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1 Le mardi 22 novembre 2005
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 21.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Général, je vous rappelle que la
6 déclaration solennelle que vous avez prononcée au début de votre déposition
7 est encore en vigueur. Merci.
8 LE TÉMOIN: IMRA AGOTIC [Reprise]
9 [Le témoin répond par l'interprète]
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic.
11 M. BOROVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je suis
12 Maître Borovic, et je représente ici l'accusé Radic.
13 Contre-interrogatoire par M. Borovic :
14 Q. [interprétation] Ma première question : pendant que vous étiez dans les
15 rangs de la JNA, étiez-vous favorable à l'idée de l'Etat indépendant de
16 Croatie ?
17 R. Pendant que j'étais dans l'armée populaire yougoslave, j'étais
18 favorable à la Yougoslavie. Je n'ai jamais été un partisan de l'Etat
19 indépendant de Croatie, et je ne le suis pas non plus aujourd'hui.
20 Aujourd'hui, je suis un partisan de la République de Croatie, telle qu'elle
21 est organisée et structurée aujourd'hui.
22 Q. Au moment où vous avez décidé d'appuyer cet Etat de Croatie, la
23 Croatie faisait partie de la République socialiste fédérative de
24 Yougoslavie, elle en faisait partie, n'est-ce pas ?
25 R. Oui, elle en faisait partie. Déjà, il s'agissait d'une conception de
26 l'organisation de la RFSY différente.
27 Q. Lorsque vous avez quitté la JNA pour passer du côté croate, à ce
28 moment-là, est-ce que l'idée de l'indépendance de la République de Croatie
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1 était déjà articulée ?
2 R. Vous voulez dire dans mon esprit à moi ? Oui. J'ai accepté cette idée,
3 cette vision, et je voulais apporter mon assistance à ce que cela se
4 réalise, car dans les structures politiques élues en Croatie, cette idée
5 était déjà mûre d'une manière considérable et bien articulée.
6 Q. L'Etat indépendant de Croatie, savez-vous à quel moment il a vu le jour
7 pour la première fois ?
8 R. Vous faites référence à ce qu'on appelait la NDH, du temps de la
9 Deuxième guerre mondiale, qui a vu le jour à ce moment-là ?
10 Q. Si vous me dites que c'est la première fois que cela a été créé, c'est
11 à cela que je pense.
12 R. Cela a été le 10 avril 1941 que l'on a créé cet état qui n'est
13 revendiqué par personne en Croatie, et personne ne considère que cela
14 constitue des fondements positifs ou à appliquer à l'Etat croate moderne ou
15 actuel.
16 Q. Pendant la Seconde guerre mondiale, on a créé l'Etat indépendant de
17 Croatie qu'on appelait NDH par son abréviation ?
18 R. L'Etat indépendant de Croatie a été créé en 1941, l'a été, en fait,
19 après avoir été apportés à bord des chars de l'Allemagne nazie et de
20 l'Italie fasciste.
21 M. AGHA : [interprétation] Monsieur le Président, je soulève une objection
22 quant à cette série de questions posées par mon confrère. Hier déjà, de
23 nombreuses questions comportaient un aspect politique, mais cette fois-ci,
24 nous avons des questions qui, elles, ont un aspect historique. Je pense que
25 le témoin, qui est un militaire, n'est pas en position de répondre de
26 manière appropriée à ces questions-là. Il faudrait peut-être s'adresser à
27 un historien.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, une question un petit
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1 peu différente : quelle est la pertinence de ces événements historiques qui
2 se sont produits tant de temps avant les événements de 1991 ?
3 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas beaucoup
4 de questions à poser à ce sujet, mais ceci a un lien direct avec la
5 création de l'Etat actuel de Croatie, et à ce qui s'est produit dans
6 l'esprit des Serbes, de la population serbe qui a entrepris des choses pour
7 se protéger contre des manifestations, des phénomènes qui étaient
8 identiques à ceux de 1941. Je ne voudrais pas souffler les mots au témoin,
9 je ne voudrais pas tout lu dire par avance, mais telle serait, en
10 substance, cette série de questions.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous avez l'autorisation de poursuivre
12 dans cette veine, avec cette réserve près que la pertinence n'est pas tout
13 à fait évidente où ces choses ne sont pas suffisamment évidentes,
14 pertinentes. N'oubliez pas que M. Agha avait tout à fait raison lorsqu'il a
15 dit que le témoin que nous avons ici était un général, qui n'a pas de
16 connaissance historique particulière, et qu'il ferait au mieux pour réagir
17 à quelque chose qui sort du cadre de ses compétences, et il va nous dire
18 certainement si cela sort complètement du cadre de quelque chose qu'il
19 connaît.
20 M. BOROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
21 Q. En tant que militaire, n'avez-vous jamais entendu dire que pendant la
22 Seconde guerre mondiale sur le territoire croate, il y a eu un camp de
23 concentration, le plus grand des Balkans, celui qui s'appelait Jasenovac ?
24 R. Oui, j'en ai entendu parlé. Je sais qu'il s'appelait Jasenovac. Je ne
25 sais pas qu'il a été le plus grand des Balkans.
26 Q. Merci. Savez-vous qu'on y a tué entre 700 000 et
27 1,2 millions Serbes, d'après les différentes estimations qui ont été faites
28 à l'issue de la guerre ?
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1 R. J'ai entendu citer divers chiffres. Votre chiffre inférieur a été
2 rejeté par les historiens. Il s'agit d'un nombre de victimes
3 considérablement moindre d'après les conclusions des historiens, d'après
4 les historiens indépendants également.
5 Q. Merci. Les créateurs de cet Etat, était-ce des gens qui avaient des
6 unités militaires appelées unités oustachi ?
7 R. En partie, les fondateurs de cet Etat ont été ceux dont les unités
8 s'appelaient des unités oustachi. Par ailleurs, il y avait parmi les
9 fondateurs ceux qui avaient des unités SS. Puis, je ne sais pas quelle
10 était l'appellation des unités fascistes italiennes déployées dans l'espace
11 des Balkans.
12 Q. Est-ce que cela veut dire que les Oustachi, les divisions SS et les
13 soldats d'Hitler étaient leurs alliés pendant la Deuxième guerre mondiale ?
14 R. Oui.
15 Q. Auriez-vous l'amabilité de nous dire quel était le drapeau de cet
16 Etat ? Vous, en tant que militaire, connaissez-vous le drapeau de cet Etat
17 qui a été créé en 1941 et qui a duré jusqu'en 1945 ?
18 R. Pour autant que je le sache, c'était un drapeau rouge, blanc, bleu; le
19 drapeau traditionnel croate, avec un blason populairement appelé
20 "l'échiquier," mais d'une forme différente, celle qu'a le blason de l'Etat
21 croate contemporain.
22 Q. Aujourd'hui, l'Etat croate comporte également l'échiquier; c'est cela
23 son blason ?
24 R. En partie sur son drapeau, il y a l'échiquier, mais la suite des
25 couleurs n'est pas la même que du temps de la NDH, et aussi, la série des
26 blasons historiques qui se superposent à l'échiquier, la série, la forme
27 n'est pas la même.
28 Q. Les unités oustachi et les unités du Corps de la Garde nationale, est-
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1 ce que leurs insignes sont identiques ou pas ?
2 R. Je ne sais pas quels ont été les insignes des unités oustachi.
3 Q. Merci. Ma dernière question qui portera sur le même sujet, je
4 respecterai les suggestions formulées par le Président de la Chambre.
5 Savez-vous qui a été Andrija Artukovic?
6 R. Oui, je le sais. Cet homme a été l'un des ministres dans le
7 gouvernement de la NDH. Après la guerre, il a quitté cette région. Il a été
8 jugé en tant que criminel de guerre à Zagreb devant un tribunal. Il a été
9 condamné soit à une longue peine de prison, soit à une peine de mort. Je
10 n'en suis pas certain.
11 Q. Merci. Est-ce qu'il a été tenu responsable des crimes de guerre commis
12 contre le peuple serbe ?
13 R. Il a dû répondre des crimes de guerre commis à l'époque de la NDH soit
14 sous sa direction, soit sous son commandement. Quant à savoir à l'encontre
15 de quel groupe ethnique, il y a eu un grand nombre de Croates également
16 dans tous les camps de concentration partout en ex-Yougoslavie, y compris
17 en Croatie. Il n'y avait pas seulement des Serbes parmi les victimes, même
18 si les Serbes ont été le groupe des victimes les plus nombreux.
19 Q. Merci. Par conséquent, seriez-vous d'accord avec moi pour dire que le
20 peuple serbe, précisément, redoutait que ne se reproduisent les événements
21 de 1941, qu'il ait éprouvé le besoin d'avoir ses droits protégés par la JNA
22 parce qu'il se trouvait menacé dans ses droits ?
23 R. Cette question a été vraiment d'actualité à partir de 1989, à partir du
24 moment où on a annoncé qu'on allait autoriser le pluripartisme dans l'ex-
25 Yougoslavie. Toute une série d'arguments ont été utilisés. Moi aussi je les
26 ai utilisés afin d'essayer de persuader mes collègues qui partageaient
27 cette opinion et qui craignaient qu'il n'y ait une restauration de l'ancien
28 système, du système où des peuples se trouverait menacés. J'espère avoir
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1 sauvé un grand nombre de personnes, des gens qui n'ont pas opté pour cette
2 version-là, donc qui n'ont pas pensé que le nouveau gouvernement croate,
3 quel qu'il soit, s'agresserait contre un peuple vivant sur le territoire de
4 la Croatie, en l'occurrence contre le peuple serbe.
5 Q. Vous avez été chef de la sécurité du 5e Corps, si je ne me trompe pas ?
6 R. Oui, du corps aérien.
7 Q. Oui. En cette qualité, est-ce que vous deviez, entre autres, assurer
8 une protection contre des actions terroristes ?
9 R. Oui, c'est cela.
10 Q. Merci. Savez-vous, compte tenu des fonctions que vous avez exercées, à
11 quel moment on a créé des unités antiterroristes, de sabotage, dans l'armée
12 yougoslave ? En quelle année ?
13 R. Puis, il y a 10 ou 15 ans, peut-être 20 ans. Dans l'armée de l'air, il
14 n'y en avait pas, donc, je n'avais aucune compétence là-dessus, mais je
15 sais qu'on s'est posé la question de le faire après l'enlèvement des avions
16 qui se produisait sur le plan international. Puis, il y a eu aussi
17 irruption en 1972 d'un groupe.
18 Q. C'est en 1974, excusez-moi. Radusa, c'est à cela que vous pensez ?
19 R. Pour autant que je m'en souvienne, c'était en 1972.
20 Q. Non, 1974.
21 R. Très bien, j'accepte. Donc, c'est à peu près à ce moment-là qu'on a
22 commencé à se demander s'il ne fallait pas les créer, mais je ne sais pas à
23 quel moment la création a eu lieu.
24 Q. Excusez-moi de vous avoir interrompu. Mais en fait, la question que
25 j'allais poser est la suivante : est-ce en 1974 que dans la localité qui
26 s'appelle Radusa, qu'il y a eu une irruption d'une unité oustachi, unité de
27 sabotage en Croatie ?
28 R. Pour autant que je le sache, cette localité n'existe pas.
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1 Q. Radusa ?
2 R. Non.
3 Q. Mais pourriez-vous nous dire alors quelle est cette localité où les
4 unités oustachi sont arrivées, ont pénétré sur le territoire ?
5 R. Ce n'était pas des unités. C'était un groupe de sabotage et un groupe
6 terroriste qui a pénétré sur le territoire de la RFSY près de Maribor, près
7 de Gornja Radgona. Ils ont emprunté un certain itinéraire pour arriver dans
8 la zone de Bugojno, sur le mont Radusa. Il n'y a pas de localité Radusa.
9 Q. Très bien. Etes-vous d'accord avec moi pour confirmer qu'il s'agissait
10 d'un groupe oustachi, groupe terroriste, groupe de sabotage, et que suite à
11 son arrivée, la JNA a précisément créé ces unités antiterroristes, de
12 sabotage ?
13 R. Ce n'est pas le premier groupe qui est entré sur le territoire de l'ex-
14 Yougoslavie ou qui a été infiltré. Il y en a eu plusieurs depuis 1945.
15 C'est possible que cela était l'une des raisons, mais je ne sais pas quelle
16 a été la raison principale.
17 Q. Je vous remercie. Avez-vous entendu parler d'un individu qui s'appelle
18 Miro Baresic ? Cela n'a pas été consigné au compte rendu d'audience.
19 R. J'en ai entendu parler.
20 Q. Merci. Pourriez-vous dire à la Chambre de première instance de qu'il
21 s'agit ? Qui est cet homme ?
22 R. C'est l'un des membres d'une organisation d'émigrés qui a été active en
23 Occident, à l'étranger, dans plusieurs pays occidentaux, un nombre assez
24 grand de pays.
25 Q. Merci.
26 R. Par ailleurs, il a été tué en 1991 à Nis, dans des circonstances qui
27 n'ont pas été complètement élucidées.
28 Q. Merci. Vous dites qu'il a été membre d'un groupe d'émigrés.
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1 R. Oui, d'une organisation des émigrés croates. Je ne sais pas quelle a
2 été l'appellation précise de cette organisation.
3 Q. Merci. Puisque vous avez entendu qu'il a été tué en 1992, ma question
4 est de savoir s'il a été tué en tant que membre de cette organisation-là ou
5 en tant que membre d'une autre organisation sur le territoire de la
6 Croatie ?
7 R. C'est en 1991 qu'il a perdu la vie, vers l'été, dans le secteur de
8 Ravni Kotari, en tant que membre des unités de réserve du ministère des
9 Affaires intérieures. Pour autant que je le sache, il n'était pas placé
10 sous mon commandement.
11 Q. Merci. Les membres des unités de réserve du ministère de l'Intérieur,
12 d'après la réponse que vous avez fournie ici, n'était-il pas en même temps
13 membre du Corps de la Garde nationale ?
14 R. Un grand nombre de membres de la Garde nationale ont rejoint ceci en
15 venant des unités de réserve de la police, du ministère de l'Intérieur de
16 la République de Croatie, mais pas tous. Je dirais ils étaient
17 minoritaires, ceux qui sont devenus membres de la Garde nationale.
18 Q. Merci. Est-ce que vous êtes d'accord avec l'information que j'ai, à
19 savoir que Miro Baresic était un Oustacha croate, et qu'il a tué
20 l'ambassadeur de la RFSY, Rolovic ? Est-ce que vous êtes au courant de
21 cette affaire ?
22 R. Je ne sais pas s'il était Oustacha, car en 1945, les Oustacha ont été
23 vaincus. Il n'y en avait plus sous ce nom-là. Alors, est-ce qu'il a
24 revendiqué l'idéologie oustachi, je ne sais pas. Il était plus jeune, mais
25 après la guerre, et pour autant que je sache, d'après les informations
26 recueillies au sein du service et qui circulaient dans les organes de mon
27 service, il a été l'un des hommes qui ont commis l'attentant contre
28 l'ambassadeur Rolovic.
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1 Q. Merci. Mais savez-vous qu'il a été déclaré membre d'une organisation
2 internationale terroriste, qu'un avis de recherche international, un mandat
3 de recherche, a été lancé contre lui suite à cela, à cause de cela ?
4 R. Ecoutez. Après chaque meurtre, il y a des avis de recherche. Mais pour
5 autant que je sache, Miro Baresic a été jugé. Je ne sais plus si c'était en
6 Suède ou dans un autre pays. Il a dû répondre du crime qu'il a commis.
7 Q. Je vous remercie.
8 M. AGHA : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi d'interrompre
9 encore une fois mon confrère, mais je me demande quelle est la pertinence
10 de ces questions par rapport à l'acte d'accusation qui concerne le meurtre
11 allégué de 200 et quelque personnes sorties de l'hôpital ?
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Agha, comme nous l'avons déjà
13 dit à plusieurs reprises, sans aucun doute l'Accusation a une idée de la
14 pertinence des éléments relatifs à ces chefs d'accusation, et la Défense ne
15 partage pas la même vue. La Chambre doit donner l'occasion au deux parties
16 d'une manière équitable de présenter leurs causes. Si quelque chose n'est
17 pas pertinent, et que cela ne l'est pas de toute évidence, nous allons
18 intervenir sans aucun doute. Pour le moment, ce dont nous sommes en train
19 de parler, du moins pour le lien que cela a à voir avec les événements de
20 1991, le sujet n'est pas sans pertinence, tel est l'avis de la Chambre.
21 Donc, vous comprendrez qu'effectivement vous et Me Borovic n'aviez pas la
22 même vision des choses sur ce point-là.
23 M. BOROVIC : [interprétation] Merci.
24 Q. Monsieur Agotic, vous avez déclaré hier en répondant aux questions qui
25 vous ont été posées par Me Vasic, qu'en 1991 en Croatie, l'armée populaire
26 yougoslave était perçue comme une force d'occupation; c'est bien cela ?
27 Vous en avez même parlé en les qualifiant de forces d'occupation ?
28 R. Oui, c'est exact.
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1 Q. Est-ce que vous savez à quel moment l'armée populaire yougoslave est-
2 elle entrée pour la première fois sur le territoire de Vukovar ? Quand a-t-
3 elle bâti cette caserne, la caserne de la JNA ? Est-ce que vous savez en
4 quelle année cela a eu lieu ?
5 R. Non, je ne sais pas.
6 Q. Très bien. Comment pourrez-vous expliquer le fait que toutes ces
7 casernes appartenant à l'armée populaire yougoslave, tous les effectifs
8 stationnés dans ces casernes étaient déployés sur le territoire de la
9 Croatie et que, d'un coup, du jour au lendemain, d'après vous, tout cela se
10 transforme en force d'occupation ? Qui l'a proclamé ? A quel moment a-t-on
11 déclaré l'armée populaire yougoslave armée d'occupation alors que cela
12 faisait 50 ans qu'elle était là ?
13 R. L'armée populaire yougoslave sur le territoire de la Croatie
14 n'avait pas été proclamée par les dirigeants croates une force occupante,
15 mais c'était l'armée qui prenait partie dans le conflit qui a éclaté sur le
16 territoire de l'ex-Yougoslavie. Elle s'est rangée d'un côté, en fait, il y
17 avait assez longtemps. Nous pourrions même dire avant que le conflit armé
18 lui-même éclate et que des barrages ne fussent construits sur le territoire
19 de la Croatie.
20 Si on veut bien me permettre d'ajouter, si vous êtes intéressés à
21 l'entendre, je pourrais également vous dire que le chef de l'état-major
22 général, en juin 1990, c'est-à-dire, même pas 15 jours après que les
23 autorités croates ont été élues lors d'élections démocratiques, il faut
24 garder ceci tout le temps à l'esprit que c'était des élections
25 démocratiques et la question de savoir si le chef d'état-major, le colonel
26 général Adzic, devant un grand nombre d'officiers de grades élevés, dans un
27 mess d'aéroport, lorsque l'un des généraux qui était présent, un général de
28 la JNA lui a demandé : "Comment allons-nous coopérer, mon Général, avec les
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1 nouvelles autorités croates ?" Parce que jusqu'à présent, nous avons eu de
2 très bonnes relations avec les structures au pouvoir et la population sur
3 le territoire de la Croatie. Le général Adzic a répondu ceci, il a dit :
4 "Je n'ai aucune coopération avec Tudjman. Tudjman, on devrait lui dire de
5 quitter ce siège, quitter son fauteuil." Donc, c'était le programme de
6 l'armée populaire yougoslave vis-à-vis les autorités croates et des
7 pouvoirs qui existaient.
8 Q. Bien. Je vous remercie. Pourrais-je faire un commentaire et dire qu'à
9 l'époque Tudjman préconisait un programme purement nationaliste, c'est-à-
10 dire, un programme en vertu duquel, d'après ses objectifs, représentait le
11 programme recherché par le NDH, l'Etat indépendant de la Croatie, remontant
12 à 1941.
13 R. Bien, vous avez tous les droits d'avoir votre propre opinion, mais je
14 suis tout à fait certain que ceci n'est pas exact.
15 Q. Bien. Tant pis. Nous n'allons pas entrer dans le domaine de la
16 politique. Je respecterai les directives qui nous ont été données par la
17 Chambre et je m'arrêterai là, je n'irai pas plus loin. Mais il faut que je
18 vous pose la question suivante : N'avez-vous jamais été quelque communiste
19 vous-même ?
20 R. Oui, de 1963 jusqu'à la fin de 1990.
21 Q. Après cela, avez-vous été membre du HDZ, le parti croate ?
22 R. Je n'ai été membre d'aucun parti par la suite, après que la Ligue des
23 Communistes de Yougoslavie ait été abolie, à savoir, le 15 janvier 1991 ou
24 environ cette date, et lorsque tous les officiers de l'ancienne JNA ont été
25 amenés à dire quels étaient leurs points de vue pour savoir s'ils étaient
26 en faveur de la Ligue des Communistes de Yougoslavie ou pas. J'ai dit que
27 je n'en ai pas fait partie et je suis resté en dehors de tout parti jusqu'à
28 ce jour.
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1 Q. Je vois. Est-ce que personnellement ou de façon indirecte, vous avez
2 pris part aux affrontements entre les membres de l'armée populaire
3 yougoslave, non pas l'ancienne armée populaire yougoslave mais l'armée
4 yougoslave ?
5 R. J'ai pris part de façon indirecte parce que j'étais chargé des
6 structures qui organisaient la défense, la défense à partir de l'armée
7 populaire yougoslave et vis-à-vis de quiconque qui voulait lancer une
8 attaque sur la Croatie.
