fallait
23 faire à propos de tous les blessés en disant que ceux-ci se trouvaient sous
24 la protection de la Croix Rouge, notamment, mais Sljivancanin a demandé à
25 avoir des copies de ces listes de malades et de blessés. N'oublions pas la
26 pression qui était exercée à ce moment-là et c'est avec beaucoup de
27 réticence que Bosanac lui a donné ces copies. Elle a insisté et malgré ses
28 réticences, Sljivancanin a obtenu d'autres listes du personnel hospitalier,
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1 d'autres personnes qui se trouvaient à l'hôpital.
2 A notre avis, Sljivancanin en personne voulait contrôler ses propres listes
3 à ses propres fins. Ces listes ont, plus tard, été utilisées à des fins de
4 sélection dans le cadre de l'évacuation de l'hôpital. Par conséquent,
5 lorsque arrive la soirée du 19 novembre, Mrksic a une nouvelle réunion à
6 son QG pour y informer plusieurs des officiers qui avaient été envoyés par
7 le service de Sécurité pour aider à l'évacuation de Vukovar, il dit ceci :
8 "Beaucoup de criminels se cachent parmi les blessés, des gens qui ont tué
9 et qui ont abattu les officiers de la JNA et les civils serbes."
10 Plus tard encore, pendant la soirée, Bosanac est ramenée, une fois de plus,
11 au QG de Mrksic, mais Sljivancanin était présent. Il a commencé à
12 l'interroger pour savoir où se trouvaient les membres des forces croates
13 qui défendaient Vukovar.
14 Comme je l'ai déjà indiqué, nous avons le Dr Bosanac au sein du QG ainsi
15 que toute une grande quantité de personnes au sein de cette installation de
16 Velepromet. Cette installation en tant que telle a permis d'accueillir bon
17 nombre d'individus qui ont demandé à y trouver refuge auparavant. Il y
18 avait des gens qui ont été acheminés suite à des ordres donnés par
19 Sljivancanin. L'installation elle-même se trouve à proximité de la caserne
20 de la JNA à Vukovar et se trouvait placée sous le contrôle de ce Groupe
21 opérationnel sud.
22 Un officier chargé de la sécurité au sein de la JNA, mis à la retraite,
23 répondant au nom du colonel Vujic, a reçu l'ordre d'aller à Velepromet et
24 de procéder à la séparation, comme on le lui a dit, de prisonniers et de
25 civils, prisonniers de guerre et civils. Vujic était censé également
26 organiser le transport en autocar de ces prisonniers vers une unité de
27 détention à Sremska Mitrovica en Serbie. Mais une fois arrivé à Velepromet,
28 on l'a présenté à l'officier chargé de la sécurité au sein de la garde.
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1 Mais cet officier, lui, a été chargé des installations de Velepromet. Il a
2 informé Vujic du fait que la séparation des prisonniers de guerre et des
3 civils a déjà été réalisée. Chose plus importante encore, il a indiqué que
4 les membres de la TO locale serbe ont également aidé à sécuriser
5 l'installation.
6 Pendant qu'il inspectait les lieux, Vujic n'a pas eu la possibilité
7 d'accéder à une pièce particulière qui a été gardée tant par les membres de
8 la TO serbe locale que par des membres de la police militaire appartenant à
9 la Brigade mécanisée de la garde. Cette pièce était connue comme le "local
10 de la mort." C'est ainsi que l'appelaient ceux qui ont eu connaissance de
11 son affectation.
12 Deux hommes, l'un surnommé Topola et un autre dénommé Marko Crevar se
13 trouvaient être présents. C'étaient des gens qui étaient localement connus
14 comme faisant partie des Chetniks. Crevar était à la tête du secrétariat
15 intérieur de Vukovar et faisait partie de l'instance chargée de sécuriser
16 cette installation sous le commandement de la Brigade motorisée de la
17 garde. Il a dit qu'il n'autoriserait pas à ce que les prisonniers de guerre
18 soient emmenés, mais qu'ils seraient gardés là pour être punis et pour
19 qu'il y ait comportement à l'égard, conformément au comportement qui a été
20 le leur vis-à-vis des Serbes. "Ce sont tous des criminels," a-t-il dit.
21 "Nous les connaissons en personne, nous avons déjà eu affaire à eux et
22 personne ne sera à même de les amener d'ici, même s'il faut que nous nous
23 servions de nos armes pour qu'il en soit ainsi."
24 Cependant, Vujic a remarqué que des gens ont été sortis de cette pièce,
25 qu'on les emmenait à quelque part et suite à cela, on entendait des coups
26 de feu. Par la suite, il s'est avéré qu'il y a eu des cadavres de retrouvés
27 non loin des installations de Velepromet. A ce moment-là, Vujic lui-même a
28 donné l'ordre au personnel de cette brigade motorisée de la garde, au
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1 personnel, notamment, d'un blindé de transport de troupes, de déplacer leur
2 véhicule, de le rapprocher le plus près possible de cette pièce et d'ouvrir
3 le feu en direction de ceux qui gardaient la pièce au cas où on ne
4 relâcherait pas les prisonniers. Lorsqu'il a menacé de recourir à la force,
5 les membres de la TO locale serbe ont cédé et ont laissé sortir les
6 prisonniers.
7 Comment se peut-il que Vujic ait pu protéger ces gens-là alors que les
8 autres, ultérieurement, n'ont pas pu être protégés par la suite ?
9 D'après Vujic, il a dit qu'environ 45 prisonniers de guerre ont été sortis
10 de la pièce en question. Il a décrit le mauvais état de ces personnes, des
11 gens qui étaient couverts de sang, qui ont été battus et qui avaient très
12 mauvaise mine. Il était évident que c'étaient des personnes torturées.
13 Les autres descriptions nous ont été fournies par un homme répondant au
14 prénom de Josip qui a dit : "La nuit, il y avait des Chetniks qui entraient
15 dans la pièce pour les sortir et les emmener dans un coin et ils les
16 battaient avec des câbles électriques. Puis, ils leur sautaient dessus, ils
17 leur donnaient des coups de pied avec leurs bottes, tant au niveau du corps
18 qu'au niveau de la tête. D'autres Chetniks s'écriaient : Abattez ces
19 Oustachi, qu'on leur nique leur mère à ces Oustachi. Tu vois bien qu'il est
20 encore vivant, tapez dessus."
21 Une fois revenu, le 20 novembre, au QG du Groupe opérationnel sud, Vujic a
22 informé Mrksic de façon claire et sans équivoque, ainsi que le commandant
23 Sljivancanin, concernant ce qu'il a trouvé là-bas, les problèmes auxquels
24 il a dû faire face auprès des membres de la TO locale serbe, y compris les
25 volontaires qui se disaient eux-mêmes être Chetniks. Il a dit ce qui s'est
26 produit à Velepromet et il a dit qu'il y a eu des exécutions de non-Serbes,
27 de détenus non-serbes.
28 En dépit de ce que Vujic a transmis, rien n'a été fait aux fins de protéger
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1 ces personnes-là.
2 S'il convient d'en croire aux dires de Vujic, il a fourni de façon claire
3 et sans équivoque le fait qu'il a transmis, tant à Mrksic qu'à
4 Sljivancanin, le fait qu'il y avait perpétration d'actes de violence,
5 d'exécutions de personnes passées sous leur contrôle et cela a été
6 important pour deux raisons : cela a été transmis tant à Mrksic qu'à
7 Sljivancanin par une personne qui est tout à fait crédible et fiable et
8 cela ne fait que confirmer, une fois de plus, les appréhensions exprimées à
9 l'intention de Mrksic et Sljivancanin dans l'ordre donné par le commandant
10 Panic daté du 18 novembre, à savoir, 36 heures avant cela. Toutes les
11 appréhensions dont a parlé Panic se sont réalisées dans les faits.
12 En dépit de cette information, l'attitude de Sljivancanin a été quelque peu
13 intéressante parce qu'il a informé Vujic et les autres du fait d'avoir
14 roulé le Dr Bosanac, qu'il a réussi à se procurer la liste de ceux qui se
15 trouvaient au sein de l'hôpital et sur ces listes, d'après Sljivancanin, il
16 y avait des personnes qui se seraient déguisées en blessés, alors que
17 c'était, en réalité, des criminels de guerre notoirement connus pour les
18 crimes perpétrés à l'égard de la population locale serbe. Il est clair,
19 partant du langage utilisé, à savoir, les termes de "criminels de guerre,"
20 était la façon dont ils voyaient les intéressés.
21 Nous estimons que le plan de Mrksic, Sljivancanin, Radic et autres
22 impliqués dans l'évacuation de cet hôpital consistait à identifier et
23 isoler les individus au sujet desquels ils croyaient qu'ils avaient commis
24 des crimes à l'encontre de la population locale serbe et les forces serbes
25 et de les proclamer criminels de guerre ou d'en faire des Oustachi.
26 Je voudrais que nous fassions peut-être une petite pause; puis, je
27 continuerai avec la deuxième partie de ma présentation.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, quand vous parlez
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1 d'une deuxième partie de votre présentation, dites-nous combien de temps il
2 vous faudra à peu près ?
3 M. MOORE : [interprétation] A peu près une heure.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Jusqu'à une heure de l'après-midi ?
