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1 Le mercredi 1er mars 2006
2 [Audience à huis clos]
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3 [Audience publique]
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je demanderais à ce que les stores
5 soient levés.
6 Maître Vasic, à vous.
7 M. VASIC : [interprétation] Merci. Je vais mettre à profit cette pause
8 pendant que nous attendons le témoin suivant pour soulever une question au
9 nom de la Défense, question dont nous avons débattue hier et qui n'est pas
10 encore tout à fait claire. Je me propose de vous présenter la position de
11 la Défense en application du 90(H), et nous aimerions savoir si notre
12 position est bonne ou pas. Hier, nous avons débattu des objections
13 soulevées par notre éminent confrère concernant le contre-interrogatoire
14 effectué par Me Borovic pour ce qui est notamment des dispositions du
15 90(H), alinéa (ii), et s'agissant des obligations de la Défense quant à la
16 présentation à l'égard du témoin de la nature des affirmations faites par
17 la Défense du point de vue des questions sur lesquelles elle contre-
18 interroge le témoin.
19 La Défense estime que le 90(H) constitue un article déterminant les
20 modalités et le volume du contre-interrogatoire, et cela se trouve être
21 conçu de façon à faire que cette obligation prévue à l'alinéa (ii) se
22 trouve être en réalité liée uniquement au cas où le contre-interrogatoire
23 du témoin se fait sur des sujets étrangers à l'interrogatoire principal,
24 donc situés à l'extérieur de l'interrogatoire principal, mais s'agissant de
25 faits où le témoin est susceptible de fournir une déposition pertinente,
26 notamment quant à la situation qui fait l'objet du contre-interrogatoire.
27 De l'avis de la Défense, il en découlerait qu'au cas où les conseils de la
28 Défense contre interrogerait le témoin sur des sujets soulevés dans le
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1 cadre de l'interrogatoire principal ou dans le cadre de la nécessité de
2 tester sa crédibilité, la nécessité de faire connaître la position défendue
3 par les conseils de la Défense ne serait pas concernée par le texte de cet
4 article.
5 Pour ce qui est du 90(H)(ii), lorsqu'il y a un contre-interrogatoire qui
6 s'effectue à l'extérieur des cadres de l'interrogatoire principal, nous
7 serions d'avis que cela fait partie des dispositions, précisément dans
8 l'objectif de faire en sorte que dans ces circonstances particulières du
9 contre-interrogatoire, il ne soit pas tendu un piège au témoin. Il faut
10 qu'il ait connaissance des positions sur lesquelles il est en train de
11 répondre. Il s'agit là d'une attitude équitable de la part du conseil de la
12 Défense qui contre-interroge à l'égard du témoin. Le bureau du Procureur
13 n'a rien à voir avec. Nous sommes certainement d'avis que ces dispositions
14 ne concernent pas les parties du contre-interrogatoire qui sont englobées
15 par l'interrogatoire principal ou par ce qui constitue un contrôle de la
16 crédibilité du témoin. Je voudrais savoir si nous avons compris à tort ou à
17 juste titre la position avancée ?
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic, la position diffère de
19 celle que vous avez comprise. Il y a deux dispositions à cet article, aux
20 sous-paragraphes (i) et (ii), qui sont énoncées de façon séparée. Il y a un
21 paragraphe qui traite du cas de figure normal et qui limite la portée du
22 contre-interrogatoire à l'égard du témoin, qui limite les conseils de la
23 Défense au sujet dont a parlé le procureur dans l'interrogatoire principal
24 et les questions de crédibilité. Le sous-paragraphe (ii) est un sous-
25 paragraphe qui traite d'un sujet tout à fait différent. Il y est dit, non
26 seulement que vous pouvez, que vous devez, mais que c'est une obligation
27 pour vous de faire en sorte que le témoin susceptible de fournir un
28 témoignage pertinent à l'égard de l'affaire que vous défendez, de lui
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1 présenter les éléments de votre cause qui sont en contradiction avec son
2 témoignage. Si un témoin parle de quelque chose de pertinent pour ce qui
3 est de la cause que vous défendez et que le témoignage de ce témoin semble
4 différer de ce qui est la cause que vous défendez, vous êtes dans
5 l'obligation de communiquer au témoin la substance de la cause que vous
6 défendez afin que le témoin ait l'opportunité de commenter la différence
7 entre ce qui constitue la cause que vous défendez et la façon dont le
8 témoin voit les choses, à savoir, entre ce qui constitue son témoignage à
9 lui au sujet desdites circonstances.
10 Ceci n'est, en aucune façon, limité par le sous-paragraphe (i) du
11 paragraphe (H). C'est quelque chose qui a été ajouté de façon distincte aux
12 fins d'assurer à l'égard du témoin l'opportunité de fournir un commentaire
13 sur ce qui est votre témoignage à vous, ou plutôt votre cause différente de
14 ce qu'il dit, et ce que vous vous proposez de présenter lorsque vous
15 présenterez vos éléments de preuve. Avez-vous compris de façon suffisamment
16 claire ?
17 M. VASIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Merci. La question
18 est tout à fait claire.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maintenant, Maître Borovic,
20 c'est à vous.
21 M. BOROVIC : [interprétation] Je vais être très bref. Peut-être qu'il est
22 clair pour mon ami Vasic, mais ce n'est pas clair pour moi, et je vais vous
23 expliquer brièvement pourquoi. Je comprends lorsqu'on en vient aux
24 questions soulevées par l'interrogatoire principal. Nous avons hier eu un
25 cas très particulier, très précis. L'Accusation a réagi en soutenant que
26 j'avais à poser au témoin des questions qui avaient trait aux
27 renseignements donnés concernant Zoran de Karaburma. Si nous discutons de
28 ceci lors de l'interrogatoire principal et du contre-interrogatoire, je ne
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1 pense pas que j'ai encore besoin de présenter quelle est la position de la
2 Défense à ce témoin. Nonobstant votre explication, peut-être que nous
3 parlons de deux choses tout à fait différentes et peut-être qu'hier
4 l'Accusation a fait une erreur lorsqu'elle a donné cet exemple précis. Par
5 conséquent, si la question n'a pas trait à un nouvel aspect, mais à un
6 aspect qui a été évoqué lors de l'interrogatoire principal et du contre-
7 interrogatoire, nous avons toujours, conformément aux dispositions de
8 l'article 90(H)(ii) du Règlement, à présenter nos arguments au témoin.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, c'est la réponse que je peux vous
10 faire brièvement, Maître Borovic. Si vous-même, au cours de votre contre-
11 interrogatoire, ne présentez pas vos thèses, ne faites pas valoir vos
12 moyens, le fait que vous ayez posé certaines questions ne suffit pas et il
13 faut que vous alliez un pas plus avant et que vous fassiez bien connaître
14 quelle est votre thèse si elle est pratiquement différente de sa
15 déposition. De cette manière-là, il existe une possibilité à ce moment-là
16 pour le témoin de faire des commentaires sur votre thèse que vous avez
17 vous-même et qui est différente.
18 Maintenant, hier, je pense qu'il est probablement juste de dire que M.
19 Smith n'a pas donné à votre contre-interrogatoire toute sa mesure. Vous
20 étiez probablement allé assez loin, mais nous avons réglé cette question,
21 donc n'utilisez pas l'exemple d'hier comme un exemple complet sur ce dont
22 il s'agit. Mais vous devez présenter vos thèses. Puis-je essayer de trouver
23 un exemple rapide. Un témoin est appelé à déposer. Il dit : "Oui, j'ai vu
24 l'accusé X ici et là, en deux endroits." Et vous pourriez, dans votre
25 contre-interrogatoire de sa déposition, dire quand il a vu l'accusé X en
26 ces deux endroits. Si ceci fait partie de vos thèses, qu'effectivement il a
27 vu l'accusé X une troisième fois dont il n'a pas parlé, à ce moment-là, il
28 faut que vous lui posiez la question de savoir s'il y a eu aussi un
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1 troisième circonstance dont il n'a pas parlé lors de l'interrogatoire
2 principal. Est-ce que vous comprenez cela ? Oui. Bien.
3 Maintenant, Monsieur Moore, vous avez été laissé en dehors de cela,
4 non pas à dessein, mais y a-t-il quoi que ce soit que j'ai omis de dire et
5 que j'aurais dû dire et que vous voudriez évoquer ?
6 M. MOORE : [interprétation] Non, je vous remercie, Monsieur le Président.
7 C'est notre manière également de comprendre les dispositions de ces
8 articles. Je vous remercie.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien. C'est moi, à mon tour, qui vous
10 remercie. Je comprends maintenant que M. Berghofer est ici et qu'il attend
11 patiemment.
12 Je vais vous demander, Monsieur le Témoin, de bien vouloir vous
13 lever, de prendre le carton qui vous est tendu et de lire à haute voix le
14 texte.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
16 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
17 LE TÉMOIN: DRAGUTIN BERGHOFER [Assermenté]
18 [Le témoin répond par l'interprète]
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous
20 asseoir.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Moore, vous avez la
23 parole.
24 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.
25 Interrogatoire principal par M. Moore :
26 Q. [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, entendre votre nom
27 complet, Monsieur le Témoin ?
28 R. Dragutin Berghofer, avec comme surnom Beli.
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1 Q. Auriez-vous, s'il vous plaît, la bonté de nous dire votre date de
2 naissance ?
3 R. Le 29 octobre 1940.
4 Q. Comment pourriez-vous décrire votre origine ethnique ?
5 R. Bien, j'ai toujours été immatriculé et enregistré en tant que Croate.
6 Q. Je vous remercie beaucoup.
7 M. MOORE : [interprétation] Pour aider la Chambre de première instance, ce
8 témoin, je crois, va déposer en ce qui concerne l'hôpital, la caserne de la
9 JNA, Ovcara et Velepromet.
10 Q. D'une façon très générale, je voudrais tout d'abord que l'on traite du
11 point de savoir quel était votre rôle ou votre participation à Vukovar en
12 novembre 1991 ?
