Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 7 décembre 2005

2 [Audience publique]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je vais vous

7 demander de donner lecture de la déclaration solennelle qui se trouve sur

8 le document que vous avez maintenant entre les mains.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

10 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

11 LE TÉMOIN: LE TÉMOIN P-032 [Assermenté]

12 [Le témoin répond par l'interprète]

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur. Veuillez

14 vous asseoir.

15 Monsieur Agha, vous avez la parole.

16 M. AGHA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il s'agit d'un

17 témoin protégé. Est-ce que nous pouvons passer rapidement à huis clos

18 partiel.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

20 [Audience à huis clos partiel]

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5 [Audience publique]

6 M. AGHA : [interprétation]

7 Q. Vous avez grandi à Vukovar au cours des années 1980. Pouvez-vous nous

8 dire comment s'entendaient les habitants de Vukovar ?

9 R. Comment ils s'entendaient ? Je crois que c'était normal, d'après ce que

10 j'ai pu juger. J'étais encore un enfant. J'étais à l'école élémentaire.

11 Tout me semblait correct.

12 Q. Que savez-vous à propos de l'incident survenu à Borovo Selo ?

13 R. Le 2 mai 1991, 12 policiers ont été tués.

14 Q. Quel a été l'effet de cet incident sur la communauté locale de Vukovar,

15 sur les Serbes et les Croates qui habitaient à Vukovar ?

16 R. Quel genre d'effet ? Pour le dire simplement, on voulait les rejoindre,

17 les soutenir, combattre, lutter pour nos gens, pour défendre notre patrie,

18 notre ville et ses habitants, parce qu'une fois que ces hommes ont été

19 tués, nous avons vite compris ce qui allait se passer.

20 Q. Quel est le rôle que vous, vous avez joué dans la défense de Vukovar ?

21 R. Je les ai rejoints tout de suite, dès que ces hommes ont été tués. J'ai

22 rejoint la réserve et nous avons commencé à monter la garde.

23 Q. A l'époque, quel âge aviez-vous, approximativement ?

24 R. J'avais 17 ans et demi.

25 Q. Est-ce que vous avez rejoint les rangs de la ZNG ?

26 R. Les forces de réserve. C'est comme cela qu'on les appelle, la ZNG.

27 Q. Est-ce que vous avez d'autres membres de votre famille dans les forces

28 de réserve ?

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1 R. Il y avait mon frère et moi.

2 Q. A votre avis, à quel moment Vukovar s'est-elle trouvée gravement

3 attaquée ?

4 R. Cela s'est passé les 27 et 28 août 1991.

5 Q. Qui a attaqué Vukovar ?

6 R. La JNA, l'ancienne armée populaire yougoslave.

7 Q. Quelle était l'intensité de cette attaque ?

8 R. Les avions ont attaqué, ils ont largué des bombes. Il y a eu aussi des

9 tirs de chars, toutes sortes de choses.

10 M. AGHA : [interprétation] Pourrions-nous rapidement passer à huis clos

11 partiel, Monsieur le Président ?

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

13 M. AGHA : [interprétation] Je vais demander à M. le Greffier d'afficher la

14 pièce 59.

15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

16 partiel.

17 [Audience à huis clos partiel]

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6 [Audience publique]

7 M. AGHA : [interprétation]

8 Q. A ce moment-là, où vivaient les gens dans leurs maisons ? Par exemple,

9 où se trouvaient vos parents à vous ?

10 R. Ils vivaient dans les caves. C'est vrai. C'est là qu'ils ont vécu

11 pendant toute la guerre, dans des caves.

12 Q. Pendant que vous défendiez Vukovar, pouvez-vous nous dire de combien

13 d'armes disposaient les défenseurs par rapport aux assaillants, à la JNA ?

14 R. Ils avaient très peu d'armes. Par rapport à ce que la JNA avait, nous,

15 on avait rien.

16 Q. Passons, si vous le voulez bien, au moment où la ville était sur le

17 point de tomber, au mois de novembre. Quand, de façon approximative, avez-

18 vous appris que la ville était sur le point de tomber et que les défenseurs

19 allaient se retirer de cette ville ?

20 R. Dans la soirée du 17, je suis allé voir mes parents dans la cave de

21 leur maison. Mon père m'a alors dit que les défenseurs s'étaient retirés et

22 qu'ils allaient essayer de faire une percée pour lever le siège, parce

23 qu'il avait entendu dire que Vukovar était sur le point de tomber.

24 Q. Pour être plus précis, est-ce qu'il s'agit du 17 novembre ?

25 R. Le 17 novembre, j'ai été voir mes parents, et Vukovar est tombée le 18

26 novembre.

27 Q. Après être allé voir vos parents le 17, qu'est-ce que vous avez fait ?

28 R. Je suis reparti sur la position où je m'étais trouvé auparavant, et

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1 j'ai dit aux défenseurs que Vukovar était sur le point de tomber. Mais ils

2 ne m'ont pas cru, ceux qui étaient là. J'ai pris le téléphone pour appeler

3 d'autres endroits, pour voir ce qu'il fallait faire. Personne n'a répondu.

4 Personne n'a répondu à cet appel. Nous avons alors compris clairement que

5 tout le monde s'était retiré, et que Vukovar était en train de tomber.

6 Q. Est-ce que vous avez essayé d'effectuer une percée pour parvenir en

7 territoire libre ?

8 R. Non.

9 Q. Pourquoi est-ce que vous avez décidé de rester à Vukovar ?

10 R. J'avais peur d'essayer d'effectuer une percée. Nous étions cinq à

11 rester sur place. Il a été convenu que nous allions essayer de faire une

12 percée. Je leur ai dit que je n'allais pas le faire, qu'ils n'avaient qu'à

13 faire ce qu'ils voulaient. J'ai dit que j'allais utiliser les munitions sur

14 moi et que j'allais garder une balle pour moi au cas où les Chetniks

15 commençaient à s'approcher de la ville, à entrer dans la ville. Dans

16 l'intervalle, la situation a changé tout à fait, et c'est l'armée qui est

17 d'abord entrée.

18 Q. Le 18, qu'est-ce que vous avez fait ?

19 R. Cela s'est passé le 18 dans l'après-midi.

20 Q. Qu'avez-vous fait le 19 ?

21 R. Le 19, dans la matinée ou plutôt le matin, nous nous sommes mis en

22 route, alors qu'il faisait encore noir, en direction de l'hôpital.

23 Q. Pourquoi avoir décidé d'aller à l'hôpital ?

24 R. On ne savait pas où étaient nos parents, ou plutôt je ne savais pas où

25 étaient les miens. L'ami qui était avec moi avait laissé sa femme et ses

26 enfants dans la cave. Donc, nous nous sommes mis d'accord pour aller vers

27 l'hôpital pour voir s'ils étaient là. C'est pour cela qu'on s'est mis en

28 route vers l'hôpital.

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1 Q. Qu'est-ce que vous aviez comme armes à ce moment-là lorsque vous êtes

2 partis ?

3 R. Alors que je me suis mis en route vers l'hôpital, je n'avais pas

4 d'armes. Nous avions laissé nos armes dans la cave d'une maison.

5 Q. Le 19, alors que vous vous étiez mis en route vers l'hôpital, dans quel

6 état étaient les bâtiments que vous avez vus sur le chemin ?

7 R. Ces bâtiments étaient détruits. Je ne sais pas ce que je pourrais vous

8 dire d'autre pour décrire la situation. C'était horrible à voir.

9 Q. Q'est-ce que vous avez vu d'autre ?

10 R. Alors qu'on était en route pour aller dans le centre, nous avons vu des

11 corps qui gisaient dans les rues de Vukovar, abandonnés là, immobiles.

12 Q. Alors que vous étiez en route pour aller à l'hôpital, est-ce que vous

13 avez été arrêtés par un véhicule militaire ?

14 R. Oui.

15 Q. Combien y avait-il de soldats dans ce véhicule ?

16 R. Quatre.

17 Q. Qui est-ce qui est sorti du véhicule ?

18 R. M. Sljivancanin.

19 Q. Qu'est-ce qu'il vous a dit ?

20 R. Il nous a demandé où nous allions. Nous lui avons dit que nous allions

21 à l'hôpital. A ce moment-là, il a dit : "Bien, montez dans notre véhicule,

22 on va vous amener à l'hôpital."

23 Q. Vous êtes arrivés à l'hôpital. Quelle est la partie de l'hôpital que

24 vous pouviez voir ?

25 R. J'étais au portail, enfin nous étions au portail, à l'entrée. J'ai

26 regardé rapidement sur le bâtiment, j'ai vu une partie de l'entrée

27 principale, mais j'ai vu, disons, les côtés de l'hôpital.

28 Q. Est-ce que vous avez pu voir les deux premiers étages ?

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1 R. Oui.

2 Q. Dans quel était se trouvait l'hôpital, la partie de l'hôpital qu'il

3 vous a été possible de voir ?

4 R. C'était détruit.

5 Q. Pourriez-vous dire approximativement quelle heure il était à ce moment-

6 là, le matin du 19 novembre ?

7 R. Il devait être à peu près 6 heures du matin.

8 Q. Vous vous trouviez au portail. Pourriez-vous nous dire combien de

9 soldats vous avez vus?

10 R. Six.

11 Q. Est-ce que c'étaient des soldats de l'armée régulière, de la JNA ou

12 est-ce que c'étaient des paramilitaires ?

13 R. C'étaient des paramilitaires.

14 Q. Qu'est-ce que Sljivancanin leur a ordonné de faire ?

15 M. LUKIC : [interprétation] Objection.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

17 M. LUKIC : [interprétation] C'est une question vraiment très directrice

18 qu'est celle-là.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est vrai.

20 M. AGHA : [interprétation] Je peux la reformuler.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous devriez le faire. Soyez plus

22 prudent à l'avenir.

23 M. AGHA : [interprétation]

24 Q. Qu'est-ce que M. Sljivancanin a dit aux soldats de faire ?

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Même de cette façon-là, Monsieur Agha,

26 ce n'est pas bon.

27 M. AGHA : [interprétation]

28 Q. Est-ce que M. Sljivancanin a dit quoi que ce soit aux soldats ?

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1 R. Oui. Il leur a dit de nous surveiller et qu'il allait envoyer quelqu'un

2 qui devait nous ramener à Velepromet. Ils nous ont surveillés, nous ont

3 donné des cigarettes. Cela a duré une vingtaine de minutes. Puis, un blindé

4 transporteur de troupes est arrivé et nous a ramenés à Velepromet.

5 Q. Est-ce qu'en route vers Velepromet vous vous êtes arrêtés quelque part

6 ?

7 R. Oui. Ils nous ont demandé si on avait des armes. On a dit que oui. Ils

8 nous ont demandé où elles étaient ces armes. Nous leur avons dit où elles

9 étaient. Nous sommes allés à cet endroit où les armes étaient. C'était dans

10 la cave. Nous avons sorti les armes et nous les avons données.

11 Q. Puis, vous avez été emmenés à Velepromet. Qu'est-ce que c'est que

12 Velepromet ?

13 R. C'est un entrepôt, espèce de hangar. Après la chute de Vukovar, c'est

14 là qu'ont été rassemblés tous les civils.

15 Q. Qui vous a fouillés à Velepromet ?

16 R. Des paramilitaires.

17 Q. Où avez-vous été emmenés à Velepromet, et par qui, dans quelle partie

18 du hangar ?

19 R. Nous avons été emmenés dans la salle de la mort.

20 M. AGHA : [interprétation] Avant de poursuivre, je vais demander à M.

21 l'Huissier d'afficher à l'écran la pièce 59 à l'intention du témoin. C'est

22 toujours cette même carte.

23 Monsieur le Témoin, dites-nous, s'il vous plaît, quand vous voyez

24 cette carte. Vous voyez maintenant Velepromet qui est indiqué ainsi que la

25 caserne de la JNA. Quelle est la distance qui séparait Velepromet de la

26 caserne de la JNA ?

27 R. Il y avait à peu près 500 mètres de distance.

28 Q. Qui contrôlait à ce moment-là la caserne de la JNA ?

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1 R. Pas la moindre idée.

2 M. AGHA : [interprétation] Je n'ai plus besoin de cette carte. Je ne vais

3 pas demander son versement puisque cette pièce est déjà versée sous la cote

4 P59. La Chambre pourra y faire référence si elle le souhaite plus tard.

5 Q. Revenons à Velepromet. Vous dites, je pense, que vous avez été emmenés

6 dans la salle de la mort. Pourquoi on appelait cet endroit la salle de la

7 mort ?

8 R. Lorsque nous sommes arrivés à Velepromet, c'est là qu'ils nous ont

9 emmenés directement. Ils nous ont fouillé. Ils nous ont donné quelques

10 coups, puis ils nous ont jetés dans cette salle.

