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Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 28 juin 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 31.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.

6 Maître Domazet, la Chambre est vraiment navrée d'apprendre ce qui est

7 arrivé à Me Vasic. Remettez-lui nos meilleurs vœux de convalescence.

8 J'espère qu'il va se remettre très rapidement.

9 Nous allons consacrer quelques instants à la question des pièces. Il reste

10 quelques questions qui n'ont pas été réglées. Nous le voyons. Il se peut

11 qu'un accord ait été conclu entre les parties à propos des actes

12 d'accusation, comptes rendus d'audience, des transcriptions; est-ce exact,

13 Madame Regue ?

14 Mme REGUE : [interprétation] Oui, c'est un fait. Si vous me le permettez,

15 nous aimerions vous faire part de l'accord et demander le versement des

16 documents.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

18 Mme REGUE : [interprétation] Tout d'abord, les deux parties sont tombées

19 d'accord pour verser les deux chefs d'accusation. Le numéro 3/03 du 4

20 décembre 2003 avec le numéro ERN suivant en anglais et en B/C/S : 0345-

21 2550-0345-2563. Nous demandons le versement de ces deux documents.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ils sont versés au dossier.

23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 606.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

25 Mme REGUE : [interprétation] Deuxième document, il s'agit de l'acte

26 d'accusation 4-03 du 24 mai 2004, numéro ERN pour les deux versions,

27 anglais et B/C/S : 0357-4622-0357-4635. Nous demandons le versement de ces

28 deux documents aussi.

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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ils sont versés au dossier.

2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 607, Monsieur le

3 Président.

4 Mme REGUE : [interprétation] Pour ce qui est du compte rendu ou de la

5 transcription de l'enregistrement sonore effectué au tribunal régional

6 chargé des crimes de guerre à Belgrade à propos du procès de Milan Bulic, 3

7 janvier 2006 [comme interprété], les deux parties sont d'accord pour que la

8 totalité de ces documents, qu'ils soient versés dans leur intégralité. En

9 B/C/S, nous avons le document portant le numéro ERN suivant, et ce matin,

10 nous avons communiqué la traduction en anglais à toutes les équipes de la

11 Défense, ce qui veut dire que nous pouvons demander le versement des deux

12 versions. Voici les numéros ERN : 0505-1090, document suivant 0505-1094.

13 Nous demandons le versement de ces documents.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ils sont versés au dossier.

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 608.

16 Mme REGUE : [interprétation] Les deux parties sont d'accord pour verser les

17 documents suivants. Tout d'abord, la transcription de l'enregistrement

18 sonore du tribunal de Belgrade chargé des crimes de guerre, décision

19 concernant le procès d'Ovcara, 12 décembre 2005, avec en B/C/S le numéro

20 ERN suivant : 0505-1064 et 0505-1089. Nous demandons le versement

21 uniquement des pièces 1 à 8 -- des pages 1 à 8 dans les deux versions.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Elles seront versées au dossier.

23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 609.

24 Mme REGUE : [interprétation] Voici le numéro ERN de la traduction en

25 anglais : 0467-2754-0467-2779. Nous demandons le versement des pages 1 à

26 11, la page 11 y compris.

27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Elles sont versées au dossier et elles

28 feront parties de la dernière pièce.

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1 Mme REGUE : [interprétation] Enfin, nous demandons le versement des

2 traductions -- enfin, de la version B/C/S et de la traduction en anglais

3 d'une partie du jugement en tant que tel. En B/C/S, numéro ERN le 0505-

4 1095, cela, c'est le numéro ERN de tout le document que vous avez, le 0505-

5 1233. Je demande le versement uniquement de 0505-1095-0505-1109. C'est le

6 numéro ERN contenant les pages dont nous demandons le versement en B/C/S.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous avez déjà la traduction en

8 anglais ?

9 Mme REGUE : [interprétation] Elle a été communiquée ce matin. Le numéro ERN

10 --

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous l'avons déjà. Inutile de le lire.

12 Le document, tant en B/C/S qu'en anglais, sera versé au dossier.

13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 610.

14 M. LE JUGE PARKER : [aucune interprétation]

15 Mme REGUE : [interprétation] Nous n'avons rien d'autre à dire, Monsieur le

16 Président. Merci.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

18 S'agissant de la requête déposée par l'Accusation en vue du versement du

19 rapport Zorc ici même au prétoire, c'est un rapport d'expert du 2 février -

20 - 1er février 2004 qui avait été préparé pour un autre procès. Des parties

21 de ce rapport ont été mentionnées, l'Accusation s'en est servie lors de la

22 déposition du témoin expert, M. le général Pringle. Nous estimons que ce

23 rapport Zorc est uniquement pertinent dans la mesure où il a été adopté et

24 utilisé par le général Pringle. Les parties du rapport sur lesquelles il

25 s'est ainsi appuyé ont été indiquées spécifiquement tant dans le rapport du

26 général Pringle que dans sa déclaration orale, ici, lors de son audition.

27 Au cours du contre-interrogatoire, on y a même fait référence.

28 Il apparaît que le rapport Zorc, dans une large mesure, n'est pas

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1 directement pertinent dans ce procès. De plus, le général Zorc aurait pu

2 être appelé, mais il ne l'a pas été en tant que témoin de ce procès. Par

3 conséquent, ce rapport ne sera pas versé au dossier.

4 S'agissant du classeur bleu qui avait reçu une cote provisoire, la

5 cote 345, c'est un document dans lequel se trouvent des listes de personnes

6 qui auraient été des patients qui auraient été traités, soignés à l'hôpital

7 de Vukovar au moment des faits repris dans l'Accusation ou vers ces dates,

8 et par la suite, personnes qui sont mortes à Ovcara. La Défense s'est

9 opposée à plusieurs titres à son versement, notamment parce qu'il n'a pas

10 été prouvé que ces listes étaient précises, que la source d'information

11 pour ces listes n'était pas claire, qu'à certains égards, ceux qui au

12 départ ont réuni ces données dans ce rapport n'ont pas déposé en tant que

13 témoins et que les documents à la source eux-mêmes n'ont pas été versés en

14 tant que pièce du dossier.

15 Quant à la teneur des documents, ces documents sont manifestement

16 pertinents face aux questions posées dans ce procès, mais on peut se

17 demander si on peut s'appuyer sur la fiabilité de ces documents et de la

18 teneur de ces listes. Il faudrait examiner ceci de plus près. Ceci étant,

19 la Chambre estime qu'il a été prouvé que les fondements quant à la

20 fiabilité étaient suffisants pour justifier le versement dudit document.

21 Par conséquent, ce document est versé au dossier.

22 Il reste les documents qui ont soulevé des objections ou qui ont

23 provoqué des objections. Il s'agissait du rapport d'expert de M. Theunens.

24 C'est, généralement parlant, un groupe de documents contenant des coupures

25 de presse, et il y a six autres documents qui ont provoqué des objections

26 précises. La Chambre estime que, sans avoir la possibilité d'examiner

27 lesdits documents, elle n'est pas à même de se prononcer quant à la

28 validité des objections soulevées, surtout lorsqu'il a été objecté que ces

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1 éléments n'étaient pas pertinents, qu'on n'en avait pas montré la source de

2 façon convaincante.