5 M. MOORE : [interprétation] Non, non. Ce que j'avais à l'esprit, c'était
6 une heure seulement.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vois, une heure.
8 M. MOORE : [interprétation] Oui, juste une heure.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Et vous en finirez avec votre
10 déclaration liminaire.
11 M. MOORE : [interprétation] Oui.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons, alors, faire
13 une pause d'une demi-heure à présent.
14 M. MOORE : [interprétation] Très bien.
15 --- L'audience est suspendue à 11 heures 11.
16 --- L'audience est reprise à 11 heures 44.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, vous avez la
18 parole.
19 M. MOORE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 Je vais poursuivre et parler de l'évacuation de certaines personnes de
21 l'hôpital.
22 Comme je vous l'ai déjà signalé, le Dr Bosanac a été emmenée et a quitté
23 l'hôpital à plusieurs reprises. A 6 heures du matin environ, le matin du
24 20, le commandant Sljivancanin a organisé une séance d'information en
25 présence du colonel Vujic, ainsi que d'autres officiers et soldats avant de
26 se rendre à Velepromet, à l'hôpital. Il a déclaré que lui-même serait
27 responsable de l'évacuation de l'hôpital, autrement dit, les officiers
28 avaient déjà reçu leur ordre de mission et les personnes qui étaient à
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1 l'hôpital seraient rassemblées dans la cour de l'hôpital et à ce moment-là,
2 on déciderait qui serait emmené où.
3 Nous avançons que cette liste a joué un rôle important à cet égard.
4 Eu égard aux problèmes survenu à Velepromet la veille, les personnes
5 sélectionnées à l'hôpital devaient être évacuées et emmenées dans les
6 casernes de la JNA à Vukovar. Bien évidemment, ceci se trouvait à côté des
7 installations de Velepromet et ce, semble-t-il, aux fins de protéger ces
8 personnes. Si tel était le cas et si c'était véritablement pour assurer
9 leur sécurité et que c'était une explication tout à fait valable, nous
10 faisons valoir que ceci requiert une réponse : protection de qui ? Comment
11 se fait-il que tellement d'âmes aient succombé dans des circonstances aussi
12 épouvantables 12 heures, quelque 12 heures plus tard, si, en réalité,
13 c'était l'intention de Sljivancanin de les protéger ?
14 A leur arrivée à l'hôpital, les membres de la garde et les Serbes de la TO
15 qui étaient placés sous le commandement du commandant Sljivancanin
16 contrôlaient toujours la situation à ce moment-là.
17 Radic était arrivé à l'hôpital aux premières heures du matin et avait
18 rencontré le commandant Sljivancanin à nouveau et Sljivancanin s'était
19 promené dans l'hôpital en présence des membres de la TO serbe de la région
20 qui se présentaient comme étant des Chetniks. Ces personnes indiquaient ou
21 montraient du doigt les Croates qui se trouvaient à l'hôpital et leur
22 montraient du doigt ceux qui avaient massacré des Serbes. Tout ceci en
23 présence de Sljivancanin et avec son accord.
24 A l'égard de cette procédure de sélection, la participation de la TO
25 et tenant compte de ce que Vujic avait dit et avait rapporté sur les
26 événements de la nuit précédente, on pourrait déduire quelque chose qui
27 semble tout à fait raisonnable, à savoir que ce qui a été fait ici et la
28 sélection de ces individus a été fait avec l'accord de Sljivancanin.
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1 Vers 7 heures du matin, une heure plus tard, Sljivancanin a, ensuite,
2 tenu informé le Dr Bosanac du fait qu'elle n'était plus en charge de
3 l'hôpital et lui a indiqué qu'il avait organisé une réunion pour le
4 personnel de l'hôpital. Elle a demandé à ce qu'il y ait un report de cette
5 évacuation car elle souhaitait, conformément à l'accord sur l'évacuation
6 qui avait été signé, qu'on attende que viennent les observateurs de la MCCE
7 et les représentants de la Croix Rouge. Mais aucun délai n'a été accordé.
8 Aucun délai n'a été accordé par Sljivancanin et a contrecœur, Bosanac a
9 accepté que cette réunion soit organisée.
10 La raison, nous avançons, pour laquelle les observateurs
11 internationaux n'ont pas pu venir est tout à fait claire. Ils ont été
12 retardés délibérément, on les a empêchés de rejoindre l'hôpital, c'est la
13 JNA qui les en a empêchés et nous allons entendre des témoignages à cet
14 égard. Ils sont restés à cet endroit pendant deux heures environ, au cours
15 de laquelle se poursuivait l'évacuation. L'évacuation, mais peut-être plus
16 important, la sélection des individus continuait à se poursuivre pour
17 empêcher que toute restriction leur soit imposée par les observateurs
18 internationaux et les médias en particulier. Je dis ceci car on n'allait
19 pas revoir ce qui s'est produit à Mitnica.
20 Alors que le personnel de l'hôpital s'était réuni et que la réunion
21 se tenait toujours, un officier de la JNA a lu une liste sur laquelle se
22 trouvaient des noms de personnes qui étaient patients de l'hôpital et qui
23 devaient se rendre dans la cour de l'hôpital. Une procédure de sélection
24 avait visiblement été mise en place. Alors que la séparation ou la division
25 des personnes avait lieu, quelques Serbes de la TO de la région et d'autres
26 paramilitaires étaient entrés dans l'hôpital et encore une fois, étaient
27 passés outre le personnel de sécurité de la zone du Groupe opérationnel sud
28 et poursuivaient leur route comme ils avaient fait le jour précédent,
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1 étaient entrés dans l'hôpital et menaçaient les patients.
2 Il est important de se rappeler que ce qui s'était passé la nuit
3 précédente à Velepromet est quelque chose dont était tenu au courant
4 Sljivancanin. Encore une fois, ceci demande une réponse : comment se fait-
5 il que cette catégorie d'individus qui étaient, en partie, responsables
6 pour les massacres de la nuit précédente étaient autorisés à rentrer dans
7 l'hôpital ce matin-là, parce que le personnel de l'hôpital n'est pas
8 intervenu pour essayer de protéger les patients.
9 Un des témoins se souvient avoir dit ceci : "J'ai vu les Chetniks en
10 train de frapper un homme à la jambe et la jambe était justement celle qui
11 avait été amputée." C'était après qu'on ait reconnu qu'il s'agissait d'un
12 Croate.
13 Lorsque la séparation a eu lieu, Sljivancanin, lui-même, a annoncé
14 aux membres de l'hôpital que la JNA avait gagné ce jour-là et que l'hôpital
15 était maintenant passé sous le contrôle de la JNA. Ce n'est pas la Croix
16 Rouge internationale, ni les observateurs de la MCCE qui étaient présents à
17 l'hôpital, alors que cette séparation et cette évacuation ont eu lieu,
18 malgré le fait que c'est quelque chose sur lequel ils étaient tombés
19 d'accord et on avait dit qu'ils devaient participer à cette évacuation.
20 Comme je le dis, c'était parce qu'on leur avait délibérément refusé
21 tout accès à l'hôpital et c'est Sljivancanin et d'autres qui étaient
22 responsables de cela.
23 De plus, nous faisons valoir que la réunion était une ruse pour
24 essayer de détourner l'attention d'un groupe de personnes qui pourraient
25 poser problème et retarder cette sélection qui avait été préparée.
26 Une fois que les personnes évacuées se trouvaient dans la cour de
27 l'hôpital, elles ont ensuite été placées dans des autocars. Sljivancanin a,
28 encore une fois, donné des ordres et était responsable directement, je dois
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1 dire, de ces personnes-là. Il est important de noter que son bras droit,
2 Radic, a participé pleinement, à ce moment-là, à cette procédure de
3 sélection et malgré le fait qu'il n'était pas un membre de la police, ni un
4 membre du personnel de sécurité et apparemment, en l'absence de tout ordre
5 donné par son supérieur hiérarchique, Tesic.
6 Les personnes qui avaient été placées en isolement, les personnes qui
7 avaient été visées étaient principalement des opposants politiques, des
8 hommes politiques qui faisaient partie de l'Union démocratique croate et
9 perçus comme étant des sympathisants croates. Ils ont été séparés des
10 autres personnes évacuées, je dois dire et chargés dans des autocars.
11 Radic, lui-même, a donné un ordre en indiquant que certaines
12 personnes évacuées de l'hôpital et qui avaient été choisies devaient monter
13 dans les autocars et comme il a dit, un petit exemple de ce qui s'est passé
14 de ces personnes qui sont montées dans des bus et qui ont fait l'objet de
15 fouilles. Il est vrai que c'est quelque chose qu'on peut comprendre. Je
16 cite : "Je les ai vus emmener Martin Dosen qui est une des personnes
17 blessées à l'hôpital. Bien qu'il ait été sur un brancard, néanmoins, on l'a
18 poussé et on l'a simplement placé, jeté dans la cour pour qu'il meure." Il
19 fait partie de ces personnes qui figurent sur la liste des personnes
20 portées disparues. Vous verrez cela, ceci se déroulait ce soir, également.
21 "J'ai vu bon nombre de Chetniks de la région aux côtés de membres de la JNA
22 et ils passaient à tabac les hommes," ils étaient dans la première cour et
23 visiblement, placés sous le contrôle du Groupe opérationnel sud.