11 Q. Pourriez-vous nous dire à peu près combien de personnes ont fini par se

12 retrouver dans cette salle ?

13 R. Il y avait de 50 à 60 personnes.

14 Q. Vous êtes restés combien de temps à peu près dans cette salle ?

15 R. Trois jours.

16 Q. Est-ce que vous savez si des personnes ont été sorties de cette salle

17 et ont subi de mauvais traitements ?

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Agha, j'aimerais relever que

19 c'est une question, une fois de plus, très directrice, parce que je suppose

20 que c'est là un domaine très délicat dans lequel vous vous aventurez.

21 Alors, soyez prudent. Pesez bien les questions que vous posez au témoin sur

22 ce domaine.

23 M. AGHA : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

24 Q. Qu'est-il arrivé à certaines des personnes qui se trouvaient dans cette

25 pièce, dans cette salle ?

26 R. Je ne sais pas ce qui est arrivé, mais si quelqu'un quittait cet

27 endroit, il n'y revenait jamais.

28 Q. Est-ce que vous avez entendu des bruits lorsque ces gens ont quitté cet

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1 endroit, cette salle ?

2 R. Il y avait un policier. Il était assis à l'intérieur de la salle

3 lorsque nous y sommes arrivés. Il avait une plaie béante à la figure à

4 cause d'un coup de couteau. On lui a demandé ce qui s'était passé, comment

5 cela s'était passé. Il a dit qu'il a reçu un coup de couteau au visage.

6 Après un certain temps, on a appelé cet homme et il est ressorti pour

7 être interrogé. On a entendu le bruit de coups de pied qu'on lui a donnés.

8 Nous les avons entendus le frapper. Il les suppliait d'arrêter, mais ils

9 ont continué. Puis, on a entendu quelques bruits rauques et le silence a

10 suivi.

11 Q. Vous avez entendu le bruit de ces coups ainsi que ces bruits rauques.

12 Qu'est-ce que cela vous a fait comme impression ?

13 R. J'étais absolument effrayé. A l'époque, je n'avais que

14 17 ans. Je craignais le pire. Je craignais que quelqu'un ne me donne des

15 coups de couteau. C'est de cela que j'avais peur. Il n'y avait rien de

16 pire.

17 Q. Pourriez-vous nous dire quel jour cela s'est passé à peu près ?

18 R. Le 20, dans la matinée du 20.

19 Q. Est-ce qu'à un moment donné on vous a fait sortir, vous, de cette salle

20 ?

21 R. Non, pas cette fois-là, mais plus tard, on nous a fait sortir.

22 Q. Qui vous a fait sortir ?

23 R. Cet homme s'est présenté en disant qu'il était policier. Pour moi,

24 c'était un paramilitaire de la police militaire. Il m'a fait sortir en même

25 temps que neuf autres personnes.

26 Q. Lorsqu'il vous a fait sortir, qu'est-ce qui allait vous arriver,

27 d'après vous ?

28 R. Je craignais le pire. Je me suis dit qu'on allait être interrogé un

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1 après l'autre et qu'on n'en ressortirait jamais vivant.

2 Q. Où est-ce qu'on vous a emmenés ?

3 R. Ils nous ont emmenés dans différentes salles.

4 Q. Vous étiez combien ?

5 R. On était 20.

6 Q. Qui vous a interrogés ?

7 R. A ce moment-là, personne ne nous a interrogés. Ce membre de la police

8 militaire s'est approché de moi, il m'a demandé quel genre d'armes j'avais.

9 Je lui ai répondu que j'avais eu un fusil. Il m'a demandé combien d'hommes

10 j'avais tués, combien d'enfants serbes j'avais abattus, combien d'oreilles

11 serbes j'avais prises pour m'en faire un collier, et combien de doigts

12 j'avais coupés pour m'en faire un collier. Je lui ai dit que je n'avais

13 rien fait de ce genre, et que jamais je n'aurais pu faire ce genre de

14 choses.

15 Q. Qui observait cet interrogatoire ?

16 R. Tous ceux qui se trouvaient derrière moi, ces 19 personnes, les

17 défenseurs.

18 Q. Qu'est-il arrivé à vos mains pendant cet interrogatoire ?

19 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic.

21 M. VASIC : [interprétation] Il me semble bien que là encore, c'est une

22 question directrice tout comme la question précédente qui elle aussi a été

23 une question directrice.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] En particulier celle qui concerne les

25 mains, attirant l'attention sur la manière dont on a traité les mains et je

26 ne considère pas qu'il s'agit là d'une question directrice. Mais les

27 questions précédentes l'ont été, en particulier la question qui a été

28 formulée comme suit : qui vous a interrogé ? Alors que, M. Agha, à ce

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1 point-là, il n'a pas encore été question d'interrogatoire.

2 Il vous faudra faire davantage attention à la manière dont vous

3 formulez vos questions.

4 M. AGHA : [interprétation] Je vous présente mes excuses. J'essaie d'avancer

5 rapidement.

6 Q. Qu'est-il arrivé à vos mains pendant cet interrogatoire ?

7 R. A partir du moment où il m'a dit tout cela, il m'a dit aussi : "Mais si

8 tu ne l'as pas fait, alors qui a tué tous nos soldats ?" Ensuite, il s'est

9 mis à m'injurier, à injurier ma mère oustachi, et il a dit qu'on n'allait

10 pas s'en tenir là et qu'on allait s'occuper de nous, les Oustacha. Il a

11 demandé des menottes. Comme il n'y avait pas de menottes, il m'a attaché

12 les mains derrière le dos avec du fil de fer.

13 Q. Y avait-il quelqu'un d'autre qui est arrivé pendant cette période-là ?

14 R. Oui, un autre membre des forces paramilitaires est venu. Le policier

15 militaire lui a dit que j'étais membre de la ZNG. Ensuite, Topola, comme on

16 l'appelait, m'a donné une balle pour que je l'avale. Il m'a dit que c'était

17 son anniversaire. Entre-temps, il est parti. Il a jeté un coup d'œil sur

18 ces 19 personnes qui étaient avec moi. Il est revenu et il a dit : "Tiens,

19 je te donne une balle de plus en te souhaitant bon voyage." Cette balle-là,

20 j'ai dû l'avaler elle aussi.

21 Q. Qui d'autre regardait cela ?

22 R. Les 19 personnes, toutes.

23 Q. Ce paramilitaire, que vous a-t-il fait d'autre ?

24 R. Quand il m'a donné ces balles à avaler, il m'a asséné un coup à la

25 tête. Il a injurié ma mère oustachi et il disait : "Tu l'as mérité." Comme

26 il n'avait plus de balles dans sa poche, il a fait demi-tour et il est

27 parti.

28 Q. Je voudrais que l'on parle à présent de la période où vous vous êtes

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1 retrouvés de nouveau dans la salle après cet interrogatoire. A un moment

2 donné, est-ce qu'on vous a relâchés de cette salle de la mort ?

3 R. Non, on nous y a ramenés.

4 Q. A partir du moment où on vous a ramenés là-dedans, est-ce qu'on vous a

5 laissés sortir de la salle de la mort ? Est-ce qu'on vous a relâchés de

6 là ?

7 R. Ils ne nous ont pas relâchés tant que notre nombre n'est pas devenu

8 trop petit, car sur les 50 ou 60 hommes, on n'était plus que 38.

9 Entre-temps, un capitaine paramilitaire est arrivé, du moins c'est

10 comme cela qu'il s'est présenté. Il a dit qu'il allait nous ramener à la

11 caserne, car les Chetniks avaient égorgé trop de gens.

12 Q. Vous dites que vous n'étiez plus que 38 sur les 50 ou 60. Qu'est-il

13 advenu des autres ?

14 R. Ils les ont sortis de la salle et ils leur ont fait subir de mauvais

15 traitements. Devant, on a tout entendu. Après, on les a emmenés et ils ne

16 sont plus jamais revenus.

17 Q. Vous dites que ce capitaine paramilitaire est venu et qu'il vous a fait

18 sortir de la pièce. Comment est-ce qu'il a pu faire cela ?

19 R. Je ne sais pas comment il a pu le faire, mais tout simplement, pendant

20 que nous étions dehors, nous étions debout là-bas, il a dit aux autres, à

21 ces hommes de l'armée de faire attention, de ne toucher à personne et qu'on

22 allait être déménagés à la caserne, que ce qui s'était passé, que cela ne

23 pouvait pas se terminer de cette manière-là.

24 Q. Vous êtes arrivés à la caserne de la JNA. A partir de ce moment-là, où

25 vous a-t-on amenés ?

26 R. Ils nous ont amenés à bord d'un véhicule à Sremska Mitrovica.

27 Q. C'était quel genre d'endroit ?

28 R. C'est une prison civile.

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1 Q. Comment vous a-t-on traités à votre arrivée ?

2 R. Pendant notre arrivée à bord de l'autocar, la situation était normale.

3 Quand on est arrivé à Mitrovica, dans la prison elle-même, alors là, ils

4 nous ont fait descendre de l'autocar, et ils nous ont dit qu'il fallait

5 qu'on passe entre deux rangées d'hommes. Des deux côtés, il y avait sept à

6 huit policiers. Là, ils nous ont battus pendant qu'on passait entre les

7 rangées. Ils se servaient de leurs mains, de leurs pieds et de leurs

8 matraques. Ils nous injuriaient, notre mère oustachi. Ils disaient qu'on

9 était des enfoirés de Franjo Tudjman qui nous a entraînés à faire tout

10 cela, et qu'on allait en connaître de belles.

11 Q. Est-ce qu'il est arrivé un moment où on vous a emmenés pour vous faire

12 subir un interrogatoire ?

13 R. Pendant qu'on était allongé au stade et qu'on avait les mains sur la

14 nuque et la tête contre le béton, ils nous ont demandé où on a été, ce

15 qu'on a fait, tout un chacun. Naturellement, on disait ce qu'on a fait et

16 où on s'est trouvé pendant qu'ils nous battaient là et qu'ils nous

17 interrogeaient, après ils nous ont emmenés dans une salle. Là, ils nous

18 enlevaient tous les vêtements pour qu'on se retrouve complètement nu. Ils

19 vérifiaient si on n'avait pas de couteaux ou d'autres pièces d'armement.

20 Là, ils nous ont battus. Une fois sortis de la salle, ils nous ont

21 transférés tout près de la prison. Là, ils nous ont dit de nous allonger

22 sur le gazon, à même le sol, de garder nos mains sur la nuque et la tête

23 contre la terre.

24 Q. Pendant que vous étiez dans cette prison, à un moment donné, vous a-t-

25 on demandé d'écrire quelque chose ?

26 R. Non. Jusqu'à ce qu'on rentre dans la prison elle-même, on n'a fait

27 aucune déclaration. On n'a rien écrit. C'était plutôt le

28 20 janvier, lorsque j'ai été emmené pour être interrogé, là j'ai rédigé une

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1 déclaration.

2 Q. Vous avez écrit combien de déclarations ?

3 R. Une.

4 Q. Dans quelle mesure était-elle véridique ?

5 R. Elle n'est pas véridique du tout.

6 Q. Pourquoi n'avez-vous pas donné une déclaration véridique ?

7 R. Pendant tout ce temps, ils nous disaient qu'on avait tué nombreux de

8 leurs hommes - je ne sais pas exactement combien - et que tous ceux que

9 nous avons tués, qu'il fallait qu'on écrive cela. Je ne voyais pas pourquoi

10 j'allais écrire où j'ai combattu, contre qui j'ai combattu et ce que

11 j'avais comme armement. Je ne voulais pas le lui dire, car si je le lui

12 avais dit. Alors ils m'auraient maltraité encore davantage.

13 Q. Vous êtes restés à peu près combien de temps à la prison de Sremska

14 Mitrovica ?

15 R. Quatre mois et demi.

16 Q. Lorsqu'on vous a relâchés, est-ce qu'on ne vous a jamais dit quelque

17 chose ?

18 R. A la sortie, quand on sortait, ils nous ont dit qu'on allait être

19 échangés et qu'il fallait qu'on prépare nos affaires. Quand on montait à

20 bord des autocars, là ils nous ont dit qu'on allait être échangés. De

21 Mitrovica à Nemetin, le voyage n'a pas été agréable, parce qu'il fallait

22 qu'on garde les mains dans le dos et aussi la tête en bas, entre les

23 genoux. Puis, à Nemetin, quelques centaines de mètres avant l'échange, il

24 est monté à bord de l'autocar, un homme qui s'est présenté comme un

25 capitaine. Il a dit : "Si on vous capture à nouveau, si vous tombez encore

26 une fois entre nos mains, les conventions de Genève ne vous sauveront pas

27 cette fois-là." Il a dit qu'ils avaient le droit de nous tuer à ce

28 moment-là.