13 R. En novembre 1991, je travaillais dans le secteur logistique. Avez-vous
14 besoin des dates ?
15 Q. Bien, pouvez-vous nous dire pendant combien de temps vous avez eu à
16 vous occuper des questions logistiques ? Ceci pourrait nous aider.
17 R. Monsieur le Président, je dois partir de la date du 24 août. C'est à ce
18 moment-là que j'ai quitté ma maison, parce que la JNA avait détruit et
19 avait littéralement rasé 120 mètres de zones résidentielles sur lesquelles
20 j'avais une hypothèque sur 20 ans. Donc, la dernière fois que je me suis
21 trouvé dans ma maison, c'était le 24 août. C'était juste à côté de la
22 caserne. Puis, je suis allé habiter une autre maison que je possédais.
23 C'était en fait des locaux commerciaux. C'était dans un secteur qu'on
24 appelait Slavija, à 400 mètres de la caserne. C'est là que j'ai passé le
25 reste de mon temps à Vukovar, jusqu'au 17 novembre 1991.
26 Q. Je reviendrai peut-être à cette période par la suite, mais si nous
27 pouvons avancer un peu. Passons au 17 novembre. Le 17 novembre, est-ce que
28 vous êtes allé à l'hôpital ?
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1 R. Le 17 novembre, nous sommes allés dans ce que nous avons appelé une
2 percée. Nous voulions quitter Vukovar.
3 Q. Est-ce que vous avez réussi ?
4 R. Non. Nous n'avons pas réussi parce que là-bas, ils ont -- comment
5 pourrais-je dire les choses, ils ont commencé à nous tuer. J'étais très
6 effrayé. Il y avait cinq autres personnes qui se trouvaient avec moi, et
7 nous sommes retournés à l'hôpital, une demi-heure avant minuit, avant qu'on
8 ne passe à la journée du 18 novembre.
9 Q. Combien d'entre vous avait essayé de vous en aller par cette percée ?
10 R. Puisque j'ai été élevé dans ce secteur près de l'hôpital, c'était moi
11 qui conduisais cette colonne. Nous étions près de 350.
12 Q. Combien de personnes sont retournées à l'hôpital ? Pourriez-vous nous
13 donner une idée ?
14 R. Oui. Marko Mandic, son épouse, le Dr Aleksijevic, sa femme, Jofra
15 [phon] Jankovic et moi-même, pour autant que je puisse me souvenir
16 maintenant.
17 Q. Pourrais-je maintenant parler -- j'essaie de progresser dans la
18 chronologie. Lorsque vous vous trouviez à l'hôpital, est-ce que vous vous
19 rappelez de la JNA et les autres forces militaires au moment où elles sont
20 arrivées à l'hôpital proprement dit ?
21 R. La première chose que j'ai vue, quand je les ai vus, c'était le 19
22 novembre vers 16 heures.
23 Q. Est-ce que vous avez reconnu quelqu'un dans ceux qui sont venus à
24 l'hôpital ?
25 R. Comme je me trouvais dans une pièce avec le Dr Ivankovic et deux ou
26 trois autres médecins, j'ai jeté un coup d'œil à l'extérieur et j'ai
27 remarqué Bogdan Kuzmic avec deux jeunes soldats. Ils posaient des questions
28 à Stanko Duvnjak qui avait été blessé, et je me rappelle très bien que
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1 Stanko a dit : "Mais que pouvais-je faire ?" Evidemment, j'ai fait machine
2 arrière tout de suite. Je suis sorti de la pièce et je n'y suis pas
3 retourné jusqu'au lendemain, le 20, c'est-à-dire.
4 Q. Pouvons-nous juste parler de la manière dont des questions étaient
5 posées à Stanko ? Pourriez-vous dire à la Chambre, faire un tableau de ce
6 qui se passait à ce moment-là et quelle était l'atmosphère générale ?
7 R. Il était assis parce qu'il avait été blessé et il portait un pyjama, et
8 Kuzmic, entouré de deux jeunes soldats, était là, et la seule chose que
9 j'ai entendue c'était les mots : "Et que pourrais-je faire ?" C'est tout.
10 Q. Allons un peu plus avant dans le temps. Vous dites que vous n'êtes pas
11 ressorti avant le lendemain, le 20. Passons maintenant à la journée du 20
12 novembre, s'il vous plaît. A quel moment êtes-vous sorti dans la journée du
13 20 ?
14 R. Le 20 dans la matinée, vers 7 heures du matin, j'étais en train de dire
15 bonjour au Dr Ivankovic, et un officier de très haute taille est venu. Il
16 avait une voix tonitruante. C'était un homme très grand. Il a dit :
17 "Docteur, qu'est-ce que nous attendons ? Nous sommes en guerre. Les blessés
18 ainsi que les civils doivent aller sur la gauche et le personnel de
19 l'hôpital à droite." Fondamentalement, cela voulait dire que le personnel
20 de l'hôpital devait passer par l'entrée principale de l'hôpital lorsqu'on
21 vient de la rue Lola Ribar, et que le reste d'entre nous, nous devions
22 aller à gauche vers ce qu'on appelait Sapudl. Je pense que c'était un nom
23 différent ou quelque chose, en tout état de cause, ceux qui étaient
24 légèrement blessés et les civils étaient censés sortir par la porte de
25 côté.
26 Q. Pourrions-nous juste traiter d'un aspect qui était de savoir si vous
27 vous rappelez s'il portait ou non un uniforme ?
28 R. Il était si remarquable, c'était si frappant, que je ne pourrais
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1 l'oublier dans les cinquante années à venir. Il était grand, fort. Il
2 portait une casquette de militaire, un uniforme, une veste. Il portait la
3 moustache, et son apparence était tellement frappante, qu'il est impossible
4 d'oublier un homme comme cela.
5 Q. Quelle était son attitude générale ce matin-là à l'égard des personnes
6 à qui il s'adressait ?
7 R. Je n'ai pas entendu d'ordre de sa part. Je n'ai pas entendu nous
8 ordonner de fouiller, mais nous avons été alignés le long du mur près de
9 l'entrée, ou plutôt de la sortie, la grille, la barrière. Je parle de celle
10 qui est de côté. Puis, ils ont commencé à nous fouiller.
11 Q. Est-ce que par la suite vous avez entendu son nom ?
12 R. Oui. Quand je suis revenu de la prison et lorsque j'ai acheté un poste
13 de télévision en 1993, il est apparu à la télévision. Il discutait sur le
14 pont.
15 Q. Est-ce que vous avez entendu son nom ?
16 R. Un homme blond avec l'air assez sympathique, mais c'était comme cela
17 seulement sur l'écran.
18 Q. Je vous parle de l'homme très grand qui portait une moustache. N'avez-
19 vous jamais entendu prononcer le nom de cet homme ?
20 R. Pas jusqu'au moment où j'ai acheté le poste de télévision en 1993. A ce
21 moment-là, je l'ai vu. Il était en train de discuter avec une autre
22 personne sur un pont. Il discutait avec quelqu'un chargé du maintien de la
23 paix. Apparemment, c'était une personne chargée du maintien de la paix, qui
24 était Britannique, qui faisait partie du personnel de l'ONU.
25 Q. Bien. Quel était le nom que vous avez entendu pour ce qui est de cet
26 homme qui était grand ?
27 R. Cela a été également montré aux nouvelles. Il a toujours été appelé le
28 commandant Sljivancanin. Il était très clair que c'était l'homme qui
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1 exerçait un commandement à l'hôpital.
2 Q. Quand vous avez vu cet homme à la télévision, à l'émission de
3 télévision, est-ce que c'est bien le même homme que celui que vous pensez
4 avoir vu ce matin-là dans la matinée du 20 ?
5 R. A 100 %, oui.
6 Q. Parlons maintenant de la sortie de l'hôpital. Vous avez dit qu'ils
7 avaient commencé à nous fouiller, qui était, "ils" ? Qui avait commencé à
8 fouiller ? Pourriez-vous le dire aux Juges de la Chambre ?
9 R. Etant donné que l'hôpital était encerclé par de jeunes soldats, était
10 entouré, et que des jeunes soldats, d'ailleurs, nous fouillaient et des
11 soldats plus âgés aussi. Ils étaient en train de voir s'ils pourraient
12 retrouver des armes. Ils cherchaient des armes, et même des choses comme
13 des tournevis, des couteaux, des ouvre-bouteilles ou quoi que ce soit,
14 enfin tout objet métallique.
15 Q. Est-ce que vous, vous avez été fouillé ?
16 R. Oui.
17 Q. Pourriez-vous nous dire alors ce qui vous est arrivé après avoir été
18 fouillé, s'il vous plaît ?
19 R. Rien de particulier. J'avais pas mal d'argent dans mes deux poches. Cet
20 argent m'avait été donné par un membre du personnel de l'hôpital parce
21 qu'elle en avait trop sur elle. J'ai entendu, une fois qu'on avait tous été
22 fouillés, j'ai entendu le commandant Sljivancanin dire que nous devrions
23 être embarqués sur des cars. C'est cela l'ordre qu'il avait donné.
24 Q. A qui a-t-il donné cet ordre ?
25 R. A quelqu'un qui ne semblait pas avoir un grade particulier. C'était une
26 personne d'une quarantaine d'années.
27 Q. En tout état de cause, à la suite de cet ordre, est-ce qu'on vous a
28 fait monter sur un car avec d'autres personnes ?
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1 R. Oui. Une fois que les cars étaient remplis de passagers, à ce moment-
2 là, ils partaient et faisaient un petit trajet. Certaines personnes qui
3 travaillaient à l'hôpital n'avaient pas de pièces d'identité. Donc, eux
4 aussi ont été obligés de monter dans ces cars.