24 Sljivancanin, d'après un témoin, savait fort bien quel était le sort
25 réservé aux personnes qui avaient été sélectionnées et qui montaient dans
26 ces autocars. D'après une femme, lorsqu'elle s'est entretenue avec
27 Sljivancanin à propos des personnes montées dans les bus, il a répondu que
28 les détenus n'allaient pas loin car, je cite : "De toute façon, ils
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1 seraient avalés par les ténèbres au milieu de la journée."
2 Lors d'une visite effectuée un peu plus tôt à l'hôpital,alors qu'ils
3 regardaient les civils blessés qu'on emmenait et en présence du
4 journaliste, Radic déclare: "Les civils (les personnes blessées) sont tous
5 des hommes morts."
6 Lorsque en réalité, le journaliste lui a posé une question à propos de la
7 réponse qu'il avait donnée, il a répondu : "Vous voyez très bien qu'il
8 s'agit d'hommes morts."
9 Un autre soldat du Groupe opérationnel sud les a aidés lorsqu'il s'agissait
10 de faire monter ces personnes dans les autocars et a pris l'argent qui
11 était en possession des évacués. Un, en particulier, une femme Markobasic,
12 qui était quelqu'un d'assez connu car elle était la femme d'un membre des
13 forces croates qui avait défendu Vukovar. On lui a simplement signalé
14 qu'elle n'aurait plus besoin de son argent. Elle était visiblement enceinte
15 à l'époque. Il s'agit d'un de ces moments où quelqu'un a été assassiné de
16 la façon la plus éhontée possible à Ovcara. Une arme a été incéré dans son
17 vagin et ensuite, on a tiré sur la gâchette la tuant ainsi que son enfant
18 qui n'était pas encore né.
19 Les bus sont ensuite allés de l'hôpital jusqu'aux casernes de la JNA et
20 tout à fait en direction de Vukovar, et chaque bus était accompagné par
21 deux membres de la police militaire et d'un officier de la garde.
22 Tous les bus qui se dirigeaient vers les casernes étaient partis de
23 l'hôpital avant que Sljivancanin n'autorise les observateurs de la MCCE et
24 de la Croix Rouge d'y avoir accès, et ceci est particulièrement important
25 par la manière dont il a planifié ceci dans le temps et ceci est tout à
26 fait significatif quant à l'état d'esprit qui prévalait à l'époque.
27 En même temps, alors que cette séparation, cette sélection des personnes
28 évacuées se faisait et qu'on les faisait monter dans les autocars, à
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1 l'hôpital, les observateurs qui avaient quitté le QG de la JNA ont été
2 empêchés -- on les avait empêchés de rentrer dans l'hôpital. On les a
3 retardés sur un pont, sur le fleuve Vuka et cela a eu lieu sans doute vers
4 8 heures 45 du matin.
5 La raison donnée par Sljivancanin à l'époque était de leur dire qu'on les a
6 empêchés d'avancer en direction de l'hôpital car il s'agissait d'assurer
7 leur propre sécurité. Vous entendrez peut-être Bosanac dire qu'elle pensait
8 que c'était assez surprenant que les soldats de la JNA étaient en train de
9 vider leurs armes à l'époque et c'était certainement un stratagème pour
10 donner cette impression.
11 Nous avançons que le fait d'avoir empêché les observateurs de parvenir à
12 l'hôpital était une tentative pour empêcher, je dois dire, Sljivancanin de
13 faire sortir ces individus qui avaient été sélectionnés et ceci,
14 certainement, contrevenait à l'accord d'évacuation qui avait été signée et
15 ce n'est qu'après que les personnes sélectionnées aient été évacuées de
16 l'hôpital qu'ils ont pu s'approcher de l'hôpital.
17 Les observateurs, eux-mêmes, ont estimé qu'ils avaient été retardés pendant
18 environ deux heures. Pardonnez-moi. Deux heures, non pas deux années. Nous
19 avançons que ceci remonte à la date du
20 18 novembre et un homme répondant au nom de Pavkovic et Borsinger était
21 présent lors de l'évacuation et de la reddition de Mitnica et à cet égard,
22 nous pouvons dire que ceci est un stratagème qui avait été mis en place
23 pour retarder tout ceci.
24 Un représentant de la commission européenne a déclaré : "J'ai vu qu'il y
25 avait un véhicule blindé de transport de troupes qui bloquait le pont. On
26 nous a demandé de rester là pendant deux heures. Cela me paraissait insensé
27 car il n'y avait plus de combat. Nous étions en train de discuter de cela
28 de manière véhémente avec Sljivancanin pour qu'il nous autorise à entrer
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1 dans l'hôpital. Au cours de cette période, un représentant de la Croix
2 Rouge est arrivé et il y a eu des mots forts échangés entre lui et
3 Sljivancanin devant le pont. Sljivancanin s'est tourné vers moi et m'a dit
4 qu'il ne faisait pas confiance à la Croix Rouge..."
5 Comme je vous le dis, en même temps que les observateurs de la MCCE ont été
6 empêchés d'arriver jusqu'à l'hôpital, il y avait sur une route parallèle --
7 la circulation était tout à fait fluide et ce pont enjambait la Vuka et la
8 circulation était tout à fait fluide. Je crois que l'objectif, ici, était
9 tout à fait clair. Il voulait traverser le fleuve et passer le pont avec
10 ces personnes qui étaient évacuées et nous avançons que ce pont avait été
11 ouvert pour permettre le transfert des personnes évacuées en direction des
12 casernes.
13 Avec la permission de la Chambre, je souhaite maintenant vous montrer deux
14 éléments. Le premier est une vidéo qui montre ce qui s'est passé sur le
15 pont en présence de Borsinger. Je souhaite que nous puissions voir ceci et
16 à l'intercalaire numéro 6 du compte rendu d'audience. Il y a des sous-
17 titres qui font office de traduction et je souhaite attirer votre attention
18 sur la photographie elle-même.
19 Il s'agit de cette confrontation entre Borsinger, à Mitnica, le 18, entre
20 lui et Sljivancanin et Pavkovic.
21 Je vous en prie.
22 Madame, Messieurs les Juges, je crois qu'il serait utile que vous mettiez
23 un casque.
24 [Diffusion de cassette vidéo]
25 Tout ce que l'interprète dit en français n'a pas de texte en anglais.
26 De à 6 : 50 à 8 : 34. Florence.
27 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "Qu'y a-t-il ? Le colonel est au
28 courant de tous les problèmes.
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1 Non, il n'y a pas de problème. C'est simplement que -- le colonel qui
2 est là. Je sais simplement que certains -- quel est le problème ?
3 Continuez, dites de quoi il s'agit ? Regardez, regardez, je vois les
4 soldats qui marchent dans la rue. Je vois les camions qui rentrent.
5 Regardez, regardez-là. Oui, je sais, nous avons ouvert le pont à la
6 circulation. Le pont n'était pas ouvert à la circulation parce que j'ai
7 entendu dire qu'il y avait -- non -- des collègues sont là. Ceci concerne
8 les intérêts des personnes qui sont là, dans la cave. Ce sont mes soldats
9 qui assurent la sécurité ici. On prend soin de tout ceci. Ceci ne vous
10 concerne pas. J'ai déjà des soldats qui ont été tués. Ils ont 20 ans, 19,
11 20 ans. Ils n'ont pas été bien accueillis ici.
12 Monsieur, vos soldats ont été tués ici, hier soir. Mes soldats ont
13 été tués ici, hier soir. Il y a une guerre ici. Je sais. Nous essayons de
14 nous assurer que vous êtes en sécurité et que la paix règne ici. Vous
15 parlez de problèmes. Vous êtes libre de rentrer d'où vous venez. Je suis
16 gêné que vous me traitiez ainsi. Qu'est-ce que vous m'avez demandé ? Je
17 vous ai tout dit."
18 [Fin de diffusion de cassette vidéo]
19 M. MOORE : [interprétation] Je souhaite simplement parler du compte
20 rendu d'audience pendant quelques instants, à l'intercalaire numéro 6. Vous
21 avez peut-être entendu ce que Sljivancanin a dit : "Je vous ai tout donné.
22 Je vous ai donné tout ce que vous m'avez demandé." Ceci se trouve en bas de
23 la page 3 de la page 3 [comme interprété].
24 En réalité, Sljivancanin ne lui a rien donné du tout. Le but était
25 justement de ne pas laisser les représentants de Borsinger traverser le
26 pont du tout.
27 Puis-je vous demander de vous tourner à l'intercalaire
28 numéro 10, s'il vous plaît ? Il s'agit, bien évidemment, d'une photographie
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1 qui a été coupée en deux. Nous venons de voir cette confrontation entre
2 Borsinger et Sljivancanin. Borsinger était arrivé après qu'il y ait eu ces
3 échanges quelque peu houleux. On voit Borsinger à droite, Sljivancanin à
4 gauche et la personne au milieu est Pavkovic et si on regarde la photo qui
5 a été prise deux jours avant, Borsinger se trouve à gauche et Pavkovic se
6 trouve au milieu.
7 L'autre question qui vous intéresse sans doute est qu'il y avait un blindé
8 de transport de troupes à l'arrière-plan et on voit Pavkovic se diriger
9 vers ce blindé. C'est quelque chose que je mettrai en lumière certainement.