Page 2972

1 M. AGHA : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser à ce témoin.

2 J'en ai terminé avec mon interrogatoire principal.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

4 Maître Vasic ?

5 Contre-interrogatoire par M. Vasic :

6 M. VASIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à

7 toutes les personnes présentes dans le prétoire.

8 Q. [interprétation] Bonjour, Témoin. Je vais me présenter. Je suis l'avocat

9 Miroslav Vasic, l'un des Défenseurs de M. Mrksic. Puisque nous parlons tous

10 les deux une langue que nous comprenons, je vais vous demander de faire une

11 petite pause après ma question, et de ne commencer vos réponses que plus

12 tard pour donner le temps aux interprètes d'interpréter ce que nous disons,

13 et pour que les autres parties puissent suivre et savoir de quoi nous

14 parlons. Vous bénéficiez de mesures de protection. Ceci nous permettra

15 aussi d'éviter qu'on entende votre voix qui risque d'être captée par mon

16 microphone. Je vais vous demander de faire une petite pause après chacune

17 de mes questions.

18 Tout d'abord, je voudrais vous poser une question technique. En juin 1995,

19 avez-vous fait une déclaration aux enquêteurs du bureau du Procureur de La

20 Haye ?

21 R. Oui.

22 Q. On a tapé cette déclaration. Par la suite, on vous la présentée. On

23 vous en a donné lecture dans une langue que vous comprenez, et par la

24 suite, vous l'avez signée; est-ce bien

25 cela ?

26 R. Oui.

27 Q. Merci. Aujourd'hui, vous nous avez dit où vous êtes né, quel a été

28 votre travail. Nous savons quand vous êtes né. Puisque vous étiez mineur au

Page 2973

1 moment, comme vous le dites, trouvé un emploi, j'aimerais savoir si c'était

2 un emploi permanent, si vous avez signé un contrat de travail ? De quel

3 genre de travail il s'est agi ?

4 R. J'étais un ouvrier saisonnier.

5 Q. Merci. Vous avez parlé de la composition de la population dans le

6 secteur où vous viviez. Ce que j'aimerais savoir, c'est si parmi vos

7 fréquentations, si parmi les gens que vous voyiez, il y avait des membres

8 de différents groupes ethniques ?

9 R. Oui.

10 Q. Parmi vous, je suppose que les relations sont restées très bonnes

11 pendant toute cette période qui a précédé le conflit de Vukovar ?

12 R. Oui.

13 Q. Les relations que vous aviez avec des amis d'une autre appartenance

14 ethnique, est-ce qu'elles se sont détériorées à un moment donné ?

15 R. Oui.

16 Q. Pourriez-vous nous dire pour quelle raison ?

17 R. Parce que j'ai été dans le camp. Parce que j'ai été à Velepromet.

18 Q. Merci. Ma question concernait la période qui a précédé le début du

19 conflit à Vukovar. Est-ce que pendant ce temps-là, il y a eu des problèmes

20 dans les relations entre vous et vos amis ?

21 R. Pendant la guerre, avant la guerre ou après la guerre ?

22 Jusqu'à avant la guerre, j'avais des amis parmi les Serbes, les Albanais.

23 Tout cela a duré jusqu'à ce que la guerre n'éclate.

24 Q. Pouvez-vous nous dire, s'il vous plaît, à quel moment, d'après vous, la

25 guerre a commencé ?

26 R. Le 27, le 28 août 1991.

27 Q. Après la guerre, vous n'aviez plus d'aussi bonnes relations avec vos

28 amis Serbes et Albanais ?

Page 2974

1 R. Ils ne sont plus en Croatie; ils l'ont quittée. Ils sont partis

2 s'installer ailleurs.

3 Q. Pouvez-vous nous dire si vous savez à quel moment ils ont quitté la

4 Croatie ?

5 R. Dès qu'ils ont eu les papiers croates, dès que l'accord a été signé.

6 Q. Pendant le conflit armé, ils étaient en Croatie ?

7 R. Oui.

8 Q. Savez-vous qu'au printemps 1991, des membres du groupe ethnique serbe

9 se sont mis à quitter leurs maisons de Vukovar ?

10 R. Je ne l'ai pas remarqué, parce que je me rendais dans un village qui se

11 situait à côté de Vukovar. Donc, j'allais dans ce village, au travail, et

12 c'est tout. Je n'allais pas dans la ville de Vukovar. (expurgé)

13 (expurgé)

14 Q. Je vais juste vous demander une chose. S'il y a quoi que ce soit dans

15 votre réponse qui risque de révéler votre identité, je vous prie d'en tenir

16 compte pendant que nous sommes en audience publique. Je vais faire en sorte

17 que toutes mes questions qui portent là-dessus soient portées à huis clos

18 partiel.

19 Maintenant, j'aimerais savoir si vous connaissez un homme qui

20 s'appelle Tomislav Mercep ?

21 R. Je ne le connais pas personnellement, mais indirectement oui.

22 Q. En vous basant pas la source qui vous a permis d'en entendre parlé,

23 est-ce que vous avez appris aussi quelles ont été ses fonctions au

24 printemps et à l'été 1991 ?

25 R. Non.

26 Q. N'avez-vous jamais entendu dire qu'il mettait sur pied des unités

27 armées à Vukovar et à Bogdanovci ?

28 R. J'ai entendu dire cela au sujet de Bogdanovci, mais je n'ai pas entendu

Page 2975

1 cela pour Vukovar ?

2 Q. Avez-vous entendu dire que le 10 mars 1991, Tomislav Mercep a passé en

3 revue des unités du village de Bogdanovci ?

4 R. Non.

5 Q. Savez-vous qu'à un moment donné, Tomislav Mercep a été le commandant de

6 la défense de la ville de Vukovar ?

7 R. Non.

8 Q. Cette information, vous ne l'avez même pas eue au moment où vous avez

9 été membre du Corps de la Garde nationale ?

10 R. Plus tard, j'ai entendu parler de lui, mais pas jusqu'à ce moment-là.

11 Q. Revenons maintenant au mois de mai 1991. Mon confrère vous a posé des

12 questions auxquelles vous avez répondu en parlant des événements de Borovo

13 Selo. Est-ce que vous savez que le 2 mai 1991, plusieurs dizaines des

14 membres du MUP de Croatie sont entrés dans Borovo Selo suite aux entretiens

15 qui s'étaient déroulés sur un plan politique et qui ont permis de lever les

16 barrages à l'entrée du village ?

17 R. Pour autant que je le sache, 12 policiers sont allés là-bas et ont

18 perdu leur vie. Ils ont été tués. Je ne sais rien d'autre.

19 Q. Vous ai-je bien compris ? En fait, vous dites que vous avez entendu

20 dire que tous les policiers qui sont allés là-bas - il n'y en avait que 12

21 - que tous ces policiers ont été tués ?

22 R. Je ne sais pas quel a été le nombre de policiers qui y sont allés.

23 D'après ce que j'ai compris, ils ont été au nombre de 12 et ils ont tous

24 été tués. Moi-même, je n'y ai pas été.

25 Q. Oui, je sais. Vous avez dit que vous n'y étiez pas. Ce que je souhaite

26 savoir, c'est est-ce que vous n'avez jamais entendu dire que le conflit à

27 Borovo Selo a été arrêté, parce que les unités de la JNA se sont placées

28 entre les forces de la population locale à Borovo Selo et les membres du

Page 2976

1 MUP croate, et que c'est ainsi qu'elles ont empêché qu'il y ait plus de

2 victimes ? Avez-vous entendu parler de cela ?

3 R. Non.

4 Q. Avez-vous entendu dire qu'au mois de juin 1991, certaines personnes,

5 habitants de Vukovar, d'appartenance ethnique serbe, ont commencé à

6 disparaître ?

7 R. Non.

8 Q. Avez-vous entendu des explosions dans la ville de Vukovar à cette

9 époque-là et aussi à Borovo Naselje si jamais vous y alliez ?

10 R. J'ai entendu des détonations, mais je ne savais pas de quelle partie de

11 la ville elles provenaient.

12 Q. Avez-vous entendu dire qu'il s'agissait des kiosques de la maison de

13 publication de quotidiens Borba qui explosaient de même que les maisons

14 appartenant aux Serbes ?

15 R. D'après mes connaissances, c'est d'abord le kiosque de Vjesnik qui a

16 sauté, et seulement après celui de Borba.

17 Q. Avez-vous entendu parler des maisons ?

18 R. Non.

19 Q. Avez-vous entendu des histoires selon lesquelles, au cours du mois de

20 juillet 1991, à Borovo Selo, une action visant à clarifier le village, à

21 purifier le village des habitants serbes a été menée ?

22 R. Non.

23 Q. A cette époque-là, vous étiez déjà membre du Corps de la Garde

24 nationale, n'est-ce pas ?

25 R. Oui, mais pas tout au long de la journée, seulement la nuit.

26 Q. Vous étiez membre du Corps de la Garde nationale seulement pendant la

27 nuit ? Ai-je bien compris ?

28 R. Oui.

Page 2977

1 Q. Pourriez-vous nous clarifier cela quelque peu ?

2 R. Je ne montais la garde que la nuit dans le bâtiment.

3 Q. Pendant ce temps-là, pendant que vous montiez la garde, vous étiez

4 armé, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, le moment est peut-être

7 opportun pour procéder à une pause.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Vasic.

9 Il faudra procéder à une ou deux expurgations. Donc, nous aurons une

10 pause d'une demi-heure.

11 --- L'audience est suspendue à 10 heures 19.

12 --- L'audience est reprise à 10 heures 53.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Vasic.

14 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

15 Q. Poursuivons la conversation que nous avons eue avant la pause. Savez-

16 vous où se trouve la caserne à Vukovar ?

17 R. Oui.

18 Q. Savez-vous qu'en été 1991, cette caserne était bloquée par les membres

19 de la Garde nationale ?

20 R. Non.

21 Q. Avez-vous entendu dire que suite à l'ordre donné par le commissaire du

22 gouvernement de Croatie pour Vukovar, l'électricité et l'eau ont été

23 coupées à la caserne de même que les lignes téléphoniques ?

24 R. J'ai entendu dire que leur électricité et leur eau ont été coupées mais

25 je ne sais pas qui avait donné l'ordre.

26 Q. Savez-vous que suite à cela la caserne a été exposée aux attaques des

27 membres de la Garde nationale, attaques d'armes légères et de mortiers ?

28 R. Non.

Page 2978

1 Q. Avez-vous entendu dire que les membres de la JNA ont été attaqués au

2 bureau de poste de la JNA et qu'on a tiré sur eux au moment où ils sont

3 venus retirer l'argent pour la caserne ?

4 R. Non.

5 Q. Très bien. Dites-moi, comment avez-vous eu l'idée, au mois de mai,

6 d'intégrer les rangs du Corps de la Garde nationale après les événements de

7 Borovo Selo ?

8 R. Puisqu'ils se sont fait tués, je souhaitais me porter volontaire dans

9 les rangs du Corps de la Garde nationale en tant que réserviste afin de

10 défendre mon pays, ou plutôt de défendre ma ville.

11 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que pendant la période pendant

12 laquelle vous vous êtes porté volontaire, comme vous dites, pour rejoindre

13 les rangs du Corps de la Garde nationale, qu'il n'y avait pas de conflits à

14 Vukovar suite à l'incident de Borovo

15 Selo ?

16 R. Jusqu'à ce que les policiers ne se soient fait tués, il n'y a pas eu de

17 conflits du tout, ou plutôt peut-être il y en a eus ou peut-être pas. Je ne

18 sais pas vraiment, car je ne sortais pas dans la ville mais dans le

19 village. Lorsque les membres du MUP se sont faits tués, je me suis

20 présenté auprès des membres du ZNG. Avant cela, je n'avais pas entendu

21 parler de conflits entre les Croates et les Serbes dans la ville.

22 Q. Très bien. A partir du moment où vous vous êtes présenté auprès de la

23 Garde nationale et par la suite au mois de mai, juin, juillet, août, y a-t-

24 il eu des conflits à Vukovar ?

25 R. Je ne sais pas, je ne m'en souviens pas.

26 Q. A la question de mon éminent collègue, vous nous avez dit que le

27 conflit a commencé le 27 août 1991 ?

28 R. Oui, le 27, 28 août 1991.

Page 2979

1 Q. C'est justement la raison pour laquelle je vous ai demandé si vous

2 seriez d'accord avec moi pour dire qu'au moment où vous avez intégré le

3 Corps de la Garde nationale, il n'y a pas eu de conflits à Vukovar puisque

4 le conflit dont vous parlez a eu lieu le 2 mai à Borovo Selo. Après cela,

5 il n'y a plus eu de conflits. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour

6 dire cela, et ce, jusqu'en

7 août 1991 ?

