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1 Le jeudi 22 juin 2006
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 31.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.
6 Monsieur Moore, vous avez la parole.
7 M. MOORE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Deux questions
8 préliminaires très brièvement.
9 Nous allons maintenant avoir le général de division Pringle. Quelques
10 précisions, s'il vous plaît, Madame et Messieurs les Juges, s'agissant des
11 experts. Dans mon système juridique, un conseil peut parler à des experts
12 pendant qu'il dépose. C'est peut-être ce qui se fait ici, mais je ne pense
13 pas que ce soit le cas. Je voudrais une précision pour les deux parties. Si
14 ces experts sont appelés à la barre, sont-ils habilités à parler à leur
15 conseil respectif pendant la déposition ?
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si je connais bien ce qui se fait dans
17 ce Tribunal et ailleurs, c'est bien comme vous l'avez compris, c'est qu'on
18 ne peut pas s'adresser à ces témoins pendant leur audition. S'il se passe
19 quelque chose d'inhabituel qui exigerait que vous parliez aux témoins, vous
20 devez en faire la demande.
21 M. MOORE : [interprétation] Fort bien.
22 Deuxième question. Elle s'applique au témoin 002, dernier témoin civil qui
23 a déposé. En dépit de beaucoup de recherches effectuées, nous n'avions
24 toujours pas trouvé un carnet de notes. Apparemment, hier soir, ce témoin a
25 contacté notre bureau et a dit qu'il avait retrouvé le document. Voici ce
26 que j'ai prévu. Ce carnet de notes va être amené à l'antenne qui se trouve
27 dans la ville où ce témoin habite. Ce document sera photocopié et
28 l'original sera envoyé ici à La Haye. Bien sûr, la Défense aura un
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1 exemplaire et la traduction en sera faite.
2 J'espère que ceci est parfait. Cependant, il y a une difficulté. La voici :
3 vous vous souvenez sûrement peut-être que nous avons eu M. Kypr qui lui
4 aussi avait un carnet de notes. Nous avons essayé de l'interpréter, et
5 parfois, des personnes ont des techniques particulières qui leur sont très
6 personnelles pour ce qui est des notes. Je pense que ce problème va se
7 reposer pour ce témoin-là. Je vais voir s'il est possible de faire une
8 traduction de ce qu'il a écrit dans la ville où il habite avec par le biais
9 d'un interprète habilité, mais de toute façon, je veillerai à ce que des
10 copies soient transmises à la Défense et à la Chambre. Voici le mode
11 opératoire que j'allais vous proposer pour ce qui est de ce témoin.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est très encourageant. En tout cas,
13 cela en a l'air. Je vous remercie.
14 M. MOORE : [interprétation] Merci beaucoup. Peut-on faire venir à la barre
15 le général de division Pringle.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
17 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ayez l'obligeance, Monsieur, de
21 prononcer la déclaration solennelle qui vous est remise.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
23 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
24 LE TÉMOIN: ANDREW PRINGLE [Assermenté]
25 [Le témoin répond par l'interprète]
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup. Veuillez vous asseoir.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, vous avez la parole.
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1 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
2 M. MOORE : [interprétation] Avant de commencer, je précise que le rapport a
3 été photocopié à l'attention des Juges de la Chambre. Il y a une légère
4 modification. La Défense a pris connaissance de cette modification. Ces
5 copies sur support papier peuvent être maintenant transmises. J'apprends
6 qu'on est en train de les amener. Elles seront dans le prétoire dans un
7 instant. Si vous me le permettez, je vais parler des questions liminaires
8 concernant ce témoin.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais est-ce qu'on n'a pas déjà ces
10 exemplaires du rapport ?
11 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
12 M. MOORE : [interprétation] Vous vous souvenez peut-être qu'une objection
13 avait été soulevée au fait de mentionner l'un ou l'autre témoin. Voici ce
14 que nous avons fait, et d'après de ce que j'ai reçu comme information,
15 c'est que les copies que vous avez, ce sont les originaux. Nous allons
16 maintenant avoir une version modifiée où il y aura certaines parties en
17 couleur. Puis-je vous aider --
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Fort bien, poursuivez. Je ne
19 l'avais pas ouvert et je pensais que ce document, c'était la copie
20 modifiée.
21 M. MOORE : [interprétation] Mais c'est bien possible que ce le soit. Est-ce
22 qu'effectivement les parties ont été plus efficaces que ce n'est parfois le
23 cas ? Si vous prenez la page 13, on parle du témoin qui régnait au sein du
24 commandement.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'ai du mal à trouver une page 13.
26 M. MOORE : [interprétation] Oui. C'est en bas à droite.
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il y a une page qui n'est pas
28 numérotée. Oui, je vois, maintenant.
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1 M. MOORE : [interprétation] Si vous regardez la note en bas de page, vous
2 verrez, s'agissant de la note 56, qu'on fait référence à un certain Topola,
3 nom qui se trouve dans d'autres déclarations préalables.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.
5 M. MOORE : [interprétation] Qui aurait brutalisé des prisonniers de guerre.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.
7 M. MOORE : [interprétation] Est-ce que c'est souligné en rouge ?
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pas encore.
9 M. MOORE : [interprétation] C'est bien ce que je pensais.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien.
11 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie. Permettez-moi d'aborder le
12 curriculum vitae du général de division Pringle.
13 Interrogatoire principal par M. Moore :
14 Q. [interprétation] Veuillez décliner votre identité.
15 R. Andrew Robert Douglas Pringle.
16 Q. Vous avez eu la chance de servir dans l'armée britannique ?
17 R. Oui.
18 Q. Aujourd'hui, vous êtes général de division à la retraite. Vous avez
19 servi 37 ans dans l'armée ?
20 R. Exact.
21 Q. Aujourd'hui, vous travaillez comme consultant en matière de défense, ce
22 qui est un portefeuille assez vaste d'activités. Par exemple, à deux
23 reprises, vous avez contribué à des études sur le commandement et le
24 contrôle de l'OTAN.
25 R. Exact.
26 Q. Prenons votre parcours professionnel. Est-ce que vous êtes allé à
27 Sandhurst, à l'Académie royale militaire, en tant que cadet en 1964 ? Vous
28 avez terminé vos études à Sandhurst après deux ans et vous avez été engagé
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1 dans ce qu'on appelle les Vestes vertes royales, un des régiments
2 d'infanterie les plus célèbres, un des principaux; est-ce exact ?
3 R. C'est gentil de le dire de cette façon-là, Monsieur Moore.
4 Q. Est-ce que vous avez été chef de section à Chypre ?
5 R. Oui.
6 Q. A Chypre, vu le travail que vous avez dû effectuer, il y avait
7 énormément de tensions à l'époque entre les groupes ou deux nations
8 ethniques, donc d'appartenance ethnique et grecque, ce qui en soit était
9 déjà un foyer de tensions ?
10 R. Exact.
11 Q. Puis, vous avez fréquenté le Collège militaire royal à Shrivenham pour
12 faire des études de trois ans en science appliquée, et vous avez rejoint
13 votre bataillon d'infanterie en 1971 ?
14 R. Exact.
15 Q. A ce moment-là, vous avez commencé plusieurs séjours, notamment en
16 Irlande du Nord, au moment où les turbulences étaient à leur paroxysme, où
17 il y avait un litige entre l'IRA et les paramilitaires loyalistes. Cette
18 mission a duré en 1971. Elle s'est poursuivie en 1972 et en 1973, puis en
19 1978, en 1979, en 1980, en 1981 et en 1983 ?
20 R. C'est exact, mais je dirais que c'est plutôt une campagne
21 antiterroriste davantage qu'un litige ou un contentieux.
22 Q. J'essaie d'être le plus neutre possible.
23 Voyons maintenant ce que vous avez fait en Irlande du Nord. Vous avez été
24 nommé chef de section, puis vous êtes devenu adjudant, adjoint commandant,
25 adjoint de compagnie, commandant de compagnie, officier opérationnel à
26 l'état-major au QG en Irlande du Nord ?
27 R. Exact.
28 Q. Puis, vous avez été à ce collège pour l'état-major en 1975, et vous
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1 avez été choisi par la suite pour suivre un cours prestigieux au collège de
2 l'état-major à Sandhurst, de 1976 à 1977, pour le commandement et l'état-
3 major ?
4 R. Oui, à Camberley.
5 Q. Apparemment, il n'y a que 30 % des officiers qui étaient sélectionnés
6 pour ce cours et c'était à la suite d'un concours. Manifestement, il
7 fallait aussi que ces candidats aient reçu des très bonnes notes pour ce
8 qui est de leurs rapports annuels. Vous êtes retourné à ce collège en tant
9 que membre de l'état-major de direction, du comité de direction entre 1983
10 et 1985 ?
11 R. Exact.
12 Q. Puis, pour ce qui est de ce collège de l'état-major de l'armée, vous
13 avez fait ce cours d'un an à Shrivenham, parce que je pense que vous aviez
14 à ce moment-là un diplôme avec honneur en science appliquée ?
15 R. Oui.
16 Q. L'année suivante, vous vous êtes intéressé aux responsabilités du
17 commandement et de l'état-major, de la tactique jusqu'au niveau de la
18 division. Mais ce cours, on pourrait le décrire comme étant très vaste dans
19 son cursus dans les matières étudiées. Il y avait notamment la question du
20 commandement avec des présentations, des communications de personnes qui
21 venaient directement du terrain et qui étaient eux-mêmes des experts ?
22 R. Exact.
23 Q. Parlons encore de votre passage au collège d'état-major. Il est exact
24 de dire qu'il y avait des exercices pratiques qui incluaient diverses
25 facettes d'observations militaires ou plutôt d'opérations militaires, à
26 l'époque ?
27 R. Exact.
28 Q. Puis, vous êtes retourné commander votre bataillon d'infanterie, le 3e
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1 des Vestes vertes, 1985 à 1988, en Allemagne et au Royaume-Uni. C'est ce
2 qui a fait que vous avez eu ce qu'on pourrait appeler un contact rapproché
3 avec l'armée allemande. Par la suite, vous avez étudié la question de la
4 doctrine et des procédures opérationnelles. Vous avez fait une mission en
5 tant que colonel au nom du ministère de la Défense, dans le service
6 opérationnel au niveau stratégique. Vous étiez responsable de la politique
7 générale de l'état-major qui était de portée mondiale.
8 R. Oui.
9 Q. Après quoi vous êtes allé au Collège royal des études de défense,
10 autrement dit de la guerre, pendant un an. Je ne vais pas aborder ceci de
11 façon détaillée, mais il serait exact que la moitié des membres du collège
12 de la guerre étaient britannique, venaient de l'armée, de la police,
13 d'autres services du gouvernement. L'autre moitié venait des quatre coins
14 du monde et c'étaient surtout des militaires ?
15 R. Exact.
16 Q. J'avance dans le temps. Je pense être en droit de dire que vous avez ce
17 qu'on peut appeler une mission au cabinet entre 1992 et 1994. Puis, vous
18 avez été chef d'un service d'évaluation. Vous travailliez pour le comité du
19 renseignement conjoint en 1994. Vous êtes allé en Allemagne où vous avez
20 pris le commandement de la 20e Brigade blindée. Après quoi, vous avez été
21 déployé avec votre QG et plusieurs unités en Bosnie-Herzégovine en 1995.
22 Vous étiez commandant du secteur sud-ouest et vous étiez cantonné à Gornji
23 Vakuf; ceci pour le secteur UN.
24 R. Oui.
25 Q. Pour ce qui est de cette mission opérationnelle, malheureusement, elle
26 coïncidait avec ce qu'on peut appeler la désintégration totale du cessez-
27 le-feu. A partir d'avril 1995, vous décrivez le conflit opposant divers
28 groupes ethniques et l'intensité extrême de ceci jusqu'à la fin, grâce à
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1 l'accord de Dayton ?
2 R. Oui.
3 Q. Serait-on en droit de dire que vous avez dit que cette mission était
4 une leçon donnée à un commandant lorsqu'il doit opérer dans un pétrin
5 stratégique et dans l'absence totale de clarté ?
6 R. Oui.
7 Q. Qu'est-ce que vous vouliez dire en employant ces termes ?
8 R. Nous opérions dans un climat où il n'y avait pas d'objectifs nets. La
9 guerre faisait rage autour de nous, nous qui étions les Nations Unies avec
10 des règles très limitées en matière d'engagement. Nous recevions des
11 instructions tant des Nations Unies que des instances nationales. Il y
12 avait un état international de désaccord quant à ce qu'il fallait ou ne
13 fallait pas faire. Les commandants sur le terrain avaient pour meilleure
14 instruction de faire ce qu'ils pensaient être la bonne chose.
15 Q. Est-ce vrai de dire que vous avez été de 1996 à 1997 dirigeant de la
16 guerre terrestre, vous avez été responsable de la doctrine et des concepts
17 de l'armée, puis vous êtes revenu en Bosnie-Herzégovine en tant que
18 commandant de l'OTAN, division multinationale dans le sud-ouest, vous étiez
19 basé à Banja Luka de 1997 à 1998 ? C'est ici que vous avez dit de vous-même
20 que vous avez eu beaucoup de contacts de haut niveau avec les autorités de
21 la police et les autorités militaires des Serbes de Bosnie; et beaucoup de
22 contacts avec des agences humanitaires internationales. Votre dernier poste
23 ce fut celui de chef d'état-major, directeur des opérations au QG conjoint
24 permanent de Northwood au Royaume-Uni, dans le rapport, je pense qu'il y a
25 une coquille parce qu'on dit 1998 à 2001. C'est d'ici que le Royaume-Uni
26 déterminait l'envoi, le déploiement et le maintien de forces dans beaucoup
27 d'endroits du monde, et c'est là que vous avez eu des contacts avec des
28 commandants occupant des fonctions de poste avancé dans divers théâtres
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1 d'opérations ?
2 R. Oui.
3 Q. Comme je l'ai déjà dit, vous êtes parti à la retraite en 2001 ?
4 R. Oui.
5 Q. Peut-on dire dès lors en conclusion que vous avez commandé des
6 effectifs et que vous avez participé à la chaîne de commandement dans
7 d'autres pays autre que le Royaume-Uni, vous aviez notamment des forces
8 venant d'Espagne, de la Turquie, des Pays-Bas, du Canada, des U.S.A., de la
9 République Tchèque, de la Nouvelle-Zélande, de la Malaisie, et que vous
10 avez coopéré très étroitement avec des effectifs et des états-majors
11 d'Australie, d'Allemagne, de France et de Finlande notamment ?
12 R. Oui. Je n'ajouterais que ceci, c'est que j'ai eu le bonheur de
13 commander à tous les échelons de celui de section à celui de division.
14 Q. Merci beaucoup.
15 M. MOORE : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi un instant.
16 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
17 M. MOORE : [interprétation] J'aimerais vous transmettre ces rapports. Ceux-
18 ci sont à l'intention des Juges de la Chambre.
19 Je souhaiterais aborder quelques questions. Si vous prenez une fois
20 de plus la page 13, j'espère que sous peu je pourrai vous donner des photos
21 en couleur. Celles-ci ne le sont pas, vous saurez pourquoi dans un instant.
22 On a les parties soulignées, mais si c'est en couleur ce sera plus facile.
23 Nous aimerions aussi intégrer les pièces déjà versées au dossier, les
24 cotes.
25 Mais prenez, par exemple, la page 13, note de bas de page 56 dont je
26 vous ai déjà parlé. J'espère que désormais il y a une partie qui est
27 soulignée là où on dit que : "Topola figure dans d'autres déclarations
28 préalables comme ayant brutalisé des prisonniers de guerre." J'espère que
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1 quand l'impression sera finie, vous aurez ce qui est souligné en rouge et
2 ceci indiquera que nous ne voulons pas nous appuyer sur ces parties-là.
3 Prenez par exemple aussi la page 29 --
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le Juge Thelin lui a de la chance il a
5 les choses en couleur.
6 M. MOORE : [interprétation] Il a beaucoup de chance ce matin.
7 M. LE JUGE THELIN : [interprétation] Jusqu'à maintenant.
8 M. MOORE : [interprétation] Enfin, jusqu'à maintenant. Toutefois, nous
9 allons essayer de veiller à ce que tous les Juges disposent des parties
10 surlignées ou soulignées en rouge.
11 Je voulais prendre la page 29, notamment la note de bas de page 124.
12 Là, nous avons : "Un exemple le témoin P-020," [comme interprété] il ne
13 sera pas cité. Ce qui veut dire que nous n'allons pas nous appuyer sur ses
14 dires.
15 Cependant, ce sera en bleu dans le document du Juge Thelin, vous
16 aurez le Témoin P-022, une référence, on a 4599 [comme interprété] et 4960.
17 Ce sont les références du compte rendu d'audience. Nous avons essayé de
18 retirer du dossier les parties qui sont comparables aux déclarations d'un
19 témoin. C'est de cette façon que ceci est structuré.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avant que vous ne tourniez la page, je
21 voudrais mentionner quelque chose qui se trouve au paragraphe 84. Là, on
22 trouve quelque chose qui est souligné.
23 M. MOORE : [interprétation] Oui.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que cela veut dire qu'on ne va
25 pas s'appuyer sur cette partie-là ?
26 M. MOORE : [interprétation] Oui. Prenez, par exemple, la note de bas de
27 page 126, c'est tout en bas. Vous le verrez, Monsieur le Juge Thelin en
28 rouge une mention faisant référence à Tesic, un commandant de l'armée. Nous
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1 ne voulons pas nous appuyer sur ceci. Ceci sera remplacé par le Témoin P-
2 030 avec la page du compte rendu d'audience. Juste en dessous, vous avez la
3 note 127 qui dit idem, là c'est une référence à Tesic. C'est quelque chose
4 qui avait été déclaré au départ par Tesic, mais ceci désormais sera
5 remplacé par la note de bas de page 126.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.
7 M. MOORE : [interprétation] J'espère que ceci est désormais tiré au clair.
8 Ceci étant, je voudrais aussi transmettre à la Chambre deux
9 classeurs. Il s'agit de documents --
10 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
11 M. MOORE : [interprétation] J'espère que vous les avez déjà obtenus.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous parlez de deux classeurs noirs
13 assez volumineux.
14 M. MOORE : [interprétation] Oui, c'est ce que j'appelle des jeux de
15 documents. Je voudrais vous donner une explication à leur encontre.
16 Vous verrez qu'on y fait référence à une note de bas de page 1, et
17 ainsi de suite, ceci est à mettre en rapport avec chacune des notes en bas
18 de page se trouvant dans le rapport du témoin. Je m'en suis tenu aux notes
19 de bas de page. Parce que beaucoup de ces documents sont désormais devenus
20 des pièces du dossier. Pour être complet, je pense qu'il est préférable de
21 faire référence à des notes, parce que cela se trouve de façon précise dans
22 le rapport. Par la suite, vous recevrez, Madame et Messieurs les Juges, un
23 nouveau rapport modifié du général où les notes de bas de page seront
24 remplacées par des pièces. Ce qui veut dire que, lorsque vous voudrez
25 examiner le rapport, vous aurez non seulement les notes de bas de page,
26 mais les pièces qui sont déjà versées au dossier. Voilà la procédure que
27 nous avons retenue.
28 Pour vous aider, une fois de plus, parce que ce n'est pas aussi
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1 simple que ceci n'en a l'apparence, lorsqu'il est fait référence à une
2 pièce dans une note de bas de page, par exemple, prenons la note 6. C'est
3 le plus gros classeur. Prenons la note 6, vous verrez qu'il n'y a rien.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela me fait plaisir.
5 M. MOORE : [interprétation] Ce n'est pas une omission, c'est quelque chose
6 qui a été fait consciemment, délibérément. A la page 6, on va au document à
7 l'origine de ce document-ci qui se trouve lui à la note 2. Donc si vous
8 voyez qu'il y a un document qui manque à un des onglets, j'espère que vous
9 verrez qu'on fait une référence expresse à la note de bas de page 2.
10 Il arrive qu'on trouve une référence qui fait trois ou quatre bonds
11 en arrière, mais cela c'est un peu inévitable vu la façon dont le rapport a
12 été rédigé, et c'est loin d'être une critique. J'espère que tout est clair,
13 désormais.
14 Prenons les premiers sujets, s'il vous plaît.
15 Q. Général, est-ce que vous avez votre rapport sous les yeux ? Est-
16 ce que vous avez les documents se trouvant dans les deux classeurs ?
17 R. Oui. Merci, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges.
18 Q. Merci. Prenons le premier sujet. Il est très simple. Y a-t-il un
19 document où vous avez trouvé apparemment une définition de ce que signifie
20 le mot "commandement" ?
21 M. MOORE : [interprétation] Je vais demander aux membres de la Chambre de
22 regarder la note de bas de page numéro 1.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y en a une. Le commandement se réfère
24 à l'autorité qui est accordée à une personne, ou dont a été investie une
25 personne pour la direction, la coordination et le contrôle des forces
26 militaires. Ceci a un statut légal et constitutionnel --
27 M. MOORE : [interprétation] Juste avant que nous ne poursuivions, je
28 voudrais être bien sûr que tout le monde a la bonne page. Malheureusement,
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1 les choses progressent assez lentement.
2 Note de bas de page numéro 1, ceci a trait à la loi ou au droit
3 relatif à la défense de la population, et je voudrais vous demander de
4 regarder, s'il vous plaît, l'article 112 et le greffe a un index pour les
5 aider à présenter le document par le logiciel
6 e-court. Je vous remercie.
7 Q. Général, pourriez-vous regarder ou nous lire ce qui est dit pour
8 l'article 112, ceci se référant à la note de bas de page numéro 1 de votre
9 rapport ?
10 R. Oui. Ceci représente la base légale et constitutionnelle, et l'article
11 112 montre quel est le droit pour la défense et dit : "Le commandement dans
12 les forces armées sera fondé sur les principes de l'unité de commandement
13 en ce qui concerne l'emploi des forces et des ressources, l'unité de
14 l'autorité et l'obligation d'exécuter les décisions, les commandements et
15 les ordres d'un officier supérieur."
16 Q. Pour autant que vous le sachiez, est-ce que ceci est comparable au
17 "commandement" dans ce que j'appellerais les armées occidentales ou les
18 forces de l'OTAN, telles que vous les connaissez ?
19 R. Oui.
20 Q. Merci. Pourrions-nous maintenant passer à la note de bas de page numéro
21 2, le document suivant, parce que je voudrais vous demander : si vous êtes
22 au courant - effectivement, je pense qu'il vient juste de le dire qu'il n'y
23 a aucune contestation à ce sujet - vous avez consulté le document du
24 commandement et du contrôle de ce secrétariat national de la Défense; c'est
25 bien cela ?
26 R. Oui.
27 Q. Nous avons ensuite la pièce à conviction numéro 394. Pourrions-nous
28 aller à la partie 5 ?
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1 M. MOORE : [interprétation] Je dois dire page 27 de la copie papier.
2 J'espère que tout le monde l'a retrouvé maintenant.
3 Q. Vous devriez avoir devant vous : "Les principes de commandement et de
4 contrôle de la direction." Est-ce bien le cas ?
5 R. C'est exact.
6 Q. Pourrions-nous parler maintenant de la partie 5, comme je l'ai dit, il
7 est question de l'autorité unique, et nous passons à la page 28. Je
8 voudrais plus précisément me référer à ceci. A la page 28, à la fin de la
9 note de bas de page numéro 2. Quels sont les principes qui s'appliquent,
10 s'il vous plaît, en ce qui concerne l'autorité unique ?
11 R. Cette doctrine énonce que : "Le principe de l'autorité unique pour le
12 commandement et la direction implique qu'il y a un droit inaliénable pour
13 un commandant de commander et de diriger un commandement et une unité
14 subordonnée, conformément aux pouvoirs qui dérivent de la compétence qui a
15 été attribuée à un niveau spécifique de commandement et de direction de
16 contrôle. Ce principe garantit que dans le processus de commandement et de
17 contrôle, il n'y aura qu'un seul supérieur qui donne les ordres et auquel
18 tous les autres rendent compte de l'exécution de leurs tâches."
19 Voulez-vous que je poursuive ?
20 Q. Oui, s'il vous plaît.
21 L'INTERPRÈTE : Veuillez, s'il vous plaît, ralentir pour la traduction,
22 merci.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Le texte se poursuit : "L'autorité du
24 commandant est précisée par les règlements. Il a le droit de prendre des
25 décisions pour lesquelles il est, par conséquent, le seul responsable. Dans
26 ses tâches, un commandant se fonde sur ses aides, son état-major et les
27 autres organes de commandement. Les droits et obligations de ces organes
28 sont précisés par des règlements et ils sont responsables dans le domaine
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1 de leur activité. Un commandant peut déléguer une partie de ses devoirs et
2 obligations au chef de l'état-major, à ses assistants, aux organes de
3 l'état-major et à des commandants subordonnés, mais il ne peut pas déléguer
4 la responsabilité de la situation de l'unité et de son emploi."
5 Q. Pourrais-je, s'il vous plaît, parler de cette dernière phrase, à savoir
6 : "Il ne peut pas déléguer l'autorité concernant la situation de l'unité de
7 son emploi." Qu'est-ce que ceci veut dire exactement dans le langage
8 commun ?
9 R. Ceci veut dire que le commandant est en définitive responsable de tout
10 ce qui se passe au sein de son commandement et des actes et actions de ceux
11 qui sont sous ses ordres.
12 Q. Pourrions-nous parler, s'il vous plaît, de la question de
13 subordination ? C'est à la page suivante, sous-titre à la page 28, et je
14 voudrais que ce dont on parle -- c'est en anglais à la page 29, quatre
15 lignes à commencer au début de la page : "Subordination au sein de."
16 Auriez-vous la bonté d'en donner lecture, s'il vous plaît ? Je vous poserai
17 quelques questions.
18 R. Le texte est le suivant : "La subordination au sein d'une organisation
19 militaire met en place une chaîne de commandement du haut en bas, depuis la
20 présidence de la RSFY jusqu'à la section à la base de la chaîne de
21 commandement. Ce sont les devoirs, les droits et les responsabilités des
22 supérieurs de prendre des décisions et de confier des tâches, tandis que
23 les subordonnés ont le devoir, le droit et la responsabilité de les
24 exécuter de façon exacte et dans les temps."
25 Q. Je voudrais que nous parlions maintenant de la question de la
26 subordination, ici. Nous avons ce commandant qui a la responsabilité, en
27 définitive, la responsabilité essentielle. Dans quelle mesure doit-il être
28 informé des tâches qu'il a confiées à un subordonné ?
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1 R. Il doit être pleinement informé, parce qu'il doit pouvoir rendre
2 compte. Il est responsable, il a donc besoin de renseignements, il a besoin
3 que les renseignements puissent monter et descendre le long de la chaîne de
4 commandement de façon à ce qu'il ait une connaissance complète, si vous
5 voulez, de la situation et de tout ce qui se passe au sein de son
6 commandement.