10 Nous estimons que ceci a son importance, la présence de la presse se trouve
11 là et tout à coup, on démarre ce véhicule blindé de transport de troupes et
12 ensuite, on l'enlève de la photo en présence de la presse, des médias.
13 Pour conclure, nous avons, ici, ce M. Pavkovic qui était tout à fait au
14 courant de ce qui s'était passé. Il pouvait corroborer ce que disait
15 Borsinger et nous avançons que ces personnes ont délibérément retardé
16 l'arrivée des observateurs et ce, en violation manifeste de l'accord.
17 Pour ce qui est des casernes de la JNA, les bus à bord desquels se
18 trouvaient les personnes évacuées sont restés devant les casernes pendant
19 plusieurs heures et avaient été placés sous le contrôle de la JNA et du
20 Groupe opérationnel sud et pendant ce laps de temps, on les a empêchés de
21 descendre des autobus. C'est comme s'ils se trouvaient en prison.
22 Malgré ce qui s'était passé la veille, les avertissements annoncés par le
23 colonel, l'officier qui commandait la région, et simplement une question de
24 bon sens, les membres de la TO serbe ainsi que les paramilitaires et les
25 volontaires ont été autorisés à entrer dans les casernes et à menacer les
26 personnes évacuées à bord des autocars. Ils ont clairement indiqué qu'ils
27 allaient régler leurs comptes avec les personnes à bord de ces autocars. A
28 l'un d'entre eux, on a dit qu'il pourrait pas sauver sa peau et que de
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1 toute façon, cela se terminerait mal pour lui.
2 Dans les casernes, la procédure de sélection s'est poursuivie. Certains
3 occupants à bord des autocars ont été relâchés. Des personnes relâchées ont
4 été relâchées parce qu'on a compris qu'il s'agissait de personnes qui
5 avaient un lien de parenté avec le personnel de l'hôpital et qu'on les
6 avait placées à bord de ce bus par erreur. C'est la raison pour laquelle
7 nous avançons que cette liste avait un objectif bien particulier. Certaines
8 personnes évacuées ont été sauvées par leurs voisins et amis. Bon nombre de
9 personnes relâchées ont été passées à tabac devant les soldats de la JNA du
10 Groupe opérationnel sud et ensuite, ils sont rentrés à l'hôpital.
11 Un des témoins se souvient : "Vingt-cinq personnes ont été emmenées du bus,
12 on les a fait descendre et ils ont dû traverser une ligne de Chetniks. On
13 les a tous roués de coups, passés à tabac avec des bâtons, des barres
14 métalliques. Le passage à tabac s'est poursuivi à bord des autocars où se
15 trouvaient trois hommes, deux d'entre eux étaient des Chetniks, un se
16 trouvait être un jeune soldat de l'armée régulière de la JNA."
17 Mais à un moment donné, Radic, encore, a pris part à tout ceci. Il est
18 monté à bord dans les autocars et à l'endroit où se trouvaient les casernes
19 de la JNA et il a lu à partir d'une liste des noms de personnes qui se
20 trouvaient dans l'autocar et qui ont pu descendre de l'autocar.
21 On lui a posé une question : "Pourquoi des personnes sont-elles détenues
22 dans cet autocar et qu'avez-vous l'intention d'en faire ?"
23 Parce que dans les casernes, Vujovic et Vujanovic, tous deux qui étaient
24 les chefs de la TO locale étaient présents et ils s'en étaient entretenus
25 avec Sljivancanin. Aux premières heures de l'après-midi, ces autocars à
26 bord desquels se trouvaient les personnes évacuées qui avaient quitté
27 l'hôpital ont quitté les casernes de la JNA sous escorte de la JNA et du
28 Groupe opérationnel sud. Ils se sont dirigés vers Ovcara et nous avançons
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1 que les ordres ont été donnés par Mrksic par l'intermédiaire de
2 Sljivancanin.
3 En même temps, un grand fossé ou une fosse avait été creusée avec un engin
4 mécanique, la fosse avait été creusée près d'Ovcara. Ceci était placé sous
5 le contrôle d'un soldat de la JNA. En même temps, les détenus étaient
6 toujours retenus dans les casernes. Un homme qui habitait la région a dû
7 commencer cette tâche et creuser la fosse. Il fallait choisir le bon
8 endroit et cette fosse était tellement large qu'elle devait contenir un bon
9 nombre de corps. Deux cents corps ont été retrouvés dans cette fosse. Ceci
10 a son importance, bien évidemment, car c'est tout à fait manifeste et ceci
11 manifeste clairement l'intention de tuer, d'ensevelir et de cacher. La
12 taille de la fosse a son importance également car ceci sous-entend
13 préméditation à l'égard du nombre de personnes qu'on y a retrouvé.
14 En réalité, quelque 60 personnes sont toujours portées disparues, telle a
15 été leur capacité à cacher tout cela.
16 L'ensemble de la procédure, d'après nous, sous-entend organisation avec une
17 précision militaire à l'égard du transport et du calendrier requis pour
18 transférer ces personnes évacuées placées sous le contrôle du Groupe
19 opérationnel sud et sous le contrôle de Mrksic.
20 Puis-je demander à la Chambre de première instance, s'il vous plaît,
21 d'avoir à l'esprit des déclarations de Sljivancanin et Radic la veille.
22 Radic a dit : "Ce sont tous des hommes morts." Et Sljivancanin : "Ils
23 seront avalés par les ténèbres au milieu du jour."
24 Nous avançons que cette conduite menaçante et agressive de la part des TO
25 serbes de la région à l'égard des personnes évacuées à bord des bus avant
26 l'évacuation d'Ovcara, que ceci était clair et tout à fait manifeste aux
27 yeux des officiers de la garde. C'était tout à fait évident pour
28 Sljivancanin également qui, de surcroît, connaissait fort bien le sort des
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1 détenus de Velepromet la veille, néanmoins, n'a rien fait pour essayer de
2 remédier à la situation. Pourquoi, alors -- s'agissait-il de véritable
3 protection ou de protection comme cela avait été dit ?
4 Vers le même temps, une réunion a été organisée par le gouvernement
5 autoproclamé sous le commandement de Hadzic, comme quelqu'un qui est mis en
6 accusation devant ce Tribunal. Lors de cette réunion, a été débattue la
7 question des évacués de l'hôpital qui devaient être jugés pour crimes de
8 guerre, pour les crimes qu'ils avaient commis, placés sous le commandement
9 de la JNA, étant donné que l'autorité civile n'avait pas été mise en place
10 à Vukovar et comme elle le serait, tenant compte du fait que la guerre
11 faisait rage pendant quelque trois mois.
12 Sljivancanin, semble-t-il, aurait dit aux participants de la réunion que
13 l'autorité militaire restait en place jusqu'à ce que l'autorité civile
14 puisse être mise en place et ce, dans un avenir incertain. De plus, il a
15 dit, à cette réunion, qu'il leur dirait quand il serait possible de mettre
16 en place les autorités civiles.
17 Je veux maintenant parler d'Ovcara pendant quelque temps. Il y a eu deux
18 évacuations programmées qui se sont produites, évacuations en direction
19 d'Ovcara pour les personnes évacuées de l'hôpital avant qu'ils n'arrivent
20 aux casernes de la JNA. Ces précédentes évacuations avaient eu lieu avec
21 l'aide de la 80e Brigade motorisée et avaient été placées sous les ordres
22 du Groupe opérationnel sud.
23 La 80e Brigade était une brigade de réserve qui était arrivée le 7
24 novembre, dans la région, de cette même année, mais était subordonnée au
25 Groupe opérationnel sud jusqu'au départ des gardes pour Vukovar le 24
26 novembre. Le commandant de la 80e était un homme qui répondait au nom de
27 lieutenant-colonel Milorad Vojnovic. Ils avaient leur propre organe de
28 sécurité, une compagnie de police militaire et étaient aidés, et ils
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1 avaient prêté main-forte aux opérations d'évacuation d'Ovcara entre le 19
2 et le 20 novembre.
3 Ce qui est un peu surprenant et contraire aux précédentes occasions, la 80e
4 n'a pas été avertie et n'a pas reçu d'ordre pour prêter main-forte pour les
5 évacuations d'Ovcara qui ont eu lieu plus tard, le 20. Vojnovic n'a pris
6 connaissance du fait que ces bus transportaient des personnes évacuées de
7 l'hôpital qu'au moment où ils sont passés devant le hangar car il devait
8 inspecter un de ces détachements ou de ces unités. Ce n'est que par pure
9 coïncidence qu'il en a eu connaissance.
10 Nous avançons que ce manquement du Groupe opérationnel sud d'avertir la 80e
11 de l'arrivée des évacués est quelque chose qui avait été fait à différentes
12 occasions et est une autre indication du fait que les personnes évacuées
13 envoyées à Ovcara ont été envoyées dans un but bien précis par opposition
14 au transfert de Sremska Mitrovica, en Serbie.
15 Ces bus à bord desquels se trouvaient des personnes évacuées de
16 l'hôpital sont arrivés à Ovcara vers le milieu de l'après-midi. Ils ont été
17 escortés par la police militaire. A ce moment-là, des membres armés de la
18 TO serbe sont également arrivés à Ovcara. Ils suivaient ces individus comme
19 le ferait une horde de loups derrière un animal blessé.