8 R. Je ne sais pas. Je ne me souviens pas de tout. Cela s'est passé il y a

9 longtemps.

10 Q. Je vous crois. Est-ce que vous pouvez nous dire, lorsque vous avez pris

11 la décision de rejoindre les rangs du Corps de la Garde nationale, où êtes-

12 vous allé ? Où est-ce que vous vous êtes présenté ?

13 R. Je suis allé auprès de Josip Tomasic [phon]. Il m'a dit qu'il n'allait

14 pas me recevoir car j'étais trop jeune. Au bout de quelques jours, je suis

15 allé le voir de nouveau, et à ce moment-là, il m'a reçu.

16 Q. Où était ce monsieur lorsque vous alliez le voir ?

17 R. Dans sa maison.

18 Q. Est-ce que sa maison était à Sajmiste ?

19 R. Non.

20 Q. Pourriez-vous nous dire dans quelle partie de Vukovar se trouvait sa

21 maison ?

22 R. Juste en face de mon immeuble.

23 Q. Est-ce que le monsieur dont vous parlez tenait des listes des membres

24 de la Garde nationale ?

25 R. Je ne sais pas.

26 Q. Comment savez-vous qu'il vous a reçu, qu'il vous acceptait alors ?

27 R. Il m'a dit de rentrer chez moi, et que le soir, il allait me téléphoner

28 pour me dire où nous allions nous rencontrer.

Page 2980

1 Q. Vous a-t-il dit qu'il fallait utiliser un mot de passe, un code ou est-

2 ce qu'il vous a dit le nom de la personne qui allait vous contacter ?

3 R. Il ne m'a rien dit. Il ne m'a pas parlé de code, mais il m'a dit qu'il

4 fallait que l'on se rencontre à un certain endroit et à un certain moment.

5 Q. Saviez-vous à ce moment-là qui vous appelait ?

6 R. Oui.

7 Q. Avez-vous rencontré cette personne à un moment donné, à un lieu donné ?

8 R. Oui.

9 Q. A ce moment-là, lorsque vous l'avez rencontrée, cette personne vous a

10 donné des armes et des équipements militaires, n'est-ce pas ?

11 R. Non.

12 Q. Dites-nous alors qu'est-ce qui s'est passé lorsque vous l'avez

13 rencontré ?

14 R. Il m'a dit : Je te donne mon pistolet. Reste là. Monte la garde, car

15 nous n'avons pas d'armes. Elles ne sont pas arrivées, les uniformes non

16 plus.

17 Q. Est-ce qu'il vous a donné des instructions de quelle manière il fallait

18 que vous montiez la garde ? Qu'est-ce que cela voulait dire au juste ?

19 R. Il m'a dit qu'il fallait que je fasse très attention pour que les

20 véhicules de transport de troupes, les voitures et les militaires ne

21 commencent à descendre de la caserne vers Slavija.

22 Q. Est-ce qu'il vous a dit quelque chose au sujet des militaires qui

23 étaient dans leurs appartements ?

24 R. Il ne m'a rien dit.

25 Q. Si je vous ai bien compris, vous montiez la garde dans la rue, n'est-ce

26 pas ?

27 R. Oui, dans le bâtiment.

28 Q. Vous étiez dans le bâtiment ou dans la rue puisqu'il fallait que vous

Page 2981

1 observiez l'arrivée des voitures. Je suppose que vous deviez être à

2 l'extérieur du bâtiment pour remarquer cela ?

3 R. Le bâtiment donne sur la rue, et la route de la caserne passe juste à

4 côté de l'immeuble.

5 Q. Est-ce que cela veut dire qu'il y avait une fenêtre à travers de

6 laquelle vous pouviez voir la rue ?

7 R. Non.

8 Q. Comment avez-vous pu observer qui passait dans la rue ?

9 R. Je me tenais à l'entrée.

10 Q. Est-ce qu'avant de recevoir les armes, avez-vous eu un entraînement

11 s'agissant de la manière dont il fallait manier les armes, entraînement

12 organisé par la ZNG ?

13 R. Non.

14 Q. Vous avez dit dans votre déclaration que vous n'avez pas fait votre

15 service militaire au sein de la JNA. Saviez-vous manier les armes au moment

16 où vous avez pris le pistolet ?

17 R. Je n'avais pas fait mon service militaire dans la JNA puisque j'étais

18 trop jeune. L'arme, le monsieur me l'avait donnée, il m'avait expliqué

19 comment il fallait la manier.

20 Q. Est-ce que vous pouvez me dire pourquoi vous aviez besoin d'un pistolet

21 dans le cadre de la mission qui vous avait été

22 confiée ?

23 R. Pour que je n'aie pas les mains vides simplement.

24 Q. Le pistolet était chargé, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

26 Q. Avez-vous reçu l'ordre de tirer dans certaines situations depuis ce

27 poste de garde que vous occupiez ?

28 R. Non.

Page 2982

1 Q. Vous avez dit que vous étiez mineur au moment où vous avez intégré les

2 rangs du ZNG. Est-ce qu'il y avait d'autres mineurs dans les rangs du ZNG à

3 l'époque ?

4 R. Je ne sais pas, car nous n'avions pas une caserne nous permettant

5 d'être tous ensemble.

6 Q. Vous nous avez dit que votre frère a rejoint les rangs du Corps de la

7 Garde nationale. Est-ce qu'il l'a fait au même moment que vous, avant ou

8 après ?

9 R. Quelques jours avant moi, il a rejoint les rangs du Corps de la Garde

10 nationale.

11 Q. Etait-il d'un âge adulte, majeur au moment où il a rejoint les rangs du

12 ZNG ?

13 R. Oui.

14 Q. Il a combien d'années de plus que vous ?

15 R. Deux ans.

16 Q. Vous nous avez dit, qu'à ce moment-là, vous avez reçu un pistolet. A la

17 question de mon éminent collègue, vous avez dit, qu'à un moment donné, vous

18 aviez un fusil. Est-ce que vous pouvez nous dire à quel moment vous avez

19 reçu ce fusil ?

20 R. J'ai reçu le fusil lorsque la guerre de Vukovar a éclaté

21 officiellement.

22 Q. Qui vous a donné ce fusil et où ?

23 R. Le monsieur dont je vous ai parlé.

24 Q. Le monsieur qui vous avait accueilli, accepté dans les rangs du Corps

25 de la Garde nationale, n'est-ce pas ?

26 R. Oui.

27 Q. Où avez-vous obtenu cette arme, ce fusil ?

28 R. Chez lui, dans sa maison.

Page 2983

1 Q. Compte tenu le fait que vous étiez mineur, est-ce que quelqu'un vous a

2 dit, qu'à ce moment-là, le fait de rejoindre les rangs d'une telle

3 formation paramilitaire était contraire à la constitution de la RSFY ?

4 R. Non.

5 Q. Est-ce qu'à ce moment-là vous saviez que le fait d'intégrer une telle

6 organisation et de porter les armes constituait un délit de participation à

7 une émeute armée, sanctionnée par la loi de l'époque de la RSFY, par le

8 code pénal ?

9 R. Non.

10 Q. Dites-moi, jusqu'au 27 août ou 28 août, quelles étaient vos tâches en

11 tant que membre du Corps de la Garde nationale ?

12 R. J'y travaillais pendant la journée et je montais la garde la nuit.

13 Q. Est-ce qu'il vous est arrivé d'entendre dire que parmi les membres du

14 Corps de la Garde nationale, les groupes s'étaient organisés ou avaient été

15 organisés, qui devaient exécuter des gens la nuit ?

16 R. Non.

17 Q. Dites-moi, à quel moment avez-vous rejoint ou intégré les rangs de

18 l'unité du Corps de la Garde nationale ?

19 R. J'ai rejoint les forces de réserve du Corps de la Garde nationale, ZNG,

20 le 3 mai 1991.

21 Q. Oui. Mais là, vous pensez à ce Corps de la Garde nationale, ZNG. Je

22 veux savoir maintenant à quel moment vous avez commencé à servir dans une

23 unité du Corps de la Garde nationale ?

24 R. Le 27 août.

25 Q. Est-ce que quelqu'un vous a invité à rejoindre ces effectifs ? Si c'est

26 le cas, pourriez-vous nous dire à quel endroit vous avez rejoint une unité

27 du Corps de la Garde nationale ?

28 R. Personne ne m'a invité à le faire. Le pilonnage de la ville avait

Page 2984

1 commencé. En fait, il y avait eu des bombardements par avion de la ville.

2 Je suis allé dans un sous-sol, dans une cave. Il s'est écoulé une certaine

3 période de temps, après quoi, cette même personne m'a dit que je devais

4 rassembler mes effets personnels et aller au front.

5 Q. Auparavant, est-ce que vous avez entendu dire que le

6 24 août, deux avions des forces armées avaient été abattus au-dessus de

7 Borovo Naselje ?

8 R. J'ai entendu dire que des avions avaient été abattus, mais je ne sais

9 pas quel jour cela s'était passé et où cela avait été.

10 Q. Je vais maintenant vous poser des questions concernant la ligne de

11 front où vous vous êtes trouvé. Si ceci est susceptible de révéler votre

12 identité, dites-le moi. A ce moment-là, nous pourrons passer à huis clos

13 partiel.

14 R. Posez vos questions.

15 Q. Merci. Vous avez déclaré que vous étiez parti sur la ligne de front

16 avec ce monsieur que vous avez mentionné, là sur la ligne de démarcation.

17 Où se trouvait cette ligne, le 27 août ?

18 R. C'était l'école élémentaire de Stjepan Supanc.

19 M. VASIC : [interprétation] Peut-on montrer au témoin la pièce 59. Il

20 s'agit là de la carte numéro 6. Mon estimé confrère de l'Accusation a déjà

21 présenté aujourd'hui cette carte au témoin.

22 Q. Vous voyez maintenant cette carte ?

23 R. Oui.

24 M. VASIC : [interprétation] Monsieur l'Huissier, veuillez donner un feutre

25 au témoin. Il pourra tracer sur la carte la ligne telle qu'elle se

26 présentait le 27 août 1991. Est-ce qu'on peut faire un plan rapproché pour

27 voir le centre de la ville.

28 Monsieur le Témoin, je vais vous demander d'indiquer par une croix

Page 2985

1 l'endroit où se trouvait la ligne, là où était déployée votre unité.

2 R. Oui, je vais le faire.

3 Q. Vous avez entouré d'un cercle un endroit auquel vous avez apposé la

4 lettre A.

5 R. Oui.

6 Q. Dites-nous, est-ce que vous savez où se trouvaient d'autres unités du

7 Corps de la Garde nationale dans la même zone ? Je parle de la zone où vous

8 étiez vous-même mais aussi dans le quartier qui s'appelle Sajmiste.

9 R. Non. Je n'avais pas d'information à ce propos.

10 Q. Est-ce que vous avez changé de position ? Est-ce que l'endroit de

11 déploiement votre unité a été modifié - je veux dire pendant qu'il y a eu

12 des combats durant l'opération de Vukovar ?

13 R. Non.

14 Q. Je vous remercie. Nous n'aurons plus besoin de la carte, mais j'en

15 demande le versement, Madame et Messieurs les Juges.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La carte est versée au dossier.

17 M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie.

18 Q. Le 27 août 1991, vous avez pris position à l'école élémentaire.

19 Pourriez-vous nous dire combien de membres ont été déployés à cet endroit à

20 ce moment-là ?

21 R. Il y en avait huit.

22 M. LE GREFFIER : [interprétation] La dernière carte sera versée sous la

23 cote 132.

24 M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie.

25 Q. Est-ce que c'étaient des positions sécurisées au sens militaire ?

26 R. Oui.

27 Q. Vous avez creusé des tranchées, vous avez installé des sacs de sable,

28 vous aviez aussi des abris ?

Page 2986

1 R. Oui.

2 Q. En plus de cela, vous aviez un poste d'observation, n'est-ce pas, selon

3 votre position ?

4 R. Non.

5 Q. Il est peut-être préférable de passer à huis clos partiel, Monsieur le

6 Président, car j'ai l'intention de demander au témoin quels étaient les

7 autres membres de l'unité outre lui-même, bien entendu.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

9 partiel, Monsieur le Président.

10 [Audience à huis clos partiel]

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18 [Audience publique]

19 M. VASIC : [interprétation]

20 Q. Vous avez dit qu'à un moment donné vous avez entendu dire que Tomislav

21 Mercep était le commandant de la défense de la ville. Quand avez-vous

22 entendu dire cela pour la première fois ?

23 R. Cela doit être au mois de septembre ou au mois d'octobre.

24 Q. Tomislav Mercep a été rappelé à Zagreb après cela, est-ce que vous avez

25 entendu dire que le commissaire, Marin Vidic, avait la responsabilité de la

26 défense de la ville ?