5 Q. Combien de cars avez-vous vus à ce moment-là à l'extérieur de
6 l'hôpital ?
7 R. Six cars. Les plaques d'immatriculation étaient de Zrenjanin.
8 Q. Je vais traiter de la question des plaques d'immatriculation dès
9 maintenant. Je voudrais également traiter des personnes qui n'avaient pas
10 de cartes d'identité. Comment se fait-il que vous sachiez ce qu'étaient ces
11 plaques d'immatriculation ce matin-là ?
12 R. C'est très simple. Tandis que je montais dans le car, l'autre car était
13 parti un peu en avant, j'ai regardé les plaques d'immatriculation. J'ai pu
14 voir. J'avais également travaillé à l'entrepôt pendant un certain temps
15 dans le passé. Donc, cela m'a intéressé.
16 Q. Où est cet endroit correspondant aux plaques d'immatriculation ?
17 Pourriez-vous nous dire si c'était en Croatie, en Serbie, en Bosnie ?
18 R. La Yougoslavie, à ce moment-là, était encore intacte. Personnellement,
19 je m'intéressais au football. Ce club, vraisemblablement appelé Proleter de
20 Zrenjanin, était toujours en compétition avec Borovo en seconde division,
21 de sorte que - c'est quelque part près de Belgrade, quelque part près de
22 Baca, quelque part près de Belgrade.
23 Q. Je vous remercie. Vous nous avez dit qu'on vous a faits monter dans ce
24 car, et vous avez également dit que certaines personnes de l'hôpital ou
25 certaines personnes qui travaillaient à l'hôpital n'avaient pas de pièces
26 d'identité et avaient été contraintes de monter dans le car. C'est ce que
27 vous avez dit dans votre déposition. Pouvez-vous vous rappeler les noms de
28 personnes qui ont été obligées de monter dans ces cars, des personnes qui
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1 n'avaient pas de cartes d'identité et qui appartenaient à l'hôpital ?
2 R. Je voudrais juste dire quelques mots sur la raison pour laquelle il n'y
3 avait pas de pièces d'identité. A l'origine, ils n'en avaient pas besoin.
4 Comme il y avait beaucoup de pilonnages, des obus qui tombaient jour après
5 jour, et qu'ils n'avaient plus de maisons où ils pouvaient retourner - mais
6 je voudrais revenir à votre question d'origine. Je me rappelle
7 effectivement qu'il y avait une personne qui s'appelait Varenica. Je pense
8 qu'il était serrurier à l'hôpital. Il y avait quelqu'un qui s'appelait
9 Vlaho. Il était chauffeur. D'habitude, il conduisait l'ambulance.
10 Q. Pourrions-nous d'abord parler du car dans lequel vous êtes montés. Je
11 voudrais simplement qu'on parle de ce car. Approximativement combien de
12 personnes se sont trouvées dans votre car au moment où il est parti ?
13 R. Ce car avait à peu près 40 sièges, en gros. Ne me prenez pas au mot, il
14 y en avait peut-être 48. Il y avait certainement 40.
15 Q. Si nous parlons de ce car, seriez-vous en mesure de dire quelle était
16 l'origine ethnique des personnes qui se trouvaient dans ce car pour autant
17 que vous le sachiez ?
18 R. A 90 %, c'étaient des Croates.
19 Q. Pouvez-vous nous aider pour nous dire, en gros, quel était le nombre
20 d'hommes et de femmes qui se trouvaient dans ce car pour autant que vous
21 ayez pu vous en rendre compte ?
22 R. Dans chacun de ces six cars, il n'y avait qu'une seule femme. Son nom
23 était Dragica Tuskan. En ce qui concerne une autre femme, Markobacic, je ne
24 suis pas sûr, mais je l'ai vue à Ovcara.
25 Q. Pouvons-nous parler des cars eux-mêmes ? Pouvez-vous dire quelle heure
26 il était lorsque le car a quitté la JNA -- non, excusez-moi, a quitté
27 l'hôpital pour aller à la caserne de la JNA ?
28 R. Un par un. Ils ont reculé d'environ 20 mètres. Il était environ 9
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1 heures et quart, puis, sont partis en direction des casernes.
2 Q. Avant de partir de l'hôpital - et quand je dis "partir," je veux dire
3 partir sur ces cars - avez-vous vu des personnes de l'équipe internationale
4 de surveillance à l'hôpital, les observateurs ? Avez-vous vu des
5 observateurs ?
6 R. Non, je n'en ai pas vu. Il n'y avait personne de ce côté-là.
7 Q. Passons maintenant, si vous voulez bien, à la caserne de la JNA.
8 Parlons d'abord du car proprement dit. Est-ce que vous pouvez vous rappeler
9 s'il y avait des soldats de la JNA à l'intérieur du car ?
10 R. Il y avait deux jeunes soldats sur chacun des cars, qui étaient postés
11 aux portes de ces cars. Nous sommes parvenus à la caserne. Nous nous sommes
12 arrêtés en cercle. Je me trouvais sur le quatrième car. Donc, ils s'étaient
13 garés en forme de croissant. Pendant environ 20 minutes personne n'était
14 autorisé à monter dans ces cars. Il y avait des soldats réguliers ainsi que
15 des réservistes tout autour ainsi que les paramilitaires. Parce que j'en
16 connaissais un bon nombre. Par exemple, mon voisin, Djuro Latinovic. Il
17 montrait son couteau et il faisait des gestes pour dire qu'il me couperait
18 la gorge et me couperait la tête. Ensuite, il y avait Bulic Milos Milan,
19 qui criait : "Qu'est-ce que c'est Beli ? Il n'y a plus de football à
20 l'étang."
21 Au bout 20 minutes, un soldat est monté dans le car, le
22 Pr Licina, qui était un enseignant. Il y avait Hadzija et Kolesar qui était
23 mari de l'infirmière, la surveillante, chef des infirmières à l'hôpital,
24 Biba. Là-dessus, je les ai vus traîner d'autres personnes à l'extérieur. Ma
25 première pensée a été, ils en ont de la chance. Quelqu'un a dû les sauver.
26 Dix secondes plus tard, j'ai changé d'avis. Parce qu'à ce moment-là, j'ai
27 vu qu'ils étaient passés à tabac et qu'ils étaient passés à tabac de façon
28 particulièrement féroce. Ils ont été roués de coups de pied. On leur a
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1 donné des coups-de-poing. On les a frappés avec des crosses de fusil. Puis,
2 ce bus militaire n'était pas si grand. Il est sorti de la caserne, il a
3 tourné vers la gauche en empruntant la direction de Negoslavci, comme on
4 avait l'habitude de dire. A ce moment-là, je crois que vous savez que dans
5 toute caserne il y a des sacs de sable, il y a des extincteurs d'incendie,
6 en cas d'incendie justement. Ils ont commencé à détruire tout cela. Ils ont
7 pris les pelles, les râteaux, ils les ont pris par les poignets et ils ont
8 commencé à vociférer, un peu comme une tribu indienne lorsqu'ils arrivent à
9 capturer un cow-boy, et c'était une atmosphère très jubilatoire de leur
10 part. Ils sont entrés dans une voiture Yugo, cinq ou six. Ils sont rentrés
11 dans cette voiture et ils ont commencé à suivre l'autobus.
12 Q. Merci. J'aimerais justement aborder cette partie des éléments de
13 preuve. Vous nous avez fourni une réponse assez longue, mais vous nous avez
14 dit que les autobus étaient garés suivant la forme d'un demi-cercle. Vous
15 nous avez également dit qu'après quelque 20 minutes, un soldat est monté
16 dans l'autobus. Est-ce que vous savez à quelle unité appartenait le soldat
17 qui est monté dans l'autobus ? Est-ce qu'il s'agissait d'un soldat de la
18 JNA ? Est-ce qu'il s'agissait d'un paramilitaire ou d'un soldat de la
19 Défense territoriale ? Est-ce que vous pouvez nous fournir cette
20 information ?
21 R. Je ne peux pas véritablement le confirmer maintenant. A l'époque déjà,
22 je n'en étais pas très, très sûr. Mais cette personne portait un uniforme.
23 Q. Lorsque vous êtes arrivé à la caserne et que les autobus se sont garés
24 suivant cette forme de demi-cercle, est-ce qu'il y avait des gens à
25 l'extérieur qui ont vu votre autobus arriver ?
26 R. Je ne peux pas le confirmer. Je ne l'ai pas vu. J'étais assis derrière
27 le conducteur.
28 Q. Est-ce que vous pourriez alors nous dire, je vous prie, ce qu'il en
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1 était des personnes qui ont été sorties du bus ? Vous nous avez parlé de
2 Kolesar. Vous nous avez parlé de Latina, et je pense également que vous
3 nous avez parlé de Hamzija, si je ne m'abuse; est-ce exact ?
4 R. J'ai mentionné Latinovic qui marchait autour des autobus et qui nous
5 menaçait à l'aide de son couteau. Il y avait le Pr Licina, Hidek, ainsi que
6 Kolesar, qui était le mari de la responsable des infirmières, Biba, à
7 l'hôpital. Elle travaillait à l'hôpital.
8 Q. Qu'est-ce qui leur est arrivé lorsqu'ils sont sortis de l'autobus ?
9 R. Je n'en sais rien.
10 Q. Où est-ce qu'ils sont allés ? Vers quoi se sont-ils dirigés lorsqu'ils
11 sont sortis de l'autobus ?
12 R. Je n'en sais rien.
13 Q. Vous nous avez dit que vous avez vu qu'on les avait fait descendre de
14 l'autobus, et il me semble que vous avez suggéré qu'ils avaient été passés
15 à tabac. Je ne sais pas si c'est une question d'interprétation ou si c'est
16 la façon dont je pose mes questions, mais est-ce que vous pourriez peut-
17 être préciser cela à notre intention ?
