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1 Le vendredi 17 février 2006
2 [Audience publique]
3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.
7 J'aimerais vous rappeler que vous avez fait une déclaration solennelle au
8 début de témoignage et cette déclaration est toujours en vigueur.
9 Monsieur Moore, vous avez la parole.
10 LE TÉMOIN: BOGDAN VUJIC [Reprise]
11 [Le témoin répond par l'interprète]
12 Contre-interrogatoire par M. Moore : [Suite]
13 Q. [interprétation] Colonel, je voudrais vous rappeler que nous nous
14 sommes arrêtés, hier soir, au passage où vous vous êtes trouvé dans les
15 installations de Velepromet. Certaines personnes vous avaient quitté et
16 vous avez veillé à ce que les autocars, pendant que vous vous trouviez là-
17 bas encore, soient remplis. Vous souvenez-vous de votre témoignage à ce
18 sujet, en termes généraux, et j'aimerais que vous me confirmiez, par un oui
19 ou par un non, si vous avez le souvenir de ce qui s'est dit.
20 R. Oui.
21 Q. Pourrions-nous à présent parler de ce que vous avez fait une fois que
22 les autocars sont partis ?
23 R. Pendant un certain temps, un bref laps de temps, je suis resté encore
24 dans l'enceinte avec les officiers subalternes qui sont restés, Branko
25 Korica, le sous-lieutenant Cekic et ses subordonnés à lui. A ce moment-là,
26 j'ai encore remarqué que le duc Topola était revenu dans l'enceinte, il
27 s'était changé. D'après ce que j'ai pu remarquer, il portait une
28 combinaison de camouflage et se trouvait en compagnie d'une femme qui avait
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1 à peu près sa taille. Cela m'a donné l'impression qu'ils étaient venus pour
2 faire montre de même et pour me narguer, moi. Vous voulez dire quelque
3 chose ?
4 Q. Est-ce qu'il vous aurait dit ce qu'il pensait de vous ? Vous a-t-il dit
5 quoi que ce soit ?
6 R. Non. Il ne m'a rien dit. Il était en compagnie de ses Chetniks à lui,
7 et à ce moment-là, il a péroré pour être vu, et il est parti avec cette
8 femme en quittant l'enceinte de Velepromet. Il a sorti, comme nous avons
9 coutume de le dire, hors de l'enceinte.
10 Q. Merci. Lorsque vous avez fait monter les gens à bord des autocars ou
11 juste avant cela, avez-vous entendu des tirs non loin de là ?
12 R. Au moment où nous avons fait monter les gens à bord des autocars, qui
13 étaient, eux, tournés en direction du portail de sortie, et les ordres que
14 nous avions reçus étaient de cette nature-là. Il était prévu que les
15 autocars sortent de l'enceinte et qu'ils se garent le long de la route pour
16 constituer une colonne assez longue. La colonne a été prise en charge par
17 un officier de la police militaire que je ne connaissais pas, et c'est lui
18 qui a pris en charge la responsabilité afférente à cette colonne.
19 Au moment qui a précédé le départ des autocars, et lorsque je n'ai pas
20 encore donné l'ordre de partir, l'adjudant Korica m'a dit qu'alors que nous
21 nous étions en train de faire monter les gens à bord des bus, les Chetniks
22 et les membres de la TO avaient sortir des prisonniers de l'enceinte et que
23 suite à cela, on pouvait entendre des rafales. Ensuite de cela, Korica m'a
24 prévenu, comme je vous l'ai déjà dit, du fait que Marko Crevar avait dit
25 que : "Ce colonel-là, il fallait l'abattre ensemble avec les Oustachi."
26 Nous avons, à ce moment-là, décidé -- parce qu'au bout d'un certain temps,
27 le colonel Janovic était venu me voir pour me dire qu'il avait eu vent de
28 menaces de cette nature lui aussi. Il a appris que les Chetniks sortaient
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1 des prisonniers de guerre à l'extérieur et qu'on pouvait entendre des coups
2 de feu. Au bout d'un certain temps, l'avertissement m'a été transmis par
3 Stosic Slobodan aussi. Oui, je m'excuse, vous voulez dire quelque chose ?
4 Q. Non, peut-être dois-je m'excuser. Je voulais peut-être parler d'un ou
5 deux points avant que d'aller de l'avant.
6 Quand nous parlons du nombre de personnes qui ont été évacuées à bord des
7 bus, pourriez-vous, à ce sujet, nous dire combien, au total, de personnes
8 il a été évacuées depuis Velepromet, ce soir-là ?
9 R. Je ne peux pas être tout à fait précis. Je ne peux pas vous apporter
10 une réponse claire et explicite parce que s'agissant des chiffres, je me
11 suis fait une idée à partir du nombre d'autocars que nous avons
12 raccompagnés. C'est partant de là que j'ai tiré la conclusion d'avoir
13 évacué quelque 800 prisonniers de guerre.
14 Q. De façon évidente, vous avez quitté Velepromet mais pour aller où ?
15 R. J'étais sous des impressions très fortes s'agissant de tout ce qui
16 s'était passé, et notamment après ce que j'ai pu voir du côté du
17 comportement de ce duc Topola, ainsi que d'un de mes collègues Kijanovic et
18 Tomic. C'est en compagnie de soldats de la police militaire que je me suis
19 dirigé vers le poste de commandement. Je pense que ce déplacement-là a duré
20 puisque, entre Velepromet et le poste de commandement, il doit y avoir
21 quelques cinq kilomètres. Ils ont pris un certain moment de marcher, d'une
22 marche assez rapide de soldats. Si l'on sait qu'un soldat fait 66 pas à la
23 minute, on a mis à peu près une demi-heure ou 40 minutes pour arriver là-
24 bas.
25 Là-bas, au poste de commandement, il y avait Tomic, le commandant
26 Sljivancanin et d'autres personnes encore. J'ai été plein d'amertume.
27 J'étais très en colère. J'ai essayé de repérer le colonel Mrksic pour
28 m'approcher de lui et lui dire ce qui s'était passé là-bas. A un moment
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1 donné, j'ai trouvé une opportunité qui s'y prêtait bien. Je lui ai dit, si
2 mes souvenirs sont bons : "Mon commandant, savez-vous ce qui s'est passé
3 là-bas ? Là-bas on a exécuté des gens. C'est une attaque à l'encontre de
4 l'intégrité de l'armée de la JNA. Une attaque à l'encontre de votre
5 intégrité à vous en tant que commandant et à nous tous. C'est un duc, un
6 vojvode de Chetnik qui a voulu m'égorger dans l'autocar devant des
7 Oustachi. C'est une honte."
8 J'ai salué et je me suis éloigné vers l'extérieur de ce poste de
9 commandement.
10 Q. Quand vous avez dit au colonel Mrksic qu'on exécutait des gens, vous a-
11 t-il dit quoi que ce soit à ce sujet ? Vous a-t-il répondu ?
12 R. Mrksic se taisait. Il s'est tu. Il a entendu ce que j'ai dit, mais il
13 n'a rien répondu du tout.
14 Q. Est-ce que le commandant Sljivancanin a entendu vos propos à
15 l'intention du colonel Mrksic au terme desquels des gens de Velepromet
16 étaient tués ?
17 R. Je ne pense pas que quiconque ait pu entendre, mais il y avait d'autres
18 gens et je ne me souviens pas exactement des personnes qui étaient
19 présentes. Je sais que le général Crmaric a fait son apparition aussi et
20 des colonels à lui. Jerko Crmaric, lui, il venait de la logistique de la
21 1ère Région militaire. Je lui ai également relaté ce que j'ai vécu dans les
22 installations de Velepromet. Il a prêté une oreille attentive à ce que j'ai
23 dit, mais il a dit qu'il était là pour assurer la sécurité des arrières. Il
24 n'a rien répondu du tout s'agissant du récit que je lui ai fait.
25 Q. Lorsque vous dites que vous avez raconté au général Jerko Crmaric ce
26 que vous aviez à raconter, est-ce que cela inclut le fait que des
27 exécutions avaient encore cours à Velepromet ?
28 R. Non. Je ne savais pas cela. Je ne savais pas si les Chetniks et les
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1 membres de la TO y avaient gardé quelqu'un. L'espace était très grand là-
2 bas, la superficie est grande, il faisait nuit. Il n'y avait pas
3 d'éclairage très important, mis à part l'éclairage prévu pour l'enceinte.
4 Cette superficie est grande et il était possible que --
5 M. MOORE : [interprétation] Je m'excuse d'interrompre, j'ai l'impression
6 que M. Lukic veut prendre la parole.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Lukic.
8 M. LUKIC : [interprétation] Une petite intervention au niveau du compte
9 rendu d'audience. Lorsque le Procureur lui a posé des questions concernant
10 le général Jerko Crmaric, il a dit qu'il était là pour un soutien
11 logistique, or, on voit à la page 4 du compte rendu d'audience, ligne 19,
12 ou plutôt, lignes 21 et 22, qu'il a eu vent de cela, on voit le mot
13 "heard," qui veut dire il a entendu cela, le mot qui devrait figurer est le
14 mot de "here", il se trouvait là. J'aimerais que la chose soit tirée au
15 clair parce que cela constitue une différence importante.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup.
17 Oui, Monsieur Moore.
18 M. MOORE : [interprétation] Justement ce qui me préoccupe ce sont les
19 remarques qu'on a faites au sujet de l'interprétation et de l'équipement
20 électronique. Ce que je voudrais savoir, c'est si le témoin a bien entendu
21 la question, parce que la réponse qu'il a apportée est divergente par
22 rapport à ce qui a déjà été dit dans son témoignage précédent. J'aimerais
23 reposer la question, parce que la réponse est plutôt étrange.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, je vous prie, si vous
25 relevez des problèmes de ce genre, vous pouvez toujours intervenir sans
26 demander l'autorisation de le faire.
27 M. MOORE : [interprétation] Je vous en remercie.
28 Q. Colonel, j'aimerais que vous prêtiez une oreille attentive à ma
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1 question, et si vous avez des difficultés pour ce qui est de la
2 compréhension ou pour ce qui est d'entendre ce qui vous est dit, dites-le-
3 nous. Est-ce que vous me suivez ?
4 R. Oui. Je le comprends. C'est clair.
5 Q. Merci beaucoup. Vous nous avez dit que vous aviez dit au colonel Mrksic
6 qu'il y avait eu des exécutions à Velepromet et qu'il n'a rien répondu du
7 tout. Puis, vous avez dit que vous vous en êtes allé, n'est-ce pas ?
8 R. Oui.
9 Q. J'aimerais à présent que nous parlions du commandant Sljivancanin.
10 Avez-vous dit à Sljivancanin de façon directe, à ce moment-là ou à un
11 moment ultérieur, ce que vous avez constaté à Velepromet. Vous comprenez la
12 question ?
13 M. LUKIC : [interprétation] Objection.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic.
15 M. LUKIC : [interprétation] Page 4, la question a été posée à la ligne 14,
16 et le témoin a fourni une réponse claire. Il a dit en anglais : "Je ne sais
17 pas qui il y avait là-bas. Il y avait un certain nombre de personnes. Je ne
18 pense pas qu'il ait entendu."
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'apprécie, Maître Lukic. Nous avons
20 des difficultés qui surgissent. Il semble qu'il y a certains aspects
21 difficiles, mais si tant est qu'il y a des problèmes, il nous est difficile
22 de déterminer si ce sont des erreurs d'interprétation ou des lacunes
23 d'audition. Comme je viens de le dire, M. Moore, peut intervenir, et s'il
24 n'y a pas de problème avec cette réponse nous allons peut-être entendre la
25 même réponse.
26 M. LUKIC : [interprétation] Je m'excuse. Mais j'ai écouté la réponse dans
27 ma propre langue et je ne m'étais pas concentré sur ce qui figurait au
28 compte rendu d'audience, je m'en excuse.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est souvent un problème, Maître
2 Lukic. Bien entendu, les Juges de la Chambre ne peuvent rien y faire, mais
3 il ne vous ferait pas de mal de nous écouter également ça et là.
4 M. MOORE : [interprétation] Peut-être vais-je reposer la question.
5 Q. Vous nous avez dit que vous avez dit à Mrksic qu'il y a eu des
6 exécutions à Velepromet. A qui d'autre à Negoslavci avez-vous indiqué qu'il
7 y a eu des exécutions à Velepromet ?
8 R. Après avoir quitté le poste de commandement le colonel Slavko Tomic a
9 dit que le commandant Sljivancanin allait tenir une brève réunion aux fins
10 de nous informer sur les conclusions de la mission accomplie et qu'il
11 allait brièvement parler de la mission suivante qui nous serait confiée
12 pour la journée du 20 novembre, à savoir l'évacuation de l'hôpital. Pour
13 autant que je m'en souvienne, la réunion a été organisée devant le poste de
14 commandement où nous avions déjà eu une réunion où nous avons prêté oreille
15 à ce que nous devions faire s'agissant de Velepromet.
16 Le commandant Sljivancanin en termes très brefs a dit que la mission
17 était accomplie pour ce qui était de Velepromet. Slavko Tomic a aussitôt
18 essayé de poser des questions. J'ai interrompu, j'ai réagi et j'ai dit :
19 "Mais là-bas, on a exécuté des gens. Vous savez et peut-être ne savez-vous
20 pas ce que j'ai vécu là-bas. Les Chetniks ont voulu m'égorger là-bas, et
21 vous avez fui."
22 Slavko Tomic a une fois de plus répété que la mission était
23 accomplie. Le commandant Sljivancanin lui a répété le fait que la mission
24 était accomplie, que les autocars ont été raccompagnés en direction de
25 Sremska Mitrovica. Et autant que je m'en souvienne, il a aussi précisé que
26 les autocars avec les femmes, les réfugiés de Vukovar et autres personnes
27 civiles, à savoir vieillards, enfants, ont été envoyés quelque part vers la
28 frontière croate. Je crois me souvenir qu'il a été aussi dit que ces
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1 autocars, on a aussi essayé de les confier - quand je dis autocars ce sont
2 des citoyens civils - on a essayé de les confier à des autorités croates,
3 mais que ces gens-là ont été repoussés et renvoyés vers le point de départ.
4 Q. Colonel, j'aimerais avant de continuer que nous revenions sur certains
5 points. Vous nous avez indiqué que vous aviez coupé la parole à cette
6 réunion pour dire qu'il y a eu des exécutions là-bas. Vous leur avez dit ce
7 que vous aviez vu et vécu là-bas. Est-ce que le commandant Sljivancanin
8 vous a dit quoi que ce soit au sujet des exécutions à Velepromet ?