3 La Chambre demande que des copies des documents auxquels il a été

4 fait objection soient fournis à la Chambre de façon à ce qu'elle voit si

5 ces objections sont fondées, avant de se prononcer sur le versement

6 éventuel de ces documents. Si ceci pouvait être réglé aujourd'hui, la

7 Chambre pourrait prendre une décision et la rendre publique d'ici à

8 vendredi. Nous voulons que toutes les questions d'administration de la

9 preuve soient bien réglées afin que les parties soient au clair quant au

10 niveau des preuves déjà apportées.

11 Fort bien. Maître Domazet, vous avez la parole.

12 M. DOMAZET : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Mais permettez-

13 moi un instant, s'il vous plaît.

14 Je salue toutes les personnes ici présentes. Permettez-moi de commencer à

15 vous présenter les arguments en faveur de la Défense de M. Mrksic au regard

16 de l'article 98 bis du Règlement de ce Tribunal. Nous connaissons les

17 critères et normes respectés par ce Tribunal, par cette Chambre de première

18 instance ainsi que d'autres Chambres dans des procès précédents, et si nous

19 gardons à l'esprit que nous venons d'un système juridique où le concept de

20 l'acquittement n'existe pas, je vais essayer de limiter mes arguments à ce

21 qu'il me semble correct, vu la jurisprudence établie par ce Tribunal.

22 Avant de commencer, avant cela, je voudrais soulever quelques questions en

23 tant que conseil de la Défense, questions qui me semblent justifiées,

24 appropriées, étant donné que la procédure s'appliquant ici au Tribunal a

25 été modifiée.

26 Quelle qu'ait été la vocation de l'application de cet article 98 bis, il

27 cherche à permettre à la Chambre de première instance, après la

28 présentation des moyens à décharge, d'analyser les éléments de preuve

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1 présentés jusqu'alors; et de voir dans quelle mesure l'Accusation a réussi

2 à apporter la preuve des allégations, des présomptions qu'elle présente

3 dans l'acte d'accusation s'agissant de la responsabilité pénale de

4 l'accusé. Tout ceci en vue de veiller à appliquer le principe de l'économie

5 judiciaire, et en vue également d'éviter que ne soient présentés des

6 éléments à décharge qui ne seraient pas nécessaires.

7 Je pense que cette situation s'applique uniquement à une situation où

8 le bureau du Procureur n'a pas réussi à apporter la preuve de sa thèse, de

9 sa cause, à partir de quoi la Chambre, ou tout juge des faits raisonnable,

10 ne pourrait estimer que les éléments de preuve apportés seraient suffisants

11 afin de justifier une condamnation au-delà de tout doute raisonnable. J'ai

12 le sentiment que la norme et le critère veulent que le 98 bis ne s'applique

13 que lorsque les moyens à charge sont tels, que même si on les regarde sous

14 le jour le plus défavorable possible, ils ne sont pas susceptibles de

15 justifier une condamnation. N'oublions pas la nécessité qu'il y a de

16 pratiquer l'économie judiciaire, le déroulement rapide de l'instance. Je

17 pense qu'il ne serait pas exagéré de dire que la Chambre de première

18 instance peut faire un pas de plus. Il n'y a pas de jury. C'est donc à la

19 Chambre de première instance qu'il revient de se prononcer sur la

20 condamnation, dans le fond, c'est comme si en plus du rôle qu'elle a, la

21 Chambre devait aussi usurper le rôle que joue le jury dans un système de

22 "common law".

23 La Chambre va devoir aussi établir la qualité des éléments de preuve

24 en fin de procès, et je pense qu'elle n'outrepasserait pas ses droits si, à

25 ce stade de la procédure, au moment d'analyser les éléments à charge en

26 tant que tel, mais aussi au vu de tous les éléments présentés au cours de

27 la présentation de la cause de l'Accusation, la Chambre, disais-je,

28 n'outrepasserait pas ses droits si elle décidait qu'au regard de certains

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1 chefs de l'acte d'accusation, l'Accusation n'a pas réussi à prouver la

2 culpabilité des accusés au-delà de tout doute raisonnable.

3 L'Accusation a le devoir d'apporter la preuve de ce qu'elle avance dans

4 l'acte d'accusation. C'est un devoir, une obligation qui repose sur les

5 épaules de l'Accusation, et c'est elle qui doit s'acquitter de cette

6 obligation à ce stade de la procédure. En effet, pendant la présentation

7 des moyens à décharge, nous n'allons pas prouver la culpabilité de l'accusé

8 ou des accusés si ceci n'a pas été prouvé au moment de la présentation des

9 moyens à charge au-delà de tout doute raisonnable par l'Accusation.

10 Ici, en l'occurrence, nous sommes face à un cas de figure où l'Accusation a

11 décidé de ne pas citer bon nombre de témoins qui étaient pourtant des

12 participants aux événements. Dans certains cas, l'Accusation s'est appuyée

13 sur des éléments de ouï-dire, ce qui est assez particulier dans le

14 Règlement de ce Tribunal. Bien entendu, c'est à l'Accusation de voir

15 comment elle veut présenter sa cause. C'est une prérogative qui est la

16 sienne. Cependant, nous pensons que la Chambre doit voir et jauger si

17 l'Accusation aurait pu apporter la preuve au-delà de tout doute raisonnable

18 dès cette phase de la procédure pour ce qui est de certains chefs

19 d'accusation qu'elle avance, ce qui veut dire que la Défense n'aurait pas à

20 présenter des moyens à décharge sur ces chefs d'accusation qui n'ont pas

21 été suffisamment prouvés d'après les normes reprises établies par la

22 jurisprudence de ce Tribunal.

23 Je pense que ceci est étayé par la jurisprudence du Tribunal,

24 laquelle permet au Procureur de présenter des chefs d'accusation très

25 vastes, ce qui complique encore davantage la procédure d'un procès. On a

26 proposé de façon plus générale, donc une application plus vaste de

27 l'article 98 bis, qu'on n'a pas dans la jurisprudence des systèmes

28 nationaux. C'est simplement un mécanisme par lequel il est possible de

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1 veiller à ce que la procédure reste efficace.

2 Par conséquent, la Défense de M. Mrksic va s'intéresser aux chefs de

3 l'acte d'accusation qui, à son avis, n'ont pas suffisamment été prouvés

4 pendant la présentation des moyens à charge.

5 Lorsque la responsabilité pénale individuelle est mise en cause en

6 application de l'article 7(1) du Statut de ce Tribunal, l'acte

7 d'accusation, si l'on prend les chefs 4 à 12, pousse la Défense de M.

8 Mrksic à dire que l'Accusation n'a pas réussi à apporter la preuve de ces

9 chefs d'accusation, n'a pas pu les étayer grâce à des éléments de preuve

10 qui permettraient à la Chambre de dire au-delà de tout doute raisonnable

11 que Milan Mrksic a été un des participants à l'entreprise criminelle

12 commune, à dire aussi que la Chambre n'est pas en mesure de déterminer

13 qu'il a planifié, encouragé, aidé et encouragé, ni commis aucun des actes

14 repris dans l'acte d'accusation.