18 R. Non. Je n'ai pas vu que ces trois-là se faisaient frapper, mais ceux
19 qui étaient dans les autobus, dans le premier, le deuxième et le troisième
20 autobus, ceux-là ont été passés à tabac.
21 Q. Ces autobus, le bus numéro 1, le bus numéro 2 et le bus numéro 3, où
22 étaient frappées ces personnes, à l'intérieur des autobus ou à l'extérieur
23 des autobus ?
24 R. Dans l'autobus militaire, lorsqu'on les a forcés à monter dans cet
25 autobus militaire. Il s'agissait du septième bus, du bus militaire spécial.
26 Il n'a rien à voir avec les six autres autobus, celui-ci.
27 Q. Je vais vous interrompre un petit moment. Vous nous avez dit que les
28 autobus se sont garés en forme de demi-cercle. Vous nous avez dit que
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1 certaines personnes sont sorties de votre autobus. Vous nous avez donné les
2 noms de ces personnes et vous nous avez dit que vous avez vu d'autres
3 personnes qui étaient passées à tabac et qui se trouvaient près d'un bus
4 militaire. Mais vous ne nous avez pas parlé de ce bus militaire. D'où
5 venait-il cet autobus militaire ? Est-ce que vous pourriez nous le dire, je
6 vous prie ?
7 R. Il était garé là, cet autobus militaire. Il était garé à la caserne. Il
8 était déjà là.
9 Q. Est-ce que vous avez vu combien de personnes sont montées dans cet
10 autobus militaire, de façon approximative ?
11 R. Entre 12 et 14 personnes.
12 Q. Les personnes qui sont montées dans cet autobus militaire, comment est-
13 ce que ces personnes ont été traitées ?
14 R. Je pense que je l'ai déjà dit, elles ont été très, très mal traitées.
15 C'est pour cela que j'ai changé d'avis tout de suite, lorsque j'ai vu qu'on
16 les frappait, qu'on leur donnait des coups-de-poing, qu'on leur donnait des
17 coups de pied, qu'on les malmenait, qu'on les frappait avec des crosses de
18 fusil. Vous pouvez imaginer la situation.
19 Q. Mais la question que je vous ai posée est la suivante : qui les
20 frappaient ?
21 R. Les soldats qui se trouvaient dans la caserne.
22 Q. Vous nous avez dit que vous avez vu des jeunes soldats de la JNA. Est-
23 ce que vous seriez en mesure de nous dire s'il s'agissait de soldats
24 réguliers de la JNA qui se trouvaient là à la caserne lorsque vous êtes
25 arrivé ?
26 R. J'ai déjà indiqué qu'il y avait deux jeunes soldats dans chaque
27 autobus, et il y avait des soldats, bien entendu, dans la caserne. Ces
28 soldats se déplaçaient, ils marchaient, ils regardaient ce qui se passait,
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1 et ils étaient là également.
2 Q. Est-ce que ces soldats ont empêché que les hommes ne soient passés à
3 tabac ?
4 R. Non, non, pas du tout. Les personnes qui avaient été passées à tabac
5 n'ont pas survécu. Elles ne peuvent plus relater ce qui s'est passé. Je les
6 ai trouvées à Ovcara. Ils étaient couverts de sang. Ils se sont évanouis
7 plusieurs fois. Ils avaient la tête meurtrie de coups.
8 Q. Monsieur Berghofer, je vous demanderais de bien vouloir écouter mes
9 questions, parce que j'essaie de compartimentaliser en quelque sorte mes
10 questions. Je vous parlais de la caserne de la JNA. Ce que je vous ai
11 demandé est : est-ce que vous avez vu des soldats de la JNA essayer
12 d'empêcher le passage à tabac, et je vous parle de la caserne de la JNA.
13 Est-ce que vous avez vu cela ?
14 R. Monsieur le Président, j'ai déjà dit cela. J'ai déjà dit que personne
15 n'avait essayé d'intervenir.
16 Q. Combien de temps êtes-vous resté à la caserne de la JNA ?
17 R. Si nous sommes partis à 9 heures 15 de l'hôpital et que nous sommes
18 arrivés à Ovcara à 13 heures 30, cela signifie que nous y sommes restés
19 quelque quatre heures.
20 Q. Vous nous avez parlé d'un homme qui répond au nom de Latinovic. Quel
21 fût le comportement de Latinovic pendant que vous vous trouviez à la
22 caserne de la JNA, seulement à ce moment-là ?
23 R. Il a fait un peu le tour des autobus. Il était menaçant. Il n'était pas
24 seul d'ailleurs. Il y avait une quinzaine d'hommes qui le faisaient.
25 Toutefois, c'est mon voisin. C'est pour cela que je m'en souviens. Il
26 vivait à trois maisons de chez moi.
27 Q. Les gens qui se trouvaient avec Latinovic, est-ce que ces personnes
28 portaient un uniforme ou non ?
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1 R. Ils portaient un uniforme. Bulic Milos était là également. Il s'appelle
2 Milan Bulic Milos. Lui n'avait pas d'uniforme. Zoric était présent
3 également, tout comme Mugosa d'ailleurs.
4 Q. Quel était leur comportement vis-à-vis des personnes qui se trouvaient
5 dans les autobus ? Est-ce que vous pourriez dire à la Chambre comment ils
6 se comportaient et ce que vous avez ressenti, si tant est que vous ayez
7 ressenti quelque chose ?
8 R. Ils ne sont pas montés dans mon autobus, qui était le quatrième. Il y a
9 juste un soldat qui est monté dans notre autobus, le soldat qui a pris ces
10 trois personnes et qui les a fait sortir du bus. Pour autant que je m'en
11 souvienne, Bulic, Zoric ou ses fils ne sont pas montés dans l'autobus.
12 Toutefois, il y avait beaucoup de cris et de vociférations parce qu'ils
13 faisaient autre chose. Ils étaient en train de saccager les extincteurs
14 d'incendie.
15 Q. J'aimerais que nous passions maintenant à Ovcara, je vous prie. Vous
16 nous avez dit que vous êtes arrivé à Ovcara vers 13 heures 30; est-ce
17 exact ?
18 R. C'est exact.
19 Q. Est-ce que vous avez pu voir si les mêmes autobus, ceux qui s'étaient
20 garés en demi-cercle, sont allés ensemble à Ovcara ?
21 R. Monsieur le Président, bien sûr que je l'ai vu. C'était un véhicule
22 militaire qui s'appelle Campagnola qui nous a conduits. C'est un type de
23 véhicule militaire. C'est un véhicule de combat et il s'appelle Campagnola.
24 Ils étaient devant, et nous étions à l'arrière. Les jeunes soldats étaient
25 toujours à bord des autobus avec nous, près de la porte.
26 Q. Est-ce que nous pourrions maintenant parler de votre arrivée à Ovcara.
27 Vous nous avez dit que vous êtes arrivés à 13 heures 30. Pourquoi pensez-
28 vous que vous êtes arrivés vers 13 heures 30 ?
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1 R. Parce que j'avais une montre que j'ai consultée. Le soleil était haut
2 dans le ciel. C'était une belle journée.
3 Q. Combien de temps êtes-vous resté dans l'autobus à Ovcara ? Pour le
4 moment, je vous parle de votre autobus et je vous parle de ce qui vous est
5 arrivé à vous.
6 R. Environ dix minutes, jusqu'au moment où ceux qui se trouvaient devant
7 nous sont sortis de leur autobus.
8 Q. Lorsque vous êtes sorti de votre autobus, que vous est-il arrivé ?
9 R. Je suis sorti par la porte arrière. Juste à côté de cette porte, il y
10 avait mon voisin, Goran Mugosa, dont le surnom est Kustro. Il avait 21 ans
11 et il portait des habits civils. Autour de lui, il y avait un fossé, un
12 fossé qui était rempli de choses, de papiers d'identités, de sacs, de
13 petites valises et d'autres objets. C'étaient des objets que les gens
14 avaient emportés avec eux. J'étais debout à côté de Mugosa. J'ai écarté les
15 bras, et il m'a fouillé les poches, et dans deux de mes poches, il a pris
16 beaucoup d'argent qui ne m'appartenait pas. Cet argent appartenait à une
17 infirmière de l'hôpital. Ensuite, il a fallu que je passe par cette haie
18 d'hommes qui se trouvait à quelque huit mètres. C'est là qu'ils m'ont
19 attaqué avec leurs chaussures. Ils m'ont roué de coups. Ils m'ont donné des
20 coups-de-poing dans le visage. Dado Djukic m'a frappé à la tête près de
21 l'oreille droite. Il avait des béquilles parce qu'il avait été blessé à la
22 jambe. Je dois dire que j'ai eu une très grande blessure à la tête de
23 suite, et ce n'est que grâce à Dieu que je ne suis pas tombé. Je ne sais
24 absolument pas comment j'ai réussi à rester à l'intérieur. Ensuite, Damjan
25 [phon], Gaspar et un autre jeune homme, qui avaient fait l'objet de sévices
26 très violents à l'entrée du hangar, on les avait frappés avec des bâtons et
27 avec d'autres outils.
28 Lorsque je suis entré et que j'ai vu mon voisin, Zeljko Begov, c'était un
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1 jeune gars, et j'ai vu également Ante Bodruzic. On les avait emmenés là
2 plus tôt dans le véhicule militaire. Leurs têtes avaient deux fois la
3 taille habituelle de leurs têtes. Même leurs propres mères ne les auraient
4 pas reconnus. Puis, il y avait d'autres hommes dont je ne connais pas les
5 noms de famille.
6 Q. J'aimerais maintenant que nous parlions de ce que vous venez de nous
7 dire. Vous venez de nous dire que vous êtes sorti de l'autobus et vous avez
8 décrit cette haie d'hommes qui avait été formée. Qu'entendez-vous par cette
9 haie d'hommes ? Est-ce que vous pourriez décrire à la Chambre de première
10 instance ce que vous entendez exactement par cela ?