9 R. Si mes souvenirs sont bons, le commandant Sljivancanin n'a rien dit à
10 ce sujet mis à part le fait d'avoir dit que la mission était accomplie.
11 Je m'en excuse, mais je dois souligner que j'ai mentionné également
12 le colonel Kijanovic. J'ai dit que c'était lui qui m'avait informé du fait
13 d'avoir ouï dire qu'il y a eu des meurtres de commis et qu'il y avait des
14 cadavres aussi. A cette réunion ou ce soir-là à la même réunion et à la
15 réunion suivante, celle du 20 novembre au matin, réunion tenue par le
16 commandant Sljivancanin au portail d'entrée de Velepromet, moment où il
17 nous a informé sur l'essentiel de la mission d'évacuation de l'hôpital.
18 J'en parlerai ultérieurement. Mais ce qui importe ici, c'est que j'ai
19 précisé, que le colonel Kijanovic m'avait informé qu'il était au courant et
20 que Korica aussi savait qu'il y avait des exécutions commises là-bas et que
21 des cadavres ont été vus là-bas.
22 Q. Ce que je souhaiterais obtenir, c'est que vous puissiez répondre à mes
23 questions au fur et à mesure que je vous les pose, c'est-à-dire, qu'il
24 faudrait peut-être suivre l'ordre chronologique. Je vous demanderai de ne
25 pas me donner des réponses aussi longues, car je vais vous poser des
26 questions sur tout ce que vous avez dit. Donc, s'agissant du colonel
27 Kijanovic, il vous a parlé des cadavres. Maintenant, je souhaiterais que
28 l'on divise cette scène ou ce récit en point précis. Je ne sais pas si vous
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1 comprenez ma question, mais je voudrais vous demander si on a essayé de
2 trouver ces cadavres ?
3 R. Jusqu'à cette réunion, je ne sais pas si quelqu'un a essayé de trouver
4 ces cadavres. Je ne le crois pas toutefois, car c'était la nuit. Il aurait
5 été assez difficile de faire une enquête sur le territoire et d'essayer de
6 trouver les cadavres.
7 Q. Mais qu'en est-il de la matinée ? Est-ce que vous savez si, le
8 lendemain ou le lendemain matin, on a essayé de trouver ces cadavres ?
9 R. Oui. Je vais vous demander de me permettre de vous relater la teneur de
10 la réunion plus tard. Mais pour l'instant, je souhaiterais vous dire que
11 j'ai demandé au colonel Kijanovic de s'adresser aux supérieurs compétents
12 de l'unité appartenant au colonel Mrksic afin que ces derniers puissent
13 faire une enquête de l'enceinte et une enquête à l'extérieur de l'enceinte
14 de Velepromet pour voir si effectivement il y avait des cadavres.
15 Q. Est-ce que vous savez si cela a été fait ?
16 R. Lorsque nous nous sommes réunis ce jour-là devant le poste de
17 commandement, je parle du 20 dans la soirée, entre 19 heures --
18 Q. Il y a peut-être une erreur d'interprétation, s'agissant de l'après-
19 midi ou de la matinée. S'agit-il de 7 heures du matin ou 7 heures de la
20 soirée ?
21 R. C'était à 19 heures. Je me suis peut-être mal exprimé. Je n'ai pas
22 donné l'heure à la façon militaire.
23 Q. Veuillez poursuivre, je vous prie.
24 R. Ce sont les colonels Tomic et Kijanovic qui m'ont informé que les
25 autobus qui se trouvaient dans l'enceinte de la caserne, que ces autobus
26 avaient été conduits à Ovcara, et le colonel Kijanovic m'a expliqué que
27 pendant que je m'entretenais avec le colonel Sljivancanin et pendant que
28 j'étais allé avec lui à l'hôpital, il m'a expliqué que lui, accompagné d'un
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1 groupe de supérieurs et de chefs d'unités de l'unité du colonel Mrksic,
2 avaient fait une enquête avec les membres de la police et qu'ils avaient
3 fait une inspection de l'enceinte et qu'ils avaient trouvé 17 cadavres. Ces
4 cadavres avaient été, par la suite, transportés à bord de camions
5 militaires appartenant à l'unité du colonel Mrksic. Je lui ai demandé : Où
6 avez-vous emmené ces cadavres ? Il m'a expliqué que ces cadavres avaient
7 été conduits jusqu'au cimetière militaire, et que c'est là que ces cadavres
8 avaient été enterrés. Je ne lui ai toutefois pas demandé s'il pouvait me
9 dire où se trouvait le cimetière militaire et je ne lui ai pas demandé
10 s'ils avaient pris toutes les mesures nécessaires pour trouver l'identité
11 de ces cadavres et je ne lui ai pas demandé s'il s'était servi de moyens
12 médicaux légaux pour trouver l'identité de ces cadavres.
13 Q. Est-ce que vous avez obtenu une réponse à votre question ?
14 R. Le colonel Kijanovic m'a dit qu'il avait trouvé 17 cadavres et qu'il
15 les a transportés à bord d'un camion militaire jusqu'au cimetière
16 militaire.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous écoute, Maître Lukic.
18 M. LUKIC : [interprétation] Encore une fois, Monsieur le Président, je
19 crois qu'à la page du compte rendu d'audience, ligne 14, il n'a pas demandé
20 à Kijanovic si on a procédé à l'identification des cadavres, si on a
21 appliqué les moyens médicaux légaux. C'est cela que le témoin a répondu,
22 mais je ne crois pas que c'est ceci qui a été consigné au compte rendu
23 d'audience, à la page 10, ligne 14.
24 M. MOORE : [interprétation] D'après mon souvenir, et je ne prétends pas
25 détenir la vérité absolue, mais je crois qu'il avait dit qu'il avait posé
26 cette question.
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic croit que ce n'était pas
28 le cas.
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1 M. MOORE : [interprétation] Je comprends tout à fait qu'il puisse y avoir
2 des erreurs. Je ne fais aucune critique concernant les objections, les
3 interruptions mais il s'agit d'un processus qui vise à déstabiliser le
4 témoin. C'est très complexe.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il s'agit d'une question assez
6 complexe et difficile. Il arrive souvent ou il arrive de temps en tant que
7 les personnes qui suivent la procédure en langue maternelle suivent le
8 compte rendu d'audience, et elles peuvent à ce moment-là déceler les
9 erreurs et attirer notre attention sur ces erreurs, mais sans abuser.
10 J'approuve ce genre de processus.
11 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Moore.
12 M. MOORE : [interprétation] Très bien.
13 Q. Revenons maintenant à la réunion que vous avez eue avec Tomic et
14 Sljivancanin pour approfondir ce sujet. Lorsque vous êtes revenu, lorsque
15 cette réunion s'est terminée, donc à la fin de cette réunion, est-ce qu'on
16 a pris des mesures, est-ce qu'on a fixé une autre date pour se rencontrer
17 de nouveau le 20 ?
18 R. Si je vous ai bien compris, votre question vise à savoir s'il y a eu
19 une réunion qui s'est déroulée devant… Donc, c'était devant le poste de
20 commandement. Cette réunion aurait pu se tenir entre une heure et deux
21 heures du matin, le 20. Je peux vous résumer succinctement ce que le
22 commandant Sljivancanin a dit à ce moment-là, si cela est nécessaire. Vous
23 ai-je bien compris, Monsieur ?
24 Q. Pourriez-vous nous dire en termes généraux ce qu'a dit le commandant
25 Sljivancanin sans entrer dans les détails, je veux dire ?
26 R. Le commandant Sljivancanin a expliqué la mission visait à procéder à
27 l'évacuation de l'hôpital et il nous a informé qu'il avait reçu des listes
28 de noms de la part du Dr Vesna Bosanac. Je ne me souviens pas toutefois
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1 s'il a mentionné qu'il s'agissait d'une liste commune qui avait été rédigée
2 conjointement avec M. Jure Njavro et M. Marin Bili ou s'agissait-il d'une
3 liste compilée par une personne. J'ai tout du moins compris qu'il
4 s'agissait d'une liste comprenant tous les noms de tout le personnel blessé
5 et les personnes, qui avaient été également appelées criminelles et qui se
6 cachaient à l'hôpital. Si j'avais bien compris, tous les noms des personnes
7 se trouvant à l'hôpital, qu'ils soient blessés ou autres, se trouvaient sur
8 cette liste. C'est ainsi que le commandant Sljivancanin avait pu obtenir
9 des détails plus approfondis lui permettant de procéder à l'évacuation de
10 l'hôpital.
11 Le commandant Sljivancanin avait également ajouté que l'hôpital
12 serait vidé selon un plan d'évacuation et qu'il dirigerait cette mission.
13 C'est lui qui commanderait, donnerait des ordres pour cette évacuation et
14 que nous ne pouvions pas tous y aller. Il nous a demandé de nous rassembler
15 à 6 heures du matin à l'accueil du portail de Velepromet, le matin du 20.
16 Je ne sais pas si vous m'avez bien compris. Je viens de vous dire qu'il y
17 avait deux réunions auxquelles a participé le commandant Sljivancanin et
18 c'est à ce moment-là qu'il a expliqué quelle serait la tâche et la façon
19 dont l'évacuation se ferait.
20 Q. Je vous remercie. Vous nous avez dit qu'il devait y avoir une réunion à
21 6 heures du matin à l'extérieur du portail de l'entreprise de Velepromet.
22 Est-ce que vous avez pris part à cette réunion, qui s'est déroulée à 6
23 heures du matin, tel qu'on vous l'a demandé ?
24 R. Oui. Nous nous étions rassemblés à 6 heures du matin, à l'entrée de
25 Velepromet, au portail et devant le bâtiment administratif, du côté
26 interne. C'est là que nous nous sommes retrouvés. Je ne pourrais pas vous
27 donner avec précision qui était la personne qui était arrivée la première.
28 Je sais que nous étions arrivés parmi les premiers et que le colonel Slavko
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1 Tomic s'y trouvait et moi-même. Il y avait Kijanovic également. Il y avait
2 également Slobodan Stosic. Stevan Mirkovic était là. Il y avait également
3 des supérieurs du commandant Muncan Dragan. Il y avait également le sous-
4 lieutenant Korica et deux autres commandants.
5 Le commandant Sljivancanin est arrivé à bord d'un véhicule militaire
6 tout terrain. Si j'ai bien compris, c'était un véhicule de marque Pu
7 [phon], accompagné de ses hommes et en présence d'un autre officier
8 subalterne. Je crois que c'était un capitaine. Le chauffeur était un jeune
9 officier ou peut-être un officier. La réunion était, plus ou moins, courte
10 si je me souviens bien. Le commandant Sljivancanin a déclaré qu'il fallait
11 procéder suivant un plan, comme il l'avait déjà dit auparavant, et il n'y a
12 qu'un seul l'officier subalterne qui pouvait se rendre à l'hôpital avec lui
13 car il n'y avait pas suffisamment de places à bord de son véhicule. Nous
14 nous sommes tous regardés pour voir qui serait la personne désignée. Je ne
15 sais pas si je me suis porté volontaire ou si quelqu'un a proposé mon nom.
16 Je me rappelle d'avoir exprimé le désir de me rendre à l'hôpital pour
17 pouvoir examiner la situation, voir quelle était la situation à l'intérieur
18 de l'hôpital, du point militaire et aussi du point de vue du droit
19 humanitaire international.
20 Q. Merci. Je souhaiterais aborder deux questions pour l'instant. Revenons
21 maintenant au portail de Velepromet. Est-ce que vous avez vu d'autres
22 véhicules garés devant ce portail ?
23 R. Oui. Il y avait un véhicule tout terrain qui était garé avec des
24 plaques minéralogiques étrangères. Je ne sais pas si ce véhicule
25 appartenait aux Médecins sans frontières ou aux membres de la Croix-Rouge
26 internationale. Les vitres étaient glacées, givrées. Je ne sais pas s'il y
27 avait quelqu'un à l'intérieur. Je ne sais pas si quelqu'un dormait
28 éventuellement dans ce véhicule.
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1 Q. Est-ce que vous vous souvenez de la couleur du véhicule ?
2 R. Le véhicule était de couleur grise. Non, non, désolé. Voilà. C'est un
3 véhicule blanc. Je me souviens maintenant. Ce véhicule avait les
4 inscriptions de la Croix-Rouge internationale. Je me trompe peut-être, mais
5 c'est le souvenir que j'en ai.
6 Q. Merci. Je souhaiterais que l'on parle d'une deuxième chose. Vous nous
7 avez dit que vous vous êtes porté volontaire de vous rendre à l'hôpital
8 pour y faire une inspection, conformément au droit international
9 humanitaire militaire. Est-ce que finalement vous vous y êtes rendu ?
10 Répondez par oui ou par non, si vous pouvez, je vous prie ?
11 R. Oui.
12 Q. Comment vous y êtes-vous rendu ? Par quel moyen de transport ?
13 R. J'ai accompagné le commandant Sljivancanin. C'est à bord de son
14 véhicule. Mais je souhaiterais ajouter qu'il a donné son approbation pour
15 que je le suive. Mais je lui ai dit que je voulais à tout prix être
16 accompagné de l'adjudant Korica en tant que mon accompagnateur.
17 Q. Avant de parler de cela, est-ce que vous pourriez nous dire s'il y
18 avait des problèmes à vous rendre à l'hôpital depuis Velepromet ? Sur la
19 route, est-ce qu'il y avait des obstacles ? Répondez par oui ou par non, je
20 vous prie.
21 R. Je ne me souviens pas si nous avons rencontré quelque obstacle que ce
22 soit.
23 Q. Merci. Vous avez dit que vous vouliez que l'adjudant Korica vous
24 accompagne à l'hôpital. Pourquoi est-ce que vous avez fait cette demande ?
25 Pourquoi avez-vous insisté pour qu'il vienne avec vous ?
26 R. J'ai expliqué. J'ai donné mes raisons en leur expliquant que j'avais eu
27 des ennuis la veille à Velepromet et que je me suis senti menacer à
28 plusieurs reprises. On m'a menacé. J'avais peur pour ma propre vie. Le
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1 commandant Sljivancanin a acquiescé à ma demande et j'ai été accompagné de
2 cette façon-là par l'adjudant Korica.
3 Q. Je souhaiterais parler à présent de votre arrivée à l'hôpital. Est-ce
4 que vous me suivez ?
5 R. Je vous suis.
6 Q. Est-ce que vous pouvez nous donner une idée approximative du moment où
7 vous êtes arrivé à l'hôpital ? Une réunion a d'abord eu lieu à 6 heures du
8 matin, n'est-ce pas ? Ensuite, vous vous êtes rendu à l'hôpital ?