15 L'Accusation n'a pas apporté de preuve montrant que Milan Mrksic aurait

16 participé à l'entreprise criminelle commune, ou qu'il aurait agi de concert

17 ou en accord avec d'autres membres de l'entreprise criminelle commune comme

18 le dit le chef 7 du présent acte d'accusation. S'il a entrepris certaines

19 actions, ce n'est pas pour persécuter des Croates ou d'autres non-Serbes,

20 comme le dit l'acte d'accusation, et ceci n'a d'ailleurs pas été prouvé

21 suffisamment par le bureau du Procureur.

22 S'agissant du chef 9 de l'Accusation, la Défense estime que l'Accusation

23 n'a pas réussi à prouver le (b) notamment, qu'il savait que le 18 novembre

24 1991, à Zagreb, un accord avait été conclu entre la JNA et les autorités

25 croates pour procéder à l'évacuation de patients de l'hôpital de Vukovar.

26 L'Accusation n'a pas présenté à l'appui de cette affirmation le moindre

27 preuve. Si l'on prend la déclaration du Dr Vesna Bosanac, qui est venue

28 déposer ici devant la présente Chambre de première instance, là non plus,

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1 ses déclarations n'apportent pas la moindre preuve.

2 Je reprends le même chef d'accusation, le chef 9, mais au point (c),

3 de l'avis de la Défense, l'Accusation n'a pas apporté de preuves permettant

4 à la Chambre d'établir au-delà de tout doute raisonnable que l'accusé

5 Mrksic aurait ordonné que les détenus de l'hôpital de Vukovar soient livrés

6 à d'autres forces serbes, comme le dit l'acte d'accusation.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Excusez-moi d'intervenir et de vous

8 interrompre.

9 Je pense que vous faites référence au paragraphe 9 et au paragraphe 7

10 de l'acte d'accusation. Je pense que vous ne parlez pas des chefs

11 d'accusation 7 ou 9. Est-ce que je me trompe ? Vous parlez du paragraphe 9,

12 n'est-ce pas, c'est celui où l'on a notamment des alinéas (a), (b), (c),

13 (d), qui concernent surtout votre client, n'est-ce pas ? Je pense que vous

14 parlez des paragraphes davantage que des chefs d'accusation ?

15 M. DOMAZET : [interprétation] Exact. Effectivement, Monsieur le Président.

16 J'ai mal choisi mon terme. J'ai parlé de "chefs d'accusation" alors que

17 j'aurais dû parler de "paragraphes." Excusez-moi, il y a un instant je

18 parlais du paragraphe 7 de l'acte d'accusation alors que maintenant c'est

19 le paragraphe 9 de l'acte d'accusation que j'aborde.

20 S'agissant de ce dernier, en particulier l'alinéa (c) du paragraphe 9,

21 l'accusé Mrksic est accusé d'avoir donné un ordre. A cet égard, je pense

22 qu'aucune preuve n'a été apportée à l'appui de cette affirmation par le

23 bureau du Procureur.

24 S'agissant de l'alinéa (d) du paragraphe 9, l'accusé Mrksic est

25 accusé et là je cite l'acte d'accusation de ceci : "Après avoir appris que

26 les crimes retenus dans le présent acte d'accusation avaient été commis,

27 il a pris des mesures pour les couvrir et en dissimuler l'existence."

28 De l'avis de la Défense, aucune preuve n'a été apporté, aucune preuve

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1 montrant que l'accusé Mrksic aurait pris connaissance de ceci, qu'il aurait

2 pris ce genre de mesures et quand il aurait pris ces mesures, ceci n'a pas

3 été prouvé par l'Accusation pendant la présentation de ses moyens.

4 L'Accusation n'a pas non plus prouvé quelles étaient les mesures précises

5 que l'accusé Mrksic aurait prises pour dissimuler l'existence de ces crimes

6 et pour les couvrir.

7 Pour ce qui est du paragraphe 20 de l'acte d'accusation, même si

8 celui-ci n'est pas d'une importance vitale, de l'avis de la Défense,

9 l'accusé ne serait être tenu responsable ou redevable de dispositions

10 légales et réglementaires énoncées dans les textes suivants : loi sur la

11 Défense populaire généralisée, loi relative au Service dans les forces

12 armées. Elles sont relatives à l'application du droit international de la

13 guerre aux forces armées de la RSFY 1998 car ceci ne s'applique qu'à un

14 conflit international. Or ceci n'était pas le cadre de ce procès.

15 Pour ce qui est des faits fondamentaux qui sont repris au paragraphe

16 ou l'exposé des faits qui se trouvent aux paragraphes 24 à 27 de l'acte

17 d'accusation, la Défense de M. Mrksic estime que l'Accusation n'a pas

18 apporté de preuves susceptibles de montrer, là je reprends ceci : "Que les

19 non-Serbes auraient subi un régime brutal d'occupation et qu'en fin de

20 compte pratiquement la totalité de la population non-Serbes dans la zone

21 occupée aurait été tuée ou chassée, expulsée par la force des zones

22 occupées." Autre affirmation, les membres de la JNA, lorsqu'ils ont pris le

23 contrôle de Vukovar, ce qui est dans l'acte d'accusation décrit comme étant

24 une occupation et là, je cite : "Qu'apparemment en prenant le contrôle de

25 la ville, les Serbes auraient tué plusieurs centaines de personnes non-

26 Serbes."

27 De l'avis de la Défense, il n'y a aucune preuve prouvant que ceci

28 aurait été un acte commis par des membres de la JNA.

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1 Le Procureur, d'après la Défense, n'a pas fourni de preuves par

2 rapport au paragraphe 30 de l'acte d'accusation. Je cite : "Que le 19

3 novembre 1991, Mile Mrksic a reçu un ordre du commandement de la JNA pour

4 procéder à l'évacuation de l'hôpital de Vukovar dans le respect de l'accord

5 conclu le 18 novembre 1991 à Zagreb."

6 On en a déjà parlé; on a parlé de la position de la Défense, à savoir

7 que le Procureur n'a pas apporté de preuves que Mile Mrksic était au

8 courant même de l'existence de cet accord de Zagreb. Il n'y a pas de

9 preuves non plus qu'il aurait reçu des ordres d'un commandement de la JNA

10 puisqu'il n'existe pas de tel ordre et cet ordre n'a pas été fourni au

11 moment de la présentation des moyens de l'Accusation.

12 Au niveau du paragraphe 37 de l'acte d'accusation, quand Mile Mrksic

13 est accusé d'avoir amené des groupes de prisonniers du hangar de Grabovo,

14 on a utilisé les termes "les membres des forces serbes qui comprennent

15 aussi les membres de la JNA," le Procureur pour cet élément n'a pas fourni

16 suffisamment de preuves pour que les Juges de la Chambre puissent établir

17 ces faits au-delà de tout doute raisonnable.

18 D'après la Défense, il n'y a pas eu de preuves que les membres de la

19 JNA ont participé au transport et à la liquidation physique des

20 prisonniers. Même s'il est exact que le Témoin P-022, d'après ce qu'il a

21 dit, lui-même a participé à cela, d'après ce qu'il a dit au cours de sa

22 déposition ici, ceci ne peut pas constituer la preuve de la participation

23 des soldats de la JNA, parce que, entre autres, d'après la déposition de ce

24 témoin, si toutefois les Juges lui accordaient une certaine confiance, il

25 n'a pas reçu d'ordres de supérieurs hiérarchiques. Il ne portait pas

26 l'uniforme qui était la sienne. Il n'avait pas d'armes de la JNA. Il avait

27 juste un fusil de chasse. De toute évidence, son éventuelle participation à

28 cela n'a rien à voir avec la participation des soldats de la JNA.