9 Q. Je vous remercie. Maintenant, vous avez dit également, indirectement,
10 combien de fois avez-vous commandé l'attaque contre les casernes de l'armée
11 populaire yougoslave, que vous avez commandé les opérations des attaques
12 contre les casernes de l'armée populaire yougoslave, par exemple ?
13 R. Pas une seule fois. Je n'ai jamais été au commandement pour quoi que ce
14 soit de ce genre parce que cela était la position de la direction politique
15 de la République de Croatie, selon laquelle les casernes devraient être
16 encerclées ou bloquées, et que dans une deuxième étape, les entrepôts
17 devraient être pris, devraient être repris pour armer la Croatie et pour
18 que l'on reprenne le contrôle.
19 Q. Je vous remercie. Hier, vous avez mentionné l'exemple de la caserne de
20 Bjelovar, et mon collègue Vasic vous avait directement posé la question, et
21 vous avez dit que vous aviez entendu dire que le commandant de la caserne à
22 Bjelovar a été tué ou plutôt qu'il avait été emmené. Ma question donc est :
23 après qu'il a été arrêté par le Corps de la Garde nationale croate, est-ce
24 qu'il a été exécuté ? Est-ce que c'est une question directe ?
25 R. Je ne sais pas si Owe a été exécuté, mais je sais qu'une enquête a été
26 diligentée après que la caserne de Bjelovac a été prise et que des
27 personnes ont été tenues pour responsables devant les tribunaux croates.
28 Q. Bien. Je vous remercie. Maintenant, est-ce que le renseignement suivant
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1 est exact, à savoir que pendant les blocus et au moment où vous avez
2 commandé, que 36 soldats de l'armée populaire yougoslave ont été tués ?
3 Est-ce exact ? Est-ce vrai ?
4 R. Je ne sais pas combien de soldats ont été tués, mais qu'il y a eu des
5 victimes des deux côtés, cela, un certain nombre, un nombre important de
6 victimes ont eu lieu, cela est exact.
7 Q. Je vous remercie. Combien de victimes de l'autre côté diriez-vous qu'il
8 y a eu ?
9 R. Je ne peux pas dire combien il y a eu de victimes du côté croate. Je
10 sais qu'il y en a eu beaucoup, plus particulièrement la population civile
11 dans les villes.
12 Q. Je vous remercie. En tant que commandant de la Garde nationale croate,
13 du Corps de la Garde nationale croate, la ZNG, est-ce que vous avez reçu le
14 renseignement suivant : est-ce que vous savez combien de ressortissants
15 étrangers étaient membres de Corps de la Garde nationale croate ?
16 R. Je n'ai pas ces renseignements à portée de la main, mais je sais que
17 certains ressortissants étrangers ont fait partie des rangs de l'armée
18 croate et une proportion moindre aussi dans la ZNG. Mais dans l'armée
19 croate, il y avait effectivement probablement plusieurs centaines, quelques
20 centaines.
21 Q. Est-ce que vous savez de quels pays venaient ces personnes, ces
22 mercenaires ?
23 R. Pour commencer, ce n'était pas des mercenaires, parce que tout le monde
24 était payé dans l'armée croate, tout le monde recevait une solde s'ils
25 faisaient partie de l'armée croate. Mais, ils rejoignaient pour avoir les
26 mêmes soldes, parfois même ils abandonnaient leurs soldes venant
27 d'Angleterre, de Hollande, d'Amérique, d'Argentine, d'Australie, et un
28 nombre encore plus important de pays en fait.
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1 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous savez s'il y avait des ressortissants
2 étrangers dans le Corps ZNG à Vukovar en 1991 ?
3 R. Je ne sais pas s'il y en avait parmi les défenseurs de Vukovar.
4 Toutefois, un grand nombre de Croates de légions étrangères sont venus pour
5 défendre le pays et, notamment, Vukovar, aussi.
6 Q. Je vous remercie. Maintenant, savez-vous comment ils ont rejoint le
7 Corps de la Garde nationale croate, puisque vous étiez un commandant et
8 qu'ils appartenaient à la légion étrangère, quelle était la procédure pour
9 devenir membre de l'armée ? Est-ce que vous pourriez expliquer cela un peu,
10 s'il vous plaît ?
11 R. La procédure n'était pas très compliquée. Si vous vouliez rejoindre le
12 Corps de la Garde nationale, il fallait faire état de votre décision de
13 combattre pour la défense de la Croatie et vous mettre en rapport avec le
14 ministère de l'Intérieur. Ils avaient un service du personnel, un
15 département du personnel, et des contrats seraient signés, des accords
16 conclus et les membres rejoignaient les unités avec la Garde internationale
17 et ils recevraient une solde mensuelle régulière.
18 Q. Est-ce que vous savez quel était le montant de cette solde ?
19 R. En tant que colonel de l'ancienne JNA, puisque mon grade a été accepté
20 et reconnu, bien que nous n'ayons pas eu d'autres grades par la suite, ma
21 première solde a été dans les environs de 30 à 32 000 dinars. C'était des
22 dinars de la Yougoslavie d'alors.
23 Q. Qu'en est-il de ces personnes de la légion étrangère qui ont rejoint la
24 ZNG ? Quelles étaient leurs soldes ?
25 R. Pour autant que je sache, nos soldes étaient les mêmes. Je ne pense pas
26 qu'il y ait eu de différences.
27 Q. Je vous remercie. A l'époque, sur le territoire qui appartenait à un
28 secteur dans lequel les événements de guerre se déroulaient à Vukovar, nous
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1 avions des membres du Corps de la Garde nationale croate; c'est bien cela ?
2 R. A Vukovar proprement dit, un petit nombre oui, mais c'étaient des
3 membres de la ZNG.
4 Q. Et des membres du MUP de la Croatie ?
5 R. Oui.
6 Q. Y avait-il des membres du HOS ?
7 R. Je pense qu'à Vukovar proprement dit, il n'y avait pas de membres du
8 HOS, mais à la Défense de Vukovar, de façon indirecte, le long des lignes
9 de front, il y avait des membres du HOS.
10 Q. Quels étaient les noms des membres des formations paramilitaires et des
11 unités - dont vous nous avez parlé - et qui étaient dirigées par Mercep ?
12 R. C'étaient les défenseurs de Vukovar, et c'était organisé par le
13 secrétariat de la Défense nationale à Vukovar, dans la municipalité de
14 Vukovar.
15 Q. Est-ce qu'il n'y avait pas un nom distinct ?
16 R. Pour autant que je sache, il n'en avait pas. Peut-être qu'il avait
17 choisi un nom pour eux ou que quelqu'un les appelait par un nom spécial,
18 mais il n'y avait pas de nom officiel différent, si ce n'est qu'on les
19 appelait les défenseurs de Vukovar.
20 Q. Je vous remercie. Maintenant, dans les unités de Mercep, est-ce que les
21 membres étaient essentiellement croates; la majorité était croate ?
22 R. Oui, la majorité était des Croates, bien qu'il se soit agi de personnes
23 d'origines ethniques différentes.
24 Q. Quelles conclusions pourrions-nous tirer ici aujourd'hui dans cette
25 salle, si nous avons un résumé, un bref résumé de ce conflit dans lequel
26 d'un côté nous avons des membres du MUP de la Croatie et du Corps de la
27 Garde nationale de Croatie, des membres du HOS, des volontaires de Mercep,
28 et de l'autre côté, en revanche, vous avez seulement des représentants du
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1 peuple serbe qui n'ont pas été organisés et créés de façon militaire, selon
2 les règles militaires ? Quel commentaire pourriez-vous faire à ce sujet ?
3 Est-ce que quelqu'un devait les aider peut-être ? Est-ce qu'ils avaient
4 besoin d'aide ? Est-ce que pour être bien précis, est-ce qu'ils avaient eu
5 besoin de l'aide de l'armée populaire yougoslave ? Pour être tout à fait
6 précis, pour faire face à cette énorme force militaire qui comportait un si
7 grand nombre d'unités, comme vous nous l'avez dit aujourd'hui dans cette
8 salle d'audience ?
9 R. Non, ils n'avaient pas besoin d'aide parce que ceux qui étaient
10 organisés pour défendre la Croatie n'étaient pas organisés pour prendre
11 cette population de Croatie ou l'expulser.
12 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous savez que le premier ministre était à
13 Vukovar en 1991, en août 1991 ?
14 R. De quel gouvernement ?
15 Q. Gouvernement croate.
16 R. Je ne suis pas au courant. Je n'ai pas connaissance de cela, mais je
17 pense que le Dr Franjo Greguric se trouvait à Vukovar à un moment où on
18 pouvait encore y entrer.
19 Q. Est-ce que vous savez quelle est la raison pour laquelle le premier
20 ministre du gouvernement croate était allé à Vukovar, lui qui avait ce
21 statut ?
22 R. Le premier ministre pouvait aller et venir dans l'ensemble du
23 territoire de son pays, et je peux vous dire que le premier ministre
24 Greguric était le président du gouvernement de coalition, qui était composé
25 de tous les partis, de l'assemblée serbo-croate, y compris des ministres
26 serbes, des Serbes de Croatie.
27 Q. Je vous remercie. Savez-vous au cours de cette période, si Franjo
28 Tudjman s'est rendu à Vukovar du tout ?
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1 R. Je ne pense pas qu'il l'ait fait au mois d'août, et par la suite,
2 certainement pas.
3 Q. Je vous remercie. Je pense qu'il est venu en juillet, d'après mes
4 renseignements. Si vous n'en avez pas connaissance, passions à autre chose.
5 Est-ce que vous savez ou avez-vous connaissance du fait, qu'à Vukovar, à
6 partir du mois d'août et jusqu'à la fin du mois de novembre, donc d'août à
7 la fin de novembre - c'est la période que nous examinons - il fallait des
8 permis spéciaux qui étaient imposés et qui étaient délivrés par Mercep,
9 interdisant la liberté d'aller et de venir pour les habitants autour de la
10 ville de Vukovar ou, plus directement, des permis sans lesquels personne ne
11 pouvait entrer à Vukovar ou quitter Vukovar ? Avez-vous connaissance de
12 cela ?
13 R. Non, je n'en ai pas eu connaissance. Je ne savais pas que c'était la
14 façon dont il avait réglé la question du mouvement autour de Vukovar.
15 Q. Je vous remercie. Maintenant, si je vous dis que le directeur de
16 l'hôpital, les employés de l'hôpital ont confirmé le fait que ces permis
17 aient effectivement existé et ils étaient en vigueur, pourrais-je avoir vos
18 commentaires sur qui aurait pu donner l'autorisation pour délivrer des
19 permis de ce genre pour qu'ils existent, lorsque le Corps de la Garde
20 nationale existait, lorsque le MUP existait, qui aurait pu donner le feu
21 vert à Mercep pour limiter les mouvements de population à Vukovar de cette
22 manière ?
23 Qui aurait pu lui donner cette autorité ?
24 R. Si c'est vrai, si c'était ainsi, je pense qu'il aurait pu l'organiser
25 lui-même. Comment est-ce qu'il aurait pu faire cela ? J'ai répondu que oui,
26 et j'ai dit --
27 M. BOROVIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, il semble
28 que le compte rendu donne le nom de Martic au lieu de Mercep à la ligne 11,
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1 de la page 18. Est-ce que l'on pourrait corriger cela, s'il vous plaît ?
2 Merci.
3 Q. Est-ce que vous avez entendu parlé de la 204e Brigade de Vukovar ?
4 R. Oui.
5 Q. Hier, vous l'avez incluse dans votre énumération lorsque vous avez
6 déposé au sujet des brigades. Pourriez-vous nous dire quelle était la
7 composition de cette brigade ? Quel était son secteur de responsabilité, et
8 pourriez-vous nous en parler ?
9 R. La 204e Brigade de Vukovar ou la 104e, ou la 124e Brigade qui existe
10 encore, elle n'a, en fait, jamais été constituée comme brigade. Pour
11 pouvoir acquérir le statut d'une brigade et ce statut du défendeur de la
12 ville, l'ordre a été donné par le commandant de la zone d'opérations, le
13 colonel à l'époque et plus tard le général Karl Gorinsek, de créer une
14 brigade. L'état-major principal a donné un nom et il en a donné un autre.
15 C'est la raison pour laquelle cette brigade est connue comme ayant deux
16 noms et deux numéros. Je ne les ai pas énumérées, parce qu'en tant que
17 brigade, cela n'avait aucun sens, à savoir, s'il elle existait en tant que
18 brigade dans la ville de Vukovar. C'est la raison pour laquelle je ne l'ai
19 pas comprise parmi les brigades. J'ai dit que les défenseurs de Vukovar
20 étaient ceux qui constituaient un facteur actif de la défense de Vukovar.
21 Q. Nous n'avons pas entendu quel était son secteur de responsabilité et
22 son secteur d'action. Dans quel secteur avait-elle ses activités ? Est-ce
23 que vous savez ? Est-ce que c'était une brigade de la ZNG indépendamment du
24 fait de savoir si elle avait le statut de brigade ou pas ?
25 R. Non. C'était une brigade de l'armée croate qui comprenait des
26 défenseurs de Vukovar, ce qui veut dire que tous ceux qui défendaient
27 Vukovar par la suite ont été inclus dans la 204e ou dans la 124e Brigade.
28 Q. Pourriez-vous nous expliquer - vous venez juste de parler de cette
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1 force comme étant l'armée croate, et je pense que votre explication n'était
2 pas très convaincante - pourriez-vous nous dire, pourquoi en 2003, le
3 gouvernement croate a légalisé son statut vers la fin -- enfin, dès 2003 ?
4 Si d'après vous il s'agissait d'une force croate légale, pourquoi est-ce
5 que le gouvernement a légalisé cette force uniquement en 2003 ?
6 R. Ecoutez, veuillez essayer de ne pas apprécier mes réponses comme étant
7 convaincante ou pas. C'est à la Chambre que cela appartient. Notre tâche
8 ici est d'établir la vérité. C'est pour cela que j'ai essayé de donner des
9 réponses justes et exactes, et je vous demande d'avoir la même attitude.
10 La 204e Brigade de Vukovar n'a jamais été constituée en tant que telle, de
11 façon à avoir le statut de défenseurs de Vukovar et de façon à ce que ceci
12 ait un cadre juridique. Il fallait qu'ils soient incorporés ou énumérés
13 comme étant des membres d'une brigade ou d'une unité. Ceci n'a pas été fait
14 avant 2003, et je crois que leur statut n'a pas été définitivement légalisé
15 jusqu'à cette date.
16 Q. Est-ce que nous pouvons conclure que la 204e Brigade de Vukovar à
17 l'époque était une formation paramilitaire parce qu'elle n'avait pas de
18 statut légal; oui ou non ?
19 R. Non.
20 Q. Puisque votre réponse est non, pourriez-vous, s'il vous plaît,
21 expliquer cela ?
22 R. Je vous ai dit que la tâche de ceux qui avaient constitué la 124e -- la
23 224e Brigade, c'était de défendre Vukovar.
24 Q. Les défenseurs de Vukovar, pourraient-ils attribuer un statut à une
25 formation ou est-ce que ceci pouvait être fait par quelqu'un à un niveau
26 plus élevé, au niveau de la république ou plus haut ? Est-ce qu'un groupe
27 de personnes peut attribuer un statut à une formation militaire dans un
28 pays moderne quel qu'il soit ?
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1 R. Non. Ceci doit être fait par le ministre de la Défense et le Grand
2 état-major. C'est pour cela que j'ai dit qu'en 1991, à un moment donné en
3 octobre lorsqu'ils ont commencé à établir des brigades dans l'armée croate,
4 indépendamment des ZNG, comme je vous l'ai dit hier, il y avait quatre et
5 plus tard sept brigades ZNG, tandis que toutes les autres brigades étaient
6 des brigades de l'armée croate. C'est à ce moment-là qu'ils ont commencé à
7 les créer. Toutefois, la Brigade de Vukovar, au sens administratif, n'avait
8 pas un statut juridique définitif, et ne l'a eu que beaucoup plus tard.
9 Q. La situation est tout à fait claire pour moi. C'est à la Chambre de
10 première instance qu'il appartiendra d'en juger. Ma question suivante est
11 de savoir : savez-vous qui était Marin Vidic, Bili ?
12 R. Marin Vidic, Bili, oui, je sais qui c'était.
13 Q. Pourriez-vous nous dire qui c'était, et ce que vous savez à son sujet ?
14 R. Marin Vidic, Bili, était le commissaire du gouvernement de la
15 République de Croatie pour la municipalité de Vukovar. C'était un ingénieur
16 agricole de profession. Jusqu'alors, il avait vécu dans un village. Je
17 crois que le nom de ce village était Lovas.
18 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous savez quelle autorité il avait en
19 tant que commissaire du gouvernement à Vukovar au cours des activités de
20 combat ?
21 R. J'en ai absolument aucune idée de ce qui était son autorité ou ses
22 compétences, mais je sais que les présidents des municipalités et les
23 commissaires des gouvernements étaient en même temps chefs des cellules de
24 Crise dans ce secteur.
25 Q. A l'époque, lorsque vous avez rejoint la ZNG et que vous avez été placé
26 à la tête de la ZNG, voudriez-vous nous dire qui étaient les membres de la
27 cellule de Crise à Vukovar ?
28 R. Je ne sais pas qui étaient les membres, mais je sais que la cellule de
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1 Crise avait à sa tête le commissaire du gouvernement de Vukovar.
2 Q. En disant cela, vous vouliez dire précisément la personne que nous
3 venons de mentionner ?
4 R. Oui.
5 Q. Est-ce que vous savez si dans cette cellule de Crise, il y avait
6 également le directeur de l'hôpital de Vukovar au cours de cette période ?
7 R. Je ne sais pas, je ne suis pas au courant. Mais je sais qu'il y avait
8 un directeur de l'hôpital qui a coopéré étroitement avec le commissaire du
9 gouvernement de la municipalité de Vukovar.
10 Q. Puisque je ne suis pas au courant de cela, de ce type de coopération,
11 pourriez-vous, s'il vous plaît, expliquer ce que vous voulez dire par
12 coopération étroite ?
13 R. Compte tenu des circonstances, l'hôpital avait des besoins spéciaux,
14 particuliers. Il avait besoin d'approvisionnements, il avait besoin de
15 protection. A la demande du directeur de l'hôpital, ceci a été mis en œuvre
16 de façon prioritaire par ceux qui étaient au pouvoir. En l'espèce, il
17 s'agissait du commissaire du gouvernement pour la municipalité de Vukovar.
18 C'était celui qui était habilité à le faire.
19 Q. Je vous remercie. Savez-vous qui gardait l'hôpital ? Est-ce que c'était
20 des membres du ZNG ou du MUP ? Est-ce que c'était des volontaires ou des
21 membres de l'armée croate ou des membres de formations d'unités
22 paramilitaires parmi lesquelles vous avez inclus le HOS ? Qui gardait
23 l'hôpital ?
24 R. Je ne sais pas qui gardait l'hôpital au cours de cette période. Très
25 probablement, les unités de défense, un certain type qui avait été créé à
26 l'époque.
27 Q. Il semble que vous ne connaissiez pas la réponse.
28 R. Je ne sais pas.
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1 Q. Avez-vous entendu parler du Dr Njavro ?
2 R. Certainement.
3 Q. Etait-il un membre du ZNG ?
4 R. Non.
5 Q. Est-ce que vous savez s'il était membre des forces de police de réserve
6 de Croatie ?
7 R. Je ne crois pas qu'il l'était. C'était un médecin, et il n'était pas
8 organisé de façon militaire sauf pour les médecins militaires.
9 Q. Je vous remercie. Je pense que nous avons des renseignements concernant
10 le point sur lequel je vais vous poser une question. Est-ce que vous avez
11 désigné Mile Dedakovic connu sous le nom de Jastreb et Branko pour
12 reprendre les membres du ZNG à Vukovar ?
13 R. Oui. Je leur ai donné instruction de faire cela, mais pas de reprendre
14 les membres du ZNG, plutôt de prendre la tête de la défense de Vukovar.
15 Q. La compétence qu'ils avaient, ces forces avaient compétence par rapport
16 à quoi ?
17 R. Toutes les forces qui défendaient Vukovar.
18 Q. Ceci veut-il dire qu'ils n'avaient pas sous leur commandement seulement
19 des membres du ZNG, mais également des policiers, des membres du HOS, des
20 hommes de Mercep, des unités de volontaires, comme vous les avez appelés,
21 et ainsi de suite ?
22 R. Comme je l'ai dit, je ne pense pas qu'il y ait eu des membres du HOS
23 qui étaient présents à Vukovar.
24 Q. S'il y en avait eu, est-ce qu'ils se seraient trouvés également sous
25 leur commandement ?
26 R. Oui. Quiconque était armé et participait à la défense de Vukovar se
27 trouvait sous le commandement de Mile Dedakovic, Jastreb, qui avait été
28 désigné pour ce poste, qui a été nommé à ce poste.
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1 Q. Je vous remercie. Je pense que vous avez parlé dans votre déposition
2 des membres du ZNG qui étaient, en fait, membres du MUP de Croatie. Est-ce
3 que ceci veut dire, qu'en le disant, vous placiez le MUP de Croatie sous
4 votre contrôle, alors que précédemment vous avez dit que vous étiez
5 subordonné au MUP de Croatie ?
6 R. Non. Les membres du ZNG n'étaient pas subordonnés au MUP de Croatie.
7 Toutefois, à des fins administratives, pour des raisons administratives,
8 pour les questions de soldes et la protection de la santé, d'assurance
9 retraite, pension de retraite, et ainsi de suite, ils étaient inscrits sur
10 les registres du MUP de Croatie.
