Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 7 avril 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 51.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Je vous rappelle que le

7 serment que vous avez prêté au début de votre déposition s'applique

8 toujours.

9 Maître Borovic.

10 LE TÉMOIN: SLAVOLJUB KACAREVIC [Reprise]

11 [Le témoin répond par l'interprète]

12 Contre-interrogatoire par M. Borovic :

13 Q. [interprétation] Bonjour. Je m'appelle Borivoje Borovic, et je

14 représente Miroslav Radic. Ma question pour le témoin : avant d'être parti

15 à Vukovar, saviez-vous quelle était la raison de l'intervention de la JNA à

16 Vukovar ?

17 R. Oui, je le savais.

18 Q. Auriez-vous l'amabilité de nous le dire ?

19 R. La raison était l'apparition des formations armées qui contrôlaient

20 Vukovar de manière illégale, qui maintenaient la ville sous leur contrôle.

21 Q. Merci. Avez-vous entendu dire à l'époque, que ceci avait trait à la

22 caserne de Vukovar ?

23 R. Oui. Ceci concernait la caserne de Vukovar et à l'époque, souvent, les

24 casernes de la JNA sur le territoire de la Croatie étaient encerclées par

25 les civils armés, et il était souvent très difficile pour l'armée de

26 sécuriser ses casernes et d'évacuer les soldats; c'était le cas à Vukovar.

27 Q. Merci. Quand avez-vous appris cela ? Avant d'aller faire votre

28 interview ce jour-là ou bien avant ?

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1 R. Bien avant.

2 Q. Merci. J'ai devant moi la déclaration que vous avez faite auprès du

3 bureau du Procureur, et j'ai aussi l'interview, donc nous pouvons

4 facilement lire certaines parties qui sont à ces notes. Vous avez le texte

5 devant vous, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Merci. Vous avez dit hier que vous avez pris les photos des personnes

8 tuées devant l'hôpital. Vous avez dit également qu'à un moment donné, il y

9 avait un soldat qui vous a bloqué le chemin, mais après, la situation s'est

10 résolue, au moins c'est ce que vous avez dit, à la fin vous avez pu prendre

11 des photos. Est-ce que cela veut dire qu'au moment où vous avez pris les

12 photos des bâtiments et des gens, il n'y avait personne, il n'y avait pas

13 de soldats qui bloquaient le chemin, vous étiez libre de le faire ?

14 R. Oui.

15 Q. Merci. Hier, à la page 7 289 du compte rendu d'audience, lignes 9 à 11,

16 vous avez dit qu'avant le début de votre interview avec M. Radic dans cette

17 maison à moitié détruite, l'armée avait commencé à quitter Vukovar ?

18 R. Oui.

19 Q. C'était la raison pour laquelle vous aviez passé presque une heure et

20 demie à attendre Radic dans cette maison ?

21 R. Oui.

22 Q. Il est venu simplement pour vous saluer là-bas ?

23 R. Oui.

24 Q. Merci. Avant le début de votre interview, vous avez dit que Radic était

25 un officier apprécié de la JNA, et que c'est la raison pour laquelle il

26 avait été recommandé de faire une interview avec lui ?

27 R. C'est exact.

28 Q. Qu'est-ce qu'on vous a dit, mis à part le fait que c'était un officier

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1 apprécié ? Est-ce qu'on vous a dit qu'il était courageux ? Est-ce qu'ils

2 ont dit qu'il exigeait la discipline, que c'était une personne

3 responsable ? Qu'est-ce qu'ils vous ont dit au sujet de Radic avant le

4 début de votre interview ?

5 R. C'était à peu près cela. Je ne me souviens pas des détails, mais c'est

6 à peu près l'impression que j'ai eue. On l'a présenté comme un officier

7 modèle de la JNA, et que c'était la raison pour laquelle il fallait que je

8 le rencontre et que je parle avec lui.

9 Q. Merci. Dans l'interview que vous avez réalisée, ceci est mentionné en

10 partie. Voici ma question : est-ce que vous avez appris au cours de

11 l'interview, qu'il était contre les pillages, contre les meurtres, et que

12 justement, il y avait renvoyé 40 volontaires afin de les empêcher de faire

13 ce genre de choses ?

14 R. Oui, je le savais, et c'est écrit dans le texte.

15 Q. Merci. Est-ce que vous avez appris s'il se comportait vraiment ainsi

16 pendant le conflit ?

17 R. Oui. Il m'a laissé une bonne impression.

18 Q. Merci. Auriez-vous l'amabilité de nous dire qui vous a briefé avant

19 l'entretien avec Radic, qui vous a dit ce dont il fallait parler, est-ce

20 qu'on vous a demandé de lui poser des questions au sujet de ses actions sur

21 le front ?

22 R. Je ne me souviens pas; je pense que personne ne l'a fait.

23 Q. Merci. Mais avant le début de votre entretien, est-ce que vous saviez

24 quelles étaient ses fonctions au sein de la JNA à ce moment-là, pendant les

25 événements de guerre à Vukovar ?

26 R. Je ne le savais pas. Je l'ai appris à ce moment-là lors de l'interview.

27 Je ne suis pas sûr si c'est lui qui me l'a dit ou l'une des personnes qui

28 était là-bas, mais auparavant, je ne savais pas quel était son poste ni ce

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1 qu'il faisait.

2 Q. Merci. Vous avez appris qu'il était le commandant d'une compagnie de la

3 JNA ?

4 R. Oui.

5 Q. Merci. Vous avez décrit hier également le char endommagé, le char que

6 vous avez vu à Petrova Gora. Ma question est la suivante : est-ce que, mis

7 à part cela, vous avez vu des bâtiments endommagés dans la région dans

8 laquelle se trouvait la maison dans laquelle vous avez réalisé votre

9 interview ?

10 R. Oui. Il y avait des maisons endommagées.

11 Q. Est-ce que vous pouvez nous décrire cela plus en détail, puisque vous

12 étiez sur place ?

13 R. Je ne sais pas comment. Je ne me souviens pas des détails. Mais ce qui

14 est sûr, c'est que presque tous les bâtiments, ou au moins la grande

15 majorité, étaient endommagés. Je pense qu'il n'y en avait pas une seule qui

16 était restée intacte.

17 Q. Merci. Est-ce que les gens qui étaient sur place pendant votre

18 interview vous ont dit qui était responsable de cela, qui avait provoqué

19 ces dégâts ? Les membres du ZNG ou d'autres formations ? Comment est-ce

20 qu'ils les ont appelés ?

21 R. Non, personne ne m'a dit qui en était responsable. Il n'était pas

22 question de cela, mais quant à la question de savoir comment ils parlaient

23 de l'autre partie, ils disaient surtout les membres du ZNG ou les Oustachi.

24 Q. Merci. Est-ce que vous avez eu une conversation, mis à part ce dont

25 vous nous avez parlé hier, au sujet de ces formations paramilitaires

26 croates ? Nous avons entendu comment ils les appelaient. Où se trouvaient

27 leurs lignes de défense principales ? Quels étaient les bâtiments connus

28 qu'ils occupaient ? Est-ce que vous avez obtenu des informations allant

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1 dans ce sens ? Concrètement parlant, est-ce qu'on vous a parlé de tireurs

2 embusqués ?

3 R. Oui, il était question des tireurs embusqués, mais mis à part ce qui

4 est paru dans la presse, je ne me souviens pas de tous les détails. Au bout

5 de 15 ans, donc, il était question des tireurs embusqués, puis du

6 déploiement de certaines forces, de leurs fortifications et abris, et ce

7 genre de chose, mais je ne me souviens plus des détails.

8 Q. Merci. Est-ce que vous vous souvenez s'agissant des tireurs embusqués,

9 si quelqu'un a mentionné le club des tireurs à Vukovar, et que justement

10 les membres de ce club étaient ces tireurs embusqués ?

11 R. Oui, quelqu'un a insinué quelque chose comme cela.

12 Q. Est-ce que peut-être à un certain moment, mais pas seulement pendant

13 l'interview, mais aussi pendant la période pendant laquelle vous étiez sur

14 place ou par la suite, parce que vous êtes retourné à Vukovar par la suite,

15 est-ce qu'on vous a dit que mis à part le ZNG et les forces de police en

16 1991, il y avait aussi des membres du HOS, des unités paramilitaires qui

17 sont venus de l'étranger ? Est-ce que vous avez entendu dire qu'il y avait

18 beaucoup d'étrangers qui se battaient du côté croate ? Est-ce que vous avez

19 entendu parler du fait qu'à Vukovar, il y avait beaucoup de volontaires

20 venant de toutes les parties de la Croatie ?

21 R. Oui. J'ai appris qu'il y avait des volontaires et des étrangers, et

22 j'ai réussi à interviewer certains de ces étrangers par la suite dans la

23 prison de Mitrovica.

24 Q. Merci beaucoup. Est-ce que vous pourriez nous en dire quelque chose de

25 plus ? Ces étrangers, ils venaient de quels pays ? Comment est-ce qu'ils

26 sont arrivés à Vukovar ? Vous, en tant que journaliste, qu'est-ce que vous

27 avez appris à leur sujet ?

28 R. J'ai pu interviewer un Américain et un Néerlandais qui avaient été

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1 capturés autour de Vukovar, et les deux ont dit que c'étaient des

2 aventuriers qui sont arrivés dans la région de leur propre gré. Personne ne

3 les avait aidés à y venir, et ils se fondaient sur leurs convictions

4 personnelles. Ils étaient très contents d'eux, et j'ai ainsi appris comment

5 ils étaient arrivés dans la région.

6 Q. Est-ce qu'ils étaient des mercenaires ? Est-ce qu'ils recevaient un

7 solde pour le combat ?

8 R. Oui. J'ai appris certains éléments à ce sujet également.

9 Q. Puis vous avez mentionné hier une certaine personne surnommée Stuka, ou

10 Pike; est-ce que vous connaissez son nom ou prénom ?

11 R. Son nom est Petkovic, mais je ne me souviens pas du prénom.

12 Q. Merci. Hier, vous avez dit qu'au moment où vous avez réalisé votre

13 interview dans cette maison ou ce bâtiment à moitié détruit, que votre

14 collègue a fait une interview avec ce Stuka. Est-ce que cela veut dire que

15 ce jour-là, vous n'avez pas vu ce Stuka ?

16 R. Je pense que non, effectivement.

17 Q. Merci. Est-ce que vous pouvez nous expliquer, compte tenu du fait

18 qu'hier vous avez dit également en répondant à la question de mes éminents

19 collègues Smith et Domazet, qu'il est venu plusieurs fois, et au moins une

20 fois dans votre rédaction. Est-ce que vous pouvez nous dire chez qui il

21 venait dans votre rédaction ?

22 R. Je ne sais vraiment pas chez qui, mais je suppose que c'était chez

23 celui avec qui il s'entretenait, donc je suppose, la personne qui l'a

24 interviewé.