9 R. Cette image est restée gravée dans ma mémoire et voilà ce que je me
10 souviens. Nous sommes descendus vers Vukovar lorsqu'on a commencé à voir le
11 contour des installations se trouvant dans l'espace, mais on ne peut pas
12 voir les détails. C'était à l'aube où le jour ne s'est pas encore fait
13 voir. Nous descendions vers Sajmiste et je ne pouvais distinguer que le
14 contour des bâtiments et c'était effrayant. La ville était détruite. Cela
15 ressemblait à une ville fantôme, sans toit. Les bâtiments étaient détruits.
16 J'ai dit à voix haute : "Vukovar est une ville fantomatique." Personne n'a
17 fait de commentaires mais alors qu'on descendait le long de la rue, je me
18 souviens que des civils avaient accouru vers le véhicule du commandant
19 Sljivancanin et ces personnes avaient demandé au commandant Sljivancanin de
20 leur dire où ils pouvaient trouver des soldats pour aller se rendre.
21 Q. Ma question était la suivante : je voulais savoir à quelle heure vous
22 êtes arrivés à l'hôpital ?
23 R. Je crois que nous sommes arrivés à l'hôpital vers 7 heures du matin.
24 Vers 7 heures 15 peut-être ou plus tard, 7 heures 30.
25 Q. Merci. Lorsque vous êtes arrivés à l'hôpital, est-ce que vous étiez en
26 mesure de voir si la protection dans l'hôpital avait été assurée par des
27 unités, y avait-il des soldats qui montaient la garde ?
28 R. Oui. J'ai vu que la sécurité avait été assurée, qu'il y avait également
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1 des gens qui montaient la garde appartenant à la police militaire, police
2 qui était sous les ordres du commandant Sljivancanin. C'est là que j'ai
3 remarqué également des soldats, membres de la Défense territoriale, qui
4 portaient un costume national. Je présume par là qu'ils portaient également
5 des armes et ils avaient quelques pièces d'armes sur eux, mais leurs têtes
6 étaient couvertes par des couvre-chefs et de costumes nationaux. Ce sont
7 des couvre-chefs rouges avec un pompon, avec des franges et ils portaient
8 peut-être un insigne, mais je ne suis pas tout à fait certain si je les ai
9 vus. Ces couvre-chefs rouges étaient des toques munies de franges.
10 Q. Je vous remercie. Vous avez raconté qu'une réunion a eu lieu à
11 l'hôpital de Vukovar, ce matin-là. Est-ce que vous aviez connaissance d'une
12 telle réunion à l'hôpital ?
13 R. Je sais que le commandant Sljivancanin a commencé immédiatement à
14 mettre en œuvre son plan. S'il y avait quelqu'un
15 qui était là pour lui faire un rapport de la situation, je ne le sais pas,
16 je n'étais pas présent. Lorsque j'ai vu cette installation, ce bâtiment,
17 lorsque je suis entré à l'intérieur du bâtiment, j'ai remarqué que le
18 commandant Sljivancanin avait rassemblé le personnel médical présent. Il
19 les avait rassemblés dans une pièce qui se trouvait à gauche de l'entrée,
20 c'est-à-dire, depuis la salle des urgences, on passait à gauche et c'était
21 là qu'il avait rassemblé ce personnel médical.
22 Q. Excusez-moi, je vous interromps --
23 R. C'est moi qui m'excuse.
24 Q. Etiez-vous présent lorsque cette réunion a eu lieu ?
25 R. Je n'ai pas participé à cette réunion car il ne m'a été permis d'entrer
26 dans cette pièce. J'étais là et je pouvais suivre. Je pouvais voir quelles
27 étaient les personnes qui entraient dans cette pièce. J'étais à côté de la
28 porte et j'étais également à proximité d'une infirmière, qui était de garde
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1 cette nuit-là, tout près de l'abri nucléaire où les blessés et les malades
2 se trouvaient. Je l'ai saluée et je lui ai posé des questions, mais tout en
3 lui parlant, je suivais du coin de l'œil les allées et venues des personnes
4 qui assistaient à la réunion, présidée par le commandant Sljivancanin.
5 Q. Est-ce que vous avez fait le tour de l'hôpital ce matin-là ? Est-ce que
6 vous avez inspecté l'extérieur de l'hôpital ou l'intérieur ?
7 R. Après cette courte réunion que le commandant Sljivancanin avait
8 convoquée, il expliquait au personnel infirmier que l'hôpital serait évacué
9 et il leur a expliqué de quelle façon ce plan d'évacuation se poursuivrait;
10 je crois qu'il leur a exposé trois façons de procéder, trois possibilités.
11 Lorsqu'il est sorti, ce personnel médical est allé chercher certains biens
12 personnels, et ensuite ils ont décidé d'attendre les bus ou la Croix-Rouge
13 internationale, dépendamment des désirs des personnes. J'ai demandé au
14 commandant Sljivancanin de désigner un médecin qui connaissait bien
15 l'hôpital, accompagné de deux policiers militaires, de deux soldats, qui
16 assureraient ma sécurité lors de l'inspection de l'hôpital.
17 Le commandant a dit à son officier subalterne, ce chef de l'unité de la
18 police militaire, cette personne que j'ai saluée, mais je ne me souviens
19 plus de son nom de famille. Il a emmené un adjudant et deux policiers et le
20 commandant Sljivancanin a dit qu'il fallait que le Dr Stanojevic
21 m'accompagne. Le Dr Stanojevic était un médecin spécialisé en médecine
22 interne et il était membre du personnel de l'hôpital et il était également
23 chef de son département de médecine interne et c'est lui qui m'a montré
24 l'hôpital. Korica était également présent, l'adjudant Korica était là.
25 Q. Je vous remercie. Dites-moi, combien de temps avez-vous passé à faire
26 l'inspection de l'hôpital, s'agissant de l'intérieur de l'hôpital ?
27 R. Cette inspection a duré, comment vous dire, j'ai commencé à 8 heures,
28 et je crois que vers 11 heures j'avais terminé l'inspection, de 8 heures à
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1 11 heures. Nous avons suivi un certain ordre. Je me souviens que je voulais
2 d'abord aller voir où se trouvaient les blessés et les malades. Nous
3 voulions d'abord voir l'abri nucléaire puisque le commandant Sljivancanin
4 avait dit que les personnes qui pouvaient marcher devaient d'abord quitter
5 l'hôpital. Donc toutes les personnes qui pouvaient encore se déplacer
6 seules devaient partir d'abord et c'est ce qu'ils ont fait. Ils ont
7 commencé à sortir par la porte principale.
8 Q. Est-ce que vous avez inspecté le toit, je ne dis pas que vous soyez
9 monté sur le toit, mais est-ce que vous l'avez inspecté ?
10 R. Oui, je suis venu dans le grenier, c'est comme cela qu'il l'appelait
11 cette partie. Il n'y avait pas vraiment de toit, mais c'était un espace
12 recouvert par les dalles au-dessus des poutres en bois. Je me souviens que
13 c'est là que j'ai vu un grand trou, et le Dr Stanojevic a dit que ceci
14 avait été provoqué par une bombe d'avion qui avait percé deux niveaux et
15 qui s'était arrêtée dans un couloir au-dessus de l'abri atomique où il y
16 avait plusieurs personnes blessées qui étaient allongées sur les lits
17 d'hôpital ou sur des civières. L'une de ces personnes blessées avait les
18 jambes en plâtre, les jambes qui étaient relevées et cette bombe est tombée
19 à travers ses jambes et il n'en a pas été blessé, mais il a perdu
20 connaissance. Je lui ai demandé ce qui était arrivé avec cette bombe. Il a
21 dit que des policiers et des membres des forces spéciales du MUP étaient
22 venus et qu'ils ont emporté cette bombe dans le poste central de police,
23 l'administration de la police à la tête de laquelle se trouvait Stipe Pole.
24 C'est ce qu'il avait dit.
25 Q. Merci. Je souhaite que l'on traite de nouveau de l'hôpital. Je pense
26 qu'il y avait une mauvaise odeur à l'hôpital, n'est-ce pas ? Est-ce qu'on
27 dirait "puait." Cela puait.
28 R. Oui. C'est ce que nous avons tous remarqué lorsque nous sommes arrivés
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1 jusqu'à un grand frigo, dont les portes étaient ouvertes. A l'intérieur s'y
2 trouvaient des organes humains. J'étais surpris et j'ai demandé au Dr
3 Stanojevic d'où venait cette puanteur forte ? En tant que soldat, j'ai pu
4 la supporter et je me suis approché de cet endroit dans l'intention de
5 vraiment constater de quoi il s'agissait.
6 Stanojevic a dit que c'étaient les organes des corps humains et que,
7 d'après la loi et les règlements médicaux, certains organes doivent être
8 enterrés comme un cadavre, et d'autres doivent être incinérés. Compte tenu
9 du fait qu'il n'y avait pas d'électricité depuis longtemps, le frigo ne
10 fonctionnait plus et ces organes ont commencé à pourrir et à répandre une
11 odeur épouvantable. Je m'excuse, il a dit que c'était une commission qui
12 était en charge de cela.
13 Q. Merci beaucoup. Encore une fois, si nous parlons de l'inspection de
14 l'hôpital, je pense qu'il est exact de dire que vous y avez trouvé certains
15 cadavres; est-ce exact ?
16 R. A l'extérieur de l'enceinte de l'hôpital, nous avions trouvé des
17 cadavres alignés avec des numéros. Nous avons vu que ces cadavres étaient
18 enregistrés. Le Dr Stanojevic a dit que la personne en charge du registre
19 des morts tenait son registre de manière tout à fait assidue et qu'il
20 considérait que ce livre avait été remis au commandant Sljivancanin.
21 Q. Le Dr Stanojevic dont vous avez parlé, est-ce qu'il vous a donné une
22 idée au sujet des missiles ou des armes qui avaient été utilisées dans
23 l'environnement de l'hôpital ?
24 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Vasic.
26 M. VASIC : [interprétation] Je considère que c'est une question directrice.
27 Nous n'avons même pas entendu que ceci avait été utilisé, mon collègue
28 demande déjà quel était le type de projectiles utilisés.
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1 M. MOORE : [interprétation] Je vais le reformuler si ceci peut vous aider.
2 J'essayais d'utiliser un terme générique.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Vasic, je dois avouer que
4 moi-même je ne vois rien d'erroné dans la manière dont la question a été
5 posée. Il s'agit du fait d'attirer l'attention du docteur à un domaine tout
6 à fait différent et nouveau de conversation. Le choix du terme
7 correspondait tout simplement au fait que l'on essayait d'obtenir une
8 réponse permettant d'identifier les types d'engins explosifs, et je n'y
9 vois pas du tout les mêmes implications que vous.
10 M. MOORE : [interprétation]
11 Q. Est-ce que vous pouvez répondre à la question ? Est-ce que vous
12 souhaitez que je la repose ?
13 R. Oui, s'il vous plaît.
14 Q. Un docteur était avec vous et il s'y connaissait, il était autour de
15 l'hôpital. Est-ce qu'il vous a montré le type d'armes --
16 R. Mirko Stanojevic.
17 Q. Merci. Est-ce qu'il vous a dit quel type d'armes avait été utilisé à
18 l'hôpital ?
19 R. C'est un médecin qui se connaît plus en médecine. Cependant il m'a
20 montré les alentours, et il m'a dit qu'après que cette bombe était tombée
21 certaines mesures ont été prises afin de faire en sorte que les blessés qui
22 étaient au premier niveau soient placés dans l'abri nucléaire où les
23 conditions étaient bien plus difficiles, et que ceci avait été fait
24 conformément à la décision de la cellule de Crise de l'hôpital.
25 Puis, il a dit également que de nombreux projectiles étaient tirés sur
26 l'hôpital, des obus de mortier, d'autres armes, mais qu'il ne savait pas si
27 ceci avait provoqué des pertes ou des morts. Puis, il a dit aussi qu'un
28 projectile avait été tiré sur une partie de l'hôpital qui était au-dessus
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1 des urgences et qui avait une terrasse recouverte, et il s'agit d'une
2 partie à l'extérieur du bâtiment qui ressortait du bâtiment. J'ai pu voir
3 un grand trou provoqué par un obus et provoqué visiblement par un obus de
4 grand calibre. Mais j'ai pu constater également qu'il n'y avait pas
5 d'endommagement important sauf des dégâts structurels, et visiblement
6 l'effet produit était un effet psychologique.
7 Q. Lorsque vous étiez à l'hôpital, avez-vous trouvé des armes à
8 l'intérieur de l'hôpital ?
9 R. Dans le grenier de l'hôpital, j'ai trouvé des preuves matérielles
10 indiquant des opérations ou des actions militaires, d'une action d'une
11 formation militaire. J'ai demandé si une unité du MUP ou du ZNG y était. Le
12 Dr Stanojevic m'a dit qu'effectivement il y avait un détachement, une
13 section du Corps de la Garde nationale qui sécurisait l'hôpital. J'ai
14 demandé qui était la personne en charge, et il a dit que cette personne
15 était surnommé Veliki Bojler. Autrement dit, le grand chauffe-eau, et que
16 cette personne semait la terreur autour de lui et, d'après ce qu'il avait
17 entendu dire, son comportement envers les Serbes et la population
18 provoquait une telle peur.
19 Q. Je vous ai posé la question suivante : avez-vous trouvé des armes à
20 l'hôpital ?
21 R. Je m'excuse. J'aurais dû répondre précisément à votre question. Je n'ai
22 pas trouvé d'armes. J'ai trouvé des traces, et je les ai trouvées dans la
23 salle dans laquelle étaient les membres du ZNG. J'ai trouvé deux gilets
24 pare-balles, que --
25 Q. Excusez-moi, je vous ai interrompu. Je pense que vous avez dit que vous
26 avez trouvé deux gilets pare-balles, et je pense que vous les aviez remis,
27 n'est-ce pas ?
28 R. Oui, deux gilets pare-balles de l'OTAN, puis j'ai trouvé une ceinture
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1 pour les munitions pour un fusil de chasse. Je considérais que celles-ci
2 appartenaient à l'organe du MUP, ces munitions du fusil de chasse. Je pense
3 que c'était à l'hôpital, car je faisais des recherches concernant ce
4 problème et, bien sûr, les membres de l'unité, que ce soit le MUP ou le
5 ZNG, qui étaient grièvement blessés et que l'on avait amenés des lignes de
6 front étaient amenés avec leurs armes. Je ne sais plus qui m'a dit que, de
7 manière organisée, par la suite, ces armes étaient placées dans une salle
8 dans l'enceinte de l'hôpital.