11 Q. Pour vous dire la vérité, je ne comprends pas très bien cela. A vrai
12 dire, il semble qu'il s'agisse là d'une sorte de manipulation
13 administrative. Ils n'étaient pas membres du MUP de Croatie, toutefois, ils
14 se trouvaient sur les états de paie, et ils avaient été créés comme une
15 formation indépendante et distincte. Pourrez-vous expliquer cela de façon
16 plus claire, s'il vous plaît ?
17 R. Des membres du ZNG, à partir du 28 mai 1991, relevaient du ministère de
18 l'Intérieur de la Croatie en tant que formation armée indépendante. En plus
19 de cela, le ministère de l'Intérieur avait des forces de police de réserve
20 et des forces de police régulières, qui comptaient environ 20 000 membres.
21 En plus de cela, le MUP assurait le service de Sécurité de l'Etat, en son
22 sein, de sorte que telles étaient les organisations qui existaient à
23 l'époque au MUP.
24 Q. Donc, vient le moment où les membres du ZNG vont avoir toutes ces
25 unités sous leur commandement, est-ce que cela a été fait en exécution sur
26 votre ordre ou sur l'ordre de quelqu'un qui se trouvait au-dessus de vous ?
27 R. J'ai proposé le chef de la défense de Vukovar, et l'ordre a été signé
28 par le commandant suprême en Croatie, de faire en sorte qu'il soit désigné
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1 comme chef de la défense de Vukovar.
2 Q. Je vous remercie. Un des témoins ici nous a dit que le commissaire, en
3 plus de tous les autres pouvoirs et tâches qui étaient les siennes, était
4 habilité à couper l'adduction d'eau, d'électricité, et à contrôler tous les
5 besoins qui pouvaient exister dans la ville de Vukovar. Est-ce que vous
6 avez des renseignements de ce genre, notamment de savoir s'il était
7 habilité à avoir tous ces services sous son contrôle à Vukovar ?
8 R. Je ne sais pas quel type de pouvoir il avait. Toutefois, je sais que
9 les cellules de Crise dans les territoires de la République de Croatie
10 réglaient ces questions pour l'ensemble du secteur de la zone.
11 Q. Donc, ceci veut dire que ceci entrait dans les compétences des cellules
12 de Crise de toutes les villes, y compris Vukovar ?
13 R. Il est très probable que cela eut été comme cela.
14 Q. Est-ce que ceci veut dire que cet aspect entrait dans la responsabilité
15 de Marin Vidic, Bili, qui était le chef de la cellule de Crise ?
16 R. Très probablement, c'était la situation.
17 Q. Dans les villes que je vous ai mentionnées, les casernes avaient été
18 bloquées et prises à la JNA, toutes ces choses, c'est quelque chose dont
19 vous avez entendu parler. Est-ce que l'électricité a été coupée pour ces
20 casernes, telle que, par exemple, à la caserne de Bjelovar, avant que ces
21 casernes ne soient attaquées ? Est-ce que le courant électrique et
22 l'adduction d'eau ont été interrompus ?
23 R. Oui. L'électricité, l'adduction d'eau et toutes possibilités d'entrer
24 ou de sortir étaient contrôlées. C'est ce que nous avons appelé un blocus.
25 Q. Est-ce que le système a été appliqué à Vukovar même si pendant cette
26 même période vous-même n'étiez pas responsable de cela ? Mais est-ce que
27 vous avez entendu parler de ce système ? Est-ce que ce système a été
28 également appliqué à Vukovar ?
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1 R. Je pense que Vukovar ait été un cas spécial, compte tenu de l'endroit
2 où se trouvaient les casernes à Vukovar. Je ne les ai pas visitées avant la
3 fin de la guerre, après l'intégration pacifique, et je pense quand j'ai vu
4 ces casernes, elles étaient impossibles à assiéger. Les casernes de Vukovar
5 n'étaient pas particulièrement importantes. Elles n'étaient pas
6 particulièrement grandes.
7 Q. Je ne voulais pas parler des cas de Gospic, Bjelovar et ainsi de suite,
8 mais j'avais à l'esprit le fait qu'on y ait interrompu l'électricité et
9 l'eau.
10 R. Si la cellule de Crise était capable de mettre cela en œuvre, alors à
11 ce moment-là, oui, le même système aurait été appliqué à Vukovar aussi.
12 Q. Je vous remercie. Est-ce que ceci veut dire que les gens dans les
13 casernes n'auraient pas pu couper l'eau et l'électricité pour l'hôpital ?
14 Il fallait le faire ailleurs ?
15 R. Je ne sais pas comment le système d'approvisionnement était réglé à
16 Vukovar.
17 Q. Je sais que c'est impossible de le faire à partir de la caserne de
18 Vukovar.
19 Hier, vous avez parlé de l'affaire Spegelj, et je ne voudrais pas revenir
20 là-dessus maintenant. Est-ce que vous nous avez dit combien de temps après
21 cette opération -- est-ce que vous nous avez dit combien de Kalachnikovs,
22 de combien de Kalachnikovs disposait la ZNG ?
23 R. Hier, j'avais dit qu'il y a des informations qui indiquent quelque 40
24 000 Kalachnikovs ont été importées lors de cette opération Spegelj. Lorsque
25 la ZNG a été établie, il y avait quelque 8 000 Kalachnikovs.
26 Q. Pour ne pas réitérer ce qui a été dit hier, je vais mettre un terme à
27 cela ici. Mais, j'aimerais vous poser une autre question : est-ce que vous
28 n'avez jamais personnellement proposé à Tudjman d'acheter des armes ?
Page 2074
1 R. En août 1991, je lui ai expliqué la situation. Je lui ai dit que nous
2 avions beaucoup plus de gens que nous n'avions la possibilité de les armer.
3 Q. Est-ce que c'est pendant cette période de temps qu'il y a eu un embargo
4 pour ce qui est de l'achat et de la fourniture d'armes ? Est-ce que cela
5 s'est fait pendant cette période de temps ?
6 R. Cela s'est fait juste avant l'introduction de l'embargo relatif aux
7 armes, le 1er septembre 1991.
8 Q. Hier, vous avez dit que pendant l'embargo vous avez réussi à vous
9 fournir des armes ?
10 R. J'avais dit que pendant l'embargo nous avions armé l'armée croate à
11 partir des casernes de la JNA et de ces entrepôts.
12 Q. Est-ce que vous avez obtenu des armes à partir de la Hongrie pendant
13 cette période ?
14 R. Je peux vous dire que les membres du département de la défense devaient
15 s'occuper de l'achat et de la fourniture d'armes et de matériel. Je peux
16 vous dire que dans la plupart des unités la plupart des armes venaient de
17 la JNA.
18 Q. Merci. En réponse à une question qui vous a été posée par mon estimé
19 confrère, Me Vasic, vous avez dit que lorsque les armes de la défense
20 territoire était bloquées par l'armée populaire de la Yougoslavie, vous
21 aviez pensé qu'ils s'étaient emparés d'armes qui n'étaient pas les leurs,
22 qui appartenaient à autrui, et c'est ainsi que vous avez traité la
23 situation; est-ce bien exact ?
24 R. Oui, c'est exact.
25 Q. Maintenant, si des membres de la ZNG s'emparent d'armes qui
26 appartiennent à la JNA, comment est-ce que vous qualifieriez cet acte ?
27 Est-ce qu'il s'agit d'une obtention illégale ou illicite d'armes ? Ou est-
28 ce qu'il s'agit de s'emparer de quelque chose qui appartient à quelqu'un
Page 2075
1 d'autre ? Que dites-vous à cela ?
2 R. Je dirais qu'il s'agissait de prendre vos propres biens, qui étaient
3 également financés par la Croatie au sein de l'ancienne RFSY. En fait, il
4 s'agissait de ce défendre. Il n'y avait aucune autre façon d'obtenir des
5 armes; c'était la seule façon de s'en procurer. L'autre solution aurait été
6 d'aller à l'église et de prier.
7 Q. Ce que j'avance, c'est qu'il aurait été plus judicieux pour vous
8 d'aller à l'église et de prier pour obtenir des armes plutôt que de les
9 saisir. Mais bon, je m'excuse.
10 M. BOROVIC : [interprétation] Je m'excuse car il s'agit d'une remarque
11 personnelle.
12 Q. Ces armes qui se trouvaient dans les casernes de la JNA, est-ce
13 qu'elles appartenaient aux peuples des autres républiques ? Est-ce que cela
14 n'était pas également leur propriété ?
15 R. Si vous prenez le rapport de distribution, vous pouvez voir que la
16 Croatie possédait 20 % de tous les biens de la JNA.
17 Q. Donc, cela signifie que vous aviez pris plus que ce qui vous revenait ?
18 R. Nous n'avons pas pris 20 %, et, comme je l'ai dit, on nous devait 27 %.
19 Q. Il appartiendra à la Chambre d'évaluer cela. Je vais essayer de ne pas
20 être trop long pour que nous puissions respecter l'heure de la première
21 pause.
22 A propos de la pièce à conviction 84, il s'agit du village de Bruska, et
23 vous avez mentionné lors de vos observations, et cela avait été placé
24 d'ailleurs sur le rétroprojecteur pendant longtemps, vous nous avez dit
25 qu'il y avait une erreur et qu'il avait été dit là que tous les Croates
26 n'étaient pas des Oustachi. Est-ce que cela est bien écrit ?
27 R. Ce n'est pas ce qui est écrit.
28 Q. Est-ce que vous pourriez me dire ce qui est écrit, alors ?
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1 R. Les observations du commandant sont qu'une enquête devait être
2 diligentée à nouveau pour pouvoir ôter pour, en quelque sorte, réhabiliter
3 le peuple serbe.
4 Q. Donc, l'enquête devrait être menée à bien à nouveau ?
5 R. Oui, je le pense. C'est exact.
6 Q. Parce que cela a été versé au dossier en tant que pièce à conviction.
7 Plusieurs observations ont été faites, et vous avez fini par dire que le
8 peuple croate n'était absolument pas mentionné, mais que ce qui était
9 mentionné étaient membres d'une unité de sabotage d'Oustachi qui étaient
10 censés avoir commis ce crime. Pourquoi est-ce que vous avez fait cette
11 observation à propos de l'ensemble du peuple croate ?
12 R. Maître Borovic, nous ne parlons pas du même document. Il s'agit du
13 document différent. Le document auquel je faisais référence est un document
14 qui réfute l'évaluation menée à bien par le poste de police de Benkovac, à
15 savoir, le massacre n'a pas été orchestré contre les Marinkovic du village
16 de Bruska par des membres d'un groupe de sabotage ou d'un groupe
17 terroriste, mais que le massacre a été le résultat d'une querelle qui
18 remontait à plusieurs années précédentes avec une famille d'un autre
19 village qui est mentionné ici. Ils ont utilisé en fait ce créneau, en
20 quelque sorte, et commis ce massacre contre ces neuf personnes. Il ne
21 s'agissait pas d'un acte de la part d'une unité de terroristes de sabotage
22 oustachi, mais il s'agit tout simplement d'une querelle entre cette
23 population. Il se trouve qu'ils étaient serbes dans le cas d'espèce, mais
24 je pense que mon observation est toujours exacte, ce que j'avais dit à
25 l'époque.
26 Q. Il y a également la pièce à conviction 85, à savoir, le document
27 suivant, où il est question de Pupovac et de Skoric, qui sont mentionnés
28 comme des personnes soupçonnées d'avoir commis le massacre; est-ce que cela
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1 était exact ? Est-ce que vous savez ce qu'il est advenu avec Skoric et
2 Pupovac ? Est-ce qu'ils ont été condamnés, jugés ? Comment est-ce que cela
3 s'est terminé ?
4 R. Je ne sais pas. Mais, il est indiqué ici que l'officier de police -
5 dont le nom, je pense, est Mladenovic - saurait au mieux quelle était la
6 situation, qui a commis le massacre, et cet officier de police était
7 transféré ou muté en Serbie.
8 Q. Très bien. Si je vous disais que le 4 novembre 2003, il s'agit de la
9 page 28521, lignes 9 à 12, un témoin a déclaré dans l'affaire Slobodan
10 Milosevic ce que suit : "Il faut que nous nous souvenions que l'un des
11 nettoyages ethniques le plus important dans tous les Balkans pendant cette
12 période était un nettoyage ethnique commis contre les Serbes qui devaient
13 s'enfuir de la Krajina, et ce, au début de l'été 1995. Le nom dudit témoin
14 étant Lord Owen."
15 Voilà la question que j'aimerais vous poser : j'ai ce compte rendu
16 d'audience de l'affaire Milosevic en anglais. Si nécessaire, je peux
17 fournir ce document à l'Accusation, mais c'est exactement ce qu'a dit le
18 témoin. J'aimerais savoir ce que vous auriez à dire à propos des événements
19 relatifs à l'opération Tempête ? Avez-vous participé à l'opération Tempête
20 ? En règle générale, quel est votre de point de vue en la matière ? Est-ce
21 que vous avez participé à cette opération Tempête, et quel était votre
22 point de vue à ce sujet ?
23 R. L'opération Tempête -- avant l'opération, j'étais commandant de la
24 force aérienne croate qui a participé activement à l'opération Tempête. Je
25 pense que l'opération Tempête était une opération menée à bien par l'armée
26 croate, et ce, afin de libérer des territoires qui étaient occupés jusqu'à
27 ce moment-là. Il s'agissait de quelque 30 % du territoire. Cela a été
28 effectué de façon très professionnelle en bonne et due forme. Je parle de
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1 l'opération Tempête.
2 Q. Est-ce que cela signifie que le témoin, Lord David Owen, qui a témoigné
3 dans l'affaire Slobodan Milosevic --
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'aimerais savoir dans quelle mesure
5 est-ce que cela est pertinent par rapport aux événements de 1991 ?
6 M. BOROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Cela est
7 pertinent précisément parce que le témoin a participé directement à ces
8 événements. Il était chef des forces aériennes de l'armée croate, et cela a
9 une pertinence, puisque cela a trait à sa crédibilité. Il s'agit d'une
10 personne qui va expliquer les événements vus depuis sa perspective, parce
11 qu'en fait, la Défense est d'avis qu'il y a des témoins des événements dont
12 le témoin était un commandant. En fait, ces témoins ont fait référence à
13 cet événement comme étant un nettoyage ethnique. Il faut savoir qu'à
14 l'époque où il était commandant des forces aériennes, à cette époque-là,
15 300 000 personnes ont été expulsées de la Croatie, et certains témoins ont
16 avancé qu'il s'agissait d'un nettoyage ethnique. Donc, je souhaite savoir
17 quel est le point de vue du témoin par rapport à l'armée croate et à la
18 ZNG, parce que nous avons entendu le témoin dire qu'il s'agissait d'une
19 opération militaire brillante, d'une opération qui a eu lieu en toute
20 légalité. Il s'agit du point de vue du témoin, point de vue qui était
21 exprimé par rapport aux événements de l'année 1991.
22 [La Chambre de première instance se concerte]
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, la Chambre de
24 première instance ne pense pas qu'il y a suffisamment de pertinence puisque
25 ces événements ont eu lieu plusieurs années après les activités et les
26 événements de 1991, qui sont au cœur de l'acte d'accusation. Je vous
27 demanderais de bien vouloir faire abstraction de ce thème.
28 M. BOROVIC : [interprétation] Merci. Je pense que j'ai encore une
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1 question à poser, et je pense qu'il sera alors le moment de faire la pause.
2 Q. Monsieur, vous avez commandé les forces aériennes. Avez-vous
3 participé à des opérations militaires en Bosnie à l'extérieur des
4 frontières de la Croatie ?
5 R. Personnellement, non, mais des hélicoptères des forces aériennes
6 croates ont fait plus d'une centaine de sorties. Il y a également des
7 hélicoptères transporteurs qui ont fait plus de 100 vols au-dessus de la
8 Bosnie, et ce, afin d'évacuer les blessés et les malades.
9 Q. Est-ce qu'il y a eu des transports d'armes ?
10 R. Non, il n'y a pas eu de transport d'armes. Il s'agissait seulement du
11 transport de matériel médical, et s'il y avait encore de la place, des
12 vivres étaient transportés.
13 M. BOROVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je
14 pense que le moment est venu de prendre une pause, et je vous dirais que je
15 n'ai pas plus de questions à poser à ce témoin.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Borovic.
17 Nous pourrions, en fait, poursuivre pendant un quart d'heure
18 supplémentaire, Maître Lukic. Est-ce que cela vous convient ? Je vois que
19 vous sautez sur l'occasion.
20 M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
21 Monsieur les Juges. Bonjour à tout le monde.
22 Contre-interrogatoire par M. Lukic :
23 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Agotic. Je suis Maître Novak Lukic,
24 et je représente M. Sljivancanin. J'aimerais vous poser des questions. Les
25 interprètes me font remarquer que je parle beaucoup trop, trop vite, et
26 comme l'a indiqué Me Vasic un peu plus tôt, je vous demanderais de bien
27 vouloir marquer un temps d'arrêt, et ce, afin de donner la possibilité aux
28 interprètes de suivre les questions et les réponses.
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1 Je vois d'après votre curriculum vitae que vous avez une maîtrise en
2 sciences politiques ?
3 R. C'est exact.
4 Q. J'aimerais vous demander quand est-ce que vous avez obtenu ce diplôme
5 et quel était le thème de votre thèse ?
6 R. C'est au début de l'année 1985 que j'ai obtenu mon diplôme qui portait
7 sur le non-alignement comme facteur ou paramètre de sécurité d'efficacité
8 de la défense dans la RFSY.
9 Q. Hier, ainsi que vendredi, lors de votre déposition, j'ai cru comprendre
10 que vous étiez l'adjoint chef chargé de la sécurité du 5e Corps des forces
11 aériennes, et ce, dès l'année de 1974; est-ce exact ?
12 R. Oui.
13 Q. Ensuite, vous en êtes devenu le chef et vous y avez passé six années, à
14 partir de 1985 jusqu'en mars 1991 ?
15 R. Oui. C'est plus ou moins cela.
16 Q. Je suppose qu'au cours de ces cinq années pendant lesquelles vous avez
17 été chef, et je sais qu'auparavant vous travaillez dans le même service,
18 dans le même secteur, je suppose, disais-je, que vous avez pu véritablement
19 bien comprendre quels étaient les rouages de votre service et de votre
20 section ?
21 R. Oui, tout à fait.
22 Q. J'aimerais vérifier quelque chose à propos d'une question qui vous a
23 été posée hier. Si je dis - et d'ailleurs, peut-être que vous n'aviez pas
24 bien répondu ou si vous l'avez fait, alors c'est moi qui commets une erreur
25 - mais, en tant que chef du 5e Corps responsable de la sécurité, est-ce que
26 vous étiez directement subordonné au chef des forces aériennes dont le QG
27 se trouvait à Belgrade ?
28 R. Oui, oui, c'est exact. Le QG se trouvait à Zemun.
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1 Q. D'après la chaîne de commandement, vous étiez subordonné au commandant
2 du 5e Corps des forces aériennes ?
3 R. Oui, c'est exact.
4 Q. Hier ainsi que lors de l'interrogatoire principal, puis nous avons vu
5 le compte rendu d'audience de l'affaire Milosevic, et cela a également été
6 consigné, vous avez déjà fourni des réponses à mon confrère, Me Vasic,
7 j'aimerais quand même vérifier tout cela. Vous avez dit que l'autorité pour
8 ce qui était du service de Sécurité - il s'agit donc des services de
9 Sécurité du commandement de la JNA - était régulée d'après les règles de
10 service des forces armées de la RFSY, qui ont été adoptées en 1984, d'après
11 les informations dont je dispose, cette autorité des services de Sécurité -
12 j'aimerais maintenant, en fait, faire référence à la déposition de l'expert
13 militaire de l'Accusation - donc ces autorités ou l'autorité était limitée
14 à des questions techniques ou des questions d'experts d'après l'Article 57
15 et l'Article 58 des règles de service ?
16 R. Je ne sais pas exactement de quels articles il s'agit, mais c'est
17 ainsi, en effet, que les choses se passaient.
18 Q. Je ne vais pas vous donner lecture du règlement. La Chambre de première
19 instance sera tout à fait à même d'en savoir davantage sur cette question
20 lorsque nous ferons comparaître les experts militaires. Je suppose
21 seulement que vous connaissez le premier article de ces règles. Je vais
22 vous donner lecture brièvement d'une partie du règlement parce que c'est un
23 paragraphe assez long. "Les organes de sécurité, en tant qu'organes
24 experts, se chargent des fonctions de la sécurité d'Etat, notamment, afin
25 de prévenir et de découvrir des activités dont le but est de miner la
26 constitution de la RFSY ou de la renverser, le système social ainsi que
27 lorsque leur but est de menacer la sécurité du pays, si de telles activités
28 sont menées à bien au sein des forces armées ou contre les forces armées,
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1 que cela soit fait à l'intérieur du pays ou à l'étranger, et afin également
2 de prévenir des activités dont l'objectif est de violer la confidentialité
3 des tâches et des missions de la JNA." D'ailleurs, je pense que cela était
4 en vigueur lors de la période visée par l'acte d'accusation. Pour que la
5 Chambre de première instance comprenne bien tout cela - et je crois savoir
6 qu'elle est déjà assez éclairée en la matière - j'aimerais quand même vous
7 poser une question : qui faisait partie des forces armées de la RFSY à
8 l'époque ?
9 R. Il y avait l'infanterie, les forces aériennes, le service de défense
10 antiaérien ainsi que la marine. Il s'agissait de l'armée populaire
11 yougoslave ainsi que de la Défense territoriale, qui étaient organisées et
12 structurées dans chaque république et province.