7 Q. Ceci veut-il dire que le subordonné n'a aucune responsabilité une fois
8 qu'une tâche lui a été confiée ?
9 R. Absolument pas. Un subordonné a une responsabilité absolue pour ce qui
10 est d'exécuter l'ordre qui lui a été donné, de la façon qui lui a été
11 décrite par son commandant.
12 Q. Je voudrais maintenant me référer à votre rapport. Je vous remercie. Je
13 voudrais me référer à votre rapport au paragraphe 16. C'est sous le sous-
14 titre du commandement et du contrôle. Dans la version anglaise, la phrase
15 commence à partir de la responsabilité ou l'obligation de rendre compte
16 dans le domaine qui concerne "la responsabilité et l'obligation de rendre
17 compte à un supérieur."
18 Vous faites ici très clairement référence au contrôle et au fait de devoir
19 rendre compte. Que voulez-vous dire par cela ?
20 R. Le devoir de rendre compte et d'être responsable, comme je l'ai dit
21 dans mon rapport, implique une responsabilité et une obligation de
22 répondre, de rendre compte à un supérieur de l'utilisation correcte de la
23 responsabilité déléguée de l'autorité et des ressources. A tous les niveaux
24 d'un commandement, d'une chaîne de commandement, ceux qui reçoivent des
25 ordres doivent rendre compte à leur supérieur, à l'officier supérieur, de
26 la manière dont leurs ordres ont été exécutés.
27 Le contrôle -- vous voulez que je poursuive ?
28 Q. Oui.
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1 R. Le contrôle est le processus par lequel un commandant est aidé par son
2 état-major pour organiser, diriger et coordonner les activités que les
3 forces qui se trouvent sous son commandement sont en train d'exécuter. Le
4 commandement et le contrôle ou cette direction sont ainsi liés de façon
5 inextricable.
6 Q. Je vous remercie beaucoup. Je voudrais maintenant passer à autre chose.
7 Vous avez eu la possibilité de lire le rapport du général de division Zorc
8 daté du 1er février 2004. On peut lire à ce sujet la note de bas de page
9 numéro 4, ceci pour le bénéfice des membres de la Chambre, et je vais m'y
10 référer dans un moment. Il y a là une référence au commandement et au
11 contrôle et d'autres questions qui ont trait à la JNA.
12 La question que je vais vous poser est la suivante : est-ce que vous
13 pourriez faire des observations ou des commentaires en tant que
14 professionnel, en votre qualité de professionnel, des analogies ou
15 similarités entre le commandement et le contrôle, le système de
16 commandement et de contrôle en ce qui concerne la JNA et d'autres armées
17 d'Etat développées que vous connaissez ?
18 R. Oui. Dans son rapport, le général de division Zorc indique que le
19 système de commandement et de contrôle dans les forces armées de l'ex-
20 Yougoslavie était très semblable au système d'autres armées européennes tel
21 qu'il s'est développé avec le temps dans ce qu'il a appelé la tradition
22 militaire continentale.
23 Maintenant, je suis d'accord avec cela. J'ai lu de nombreux extraits et des
24 tomes de volumes de la doctrine de la JNA, et j'ai été très impressionné
25 par son caractère très complet, très fouillé, et par les analogies pour ce
26 qui est de la doctrine qui a été celle dans laquelle j'ai été formé, et
27 également de la conscience, la connaissance des doctrines des autres
28 armées. Il y a référence à l'armée allemande lorsque vous regardez dans mon
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1 curriculum vitae, et il y a une analogie et une similarité absolue entre la
2 doctrine qui est exposée par la JNA et celle que le général de division
3 Zorc décrit comme étant celle des armées européennes.
4 Q. Je vous remercie beaucoup. Pour aider les membres de la Chambre, je
5 voudrais maintenant que nous parlions de la note de bas de page numéro 4.
6 Tout en haut à droite à la page 3, il est question, dans les quatre
7 premières lignes, des analogies ou des similarités par rapport aux armées
8 européennes.
9 Là encore, je voudrais, pour aider les membres de la Chambre, vous
10 demander, Général, de passer à la page 6 du rapport Zorc. Je vais me
11 référer à la page 6, puis un peu plus tard, à la page 10.
12 A la page 6, il y a un sous-titre : "Formation d'un groupe
13 opérationnel/GO et son niveau de commandement et de contrôle." Quand on
14 regarde ce qui est un groupe opérationnel et sa formation, voyez-vous des
15 analogies ou des similarités par rapport à un groupe opérationnel ou une
16 formation de groupe opérationnel et ses fonctions ?
17 R. Excusez-moi, Monsieur Moore, mais je n'ai pas très bien compris votre
18 question.
19 Q. Vous avez une référence qui est faite à "c) Formation d'un groupe
20 opérationnel."
21 R. Oui.
22 Q. Et son niveau de commandement et de contrôle ?
23 R. Oui.
24 Q. Un groupe opérationnel, si nous suggérons qu'il est créé sur une base
25 ad hoc ?
26 R. Oui.
27 Q. La question que je veux poser : quand il y a quelque chose comme la
28 création d'un groupe opérationnel sur une base ad hoc, quelle est sa
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1 fonction ?
2 R. Un groupe opérationnel sera formé à partir de plusieurs formations
3 différentes qui sont mises ensemble de façon temporaire sous un
4 commandement ou un commandant unique pour une opération précise,
5 normalement pour une période définie, de sorte que sa composition sera
6 conforme à la tâche et aux dimensions de la zone de responsabilité qui lui
7 ont été attribuées.
8 Q. Comment pourra-t-on traiter du commandement et du contrôle en ce qui
9 concerne une situation ad hoc telle qu'un groupe opérationnel ?
10 R. Le côté ad hoc pose des problèmes supplémentaires pour le commandant du
11 groupe opérationnel. Il est bel et bon de commander votre propre formation
12 que vous avez formée, entraînée, avec laquelle vous avez vécu au quotidien,
13 et vous connaissez toutes les personnes. Lorsque vous commencez à ajouter à
14 cette formation d'autres formations différentes, vous n'avez peut-être pas
15 l'expérience antérieure. Vous n'avez peut-être pas été formé à cela. Peut-
16 être que vous ne connaissez pas, lorsque vous mêlez ceci avec le fait qu'il
17 y ait un mélange de forces régulières, de forces territoriales, de forces
18 de volontaires. Le commandant a un problème, et il faut qu'il en soit
19 conscient. Donc, nous aurons à traiter de ceci sous son commandement,
20 conformément au niveau de qualité professionnelle, d'expertise et de
21 connaissances. En particulier, il faudra qu'il fasse particulièrement
22 attention aux éléments moins bien formés ou moins bien entraînés que je
23 définirais ici comme étant les éléments territoriaux ou l'élément
24 territorial, éléments volontaires dont il ne peut pas s'attendre qu'ils
25 agissent de la même manière que ses propres forces régulières bien
26 entraînées.
27 Q. Je vous remercie. Je souhaiterais que nous passions maintenant à la
28 page 9, tout en haut à droite. Là encore, il s'agit du rapport de Zorc, et
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1 je voudrais regarder le point g). Je voudrais que l'on en traite
2 brièvement. Donc, il s'agirait en principe des titres : "Conditions pour la
3 surveillance de la situation au niveau plus élevé et moins élevé du
4 commandement et du contrôle. Surveillance des conditions et de la situation
5 aux niveaux les plus élevés et aux niveaux inférieurs pour le commandement
6 et le contrôle."
7 R. Oui, je l'ai.
8 Q. Excusez-moi un instant, Général, je voudrais juste vérifier que les
9 documents sont bien là, en couleur. Je vous remercie.
10 Vous avez dans une large mesure traité de la question, mais en ce qui
11 concerne les règlements eux-mêmes, est-il juste de dire qu'il y a des
12 catégories qui précisent la situation des conditions de surveillance aux
13 niveaux les plus élevés et les moins élevés du commandement et contrôle ?
14 Je voudrais que nous parlions du deuxième paragraphe, qui commence par
15 "dans les combats immédiats, tous les commandants." Pourriez-vous le lire,
16 s'il vous plaît ? A ce moment-là, nous en traiterons de la teneur.
17 R. Oui. Le rapport du général de division Zorc dit ceci : "Dans les
18 combats immédiats, tous les commandants doivent être informés de la
19 situation deux niveaux au-dessus, premier niveau de façon détaillée et
20 deuxième niveau au-dessus, approximativement, et deux niveaux inférieurs.
21 Un commandant de corps fait ensuite un plan des activités de combat en
22 tenant compte de la décision faite par le commandant, en respectant la
23 décision prise par le commandant du premier niveau subordonné - au niveau
24 bataillon - pour ce qui est de l'engagement de leurs unités."
25 Q. Quelle est l'importance de la doctrine, le fait d'avoir deux niveaux
26 au-dessus et deux niveaux en dessous ?
27 R. Deux niveaux au-dessus et deux niveaux en dessous, ceci est bien connu
28 dans les armées européennes ou certainement les armées de l'OTAN. Il est
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1 intéressant de voir que le général de division Zorc dit la même chose et
2 que la même chose s'applique à la JNA.
3 Mais si on réfléchit à cette question de deux niveaux au-dessus et
4 deux niveaux en dessous, un commandant à n'importe quel niveau est en
5 mesure d'interpréter ses ordres dans le contexte de deux niveaux supérieurs
6 avec un tableau beaucoup plus vaste, et par conséquent, il comprend
7 pourquoi il reçoit tel ordre de faire ceci ou cela, ce qui lui a été
8 ordonné de faire. Un commandant qui réfléchit à deux niveaux vers le bas
9 s'assure que le commandant donné a une connaissance voulue lorsqu'il
10 attribue les tâches aux ressources nécessaires pour effectuer ces tâches.
11 Q. Je vous remercie. Auriez-vous la bonté, s'il vous plaît, de passer
12 maintenant à la page 10, en haut à droite ? C'est le i). Le titre dit :
13 "Qu'est-ce qu'un officier commandant doit faire pour s'assurer que ses
14 ordres soient exécutés." Avez-vous ce passage ?
15 R. Oui.
16 Q. Le mot sur lequel je voudrais m'arrêter, c'est le mot "s'assurer" ou
17 "garantir". Qu'est-ce qu'un officier commandant doit faire pour s'assurer
18 que -- ce que je souhaiterais, en fait, je me fonde sur l'ensemble du
19 document, mais je voudrais que l'on se fonde sur six lignes un peu plus
20 bas, la phrase qui commence par : "L'officier commandant en personne."
21 Avez-vous ceci ?
22 R. Oui.
23 Q. Auriez-vous la bonté de lire cette phrase dont on va parler ?
24 R. La phrase est la suivante : "L'officier commandant en personne ou son
25 état-major de commandement doit surveiller l'exécution de ses ordres et
26 prêter son aide lorsque c'est nécessaire (cette activité est appelée
27 'contrôle et aide')."
28 Q. Enfin, pour lire une autre partie, si on regarde l'avant-dernier
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1 paragraphe, le paragraphe qui se trouve à trois lignes du bas, ce
2 paragraphe commençant par : "Dans les cas où des officiers sous leur
3 commandement." Voyez-vous cela ?
4 R. Oui.
5 Q. Pourriez-vous en donner lecture, s'il vous plaît ?
6 R. Oui. Avant de faire cela, je voudrais ajouter la phrase que j'ai omise
7 pour le compte rendu, mais je considère qu'elle est tout à fait pertinente.
8 Après "cette activité est appelée contrôle et aide," le texte se poursuit
9 en disant : "Pour les ordres de la plus haute importance, l'officier
10 commandant doit y participer lui-même, en personne."
11 Passons maintenant au compte rendu. La deuxième phrase, c'est : "Dans le
12 cas où les officiers sous leur commandement ne sont pas suffisamment
13 expérimentés ou s'il s'agit d'unités de réserve insuffisamment entraînées
14 pour cette tâche, les officiers commandant ont tendance à participer
15 personnellement au contrôle et pour ce qui est d'aider ces officiers qui se
16 trouvent sous leur commandement."
17 Q. La question que je vais poser, bien qu'en fait vous ayez pratiquement
18 répondu en grande partie, c'est : pourquoi est-il nécessaire qu'un officier
19 commandant participe personnellement à des questions, pour reprendre les
20 termes, "de la plus haute importance" ?
21 R. Parce que, comme nous l'avons déjà dit, l'officier qui commande,
22 l'officier chargé du commandement, est responsable de tout ce qui se passe
23 au sein de son commandement et doit rendre compte de tout ce qui se passe
24 au sein de son commandement. Par conséquent, si certains éléments de son
25 commandement sont moins bien entraînés que d'autres, il a une
26 responsabilité pour ce qui est de s'assurer néanmoins qu'ils ont bien
27 compris ses ordres, qu'ils voient comment ils sont exécutés, et qu'il
28 puisse surveiller et voir qu'ils sont bien exécutés de la manière dont il
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1 le voulait, et si ce n'est pas le cas, de prendre les mesures nécessaires.
2 Q. Je vous remercie.
3 M. MOORE : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais demander le
4 versement de ce document au dossier, le rapport Zorc, en tant que pièce à
5 conviction. C'est le numéro 961 de la liste 65 ter, mais ceci fait partie
6 de l'ensemble du classeur que nous avons déjà fourni.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il va être reçu.
8 M. LUKIC : [aucune interprétation]
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic.
10 M. VASIC : [interprétation] Je présente mes excuses.
11 Mais je pense que nous nous trouvons ici dans une situation analogue
12 à celle d'hier pour le professeur Adinovic [phon]. Nous nous trouvons dans
13 un cas analogue. Hier, la Défense a élevé une objection analogue au rapport
14 de M. Theunens.
15 Je regrette de dire que mon confrère ne peut pas maintenant demander
16 le versement de ce rapport au dossier, s'agissant d'un témoin qui n'a pas
17 été entendu en l'espèce et qui a une fois témoigné dans une autre affaire.
18 C'est bien de demander à M. Pringle ce qu'il pense des questions
19 particulières qui se trouvent dans ce rapport, mais autre chose est du fait
20 que nous n'avons pas la possibilité de procéder à un contre-interrogatoire
21 de l'auteur de ce rapport dans le présent procès.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La question du versement de ce
23 document sera réglée en même temps que celle qui a été évoquée hier, Maître
24 Vasic.
25 M. MOORE : [interprétation] Serais-je autorisé à présenter des arguments en
26 ce qui concerne l'admissibilité de ce document ?
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Moore.
28 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous pouvez même le faire maintenant
2 si vous le souhaitez, mais --
3 M. MOORE : [interprétation] Mais je ne veux pas utiliser le temps pour
4 cela.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est ce que je pensais.
6 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si vous manquez de temps, vous pourrez
8 présenter des arguments par écrit d'ici un jour ou deux.
9 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Parce que la décision sera rendue la
11 semaine prochaine.
12 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Dans l'intervalle, il faut marquer ce
14 document aux fins d'identification, cote provisoire.
15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit du numéro 599, Monsieur le
16 Président.
17 M. MOORE : [interprétation]
18 Q. Général, je voudrais me référer maintenant au paragraphe 18 de votre
19 rapport. En ce qui concerne ce paragraphe, votre rapport en vient à ce qui
20 a été dit à la note de bas de page 2, à savoir le manuel qui porte sur le
21 commandement et le contrôle. Traitant rapidement de cette question, il y a
22 une référence dans votre rapport aux divers principes applicables, je pense
23 qu'il y en a huit, il y a huit principes ou critères pour garantir un
24 commandement et un contrôle ou une direction de façon satisfaisante. Je
25 vais les lire. Il s'agit des: "Objectifs, l'autorité, la responsabilité, la
26 confiance, la discipline, le moral, les règlements et le temps."
27 Est-ce que ces principes se trouvent également consacrés dans les armées
28 des pays développés selon votre expérience professionnelle ?
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1 R. Dans des termes parfois différents, s'ils sont analogues et insistant
2 sur tel ou tel aspect, certainement dans la doctrine britannique et dans la
3 doctrine d'autres armées européennes, je pense.
4 Q. Quelle est leur importance pour la création du commandement ou la mise
5 en place du commandement et du contrôle ?
6 R. Ils sont tous importants. Si je cite mon propre rapport, si je reprends
7 un ou deux éléments, prenez l'autorité par exemple. Pour l'autorité, la
8 doctrine de la JNA discute de la réputation et de l'autorité personnelle et
9 poursuit en énonçant un certain nombre de traits de caractère importants
10 qui sont exigés pour qu'il puisse y avoir un commandement efficace et
11 effectif. Ceci devant comprendre le fait d'être honnête, véridique, d'avoir
12 les qualités d'expert, d'être bien familiarisé avec les tâches.
13 Et poursuit en disant : "Un officier responsable doit avoir connaissance
14 des règlements militaires et doit s'y tenir." On parle de la responsabilité
15 morale comme étant la forme la plus importante de responsabilité assumée
16 par les officiers supérieurs. Elle décrit la discipline en des termes qui
17 sont faciles à reconnaître comme imprégnant toutes les relations
18 interpersonnelles et s'étendant à l'ensemble de l'organisation, et insiste
19 sur les caractères importants, les éléments importants de la discipline
20 personnelle. Tout ceci se retrouve facilement dans les doctrines
21 européennes.
22 Q. Je vous remercie. Passons maintenant au paragraphe 19 de votre rapport.
23 Si je le résume, il est question du commandement au niveau d'une brigade et
24 la discussion concerne le règlement applicable aux brigades de la JNA,
25 règlement de 1984.
26 M. MOORE : [interprétation] Je voudrais demander à la Chambre, s'il vous
27 plaît, de se reporter à la note 12 et à la note 13 pour que je puisse
28 traiter de ces deux aspects.
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1 Q. Je voudrais maintenant traiter de la note 12, la note de bas de page,
2 "Introduction", est-ce que vous l'avez retrouvée ?
3 R. Oui.
4 Q. Je vous remercie beaucoup. Pourrions-nous maintenant regarder le bas de
5 la page, ostensiblement le troisième paragraphe à partir de la fin qui
6 commence par : "L'objectif de ce règlement ou de ces règles." Vous l'avez ?
7 R. Oui.
8 Q. Je vous remercie. Auriez-vous la bonté, s'il vous plaît, de lire ceci.
9 Je vous poserai les questions.
10 R. Le paragraphe est ainsi rédigé : "L'objectif des règlements ou des
11 règles est d'assurer que chaque brigade distincte, conformément à ses
12 objectifs et ses capacités, adopte et applique les vues unifiées, les
13 attitudes et les mouvements tactiques pour la préparation, l'organisation
14 et l'exécution des opérations de combat en cas de guerre pour la défense
15 généralisée."
16 Ceci se poursuit : "C'est le devoir de tous les officiers supérieurs et les
17 commandants d'étudier les dispositions de ces règles de façon détaillée et
18 de façon à les éprouver et de les évaluer pour tous les types de brigade et
19 pour les conditions dans lesquelles elles opèrent."
20 Q. Peut-être que c'est une question un peu trop simpliste, mais quelle est
21 l'importance pour les officiers ou les commandants de se familiariser avec
22 les règlements en ce qui concerne le commandement et le contrôle ?
23 R. C'est très important. Et ce n'est pas vraiment une question de règles
24 ou de règlements, c'est une question de doctrine et de formation. Les
25 officiers --
26 L'INTERPRÈTE : Est-ce que les orateurs pourraient, s'il vous plaît,
27 ralentir pour le compte rendu. Je vous remercie.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Les officiers, on leur apprend, on les prépare
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1 à appliquer une doctrine, la doctrine qui doit être appliquée de façon à ce
2 que lorsque les ordres sont donnés, il y ait une compréhension très claire
3 de ce que ces ordres signifient et de ce que ce type d'action impliquera,
4 de la manière dont ces ordres seront exécutés.
5 M. MOORE : [interprétation]
6 Q. Je vous remercie. Pouvons-nous parler maintenant de la note de bas de
7 page numéro 13, s'il vous plaît. Normalement, on y trouve une référence à
8 l'intitulé IV, avec le titre "Le commandement et les règles communes." Est-
9 ce que vous l'avez trouvée ?
10 R. Oui.
11 Q. Est-ce que vous avez trouvé le paragraphe 107 ?
12 R. Oui.
13 Q. Veuillez le lire, s'il vous plaît ?
14 R. Ceci va comme suit : "Le commandement de la brigade fait partie d'un
15 système de commandement et de contrôle intégré, qui est basé sur le
16 principe de doctrine et le principe de commandement. Le commandement
17 implique les meilleures façons d'utiliser les ressources humaines et les
18 capacités des équipements de la brigade pour aboutir aux résultats
19 optimaux quand il s'agit d'exécuter une mission. Pour ceci, le commandement
20 doit être intégré, continu, sûr, flexible, efficace et opérationnel."
21 Q. Etes-vous d'accord avec cette analyse de commandement ?
22 R. Oui, je peux reconnaître immédiatement cela ?
23 Q. Est-ce que c'est quelque chose qui est connu dans d'autres armées
24 aussi ?
25 R. Oui. Au sein de ma propre armée, oui, c'est quelque chose qui est tout
26 à fait compréhensible.
27 Q. Maintenant je vais vous demander d'examiner le 20e paragraphe du
28 rapport. Vous en avez déjà parlé, est-ce que je peux l'abréger comme suit :
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1 que vous en arrivez à la conclusion que ce document était un document de
2 doctrine de commandement et de contrôle qui est détaillé, bien écrit et
3 tout à fait compréhensible et qu'on y trouve les principes fondamentaux que
4 tous les officiers doivent connaître. Est-ce que j'ai bien résumé cela ?
5 R. Oui. C'est mon opinion effectivement. C'est la conclusion à laquelle je
6 suis arrivé.
7 Q. Je vous remercie. A présent, je voudrais aborder un nouveau sujet. Il
8 s'agit vraiment de la mise en œuvre de principes de commandement et de
9 contrôle par rapport au Groupe opérationnel sud. Je voudrais attirer votre
10 attention sur le paragraphe 21 de votre rapport. Dans le rapport, la
11 question a été surlignée. Je vais la lire : "Sur la base du 1er District
12 militaire et les documents du Groupe opérationnel sud qu'on vous a montrés,
13 que le bureau du Procureur vous a montrés, pourriez-vous nous montrer de
14 quelle façon le Groupe opérationnel sud de la JNA au plutôt son commandant
15 mettait en œuvre les principes de commandement et contrôle dans le cadre
16 des opérations à Vukovar." C'était la question qui vous a été posée.
17 Voici la façon dont je voudrais aborder ce sujet : nous savons que le
18 Groupe opérationnel sud avait aussi bien des unités régulières de la JNA
19 que des unités paramilitaires de réserve ou de volontaires. Vous avez
20 examiné un certain nombre de documents, mais vous avez aussi une expérience
21 conséquente dans les affaires militaires, sur la base de tout cela, êtes-
22 vous en mesure d'arriver à la conclusion que les principes de commandement
23 et de contrôle de la JNA étaient mis en œuvre correctement par rapport à
24 ces unités subordonnées dans le cadre de cette opération ?
25 R. D'après les documents que j'ai pu lire, les documents de doctrine,
26 ensuite les documents relevant du Groupe opérationnel sud, les ordres ou
27 les rapports et autres documents, les journaux de guerre, et cetera, il
28 m'est apparu clairement que le système de commandement et de contrôle qui
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1 était mis en place qui impliquait les informations, les ordres qui étaient
2 communiqués vers les échelons plus bas du commandement et de la chaîne de
3 commandement et les informations qui étaient communiquées vers les échelons
4 plus haut de la chaîne de commandement étaient fait en accord avec ces
5 principes. D'ailleurs au niveau où je m'attendrais à ce que ce soit fait de
6 la part d'une brigade comme c'était la Brigade motorisée des Gardes qui
7 était une brigade bien entraînée et bien formée.
8 Q. Je voudrais aborder le paragraphe 24 de votre rapport, mais peut-être
9 que nous devrions tout d'abord commencer par les paragraphes 22 et 23
10 puisque vous avez utilisé un certain nombre de documents pour aborder ce
11 thème ?
12 R. Oui, effectivement. Je les ai aussi mis dans les notes de bas de page
13 15, 16, 17, 18 et 20 de cette page.
14 Q. Je ne veux pas passer trop de temps par rapport à ces documents. Vous
15 pouvez avoir accès à ces documents, et au cours du contre-interrogatoire y
16 compris, ces documents sont disponibles.
17 Je voudrais traiter du paragraphe 24 de votre rapport. Dans ce paragraphe,
18 on fait référence à ce que l'on appelle un détachement d'assaut. A nouveau
19 pour être utile à toutes les parties présentes dans ce prétoire, est-ce que
20 vous pourriez nous dire ce que c'est qu'un détachement d'assaut, d'après ce
21 que vous savez ?
22 R. Bien, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, d'après moi
23 un détachement d'assaut c'est une unité de combat temporaire qui est faite
24 de différentes sortes de troupes : l'infanterie, les génies, les blindés,
25 la police militaire qui sont assemblés pour atteindre un objectif ou mener
26 à bien une mission. Toutes ces troupes se trouvent sous le commandement
27 d'un commandant unique, le commandant du détachement d'assaut. Ce
28 détachement d'assaut peut être divisé en deux groupes plus petits que l'on
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1 appelle, d'après la terminologie de la JNA, "les groupes d'assaut."
2 Les armées de l'OTAN appelleraient cela les groupes de combat. Il s'agit de
3 formations qui consistent en différentes armées, par les armées, j'entends
4 l'infanterie, génie, blindé, et cetera.
5 Q. Merci. Sur la base des documents que vous avez pu examiner, est-ce que
6 vous avez pu en arriver à la conclusion que les unités de la Défense
7 territoriale et des volontaires étaient intégrés dans les détachements
8 d'assaut du Groupe opérationnel sud ?
9 R. Oui, effectivement. J'ai vu un certain nombre d'ordres où, dans la
10 liste de distribution des tâches ou des troupes, on mentionne aussi les
11 unités de la Défense territoriale et les volontaires, on comprend que les
12 détachements d'assaut étaient composés aussi des unités de la TO et des
13 volontaires.
14 Q. Merci à nouveau. Quand il s'agit de la mise en œuvre des principes de
15 commandement et de contrôle, dans quelle mesure un commandant doit être au
16 courant des écarts au niveau de la discipline par rapport aux unités ou qui
17 peuvent survenir au sein des unités qui lui sont subordonnées ?
18 R. J'en ai parlé déjà. Il en va de la responsabilité du commandant qui
19 répond de tout ce qui se passe dans les unités placées sous son
20 commandement. Un commandant, de façon implicite, doit connaître les
21 capacités des personnes qui lui sont subordonnées, des unités, et au fur et
22 à mesure que les unités se diversifient, tel était le cas avec les groupes
23 d'assaut ou les détachements d'assaut, ceci devient encore plus important.