20 Alors que les personnes évacuées se dirigeaient vers les autobus et
21 se dirigeaient vers le hangar d'Ovcara, on leur a demandé de traverser la
22 ligne de ce que je décrirais, on les a obligés à traverser deux lignes de
23 soldats. Il y avait des soldats de la JNA locale, des volontaires serbes et
24 des paramilitaires. On les a insultés verbalement, on les a passés à tabac
25 avec des crosses de fusil, des bars métalliques et d'autres objets.
26 Sljivancanin était là lorsque les personnes évacuées ont dû se livrer à cet
27 acte-là. Ils ont dû forcer à travers cette foule de gens.
28 Un des témoins l'a décrit comme tel : "Nous devions traverser un
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1 cordon d'environ 100 Serbes de la région des Chetniks et de la police serbe
2 qui nous frappait avec des bâtons, des battes et des cannes. Toute personne
3 qui tombait, qui ne se relevait pas était portée pour morte. Tous ces
4 hommes qui tenaient des armes d'une sorte ou d'une autre, que ce soit des
5 fusils, des barres en fer ou des gros morceaux de bois ou des gourdins, ils
6 utilisaient ces armes pour passer à tabac les passagers des autocars qui se
7 dirigeaient vers le bâtiment."
8 Après qu'ils soient descendus des bus, il y avait environ
9 300 personnes dans le hangar. Certains d'entre eux avaient été placés en
10 isolement, derrière un cordon. Encore une fois, on a établi une liste à
11 l'intérieur du hangar. Quelques-unes des personnes évacuées ont fait
12 l'objet d'insultes et ont été passées à tabac par les Serbes de la TO, des
13 paramilitaires, des volontaires, des membres de la JNA, du Groupe
14 opérationnel sud.
15 Il y a eu beaucoup de description faite à propos des événements qui
16 se sont produits. Encore une fois : "Un peu plus tard, les Chetniks sont
17 arrivés avec des barres de fer et nous ont, encore une fois, passé à tabac.
18 Ceci a été suivi par un réserviste, un homme âgé qui entrait et qui
19 utilisait un sifflet. Lorsqu'il sifflait de la sorte, deux Chetniks
20 sortaient et quatre ou cinq autres rentraient pour continuer les passages à
21 tabac. Le sifflet était utilisé environ toutes les 20 minutes et ceci,
22 pendant environ deux heures."
23 Ces passages à tabac étaient tellement sévères qu'au moins deux des
24 évacués ont été vraiment frappés à mort. Bon nombre d'autres personnes
25 évacuées ont été emmenées de l'hôpital et étaient blessées. Bon nombre
26 d'entre eux ont eu beaucoup de blessures comme conséquence directe de ces
27 passages à tabac dans le hangar. Quoi qu'il en soit, on ne leur a prodigué
28 aucun traitement médical pendant toute la durée de leur transfert de
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1 l'hôpital et leur séjour dans les casernes de la JNA et au hangar d'Ovcara
2 jusqu'à l'heure pour finir, jusqu'au moment de leur exécution."
3 Autre description : "J'ai vu (Bulic) frapper un homme," dont le nom a
4 été donné "... à l'aide d'une batte de baseball et par la suite, je n'ai
5 plus vu aucun signe de vie. Je pense qu'il l'a véritablement, littéralement
6 frappé à mort.
7 "Le passage à tabac d'Ekrem était tellement brutal que je suis sûr
8 qu'il a succombé à ses blessures. Je l'ai vu lui donner des coups de pied,
9 des coups avec son fusil. Il l'a frappé à la tête, sur le corps, ils l'ont
10 fait entonner des chants chetniks. Ils l'ont frappé, ils l'ont humilié
11 jusqu'au moment où il avait vraiment l'air d'être mort."
12 Je l'ai déjà dit, une femme a été tuée, on lui a tiré dans le vagin,
13 tuant son enfant et elle-même.
14 Pendant ces mauvais traitements, un membre de la 80e Brigade
15 motorisée qui venait d'arriver a essayé d'examiner la situation, de
16 rétablir l'ordre, de mettre fin à ces brutalités. Les officiers de la
17 brigade motorisée de la Garde étaient présents. Ils étaient dans le hangar.
18 Malheureusement, les officiers de la 80e pensant que les gardes avaient la
19 responsabilité des évacués qui se trouvaient dans le hangar parce qu'eux
20 n'avaient pas été avisés de la procédure qui se déroulait, ces officiers
21 n'ont rien fait à ce moment-là. Ils se sont dits que c'était la garde qui
22 avait la responsabilité des prisonniers.
23 Une fois que l'ordre a été rétabli dans le hangar, on était, à ce
24 moment-là, dans l'après-midi, au début de la soirée du 20, la police
25 militaire de la 80e qui avait, à sa tête, un certain Vezmarovic, a,
26 apparemment, essayé de protéger les évacués, de les protéger des Serbes de
27 la région. Autre exemple, celui-là de personnes qui ont essayé d'assurer
28 une certaine protection. Plusieurs évacués ont pu rentrer à Vukovar à ce
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1 moment-là. Ils ont été libérés, soit parce que c'étaient des amis des
2 Serbes ou parce qu'il y a eu intervention de voisins ou encore parce que
3 tel ou tel détenu a dit être membre de la JNA.
4 Plus tard, dans la soirée, le commandant de la Compagnie de la police
5 militaire de la 80e Brigade motorisée a reçu l'ordre d'un officier de la
6 sécurité de la Garde, subordonné direct du commandant Sljivancanin, de se
7 retirer, de retirer son unité d'Ovcara, pour que les évacués soient remis
8 aux membres de la TO locale ainsi qu'aux paramilitaires et volontaires
9 serbes. C'est cette même TO locale dont j'ai déjà, maintes fois, parlé, des
10 paramilitaires qui s'étaient rassemblés à Velepromet, au hangar et ce sont
11 ces hommes-là qui avaient été responsables des menaces proférées aux
12 évacués et responsables des mauvais traitements qui leur avaient été
13 infligés.
14 Ceci a été planifié par l'accusé et par d'autres dans cette
15 entreprise criminelle commune dont certains membres ne sont pas
16 nécessairement connus, que ceci a été mené à bien par la TO locale serbe et
17 par les volontaires et paramilitaires. Pendant toute la durée de cette
18 opération, Mrksic était en situation de contrôle et de direction ainsi que
19 Sljivancanin et Mrksic, entre autres.
20 Peu de temps après, après que les officiers du GO sud avaient remis
21 la charge des évacués à la TO locale serbe, ces évacués ont été répartis en
22 groupes de 10 à 20. On les a fait monter groupe par groupe à bord de
23 remorques ou de camions et vu les nombres concernés, étant donné qu'ils
24 étaient si nombreux, il a fallu y avoir plusieurs transports pour que tous
25 soient emmenés vers une ravine, près de la ferme d'Ovcara.
26 A cet endroit, tous les détenus ont été exécutés, cargaison par
27 cargaison, par la TO locale serbe et par les volontaires et aussi par des
28 membres de la JNA qui faisaient partie du Groupe opérationnel sud.
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1 L'exécution a commencé en fin d'après-midi et elle a duré toute la
2 nuit. On a entendu des coups de feu pendant la nuit. Certains membres de la
3 80e Brigade motorisée ont entendu ces coups de feu, alors que les
4 exécutants - c'est ce qu'ils sont - avaient essayé d'utiliser des engins
5 pour couvrir le bruit des exécutions.
6 Lorsqu'ils étaient à court de munitions, ils sont allés en chercher
7 pour tuer le reste des évacués. Ils ont été les chercher dans le hangar
8 qu'avait le Groupe opérationnel sud. Le Groupe opérationnel sud de la JNA a
9 non seulement fourni ceux qui ont exécuté, mais aussi les moyens
10 logistiques permettant cette exécution.
11 Il y a eu des volontaires, des membres de la TO locale serbe qui sont
12 restés subordonnés tout ce temps à ce Groupe opérationnel sud et ce,
13 jusqu'au 21 novembre. Finalement, l'ordre de resubordination de la TO a été
14 donné, mais il n'a été donné qu'après le massacre.
15 Je vais, maintenant, vous demander de vous rapporter à l'intercalaire
16 3; il s'agit, ici, de la resubordination ordonnée le 21.
17 Vous le voyez dans le coin supérieur gauche, c'est le commandement du
18 Groupe opérationnel sud. L'heure est importante. Il est, à ce moment-là, 6
19 heures du matin, le 21 novembre 1991, après le massacre.
20 "On précise, ici, la question de la resubordination et de la
21 réintégration des effectifs dans les unités d'origine..."
22 Autre partie surlignée, je lis : Dans le courant de la journée du 21
23 novembre, on parle de retirer les volontaires de Leva Supoderica, de ce
24 détachement et de les renvoyer, de les resubordonner à une autre unité.
25 Paragraphe 4 : "Les unités de la TO de Vukovar doivent être
26 resubordonnées à la 80e Brigade motorisée, et poursuivre l'exécution de
27 cette mission qui est précisée." C'est un rapport avec Vojnovic et
28 Vujanovic.
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1 Page suivante, s'il vous plaît. Nous voyons quels sont les destinataires.