9 Q. Merci beaucoup. Peut-on, s'il vous plaît, parler de l'arrivée de la
10 Croix-Rouge internationale, la CICR. Est-ce que vous vous souvenez de
11 l'arrivée de la CICR ?
12 R. A deux reprises seulement avant de faire le tour de l'hôpital je suis
13 sorti à l'extérieur. J'ai dit dans ma déclaration que l'un des membres de
14 la Défense territoriale avec un couvre-chef, ou une espèce de toque, a
15 amené auprès de moi un homme petit qui était de l'hôpital, il l'a amené de
16 l'abri nucléaire, et il a dit : "Colonel, voyez c'est un criminel de
17 guerre." Il a dit, Joja ou Jajo. Excusez-moi.
18 Q. Peut-être qu'il y a un problème. Je vais répéter la question. Je suis
19 sûr qu'on vous posera des questions au sujet de ce que vous êtes en train
20 de dire, mais ma question portait sur la Croix-Rouge internationale. Vous
21 comprenez ? Merci.
22 Est-ce que vous vous souvenez que la Croix-Rouge est arrivée à l'hôpital ?
23 R. C'est Branko Korica qui m'a informé de cela. A plusieurs reprises il
24 s'éloignait de moi, il descendait et il sortait de l'enceinte de l'hôpital.
25 Je suppose que c'était afin de voir ce qui se passait. Lorsque nous nous
26 sommes mis d'accord pour revenir dans l'enceinte de Velepromet, il a dit
27 qu'il avait vu -- plutôt, c'est moi qui avais remarqué que sur le gazon
28 devant l'hôpital le Dr Ivezic, qui était le nouveau chef de l'hôpital, un
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1 lieutenant-colonel de la JNA, qui parlait avec une personne portant une
2 combinaison blanche et je croyais que cette personne faisait partie de la
3 Croix-Rouge internationale. A ce moment-là, j'ai demandé à Korica qui était
4 cette personne ? Et il m'a dit que c'était un membre de la Croix-Rouge
5 internationale ou des Médecins sans Frontières, et que le commandant
6 Sljivancanin avait eu un conflit verbal avec lui. Ceci m'avait fortement
7 étonné et je lui ai demandé où ceci s'était produit, et il m'a dit devant
8 l'hôpital ou à l'entrée de l'hôpital. Je ne lui ai pas posé de question au
9 sujet des détails.
10 Ensuite, je me suis approché du lieutenant-colonel Ivezic et de ce
11 représentant de la Croix-Rouge internationale. Je peux vous fournir
12 d'autres explications, si nécessaire, concernant la manière dont j'ai vécu
13 cela.
14 Q. Non, merci, cela suffit. Peut-être d'autres questions vous seront
15 posées à ce sujet, je ne sais pas.
16 Pendant que vous étiez à l'hôpital, qui était chargé de l'évacuation des
17 gens de l'hôpital ?
18 R. Lors d'une réunion, le commandant Sljivancanin nous a expliqué à nous
19 tous qu'un plan spécifique de l'évacuation de l'hôpital existait et qu'il
20 allait personnellement être en charge de l'exécution des missions contenues
21 dans ce plan.
22 Q. Est-ce que vous vous souvenez avoir quitté l'hôpital ce matin-là ?
23 R. Ce matin-là, ce jour-là, si j'étais venu ou parti ? Je ne vous ai pas
24 compris, excusez-moi.
25 Q. Vous étiez déjà arrivé à l'hôpital, et je pense que vous avez dit --
26 vous direz sans doute qu'à la longue vous avez quitté l'hôpital, n'est-ce
27 pas ?
28 R. Excusez-moi, non. Je suis sorti de l'hôpital en empruntant la porte de
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1 sortie dans la partie appelée les urgences, et c'est aux alentours de cet
2 endroit que j'ai rencontré un civil, comme je l'ai mentionné au sujet
3 duquel il m'a été dit que c'était un criminel de guerre. Je ne sais pas si
4 c'est de cela que vous parlez.
5 Q. Oui. Je souhaite que nous traitions d'un autre point. Vous nous avez
6 parlé de l'hôpital, puis, je pense à un moment donné, vous avez quitté
7 l'hôpital ?
8 R. Oui. J'ai quitté l'hôpital. Je ne peux pas être précis, ni vous dire
9 l'heure exacte mais je l'ai quitté au moment où je me suis approché du Dr
10 lieutenant-colonel Ivezic et le représentant de la Croix-Rouge
11 internationale. C'était peut-être vers dix heures et demie, peut-être même
12 vers midi.
13 Q. Où êtes-vous allé à ce moment-là ?
14 R. J'avais convenu avec l'officier Korica de le rencontrer dans le bureau
15 du capitaine Borisavljevic à Velepromet. C'est ce que j'avais dit au
16 commandant Sljivancanin aussi, en disant que j'avais terminé mon tour et
17 que je lui demandais, compte tenu du fait que j'y avais vu un civil avec un
18 véhicule de terrain, je pense que c'était une Land Rover avec des plaques
19 d'immatriculation de Novi Sad, je lui ai demandé de me conduire, s'il
20 allait lui-même vers le poste de commandement ou vers Velepromet. Je
21 suppose que le commandant Sljivancanin avait convenu cela avec cet homme.
22 Je ne sais pas encore aujourd'hui qui était cette personne et il m'a pris
23 dans sa voiture et il m'a conduit jusqu'à Velepromet.
24 Q. Merci beaucoup.
25 M. MOORE : [interprétation] Monsieur le Président, je sais que nous ne
26 sommes pas encore arrivés à l'heure de la pause mais je vais maintenant
27 traiter d'un autre domaine. J'aimerais bien le faire en bloc.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Moore.
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1 M. MOORE : [interprétation] Merci.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons prendre notre première
3 pause et je pense que le moment est opportun pour que l'on se détende un
4 peu. Nous allons prendre une pause jusqu'à 11 heures moins quart et
5 reprendre à ce moment-là.
6 --- L'audience est suspendue à 10 heures 23.
7 --- L'audience est reprise à 10 heures 47.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez continuer, Monsieur Moore.
9 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie.
10 Q. Colonel, avant la pause, vous nous avez dit qu'après l'hôpital, vous
11 avez voulu aller à Velepromet. Je voudrais à présent parler de votre retour
12 dans le secteur de Velepromet. Pouvez-vous nous dire à peu près quand est-
13 ce que vous êtes retourné vers le secteur ou les installations de
14 Velepromet plutôt ?
15 R. Dans mes dépositions faites au préalable, auprès du juge du tribunal
16 militaire, puis auprès des instances d'instruction du bureau du Procureur,
17 puis au procès auprès du tribunal spécial de Belgrade, je n'ai pas été
18 capable de donner davantage de précisions pour ce qui est de l'heure. De
19 tous mes récits, il découle que je devais être arrivé là-bas après 12
20 heures.
21 Q. Une fois arrivé à Velepromet, avez-vous rencontré quelqu'un là-bas ?
22 R. Le monsieur qui m'a véhiculé jusqu'à Velepromet ou juste devant,
23 s'était dirigé vers le poste de commandement, du moins c'est ce que j'ai
24 compris. A la guérite d'entrée, j'ai trouvé un soldat de la police
25 militaire, qui était là pour garder les installations, et c'était un
26 subordonné du capitaine Borisavljevic. Je lui ai demandé si l'adjudant
27 Korica était là-bas et il m'a conduit vers le bureau au sujet duquel Korica
28 m'a dit que c'était celui du capitaine Borisavljevic. J'y ai trouvé un
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1 capitaine ou plutôt un capitaine de première classe qui portait l'uniforme
2 que je portais moi aussi. Il était de permanence, à côté du combiné
3 téléphonique qui se trouvait sur son bureau, et il avait, non loin de lui,
4 une arme automatique, un fusil mitrailleur.
5 Q. Que faisait cet officier-là ?
6 R. Je suppose qu'il faisait partie du QG de la Défense territoriale.
7 C'était l'impression que je m'étais faite. Peut-être avait-il fait partie
8 de la brigade du colonel Mrksic, mais je ne le savais pas cela. Nous avons,
9 toujours est-il, fait connaissance.
10 Q. Vous souvenez-vous de son nom ? Si ce n'est pas le cas, dites-le.
11 R. Non, je ne m'en souviens vraiment pas.
12 Q. Que faisait pendant ce temps Branko Korica ?
13 R. Branko Korica, lui, s'est attablé à un bureau plutôt bas et il y avait
14 un attaché-case avec une serrure à code. Cet attaché-case était déjà ouvert
15 et il prenait des notes dans un carnet. J'ai été surpris lorsqu'il a sorti
16 des enveloppes bleues et il en a vidé le contenu. A l'intérieur, il y avait
17 des marks allemands en billets, enfin des petits billets, des petites
18 coupures.
19 D'après ce qu'il a expliqué par la suite, ces enveloppes venaient de
20 l'attaché-case. Il m'a dit que le soldat de la police militaire à la
21 guérite d'entrée, en présence du capitaine Borisavljevic, parce que celui-
22 ci arrivait depuis l'hôpital, avait déjà trouvé là le capitaine
23 Borisavljevic. Cet homme lui avait remis l'attaché-case et a dit : "Mon
24 adjudant, c'est ici ce que les Chetniks m'ont donné à moi pour que je vous
25 le remette à vous en personne." Korica s'est senti mal à l'aise et il s'est
26 servi d'un terme, disons d'origine locale, et j'ai cru comprendre qu'il se
27 sentait vraiment mal à l'aise.
28 Dans cet attaché-case, il y avait un passeport, un portefeuille, le
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1 passeport comportait bien sûr les renseignements de son propriétaire. Le
2 portefeuille était vide, mais il y avait à l'intérieur une carte d'identité
3 qui portait le même nom. Il y avait, si je m'en souviens bien, un chéquier
4 de la banque de Vukovar et il ne manquait que quelques chèques seulement.
5 Q. Savez-vous nous dire le nom de la personne qui était le propriétaire de
6 ce chéquier ?
7 R. Je me souviens de ce nom, oui. Vodopija Vladimir. Au fil de mes
8 activités du KP Dom de Sremska Mitrovica, c'est un problème, un nom qui m'a
9 tarabusté et il y avait aussi un cachet et le nom de la société dont
10 Vodopija Vladimir était directeur. Il se trouvait être directeur de
11 l'entreprise des eaux de la ville Vukovar. Des enveloppes étaient, de façon
12 évidente, destinées à ses employés, au personnel, ou alors à des membres de
13 la TO de Vukovar, ou encore à des membres d'une unité des ZNG, voire des
14 volontaires qui avaient accompli certaines tâches pendant la guerre. Sur
15 les enveloppes, il y avait des noms de personnes. Cela constituait par
16 exemple des indemnités journalières, parce que les montants étaient de 15,
17 16, 17 marks, je ne sais pas à quelle période cela devait se rapporter.
18 Comme il y avait également un cachet permettant de retirer de la banque de
19 Vukovar, et qu'il y avait un chéquier avec des chèques manquant, la
20 conclusion en a été que le montant retiré était le montant manquant au
21 niveau de la caisse de l'entreprise.
22 Q. Merci. Pendant que vous vous trouviez dans cette pièce, à ce moment-là,
23 vous a-t-on informé de l'arrivée d'autres personnes ?
24 R. Oui. A un moment donné, le soldat qui était à la guérite d'accueil est
25 accouru, apeuré. Il a brusquement ouvert la porte du bureau et très
26 troublé, il a dit : "Il y a Arkan ici avec des civils. Ils sont entrés dans
27 l'enceinte avec des personnes quelconque." Nous avons été surpris et nous
28 avons jeté un coup d'œil.
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1 Je vais tout de suite vous donnez mon impression. J'ai été surpris
2 parce qu'Arkan ne venait jamais pour rien. Il ne se déplaçait jamais pour
3 rien et il venait parce qu'il avait une mission déterminée. J'en ai tiré la
4 conclusion qu'il était effectivement venu parce qu'il avait une mission. On
5 pouvait s'attendre à des surprises. Et là où Arkan était passé, il y avait
6 forcément des séquelles et c'est la raison pour laquelle je me suis demandé
7 s'il avait pu venir tout seul de son gré. J'ai pensé à Mrksic, au
8 commandant Sljivancanin aussi. J'ai pensé aux prisonniers de guerre que
9 nous avions déjà évacués. J'ai pensé aussi aux événements de Velepromet.
10 Q. Est-ce que quiconque d'autre se serait entretenu avec vous au sujet de
11 l'arrivée d'Arkan après que le soldat vous l'ait dit ?
12 R. Oui. Il est d'abord rentré un colonel et il s'est présenté. Il avait un
13 pistolet automatique sur la poitrine, un Heckler; Heckler & Koch, comme
14 vous l'appelez, c'est l'usine qui l'a fabriqué. Il a demandé : "Qui est
15 l'officier le plus haut gradé ici ?" Je lui ai dit que j'étais le colonel
16 Branko. Je n'ai pas à ce jour dit à ce Tribunal-ci, mais je l'ai dit au
17 tribunal spécial à Belgrade, je n'ai pas dit pourquoi j'avais un nom de
18 code, colonel Branko. Je puis expliquer aux Juges de ce Tribunal la chose à
19 présent ou ultérieurement.
20 Q. Il serait peut-être bon d'en parler à présent, de parler de ce colonel
21 Branko. Dites-nous pourquoi que vous vous êtes servi de ce pseudonyme,
22 colonel Branko ?
23 R. Les instances de sécurité en application de leurs principes et de leurs
24 règles, lorsqu'ils accomplissent des tâches particulières, peuvent se faire
25 attribuer un nom de code aux fins de se protéger eux-mêmes, de protéger
26 leurs familles respectives et leurs proches, de les mettre à l'abri plutôt
27 vis-à-vis de désagréments qui pourraient du type d'activités qui sont les
28 leurs. J'ai choisi, moi-même, ce nom de code. Je m'en suis servi devant des
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1 personnes inconnues. Les gens qui ont travaillé avec moi et qui me
2 connaissaient, connaissaient aussi mon vrai nom et prénom. D'après ce que
3 j'ai cru comprendre, j'ai bien fait d'avoir, à plusieurs reprises, utilisé
4 ce code et d'en avoir choisi un du reste. Pour ce qui est de Zeljko
5 Raznjatovic, Arkan, cela a été le cas. Tout le monde l'appelait Arkan.
6 Jastreb a aussi pris un nom de code en sa qualité de commandant de la
7 défense de Vukovar. Et un autre commandant a pris le pseudonyme de Mali
8 Jastreb, c'est-à-dire petit faucon.
9 Q. Je voudrais parler de ce que vous avez dit en vous présentant comme
10 étant le colonel Branko. Vous a-t-on dit en réplique, quoi que ce soit ?