24 Si dans ces groupes on trouve des troupes qui ne sont pas aussi bien
25 formées, qui ne sont pas des troupes régulières, ou on trouve les troupes
26 de la TO et des volontaires dont le commandement n'est pas évident du tout
27 aux yeux du commandant, il aura d'autant plus la responsabilité de
28 comprendre les capacités de ses troupes qui lui sont subordonnées et
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1 d'avoir une bonne vision de leur niveau de discipline et, (a) tout d'abord
2 d'être capable de les contrôler, et ensuite (b) de leur confier les
3 missions appropriées, et là je mets l'accent sur le mot "appropriées."
4 Q. Est-ce que ces principes s'appliquent au commandant de tous les
5 niveaux ?
6 R. Absolument. Ce principe va s'appliquer au niveau du groupe d'assaut, au
7 niveau du détachement d'assaut, au niveau du Groupe opérationnel sud aussi;
8 donc à tous les niveaux de responsabilité, à tous les niveaux hiérarchiques
9 par rapport à leur mission respective.
10 Q. Merci. A présent, je voudrais passer au paragraphe 27 de votre rapport.
11 Vous parlez des compétences et des exigences aussi, je dirais pour le poste
12 de commandant du Groupe opérationnel sud, donc les qualités que doit avoir
13 cette personne.
14 Tout d'abord la question que je vous pose : d'après votre expérience, quel
15 est le niveau de compétence exigé pour être nommé au poste de commandant
16 d'une brigade ou de la Brigade des Gardes, le cas échéant ?
17 R. D'après moi, d'après ce que j'ai compris, la Brigade motorisée des
18 Gardes c'est une formation d'élite de la JNA. C'était une unité qui était
19 mieux organisée et mieux équipée, qui répondait à des critères plus élevés,
20 dont les hommes étaient plus formés que les autres unités de la JNA. Pour
21 commander cette organisation, il a fallu trouver un officier très élevé
22 dans un niveau très élevé qui a été sélectionné spécialement et
23 particulièrement pour ce travail, pour cette mission.
24 Q. Là, je veux parler de la compréhension de la situation. D'après les
25 documents que vous avez lus, est-ce que vous êtes en mesure de dire que la
26 structure de commandement du Groupe opérationnel sud était consciente de la
27 situation telle qu'elle se présentait ?
28 R. Oui. Par rapport aux ordres et aux rapports que j'ai pu lire et par
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1 rapport aussi au journal de guerre que j'ai pu lire, il est tout à fait
2 clair qu'il existait un système chevronné qui a fait ses preuves pour
3 passer l'information aussi bien vers le bas que vers le haut de la chaîne
4 de commandement à de différentes méthodes, qui comprenaient aussi bien le
5 reporting, le reporting par la radio, les officiers de liaison, les
6 visites, tout ce qui était normal dans une telle situation. Ce qui faisait
7 que le commandant était tout à fait conscient de la situation, aussi bien à
8 cause de ses propres actions, qu'à cause des informations qui lui ont été
9 communiquées par ses hommes, ses éléments.
10 Q. Pourquoi cette compréhension de la situation, la conscience de la
11 situation est importante pour la structure de commandement ?
12 R. C'est très important, puisque le commandement doit être parfaitement au
13 fait de la situation. Il doit parfaitement savoir ce qui se passe autour de
14 lui, quelle est la situation aussi bien au sein de ses propres forces qu'au
15 sein des forces ennemies. Si tel n'est pas le cas, il ne serait pas en
16 mesure de prendre les décisions correctes, les décisions appropriées, les
17 décisions qui sont entendues à son niveau de responsabilité.
18 Q. Comment un commandant en arrive à bien comprendre la situation, avoir
19 un bon niveau de compréhension de la situation ?
20 R. Tout d'abord, vous avez les systèmes de reporting, où les rapports lui
21 sont envoyés, ils sont envoyés dans son QG, aussi bien par la radio que par
22 d'autres moyens, les visites des officiers de liaison, et cetera. Mais
23 aussi, un commandant responsable ne va juste rester dans son QG en
24 attendant de recevoir les informations, non. Il va être proactif et il va
25 partir à la recherche des informations. Donc il va aussi visiter les
26 commandants qui lui sont subordonnés, il va les regarder droit dans les
27 yeux, il va essayer de bien comprendre ce qu'ils lui disent, voir quel est
28 leur niveau de moral. Il va être attentif pour avoir une bonne
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1 compréhension de la situation, une compréhension totale de la situation.
2 Q. Merci.
3 M. MOORE : [interprétation] Monsieur le Président, un instant, s'il vous
4 plaît.
5 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
6 M. MOORE : [interprétation]
7 Q. Je voudrais aborder un thème qui aura l'air peut-être d'un détail, mais
8 c'est une question assez simple. Pourriez-vous nous dire quelle est la
9 fonction d'un officier de garde ?
10 R. Un officier de garde, comme l'indique son nom, est de garde pour une
11 fonction précise. Par exemple, au niveau du QG d'une brigade, un officier
12 de permanence ou de garde, il va s'occuper des opérations, il va assurer
13 que les fonctions de commandement fonctionnent bien, il va recevoir
14 l'information, évaluer l'information, prendre les actions qui relèvent de
15 son niveau d'initiative, les actions appropriées, puis aussi et avant tout,
16 il va faire en sorte que le commandant, son commandant et/ou le chef
17 d'état-major ou du QG sont parfaitement au fait de la situation, et s'il
18 s'agit d'une urgence, il va les informer de façon urgente de la situation,
19 ou s'il s'agit des choses plus quotidiennes, il va faire du rapport de
20 routine qu'exige une telle situation.
21 Q. Dans quelle mesure il est important de tenir la documentation en règle,
22 c'est-à-dire de garder une trace écrite des informations qui passent par
23 l'officier de garde ou de permanence ?
24 R. Il existe le principe de continuité qui fait partie des principes de
25 commandement. Cela veut dire que la personne qui est de permanence est
26 responsable de permanence de tout ce qui se passe. Un officier de
27 permanence est de permanence pendant une période de relève. Au moment de la
28 relève, il va passer les informations à la personne qui prend la relève
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1 pour que la permanence continue à se faire. Il est important de noter les
2 informations ou de mettre l'accent sur les informations qu'il est important
3 de faire connaître au commandant ou tout simplement, il peut attirer
4 l'attention de la personne qui prend la relève sur le registre qui va
5 naturellement parcourir ce registre à partir du moment où elle a pris la
6 relève.
7 Q. Je voudrais essayer de faire un lien entre le thème de commandement et
8 le registre particulièrement quand il s'agit de la subordination ou de la
9 resubordination. En tant que commandant, dans quelle mesure il est
10 important d'être au fait de la resubordination d'une unité qui, avant vous
11 avait été subordonnée ?
12 R. C'est important pour des raisons différentes. Si une unité a été
13 resubordonnée, ceci peut avoir des implications au niveau du commandement
14 et du contrôle. Des implications logistiques. Cela veut dire aussi que cela
15 peut avoir des répercussions au niveau de munitions, nourriture, carburant,
16 et cetera, qui doivent être fournis par un autre moyen. Il doit être clair
17 de savoir ce qui fait le support logistique de cette unité pour pouvoir
18 continuer à avoir un contrôle effectif et une organisation effective. Il
19 est extrêmement important de savoir à tout moment comment se fait la
20 logistique d'une telle unité.
21 Q. Si cela n'est pas fait, quelles sont les conséquences ?
22 R. Si cela n'est pas fait, on arrive à la confusion. Vous pouvez recevoir
23 de mauvais ordres ou des ordres qui ne sont pas appropriés que vous allez
24 envoyer aux niveaux moins élevés de la chaîne de commandement, parce que
25 vous avez mal compris l'organisation, parce que l'organisation a été
26 détachée et vient d'ailleurs. Donc c'est très important. C'est très
27 important du point de vue de la logistique de savoir quel est le
28 commandement qui s'occupe de la logistique d'une telle unité. Si cela n'est
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1 pas fait comme cela, il est difficile d'organiser le support logistique de
2 façon appropriée.
3 Q. Je vous remercie.
4 M. MOORE : [interprétation] Je pense qu'il est approprié de prendre une
5 pause à présent.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons prendre une pause de 20
7 minutes.
8 --- L'audience est suspendue à 10 heures 55.
9 --- L'audience est reprise à 11 heures 20.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore.
11 M. MOORE : [interprétation] Me Lukic a, semble-t-il, une requête à vous
12 formuler.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic, vous avez la parole.
14 M. LUKIC : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, ce n'est pas
15 véritablement une requête que je veux vous présenter, mais vous connaissez
16 la situation de mon équipe. Nous sommes les derniers à procéder au contre-
17 interrogatoire. Voici ce que j'aimerais savoir. Quelles sont les règles du
18 jeu s'agissant du contre-interrogatoire de ce témoin ou même de
19 l'interrogatoire principal ? Combien de temps va durer l'interrogatoire
20 principal ? Combien de temps va avoir chacune des équipes de la Défense ?
21 Pourriez-vous nous donner des instructions précises en la matière ? Ceci
22 nous serait très utile. Bien sûr, il revient à la Chambre de prendre cette
23 décision. Si le témoin est disponible et si la Chambre est prête à faire
24 ceci, nous pourrons travailler demain, une partie de l'après-midi.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Voici ma réponse. Vous disposerez de
26 deux heures. Chaque équipe de la Défense aura deux heures. Le bureau du
27 Procureur aura un peu plus de marge de manœuvre. Elle aura un peu plus de
28 deux heures d'interrogatoire principal, mais chacun d'entre vous aura deux
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1 heures, ce qui fait en tout six heures par la Défense. D'accord ? Et nous
2 devrons avoir terminé à 13 heures 45 au plus tard demain.
3 Monsieur Moore, vous avez la parole.
4 M. MOORE : [interprétation] Merci.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous avez compris cet ordre
6 que j'ai donné pour ce qui est de votre temps ?
7 M. MOORE : [interprétation] Oui. J'essayerai de respecter ces délais.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous terminerez vers midi.
9 M. MOORE : [interprétation] Oui.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais comme je l'ai indiqué, vous
11 pouvez avoir un peu plus de temps, parce que si vous prenez trop de temps,
12 vous aurez moins de temps pour les questions supplémentaires.
13 M. MOORE : [interprétation] Merci beaucoup.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous sommes donc très généreux.
15 M. MOORE : [interprétation] Merci.
16 Q. Sans plus tarder, passons à la question de la notification. Vous en
17 parlez au paragraphe 32 de votre rapport. Vous nous aviez déjà parlé de
18 situations auxquelles vous avez participé, et là je reprends vos termes,
19 lorsqu'il y avait une situation avec du terrorisme en Irlande du Nord,
20 peut-être aussi une situation où il y a conflit militaire comme dans les
21 Balkans. Lorsqu'une situation est caractérisée par le caractère irrégulier
22 des éléments participants au combat, est-ce que ceci crée des difficultés
23 supplémentaires à celles qu'on trouve dans une situation disons normale de
24 combat ?
25 R. Est-ce que vous pourriez préciser quand vous parlez d'irrégularités ?
26 Q. Je m'explique. Si on prend une guerre opposant deux armées
27 disciplinées, on pourrait, dirais-je, s'attendre à ce qu'il y ait un
28 niveau de cohérence pour ce qui est des tensions existantes entre ces deux
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1 parties belligérants.
2 Dans le deuxième cas de figure, comme ce fût le cas en Irlande du
3 Nord, on a un conflit opposant des paramilitaires protestants et
4 catholiques. Dans les Balkans, vous avez des forces irrégulières de part et
5 d'autre. Voici ce que j'aimerais savoir : lorsque nous avons affaire à ce
6 que j'appellerais un combat plus local, est-ce que ceci ajoute des
7 difficultés à celles auxquelles on peut normalement s'attendre ?
8 R. Manifestement, on a affaire à une situation plus complexe, mais le
9 droit du conflit armé devrait s'appliquer de même façon.
10 Q. Dans quelle mesure un commandant, à quelque échelon que ce soit, doit-
11 il être conscient du danger que représente des actes illégaux par rapport à
12 des unités qui lui sont subordonnées ?
13 R. Ce commandant doit être parfaitement conscient de ces difficultés,
14 parce que c'est lui qui endosse la responsabilité. Je reviens à ce que je
15 vous disais à propos de la nécessité de connaître les capacités et les
16 carences de ceux qui se trouvent sous votre commandement.
17 Q. Un commandant, que devrait-il faire pour contourner de telles
18 difficultés ou pour éradiquer de tels dangers ?
19 R. Il pourrait, entre autres actions, veiller à ce que les effectifs qui
20 sont moins bien entraînés comme, par exemple, la Défense territoriale, les
21 irréguliers, les volontaires, sont bien encadrés sous le contrôle de la
22 voie hiérarchique qui donne des commandements très clairs pour veiller à ce
23 que ces effectifs moins bien entraînés reçoivent des missions adéquates, se
24 comportent de façon adéquate, et que ce commandant doit faire rapport s'il
25 y a à cet égard des difficultés qui surgissent.
26 C'est une chose qu'il peut faire. Il peut aussi adopter une attitude
27 très personnelle, et effectuer des visites pour veiller à ce qu'il y ait un
28 bon respect des ordres qu'il a donnés. Il doit être conscient des dangers
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1 qui vont devenir les siens puisque c'est lui qui a la responsabilité des
2 actes des hommes sous son commandement. Il peut personnellement veiller à
3 voir comment se comportent ses effectifs et voir quelles sont les missions
4 qui leur sont données.
5 Q. Merci. Prenons la note de bas de page 39 bis. C'est aussi la pièce 145
6 [comme interprété], document du 18 novembre, document signé par Zivota
7 Panic, général du corps de l'armée. Cela devrait être la note de bas de
8 page 39 bis. Vous avez ce document, Général ?
9 R. Oui.
10 Q. Merci. Je vais revenir dans un instant, si vous me le permettez.
11 Dans ce document, je vais l'aborder sommairement, nous avons en haut
12 à gauche la date, celle du 18 novembre 1991, et juste en dessous, nous
13 avons la mention "Très urgent." En dessous, "A transmette immédiatement,"
14 et nous voyons les destinataires, deuxième ligne. Parmi les destinataires,
15 nous avons le Groupe opérationnel sud.
16 Je vais revenir sur diverses parties de ce document. Commençons par
17 le bas de la page, la première vers le milieu de la page. Nous avons
18 l'avant-dernier paragraphe qui commence par les mots suivants : "Cependant,
19 la guerre." Vous voyez ?
20 R. Oui.
21 Q. Je vais lire cette partie et je passerai à une autre partie du
22 document.
23 "Cependant la guerre ne s'est pas terminée avec la chute de Vukovar,
24 et une guerre encore plus féroce et plus brutale va commencer contre les
25 Oustachi."
26 Est-ce que nous pouvons prendre la page suivante ? Deux passages
27 m'intéressent ici. Le premier est relatif à un ordre. On voit ici au point
28 1, Groupe opérationnel sud, et tout en bas de la page, "Dans l'exécution de
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1 cette mission," ici manifestement, c'est un rapport avec le GO sud, et le
2 GO nord en parlant "des actions menées dans la région où il s'agit
3 d'écraser les forces oustachi. Lorsque ceci se fera, il faut respecter tous
4 les aspects des conventions de Genève pour ce qui est des prisonniers de
5 guerre."
6 Prenez maintenant la dernière page du document, numéro 8. Ayez l'obligeance
7 de nous lire ce paragraphe.
8 R. Paragraphe 8 de l'ordre : "Toute unité doit parfaitement maîtriser la
9 situation sur le territoire de sa zone de responsabilité. Les commandants à
10 tous les niveaux seront responsables de cette obligation. Les droits de
11 temps de guerre ne sont pas entrés en vigueur, par conséquent, comme c'est
12 toujours le cas, personne n'a le droit de procéder à des actes de
13 représailles ou de vengeance, or c'est ce qui a été fait par certaines
14 unités de la Défense territoriale. A l'avenir, il faut arrêter tous les
15 auteurs de tels actes et prendre toutes les mesures juridiques
16 nécessaires."
17 Q. Merci beaucoup.
18 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Vasic.
20 M. VASIC : [interprétation] Je m'excuse d'interrompre M. Moore, mais il y a
21 une référence qui est citée dans sa question que je ne parviens pas à
22 retrouver dans cet ordre dont nous parlons. Mon estimé confrère peut-il
23 m'aider à retrouver ce passage où on dit : J'ordonne que -- un instant,
24 s'il vous plaît, je regarde mon écran. Oui, sur le territoire de sa zone de
25 responsabilité s'agissant du Groupe opérationnel sud. Là, où on parle de
26 l'application des conventions de Genève.
27 M. MOORE : [interprétation] Excusez-moi, j'utilisais la version en anglais,
28 je pense que cette pièce est déjà versée au dossier. Cela se trouve à la
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1 page 1, là j'ai les destinataires, l'ordre se trouve à la page 2, et
2 manifestement le destinataire c'est le Groupe opérationnel sud. On fait
3 référence "à la nécessité de respecter tous les points des conventions de
4 Genève pour ce qui est des prisonniers de guerre." C'est ma page 2 en
5 anglais. On fait mention à la page 3, "la nécessité d'empêcher tout acte de
6 désobéissance." Puis, nous avons ce paragraphe 8, et je voulais simplement
7 passer à Zivota Panic. Est-ce que vous avez maintenant trouvé le document,
8 Maître Vasic ?
9 M. VASIC : [interprétation] Oui.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
11 M. MOORE : [interprétation] Merci beaucoup.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Moore.
13 M. MOORE : [interprétation]
14 Q. Général, nous avons le signataire qui est manifestement Zivota Panic.
15 Voici ma question sur ce sujet, notamment dans le but
16 d'identification : est-ce que ce document est le reflet fidèle des
17 préoccupations qu'a un commandant conformément aux circonstances qui
18 prévalent une fois que cessent des hostilités ?
19 R. Tout à fait. C'est ici un ordre donné par le général Panic, il est
20 donné à ses commandants subordonnés dont le colonel Mrksic, qui est le
21 commandant du GO sud. Si vous voulez, c'est comme un signal d'alerte donné
22 aux destinataires parce que le ton et la teneur le disent clairement. Leur
23 supérieur est très préoccupé face à la situation où il y a des atrocités,
24 dirais-je, ou des actes d'infraction aux conventions de Genève par rapport
25 aux prisonniers de guerre ou aux situations qui pourraient se présenter. Il
26 dit à ses subordonnés : Je veux que vous fassiez particulièrement et
27 personnellement attention à cette question. Vous devez veiller à y faire
28 attention, et il le dit, et il dit d'ailleurs en poursuivant que ceci s'est
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1 déjà passé, que certaines unités de la Défense territoriale locale ont déjà
2 fait ce genre de chose. Je suppose qu'un destinataire qui reçoit cet ordre
3 va prendre ceci très sérieusement.
4 Q. Merci beaucoup. Question suivante : si vous, vous aviez reçu un tel
5 ordre de votre commandant supérieur, quelles seraient les mesures que vous
6 prendriez pour mettre en œuvre les instructions données par votre supérieur
7 hiérarchique après réception de ce document ?
8 R. Je traduirais aussitôt ceci par un ordre, que je donnerais pour
9 répercuter des préoccupations de mon supérieur, et de la façon personnelle
10 qui serait la mienne. J'attirerais tout particulièrement l'attention sur la
11 nécessité de surveiller étroitement les volontaires et les unités de la TO
12 que j'ai sur mon commandement. J'irais sans doute faire des inspections,
13 voir ces commandants qui se trouvent sur les lignes avancées et insister
14 pour dire qu'il faut exécuter ces mesures.
15 Q. Pourquoi est-ce que vous agiriez de la sorte, pourquoi est-ce que vous
16 donneriez un tel ordre ?
17 R. J'exécuterais un tel ordre en premier lieu parce que mon commandant
18 est manifestement préoccupé, et il porte ceci à ma connaissance. J'ai donc
19 la responsabilité d'agir; et je le ferais en second lieu parce que j'aurais
20 compris que je suis redevable de mes actions, et si de telles actions sont
21 menées dans ma zone de responsabilité, c'est moi qui ai la responsabilité
22 de ces actions.
23 Q. Merci.
24 R. Ce n'est quand même pas la moindre des raisons; ceci est contraire aux
25 lois internationales de conflit armé auxquelles nous avons souscrit.
26 Q. Est-ce que vous avez vu un document ou des documents, des ordres qui
27 soient conformes à l'urgence de cet ordre donné par Zivota Panic, donc
28 ordres qui transmettraient ces inquiétudes ?
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1 R. J'ai reçu certains documents, mais je n'ai pas trouvé dans ces
2 documents présence de ce type d'actions que je viens de décrire. J'ai noté,
3 et je pense que cela se trouve dans le journal de guerre, j'ai noté qu'il y
4 avait un accusé de réception de ce document. Mais c'est intéressant, si je
5 me souviens bien. Dans la colonne réservée aux actions, il n'y a pas de
6 commentaires pour dire que le commandant a insisté auprès de tous ses
7 subordonnés ou a donné des ordres au groupe pour qu'on insiste sur la
8 nécessité de respecter les conventions de Genève ou même sur le fait que
9 des commandants auraient fait des inspections sur la ligne avancée pour
10 veiller à la bonne application de cet ordre. Il n'y a pas de commentaires.
11 J'ai simplement vu un accusé de réception de l'ordre.
12 Q. Parlons maintenant de ce que j'appellerais la notification orale ou
13 verbale. Si un commandant, à quelque échelon qu'il soit, reçoit des
14 renseignements disant ou des informations disant qu'il y a commission
15 d'actes illégaux ou qu'ils sont sur le point de se commettre, est-ce que ce
16 commandant a l'obligation d'agir ?
17 R. C'est un devoir absolu. C'est consacré notamment dans la doctrine de la
18 JNA portant sur la conformité ou l'application des règles internationales
19 du conflit armé.
20 Q. Si un officier néglige d'agir sur-le-champ, est-ce que ceci réduit
21 l'obligation qui est la sienne s'agissant de la notification ?
22 R. Bien, il serait bien avisé d'agir sur-le-champ, parce qu'il se rendrait
23 compte que c'est lui qui a la responsabilité et qu'il devra en rendre
24 compte.
25 Q. Ceci se trouve dans un cas de figure où des actes ont été commis ou sur
26 le point d'être commis. Prenons une variante. Si un commandant, à quelque
27 échelon que ce soit, reçoit des informations disant que des actes illégaux
28 ont déjà été commis, est-ce qu'il a l'obligation d'agir ?
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1 R. Oui. Le général Panic a d'ailleurs agi en émettant son propre ordre.
2 Q. Ce commandant, que devrait-il faire, d'après votre expérience ?
3 R. Si on sait qui a commis un tel acte, cet individu doit être arrêté sur-
4 le-champ. Si cela n'a pas encore été déterminé, ce commandant doit
5 diligenter aussitôt une enquête.
6 Q. Merci beaucoup. Parlons maintenant du sujet de l'évacuation. J'espère
7 que ceci se trouve aux paragraphes 68 à 76. Je vais lire du compte rendu
8 d'audience la question qui vous a été posée en vue de la rédaction de ce
9 rapport. "Vu la connaissance que vous avez des règlements ou
10 réglementations (internationales), vu votre expérience militaire, veuillez
11 expliquer en donnant un exemple général la façon dont un commandant devrait
12 planifier, organiser et exécuter l'évacuation de prisonniers se trouvant
13 dans une installation protégée (par exemple un hôpital) en passant par un
14 territoire hostile, mesure convenue à un niveau supérieur."
15 J'aimerais aborder ce sujet. Dans votre rapport, vous dites qu'étant donné
16 les circonstances qui prévalaient à l'époque, une telle évacuation, celle
17 de l'hôpital ici en l'occurrence, constituerait un événement très
18 important.
19 R. C'est ce que j'ai dit.
20 Q. Pourquoi pensez-vous que cela constituait un événement très important ?
21 R. Pour moi, cela l'était à plusieurs titres, à commencer par le fait que
22 ceci découlait de ce qui était un accord, l'accord de Zagreb, conclu à un
23 niveau très élevé entre les deux Etats concernés. Aussi, parce que cet
24 accord impliquait qu'il fallait surveiller de près l'exécution de cette
25 opération et que c'étaient des agences internationales comme la Croix-Rouge
26 qui devaient surveiller cette opération. Troisième raison, vu ce qui
27 s'était juste passé puisqu'il y avait un combat acharné pour Vukovar, ceci
28 avait coûté la vie à beaucoup de gens, il y avait beaucoup de blessés. La
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1 situation était caractérisée par le chaos. Dans mon commandement, j'aurais
2 des unités de la TO, des unités de volontaires à propos desquelles on m'a
3 déjà averti qu'elles s'étaient livrées à certaines activités ailleurs, cela
4 veut dire que je devais aussi veiller au respect absolu des conventions de
5 Genève. C'était un ordre donné par mes supérieurs hiérarchiques, ce qui
6 veut dire que c'était clair pour moi. Il s'agissait là d'une opération dans
7 le cadre de laquelle je devrais participer, m'impliquer très
8 personnellement.
9 Q. Merci. Question suivante sur le même sujet : est-ce qu'un commandant
10 devrait être conscient de l'évacuation, la connaître et aussi y participer
11 personnellement ?
12 R. Bien, ce genre de commandant ne saurait être dans l'ignorance de
13 l'existence de cette opération, parce que c'est une opération de taille
14 importante se déroulant dans sa zone de responsabilité. Il est donc
15 inconcevable qu'il ne soit pas au courant. Puisqu'il est au courant de
16 l'opération pour les raisons que je viens d'évoquer, je peux m'attendre à
17 ce que ce commandant et son état-major planifient des ordres et donnent ces
18 ordres en vue d'une opération qui est une opération des plus complexes.
19 Q. Merci. Il peut y avoir délégation des fonctions ou du travail à faire
20 en matière d'organisation d'une telle évacuation. Est-ce que le fait de
21 déléguer ces activités réduit l'obligation qu'a le commandant, pour ce qui
22 est de la nécessité de veiller à la réussite de cette opération ?
23 R. Pas du tout. Le commandant reste responsable de tout ce qui se fait, de
24 tout ce qui est fait par ceux qu'il a sous son commandement dans sa zone de
25 responsabilité.
26 Q. Merci. Si l'officier supérieur, le commandant, délègue la tâche de
27 l'évacuation de cette opération d'évacuation à un officier subordonné, le
28 fait qu'il délègue cette tâche, dans quelle mesure ce fait réduit-il
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1 l'obligation ou les devoirs et obligations qu'a cet officier subordonné
2 dans l'exécution de sa mission ?