11 R. Comment est-ce que je pourrais décrire cette haie d'hommes ? Vous avez,
12 de part et d'autre, sur la droite et sur la gauche, de chaque côté de
13 l'entrée du hangar, vous aviez quatre ou cinq hommes qui étaient en rang,
14 ou une dizaine d'hommes de chaque côté, et personne ne pouvait entrer dans
15 le hangar sans préalablement être passé à tabac.
16 Q. Qui faisait partie de cette haie d'hommes ? Je ne veux pas savoir, pour
17 le moment, si vous avez reconnu ces hommes. Nous aborderons cela plus tard.
18 Mais est-ce qu'il s'agissait de civils, de militaires, est-ce qu'ils
19 portaient l'uniforme ? Est-ce que vous pourriez décrire à l'intention de la
20 Chambre qui sont les personnes qui se trouvaient dans cette haie d'hommes ?
21 Qui participaient à cela ?
22 R. Milos Bulic, Milan, qui n'avait pas d'uniforme, et il y avait le jeune
23 Mugosa qui m'avait pris de l'argent, et c'est quelque chose qu'il a reconnu
24 à Belgrade. Les autres étaient en uniforme. A côté d'eux, il y avait de
25 jeunes soldats.
26 Q. Est-ce que vous avez vu si les jeunes soldats ont essayé d'arrêter ces
27 passages à tabac et ont essayé de faire en sorte que les coups arrêtent de
28 pleuvoir lorsque vous êtes passé vous-même à travers cette haie d'hommes ?
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1 R. Non. Il y a juste un soldat qui a pris de côté Vile Karlovic.
2 Q. Quelle était l'intensité des coups que ces personnes assénaient aux
3 personnes qui sortaient des bus et qui entraient dans le hangar ? Est-ce
4 que vous pourriez décrire à la Chambre l'intensité de ces sévices ?
5 R. Je ne sais pas si le monde civilisé est en mesure de comprendre ceci.
6 Il est très difficile de décrire cela. C'est quelque chose que l'on ne voit
7 même pas dans un film, ce genre de passages à tabac. C'était absolument
8 effroyable. Des gens ont perdu des dents. Il y avait tellement de sang.
9 Lorsque nous sommes entrés dans le hangar, tout était couvert de sang.
10 C'est très difficile à décrire. Ils donnaient des coups de pied. Ils
11 rouaient les gens de coups. Ils criaient. Ils vociféraient. Ils disaient :
12 "Putains d'Oustachi," et cetera, et cetera.
13 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire si toutes les personnes qui sont
14 sorties des autobus sont passées à travers cette haie d'hommes et sont
15 entrées dans le hangar ?
16 R. Bien oui, tout le monde l'a fait. Il y a des gens qui ont pris beaucoup
17 plus de temps pour entrer dans le hangar, et d'autres sont entrés beaucoup
18 plus rapidement. Il y en a même qui sont tombés. Lorsque ce fut mon tour,
19 ils avaient déjà vidé trois autobus.
20 Q. Vous nous avez dit ce que vous avez décrit comme étant l'autocar
21 militaire, et vous nous avez décrit comment vous avez vu quelqu'un dont la
22 tête avait deux fois la taille habituelle pour sa tête. Vous vous souvenez
23 avoir dit cela il y a environ dix minutes ?
24 R. Oui, oui, je m'en souviens.
25 Q. Est-ce que vous vous souvenez si vous avez vu d'autres personnes qui se
26 trouvaient dans cet autobus militaire et qui étaient également déjà dans le
27 hangar d'Ovcara lorsque vous êtes arrivé ?
28 R. Oui, tout à fait. Je suis natif de Vukovar et je peux vous dire que
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1 j'ai reconnu une centaine de personnes. Je ne connaissais pas tous leurs
2 noms. Il s'agissait de jeunes types. Ils auraient certainement pu être mon
3 fils. J'étais ami avec leurs pères. Il y avait même des types qui avaient
4 16 ans et il y en avait d'autres qui avaient 70 ans.
5 Q. Comment est-ce que vous pourriez décrire leur état physique lorsque
6 vous êtes arrivé dans le hangar ? Vous nous avez dit qu'il y avait une
7 personne dont la tête avait deux fois la taille habituelle. Mais quel était
8 l'état physique des autres personnes ? Est-ce qu'elles avaient été passées
9 à tabac ou non ?
10 R. Tout ce que je sais c'est qu'Ante Podruzic avait une tête dont la
11 taille était deux fois la taille habituelle. Ses yeux étaient complètement
12 fermés. Il en va de même pour Zeljko Begov. Les autres gars, qui avaient
13 plus ou moins le même âge, c'étaient des gars qui avaient 27 ans. Zeljko
14 Begov était mon voisin, donc il m'était facile de le reconnaître. Pour ce
15 qui est d'Ante Podruzic, il avait amené à mon atelier des meubles pour que
16 je les retapisse. C'est comme cela que je le connais. Il y avait d'autres
17 types qui étaient là. Je ne peux pas me souvenir de tous, mais toutefois je
18 les ai vus quand même.
19 Q. J'aimerais maintenant que nous parlions de l'intérieur du hangar.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, je regarde l'heure qui
21 tourne. Il nous reste quelque trois minutes pour la cassette. Puisque vous
22 êtes sur le point d'aborder un autre thème, je pense que le moment sera
23 venu d'avoir la pause.
24 Nous allons avoir une pause de 20 minutes. Nous reprendrons à 18 heures,
25 Monsieur, ce qui vous donnera la possibilité d'avoir, vous aussi, une
26 pause.
27 --- L'audience est suspendue à 17 heures 39.
28 --- L'audience est reprise à 18 heures 03.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous en prie, Monsieur Moore.
2 M. MOORE : [interprétation] Merci beaucoup.
3 Q. Je voudrais revenir au sujet que je vous ai mentionné juste avant la
4 pause. Je voudrais que nous parlions de l'intérieur du hangar à Ovcara.
5 J'aimerais, si vous voulez bien, que nous nous penchions sur ce sujet-là.
6 Pendant que vous étiez à l'intérieur du hangar vous-même, y avait-il déjà
7 des gens dedans ?
8 R. Il y avait énormément de personnes à l'intérieur.
9 Q. Pourriez-vous nous donner le nombre de personnes qui se trouvaient déjà
10 à l'intérieur lorsque vous êtes entré ?
11 R. J'avais déjà fait une évaluation : six autocars à 40 sièges, cela fait
12 240 déjà. Mais on était probablement 260 à 270. C'est l'estimation que je
13 puis faire.
14 Q. Vous n'êtes pas le dernier à être entré, n'est-ce pas ?
15 Je pense que vous étiez dans le troisième autocar ?
16 R. Non, non, j'étais dans la quatrième.
17 Q. Si vous étiez dans ce quatrième autocar, combien de personnes pouvait-
18 il y avoir à l'intérieur lorsque vous êtes entré ?
19 R. Ecoutez, Monsieur le Juge, le temps de se retourner à gauche et à
20 droite, disons qu'ils étaient 150. Parce que vous avez les larmes aux yeux,
21 vous saignez du côté droit, vous avez les genoux flagellants. Je n'ai pas
22 eu le temps de compter. Une estimation approximative me fait dire 150,
23 disons 140. On est précipité à l'intérieur et on ne bouge pas. On baisse la
24 tête. Il n'y a pas beaucoup à faire.
25 Q. Pourquoi aviez-vous la tête baissée ?
26 R. J'ai gardé la tête baissée parce que ce jeune homme, Zeljko Bekov,
27 était tombé, et je l'ai aidé, et quelqu'un d'autre, je ne m'en souviens
28 plus trop. Je n'ai jamais mentionné à sa mère de quoi avait l'air son fils.
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1 Ce que j'ai vu à l'extérieur, c'était ce que j'avais vu avant d'entrer dans
2 le hangar. Mais une fois dans le hangar, je me suis faufilé vers le milieu.
3 Q. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre, je vous prie, du meilleur de
4 vos souvenirs, de quoi avait l'air l'intérieur de ce hangar lorsque vous
5 êtes entré ? Quelle était l'ambiance qui y régnait ? Est-ce que vous pouvez
6 nous brosser un tableau ?
7 R. Très pénible comme ambiance. Des hurlements, des coups d'asséner, des
8 cris, des piétinements, des coups assénés avec des tiges de fer, avec des
9 crosses de fusil, des coups de pied, des coups avec des objets variés et
10 une fois de plus des coups de pied.
11 Q. Vous nous avez dit que vous aviez vu, je crois, du sang au milieu.
12 Pouvez-vous préciser d'où ce sang venait ?
13 R. Certes. C'était le sang de ces jeunes gars qui avaient été battus dans
14 l'autocar militaire et qui ont été littéralement massacrés, d'après ce que
15 j'ai pu voir.
16 Q. Vous nous avez dit que vous êtes allé vers le milieu du hangar. Vous
17 avez également décrit la façon dont vous vous comportiez. Vous aviez la
18 tête baissée. Mais pour ce qui est des gens qui étaient sortis de votre
19 autocar, avez-vous vu ce qui s'était passé avec eux ?
20 R. Je n'ai pas tout le temps gardé la tête baissée. C'est normal de la
21 relever par la suite. Après moi, c'est M. Emil Cakalic qui est entré. C'est
22 quelqu'un que je connais depuis 40 ans. Il m'est facile de donner la
23 description d'un homme que je connais. Au moment où il a précipité à
24 l'intérieur, après les premiers tabassages à l'extérieur, que je n'ai pas
25 vus bien sûr, Slavko Dokmanovic, qui avait travaillé avec lui à la mairie,
26 je lui ai entendu dire : "Monsieur l'Inspecteur, vous êtes ici vous aussi."