27 R. Je ne m'en souviens pas.

28 Q. Est-ce que vous vous souvenez qu'à un moment donné, Mile Dedakovic,

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1 surnommé Jastreb, était commandant de la défense de la ville ?

2 R. J'ai entendu quelque chose de ce goût-là, mais je ne me souviens pas

3 quand, au cours de quel mois. Je n'avais pas à savoir qui était là ou qui

4 n'y était pas. Je n'avais qu'à m'occuper de la ligne de front et le

5 commandant se chargeait de tout le reste.

6 Q. Est-ce que cela veut dire que vous ne saviez pas d'où venaient les

7 ordres, les ordres qui parvenaient à votre unité ?

8 R. Non.

9 Q. Est-ce que vous savez que pendant les opérations de combat, en plus du

10 Corps de la Garde nationale et des unités du MUP, il y avait aussi

11 participation, à ces actions de combat, d'unités du HOS ?

12 R. Non. Je ne le savais pas.

13 Q. Pendant toute la durée de ces actions de combat, sur la ligne où se

14 trouvait votre position, jamais vous n'avez rencontré un seul membre du

15 HOS ? C'est ce que vous dites ?

16 R. Oui, pas un seul.

17 Q. Stjepan Rados, vous connaissez cet homme ?

18 R. Non. Ce nom ne me dit rien.

19 Q. Pendant le temps où vous êtes resté sur la ligne de front, est-ce qu'à

20 un moment quelconque vous avez entendu dire que l'état-major principal de

21 défense de Vukovar et tous ses membres étaient partis de Vukovar ?

22 R. Non.

23 Q. Qu'en est-il de la route qui allait de la caserne à l'hôpital ? Est-ce

24 que cette route longe l'endroit où vous étiez occupé à tenir cette position

25 sur la ligne de front ?

26 R. Oui.

27 Q. Le 13 octobre 1991, avez-vous reçu l'ordre de ne pas enlever les

28 barrages de cette route même si c'était très important pour que le convoi

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1 humanitaire puisse passer, de ne pas le faire pour ne pas perturber les

2 lignes de la défense ?

3 R. Non. Personne ne nous l'a fait savoir.

4 Q. Savez-vous que le convoi humanitaire en question n'est pas passé à côté

5 de votre poste de contrôle ?

6 R. Je ne m'en souviens pas. Après avoir fait notre tour de garde, nous

7 sommes allés au repos dans la cave. Peut-être est-ce que cela se serait

8 passé pendant que j'étais dans la cave, je ne sais pas. Je n'en ai pas

9 entendu parler.

10 Q. Merci. Dites-moi seulement, vous venez de mentionner une cave. C'est

11 une cave qui se trouve au sous-sol de cette école élémentaire ou c'était à

12 un autre endroit ?

13 R. A l'école.

14 Q. Merci. Savez-vous quelle est l'unité qui était déployée au château du

15 comte Eltz ?

16 R. Non.

17 Q. Merci. Je voudrais maintenant que l'on tire au clair quelque chose qui

18 a à voir avec la journée du 17 novembre 1991. Je vais essayer de procéder

19 de telle sorte que l'on reste en audience publique.

20 Vous avez dit à mon confrère que le jour en question, le 17 novembre, vous

21 êtes parti pour vous rendre à l'endroit que vous avez mentionné. Vous avez

22 dit que c'était dans les heures de la soirée. Est-ce que vous vous rappelez

23 avoir dit à l'enquêteur du bureau du Procureur de La Haye, dans votre

24 déclaration en 1995, est-ce que vous vous rappelez avoir dit que c'était

25 dans la matinée du 17 que vous êtes parti à ce même endroit ?

26 R. Précédemment, j'ai dit la même chose que le 17. Je suis parti dans la

27 matinée et non pas le soir.

28 Q. Pourquoi avez-vous dit aujourd'hui que c'était dans la soirée ?

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1 R. Je ne me souviens pas d'avoir dit cela.

2 Q. Très bien. Votre unité, à l'époque, était-elle encore en contact avec

3 le QG de la défense de Vukovar ?

4 R. Nous avions un téléphone de campagne, mais nous n'avions pas de

5 Motorola puisque nous n'avions pas d'électricité pour recharger les

6 batteries. Nous n'avions que le téléphone de campagne.

7 Q. Vous nous avez dit ce que vous avez entendu dire, ce 17 novembre 1991,

8 quand vous vous êtes rendu à l'endroit dont nous parlons. Je vais vous

9 demander la chose suivante : vous avez dit également que la personne vous a

10 communiqué cette information.

11 Pouvez-vous nous dire si cette personne était membre d'une unité militaire

12 pendant les combats de Vukovar ?

13 R. Il n'était membre d'aucune unité.

14 Q. Cette personne, est-ce qu'elle s'est trouvée dans la cave pendant toute

15 la durée de ces événements, la même cave où vous l'avez rencontrée le 17

16 novembre, dont nous parlons, le 17 novembre 1991 ?

17 R. Oui.

18 Q. Lui, d'après ce que vous nous dites, vous a dit ce jour-là que les

19 membres du QG de la défense de Vukovar étaient partis pour opérer une

20 percée vers Vinkovci ?

21 R. Oui.

22 Q. Vous a-t-il dit à ce moment-là d'où il tenait cette information ?

23 R. Oui.

24 Q. Seriez-vous en mesure de nous le communiquer en audience publique ou à

25 huis clos partiel ?

26 R. L'un ou l'autre.

27 Q. Je vous en prie, dites-le nous.

28 R. Un policier est venu les voir, et il leur a dit tout l'armement et tout

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1 ce qu'ils avaient de croate, donc les chéquiers, le drapeau, qu'il fallait

2 qu'ils mettent tout cela à l'abri parce que Vukovar était en train de

3 tomber. Si on allait trouver ce genre de choses sur des gens, enfin sur

4 celui sur qui on avait trouvé cela, on ne pouvait pas prévoir ce qui allait

5 advenir d'une telle personne.

6 Q. Merci. Dites-moi, cette information, ce n'est pas quelque chose qui

7 vous a été communiqué par téléphone de la part de votre commandement

8 supérieur ?

9 R. Non. Puisque mon commandant était absent. Je ne sais pas où il était.

10 Nous ne le savions pas.

11 Q. Seriez-vous en mesure de nous dire depuis quand votre commandant était

12 absent ?

13 R. Depuis la matinée. Il n'est arrivé que dans la soirée en disant qu'il

14 n'y avait personne sur les lignes, que Vukovar était en train de tomber et

15 qu'il fallait qu'on se replie.

16 Q. Est-ce qu'il vous a dit que vous pouviez vous replier à l'hôpital ou

17 que l'alternative, c'était d'essayer de faire une percée vers Vinkovci ?

18 R. Il nous a dit que ceux qui voulaient partir pour faire la percée,

19 qu'ils pouvaient le faire, et que ceux qui ne voulaient pas le faire, qu'il

20 fallait qu'ils se mettent dans les caves. Certains sont partis pour essayer

21 ces percées, d'autres ne l'ont pas fait.

22 Q. A cette occasion, il ne vous a pas mentionné la possibilité pour les

23 membres de la Garde nationale de se rendre à l'hôpital où on s'attendait à

24 ce qu'il y ait une évacuation ?

25 R. Non.

26 Q. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous vous êtes rendu à l'hôpital le 19

27 novembre ?

28 R. Je suis parti à l'hôpital parce que, le 18, aux heures de la matinée,

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1 mes parents n'étaient plus dans la cave. Je ne savais pas pour quelle

2 raison, et je suis donc parti pour l'hôpital.

3 Q. Pourquoi précisément à l'hôpital ?

4 R. Parce que ma voisine travaillait à l'hôpital.

5 Q. C'est la raison pour laquelle vous avez supposé qu'ils étaient partis

6 ensemble à l'hôpital ?

7 R. Je n'ai rien supposé. Moi et mon voisin, tout simplement, on est parti

8 vers l'hôpital parce que nous ne savions pas où ils étaient. On a pensé

9 qu'ils étaient partis là-bas, mais ils n'étaient pas là-bas.

10 Q. Avant d'aller à l'hôpital, êtes-vous parti vers le bâtiment de la

11 mairie où était le QG de la défense de Vukovar pour vous renseigner là-bas

12 sur ce que vous deviez faire ?

13 R. Non.

14 Q. Avant d'aller à l'hôpital, êtes-vous allé au bâtiment du MUP où était

15 stationné l'unité du Corps de la Garde nationale et du MUP de la Croatie ?

16 R. Non.

17 Q. Vous nous avez dit qu'avant de partir pour l'hôpital, vous aviez quitté

18 cette école où vous teniez la ligne pendant la matinée, et que vous étiez

19 parti dans le quartier où vous habitiez. Tout d'abord, pour quelle raison

20 êtes-vous parti là-bas ?

21 R. Je suis rentré chez moi pour me changer, puisque mon jean était sale,

22 et j'ai pris un autre tee-shirt.

23 Q. A ce moment-là, est-ce que vous aviez chaussé des chaussures jaunes de

24 marque Borovo ?

25 R. Oui.

26 Q. C'était dans la matinée du 19. Mais les unités de la JNA n'avaient pas

27 pénétré dans ce quartier de la ville dès la veille le 18 ?

28 R. Si.

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1 Q. N'aviez-vous pas peur ? Vous alliez circuler armé dans la partie de la

2 ville qui était désormais sous le contrôle des forces de l'armée populaire

3 yougoslave ?

4 R. A l'époque, il n'y avait personne.

5 Q. Vous êtes parti chez vous, jusqu'à votre appartement, avec votre arme

6 sur vous pour vous changer, prêt à tirer si vous tombiez sur quelqu'un ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous êtes sorti armé de votre appartement, et à ce moment-là, vous avez

9 marché dans la rue principale en prenant la direction de l'hôpital, n'est-

10 ce pas ?

11 R. Oui, mais tout d'abord, on a caché les armes.

12 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, où avez-vous caché les armes, et quelle est

13 la distance entre cet endroit et l'endroit où vous vous êtes changé ?

14 R. C'est à quelques centaines de mètres de mon appartement.

15 Q. Vous n'étiez pas seul à ce moment-là, n'est-ce pas ?

16 R. Non.

17 Q. La personne qui était avec vous s'est-elle changée, et a-t-elle déposé

18 ses armes au même endroit que vous ?

19 R. Il ne s'est pas changé; il s'est contenté de cacher ses armes.

20 Q. La personne qui était avec vous à ce moment-là, est-elle d'appartenance

21 serbe ?

22 R. Non.

23 Q. Cette personne, pour quelle raison s'est-elle rendue à l'hôpital ? Nous

24 savons quelles ont été vos raisons, mais quelles ont été les siennes ?

25 R. Il cherchait sa femme et ses enfants.

26 Q. En route, entre l'endroit où vous avez déposé vos armes et en avançant,

27 quel est le nombre de personnes que vous avez croisées avant de traverser

28 la rivière Vuka ?

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1 R. On a caché nos armes, et là, on n'a rien vu à cet endroit-là. En

2 traversant la rivière Vuka, il n'y avait rien non plus.

3 Q. Vous n'avez croisé personne ?

4 R. [aucune interprétation]

5 Q. Pourquoi vous êtes vous changé ? Pourquoi avez-vous caché vos armes

6 avant de vous rendre à l'hôpital ?

7 R. Parce que mes vêtements étaient déchirés et sales.

8 R. Est-ce parce que si vous aviez des vêtements propres vous ne

9 ressembleriez pas à quelqu'un qui a participé au combat ?

10 R. Non.

11 Q. Pourquoi avez-vous déposé votre arme ?

12 R. On ne voulait pas avoir d'armes sur nous en allant à l'hôpital.

13 Q. N'avez-vous jamais entendu dire qu'à partir du 17 novembre jusqu'au 20

14 novembre, les membres du Corps de la Garde nationale, les membres du MUP

15 qui sont restés à Vukovar, sont arrivés en masse à l'hôpital, qu'ils ont

16 déposé leurs armes, qu'ils se sont changés en grand nombre en blouse

17 blanche pour se présenter en tant que personnels auxiliaires de l'hôpital ?

18 Q. Je n'étais pas au courant de cela.

19 Q. Vous n'étiez pas au courant de cela au moment dont nous parlons de

20 cela. Mais après les événements, est-ce que vous n'avez jamais entendu cela

21 ? Est-ce que jamais quelqu'un ne vous l'a dit ?

22 R. Quand je suis sorti du camp, là, je l'ai entendu.

23 Q. Je vous remercie.

24 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas si le

25 moment est venu pour faire une suspension d'audience.

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'avais l'intention de continuer pour

27 un cinq minute de plus.