3 R. L'officier qui a reçu cette tâche, officier subordonné chargé de cette
4 mission, a la responsabilité de la bonne exécution de cette mission et il
5 doit en rendre compte à son commandant. Il doit montrer que cette mission a
6 été dûment exécutée. Le commandant reste responsable en sa qualité de
7 commandant. Il reste responsable des modalités d'exécution de la mission.
8 Q. Si je me sers du terme "commandement", pour rester simple, qu'est-ce
9 que cela veut dire dans un contexte militaire, d'après vous ? Quelle serait
10 la caractéristique intrinsèque au commandement ?
11 R. Je l'ai dit au paragraphe 16 de mon rapport, là où je parle du
12 commandement et du contrôle. Le commandement veut dire qu'on est dirigeant,
13 qu'on prend des décisions. Par conséquent, il faut planifier, donner des
14 ordres. On s'attend effectivement à ce que de tels ordres soient exécutés
15 par les subordonnés.
16 Q. Vu votre expérience personnelle, professionnelle, le caractère très
17 complexe de l'opération d'évacuation, est-ce qu'on pourrait s'attendre à ce
18 qu'un ordre écrit ait été donné ?
19 R. Tout à fait, car cette opération, elle va nécessiter la participation
20 de toute une série d'unités que j'ai sous mon commandement. Il va y avoir
21 aussi des répercussions logistiques. Il faudra du transport. Il faudra de
22 la surveillance, il faudra des activités des organes de sécurité, car il
23 faudra sélectionner les personnes concernées. Il faudra dégager la route
24 suivie dans l'itinéraire. C'est donc une opération très complexe, car ce
25 sera à surveiller par des organisations internationales; il faudra donc des
26 activités pour elles de liaison et de surveillance. Par conséquent,
27 normalement, ceci donnerait lieu à l'émission d'un ordre opérationnel qui
28 va déterminer la façon dont va être exécutée l'opération, qui en a le
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1 commandement. Il s'agira de confier des tâches précises aux unités
2 subordonnées.
3 Q. Merci. Lorsqu'une telle opération d'évacuation est exécutée, dans
4 quelle mesure l'officier chargé du commandement doit-il prendre les mesures
5 idoines pour assurer la sécurité des personnes qui vont être évacuées ?
6 R. Cela, c'est la responsabilité de toute la voie hiérarchique. Cela part
7 ici du commandant du GO sud vers le bas. Ce commandant du GO sud va veiller
8 à faire comprendre à tous ceux à qui il a délégué des responsabilités pour
9 l'évacuation, va leur dire quelles sont leurs responsabilités respectives
10 pour assurer la sécurité de ces personnes évacuées. L'officier, mais tous
11 ceux qui participent à l'évacuation doivent aussi veiller, ont la
12 responsabilité de veiller à la sécurité des personnes évacuées. Mais c'est
13 surtout vrai pour l'officier commandant l'opération d'évacuer. Il doit
14 veiller, lui, à ce que toutes les forces qu'il commande se comportent bien
15 au moment de l'opération d'évacuation. Il en a la possibilité absolue.
16 Q. Si un commandant, à quelque échelon que ce soit, a des informations
17 indiquant que des atrocités ont été commises ou risquent d'être commises,
18 dans quelle mesure ceci a-t-il une incidence sur la planification de
19 l'opération d'évacuation et, surtout, sur la bonne tenue de cette
20 opération ?
21 R. Si un commandant ou le commandant a connaissance du fait que des
22 troupes se trouvant sous son commandement ont déjà commis ce genre d'acte,
23 il va donc être averti et il doit veiller à ce que ces troupes ne
24 participent pas à une opération aussi délicate. Si ce genre d'acte n'avait
25 pas encore été commis, mais s'il savait que des unités de la TO, des unités
26 de volontaires se trouvent dans la zone en question même si elles ne
27 participent pas directement à l'opération ou qu'elles pourraient y
28 participer, à ce moment-là, il doit insister et dire à tous les échelons de
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1 la voie hiérarchique ce qu'il attend de ses commandants, tout comme le
2 général Panic l'a fait envers lui-même.
3 Q. Merci. Parlons maintenant d'un sujet que j'appellerai "zone de
4 responsabilité". Etes-vous d'accord avec l'hypothèse suivante : un
5 commandant n'a pas le droit de déléguer ses responsabilités en matière de
6 commandement ?
7 R. Je ne sais pas ce que vous entendez par là. Si vous voulez dire que la
8 responsabilité d'un commandant supérieur cesse d'exister lorsqu'il a
9 délégué certaines tâches à un commandant subordonné, je répondrais par la
10 négative. La responsabilité reste dans le chef des commandants à tous les
11 échelons, et le commandant supérieur reste responsable de toutes les
12 actions exécutées par ses subordonnés dans leurs zones de responsabilité
13 respectives.
14 Q. Afin d'aider toutes les parties concernées, je vais essayer d'être le
15 plus neutre possible dans la façon dont j'aborde le sujet.
16 Manifestement, ici, nous avons une situation où le 20 novembre 1991,
17 Ovcara se trouvait dans la zone de responsabilité du commandant de la 80e
18 Brigade motorisée, le lieutenant-colonel Vojnovic. La 80e Brigade motorisée
19 est et était subordonnée au Groupe opérationnel sud. Des éléments de preuve
20 montrent qu'un commandant, le commandant Vukasinovic, qui était l'organe de
21 sécurité au sein du commandement du Groupe opérationnel sud, est entré dans
22 la zone de responsabilité de la 80e Brigade motorisée. Troisièmement, nous
23 avons des éléments de preuve montrant qu'apparemment sont survenus certains
24 incidents à ce moment-là à Ovcara.
25 Vojnovic a dû répondre à la question qui était de savoir pourquoi il
26 n'a pas essayé de trouver une solution militaire immédiatement. Voici ce
27 qu'il a dit dans sa réponse. Je la résume : un membre du commandement
28 supérieur était entré dans sa zone de responsabilité sans l'en aviser. Il a
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1 déclaré que par la suite, il est allé voir Mrksic pour l'en informer.
2 Quelle est la responsabilité de Mrksic -- non, je ne vais pas dire
3 ceci nommément. Quelle est la responsabilité du commandant supérieur eu
4 égard à des événements qui se sont produits dans la zone de responsabilité
5 d'une unité subordonnée ?
6 R. Le commandant supérieur le comprendrait clairement. Ici, il y a
7 confusion au niveau de la voie hiérarchique du commandement et du contrôle.
8 Rappelez-vous ces principes de l'unicité du commandement. Ici, nous avons
9 un officier qui a la responsabilité d'une zone de responsabilité. Il
10 trouve, il découvre qu'il y a une autre organisation qui exécute une
11 opération dans sa zone de responsabilité à lui sans apparemment l'en avoir
12 informé, sans qu'il participe apparemment lui-même à la planification ni à
13 l'émission d'ordres en vue de l'exécution de cette opération. De surcroît,
14 étant donné que cette opération s'exécute dans sa zone de responsabilité,
15 elle semble être exécutée par des officiers de l'état-major de la brigade.
16 A mon avis, dès lors, ce qu'il a fait est tout à fait juste. Il est
17 allé voir son commandant et lui a dit : Vraiment, c'est le chaos complet.
18 Que me dites-vous de faire pour essayer de démêler cette situation ?
19 Est-ce que j'ai répondu à votre question ?
20 Q. Oui, tout à fait, merci. J'ai presque épuisé tout le temps qui m'a été
21 donné.
22 Vu les documents que vous avez pu consulter, pouvez-vous dire aux
23 Juges de la Chambre si la conduite qu'a eue le colonel Mrksic était du
24 niveau auquel on peut s'attendre vu la fonction et le grade qu'il avait ?
25 R. D'après les documents qui ont été mis à ma disposition, je conclus que
26 le commandant du Groupe opérationnel sud n'a pas pris le genre d'actions
27 auxquelles j'aurais pu m'attendre de la part d'un commandant de sa stature,
28 de son expérience, et cette omission de sa part a contribué aux événements
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1 qui se sont produits.
2 M. MOORE : [interprétation] Ici, il est question du paragraphe 81 du
3 rapport, Madame et Messieurs les Juges.
4 Q. Prenons le paragraphe 82. Là, vous parlez du commandant Sljivancanin.
5 Je voudrais lire la deuxième phrase de ce paragraphe. On parle de la
6 participation personnelle. Puis, on dit ceci : "De plus, il, Sljivancanin,
7 semble avoir eu un rôle de commandement plus important pour ce qui est de
8 l'organisation et de l'exécution de l'évacuation de l'hôpital, un rôle plus
9 grand que celui qu'on pourrait attendre d'un officier de son grade, du
10 grade qu'il avait."
11 Pourquoi tirer une telle conclusion ?
12 R. C'est après avoir lu les documents qui m'ont été remis, documents qui
13 m'ont indiqué que le commandant Sljivancanin a eu une participation
14 personnelle très grande dans l'évacuation de l'hôpital. Il a donné des
15 ordres, il a donné des consignes, et on l'a vu à tous les moments de
16 l'évacuation, à toutes fins utiles. Il a donné l'apparence, d'après ce que
17 j'ai lu, que c'est lui qui commandait et qu'il avait la possibilité de
18 donner des ordres aux unités subordonnées pour qu'elles fassent ce qu'il
19 demandait.
20 Q. Prenons la page 29. Dernière phrase de ce paragraphe, paragraphe 83 :
21 "Le fait qu'il n'a pas pris des mesures efficaces et appropriées avant,
22 pendant et après les événements qui font l'objet de l'acte d'accusation,
23 pour veiller à ce qu'il y ait un bon comportement, tout ceci montre que le
24 commandant Sljivancanin n'a pas respecté la doctrine de la JNA et a failli
25 dans les devoirs qu'il avait en tant qu'officier et en tant que conseiller
26 du colonel Mile Mrksic."
27 Sur quoi vous basez-vous pour tirer cette conclusion ?
28 R. Ceci se base sur les documents que j'ai consultés. Je vous donne un
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1 exemple. Il me semblerait que le commandant Sljivancanin avait la
2 responsabilité de l'opération d'évacuation. Il me semblerait qu'il était
3 parfaitement au courant de tout ce qui se passait et de tout ce qui s'est
4 passé. Il savait parfaitement qu'il y avait participation de forces de la
5 TO et des volontaires. Il connaissait leur comportement. Et tout ceci -- et
6 la conduite de cette opération est loin d'avoir respecté la doctrine de la
7 JNA.
8 Q. Parlons maintenant du capitaine Miroslav Radic. Paragraphes 84 à 86. Là
9 aussi, je vais essayer de faire la synthèse de ce qui se dit dans ces
10 paragraphes. Paragraphe 86 : "Le capitaine Miroslav Radic n'a pas pris les
11 mesures appropriées pendant ou après les événements qui font l'objet de
12 l'acte d'accusation pour garantir une conduite correcte de l'évacuation ou
13 pour prendre les enquêtes disciplinaires nécessaires après avoir appris le
14 massacre de prisonniers de guerre par des membres de la Défense
15 territoriale et des soldats volontaires se trouvant à ce moment-là sous son
16 commandement. Ceci indique, à mon avis, que le capitaine Miroslav Radic n'a
17 pas agi conformément à la doctrine de la JNA et a manqué à son devoir en
18 tant qu'officier et commandant."
19 Sur quoi fondez-vous cette opinion ?
20 R. Là encore, je fonde cela sur les documents qui m'ont été fournis, et
21 qui me donnent à penser qu'alors que le capitaine Radic ne semble pas avoir
22 été présent à Ovcara, il a été pleinement au courant de ce qui s'était
23 passé à Ovcara, je crois le lendemain, lorsqu'il a participé à des
24 conversations avec différents éléments de la Défense territoriale et des
25 volontaires. J'ai conclu de cela que même s'il n'avait pas été présent au
26 moment des événements, il était au courant ou est devenu au courant de ce
27 qui s'était passé, et par conséquent, conformément à la doctrine de la JNA,
28 il avait l'obligation de prendre des mesures. Il avait un devoir
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1 immédiatement de rendre compte de cela le long de la chaîne de commandement
2 et de faire les enquêtes et, si nécessaire, d'arrêter ceux qui, selon lui,
3 pour autant qu'il ait su, étaient soupçonnés d'avoir été responsables de
4 telles actions.
5 Q. Je vous remercie. S'agissant du capitaine Radic, si le capitaine Radic
6 avait été mis au courant de ces incidents au moment où ils étaient en train
7 d'avoir lieu, est-ce que ceci renforcerait ou affaiblirait vos conclusions
8 en ce qui le concerne ?
9 R. S'il avait été mis au courant que ceci se produisait au moment où cela
10 se passait, ceci aggraverait la charge de prendre des mesures immédiates :
11 premièrement, d'alerter la chaîne de commandement, et deuxièmement, de
12 prendre les mesures pour les arrêter. Et par la suite également, pour
13 s'occuper de ceux qui ont été les auteurs.
14 M. MOORE : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser. Je vous
15 remercie. Mais je voudrais demander que ce rapport soit versé au dossier
16 comme pièce à conviction.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il est versé au dossier.
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est la pièce à conviction 600, Monsieur
19 le Président.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que c'est la forme définitive
21 en couleur ? Ou est-ce que c'est l'original, ou quoi, Monsieur Moore ?
22 M. MOORE : [interprétation] C'est l'exemplaire en couleur, mais avec la
23 permission et l'accord des membres de la Chambre, comme j'en suis sûr ce
24 sera le cas, ainsi que de mes confrères, ce que j'ai l'intention de faire,
25 c'est de présenter ce rapport sous une forme améliorée --
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous avez déjà mentionné cela. Ce qui
27 m'intéresse, c'est de savoir s'il s'agit du rapport original et qui a
28 maintenant simplement un rapport qui est présenté en couleur. Est-ce que
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1 vous voulez que les deux soient versés au dossier ou seulement un seul ?
2 M. MOORE : [interprétation] Je peux expliquer, j'espère simplement qu'il
3 s'agit du rapport d'origine qui a été établi en août. Il est clair qu'il y
4 a des témoins que nous n'avons pas cherché à appeler. Nous avons complété
5 ceci -- ou le général a complété ceci en faisant des références à d'autres
6 documents. Peut-être qu'il serait prudent de verser les deux rapports de
7 façon à éviter des doutes ou des problèmes.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ceci est conforme au point de vue de
9 la Chambre en ce qui concerne cette situation pratique.
10 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons donc recevoir ce rapport
12 sous ses deux formes.
13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le rapport sous forme originale sera la
14 pièce à conviction 601.
15 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président.
16 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic.
18 M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
19 Je vais procéder au contre-interrogatoire du témoin de toute manière,
20 mais je voudrais juste préciser quelque chose en ce qui concerne cette
21 pièce à conviction qui vient d'être présentée pour versement au dossier.
22 Pour moi, il n'est pas clair de savoir si les deux ont été acceptés, à
23 savoir, le rapport d'expert dans lequel il n'y a pas de texte souligné, et
24 ensuite je ne sais pas quel est l'objectif de verser celui où il y a du
25 texte souligné. Est-ce que nous acceptons le premier pour voir ce qui était
26 le rapport original, ce qui était à l'origine, puis ensuite, les parties
27 qui ont été soulignées en rouge et qui n'ont pas été prises en
28 considération ? C'est ainsi que mon confrère M. Moore l'a expliqué, mais je
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1 voudrais être bien sûr qu'on a précisé cela pour que tout soit bien clair
2 pour tout le monde.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pensais que nous avions bien
4 développé ce point au point d'être arrivés à une clarté totale, Monsieur
5 Vasic.
6 Le rapport d'origine est le rapport original, et il est versé au dossier en
7 tant que tel. Il est clair que dans la mesure tout au moins où il y a
8 maintenant du texte souligné dans la deuxième version, il est reconnu par
9 l'Accusation que c'est la partie du rapport qui ne contient pas d'éléments
10 de base. La version en couleur, avec des parties soulignées, de façon à
11 être pratique pour le monde, y compris pour la Chambre, c'est de ne pas
12 tomber inconsciemment dans le piège qui consistera à se fonder sur des
13 passages qui n'ont pas été démontrés. Est-ce que ceci suffit ? Quant à
14 l'original, il a été reçu sur cette base et avec cette mise en garde.
15 Maître Vasic, le temps qui vous est imparti commence à midi 10.
16 M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
17 Contre-interrogatoire par M. Vasic :
18 Q. [interprétation] Bonjour à tous. Bonjour, Monsieur Pringle. Je suis
19 Miroslav Vasic, et je représente M. Mrksic.
20 M. MOORE : [interprétation] Je vous prie de m'excuser si j'interromps. Je
21 viens de recevoir un billet.
22 On nous dit que - il se peut qu'il y ait une erreur - mais je me
23 demande s'il existe une liste dont nous pourrions avoir peut-être copie,
24 s'il vous plaît, pour les trois accusés.
25 M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
26 Je vais essayer de rattraper le temps par rapport à ce que M. Moore a
27 utilisé. Certains des documents qui ont été présentés ici comme pièces à
28 conviction, je vais m'en servir. Ceci ne constitue pas un problème. Mon
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1 opinion est que cet expert a exprimé son opinion en répondant aux questions
2 posées par l'Accusation, donc de la même manière, je vais procéder à mon
3 contre-interrogatoire, tout au moins en ce qui me concerne.
4 Je vous remercie.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suis sûr que Me Lukic et Me
6 Borovic, s'ils vont se fonder sur des documents, feront en sorte que M.
7 Moore puisse avoir la liste au cours de la suspension. Je vous remercie.
8 M. VASIC : [interprétation]
9 Q. Monsieur Pringle, vous avez dit dans votre rapport que vous avez conçu
10 votre tâche lorsque l'Accusation vous a demandé votre aide dans l'affaire
11 de Vukovar en fournissant votre évaluation de l'évolution de la situation
12 militaire du point de vue des aspects militaires et professionnels en
13 l'espèce; est-ce exact ?
14 R. C'est exact.
15 Q. Je vous remercie. Vous a-t-on, à ce moment-là, fourni la documentation
16 complète que possédait l'Accusation, et avez-vous été en mesure de choisir
17 dans ces documents ceux que vous avez mentionnés dans l'annexe A, qui est
18 annexée à votre rapport ou est-ce qu'on vous a présenté seulement les
19 documents que vous avez notés dans l'annexe ?
20 R. On m'a présenté les documents dont j'ai donné la liste en annexe.
21 Q. Je vous remercie. J'ai aussi une question à poser en ce qui concerne
22 l'annexe. Dans l'annexe, vous donnez une liste de 60 noms de témoins dont
23 les déclarations vous ont été confiées par mes confrères de l'Accusation.
24 Ce que je souhaiterais savoir, c'est si vous avez également reçu les
25 comptes rendus des dépositions de ces témoins qui ont déposé en l'espèce et
26 qui figurent sur la liste, ou si vous n'avez reçu que les comptes rendus
27 qui vous ont été fournis par mes confrères, pour ceux qu'ils considéraient
28 comme étant pertinents aux fins de votre déposition d'expert ?
Page 11061
1 R. J'ai reçu les comptes rendus de la liste des témoins qui figurent à
2 l'annexe.
3 Q. Je vous remercie. Est-ce que mon confrère de l'Accusation a appelé
4 votre attention sur les différences qui existaient entre les déclarations
5 de certains témoins, ce sur quoi ils ont déposé devant la Chambre de
6 première instance, ou est-ce que vous avez en fait examiné les comptes
7 rendus et est-ce que vous avez retrouvé les différences vous-même ?
8 R. J'ai examiné les comptes rendus personnellement dans le cours de la
9 rédaction de mon rapport, et effectivement les déclarations qui sont dans
10 le rapport et les conclusions qui ont été tirées sont le résultat de ma
11 lecture des documents qui sont annexés dans mon rapport.
12 Q. Je vous remercie. Maintenant, je voudrais vous demander, maintenant que
13 vous êtes au courant des différences qui existent entre les déclarations
14 faites, que l'on trouve au compte rendu et dans les déclarations des
15 témoins, est-ce que vous avez tenu aucun compte de ces différences dans vos
16 conclusions ou y a-t-il certaines parties dans vos conclusions, autre que
17 le texte qui a été souligné par mon confrère, sur lesquelles il n'a pas
18 cherché à se fonder ?
19 R. Je ne suis pas bien sûr d'avoir compris, me demandant si j'étais
20 conscient des différences entre les déclarations du compte rendu et les
21 déclarations des témoins. Les témoins -- j'ai lu les comptes rendus de ce
22 que disaient les témoins, et c'est dans l'annexe.
23 Excusez-moi, Maître Vasic, mais je ne suis pas sûr d'avoir compris votre
24 question.
25 [Le conseil de la Défense se concerte]
26 M. VASIC : [interprétation]
27 Q. Je vais préciser ma question, qui n'était pas tout à fait claire.
28 Lorsque je dis "compte rendu," je veux parler du compte rendu de la
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1 déposition personnelle d'un témoin dans le prétoire devant la Chambre de
2 première instance. Dans les cas où vous avez constaté que les comptes
3 rendus de certaines dépositions faites par des témoins étaient différents
4 par rapport aux déclarations faites par le témoin aux enquêteurs de
5 l'Accusation, par exemple, est-ce que vous avez rejeté ou écarté une telle
6 déclaration de vos conclusions ? C'est cela ma question. Je pense que c'est
7 peut-être un peu plus clair.
8 R. Oui, je crois que je peux voir où vous voulez en venir. Mon rapport
9 était rédigé sur la base des déclarations faites par les témoins telles
10 qu'elles figurent à l'annexe lorsque je les ai reçues. Je pense qu'après
11 cela, différents témoins ont déposé. On m'a fourni certaines dépositions.
12 Par exemple, on m'a fourni -- je crois qu'il s'agit du commandant
13 Trifunovic, et j'ai lu sa déposition. Je ne sais pas lequel de ces témoins
14 a déposé en totalité, et je n'ai pas -- enfin, j'ai lu une partie des
15 dépositions.
16 Q. Monsieur Pringle, je voudrais vous demander de faire un effort
17 maintenant pour essayer de vous rappeler, indépendamment de la
18 transcription de la déposition de M. Trifunovic, vous rappelez-vous les
19 noms de d'autres témoins dont vous avez lu la déposition au compte rendu
20 lorsque vous rédigiez votre rapport ?
21 R. Oui. J'ai lu -- voulez-vous me rappeler le nom du commandant du --
22 Q. Vojnovic.
23 R. Vojnovic, oui, j'ai lu cela. J'ai lu sa déposition. Oui, la déposition
24 qu'il a faite en salle d'audience.
25 J'ai lu, je crois, Vucic, numéro 72. Je suis en train d'essayer de me
26 rappeler la différence qu'il y avait entre déposition dans l'audience et
27 déclaration du témoin, déclaration originale du témoin. Mais j'en ai lu un
28 certain nombre, oui.
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1 Q. Je vous remercie, Monsieur Pringle. Je vois qu'à l'annexe A, il y a 60
2 noms pour lesquels vous avez reçu des déclarations. Pour autant que j'aie
3 pu analyser les choses, lorsque vous avez rédigé votre rapport, vous avez
4 utilisé environ 20 % de ces déclarations et vous n'avez pas utilisé le
5 reste.
6 Pourriez-vous s'il vous plaît nous dire quels sont les critères que vous
7 avez utilisés pour décider de vous servir de ces 20 % et de ne pas utiliser
8 les 80 % qui restaient ? Quel était votre propre critère pour le faire ou
9 est-ce que ceci a été fait de cette manière pour quelque autre raison ?
10 R. Non, c'étaient mes propres critères, et vous verrez dans mon rapport
11 que ceci est réparti en un certain nombre de questions qui sont reproduites
12 en caractères gras, en gras. J'ai recherché les déclarations et les
13 éléments de preuve, si c'est le terme qui convient, qui pourraient me
14 permettre de répondre à ces questions, donc tout n'était pas pertinent pour
15 répondre à ces questions, tout n'y correspondait pas.
16 Q. C'est un peu comme si vous essayiez de deviner, en fait, ce qui
17 m'intéressait, à savoir si votre recherche sur les documents était limitée
18 par les questions que vous posiez ou les questions qui vous étaient posées,
19 vous n'êtes pas allé au-delà des limites très strictes de cette question;
20 est-ce exact ?
21 R. C'est en partie exact, en partie inexact. Ma recherche dans la
22 documentation n'était pas limitée par les questions. Mes réponses aux
23 questions ont été tirées dans la documentation que j'ai lue, et toute la
24 documentation n'était pas pertinente pour répondre à ces questions
25 précises.
26 Q. Je comprends bien. Je vous remercie. D'après vous, toute la
27 documentation pertinente que vous avez lue a été incluse dans votre
28 rapport, tout ce que vous avez considéré comme étant pertinent ?
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1 R. Toute la documentation pertinente en fait partie, a été incluse dans ma
2 recherche. J'en ai ensuite fait mention sur mes recherches pour répondre
3 aux questions qui sont présentées dans le rapport.
4 Q. Je vous remercie. Les parties pertinentes que vous avez retrouvées en
5 examinant les documents avant de rédiger votre rapport sont toutes
6 comprises dans le rapport ? Aucune d'entre elles n'a été exclue ou écartée
7 ou laissée de côté par rapport au rapport ? C'est cela que je voudrais
8 savoir.
9 R. Bien, évidemment, j'ai utilisé ce que j'avais lu et j'ai mis des notes
10 de bas de page lorsque cela convenait. Parfois, j'ai cité, lorsque cela
11 était approprié et nécessaire, et tout ce à quoi j'ai mis des notes de bas
12 de page ou que j'ai cité est tiré de la documentation qui m'a été fournie.
13 Q. Bien. Merci. Je suppose qu'à votre point de vue ou votre conclusion qui
14 découle à l'évidence de votre rapport, c'est un ensemble de prémisses qui
15 découle d'un nombre limité de documents auxquels vous avez eu accès ainsi
16 que des déclarations de témoins qui vous ont été montrés par mes confrères
17 de l'Accusation ? Donc, je suppose qu'à cause de cela, vous seriez d'accord
18 avec moi pour dire que si vous aviez eu d'autres documents ou d'autres
19 dépositions ou d'autres déclarations qui contredisaient ou étaient opposés
20 à ceux que vous avez eus, votre point de vue ou votre opinion aurait été
21 susceptible de changer, n'est-ce pas ?
22 R. Je voudrais vous demander de regarder le paragraphe 3 de mon
23 introduction. Je voudrais le lire. J'ai dit : "On m'avait demandé
24 d'examiner un certain nombre de questions précises que j'ai énoncées ci-
25 dessous et si c'était nécessaire et approprié par rapport à la
26 documentation qui m'était fournie, de parvenir à une conclusion basée sur
27 ma propre expérience concernant la participation militaire et la conduite
28 du point de vue militaire des trois accusés sur l'objet de l'acte
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1 d'accusation."