27 Et à cinq, ils lui sont tombés dessus et ils l'ont frappé à nouveau. Par la
28 suite, Dokmanovic a donné un coup de pied à la figure -- attendez,
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1 attendez, à Dado Djukic, qui avait les jambes blessées, ce qui fait qu'il
2 est accroupi. Moi, avec sa béquille, j'avais reçu des coups sur la tête.
3 Pour autant que je m'en souvienne, à côté de lui, il est arrivé, mais ne me
4 tenez pas au mot, un jeune Baumgertner, un jeune de 16 ans. Je n'ai pas dit
5 à son père et à sa mère comment cela s'est passé avec lui. Mais Dokmanovic,
6 en imitant un footballeur, a jeté le ballon par-dessus sa tête vers
7 l'arrière, et cela a frappé ce jeune homme à la figure.
8 Q. Pour ce qui est des blessures que vous avez reçues, quelles sont les
9 blessures que vous avez reçues suite à ces passages à tabac ?
10 R. Si vous mettez bout à bout Ovcara et Sremska Mitrovica, je dirais que
11 j'ai la partie droite d'endommagée, pour ce qui est notamment de mon
12 oreille. Et j'ai mon œil droit endommagé. Je vois moins bien. J'ai toujours
13 un œil un peu rouge de sang parce qu'on m'a donné des coups de pied où on
14 pouvait. Je n'ose plus regarder des films de guerre. Je n'ose pas non plus
15 être près d'un endroit où il y a un risque, et je ne dors plus si bien.
16 Q. Vous nous avez dit que vous aviez aperçu Milan Bulic là-bas. Je
17 voudrais que nous parlions de cet homme-là. L'aviez-vous vu en train de
18 frapper des gens ou pas ?
19 R. Monsieur le Juge, pour autant que je le sache, dans mes dépositions
20 précédentes au fil de ces 14 dernières années, Milan Bulic a frappé les
21 gens devant le hangar. Je ne sais pas ce que lui a fait Damir Samardzic,
22 mais je l'ai dit à Belgrade aussi, que t'a-t-il donc fait pour que tu le
23 battes à mort, pour que tu le battes à tel point ?
24 Q. Laissez-moi vous expliquer, cette Chambre et les Juges ici présents ne
25 savent pas ce que vous avez dit à Belgrade. Par conséquent, il importe que
26 vous disiez à cette Chambre-ci exactement ce que vous avez vu Bulic faire.
27 J'aimerais que vous nous présentiez ce témoignage une fois de plus. Vous
28 comprenez ? Donc, ayez l'amabilité de dire aux Juges de la Chambre ce que
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1 vous l'avez vu faire.
2 R. Il accueillait toute personne descendant de l'autocar avec des coups de
3 pied. Ils étaient cinq à frapper, avec ces espèces de manches en bois, et
4 ils frappaient où ils pouvaient. Cela a duré jusqu'à ce que le tout dernier
5 n'entre dedans. Parmi les derniers, il y avait le journaliste, Sinisa
6 Glavasevic. Ils étaient 12 à lui tomber dessus, à l'intérieur dans le
7 hangar. Je ne sais pas ce qui s'est passé dehors, mais là aussi, ils l'ont
8 piétiné. Ils l'ont frappé. Ils lui ont fait toutes sortes de choses. A un
9 moment donné, on a entendu un sifflement, et un homme de quelque 40 ans.
10 Q. Laissez-moi parler de deux sujets particuliers et on en viendra avec
11 cet homme qui a sifflé. Je sais que c'est difficile d'être interrompu, mais
12 des fois c'est nécessaire. J'aimerais que nous parlions de Samardzic, du
13 tabassage de Samardzic, de cela seulement. Pouvez-vous décrire, à
14 l'intention des Juges de la Chambre, la férocité du passage à tabac
15 s'agissant de cet homme-là ?
16 R. Si je devais décrire cela à l'intention des Juges, il faudrait que je
17 commence à jeter les chaises qui se trouvent ici, tellement les coups
18 étaient terribles. Après le deuxième coup, il est tombé à terre, et ils ont
19 continué à le frapper. Au bout de deux heures, quand je suis sorti du
20 hangar, lui ne bougeait plus. Son neveu Gaspar, c'était un homme qui était
21 allongé la tête dans un fossé, et ses jambes étaient au petit pont d'accès.
22 Ils ne donnaient aucun signe de vie à ce moment-là. Comment pourrais-je
23 vous décrire ? Vous pouvez vous imaginer quand ils sont quatre ou cinq à
24 tabasser l'un puis l'autre jusqu'à ceux-ci ne se relèvent plus, d'après ce
25 que j'ai pu voir.
26 Q. Puis-je parler à présent du journaliste que vous avez mentionné,
27 Glavasevic. Comment l'a-t-on agressé ?
28 R. Pour qu'il n'y ait pas d'erreur, Sinisa Glavasevic, c'est un
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1 journaliste de Radio Vukovar.
2 Q. Oui, c'est de celui-là que nous parlons. Pouvez-vous nous dire comment
3 lui a été frappé, quand et où cela s'est produit ?
4 R. Lorsqu'il a accouru à l'intérieur de la porte d'entrée, il n'a même pas
5 fait trois pas vers l'intérieur du hangar qu'il a tout de suite, à coups de
6 crosse - je ne sais pas si vous comprenez, c'est la crosse d'un fusil
7 automatique - et il a reçu des coups comme cela à la tête, aux jambes. Ils
8 l'ont fait tombé. Si mes souvenirs sont bons, certains avaient des tubes en
9 fer. Vous pouvez imaginer de quoi cela avait l'air. C'était horrible. Je
10 vous dis, c'était horrible. Il n'y avait pas de pitié. Il est difficile de
11 décrire la chose. Que leur avons-nous fait pour qu'ils nous tabassent à ce
12 point-là ?
13 Q. Vous avez dit "ils," "eux." Qui l'a battu ? Quand vous dites "eux" et
14 "ils," vous entendez qui ?
15 R. Tous ces hommes-là portaient des uniformes. C'est pourquoi je suis
16 d'avis qu'il s'agit de réservistes, de paramilitaires, Dieu sait quoi,
17 alors qu'il y avait cinq uniformes différents là-bas. Ils étaient tous
18 pêle-mêle et ils ont tous donné des coups.
19 Q. Avez-vous à quelque moment que ce soit vu une personne en uniforme
20 essayer de faire mettre un terme à ces passages à tabac ?
21 R. A Dieu plaise que je puisse dire cela. Mais personne n'a bougé du petit
22 doigt, personne.
23 Q. Je voudrais maintenant parler d'un élément de preuve que vous avez
24 évoqué dans votre déposition il y a cinq minutes. Il s'agit d'un homme qui
25 a donné un coup de sifflet. Je voudrais parler de cet aspect. Quand, pour
26 la première fois, vous êtes-vous rendu compte qu'il y avait quelqu'un qui
27 donnait des coups de sifflet ?
28 R. Bien, c'était au moment où Slavko Dokmanovic, quand je l'ai vu d'abord
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1 et brusquement il a disparu, et je ne pouvais plus le voir. Puis, quelqu'un
2 d'autre est entré. Je peux dire que c'était un réserviste. Je ne sais pas
3 s'il était de la JNA ou non, mais en tous les cas, il portait un uniforme
4 de réserviste et il avait un sifflet, comme si c'était un arbitre de
5 football. Il a donné des coups de sifflet et il a dit : "Cela suffit. Cela
6 suffit comme cela." A ce moment-là, on s'est dit : "Heureusement." Mais à
7 ce moment-là, huit autres personnes sont arrivées et ceux qui étaient là
8 avant eux sont sortis. Le groupe suivant a commencé à passer à tabac les
9 gens. Toute cette situation a recommencé avec les cris et tout le reste.
10 Kemo a commencé à crier en disant : "Où est le Français, où est le jeune
11 Français." Il le piétinait ce jeune garçon. J'en suis à 90 % certain que
12 c'est Baumgertner. C'est son nom. Il a 16 ans. Je connais ses parents très
13 bien, son père et sa mère. Nous étions tous couverts de sang, Monsieur le
14 Président.
15 Q. Je vous remercie. Je voudrais simplement que l'on parle maintenant des
16 coups de sifflet et du fait qu'on ait dit : "Cela suffit comme cela." Qui
17 était l'homme qui a donné un coup de sifflet et qui a parlé en disant :
18 "Cela suffit comme cela ?"
19 R. C'était cet homme qui portait un uniforme. Il a pu avoir une
20 quarantaine d'années. A l'époque, j'avais 50 ans, et j'allais avoir 51 ans.
21 Peut-être qu'il avait 41 ans. A mon avis, il aurait pu être un peu plus
22 jeune que cela.
23 Q. Je vous remercie. La question que je vous ai posée, et peut-être que
24 c'est la manière dont je l'ai posée, c'est que je souhaiterais savoir, vous
25 nous avez dit au sujet de cet homme que -cet homme qui a peut-être une
26 quarantaine d'années - vous nous avez dit qu'il a dit à quelqu'un : "Cela
27 suffit ou cela suffit comme cela." Il a utilisé cette phrase : "Cela
28 suffit." A qui disait-il d'arrêter ? Qui étaient ces gens ? Qui étaient-
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1 ils ? Pouvez-vous nous le dire ?
2 R. Il avait dit cela à ceux qui se trouvaient à l'intérieur et qui étaient
3 en train de nous passer à tabac. Les mêmes soldats qui étaient en train de
4 nous faire subir ces sévices, qui nous massacraient. Ces mêmes personnes en
5 uniforme.