13 Q. Vous avez fourni une réponse à Me Borovic, et cette réponse me pousse à
14 vous poser une autre question, puisqu'il vous avait posé des questions à
15 propos du groupe des émigrés. Vous aviez dit, et c'est ainsi que j'ai
16 compris votre réponse, puisque vous receviez également des informations à
17 propos des activités des forces des émigrés pour ce qui était de
18 l'assassinat de l'ambassadeur Rolovic à Oslo. C'est ce que vous avez dit.
19 Alors, voilà quelle est ma question : est-ce que l'une des tâches du
20 service consistait à s'informer à propos de tout ce qui était pertinent
21 pour la défense du pays qu'il s'agisse de problèmes internes ou externes ?
22 R. Oui. Mais dans un premier temps, il s'agissait d'avoir des informations
23 sur les éléments qui pourraient représenter un danger pour la sécurité de
24 la JNA ou de l'unité pour laquelle les organes de sécurité travaillaient.
25 Q. Cette information qui vous était transmise par les organes habilités,
26 et ce, conformément à l'administration de la sécurité, est-ce que c'est
27 quelque chose qui faisait office de directives pour le travail de l'organe
28 de sécurité ?
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1 R. Oui, c'est exact. Il y avait des directives qui permettaient ou qui
2 faisaient office d'orientation pour ce qui était du travail de ces organes.
3 Q. J'ai l'impression que vous étiez bien informé à propos du champ de
4 bataille de Vukovar, puisqu'on vous a confié la mission qui consistait à
5 organiser les personnes qui étaient envoyées dans ces villes pour assurer
6 la défense de ces villes. Quand est-ce que vous avez envoyé Dedakovic ou
7 Boskovic ? Je ne sais pas si vous avez déjà fourni la réponse, mais quand
8 est-ce que vous avez proposé que Dedakovic et Boskovic soient envoyés à
9 Vukovar ?
10 R. Je pense que cela s'est passé le 28 août 1991 ou un ou deux jours après
11 cette date.
12 Q. D'après ce dont vous vous souvenez, quand est-ce qu'ils sont partis ?
13 Quand est-ce qu'ils sont arrivés là ?
14 R. Je dirais que cela s'est passé le 30 août. Ils sont arrivés à Vukovar
15 le 30 août, et ils se sont présentés le 1er septembre, un ou deux jours
16 près, bien sûr.
17 Q. Je vous avais demandé quand est-ce que vous avez présenté cette
18 proposition à Tudjman, mais vous avez répondu à la question. Donc, nous
19 savons tous qu'il a approuvé votre proposition.
20 R. Oui.
21 Q. Est-ce que le nom Ante Aric évoque quelque chose pour vous ?
22 R. Ante Aric, c'est la première fois que j'entends ce nom. Est-ce que vous
23 êtes sûr du prénom ? Je connais Ante Karic, peut-être, je ne sais pas, est-
24 ce que --
25 Q. Est-ce qu'il était à Vukovar ?
26 R. Non.
27 Q. Est-ce que vous receviez des retours d'informations de la part de
28 Dedakovic et de Borkovic à propos des opérations de Vukovar, et s'ils vous
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1 fournissaient des renseignements, avec quelle fréquence ?
2 R. Je recevais des informations. On les appelait par téléphone pour qu'ils
3 nous présentent un rapport de la situation ou ils appelaient également pour
4 demander de l'aide, des hommes, du matériel, plus tard, des médicaments, et
5 cetera, mais il n'y avait pas de rapport écrit envoyé.
6 Q. Avec quelle fréquence, plus ou moins ?
7 R. Parfois, deux fois par jour. Parfois, ils appelaient une fois tous les
8 trois jours. Cela dépendait du nombre de fois où ils pouvaient le faire. Il
9 faut savoir que Vukovar n'était pas le seul problème. J'étais fort occupé
10 dans d'autres secteurs, mais c'était à peu près la fréquence de leurs
11 appels.
12 Q. Est-ce que vous disposez de renseignements directs à propos du fait que
13 Dedakovic s'entretenait directement avec Tudjman et avec Tus, et qu'il leur
14 demandait de lui envoyer des armes, ensuite, des munitions pour des armes
15 lourdes, des armes de 120 calibre ou de 158 calibre ? Est-ce que vous savez
16 cela ?
17 R. Je sais qu'il a contacté un certain nombre de personnes, certainement
18 le général Tus et certainement le président du pays également. Pour ce qui
19 est de savoir ce qu'il réclamait précisément, je n'en sais rien parce que
20 je ne le savais pas. Qu'il ait eu besoin de munitions et d'armes, cela est
21 indubitable.
22 Q. Est-ce qu'il a peut-être demandé d'autres aides?
23 R. Je sais qu'il a demandé un soutien d'artillerie de la part des unités
24 qui se trouvaient dans Vukovar. Il a demandé des chars également. Nous
25 n'avons pas été en mesure de lui fournir ces choses. Donc je ne sais pas ce
26 qu'il a demandé. Il demandait tout ce qui pouvait être utile même pour
27 assurer la défense de Vukovar.
28 Q. Je pense que nous allons avoir une pause, mais ma toute dernière
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1 question sera la suivante : est-ce que vous savez ce que sont des NORA ?
2 R. Je pense qu'il s'agit d'obusiers. Je ne suis pas véritablement expert
3 en artillerie. Je pense que les gens des forces terrestres en savent
4 beaucoup plus en la matière. Mais il s'agit d'un type d'arme extrêmement
5 sophistiquée, un obusier à très longue portée, une arme de calibre
6 important, qui est très précise, et une arme de très haute précision, en
7 fait. Mais je ne connais pas les détails.
8 M. LUKIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons faire un pause
9 maintenant ?
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Lukic.
11 Nous reprendrons à 16 heures 10.
12 --- L'audience est suspendue à 15 heures 46.
13 --- L'audience est reprise à 16 heures 13.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Lukic, vous aviez tout à fait
15 raison lorsque vous avez dit que vous parliez rapidement. Je pense que vous
16 aideriez les interprètes si vous faisiez vous-même une pause après la
17 réponse avant de poser votre question suivante. Je ne sais pas si les
18 interprètes ont pu vous en parler pendant la pause, mais j'ai effectivement
19 remarqué moi-même que vous parliez très vite. Pour ce qui est du Me
20 Borovic, je lui ferai la leçon sur le même point la prochaine fois.
21 M. LUKIC : [interprétation] Cela fait quatre ans que je suis ici devant ce
22 Tribunal, et je n'ai toujours pas réussi à bien assimiler ma leçon. Je
23 reçois ces critiques depuis quatre ans.
24 Q. Monsieur Agotic, reprenons là où nous nous sommes arrêtés. Je vous ai
25 posé quelques questions au sujet des informations que vous receviez, si
26 vous receviez par retour des informations de Dedakovic et de Borkovic.
27 Dites-moi, à présent, si c'était l'idée qui est venue de vous ou plutôt,
28 d'où est venue cette information qui vous a permis de recommander Dedakovic
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1 et Borkovic en tant qu'hommes qui allaient être responsables de la
2 défense ? Est-ce que vous les connaissiez déjà ?
3 R. Oui, je connaissais déjà les deux, Dedakovic et Borkovic. Je
4 connaissais mieux Dedakovic. Les deux venaient des rangs de l'armée de
5 l'air, donc, des unités du corps. Ceci étant dit, Dedakovic était allé
6 servir au nom du 5e Corps dans la 5e Région militaire, donc, pendant une
7 année ou plus avant cela. Lorsqu'il a été mis à notre disposition,
8 lorsqu'il a quitté les rangs de la JNA, c'était après le 20 août, à peu
9 près, et comme il y avait des appels réitérés de Vukovar afin de les aider
10 à organiser leurs défenses, il m'a semblé que c'était l'homme qui était
11 bien adapté à ce rôle.
12 Q. Est-ce que vous savez que lui, tout comme vous, a demandé à la JNA de
13 mettre fin à son service au sein de la JNA ou s'il l'a désertée ? En savez-
14 vous quelque chose ?
15 R. Pour autant que je le sache, c'est par écrit qu'il a demandé que se
16 termine son service dans la JNA.
17 Q. Très bien. Je souhaite poser quelques questions qui concernent un
18 témoin protégé.
19 M. LUKIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut passer à huis clos partiel,
20 s'il vous plaît, un instant ?
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur
23 le Président, Madame, Monsieur les Juges.
24 [Audience à huis clos partiel]
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19 [Audience publique]
20 M. LUKIC : [interprétation]
21 Q. A ce moment-là également, est-ce que vous receviez des informations, et
22 la période dont je parle, c'est la période où Dedakovic et Borkovic se sont
23 trouvés sur le territoire de Vukovar. Est-ce qu'ils vous transmettaient des
24 informations ou est-ce que vous avez entendu dire que c'est par Motorola
25 qu'ils sont entrés en contact même avec mon client ? Il y a des
26 enregistrements de cela. Est-ce que vous avez appris que Sljivancanin les
27 aurait invités à se rendre ?
28 R. Je ne me souviens pas exactement qu'il y ait eu un contact avec
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1 Sljivancanin, mais que pendant la guerre sur le territoire croate il y ait
2 eu des contacts par voie de Motorola, cela oui.
3 Q. Eux, concrètement, donc là je parle des événements de Vukovar, est-ce
4 qu'ils vous tenaient au courant du fait que des représentants de la JNA
5 leur proposaient directement sur le terrain des négociations, la reddition
6 et la fin de toute activité militaire directement sur le terrain ?
7 R. A ce moment-là, lorsque les choses ont atteint ce point-là, je ne les
8 commandais plus au jour le jour, parce que j'étais occupé par les
9 négociations avec la JNA. A ce moment-là, tous les jours ils avaient des
10 contacts avec le chef du Grand état-major de l'armée croate et avec son
11 adjoint, le général Stipetic. Ce que je sais, c'est qu'il y a eu des
12 histoires allant dans ce sens, disons qu'il y a eu des propositions venues
13 de l'autre partie les invitant à se rendre.
14 Q. Est-ce que cela vous permet éventuellement de vous rappeler maintenant
15 l'information que vous auriez reçue de leur part sur le nombre de véhicules
16 blindés de la JNA qui auraient été détruits ou sur le nombre de membres de
17 la JNA capturés ou le nombre de tués dans les rangs de la JNA d'après leurs
18 informations ?
19 R. Oui. Il y a eu des informations là-dessus, disant qu'un grand nombre de
20 blindés avaient été détruits, en particulier sur la route de Turpinska
21 Cesta, que l'ennemi a essuyé des pertes importantes. Il y a eu des chiffres
22 que j'ai oubliés. Quant à savoir quelle était la part de vérité là-dedans
23 et à quel point ils cherchaient à s'encourager eux-mêmes, cela je ne sais
24 pas.
25 Q. Je voulais simplement savoir quelles sont les informations ? Merci de
26 m'avoir répondu.
27 Savez-vous, qu'à l'époque, et lorsque je dis à l'époque, je me réfère
28 à l'époque des événements de Vukovar, octobre, novembre 1991, est-ce que
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1 vous savez que sur le territoire de la Croatie, il y avait des hommes
2 capturés faisant partie de la JNA, des hommes du rang, des officiers, donc
3 capturés au sens propre du terme ?
4 R. Oui, je le sais qu'il y en a eu.
5 Q. L'une des missions des organes de la sécurité l'unité ou de chacune des
6 unités, était-ce de réunir un maximum d'informations portant sur les
7 soldats capturés dans son unité ou éventuellement capturé par l'autre
8 partie ? Est-ce que ceci est l'une des missions de l'organe de la
9 sécurité ?
10 R. Le règlement de service de l'organe de sécurité n'en parle pas. Mais
11 l'organe de sécurité, conformément à la situation dans laquelle il se
12 trouve, peut se voir confier cette tâche, peut apprécier lui-même qu'il
13 convient de déployer ce genre d'activités. Cela ne fait aucun doute.
14 Q. D'après vous, l'armée populaire yougoslave avait-elle pour mission ou
15 pour mandat de libérer de prison ou de retrouver par voie d'échange ces
16 soldats et ces officiers ?
17 R. Chacune des parties belligérantes, si elles cherchent à satisfaire, à
18 préserver ses intérêts le fait, de même la JNA. De là, l'accord du 6
19 novembre 1991, l'accord qui porte sur l'échange des prisonniers.
20 Q. J'enchaîne sur une réponse que vous avez donnée à
21 Me Borovic au sujet du blocus des casernes. Vous avez dit que l'une des
22 missions dans le cadre du blocus des casernes, c'était aussi de contrôler
23 les entrées et sorties de ces casernes qui étaient encerclées. Je vais vous
24 demander la chose suivante : les soldats, les officiers de la JNA qui se
25 sont trouvés encerclés dans les casernes, par exemple, dans la caserne du
26 maréchal Tito à Zagreb ou dans d'autres casernes qui ont été assiégées,
27 est-ce qu'ils pouvaient sortir librement et revenir dans la caserne pendant
28 ce blocus jusqu'à ce qu'ils quittent le territoire ?
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1 R. Non, ils ne pouvaient pas sortir librement.
2 Q. Hier, vous avez parlé d'un haut officier de la garnison de Gospic, qui
3 a été emprisonné ou détenu par la partie croate. Si je vous parle du
4 commandant Relja Tomic, est-ce que cela vous dit quelque chose ?
5 R. Non, je n'ai pas pensé à celui-là. Ce nom, ce prénom ne me sont pas
6 familiers. Mais je pensais à un Macédonien qui était général, me semble-t-
7 il. Son nom de famille se terminait par s-k-i.
8 Q. Je reviendrai à la question des échanges plus tard. Pourriez-vous me
9 dire quelque chose : dans ce prétoire, on a entendu dire que les
10 commandants de la défense de la ville de Vukovar, Dedakovic et Borkovic,
11 ont été arrêtés, harcelés, poursuivis par la suite. Est-ce que vous savez
12 pour quelles raisons il y a eu une procédure engagée contre eux pour ainsi
13 dire ?
14 R. Je sais qu'à la sortie de Vukovar et après la chute de Vukovar, qu'ils
15 étaient mal vus; ils étaient tombés dans la disgrâce. Il y a eu une enquête
16 diligentée par des organes d'instruction de la police militaire afin de
17 déterminer s'ils avaient saboté la défense de la ville de Vukovar,
18 autrement dit, pour déterminer si c'était délibérément qu'ils avaient rendu
19 cette défense inefficace. C'est grâce aux médias qui en parlaient à
20 l'époque, qui ont publié des extraits de leurs interrogatoires. Je sais que
21 ces hommes leur avaient posé également des questions sur moi, leur
22 demandant si moi, en tant qu'ex-membre du service de Sécurité, si je
23 n'avais pas partiellement pris part à un sabotage planifié de la défense.
24 Mais ce sont les événements relatifs à la guerre. Beaucoup de choses
25 peuvent se produire, et c'est ainsi que j'ai compris également cet
26 épisode-là. Par la suite, Borkovic et Dedakovic ont repris une vie normale;
27 leur service normal. Dedakovic a pris sa retraite et Borkovic a continué de
28 travailler.
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1 Q. Comment réagiriez-vous, est-ce que cela ressort de la réponse que vous
2 venez d'apporter, si je vous disais, qu'il y a cinq jours, à la télévision
3 croate, Josip Manolic a déclaré, qu'à son avis, ces deux hommes étaient des
4 déserteurs et des traîtres ? Est-ce que cela fait partie de cette attitude
5 à leur égard ?
6 R. Je ne suis pas au courant de cette déclaration faite par Manolic. Ce
7 que je sais, c'est que Dedakovic et Borkovic ont déployé de grands efforts
8 pour organiser un système de défense, et qu'il leur appartient et leur
9 revient un grand mérite, parce que cette défense a pu se maintenir jusqu'au
10 moment jusqu'où elle s'est maintenue. Comment les qualifie Manolic ? Je ne
11 sais pas. Peut-être qu'il a des arguments lui pour avancer ce qu'il avance.
12 Q. Vinko Zunic, qui était-il ?
13 R. Je ne sais pas.
14 Q. Dans cette même émission, on l'a présenté comme commandant de la
15 défense de Bogdanovci. Il a dit qu'il a quitté Bogdanovci le
16 10 novembre 1991. Est-ce que la période correspond à peu près la date où
17 Bogdanovci a été abandonnée ? Est-ce que cela correspond à peu près à sa
18 déclaration ?
19 R. Pour autant que je le sache, c'est un certain Lastad p46 surnommé
20 Lasta, Matkovic qui a été le commandant de la défense de Bogdanovci. Je me
21 suis rendu à Bogdanovci. Je l'ai rencontré le
22 30 septembre, je crois, 1991. Cette date correspond à peu près à la date de
23 la chute de Bogdanovci.
24 Q. Je vais mal prononcer peut-être le nom d'un individu encore une fois,
25 mais Tomislav Berhechter, est-ce un nom qui vous est familier ?
26 R. Non.
27 Q. Pendant cette période-là, vous nous avez dit quel a été votre poste.
28 D'après ce que j'ai compris, vous aviez quand même des contacts directs
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1 avec les dirigeants politiques croates, au moins pour ce qui est de la
2 circulation des informations et de recevoir des informations qui vous
3 étaient nécessaires compte tenu de vos fonctions. Savez-vous, qu'à
4 l'époque, la position adoptée par les dirigeants politiques croates a été
5 qu'il ne fallait pas permettre que la population civile quitte son
6 territoire, et plus concrètement, que l'on quitte le territoire de Vukovar,
7 car ceci pourrait être considéré comme nettoyage ethnique du point de vue
8 des hommes politiques croates ? Est-ce qu'il y a eu ce genre d'attitudes à
9 l'époque ?
10 R. Oui, il y en a eu. On a demandé que les gens ne partent pas, ne
11 quittent pas certaines régions. Non pas parce que ceci aurait impliqué que
12 le nettoyage ethnique est en cours, mais pour appuyer la défense, car la
13 logique militaire l'exige. Si la partie la plus faible se défend et s'il
14 n'y a plus de civils sur un territoire donné, s'ils l'ont complètement
15 désertés, cette défense en sera rendue encore moins efficace.
16 Q. Merci. Je vais vous poser plusieurs questions maintenant au sujet des
17 réponses que vous données hier. Cela concerne l'évacuation du mois
18 d'octobre. Ceci nous intéresse beaucoup. Toutes les parties présentes sont
19 intéressées par cet événement. D'après ce que vous avez dit hier, j'ai
20 compris qu'au mois d'octobre, il y a eu un convoi, que ce convoi a atteint
21 la caserne, qu'il n'a pas pu se frayer le chemin jusqu'à l'hôpital, que
22 quelques jours plus tard il est revenu et que c'est à ce moment-là que
23 l'évacuation a eu lieu. C'est ainsi que j'ai compris vos informations
24 portant sur cette évacuation.
25 R. Oui, c'est ce qui s'est passé. C'était le premier convoi qui a été
26 organisé.
27 Q. Si je vous donnais à présent mes informations, à savoir que ce premier
28 convoi des Médecins sans frontières est arrivé réellement le 14 octobre
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1 jusqu'à la caserne de Vukovar, et qu'il devait poursuivre son chemin, mais
2 qu'à ce moment-là - comment dirais-je - que les défenseurs Borkovic et ses
3 hommes, ne l'ont pas autorisé à traverser par le territoire qu'ils tenaient
4 eux, entre la caserne et l'hôpital, parce que leur opinion militaire était
5 que le JNA allait suivre le convoi, donc qu'on a demandé que ce convoi
6 rebrousse chemin. Quatre jours plus tard, c'était un nouveau convoi qui est
7 arrivé, les quatre véhicules sous l'égide des Médecins sans frontières, et
8 que ce convoi-là a atteint l'hôpital. Est-ce que ceci vous permet de
9 rafraîchir votre mémoire ?
10 R. Il est possible que Borkovic ait réagi ainsi. Oui, c'est très probable.
11 Car il est très probable que la situation ait évolué ainsi, et que lui,
12 d'un point de vue militaire, redoute que la JNA n'avance jusqu'à l'hôpital
13 derrière le convoi. Je ne sais pas si quatre jours plus tard, il y a eu un
14 nouveau convoi. Je pense que non, parce que cette organisation, Médecins
15 sans frontières, qui a organisé ce convoi, et le convoi se déroulait sous
16 leur responsabilité, ont déjà eu du mal à assembler ces véhicules pour le
17 premier départ. Je crois qu'il est très peu probable qu'ils aient pu
18 envoyer d'autres véhicules. Si vous, vous le savez, écoutez, je ne me
19 souviens pas vraiment bien de tous ces détails. Je sais qu'il y a eu des
20 complications; part, arrête, halte. Il y avait ce colonel Milenkovic. J'en
21 ai parlé hier. On a fouillé des véhicules. On a enlevé du convoi une
22 infirmière parce qu'elle leur semblait problématique. Enfin, ils l'ont
23 soupçonnée -- enfin, il y avait beaucoup de complications.
24 Q. Dites-moi : s'il y a un doute, si on pense que quelqu'un va
25 s'introduire sur le territoire qui est sous votre contrôle pour faire
26 traverser le territoire un individu qui n'a pas le droit de s'y trouver ou
27 de transporter des biens, qu'il ne devrait pas l'être, vous, en tant
28 qu'organe de sécurité, comment devez-vous agir ?