25 Q. Merci. C'était en quelle année ?

26 R. Soit fin 1991 ou début 1992.

27 Q. Merci. D'où provient cette information ? Si vous étiez sûr qu'il ne

28 parlait avec vous, pourquoi est-ce que Stuka venait ? Pourquoi est-ce que

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1 c'est tellement important pour que vous en parliez aujourd'hui ou plutôt

2 hier devant ce Tribunal ? Concrètement parlant, est-ce qu'il venait pour

3 vous demander d'écrire à son sujet ou pour vous menacer à cause de quelque

4 chose ? Essayez de vous le rappeler.

5 R. Non, je ne me souviens pas de la raison exacte de ses venues. Quelqu'un

6 m'a dit qu'il venait, mais c'est tout ce que je savais. Il n'y avait pas

7 d'autres informations entourant ce sujet.

8 Q. Merci. Au compte rendu d'audience, à la page 7 304, lignes 17 à 19,

9 vous avez dit que deux ou trois fois vous êtes allé à Vukovar, et la raison

10 de votre départ après ces opérations de guerre à la libération de Vukovar

11 était que vous étiez à la tête d'une délégation de journalistes étrangers,

12 de même que les représentants des délégations de journalistes étrangers et

13 des représentants des institutions politiques différentes afin de leur

14 montrer la ville.

15 R. Oui, c'est exact.

16 Q. Ma question est : en quelle qualité emmeniez-vous ces journalistes et

17 les représentants des institutions internationales étrangères ?

18 R. J'y étais en tant que personne qui collaborait avec une société serbe,

19 et ces gens étaient au contact avec quelqu'un aux Etats-Unis qui faisait

20 venir ces personnes.

21 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire le nom de cette société ?

22 R. Il s'agit de ABC Produkt.

23 Q. Est-ce que vous étiez pendant un certain moment le directeur ou le

24 rédacteur en chef de cette société ?

25 R. Oui, par la suite, après ces visites à Vukovar, après 1995.

26 Q. Merci. Que faisait cette société, en bref ? Je ne souhaite que l'on

27 répande des rumeurs, mais que faisait ABC Produkt avant que vous ne soyez

28 placé à sa tête ?

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1 R. Au début de l'année 1990, elle était dans le domaine du transport, du

2 commerce et du design graphique. C'étaient les trois domaines principaux.

3 Q. Est-ce vous pouvez m'expliquer comment se faisait-il que cette société

4 s'est tout d'un coup intéressée à ce qui se passait à Vukovar et a vérifié

5 ce qui s'y déroulait pendant la guerre et a envoyé des délégations

6 politiques ?

7 R. C'est parce que cette société organisait l'arrivée de ces gens des

8 Etats-Unis, donc ils ont planifié également leur séjour, leur programme; et

9 le programme inclut la visite à Vukovar.

10 Q. Est-ce que vous pouvez me dire quelle était cette délégation politique,

11 quels étaient les noms de ces délégations ? Combien de temps vous êtes allé

12 avec eux à Vukovar ? Excusez-moi de vous poser cette question, mais est-ce

13 que vous avez été payé pour cela ?

14 R. C'était une délégation officieuse comprise de plusieurs personnes qui

15 se sont présentées en tant que personnes travaillant dans des bureaux

16 différents du Congrès des Etats-Unis, et il y avait quelques journalistes,

17 journalistes de Voice of America, et d'un autre journal, mais ils ne m'ont

18 pas payé pour cela. Ils ont juste couvert mes frais.

19 Q. Est-ce que vous avez entendu parler de Jovan Dulovic à l'époque ?

20 R. Oui.

21 Q. Merci. Est-ce que lui aussi, il collaborait avec ces organisations

22 politiques que vous mentionnez, avec lesquelles vous collaboriez ?

23 R. Pas pour autant que je le sache.

24 Q. Avec lesquelles est-ce qu'il collaborait, puisque ceci n'était pas

25 connu par vous ?

26 R. Je ne sais pas avec qui il collaborait.

27 Q. Merci. Est-ce que vous connaissez le journaliste qui s'appelle

28 Tomasevic ?

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1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que lui, il collaborait avec ces groupes politiques ?

3 R. Non. Je pense que lui, il était concerné par un groupe qui est venu par

4 une filière tout à fait différente, et il ne connaissait pas très bien la

5 situation. Ce groupe-là s'y intéressait de près, et évidemment, ils ne

6 connaissaient personne sur place. Ils ne connaissaient pas grand-chose sur

7 la situation, donc je pense qu'ils avaient d'autres contacts. Ils ne

8 passaient pas par nous.

9 Q. Merci. Vous avez également dit hier qu'il y avait l'hôtel Danube qui

10 était le symbole de la destruction de la ville.

11 R. Oui, c'était le symbole, et tout le monde le mentionnait.

12 Q. Si je vous disais que dans cet hôtel se trouvait un peloton qui était

13 stationné depuis janvier 1991 et qu'il y avait beaucoup d'étrangers qui

14 portaient des uniformes là-bas; peut-être est-ce que vous vous rappelez la

15 période que vous avez passée à Petrova Gora, est-ce que vous vous souvenez

16 si quelqu'un vous a dit que pendant toute la période, les Oustachi

17 contrôlaient Petrova Gora ?

18 R. Oui, c'était un fait connu. Je ne le vérifiais pas, mais tout le monde

19 était au courant de cela.

20 Q. Donc on peut être d'accord là-dessus ?

21 R. Oui. Je crois que oui.

22 Q. Merci. Au cours des mois d'octobre, novembre 1991, avez-vous entendu

23 dire si un journal paraissait en Serbie, appelé Ekspres Politika ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce que à ce moment-là, en 1991, ce journal -- excusez-moi. Je vois

26 dans le compte rendu d'audience que les interprètes n'ont pas entendu la

27 réponse qui était "oui," n'est-ce pas ?

28 R. Oui.

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1 Q. Merci. A cette époque-là, en 1991, le journal Ekspres Politika, est-ce

2 que c'était un journal du régime, si vous voyez l'expression ?

3 R. Je sais ce que cela veut dire et je suppose qu'il n'est pas nécessaire

4 de l'expliquer, mais oui, la réponse est oui.

5 Q. Quel était le régime en place en Serbie à l'époque en 1991 ?

6 R. A l'époque, c'était le Parti socialiste de Serbie qui était au pouvoir,

7 et le président de ce parti était à la fois le président de la Serbie.

8 Q. Qui s'appelle ?

9 R. Slobodan Milosevic.

10 Q. Merci. Puisque vous dites que vous avez entendu parler du journaliste

11 Jovan Dulovic, est-ce que vous savez qu'à l'époque il couvrait le front de

12 Vukovar pour Ekspres Politika ? Est-ce que vous le savez ?

13 R. Oui.

14 Q. Donc il couvrait les événements pour ce journal du régime, nous étions

15 d'accord là-dessus ?

16 R. Oui.

17 Q. Merci. Savez-vous qui est Aleksandar Vasiljevic ?

18 R. Oui.

19 Q. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

20 R. C'est un général de l'armée yougoslave qui, pendant un certain moment,

21 était le chef du service de Sécurité.

22 Q. Merci. Avez-vous des informations au sujet de la question de savoir si

23 lui, il était impliqué dans la politique de la rédaction dans les articles

24 portant sur l'armée ?

25 R. Je n'ai pas d'information exacte. On disait toutes sortes de choses,

26 mais je sais plutôt bien qu'il avait un bon contact avec certaines

27 rédactions.

28 Q. Par exemple ?

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1 R. Par exemple, certaines rédactions pouvaient recevoir des déclarations

2 officieuses de sa part, le rencontrer, et cetera, comme par exemple, la

3 rédaction du Nin. Cela, je le sais.

4 Q. Est-ce que vous savez qu'il avait un bon contact également avec

5 justement cet Ekspres Politika qui publiait des articles relatifs au front

6 de Vukovar à l'époque ?

7 R. Non, je ne le savais pas.

8 Q. Vous ne le saviez pas à l'époque.

9 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il y a une erreur dans

10 le compte rendu d'audience. Il est écrit le journal Knin, mais il faut

11 écrire Nin, si possible, de corriger cela par le biais de ce que je viens

12 de dire. Merci.

13 Q. Le texte qui concerne Miroslav Radic, quel est le titre de cette

14 interview ? Vous pouvez le regarder.

15 R. "Je suis dégoûté de la guerre." Je pense que c'est cela, le titre. "Je

16 suis dégoûté de la guerre."

17 Q. Merci. Est-ce que vous, en tant que rédacteur ou auteur de l'article,

18 vous avez influencé ce titre ?

19 R. Oui, c'est le titre que j'ai mis moi-même.

20 Q. Très bien, merci. Je vous demanderais de prendre cette interview, de

21 trouver la question, la deuxième question que vous avez posée à Radic, qui

22 est : "A quoi ressemblait la manière dont vous meniez les combats ?" Avez-

23 vous trouvé cela ?

24 R. Oui.

25 Q. Pourriez-vous lire les deux premiers paragraphes, ce que le capitaine

26 Miroslav Radic a déclaré dans votre interview, et me le lire lentement ?

27 R. "Le premier jour, il y a eu une grande résistance de la part de

28 l'ennemi. Nous nous sommes préparés pendant deux mois pour ce combat avant

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1 d'arriver. Ils s'attendaient à l'attaque de l'armée. Ils se sont préparés.

2 Ils ont fait des routes pour pouvoir circuler entre les abris et les

3 tranchées. Ils se sont très bien masqués. On ne pouvait pas facilement les

4 voir."

5 Q. Pouvez-vous ralentir, s'il vous plaît ?

6 R. "C'est ma première expérience d'une telle guerre. J'avais des

7 connaissances, mais l'expérience, c'est tout une autre chose."

8 Q. Merci. Hier, en répondant à une question posée par le Procureur, vous

9 avez donné lecture des deux premiers paragraphes. C'était la dernière

10 question qui va comme suit : "Aujourd'hui, en quittant Vukovar, quelle est

11 la plus grande leçon de cette guerre ?" Je voudrais demander au témoin de

12 lire, pas les deux premiers paragraphes, mais les troisième, quatrième et

13 cinquième paragraphes. Je vous prie de les lire lentement. Avec ceci se

14 termine mon contre-interrogatoire.

15 R. "Celui qui a commencé cette guerre et qui a commencé les conflits entre

16 les peuples, parce qu'il s'agissait là d'une guerre de religion entre les

17 Orthodoxes et les Catholiques, celui qui a commencé cela, c'est celui-là

18 qu'il faudrait qu'il se trouve au milieu et qu'on lui tire dessus des deux

19 côtés.