28 Est-ce que cela vous convient ?

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1 M. VASIC : [interprétation] C'est un bon moment, maintenant.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien alors. Puisqu'il s'agit de

3 vous, Maître Vasic, nous allons faire une suspension et nous reprendrons à

4 13 heures moins 20.

5 --- L'audience est suspendue à 12 heures 11.

6 --- L'audience est reprise à 12 heures 43.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Vasic, vous avez la

8 parole.

9 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

10 Q. Nous allons reprendre là où nous nous sommes arrêtés.

11 Vous nous avez dit qu'une fois parti de Mitrovica, sorti de là-bas,

12 vous avez appris que les membres de la Garde nationale et les membres du

13 MUP s'étaient changés à l'hôpital. Vous avez appris qu'ils ont enfilé des

14 vêtements blancs pour se faire passer pour du personnel médical auxiliaire.

15 Dites-nous, s'il vous plaît, qui vous a dit cela en sortant de Mitrovica ?

16 C'est l'un de vos camarades d'armes ou c'était du personnel médical qui

17 vous a dit cela ?

18 R. Quand nous sommes sortis de Mitrovica, nous sommes arrivés à Zagreb.

19 C'est dans un couloir que j'ai entendu des conversations. J'ai entendu dire

20 qu'ils se sont changés, mais je ne sais pas comment ils s'appelaient parce

21 que j'ai croisé beaucoup de gens.

22 Q. Merci. Dites-moi, s'il vous plaît, vous avez dit à un moment donné que

23 vous avez eu un blessé sur la ligne de front où vous étiez dont vous teniez

24 la position ?

25 R. Oui.

26 Q. Ce blessé a-t-il pu être admis à l'hôpital en fin de compte, et comment

27 l'a-t-on transféré là-bas ?

28 R. Il n'est pas allé à l'hôpital parce que sa blessure n'était pas grave.

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1 Il est resté sur la ligne de front.

2 Q. Qui a pu lui procurer des soins sur la ligne de front où vous étiez ?

3 R. Le commandant, mais il lui simplement pansé son bras.

4 Q. Cet individu, est-ce l'un des trois qui ont tenté la percée, d'après ce

5 que vous nous avez dit ?

6 R. Non.

7 Q. En plus de ces trois, qui sont partis faire la percée, si je vous ai

8 bien compris, il n'en restait plus que deux, vous et votre ami, n'est-ce

9 pas ?

10 R. Oui.

11 Q. C'est l'un, d'entre vous deux, qui a été blessé ? Pouvez-vous me dire

12 lequel ?

13 R. Lui, il s'est replié plus tôt et nous, nous n'étions pas blessés.

14 Q. Ne vous est-il jamais arrivé, avant le 19 novembre, de vous rendre à

15 l'hôpital ? Là, j'entends la période qui couvre depuis le début de la

16 guerre.

17 R. Non.

18 Q. Avez-vous dit aux enquêteurs du bureau du Procureur de La Haye en 1995,

19 lorsque vous avez donné votre déclaration, leur avez-vous dit qu'avant le

20 19 novembre vous avez été blessé ?

21 R. J'ai été blessé mais ce n'était pas grave.

22 Q. Etes-vous la personne qui a eu une blessure légère, qui s'est vu

23 blessée, soignée par la commandant et qui est restée au front ?

24 R. Non.

25 Q. Si je compte bien, votre unité a eu plus d'un blessé, comme vous nous

26 l'avez dit ?

27 R. J'ai été blessé, mais je pouvais bouger. Lui, il a été blessé vraiment

28 au bras ou à la main.

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1 Q. Vous dites qu'il a été blessé au bras ou à la main. Est-ce que qu'il ne

2 pouvait pas se mouvoir ?

3 R. Si.

4 Q. Pour conclure, votre unité avait plus d'un blessé ?

5 R. Je ne considère pas que j'étais un blessé compte tenu de la nature de

6 ma blessure, ce n'était qu'une écorchure.

7 Q. Aujourd'hui, vous ne le comptez pas parmi les vraies blessures, mais

8 pourquoi l'avez-vous mentionné en tant que blessure lorsque vous avez parlé

9 aux enquêteurs du bureau du Procureur

10 en 1995 ?

11 R. Parce que j'ai été blessé par un éclat d'obus.

12 Q. Très bien, merci. Dites-moi : quand vous avez eu l'occasion de parler

13 avec vos camarades d'armes, vous avez dit qu'il y avait deux options, soit

14 de tenter la percée, soit de rester sur place. Quelle a été la raison pour

15 laquelle vous n'êtes pas parti essayer de faire cette percée?

16 R. Parce que j'étais jeune et j'avais peur.

17 Q. Cela ne vous faisait pas peur de vous promener les 18 et 19 dans les

18 rues de Vukovar, tandis que le 18 la JNA était rentrée dans la ville ? Cela

19 ne vous faisait pas peur de déambuler dans les rues en étant armé ? Vous

20 aviez une arme sur vous ?

21 R. Indépendamment de cela, que j'aie une arme ou pas, j'avais peur, je ne

22 savais pas ce qu'il allait advenir de moi.

23 Q. Je voudrais simplement qu'on précise un fait à ce sujet, et après cela

24 on passera à autre chose. Vous avez dit que le 18, la JNA est entrée dans

25 ce secteur qui s'étend jusqu'à la rivière Vuka; c'est bien cela ?

26 R. J'ai écrit dans ma déclaration que la JNA est descendue dans la ville,

27 mais je n'ai pas dit quel est le point qu'elle a atteint et jusqu'où elle

28 est arrivée.

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1 Q. Pouvez-vous nous le dire à présent, jusqu'où sont-ils arrivés pendant

2 cette journée du 18 novembre ?

3 R. Je ne le sais pas.

4 Q. Vous avez informé vos camarades dans la soirée du 17. A ce moment-là,

5 saviez-vous quelle ligne de la défense était tombée, et jusqu'où était

6 arrivée la JNA ?

7 R. Quand j'ai dit à mes camarades d'armes que Vukovar était en train de

8 tomber, je ne sais pas s'il y avait une sortie possible, s'il y avait une

9 ouverture qui aurait permis de sortir.

10 Q. Oui. Saviez-vous jusqu'où était arrivée la JNA à ce moment-là ?

11 R. Le 17, elle n'était pas encore descendue en ville. Elle n'a pas encore

12 atteint un quartier de la ville.

13 Q. Et le 18 novembre 1991 ?

14 R. Ils surgissaient de partout.

15 Q. C'était dans le secteur qui va de vos positions jusqu'à la rivière

16 Vuka, n'est-ce pas ?

17 R. Je ne sais pas si cela va jusqu'à la rivière Vuka, mais chez nous, dans

18 notre partie, oui.

19 Q. Vous nous avez dit aujourd'hui que le lendemain, le 19 novembre, vous

20 êtes passés par cette partie-là, alors que maintenant vous nous dites que

21 les unités de la JNA avaient pénétré dans ce même secteur. Vous nous dites

22 que vous avez emprunté la rue principale, et que vous n'avez croisé aucun

23 soldat entre l'endroit d'où vous êtes partis et la rivière Vuka; est-ce que

24 cela est exact ?

25 R. Le 18, ils sont descendus dans la ville. Je ne sais pas jusqu'où, mais

26 le 19, mon camarade, l'autre défenseur et moi, nous sommes partis le 19

27 dans la matinée vers l'hôpital. Ni lui, ni moi, nous n'avons croisé

28 personne.

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1 Q. Je vous remercie.

2 M. VASIC : [interprétation] Juste une seconde. Excusez-moi.

3 Q. Passons maintenant à la partie de votre déposition qui a à voir avec

4 Velepromet. Dans un premier temps, pourriez-vous me décrire où était située

5 cette salle où on vous a amené le 19 novembre 1991 ?

6 R. Oui.

7 Q. Je vous en prie, faites-nous cette description. Je vais vous demander

8 si ceci vous est possible de faire cette description depuis l'entrée déjà.

9 Où se trouvait précisément cette salle ? De quel genre de bâtiment

10 s'agissait-il ?

11 R. A partir de l'entrée, on continuait tout droit.

12 Q. Voici ce qui m'intéresse. Si vous prenez le portail principal de

13 Velepromet, de quel côté par rapport à ce portail se trouvait le bâtiment

14 dans lequel vous avez été retenu ?

15 R. Une fois entré, j'ai simplement continué tout droit. Je n'ai jamais

16 tourné nulle part.

17 Q. Est-ce que vous parlez de l'entrée du bâtiment même ou de l'entrée, à

18 savoir, le portail d'entrée de Velepromet ?

19 R. Une fois qu'on a franchi le portail d'entrée, on va tout droit. On

20 traverse la cour pour arriver à cette salle, à cet endroit.

21 Q. Cet espace, est-ce qu'il se trouvait dans un bâtiment en briques ou

22 dans un hangar ?

23 R. Dans un bâtiment de briques.

24 Q. Vous nous avez dit aujourd'hui qu'on disait que c'était là la salle de

25 la mort. Pourquoi ne l'avez-vous pas dit aux enquêteurs lorsque vous leur

26 en avez parlé en 1995 ?

27 R. J'ai dit que c'était appelé la salle de la mort, parce que tous ceux

28 qui entraient étaient capturés, captifs et ceux qui quittaient cet espace

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1 n'y revenaient jamais.

2 Q. Est-ce que vous l'avez dit aux enquêteurs en 1995 ?

3 R. Je ne m'en souviens pas.

4 Q. Est-ce que, si je vous donnais un exemplaire de votre déclaration

5 préalable, ceci vous rafraîchirait la mémoire ? Vous pourriez y retrouver

6 une référence que vous avez faite à ce que vous appelez aujourd'hui la

7 salle de la mort.

8 R. C'était un entrepôt, ce bâtiment. C'est nous qui l'avons surnommé la

9 salle de la mort.

10 Q. Cela, j'ai bien compris. Mais ce dont je parle, c'est ceci : est-ce que

11 vous en avez parlé aux enquêteurs du bureau du Procureur ou pas ? C'est

12 tout ce que je vous demande. Est-ce que vous vous souvenez avoir oublié

13 d'en parler aux enquêteurs lorsque vous leur avez parlé en 1995 ? C'est

14 uniquement cela que je vous demande.

15 R. Je ne me souviens pas.

16 M. VASIC : [interprétation] Puis-je demander l'aide de M. l'Huissier, car

17 j'aimerais montrer au témoin la déclaration préalable qu'il a déjà fournie.

18 Q. Regardez, Témoin, la page 3 et une partie de la page 4, là où vous y

19 parlez de Velepromet. C'est le dernier passage qu'on trouve à la page 3, et

20 il se poursuit à la page 4. Est-ce que vous avez regardé ?

21 R. Oui.

22 Q. Est-ce que vous avez trouvé une mention que vous auriez faite de cette

23 "salle de la mort" où vous étiez détenus ?

24 R. Non.

25 Q. Est-ce que vous avez dit aux enquêteurs du bureau du Procureur que sur

26 les 60 personnes qui se trouvaient à cet endroit, il n'y a que 38 personnes

27 qui ont survécu, le reste ayant disparu ?

28 R. Oui.

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1 Q. Est-ce que dans la déclaration on ne dit pas que les autres personnes

2 ont été portées disparues, ne sont plus réapparues une fois qu'elles sont

3 sorties de cet endroit ou est-ce que dans votre déclaration, il est

4 uniquement indiqué que les 38 personnes, dont vous, ont été transférées à

5 la caserne ?

6 R. Celui qui sortait ne revenait pas. Les seules qui sont restées dans cet

7 endroit, 38 personnes.

8 Q. Est-ce que dans votre déclaration vous ne dites pas que celui qui

9 sortait ne revenait jamais ?

10 R. Je ne me souviens pas de chacune des choses que j'ai dites, qui ont été

11 écrites.

12 Q. Est-ce qu'il est nécessaire de revenir à votre déclaration préalable ?

13 Est-ce que vous voudriez la revoir pour vérifier ?

14 R. Oui, si cela ne vous dérange pas, j'aimerais bien.

15 Q. Bien entendu. Un instant, s'il vous plaît, je vais la remettre à

16 l'Huissier.

17 R. Répétez votre question, s'il vous plaît.

18 Q. Est-ce que vous avez dit aux enquêteurs du bureau du Procureur que si

19 quelqu'un sortait de la pièce, il n'en revenait pas ?

20 R. Oui, je l'ai dit.

21 Q. Est-ce que ceci a été consigné dans votre déclaration préalable ?

22 R. Oui.

23 Q. Ayez l'obligeance de nous citer ce passage, de le lire pour nous tous,

24 à voix haute.