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1 R. Organe de sécurité, la police militaire -- oui. Effectivement, ils sont
2 responsables de faire cela. Enfin, tout un chacun se protège et veut
3 surveiller qui s'introduit sur le territoire qu'il contrôle. Maintenant,
4 s'il s'agit des Médecins sans frontières ou s'il s'agit des observateurs
5 européens, il s'agit là de structures qui devraient, elles, garantir que
6 l'objectif du convoi ou d'autre chose est effectivement humanitaire et non
7 pas militaire ou pour transporter des armes. Tel devrait être l'objectif.
8 Q. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Si je disais, que contre son
9 gré, un membre de la JNA, un soldat de la JNA, devait être transporté à
10 Zagreb, qui avait communiqué des informations à l'hôpital de Vukovar contre
11 son gré encore une fois, et que pendant qu'on a fouillé le convoi, on l'a
12 repéré effectivement, on l'a sorti du convoi, est-ce qu'il n'y avait pas de
13 raison de redouter cela ?
14 R. Je ne savais pas que ce soldat devait y être. C'est possible. Chacune
15 des parties a ses combines. Quant à savoir qui va réussir à réaliser les
16 siennes, c'est autre chose.
17 Q. Merci. Au besoin, je vais demander que la pièce à conviction que nous
18 avons examinée soit placée devant vous. Je pense que celle dont nous avons
19 parlé hier ou la veille, c'est l'accord daté du 8 octobre 1991 concernant
20 le cessez-le-feu, si je peux l'appeler ainsi, et le fait de lever le blocus
21 des casernes. Si vous voulez, on peut le placer devant vous, mais puisque
22 vous étiez l'un des signataires de cet accord, je suppose que vous le
23 connaissez très bien. Il prévoyait également que les casernes devraient
24 être débloquées, qu'il devrait y avoir enlèvement du blocus, et que le
25 mouvement des personnes et des biens ne devrait pas avoir d'obstacles.
26 C'est bien cela qui était réglé dans cet accord, n'est-ce pas ?
27 R. Oui, c'est quelque chose dans ce genre.
28 Q. Vous avez également parlé dans votre déposition du document qui est la
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1 pièce à conviction en titre de l'Article 92.
2 M. LUKIC : [interprétation] Nous pouvons placer devant le témoin.
3 Q. Puisqu'il s'agit de votre document, je pense que vous le connaissez
4 bien. C'est une lettre adressée à M. Anton Tus, datée du 18 octobre 1991.
5 Cette lettre vous a été envoyée ainsi qu'à la Mission européenne, et
6 discute de l'évacuation, l'évacuation d'octobre de l'hôpital. Au deuxième
7 paragraphe de ce document, ou plutôt dans le dernier passage, il y a
8 quelque chose qui m'intéresse plus particulièrement.
9 Il est question de l'enlèvement de matériel qui aurait eu lieu de
10 l'aéroport de Pula. Le général Tus dit ici : Pourriez-vous, s'il vous
11 plaît, lire le dernier passage, le lire à haute voix ?
12 R. "A l'aéroport de Pula, ils sont en train d'emporter le matériel de
13 l'aéroport, qui n'appartient pas à l'armée yougoslave. L'avion détourné
14 d'Uganda Air, le Boeing 707, est utilisé pour transporter ce matériel
15 ailleurs, en dehors de la République de Croatie."
16 Q. C'est le passage qui suit qui m'intéresse. Pourriez-vous également le
17 lire, s'il vous plaît ?
18 R. Oui. "Nous prions de bien vouloir mettre fin à ces actes ainsi qu'à des
19 actes analogues. Sinon, nous serons contraints d'abattre de tels avions de
20 transport, ce que nous n'avons pas fait jusqu'à présent, de crainte qu'ils
21 ne transportent des familles des membres de la JNA quittant les aéroports à
22 Pula et Zadar."
23 Q. Ceci a eu lieu après l'accord. Quelle est votre position en ce qui
24 concerne l'ordre donné par votre supérieur, d'abattre des avions
25 transportant des membres de la famille de soldats de la JNA quittant les
26 aéroports ? Ceci me semble très menaçant, très inquiétant.
27 R. Je pense qu'il y a là une mauvaise interprétation de ce qui est dit là.
28 Ce qui est dit ici, c'est : "Si des actes analogues devaient se poursuivre,
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1 c'est-à-dire, le fait d'enlever du matériel, et ainsi de suite," parce que
2 la JNA avait déjà commencé à se retirer à ce stade" je cite : "Nous
3 ouvrirons le feu, ce qui est quelque chose que nous n'avons pas encore
4 fait, de crainte que n'ait en souffrir des membres des familles de soldats
5 de la JNA qui seraient dans les avions." Ceci veut dire que nous n'avons
6 pas tiré sur ces avions parce que nous ne voulions pas abattre des avions
7 qui transporteraient des membres de familles de militaires de la JNA
8 partant de ces aéroports, et c'est un fait bien connu qu'ils étaient en
9 train de quitter ces aéroports. C'est comme cela que Tus et moi-même
10 interprétons ce texte.
11 Q. Bien. Alors, je l'ai mal interprété, mais c'est à la Chambre de
12 première instance qu'il appartiendra à apprécier.
13 Maintenant, je voudrais passer brièvement à la pièce à conviction
14 101. Vous avez également parlé de ce document. Il s'agit d'une lettre
15 envoyée par Pr Iljo Kobas. Il y a un ou deux points de cette lettre qui
16 m'intéressent. Sur la base de ce document, on n'arrive pas à voir quand
17 elle a été expédiée. Il y a seulement quelques éléments qui figurent dans
18 la partie supérieure de la lettre, ce qui est, je crois, le moment où elle
19 a été envoyée par télécopie. Ma question est de savoir quand vous aviez
20 reçu cette lettre ? Est-ce que vous vous souvenez de quand elle est
21 arrivée ?
22 R. Je vois la date ici, le 15 mars 1992, à 9 heures du matin. Je la vois
23 dans la partie supérieure après le numéro ERN. Il est très probable que
24 c'était ce jour-là, parce que c'est ce que la machine à télécopier a
25 imprimé sur cette lettre.
26 Q. Dans la lettre en question, il est dit que d'après les renseignements,
27 la JNA avait quitté le village et que les Chetniks étaient entrés en
28 provenance du village de Cakovci. Savez-vous où ce village de Cakovci est
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1 situé par rapport au village de Boksic ?
2 R. Le village de Cakovci est en Slavonie orientale, près de Vukovar. Le
3 village de Boksic est très probablement situé à côté de lui, mais je ne le
4 sais pas avec précision. Je n'ai pas de raison de ne pas croire ce qui est
5 dit dans la lettre du secrétaire Iljo Kobas, parce que je suis sûr qu'il
6 était au courant de la situation étant donné que c'était un homme du cru.
7 Il était dans le voisinage de Cakovci, pas dans les abords immédiats, mais
8 Zupanja était l'une des villes libres proches près de Vukovar, et il semble
9 qu'il ait appris cela par des réfugiés qui étaient arrivés à Zupanja, où
10 ils ont trouvé à se loger et à s'héberger.
11 Q. C'est comme cela que je l'ai moi aussi comprise. Dites-nous ceci :
12 Savez-vous quand la JNA a quitté le village de Boksic ou le secteur ? Est-
13 ce que vous vous rappelez cela ?
14 R. Nous n'avions pas ce territoire sous notre contrôle à l'époque. Ceci
15 est trois mois après l'occupation de la partie orientale de la Slavonie. Il
16 me semble c'est clair que la source de ces renseignements ait été quelqu'un
17 de Boksic, un réfugié qui est venu et qui a donné ces renseignements à Iljo
18 Kobas, le secrétaire.
19 Q. Un autre lieu intéressant dans ce document, c'est Lipovac. Je saurais
20 que vous êtes d'accord avec moi que Lipovac se trouve à la frontière entre
21 la Croatie et la Serbie ou, à l'époque, la République fédérale de la
22 Yougoslavie, et que Lipovac était un endroit où avait eu fréquemment lieu
23 des échanges de prisonniers de guerre et par où passaient des civils. M.
24 Grujic y a participé, Amir Masovic, et le général Mladenovic. Est-ce que
25 vous avez connaissance de tels échanges ?
26 R. Oui, certainement.
27 M. LUKIC : [interprétation] J'ai dit le général Radinovic. C'est une
28 erreur, Mladenovic.
Page 2099
1 Q. Les Serbes qui avaient été expulsés de Serbie et de Bosnie sont
2 également passés par Lipovac ?
3 R. Oui. Lipovac a le sort tout à fait typique des villes frontalières ?
4 Q. Bien. Je vais passer à un autre sujet.
5 Quelle était la raison pour laquelle vous avez été remplacé au poste
6 de chef en mars 1991 ? Avez-vous reçu des renseignements officiels ou
7 officieux à ce sujet ?
8 R. J'ai reçu des renseignements ou plutôt, j'ai été avisé par mon
9 commandant du 5e Corps. Il m'a dit que mon chef du département de sécurité
10 de l'armée de l'air l'avait informé que je devais remettre les clefs à mon
11 adjoint. A ce moment-là, j'ai demandé au commandant d'expliquer les raisons
12 pour lesquelles j'étais limogé, lui disant qu'au cours des trois mois lui-
13 même serait remplacé à moins qu'il n'élève des objections à mon limogeage.
14 Et je me trompais. Il a été limogé après quatre mois, le 2 juillet. Il
15 s'agissait du général de division, Marijan Rozic. J'ai, moi-même, été
16 limogé de mon poste et ce qui a déclanché cela, parce que les raisons, les
17 motifs vont beaucoup plus profonds. C'était que j'étais opposé à
18 l'appréciation de mon supérieur, le général Rakocevic concernant les
19 raisons des événements de Pakrac en mars 1991, et le rôle de la JNA dans
20 ces événements.
21 Il est probable que vous vous souvenez, sur la base de ce qui s'est
22 passé par la suite, que j'avais raison. Mon supérieur à l'époque a déclaré,
23 et les médias ont transmis, qu'un grand nombre de Serbes à Pakrac avaient
24 été arrêtés, tués, déportés ou expulsés, envoyés dans les forêts, alors
25 qu'en fait quelque chose de très différent avait eu lieu. Ils avaient
26 également dit que la JNA avait protégé la population serbe sur place, et
27 j'ai dit que ce n'était pas vrai. La commission qui a enquêté sur la
28 question, et qui avait à sa tête Tupurkovski, a établi que ce n'était pas
Page 2100
1 vrai. Le rôle de la JNA dans les événements de Pakrac avait été précisément
2 ce que j'avais moi-même décrit, c'est-à-dire, un coup monté par les
3 services de la sécurité. C'était la raison pour laquelle j'ai été limogé,
4 et, en fait, j'ai été heureux que ce soit passé de cette manière-là.
5 Q. Vous avez passé plus de cinq ans dans ce poste. Pouvez-vous nous dire
6 précisément ou peut-être pas si précisément que cela, au cours de cette
7 période de cinq ans, peut-être même pendant plus longtemps, peut-être en
8 allant jusqu'à huit ans, combien d'éléments d'informations concernant la
9 sécurité ou le renseignement vous avez transmis à vos supérieurs, vos
10 commandants ou ceux qui se trouvaient être vos supérieurs immédiats dans la
11 chaîne professionnelle de commandement, en ce qui concerne l'activité
12 d'immigration croate dans votre secteur de responsabilité ?
13 R. Je n'ai pas fourni le moindre élément d'information ou de
14 renseignement, parce que je n'étais pas membre du service de renseignement.
15 Q. Bon. Mais, en tant qu'organe de sécurité, si vous receviez des
16 renseignements, est-ce que vous les mettiez dans un tiroir ?
17 R. En tant qu'organe de sécurité, je transmettais des renseignements
18 concernant la sécurité mais pas des renseignements en matière de
19 renseignement. En ce sens, mon devoir, mes fonctions étaient d'apprécier
20 les informations que je recevais, de les recueillir de telle manière que je
21 puisse inclure mes commentaires et proposer des mesures et envoyer cela à
22 mon supérieur.
23 Simultanément, s'il y avait des renseignements présentant l'intérêt
24 pour les supérieurs au commandement, de l'organisation militaire, je devais
25 en informer le supérieur intéressé.
26 Q. Je comprends que tout cela découle des règles que nous avons discutées.
27 Si vous aviez obtenu des renseignements faisant partie du renseignement,
28 auriez-vous réagi de cette manière par rapport à ces renseignements à
Page 2101
1 l'égard de qui que ce soit ?
2 R. Pourriez-vous être plus précis, s'il vous plaît ? Est-ce que vous
3 pensez à des données relatives aux renseignements ou des données qui ont
4 trait à la sécurité ? S'il s'agissait de renseignements au sens strict, à
5 ce moment-là je le transmettais au service de renseignement.
6 Q. Oui. C'est cela que je voulais entendre. C'était cela, ma question.
7 R. Les renseignements concernant le service de Renseignement, c'était
8 évidemment traité par le personnel chargé du renseignement. C'était une
9 structure distincte au sein du commandement.
10 Q. N'avez-vous jamais présenté ou soumis un rapport à l'organe chargé de
11 la sécurité concernant des extrémistes nationaux croates dans vos rangs,
12 dans vos troupes ?
13 R. Oui.
14 Q. Avez-vous fait cela depuis 1990 ou 1989, lorsque les autorités ont
15 changé, lorsque les changements ont commencé à se produire ?
16 R. Même tout ce qui s'est passé dans mon domaine, au sein du 5e Corps, et
17 même s'il y avait une simple suggestion de connotation nationaliste serait
18 transmis par les voies en place pour la sécurité et parviendrait à mes
19 supérieurs. C'était la façon habituelle de traiter la question.
20 Q. Vous savez probablement qu'en octobre, le 12 octobre 1990, deux camions
21 remorques de Tazmatrans [phon] sont arrivés avec des grandes quantités
22 d'armes de Hongrie. Vous êtes probablement au courant de cela. Tout au
23 moins, vous en aurez entendu parler dans les médias.
24 R. Oui, j'étais au courant. Peut-être pas à cette date, mais c'est quelque
25 chose qui a été beaucoup discuté.
26 Q. L'aéroport de Pleso est un aéroport militaire et civil. C'est ce qu'il
27 était au même moment ?
28 R. Oui. C'était un aéroport mixte à l'époque et maintenant.
Page 2102
1 Q. Savez-vous qu'à l'époque, le 13 octobre 1990, un avion s'était posé, et
2 qu'il était en provenance de la République démocratique allemande et qu'il
3 transportait des armes à cet aéroport ?
4 R. Je ne sais pas s'il venait de la République démocratique allemande et
5 je ne sais pas s'il y avait des armes. Ce que je sais, c'est qu'un avion a
6 atterri, et je ne sais rien de ce que vous avez indiqué.
7 Q. Bien. Avant la suspension, vous avez dit que je devrais vous poser des
8 questions concernant les avions, donc, c'est ce que je vais faire.
9 R. Oui, oui, allez-y.
10 Q. Savez-vous que le 21 novembre, un avion de Panama a atterri et qu'il
11 transportait des armes à livrer ? Il y avait là 5 000 pistolets.
12 R. Vous vouliez dire en 1990 ?
13 Q. Oui. Le 21 novembre 1990. Oui, je parle de 1990.
14 R. Non. Je n'ai pas entendu parler de ce cas précis, mais je sais qu'une
15 certaine quantité de pistolets a été obtenue par les organes du ministère
16 des Affaires intérieures au cours de la période, près de Noël ou du Nouvel
17 An 1991.
18 Q. Est-ce que vous savez que des armes sont arrivées le 28 novembre 1990,
19 par avion en provenance de Francfort ?
20 R. Non, je n'ai pas connaissance de cela, mais il y a la possibilité que
21 cela ait eu lieu. Je n'en sais rien. Je n'avais aucun moyen de le savoir.
22 Je n'y participais pas.
23 Q. Mais pas un contrôleur aérien ?
24 R. Un contrôleur aérien contrôlait les vols, mais ne saurait rien
25 concernant les cargaisons. Il y a les organes de douanes. Il y a aussi les
26 organes du MUP qui surveillent le transport des -- du matériel ou des
27 choses transportées par ces avions.
28 Q. Il y a eu un avion ougandais, un Boeing 707 qui a été mentionné dans le
Page 2103
1 document que nous avons regardé précédemment. D'après mes renseignements,
2 le 13 janvier 1991, il a fait un atterrissage forcé. Peut-être que je me
3 trompe, mais je crois qu'il a fait un atterrissage forcé du fait qu'il y
4 avait été contraint par l'aviation de l'aéroport de Pleso.
5 R. Je ne pense pas que c'était en janvier. Peut-être que c'était un moment
6 quelconque en septembre 1991. Peut-être que c'était en juillet, août ou
7 septembre de cette année. Il est difficile pour moi de m'en souvenir, mais
8 ce n'était pas en janvier. Je suis au courant de cet incident, parce qu'il
9 s'agit de quelque chose qui a immédiatement été rapporté par les médias.
10 Q. Donc, vous avez entendu parler de cela par les médias; c'est bien
11 cela ?
12 R. Oui. Cet avion, c'est quelque chose dont j'ai entendu parler dans les
13 médias. C'est par les médias que j'en ai entendu parler.
14 Q. Vous, en tant qu'officier supérieur de la JNA, ce que vous êtes encore
15 - et c'est ce que vous étiez à l'époque - comment avez-vous réagi au fait
16 qu'un soldat de la JNA à Split avait été tué, le soldat Sasa Gresovski
17 [phon] à la caserne de Split ?
18 R. Personnellement, à l'époque, et même maintenant, je considère que
19 c'était un acte, un geste fort peu civilisé. D'empêcher quelqu'un de cette
20 manière de remplir ses fonctions, cette personne, ce jeune soldat, avait
21 des fonctions qui lui auraient été confiées sur place, mais à l'époque, les
22 passions étaient si fortes que cela a eu lieu. Ces personnes sont passées
23 en jugement. Elles ont été traduites en justice, et elles ont purgé leurs
24 peines et elles ont été tenues pour responsable de leurs actes.
25 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas bien entendu la question posée par le
26 conseil.
27 M. LUKIC : [interprétation]
28 Q. Il faut que je vous pose une question. Je crois que vous avez ou bien
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1 répondu à une question qui était posée par le Procureur ou à mon collègue,
2 Me Vasic, à ce sujet. Ceci a trait aux plans A, B et C, et il s'agit en
3 fait de limites -- l'option A et B, et vous avez également tracé certaines
4 limites, Karlovac, Vitrovitica, Karlobag. Je sais que ces idées découlent
5 de la position de certains partis politiques de Serbie. Plus
6 particulièrement, je parle de la position de Vojislav Seselj. Toutefois, je
7 ne vois pas un seul document militaire qui en parle. Il n'en est pas
8 question dans des documents militaires quels qu'ils soient. M. Kadijevic ou
9 d'autres personnes qui étaient très au courant des positions très claires
10 de la JNA à cet égard n'ont pas eu connaissance non plus. Avez-vous
11 connaissance des documents quelconque où cette limite est en fait
12 mentionnée ?
13 R. D'après les règlements, je n'ai pas vu ce document à cause de ma
14 position, mes fonctions. Toutefois, tous les souvenirs et tous les écrits
15 de ceux qui ont participé à ces événements à l'époque ont donné un tableau
16 très réaliste qui me permet de faire une appréciation de ce que j'ai dit à
17 l'époque.
18 Q. Je vous remercie. Comment avez-vous réagi lorsque vous dites que la
19 séquence de télévision célèbre de Spegelj visait -
20 Spegelj, à l'époque, était ministre de la Défense, n'est-ce pas, il faut
21 dire cela clairement à la Chambre de première instance, que tout officier
22 de la JNA était couvert par cinq personnes et que chacune d'entre elle
23 était réduite au strict nécessaire. Vous avez vu cette séquence vidéo.
24 Comment avez-vous réagi ? C'était en février 1990; n'est-ce pas exact ?
25 R. Ceci a eu lieu le 25 janvier 1991, d'après mes souvenirs. J'ai un point
26 de vue général en ce qui concerne ces images, et je suis toujours de cet
27 avis, à savoir qu'il s'est agi d'un coup monté par le service de Sécurité
28 de la JNA, qu'ils ont utilisé certaines déclarations faites par Spegelj,
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1 qu'il avait fait dans sa propre compagnie, parmi les personnes qu'il
2 connaissait soit pour produire un effet psychologique ou pour d'autres
3 fins, qui ont été utilisées par le service. C'était mon opinion à l'époque,
4 et je maintiens ce point de vue aujourd'hui.
5 Q. Nous ferons venir dans cette salle d'audience des personnes qui ont
6 directement connaissance de ces prises de vue. Je vous pose la question.
7 Vous avez répondu. Donc, je suis satisfait de votre réponse.
8 Même des personnes qui étaient peu au courant, savaient à l'époque,
9 que le ministère de la Défense croate transférait un grand nombre d'appelés
10 ou transportait, déplaçait un grand nombre d'appelés vers les réserves de
11 la police. Avez-vous connaissance de cela ?
12 R. Je sais cela maintenant, mais à l'époque, je ne le savais pas.
13 Q. C'est une question d'ordre général. Qui s'occupait, était chargé de la
14 répartition des forces de réserve ou qui était chargé de les déployer pour
15 le compte de la JNA ? Qui devait compléter les effectifs ?
16 R. Pour autant que je le sache, ceci était fait par le secrétariat de la
17 Défense. Des listes d'appelés étaient établies. Ils étaient mobilisés, ils
18 étaient envoyés pour faire leur durée légale de service militaire. Ils
19 étaient également assignés à leurs unités de combat une fois qu'ils avaient
20 terminé leur durée légale ou leur service. On faisait cela sur la base des
21 nécessités des unités pour certains services spécialisés ou certaines
22 fonctions spécialisées.