2 C'est signé de Mrksic. Mais je pense que c'est le lieutenant-colonel Panic,
3 son adjoint qui a signé. Ce qui compte ici, c'est manifestement l'heure à
4 laquelle est donné cet ordre de resubordination.
5 Nous avançons que ceci montre clairement - et c'est en cela que c'est
6 pertinent - cette resubordination, elle commence au plus tôt à 6 heures du
7 matin. Les différentes unités qui sont mentionnées ont toutes participé au
8 massacre d'Ovcara. C'est ce que nous faisons valoir. Elles étaient toutes,
9 à tous les moments pertinents, subordonnées au Groupe opérationnel.
10 Au moins 200 non-Serbes de l'hôpital de Vukovar ont été massacrés à Ovcara.
11 On a retrouvé certains corps, mais il reste encore 64 personnes dont on n'a
12 pas retrouvé le corps. Ces personnes portées disparues, d'après nous, ont
13 été tuées elles aussi à Ovcara, cette même nuit par les mêmes forces
14 serbes.
15 Ces 200 corps ont été exhumés d'une fosse commune. Je vais, de façon tout à
16 fait synthétique, vous résumer les résultats de cette exhumation.
17 Il y avait 198 hommes et deux femmes. Nous estimons que cela est un fait
18 significatif. La tranche d'âge va de 17 à 66 ans. 55 %, cela fait plus de
19 100 de ces personnes, des personnes qui ont été autopsiées, présentent des
20 traces de soins médicaux apportés soit qu'il y avait certains dispositifs,
21 certains appareils médicaux qui avaient été utilisés ou il y avait des
22 preuves de traitements thérapeutiques. Des traces d'armes à feu ont été
23 trouvées, qui prouvent que 195 de ces personnes ont été tuées par armes à
24 feu. On a utilisé aussi une force brutale. Les modalités de décès indiquent
25 qu'il s'agit pour tous les cas d'homicide.
26 Quand vous voyez l'âge, le sexe, le fait qu'on peut voir que ces personnes
27 étaient soignées, avaient subi un traitement médical, tout ceci est la
28 preuve évidente que cet accord d'évacuation, c'était un bout de papier sans
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1 aucune valeur, tout du moins aux yeux de la JNA et des trois accusés ici
2 présents.
3 Aux premières heures du matin, après le massacre, le capitaine Radic,
4 Vujanovic et d'autres se trouvaient là au poste de commandement dans la rue
5 de Vukovar. C'est là qu'on a discuté du massacre d'Ovcara. Un témoin a
6 entendu dire que le commandant Sljivancanin avait participé à l'exécution.
7 Le lendemain, il y a eu des rumeurs qui ont circulé dans la population
8 locale de Vukovar, disant qu'il s'était passé quelque chose d'atroce à
9 Ovcara. Beaucoup de ceux qui ont procédé à l'exécution étaient des membres
10 de la TO locale.
11 Nous faisons valoir que ces accusés ont utilisé les forces serbes qui se
12 trouvaient sous leur commandement, pour commettre, pour contribuer à la
13 commission du crime. Ils ont coordonné leurs actions avec d'autres
14 exécutants, notamment Vujovic et Vujanovic, Mrksic et Sljivancanin ont
15 dirigé ou commandé les forces serbes qui se trouvaient sous leur
16 commandement de diverses façons pour l'évacuation des Croates et des non-
17 Serbes, pour surveiller et contenir les détenus qui se trouvaient à la
18 caserne de la JNA, pour transférer ces détenus à la ferme d'Ovcara, et
19 manifestement, pour maltraiter et tuer des détenus à Ovcara même.
20 Radic, personnellement et par les forces serbes qui se trouvaient sous son
21 commandement, a participé à l'évacuation, à la sélection des Croates et des
22 non-Serbes de l'hôpital de Vukovar au début de la journée du 20 novembre.
23 Radic était le commandant des forces serbes qui ont maltraité et tué les
24 détenus à Ovcara.
25 De plus, d'autres personnes dont ces accusés et d'autres connues et
26 inconnues, certains d'entre eux, je les ai déjà nommés, avaient un objectif
27 commun, un plan commun qui était de persécuter et de tuer les Croates et
28 les non-Serbes emmenés de l'hôpital de Vukovar par le Groupe opérationnel
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1 sud et par les forces serbes se trouvant sous le commandement du colonel
2 Mrksic à la ferme d'Ovcara. Il y a dans ce plan commun tous les chefs
3 d'accusation retenus dans l'acte d'accusation, et au bas mot, le crime de
4 persécution et les crimes qui étaient prévisibles dans la mesure où c'était
5 la conséquence prévisible de la mise en œuvre de ce plan commun.
6 Ces trois accusés n'ont pas eux-mêmes physiquement commis ces crimes
7 retenus dans l'acte d'accusation. Il n'en demeure pas moins, qu'ils ont
8 contribué à l'exécution de ce plan commun.
9 Pour ce qui est de l'Article 7(1) [comme interprété], la responsabilité, il
10 nous faut établir qu'il y avait un rapport hiérarchique de supérieur à
11 subordonné entre eux et ceux qui ont exécuté ces infractions, que les
12 accusés avaient de bonnes raisons de savoir que ces exécutants
13 s'apprêtaient à commettre ces faits ou l'avaient déjà fait ou que les
14 accusés n'ont pas pris les mesures nécessaires qu'il fallait prendre pour
15 empêcher que ces infractions soient commises ou en punir les auteurs.
16 Le critère à appliquer pour savoir s'il y avait une responsabilité du
17 supérieur hiérarchique pour ces actes, il suffit de réfléchir. C'est celle
18 du commandement effectif. Or, ce commandement effectif, il existait si au
19 moment de la commission des infractions reprises dans l'acte d'accusation,
20 cette personne avait le pouvoir d'empêcher la perpétration de ces actes ou
21 d'en punir les auteurs.
22 Nous faisons valoir que Mrksic, Radic et Sljivancanin disposaient d'un
23 contrôle effectif à tous les moments pertinents par rapport à leurs
24 subordonnés.
25 Nous avançons, qu'à tous les moments couverts par l'acte d'accusation, il y
26 avait un système officiel bien organisé de discipline et de justice
27 militaire au sein des forces armées de la JNA et de la TO. Mrksic, Radic et
28 Sljivancanin n'ont utilisé aucune des mesures qu'ils avaient à leur
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1 disposition dans le cadre de leur compétence pour empêcher que leurs
2 subordonnés commettent des crimes ou punissent ces auteurs une fois que ces
3 crimes étaient commis, dont l'obligation de rendre compte de ces crimes
4 comme le dit la doctrine des forces armées.
5 Nous disons que ces trois hommes sont coupables, et nous allons essayer de
6 le prouver en faisant venir les témoins à la barre.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Moore.
8 Monsieur Vasic, dites-nous si vous avez l'intention de prendre la parole
9 dès à présent.
10 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie. Je
11 tiens à préciser que la Défense de M. Mrksic n'a pas l'intention de prendre
12 la parole à présent pour ce qui est de son discours liminaire mais au début
13 de la défense. Merci de m'avoir donné la parole.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.
15 Monsieur Borovic.
16 M. BOROVIC : [interprétation] La Défense de M. Radic a la même position que
17 celle qui vient d'être exprimée par le conseil de la Défense de M. Mrksic.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
19 Monsieur Lukic.
20 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous ferons notre
21 discours liminaire avant la Défense au début de sa défense. Notre client a
22 tenu à mettre à profit son droit prévu en application du 84 bis, et il
23 voudrait faire une déclaration. Il nous a informés qu'il aurait besoin de
24 quelque 20 minutes à 30 minutes au plus.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Je voudrais être tout à fait
26 sûr du fait de voir votre client, M. Vasic, de vérifier si votre client ne
27 va pas prendre la parole pour s'adresser aux Juges de la Chambre.
28 M. VASIC : [interprétation] Non. Mon client n'a pas l'intention maintenant
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1 de prendre la parole pour s'adresser aux Juges de la Chambre pour ce qui
2 est, notamment de l'application de l'article du Règlement qui vient d'être
3 cité par mon éminent confrère M. Lukic.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Borovic.
5 M. BOROVIC : [interprétation] Mon client a l'intention de faire une toute
6 petite déclaration qui ne prendra pas plus de deux ou trois minutes. Merci.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Grand merci.
8 [La Chambre de première instance se concerte]
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Etant donné que les choses sont ainsi,
10 se présentent ainsi, nous allons demander à M. Radic de nous faire sa brève
11 déclaration, déclaration que nous venons d'apprendre, enfin au sujet de
12 laquelle nous venons d'apprendre qu'il avait l'intention de la faire.
13 Monsieur Radic, vous pouvez vous lever ou rester assis et parler de là où
14 vous vous trouvez.
15 L'ACCUSÉ RADIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
16 de l'opportunité, de l'occasion que vous me ménagez. Je serai bref pour
17 dire ce qui suit : tout ce que je voudrais dire d'abord, c'est qu'il est
18 très difficile de porter le fardeau des accusations pour crimes de guerre,
19 crimes de guerre que j'estime ne pas avoir commis.