20 "Je ne sais pas quelle sera l'utilité d'un appel. Je ne sais pas si

21 ceci serait réalisable, mais aucune guerre, quels que soient son caractère

22 et sa nature, à part les guerres de libération, ne peut apporter le bonheur

23 à qui que ce soit. Les femmes vont porter le noir, les enfants, les

24 épouses. Je viens de revoir un réserviste qui a laissé trois enfants

25 derrière lui. Le plus âgé d'entre eux n'a pas plus que huit ans. La

26 question qui se pose est pourquoi il est mort. A cause des idées

27 appartenant à qui, des fantasmes qui appartiennent à qui, exactement ? Pas

28 seulement à lui, mais de nombreuses personnes comme lui, qui nous

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1 ressemblent.

2 "Cette cause devrait être résolue par la voie politique, par des accords,

3 parce que chaque solution est meilleure que la guerre. Il y a quelque chose

4 dans l'homme, je ne sais pas ce que sait, mais je suis dégoûté par la

5 guerre. Je ne souhaiterais à personne de se trouver dans la situation dans

6 laquelle nous étions pendant ces deux mois. C'est difficile de raconter.

7 C'est difficile d'expliquer. C'est une expérience qui ne s'arrête pas, qui

8 va continuer. Je n'ai jamais rêvé de ma famille, de mes enfants, de mes

9 parents, d'une vie paisible, je suis ici et même quand je rêvais, je me

10 souciais de l'armée, je rêvais de l'armée. C'était une véritable obsession,

11 des temps durs, un sentiment qui est difficile et qui vous quitte

12 difficilement. Je ne sais pas comment je vais me comporter dorénavant en

13 partant à Belgrade."

14 Q. Merci.

15 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, avec la fin de cette

16 interview, je voudrais terminer mon contre-interrogatoire. C'était ma

17 contribution au contre-interrogatoire. Je vous remercie.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Borovic.

19 Monsieur Lukic.

20 M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à

21 toutes les personnes présentes dans ce prétoire.

22 Contre-interrogatoire par M. Lukic :

23 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, je m'appelle Novak Lukic, et je

24 suis l'avocat de M. Sljivancanin. Je vais vous poser des questions dans le

25 cadre de mon contre-interrogatoire. Je vous prie de bien vouloir avoir à

26 l'esprit esprit le fait que nous parlons la même langue et qu'il

27 conviendrait de faire une pause entre mes questions et vos réponses pour

28 que les interprètes puissent interpréter. J'ai construit mes questions de

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1 sorte que vous puissiez me répondre par un oui ou par un non. Mais si vous

2 ressentez le besoin de donner des explications supplémentaires, vous pouvez

3 bien sûr le faire.

4 Hier, vous avez parlé de la période pertinente à l'acte d'accusation.

5 Pendant cette période-là, vous étiez un journaliste. Est-ce qu'il y avait

6 un domaine que vous couvriez tout particulièrement au cours de votre

7 travail ou une spécialisation par rapport aux intérêts de cette publication

8 ou s'il s'agissait d'interviewer les personnalités ?

9 R. Je faisais tout ce qu'on me demandait de faire, mais c'est vrai que

10 j'étais plutôt spécialisé dans la politique.

11 Q. Vous avez dit qu'à l'époque vous étiez un journaliste. Mais vous avez

12 dit aussi que vous étiez membre d'une espèce de comité de rédaction ?

13 R. Oui, oui. A l'époque, j'ai été membre de ce que l'on peut appeler un

14 comité de rédaction, et cela veut dire que j'étais aussi impliqué dans la

15 rédaction du journal.

16 Q. En ce qui concerne les opérations de Vukovar, nous savons qu'elles ont

17 duré jusqu'à la mi-novembre. Est-ce qu'il y avait des employés de votre

18 publication qui étaient en permanence sur le front de Vukovar ?

19 R. Il y avait plusieurs personnes qui envoyaient des rapports de façon

20 permanente, de façon régulière du front de Vukovar. Non, je n'étais pas là.

21 Q. Dans chaque numéro de votre journal, de votre magazine, il y avait des

22 articles concernant le front de Vukovar ?

23 R. Pas à chaque fois, mais souvent.

24 Q. Hormis ces collègues, est-ce que vous aviez des contacts avec des

25 collègues travaillant pour d'autres publications, qui seraient allés sur le

26 front de Vukovar et qui savaient ce qui s'y passait ?

27 R. Oui, effectivement, nous échangions des informations. Il s'agissait

28 souvent des nouvelles non vérifiées, et on en a beaucoup parlé,

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1 effectivement.

2 Q. Est-ce que vous avez eu la possibilité de suivre les rapports des

3 médias étrangers concernant les événements à Vukovar ?

4 R. Cela ne se produisait pas souvent. Nous pouvions avoir accès aux médias

5 étrangers uniquement si c'était retransmis dans des médias nationaux. De

6 toute façon, il n'y avait pas beaucoup de rapports sur Vukovar. Ils n'en

7 parlaient pas beaucoup.

8 Q. Mais vous conviendrez que c'est surtout vers la fin du conflit que l'on

9 a beaucoup parlé de Vukovar dans les médias, après la libération, et aussi

10 surtout à partir de la mi-novembre ?

11 R. Oui, c'est vrai que l'intérêt s'est accru au fur et à mesure que la fin

12 du combat s'approchait.

13 Q. Est-ce que vous vous souvenez d'une information qui avait fait

14 sensation à l'époque, je pense que cela a été publié autour du 19 novembre,

15 quand on a dit que -- en fait, c'est une agence italienne qui a publié une

16 nouvelle concernant 40 cadavres d'enfants trouvés dans un orphelinat. Est-

17 ce que vous vous souvenez de cela ? Cela faisait la une de tous les

18 journaux à l'époque, après.

19 R. Oui, oui, je m'en souviens, bien sûr. On en a beaucoup parlé. Je pense

20 qu'au jour d'aujourd'hui, il y a un débat de cela. On essaie de voir si ces

21 informations étaient vraies ou non. Cela fait l'objet encore de quelques

22 procès, d'enquêtes.

23 Q. C'était surtout le cas dans les médias nationaux ?

24 R. Oui.

25 Q. Le 19 novembre, est-ce que vous vous souvenez de Cyrus Vance ? C'était

26 un envoyé spécial du secrétaire général des Nations Unies qui a visité

27 Vukovar ce jour-là.

28 R. Oui, maintenant que vous avez rafraîchi ma mémoire, je m'en souviens.

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1 Q. Puisque vous étiez un expert dans les médias, est-ce que vous avez

2 entendu dire que Sljivancanin, à l'époque, avait braqué son fusil sur Cyrus

3 Vance pour l'empêcher de s'approcher de l'hôpital ? D'après vous, pour un

4 juriste, est-ce que cette nouvelle serait importante ?

5 R. Ecoutez, effectivement, oui, certainement. Mais je ne crois pas que

6 ceci se soit passé.

7 Q. Savez-vous que l'armée populaire yougoslave avait permis à certains

8 médias, surtout des médias étrangers comme Sky News, de faire des

9 reportages depuis la première ligne de front ?

10 R. J'ai entendu parler de cela, mais je ne suis pas vraiment au courant

11 des détails. Je sais qu'on a essayé de permettre aux médias étrangers de

12 faire le travail, d'informer. D'ailleurs, ils étaient privilégiés par

13 rapport aux médias domestiques ou nationaux. Mais je ne suis pas au courant

14 de la situation de Sky News en particulier.

15 Q. Mon confrère, Me Domazet, vous a posé un certain nombre de questions

16 concernant le rapport qui prévalait entre les autorités et les médias. Si

17 j'ai bien compris, à l'époque les autorités essayaient de contrôler les

18 médias, de contrôler même les nominations à ces médias.

19 R. Oui.

20 Q. Mais on considérait que les médias avaient plus de liberté à partir du

21 moment où, parmi les dirigeants des médias, il n'y avait pas des hommes de

22 pouvoir, des hommes d'influence politique.

23 R. Oui.

24 Q. Vous nous avez expliqué quelle était la nature de votre publication,

25 l'Intervju, qui avait pour objectif de faire connaître un certain nombre de

26 personnalités que les journalistes ou les rédacteurs en chef de cette

27 publication jugeaient intéressantes. Qui étaient les fondateurs de ce

28 journal ?

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1 R. C'était Politika, le journal Politika.

2 Q. Cette publication, le magazine Intervju, appartenait au même groupe que

3 le journal Politika, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce que vous avez entendu parler de Zika Minovic ?

6 R. Oui. A l'époque, c'était le directeur, le rédacteur en chef, même de la

7 Politika, du journal Politika, du quotidien. Il était aussi le directeur

8 général de toute l'entreprise, enfin, de ce groupe de presse.

9 Q. Je voudrais corriger le compte rendu d'audience, il s'agit de Zica

10 Minovic. Vous conviendrez qu'à l'époque, on le considérait comme un grand

11 supporteur de Slobodan Milosevic.

12 R. Oui.

13 Q. Le rédacteur en chef de l'Intervju, à l'époque, était Petar Jankovic,

14 n'est-ce pas ?

15 R. Oui. Il a été nommé à ce poste quelques mois plus tôt.

16 Q. Et Dragan Vlahovic était son adjoint, n'est-ce pas ?

17 R. Oui. Avant, il était rédacteur en chef, et ensuite, on l'a remplacé, et

18 il est devenu son agent.

19 Q. Vous avez mentionné Dragan Vlahovic, vous avez dit qu'il était avec

20 vous à Vukovar. Vous étiez donc trois journalistes et un photo reporter, et

21 vous étiez tous les trois à Vukovar ?

22 R. Oui, c'est exact.

23 Q. Vous souvenez-vous si votre rédaction a été informée du fait que le 21

24 novembre, on a organisé une grande conférence de presse à Vukovar, et tous

25 les journalistes présents à Vukovar pouvaient faire un tour de la ville.

26 C'était organisé par les officiers d'information du secrétariat de la

27 Défense populaire ?

28 R. Oui, j'ai entendu parler de cela.

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1 Q. D'après ce que j'ai compris, vous avez commencé à vous intéresser à M.

2 Sljivancanin à partir du moment où vous avez entendu parler du conflit qui

3 a eu lieu entre M. Borsinger, qui était le représentant de la Croix-Rouge

4 internationale à Vukovar, et M. Sljivancanin, à partir du moment où on a vu

5 cela à la télé, et c'était le 20 novembre.

6 R. Oui, c'est exact.

7 Q. Je vais demander l'aide du Procureur, à savoir, je voudrais que l'on

8 regarde à nouveau cet extrait de la vidéo que nous avons vue à maintes

9 reprises, en l'espèce. Il s'agit de la pièce 318.

10 Monsieur le Témoin, je vous prie de bien vouloir regarder avec moi cette

11 vidéo.

12 [Diffusion de cassette vidéo]

13 M. LUKIC : [interprétation]

14 Q. Monsieur Kacarevic, est-ce bien cette fameuse vidéo, comme vous le

15 dites ?

16 R. Oui, c'est bien cela.

17 Q. Qui pouvez-vous reconnaître dans cet extrait ?

18 R. Le commandant Sljivancanin et le colonel Pavkovic.

19 Q. Justement, je voulais vous demander si vous étiez en mesure de

20 reconnaître un autre officier de l'époque, et effectivement, vous venez de

21 dire que vous avez reconnu le colonel Nebojsa Pavkovic.