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1 Nous considérons que le Procureur n'a pas fourni suffisamment de

2 preuves pour corroborer le paragraphe 37 de l'acte d'accusation, à savoir

3 que les soldats de la JNA faisaient partie des forces serbes comme dit le

4 Procureur qui ont amené et tué les prisonniers. Une éventuelle

5 participation du Témoin P-022 ne peut pas impliquer la participation des

6 soldats de la JNA, et ceci en aucun cas, et ne peut pas prouver que ces

7 forces ont tué 264 Croates et autres non-Serbes, comme il est indiqué au

8 paragraphe 38.

9 Quand on parle de ces chiffres, la Défense considère qu'il n'a pas été

10 prouvé par les Procureurs qu'on a tué au moins, comme on dit, 264 Croates

11 et autres non-Serbes. Il s'agit plutôt de 200 personnes tout au plus parmi

12 lesquelles il y avait effectivement beaucoup de Croates. La plupart d'entre

13 eux auraient été des Croates, mais il y avait d'autres non-Serbes et même

14 des Serbes parmi eux.

15 Au niveau du paragraphe 38 de l'acte d'accusation, il est dit que les corps

16 des victimes ont été ensevelis dans un charnier au bulldozer. La Défense

17 considère que ceci n'a pas été prouvé au cours de la présentation des

18 moyens de preuve et qu'aucun élément n'indique qu'un bulldozer aurait été

19 utilisé pour faire ceci. Donc, nous considérons que le Procureur n'a pas

20 réussi à prouver cela.

21 Au niveau du paragraphe 39 de l'acte d'accusation, on indique que tôt le

22 matin le 21 novembre, à Vukovar, à Nova Ulica numéro 81, Radic, Vujanovic

23 et autres, mais ceci ne comprend pas Mrksic puisqu'il n'a jamais été à

24 Vukovar même pendant ces journées, pendant aucune de ces journées, donc que

25 ces personnes discutaient du massacre survenu à Ovcara. Dans ce paragraphe,

26 l'Accusation accuse Mrksic d'avoir été au courant de cet entretien et qu'il

27 a omis de prendre les mesures disciplinaires contre ces personnes, contre

28 les auteurs. La Défense considère qu'il n'a pas été prouvé qu'il fût au

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1 courant de cela, donc qu'il ne fût pas en mesure de cacher ou dissimuler

2 ces crimes. Nous considérons donc que le Procureur n'a pas prouvé que

3 Mrksic ait jamais été mis au courant de cet entretien qui aurait eu lieu à

4 Vukovar si toutefois il a eu lieu, et qu'aucun élément ne prouve que Mrksic

5 pouvait faire quoi que ce soit à ce sujet puisqu'il n'était pas au courant

6 de cela.

7 Concernant le paragraphe 41, la Défense considère que le Procureur n'a pas

8 montré l'existence des persécutions fondées sur des raisons politiques,

9 raciales ou religieuses et pour un chiffre maximal de 200 personnes de

10 toutes nationalités où il y avait évidemment le plus de Croates, mais aussi

11 les membres d'autres groupes ethniques, y compris des Serbes. La Défense, à

12 nouveau, n'accepte pas le chiffre des 264 personnes.

13 De plus, la Défense considère que le Procureur n'a pas réussi à

14 prouver que des violences sexuelles ont été commises sur une seule femme,

15 comme il est indiqué au paragraphe 41(b).

16 Le paragraphe 44 a déjà été disputé à plusieurs reprises. On dit

17 qu'au moins 264 Croates et autres non-Serbes ont été amenés par groupes

18 dans un lieu situé au sud-est de la ferme d'Ovcara, où ils ont été exécutés

19 par des forces serbes comprenant des membres de la JNA parmi d'autres. Nous

20 avons contesté déjà ces faits au cours de la présentation à charge. Nous

21 considérons que le Procureur, donc, n'a pas réussi à prouver cela.

22 Quand il s'agit de l'allégation qui est contenue dans ce paragraphe,

23 à savoir que le nom des victimes figure à l'annexe de l'acte d'accusation,

24 il convient de se rappeler les faits que nous avons prouvés jusqu'à

25 présent, qu'on a déterré 200 cadavres de la fosse commune à Ovcara, deux

26 personnes identifiées ne figurent pas sur la liste, la liste qui est

27 annexée à l'acte d'accusation, et qu'au cours du procès, il a été établi

28 que 14 personnes dont le nom figure sur cette liste ont été enterrées à

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1 Novo Groblje, à Vukovar, et pas à Ovcara.

2 Concernant le paragraphe 46 de l'acte d'accusation, la Défense répète

3 les affirmations déjà présentées, à savoir qu'il n'a pas été prouvé que les

4 victimes fussent seulement les Croates et les non-Serbes. Nous avons aussi

5 contesté le chiffre de 300 personnes indiqué dans le paragraphe, ainsi que

6 les Procureurs n'ont pas réussi à prouver qu'au moins une femme a -- une

7 détenue a subi des violences sexuelles. Nous avons parlé de cela aussi

8 quand nous avons évoqué le paragraphe 41(b).

9 Monsieur le Président, ceci est la position de la Défense de l'accusé

10 Mrksic, par rapport à l'article 98 bis du Règlement de procédure et de

11 preuve.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Domazet.

13 [La Chambre de première instance se concerte]

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Borovic, vous avez la parole.

15 M. BOROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, et je vous

16 souhaite bonjour.

17 Concernant nos mémoires en vertu de l'article 98 bis, la Défense connaît

18 les positions qui ont déjà été prises par les Juges de ce Tribunal en vertu

19 de l'article 98 bis. Nous savons aussi qu'aujourd'hui, nous n'allons pas

20 juger de la culpabilité éventuelle de l'accusé figurant -- tel qu'énuméré

21 dans l'acte d'accusation, par rapport à tous les éléments qui ont été

22 présenté jusqu'à maintenant. Mais devons dire que la crédibilité de

23 certains témoins, que leurs faiblesses, leurs forces ainsi que la nature

24 contradictoire de certaines dépositions ne vont pas être évoquées à

25 présent. Cependant, Me Domazet a déjà dit que les Juges de la Chambre -- Me

26 Domazet s'est déjà posé la question de savoir si un juge raisonnable des

27 faits, par rapport aux éléments présentés, serait en mesure de juger, de

28 prendre une décision équitable, qu'il s'agisse d'une décision portant

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1 l'acquittement ou l'accusation. Cela dépend de la lumière que l'on va

2 jeter.

3 Mais il existe une théorie concernant la preuve et il s'agit toujours

4 d'apporter -- de juger des faits en jugeant -- en essayant de décider du

5 poids à accorder aux éléments présentés, et il existe de telles preuves qui

6 ne sont pas à même de servir de base pour un éventuel acquittement.