6 Q. Les personnes en uniforme qui se trouvaient à l'intérieur de ce hangar,
7 pouvez-vous nous donner une idée, un ordre de grandeur pour ce qui est de
8 l'âge des personnes qui se trouvaient dans ce hangar ? Je ne veux parler
9 que des militaires; je ne parle pas de ceux qui étaient venus du car. Vous
10 comprenez ? Je ne veux pas savoir quoi que ce soit concernant les personnes
11 qui étaient descendues du car; je veux savoir quelles étaient les
12 caractéristiques de ceux qui se trouvaient en uniforme ou qui étaient liés
13 à ceux qui étaient en uniforme. Est-ce que vous me suivez ? Est-ce que vous
14 pouvez donner une fourchette en ce qui concerne leur âge ?
15 R. Approximativement, nous parlons de personnes qui avaient entre 24 et 44
16 ans, sans compter Slavko Dokmanovic.
17 Q. Je vous remercie. Pourrions-nous, s'il vous plaît, parler de ce que
18 vous avez dit dans votre déposition sur cette phrase : "Où est le
19 Français ?" Est-ce que vous avez compris ce qu'ils voulaient dire par : "Où
20 est le Français ?" Est-ce que vous l'avez compris ?
21 R. Pour autant que j'ai pu saisir, celui qui a dit : "Où est le
22 Français ?" Il s'est avancé - le garçon s'est avancé, et il a dit : Voilà,
23 je suis là. Sa main gauche était blessée. Quand il a reçu des coups de pied
24 et qu'il a été battu, il a dit : "Kemo va vous montrer." Sans cela, je
25 n'aurais pas su que c'était cet homme qui a dit : "Où est le Français ?" Je
26 n'aurais pas su que c'était Kemo. Sans cela, je ne l'aurais pas su. Quand
27 j'ai été relâché de Mitrovica, Kemo était un entraîneur, de sorte, qu'il
28 criait : "Kemo va te montrer, nique ta mère et ton père." Il a commencé à
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1 le battre. Vous connaissez tous ceux qui étaient passés par leurs mains qui
2 ont subi le même sort.
3 Q. Est-ce que vous connaissez le nom de la personne qui a été désignée
4 comme étant le Français ? Pas la personne qui a attaqué; la personne que
5 l'on a appelée le Français ? Ou est-ce que vous savez le nom de famille ?
6 R. Pour autant que je puisse m'en souvenir, je pense que c'est le même
7 garçon que celui qui avait reçu un coup-de-poing dans la figure, ou plutôt
8 un coup de brodequin dans la figure de Slavko Dokmanovic. Il avait à peu
9 près 16 ou 17 ans. Il était appelé Banhurta [phon]. C'était un garçon qui
10 était de taille moyenne, l'air sympathique et assez beau.
11 Q. Il y a peut-être une erreur dans la traduction. Pourriez-vous répéter,
12 s'il vous plaît, le nom de ce garçon, s'il vous plaît ?
13 R. Baumgertner.
14 Q. Je vous remercie. Vous nous avez parlé des coups que vous avez vous-
15 même reçus dans le hangar et à Sremska Mitrovica. Maintenant, ne pensez pas
16 au passage à tabac de Sremska Mitrovica, je veux qu'on me parle pour le
17 moment que du passage à tabac dans le hangar. Vous comprenez ce que je
18 dis ? Uniquement ce qui s'est passé dans le hangar. Pourriez-vous nous dire
19 comment vous-même vous avez été brutalisé dans le hangar à cette époque-
20 là ?
21 R. Je n'ai pas reçu de coups de pied ou de coups-de-poing dans le hangar
22 parce que je me suis déplacé vers le milieu du hangar. J'ai été battu à
23 l'extérieur. Ceux qui étaient les derniers arrivés et pendant que les
24 autres étaient passés à tabac, les encerclaient. Ils se mettaient autour.
25 Les derniers à arriver avaient passé un très mauvais moment.
26 Q. Vous nous avez dit que vous aviez été passé à tabac ou battu à
27 l'extérieur. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre comment vous êtes
28 entré à l'intérieur du hangar depuis l'extérieur du hangar ?
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1 R. Je peux dire que je suis descendu du car par la porte arrière à côté de
2 Mugosa pour ce contrôle. Au bout de cinq ou six mètres, je suis arrivé à
3 ceux qui nous attendaient à l'entrée pour entrer dans le hangar. Lorsqu'ils
4 ont commencé à me frapper, c'était très dur, notamment dans le bas-ventre
5 et les jambes. Ils m'ont donné des coups de pied avec leurs chaussures.
6 C'étaient des chaussures lourdes, des brodequins. L'un d'entre eux voulait
7 me donner un coup-de-poing dans la figure, dans la tête. Il y en a un qui a
8 utilisé les béquilles de Djukic pour me frapper à la tête et un autre m'a
9 donné un coup de pied dans le dos. Ils étaient si rapides que je ne peux
10 pas même vous donner une idée de la vitesse à laquelle cela se passait.
11 C'est simplement parce que j'ai eu de la chance - je voudrais le souligner
12 encore une fois - que je ne suis pas tombé à terre et que j'ai réussi à
13 courir pour entrer dans le hangar.
14 Q. Combien de temps êtes-vous resté dans ce hangar ? Je sais que c'est
15 difficile à apprécier, mais combien de temps pensez-vous que cela a duré ?
16 R. Je peux donner une estimation assez exacte de cela. Nous sommes
17 arrivés à 1 heure 30, et nous sommes sortis juste avant
18 4 heures, 16 heures. Je me rappelle cela très bien, parce que quand nous
19 avons quitté Ovcara, le même type de fourgonnette polo était en train
20 d'avancer dans la direction opposée. Ses phares étaient déjà allumés. Il
21 faisait très sombre. Lorsque nous sommes arrivés à Velepromet, il faisait
22 complètement nuit. Disons, deux heures. Nous avons passé deux heures à
23 Ovcara, pourrions-nous dire.
24 Q. Bien. Nous pouvons traiter de cela maintenant, peut-être. Lorsque vous
25 êtes sorti d'Ovcara, vous avez vu des voitures qui avaient des phares
26 allumés; c'est bien cela ?
27 R. Pas tout à fait.
28 Q. Est-ce que l'éclairage public ou, non -- pardon, la lumière naturelle,
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1 comment était la lumière naturelle à l'extérieur ? Est-ce qu'il faisait
2 clair ? Est-ce que c'était encore jour ? Est-ce qu'il faisait sombre ?
3 Pourriez-vous nous donner une indication ? La Chambre souhaiterait entendre
4 d'autres témoignages à ce sujet.
5 R. Je peux vous dire très facilement ce que je déclare c'est ceci : c'est
6 que juste avant 16 heures, 4 heures de l'après-midi, il faisait encore
7 jour. Lorsque nous avons quitté Ovcara et que nous nous trouvions à mi-
8 chemin de Velepromet, à ce moment-là, la voiture qui venait de la direction
9 opposée avait ses phares allumés. Il ne faisait pas tout à fait noir, mais
10 il n'y avait pas non plus beaucoup de clarté du jour. Dans les six minutes
11 qui ont suivi, nous sommes arrivés à destination. Je veux dire devant le
12 Velepromet. Il faisait déjà nuit. La nuit était tombée. La nuit est tombée
13 très tôt, environ vers 4 heures.
14 Q. Je vous remercie beaucoup. Avant que nous ne passions à Velepromet, je
15 voudrais maintenant que nous parlions du fait qu'on vous a fait sortir ou
16 vous êtes sortis du hangar. Donc, vous vous trouvez là dans le hangar, et
17 vous nous dites que vous êtes sortis de ce hangar. Comment cela s'est-il
18 passé exactement ?
19 R. Pas très longtemps après le passage à tabac, un soldat est arrivé et a
20 appelé le nom Miroslav Perkovic, où est Beli. J'ai dit : "Me voici."
21 C'était le fils du Dr Ivankovic. Il a pris Stjepan Guncevic, moi-même et --
22 donc, il a pris Stjepan Guncevic et moi-même. Il nous a fait sortir. Zoric
23 a pris Cakalic. Il l'a fait sortir, parce que c'était l'ami de son beau-
24 frère, et que le beau-frère de Cakalic était un Serbe. Pour autant que je
25 sache. Parce que Zoric était un de mes voisins. Zarko Kojic, Miroslav
26 Perkovic et quelqu'un qu'on appelait Dudas sont sortis avec nous. Vili
27 Karlovic se trouvait à l'extérieur.
28 Q. Est-ce qu'on ne vous a jamais donné une explication au moment où vous
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1 êtes sortis, les raisons pour lesquelles on vous faisait sortir ?
2 R. Non, on ne m'a donné aucune explication. J'étais assez ami du Dr
3 Ivankovic, son père. Ce n'était pas seulement dans mon cas; c'était
4 quelqu'un de très sociable que l'on pouvait approcher. Les gens pouvaient
5 facilement avoir accès à lui, l'homme de la rue tel que j'étais moi-même.
6 Il ne se donnait pas de grands airs. Il n'avait pas l'air prétentieux. Il
7 n'était pas constamment en train de dire qu'il était un chirurgien de haut
8 vol et que je n'étais qu'un décorateur de peu d'importance ou quoi que ce
9 soit. Son fils aurait pu me reconnaître même quand j'étais sur le car. Je
10 ne peux vous le dire. Je ne peux pas confirmer cela.
11 Q. Je vous remercie. Parlons maintenant de votre trajet de retour à
12 Velepromet. Pouvez-vous, approximativement, vous rappeler combien de
13 personnes ont fait le trajet de retour vers Velepromet en partant du hangar
14 proprement dit ? Quand je veux parler de ces personnes, je veux parler des
15 personnes qui faisaient le trajet avec vous.
16 R. Je crois que c'était six personnes. Si ce n'est pas le cas, je peux
17 essayer de recompter.
18 Q. Pourriez-vous nous dire le nom des personnes qui ont fait le trajet
19 avec vous pour autant que vous puissiez vous en souvenir ?