20 Ce que je voudrais également vous demander à vous, Juges de la Chambre,
21 c'est en ce moment, de faire en sorte que la procédure permette de
22 déterminer la situation de fait véritable et contribuer à ce que la vérité
23 vraie se fasse jour. J'espère que ce Tribunal en fera ainsi, et j'espère
24 que cette institution-là, cet établissement-ci se murera ou s'érigera en
25 forum de détermination de la vérité et de justice.
26 J'espère également, qu'à la fin de ce procès, la justice sera faite et que
27 tous les coupables finiront par être punis pour tous les crimes perpétrés
28 dans le secteur de Vukovar en 1992.
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1 C'est tout ce que j'avais à dire. Je vous en remercie.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie moi-même, Monsieur
3 Radic.
4 A présent, Monsieur Lukic, nous allons convier votre client
5 M. Sljivancanin à prendre la parole, étant donné qu'il a une déclaration
6 quelque peu plus longue à faire.
7 Je lui demanderais de la faire.
8 L'ACCUSÉ SLJIVANCANIN : [interprétation] Merci.
9 Messieurs et Madame les Juges, ma décision de m'adresser
10 personnellement à vous par cette déclaration, est motivée par mon souhait
11 de vous présenter le cadre de ma vérité à moi, convaincu -- profondément
12 convaincu du fait que cette vérité, à la fin du procès, sera également la
13 vôtre.
14 Ce cadre se situe à l'époque de mon arrivée aux écoles militaires où
15 j'ai prêté serment, qui s'énonçait comme suit : "Je, soussigné Veselin
16 Sljivancanin, m'engage solennellement à respecter, à servir fidèlement mon
17 peuple, à défendre ma patrie la République socialiste fédérative de la
18 Yougoslavie, à préserver la fraternité, l'unité de nos peuples ainsi que la
19 dignité de la JNA. Je m'engage également à réaliser de façon consciente les
20 ordres donnés par mes supérieurs. Je serai toujours prêt à me battre pour
21 la liberté et l'honneur de ma patrie, sans pour autant regretter, si dans
22 ce combat, il fallait également donner ma propre vie."
23 J'avais 15 ans quand je suis devenu militaire. L'honneur militaire et
24 la patrie s'étendaient, comme le disait notre peuple dans une chanson très
25 connue, de Vagda [phon] à Viglav [phon], de la Macédoine à la Slovénie.
26 Cela a fait partie du serment que j'ai prêté, et cela fait partie des
27 raisons pour lesquelles j'ai toujours été prêt à donner ma vie.
28 La trahison, la lâcheté et les comportements déshonorables sont des
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1 notions que ni moi, ni mes ancêtres, ni ma famille n'avons eu à connaître.
2 Ce sont des choses que nous estimons pires que la mort. Parce que dans nos
3 régions, cela est hérité par la descendance, et il y a une honte qui tombe
4 sur les descendants alors qu'ils n'en ont pas la culpabilité.
5 Dans la langue serbe, le "moral" est en corrélation avec le mot de
6 "devoir." Cela correspond à une contrainte interne pour ce qui est de se
7 comporter de façon honorable et juste. Dans la région d'où je suis
8 originaire, cela a une signification littérale. Une position de cette sorte
9 a été transmise à mes soldats, des soldats qui ont été placés sous mon
10 commandement, et ils ont été de tous les groupes ethniques et de toutes les
11 confessions.
12 Ceci est ma deuxième comparution devant un tribunal. J'ai fait une
13 comparution en 1998 à Belgrade et je viens de le faire ici. Pendant 14 ans,
14 je suis exposé à des mensonges, à des contrevérités, à une propagande
15 cruelle, à une perte de liberté et à une déprivation [phon] de tous mes
16 droits de l'homme. La propagande a été conduite dans les médias en fonction
17 des besoins des partis politiques ou des hommes politiques originaires du
18 territoire de l'ex-Yougoslavie.
19 Dans cette propagande, on m'a attribué bon nombre de choses. On m'a
20 qualifié de Chetnik, de sale communiste, de criminel, de héros. L'armée
21 dont je faisais partie a été déclarée comme étant une armée d'agresseurs,
22 de Chetniks ou de Serbes chetniks. La pire et la plus grande des
23 contrevérités, c'est celle de dire, d'avoir affirmé que je détestais le
24 peuple croate. Moi et mes soldats, à Vukovar, avons surtout aidé le peuple
25 croate. Au travers des écoles militaires et au travers de mon service
26 militaire, j'ai toujours été en compagnie de ressortissants de groupes
27 ethniques résidants sur le territoire de la Yougoslavie. Je n'ai jamais eu
28 de problèmes, surtout pas, avec des Croates. C'est un peuple croate, et je
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1 ne ressentais aucune différence entre nous.
2 Aux écoles militaires, nous n'avons pas été éduqués de façon à
3 détester notre peuple. Nous n'avons pas été éduqués pour faire en sorte que
4 notre armée, à quelque moment que ce soit, vienne à se battre contre des
5 sécessionnistes au sein de son propre peuple. Nous n'avons pas appris à
6 nous emparer des territoires d'autrui ni à mettre en péril les droits et
7 les libertés de l'homme. Je ne connaissais pas les frontières des
8 républiques. Il n'y avait, à mes yeux, qu'un seul état qui s'appelait la
9 Yougoslavie. La plus belle, la plus humanitaire et la plus libre des -- le
10 plus beau, le plus humain et le plus libre des pays du monde. Si la Croatie
11 avait été à ce moment-là indépendante, ni moi ni mes soldats ne serions
12 allés à Vukovar.
13 J'ai accompli bon nombre de tâches, d'autres responsabilités avec la
14 même objectivité, le même sacrifice et la même ardeur. A la fin de l'armée
15 de Yougoslavie j'ai -- de ma formation militaire, j'ai été parmi les
16 meilleurs officiers, et j'ai été choisi pour travailler dans la garde à
17 Tito. Jusqu'à la fin de la vie de Tito, j'ai travaillé dans son service de
18 Sécurité. Ensuite, j'ai sécurisé bon nombre de hauts responsables de
19 Yougoslavie, y compris Franjo Tudjman lorsqu'il venait avoir des réunions
20 avec le ministre de l'armée
21 M. Kadijevic. J'ai assuré la sécurité de bon nombre de chefs d'état qui ont
22 visité mon pays. Parmi eux, il y avait Jimmy Carter, Margaret Thatcher,
23 Brezhnev, Mitterrand, Willy Brandt, Castro, Patini [phon], Bush père,
24 Umadjen [phon] et bon nombre d'autres.
25 Ce qui fait que ceux qui ont rédigé l'acte d'accusation -- est-ce
26 qu'aux yeux de ceux qui ont rédigé cet acte d'accusation, je fais figure
27 d'un criminel ou est-ce que ce qui les dérange, c'est d'avoir dit à M.
28 Borsinger, en 1991, à Vukovar devant les caméras de télévision, ce qui suit
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1 et je cite : "Si vous n'êtes pas intéressé par le fait de voir mes jeunes
2 soldats tués à l'âge de 18, 19 ou 20 ans, alors vous n'êtes pas un homme
3 qui serait le bienvenu ici."
4 M. Borsinger, avec la délégation du CICR, est arrivé le
5 21 novembre dans l'après-midi, me voir au village de Negoslavci. Il s'est
6 excusé pour le malentendu survenu un jour avant sur la rivière de Vuka. Je
7 le convie à venir, à se présenter devant ce Tribunal pour dire la vérité.
8 Nous autres, officiers et soldats, avons prêté serment sous le drapeau de
9 la République socialiste fédérative de Yougoslavie, et avons contracté
10 l'obligation de préserver cet état. Lorsqu'on nous a confiés la mission de
11 débloquer et d'empêcher la destruction d'une garnison militaire de l'état
12 officiel de la République fédérative socialiste de Yougoslavie à Vukovar,
13 qui a été assiégée par des sécessionnistes et qui, par surcroît, ont commis
14 bon nombre de crimes, la JNA a été la seule armée qualifiée comme telle par
15 la constitution qui est arrivée là pour accomplir ses obligations.
16 A vous de juger si je devais me conformer aux lois alliées à la
17 constitution ou alors est-ce que je devais enfreindre le serment solennel
18 que j'ai prêté, la constitution et la loi. Si la situation se renouvelait,
19 je me comporterais exactement de la même façon à présent et aussi. Je suis
20 un militaire, je ne suis pas un politique et je ne suis pas un juriste.
21 A l'école, on m'a éduqué de façon à respecter les lois et exécuter les
22 ordres de mes supérieurs. Si je m'étais comporté autrement à l'époque, cela
23 aurait signifié que je perpétrais un acte pénal contre les forces armées;
24 cela aurait signifié que j'étais un traître et un homme de faible moralité.
25 Je n'ai enfreint, ni le droit, ni la moralité. Pour que l'ironie soit plus
26 grande encore, je dirais qu'il y a eu des hommes qui ont prêté le même
27 serment que moi, sous le même drapeau et la main sur la même constitution.
28 Mais ils sont partis, ils sont allés d'un autre côté, ils se sont mis à la
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1 tête d'une armée sécessionniste et ils ont tué des populations et des
2 soldats d'une armée qui était la seule armée officielle.