7 La Défense de Radic va procéder de la même façon que les autres avocats.

8 Nous allons contester la responsabilité de Radic en vertu de l'article 7(1)

9 et 7(3). Nous allons aussi parler de certains paragraphes qui figurent dans

10 l'acte d'accusation. Pour prouver la responsabilité pénale individuelle, le

11 Procureur était obligé de prouver que l'accusé avait fait des actes de

12 façon individuelle, donc des crimes de façon individuelle ou qu'il a

13 participé à ces actes avec d'autres personnes.

14 Concernant l'entreprise criminelle commune qui figure à l'article

15 7(1) du Statut, il s'agit de répondre à plusieurs critères cumulatifs. Tout

16 d'abord, il faut justifier -- il faut prouver qu'un plan commun a existé,

17 un plan sûr, fiable, et qu'en plus des auteurs physiques allégés par le

18 bureau du Procureur, puisque le Procureur n'a jamais dit que les accusés

19 ont participé directement à la perpétration des crimes, mais le Procureur

20 était obligé de prouver le mens rea commun de ces trois accusés tout comme

21 il aurait dû prouver le mens rea des auteurs des crimes, donc le mens rea

22 des accusés aurait dû être prouvé ainsi que le mens rea commun, et ceci

23 doit être basé sur des preuves qui sont tellement fiables, à ce point

24 fiables que vues sur la meilleure lumière, elles devraient être telles

25 qu'il n'existe pas de possibilité d'acquittement.

26 Je ne veux pas parler des faits d'aider et encourager, puisque là il s'agit

27 de l'élément de volition et c'est quelque chose qui est essentiel par

28 rapport aux trois accusés. Je vais parler de cela par les chefs individuels

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1 en les parcourant un par un.

2 Nous allons commencer à parler des paragraphes allant du paragraphe 4 à 12.

3 Au niveau du paragraphe 5, il est dit que cette entreprise criminelle

4 commune avait pour but de persécuter les Croates qui se trouvaient à

5 l'hôpital et qui par la suite ont été amenés à Ovcara où des crimes

6 d'assassinat, d'extermination, torture et d'autres actes inhumains avaient

7 été commis, des actes définis par les articles 3 et 5 du Statut du

8 Tribunal.

9 Nous devons prouver aux Juges que Radic n'était qu'un petit commandant

10 d'une compagnie qui faisait partie du 1er Bataillon motorisé. Je dois aussi

11 attirer l'attention des Juges sur le fait que le Procureur n'a prouvé rien

12 au-delà du fait qu'il respectait les règles en vigueur dans la JNA, qu'il a

13 participé aux opérations au niveau des rues, au niveau des maisons, maison

14 par maison, rue par rue, et c'est justement ce caractère dont on parle.

15 Lui, il agissait en tant qu'un militaire. Il respectait les ordres qui lui

16 ont été donnés et il ne faisait rien d'autre que ce que lui a été ordonné,

17 à une toute petite échelle.

18 Par rapport au paragraphe 5, le Procureur n'a pas présenté

19 suffisamment d'éléments pour prouver que Radic avait participé à

20 l'évacuation de l'hôpital. On a parlé de sa présence, mais seulement, on a

21 fait cela seulement pour corroborer l'acte d'accusation, et je pense que

22 ceci fait partie justement de ces actes qui ne sont pas suffisamment

23 convaincants, en tout cas, qu'un juge raisonnable des faits ne pourrait

24 jamais accepter pour prendre sa décision ou pour condamner éventuellement

25 l'accusé.

26 Concernant le paragraphe 6 de l'acte d'accusation où on parle des

27 objectifs de l'entreprise criminelle commune, là, il s'agit à nouveau de ce

28 critère de plusieurs personnes où les personnes doivent être énumérées

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1 d'après la Défense. Le Procureur n'a présenté qu'un seul élément indiquant

2 qu'il existait cette entreprise criminelle commune. Cependant, ce qui est

3 vraiment important, c'est de remarquer que le Procureur n'a pas du tout

4 prouvé l'existence d'un plan commun et encore moins la participation

5 éventuelle de mon client à ce plan.

6 Tout d'abord, le Procureur a trouvé les origines de ce plan dans le

7 discours de Seselj, un pamphlet politique, mais ceci ne peut pas être le

8 début d'un plan commun. Je vais vous donner mes raisons pour cela en

9 parcourant un par un l'acte d'accusation. Si l'on pense que l'origine de

10 l'entreprise criminelle commune se trouve dans la visite de Seselj en date

11 du 13 novembre 1991, même si l'on suppose que le Procureur a prouvé la date

12 de cette visite, nous devons dire qu'à ce moment, aucun accord n'a été

13 conclu entre Mrksic, Sljivancanin, Radic, Stanko Vujanovic, Miroljub

14 Vujovic, et autres.

15 Le Procureur n'a pas prouvé que certains des accusés fussent présents

16 même au moment de cette occasion. Le Procureur n'a pas prouvé qu'un plan

17 ait été élaboré sur la base de ce discours, un plan tel qu'il impliquerait

18 les crimes commis contre les personnes qui ont été amenées de l'hôpital de

19 Vukovar à Ovcara. Ceci impliquerait que déjà à l'époque, il existait un

20 accord sur l'évacuation, à savoir que des personnes correspondant à

21 certains groupes ethniques ou un certain groupe allait être, à ce moment-

22 là, dans un certain nombre, amené à Ovcara pour qu'ils soient exécutés là-

23 bas.

24 Il n'est pas contesté que le Procureur ait bel et bien prouvé qu'il

25 existait cette évacuation du groupe de Mitnica, mais ceci doit servir de

26 contexte dans lequel on va voir que le Procureur n'a pas prouvé que tous

27 les Serbes dans le cadre de cette prétendue entreprise criminelle commune

28 et de ce prétendu plan criminel doivent être tués et chassés de Vukovar.

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1 Tout à fait au contraire. C'est un exemple qui montre qu'on peut procéder à

2 une évacuation militaire en respectant les règles, sans qu'il existe un

3 plan plus large. Le mens rea de l'accusé Radic impliquerait que le

4 Procureur a réussi à prouver l'existence de ce plan commun, et qu'il a

5 participé à cela.

6 S'il n'existait pas de plan commun, et si d'autres personnes avaient commis

7 ces crimes, on peut se poser la question de savoir si les conséquences

8 naturelles d'un plan criminel des autres personnes avec lesquelles Miroslav

9 Radic avait des contacts, est-ce que ce plan peut impliquer la

10 participation de Radic dans ce plan ? Pour conclure, Radic n'a pas

11 participé à aucune entreprise criminelle commune. Le Procureur n'a pas

12 démontré qu'au moment où Seselj a fait son discours, Radic a parlé ce cela.

13 Il n'a parlé de cela à aucun moment. Radic n'a jamais parlé de plan, et le

14 Procureur n'a jamais démontré que Radic, à aucun moment, réagit par rapport

15 à ce qui est le début d'un prétendu plan. D'ailleurs, pour cela il faudrait

16 examiner les dires des témoins du Procureur P-002, P-018, P-022. Je ne

17 demande pas aux Juges de contredire les déclarations des témoins, mais je

18 pense qu'il s'agit tout simplement d'accepter que le Procureur n'ait pas

19 fourni suffisamment de preuves fiables par rapport à ces allégations.