22 R. Oui, c'est exact.

23 Q. Nous disposons ici d'une information, et je pense que ceci découle de

24 la date de l'enregistrement; mais est-ce que vous pouvez nous dire quelle

25 est la télé qui a fait cet enregistrement ?

26 R. Je n'ai pas vu cela.

27 Q. Bien. On nous a dit que ceci a été diffusé le 20 novembre dans le

28 journal du soir. Savez-vous si, à l'époque, après le journal télévisé

Page 7344

1 proprement dit, à la télévision de Belgrade, on pouvait regarder ce que

2 l'on appelait le supplément du journal ?

3 R. Je m'en souviens.

4 Q. Quelle était l'utilité, l'objectif de ce supplément ? Quelles étaient

5 les informations que l'on diffusait là-dedans ?

6 R. C'était de la propagande, je dirais. Cela dépendait du choix du thème

7 principal, de ses suppléments, mais à l'époque, on parlait le plus souvent

8 des conflits qui commençaient à se répandre. On parlait du sort des

9 réfugiés, des combats, des confessions des gens, des survivants des

10 conflits, et cetera.

11 Q. Mais vous dites qu'il s'agissait de la propagande. Pour nous, ceci

12 n'est pas contesté, mais pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre qui

13 contrôlait la télévision de Belgrade à l'époque ?

14 R. La télé était contrôlée, mais vraiment par le sommet du pouvoir de

15 l'époque, donc Slobodan Milosevic et ses collaborateurs les plus proches.

16 Q. Est-ce que vous vous rappelez que ces suppléments, parfois, pouvaient

17 durer très longtemps ? Enfin, cette émission commençait à 20 heures, et

18 parfois on la passait jusqu'à 23 heures, c'est-à-dire qu'elle n'était pas

19 délimitée dans le temps, cela dépendait des matériaux qu'ils avaient.

20 R. Oui, c'est exact. Je m'en souviens.

21 Q. Par rapport à cet enregistrement que nous venons de regarder, quelles

22 étaient les réactions dans le public, en Serbie, au moment où on a vu cet

23 extrait à la télévision ? Là, je parle finalement des trois types de

24 réaction : la réaction dans les médias, dans le monde politique et aussi

25 parmi le public.

26 R. Tout le monde a remarqué cela. Tout le monde a remarqué cet

27 enregistrement. Tout le monde a vu cela. Sljivancanin, grâce à cet extrait,

28 est devenu plus connu, quelqu'un de très connu. Dans l'opinion publique, en

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1 général, on approuvait la position qu'il a prise dans cette vidéo, dans

2 cette émission.

3 Q. Nous allons revenir au mois de novembre 1991. Vous conviendrez qu'à

4 l'époque, les médias en Serbie et surtout les médias du régime n'étaient

5 pas vraiment en faveur des NGO, des institutions internationales, et cetera

6 -- et n'approuvaient pas le parti qu'ils prenaient dans le conflit. Enfin,

7 cela ne convenait pas à un autre pouvoir, je dirais.

8 Mais je vais répéter la question. A l'époque, les médias en Serbie

9 n'étaient pas favorables aux institutions internationale et NGO, avant

10 tout, à cause de la façon dont ces institutions avaient pris part dans le

11 conflit en Yougoslavie, et avant tout, si l'on regardait cela, depuis les

12 positions de nos propres partis politiques à l'époque. Est-ce que vous

13 m'avez compris ?

14 R. Moi oui, et je suis d'accord avec vous.

15 Q. Sommes-nous d'accord sur le fait -- en fait, je parle à présent de ceux

16 qui sont engagés en politique, qu'il y avait une certaine animosité quant à

17 la couverture qui était faite par les médias internationaux de la JNA et du

18 rôle de la JNA dans la séparation de l'ex-Yougoslavie, et que ce même type

19 d'animosité était ressenti par rapport à la couverture qui était faite par

20 la plupart des observateurs internationaux qui étaient dans la région à ce

21 moment-là ?

22 R. Oui, à cette époque-là, le public commençait à se familiariser avec la

23 manière simplifiée dont les événements dans notre pays étaient représentés.

24 Tout était représenté en noir et blanc, la réalité n'était jamais aussi

25 simple.

26 Q. En tant que professionnel des médias, pouvez-vous nous dire quelque

27 chose sur cette propagande ? Cette propagande dans les médias, s'agissait-

28 il de quelque chose qui était organisé ou quelque chose qui était fait un

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1 peu au hasard ?

2 R. Si vous voulez dire dans les médias, c'était assez spontané et assez

3 contre-productif. Pour les médias internationaux, je ne sais pas, ils

4 avaient l'air mieux organisés à l'époque.

5 Q. Lorsque vous avez vu ces images de Sljivancanin et les autres fois où

6 il était à la télévision, est-ce que c'était votre impression ? C'est

7 précisément ce que vous avez dit hier, donc je vous demande d'une façon

8 plus précise aujourd'hui, s'il s'agissait d'un autre officier de la JNA par

9 rapport à comment il avait communiqué avec le public où jusqu'à ce moment-

10 là de manière très claire ?

11 R. Vous avez raison. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles Sljivancanin

12 a tellement attiré l'attention du public à cette époque. Ce que vous avez

13 dit fait partie des raisons. Comme je l'ai dit, il s'agissait du premier

14 officier qui était est apparu dans ce rôle, et il ne s'agit pas simplement

15 d'un officier dans un bureau qui fait passer des dépêches d'un bureau et

16 des choses par écrit, mais il s'agissait de quelqu'un qui était en chair et

17 en os, un officier qui était à Vukovar. Il parlait de quelque chose qui

18 préoccupait le public, l'organisation de tous les facteurs qui étaient

19 importants à Vukovar, les organisations qui étaient au conflit à Vukovar en

20 faisaient partie, et il a dit quelque chose qui était partagé par la

21 plupart du public, et cela a augmenté sa popularité vue par le public.

22 Q. Ai-je tort de dire que le public et les médias avaient besoin d'un

23 héros après cette victoire, qui devait être matérialisé, et que

24 Sljivancanin était la personne idéale pour jouer ce rôle ?

25 R. Vous avez raison. C'est exact.

26 Q. Vous souvenez-vous quelle a été la réaction au sein de vos collègues et

27 de vos rédacteurs après avoir vu ces images et avant que vous partiez pour

28 Vukovar ?

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1 R. Oui, ces images, bien sûr, ont suscité beaucoup de commentaires. Tout

2 le monde en parlait. Ces réactions, bien sûr, ont préoccupé tout le monde.

3 Tout le monde ne parlait que de cela tout d'abord, et dès le départ, nous

4 avons pensé qu'il était souhaitable qu'il fallait rendre cette personne

5 plus connue pour le public, parce que tout le monde connaissait l'existence

6 de Sljivancanin, mais personne ne savait exactement qui il était.

7 Q. En relation avec ces images, vous souvenez-vous que ces images aient

8 été montrées à la télévision plus tard, c'est-à-dire à la télévision qui

9 était sous le contrôle du parti au pouvoir, qui montrait les rapports entre

10 la communauté internationale par rapport à la JNA et comment elle voyait

11 son rôle dans le conflit ?

12 R. Oui, je pense que ces images ont été montrées sur notre télévision de

13 nombreuses fois.

14 Q. Nous parlerons de l'interview plus tard. J'aimerais éclaircir un point

15 tout d'abord. Après avoir parlé avec lui pendant cette interview, et par la

16 suite, puisque vous avez dit que vous avez été en contact avec lui par la

17 suite, avez-vous eu l'impression que Sljivancanin était une personne qui

18 souhaitait parler de toutes les questions qui lui étaient posées de manière

19 ouverte ? Est-ce que vous avez eu cette impression quand vous avez parlé

20 avec lui, en particulier lorsqu'il parlait avec des représentants des

21 médias ?

22 R. Oui, dès notre première rencontre, mon impression était qu'il

23 s'agissait de quelqu'un de très franc, une personne totalement ouverte aux

24 intérêts de la profession que je représentais, en particulier en ce qui

25 concernait sa profession, parce que jusque-là, nous avions eu des problèmes

26 avec les représentants de l'armée yougoslave. Il y avait toujours des

27 problèmes de permis, et cetera, et il était souvent pratiquement impossible

28 d'obtenir des interviews, alors que Sljivancanin, dès le début de notre

Page 7349

1 première rencontre, s'est montré d'une ouverture assez inhabituelle pour

2 parler de tous sujets.

3 Q. En ce qui concerne le contenu exact de ce dialogue, avez-vous été

4 intéressé à l'époque à faire une enquête supplémentaire concernant ces

5 mots, concernant le pont, lorsqu'il disait : "Hier soir aussi, mes soldats

6 ont été tués." Cela vous a-t-il donné envie d'écrire quelque chose ou de

7 faire une enquête au sujet de cette déclaration ?

8 R. Autant que je me souvienne, nous en avons parlé, mais je ne crois pas

9 que cela fasse partie de mon texte. Je ne me souviens pas des détails. Nous

10 en avons parlé, toutefois, mais je ne me souviens pas exactement de ce qui

11 a été dit. Je ne me souviens pas vraiment. Ma mémoire me fait défaut.

12 Q. Il y a une petite partie du texte qui fait partie de cela, mais je vous

13 parlais en principe, de manière générale après cela, étiez-vous intéressé à

14 continuer à enquêter sur ce sujet ? Etiez-vous intéressé par la réaction de

15 l'autre côté, par la réaction de la Croix-Rouge internationale, s'il y

16 avait eu des communiqués de la part de la Croix-Rouge internationale

17 concernant le conflit, si vous vous en souvenez ?

18 R. Non, je ne me souviens pas de ce qui s'est passé par la suite en ce qui

19 concerne cet épisode polémique.

20 Q. L'attitude, la position de votre journal à ce moment-là n'était-elle

21 pas que vous devriez peut-être établir des contacts avec les représentants

22 de la Croix-Rouge internationale et peut-être parler avec eux ?

23 R. Oui, peut-être. Peut-être qu'ils pensaient que cela pourrait être

24 nécessaire, mais je ne me souviens pas, au moment où je vous parle, mais

25 quand vous en parlez aujourd'hui, mais non, bien sûr, cela semble tout à

26 fait logique, mais je ne m'en souviens pas vraiment.

27 Q. A ce moment-là particulier, lorsque vous avez vu cette image, lorsque

28 votre rédaction vous a dit qu'il faudrait aller voir cette personne à

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1 Vukovar, qui était désignée par votre côté et par votre journal comme le

2 chevalier de Vukovar ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous, pas personnellement, mais votre rédacteur en chef, par rapport à

5 l'importance de ce sujet, a décidé que ce sujet devrait faire partie de ce

6 numéro en particulier, le numéro dans lequel l'interview allait être

7 publié, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Ai-je tort de dire que votre désir d'avoir le plus tôt possible, c'est-

10 à-dire ce soir même, lorsque la brigade est arrivée à Belgrade, d'avoir

11 cette interview qui, comme vous l'avez dit, a eu lieu le 24 novembre, de

12 façon à prendre l'avantage par rapport à d'autres journaux concurrents, et

13 en particulier, pour le dire de manière concrète, le magazine Nin ? Est-ce

14 que vous souvenez de cela ?