23 Q. Est-ce que des plans qui, à l'époque, avaient été -- s'agissait-il des
24 plans conçus au secrétariat de la Défense nationale ?
25 R. Je n'étais pas vraiment informé de tout cela à ce niveau, parce que mes
26 fonctions étaient autres. Ce n'est pas vraiment quelque chose que j'ai pu
27 apprendre ou sur lesquelles j'ai pu apprendre quelque chose, quelles
28 étaient les méthodes utilisées pour recruter des appelés.
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1 Q. Peut-être alors que vous ne connaissez pas la réponse à la question. Je
2 vais quant même la poser de toute manière. Qui avait la priorité, lorsqu'il
3 fallait compléter des unités, s'agissait-il d'unités militaires, de la
4 police, de la police de réserve ou des réservistes de la police, ou des
5 unités de la Défense territoriale ?
6 R. Pour autant que je sache, la priorité va à la JNA.
7 Q. Lorsque vous avez déposé dans l'affaire Milosevic, j'ai également
8 entendu un point de vue analogue que vous avez exprimé à ce sujet, et vous
9 avez parlé de "la prétendue affaire Spegelj." Ensuite, vous avez dit - ceci
10 était déjà au compte rendu à la page 11 lorsque vous avez déposé le 30 juin
11 2003 - vous avez parlé des voies dites illégales ou illicites utilisées par
12 Spegelj. Ce qui m'intéresse dans cela, est de savoir pourquoi vous employez
13 des mots tels que "soi-disant", "prétendu" ou "qui aurait été ?" Est-ce que
14 vous pensez que tout ce que faisait Spegelj était légal ou licite ?
15 R. Spegelj était ministre de la Défense de la République de Croatie,
16 chargé d'organiser la défense de la République de Croatie. Il avait
17 également pour tâche d'apprécier, ainsi qu'avec d'autres questions,
18 d'apprécier le danger par rapport aux nécessités d'avoir des chefs. Il
19 avait fait l'estimation que nous savons maintenant qu'il a faite. La
20 direction politique était d'accord avec cela. Donc, il s'était forcé de
21 faire en sorte que la défense soit en mesure de s'acquitter des tâches de
22 défense pour défendre la République de Croatie. En ce sens, les armes
23 étaient nécessaires. Il a essayé d'obtenir des armes par le secrétariat
24 fédéral de la Défense nationale. Il n'a pas reçu ces armes. Les barrages
25 étaient déjà établis sur le territoire de la Croatie. Que pouvait-il faire
26 d'autre que d'importer des armes de l'étranger ? En ce qui concerne les
27 autorités croates, c'était des tâches licites et des voies licites.
28 Q. Je vous pose maintenant la question en tant qu'officier de la JNA à
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1 l'époque, si ces tâches et si ces voies étaient vraiment licites ?
2 R. En tant qu'officier de la JNA, je dirais que --
3 L'INTERPRÈTE : Je ne suis pas sûr si le témoin a dit de voie légale ou
4 illégale.
5 M. LUKIC : [interprétation]
6 Q. En ces termes, voudriez-vous, s'il vous plaît, répéter votre dernière
7 réponse ? Elle n'a pas été consignée au compte rendu.
8 R. En tant qu'officier de la JNA à l'époque, j'étais d'avis qu'il
9 s'agissait de moyens illégaux à l'époque.
10 Q. Cette information relative aux moyens illicites pour obtenir des armes,
11 est-ce que c'est une information que vous avez apprise par les médias, ou
12 est-ce que vous vous en êtes rendu compte dans le cadre de vos activités
13 professionnelles ?
14 R. En tant que chef de la sécurité du 5e Corps, je n'étais pas autorisé.
15 D'ailleurs, je n'avais absolument rien à voir avec les autorités civiles.
16 Il y avait des détachements de groupes ou d'unités de contre-espionnages
17 qui ont formées à cette fin, comme je l'ai mentionné. Ils travaillaient de
18 façon très intense sur la question. A l'époque, toutes les informations, ou
19 plutôt comme exprimé de façon différente, je dirais que je ne recevais pas
20 ce genre d'information à l'époque. De toute façon, je ne devais pas prendre
21 connaissance de ce genre de chose de façon officielle. Je m'occupais de
22 contre-espionnage et d'autres questions qui étaient relatives au
23 5e Corps des forces aériennes.
24 Q. Je crois comprendre que vous considériez vos devoirs de façon très
25 formelle et officielle. Au début, toutefois, je vous ai lu l'Article 1er du
26 règlement de service pour les services de Sécurité. Quelles sont les tâches
27 fondamentales des organes de sécurité ? C'est sur cela que cet article
28 portait.
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1 R. Oui. Je suis d'accord avec cette règle. J'ai toujours agi conformément
2 à cette règle. Ensuite, toujours dans le même document, dans des articles
3 ultérieurs, il est indiqué qu'un membre des services de sécurité de la JNA
4 ne doit pas agir par rapport aux structures civiles. Ce qui fait, qu'en
5 instance, ces détachements travaillaient un peu à l'encontre des règlements
6 de service. Mais pour ce faire, ils recevaient des instructions par écrit.
7 Q. Est-ce qu'il y avait une origine dans le secteur civil ?
8 R. D'après notre règlement de service, non.
9 Q. Est-ce que vous, vous disposiez de ce genre de sources ?
10 R. Non. De quel service s'agissait-il et de quel type d'état organisé
11 disposions-nous, puisque les services avaient chacun, ou prenait chacun
12 leurs renseignement auprès d'autres services.
13 Q. Je ne vous parle pas de civils en tant que personnes. Je ne parle pas
14 des services civils. Ce que j'aimerais savoir, c'est si les civils
15 pouvaient représenter des sources d'informations pour les organes de
16 sécurité ?
17 R. Je vous ai répondu par la négative, parce que les services de Sécurité
18 étaient obligés de travailler avec des réseaux ou avec un réseau ou dans le
19 cadre d'un réseau. Si certaines choses avaient représenté un intérêt pour
20 la structure civile, pour des personnes qui ne faisaient pas partie de la
21 JNA, alors c'était une question qui était renvoyée aux organes de sécurité
22 civile.
23 Q. Dites-moi, je vous prie, si votre unité avait besoin de renfort
24 d'hommes, parce que les membres des forces de réserve avaient été
25 transférés aux forces de police, et il avait été question d'un nombre
26 d'hommes compris entre 20 000 et 30 000, selon un laps de temps très bref ?
27 R. A quelle unité pensez-vous, dans le 5e Corps ?
28 Q. Oui, je parle du 5e Corps.
Page 2109
1 R. Non, nous n'avons pas eu de problèmes pour ce qui est du nombre
2 d'hommes. Nous avons reçu des nombres assez peu élevés d'hommes venant des
3 structures civiles. C'était un fait parfaitement connu. Pour ce qui est de
4 80 % des hommes, ils venaient de nos propres forces.
5 Q. Hier, des questions vous ont été posées à propos de
6 M. Bogdan Vujic. Je ne veux pas vous poser d'autres questions à ce sujet,
7 si ce n'est pour vous demander si le nom de Slavko Tomic évoque quelque
8 chose pour vous ?
9 R. Je connaissais plusieurs personnes qui faisaient partie de notre
10 service et qui répondaient au nom de Tomic, mais je ne sais pas si je me
11 souviens de Slavko Tomic. Peut-être que vous pourriez me donner quelques
12 renseignements; cela réveillerait mes souvenirs. Il y avait plusieurs Tomic
13 dans le service de Sécurité et dans les forces aériennes. Il y avait
14 quelqu'un qui répondait au nom de Tomic, qui faisait partie de la division
15 de la sécurité de la 5e Armée. Il y avait un Tomic là. Je ne sais plus quel
16 était son prénom, d'ailleurs.
17 Q. Qu'en est-il d'un autre --
18 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le prénom.
19 Q. Est-ce que cela évoque quelque chose pour vous ?
20 R. Non.
21 Q. Je pense que quelques questions vous ont été posées à propos du compte
22 rendu d'audience de Milosevic. Vous avez répondu à plusieurs questions à
23 propos de l'affaire Keljmendi. Vos réponses, d'ailleurs, font partie des
24 pièces à conviction. Je voudrais juste savoir, si à cette époque, après
25 l'affaire Keljmendi, il y a eu plusieurs autres affaires analogues dans
26 plusieurs casernes sur le territoire de l'ancienne Yougoslavie avec le
27 meurtre de soldats, de soldats albanais ?
28 R. Non. Je n'ai pas entendu parler d'assassinats. D'après certaines
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1 informations, je sais que des mises en garde ont été émises, que ce danger
2 existait et que cette possibilité était considérée comme réelle.
3 Q. Egalement dans l'affaire Milosevic - je ne veux pas vous poser des
4 questions, mais on vous a posé des questions à propos de la composition
5 ethnique ou de l'appartenance ethnique plutôt des personnalités importantes
6 des services de Sécurité. Vous avez dit qu'il y avait des personnes
7 appartenant à plusieurs groupes ethniques, et que Vasiljevic, l'adjoint,
8 était de Macédoine; est-ce exact ?
9 R. Oui.
10 Q. Je vais poursuivre, et maintenant, je vais vous poser quelques
11 questions à propos de votre carrière avant et après ces événements.
12 D'après ce que je sais, après l'école de la défense nationale que vous avez
13 suivie, dont vous avez suivi les cours, vous avez été nommé président du
14 comité de la division de la Ligue des Communistes pour ce qui est du
15 système de défense antiaérien et des forces aériennes; est-ce exact ?
16 R. Non, ce n'est pas exact. J'étais tout simplement un membre du comité de
17 la Ligue des Communistes, c'est-à-dire, dans les forces aériennes. Lorsque
18 je m'acquittais de mes fonctions à Bihac, pendant un certain temps, il y a
19 eu un président provisoire, et j'ai été pendant un certain temps président
20 provisoire et secrétaire du comité, lorsque la personne qui avait ce poste
21 avait été mutée ailleurs, pendant quelques mois, en tant que commandant.
22 Q. Pour ce qui est de votre carrière, vous n'avez jamais eu de fonctions
23 politiques ? Est-ce que c'est ce que vous nous dites ?
24 R. Si, j'en ai eues. J'ai été membre du comité de la Ligue des
25 Communistes. C'était une fonction assez élevée. J'étais également
26 secrétaire de la 117e Section des combattants. Pour ce qui est alors --
27 j'ai été également secrétaire de l'organisation de base de la Ligue des
28 Communistes. En fait, la règle voulait que les organes de sécurité, que les
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1 personnes qui travaillaient pour les organes de sécurité n'étaient pas
2 nommées, élues aux comités. Enfin, certains l'étaient mais pas au niveau
3 des échelons supérieurs.
4 Q. Ce n'était pas ma question. Ce n'était pas cela qui m'intéresse. Ce qui
5 m'intéresse, c'est de savoir si vous, à un moment donné, puisque vous nous
6 avez dit que vous étiez membre du comité, en fait, il s'agissait d'une
7 fonction ou d'une nomination politique, d'un poste politique. En
8 conviendrez-vous avec moi que l'un des principes fondamentaux de la Ligue
9 des Communistes en Yougoslavie et du Parti communiste de la Yougoslavie
10 aient été la fraternité et l'unité ?
11 R. C'est exact. C'était justement la base de l'ex-Yougoslavie.
12 Q. Hier, vous avez dit que vous aviez été toujours pour le maintien de la
13 Yougoslavie. Est-ce que vous considérez que ce principe de fraternité et
14 d'unité, qu'est-ce que cela représentait, qu'est-ce que cela représentait
15 dans l'ex-Yougoslavie ?
16 R. Cela signifiait qu'il s'agissait d'un état de nations égales, de
17 nationalités égales qui faisaient toutes et tous partie du même état, et
18 qui jouissaient des mêmes droits ou de droits égaux, de responsabilités
19 égales, de devoirs, qui devaient s'acquitter de devoirs égaux, et cela
20 signifiait que personne, à savoir, aucune nationalité ou aucun groupe
21 ethnique ne pouvait être mis en danger du fait de leur appartenance
22 ethnique.
23 Q. Je pense que cela était l'une des prémisses de base de la
24 constitution ?
25 R. Oui, oui, c'était justement l'un des principes de base de la
26 constitution.
27 Q. Je ne vais pas maintenant poursuivre cet examen des questions
28 constitutionnelles et historiques. Nous entendrons en temps voulu la
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1 déposition d'autres témoins.
2 J'aimerais, toutefois, faire une observation, et vous me direz si j'ai
3 tort. Hier, lors de votre déposition ainsi que vendredi lorsque nous avons
4 examiné votre curriculum vitae, vous nous avez dit que vous vous
5 considériez avant tout comme soldat. Vous vouliez mettre en exergue cette
6 fonction professionnelle. Par ailleurs, pour ce qui est de l'essentiel de
7 votre carrière en tant que soldat, en tant que militaire, vous avez
8 toujours été très proche de structures politiques, et vous y avez
9 participé; ai-je tort dans ce que je dis ?
10 R. Non, absolument pas, parce qu'un bon soldat doit également avoir une
11 réflexion politique.
12 Q. En tant que soldat, vous avez prêté le serment de la JNA, n'est-ce pas
13 ?
14 R. Oui.
15 Q. Une partie de votre carrière militaire a consisté à suivre une certaine
16 politique, et pour le reste de votre carrière, c'est tout à fait différent.
17 Une politique était communiste, et l'autre, si je peux me permettre
18 d'utiliser les termes suivants, est anticommuniste; est-ce exact ?
19 R. Non, ce n'est pas exact. Car mon orientation politique actuelle
20 consiste à continuer à croire aux principes auxquels je croyais auparavant,
21 à savoir, l'égalité, un cadre démocratique pour tous les états, un
22 comportement civilisé et un comportement pour les états et les personnes.
23 C'est ce que je m'efforce d'obtenir. J'ai d'ailleurs réussi, et c'est ce
24 que je fais aujourd'hui.
25 Q. Pour vous dire la vérité, ce qui m'intéresse, c'est la période de
26 transition, lorsque vous avez quitté la JNA, donc votre période de
27 transition, lorsque vous avez quitté la JNA et que vous vous vous êtes
28 rallié à l'option politique croate. Bien sûr, vous n'étiez pas membre, mais
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1 vous vous êtes rapproché de l'oligarchie qui dirigeait la Croatie à
2 l'époque. Est-ce une erreur que de dire que le HDZ qui était le parti qui
3 gouvernait à l'époque, était un parti anticommuniste ?
4 R. A l'époque.
5 Q. A l'époque.
6 R. A l'époque et maintenant. Vous n'avez pas tort. C'est assez exact.
7 Q. Est-il exact de dire qu'en 1990, dans votre bureau, vous aviez affiché
8 de façon ostentatoire les ouvrages de Franjo Tudjman, le dictionnaire de la
9 nouvelle langue croate ainsi que tous les autres livres rédigés par
10 Tudjman; est-ce exact ?
11 R. C'est absolument inexact.
12 Q. Je me contente de mettre à l'épreuve les faits qui m'ont été reportés.
13 R. Vous n'avez pas été bien informé.
14 Q. Je reviendrai là-dessus plus tard, lorsque la Défense présentera ses
15 moyens à décharge. Pour poursuivre, compte tenu de votre curriculum vitae,
16 je vois que vous avez demandé la permission de quitter la JNA le 2 juillet
17 1991; est-ce exact ?
18 R. C'est exact.
19 Q. Quand avez-vous officiellement quitté la JNA après avoir présenté cette
20 proposition ? Peu de temps après ou --
21 R. Je suis parti le même jour. A 7 heures 30, j'ai écrit ma demande et à
22 13 heures 30, j'ai été informé du fait que je pouvais partir.
23 Q. Nous avons reçu des informations suivant lesquelles vous avez accepté
24 votre nomination en tant que chef du ZNG, mais ce qui m'intéresse c'est
25 quand est-ce que vous avez offert vos services aux autorités croates ?
26 R. Je ne leur ai jamais offert mes services. Ils m'ont appelé pour me
27 demander de me rallier à eux, et j'ai été très heureux de le faire, après
28 tous les événements que je vous ai décrits qui s'étaient déroulés.
Page 2114
1 Q. Peu de temps après, vous avez été nommé chef de l'état-major du ZNG,
2 puis peu de temps après, vous êtes devenu le négociateur principal qui
3 représentait le gouvernement croate avec la JNA, n'est-ce pas ?
4 R. Oui, c'est exact.
5 Q. Je pense qu'au vu des postes de sécurité extrêmement élevés que vous
6 avez occupés, il a fallu que les gens qui vous ont invité mènent une
7 enquête à votre sujet ?
8 R. Personne ne m'a parlé d'enquête. Ils ont peut-être vérifié cela. Après
9 tout, cela les regarde. J'ai accepté l'invitation qui consistait à
10 commencer le travail de suite.
11 Q. Je vous pose une question à propos de la fonction que vous aviez. C'est
12 une question générale, tout comme le Procureur vous l'a demandé. Est-ce
13 qu'il est logique de mener à bien une enquête sur quelqu'un qui est nommé à
14 un poste aussi élevé chez l'ennemi ? Est-ce que cela est logique ?
15 R. Oui, ce serait logique.
16 Q. Merci.
17 R. Qu'il s'agisse de mener à bien une enquête sur la personne ou d'une
18 opinion qui a déjà été forgée, je ne sais pas ce qu'il en a été dans mon
19 cas. Je ne peux pas vous le dire.
20 Q. Alors, puis-je le dire, ou est-ce une erreur que de dire que pendant la
21 période précédente, vous aviez prouvé de facto ce que vous pouviez faire ?
22 Est-ce que cela est exact ?
23 R. Je n'ai jamais essayé de faire quoi que ce soit de la sorte. J'ai
24 toujours agi conformément à ce que je pensais du monde et conformément à
25 mes principes, en règle générale.
26 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais demander une
27 pause maintenant. Je n'ai pas beaucoup de questions à poser, mais
28 j'aimerais m'en tenir à l'horaire qui a été prévu, et ensuite je pourrai
Page 2115
1 poursuivre.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Lukic.
3 Monsieur Agha, j'aimerais savoir si vous pensez avoir beaucoup de questions
4 supplémentaires à poser.
5 M. AGHA : [interprétation] Cela ne durera pas plus qu'une demi-heure,
6 Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
8 Nous allons donc reprendre à 17 heures 50.
9 --- L'audience est suspendue à 17 heures 29.
10 --- L'audience est reprise à 17 heures 52.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Lukic.
12 M. LUKIC : [interprétation]
13 Q. Monsieur Agotic, nous arrivons à la fin de mon contre-interrogatoire,
14 mais j'aimerais vous poser quelques questions. Je préfèrerais que vous me
15 répondiez de façon très brève, en disant oui ou non, tout simplement, ce
16 qui donnera la possibilité et le temps au Procureur de poser ses questions
17 supplémentaires.
18 Je vous avais demandé si vous aviez prêté serment auprès de la JNA lorsque
19 vous avez intégré la JNA. Vous m'avez répondu que vous l'aviez fait. Est-il
20 vrai que, comme tous les autres services de sécurité, lorsque vous entrez
21 en fonction, vous signez une déclaration écrite qui comporte une clause de
22 confidentialité contraignante et qui indique que vous garderez les secrets
23 des services de Sécurité, puisque c'était l'un des principes ?
24 R. Je ne me souviens pas avoir signé quoi que ce soit de la sorte, mais je
25 suppose qu'il serait assez réaliste de supposer que c'est ainsi que les
26 choses se sont passées.
27 Q. Ai-je tort d'avancer que vous êtes revenu, en fait, sur ces deux
28 principes ?
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1 R. Non, ce n'est pas exact. Je dis que c'est eux qui se sont dissociés
2 par rapport à moi. Ce n'est pas moi qui marchais sur leurs plates-bandes et
3 qui me suis séparé d'eux. Parce que j'y ai passé toute ma vie, jusqu'à
4 l'année 1990.
5 Q. Dites-moi, est-il exact de dire que le 31 juillet 1991, vous avez reçu
6 une décoration au sein de la JNA ? Il s'agissait de la décoration de la
7 fraternité de l'unité.
8 R. Est-ce que vous pourriez répéter la date ?
9 Q. D'après mes informations, c'était le mois de juillet 1991, et je dois
10 vous dire que cela m'a un peu surpris.
11 R. Bien, il faudrait que je voie, parce que cela, c'est après mon départ,
12 de toute évidence. C'est la première fois que j'en entends parler, mais je
13 serais extrêmement heureux si cela fut le cas et si j'avais véritablement
14 reçu cette décoration.
15 Q. Vous ne savez pas si vous avez reçu cette décoration ?
16 R. J'ai reçu plusieurs décorations jusqu'à cette date. Il s'agissait de
17 médailles ou de décorations de la JNA. Mais c'est la première fois que
18 j'entends parler de cette décoration du
19 31 juillet 1991. Faites-leur savoir qu'ils pourront me l'envoyer à mon
20 domicile.
21 Q. D'après mes informations, cela a été une cause de dégoût profond, de
22 révulsion de la part de vos collègues parce que vous aviez déjà quitté la
23 JNA. Il y a eu une véritable levée de bouclier de la part de vos
24 collègues ?
25 R. Je n'en sais rien. Vous dites, le 31 juillet ? Mais j'en suis parti le
26 2. Je ne sais pas. Peut-être que quelqu'un a compris, a bien interprété ce
27 que je faisais.
28 Q. Vous aviez reçu les décorations Jelacic [phon] et Zrinski. Elles vous
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1 ont été décernées par la direction croate, n'est-ce pas ?