11 R. Il a tout de suite dit que le commandant Arkan était là. Je lui ai
12 demandé : "Quel commandant Arkan ?" C'est ainsi que j'ai eu, non pas à un
13 conflit verbal, mais une espèce de contestation parce qu'il voulait dire
14 par là qu'Arkan c'était quelqu'un qui avait de l'autorité et que j'étais
15 censé sortir, me mettre au garde à vous et lui présenter un rapport. J'ai
16 compris la chose. Cela a été un réflexe, non pas pour me défendre, mais je
17 m'étais tout de suite fait une espèce de plan pour me mettre à l'abri, moi-
18 même, et les personnes présentes pour finir par apprendre quelles étaient
19 les raisons de l'arrivée d'Arkan là.
20 Je suppose que vous allez me poser des questions à ce sujet. Je ferai
21 de mon mieux pour jeter de la lumière sur les aspects qui vous
22 intéresseront.
23 Q. Oui, vous avez tout à fait raison. Je me propose, en effet, de vous
24 poser des questions. Qu'avez-vous dit à ce colonel après ce petit débat
25 avec lui ? Pouvez-vous brosser une image de ce qui s'est après, à
26 l'intention des Juges ?
27 R. Lorsqu'il a essayé de faire pression sur moi pour que je me déplace
28 vers Arkan, j'ai refusé. Je lui ai dit : "Colonel, si tu es vraiment un
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1 colonel de la JNA, tu dois forcément connaître la réglementation. Quand on
2 arrive dans une caserne, on est censé se présenter devant le commandant ou,
3 à savoir, devant l'officier le plus haut gradé. A quoi cela rimerait-il si
4 j'allais maintenant, me présenter devant cet Arkan que je ne connais pas,
5 et toi, je ne te connais pas non plus."
6 Il m'a dit : "Mais comment est-ce que tu ne connais pas le commandant
7 de la Garde des Volontaires serbes ?" Il est connu en Europe, dans le monde
8 entier et moi, un colonel, je n'avais pas entendu parler de lui. Il a
9 également dit qu'il n'avait pas entendu parler de moi, mais qu'il
10 connaissait les gens de l'administration de la sécurité. Alors je lui ai
11 dit que moi-même, je n'avais pas entendu parler de lui. Je lui ai cité des
12 noms d'officiers chargés de la sécurité à Osijek où il avait précisé avoir
13 été un représentant chargé de la sécurité au niveau du QG de la TO. Lorsque
14 les Oustachi de Tudjman sont entrés à Osijek, il a perdu son appartement et
15 sa famille. Il a rejoint les rangs des unités à Arkan, et il est devenu son
16 accompagnateur.
17 Q. Je ne sais pas si je vous ai posé la question ou pas. Il se peut que je
18 l'aie fait, dans ce cas-là je m'en excuse, mais savez-vous me donner le nom
19 de ce colonel qui est entré et qui vous a demandé d'aller voir Arkan ?
20 R. De nos jours encore, je ne suis pas en mesure de vous donner son nom de
21 famille. Je crois qu'il s'était présenté comme Starcevic ou Strikovic, ou
22 encore un nom de famille que j'avais avancée comme supposition.
23 Q. Fort bien.
24 R. Je ne suis vraiment pas en mesure de vous le dire exactement.
25 Q. Merci. Après cette discussion que vous avez eue avec ledit colonel,
26 est-il resté avec vous ou est-il parti ?
27 R. Il est ressorti. Il sortait pour informer Arkan de la teneur de cette
28 espèce de duel, d'échange de mots et c'est ainsi qu'Arkan a eu vent de ma
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1 position et des réponses que j'avais faites. Cela a été une espèce de petit
2 jeu psychologique pour voir qu'elle serait l'issue de la rencontre que je
3 vais vous décrire et que j'ai déjà décrite dans la déposition que j'ai
4 faite.
5 Arkan est, à un moment donné, entré. Il a fait son apparition à la
6 porte avec un Heckler sur la poitrine, avec un pansement sur le poignet
7 droit et il avait un pansement par-dessus l'épaule et le cou. En
8 s'approchant de façon très énergique, en regardant les gens droit dans les
9 yeux, il le faisait toujours, il a dit : "Colonel, tu es fou et stupide.
10 D'où tires-tu le courage d'emmener d'ici 2 000 Oustachi et criminels de
11 guerre ? Où les as-tu emmenés et qui t'en a donné l'ordre ? Il faudra que
12 tu les ramènes là d'où tu les as emmenés ?"
13 Q. Quand il vous l'a dit, avez-vous rétorqué quelque chose ?
14 R. Je lui ai dit : "Petit malin, d'où tires-tu cette intelligence que tu
15 sembles avoir pour affirmer combien ils étaient ? D'où sais-tu qu'ils
16 étaient 2 000, comme tu dis ? Et d'où sais-tu que c'étaient tous des
17 criminels de guerre ?"
18 C'est dans ce sens-là que j'ai continué sur ma lancée. Je n'ai pas
19 cessé de le regarder droit dans les yeux non plus. Ce que je cherchais à
20 faire, c'était de voir quelles seraient ensuite ses intentions ?
21 Q. Quand vous avez répliqué de la sorte, a-t-il dit quoi que ce soit pour
22 vous défier ?
23 R. Il a dit qu'ils étaient tous des criminels et des Oustachi. Je lui ai,
24 pour ma part, dit qu'il n'y en avait certainement pas
25 2 000, qu'il y en a eu que 800 d'emmenés et que j'étais le colonel Branko
26 de l'administration de la sécurité et que j'étais là avec une équipe qui
27 s'était vue confier des missions très concrètes par le responsable de
28 l'administration de la sûreté. Je lui ai dit que c'étaient des prisonniers
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1 de guerre. Comme je le lui ai d'ailleurs expliqué.
2 C'est dans ce sens-là que notre débat s'est déroulé. Je lui ai dit
3 que s'il y avait eu éventuellement des Oustachi et des criminels de guerre
4 parmi ces gens-là, qu'ils l'étaient lorsqu'ils se battaient contre ses
5 combattants et les membres de la garde comme il les désignait lui-même,
6 mais à partir du moment où ils s'étaient rendus et qu'ils avaient levé les
7 mains en l'air, c'étaient devenus des prisonniers de guerre. Aussi lui ai-
8 je expliqué que ces gens avaient été évacués vers le KP Dom de Sremska
9 Mitrovica et qu'ils seraient poursuivis en justice par les instances de la
10 justice militaire ou qu'ils feraient l'objet d'enquête de la part des
11 instances d'instruction. Je lui ai dit que je n'avais pas de doute pour ce
12 qui était de savoir s'il y avait ou pas des criminels de guerre parmi eux,
13 mais que ce serait là un processus assez long qui requérrait une procédure
14 et qu'il fallait voir lesquels d'entre eux avaient effectivement commis des
15 crimes de guerre. Je lui ai dit que cela nécessiterait également un certain
16 degré de coopération de la part de la population locale pour déterminer
17 lesquels de ces gens-là avaient commis des crimes si tant est qu'il y en
18 avait.
19 Q. Vous nous avez dit qu'entre vous il y a eu une espèce de
20 "confrontation". Est-ce que cette ambiance hostile entre vous et Arkan
21 s'est perpétuée ?
22 R. Oui. Il en a été aussi hostile jusqu'au moment où je lui ai dit que
23 nous nous étions comportés en application de la loi et de la réglementation
24 régissant le droit de guerre. Et je lui ai également fait savoir que, de
25 toute évidence, il ne connaissait pas ces règles-là, mais que ces règles
26 devaient forcément être mises en avant. Lui n'a cessé de répéter que
27 c'étaient des criminels qui avaient tué des Serbes, des ressortissants
28 d'une population serbe. Il savait que c'était des criminels parce que bons
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1 nombres de ses combattants, de ses membres de la garde à lui ont été tués,
2 et il a dit que je ne savais pas de façon évidente pas combien de membres
3 de la garde avaient donné leurs vies pour la liberté du peuple serbe. En
4 plus, il a précisé que lui et sa garde se battaient pour les Serbes et ce
5 depuis le Canada jusqu'en Australie. Il a dit qu'il avait grandement
6 contribué à cette cause.
7 Peut-être cela n'est-il pas l'ordre qu'il a suivi dans la
8 présentation de ce qu'il a dit, mais c'est la teneur de l'échange que nous
9 avons eu.
10 En plus, il s'est efforcé de me convaincre du fait que les instances
11 chargées de la sécurité de la JNA ne travaillaient pas comme il fallait et
12 qu'ils ne protégeaient pas le peuple serbe, qu'ils ne faisaient rien contre
13 les criminels de guerre. Il a parlé de Magda, une femme qui, d'après ce
14 qu'il avait appris, avait égorgé 40 enfants. Il en a, lui, informé les
15 instances chargées de la sûreté au niveau de la JNA. Alors, je lui ai dit
16 que cela allait certainement être vérifié.
17 Q. Est-ce qu'Arkan vous aurait dit à vous ce qu'il pensait devoir être
18 fait des prisonniers et du traitement qui devrait leur être réservé ?
19 R. Il a dit que lui et sa garde ne reconnaissaient pas les prisonniers de
20 guerre, ne reconnaissaient pas la reddition, qu'ils ne se rendaient jamais,
21 et que tous ceux qui avaient tué des Serbes et des ressortissants de la
22 population serbe, c'étaient tout simplement des criminels de guerre ou des
23 criminels tout court. Je lui ai également demandé : "Mais comment Arkan
24 peux-tu ne pas reconnaître le statut de prisonniers de guerre alors que tu
25 as toi-même été fait prisonnier ?" Et lui, à ce moment-là, a changé de
26 figure. C'était chose notoirement connue. On pouvait rarement voir
27 quelqu'un, quand bien même cela aurait été un acteur, réagir de façon aussi
28 prompte pour modifier les expressions de son visage.
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1 Il s'est assis face à moi et il a dit : "Oui, j'ai été capturé et
2 j'ai été en prison à Zagreb. Donc, tu le sais, toi. Et c'est grâce à je ne
3 sais quoi, à Dieu, à la Providence que je suis resté vivant."
4 Je lui ai dit : "Mais, écoute Arkan. Tu as été échangé suivant une
5 procédure régulière par les soins de la direction de l'Etat." Il s'est
6 efforcé de passer outre et il a commencé relater une fois de plus
7 l'histoire de la contribution qu'il a faite, lui et ses membres de la
8 garde, l'aide qu'il avait apportée aux généraux et aux soldats de la JNA
9 qui n'avaient pas d'expérience aux fins de faire en sorte qu'ils retournent
10 chez leurs mères. Je lui ai dit que le peuple serbe allait certainement
11 reconnaître ses mérites, que les généraux allaient le faire et que les
12 mères en question allaient le faire aussi, mais qu'il ne s'agissait pas de
13 perpétrer pour autant des crimes. Nous avons également discuté des crimes
14 qui ont été commis de part et d'autre. Oui, vous vouliez dire quelque
15 chose. Excusez-moi.
16 Q. C'est bon, c'est bon. Vous êtes en train de nous relater l'échange que
17 vous avez eu avec Arkan au sujet de crimes commis par les deux parties. A-
18 t-il, lui, dit ce qu'il pensait concernant ce qui se passerait, si vous-
19 même abattiez un certain nombre de personnes, ou si les Croates avaient tué
20 un certain nombre de Serbes ? Avait-il une philosophie particulière
21 concernant ce que je qualifierais œil pour œil et dent pour dent ?
22 R. En effet, sa façon de voir pourrait être placée sous cet enseigne. Il a
23 dit qu'il ne reconnaissait les emprisonnements, qu'il ne reconnaissait pas
24 les prisonniers de guerre en tant que catégorie, lui et sa garde. Il a
25 parlé de ceux qui avaient tué des gens et que ceux-là devaient tout
26 simplement être liquidés. La phrase menaçante qu'il m'avait adressée en
27 arrivant avait fort bien exprimé ses positions sur le sujet. Il savait
28 forcément ce qui s'était passé à Velepromet. C'était du moins l'impression
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1 que j'ai eue. En plus, il a dit --
2 Q. Je vous remercie. Ou plutôt, excusez-moi, ajoutez ce que vous vouliez
3 ajouter.
4 R. Je voulais dire qu'il n'a pas cessé de parler de la contribution qu'il
5 a faite avec les membres de sa garde, de l'aide qu'il a apportée aux
6 généraux. Il a montré une photo de lui enlaçant le général Andrija
7 Biorcevic, commandant du Corps d'armée de Novi Sad.
8 Je lui ai dit qu'on lui rendrait la pareille. Je voulais lui faire
9 savoir que j'en savais quelque chose aussi. Je lui ai demandé s'il avait
10 une photo avec le général Mladen Radic, le commandant précédent du Corps
11 d'armée de Novi Sad, qui lui, a donné sa vie pour que la paix revienne dans
12 le secteur de Vukovar ? Je lui ai dit que lui avait donné tout ce qu'il
13 avait. Je lui aussi fais savoir que je connaissais Andrija Biorcevic parce
14 que nous étions de la même génération au niveau de la haute académie
15 militaire et que je connaissais Mladin Bratic qui, lui aussi, avait été de
16 ma génération au niveau de notre formation d'officier de départ.
17 Q. A un moment donné, Arkan est reparti, n'est-ce pas ?
18 R. Oui. Le colonel qui l'accompagnait --
19 Q. Justement. J'allais vous poser la question. Qui est l'autre personne
20 que vous avez contactée ?
21 R. Le colonel qui l'accompagnait est venu le chercher pour lui dire qu'on
22 réclamait sa présence à l'extérieur et il est reparti rapidement. Il a
23 quitté l'enceinte et je suis resté dans le bureau. Comme je l'ai dit dans
24 ma déposition, j'ai commencé à prendre des notes concernant le rapport que
25 je devais rédiger. J'ai commencé à brosser une espèce d'aide-mémoire et
26 j'ai commenté avec Korica, l'adjudant, la discussion que j'ai eu et les
27 conclusions qu'il fallait tirer de l'arrivée d'Arkan.
28 Après un certain moment, le colonel Strikovic ou Starcevic est revenu et il
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1 a dit que : "Le colonel Branko était convié à une session du gouvernement
2 de la SAO de la Slavonie orientale de la Baranja et du Srem occidental."