15 R. Oui, Sljivancanin n'a pas attiré uniquement notre attention. Dans la

16 mesure où il y avait un rapport concurrent, nous étions handicapés par le

17 fait que nous étions un magazine d'interview bihebdomadaire, et nous avions

18 besoin de rendre nos articles avant le lundi pour qu'ils puissent être

19 insérés dans ce numéro en particulier. C'est la raison pour laquelle nous

20 étions si pressés de pouvoir faire cette interview, parce que les autres

21 journaux essayaient de faire la même chose. Bien sûr, pour nous c'était un

22 problème supplémentaire.

23 Q. Cette interview et la couverture du magazine Intervju, ainsi que les

24 autres articles dont nous avons parlé qui ont été publiés dans le numéro

25 anniversaire d'Intervju du 29 novembre 1991, ont été publiés, n'est-ce pas,

26 dans ce numéro-là ?

27 R. Oui, c'est exact.

28 Q. Je vais vous demander de vous reporter à cet article avec Sljivancanin

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1 qui s'appelle, "Le retour du guerrier." Je crois qu'il s'agit des deux

2 premiers paragraphes avant les questions. Il s'agit d'un texte

3 d'introduction que vous avez écrit vous-même expliquant pourquoi vous

4 souhaitiez l'interviewer et où vous l'avez trouvé, n'est-ce pas ?

5 R. Oui, c'est exact.

6 Q. Dans ce premier paragraphe, vous dites qu'il était très certainement

7 devenu l'officier de la JNA le plus connu grâce à des reportages télévisés

8 sur le front qui le montraient comme un excellent soldat et un officier

9 très résolu. Cette conclusion, vous l'aviez tirée sur la base des images

10 que nous avons vues. C'est sur ces images que vous avez basé cette

11 conclusion, que vous aviez cette façon de le voir, n'est-ce pas ?

12 R. Oui, c'est exact.

13 Q. Est-ce que vous avez conservé cette impression après l'avoir rencontré

14 en personne, après l'avoir interviewé ?

15 R. Oui.

16 Q. En lui parlant, avez-vous eu l'impression qu'il était sincèrement

17 affecté par la destruction de la ville et par la mort de tellement de

18 civils ?

19 R. Oui.

20 Q. Avez-vous eu l'impression en lui parlant qu'il était fier parce que

21 l'armée yougoslave était une armée multinationale, et cela est même indiqué

22 dans votre texte ? Est-ce que vous avez eu l'impression qu'il était fier de

23 cela ?

24 R. Oui. A l'époque, Sljivancanin, de manière très franche et de manière

25 très directe, défendait l'idée de fraternité et d'unité. Il portait les

26 symboles, les emblèmes de l'armée populaire yougoslave qui avaient déjà

27 commencé à être remplacés. Il portait toujours l'étoile à cinq branches et

28 il donnait l'impression d'être quelqu'un qui continuait à le faire avec

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1 conviction.

2 Q. Cette étoile à cinq branches, il s'agit d'un symbole du drapeau de la

3 République fédérale de Yougoslavie. Il s'agissait déjà de quelque chose qui

4 n'était plus d'époque, qui n'était plus porté au sein de la JNA et qui

5 n'était plus aussi bien vu au sein des rangs de la JNA, n'est-ce pas ?

6 R. Oui. L'autre côté de Vukovar avait sa propre étoile avec son propre

7 symbole de l'Etat indépendant de Croatie depuis de l'époque de la Deuxième

8 Guerre mondiale où il y avait eu beaucoup de troubles et de peurs au sein

9 de la population. Mais en ce qui concernait l'armée population de

10 Yougoslavie, ces symboles n'étaient pas bien vus par certains des

11 volontaires et certains des membres qui ne souhaitaient pas les porter, qui

12 souhaitaient porter leurs propres emblèmes, et d'ailleurs le faisaient.

13 M. LUKIC : [interprétation] J'aimerais demander au Greffe, et d'ailleurs

14 les remercier de nous avoir permis de préparer la version électronique. Il

15 s'agit d'un document suivant. Il s'agit du document 3D01-0062, et nous

16 allons poser une question à ce sujet au témoin, bien sûr. J'ai parlé, dès

17 hier, au Procureur de ce document, et je crois qu'il n'y aura aucun

18 problème à ce que des commentaires puissent être faits à ce sujet.

19 Q. Monsieur Kacarevic, est-ce que vous pouvez nous dire ce que nous voyons

20 sur notre écran aujourd'hui ?

21 R. Il s'agit de la couverture du magazine Intervju, le numéro dans lequel

22 la conversation avec Sljivancanin a été publiée.

23 Q. Est-ce que vous vous souvenez où cette photo a été prise ?

24 R. Je pense qu'elle a été prise le jour où nous avons fait l'interview,

25 c'est-à-dire le 20 -- dans la soirée du 24 novembre.

26 Q. Le 20 novembre 1991 était toujours le jour de la république

27 officiellement --

28 R. Le 29, vous voulez dire, novembre.

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1 Q. Est-ce que vous pouvez lire le titre en rouge, s'il vous plaît ?

2 R. Il s'agit de l'annonce de l'interview sur la page de couverture. Il

3 s'agit de "Veselin Sljivancanin, le chevalier de Vukovar."

4 Q. Voyez-vous l'emblème ? D'abord, pouvez-vous nous dire de quel emblème

5 il s'agit et ce qui est écrit dessus ?

6 R. Il s'agit de l'écusson de la République fédérale de Yougoslavie. Il y a

7 l'étoile à cinq branches, et on voit les initiales RFSY, la République

8 fédérale socialiste de Yougoslavie.

9 Q. Vous souvenez-vous si cet écusson était porté par de nombreux officiers

10 lorsque vous étiez à Vukovar, par de nombreux officiers et par de nombreux

11 hommes, au moment où vous étiez à Vukovar ?

12 R. Je ne me souviens pas. Il y avait de nombreux uniformes différents, et

13 nous avons rencontré peu d'officiers, mais il y avait de nombreux uniformes

14 et il y avait de nombreux écussons. Je ne peux pas m'en souvenir.

15 Q. D'après ce que j'ai lu dans la partie introductive de votre texte, je

16 vois que vous avez parlé avec lui. Vous avez vu, et vous le dites dans ce

17 document, qu'il y avait des choses qui étaient posées par terre, qui

18 avaient été jetées, du matériel militaire, des ceinturons de cartouches.

19 Est-ce que vous avez eu l'impression qu'il arrivait juste du front ?

20 R. Oui. C'est la raison pour laquelle je l'ai écrit. C'était mon

21 impression. Je pense qu'il s'agissait d'une impression qui correspondait à

22 la réalité, que le commandant Sljivancanin venait juste d'arriver de

23 Belgrade, et qu'une demi-heure plus tard, nous sommes arrivés pour le

24 rencontrer pour faire l'interview. Dans la salle dans laquelle nous avons

25 parlé, il y avait des signes visibles que quelqu'un venait d'arriver

26 récemment.

27 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande à ce que

28 cette photo soit versée au dossier, si l'Accusation n'a aucune objection à

Page 7354

1 ce sujet.

2 M. SMITH : [interprétation] Il n'y a pas d'observation, Monsieur le

3 Président.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. La pièce sera versée au

5 dossier.

6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce 358.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Lukic, s'agit-il d'un moment

8 opportun ou est-ce que vous avez presque terminé ?

9 M. LUKIC : [interprétation] J'ai d'autres questions, peu nombreuses.

10 J'aimerais terminer ce sujet, et ensuite nous pourrons faire la pause, si

11 cela vous convient.

12 Q. Vous avez dit hier au Procureur que vous vous souvenez que M.

13 Sljivancanin vous avait aidé au moment où vous avez été le premier à entrer

14 dans ce qu'on appelait le Palais Blanc. Pouvez-vous expliquer à la Chambre

15 de quoi il s'agissait ? Quel était ce Palais Blanc ? Qui y résidait avant

16 que vous y entriez, et pourquoi on ne pouvait pas y avoir accès ? Dites-

17 nous la résidence de qui cela était ?

18 R. Avant la Seconde Guerre mondiale, il s'agissait de la maison royale de

19 la dynastie --

20 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu le nom.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] -- et après la guerre, le Palais Blanc était

22 utilisé comme résidence du maréchal Tito. Donc, pendant longtemps, il

23 s'agissait d'un édifice secret. Il y avait beaucoup de rumeurs au sujet de

24 ces édifices, mais peu de gens avaient pu y pénétrer.

25 Q. Vous avez dit avant la guerre, c'était avant la Deuxième Guerre

26 mondiale ?

27 R. Oui, la Deuxième Guerre mondiale.

28 Q. Encore une question et j'en aurai fini avec ce sujet. Vous souvenez-

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1 vous si vous avez eu des informations sur les attitudes, sur les sentiments

2 de M. Sljivancanin par rapport à Tito ?

3 R. Je ne peux que dire quelque chose dont je me souviens. J'avais

4 l'impression qu'il avait une opinion négative à son sujet. C'était mon

5 impression, mais je n'ai pas de certitude à ce sujet.

6 M. LUKIC : [interprétation] Peut-être que nous pouvons faire la pause à

7 présent.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'ai l'impression, Monsieur Lukic, que

9 soit nous avons trois sessions très courtes aujourd'hui, ou nous avons deux

10 longues sessions et terminons un peu plus tôt. Parce que dans la mesure où

11 nous avons commencé un peu tard, nous ne pouvons pas avoir trois sessions.

12 Avez-vous des objections que nous ayons deux sessions un peu plus longues

13 aujourd'hui et que nous terminions plus tard ? Je vois dans la salle, des

14 gens qui semblent être en accord avec cette proposition. Dans ce cas, vous

15 pouvez donc continuer à présent vos questions au témoin.

16 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai encore à peu près

17 une demi-heure de questions à poser.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Continuez.

19 M. LUKIC : [interprétation]

20 Q. Très bien. Monsieur Kacarevic, nous allons parler de l'interview elle-

21 même, de l'interview avec M. Sljivancanin. D'après ce que je vois dans le

22 texte, vous lui avez posé cinq questions - je les ai comptées - et le sujet

23 principal de l'interview était le conflit, la dispute entre M. Sljivancanin

24 et le représentant de la Croix-Rouge internationale. Il s'agit de la

25 question sur laquelle vous vous êtes concentré ?