2 Donc, mon rapport et mes conclusions sont basés sur la documentation que
3 j'ai lue. Du point de vue de l'hypothèse, si j'avais lu quelque chose
4 d'autre, j'aurais pu parvenir à une conclusion différente. Vous avez
5 raison.
6 Q. Je vous remercie, Monsieur Pringle. Je voudrais maintenant que nous
7 puissions éclaircir certains points de terminologie qui, je crois, ne sont
8 pas tout à fait clairs dans vos conclusions.
9 Dans la parie qui traite du commandement et du contrôle, vous citez,
10 et ceci est au paragraphe 15, page 4, vous dites qu'il y avait une base
11 légale et constitutionnelle codifiée dans la doctrine de la RSFY. Ma
12 question est : quelle est cette doctrine de la RSFY, qu'est-ce qu'elle
13 constitue, puisqu'en fait cette catégorie n'existait pas à l'époque dont
14 nous parlons, ni en tant que concept, ni en tant que document ? Je vous
15 parle de la page 4 de la version anglaise et du paragraphe 15.
16 R. Est-ce que vous êtes en train de dire, Maître Vasic, qu'en 1982, la loi
17 de 1982 sur la défense généralisée n'existait plus en 1991 ?
18 Q. Non, Monsieur Pringle. Je suis dans la confusion, là. Je suis gêné par
19 le terme ou le concept que vous utilisez ici, la notion, à savoir, la
20 doctrine de la RSFY, de la République socialiste fédérative de la
21 Yougoslavie. Personnellement, je ne connais pas cette expression ni un
22 document de ce nom. C'est pour cela que je voudrais vous demander de bien
23 vouloir expliquer ce que vous voulez dire par doctrine de la RSFY.
24 R. Bien. Doctrine. La doctrine, pour parler plus simplement, la doctrine,
25 c'est ce qui est enseigné. La doctrine, c'est ce qui est utilisé pour
26 décrire les documents fondamentaux sur lesquels le comportement, la
27 conduite et les procédures, par exemple, sont effectués par exemple dans le
28 domaine militaire. A cet égard, la doctrine, dans ma terminologie, je l'ai
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1 décrite comme étant la doctrine de la JNA exactement de la même manière que
2 je décrirais des documents analogues pour d'autres armées, tels que la
3 doctrine allemande ou la doctrine britannique ou la doctrine américaine, et
4 cetera.
5 Q. Est-ce que ceci veut dire qu'il y avait une sorte de lapsus, ici ? Mais
6 il ne s'agit donc pas d'une doctrine de la JNA, mais d'une doctrine de la
7 RSFY. Maintenant, d'après votre réponse, je comprends et je suppose que
8 vous voulez dire qu'il s'agissait de la doctrine de l'armée populaire
9 yougoslave, même si ce n'est pas ce qui est écrit ici.
10 R. Bien, les documents que j'ai lus, pour la plupart des sources. Si vous
11 prenez par exemple l'exemple de la loi sur la défense généralisée --
12 comment est-ce qu'on pourrait appeler cela, un document de la SFRY ?
13 J'appellerais cela la doctrine du commandement et de contrôle dont nous
14 avons parlé dans ces différents livrets de la doctrine de la JNA. Le mot
15 "doctrine" voulant dire une description générique de ce qui est énoncé.
16 Q. Oui, Monsieur Pringle, il n'y a pas de problème pour ce qui est de
17 comprendre le mot "doctrine", mais dans vos conclusions, vous avez établi
18 un lien entre le terme "doctrine" avec l'Etat, donc cette expression n'est
19 pas familière. Est-ce que ceci -- enfin, ce que je voulais dire, c'était la
20 doctrine de la JNA. Faites-vous une différence entre les documents de
21 doctrine et des documents qui énoncent le cadre normatif ou les documents
22 normatifs, lorsque vous parlez du système de la défense généralisée ?
23 R. Je considère la documentation que j'ai lue comme étant tout à fait
24 pertinente pour ce qui est de la conduite des opérations par la JNA.
25 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'en 1991, la doctrine de la
26 JNA n'existait pas ? Ce qui existait, c'était la doctrine de la défense
27 généralisée et de l'autoprotection sociale comme doctrine commune faisant
28 partie du système de défense du pays ?
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1 R. Ce que j'accepterais, c'est qu'en 1991, l'Etat appelé ex-Yougoslavie
2 était en train de se dissoudre et que, par conséquent, la doctrine
3 appliquée par la JNA aurait été conforme ou aurait été tirée des doctrines
4 qui s'appliquaient ou qui étaient respectées par le passé.
5 Q. Ma dernière question avant la suspension. Lorsque vous avez rédigé
6 votre rapport d'expert, et lorsque vous avez examiné la doctrine, est-ce
7 que vous vous êtes mis au courant ou est-ce que vous vous êtes familiarisé
8 avec deux documents concernant la doctrine, à savoir, la doctrine de la
9 défense généralisée et de l'action sociale, c'est-à-dire la stratégie de la
10 défense généralisée et l'autoprotection sociale, ainsi que la stratégie
11 pour les conflits armés ? Est-ce que c'est quelque chose que vous avez
12 incorporé dans vos conclusions d'expert ?
13 R. Je ne crois pas avoir vu l'un ou l'autre de ces documents, à moins que
14 vous ne puissiez m'aider sur ce point, Maître Vasic. S'ils sont référencés
15 dans l'une des quelque 100 notes de bas de page, veuillez appeler mon
16 attention sur cela. Mais s'ils ne s'y trouvent pas, alors il est probable
17 que je ne les aie pas vus.
18 Q. Je vous remercie, Monsieur Pringle. Ils n'y sont pas. Ce sont des
19 documents de doctrine, et je pense que dans vos conclusions, vous avez
20 davantage traité de documents normatifs.
21 Je vous remercie de vos réponses. Je pense que le moment est venu
22 pour la suspension de la séance.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Vasic.
24 Comme je l'ai indiqué hier, il va être nécessaire de passer plus de
25 temps que d'habitude au cours de cette suspension. Nous reprendrons donc à
26 14 heures 15. La séance est suspendue.
27 --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 31.
28 --- L'audience est reprise à 14 heures 15.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore.
2 M. MOORE : [interprétation] Merci. Je suis désolé d'aborder le sujet comme
3 je vais le faire, mais il nous a toujours été clairement dit, c'étaient les
4 décisions venant de la Chambre, que nous devrions avoir les documents qui
5 allaient être communiqués. J'ai dit ce matin que nous n'avons rien reçu de
6 la Défense aujourd'hui. La conséquence de cela, c'est qu'on communique les
7 nouveaux documents. C'est les Juges qui doivent décider s'ils font cela
8 exprès ou non, mais nous ne pouvons pas parler avec le témoin sans avoir
9 accès aux documents, sans avoir une copie des documents. Ceci n'est pas
10 acceptable et c'est tout simplement en désaccord flagrant avec les ordres
11 des Juges de la Chambre. Ceci désavantage le Procureur, ceci désavantage le
12 témoin, et vos ordres, vos instructions étaient claires et spécifiques.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous voulez dire que vous
14 venez de recevoir seulement les documents, les documents qui ont une
15 pertinence factuelle ou que vous n'avez jamais reçu ces documents ?
16 M. MOORE : [interprétation] Nous ne les avons pas reçus en avance. Peut-
17 être qu'il s'agit de pièces à conviction, mais nous ne les avons même pas
18 vus. L'équipe de la Défense peut lever les yeux au ciel si elle veut, mais
19 ils savent très bien que c'est quelque chose qui se passe depuis des
20 semaines déjà. Cela devient une pratique. Donc, je voudrais demander
21 d'avoir les documents à l'avance, qu'on nous les communique à l'avance,
22 pour qu'au moins le témoin puisse savoir exactement de quoi il s'agit. Ceci
23 n'a pas été fait. Je ne veux pas aborder au cas par cas les documents.
24 Qu'il s'agisse de pièces à conviction ou non, nous devrions avoir un aperçu
25 avant, nous devrions les connaître. C'est pour cela que je me suis levé
26 pour protester.
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Moore.
28 M. MOORE : [interprétation] J'en ai terminé.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons voir si cela va
2 affecter de quelque façon que ce soit vos questions supplémentaires demain.
3 Monsieur Vasic, vous pouvez continuer.
4 M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie.
5 Q. Monsieur Pringle, nous allons continuer. Au cours de votre expertise,
6 quand vous avez parlé du commandement et du contrôle, vous avez dit que
7 vous n'avez pas parlé du système en totalité, de la façon dont le système
8 fonctionne et est organisé. Je voudrais savoir si le système de
9 commandement et de contrôle s'exerce sur trois niveaux : le niveau
10 stratégique, opérationnel et tactique ?
11 R. Oui, effectivement. Le commandement et le contrôle comprennent ces
12 trois niveaux.
13 Q. Merci. Vous conviendrez avez moi que le fonctionnement du commandement
14 du Groupe opérationnel sud ne serait valide que si vous aviez eu accès à
15 tous les documents concernant le fonctionnement de ce commandement, y
16 compris le journal des opérations, de la brigade, le registre du
17 fonctionnement de la brigade et tous les événements, y compris les
18 briefings et les débriefings qui sont passés par le commandement de ce
19 groupe opérationnel, aussi bien vers un niveau supérieur que vers le niveau
20 inférieur de la chaîne de commandement ?
21 R. Non, je ne serais pas d'accord avec vous. J'ai dit au début que j'ai
22 basé mon rapport sur les documents que j'ai pu lire, que j'ai pu voir, et
23 c'est sur la base de ces documents que j'ai examinés que j'ai élaboré mon
24 rapport.
25 Q. Oui, Monsieur Pringle, je veux bien. Mais ici, nous avons eu l'occasion
26 d'entendre l'officier opérationnel ou chargé des opérations, M. Trifunovic,
27 qui nous a dit qu'au sein de la brigade, l'on tenait un journal des
28 opérations et de "reporting" et qu'on y consignait tous les ordres qui
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1 passaient par la brigade, des ordres, des instructions, des rapports reçus
2 du Groupe opérationnel sud venant des unités qui lui étaient subordonnées.
3 Est-ce que vous le savez ?
4 R. Oui.
5 Q. Merci. Dans votre rapport d'expert, vous avez aussi parlé de
6 l'évacuation de l'hôpital de Vukovar. Vous avez parlé aussi des accords de
7 Zagreb. Vous avez dit que ces accords ont été signés à un niveau le plus
8 élevé, le plus haut possible. Vous avez reçu un certain nombre de documents
9 du bureau du Procureur. Est-ce que parmi ces documents, vous en avez trouvé
10 qui disaient que le commandement du Groupe opérationnel sud était au
11 courant du contenu de cet accord ou est-ce que vous avez vu un seul
12 document qui indiquerait que le commandement du Groupe opérationnel sud a
13 reçu un ordre du 1er District militaire leur demandant de respecter cet
14 accord ?
15 R. Dans les documents qui se réfèrent aux accords de Zagreb, là il
16 s'agissait d'un accord qui concernait l'évacuation des prisonniers de
17 guerre dans la zone opérationnelle, dans la zone opérationnelle sud. Il me
18 semble inimaginable que le commandant du Groupe opérationnel sud et son QG
19 n'étaient pas au fait de l'existence de cet accord et de l'exigence
20 d'évacuer le personnel en accord aux accords de Zagreb. D'ailleurs, cette
21 évacuation a eu lieu.
22 Q. Monsieur Pringle, je vous ai tout simplement demandé si vous avez vu un
23 seul document ou une seule référence qui indiquerait que le commandement de
24 ce groupe opérationnel avait effectivement reçu un tel ordre. Seriez-vous
25 d'accord avec moi pour dire que dans les documents que vous avez examinés,
26 on ne trouve pas de telles références ?
27 R. Je dirais que c'est exact. Je ne pense pas avoir vu un ordre du
28 district, du 1er District militaire adressé au Groupe opérationnel sud. Mais
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1 cela ne veut pas dire qu'un tel ordre n'existe pas.
2 Q. Oui, bien sûr. Merci. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que quand
3 il s'agit de former les groupes opérationnels, cette création, cette
4 formation est décrite dans les règles de corps d'armée, où il est dit qu'un
5 groupe opérationnel peut être créé au niveau du commandement du 1er District
6 militaire ou par son commandement, et que c'est une formation qui comprend
7 un corps d'armée renforcé par plusieurs brigades ? Il peut aussi s'agir
8 d'une formation qui est composée de plusieurs armées, de plusieurs corps
9 venant du même district militaire, et que cette formation peut être créée
10 par l'état-major, et dans ce cas-là, il s'agirait d'un groupe opérationnel
11 de l'état-major. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette définition ou
12 est-ce que vous pensez qu'il s'agit d'une formation ad hoc ?
13 R. D'après ce que j'ai compris, un groupe opérationnel est une formation
14 qui est créée pour une mission spécifique, dans une zone de responsabilité
15 spécifique, pour une période spécifique, et cette formation est composée de
16 plusieurs organisations au niveau de la brigade et plus haut que cela. Je
17 ne serai pas plus spécifique que cela parce que je pense qu'un groupe
18 opérationnel peut exister sous différentes formes organisationnelles. Cela
19 dépend de la mission.
20 Q. Bien. Je vous remercie. Aujourd'hui, vous avez parlé de votre confrère,
21 pour ainsi dire, l'officier M. Zorc, et je pense que c'est comme cela qu'il
22 a défini l'organisation de groupes opérationnels, de la façon que je viens
23 de vous présenter.
24 R. Oui, effectivement. Il parle du niveau de corps d'armée, mais quand
25 j'ai lu cela, j'ai mis un point d'interrogation à côté, dans la marge,
26 parce que dans la doctrine, on parle surtout de conflits entre deux
27 missions, alors qu'ici, vous avez un conflit d'un niveau moins élevé que
28 cela. Donc, je peux imaginer qu'on crée des groupes opérationnels en tant
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1 que formation ad hoc, donc une formation composée de différentes formations
2 d'un niveau inférieur.
3 Q. Mais vous conviendrez qu'une brigade c'est une unité, une formation qui
4 existe à un niveau stratégique, tactique de commandement ?
5 R. Quand on utilise ces termes, tactique, opérationnel ou stratégique, je
6 dirais que ces termes peuvent induire en erreur quand il s'agit des
7 opérations dont on parle. Le niveau opérationnel existe pour coordonner et
8 mener à bien des activités tactiques pour aboutir à des objectifs
9 stratégiques. Pour dire les choses plus simplement, une brigade peut mener
10 des opérations tactiques, mais la plupart des opérations d'une brigade dans
11 ce type de conflit sont les opérations opérationnelles qui ont une
12 signification stratégique et des implications stratégiques. Je pense que
13 cette définition stricte de ce qui est opérationnel, tactique ou
14 stratégique n'est pas très utile pour ce qui nous intéresse.
15 Q. Monsieur Pringle, vous venez de faire une conclusion, mais je dois vous
16 dire que la catégorisation que je viens de vous donner vient du système de
17 commandement et de contrôle. Pour moi, il est tout simplement inimaginable
18 que le commandement d'une brigade puisse commander et exercer son
19 commandement avec un certain succès s'il commande une unité qui est
20 composée de plusieurs brigades, puisque tout simplement, il n'aurait pas
21 suffisamment d'effectif pour fonctionner avec succès au niveau
22 opérationnel, puisque, pour dire les choses simplement, il n'y aurait pas
23 suffisamment d'officiers pour exercer cette tâche. Est-ce que vous êtes
24 d'accord ?
25 R. Pas forcément. Cette Brigade motorisée de la Garde, c'était une
26 formation d'élite avec une très bonne organisation, un commandant chevronné
27 et très fort, avec des officiers bien formés et avec un QG qui fonctionnait
28 très bien. Cette organisation, d'après ce que je pense, aurait été tout à
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1 fait capable de prendre sous son commandement d'autres formations. Dans la
2 doctrine de l'OTAN, pour comparer, un groupe de combat pourrait avoir
3 beaucoup plus qu'un seul bataillon. C'est justement le commandant de
4 bataillon ou de régiment de blindés qui serait le commandant qui prendrait
5 le commandement de ce groupe. Donc, je ne suis pas d'accord avec votre
6 affirmation.
7 Q. Mais vous conviendrez que quand il s'agit de former des unités ad hoc,
8 tel que le groupe tactique ou opérationnel, qu'il faut respecter la règle
9 que si le commandant d'une unité commence le commandant d'une telle
10 formation ad hoc, ce commandement doit être renforcé pour pouvoir commander
11 une telle unité à un niveau opérationnel ?
12 R. Peut-être. Mais c'est une décision qui appartient au commandement
13 supérieur. Ici, c'est une décision qui appartiendrait au général Panic, qui
14 était le commandant du 1er District militaire. Je pense qu'il ne pensait pas
15 que c'était nécessaire. Il considérait que cette Brigade motorisée de la
16 Garde était tout à fait capable de se transformer en groupe opérationnel et
17 de commander ce groupe opérationnel.
18 Q. Vous savez sans doute qu'avant que le commandement de la Brigade de la
19 Garde ne devienne le commandement du Groupe opérationnel sud, qu'avant
20 cela, le Groupe opérationnel sud avait un commandant complètement
21 indépendant et c'était Bajo Bojat ?
22 R. Je sais que la Brigade motorisée de la Garde a pris le commandement du
23 Groupe opérationnel sud, qu'avant cela le commandant de ce groupe était
24 Bajo Bojat, puisqu'on y trouve une référence dans le journal de guerre. On
25 dit que Bojat a pris congé et qu'il a souhaité bonne chance à cette unité.
26 Mais je ne sais pas quel était le QG qu'il avait lui.
27 Q. Je vous ai posé toutes ces questions par rapport aux missions du Groupe
28 opérationnel sud, après les opérations de combat à Vukovar, après la fin de
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1 ces opérations de combat. Je pense que vous savez qu'au cours de ces deux
2 ou trois jours, on a évacué des milliers de civils et des blessés de
3 Vukovar, et ceci à plusieurs reprises. C'était une opération qui a duré. Je
4 pense que vous saviez aussi que le côté croate ne voulait pas laisser voir
5 ces convois du peuple croate et ceci a ajouté aux difficultés de leur
6 mission. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi ?
7 R. Je sais à peu près quelle était la situation après la date du 18, la
8 date officielle de la chute de Vukovar. Je sais qu'il y a eu beaucoup
9 d'évacuations. Je sais quelle était la situation en termes généraux dans
10 laquelle s'était trouvé le Groupe opérationnel sud.
11 Q. Est-ce que vous pensez que le fait de renvoyer les convois sur le
12 territoire qui faisait partie de la zone de responsabilité du Groupe
13 opérationnel sud, est-ce que vous pensez que ceci a ajouté aux difficultés
14 du Groupe opérationnel sud et son commandement, qui devait quotidiennement
15 élaboré les missions des unités du groupe ?
16 R. Non, je pense au contraire que le Groupe opérationnel sud était tout à
17 fait capable de mener à bien ses missions. Vous devez vous rappeler qu'il
18 existe une différence de taille entre les opérations qui se déroulaient à
19 Vukovar.
20 La situation dans laquelle le groupe se serait trouvé s'il s'agissait
21 d'une zone très étendue, les problèmes auraient été complètement
22 différents. Mais dans cette opération, le Groupe opérationnel sud se
23 trouvait dans une situation statique, le QG se trouvait à un endroit
24 précis. Il n'y avait pas d'opérations de manœuvre qu'il devait mener à
25 bien. Tout ceci aurait pu être bien plus complexe, mais la situation dans
26 laquelle il s'est trouvé était bien appropriée et telle que le colonel
27 Mrksic et son unité pouvaient s'en acquitter.
28 Q. Vous êtes au courant de la question de convois, des problèmes
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1 concernant les convois, les procédures concernant la population civile, les
2 prisonniers de guerre de Mitnica, et vous savez que tout a été fait pour
3 qu'ils puissent arriver à leur destination et qu'ils ne sont pas passés par
4 la Croatie, puisque les Croates ne voulaient pas les prendre, ne voulaient
5 pas les recevoir, mais ils sont passés par la Bosnie et par la Serbie. Vous
6 êtes au courant de cela ?
7 R. Vous m'avez posé une question, Maître Vasic ?
8 Q. Oui, je viens de vous poser la question de savoir si vous saviez que
9 les unités qui ont participé à ces opérations ont mené à bien leur mission,
10 et qu'ils ont fait ce travail correctement en aidant cette population.
11 R. Oui. Oui, je suis au courant de cela. Je sais qu'il y a eu d'autres
12 opérations d'évacuation dans les zones de responsabilité du Groupe
13 opérationnel sud.
14 Q. Merci. Vous avez parlé du commandant du Groupe opérationnel sud et de
15 son obligation de prendre les mesures appropriées pour être en mesure de
16 respecter pleinement les conventions de Genève, pour empêcher tous les
17 problèmes disciplinaires et qu'il était obligé d'en informer son
18 commandement supérieur, le général Panic, et que d'ailleurs ces
19 instructions lui ont été communiquées dans un ordre, un ordre de Zivota
20 Panic.
21 Il s'agit de la pièce 415. M. Moore a évoqué ce document avec vous. Je
22 voudrais demander que l'on examine la dernière page de ce document. La
23 troisième page, s'il vous plaît.
24 R. Est-ce que vous allez me donner la version en langue anglaise sur
25 l'écran ou est-ce que vous voulez que j'essaie de la trouver dans mon
26 classeur ?
27 M. VASIC : [interprétation] Je vais demander que l'on essaie de trouver la
28 version en anglais pour le témoin puisque le témoin n'est pas en mesure de
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1 lire le B/C/S.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
3 M. VASIC : [interprétation] Je voudrais que l'on place sur les écrans la
4 deuxième page en langue anglaise, il s'agit du huitième paragraphe, le
5 point huit. Merci.
6 Q. Est-ce que vous avez vu, est-ce que vous avez trouvé ce paragraphe ?
7 R. Oui, c'est sur l'écran.
8 Q. La première phrase concernant la mise en garde ou l'on demande
9 d'empêcher des vengeances. Vous en avez parlé avec M. Moore. N'est-il pas
10 exact que l'on peut lire ce qui suit : "Chaque unité dans sa zone de
11 responsabilité doit contrôler pleinement la situation sur le territoire et
12 les commandants de tous les niveaux sont responsables de cela."
13 Ensuite, suit le texte que vous avez déjà lu, est-ce que j'ai bien lu ce
14 qui est écrit là ?
15 R. Oui, je vais vous lire : "Chaque unité doit contrôler pleinement la
16 situation sur le territoire de sa zone de responsabilité. Les commandants
17 de tous les niveaux seront responsables de cela."
18 Oui, effectivement. C'est ce qui est écrit ici.
19 Q. Est-ce que cela veut dire que pour mener à bien la mission qui est
20 indiquée, c'est le commandant de la région militaire qui a décidé que les
21 commandants qui lui sont subordonnés seront responsables de ce qui se passe
22 dans leur zone de responsabilité ?
23 R. Là, il s'agit de la chaîne de commandement purement et simplement.
24 Chaque commandant, à chaque niveau, est responsable de sa mission. La
25 mission telle qu'elle est décrite, telle qu'elle lui a été confiée, et
26 chaque commandant supérieur est également responsable pour l'intégralité
27 des missions qui ont été confiées à ses subordonnés.
28 Q. Merci. Voici ce qui m'intéresse : vous avez parlé de cet ordre, vous
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1 avez parlé de vos conclusions quand vous avez parlé de la conduite du
2 commandant du Groupe opérationnel sud. Vous avez aussi lu le procès-verbal
3 de M. Trifunovic, sa déposition ici devant cette Chambre de première
4 instance. Si je vous disais qu'à la page 8 237 du compte rendu de sa
5 déposition, il s'agit des lignes 1 à 12, si je vous dis qu'il a dit que le
6 colonel Mrksic, en tant que commandant du Groupe opérationnel sud, se
7 basant sur les ordres reçus de son commandement, a fait de ces ordres les
8 ordres qu'il a communiqués aux unités qui lui étaient subordonnées, est-ce
9 que vous permettez dans ce cas la possibilité que cet ordre aussi ait été
10 communiqué aux unités appartenant au Groupe opérationnel sud ? Est-ce que
11 vous êtes au courant de cela, de ce qu'a dit M. Trifunovic ?
12 R. Je pense que M. Trifunovic a déposé pendant quatre jours à peu près, il
13 y a beaucoup de pages quand on lit la transcription de sa déposition. Mais
14 s'il a dit cela, je veux bien, oui.
15 Q. Merci.
16 R. Mais je dois ajouter qu'en recevant les ordres de son commandement --
17 il recevait les ordres de son commandement, il a dû en recevoir beaucoup
18 d'ailleurs. Ensuite, il transformait ces ordres, les ordres reçus, aux
19 ordres qu'il transmettait par la suite à ses unités. Il s'agit là d'une
20 déclaration d'ordre général ou est-ce qu'il parle de quelque chose de
21 précis ?
22 Q. Il parlait de tous les ordres importants, tous les ordres importants
23 qu'il recevait qui venaient du 1er District militaire, du commandement du 1er
24 District. D'ailleurs, je vous en donne la page et les lignes en question.
25 Dans l'annexe A, vous n'avez trouvé aucun document venant du
26 commandement de la 80e Brigade motorisée. On ne vous a donné aucun de ces
27 documents ou vous ne les avez pas pris en considération puisque tout ce que
28 j'ai pu voir ici ce sont les ordres venant du 1er District militaire et les
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1 ordres venant du commandement du Groupe opérationnel sud. Est-ce que vous
2 ne les avez pas inclus ou est-ce que vous ne les avez pas reçus ?
3 R. A l'époque où j'ai écrit ce rapport, j'avais une déclaration de témoin,
4 la déclaration du témoin 70, je pense que c'est Milorad Vojnovic. J'ai vu
5 une déclaration de témoin. Ensuite, il a déposé ici, je pense que c'était
6 il y a quelques jours, j'ai reçu aussi le procès-verbal de sa déposition et
7 j'ai lu cela.
8 Q. Qu'en est-il d'ordres du commandement de la 80e Brigade ? Est-ce que
9 vous avez reçu un seul ordre ? Je vous pose une question à propos des
10 ordres donnés par le commandant de la 80e Brigade au moment des faits. Ce
11 sont là les documents dont je parle.
12 R. Je ne pense pas, à moins que je n'en fasse mention dans mon rapport.
13 Q. Monsieur Pringle, le commandant du Groupe opérationnel sud, notamment
14 par l'ordre strictement confidentiel 349-1 du 9 novembre 1991, c'est la
15 pièce 374, a constitué des commandements locaux conformément à l'ordre
16 donné par le commandant du corps d'armée. Etiez-vous au courant de ceci ?
17 R. Oui. Je pense avoir vu cet ordre. Je pense qu'il est donné aux
18 détachements d'assaut 1 à 5, si je ne m'abuse, si ma mémoire ne me fait pas
19 défaut.