20 R. Je me rappelle très bien. Emil Cakalic, Stjepan Guncevic, Drago
21 Berghofer, puis moi-même, Dudas, Miroslav Perkovic, Vili Karlovic et Zarko
22 Kojic.
23 Q. Avant que nous passions à Velepromet, je voudrais maintenant que l'on
24 voie un document que vous avez rédigé hier. Je souhaiterais que vous jetiez
25 un coup d'œil à ce document, s'il vous plaît. Il porte le numéro 04680147.
26 Je ne sais pas si nous allons pouvoir le voir par le système informatique
27 "e-court". Sinon, nous avons des copies papier. Tout au moins, j'espère que
28 nous les avons. Je vais vous tendre une copie papier, parce que ce n'est
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1 vraiment pas juste de vous montrer cela comme ça. Est-ce que les Juges de
2 la Chambre objectent à ce qu'une photocopie puisse être donnée à ce
3 témoin ?
4 La Défense a vu ce document. De qui est l'écriture manuscrite ? C'est une
5 copie incidemment. C'est l'écriture manuscrite de qui ?
6 R. C'est la mienne.
7 Q. Merci. Si vous prenez le coin supérieur droit, nous voyons la date du
8 28 février, 28/02, donc la date d'hier. Je pense qu'il est exact de dire
9 que c'est votre signature qui figure là.
10 Monsieur Berghofer, je pense qu'il vous serait plus utile de consulter le
11 document écrit que vous avez en face de vous plutôt que la version
12 électronique, en dépit de ce que bon nombre de personnes pourraient penser.
13 Je vous demanderais, Monsieur, de regarder le document que vous avez, que
14 vous tenez entre les mains.
15 R. Oui.
16 Q. Voilà. C'est le même document qui est affiché à l'écran. Mais vous,
17 vous bénéficiez du grand luxe d'avoir le document entre vos mains, la
18 photocopie.
19 R. Oui.
20 Q. Voilà ce que je vais vous demander. Vous voyez qu'il y a des numéros
21 qui vont de 1 à 30. Vous les voyez sur la gauche du document. Regardez, je
22 vous prie, le document écrit. Vous avez ces chiffres compris entre 1 à 30.
23 Il y a différents noms que vous avez rédigés. Qui sont ces personnes dont
24 vous avez écrit les noms sur ce document ?
25 R. Monsieur le Président, avant que je ne vous le dise, j'aimerais dire
26 qu'il y a deux autres noms dont j'avais parlé au tribunal afin que leur
27 mère puisse obtenir une compensation. Il s'agit de Jovanovic et de Tomislav
28 Pap. Ils travaillaient à l'hôpital pour le Dr Bosanac. Ils travaillaient
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1 dans l'entrepôt de l'hôpital.
2 Q. Je vous remercie. J'aimerais que vous répondiez peut-être à la question
3 que je vous ai posée. Vous avez ces numéros allant de 1 à 30, vous avez ces
4 noms de personnes, cela a été rédigé par vous-même. Qui sont ces
5 personnes ?
6 R. Le premier, Dragan Gravic. C'est le fils de Pavo.
7 Q. Oui, mais avant que nous parlions de ces 30 personnes, j'aimerais, dans
8 un premier temps, que vous ne regardiez pas l'écran mais que vous regardiez
9 le document écrit que vous avez en face de vous. Ce sont les mêmes. Pour ce
10 qui est de tous ces noms, où avez-vous vu ces 30 ou 32 personnes ? Où est-
11 ce que vous les avez vues, ces personnes ?
12 R. J'aimerais dire, Monsieur le Président, que je les ai vues. J'en ai vu,
13 d'ailleurs, beaucoup plus, mais je ne me souvenais pas de tous les noms de
14 famille. Je les ai vues à Ovcara. Ils étaient dans mon groupe. Ils étaient
15 tous autour de moi.
16 Q. Lorsque vous avez compilé cette liste, est-ce que vous l'avez compilée
17 en faisant appel à votre mémoire ou est-ce que vous aviez un document comme
18 base pour ce faire ?
19 R. Non, non, je l'ai fait d'après mes souvenirs.
20 Q. Si la Défense souhaite vous poser des questions à propos de ces
21 personnes, seriez-vous en mesure de leur dire où se trouvaient ces
22 personnes à Ovcara, et seriez-vous également en mesure, dans la mesure où
23 vous savez dire, ce qu'il est advenu de ces personnes ?
24 R. Oui. Oui, je peux le faire. Tout à fait. Cette liste existe. Elle porte
25 la date du 28 -- du 29 mars 1992.
26 Q. Non, non. Ce que je voudrais que vous fassiez, c'est que vous
27 consultiez, que vous regardiez le document écrit que vous avez en face de
28 vous.
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1 R. Oui.
2 Q. La date est la date du 28 février.
3 R. Oui, 28 février, 28 février de cette année.
4 Q. Comment avez-vous compilé cette liste ? Comment se fait-il que vous
5 avez rédigé ces noms ? Vous pouvez dire à la Chambre ? Vous nous avez dit
6 que vous avez vu ces personnes à Ovcara. Quand est-ce que vous avez écrit
7 cette liste ?
8 R. Oui, oui. C'est juste pour vous montrer que toutes ces personnes, que
9 c'étaient des personnes que je connaissais. C'étaient mes voisins. Il
10 s'agit de noms de victimes à Ovcara.
11 Q. J'aimerais que nous précisions quelque chose car il se peut que cela
12 pose des problèmes. Vous nous avez parlé d'une liste en 1992. Vous l'avez
13 dit il y a deux minutes à peu près. Vous avez fait état d'une liste en
14 1992.
15 R. Oui, oui, je l'ai fait.
16 Q. De quelle liste s'agit-il ? La liste de 1992, de quelle liste s'agit-
17 il ?
18 R. Le premier jour, lorsque je suis arrivé à l'hôtel Plitvice à Zagreb,
19 après avoir été en prison à Mitrovica, on m'a donné un papier. J'ai
20 immédiatement rédigé tout cela. D'ailleurs, je n'ai pas fait d'erreur.
21 Q. Je pense qu'il est exact de dire, n'est-ce pas, que cette liste se
22 trouve à Vukovar. Vous ne l'avez pas avec vous cette liste, est-ce exact ?
23 R. Non. C'est exact, j'ai dressé cette liste d'après ce dont je me
24 souvenais.
25 M. MOORE : [interprétation] Cette liste a été écrite et signée par ce
26 témoin hier. Il s'agit d'une pièce à conviction qui donne les noms des
27 personnes qu'il a vues à Ovcara lorsqu'il y était.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que c'est une liste qu'il a
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1 rédigée à La Haye au cours des deux derniers jours sur la base de ce dont
2 il se souvient ou est-ce d'autres documents préalables ont été utilisés ?
3 M. MOORE : [interprétation] Il ne m'appartient de le dire et de fournir des
4 éléments de preuve. Je me contenterai de dire qu'il s'agit d'un document
5 qu'il a rédigé de mémoire hier, sans faire référence à une autre liste.
6 C'est un document qui a été rédigé hier, et c'est un document qui a été
7 rédigé de mémoire.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document sera versé au dossier.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
10 pièce à conviction 228.
11 M. MOORE : [interprétation]
12 Q. Nous allons parler maintenant de Velepromet. Vous nous dites que vous
13 avez été emmenés à Velepromet ce soir-là. Est-ce que vous êtes allés dans
14 Velepromet ce soir-là ou non ?
15 R. Non. Nous ne l'avons pas fait. Nous nous sommes arrêtés juste en face
16 du portail parce qu'il n'y avait pas de place.
17 Q. Où êtes-vous allés après Velepromet, s'il n'y avait pas de place à
18 Velepromet ?
19 R. Monsieur le Président, nous sommes allés vers Petrovci. Nous sommes
20 allés dans une usine de vêtements qui s'appelait Modateks.
21 Q. Est-ce que vous avez passé la nuit à Modateks ou non ?
22 R. Oui.
23 Q. Autant que vous le sachiez, est-ce qu'il s'agit ici du même groupe qui
24 était parti avec vous de Velepromet ?
25 R. Oui.
26 Q. Est-ce que vous êtes partis de Modateks ?
27 R. Nous avons passé la nuit du 20 au 21 là-bas. Le lendemain, le lendemain
28 matin, Zeljko Mudri est arrivé. C'est mon collègue. C'était un camarade
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1 d'école. Il nous a emmenés auprès de Dudas. Quelqu'un est arrivé pour
2 chercher Zarko Kojic. Il se peut que ce soit sa grand-mère. Zarko Kojic
3 nous a quittés le lendemain.
4 Q. Est-ce que vous n'êtes jamais retourné à Velepromet ce jour-là ?
5 R. Oui, nous l'avons fait le 21 novembre, et ce, vers
6 15 heures 30 ou 16 heures. Donc, entre 15 heures et 16 heures. Il faisait
7 encore jour.
8 M. MOORE : [interprétation] Monsieur le Président, je vais passer au thème
9 de Velepromet, de la caserne de la JNA. J'aborderai également un ou deux
10 thèmes généraux. Je sais que j'ai six minutes d'avance par rapport à la fin
11 prévue. Bien entendu, je peux poser ces questions au témoin si vous le
12 souhaitez, mais je pense que le moment serait particulièrement opportun
13 pour en terminer avec l'audience d'aujourd'hui.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons lever
15 l'audience et nous reprendrons demain à 9 heures. Je souhaiterais dire, que
16 demain, la Chambre devra terminer de siéger à 13 heures 15, demain. Car il
17 y a un groupe de juges qui sera en visite demain ici et que nous devons
18 rencontrer à cette heure-là.
19 Nous siégerons de 9 heures à 13 heures 15, demain.
20 --- L'audience est levée à 18 heures 52 et reprendra le jeudi 2 mars 2006
21 à 9 heures 00.
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