20 Aucun Oustachi ne doit sortir vivant de Vukovar. Cela, c'est peut-être une

21 déclaration faite par un homme politique, mais cela peut aussi vouloir dire

22 que l'on encourage les troupes à atteindre une victoire militaire. Ici,

23 nous avons vu un article de presse dans lequel on voit que Seselj disait

24 qu'il lutait contre les fascistes, et que tous les Croates n'étaient pas

25 des Oustachi. C'est la pièce 567. Sur la base de cette thèse, l'Accusation

26 établit une affirmation erronée, à notre avis, ni à ce stade, ni à un aucun

27 autre stade de la procédure, nous nous sommes obligés de nous référer à

28 cette affirmation erronée.

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1 S'agissant du paragraphe 7 de l'acte d'accusation, je pense que je l'ai

2 déjà mentionné. L'Accusation a omis de prouver que Radic avait passé un

3 quelconque accord avec Mrksic, Sljivancanin, des membres de la Défense

4 territoriale et les volontaires.

5 Paragraphe 8, sous-paragraphe (b) indique que le poste de commandement se

6 trouvait dans la maison de Stanko. Je ne souhaite qu'indiquer que les non

7 professionnels parlaient de cet endroit également en disant le poste de

8 commandement, le quartier général opérationnel, le commandement chargé des

9 opérations principales à Vukovar. Mais tout ceci a été dit de manière

10 officieuse, alors que nous savons que les témoins experts Theunens et

11 Pringle, de même que Trifunovic, ont dit clairement qu'un poste de

12 commandement peut être formé seulement au sein d'une unité militaire, à

13 partir du niveau du bataillon. Donc, il ne s'agit pas ici d'une question

14 liée à l'organisation militaire. Ceci a été confirmé par les témoins de

15 l'Accusation qui ont utilisé les termes que je viens de citer en clarifiant

16 cela.

17 Au paragraphe 10, nous avons un point très intéressant, à mon avis, au

18 sujet de mon client. L'accusé Radic, en raison du fait qu'il y est dit

19 qu'il n'avait pas de contrôle effectif sur les forces serbes qui étaient

20 responsables des crimes commis à l'encontre des non-Serbes qui avaient été

21 emmenés de l'hôpital. Ici, l'Accusation n'a pas prouvé le fait que Radic

22 exerçait un contrôle, soit de jure soit de fait d'un côté, et d'autre part,

23 dans sous-paragraphe (b), l'on mentionne 400 non-Serbes, alors qu'à un

24 autre endroit, l'on mentionne 300 non-Serbes dans le même contexte, ce qui

25 montre clairement que l'Accusation n'était pas claire du tout par rapport

26 au nombre exact dont il est question. Deuxièmement, Radic n'exerçait aucun

27 contrôle, ni de jure, ni de fait. De jure, il est sûr qu'il n'avait pas de

28 contrôle sur les forces serbes pour les appeler ainsi, afin de faciliter la

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1 compréhension de la Chambre de première instance en raison du fait que

2 l'Accusation n'a pas contesté les éléments de preuve présentés par la

3 Défense indiquant qu'après le 14 novembre 1991 --

4 Monsieur le Président, à la page 20, ligne 12, il faut écrire qu'il

5 n'exerçait pas de contrôle de jure, ni de fait. Merci.

6 Ce que l'Accusation a prouvé, c'est qu'un crime a été commis; mais que

7 Miroslav Radic, comme je l'ai dit, après le 14 novembre et conformément aux

8 éléments de preuve 430 et 431, n'exerçait pas non plus le contrôle de fait.

9 Je ne vais pas parler à présent de celui qui exerçait ce contrôle. Il

10 revient à l'Accusation de traiter de cela, même si ceci ressort clairement

11 sur la base des éléments de preuve qui ont été versés au dossier dans cet

12 affaire, mais je souhaite ajouter également que l'Accusation n'a pas

13 contesté les preuves indiquant que le commandant du poste de Petrova Gora

14 était justement le commandant du détachement d'assaut, du 1er Bataillon

15 motorisé, et que c'est là que les forces de la Leva Supoderica, les forces

16 de la Défense territoriale aussi, étaient stationnées, ce qui explique la

17 raison que cette personne avait un contrôle effectif, mis à part le

18 contrôle de jure. Ceci n'a pas été contesté non plus par les témoins

19 militaires de l'Accusation, y compris le général Pringle.

20 Ce qui veut dire que, dans ce segment, l'Accusation a omis de verser

21 au dossier les éléments de preuve et de convaincre la Chambre de première

22 instance du fait qu'au-delà de cette date-là, même si on ignore tout le

23 reste, au-delà de cette date-là, Radic aurait eu un quelconque contrôle

24 effectif sur cette force. Les pièces à conviction 374 et 418, dont j'ai

25 parlé tout à l'heure en parlant du contrôle de fait de Petrova Gora,

26 corroborent de manière supplémentaire ces faits.

27 Au paragraphe 10, il est question de la participation personnelle

28 dans l'évacuation et la sélection d'environ 400 non-Serbes de l'hôpital de

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1 Vukovar tôt dans la matinée du 20 novembre 1991. Il s'agit du paragraphe

2 10(b). Je pense qu'ici, l'Accusation s'appuie sur les dires d'un seul

3 témoin, à savoir P-030. Même si l'on acceptait qu'il avait entendu le nom

4 avec exactitude, tout le reste dans la déclaration porte sur une personne

5 âgée d'environ 40 ans, de peau basanée, haut de 175 à 180, alors que nous

6 savons que mon client n'a pas la peau mate, qu'il est grand de 190

7 centimètres. S'agissant de son unité et des couvre-chefs, il s'agissait

8 d'uniformes qui étaient standards au sein de la JNA. Le témoin expert

9 Pringle n'a pas soutenu cette thèse non plus, au moment de sa déposition.

10 Même si l'on acceptait cette déposition de la manière la plus favorable

11 possible, elle continuerait à faire partie de la catégorie des dépositions

12 peu convaincantes dont j'ai parlé au début de mon intervention aujourd'hui.

13 Même si l'on acceptait cela de manière la plus favorable possible, il ne

14 serait pas possible d'arriver à la condamnation sur la base de cette

15 déposition.

16 La Défense continue à avoir du mal à comprendre, je pense que les

17 faits le prouveront aussi, que beaucoup de temps précieux a été gaspillé

18 dans le cadre de cette procédure en prouvant l'allégation selon laquelle

19 Radic aurait participé personnellement à l'évacuation et la sélection des

20 personnes. L'Accusation s'est appuyée sur deux témoins, dont l'un au moins

21 a dit : "C'est moi, et non pas Miroslav Radic, qui ait participé

22 personnellement à l'évacuation et à la sélection, c'est moi qui avait la

23 liste de 15 personnes que l'on a fait sortir du bus et qui ont été libérées

24 par la suite."

25 Je pense que nous avons besoin, ici, d'éléments de preuve clairs et

26 non pas des semi-éléments de preuve qui ont été utilisés afin de piéger

27 l'Accusé. En appliquant le principe de la justice, ceci ne peut pas être

28 toléré et ce principe doit être appliqué au pied de la lettre, ce que la

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1 Chambre de première instance a dit et redit à plusieurs reprises.