25 R. "Il y avait de 50 à 60 personnes dans cette pièce. Je n'ai pas subi de

26 sévices, mais j'ai vu les soldats de la JNA, et plus tard, les Chetniks

27 lorsqu'ils ont frappé un policier de Vukovar. Je ne connaissais pas le nom

28 de ce policier. Ils l'ont emmené, l'ont fait sortir de la pièce. Lorsqu'il

Page 3006

1 est revenu, il avait des coups, des traces de coups au visage. Plus tard,

2 je ne sais pas exactement quand c'était, les soldats de la JNA l'ont fait

3 sortir une fois de plus de la pièce, et nous l'avons entendu pousser des

4 cris de douleur. Jamais il n'est revenu dans notre pièce."

5 Q. C'est tout ? Est-ce que c'est tout ce que vous voulez lire ? En réponse

6 à ma question, je veux dire.

7 R. Ma déclaration préalable ne dit rien à propos de l'endroit où se

8 seraient trouvés d'autres membres.

9 Q. Fort bien. Revenons, si vous voulez bien, à la partie que vous venez de

10 lire. Vous parlez d'un policier. Lorsque mon estimé confrère vous a posé

11 des questions, vous lui avez répondu que vous avez entendu un râle, et que

12 vous aviez entendu dans quelles conditions il avait été tué. Est-ce que

13 vous conviendriez avec moi que si nous nous appuyons sur ce que vous avez

14 dit aux enquêteurs du bureau du Procureur, cela ne correspond pas à ce qui

15 a été dit dans votre déclaration préalable qui se contente de dire que vous

16 l'avez entendu pousser des cris de douleur ?

17 R. Je l'ai vu assis dans la pièce où nous étions. Je me souviens des

18 traces que portait son visage. Cela commençait à l'oreille, et cela

19 continuait sur d'autres parties de son visage. Je ne sais pas pourquoi ceci

20 n'a pas été repris dans ma déclaration préalable. Je me souviens avoir

21 demandé à cet homme ce qui lui était arrivé. Il s'est contenté de dire

22 qu'il était policier. Plus tard, ils sont revenus le chercher. Je ne sais

23 plus quelle heure il était quand ils sont revenus. Je n'avais pas de

24 montre. Ils l'ont fait sortir, ils ont fermé la porte derrière eux et ils

25 l'ont frappé. Il les a suppliés d'arrêter de frapper. Ils l'ont insulté,

26 ils ont traité sa mère d'Oustachi. Puis, tout ce que nous avons entendu,

27 c'est ce râle suivi d'un silence.

28 Q. Vous serez d'accord avec moi pour dire que ce n'est pas de cette façon-

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1 là que vous avez raconté cela aux enquêteurs du bureau du Procureur. Vous

2 leur avez plutôt dit que vous aviez entendu des cris, et que vous n'avez

3 pas vu le sang tout de suite, que vous avez vu ce sang après avoir quitté

4 cette pièce, n'est-ce pas ?

5 R. En tous cas, c'est ce qui est écrit ici dans ma déclaration préalable,

6 qu'il poussait des cris de douleur, parce qu'on le passait à tabac. Puis,

7 il y avait eu ce râle et le silence.

8 Q. Est-ce que je vous ai bien entendu ? Est-ce que vous voulez dire que

9 dans votre déclaration préalable, il est question de râle, de bruits

10 rauques, et d'un silence ? Est-ce que c'est bien ce que votre déclaration

11 dit ?

12 R. Non, ce n'est pas dit dans ma déclaration préalable.

13 Q. Merci. Aujourd'hui, vous avez déclaré à plusieurs reprises qu'ils

14 avaient injurié votre mère oustachi, en la traitant d'Oustachi. C'est ce

15 qu'ils ont fait envers vous et envers ce policier. Est-ce que vous

16 conviendrez que vous n'avez pas mentionné avoir été insulté de la sorte

17 lorsque vous avez fourni cette déclaration au bureau du Procureur ?

18 R. C'est exact.

19 Q. Merci. Velepromet, et ceci pendant qu'il y a eu des combats, pendant

20 toute cette période, Velepromet a été contrôlée par la Défense territoriale

21 locale de Vukovar. Le saviez-vous ?

22 R. Je ne comprends pas votre question.

23 Q. Est-ce que vous saviez que Velepromet, dont nous avons parlé ici dans

24 ce prétoire, et ceci pendant la période des combats, aussi pendant le jour

25 de votre arrivée à Velepromet, que Velepromet se trouvait contrôlé par les

26 forces locales, forces locales serbes de la Défense territoriale de

27 Vukovar, donc de la TO de Vukovar ?

28 R. La TO de Vukovar ? Vous voulez dire la Défense territoriale ou est-ce

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1 que ce sont les paramilitaires ?

2 Q. Oui. La Défense territoriale locale de Vukovar, la Défense territoriale

3 serbe de Vukovar.

4 R. Oui, ils étaient à Velepromet. En tout cas, ce sont ceux-là qui m'ont

5 capturé.

6 Q. Je vous remercie. Veuillez me dire ceci : il y avait une autre salle,

7 une autre pièce, celle où on vous a transféré le

8 20 novembre 1991. Essayez de la situer par rapport à l'entrée qui donne sur

9 la cour de Velepromet.

10 R. Cela se trouvait dans le même bâtiment.

11 Q. Lorsqu'ils vous ont déplacé, ils vous ont emmené dans cette autre

12 salle. Est-ce que vous êtes sorti dans la cour de Velepromet ?

13 R. Non.

14 Q. Dites-moi, cet homme de Vukovar qui vous a interrogé, est-ce qu'il

15 faisait lui aussi partie de ces forces locales serbes ?

16 R. Oui.

17 Q. Vous avez lu cette partie de votre déclaration préalable dans laquelle

18 vous dites que personne ne vous a imposé de mauvais traitements; est-ce

19 exact ?

20 R. Oui.

21 Q. Lorsque vous êtes allé vers Sremska Mitrovica le

22 22 novembre, la veille au soir, vous aviez été transféré à la caserne alors

23 que vous vous trouviez encore à la caserne. Est-ce qu'on vous a donné des

24 cigarettes, de la nourriture pour votre voyage à Sremska Mitrovica ?

25 R. Oui.

26 Q. Vous avez été interrogé à Sremska Mitrovica. Après cela, est-ce qu'on a

27 engagé une action en justice, au pénal contre vous ?

28 R. Non.

Page 3009

1 Q. Est-ce que vous vous souvenez du nom de la personne qui vous a

2 interrogé, la personne pour laquelle vous avez écrit cette déclaration à

3 Sremska Mitrovica ?

4 R. Non.

5 Q. Est-ce que vous avez parlé aux enquêteurs du bureau du Procureur en

6 1995 ? Est-ce que vous leur avez dit comment vous aviez été interrogé à

7 Sremska Mitrovica ? Est-ce que vous leur avez parlé de la déclaration que

8 vous avez fournie à cet endroit ?

9 R. Est-ce que vous pourriez répéter votre question ?

10 Q. Volontiers. Est-ce que vous avez dit aux enquêteurs du bureau du

11 Procureur, lorsque vous leur avez fait une déclaration en 1995, est-ce que

12 vous leur avez dit que vous aviez été interrogé à Sremska Mitrovica, que

13 vous aviez fourni une déclaration, déclaration que vous avez signée sur

14 demande des forces de l'ordre ?

15 R. Non.

16 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que vous avez bien discuté de

17 votre séjour à Sremska Mitrovica avec des enquêteurs cette fois-là ?

18 R. Oui, c'est exact.

19 Q. Avez-vous passé cela sous silence lorsque vous avez parlé avec

20 l'enquêteur parce que vous considériez que ceci était sans importance ou

21 est-ce que c'est parce que, d'après ce que vous avez déclaré ici, vous

22 considériez que cette déclaration que vous avez fournie à Sremska Mitrovica

23 n'était pas conforme à la vérité ? Est-ce que c'était la raison pour

24 laquelle vous n'avez pas mentionné ce fait ?

25 R. Lui, ne m'a pas posé la question, et je n'ai pas pensé lui en parler.

26 Q. Quand est-ce que ceci vous est revenu pour la première

27 fois ?

28 R. Je ne m'en suis pas rappelé avant de venir ici afin de déposer.

Page 3010

1 Q. Pourriez-vous nous dire ce qui vous a rafraîchi la mémoire pendant ce

2 procès, vous permettant de vous rappeler de cela au bout de 14 ans ?

3 R. Rien. Simplement, il m'a demandé si j'écrivais quelque chose pendant

4 que j'étais dans le camp.

5 Q. Excusez-moi, qui vous a demandé cela ?

6 R. Le monsieur à côté de moi.

7 Q. Vous parlez de mon éminent collègue de l'Accusation ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce que vous lui avez mentionné pour la première fois aujourd'hui

10 que vous avez fourni cette déclaration ?

11 R. Non.

12 Q. Dites-moi alors, s'il vous plaît, quand lui avez-vous parlé de cela et

13 dans quelles circonstances ?

14 R. Avant-hier, en arrivant ici, il m'a donné une déclaration. Il m'a

15 demandé de me rappeler tout, mais je ne me souvenais pas de cette

16 déclaration-là. Ensuite, il m'a demandé si j'avais écrit une déclaration à

17 Mitrovica et là, je lui ai répondu que oui. Il a demandé de quelle sorte de

18 déclaration il s'agissait, ce que j'avais écrit. J'ai répondu qu'il ne

19 s'agissait que des contrevérités et des mensonges.

20 Q. Merci. Je comprends mieux, maintenant.

21 Une seule question encore en ce qui concerne votre échange. Pourriez-

22 vous nous dire qui avait négocié votre échange, et qui vous a escorté lors

23 de cet échange ?

24 R. Puisque nous n'avions rien à lire, puisque nous n'avions pas de radio,

25 nous ne savions pas qui avait négocié l'échange. Le garde, le policier

26 militaire est entré et il nous a dit de faire nos valises, de prendre tout

27 ce qui nous appartenait et d'aller à l'échange.

28 Q. C'est tout ce que vous savez au sujet de l'échange, rien de plus ?

Page 3011

1 R. Rien de plus.

2 Q. Merci, Monsieur, de vos réponses.

3 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie.

4 Je n'ai plus de questions pour ce témoin.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Vasic.

6 Maître Borovic.

7 M. BOROVIC : [interprétation] Merci.

8 Contre-interrogatoire par M. Borovic :

9 Q. [interprétation] Bonjour, je suis Borivoj Borovic et je représente

10 Miroslav Radic.

11 Q. Première question : que savez-vous au sujet de la personne qui était

12 votre commandant ? Qui est cet homme ? Que saviez-vous à son sujet

13 auparavant ? Est-ce qu'au cours de ces opérations de guerre vous lui avez

14 parlé ?

15 R. Je sais simplement que c'était une personne de Vukovar. Qui il était et

16 d'où il venait, je ne le savais pas.

17 Q. Merci. Saviez-vous quel était son grade ?

18 R. Non, car nous n'avions pas de grades.

19 Q. Merci. Quand avez-vous suivi l'entraînement en manipulation de l'arme

20 automatique pour la première fois, et où ?

21 R. Je ne me souviens pas quand, mais c'était à l'école Supanc.

22 Q. Merci, mais je n'ai pas entendu la dernière partie de votre réponse.

23 R. Dans l'école Stjepan Supanc.

24 Q. Merci. Est-ce que cela veut dire que c'est là que vous avez tiré,

25 aussi ?

26 R. Non.

27 Q. Où est-ce que vous avez tiré ? Est-ce que vous pourriez, s'il vous

28 plaît, entrer un peu dans les détails ? Si vous répondez par oui ou par

Page 3012

1 non, c'est un peu mécanique. Réveillons-nous et ayons une communication,

2 des réponses plus détaillées si possible. Sinon, ce n'est pas grave. Merci.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que je me souviens qu'à de

4 nombreuses reprises, j'ai demandé au témoin de répondre par un oui et par

5 un non. Enfin, on a un témoin prêt à répondre par oui ou par non, et

6 maintenant vous voulez qu'il change et qu'il devienne comme les autres.

7 M. BOROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, mais je pense

8 qu'aujourd'hui nous accueillerions volontiers M. Bucko pour nous réveiller

9 tous.

10 Je vous remercie, mais je vais continuer ainsi, puisque le témoin le

11 choisit.

12 Q. Le 17 au matin, lorsque vous êtes arrivé chez vos parents, où est-ce

13 que vous les avez trouvés au juste ?

14 R. Dans la cave.

15 Q. Est-ce qu'ils avaient un téléphone chez eux ?

16 R. Oui, mais les lignes ne fonctionnaient pas.

17 Q. Merci. Est-ce que vous pouvez nous expliquer, par conséquent, la partie

18 de votre déclaration que vous avez fournie aux enquêteurs, et aujourd'hui

19 vous avez répété cela d'ailleurs, que votre père vous a dit que tous ceux

20 qui faisaient partie de l'état-major avaient quitté la ville. Comment

21 pouvait-il le savoir s'il était chez lui et que son téléphone ne

22 fonctionnait pas ? Est-ce que vous avez appris de quelle manière votre père

23 était au courant de cela ?