3 Je regrette pour ce qui est des familles qui ont eu des morts à Vukovar
4 ainsi que sur le territoire de toute l'ex-Yougoslavie. Personne, pas même
5 ce Tribunal, ne saurait redonner à une mère un fils, un frère à une sœur ou
6 un époux à une femme. Il faut qu'on se souvienne de toutes les victimes.
7 Chaque victime avait un nom et un prénom. Je tiens à mentionner, également,
8 des noms de personnes que le sort a oublié et eux aussi ont eu des familles
9 et ils ont eu une destinée et ils ont eu, également, leur propre vérité.
10 Cette vérité doit vous aider, vous, Juges de la Chambre, à déterminer la
11 vérité vraie. La vérité vraie ne peut être qu'une seule.
12 Les premières victimes de la Brigade de la Garde à Vukovar étaient les
13 soldats Pinter Damir, né à Zagreb; Mrkonjic Ante, né à Tuzla; Haluzan
14 Darko, né à Celje; et Paunovic Slobodan, né à Surcin. Ils ont été tués
15 alors qu'ils dressaient des tentes où ils devaient préparer à manger pour
16 leurs camarades.
17 Zivancevic Nebojsa, fils unique, Feldezdi Zoran, Elez Zoran, Krstic Goran
18 et Popovic Zeljko se sont dirigés, le 2 octobre, vers la caserne. Ils ont
19 raté l'entrée, ils ont été capturés par les sécessionnistes et tués.
20 Malheureusement, leurs corps ont été retrouvés brûlés dans la rue des
21 combattants de Srem, le
22 16 novembre 1991. Le lieutenant Vostic traversait la rue en courant pour
23 voir ses soldats qui sécurisaient la caserne et il a été tué, ce faisant.
24 Le sous-lieutenant Borko Nikitovic est allé voir ses soldats qui
25 sécurisaient la caserne. Il a été touché par balle par un tireur isolé. Le
26 capitaine Milanovic Sasa a essayé de l'aider, à aider Nikitovic blessé et
27 il a été tué de dos. Le commandant Stojkovic Velja ainsi que le lieutenant
28 Vasilic ont enlevé des mines qui ont été posées par les terroristes et ils
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1 ont été touchés par un obus de mortier. Popovic Slobodan, fils unique, mon
2 chauffeur, a été tué rien que parce qu'il était aux commandes d'un véhicule
3 militaire. Bon nombre encore d'autres innocents. Ils avaient un nom et un
4 prénom. Ils étaient ressortissants de différents groupes ethniques, mais
5 membres d'une seule et même armée.
6 J'ai mentionné ces gens-là parce que je les connaissais en personne, parce
7 que c'étaient des hommes honorables et honnêtes et je sais qu'ils n'ont
8 fait de mal à personne. Mon chauffeur n'avait que son pistolet comme arme;
9 il n'a même pas essayé de l'utiliser.
10 Je ne veux pas, par la présentation de ces faits, dévier votre attention
11 des personnes innocentes tuées à l'hôpital de Vukovar. Au contraire, les
12 auteurs de ce crime doivent être punis de façon méritoire. Mais si ce
13 Tribunal souhaite déterminer la vérité entière concernant la tragédie de
14 Vukovar, il faut qu'ils connaissent tous les faits, tout sort humain
15 tragique indépendamment du nom de cette victime.
16 Et si ce Tribunal souhaite entendre ce qu'a fait Mile Dedakovic, surnommé
17 le Faucon, ex-lieutenant-colonel de la JNA qui a foulé aux pieds la
18 constitution, les lois, le drapeau et son propre serment. Les siens ont
19 hissé un drapeau blanc sur leur véhicule et ensuite, à partir de cette même
20 voiture avec le drapeau blanc dessus, ils se sont servis d'armes
21 automatiques pour tuer les membres de l'armée régulière. Je les ai, maintes
22 fois, conviés par radio de faire cesser les hostilités parce que le peuple
23 innocent était en train d'en souffrir et de ne pas détruire une si belle
24 ville. Il a tout refusé.
25 Lorsqu'il est devenu certain qu'il allait connaître la défaite, le Faucon
26 m'a promis, entre guillemets, que ses Oustachi arriveraient où que je sois,
27 que je n'arriverais pas à fuir et qu'il aurait ma tête. Il a déserté
28 Vukovar, tout comme il a déserté la JNA. Pas un seul des Procureurs ici,
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1 tant que je sache, ici ou ailleurs, n'a envisagé la possibilité de faire en
2 sorte que lui ou des gens comme lui se trouvent ou doivent se trouver à ma
3 place. Quoique je ne sois pas juriste, homme de droit, j'estime que le
4 droit et la justice ne peuvent pas se trouver de l'autre côté du bon sens.
5 Ce que je veux croire, c'est que vous allez vous rendre compte, au travers
6 des documents qui seront présentés par ma Défense et par le biais des
7 déclarations des témoins, que je n'ai rien à voir avec les crimes commis à
8 Ovcara. Je crois bien que cette Chambre rejettera les déclarations des
9 témoins de l'Accusation qui se fondent sur des contrevérités parce qu'ils
10 ne m'ont vu que dans ce qui a été diffusé par les médias et qu'il en sera
11 fait de même pour ce qui est des témoins qui essayaient de dissimuler leur
12 propre responsabilité par des contrevérités ou qui, en acceptant de
13 témoigner, se procurent certains avantages. Je m'attends à ce qu'il vienne
14 ici des témoins honorables et honnêtes qui présenteront des témoignages
15 conformes à la vérité pour vous dire, à vous et à l'opinion publique, ce
16 qui s'est véritablement passé ce 20 novembre 1991.
17 Parce que c'est une grande irresponsabilité que de condamner un homme
18 innocent. C'est une grande injustice que de voir quelqu'un témoigner pour
19 condamner un homme innocent.
20 J'espère, Madame et Messieurs les Juges, que les crimes commis à Ovcara ont
21 été planifiés et commis par des gens qui détestaient la JNA pour entacher
22 son honneur et pour l'empêcher, dans son aspiration, à préserver la
23 Yougoslavie et notamment, pour discréditer et humilier nous autres,
24 officiers, qui aimions notre pays.
25 Je suis convaincu, au bout de tant d'années d'exil, de contrevérités et
26 d'agonie, qu'on en arrivera finalement à la vérité. Je veux croire que tous
27 les mensonges finiront par être dévoilés et qu'on finira par entendre et
28 connaître la vérité. J'espère que les Juges de la Chambre, ici présents,
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1 n'accepteront que la vérité et rejetteront ce qui n'est pas vrai et me
2 libèreront des accusations à mon encontre, sans qu'il y ait des éléments de
3 preuve valides à cet effet. Quoique me sentant déjà condamné au bout de
4 tant d'années d'emprisonnement et après toutes ces injustices et tortures
5 connues par ma famille, mes amis et moi-même.
6 Parfois, on en vient à penser que la justice et le droit ne sont pas
7 adaptés à la vie réelle qui se trouve loin des fondements idéalistes
8 établis il y a plus de 2 500 ans. De nos jours encore, j'estime peut-être
9 qu'il y a des gens, peut-être sont-ils peu nombreux, mais qui veulent
10 atteindre la vérité et qui suivront la route vers la vérité.
11 Je ne m'attends à ce qu'il y ait une manifestation de pitié à mon égard. Je
12 m'attends à la vérité et à la justice. A mes yeux, la vérité et la justice
13 existent et je finirai bien par le prouver et j'édifie cette foi sur des
14 faits parce que je n'ai, de ma vie, jamais rien fait de déshonorable. J'ai
15 toujours eu une attitude humaine à l'égard de ce qui a été mon devoir et ma
16 mission. Je vais me servir, pour finir, de propos émanant d'un grand
17 écrivain, d'un prix Nobel à nous, Ivo Andric : "Il n'y a pas de justice en
18 ce monde, mais moins, il y en a, plus elle a de valeur. Elle est lente,
19 oui, elle est tardive souvent. Mais tôt ou tard, elle finit par arriver.
20 C'est pourquoi je dis, appuie-toi sur la justice et n'aie crainte."
21 Messieurs et Madame, je n'en ai pas peur. Ceux qui doivent avoir peur, ce
22 sont ceux qui ont commis des injustices et bon nombre d'autres encore parce
23 qu'ils sont menacés alors qu'on fait ou on porte injustice à qui que ce
24 soit.
25 Messieurs et Madame les Juges, je crois qu'à la fin de ce procès, vous
26 finirez par aboutir à une décision qui devra se fonder sur une vérité
27 pleine et entière. S'agissant d'un procès juste auquel je m'attends, je
28 dirais que je suis certain que ma vérité finira également par être la
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1 vôtre.
2 Merci.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur
4 Sljivancanin.
5 Nous avons travaillé, aujourd'hui --
6 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous avons travaillé plus rapidement
8 que prévu aujourd'hui. Il ne sera pas nécessaire de tenir audience cet
9 après-midi, ni demain comme prévu. Une date est fixée pour la présentation
10 des éléments de preuve. Cette date est celle du mardi 25 octobre, dans deux
11 semaines.
12 L'audience est suspendue jusqu'à cette date. C'est à ce moment-là que nous
13 aurons les premiers témoins.
14 L'audience est levée. Elle reprendra le 25 octobre.
15 --- L'audience est levée à 12 heures 57 et reprendra le mardi 25 octobre
16 2005.
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