26 R. Oui, c'est exact.

27 Q. Vous aviez déjà été à Vukovar avant cette interview et vous avez déjà

28 vu beaucoup de choses que vous aviez décrites. Une partie de vos

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1 impressions sont montrées sur ces photos, mais je ne suis pas sûr que vous

2 ayez eu une partie avec des photos qui ont été publiées avec les

3 interviews. Il y a deux pages de photos noir et blanc. Est-ce que vous les

4 avez devant vous ?

5 R. Oui, je les aies, mais la reproduction est mauvaise. Mais je sais de

6 quelles photos il s'agit.

7 Q. Je vais lire ce commentaire, et je crois qu'il s'agit d'un commentaire

8 personnel qui accompagne ces photos. Je vais lire le texte. Dites-moi si je

9 ne me trompe pas en les lisant. "Le journaliste d'interview se trouvait

10 être la seule personne à Vukovar la semaine dernière, à plusieurs mètres de

11 l'hôpital de Vukovar où des membres de la JNA s'occupaient des corps des 93

12 victimes innocentes de la terreur des Oustachi. Avec la compréhension des

13 officiers de l'armée, le journaliste a tenté de photographier ces enfants,

14 ces femmes et personnes âgées qui étaient décédés, qui avaient été victimes

15 de la terreur des Oustachi."

16 Ce terme de "terreur oustachi," était-il un terme qu'il était

17 habituel d'utiliser pour parler à l'époque de l'autre côté ?

18 R. Oui, il était tout à fait habituel de l'utiliser. D'ailleurs, les

19 formations armées croates -- les unités armées, utilisaient ce mot pour se

20 décrirent elles-mêmes.

21 Q. Est-ce que quelqu'un vous a empêché de parler, a tenté de vous empêcher

22 de parler à qui que ce soit à Vukovar pendant que vous étiez là-bas ?

23 R. Non.

24 Q. Nous avons entendu dans votre déclaration que vous avez été guidé dans

25 la ville jusqu'à cet endroit, jusqu'à l'hôpital, par un local qui

26 connaissait les rues et qui vous a emmené dans des petites rues, dans des

27 rues entières qui étaient pratiquement impraticables. Ai-je bien compris

28 lorsque vous avez dit que ces officiers étaient surpris de votre présence,

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1 qu'ils étaient inquiets pour votre sécurité en raison des mines qui

2 n'avaient pas encore été retirées ?

3 R. Oui. Ils disaient que le terrain était dangereux, qu'il y avait

4 toujours des mines qui étaient dispersées un peu partout, et que des civils

5 n'auraient pas dû être présents, que c'était une zone que seule l'armée

6 contrôlait et qu'ils étaient en train de nettoyer, et qu'ils ne voulaient

7 pas nous laisser y entrer parce qu'ils ne voulaient pas être responsables

8 des conséquences.

9 Q. Cela concerne la zone particulière autour de la zone de l'hôpital de

10 Vukovar, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Revenons à votre interview, s'il vous plaît. Vous n'avez pas posé une

13 seule question dans cette interview sur le fondement de votre expérience,

14 de ce que vous avez vécu à Vukovar ce jour-là, qui a dû quand même susciter

15 en vous une assez forte émotion, tout ce que vous avez vu à Vukovar, mais

16 vous n'avez jamais tenté d'en parler dans votre interview, n'est-ce pas ?

17 R. Non, c'est exact.

18 Q. Etiez-vous conscient du fait que les pathologistes de l'Académie

19 militaire à Vukovar avaient déjà commencé à traiter, si l'on peut utiliser

20 ce terme, les corps à ce moment-là et qu'ils étaient très occupés à

21 examiner les corps ?

22 R. Oui, c'est la raison précise pour laquelle nous n'avons pas parlé de ce

23 sujet. Il y avait beaucoup de spéculations, beaucoup de renseignements qui

24 n'étaient pas fiables concernant les victimes et concernant leur origine.

25 Une équipe de professionnels militaires, d'experts en médecine légale,

26 avait été envoyée pour examiner les corps, et nous voulions attendre et

27 voir quels étaient les résultats de leur travail.

28 Q. Pendant l'interview elle-même, vous avez dit hier que vous preniez des

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1 notes, n'est-ce pas ? Pensez-vous qu'un enregistrement audio a été fait,

2 mais vous n'en êtes pas sûr, n'est-ce pas ? Le bureau du Procureur vous a

3 demandé concernant l'interview de Radic, et vous avez dit que l'interview

4 Sljivancanin a commencé à environ 22 heures. Est-ce que vous vous souvenez

5 de combien de temps elle a duré ?

6 R. Elle a pris pas mal de temps. Peut-être plusieurs heures, je ne peux

7 pas le dire avec précision. Peut-être deux heures, peut-être plus.

8 Q. Ce qui me semble évident, c'est que tout ce dont vous avez parlé n'a

9 pas été publié. Vous avez donc sélectionné, en d'autres termes, de façon à

10 pouvoir attirer l'intérêt, susciter l'intérêt le plus vif de la part de vos

11 lecteurs, n'est-ce pas ?

12 R. C'est exact.

13 Q. Vous avez dit qu'un photographe assistait à cette conversation, de même

14 qu'un collègue, un de vos collègues. Est-ce que vous vous souvenez qui

15 était ce collègue ?

16 R. Je me souviens, c'était Dragan Vlahovic, qui à l'époque était l'adjoint

17 du rédacteur en chef.

18 Q. Donc c'était la même équipe que celle qui était venue de Vukovar; est-

19 ce exact ?

20 R. C'est exact.

21 Q. Vous êtes venus ensemble, vous êtes partis ensemble, vous avez quitté

22 Sljivancanin ensemble, tous les trois; c'est cela ?

23 R. Oui.

24 Q. Très bien. Je vais vous dire à présent quelle est la position de mon

25 client. Par la suite, nous allons essayer de vous rafraîchir la mémoire par

26 rapport aux détails. Est-ce que vous vous souvenez maintenant qu'à ce

27 moment-là, les mots de Dragan Vlahovic étaient tournés vers Sljivancanin,

28 en disant : Pourquoi ne l'avez-vous pas envoyé ou jeté dans la Vuka, en

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1 parlant du représentant de la Croix-Rouge internationale ? Est-ce que vous

2 vous souvenez que la conversation avait pris un tel cours ?

3 R. Oui, je m'en souviens maintenant. Effectivement, il y avait ce genre de

4 commentaires.

5 Q. Un autre point. Le Procureur vous a demandé si Sljivancanin avait fait

6 d'autres observations par la suite lorsque vous vous êtes rencontrés. Est-

7 ce que vous vous souvenez, par hasard, si Sljivancanin était mécontent de

8 certaines parties du texte, notamment en ce qui concerne le titre, qui

9 était "Le chevalier de Vukovar" ? Est-ce qu'il s'est plaint auprès de

10 Vlahovic au sujet de cela ? Est-ce que Vlahovic avait proposé de faire une

11 autre interview, mais Sljivancanin avait refusé, car l'article original

12 avait déjà été publié avant ce moment-là. Est-ce que vous êtes au courant

13 de cela, Monsieur ?

14 R. Oui, je le sais. Je sais que les relations entre les deux ressemblaient

15 à cela. Sljivancanin pensait que c'était exagéré, mais finalement, c'est ce

16 qui a été retenu.

17 Q. Mais de toute façon, compte tenu de la rapidité avec laquelle cette

18 interview a été publiée, ce texte n'a jamais été remis à Sljivancanin pour

19 qu'il l'autorise; est-ce exact ?

20 R. Pour autant que je m'en souvienne, non.

21 Q. Est-ce que vous avez gardé vos notes de cette période ? Est-ce que les

22 enregistrements audio des interviews ont été gardés ? Est-ce que ceci

23 existe dans les archives de votre journal ?

24 R. Malheureusement, rien n'a été gardé. Le journal n'existe plus, les

25 archives non plus.

26 Q. J'ai compris que sur la base de vos notes, vous avez dactylographié le

27 texte, mais lors de la prise de notes, vous n'avez pas pu marquer chaque

28 mot proféré par votre interlocuteur, n'est-ce pas ?

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1 R. C'est exact.

2 Q. En fait, ai-je tort de conclure que cette interview est quand même

3 votre interprétation de ses propos ?

4 R. Oui, mais j'espère que c'est une interprétation assez fidèle.

5 Q. C'est ce que vous avez dit au Procureur. Est-ce que vous souhaitiez

6 savoir lors de cet entretien, est-ce qu'à ce moment-là, il était question

7 ou peut-être par la suite, de ce à quoi le rapport entre Sljivancanin et ce

8 représentant de la Croix-Rouge internationale ressemblait après cet

9 incident ? Concrètement parlant, est-ce que Sljivancanin vous a dit que ce

10 monsieur, Nicholas Borsinger, était venu le voir à Negoslavci le lendemain

11 afin de résoudre les problèmes, afin d'aplanir la situation ? Est-ce que

12 vous vous souvenez de cela ?

13 R. Oui. Il a dit plus ou moins que par la suite, ils ont eu d'autres

14 contacts, mais je ne sais pas les détails.

15 Q. Je vais terminer. Nous parlons plus vite que prévu. Il ne me reste

16 juste que quelques questions pour finir.

17 Vous avez dit au Procureur que par la suite, vous avez rencontré mon

18 client également à plusieurs reprises. Je suppose qu'au cours de cette

19 période, vous avez suivi les apparitions de mon client dans les médias et

20 la presse autour de Vukovar ?

21 R. Si j'ai suivi cela ? Oui.

22 Q. Etes-vous en mesure de confirmer ce que je dis, à savoir qu'il

23 soulignait toujours dans ses interventions publiques son option ou

24 orientation pro-yougoslave ?

25 R. Oui, même si ce n'était plus bien vu d'aucun côté du public yougoslave,

26 à l'exception de certains groupuscules.

27 Q. Il soulignait toujours la nécessité de maintenir l'intégrité de la

28 Yougoslavie ?

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1 R. Oui.

2 Q. Et pour ainsi dire, dans chacune de ses déclarations, il soulignait la

3 composition multiethnique de la JNA et le fait que la JNA était vos forces

4 légitimes en Yougoslavie ?

5 R. Oui. Le commandant Sljivancanin croyait profondément que l'armée était

6 tout à fait régulière et que son devoir était de maintenir l'ordre sur ce

7 territoire.

8 M. LUKIC : [interprétation] Une partie a été omise dans le compte rendu

9 d'audience.

10 Q. Ma question était la suivante : est-ce que d'après lui la JNA était la

11 seule force légitime dans la Yougoslavie de l'époque ? Vous avez entendu ma

12 question, donc vous avez déjà répondu à cela, mais vous pouvez me confirmer

13 que vous avez dit oui ?

14 R. Oui, c'est exact.

15 Q. Je vous remercie.

16 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Messieurs les

17 Juges, j'ai terminé mon contre-interrogatoire.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Lukic.

19 Nous allons lever l'audience et reprendre à midi moins le quart.

20 --- L'audience est suspendue à 11 heures 24.

21 --- L'audience est reprise à 11 heures 52.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Smith.