20 Q. Cet ordre parle notamment des détachements d'assaut ou des
21 commandements locaux, des zones locales de Vukovar, mais on parle aussi du
22 commandement local de Negoslavci, Jakubovac, Grabovo et Ovcara, dans ces
23 secteurs-là.
24 R. Merci.
25 Q. Est-ce que vous étiez au courant du fait qu'un peu plus tard, après le
26 17 novembre 1991, cet ordre a été élargi, à savoir qu'au lieu de Slobodan
27 Misovic, le commandant d'Ovcara, celui de Jakubovac et de Grabovo, Miodrag
28 Vojnovic a succédé à Slobodan Misovic ?
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1 R. Je ne pourrais vous dire si j'ai vu cet ordre-là ou pas, mais si vous
2 l'affichez à l'écran, je pourrai apporter un commentaire.
3 Q. Non, ceci ne découle pas de l'ordre, mais l'ordre est mentionné dans un
4 rapport de combat du Groupe opérationnel sud envoyé au commandant de la 1er
5 Région militaire. Je vous demandais simplement si vous étiez au courant de
6 cela. Mais je pense que ceci n'est pas contesté. Il n'est pas contesté que
7 le commandant Miodrag Vojnovic fût aussi le commandant du secteur Ovcara.
8 En fait, il y a quelque chose d'autre qui m'intéresse, nous en avons
9 parlé. Nous avons l'ordre désignant les commandants locaux qui dit que dans
10 l'exercice de leurs fonctions, les commandants locaux doivent strictement
11 respectés les règlements de service de garnison et de casernes, ce qui
12 vient du quartier général et du règlement de service des forces armées ?
13 R. Si vous voulez me montrer ce document, je pourrai le commenter.
14 Q. Merci beaucoup. Je vais vous demander d'examiner la pièce 374, en
15 anglais, s'il vous plaît.
16 M. VASIC : [interprétation] Qu'elle soit affichée à l'écran. J'espère
17 qu'elle est affichée, maintenant. Oui, voilà, c'est fait.
18 Q. Monsieur Pringle, nous allons essayer d'avoir un plan plus rapproché
19 afin que vous puissiez dire s'il s'agit ici de l'ordre désignant les
20 commandements locaux, ordre émis le 9 novembre 1991. Vous le voyez,
21 maintenant, n'est-ce pas ?
22 R. Oui, je vois ici : "J'ordonne ainsi," c'est la première ligne du
23 deuxième paragraphe que je vois à l'écran.
24 Q. Si je vous pose la question, c'est aussi parce qu'après, il faudra voir
25 le point 5, page 2. C'est la partie qui m'intéressait, mais je croyais que
26 vous la connaissiez.
27 M. VASIC : [interprétation] Point 5, s'il vous plaît, Monsieur l'Huissier.
28 Page 2.
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1 Q. Est-ce que vous voyez ce point 5 ?
2 R. Oui.
3 Q. Voici ce qui est dit : "Organiser les autorités dans ces régions
4 conformément aux règlements de service des forces armées et du règlement de
5 service des garnisons et casernes et prendre toutes les mesures nécessaires
6 pour empêcher des attaques menées par des groupes terroristes et de
7 sabotage et l'exécution d'actions terroristes.
8 "Réunir les instructions pour assurer le travail et les conditions de vie
9 normales de la vie de la population ainsi que son travail."
10 R. Oui.
11 Q. Et enfin : "Empêcher que la population et les habitants des localités
12 de la région soient maltraités et empêcher qu'il y ait fouilles
13 d'appartements ou maisons sans que ceci ne soit autorisé."
14 R. C'est exact.
15 Q. Voici ce que je voudrais savoir -- oui, je vais ralentir.
16 Est-ce que vous savez que conformément aux règlements de service des
17 garnisons et des casernes, un commandant local a l'obligation de veiller au
18 maintien de la discipline, de l'ordre et du service dans la zone qu'il
19 commande ? Il a aussi l'obligation d'informer tout officier traversant sa
20 zone de responsabilité de toutes les dispositions du règlement. Ceci vient
21 du règlement de service des forces armées. Est-ce que vous connaissez ces
22 dispositions ou celles-ci en tout cas ?
23 R. Oui, de façon générale. Si vous parlez d'instructions figurant dans le
24 règlement, cela semble tout à fait raisonnable, effectivement.
25 Q. Un commandant local établit les règles d'ordre et de discipline dans
26 tout centre de détention provisoire se trouvant dans sa zone de
27 responsabilité. Est-ce que vous connaissez cet élément-là également ?
28 R. S'il y avait des unités de détention, le commandant local en aurait la
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1 responsabilité, ainsi que le commandement qui est au-dessus de lui et
2 jusqu'en haut de la voie hiérarchique.
3 Q. Bien entendu. Nous venons de lire un ordre; il dit que le commandant
4 local doit proscrire, interdire de la façon la plus rigoureuse possible
5 tout mauvais traitement qui serait infligé à la population locale. Est-ce
6 que vous connaissez un ordre similaire adopté le 20 novembre par le
7 commandement local ? Le numéro d'ordre strictement confidentiel est 439-1.
8 C'est la pièce 419. Dans ledit ordre 439-1 strictement confidentiel, on
9 souligne la nécessité d'empêcher que des mauvais traitements soient
10 infligés à la population locale. Vous le connaissez ?
11 R. Pourriez-vous l'afficher à l'écran ?
12 Q. Bien entendu.
13 M. VASIC : [interprétation] Il s'agit de la pièce 419. Placez s'il vous
14 plaît le texte en anglais à l'écran.
15 Compte rendu d'audience page 7, ligne 20, je souhaite intervenir pour
16 préciser ceci. Le numéro de l'ordre -- non, c'est bon. C'est bon, oui, oui,
17 excusez-moi, je me suis trompé.
18 Q. Nous avons ce texte, maintenant, Monsieur Pringle ?
19 R. Oui. Oui, je connais cet ordre. J'y ai fait référence dans mon rapport,
20 note de bas de page 45.
21 Q. Je vous remercie. Avez-vous vu le journal opérationnel de la 80e
22 Brigade motorisée ?
23 R. J'ai vu plusieurs journaux aux registres opérationnels, notamment celui
24 du Groupe opérationnel sud. Je ne suis pas sûr de celui de la 80e Brigade
25 motorisée, à moins que je ne le mentionne dans mon rapport. Mais si vous
26 voulez que j'apporte un commentaire, n'hésitez pas à l'afficher à l'écran.
27 Q. Nous serions vivement surpris si vous affirmiez avoir vu le journal
28 d'opérations du Groupe opérationnel sud puisque nous, c'est certain, nous
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1 ne l'avons pas vu, pas plus que M. Theunens, apparemment. Mais je vais
2 demander que soit affichée à l'écran la pièce 375. J'aimerais qu'on vous
3 montre une mention figurant dans le journal d'opérations de la Brigade de
4 la Garde, à 18 heures, le 19 novembre. L'Accusation connaît cette mention,
5 cette rubrique. Excusez-moi, ici, il s'agit du journal de guerre.
6 Monsieur Pringle, nous avons besoin de la mention du 19 novembre
7 1991, 18 heures, page 10. Normalement, c'est la page 10 en anglais.
8 Vous voyez ce qui est écrit ici ? "Au cours de la matinée, les
9 Oustachi emprisonnés ont été amenés à la prison de Sremska Mitrovica. Il y
10 a eu des combats dans le secteur de l'hôpital où l'on s'attend à la
11 reddition de ce qui reste du ZNG et du MUP, environ 200 hommes. L'ordre a
12 été donné d'être prêts à intervenir afin d'organiser la garde des
13 prisonniers."
14 Voici ce que j'aimerais vous demander. Est-ce que vous connaissez
15 cette mention figurant dans le journal d'opérations de la 80e Brigade ?
16 Est-ce que vous en étiez au fait au moment où vous avez rédigé votre
17 rapport ?
18 R. Je me contenterai de vous renvoyer à l'annexe. Là se trouve le journal
19 de guerre de la 80e Brigade motorisée. Donc là, je n'étais pas au courant
20 de ceci au moment de la rédaction de mon rapport.
21 Mais je vais vous demander de revenir au paragraphe 11, à ce que vous
22 venez de lire, parce que je ne sais pas si ce que vous avez lu est
23 exactement ce qui figure à l'écran.
24 Merci. Vous dites qu'il avait été prévu d'être prêts à organiser la
25 sécurité des prisonniers.
26 Q. Ecoutez, essayons d'économiser nos efforts. Nous en avons discuté avec
27 les Juges de la Chambre lors de l'audition d'un autre témoin. Nous
28 examinions la version B/C/S, et il nous a été possible d'établir que le mot
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1 à utiliser, c'était "ordonner" plutôt que "arranged" en anglais. C'est
2 peut-être pour cela que vous semblez un peu hésitant. Si, à la place du mot
3 arrangé ou prévu ou des dispositions prises, si vous voyiez ordonné, à ce
4 moment-là, est-ce que cela ne voudrait pas dire que le commandant de la 80e
5 Brigade avait reçu l'ordre d'être prêt à organiser la sécurité des 200
6 prisonniers du ZNG et du MUP qui se trouvaient à l'hôpital ? Est-ce que ce
7 n'est pas là la question ?
8 R. Que le terme soit "arranged" ou "ordered", je dirais que c'est un ordre
9 de mise en garde qui avertit la 80e Brigade motorisée qu'elle doit être
10 prête à veiller à la sécurité des prisonniers, c'est-à-dire qu'il faut se
11 servir de son propre sens de l'initiative pour être prêts à conclure cet
12 acte, ces tâches, et un ordre suivra dans ce sens.
13 Q. A votre avis, est-ce que cet ordre-ci suffirait pour avoir une
14 influence sur d'autres actions qui seraient prises après cela par le
15 commandant de la 80e Brigade motorisée ?
16 R. Je vous ai déjà dit à quel point cette opération était complexe, parce
17 que vous avez des unités très disparates, des formations très disparates
18 qui vont y participer. Par conséquent, je pense que le commandant de la 80e
19 Brigade motorisée va attendre des ordres détaillés du commandant du GO sud
20 pour savoir qui va participer, qui va avoir une responsabilité, la façon
21 dont ceci va être conduit. Ici, ce n'est pas un ordre. C'est un ordre
22 d'avertissement, de mise en garde. Il faut être vraiment prêts à
23 intervenir.
24 Q. Effectivement, Monsieur Pringle, mais je ne sais pas si vous m'avez
25 bien compris. Je veux dire, en tant que directive ou consigne, est-ce
26 qu'elle est suffisamment précise pour faire quelque chose, pour que cet
27 homme soit vraiment prêt à exécuter une mission qui va lui être donnée ?
28 Est-ce que ceci ne va pas déterminer son comportement dans toute mission à
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1 venir ?
2 R. Je suppose qu'il sera ainsi informé, alerté du fait qu'il est possible
3 qu'on lui demande ou qu'il aurait l'obligation de participer, sous une
4 forme, quelle qu'elle soit, à participer à une évacuation de prisonniers.
5 Il n'y a pas, ici, loin de là, suffisamment de détails pour vraiment faire
6 tous les préparatifs, mais il commence à se mettre sur un mode de réflexion
7 pour voir comment il doit prévoir une telle opération en se servant de ses
8 capacités de réflexion et d'initiative. Ici, on est loin d'avoir un ordre
9 qui donne cette mission.
10 Q. Mais si je vous disais, Monsieur Pringle, que Vojnovic est le
11 commandant de la 80e Brigade, qu'il avait déjà exécuté ces tâches les 18 et
12 19 à Ovcara, là où son unité surveillait les unités du MUP et du ZNG
13 capturées de Minitca, est-ce que vous étiez au courant de ceci ? Est-ce que
14 ceci ne va donner un nouvel éclairage à cette directive qui a été envoyée
15 le 19 novembre à 18 heures ?
16 R. Oui, je connais ce texte de façon générale et je sais aussi que cette
17 mission, cette opération s'est effectuée dans le bon ordre, ce qui veut
18 dire que de façon générale, il est au courant du genre d'opérations qu'on
19 l'invite à envisager, mais il n'a pas de détails. Où, quand, comment, vers
20 où, est-ce qu'il y a participation d'organisations internationales ? Tout
21 cela, il ne le sait pas.
22 Q. Il est probable que vous êtes au courant du fait que le 20 novembre, on
23 trouve une autre mention dans le journal des opérations de la 80e Brigade
24 motorisée, à 18 heures. Il s'agit de la pièce 371. Le commandant a demandé
25 que des relèves des équipes de surveillance soient organisées pour assurer
26 la sécurité des membres du ZNG et du MUP qui ont été capturés. A cet effet,
27 on a désigné des membres de la 80e Brigade motorisée et de la compagnie de
28 police
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1 M. MOORE : [interprétation] Je ne comprends pas la question, pour
2 autant que cela en soit une. Si je me souviens du contexte de cette
3 déposition, cette mention vient du fait de ce que Vojnovic a trouvé quelque
4 chose à Ovcara. C'est donc la conséquence de ce qu'il a trouvé à Ovcara et
5 ce n'est pas quelque chose dont il a été informé.
6 M. VASIC : [interprétation] Je trouve que c'est un commentaire qui manque
7 tout à fait de courtoisie. En plus, cela semble souffler la réponse au
8 témoin. Je ne pense pas que ce soit là quelque chose d'équitable. Ma
9 question était limpide. Je demandais au témoin s'il était au courant de
10 l'existence de cette mention, de cette rubrique; c'est tout.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic, je suis désolé. Je ne
12 vais pas ici faire l'arbitre sur un ring de boxe entre vous deux. Mais la
13 façon dont vous avez posé la question ne représente pas fidèlement la
14 déposition qui a eu lieu. C'est ce qui a poussé M. Moore à faire le
15 commentaire qu'il vous a fait. Ce que vous aviez l'intention de dire est
16 peut-être ce que vous venez d'expliquer, mais ce que vous aviez posé
17 effectivement comme question ne représentait pas fidèlement la déposition
18 de l'autre témoin, et M. Moore vous a corrigé.
19 Donc, vous devriez poursuivre. Je pense que le général essaie de vous
20 répondre depuis quelques instants, alors autant lui donner la parole. Si
21 vous ne traduisez pas bien tout ceci, vous ne pouvez pas être étonné si M.
22 Moore intervient.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
24 Pouvez-vous afficher à l'écran la pièce 371 ?
25 M. VASIC : [interprétation]
26 Q. Bien entendu. J'étais sur le point de le faire. Il s'agit de la
27 rubrique du 20 novembre à 18 heures.
28 R. Est-ce que vous pouvez agrandir l'image ?
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1 Q. Je pense que ce n'est pas la bonne rubrique. Je parlais de 16 heures.
2 R. Je vois 16 heures : "Le commandant de la brigade demande que des
3 équipes d'officiers soient désignées, qu'ils soient chargés de surveiller
4 les membres du ZNG et du MUP qui ont été capturés. Les officiers de
5 commandement en ont été chargés."
6 Q. Vu ce qui figure ici dans le journal de guerre de la 80e Brigade, est-
7 ce que la mission consistait à surveiller ces membres qui avaient été
8 capturés à 16 heures le 20 novembre à Ovcara ?
9 R. On ne parle pas du tout d'Ovcara. Je pense que cette mention concerne
10 le 20 novembre à 16 heures. Ma réaction instinctive serait de dire que
11 c'est un peu tard pour une opération qui a commencé le matin de ce jour-là.
12 Q. Monsieur Pringle, ma question était simple. Si vous lisez ceci, que
13 pensez-vous ? Ne pensez-vous pas que la mission consistait à surveiller et
14 à garder les prisonniers du MUP et du ZNG ?
15 R. Oui. C'est dit ici "qu'ils soient nommés pour garder et surveiller les
16 membres du ZNG et du MUP," mais cela ne dit pas où.
17 Q. Merci, Monsieur Pringle. Mais regardez la mention suivante, 22 heures
18 35. Que pensez-vous de cette rubrique ? Est-ce que ceci n'indique pas que
19 ceci doit se passer à Ovcara ?
20 R. On dit : "La sécurité du camp des membres du ZNG capturés a été retirée
21 du secteur d'Ovcara et ces fonctions ont été reprises par les territoriaux
22 de Vukovar." Je ne sais pas ce que cela veut dire. Je ne vois pas. Peut-
23 être est-ce que GVP veut dire la police militaire ? "…et les organes de
24 permanence du commandement de la brigade sont retournés au poste avancé au
25 village de Negoslavci."
26 Q. Est-ce que ceci ne pousse pas à croire que tout ceci s'est passé à
27 Ovcara ?
28 R. Bien, la mention de 22 heures 35 mentionne bien le mot "Ovcara," là, je
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1 suis d'accord.
2 Q. Merci, Monsieur Pringle. Nous sommes toujours à cette mention de 22
3 heures 35. A votre avis, l'officer qui a la responsabilité de la sécurité
4 de ces prisonniers, est-ce qu'il a respecté les règlements de service et à
5 un moment donné de la nuit, il retire son unité, même si auparavant il
6 avait reçu un ordre ou pas ? Mais compte tenu du fait qu'il savait que
7 certains membres de la TO s'étaient comportés de façon agressive à l'égard
8 de certains prisonniers détenus à Ovcara. Est-ce que ceci serait conforme
9 aux règlements de service ? Je parle ici de l'action prise, de la décision
10 prise par l'officier. Qu'en pensez-vous ?
11 R. Pour répondre, il faudrait que j'aie le contexte, le contexte que j'ai
12 pour avoir lu plus de documents. Si je me souviens bien, le commandant de
13 la 80e Brigade motorisée, lorsqu'il a découvert que des officiers de
14 l'état-major de la brigade, que des convois d'autocars avec des prisonniers
15 arrivaient à Ovcara à son insu ou sans qu'il ait participé au préalable à
16 ces actions, il est allé au poste de commandement du GO sud pour les ordres
17 du soir. Il est arrivé tard, si je me souviens de sa déposition. Il avait
18 essayé en effet d'empêcher ce qui se passait à Ovcara. Il est arrivé au
19 Groupe opérationnel sud où il dit au commandant ou informe ce commandant de
20 ce qui se passe à Ovcara. Et d'après sa déposition, le commandant le
21 renvoie, et je pense qu'on a demandé à ce témoin : Qu'est-ce que tu fais
22 là. Enfin là, j'essaie de me remémorer cette déposition. Il a cru
23 comprendre que la réponse et l'attitude du commandant voulait dire qu'il
24 n'avait pas sa place à cet endroit.
25 Si vous lisez cette déposition, si vous l'acceptez, tout commandant
26 raisonnable conscient de cette pagaille qui régnait à Ovcara aurait dû
27 prendre des mesures pour essayer de démêler tout ce qui se passait là-bas,
28 pour ramener l'ordre. Or, ceci ne semble pas s'être passé.
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1 Q. Monsieur Pringle, est-ce que vous dites que ceci est basé sur la
2 déclaration de M. Vojnovic, sur la base de sa déclaration -- sur la base de
3 sa déduction qu'il n'était pas censé être là, qu'il n'avait pas lieu d'être
4 là, non pas qu'il ait reçu des ordres ou quoi que ce soit, mais basé sur sa
5 déduction qu'il était en droit de retirer son unité, ayant précédemment été
6 témoin de comportements agressifs des membres locaux de la Défense
7 territoriale contre les prisonniers sur place ? Est-ce que c'est cela que
8 vous êtes en train de dire, Monsieur ?
9 R. Ce que je dis, c'est que je me rappelle, du mieux que je peux, la
10 déposition de M. Vojnovic dans laquelle il a appelé l'attention de son
11 commandant supérieur sur ce qui se passait à Ovcara et le fait qu'il s'est
12 trouvé lui-même au milieu d'une pagaille de commandement et de contrôle, et
13 qu'il témoigne sur le fait qu'il a eu clairement l'impression que le
14 commandant rejetait cette préoccupation et demandait même ce qu'il faisait
15 là.
16 Ce qui se passait effectivement, c'était que bien qu'Ovcara se trouva
17 dans la zone de responsabilité de la 80e Brigade motorisée, le principe
18 d'unité du commandement avait été transgressé et qu'il y avait une
19 opération tout à fait distincte qui était en cours dans sa zone
20 d'opération, à laquelle il n'avait pas participé. Il n'avait pris aucune
21 part dans le planning.
22 Donc, il avait absolument raison de demander des directives à son
23 commandant, et ayant reçu, à son avis - je dis bien à son avis - ayant reçu
24 de la part de son commandant une sorte de renvoi ou pourquoi est-ce que
25 vous vous mêlez de cela, il a estimé que ceci voulait dire qu'il n'avait
26 pas lieu d'être là, et je suppose que ceci aurait eu pour résultat pour lui
27 de retirer ses troupes de la ferme d'Ovcara.
28 Q. Monsieur Pringle, vous nous avez relaté la déposition faite par M.
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1 Vojnovic. Vous êtes un officier de très haut rang dans l'armée britannique.
2 Sur la base de ce que vous connaissez des règlements de service, un
3 officier, un commandant de brigade, le commandant local de Jakubovac,
4 Ovcara et Grabovo dont il se trouve que c'est la zone de responsabilité,
5 basé seulement sur sa propre hypothèse, est-il en droit de se retirer ses
6 propres troupes de l'endroit où ils étaient envoyés, de leur mission qui
7 était de garder les prisonniers, compte tenu du fait qu'il a précédemment
8 été témoin d'une attaque de la part des membres locaux de la Défense
9 territoriale contre ces prisonniers à l'intérieur du hangar cette nuit-là ?
10 Il n'y avait pas eu d'ordres en ce sens. Il n'avait rien reçu du tout. Et
11 même s'il avait reçu un ordre en ce sens, n'aurait-il pas été obligé de
12 refuser un tel ordre de retirer ces soldats ? Est-ce que ceci aurait été
13 conforme aux règlements de service ? Est-ce que la même chose ne serait pas
14 appliquée dans l'armée britannique, Monsieur ?
15 R. Mon impression est que très peu de ce qui s'est passé là-bas était
16 conforme aux règlements de service. Ce qui se passe à la ferme d'Ovcara
17 n'est certainement pas conforme aux règlements de service. Le fait qu'un
18 commandant de la 80e Brigade motorisée vienne trouver son commandant pour
19 avoir des directives et des éclaircissements et tout simplement n'est pas
20 reçu de la façon qu'on pouvait prévoir est une omission très surprenante de
21 la part d'un commandant du rang du colonel Mrksic et de la réputation du
22 colonel Mrksic. On ne peut que supposer qu'on se trouve dans une pagaille
23 totale de commandement et de contrôle.
24 Donc, alors que vous dites que vous savez, en principe, est-ce que ceci est
25 conforme aux règlements, et tout le reste de ce qui s'est passé n'est pas
26 conforme aux règlements.
27 Le commandant de la 80e Brigade motorisée, juste pour terminer, je
28 pense qu'il a dû se trouver dans une situation très, très difficile, et
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1 c'était donc la responsabilité de son commandant supérieur de régler ces
2 questions.
3 Q. Monsieur Pringle, ma question était très simple. Elle concernait
4 les règlements de service. Je vous ai rappelé que le lieutenant-colonel
5 Vojnovic était le commandant local à Ovcara, et nous savons quelles étaient
6 ses obligations en tant que commandant local, quelles étaient ses
7 fonctions. Ne serait-il pas conforme aux règlements de service, est-ce
8 qu'un officier n'aurait pas le devoir, s'il était gêné par un ordre qu'il
9 aurait reçu de son supérieur, même s'il y avait eu un tel ordre, un ordre
10 qui aurait pu conduire à des infractions d'ordre criminel ou même crimes de
11 guerre, est-ce que cet officier n'aurait pas dû refuser d'exécuter cet
12 ordre et retourner auprès de son officier supérieur, dans cette affaire, le
13 commandant de la 1ère Région militaire ? Est-ce que ceci n'aurait pas été
14 exigible par le règlement, ou est-ce que vous voyez sous un jour tout à
15 fait différent l'ensemble de la situation ?
16 R. Non. La situation telle que je la vois est une situation de confusion
17 totale. Il est très facile d'invoquer des règlements. Mais il est
18 extrêmement difficile dans une situation comme celle-ci, dans laquelle un
19 officier se trouve dans un état de confusion du point de vue du
20 commandement et du contrôle, et qui apparemment n'a pas l'appui de façon
21 délibérée de son commandant supérieur, il est très difficile pour lui de
22 prendre des mesures nécessaires. En théorie, je suppose que le colonel
23 Vojnovic aurait pu prendre l'ensemble de sa brigade, aurait pu aller à la
24 ferme d'Ovcara et aurait pu chasser les volontaires et les membres de la
25 Défense territoriale à la pointe du fusil et déclarer que l'opération était
26 terminée. En théorie. Mais à l'évidence, ce n'était pas si facile.
27 Q. Monsieur Pringle, je ne sais pas si c'est quelque chose que vous avez
28 entendu dire par mes confrères. Le lieutenant-colonel Vojnovic était le
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1 commandant local à Ovcara, et entre le 15 et le 20, le commandant du Groupe
2 opérationnel sud l'avait resubordonné à un groupe tactique de la 125e
3 Brigade, détachement de la Défense territoriale de Stara Pazova, un
4 bataillon blindé appartenant à la 544e Brigade motorisée, et ce groupe
5 tactique - et l'ensemble était pour constituer un régime de sécurité à
6 Jakubovac, Ovcara et Grabovo. Cette unité comprenait un millier d'hommes.
7 Comment pouvez-vous dire qu'il n'avait pas les conditions voulues sur place
8 pour exécuter cet ordre qui lui avait été donné par son propre commandement
9 le 19 novembre à 18 heures, pour aller là-bas, prendre ces prisonniers de
10 guerre et tout simplement les garder ? Pour autant que je puisse voir, il
11 n'y a aucune confusion du tout ici dans le système de commandement et de
12 contrôle.
13 R. Alors, à ce moment-là, votre compréhension, Maître Vasic, du
14 commandement et du contrôle est complètement différente de la mienne.
15 Ce qu'un commandant de la 80e Brigade motorisée qui se trouve dans le
16 milieu d'une telle situation, c'est qu'en fait, il a été dépassé par les
17 événements. Il a reçu un ordre très clair qui était de procéder à
18 l'opération d'évacuation et de garder tous les prisonniers à Ovcara et
19 d'être responsable des forces qu'il utilise. Il pouvait même être en mesure
20 de décider de son propre mouvement, que la présence, par exemple, des
21 forces territoriales et des volontaires n'était absolument pas conforme
22 avec ce type d'opération. Mais cela n'est pas ce qui s'est passé. On lui a
23 présenté une opération au cours de l'exécution de laquelle il a alors
24 appelé l'attention de son commandant, et son commandant apparemment n'a
25 rien fait pour régler la question.