2 Nous considérons à ce stade que l'Accusation a omis de prouver cela.

3 Il est clair que la police militaire était en charge de l'évacuation et des

4 actions dans le cadre desquelles on amenait des personnes dans les bus et

5 dans le cadre desquelles on les sélectionnait. Mon client, qui était le

6 commandant d'une compagnie, n'avait pas le droit de donner des ordres,

7 l'Accusation ne l'a pas d'ailleurs prouvé.

8 S'agissant de la responsabilité de supérieur hiérarchique en vertu de

9 l'article 7(3) du Statut, il est clair qu'il est nécessaire qu'il y ait un

10 lien de supérieur au subordonné, et que le supérieur hiérarchique est censé

11 être au courant des faits. L'Accusation n'a pas prouvé qu'il détenait un

12 poste de supérieur hiérarchique par rapport à ces forces-là, ni qu'il était

13 au courant du fait qu'un crime allait être commis. Aucune pièce à

14 conviction pertinente sur le plan juridique n'a été fournie afin de

15 corroborer cette allégation.

16 S'agissant de la question de savoir s'il avait des raisons de savoir

17 ce qui allait se passer, là, il s'agit d'un autre critère qui n'a pas été

18 rempli, car l'Accusation a fourni des éléments de preuve faibles concernant

19 le gouvernement de la SAO Srem occidentale, Baranja, et cetera. Radic

20 n'était pas au courant des sessions du gouvernement, de leurs décisions. Il

21 n'est pas allé à Ovcara. L'Accusation n'a même pas suggéré cela.

22 En ce qui concerne les tâches liées à la sécurisation de l'hôpital, à

23 l'évacuation et la sélection des détenus, il n'a pas pu participer à cela

24 en tant qu'une personne qui n'avait pas de contrôle effectif sur, je cite,

25 les forces serbes, donc il ne peut pas être tenu pour responsable en vertu

26 de l'article 7(3) du Statut, dans cette partie de l'acte d'accusation non

27 plus. Il ne pouvait pas non plus, par conséquent, prendre des mesures

28 raisonnables et nécessaires. Peut-être qu'il y avait d'autres officiers qui

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1 auraient pu faire cela, l'Accusation aurait pu prouver cela peut-être. Ces

2 officiers étaient à un niveau supérieur par rapport au commandant de

3 compagnie, tel que Miroslav Radic.

4 S'agissant du sous-paragraphe (c), là où il est dit qu'il n'a pas

5 pris de mesures -- ou plutôt qui indique qu'il aurait pris des mesures afin

6 de dissimuler ces crimes, je pense que ceci est clair, qu'il ressort

7 clairement, sur la base de la déposition des témoins, que l'Accusation n'a

8 pas prouvé qu'il aurait pris des mesures afin de dissimuler ou cacher les

9 crimes d'un côté. D'autre part, si nous savons de qui ces forces relevaient

10 entre le 14 et le 18, si l'on sait quel était leur statut le 20 et le 21,

11 il est clair que l'Accusation n'a pas présenté d'éléments de preuve valides

12 afin de corroborer cela.

13 S'agissant du paragraphe 13, je pense que c'est justement pour les

14 raisons que je viens de mentionner qu'il est possible de dire que

15 l'Accusation ne dispose pas d'éléments de preuve.

16 Le paragraphe 16 est très intéressant du point de vue juridique, car

17 dans la deuxième partie du paragraphe 16 il est dit : "Lors des opérations

18 à Vukovar, et suite à celles-ci, Miroljub Vujovic et Stanko Vujanovic

19 étaient tous deux des subordonnés de Miroslav Radic."

20 Tout d'abord, au cours des opérations, nous avons même eu les éléments de

21 preuve indiquant que Stanko Vujanovic était subordonné au capitaine de

22 compagnie Bojkovski. Donc l'Accusation n'a nullement prouvé qu'il aurait

23 été placé sous le commandement de Miroslav Radic. L'Accusation essaie de

24 dire que le fait que la maison du père de Stanko Vujanovic avait été

25 choisie, indique qu'il était sur place, or, il s'agit là d'une preuve qui

26 n'est tout simplement pas valide. Stanko Vujanovic n'a pas dormi dans la

27 maison de son père au cours des opérations de Vukovar, mais ailleurs.

28 Le Témoin P-022, à la page 50-77/20 du compte rendu d'audience, parle de la

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1 question de savoir qui contrôlait Stanko, et ceci figure à la page 4957/17

2 du compte rendu d'audience. Puis, d'autres témoins ont déposé à ce sujet et

3 l'Accusation n'a pas présenté d'éléments de preuve clairs sur ce point.

4 Même les témoins experts ont montré de la réserve par rapport à

5 l'affirmation selon laquelle Stanko Vujanovic aurait été placé sous le

6 commandement de Miroslav Radic.

7 Après la libération de Vukovar, donc après le 18 novembre, nous

8 pouvons voir cela au paragraphe 16 de la deuxième partie du paragraphe, il

9 n'y a aucune preuve indiquant que ces personnes auraient été placées sous

10 le contrôle effectif ou de jure de Miroslav Radic.

11 Le paragraphe 19. Nous n'avons pas reçu aucun élément de preuve

12 présenté par l'Accusation indiquant que Miroslav Radic aurait reçu les

13 informations selon lesquelles on menaçait les prisonniers; deuxièmement,

14 que l'on les malmenait; et troisièmement, que l'on commençait à planifier

15 de commettre un crime sur ces prisonniers. Donc, il n'y a pas du tout de

16 preuves indiquant qu'il aurait été informé de cela. D'autre part, il

17 n'avait pas le contrôle effectif sur ces personnes à ce stade, comme je le

18 disais déjà.

19 Paragraphe 20. Dans ce paragraphe, nous contestons l'élément qui est

20 contenu, car l'Accusation -- ou plutôt, nous disons qu'il n'était pas tenu

21 de respecter le règlement portant sur l'application des lois du droit de

22 guerre internationales au sein des forces armées de la RSFY de 1988. Dans

23 ce règlement, la déclaration de guerre n'est pas mentionnée, mais il s'agit

24 plutôt de la menace imminente de la guerre, donc pour des raisons de nature

25 formellement juridiques, ce règlement ne peut pas être évoqué comme

26 fondement de la responsabilité de cet accusé.

27 Puis, parlons maintenant du paragraphe 23 qui porte sur les crimes contre

28 l'humanité. Nous pouvons voir qu'il est longuement énoncé que tous ces

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1 actes faisaient partie d'une attaque généralisée et systématique à

2 l'encontre de la population croate et autres non-Serbes. Je pense que nous

3 pouvons maintenant parler du statut de la population civile.

4 Dans l'affaire Blaskic, il a été expliqué que les personnes qui étaient à

5 l'hôpital de Vukovar n'auraient pas bénéficié de ce statut, tout simplement

6 car ils ne remplissaient pas les six critères selon les conventions de

7 Genève. S'agissant de certains des accusés, notamment Radic, l'Accusation

8 n'a pas prouvé que ces actes faisaient partie d'une entreprise criminelle

9 commune et d'un plan commun.

10 Je vais rappeler à la Chambre de première instance le fait que Radic

11 était simplement un commandant de compagnie qui n'était pas en mesure

12 d'être en contact avec les hauts officiers présents sur le terrain.

13 S'agissant du paragraphe 23, la Défense affirme que l'Accusation a

14 omis de prouver cela, a omis de prouver les allégations contenues dans ces

15 paragraphes. Il s'agissait là simplement et au mieux des incidents

16 individuels et faits de manière non délibérée.