3 Peut-être n'a-t-il pas dit le nom complet de la SAO, mais toujours est-il
4 qu'il a indiqué que je devais venir à cette réunion du gouvernement de la
5 SAO.
6 J'ai été fort surpris d'apprendre qu'il y avait un gouvernement. Quel
7 gouvernement ? Quel gouvernement allait siéger dans Velepromet ? Pourquoi
8 Velepromet ? J'ai alors compris qu'Arkan n'était pas venu pour rien et
9 qu'il allait y avoir d'autres événements qui ne laissaient augurer rien de
10 bon.
11 Q. Y êtes-vous allé à cette réunion de ce soi-disant gouvernement ?
12 R. Oui. J'allais me diriger là-bas. Le colonel l'avait dit en termes très
13 stricts. J'avais emprunté le couloir et par la vitre, j'ai vu dans la cour
14 un bon nombre de personnes portant l'uniforme. Certains d'entre eux avaient
15 l'uniforme du MUP. J'ai dit à Korica Branko de prendre l'attaché-case, de
16 suivre ce qui se passait et de me suivre aussi vite que possible. En
17 entrant dans la pièce, où la nuit d'avance j'avais tenu une réunion des
18 officiers, et je vous en ai déjà parlé. Je vous ai déjà parlé de la teneur
19 de cette réunion où nous procédions à une évacuation des pièces de
20 Velepromet. Dans la même pièce ou ce grand bureau, il se tenait ladite
21 réunion du gouvernement à laquelle j'ai pris part.
22 J'y ai pris part de la façon suivante : les tables constituaient une
23 espèce de carré. Il y avait quelques autres tables derrière, en arrière-
24 fond. La porte était devant moi. Devant une table longue, il y avait
25 d'assis déjà, un dénommé Ilija, je n'arrive plus à me rappeler son nom de
26 famille. Il faudrait que je reprenne ma déposition. Je m'excuse, oui.
27 Q. Il n'y a absolument pas de problème. Nous allons y revenir un peu plus
28 tôt. Est-ce qu'il y avait des hommes politiques à l'époque ?
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1 R. Oui. Il y avait d'abord le président du gouvernement, M. Goran Hadzic.
2 Je le connaissais de par les photographies car ses photos paraissaient très
3 souvent dans les journaux. Je savais qu'il faisait ce travail et que
4 c'était sa fonction. Il est entré. Il était assis à ma droite à côté de M.
5 Ilija. Ilija était le président de l'assemblée municipale pour la SAO, la
6 Région autonome de la Slavonie Baranja orientale et Srem occidentale.
7 Ensuite les ministres sont entrés, et il y avait en face de moi le ministre
8 de la Justice, M. Vojin Susa et à côté de lui, d'après ce que j'ai pu
9 remarquer car je connaissais cette personne de vue, c'était le feu Slavko
10 Dokmanovic.
11 Q. Permettez-moi de vous interrompre quelque instant. Vous avez parlé de
12 Goran Hadzic. Vous aviez mentionné qu'il était premier ministre. Qui lui a
13 donné ce titre ? Est-ce que vous le savez ?
14 R. D'après le contenu et les propos qui m'ont été adressés, disons que je
15 ne respectais pas ce gouvernement et que mes généraux ne respectaient pas
16 mes gouvernements. Ils ont dit que ce gouvernement a été élu par le peuple
17 et que c'est ainsi que ce gouvernement a obtenu sa légitimité, et que c'est
18 pour cela qu'il fallait respecter ce gouvernement.
19 Q. Pourquoi dites-vous que l'on vous a accusé de ne pas avoir suffisamment
20 de respect à l'endroit de ce gouvernement ainsi appelé ?
21 R. Si vous le permettez, je souhaiterais aborder le sujet par étapes.
22 C'est ainsi que je pourrais vous raconter ce qui s'est passé.
23 Je voudrais vous dire de quelle façon M. Hadzic, en tant que
24 président, a ouvert l'assemblée du peuple et quels étaient les sujets à
25 l'ordre du jour de cette réunion. Je souhaiterais vous relater tout ce que
26 j'ai vu et vécu dans le cadre de cette réunion.
27 Q. Pourriez-vous de façon abrégée, s'il vous est possible, de nous
28 raconter sur quoi portait la réunion ? S'il y a des questions que je
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1 souhaite vous poser, soit moi ou mes éminents confrères, nous le ferons.
2 Pour l'instant, je vous demanderais de vous en tenir à un récit très
3 succinct si cela est possible ?
4 R. Brièvement. La séance a été ouverte par Goran Hadzic avec ces paroles-
5 ci et je cite : "J'ouvre cette séance de notre gouvernement avec le même
6 ordre du jour qui a été adopté lors de la dernière séance." Cela a éveillé
7 quelque chose en moi, certains doutes. J'ai cru comprendre que les points
8 de l'ordre du jour ne seront pas cités, mais que je les saurais. J'en
9 prendrais connaissance au cours de la session.
10 Je n'ai pas vraiment remarqué qu'il y avait également un deuxième
11 point à l'ordre du jour. Je vais souligner ce deuxième point mais j'ai
12 oublié de le mentionner dans ma déclaration. Un procureur m'a demandé quel
13 a été le deuxième point débattu à l'ordre du jour, j'ai compris qu'il
14 s'agissait d'une prolongation de la même session qui avait déjà eu lieu
15 quelque part. C'est ainsi que j'avais compris cela. Il y avait déjà eu une
16 réunion qui avait eu lieu quelque part, à un moment donné, et que ce
17 n'était qu'une prolongation de cette même réunion mais sans en donner
18 l'ordre du jour. La première personne qui a posé des questions, c'était le
19 ministre de la Justice, Vojin Susa, et il a demandé à Goran de lui
20 permettre de poser quelques questions au colonel afin que le colonel puisse
21 lui fournir des réponses devant tout le monde.
22 Il a demandé : Il y avait 1 500 Oustachi, des criminels de guerre qui
23 tuaient le peuple serbe. J'ai emmené ces personnes à un endroit mais
24 c'était sous les ordres de qui ? Qui a donné cet ordre pour que je procède
25 ainsi ? Ensuite, j'ai décrit cela dans ma déclaration. J'ai répondu que
26 j'étais un membre d'une équipe chargée de la sécurité à la tête de laquelle
27 se trouvait le colonel Slavko Tomic. J'ai expliqué que nous avions une
28 mission, qui nous avait été confiée, que c'était le chef de la Sûreté
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1 publique, le général, et j'ai donné son nom, tel et tel. Il nous a dit quoi
2 faire, et j'ai dit également que nous étions venus prêter main-forte à
3 l'unité du colonel Mrksic, afin que les prisonniers de guerre puissent être
4 évacués de la zone des combats. J'ai expliqué que nous avions procédé
5 conformément à la loi.
6 Il m'a ensuite demandé de lui dire que ces personnes étaient
7 des prisonniers de guerre, de qui ? J'avais dit que c'étaient des
8 prisonniers de guerre, prisonniers de l'Etat, et il m'a demandé : "Qui les
9 a fait prisonniers ?" J'ai répondu que : "C'étaient les combattants qui les
10 avaient faits prisonniers. Ce sont des combattants qui se trouvaient dans
11 la zone de commandement du colonel Mrksic. Ils avaient été faits
12 prisonniers par les membres de la Défense territoriale et par les membres
13 de la brigade du colonel Mrksic et la JNA."
14 J'ai expliqué pourquoi ces derniers avaient été emmenés à Sremska
15 Mitrovica et placés au KP Dom. J'ai expliqué que c'est à cet endroit-là
16 qu'on avait créé un camp destiné aux prisonniers de guerre et tout cela
17 conformément à la loi et aux règlements. Il m'a demandé qui s'assurera que
18 ces personnes soient menées devant la justice et j'ai expliqué qu'il y
19 avait des personnes qui étaient là, chargées de ceci, et que c'étaient les
20 lois fédérales qui prévalaient. J'ai expliqué également que le KP Dom était
21 une entité fédérale et que c'est la raison pour laquelle on avait créé un
22 camp à Sremska Mitrovica, qui leur était destiné, conformément aux
23 règlements et avec l'approbation de deux ministères et l'approbation du
24 commandement Suprême.
25 Q. A-t-il été question de la définition du terme "criminel de guerre," qui
26 était considéré comme étant un criminel de guerre ?
27 R. Oui. J'ai dû expliquer que ces derniers étaient des membres ou que
28 c'étaient peut-être des Oustachi, effectivement, qu'ils étaient peut-être
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1 criminels de guerre. Comme j'ai expliqué à Arkan, jusqu'au moment où ils
2 n'avaient pas déposé leurs armes, c'est-à-dire, à partir du moment où ils
3 avaient déposé leurs armes, à partir du moment où ils avaient les bras en
4 l'air et les avaient placés derrière la nuque, c'est à partir de ce moment-
5 là que ces derniers étaient devenus des prisonniers de guerre.
6 Q. Au cours de cette réunion, y avait-il d'autres officiers présents ?
7 Lorsque je parle "d'officiers," je parle soit de la Défense territoriale ou
8 de la JNA.
9 R. Il y avait environ une trentaine de personnes. J'estime que ces
10 derniers n'étaient pas tous des ministres. Il y avait également des
11 adjoints de ministres, il y avait également le chef du SUP de guerre qui
12 avait également son adjoint avec lui.
13 Entre autres, il y avait également une personne en uniforme Ljuban
14 Devetak. Ce dernier était le commandant d'un certain QG de la Défense
15 territoriale, et il avait commandé également une unité de la Défense
16 territoriale. Il a pris part à la discussion et a parlé de son intolérance
17 envers la JNA, l'armée populaire yougoslave, envers moi-même, et il a dit :
18 "La JNA a anéanti Vukovar, a détruit Vukovar, a tout détruit. La JNA a fait
19 de Vukovar une nouvelle Stalingrad. Les enfants croates étudieront cet
20 exemple à l'école et on fera un endoctrinement de leur esprit."
21 Il avait également des termes assez forts qu'il employait envers les
22 généraux de la JNA. Il expliquait et disait sans cesse des mots que
23 j'estime qu'y m'étaient adressés et c'était le feu Slavko Dokmanovic qui
24 s'était adressé à moi de la sorte.
25 Q. Qu'en était-il de votre sûreté personnelle ? Est-ce que vous aviez le
26 sentiment que vous n'étiez pas bien protégé, que votre sécurité personnelle
27 était en péril à quelque moment que ce soit ?
28 R. Oui. Au cours de cette réunion, il y avait au moins trois personnes qui
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1 m'ont envoyé des invectives, des menaces. Alors qu'Arkan me regardait avec
2 son masque de joueur de poker et il attendait de voir quelle serait la
3 position employée par le gouvernement envers moi.
4 Je me sentais comme étant un otage. J'avais vraiment l'impression que lors
5 de cette séance du gouvernement j'étais pris en otage d'une certaine façon,
6 et je le dis ici ouvertement devant les Juges de cette Chambre.
7 Selon mon souvenir il s'agissait de Slavko Dokmanovic, qui à un moment
8 donné, avait dit à Goran Hadzic en tant que président, il lui avait proposé
9 de procéder à un vote pour savoir ce qui allait advenir du colonel. C'est
10 ainsi qu'il voulait créer une pression psychologique. Il a dit qu'il
11 fallait donner un délai de deux heures pour retourner ces prisonniers de
12 guerre de Mitrovica de l'endroit où il les avait emmenés. J'ai répondu de
13 façon très raisonnable : "Mais est-ce possible ? Ils sont emmenés là-bas de
14 façon organisée, et il faudrait les remmener de façon organisée aussi." Il
15 ne voulait pas accepter ma réponse mais il insistait pour dire la même
16 chose.
17 Goran Hadzic a dit à un ministre qui se trouvait tout près de la porte :
18 "Regarde, s'il te plaît pour voir si le lieutenant-colonel est arrivé."
19 Ensuite, le ministre ouvrait la porte, il regardait à l'extérieur et il
20 revenait dans la pièce pour dire non, il n'est pas arrivé.
21 Je ne savais pas de quel lieutenant-colonel il s'agissait. Mais à un
22 moment donné, Slavko Dokmanovic a dit : "Je voulais qu'il vienne parce que
23 je ne voulais pas que le colonel estime qu'il est seul. Il y a un officier
24 subalterne qui est sorti mener à bien une mission mais il va revenir. Je ne
25 voudrais surtout pas que le colonel se sente seul."
26 Q. Est-ce que c'était la première fois que vous aviez compris qu'il y
27 avait un lieutenant-colonel qui avait également pris part à tout ceci ?
28 R. Je croyais que ce n'était pas sérieux. Je croyais que c'était un
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1 prétexte pour leur comportement. Je pensais qu'il y avait peut-être une
2 autre personne qui était là et qui était parti mener à bien une certaine
3 tâche, une mission et que cette personne devait revenir. Car je crois que
4 M. Goran Hadzic, si je me souviens bien, a demandé à deux ou trois reprises
5 à ce ministre qui se trouvait tout près de la porte de vérifier si la
6 personne était arrivée. Je pense que ce ministre est allé voir trois fois
7 dans le couloir pour voir si le lieutenant-colonel était arrivé.
8 Q. Vous avez dit "l'homme", mais ensuite vous avez dit "pour vérifier si
9 le lieutenant-colonel était arrivé." Je voulais demander une précision,
10 mais vous l'avez précisé. Est-ce qu'en réalité un certain lieutenant-
11 colonel est venu ?
12 R. Après m'avoir envoyé des invectives et après avoir fait une pression
13 sur moi, Slavko Dokmanovic a pris la parole et a dit : "Regarde, mon
14 Colonel, quel Etat tu as devant toi. Tu vois que la Yougoslavie n'existe
15 plus. Et la JNA, tu vois très bien qu'elle n'existe pas. Tu vois très bien,
16 mon Colonel, qu'avec ce qui reste de la JNA, c'est les généraux qui ne sont
17 pas Serbes qui commandent le commandement et que ces généraux n'aiment pas
18 les Serbes ?"
19 Il a cité quelques noms de généraux importants, Veljko Kadijevic --
20 désolez.
21 Q. Vous nous avez dit qu'à trois reprises quelqu'un était allé voir si un
22 certain lieutenant-colonel était revenu ou si cette personne était arrivée,
23 donc parlons maintenant de cela. Est-ce que vous comprenez de quoi je
24 voudrais qu'on parle ?
25 R. Oui.
26 Q. Bien. Parlons maintenant de cet incident-là. Est-ce qu'effectivement le
27 lieutenant-colonel est arrivé ou non ?