23 M. SMITH : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Juste quelques

24 questions supplémentaires. Mais avant de commencer, je souhaite soulever

25 une question en vertu de l'article 90(H)(ii), et notamment pour ce qui est

26 du conseil de M. Sljivancanin et pour savoir si la position de la Défense a

27 été clairement indiquée au témoin. Je souhaite demander au conseil de la

28 Défense si d'autres aspects de l'interview font l'objet des contestations

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1 de l'accusé, M. Sljivancanin, car dans ce cas-là, il faudrait le présenter

2 au témoin. Plusieurs aspects ont fait l'objet du désaccord de l'accusé,

3 mais pour le reste de l'interview, l'Accusation suppose que c'est précis.

4 Si mon éminent collègue est en désaccord avec d'autres parties, je pense

5 qu'il faudrait l'indiquer clairement au témoin.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est tout, Monsieur Smith ?

7 M. SMITH : [interprétation] C'est tout.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce que M. Smith souhaite dire, c'est

9 que lorsque vous avez demandé au témoin s'il pouvait confirmer que

10 l'article ne constituait pas une transcription mot a mot des paroles

11 proférées par votre client -- mais cependant, vous n'avez pas contesté

12 l'exactitude de certaines parties en particulier. Si tel est le cas, vous

13 risquez de présenter de manière erronée la position de votre client. Il

14 faudrait que vous indiquiez votre point de vue clairement pour qu'il n'y

15 ait pas de doute. Si vous doutez de l'exactitude de certaines parties de

16 cet article, dans ce cas-là, il faudrait que vous l'indiquiez directement

17 au témoin.

18 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, je comprends tout à fait

19 mon obligation en vertu de l'article 90(H) et je m'attendais à cette

20 question. M. Smith me l'avait annoncé, d'ailleurs. Je vais vous expliquer

21 clairement et humainement, d'ailleurs, ma position ou la position de mon

22 client. Tout d'abord, je pense qu'à la page 36, paragraphes 1 et 6, j'ai

23 indiqué la position de mon client au témoin, par rapport au contenu et à la

24 manière dont cette interview a été menée. Lorsque j'ai eu une conversation

25 avec M. Sljivancanin concernant le contenu de cette interview, il m'a

26 simplement dit qu'au bout de toutes ces années, il ne se souvenait pas de

27 certaines parties. C'est dans ce sens que j'ai posé ma question et que j'ai

28 indiqué la position de mon client, ainsi. Moi, tout simplement, je ne peux

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1 pas indiquer quelle est la position de mon client aujourd'hui, car il ne se

2 souvient pas. Bien sûr, il est compréhensible qu'une personne ne puisse pas

3 se rappeler ce qu'il avait dit il y a 15 ans; c'est dans ce sens-là que

4 j'ai posé la question.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suppose clairement que d'après ce

6 que vous avez dit, vous avez pris en considération cette question de

7 manière approfondie et que vous avez cru contre-interroger le témoin dans

8 la mesure du possible, en ce qui concerne cette question. Merci.

9 Oui, Monsieur Smith.

10 Nouvel interrogatoire par M. Smith :

11 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, je vais juste vous poser quelques

12 questions qui découlent du contre-interrogatoire de la Défense. Ma première

13 question concerne M. Sljivancanin et ses opinions portant sur l'Etat

14 yougoslave en 1991. Lorsque vous lui avez parlé le 24 novembre, est-ce que

15 c'était la seule fois où vous lui avez parlé en ce qui concerne la question

16 du front, comme ses opinions concernant l'Etat yougoslave et d'autres

17 questions ?

18 R. Oui. Avant cela, nous n'avons pas eu l'occasion de nous parler, et

19 après cela, nous n'avons pas eu de discussions claires et précises à ce

20 sujet.

21 Q. Vous avez répondu à la question de mon client, et je crois que vous

22 avez dit qu'il avait une attitude négative envers Josip Tito, qui avait été

23 président de la Yougoslavie pendant de longues années. Comment avez-vous eu

24 cette impression ?

25 R. Je ne suis pas sûr de cela. Je ne peux pas dire si son impression

26 concernant Tito était négative ou pas, mais mon opinion personnelle est que

27 son opinion de Tito n'était pas négative, mais je ne peux pas le dire.

28 Q. Excusez-moi, peut-être qu'il y avait un problème de compte rendu

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1 d'audience en ce qui concerne cela, mais maintenant, c'est clarifié.

2 Vous avez dit que l'interview que vous avez eue avec M. Sljivancanin

3 était votre interprétation de ce qu'il avait dit au sujet de la question du

4 front. Est-ce que vous croyez que vous aviez reflété ses propos de manière

5 exacte ?

6 R. Oui, je crois que je l'ai fait de manière exacte.

7 Q. Je souhaite que l'on revienne maintenant au 24 novembre, lorsque vous

8 êtes allé à Vukovar. Vous avez dit que vous avez été arrêté à un point de

9 contrôle à Sid, et ensuite, vous avez pris M. Radak, je pense que c'était

10 dans la banlieue de Vukovar, et ensuite, vous avez poursuivi votre chemin

11 jusqu'à Vukovar et vous n'avez pas été arrêté à un point de contrôle. Est-

12 ce que vous vous souvenez avoir dit cela lors du contre-interrogatoire ?

13 R. Oui, je me souviens.

14 Q. Est-ce que vous pouvez dire si vous avez traversé des points de

15 contrôle lorsque vous alliez de la banlieue de la ville vers le centre-

16 ville, même si vous n'avez pas été arrêté ?

17 R. Je ne me souviens pas si de tels points de contrôle existaient. Si on

18 est passés à côté, je ne m'en souviens pas.

19 Q. En ce qui concerne Sasa Radak, qui vous a escorté dans la ville, et

20 vous avez dit qu'il était commandant -- ou plutôt, pas commandant mais

21 qu'il faisait partie du peloton de la mort, à Vukovar; pendant le conflit,

22 est-ce que vous aviez l'impression que c'était une personne bien connue

23 dans la ville ? Est-ce que vous avez pu le conclure, d'après ses contacts

24 avec d'autres soldats, ce jour-là ou d'après ses contacts avec qui que ce

25 soit ou non ?

26 R. Je ne peux pas évaluer si c'était une personne connue ou pas, mais il a

27 montré qu'il se débrouillait bien dans la ville et qu'il connaissait bien

28 les rues, car il faut savoir que beaucoup de rues étaient impraticables en

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1 raison des ruines.

2 Q. Merci. Vous avez décrit le fait d'avoir vu un nombre de cadavres dans

3 le centre médical ou à l'endroit qui était près de l'hôpital dans la cour,

4 puis vous avez dit également que les soldats qui étaient là-bas avaient dit

5 que ces cadavres appartenaient aux Serbes; est-ce exact ?

6 R. Oui, c'est exact.

7 Q. Je pense qu'il a été dit également dans cet article que ces soldats

8 avaient dit qu'ils avaient été tués par des Oustachi, ces victimes.

9 R. Ceci ne figure pas dans le texte que j'ai écrit, mais c'est contenu

10 dans un autre texte qui a été publié dans le même numéro.

11 Q. Avez-vous jamais pu vérifier si effectivement les victimes étaient

12 Serbes, Croates ou appartenant à d'autres groupes ethniques ?

13 R. Non, je n'ai jamais eu de preuve fiable concernant l'origine ethnique

14 de ces victimes et concernant la question de savoir qui les avait

15 liquidées, qui était responsable de leur mort.

16 Q. Par conséquent, la source de cette information provenait des soldats de

17 la JNA qui étaient sur place lorsque le cadavre y était; est-ce exact ?

18 R. Oui.

19 Q. On vous a demandé plusieurs questions au sujet, par exemple, de vos

20 connaissances et de la manière dont les gens à Vukovar voyaient ce qui

21 s'était passé à Vukovar au cours de ces trois mois. Un sujet qui a été

22 traité par les trois conseils de la Défense lors de leur contre-

23 interrogatoire était de savoir quelle était la raison pour laquelle la JNA

24 et d'autres forces étaient à Vukovar. On vous a demandé s'il y avait des

25 atrocités commises par les Croates à Vukovar, puis on vous a demandé

26 également des questions au sujet du meurtre des civils, des civils serbes à

27 Gospic, une ville près de Vukovar. On vous a posé des questions également

28 concernant la défense de la ville et ce que vous saviez au sujet de la

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1 défense croate de la ville. Je souhaite que l'on clarifie les fondements de

2 vos connaissances. En ce qui concerne vos connaissances de première main au

3 sujet de Vukovar, Monsieur, vous y êtes allé le 24 novembre; c'est exact,

4 n'est-ce pas ?

5 R. Oui. C'est exact.

6 Q. Vous n'avez pas parlé avec qui que ce soit de Vukovar, par exemple, un

7 réfugié ou des soldats qui étaient à Vukovar, avant d'y aller le 24

8 novembre; est-ce exact ? Ou si ?

9 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Lukic.

11 M. LUKIC : [interprétation] Je pense que cette question est trop

12 directrice. Il aurait pu demander au témoin : Est-ce que vous avez parlé

13 avec quelqu'un, et si oui, avec qui ? Alors qu'ici, on est en train de

14 poser une question directrice.

15 M. SMITH : [interprétation] Oui, je peux reposer ma question.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne vois pas vraiment le problème.

17 J'essaye d'examiner cette question très, très longue, et à part la

18 longueur, je ne vois pas où est le problème avec la question. Mais si M.

19 Lukic est plus heureux avec une nouvelle question, cela me convient à moi

20 aussi.

21 M. SMITH : [interprétation]

22 Q. Monsieur, vous avez appris les choses de première main du capitaine

23 Radic et du commandant Sljivancanin concernant leur rôle à Vukovar. Est-ce

24 que vous avez reçu des informations de première main de la part des gens

25 qui ont participé aux événements de Vukovar avant de s'y rendre le 24

26 novembre ?

27 R. Avant d'aller là-bas, j'ai eu des informations par le biais du centre

28 d'information de Belgrade, qui recueillait des documents et des témoignages

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1 concernant les événements, pas seulement des événements à Vukovar, mais

2 aussi aux environs de Vukovar. Dans ce centre d'information, on recueillait

3 les dépositions des réfugiés, des témoins, de toutes les personnes qui

4 souhaitaient déposer au sujet des événements. Donc, je pourrais dire que

5 là, il s'agissait d'informations presque de première main. Puisque j'y suis

6 allé souvent, souvent, j'ai lu ces déclarations, et même moi, j'ai discuté

7 avec les gens. Sinon, j'ai pu aussi obtenir des informations par le biais

8 des médias et d'autres sources d'information.

9 En revanche, quand j'ai rencontré le capitaine Radic et le commandant

10 Sljivancanin, j'ai essayé de coucher sur papier ce qu'ils m'ont raconté. Je

11 pense avoir dit ou transmis tout ce qu'ils m'ont dit.

12 Q. Ce centre d'information était dirigé par le gouvernement serbe à

13 l'époque, n'est-ce pas ?