26 Maintenant, vous pouvez dire de façon simpliste, oui, il aurait pu prendre
27 les 1 000 hommes qu'il avait et attaquer son propre côté. Mais si son
28 commandant n'avait rien fait pour régler la question, alors ceci le
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1 laissait dans une position quelque peu difficile.
2 Vous êtes en train d'essayer de faire passer la responsabilité au
3 commandant de la 80e Brigade motorisée qui avait pris les mesures correctes
4 jusque-là et vous essayez d'enlever cette responsabilité au commandant de
5 la Brigade motorisée des Gardes et du Groupe opérationnel sud, qui
6 n'avaient pris aucune des mesures exigées, de mon avis.
7 Q. J'ai deux questions à vous poser, Monsieur Pringle. Ce que vous nous
8 dites maintenant, sur quoi le fondez-vous ? Sur quoi est fondée votre
9 opinion ? Est-ce que c'est tout ce que vous avez à dire ?
10 R. Mon opinion, comme je l'ai dit, est fondée sur la documentation que
11 j'ai lue. Maintenant, je suis parfaitement conscient du fait qu'il y a eu -
12 - cette Chambre siège depuis de très nombreux mois, et je n'ai pas vu toute
13 la documentation. Mais sur la base de la documentation que j'ai lue, telle
14 est mon opinion. Il appartiendra à la Chambre de décider si mon opinion a
15 quelque véracité ou non, Monsieur le Président.
16 Q. Certainement, Monsieur Pringle. Je vais vous poser encore une question
17 toutefois. Quels sont les documents pertinents que vous avez examinés et
18 qui vous ont conduit à faire cette déduction, à l'exception évidemment de
19 la déposition faite par M. Vojnovic, bien entendu ?
20 R. Je pense que les documents-clés sont le témoignage de M. Vojnovic, sa
21 déposition, et -- est-ce que c'est Vasiljevic, ce nom ? Son témoignage --
22 ce n'est pas dans mon annexe parce qu'on l'a reçu plus tard, mais je crois
23 que sa déposition est également pertinente. Quant aux documents, je les ai
24 tous référenciés dans mon rapport.
25 Q. Oui, vous n'avez pas eu un seul document de la 80e Brigade, pour autant
26 que je puisse le lire, sur la base de votre rapport.
27 Une chose que j'aimerais vous demander, puisque vous avez étudié la
28 déclaration de M. Vojnovic, puisque vous avez fondé votre opinion là-
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1 dessus, est-ce que vous êtes au courant du fait que Vojnovic soutient
2 qu'après cet événement d'Ovcara le 21, une fois qu'il avait appris les
3 événements, il n'a informé personne au commandement supérieur. Tout ce
4 qu'il a fait, c'est une réunion avec un officier subalterne ou subordonné
5 pour éviter que ce genre de chose se reproduise. Est-ce que c'est tout ce
6 qu'il a fait ?
7 R. Il avait déjà informé son commandant supérieur. Je crois que c'était le
8 20.
9 Q. L'informer de quoi, Monsieur Pringle ?
10 R. Des événements qui avaient eu lieu ou qui avaient lieu à la ferme
11 d'Ovcara.
12 Q. Quels événements, Monsieur Pringle ?
13 R. Les événements qu'il décrit dans sa déposition.
14 Q. Veuillez s'il vous plaît avoir la bonté, puisque votre rapport est
15 fondé sur ce témoignage, sur cette déposition, pourriez-vous s'il vous
16 plaît décrire ces événements pour nous ?
17 R. Non, mon rapport a été rédigé avant que je ne voie sa déposition. Je
18 n'ai vu sa déposition que la semaine dernière ou au cours des deux
19 dernières semaines.
20 Très bien. Je vais me rappeler, je vais à nouveau faire appel à ma mémoire.
21 Pour autant que je m'en souvienne, il rappelle les autocars des prisonniers
22 qui arrivent à la ferme d'Ovcara, il rappelle qu'on les a obligés à passer
23 entre deux lignes de personnes qui les battaient, il rappelle qu'ils ont
24 insulté. Il rappelle, si je m'en souviens bien, la présence du commandant
25 Sljivancanin, il indique qu'il y a la présence de la Défense territoriale
26 et des volontaires, il décrit le fait qu'une corde a été tendue dans les
27 bâtiments de la ferme pour essayer de faire une séparation entre les
28 membres de la Défense territoriale et les volontaires qui se montraient
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1 extrêmement menaçants à l'égard des prisonniers de façon à les séparer des
2 prisonniers, il relate la présence de l'état-major de la brigade.
3 Voulez-vous que je poursuive ? Il décrit les événements à la ferme
4 d'Ovcara qui sont tout à fait irréguliers, et ensuite, d'après sa
5 déposition, il porte cela à l'attention de son commandant.
6 Q. Comme vous venez de le dire, il a informé son commandant de ce qu'il
7 estimait devoir faire, de ce qu'il estimait pertinent. Je vous ai demandé
8 de répondre en donnant quelques informations à ce sujet notamment qui
9 indique que des personnes avaient été tuées à Ovcara le 21. Il n'a informé
10 personne d'autre, ce sont ses propres paroles, à l'exception de l'officier
11 qui était directement sous ses ordres. Est-ce que vous êtes au courant de
12 cette partie précise de son témoignage, de sa déposition ?
13 R. Je ne veux pas faire de commentaire à ce sujet.
14 Q. Encore une question. Je ne suis pas sûr, peut-être que le moment est
15 venu pour suspendre la séance.
16 Mais Monsieur, est-ce que vous pensez, est-ce que vous croyez que le
17 lieutenant-colonel Vojnovic, en tant que commandant local d'Ovcara, aurait
18 eu le devoir d'informer tout officier ou tout organe ou institution dans
19 son territoire concernant les règles ou règlements qu'il avait énoncés en
20 ce qui concernait son propre secteur, sa propre région ? N'aurait-il pas eu
21 l'obligation, conformément à l'ordre émanant du Groupe opérationnel sud, de
22 s'assurer qu'il n'y avait pas de mauvais traitements de la population
23 locale dans la région qui se trouvait sous son commandement ?
24 R. Je suis d'accord que le commandant de la 80e Brigade motorisée, en
25 remplissant ses devoirs en tant que commandant local, aurait dû
26 effectivement insister sur ce type de responsabilité auprès de ceux qui
27 étaient sous ses ordres. Ce qui me surprend, c'est que cette opération à la
28 ferme d'Ovcara a été menée dans son secteur d'opération sans qu'il ne le
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1 sache, jusqu'au moment où il a eu connaissance de ces événements qui se
2 sont passés par la suite. Donc, en fait, nous sommes en train d'envisager
3 deux aspects quelque peu différents ici.
4 Q. Monsieur Pringle, est-ce que --
5 M. MOORE : [interprétation] Je suis désolé d'interrompre un instant.
6 Mais il s'agit de la question qui vient d'être posée. Est-ce que mon
7 confrère, en ce qui concerne la façon dont est composée la question posée à
8 la référence 89 : 22, est-il en train de se référer à l'ordre qui est
9 parvenu de Zivota Panic où il y a une indication claire que la question
10 devait être transmise aux unités subordonnées ? Parce que pour autant que
11 je le sache, il n'y a aucun élément de preuve en tant que tel, sauf des
12 hypothèses que par la suite, des officiers subalternes n'aient jamais été
13 informés de l'existence de ce document.
14 M. VASIC : [interprétation] Il existe des témoignages pour le montrer, pour
15 autant que je le sache, pour le démontrer. J'essaierai de retrouver les
16 références. Toutefois, c'était certainement --
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] L'heure est venue de suspendre la
18 séance. Donc, vous allez pouvoir rechercher ce que vous voulez. Maintenant,
19 nous allons avoir une suspension de 20 minutes. Vous-même, vous aurez
20 ensuite 20 minutes pour continuer.
21 La séance est suspendue.
22 --- L'audience est suspendue à 15 heures 33.
23 --- L'audience est reprise à 15 heures 56.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic.
25 M. VASIC : [interprétation] Je dois encore quelque chose, une information à
26 M. Moore. Il s'agit d'une référence sur le compte rendu d'audience. Il
27 s'agit donc de la page 9044 du compte rendu d'audience, lignes 16 à 23.
28 A présent, je voudrais demander que l'on place sur le rétroprojecteur la
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1 pièce 425. C'est un rapport de combat régulier du commandement du Groupe
2 opérationnel sud en date du 22 novembre 1991. Q. Je ne sais pas, vous
3 connaissez ce document, mais je pense qu'il est de toute façon préférable
4 de le voir sur l'écran en anglais.
5 Merci, Monsieur Pringle. Comme vous pouvez voir il s'agit d'un
6 rapport de combat régulier en date du 22 novembre. Je vais demander que
7 l'on regarde la fin du document, la deuxième page, s'il vous plaît. Les
8 deux derniers paragraphes, s'il vous plaît.
9 Monsieur Pringle, est-ce qu'il est exact de dire que l'on peut lire ici que
10 : "Pendant la journée, toutes les mesures ont été prises pour que la 80e
11 Brigade motorisée prenne les fonctions d'organisation et les fonctions de
12 commandement dans la région de responsabilité du Groupe opérationnel sud."
13 Ensuite, le paragraphe suivant : "Le commandement de la 80e Brigade
14 motorisée a reçu toutes les instructions et tous les documents concernant
15 l'organisation du commandement et du contrôle dans cette zone de
16 responsabilité."
17 R. Oui, Monsieur Vasic, c'est effectivement cela qui est écrit là. Il
18 s'agit de l'ordre en date du 22 novembre.
19 Q. Merci, Monsieur Pringle. Dites-moi, vous avez une expérience d'officier
20 de haut rang, est-ce que vous êtes d'accord pour dire que la transmission
21 des documents et des instructions est la dernière chose que l'on fait lors
22 de la relève ou de la transmission des responsabilités dans le cadre d'une
23 opération militaire ?
24 R. Là, ce n'est pas un ordre, c'est un rapport. C'est un rapport qui dit
25 que toutes les mesures ont été prises efficacement pour préparer la relève
26 de la 80e Brigade motorisée. Ensuite, dans le dernier paragraphe on peut
27 lire que : "Le commandement de la 80e Brigade motorisée a reçu les
28 instructions et les documents concernant l'organisation du commandement et
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1 du contrôle dans la zone de responsabilité du Groupe opérationnel sud." Ce
2 qui me fait penser que là nous sommes vraiment dans la phase finale de la
3 relève, c'est-à-dire du passage de fonctions, de responsabilité entre le
4 Groupe opérationnel sud, tel qu'il existait, et la Brigade motorisée de la
5 Garde vers la 80e Brigade motorisée.
6 Q. Merci. Quand vous avez préparé votre rapport d'expert, est-ce que le
7 Procureur vous a montré les rapports de combat du 1er District militaire qui
8 ont été envoyés au centre des opérations du QG ou de l'état-major les 20 et
9 21 novembre 1991 ? Ceux-ci expliquaient la situation dans la région, la
10 conduite de l'évacuation, et cetera.
11 Est-ce que vous avez vu cela ? Il s'agit des numéros 1614-177, la date du
12 20 novembre, et l'autre 1614-178 en date du 21 décembre 1991.
13 R. Je suis en train d'examiner rapidement les pièces jointes de mon
14 rapport où j'ai indexé tous les documents utilisés. Je ne sais pas où ces
15 documents s'y trouvent.
16 Q. Vous devriez le savoir.
17 R. Je ne sais pas.
18 Q. Je vous ai juste demandé si le bureau du Procureur vous a montré ces
19 documents. Est-ce que vous, vous avez jamais appris que le commandement du
20 1er District militaire a créé une équipe spécialement créée pour observer
21 l'évacuation de l'hôpital de Vukovar, la séparation des membres du ZNG et
22 du MUP, qui se cachaient ou qui se faisaient passer pour des patients de
23 l'hôpital, en les envoyant à des endroits déterminés au préalable. Ils
24 étaient aussi censés observer la situation en général et ils étaient censés
25 en informer le commandement du 1er District militaire, n'est-ce pas ?
26 R. J'ai l'impression que j'ai entendu parler de cela. J'ai lu beaucoup de
27 choses, mais il me semble que j'ai lu aussi quelque chose de ce genre.
28 Q. Vous souvenez-vous si dans le cadre de ce rôle de contrôle, si cette
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1 équipe a établi que l'on a placé les prisonniers, triés, les 20 et 21, dans
2 des endroits particuliers et que les conventions de Genève étaient
3 respectées pendant ce processus ? Est-ce que vous êtes au courant de cela ?
4 R. Je ne me souviens pas de cela. C'est vrai que j'ai lu beaucoup de
5 déclarations de témoins. D'après ces déclarations, les prisonniers de
6 guerre qui ont été évacués de l'hôpital n'ont absolument pas été traités
7 conformément aux provisions des conventions de Genève, enfin aux critères
8 établis par les conventions de Genève.
9 Q. Là vous me parlez de déclarations de témoins. Vous ne vous rappelez pas
10 d'un rapport émanant du 1er District militaire qui parlait de cela ?
11 R. Je me souviens effectivement, et là je vous parle de mes souvenirs,
12 d'un rapport qui a été envoyé au 1er District militaire, il a été envoyé par
13 le Groupe opérationnel sud en date du 20 novembre où l'on disait que les
14 prisonniers de guerre ont été évacués en respectant de façon stricte les
15 conventions de Genève, mais nous savons tous que ceci n'a pas eu lieu.
16 Q. Monsieur Pringle, je vous pose une question et vous me répondez autre
17 chose. Je vous ai posé une question au sujet de cette équipe. Cette équipe
18 qui a été créée par le commandement du 1er District militaire et qui était
19 chargée d'observer la situation à Vukovar pendant l'évacuation.
20 Est-ce que vous avez des informations à ce sujet, oui ou non ?
21 R. Non, non. Je ne me souviens pas de cela.
22 Q. Quand vous avez préparé votre rapport, est-ce que vous avez vu ou
23 trouvé des conclusions émanant du commandement du 1er District militaire en
24 date du 21 novembre où l'on indiquait que certains groupes ont entrepris
25 des activités de leur propre chef, activités qui n'étaient pas conformes
26 aux décisions prises par leur commandement respectif, et qu'à cause de
27 cela, il a été décidé que le commandement devrait prendre des mesures
28 appropriées pour protéger la population locale de tels actes commis par
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1 certains groupes qui relevaient de leur zone de responsabilité ? Est-ce que
2 vous avez entendu de telles informations, vu de telles informations en
3 examinant les documents ? Il s'agit des conclusions en date du 21 novembre
4 et il s'agit des événements qui ont eu lieu à Ovcara.
5 R. Je ne me souviens pas de cela, mais peut-être que vous pourriez le
6 mettre sur l'écran.
7 Q. Merci, Monsieur Pringle. Je vous ai juste demandé si vous vous
8 souveniez de cela. Est-ce que vous savez que le 19 novembre 1991, un groupe
9 d'officiers est arrivé à Negoslavci, un groupe d'officiers venant de la
10 direction chargée de la sécurité chargé de procéder au tri de prisonniers
11 le 18 et le 19 ainsi que le 20 novembre à Vukovar ? Est-ce que vous avez
12 entendu parler de cela ?
13 R. Oui, je me souviens, je me souviens d'une façon pas très précise qu'un
14 groupe d'officiers d'un organe de sécurité était arrivé dans la région et
15 qu'ils devaient, entre autres, observer et contrôler les prisonniers de
16 guerre.
17 Q. Merci, Monsieur Pringle. Est-ce que vous savez qu'une autre équipe a
18 été envoyée, une autre équipe qui venait d'un service de sécurité relevant
19 du 1er District militaire, qui est arrivée dans la région avec la même
20 mission et qu'ils ont fait leur travail le 19 et le 20 novembre ?
21 R. Je ne me souviens de cela, mais je ne serais pas surpris de l'apprendre
22 puisque ce qui se passait à Vukovar et que vous aviez une masse de
23 prisonniers de guerre, des combattants, la population locale qui étaient
24 impliqués dans des opérations de guerre et leur nombre était très
25 important. Il était difficile évidemment de trier ces gens, de séparer les
26 combattants des civils, et cetera. Je ne serais pas surpris d'apprendre que
27 les organes de sécurité seraient descendus dans le secteur.
28 Q. Est-ce que vous saviez qu'entre le 18 et le 21 novembre, le chef de la
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1 direction de la sécurité, Aleksandar Vasiljevic est venu à plusieurs
2 reprises à Vukovar ?
3 R. Je ne le savais pas.
4 Q. Monsieur Pringle, est-ce que vous saviez que le chef d'état-major du 1er
5 District militaire, le général Stojanovic avait donné l'ordre de ne pas
6 procéder aux échanges de prisonniers de guerre sans avoir obtenu au
7 préalable son accord ?
8 R. Je ne me souviens pas avoir vu cela.
9 Q. Merci. Saviez-vous que les négociations concernant la reddition du
10 groupe de Mitnica, les négociations portant sur l'évacuation de l'hôpital
11 ont été menées par le colonel Pavkovic, qui était l'adjoint au chef de
12 cabinet du ministre de la Défense nationale de l'époque ?
13 R. Je ne me souviens pas de tout cela. Là, vous parlez des négociations de
14 haut niveau qui se sont faites dans le cadre des accords de Zagreb, n'est-
15 ce pas ?
16 Q. Non, non. Là, il s'agissait des négociations menées par le général
17 Raseta. Je parle des négociations qui ont eu lieu à Vukovar le 18 et le 19
18 novembre 1991, le 20 aussi.
19 R. Non, je ne suis pas au courant des détails de ces négociations.
20 Q. Monsieur Pringle, savez-vous qu'une équipe des observateurs européens,
21 une équipe de la Croix-Rouge, après être arrivée à l'hôpital de Vukovar,
22 ont appris qu'un groupe de prisonniers avaient été amené et qu'ils n'ont
23 rien fait pour connaître le sort de ces personnes ?
24 R. Je sais que dans le cadre des accords de Zagreb on a défini le rôle de
25 la Croix-Rouge internationale, des observateurs de la Communauté européenne
26 et des Médecins sans frontières et d'autres. Je sais qu'ils ont pris du
27 retard et qu'ils ont été arrêtés au niveau d'un pont près de Vukovar, je
28 sais qu'ils sont arrivés à l'hôpital au moment où une partie de
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1 l'évacuation avait déjà eu lieu.
2 Q. Je le sais, mais vous n'avez pas répondu à ma question.
3 R. Vous me demandez si je savais qu'ils n'ont rien fait pour apprendre où
4 avait-on amené ces gens et quel avait été leur sort. Je vous réponds par la
5 négative.
6 Q. Je vous ai demandé s'ils savaient qu'on avait amené les gens le jour
7 même, le matin de ce jour.
8 R. Si moi, si je savais qu'on leur avait dit qu'un groupe de personnes
9 avaient été amenées ? Je ne suis pas sûr, mais il me semble me souvenir
10 qu'on leur avait effectivement dit cela, et puisqu'ils sont arrivés au beau
11 milieu de l'opération de l'évacuation, ceci ne devait pas les surprendre.
12 Cela étant dit, ils ne devaient pas savoir qui avait été amené, ni où, ni
13 pourquoi, puisque, si mes souvenirs sont exacts, à l'époque ils ont pris de
14 retard, ils ont été arrêtés au niveau d'un pont alors qu'ils essayaient
15 d'entrer à Vukovar.
16 Q. Monsieur Pringle, même si le terme de "climat de commandement" tel que
17 vous le présentez dans votre rapport, n'existait pas dans la doctrine et
18 dans les règlements de la JNA, pas de la façon dont vous le présentez, je
19 dois vous poser une question. Est-ce que vous croyez vraiment que ce qui
20 s'est passé à Ovcara était la conséquence de ce climat de commandement qui
21 prévalait au niveau du poste de commandement du Groupe opérationnel sud,
22 surtout quand nous avons entendu qu'il y avait à Vukovar, à l'époque, sur
23 le terrain les représentants des niveaux stratégiques du commandement et du
24 contrôle, des représentants du ministère de la Défense et du 1er District
25 militaire qui avaient pour mission de coordonner et d'observer la situation
26 elle-même, de participer aux négociations ? Est-ce que cela ne change pas
27 vos conclusions quant au climat de commandement ? N'est-il pas exact que
28 tous les niveaux de commandement stratégique, du stratégique vers
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1 l'opérationnel ou tactique ont une influence sur le climat de commandement,
2 pas juste à l'individu ?
3 R. Effectivement, quand je parlais du climat de commandement dans mon
4 rapport entre les pages 13 et 18, je veux bien accepter le fait que ce
5 terme n'existe pas dans la doctrine de la JNA, mais je pense que la
6 doctrine de la JNA reconnaît l'existence du climat ou l'importance du
7 climat de commandement. Là, je vais vous citer toute une série de
8 citations.
9 Le climat de commandement, tel qu'implanté par un commandant, quel que soit
10 son niveau, reflète chaque acte, chaque conduite, ses opinions, ses dires,
11 ses rapports humains, son style de commandement tout entier reflète le
12 climat de commandement. Vous essayez de me demander si je pense vraiment
13 que ce qui s'est passé à Ovcara était la conséquence depuis du climat de
14 commandement tel qu'il existait dans le Groupe opérationnel sud. Je ne peux
15 pas vraiment dire quel était le climat de commandement qui prévalait dans
16 ce groupe, dans le Groupe opérationnel sud, parce que je n'étais pas là, je
17 ne l'ai pas vu en action. Mais la façon dont le colonel Mrksic a commandé
18 ses troupes, la façon dont il s'est conduit, donc il a traité de
19 l'information allant dans les deux sens de la chaîne de commandement,
20 surtout quand il s'agissait de faire remonter les informations dans la
21 chaîne de commandement, et là je parle du rapport qui a été envoyé à la 80e
22 Brigade motorisée concernant les événements à Ovcara, donc la façon dont il
23 en parle dans ce rapport reflète bien le climat de commandement qui régnait
24 dans son unité.
25 Si vous me posez une question précise, à savoir, est-ce que ce qui
26 s'est passé à Ovcara est le résultat direct d'un climat de commandement, je
27 ne saurais répondre à cette question. Mais c'est certainement le résultat
28 direct des activités qui ont ou n'ont pas été prises dans la chaîne de
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1 commandement.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic, vous avez dépassé de
3 cinq minutes le temps qui vous est alloué.
4 M. VASIC : [interprétation] Je veux bien, excusez-moi, mais je lui ai posé
5 une question très précise et il ne m'a pas répondu précisément à la
6 question. Je lui ai posé une question au sujet des membres de commandement
7 au niveau stratégique qui étaient là et j'ai voulu savoir de quelle façon
8 cela a pu influé sur les événements à Ovcara. Il m'a répondu, il m'a
9 raconté plein de choses, mais il n'a pas répondu précisément à ma question.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Vasic.
11 Général, est-ce que vous avez entendu ce qui a été dit ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pourriez-vous répondre ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. A cet égard, le climat du commandement,
15 c'est le résultat, la conséquence permanente de la façon dont agit le
16 commandement. C'est le ton qui est donné par ce commandement, le style
17 qu'il a, ce qui fait que les subordonnés vont penser que quelque chose est
18 acceptable ou inacceptable pour le commandant. Par conséquent, s'il y a
19 arrivée d'organes extérieurs, ceci ne va pas changer le climat qui a été
20 établi par le commandant de quelque façon que ce soit, pour ce qui est de
21 la zone de responsabilité.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Vasic.
23 Maître Borovic, vous avez la parole.
24 Contre-interrogatoire par M. Borovic :
25 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, Madame et
26 Monsieur les Juges. Je m'appelle Borivoje Borovic et je défends les
27 intérêts de Miroslav Radic. Général, étiez-vous présent lorsque M.
28 Theunens, expert militaire, a déposé en l'espèce ? Est-ce que vous étiez
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1 présent dans le prétoire ?
2 R. Oui. Oui, j'étais là, au fond à droite.
3 Q. Merci. Avant de rédiger votre rapport, vous disposiez d'une liste de
4 témoins à charge. Je vous demande ceci : aujourd'hui, vous avez déclaré
5 avoir lu le compte rendu de déposition de trois témoins qui ont déposé ici.
6 Vous avez donné aussi le nom de ces témoins. Est-ce que vous avez lu
7 d'autres comptes rendus d'auditions ? Pourriez-vous vous souvenir de noms
8 de témoins ou est-ce que vous n'avez pas lu d'autres comptes rendus
9 d'auditions, mis à part ces trois-là ?
10 R. J'ai reçu au moins deux cartons de cette taille-ci remplis de
11 documents, et je me suis concentré sur les trois témoins que j'ai
12 mentionnés. Il y en avait d'autres, mais je n'ai pas eu le temps de
13 parcourir leur déposition.
14 Q. Merci bien. Est-ce que ceci signifie, Général, que vous n'avez pas lu
15 ce que les témoins P-002, P-022 ont déclaré au cours de ce procès ? Je
16 pense au compte rendu d'audience, je ne pense pas aux déclarations
17 préalables que vous aurait fournies le Procureur. Il y a aussi le compte
18 rendu d'audition du témoin Vezmarovic, de celui du témoin P-014. Est-ce que
19 ceci signifie que vous n'avez pas lu ces comptes rendus d'audition,
20 s'agissant de ces témoins qui ont déposé dans ce procès, avant de terminer
21 la rédaction de votre rapport ? Je ne veux pas semer la confusion dans
22 votre esprit. Vous avez reçu des déclarations préalables des témoins du
23 bureau du Procureur. Vous les citez dans vos notes de bas de page.
24 Manifestement, vous les avez lues. Mais je parle maintenant de la
25 déposition qu'ils ont faite ici, devant la présente Chambre de première
26 instance. Dites-nous si vous avez lu ces comptes rendus d'audition ou pas.
27 R. Ce sont des questions que je trouve très difficiles, parce que j'ai lu
28 tellement de documents, et ce que j'ai lu visait surtout à voir s'il y
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1 avait quoi que ce soit dans les déclarations que j'ai lues qui me pousse à
2 modifier l'avis que j'ai consigné dans mon rapport. Je dois dire que je
3 n'ai rien trouvé qui m'a poussé à changer l'avis que j'avais donné dans mon
4 rapport. Est-ce que j'ai lu le compte rendu d'audience de P-002, de P-014
5 et de toute une série d'autres ? Je ne sais pas. Il faudrait que je voie ce
6 compte rendu. Peut-être que cela pourrait, à ce moment-là, me permettre de
7 me souvenir. Ce n'est peut-être pas très utile, mais c'est la vérité.
8 Q. Non, je pense que vous avez été très clair. Vous avez dit que vous
9 n'aviez pas eu le temps et que vous aviez lu le compte rendu d'audition de
10 ces trois seuls témoins qui vous paraissaient pertinents.