24 Q. Lorsque je suis venu chez moi, le 17 au matin, mon père m'a dit :

25 "Vukovar est en train de tomber. Les gens se sont retirés. Pars toi-même."

26 Je ne savais pas d'où il avait obtenu cette information avant mon retour du

27 camp.

28 Q. Merci. Mais vous avez parlé plus en détail dans votre déclaration. Vous

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1 n'avez pas dit : "Mon père m'a dit ceci et cela." Vous avez dit : "Mon

2 père m'a dit que les gens de l'état-major du ZNG avaient fui ou étaient

3 partis." Comment est-ce qu'il le savait ? Comment est-ce qu'il savait cela

4 au sujet de ceux qui faisaient partie de l'état-major ? Je ne parle pas des

5 autres, mais je vous demande, concrètement parlant, comment il savait que

6 les gens de l'état-major avaient fui ?

7 R. Un policier, un membre du MUP, est venu. Il nous a dit que Vukovar

8 était en train de tomber, et il nous a dit de jeter toutes les armes, et

9 que les gens se retiraient, essayaient de fuir.

10 Q. Merci. Quand est-ce que cet officier est venu et où cela ?

11 R. Il est venu leur dire cela dans la cave.

12 Q. Merci. Quand est-ce qu'il est venu dans leur cave, si vous vous êtes

13 venus le 17 au matin ? Lui, il était passé combien de temps avant ?

14 R. Je ne sais pas.

15 Q. Merci. Vous avez dit que votre collègue est allé à l'hôpital pour voir

16 si sa femme et sa famille y étaient, et vous vous êtes allé pour voir si

17 vos parents y étaient; est-ce exact ?

18 R. Oui.

19 Q. Merci. Est-ce que votre collègue vous a dit si sa femme a été trouvée à

20 l'hôpital ? Est-ce que vous avez trouvé vos parents là-bas ?

21 R. Nous avons dit simplement que nous allions vers l'hôpital pour y

22 chercher les nôtres.

23 Q. Merci. J'ai entendu ce que vous avez dit. Mais lorsque vous êtes arrivé

24 à l'hôpital, est-ce que vous avez essayé de faire cela ou est-ce que

25 c'était une chose que vous aviez inventée lorsque les soldats vous ont posé

26 la question de savoir où vous alliez ?

27 R. Nous y sommes allés tous les deux, nous nous étions mis d'accord pour y

28 aller chercher les nôtres donc nous allions vers l'hôpital conformément à

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1 notre accord.

2 Q. Merci. Est-ce que l'un quelconque des membres du ZNG portait un

3 uniforme parmi vous ?

4 R. Là où j'étais personne ne le portait.

5 Q. Merci. Là où vous n'étiez pas, avez-vous vu un membre du ZNG qui

6 portait un uniforme ?

7 R. Oui.

8 Q. Merci. Auriez-vous l'amabilité de nous décrire à quoi ressemble un

9 membre du ZNG, de la tête aux pieds, lorsqu'il est vêtu d'un uniforme ?

10 R. Chemise, pantalons, un blouson, un couvre-chef, des bottes.

11 Q. Merci et la couleur ?

12 R. Vert et noir.

13 Q. L'insigne sur le couvre-chef ?

14 R. Le damier.

15 Q. Merci. Est-ce qu'il portait un insigne sur l'épaule ?

16 R. Non.

17 Q. Merci. Je crois qu'aujourd'hui vous avez dit que vous aviez montré où

18 se trouvaient les fusils que vous aviez jetés, n'est-ce

19 pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Merci. Lorsque vous êtes venu à l'hôpital, est-ce que vous avez dit de

22 votre propre gré aux soldats : Nous souhaitons remettre les armes ou est-ce

23 qu'ils vous ont fait aller à l'endroit où vous les aviez déposées pour que

24 vous leur rendiez les armes ? A quoi est-ce que ceci ressemblait ?

25 R. Lorsque nous sommes arrivés à l'hôpital, nous étions dehors, nous

26 attendions d'être transportés à Velepromet. A ce moment-là, ils nous ont

27 demandé si nous avions des armes et où elles étaient et si nous étions

28 prêts à les rendre. Nous avons accepté cela.

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1 Q. Merci. Est-ce qu'à ce moment-là vous leur avez dit que vous aviez été

2 membres du ZNG ?

3 R. Non.

4 Q. Merci. Qu'avez-vous dit alors ? Comment se faisait-il que vous ayez des

5 armes ? Quelle était la formation paramilitaire que vous représentiez si

6 vous aviez des armes. Avez-vous parlé de cela avec eux ?

7 R. Non.

8 Q. Merci. Combien de fusils avez-vous remis ?

9 R. Deux.

10 Q. Merci. Il s'agissait seulement de vous deux. Les armes des autres, qui

11 faisaient partie du même groupe que vous, où est-ce qu'elles ont fini ?

12 R. Ils les ont amenées avec eux pour percer la brèche.

13 Q. Merci. Où est-ce que cette percée devait s'effectuer ? Est-ce qu'il

14 existait un plan au sein du ZNG selon lequel cette percée devait être mise

15 en œuvre ?

16 R. Non.

17 Q. Merci. Avez-vous entendu dire qu'il fallait se diriger vers le Danube

18 et quitter Vukovar en bateau ?

19 R. Non.

20 Q. Vous en êtes sûr ?

21 R. Oui.

22 Q. Merci. Est-ce que votre frère aîné est né en 1971 et le frère cadet en

23 1975, et je ne dirai pas leurs noms ?

24 R. Oui.

25 Q. Merci. Est-ce qu'ils étaient à Sremska Mitrovica, d'après vos

26 connaissances, pendant la même période que vous ?

27 R. Oui.

28 Q. Merci. Savez-vous si eux, ils ont donné des déclarations à Sremska

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1 Mitrovica ?

2 R. Je ne sais pas. Je ne le sais pas.

3 Q. Merci. Les avez-vous revus depuis, après Sremska

4 Mitrovica ?

5 R. Je ne l'ai pas vu, mais j'ai lu sur la liste que mon frère cadet allait

6 partir puisqu'il était mineur.

7 Q. D'accord, merci. Aujourd'hui à la question de mon collègue vous avez

8 dit que pendant que vous attendiez devant l'entrée de l'hôpital, vous y

9 avez vu six soldats, est-ce exact ?

10 R. Oui.

11 Q. Merci.

12 M. BOROVIC : [interprétation] Je souhaite demande à l'Huissier de fournir

13 la déclaration que le témoin avait donnée. Je vais essayer d'accélérer pour

14 que l'on termine dans le temps imparti.

15 Q. Vous avez ici votre déclaration donnée aux enquêteurs de ce Tribunal.

16 Est-ce que vous voudriez bien lire la partie surlignée en vert ?

17 R. "Pendant que l'on attendait d'être transportés, j'ai vu six soldats

18 parmi lesquels deux portaient un uniforme de camouflage et quatre portaient

19 des uniformes de la JNA."

20 Q. Merci. Visiblement les gens qui portaient l'uniforme de la JNA

21 n'étaient pas une formation paramilitaire. Là on voit une différence entre

22 la déclaration que vous avez donnée à l'époque et votre déclaration

23 aujourd'hui. Est-ce que vous retirez ce que vous avez déclaré aujourd'hui ?

24 R. Non.

25 Q. Merci. Vous avez dit au cours de votre déposition aujourd'hui également

26 que vous aviez vu un capitaine, un paramilitaire, à la page 15, ligne 9 à

27 10, vous avez dit : "C'est ainsi qu'il s'est présenté à nous." Dans votre

28 déclaration, donnée aux enquêteurs, vous n'en avez pas du tout parlé ainsi.

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1 Veuillez la prendre, veuillez vous pencher sur la page suivante, la page 3,

2 et veuillez lire la partie surlignée en vert. Qu'est-ce qui est écrit, s'il

3 vous plaît, au sujet de ce fait ?

4 R. "A minuit, le 21 novembre 1991, un capitaine est entré dans notre

5 pièce. Je ne sais pas quel était son nom. Il était petit au cheveu châtain,

6 sans moustache et sans barbe."

7 Q. Merci. Voyez-vous que cette description est différente, et que la

8 personne ne s'est pas du tout présentée comme capitaine d'une formation

9 paramilitaire ? Est-ce que cette déclaration que vous avez donnée en 1995

10 est authentique ou est-ce que la déclaration que vous avez faite devant ce

11 Tribunal, sous sa forme modifiée devant ce Tribunal, est la bonne ? Voyez-

12 vous la différence ?

13 R. Je ne faisais pas partie de l'armée.

14 Q. Merci. En 1995, faisiez-vous partie de l'armée croate appelée

15 Domobrani ?

16 R. Oui.

17 Q. Merci. Dans quelle capacité ? en quelle qualité ?

18 R. Soldat.

19 Q. Aviez-vous un grade ?

20 R. Fonction.

21 Q. Laquelle ?

22 R. Chef de section.

23 Q. Merci. Etes-vous au courant du fait que pendant la Deuxième guerre

24 mondiale, s'agissant de la formation militaire appelée Domobrani, il y

25 avait des appellations alternatives telles qu'Oustachi ou formation SS ? Le

26 savez-vous ?

27 R. Je ne le sais pas.

28 Q. Merci. Quel est le signe que vous aviez sur votre uniforme en 1995

Page 3018

1 lorsque vous faisiez partie des Domobrani ?

2 R. Un château d'eau.

3 Q. Merci. Savez-vous, pour la date du 3 mai 1991, quand vous êtes entré

4 dans les unités de réserve de la Garde nationale, comme vous l'avez déclaré

5 aujourd'hui, savez-vous quels étaient les effectifs du Corps de la Garde

6 nationale à ce moment-là à Vukovar ? Combien y avait-il d'hommes ?

7 R. Je ne le sais pas.

8 Q. Merci. Nous sommes d'accord sur le fait vous faisiez partie des unités

9 de réserve, et qu'à l'époque, il y avait aussi les hommes d'active dans les

10 unités régulières ?

11 R. Oui.

12 Q. Merci. Vous, membre de la Garde nationale, grâce au contact établi par

13 téléphone de campagne, saviez-vous dans quel quartier ou quelle partie de

14 Vukovar était déployée la ZNG ?

15 R. Oui, nous le savions.

16 Q. Auriez-vous l'amabilité de dire brièvement à la Chambre quels étaient

17 ces endroits, ces positions, et de quel quartier il s'agit ?

18 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il ne me reste plus

19 que deux ou trois questions. Est-ce que l'on peut continuer ? J'ai déjà

20 dépassé le temps d'une minute ou deux, et j'en ai pour une minute ou deux

21 encore.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] OSA 1, OSA 2, OSA 3, Sajmiste.

23 Q. Je vous remercie. De toute évidence, vous ne parlez que de la partie de

24 la ville que vous couvriez, vous ?

25 R. Oui.

26 Q. A Sremska Mitrovica, vous avez omis de dire certaines choses. Parmi

27 celles-là, quelles sont celles que vous pouvez nous dire aujourd'hui ?

28 Parce que vous nous avez dit qu'à Mitrovica, vous avez dit des

Page 3019

1 contrevérités, des mensonges. Qui y a-t-il de si important que vous avez

2 évité de dire là-bas ? Excusez-moi, j'ajoute des points qui ont à voir avec

3 l'armement et la composition de l'armée.

4 R. Quand j'ai subi l'interrogatoire, le monsieur qui m'a donné une feuille

5 de papier et un crayon, m'a dit d'écrire tout; où je me suis trouvé, ce que

6 j'ai fait, quelles ont été mes fonctions, quel a été l'armement que

7 j'avais, qui a été mon commandant, quelle est la position que j'ai occupée

8 et combien nous étions.

9 Q. Très bien. Tous ces faits, les avez-vous dissimulés ou les avez-vous

10 communiqués dans votre déclaration ?

11 R. Je ne lui ai pas dit la vérité.

12 Q. Je vous remercie. Ma dernière question : que faites-vous aujourd'hui ?

13 Avez-vous un travail ? Si oui, où travaillez-vous ?

14 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, avant que le témoin ne

15 réponde, même si c'est notre dernière question, je vous prie de passer à

16 huis clos partiel.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel.

18 [Audience à huis clos partiel]

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2 (expurgée)

3 (expurgée)

4 (expurgée)

5 --- L'audience est levée à 13 heures 52 et reprendra le

6 jeudi 8 décembre 2005, à 9 heures 00.

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