28 R. Lorsqu'on a exercé des moyens de pression épouvantable sur moi,
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1 lorsqu'on m'a dit que, d'accord nous avions emmené des prisonniers de
2 guerre, d'accord, cela va, mais que les Oustachi qui étaient dans
3 l'hôpital, que ces Oustachi nous ne serons pas en mesure de les reconduire
4 ailleurs, de les emmener plus loin que la caserne, et qu'ils allaient
5 empêcher que cela se fasse et si cela est nécessaire avec l'aide d'armes,
6 et que les casernes avaient déjà été encerclées par les membres de la
7 Défense territoriale de Vukovar et avec l'aide de la population civile. Ils
8 avaient dit que s'il était nécessaire, ils emmèneraient d'autres personnes,
9 des civils, qui se prosterneraient devant les roues d'autobus pour que ces
10 autobus ne partent pas. C'est ce qu'il a dit.
11 Ensuite, il m'a menacé encore une fois et j'ai dit : "Que ce n'était
12 pas mes prisonniers de guerre." Je lui ai dit : "Je vous ai dit que
13 c'étaient des prisonniers de guerre et où ils se trouvaient." Ensuite à ce
14 moment-là, Goran a dit de nouveau quelque chose. Ensuite, quelqu'un a
15 frappé à la porte et le lieutenant-colonel Panic, chef de l'état-major du
16 colonel Mrksic est arrivé. Il tenait dans la main un cahier rouge ou
17 tenait-il un cahier de notes ou un papier, je ne sais plus. Goran Hadzic
18 s'est levé immédiatement alors que les ministres, qui se trouvaient tout
19 près de la porte, ont encerclé le lieutenant-colonel Panic et lui ont dit
20 quelque chose en direction de Goran; et tout le monde a quitté la pièce
21 avec le lieutenant-colonel Panic, sans porter attention à moi, comme si je
22 n'étais même pas là.
23 Q. Avez-vous pu voir s'il y a eu des conversations, non pas là, mais est-
24 ce que vous avez vu, est-ce que vous avez pu voir s'il y avait une
25 quelconque conversation entre Panic et le groupe de personnes autour de
26 lui ?
27 R. Oui. Ils disaient quelque chose, c'était visible d'après les gestes,
28 d'après la vitesse avec laquelle ils entraient et sortaient, mais je ne
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1 sais pas quel était le contenu de leur conversation.
2 Q. C'était ma question suivante. Est-ce qu'ils ne vous ont jamais dit de
3 quel sujet ils discutaient ? Lorsque vous dites que vous les avez vu partir
4 rapidement de la pièce, est-ce que vous savez où ils sont partis ?
5 R. Non, je ne le sais pas où ils sont partis. Mais puisqu'il était
6 question des autocars, de l'évacuation de l'hôpital, des criminels, du fait
7 qu'ils n'allaient pas leur permettre de partir et que toutes les mesures
8 allaient être prises -- d'ailleurs je n'ai pas clarifié un autre point,
9 vous ne m'avez pas posé la question. C'est que le ministre de la Justice,
10 Susa disait qu'eux, ils étaient prêts à créer une cour martiale, qu'ils
11 avaient des enquêteurs d'expérience, des juges d'expérience et qu'ils
12 étaient en mesure de mener à bien une procédure juridique tout comme un
13 bureau du procureur existant aurait fait.
14 Q. Attendez. Lorsque Susa vous a dit qu'ils "étaient capables de mener à
15 bien une procédure juridique conformément à la loi", est-ce que vous
16 croyiez à l'époque qu'ils disposaient des structures leur permettant de
17 juger les prisonniers de guerre ? Est-ce que vous leur avez dit quoi que ce
18 soit ou pas ?
19 R. J'ai formulé un reproche et je leur ai demandé s'ils avaient des
20 conditions et suffisamment de personnel pour mener cela à bien, et j'ai dit
21 que les dirigeants au sommet de la JNA n'allaient pas s'y opposer, mais
22 qu'il fallait trouver un accord à ce sujet au préalable. J'ai expliqué
23 aussi que je n'étais pas habilité de leur donner une telle approbation.
24 Q. Merci. Etes-vous parti, avez-vous quitté le bâtiment dans lequel la
25 réunion s'était tenue ?
26 R. Je n'ai pas quitté ce bâtiment immédiatement. Je vais honnêtement
27 devant ce Tribunal que j'avais même peur pour ma vie. J'ai attendu un
28 certain temps, ensuite je suis allé dans le bureau où j'avais laissé
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1 Korica. J'ai vu qu'il n'était là, mais j'ai trouvé mon sac à dos et mes
2 équipements. En sortant de cette pièce, dans l'enceinte de l'hôpital,
3 devant le bâtiment administratif, il y avait deux cameramen qui avaient,
4 soit des caméras de télévision, soit des caméras vidéo, et il y avait un
5 journaliste, un reporter que je connaissais de vue et je connaissais son
6 œuvre, c'était M. Peternek. Je me suis précité vers la sortie lorsque j'ai
7 été remarqué par l'un deux. Il portait un uniforme et un couvre-chef
8 militaire. Il disait : "Voici un autre sale communiste, attrapons-le." Si
9 vous voyez ce que je veux dire.
10 Q. Est-ce qu'à un moment donné, vous êtes allé dans la région de la
11 caserne de la JNA, après la réunion ?
12 R. Oui. J'ai rapidement poursuivi mon chemin vers la caserne pour y
13 chercher un abri, une protection car je m'attendais à de nouvelles menaces.
14 J'avais oublié de dire devant ce Tribunal que lorsque je suis rentré
15 de l'hôpital, Branko Korica m'avait fait savoir qu'il avait été abordé par
16 un tireur embusqué, un lieutenant, qui lui a dit : "Considère que tu as de
17 la chance que l'on m'ait averti du fait que tu n'es pas le colonel Branko,
18 mais un autre Branko." Je suis venu à la caserne -- excusez-moi.
19 Q. Très bien. Lorsque vous êtes arrivé à la caserne, est-ce que vous y
20 avez vu des bus ?
21 R. Non. Il n'y avait pas de bus dans la caserne. Je n'ai même pas vu de
22 traces d'autobus dans cette partie.
23 Il y avait des flaques d'eau, je suis passé à travers cela et je suis
24 arrivé jusqu'à la caserne où j'ai contacté le soldat qui était de garde en
25 lui disant que je souhaitais me présenter auprès du commandant. Il m'a
26 amené jusqu'au commandant. A ce moment-là, j'étais surpris de voir une
27 personne que je connaissais. Notamment, le commandant Lukic que je
28 connaissais bien de la garnison de Pancevo où nous avions servi dans la
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1 même enceinte de la caserne.
2 Q. Avez-vous reconnu des civils dans la caserne de la JNA ?
3 R. Je n'ai pas vu de civils, mais après le déjeuner - c'étaient des
4 haricots façon militaire - j'ai dit au commandant que je n'avais pas manger
5 de ces 24 heures, nous avons discuté un peu et, en passant dans le couloir,
6 j'ai entendu des toux, des toux d'une femme. J'ai demandé qui s'y trouvait
7 et le soldat qui était de garde m'a dit que c'était le Dr Bosanac qui y
8 était avec d'autres personnes. J'ai conclu qu'ils y avaient été installés,
9 qu'il s'agissait d'une cellule de détention au sein de la caserne, car ceci
10 existait dans chaque caserne.
11 Q. Vous avez mentionné que le Dr Bosanac y était. Est-ce qu'on vous a cité
12 d'autres noms de personnes qui étaient détenues là-bas, à ce moment-là, mis
13 à part le Dr Bosanac ?
14 R. Non. J'ai simplement conclu cela d'après l'explication du commandant
15 Sljivancanin qui a dit qu'il s'était entretenu avec le Dr Bosanac, avec le
16 Dr Njavro et avec Marin Vidic, Bili. C'est ainsi que j'ai conclu qu'ils
17 étaient dans cette cellule de détention.
18 Q. N'êtes-vous jamais retourné au centre de commandement à Negoslavci ?
19 R. Oui. J'y suis rentré par la suite. Mais avant cela, j'ai rencontré le
20 colonel Milan Gvero dans la caserne. Il était l'adjoint du chef chargé de
21 l'information du public auprès de secrétariat à la Défense nationale. Le
22 colonel Milan Gvero m'a dit qu'il préparait l'information à l'adresse des
23 journalistes nationaux et internationaux qui, si j'avais bien compris,
24 devaient se rendre à Vukovar le 21 novembre.
25 Rade Leskovac y était avec eux. Il était le ministre chargé de
26 l'information du public au sein de gouvernement de Goran Hadzic et Rade
27 Leskovac m'a posé des questions provocatrices en me disant : "A votre avis,
28 Colonel, quel est le pourcentage de destruction provoquée par la JNA à
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1 Vukovar ?" Je lui ai répondu, mais je n'arrive à retrouver mes mots exacts,
2 excusez-moi.
3 Q. Colonel, je vais vous interrompre car parfois, vous parlez très vite.
4 Ce qui rend la tâche difficile aux interprètes.
5 Nous allons parler maintenant de votre retour au poste de commandement à
6 Negoslavci. A quel moment est-ce que vous êtes rentré au poste de
7 commandement à Negoslavci ?
8 R. Si mes souvenirs sont bons, c'était vers 18 heures. Il faisait déjà
9 nuit. C'est là que j'ai vu le colonel Kijanovic et le colonel Tomic, il y
10 avait d'autres personnes là-bas aussi devant le poste de commandement. A ce
11 moment-là, ils m'ont informé brièvement du fait que les bus étaient partis
12 à Ovcara de la caserne. Kijanovic a dit qu'il avait sorti quatre soldats de
13 la JNA d'un bus. Ces personnes avaient été des prisonniers de guerre de
14 l'armée croate et ils étaient blessés aussi. Ils étaient installés à
15 l'hôpital.
16 J'aurais dû déjà vous expliquer que lorsque j'ai fait le tour de
17 l'hôpital j'avais demandé explicitement que le Dr Stanojevic me conduise
18 jusqu'à la partie ou jusqu'aux salles dans lesquelles se trouvaient ces
19 soldats. Si nécessaire, je vais faire un commentaire que je considère comme
20 pertinent.
21 Q. Je suis sûr qu'il y aura d'autres questions posées à ce sujet, mais je
22 souhaite que l'on continue de parler de votre retour au poste de
23 commandement à Negoslavci. Vous nous avez dit que Kijanovic y était avec
24 Tomic et que vous avez entendu dire que les bus étaient partis à Ovcara. Je
25 vais vous poser ma question maintenant avec votre permission ? Merci.
26 En ce qui concerne les bus, est-ce que tous les bus étaient partis à
27 Ovcara pour autant que vous le sachiez ou pas ? Si vous ne vous en souvenez
28 pas, veuillez nous le dire.
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1 R. Non. Ils n'ont pas dit que c'étaient tous les bus mais seulement en ce
2 qui concerne ceux qu'ils nommaient les criminels de guerre, et l'on sait
3 qu'il y avait des membres du personnel à l'hôpital, de même que des
4 médecins, des civils et aussi, ces personnes masquées. Ils ont dit que
5 seuls les bus, transportant les personnes auxquelles ils faisaient
6 référence comme des Oustachi ou des criminels de guerre, sont partis et
7 Kijanovic a dit qu'il avait sorti des membres de la JNA d'un des bus.
8 Q. Et Tomic ?
9 R. Le colonel Slavko Tomic a dit qu'il était allé voir le colonel Mrksic,
10 deux à trois fois à ce sujet, en demandant son intervention concernant les
11 problèmes de base liés à ces bus. Il a dit qu'il avait réussi à contacter
12 le colonel Mrksic, qu'à ce moment-là, un colonel, vêtu d'un uniforme des
13 forces aériennes, y était. Il a dit qu'il l'avait averti du fait que des
14 membres de la Défense territoriale essayaient de conduire les bus à Ovcara
15 de force. Et si mes souvenirs sont bons, il lui a dit que le colonel Mrksic
16 se taisait mais qu'il avait levé sa main devant ses yeux. Ce qui lui a
17 permis de comprendre qu'il faut tolérer le comportement des membres de la
18 Défense territoriale.
19 M. MOORE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, je souhaite
20 simplement vérifier quelque chose.
21 Q. Est-ce que vous avez eu des conversations avec Kijanovic à cette
22 époque-là ?
23 R. Oui. Avec Kijanovic, j'ai eu des conversations pour savoir ce qui se
24 passait là-bas. Comment les choses allaient se terminer et je leur ai dit
25 ce que j'avais vécu lors de la session du gouvernement. J'ai dit qu'Arkan
26 était là et j'ai répété brièvement le contenu de ce qui avait été dit. Ce
27 qui est conforme d'ailleurs à ce que j'ai dit aujourd'hui devant ce
28 Tribunal. Puis, j'ai dit qu'à plusieurs reprises, j'ai été soumis à de
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1 telles pressions et de telles menaces que je ne peux pas dire vraiment que
2 c'était par hasard que j'étais resté en vie, mais que j'étais resté en vie
3 grâce aux membres de la JNA, avec lesquels j'exécutais ma mission et qui
4 étaient subordonnés au commandant Sljivancanin et au colonel Mrksic.
5 Autrement dit, je n'aurais pas pu accomplir ma tâche, s'ils ne m'étaient
6 pas venus en aide.
7 Le colonel Kijanovic m'a fait savoir qu'il avait pris des mesures,
8 entrepris le nécessaire et qu'il s'était adressé soit au colonel Mrksic,
9 soit à un autre officier et qu'il avait obtenu des policiers militaires, de
10 même qu'un camion et qu'ils avaient fait le tour de Velepromet. Excusez-
11 moi.
12 Q. Oui. Poursuivez.
13 R. Et qu'ils avaient trouvé 17 cadavres, qu'ils les ont transportés
14 jusqu'au cimetière militaire et qu'ils les ont enterrés là-bas. Je l'ai
15 remercié car il avait tenu sa promesse.