2 R. J'ai reçu un certain nombre de décorations, effectivement. Je ne sais
3 pas lesquelles parce que je n'attache pas beaucoup d'importance à ces
4 décorations.
5 Q. Vous avez reçu une médaille pour l'opération Tempête ? Je l'ai lu dans
6 votre curriculum vitae.
7 R. Oui, j'ai reçu des médailles pour l'opération Éclair et pour
8 l'opération Tempête.
9 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais juste
10 soulever une question juridique maintenant car j'ai quelques questions à
11 poser qui émanent de pièces à conviction écrites qui ont été versées au
12 dossier et qu'on peut trouver dans le compte rendu d'audience de l'affaire
13 Milosevic, qui ont été présentés par la Défense dans l'affaire Milosevic.
14 Ce sont des documents que nous avons reçus hier conformément à l'Article
15 68. Nous avons reçu cela de la part de l'Accusation et lorsque nous avons
16 lu les comptes rendus d'audience, nous avons vu que M. Milosevic avait posé
17 un certain nombre de questions, avait présenté trois documents qui ont été
18 versés au dossier et qui font maintenant partie des pièces à conviction de
19 cette affaire.
20 Je suis d'avis que ces dits documents devraient être un addendum au
21 compte rendu d'audience. Je considère que ces pièces à conviction devront
22 être versées au dossier parce que lorsque vous lisez cette pièce à
23 conviction et ces documents et que vous ne savez pas à quoi ils font
24 référence, vous ne serez pas en mesure de véritablement bien pondérer le
25 poids de ces éléments de preuve sans ces documents. Ce sont des documents
26 qui ont un lien avec cette affaire-ci. Cela a un lien avec des questions
27 qui étaient posées par Me Borovic. Il s'agit de l'année 1995 et en fonction
28 de
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1 l'Article 90(H) -- je pense qu'il s'agit bien de l'Article 90(H). Il est
2 indiqué que lors d'un contre-interrogatoire, le témoin, pour ce qui est de
3 sa crédibilité, doit pouvoir répondre à des questions qui posent sur le
4 sujet relatif aux éléments de preuve et sur des questions qui peuvent avoir
5 une incidence sur la crédibilité du témoin lorsque le témoin est en mesure
6 de fournir lesdits éléments de preuve pertinents pour l'affaire, et cetera,
7 et cetera. J'ai trois documents que je souhaiterais verser au dossier et
8 qui ont été admis dans l'affaire Milosevic. Nous avons le compte rendu
9 d'audience qui a été versé au dossier ici comme pièce à conviction. J'ai
10 une question à propos de chacun de ces documents et j'aimerais poser ces
11 questions au témoin.
12 Q. Sur la base de ce que vous avez dit à Me Borovic, je pense que cela
13 dépasse le cadre du contre-interrogatoire et je n'aurais pas d'autres
14 questions à poser.
15 M. AGHA : [interprétation] Monsieur le Président --
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Un moment, Monsieur Agha. Vous avez
17 commencé, Maître Lukic, en disant que vous souhaitiez soulever une
18 question. Dois-je comprendre -- de quoi s'agit-il ? Est-ce que vous êtes en
19 train de nous présenter votre point de vue ou est-ce que vous souhaitez
20 obtenir réponse à votre question ?
21 M. LUKIC : [interprétation] Etant donné qu'il s'agit des événements de
22 1995, vous avez dit à Me Borovic que cela dépassait le cadre de l'acte
23 d'accusation, la période visée par l'acte d'accusation. Ce que je voudrais
24 savoir, c'est la chose suivante : il y a des documents qui ont été
25 présentés, versés au dossier dans cette affaire et qui porte sur ces
26 éléments. J'aimerais savoir si je peux présenter cela et verser surtout ces
27 documents au dossier. A ce sujet, j'aimerais poser quelques questions parce
28 que cela a un lien avec le compte rendu d'audience qui est une pièce à
Page 2119
1 conviction dans notre affaire.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'aimerais répondre aux deux parties
3 de votre question.
4 Dans un premier temps, le fait que le compte rendu, dans une autre
5 affaire, soit versé au dossier ne signifie pas autant que tous les autres
6 documents qui sont devenus pièces à conviction et qui correspondent à ce
7 compte rendu d'audience peuvent être présentés ici. Par exemple, M. Agha a
8 présenté des pièces à conviction qui étaient pertinentes pour cette affaire
9 en l'espèce. D'après le contre-interrogatoire, je pense que les conseils de
10 la Défense ont marqué de façon générale leur accord avec le choix opéré par
11 M. Agha.
12 La décision a été rendue. Lorsqu'il s'agit d'événements ou
13 d'opérations qui se sont passées plusieurs années plus tard, en 1995, cela
14 n'a aucune incidence sur cette affaire. La Chambre de première instance est
15 d'avis que cela n'a pas suffisamment de poids sur la question de la
16 crédibilité pour justifier que ces documents puissent être étudiés dans le
17 cadre de cette affaire.
18 Je crois comprendre que vous nous dites que les pièces à conviction
19 qui vous intéressent et qui ont été présentés à l'affaire Milosevic portent
20 sur des événements qui ont eu lieu en 1995 et non pas sur des événements
21 qui ont eu lieu en 1991. Si tel est le cas, si vous souhaitiez, sur cette
22 base, verser ces documents au dossier, je suppose que la Chambre de
23 première instance ne marquera pas son accord. Toutefois, la Chambre n'a pas
24 vu ces documents et par conséquent, ne sait absolument pas si ces documents
25 comportent une pertinence ou non. Ne l'oubliez pas. Si vous pensez qu'il y
26 a une ou plusieurs pertinences dans ces documents, vous pourrez le
27 représenter. Nous ne voulons pas véritablement vous opposer une fin de non-
28 recevoir. Mais s'il s'agit seulement des événements de 1995, nous
Page 2120
1 prononcerons, à nouveau, la décision que nous avons déjà rendue.
2 M. LUKIC : [interprétation] Je comprends. Dans ce cas, je souhaiterais
3 juste montrer au témoin un document, un document qui nous a été donné hier
4 par l'Accusation. Nous n'avons pas eu le temps de le scanner. Nous avons
5 préparé quelques exemplaires pour la Chambre, pour l'Accusation. C'est un
6 document qui remonte à 1993.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] M. Agha voulait intervenir. Il se peut
8 que j'aie déjà parlé de ce qu'il voulait aborder.
9 M. AGHA : [interprétation] Je pense que vous l'avez fait effectivement,
10 Monsieur le Président et nous pouvons traiter ce document et le fond de ce
11 document de façon séparée.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.
13 M. LUKIC : [interprétation] Je suppose que le témoin connaît ce document
14 parce que dans l'affaire Milosevic, lorsque le témoin a témoigné, ce
15 document avait été présenté.
16 Q. Monsieur Agotic, voilà ce que j'aimerais vous poser comme question. Mon
17 confrère, Me Borovic, vous a déjà posé des questions. Voilà quelle est ma
18 question : est-ce que vous connaissez cet incident relatif à Busovaca ?
19 Votre nom est mentionné dans le document. J'aimerais savoir si vous avez
20 des informations à ce sujet. Est-ce que vous savez si, pendant la guerre en
21 Bosnie, la Croatie a aidé ou a apporté une aide de façon logistique et
22 compte tenu de votre fonction, est-ce que vous savez si la Croatie a aidé
23 les forces du HVO ? Est-ce que vous avez entendu parler de cet incident à
24 Busovaca et de cet hélicoptère du HVO ? Avant que vous ne commenciez,
25 j'aimerais préciser quelque chose à l'intention de la Chambre de première
26 instance. J'aimerais vous dire où se trouve Divulje. J'aimerais vous poser
27 la question à ce sujet ?
28 R. Divulje se trouve près de Split, en Croatie.
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1 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous savez de cet événement ?
2 Que s'est-il passé ? Est-ce que vous pourriez relater cela à la Chambre de
3 première instance ?
4 R. Est-ce que nous avons apporté une aide logistique aux partis en Bosnie-
5 Herzégovine pendant la guerre et notamment, le HVO ? Certes, nous l'avons
6 fait. Nous l'avons fait pour le HVO et pour l'ABiH. Nous l'avons fait en
7 évacuant les blessés, en leur fournissant du matériel médical, en leur
8 fournissant des vivres. Comme je vous l'ai déjà dit, il y a eu plus d'une
9 centaine de vols par hélicoptère, à cette fin. Il y a également eu un
10 certain nombre de vols, à l'exception d'une fois, en juin 1992, il y a eu
11 un accident. C'était un vol de combat et l'un de mes compagnons a été tué
12 lors de cette mission. Son avion a été abattu près de Derventa. Il
13 s'agissait d'une opération d'artillerie. C'est le côté croate, le camp des
14 croates qui a été bombardé. C'est là qu'un pilote a été abattu avec son
15 avion. Il n'y a pas eu d'autres vols de combat, à part celui-ci. Mais il y
16 a beaucoup d'autres vols logistiques tels que je les ai décrits, il y en a
17 eu plus d'une centaine.
18 Dans cette zone, il y avait beaucoup de blessés qui ont été évacués.
19 Voilà comment nous procédions : le HVO ou l'armée de la Bosnie-Herzégovine,
20 lorsqu'ils se trouvaient en combat, demandaient de l'aide et la procédure
21 était comme suit : moi-même, avec l'aval de mes supérieurs, approuvait,
22 donnait le feu vert pour que ces vols aient lieu. La condition était qu'il
23 fallait que cela soit annoncé avec un préavis de 48 heures. Là, ce qui est
24 mentionné, vous avez l'équipage Brkic, puis, une autre personne et ils ont
25 effectué toute une série de vols. Il y avait aussi Hodzic et Katovic. Ils
26 ont effectué toute une série de vols au-dessus de la Bosnie, tel que je
27 l'ai décrit, mais cela était fait sans l'approbation du camp croate.
28 Toutefois, il n'y a pas eu de matériel fourni qui était du matériel
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1 militaire. Il n'y a pas eu de munitions fournies, par exemple. Cela n'a pas
2 été fourni avec la permission officielle des autorités croates.
3 Q. Compte tenu de cette information, nous pouvons tirer la conclusion
4 suivante : ce vol avec ces munitions qui ont été distribués à Tomislavgrad,
5 et les observateurs de la Communauté européenne ont approuvé ce genre de
6 choses puisqu'ils ont été informés qu'il s'agissait de transporter,
7 apparemment, des blessés et des malades. Ils ne le savaient pas, ils
8 n'avaient pas le temps. Il a été avancé ou allégué que ces personnes
9 malades se trouvaient dans un coma et qu'il n'y a pas eu suffisamment de
10 temps pour vérifier tout cela. Mais je peux vous fournir ce document pour
11 que vous en preniez connaissance.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Agha.
13 M. AGHA : [interprétation] L'Accusation pense que pour ce qui est des
14 questions qui sont posées ainsi que le document, il n'y a aucune pertinence
15 avec l'acte d'accusation. La date du document en question est 1993. Il
16 s'agit du théâtre des opérations en Bosnie et non pas en Croatie. Nous
17 avons une objection à soulever car cela n'est pas pertinent.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic ?
19 M. LUKIC : [interprétation] Je vous avais expliqué pourquoi je voulais
20 poser cette question. Je pense que c'est une question qui est relative à
21 l'Article 90(H). J'ai le droit de poser des questions qui portent sur la
22 véracité du témoin, en d'autres termes, la crédibilité du témoin. Pour ce
23 faire, je ne suis pas limité par la validité de l'acte d'accusation et je
24 pense que ce document qui porte la date de 1993, dans lequel le nom du
25 témoin est mentionné ainsi que d'autres éléments importants, tels que ce
26 qu'il savait, peut être pertinent pour permettre d'établir la crédibilité
27 du témoin.
28 Des faits ont été établis dans de nombreux cas en prenant en considération
Page 2123
1 le présent, si cela a une incidence sur la crédibilité du témoin et il ne
2 doit pas forcément avoir une pertinence par rapport à l'acte d'accusation.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais qu'en est-il de la crédibilité ?
4 Que souhaitez vous dire à propos de la crédibilité ?
5 A quoi voulez-vous en venir ?
6 M. LUKIC : [interprétation] J'aimerais, à la suite de ce document, dégager
7 la conclusion suivant laquelle il n'était pas bien informé des objectifs de
8 ces soi-disant vols humanitaires parce qu'on peut conclure cela sur la base
9 d'une phrase de ce document de 1993. En ce sens, j'aimerais aborder la
10 question de sa crédibilité en tant que militaire qui a parlé de ce qu'il
11 savait des événements relatifs à Vukovar et relatifs également à la période
12 visée par l'acte d'accusation.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je peux dire que j'ai quelques
14 problèmes à suivre votre raisonnement, Maître Lukic, très franchement. Est-
15 ce que vous nous dites que ce vol de 1993 était typique des vols de l'année
16 1991 et que cela montre que les éléments de preuve apportés par ce témoin à
17 propos des événements de 1991 ne sont pas fiables ? Ou est-ce que vous nous
18 dites, tout simplement, que cela était un vol qui a été organisé de façon
19 malhonnête en 1993 et que par conséquent, tout ce que le témoin a dit à
20 propos de l'année 1991 devrait faire l'objet de soupçons ?
21 M. LUKIC : [interprétation] Ce que je vous dis, Monsieur le Président,
22 c'est que sur la base de ce document, nous pouvons conclure que les forces
23 du HVO en Bosnie, pas en Croatie, mais en en Herceg-Bosna, on bénéficiait
24 de soutien logistique en 1993 et que ce soutien logistique venait de la
25 Croatie et que cette information a été utilisé vis-à-vis de la Mission
26 d'observation de la Communauté européenne car ils ont été trompés pour ce
27 qui était de l'utilisation des convois humanitaires. Nous voulons parler du
28 convoi d'octobre et le témoin a indiqué de façon très claire pourquoi les
Page 2124
1 convois humanitaires étaient utilisés. Je voulais laminer un peu le
2 témoignage du témoin à ce sujet. Voilà mes arguments. Il s'agit
3 essentiellement de son témoignage.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous nous dites qu'en 1991, les
5 convois ou le convoi - je pense qu'il y en avait deux seulement - que les
6 convois humanitaires ont été utilisés à des fins militaires ? Est-ce que
7 c'est ce que vous avancez, Maître ?
8 M. LUKIC : [interprétation] Ce que je vous dis, c'est qu'il se peut qu'il y
9 ait des soupçons de la part de la JNA et que la JNA pouvait soupçonner
10 qu'une partie du convoi ou qu'un convoi aurait pu être utilisé, non pas
11 pour respecter l'objectif qui était assigné à ce convoi. Voilà ce que
12 j'avance.
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic, la Chambre de première
15 instance est d'avis qu'il n'y a pas suffisamment de pertinence. Ce qui
16 s'est passé en 1993, à savoir, bien longtemps après et dans un théâtre
17 d'opérations tout à fait différent, ne nous permet pas de penser que la JNA
18 avait des raisons de soupçonner en 1991 ce qui se passait à Vukovar. En
19 fait, nous indiquons qu'il n'a pas été possible de prouver qu'il y avait
20 pertinence par rapport aux faits incriminés dans cette affaire.
21 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, dans ce cas, j'en ai
22 terminé avec mon contre-interrogatoire de ce témoin. Je vous remercie.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Lukic.
24 Monsieur Agha ?
25 Nouvel interrogatoire par M. Agha :
26 Q. [interprétation] Général, j'aimerais aborder plusieurs éléments qui
27 émanent du contre-interrogatoire. J'espère que vous allez pouvoir répondre
28 à ces questions et précisez tout cela pour nous. Premièrement, je voudrais
Page 2125
1 que nous parlions des officiers chargés de la sécurité de leurs organes. A
2 ce sujet, vous avez répondu à plusieurs questions lors du contre-
3 interrogatoire. Lors du contre-interrogatoire, vous avez dit qu'un officier
4 de la sécurité n'avait pas le droit de transmettre à un civil soupçonné
5 d'avoir commis un crime par rapport à la JNA, et qui pouvait placer en
6 détention cette personne jusqu'à ce que les organes chargés de mener à bien
7 l'enquête arrivent. Est-ce que vous connaissez bien les règles de service
8 pour les organes chargés de la sécurité dans les forces armées, et ce, en
9 1984 pour la République socialiste fédérale de Yougoslavie ?
10 R. Oui, je connais les règles de service. Cela n'était pas prévu par le
11 règlement, ou plutôt cela était prévu mais de la façon que je l'ai
12 expliquée.
13 M. AGHA : [interprétation] Avec l'autorisation de la Chambre et avec l'aide
14 de M. l'Huissier, j'aimerais demander qu'un document soit présenté. Il
15 s'agit d'un document au titre de l'Article 65 ter, le document 394 qui
16 porte le numéro ERN dans sa version B/C/S 00909817, et pour la version
17 anglaise, il s'agit du numéro ERN 00920099.
18 Q. Lorsque ce document vous sera présenté, Général, vous verrez qu'il
19 s'agit des règles de service pour les organes de sécurité des forces armées
20 de la RSFY en 1984. Est-ce que vous l'avez maintenant sur l'écran devant
21 vous ?
22 R. Oui.
23 Q. J'aimerais demander à M. l'Huissier de nous présenter maintenant la
24 page 19 de ce document et son paragraphe 46.
25 Général, est-ce que vous voyez le paragraphe 46 ? Vous avez ce
26 texte ?
27 R. Oui, j'ai les pages 36 et 37, mais je n'ai pas ce paragraphe 46 qu'il
28 nous faut.
Page 2126
1 Q. Dans la version anglaise, c'est la page 19, si cela peut aider. Page
2 19.
3 R. Vous pouvez peut-être suivre les numéros des paragraphes pour retrouver
4 le paragraphe 46.
5 Q. Le paragraphe 46.
6 R. Je l'ai à présent.
7 Q. Dans ce paragraphe, il est question "des officiers ou des organes de
8 sécurité qui ont le droit d'avoir recours à la force physique afin de
9 surmonter la résistance de la personne qui est placée en détention." Et là,
10 vient la partie qui nous importe "ou afin de repousser une attaque qui est
11 dirigée contre eux-mêmes ou contre la personne dont ils assurent la
12 sécurité. En agissant dans le cadre de leurs attributions, les officiers
13 autorisés, habilités, ont droit de se servir d'armes à feu s'ils n'ont pas
14 d'autres moyens de protéger la vie des gens."
15 Est-ce que vous estimez que l'organe de sécurité, d'après ces dispositions,
16 est obligé également de protéger les personnes qu'il place en détention ?
17 R. Si une mission lui a été confiée dans ce sens, oui, car d'après le
18 règlement de service, c'est prévu. Il n'est pas dit de quel individu il
19 s'agit. Il est dit dans le texte qu'il s'agit de protéger la vie des
20 personnes. Cela peut concerner également des détenus, ce qui se comprend.
21 Q. Ce faisant, il est expressément dit que l'officier habilité a le droit
22 de se servir d'une arme à feu si nécessaire.
23 R. C'est exact. C'est ce qui est prévu dans le texte.
24 M. AGHA : [interprétation] Je demanderais que cette pièce soit versée au
25 dossier, Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La pièce sera versée au dossier.
27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce 107, Monsieur le
28 Président.
Page 2127
1 M. AGHA : [interprétation]
2 Q. Vous étiez un officier haut placé; de haut rang dans l'armée. Comment
3 est-ce que vous définiriez les capacités d'une brigade de la garde pour ce
4 qui est de leur capacité à protéger ?
5 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Lukic ?
7 M. LUKIC : [interprétation] Une question que je souhaite
8 poser : est-ce que cela ne sort pas du cadre du contre-interrogatoire, car
9 aucune des équipes de Défense n'a posé des questions portant sur les
10 attributions de la brigade de la garde. Par ailleurs, le témoin,
11 conformément à ses fonctions, a souvent répondu comme s'il avait été cité à
12 la barre en tant que témoin expert et non pas témoin des faits alors que
13 l'Accusation citera ici des témoins experts. Je précise qu'aucune question
14 portant sur des attributions de la garde, la brigade de la garde n'a été
15 posée pendant le contre-interrogatoire à ce témoin.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Agha ?
17 M. AGHA : [interprétation] Comme ceci a déjà été dit pendant le contre-
18 interrogatoire, la question qui s'est posée était la question sur les
19 capacités de placer en détention. Le règlement que je viens de présenter se
20 réfère également à la capacité de protéger, l'obligation de protéger, en
21 fait. Ma question procède de la question qui est de savoir si la Brigade de
22 la Garde ou l'organe de sécurité, en son sein, avait la capacité de
23 protéger.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] De protéger quoi ?
25 M. AGHA : [interprétation] De protéger les personnes qu'il plaçait en
26 détention, qu'il avait sous son contrôle. C'est ce qui figure dans le
27 texte.
28 [La Chambre de première instance se concerte]
Page 2128
1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous ne pensons pas que cela découle
2 du contre-interrogatoire, Monsieur Agha.
3 M. AGHA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Q. Général, je vais aborder un deuxième point qui ressort de votre contre-
5 interrogatoire. Ceci a à voir avec M. Bogdan Vujic. Pendant le contre-
6 interrogatoire, vous vous êtes référé au colonel Bogdan Vujic en tant
7 qu'officier de la sécurité, en disant que vous aviez des contacts avec lui.
8 Dans votre déposition, vous avez dit qu'une de ses missions était
9 d'identifier les irrédentistes. Il ressortirait de cela que le colonel
10 Vujic était un expert, qu'il était capable d'identifier des individus au
11 sein d'un groupe; un groupe donné ?