14 R. Non. C'était une organisation non gouvernementale qui travaillait de

15 façon autonome.

16 Q. Est-ce que vous avez lu quelques-unes des ces déclarations préalables

17 avant de vous rendre à Vukovar, ou bien après ?

18 R. J'en ai lu aussi bien avant qu'après. J'ai même entendu quelques

19 dépositions avant d'y aller.

20 Q. Vous avez dit que vous avez appris que les Croates avaient commis des

21 atrocités à Vukovar au cours des combats. Est-ce que vous avez lu cela dans

22 ces dépositions, ces déclarations préalables ou est-ce que vous teniez ces

23 connaissances d'après ce que vous avez pu apprendre dans les médias ?

24 R. Effectivement, de telles informations figuraient dans les médias, mais

25 les réfugiés aussi parlaient de cela. Ils disaient que de telles choses se

26 sont produites effectivement là-bas.

27 Q. Quelles atrocités particulières avez-vous apprises ? Quels événements,

28 concrètement parlant, avez-vous appris de ces déclarations préalables ?

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1 Est-ce que vous vous en souvenez ?

2 R. Non, je ne me souviens pas de détails, mais en général, il s'agissait

3 de tuer les gens pendant la nuit, d'emmener quelque part des familles

4 entières ou des membres des famille, de chasser les gens de chez eux, des

5 gens portés disparus, des personnes disparues sans laisser de trace, et

6 cetera.

7 Q. Est-ce que vous avez entendu ces informations dans les médias ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce que la plupart de ces informations venaient des médias, de la

10 presse écrite ?

11 R. Je ne sais pas s'il y en avait beaucoup, mais en tout cas, il y en

12 avait.

13 Q. Au cours du contre-interrogatoire, je pense que vous avez vu qu'en

14 1991, au cours des combats à Vukovar, c'est l'Etat qui contrôlait la presse

15 écrite, de façon très importante ?

16 R. Oui, oui. La presse était contrôlée par l'Etat, mais de temps en temps,

17 on pouvait aussi lire des informations qui échappaient au contrôle de

18 l'Etat, donc ce contrôle n'était pas si strict que cela.

19 Q. Vous avez parlé de la façon dont l'Etat contrôlait la presse écrite,

20 vous avez dit qu'ils plaçaient leurs hommes aux postes-clés, au niveau des

21 rédactions, par exemple, les positions de rédacteurs en chef. Est-ce qu'il

22 est arrivé que l'on place à ces postes-là, au sein des journaux principaux,

23 les gens pro-Milosevic ?

24 R. Oui, effectivement.

25 Q. Est-ce bien pour cela que vous avez quitté l'équipe Politika en 1989,

26 justement parce que l'Etat contrôlait la presse écrite ou est-ce que vous

27 êtes parti pour d'autres raisons ?

28 R. Il y avait d'autres raisons, aussi, mais cette raison était une raison

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1 décisive pour mon départ.

2 Q. Concernant la façon dont l'Etat contrôlait la presse écrite à l'époque,

3 comment s'effectuait ce contrôle ? Est-ce qu'il contrôlait le contenu des

4 articles ou le style ? Est-ce que vous pouvez nous expliquer cela ?

5 R. Non, il ne s'agissait pas d'un contrôle aussi détaillé. On

6 n'influençait pas le style de l'écriture, mais vous aviez des gens qui

7 étaient les rédacteurs en chef qui choisissaient les thèmes, qui

8 privilégiaient certains thèmes. Si la rédaction ou un journaliste préparait

9 un article qui ne correspondait pas aux positions du gouvernement de

10 l'époque, il n'était tout simplement pas publié. Si un journaliste

11 réitérait cette approche, il pouvait perdre son travail, mais ce n'était

12 pas vraiment monnaie courante à l'époque.

13 Q. De quelle façon cette influence de l'Etat sur les médias a-t-elle

14 influencé l'objectivité de la presse écrite, à l'époque, si on parle de la

15 véracité des propos ?

16 R. A l'époque, il existait une bonne école de journalistes à Belgrade, il

17 existait des critères pour publier quelque chose. Ce n'était pas vraiment

18 facile d'imposer des contrôles, et si on le faisait, il fallait le faire

19 avec beaucoup d'habileté pour que cela réussisse, parce cela ne pouvait pas

20 passer si c'était trop imposé, trop évident. Donc, il fallait quand même

21 qu'on aie une impression d'objectivité.

22 Cela étant dit, le contenu n'était pas toujours très objectif, et

23 cela dépendait grandement des journalistes et de leurs rédacteurs en chef.

24 Q. A l'époque, en 1991, par exemple, est-ce qu'il y a eu des rapports

25 concernant les atrocités commises par les forces serbes sur des civils

26 croates ? Est-ce ce genre d'information étaient publié dans la presse

27 écrite, justement par rapport à ce contrôle effectué par l'Etat ?

28 R. J'imagine que la possibilité était moins grande, la probabilité de

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1 publier des informations semblables. Si les crimes étaient commis par

2 l'autre côté, là, la probabilité était quand même plus importante.

3 Q. Donc, l'opinion publique était, de façon générale, influencée par les

4 journalistes et aussi par la politique de l'Etat, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Est-ce qu'à l'époque, vous pouviez lire la presse croate, en 1991 ou à

7 la fin de l'année 1991 ?

8 R. Oui.

9 Q. Dans la presse croate, est-ce qu'elle a publié des informations

10 concernant les atrocités commises par les soldats croates contre des civils

11 serbes à Vukovar ? Est-ce que vous avez pu apprendre ou lire de telles

12 informations ?

13 R. Je ne m'en souviens pas.

14 Q. Concernant l'opinion publique et surtout l'exactitude de ce que le

15 public savait ou pouvait savoir, est-ce que vous êtes en mesure de comparer

16 ce que les Croates à Zagreb savaient à ce que les gens à Belgrade savaient,

17 concernant les événements à Vukovar ?

18 R. Désolé, je ne vous ai pas compris. Pourriez-vous répéter votre

19 question, s'il vous plaît ?

20 Q. Savez-vous de quelle façon le public voyait les choses en Croatie, la

21 population à Zagreb, disons, par rapport à la façon dont on voyait les

22 choses à Belgrade, et tout ceci par rapport aux atrocités commises par les

23 Croates contre les Serbes ?

24 R. Je ne suis pas sûr, mais si mes souvenirs sont exacts, la République

25 croate n'était pas au courant des atrocités commises sur les Serbes à

26 Vukovar.

27 Q. Est-ce qu'on pourrait dire alors que la vérité concernant les

28 événements qui se sont produits à Vukovar, on pourrait la trouver moins

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1 dans la presse écrite qu'en écoutant un million de connaissances de

2 première main ?

3 R. Oui, on pourrait dire cela. Mais on n'avait très peu d'informations de

4 première main. L'opinion publique était obligée de faire confiance aux

5 médias.

6 Q. Au cours de votre contre-interrogatoire, vous avez parlé de ces

7 meurtres de 40 enfants dans un orphelinat. Qu'en savez-vous ? Où cela se

8 serait-il produit ?

9 R. Que je sache, ce sont les médias étrangers, Reuters, avant tout, qui

10 ont transmis cette information. C'est pour cela que cette information a été

11 prise relativement au sérieux. Il s'agissait d'une découverte sur le

12 territoire de Vukovar. Je ne me souviens pas des autres détails. Ensuite, à

13 plusieurs reprises, cette information a été soit démentie, soit confirmée,

14 ce qui fait qu'au jour d'aujourd'hui, je ne sais toujours pas si cela est

15 vrai ou non. Je sais qu'une journaliste italienne avait quelque chose à

16 voir là-dedans, mais c'est tout ce que je peux vous dire pour l'instant.

17 Q. Vous souvenez-vous d'un jeune journaliste serbe qui aurait raconté

18 cette histoire à la presse écrite et aux médias ?

19 R. Non, je ne me souviens pas de cela. C'est tout à fait possible, mais je

20 ne m'en souviens pas.

21 Q. Toujours est-il que cette information publiée dans le journal n'a

22 jamais été prouvée, n'est-ce pas, d'après ce que vous savez ?

23 R. D'après ce que je sais, on a contesté et démenti ces informations, mais

24 pas au-delà de tout soupçon.

25 Q. Par rapport aux déclarations préalables que vous avez lues à Belgrade

26 ou les dépositions que vous avez entendues concernant les personnes portées

27 disparues, les exécutions, et cetera, est-ce qu'il s'agissait des

28 informations venant avant tout des réfugiés serbes qui venaient de

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1 Vukovar ?

2 R. Oui. En général, il s'agissait des Serbes. Il y avait aussi d'autres

3 nationalités, des gens de d'autres nationalités, mais leur nombre était

4 bien moins important.

5 M. SMITH : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Smith.

7 M. SMITH : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai quelques point à

8 soulever. Il s'agit de plusieurs corrections au compte rendu d'audience des

9 jours précédents. Cela ne va prendre qu'une minute.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peut-être que pendant que le témoin

11 est là, ce serait une bonne chose.

12 M. SMITH : [interprétation] Monsieur le Président, cela n'a rien à voir

13 avec le témoin, c'est en ce qui concerne d'autres témoins.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Alors peut-être que nous devrions

15 renvoyer le témoin et le remercier pour sa participation.

16 Monsieur Kacarevic, vous serez heureux de savoir que votre interrogatoire

17 est terminé. La Chambre vous remercie de votre présence et de l'aide que

18 vous nous avez apportée. Vous êtes à présent libre de rentrer chez vous et

19 de retourner à votre travail. Je vous remercie. L'Huissier va vous

20 escorter.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

22 [Le témoin se retire]

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Smith.

24 M. SMITH : [interprétation] C'est M. Demirdjian qui va s'occuper de cette

25 affaire.

26 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci. Comme M. Smith l'a annoncé, nous

27 avons deux requêtes à présenter. Pour aider la Chambre et les parties, nous

28 avons des documents à distribuer. Peut-être que nous devrions attendre que

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1 l'Huissier revienne, de façon à ce qu'ils peuvent être distribués ou peut-

2 être que le Greffier pourrait nous aider ?

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, je crois que le greffier va

4 pouvoir vous aider.

5 M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Vous trouverez, dans ces documents qui

6 viennent d'être distribués -- peut-être que nous devrions passer en

7 audience à huis clos partiel concernant ces deux requêtes, puisqu'il s'agit

8 de témoins protégés.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel demandé.

10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

11 [Audience à huis clos partiel]

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13 Page 7376 expurgée. Audience à huis clos partiel.

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16 [Audience publique]

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Dans la mesure où nous savons qu'il

18 n'y a pas d'autres témoins qui soient disponibles pour le reste de la

19 journée, nous ajournons la session. Nous reprendrons lundi après-midi, à 14

20 heures 15.

21 --- L'audience est levée à 12 heures 30 et reprendra le lundi 10 avril

22 2006, à 14 heures 15.

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