11 R. Oui, c'est certain. Je lis ces trois-là et juste un coup d'œil à
12 d'autres documents, mais je n'ai pas nécessairement tenu compte de
13 l'identité de la personne, mais davantage de ce que ces personnes disaient,
14 pour voir si ceci allait me faire changer d'avis par rapport à ce que j'ai
15 écrit dans mon rapport.
16 Q. Merci. Avez-vous lu le compte rendu d'audition du témoin qui était
17 commandant du Bataillon de la Police militaire de la 80e Brigade de
18 Kragujevac ?
19 R. Vous pourriez me donner son nom ?
20 Q. Vezmarovic.
21 R. Non, je ne m'en souviens pas. Je ne m'en souviens pas.
22 Q. Merci. Je vais terminer cette série de questions. Est-ce que vous avez
23 lu une déclaration, quelle qu'elle soit, à quelque moment de la rédaction
24 de votre rapport, que ce soit déclaration faite par le commandant du
25 Bataillon de la Police militaire Paunovic, Radoje Paunovic ?
26 R. J'essaie de voir si son nom figure dans la liste des témoins ou des
27 déclarations de témoins que j'ai. Je ne pense pas que cela soit le cas, à
28 moins qu'il ait un pseudonyme avec un P. Est-ce que c'est le cas ?
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1 Q. Il se trouve dans cette liste. Il n'y a pas de numéro ou de pseudonyme
2 utilisé le concernant. Est-ce que vous vous souvenez de son nom de famille
3 et de son prénom ? Est-ce que vous avez trouvé ce nom ? Est-ce que vous
4 avez également lu la déclaration du Dr Njavro ? R. Excusez-moi, je n'ai
5 pas de Radoje Paunovic dans cette liste de déclarations préalables des
6 témoins qui m'ont été remises.
7 Q. Fort bien. Fort bien. Est-ce que vous vous souvenez avoir lu cette
8 déclaration ?
9 R. Je le répète, cela ne se trouve pas dans la liste des déclarations qui
10 m'ont été remises. Par conséquent, je ne l'ai pas lue, sans doute.
11 Q. Merci. Je n'ai toujours pas eu votre réponse en ce qui concerne le Dr
12 Juraj Njavro. Est-ce que vous avez lu sa déclaration ?
13 C'était un employé de l'hôpital de Vukovar.
14 R. Oui. Il s'agit du témoin 43 dans la liste des témoins. Est-ce que je
15 l'ai mentionné en note de bas de page ou pas ? Je ne sais pas. Je n'en suis
16 pas sûr. Mais j'aurais lu sa déclaration, je suppose.
17 Q. Merci. Si je vous posais la question, vous vous en souviendriez sans
18 doute, de ce qu'il a déclaré ?
19 R. C'est une supposition un peu périlleuse, mais essayez.
20 Q. Merci. Bien, je peux le faire même si je n'avais pas l'intention de le
21 faire, parce que c'est un défi intéressant que vous me lancez.
22 Savez-vous s'il mentionne le capitaine Radic, et s'il le fait, dans quel
23 contexte le fait-il, puisque vous vous souvenez de sa déclaration. Si cela
24 ne vous pose pas problème.
25 R. Je me souviens bien que le capitaine Radic a été mentionné dans
26 plusieurs déclarations préalables. On dit de lui qu'il était présent à
27 l'hôpital.
28 Q. Je parle de Njavro, simplement de Njavro. Dites-moi ceci, puis nous
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1 passerons à autre chose.
2 R. Je ne sais pas si c'était dans la déclaration de Njavro ou pas,
3 franchement. Ce qui est certain, c'était que cela se trouvait dans la
4 déclaration du témoin P-030. Je ne sais pas qui c'est.
5 Q. Même si j'ai essayé, vous ne vous souvenez pas de ce que ce monsieur a
6 dit à propos du capitaine Radic; c'est bien cela ?
7 R. Je reviens à ce que j'ai dit à propos du capitaine Radic dans mon
8 rapport.
9 Q. Je ne veux pas semer la confusion chez vous. C'est vrai que vous ne le
10 mentionnez nulle part dans les notes de bas de page. Si vous n'aviez pas
11 dit "essayez", je ne vous aurai pas posé la question. Vous ne citez le Dr
12 Njavro nulle part dans vos notes de bas de page. Je voulais simplement être
13 juste envers vous. Fort bien, si vous n'avez aucun souvenir à ce propos. Si
14 ce n'est pas le cas, nous passerons à autre chose.
15 R. Je crois que vous avez donné vous-même la réponse à votre question.
16 Q. Oui, continuez.
17 R. Non, je n'ai rien d'autre à dire.
18 Q. Merci.
19 M. BOROVIC : [interprétation] J'aimerais que les interprètes utilisent une
20 méthode que nous avons déjà utilisée lorsqu'on utilise un terme militaire
21 concernant mon client en particulier, car nous avons un problème avec
22 l'anglais lorsqu'il s'agit de terminologie militaire. Je demanderais aux
23 interprètes, chaque fois que je pose une question à propos ou quand on a
24 "komandir", qu'on dise "komandir" en anglais.
25 L'INTERPRÈTE : Les interprètes en français le feront aussi, précise la
26 cabine française.
27 M. BOROVIC : [interprétation] Et lorsqu'il s'agit de "komandant", on dira
28 aussi "komandant".
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1 Q. Suivez le texte affiché à l'écran et vous comprendrez pourquoi je viens
2 de dire cela. Est-ce que vous connaissez la différence qu'il y a entre un
3 "komandir" et un "komandant" ?
4 R. Non, pas vraiment, mais je me souviens qu'on en a parlé. C'était une
5 question que vous avez posée à l'expert militaire M. Theunens. Je pense
6 qu'il s'agit de niveaux différents, mais franchement, je dois répondre que
7 non. Rappelez-moi quelle est cette différence.
8 Q. Merci, Général. Un officier qui commande une compagnie sera-t-il un
9 "komandir", et un officier qui commande un bataillon ou une unité de plus
10 haut niveau sera-t-il un "komandant", à partir des règlements de service
11 que vous avez étudiés ?
12 R. Je pense que c'est le cas, mais si vous voulez une réponse qui soit
13 absolument certaine, je devrai consulter le règlement afin que vous me
14 disiez où se trouve le bon passage et que c'est bien dit par écrit. Mais je
15 pense que vous en avez discuté avant-hier avec M. Theunens.
16 Q. Fort bien. Merci. Je vais afficher un comportement irréprochable à
17 l'égard de l'Accusation. Nous avons communiqué les documents vendredi
18 dernier. Il s'agissait du règlement de service pour une compagnie et une
19 section. Manifestement, l'Accusation n'avait pas eu le temps d'étudier ces
20 documents, donc je ne vais pas en discuter aujourd'hui. Je vais demander le
21 versement de ces documents par le truchement de mon propre expert le temps
22 venu. Je vais sauter certaines des questions que j'avais l'intention de
23 vous poser pour la raison précise que j'avais posé ces questions à
24 M. Theunens. C'était des questions détaillées, et le colonel Trifunovic
25 nous avait donné des réponses très précises au moment où il avait
26 interprété ces règlements.
27 Monsieur Pringle, savez-vous à quel échelon, à quel niveau est formé un
28 état-major ?
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1 R. Avant de répondre à votre question, j'aimerais dire ceci. Je ne suis
2 pas ici à titre d'expert de la doctrine de la JNA. Cela ne veut pas dire
3 que je n'ai pas lu beaucoup de documents de la JNA, mais je ne m'en suis
4 pas servi pour tirer des conclusions dans mon rapport sur les
5 caractéristiques générales du commandement et du contrôle et de son
6 comportement. Je voulais le préciser. L'expert de la doctrine de la JNA
7 était M. Theunens. Vous l'avez interrogé, et je pense que vous lui avez
8 posé exactement la même question.
9 Je reviens à la question que vous m'aviez posée. A quel échelon y a-
10 t-il un état-major ? Réponse : on n'a pas d'état-major au niveau de la
11 compagnie, mais on n'en n'a un au niveau du bataillon. Il n'est pas bien
12 important, mais il y en a un. L'état-major est beaucoup plus conséquent au
13 niveau de la brigade et encore plus grand au niveau de la division ou corps
14 d'armée, je pense dans la JNA.
15 Q. Je vous remercie. Je pense que vous avez défini ceci à partir des
16 documents versés ici, et M. Theunens, dans une large mesure, a examiné la
17 plupart de ces documents. Si je vous disais que le commandant d'une
18 compagnie, par les ordres et décisions du commandant de bataillon, va
19 recevoir des axes d'attaques et que les unités de plus haut niveau vont se
20 voir désigner des zones de responsabilité ou des zones opérationnelles --
21 je suis expert amateur, si j'ose dire, est-ce que j'aurais raison de le
22 dire ?
23 R. Je pense qu'au niveau du bataillon ou des détachements d'assaut, là
24 aussi on leur donne des axes d'attaques. Je crois avoir lu des ordres le
25 disant, des ordres du Groupe opérationnel sud.
26 Q. Merci. Aujourd'hui, nous avons plus longuement discuté du climat de
27 commandement aux paragraphes 37 à 48 de votre rapport. En gros, vous
28 établissez un lien entre ce concept et celui de "komandir" ou "komandant";
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1 est-ce exact ?
2 R. Non. Non, le climat de commandement, c'est un concept qui peut
3 s'appliquer à tout niveau de commandement, depuis l'échelon le plus bas,
4 pour les sous-officiers jusqu'aux officiers. Ceci montre la façon dont ils
5 se conduisent et les conclusions que tirent ceux qu'ils commandent de leurs
6 actions.
7 Q. Merci. Je suis tout à fait d'accord avec vous dans la conclusion que
8 vous tirez. Dans votre rapport, paragraphe 39 notamment, vous parlez de la
9 nécessité qu'il y ait la sincérité, l'honnêteté, l'intégrité, l'autorité
10 personnelle, le bon comportement, la discipline, entre autres
11 caractéristiques personnelles qui sont exigées d'une telle personne, son
12 courage, sa hauteur morale. Est-ce que ce sont là quelques-uns des traits
13 de caractère et de personnalité que doit avoir un officier pour qu'il y ait
14 un bon climat de commandement au niveau voulu ?
15 R. Oui, ce que je dis ici, et vous avez cité un passage qui est la note de
16 bas de page 58, qui est une citation directe du règlement de service de la
17 Brigade, de la JNA. Je vais lire. Ici, on dit : "Par sa conduite
18 personnelle, son travail, sa participation à l'application de la politique
19 de la SKJ, la bonne éthique, le courage, la capacité, l'équité, le calme,
20 la cohérence et le respect de la personnalité et de l'opinion des
21 subordonnés, le commandant va avoir une influence vitale sur tout l'état de
22 la Brigade, surtout sur le moral des unités et sur le commandement."
23 Mais ceci, ces traits de caractère s'appliquent à tous les niveaux.
24 Q. Merci. Général, Monsieur, témoins P-022, P-002, Témoin Trifunovic et la
25 plupart des témoins que j'ai interrogés sur les circonstances en ce qui
26 concerne le capitaine Radic, et je voudrais donner comme référence pour le
27 P-022 la page 5083-15, et pour le P-002, 10555-5. Pour ce qui est du
28 capitaine Radic, ils ont tous souligné les éléments suivants : un officier
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1 brave, courageux, qui se trouvait avec ses soldats au front, il était
2 honnête, il était discipliné. Un exemple a été donné qui a été débattu ici
3 au Tribunal : dans le cas de 40 volontaires qui avaient violé le règlement
4 de discipline, Radic les a fait désarmer et les a forcés à quitter le
5 front. Il les a fait escorter pour qu'ils quittent la ligne de front. Est-
6 ce que vous êtes au courant de ces renseignements ? Est-ce que vous êtes au
7 courant de ces déclarations qui ont été faites précédemment, sans tenir
8 compte du compte rendu, des comptes rendus de ce procès ?
9 R. Je n'ai pas connaissance des déclarations que vous venez de citer, non,
10 mais je n'ai pas de raison de ne pas les croire.
11 Q. Je vous remercie. Je n'ai pas beaucoup de temps. Je ne pense pas que ce
12 serait une bonne idée, maintenant, de repasser sur tout ce qui a été dit.
13 Nous avons présenté comme éléments de preuve en vue de versement au dossier
14 un certain d'articles de journal. Tous soulignent la bravoure, le courage
15 de Radic et ainsi de suite. Si vous pouvez considérer que ceci est vrai, si
16 vous considérez que ce qu'un certain nombre de témoins ont dit est vrai, et
17 ceci est au compte rendu de cette affaire, est-ce que ceci ne voudrait pas
18 dire qu'au niveau de la compagnie qui était celui auquel se trouvait le
19 capitaine Radic, il devait tout simplement y avoir le type de climat de
20 commandement que vous décrivez comme étant nécessaire et souhaitable,
21 compte tenu de ces hypothèses, bien entendu ?
22 R. Non. Je ne serais pas nécessairement d'accord avec cela. Je n'ai aucune
23 raison de ne pas croire que le capitaine Radic était un officier
24 extrêmement brave et qu'il avait rempli ses devoirs de cette manière. Mais
25 ceci, en soit, n'est pas suffisant pour créer la totalité du climat de
26 commandement dont j'ai parlé.
27 Je vais vous donner deux exemples. Si je me souviens bien, le
28 capitaine Radic avait son quartier général tout près, voire il se trouvait
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1 dans les mêmes locaux que la Défense territoriale locale et les forces
2 volontaires, pour leurs quartiers généraux. Il était donc très au courant,
3 intimement au courant de la façon dont ils se comportaient. Pourtant,
4 lorsqu'il a été informé du fait -- enfin, des événements qui avaient eu
5 lieu à Ovcara --
6 Q. Je vous présente mes excuses, mais je voudrais vous interrompre
7 un instant. Vous êtes en train de parler de choses auxquelles j'allais
8 venir, mais plus tard. Juste pour être -- enfin, pour être juste, pourriez-
9 vous s'il vous plaît garder cela pour un peu plus tard ? Peut-être pourrez-
10 vous tirer ces conclusions lorsque nous arriverons à ce stade.
11 Si je vous comprends correctement, vous continuez d'utiliser le terme
12 quartier général du capitaine Radic ou QG du capitaine Radic. Je ne suis
13 pas sûr que l'interprétation soit exacte. Peut-être que vous voulez parler
14 de son poste de commandement, bien qu'à strictement parler, ce ne serait
15 pas non plus très précis, très exact.
16 R. Non, je pense qu'on appellerait cela un poste d'observation. Pour moi,
17 c'est quelque chose de tout à fait différent.
18 Bien, d'accord. Donc soyons stricts, restons strictement dans les limites
19 de votre question. Est-ce que le fait que le capitaine Radic ait eu la
20 réputation d'un officier extrêmement brave, est-ce que cela veut dire qu'il
21 avait toutes les qualités, tous les attributs pour qu'il existe un climat
22 de commandement correct tel que je l'ai décrit ? La réponse est non.
23 Q. Ce n'était pas ma question. La bravoure n'est qu'un trait, une
24 caractéristique qui était nécessaire. Mais j'ai énuméré toutes les autres :
25 l'honnêteté, la discipline. Je vous ai donné cet exemple le concernant, où
26 il avait renvoyé ces personnes parce qu'elles avaient violé la discipline,
27 le règlement de discipline. J'ai parlé de tous les témoins protégés, les
28 témoins du bureau du Procureur qui ne pouvaient pas s'empêcher d'admettre
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1 qu'il était le plus honorable et le plus brave qui se trouvait sur place et
2 qu'il avait traité correctement ces personnes. Il y a des questions
3 différentes que j'ai posées à un très grand nombre de témoins, alors tenant
4 compte des qualités que vous avez énumérées dans votre rapport comme étant
5 désirables ou nécessaires pour un officier, que ce soit à un poste de
6 commandement ou, effectivement, la question de savoir si le capitaine Radic
7 exerçait un contrôle effectif et réel ou un contrôle véritable, c'est
8 quelque chose à quoi nous allons arriver.
9 Ma question est : dans votre interprétation des principes du commandement
10 et du contrôle, qu'est-ce que, dans votre rapport, après tout, vous n'avez
11 pas précisé comme étant la relation entre le commandement et le contrôle,
12 au niveau des chefs d'unité "komandir" et au niveau du "komandant" ? Du
13 point de vue de la doctrine qui était appliquée, ceci n'est absolument pas
14 identique. Toutefois, si cette distinction entre "komandir" et "komandant"
15 crée un problème pour vous et si vous pensez que ceci a été couvert par M.
16 Theunens avant vous, ne vous considérez pas du tout comme obligé de
17 répondre à ma question.
18 R. Je n'ai pas de difficulté à faire une distinction entre les rôles d'un
19 "komandir" et d'un "komandant". Si on pouvait dire peut-être de façon plus
20 libre qu'il y en a qui se trouve au niveau de la compagnie et l'autre là
21 aussi, en gros, au niveau d'un bataillon ou d'un détachement d'assaut.
22 Ceci, je crois, n'a aucune incidence sur les différentes exigences ou
23 qualités qui sont nécessaires pour créer un commandement de climat
24 convenable. Exactement les mêmes critères seraient nécessaires.
25 Effectivement, ce serait le cas pour les subordonnés d'un "komandir", en
26 l'occurrence. Est-ce que ceci répond à votre question ?
27 Q. Je vous remercie. Restons-en là. Ma question suivante est celle-ci :
28 dans votre rapport, vous dites que le 19 ou le 20 novembre, le capitaine
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1 Radic se trouvait à l'hôpital en qualité de personne privée; est-ce exact ?
2 Ceci se trouve dans votre rapport au paragraphe 84.
3 R. Ceci est bien dans mon rapport.
4 Q. C'est effectivement ce que je lis, là, c'est ma première question.
5 R. Vous me demandez de me référer à une partie de mon rapport qui a été
6 soulignée parce que ceci était tiré d'une déclaration d'un témoin, d'une
7 déclaration d'un témoin, Borivoje Tesic, et je comprends que là, il y a un
8 problème. Maintenant, si vous voulez que j'en donne lecture, je vais le
9 faire.
10 Q. Mais ce qui est souligné, c'est la note de bas de page.
11 R. Les notes de bas de page 126 et 7 sont soulignées. Ce que j'ai dit dans
12 mon rapport, c'est : "Comme il apparaît que le capitaine Miroslav Radic
13 était présent à l'hôpital au cours de l'évacuation le 19 et le 20 novembre
14 sans avoir apparemment d'ordre ou apparemment, n'étant pas en train de
15 commander ses propres soldats du détachement d'assaut, il semble qu'il ait
16 été présent à titre individuel."
17 C'est une conclusion que j'ai tirée de ce que j'avais lu. Il ne
18 semblait pas qu'il était là pour commander sa propre compagnie, mais il se
19 trouvait là.
20 Q. Je vous remercie. Fondez-vous ceci seulement sur la déclaration qui est
21 soulignée en rouge, ce qui veut probablement dire qu'on ne peut pas s'y
22 référer ou y recourir, ou est-ce qu'il y a d'autres éléments de preuve qui
23 vous conduisent à la même conclusion, à savoir que Radic était là à titre
24 privé ?
25 R. Que Radic était là apparaît dans une déclaration faite par le témoin P-
26 030.
27 Q. Mais il était là à titre privé, ce n'est pas quelque chose que nous
28 pouvons vraiment déduire de votre rapport, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui, non, la déclaration ou le terme "à titre individuel ou à titre
2 privé" est la conclusion que je tire, parce que je n'ai pas tiré comme
3 impression des rapports et des déclarations que je lisais que le capitaine
4 Radic se soit trouvé là en train de commander ses propres soldats. Il se
5 trouvait simplement là, apparemment, travaillant avec le commandant
6 Sljivancanin, et il était, comme je le dis dans mon rapport, par conséquent
7 témoin des mauvais traitements infligés aux personnes évacuées par les
8 volontaires et par les membres de la Défense territoriale. C'est cela que
9 je voulais dire.
10 Q. Je vous remercie. Supposons pour un instant qu'il se trouvait là à
11 titre privé. Supposons pour un moment que le commandant de la 1ère Brigade
12 motorisée, Borivoje Tesic, était là aussi au même moment que Radic le 19
13 novembre. Pouvait-il, en présence de son supérieur, de son officier
14 supérieur, se trouver là à titre privé, à titre purement privé ?
15 R. Je ne peux pas faire de commentaire à ce sujet parce qu'on ne voie pas
16 de façon claire -- je ne vois pas de façon claire pourquoi il se trouvait
17 là.
18 Q. D'après les règlements, lorsqu'un officier de grade subalterne se
19 trouve au même endroit que son supérieur qui se trouve également avoir un
20 grade supérieur, comment imaginez-vous qu'un officier d'un grade moins
21 élevé puisse se trouver là à titre privé, selon toutes les règles qui nous
22 sont connues, ou on préférerait supposer qu'il était là sous le
23 commandement de son supérieur, son officier supérieur, et pour cette seule
24 raison, non ?
25 R. Bien, je pense que lorsque j'ai dit "à titre privé ou à titre
26 individuel," j'étais en train de me référer au fait que pour autant que je
27 puisse le comprendre d'après ce que j'ai lu, il n'était pas là en train de
28 commander ses propres soldats. Maintenant, est-ce que ceci veut dire qu'il
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1 ne pouvait pas se trouver là, par exemple, pour effectuer une
2 reconnaissance ou une liaison ou en toute autre qualité, le fait est
3 simplement que je ne sais pas pourquoi il était là.
4 Q. Je vous remercie. Les 19 et 20 novembre 1991, savez-vous quelle était
5 l'apparence d'un uniforme d'un officier de la JNA et pourriez-vous nous le
6 décrire, s'il vous plaît ?
7 R. Pas vraiment. Une sorte de camouflage, type araignée, je pense. Cela
8 s'appelle "spider camouflage". Peut-être une casquette ou un casque
9 d'acier. Bon, la réponse, c'est que je ne peux pas vous donner le détail de
10 cela.
11 Q. Je vous remercie. Lorsque vous avez examiné cette affaire, avez-vous
12 jamais appris ce fait que d'aucun, dans les compagnies d'infanterie,
13 portait des bérets bleus ou des bérets verts ? Ce que je suis en train de
14 vous dire, c'est qu'il ne s'agissait pas d'effets d'uniforme régulier de la
15 JNA à l'époque.
16 R. Je ne crois pas avoir lu quoi que ce soit qui disait cela.
17 Q. Je vous remercie. Général, Monsieur, le 20 novembre, savez-vous qui
18 était en train de fournir de la sécurité, qui assurait la sécurité de
19 l'hôpital de Vukovar le 20 novembre ? Quelle unité, précisément ?
20 R. Je crois, et là encore je dis cela de mémoire, qu'il s'agissait
21 d'éléments d'un bataillon motorisé de -- je ne suis pas sûr que c'était de
22 la Brigade motorisée de la Garde ou de la 80e Brigade motorisée, mais je
23 crois aussi, d'après les nombreuses déclarations que j'ai lues, que le 20
24 novembre, la personne chargée de l'opération ou qui s'était chargée de
25 l'opération à l'hôpital était apparemment le commandant Sljivancanin.
26 Q. Ma question était : savez-vous qui, matériellement, assurait la
27 sécurité de l'hôpital ? Vous avez étudié un grand nombre de documents.
28 Quelle unité militaire est-ce que cela pouvait être ? Qui pouvait être
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1 chargé de fournir ce type de sécurité pour ce type d'installation ou de
2 bâtiment ?
3 R. C'est une obligation ou une tâche qui, naturellement, pourrait incomber
4 à des éléments d'un bataillon motorisé ou tout aussi bien des éléments d'un
5 bataillon de police militaire.
6 Q. Savez-vous qui était autorisé à fouiller les gens ? Les membres de
7 quelle unité ? Savez-vous qui fouillait les gens ? Qui envoyait les
8 personnes dans les autocars, à la suite de la fouille ? Avez-vous rencontré
9 ce type de renseignement, Monsieur ?
10 R. J'ai bien lu des déclarations concernant ce qui se passait à l'hôpital.
11 Quant à savoir qui était chargé de la fouille, je ne suis pas sûr de
12 pouvoir m'en souvenir. Mais c'est évidemment une fonction qui naturellement
13 incomberait à la police militaire ou à des organes chargés de la sécurité.
14 Si par "fouillez" vous voulez dire voir ce que portent sur eux les
15 prisonniers, en les vérifiant l'un après l'autre.
16 Q. Le commandant de la 3e Compagnie, Miroslav Radic, même s'il avait été
17 sur place, aurait-il pu exercer un commandement, ou même donner des ordres
18 à la compagnie de police militaire qui se trouvait là, ou même à des
19 policiers de la police militaire qui auraient pu se trouver là ?
20 R. Ceci dépend des circonstances dans lesquelles il se trouvait là. S'il
21 était autorisé à se trouver sur place en une certaine qualité officielle,
22 nous pourrons dire de façon hypothétique comme assistant du commandant
23 Sljivancanin par exemple, alors peut-être était-il habilité à donner des
24 ordres pour le compte du commandant Sljivancanin, si le commandant
25 Sljivancanin lui-même avait été autorisé à prendre le contrôle de
26 l'opération. C'est une réponse hypothétique à une question hypothétique.
27 Q. Ma dernière question. S'il était là à titre privé, à titre individuel
28 comme vous l'avez dit, à ce moment-là, il aurait certainement été d'autant
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1 moins à même de donner des ordres, n'est-ce pas ?
2 R. Je vous répète que lorsque je parle de titre individuel ou à titre
3 privé, je voulais dire que je ne voyais pas clairement que les soldats de
4 sa propre compagnie se trouvaient là sous son commandement. Quant à savoir
5 s'il aurait été à même de donner des ordres, ceci aurait découler
6 directement du motif ou de l'autorisation qui aurait expliqué pourquoi il
7 était là du tout.
8 Q. Vous ne connaissez pas ces raisons, n'est-ce pas ?
9 R. J'ai dit plusieurs fois que je ne les connaissais pas. Je ne connais
10 pas la raison pour laquelle Radic était là alors que ses soldats n'y
11 étaient pas. Mais -- c'est aussi simple que cela.
12 Q. Non. Je vous prie de m'excuser. Il n'est pas très clair qu'il était là.
13 Toutefois, nous devons maintenant terminer pour aujourd'hui, je pense. Je
14 vous remercie.
15 R. Dans les déclarations que j'ai lues en tous les cas, il est
16 incontournable qu'il était là.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Maître
18 Borovic. Et --
19 M. BOROVIC : [interprétation] Je crois que nous pouvons contester ceci de
20 façon très efficace demain.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, cela c'est pour un
22 autre jour, pas pour aujourd'hui.
23 Nous reprendrons demain à 9 heures. Nous terminerons à 13 h 45.
24 Je vous remercie beaucoup. Je lève la séance.
25 --- L'audience est levée à 17 heures 02 et reprendra le vendredi 23 juin
26 2006, à 9 heures 00.
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