12 R. Oui. Le colonel Vujic a travaillé là-dessus dans le cadre du repérage
13 du nationalisme albanais et des activités irrédentistes dans les rangs de
14 la JNA. Il avait une riche expérience là-dedans.
15 Q. Par exemple, si la JNA souhaitait savoir si dans un groupe de civils il
16 y avait des combattants, est-ce que c'était quelque chose qui relevait de
17 l'expertise du colonel Vujic ? Est-ce que c'était cela son domaine de
18 compétence ?
19 R. Le colonel Vujic avait une expérience de plusieurs années, avait une
20 expérience dans sa carrière professionnelle. C'est un homme qui a vécu. Il
21 connaissait la situation dans l'armée et également dans les structures
22 civiles parce qu'il entretenait de nombreux contacts avec des civils. Il a
23 eu l'occasion de le faire dans le cadre de son travail, dans le cadre de
24 ses missions que j'ai évoquées. Comment a-t-il traité le problème dans le
25 cadre de cette guerre-ci ? Je ne le sais pas. J'avais une plutôt bonne
26 opinion de lui à l'époque où je l'ai rencontré, à l'époque où je l'ai
27 connu.
28 Q. Pendant le contre-interrogatoire, vous avez déjà dit que vous pensiez
Page 2129
1 que c'était un officier qui avait de l'intégrité. Est-ce que vous pensez
2 également que c'était quelqu'un qui s'acquittait correctement de ses
3 missions dans le cadre de sa profession et qui respectait la loi ?
4 R. Oui, c'est exact. Je pensais que c'était quelqu'un qui respectait
5 l'éthique professionnelle. Là, je veux dire qu'il prenait en compte les
6 arguments valables qu'on lui présentait.
7 Q. Maintenant, je voudrais passer à un autre sujet qui a été abordé
8 pendant votre contre-interrogatoire. Ceci a à voir avec la défense de
9 Vukovar, les défenseurs. Vers les mois d'octobre et novembre 1991, il y
10 avait combien de défenseurs de Vukovar ? Est-ce que vous pouvez évaluer
11 approximativement leur nombre ?
12 R. Il n'y en a jamais eu plus de 1 500, 1 600, voire 1 700 à l'intérieur
13 de Vukovar, à l'intérieur du siège.
14 Q. Pendant cette même période, de manière approximative, quelle a été la
15 puissance des forces de la JNA auxquelles ces défenseurs étaient
16 confrontés ?
17 R. Je peux difficilement le dire avec précision, mais je sais qu'on a
18 amené de Vojvodine une Brigade de la Garde qui, d'après mes évaluations, si
19 le recomplètement [phon] était mené à bien, pouvait avoir jusqu'à 4 500 ou
20 5 000 hommes. Telles étaient les brigades dans les rangs de la JNA; tels
21 étaient leurs effectifs. D'autre part, on a fait venir des unités du Corps
22 de Novi Sad. Là encore, de même, il s'agit de plusieurs unités. Je ne sais
23 pas de quel échelon. Je sais cependant que ces unités du Corps de Novi Sad
24 étaient déployées dans le secteur de la Baranja, au nord de la Drava,
25 qu'elles se sont déployées au sud de la Drava, à l'est d'Osijek, en
26 direction d'Erdut, Dalj, Sarvas, Aljmas, les villages ici, les villages qui
27 s'étendent vers le sud-est, vers Vukovar. Probablement, d'après mon
28 appréciation, il s'agit d'environ 15 000 soldats de la JNA déployés aussi
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1 au nord, puis plus au sud, la Brigade de la Garde et les unités du corps.
2 Quant à savoir combien il y avait d'unités d'artillerie d'autre côté du
3 Danube qui ont fourni appui et assistance en plus de l'armée de l'air de
4 l'aéroport de Batajnica et de l'aéroport de Tuzla, il m'est difficile de
5 chiffrer cela. Mais l'appui artillerie et l'appui fourni par l'armée de
6 l'air ont été considérables.
7 Q. Comment pourriez-vous établir une comparaison entre la puissance de feu
8 de Vukovar; des défenseurs de Vukovar d'une part, et de la JNA de l'autre
9 part ?
10 R. C'était des choses qu'on ne pouvait pas comparer, car les défenseurs de
11 Vukovar, pour ce qui est des armes les plus lourdes, avaient des mortiers.
12 Je ne sais pas s'ils avaient le mortier de
13 120-millimètre. Ils n'avaient pas de canon. Ils avaient des fusils, des
14 armes d'infanterie. D'autre part, en face, il y avait la Brigade de la
15 Garde de la JNA, qui avait les armes les plus sophistiquées. C'était une
16 brigade d'élite. Elle comptait les hommes les plus formés, les plus
17 entraînés qu'avait la JNA. Je ne sais pas comment je pourrais comparer cela
18 maintenant. Cela ne correspondrait pas à la réalité des choses. Enfin,
19 c'était des choses incomparables.
20 Q. Pour ce qui est des blindés, de l'artillerie, de ce genre de pièces ou
21 d'armement ?
22 R. Je comprends cela. Lorsque je parle de l'ensemble des forces déployées
23 par la JNA, ce que je sais avec certitude, je l'ai appris de la part d'un
24 émissaire militaire étranger qui m'en a parlé en 1992 ou 1993. Il s'agit
25 d'un émissaire britannique, d'un colonel de l'armée de l'air britannique.
26 Il m'a dit qu'il a pu suivre le feu ouvert par les canons depuis la rive
27 gauche du Danube sur Vukovar pendant la bataille de Vukovar, et il m'a dit
28 que de l'autre côté, il n'y avait aucune résistance, aucune opposition sur
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1 le même plan, car lorsqu'il y a des canons qui ouvrent le feu, seule
2 l'artillerie de l'adversaire peut riposter à cela. Pour ce qui est des
3 blindés, de même, je ne peux pas dire exactement quel a été le nombre de
4 ces pièces. Dans l'opinion croate, on circule des chiffres très importants
5 de chars détruits, de chars déployés. Je ne me suis pas vraiment lancé dans
6 ces évaluations a posteriori pour savoir combien il y en a eu. Je pense que
7 la JNA est la mieux placée pour le savoir.
8 Cependant, Monsieur le Procureur, je sais que les avions ont également agi
9 sur Vukovar. Ils ont largué des bombes du plus gros calibre, car l'hôpital
10 lui-même a reçu une bombe de 250 kilos. Or, c'est la bombe la plus
11 important qu'avait la JNA dans son armement, dans ces munitions; on l'a sur
12 place. Heureusement, elle n'a pas explosé. On sait qu'elle a été larguée.
13 Q. Général, je voudrais maintenant aborder un autre sujet de votre contre-
14 interrogatoire. On vous a posé de nombreuses questions portant sur les
15 différentes casernes de la JNA située en Croatie. Pour ce qui est de la
16 caserne de Vukovar, pouvez-vous nous dire, à peu près, à quel moment le
17 siège de cette caserne a été levé par la JNA ?
18 R. Pour autant que je le sache, cette caserne n'avait jamais été sous le
19 blocus car vu l'endroit où elle se situe, dans la partie sud-est de
20 Vukovar, elle avait accès libre vers les localités, vers les villages qui
21 étaient à majorité serbe. Cette population avait une attitude très
22 bienveillante à l'égard des unités de la JNA car ces unités-là les
23 soutenaient. Il n'y a jamais eu de blocus dans le sens classique du terme
24 comme il y en a eu ailleurs en Croatie, là où les casernes se sont trouvés
25 sous le contrôle des autorités croates.
26 Q. Bien que la JNA ait maintenu le contrôle sur la caserne, est-ce qu'il y
27 a eu pilonnage de Vukovar ou non ou pendant ce temps-là ?
28 R. Logiquement, on voit qu'au moment où le premier convoi est arrivé pour
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1 évacuer les blessés, lorsqu'il est arrivé à la caserne cette caserne était
2 entre les mains de la JNA, sous son contrôle. Ce n'est qu'à ce moment-là
3 que commence le pilonnage le plus important qui va se poursuivre jusqu'à la
4 chute de Vukovar. Il n'y a aucun dilemme là-dessus. Ma réponse est
5 affirmative.
6 Q. Monsieur, est-ce que vous pouvez en déduire que la mission que s'est vu
7 confier la JNA dans la Slavonie orientale sortait du cadre de la levée du
8 siège de la caserne de Vukovar ?
9 R. C'est exact. C'était la mission donnée à la JNA d'opérer une percée en
10 profondeur avec ces unités d'élites en profondeur du territoire de Croatie,
11 avec la réalisation de cette variante dont j'ai parlé et que j'ai appelée A
12 et après la correction du plan B. Au vu de la résistance qu'a opposée la
13 partie croate, ils sont restés longtemps dans cette zone. Il y a eu des
14 pressions exercées par la communauté internationale. Finalement, ils ont
15 accepté le plan C, cette option-là et pour ces unités-là, cela signifiait,
16 pour les unités qui attaquaient Vukovar et la Slavonie orientale, cela
17 signifiait qu'il fallait s'emparer de la partie est qui, par la suite,
18 s'est vu appeler secteur est, après l'arrivée de la FORPRONU.
19 Q. Général, un autre sujet que je souhaite aborder maintenant, c'est la
20 question de la première évacuation et on en a parlé plusieurs fois pendant
21 le contre-interrogatoire. Vous avez dit dans votre témoignage qu'il y a eu
22 une première évacuation qui a réussi en octobre, lorsque Médecins sans
23 frontières ont accompagné le convoi jusqu'à l'hôpital de Vukovar et à la
24 sortie de l'hôpital. C'était un convoi de patients de l'hôpital. Qu'est-il
25 advenu de ces patients, de ce convoi qu a été escorté par Médecins sans
26 frontières ?
27 R. Ces blessés et parmi eux, il y avait surtout des blessés graves, des
28 gens qui ont subi des amputations, je crois qu'il y en avait à peu près 110
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1 ou 112, mais je ne peux pas vous garantir que c'est le bon chiffre. Il y a
2 eu beaucoup de péripéties et cela a pris plusieurs jours, mais en fin de
3 compte, ils sont arrivés dans les hôpitaux du côté croate et pour un grand
4 nombre d'entre eux, ils ont été hospitalisés à l'hôpital de Nasice et les
5 autres ont été placés dans des hôpitaux de Zagreb. Je connais certains
6 patients qui ont fait partie de ce premier convoi, je les connais
7 personnellement. Certains ont survécus, mais il y en a aussi qui ont
8 succombé, qui sont décédés peu après l'évacuation.
9 Q. Sur la question des évacuations, il semblerait que l'évaluation
10 suivante a eu lieu le 20 novembre 1991.
11 M. LUKIC : [interprétation] Objection.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Lukic ?
13 M. LUKIC : [interprétation] Je voudrais que le Procureur me rappelle qui,
14 de l'équipe de la Défense, a mentionné l'évacuation du 20 novembre et à ce
15 moment-là, je renoncerai à objecter.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Agha.
17 M. AGHA : [interprétation] D'après ce que je comprends, Monsieur le
18 Président, c'est au cours des divers contre-interrogatoires, parmi les
19 conseils de la Défense, il y a peut-être eu une certaine confusion en ce
20 qui concerne le nombre d'évacuations qui ont eu lieu et quand elles ont eu
21 lieu de sorte que le but de la question est de clarifier qu'il y avait bien
22 deux évacuations, l'une au mois d'octobre dont nous avons parlé et l'autre
23 ou une deuxième qui avait lieu le 20 novembre.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, vous pouvez poursuivre, Maître
25 Lukic.
26 Je vous avise, Maître Agha, que vous ne pouvez pas aller beaucoup au-delà
27 sans répondre pour la Chambre à l'objection soulevée par Me Lukic.
28 M. AGHA : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président.
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1 Q. Général, passons maintenant à la deuxième évacuation qui a eu lieu le
2 20 novembre 1991, sur la base de l'accord d'évacuation que vous avez déjà
3 discuté dans votre déposition. Cette évacuation a eu lieu sans la Croix
4 Rouge, sans Médecin sans frontières, sans les membres, les observateurs de
5 la Mission européenne et elle avait une escorte de la JNA et comportait
6 environ 300 patients et quel a été le sort de se convoi ?
7 M. LUKIC : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Agha, vous êtes immédiatement
9 allé au-delà, aux fins de savoir s'il y avait deux évacuations.
10 M. AGHA : [interprétation] Je vous prie de m'excuser, Monsieur le
11 Président.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Vous avez gagné,
13 Maître Lukic.
14 M. AGHA : [interprétation]
15 Q. Monsieur le Témoin, je vais maintenant m'écarter de cette deuxième ou
16 peut-être, je ne sais pas de quel nombre d'évacuations il y avait, passer à
17 un domaine différent de votre contre-interrogatoire. Ceci concerne le
18 directeur de l'hôpital. Au cours du contre-interrogatoire, vous avez dit
19 que le directeur de l'hôpital était en contact étroit avec le commissaire
20 de Vukovar. Qui était ce directeur de l'hôpital ?
21 R. Autant que je sache, c'était le Dr Vesna Bosanac, une dame.
22 Q. Vous avez également dit, au cours de votre contre-interrogatoire, que
23 l'hôpital avait certains besoins particuliers, tels que des fournitures et
24 des vivres, ainsi que d'être protégés. Combien de fois, si vous l'avez été,
25 avez-vous été contacté en ce qui concerne les besoins de l'hôpital ?
26 R. Le Dr Vesna Bosanac, précisément, de l'hôpital. Je n'ai contacté
27 personne d'autre et personne d'autre ne m'a contacté parce que à partir du
28 8 octobre, lorsque j'étais avec elle pour la première fois et à partir de
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1 cette date, parfois, au cours de la journée, elle m'appelait deux ou trois
2 fois. D'autres fois, elle n'appelait pas pendant plusieurs jours, mais elle
3 contactait le chef du Grand état-major et le ministre de la Santé parce
4 qu'ils m'en ont informé de cela et chaque fois, en soulignant les très
5 graves problèmes auxquels elle avait à faire face avec le grand nombre de
6 victimes, le manque de médicaments ou de fournitures médicales, le fait
7 qu'on tirait sur l'hôpital, l'hôpital recevait des obus. J'étais très
8 souvent au téléphone avec elle.
9 Q. Vous avez aussi mentionné, au cours de votre contre-interrogatoire, que
10 vous aviez des comptes rendus de Dedakovic et Borkovic, parfois, de façon
11 quotidienne au cours du siège de Vukovar et qu'il y avait des demandes de
12 matériel, d'effectifs et ainsi de suite. Est-ce qu'ils ne vous ont jamais
13 rendu compte du bombardement de Vukovar et est-ce qu'ils vous ont parlé de
14 l'hôpital et des besoins qui étaient exprimés à ce sujet ?
15 R. Oui. Ils n'ont pas dit très exactement, envoyez-moi ceci ou cela, parce
16 qu'ils savaient que je n'étais pas en mesure de le faire. Mais ils m'ont
17 informé des difficultés de la situation et du fait que l'hôpital recevait
18 des obus, était bombardé et même leurs appréciations. C'est difficile à
19 compter, mais j'entendais, d'après leurs appréciations, qu'au cours d'une
20 même journée à Vukovar, il pouvait y avoir jusqu'à 5 000 projectiles qui
21 tombaient sur la ville, des projectiles d'artillerie, des obus de mortier,
22 un grand nombre de projectiles qui avaient pris l'hôpital pour cible et qui
23 touchaient l'hôpital.
24 Q. Général, finalement, je voudrais revenir à la question de ce qu'on a
25 appelé le fait d'armer la Croatie et l'affaire Spegelj qui a été évoquée au
26 cours du contre-interrogatoire.
27 Vous avez mentionné, devant la Chambre -- je crois que la Chambre a
28 reconnu que vous aviez la possibilité de répondre à des questions ayant une
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1 connotation politique, en plus des questions militaires. Je vais vous
2 demander, en vertu de la constitution de la RFSY, la RFSY était obligée de
3 fournir des armes à chacune des républiques pour la police et la Défense
4 territoriale. Or, en
5 1990-1991, combien d'armes est-ce que la RFSY fournissait à la Croatie pour
6 sa police et sa Défense territoriale, en gros ?
7 R. Le secrétariat à la Défense populaire ne fournissait pas d'armes à la
8 police et à la Défense territoriale. Il donnait la permission,
9 l'autorisation pour que ces armes soient préparées dans les usines des
10 anciennes républiques yougoslaves, afin que ces armes puissent être
11 achetées si elles étaient payées et ceci, sur la base d'un plan pour armer
12 la Défense territoriale. Chaque république mettait de côté 0,5 % de son
13 produit national brut pour se procurer les ressources et entretenir ces
14 ressources, et également pour assurer la formation et à partir de la mi-mai
15 1990, il y a eu un ordre de l'état-major général, du chef d'état-major
16 général, décrétant que les armes devraient être confisqués pour ce qui est
17 de la Défense territoriale de la République de Croatie et que pas une seule
18 balle, pas une seule arme, ne devait être délivrée par ce secrétariat et
19 être donnée à la République de Croatie après 1990 et 1991.
20 Q. D'après la constitution de la RFSY, si le gouvernement fédéral ne
21 fournissait pas d'armes à une république, qui était en droit, par exemple,
22 pour ce qui est de la police et de la Défense territoriale, quel droit
23 avait, en l'occurrence, cette république d'acquérir des armes par elle-
24 même ?
25 R. Je ne sais pas si la république avait un droit en ce sens sur la base
26 de loi ou de texte juridique écrit ou de réglementation pour acquérir des
27 armes d'autres sources, c'est-à-dire, de s'en procurer à l'étranger.
28 Toutefois, la façon dont la situation politique a évolué était telle que
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1 les chances d'obtenir que le secrétariat fédéral rende des armes croates à
2 la Croatie ou tourne le robinet pour ce qui était de l'achat à partir des
3 entrepôts de
4 l'ex-Yougoslavie étaient égales à zéro. Par conséquent, si la Croatie
5 estimait qu'elle subirait un préjudice, il fallait qu'elle s'arme et c'est
6 comme cela qu'elle allait résoudre le problème. Elle a résolu le problème
7 de la façon dont elle l'a fait. Je n'ai pas moi-même pris part à cela, mais
8 nous pouvons voir de quelle façon cela s'est fait et comment ces choses ont
9 été résolues par la suite.
10 Q. Quels étaient les effectifs de la police dans la république ? Qui avait
11 la responsabilité de procurer des armes aux forces de police ?
12 R. La force de police, pour les armer, dans l'ancienne Yougoslavie, dans
13 un processus unifié, cela était fait par le ministère de l'Intérieur de la
14 République qui était chargé de fournir et d'équiper ces unités de police
15 militaire et ceci, pas seulement à partir de sources nationales, mais la
16 possibilité d'acheter également à l'étranger. Toutefois, aussi longtemps
17 que la Yougoslavie a fonctionné comme un tout uni, je pense que cela se
18 faisait avec l'agrément et la connaissance du ministère, le ministère
19 fédéral de l'Intérieur, le ministère des Affaires intérieures yougoslaves.
20 Quant à savoir comment cela s'est passé après, quand ce principe n'a plus
21 été respecté, je pense que c'était probablement après les élections de 1990
22 et il y avait beaucoup de méfiance entre les organes fédéraux et les
23 organes de la république.
24 Q. Général, ceci termine mon contre-interrogatoire pour le compte de
25 l'Accusation.
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Agha.
27 Il y a une question posée par M. Agha, Général, pour laquelle la réponse
28 était peu claire. Vous avez dit qu'après que l'ordre a été donné de
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1 confisquer les armes en mai 1990, pas une seule arme, pas une seule balle
2 n'a été délivrée à la République de Croatie. Ensuite, vous avez ajouté,
3 après 1990 et 1991. Ce sont les mots qui créent des doutes dans l'esprit de
4 la Chambre. Est-ce que vous êtes en train de dire qu'aucune arme, ni balle
5 n'a été délivrée après la fin de la période 1990-1991 ou est-ce que vous
6 dites qu'il n'y en a eu aucune de délivrée après l'ordre de confiscation en
7 1990 ? Pourriez-vous aider à éclaircir ce point, s'il vous plaît ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas quand
9 les agences du ministère de l'Intérieur, de la Défense territoriale de la
10 République de Croatie ont remis des armes et quand elles sont parvenues à
11 la Croatie de façon organisée et à la connaissance du secrétariat fédéral
12 de la Défense nationale et le chef du Grand état-major et j'avais à
13 l'esprit la période qui va jusqu'au 15 mai 1990. Toutefois, lorsque le 15
14 mai 1990, le chef de l'état-major général a émis l'ordre selon lequel
15 toutes les armes de la Défense territoriale de la Croatie devraient être
16 placées sous le contrôle de la JNA, à partir de ce moment-là, pas une seule
17 arme capable d'infliger la mort, aucun explosif, aucun engin n'est parvenu
18 en République de Croatie par des voies normales, régulières. Les voies
19 normales et régulières, c'était par l'intermédiaire du secrétariat fédéral
20 ou par les voies normales à partir des usines de production qui existaient
21 en Yougoslavie.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Ceci éclaire ce
23 point.
24 Général, vous serez heureux de savoir que ceci conclut les questions et
25 votre déposition. La Chambre vous remercie d'être venu et de votre aide.
26 Vous êtes maintenant en mesure de retourner à vos activités ordinaires. Je
27 vous remercie beaucoup, effectivement.
28 Etant donné l'heure qu'il est, nous allons lever la séance, plutôt que de
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1 faire comparaître un nouveau témoin. Nous reprendrons demain, à 14 heures
2 15. L'audience est levée.
3 --- L'audience est levée à 18 heures 55 et reprendra le
4 mercredi 23 novembre 2005, à 14 heures 15.
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