16 Q. Je souhaite que l'on traite brièvement, si possible, de la question
17 suivante : est-ce que vous avez fini par partir du poste de commandement de
18 Negoslavci ? Est-ce que vous êtes rentré vers Sid ?
19 R. Oui. Nous avons attendu pendant longtemps la création d'une colonne et
20 le départ pour Sid. En ce qui me concerne, je n'étais pas au courant de la
21 suite des activités ni en ce qui concerne notre retour, mais nous avons
22 attendu pendant longtemps jusqu'à la nuit, jusqu'à 11 heures du soir, peut-
23 être même jusqu'à minuit. Notre véhicule se trouvait à la tête d'une longue
24 colonne, qui comportait un véhicule transport de troupes, et lorsque la
25 décision a été prise de faire partir la colonne, nous sommes partis vers
26 Sid.
27 J'ai déjà dit dans ma déclaration et je me sens dans l'obligation de le
28 redire devant ce Tribunal, à ce moment-là, l'on entendait des rafales du
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1 côté gauche, dans la direction de notre mouvement et ceci n'augurait rien
2 de bien. Ainsi, peut-être des commentaires ont été faits. J'ai mentionné
3 certains commentaires dans une déclaration mais après, ceci a créé
4 l'impression que je représentais l'opinion d'un groupe. J'ai dit que ce qui
5 était dit n'était pas vrai et j'ai retenu mon opinion pour moi-même sans
6 l'exprimer.
7 Q. En ce qui concerne les tirs, est-ce que vous pouvez indiquer devant la
8 Chambre quelle était la direction -- vous avez dit sur la gauche, mais bien
9 sûr cela dépend de votre position. Si l'on prend en considération des
10 villes et emplacements différents, par rapport à Negoslavci, est-ce que
11 vous pouvez nous dire de quelle direction l'on tirait ? Sinon, dites-le,
12 s'il vous plaît. Ne faites pas de supposition.
13 R. J'avais une carte topographique sur moi, carte que j'avais apportée de
14 Belgrade. J'avais sur moi aussi le règlement portant sur l'application du
15 droit international. J'avais pris cela avec moi de Belgrade aussi. En tant
16 qu'officier, une fois dans une nouvelle zone, je m'orientais tout d'abord
17 en déterminant où se trouve le nord et l'ouest, ensuite les points de
18 référence, les repaires, les agglomérations, et cetera. Lors des réunions
19 j'ai entendu souvent parler d'Ovcara, les ministres l'ont mentionné, les
20 autres aussi, des membres de la brigade aussi. C'était mentionné par Slavko
21 Tomic et Kijanovic. Et je regardais. Je leur ai demandé peut-être aussi
22 dans quelle direction ceci se trouvait, et ils ont répondu que c'était
23 peut-être justement dans la direction dans laquelle nous étions alignés.
24 C'est la raison pour laquelle j'avais conclu que ces rafales venaient
25 probablement de cette région-là.
26 Q. De quelle région parlez-vous, s'il vous plaît ?
27 R. De la direction d'Ovcara.
28 Q. Peut-on parler maintenant de votre arrivée à Sid ? Avez-vous contacté
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1 l'un quelconque officier de haut rang là-bas après votre départ de
2 Negoslavci ?
3 R. Oui. La colonne se déplaçait pendant longtemps. Suite à l'ordre donné
4 par le colonel Tomic, nous nous sommes arrêtés devant ce poste de
5 commandement du colonel Ljubisa Petkovic, qui se trouvait dans le bureau de
6 poste principal à Sid. Et la colonne a poursuivi son chemin vers Mitrovica
7 ou Belgrade, je ne connaissais pas la direction exacte. Nous sommes entrés
8 dans les locaux du poste de commandement du colonel Petkovic, et là-bas,
9 dans une pièce, nous avons rencontré tout d'abord le général Mile Babic. Il
10 était dans la chaîne de commandement de sécurité, le supérieur hiérarchique
11 du colonel Petkovic, il était le chef de la sécurité de la 1ère Région
12 militaire. Il était sur place. Il nous a accueilli, nous avons passé un
13 moment en parlant avec lui.
14 Le général Tomic est allé dans le bureau dans lequel était le colonel
15 Petkovic, et il y a passé pas mal de temps. D'autres officiers sortaient de
16 ce bureau, des officiers que je ne connaissais pas. Si mes souvenirs sont
17 justes, j'ai remarqué aussi soit une journaliste ou je ne suis pas sûr qui
18 elle était, mais elle portait un uniforme. Puis, le colonel Petkovic est
19 venu, afin de me dire bonjour à moi, à Kijanovic, et aux autres qui
20 faisaient partie de notre groupe.
21 Q. J'ai entendu dans l'interprétation, capitaine Petkovic. Est-ce bien ce
22 que vous avez dit ?
23 R. Non. J'ai dit colonel Petkovic. A moins que je n'ai eu le réflexe de
24 dire capitaine, ce qui signifierait que je suis quelque peu fatigué.
25 Q. Il se peut que vous soyez fatigué, et peut-être le sommes-nous aussi.
26 M. MOORE : [interprétation] Je me demande si les Juges de la Chambre ne
27 penseraient pas qu'il serait bon de faire une pause à présent.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Fort bien. Nous allons avoir notre
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1 deuxième pause maintenant, Monsieur Moore. Peut-être, compte tenu des
2 circonstances, faudrait-il que cette pause dure une demi-heure ?
3 M. MOORE : [interprétation] Je vous en remercie.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons reprendre à une heure
5 moins quart.
6 --- L'audience est suspendue à 12 heures 16.
7 --- L'audience est reprise à 12 heures 50.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore.
9 M. MOORE : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je parler d'un
10 point au préalable. Le colonel s'est entretenu avec une personne chargée de
11 venir en aide au témoin, mais il y a indiqué qu'il se sentait très fatigué,
12 chose à laquelle on pouvait forcément s'attendre étant donné que cela fait
13 deux jours qu'il témoigne ici à La Haye. Je suppose que j'ai encore 10 à 15
14 minutes à ma disposition pour ce qui est de conduire à son terme mon
15 interrogatoire principal.
16 Alors est-ce que je puis, avec tout le respect qui est dû à la chambre,
17 prendre en considération la possibilité d'en terminer avec cela aujourd'hui
18 et de reprendre lundi. Cela nous permettrait de commencer le contre-
19 interrogatoire lundi.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic, est-ce que cela vous
21 faciliterait ce week-end, pour ce qui est d'une meilleure organisation que
22 cela n'est le cas à présent ?
23 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. La Défense est
24 toujours prête. Mais à chaque fois que nous avons pratiqué ce genre de
25 chose, cela a donné des résultats positifs. Nous
26 avons toujours eu de la compréhension vis-à-vis des besoins, des impératifs
27 qui sont ceux des témoins. Nous n'avons rien contre, bien au contraire.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je me félicite, Maître Vasic, de
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1 l'apprendre, mais la Chambre a remarqué déjà que les conseils de la Défense
2 tenaient et prenaient soin de la nécessité de ne pas perdre de temps. Je
3 suis certain que vous allez prendre avantage de ce plein week-end pour
4 préparer votre contre-interrogatoire et je vous remercie de votre
5 coopération.
6 Monsieur Moore, nous allons terminer notre travail, nos travaux
7 d'aujourd'hui une fois que vous aurez conduit à son terme votre
8 interrogatoire principal.
9 M. MOORE : [interprétation]
10 Q. Colonel, nous allons continuer. Vous nous avez dit que vous êtes allé à
11 Sid et que vous y avez vu le colonel Petkovic et le général Babic. Ce que
12 je voudrais maintenant c'est que nous nous entretenions de ces réunions
13 particulières. Veuillez m'indiquer si, à un moment donné, vous auriez
14 informé soit Babic, soit Petkovic, de ce que vous avez vu et de ce que vous
15 avez vécu à Velepromet ?
16 R. Oui. Dans ma pratique tout au long de ma vie, et c'est l'expérience qui
17 m'a amené à faire ainsi, s'agissant de problèmes complexes, j'ai toujours
18 posé la question aux gens et j'ai demandé au général Babic si lui avait
19 connaissance de tout ce qui s'était produit dans la zone de responsabilité
20 à savoir dans la zone d'intervention du colonel Mrksic concernant la
21 mission qui était la nôtre. Il a dit qu'il était au courant de tout. Je
22 n'ai pas exposé les choses plus en détail et je n'ai plus posé de questions
23 non plus. Nous avons attendu le colonel Petkovic qui devait venir nous
24 saluer et à lui aussi j'ai posé la question devant le général Babic et des
25 officiers qui étaient présents de savoir s'il avait connaissance de tout ce
26 qui s'était produit là-bas et de ce que nous y avions vécu. Il a également
27 dit qu'il était au courant de tout. Le colonel Slavko Tomic se trouvait
28 présent dans son bureau. Je ne sais plus qui il y avait encore au juste
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1 dans cette pièce.
2 Mais comme je vous l'ai déjà dit, j'ai vu sortir une femme de cette pièce,
3 une femme qui était en uniforme militaire. Nous sommes restés là en somme
4 assez longtemps. On nous a proposé un café et du cognac. C'est ainsi que
5 nous en sommes arrivés à l'heure qui était prévue pour le départ en
6 direction de Sremska Mitrovica.
7 Dans la colonne qui nous a suivis, je dirais que cette colonne, je ne sais
8 pas du tout où elle est allée et je ne sais pas non plus qui est-ce qui se
9 trouvait dans le blindé transport de troupes. Ce que je puis dire c'est que
10 lors de l'entretien que j'ai eu et qui fait partie de mes compétences et
11 qui relève de la législation en vigueur, s'agissant des conversations avec
12 le Dr Vesna Bosanac et le Dr Bilus, il m'a été dit que le blindé transport
13 de troupes les a d'abord déplacés à Belgrade et qu'ensuite il y a eu un
14 retour vers la Sremska Mitrovica.
15 Q. Merci. J'aimerais à présent que nous passions à la position qui était
16 la vôtre s'agissant de témoigner devant ce Tribunal ? Il serait exact de
17 dire n'est-ce pas que vous aviez exprimé le souhait de ne pas témoigner
18 devant ce Tribunal à moins qu'il y ait une demande officielle de faite à
19 cet effet, ou à moins de recevoir instruction de le faire par le biais du
20 canal administratif usuel, n'est-ce pas ?
21 R. Oui. La première convocation pour un entretien avec les enquêteurs du
22 bureau du Procureur du Tribunal de La Haye, je l'ai comprise comme étant
23 une obligation, mais en ma qualité d'ex-membre de la JNA et ex-officier
24 chargé de la sécurité, j'ai eu conscience de la nécessité de disposer d'une
25 approbation de la part d'une institution de l'Etat, que ce soit de la part
26 de l'armée ou d'un ministère quelconque compétent. J'ai rédigé une requête
27 à cet effet et j'ai essayé de remettre cela à qui de droit au ministère de
28 la Défense, rue du Prince Milos dans le bâtiment qu'on appelle Kula. C'est
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1 juste à côté du bâtiment où j'ai travaillé jadis et qui a été détruit par
2 les bombes de l'OTAN.
3 J'ai longuement attendu au bureau d'accueil pour être reçu. On m'a refusé
4 en disant que le ministre n'était pas là. Je me suis efforcé d'être tenace
5 pour ce qui est d'établir un contact et me procurer une approbation quelle
6 qu'elle soit pour ne pas avoir à subir des séquelles. J'ai fini par être
7 reçu par le chef de cabinet, par le colonel Karanfilov qui, si mes
8 souvenirs sont bons, était également chargé de la sécurité à Vukovar et qui
9 se trouvait être subordonné au commandant Sljivancanin. Il est certain que
10 lui ne pouvait pas me fournir quelque approbation que ce soit. On m'a dit
11 que l'adjoint ou le suppléant du ministre de la Défense avait refusé de me
12 recevoir. J'ai entendu son supérieur hiérarchique lui demander s'il me
13 connaissait et lui, passant à côté de moi, a dit à voix très basse afin que
14 je n'entende pas c'était évident, qu'il ne m'avait pas rencontré à Vukovar.
15 C'est ce que j'aurais à dire à ce sujet-là.
16 Autre chose encore, pour ce qui est du colonel chargé de me recevoir, je
17 lui ai présenté ma position qui est celle de dire qu'ils ont l'obligation
18 de me fournir une approbation concernant l'entretien qui était réclamé par
19 les enquêteurs du bureau du Procureur du Tribunal de La Haye. A l'époque,
20 il n'y avait pas eu cette loi de promulguée concernant la coopération avec
21 le Tribunal pénal international de La Haye, mais fort heureusement, peu de
22 temps après la loi a fini par être adoptée.
23 Q. Bien. Je pense que nous n'avons guère besoin de davantage de détails à
24 ce sujet. La conséquence directe se trouve être concrétisée dans les
25 services de documentation de La Haye et vous vous trouvez à La Haye pour
26 témoigner. En est-il ainsi ou pas ? Je vous demande de répondre par un oui
27 ou par un non, s'il vous plaît.
28 R. Oui et non. Je me dois de vous expliquer quelque peu. Lorsque j'ai reçu
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1 la dernière des convocations de la part de ce Tribunal-ci, une fois de plus
2 j'ai réclamé quelque chose par écrit, à savoir une requête de la part du
3 Tribunal pour ce qui est de mon déplacement en vue d'un témoignage.
4 Pourquoi ? Parce que je m'étais adressé au bureau du Conseil national
5 chargé de la coopération avec le Tribunal de La Haye, de cet Etat de
6 Serbie-et-Monténégro aux fins d'être reçu. Eux m'ont fourni certains
7 documents. La première fois où je suis allé m'entretenir avec vous, cela
8 m'a été remis à l'intérieur du MUP de la ville, du ministère de l'Intérieur
9 de la ville. J'ai ces documents sur moi, et j'ai également un document
10 m'avertissant du fait que depuis l'an 2000, je n'ai guère été exempté de
11 l'obligation de conserver et de préserver les secrets de l'Etat.
12 Q. Je crois qu'il est juste de dire que l'on vous a notifié de cela, mais
13 vous êtes néanmoins venu déposer dans cette affaire en l'espèce.
14 R. Par voie téléphonique, on m'a consulté. M. van Rooyen m'a appelé, je
15 crois, je ne sais pas si vous pouvez m'aider.
16 Q. Il y a un enquêteur qui s'appelle M. van Rooyen.
17 Je vais peut-être vous poser cette question-ci. Donc vous avez reçu un
18 appel téléphonique d'un enquêteur du bureau du Procureur, et on s'est
19 chargé pour que vous puissiez venir ici déposer; est-ce que c'est exact ?
20 R. Oui, c'est exact.
21 Q. Je vous remercie.
22 M. MOORE : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions, Monsieur le
23 Président.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Tel que convenu, je propose de lever
25 la séance pour la journée d'aujourd'hui, nous reprendrons nos travaux lundi
26 prochain à 14 heures 15. Vous aurez l'occasion de vous reposer pendant le
27 week-end, et nous allons poursuivre votre déposition lundi.
28 Merci.
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1 --- L'audience est levée à 13 heures 04 et reprendra le lundi 20 février
2 2006, à 14 heures 15.
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