17 Le paragraphe 26 mentionne les réunions qui ont eu lieu au quartier général

18 du capitaine Radic, dont le but était de planifier les opérations

19 militaires de Vukovar. Le bureau du Procureur n'a pas prouvé, même si l'on

20 prenait compte de toutes ces explications verbales proposées par des non

21 professionnels, qu'il s'agissait effectivement d'un quartier général. Ceci

22 ne pouvait pas du tout être un quartier général; ce n'est pas là que l'on

23 planifiait la libération de Vukovar. Le seul commandement au sein duquel

24 l'on élaborait les plans était le poste de commandement du commandant du 1er

25 Bataillon motorisé. Les commandants y allaient conformément à leurs ordres

26 et conformément à leurs plans, et les commandants de la Défense

27 territoriale y étaient déployés également.

28 Le paragraphe 26 est un paragraphe où l'Accusation parle ouvertement des

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1 "persécutions" en pensant à l'évacuation. Je pense qu'ici, nous pouvons

2 utiliser plutôt le terme de l'évacuation. Le chef 1 de l'acte d'accusation,

3 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, qui porte sur les

4 persécutions, est quelque chose que l'Accusation n'a certainement pas pu

5 prouver, et l'on accuse Miroslav Radic de cela. L'arrivée de Seselj n'a pas

6 provoqué une quelconque entreprise criminelle commune, comme je l'ai

7 expliqué, qui aurait résulté en crime commis.

8 P-094, page -- 434; P-022, page 4985/25. Mais je vois que les numéros de

9 pages ne sont pas consignés au compte rendu d'audience, mais pour le

10 moment, je n'ai pas le temps de les redire, j'ai déjà mentionné cela. Il

11 s'agissait des Témoins P-024, P-022 et P-030.

12 Encore une fois, référence est faite ici au paragraphe 33 et à la sélection

13 des détenus, mais il n'y a pas eu d'éléments de preuve présentés indiquant

14 que Radic aurait participé à ce processus de sélection des détenus. Si l'on

15 tient compte de la déposition peu convaincante du Témoin P-030, nous

16 pouvons conclure facilement qu'il n'a jamais fait plus que fouiller les

17 prisonniers, mais il ne les a certainement pas sélectionnés.

18 Paragraphe 34 n'a pas été prouvé par l'Accusation lorsqu'il est dit que le

19 commandant Sljivancanin aurait donné l'ordre à Radic de prendre une liste

20 contenant 15 noms et de faire sortir ces personnes du bus.

21 L'Accusation n'a pas prouvé non plus le paragraphe 39 indiquant que Radic,

22 Vujanovic et d'autres personnes discutaient du massacre qui avait eu lieu à

23 Ovcara au cours de la nuit précédente.

24 Le Témoin P-002, qui est probablement le témoin auquel l'Accusation fait

25 référence ici, dit qu'il avait parlé avec plusieurs personnes et que par la

26 suite, il avait posé des questions à Vujanovic au sujet de ces

27 circonstances. Par la suite, il a dit qu'à un moment donné au cours de la

28 soirée, et ensuite il a eu une déclaration différente dans laquelle il dit

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1 qu'au bout de quelques jours, il a parlé avec Radic, et suite aux questions

2 et réponses peu claires, ce témoin a indiqué qu'il n'avait pas parlé du

3 massacre à Ovcara avec lui au cours de la nuit précédente.

4 Donc, le bureau du Procureur n'a jamais pu prouver que les mots "massacre",

5 "crime" ou "Ovcara" ont été employés au cours de cette conversation. Même

6 leurs propres témoins ne pouvaient pas corroborer cela.

7 Je vois qu'il me reste deux minutes, je vais essayer d'abréger ce que j'ai

8 à dire.

9 La Chambre de première instance a entendu et reçu les éléments de preuve

10 présentés par l'Accusation. Je pense que l'Accusation n'a pas réussi à

11 prouver l'un quelconque des chefs entre les chefs d'accusation 1 et 8, les

12 chefs d'accusation portant sur mon client, M. Radic. Malgré ce que j'ai dit

13 au début de mon intervention, lorsque j'ai dit que l'article 98 bis devait

14 s'appliquer d'une certaine manière, je pense que je n'ai pas abusé de cet

15 article et je pense qu'il existe suffisamment de conditions et de

16 circonstances qui se sont accumulées au cours de la présentation des moyens

17 à charge pour permettre à la Chambre d'acquitter mon client. Après tout,

18 mon client est accusé ici d'un certain nombre de chefs d'accusation qui ne

19 sont fondés ni dans la réalité, ni sur les éléments de preuve.

20 C'est tout ce que je souhaitais dire à la Chambre aujourd'hui. Merci.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Borovic.

22 Nous allons avoir notre première pause de la matinée maintenant et

23 nous allons reprendre notre travail à 11 heures 20.

24 --- L'audience est suspendue à 10 heures 58.

25 --- L'audience est reprise à 11 heures 21.

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic, vous avez la parole.

27 M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

28 Permettez-moi de faire une remarque préliminaire générale pour vous

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1 dire comment nous voyons la situation qui se pose au regard de l'article 98

2 bis du Règlement.

3 Notre équipe de la Défense vient d'un système juridique où ce genre

4 de dispositions légales n'existe pas, quand on voit la nature générale de

5 la disposition du 98 bis, la raison en est sans doute que le système

6 juridique se fonde sur le principe de la vérité objective, et non pas sur

7 la nécessité de prouver la culpabilité au-delà de tout doute raisonnable.

8 Dans notre système, la chambre a un rôle beaucoup plus actif pour ce qui

9 est du recueil d'éléments de preuve et de la façon de les présenter. Le

10 rôle des parties au procès est donc moins prononcé. C'est la raison pour

11 laquelle, en vertu de la procédure visée par l'article 98 bis, nous allons

12 nous efforcer de présenter nos arguments au vu de notre expérience et de

13 notre statut professionnel davantage par rapport à la jurisprudence du

14 Tribunal, sa pratique constante et les principes juridiques sur lesquels

15 elle s'appuie. Il n'est pas facile d'évaluer des éléments de preuve pour ce

16 qui est de leur force et de leur faiblesse, des contradictions qu'il peut y

17 avoir entre ces éléments de preuve. Ce n'est pas une chose que va faire la

18 Chambre maintenant. Elle ne va pas non plus évaluer de façon précise des

19 éléments de preuve lorsque ceux-ci ne sont pas susceptibles de justifier

20 une condamnation.

21 Où en sommes-nous dans ce procès ? Nous en sommes à un stade où la

22 Chambre a un rôle fondamental, qui est d'analyser la phase de la procédure

23 qui vient de s'écouler, d'appliquer le principe de l'économie judiciaire

24 pour que la Défense, si ce n'est pas nécessaire, n'est pas à présenter ses

25 moyens. Nous sommes tout à fait en faveur de l'esprit qui sous-tend cette

26 disposition du Règlement, même si nous ne pensons pas que l'Accusation doit

27 avoir le droit de proférer des allégations vagues et générales pendant

28 toute la durée du procès. Le fait que l'Accusation puisse vous présenter sa

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1 cause sur un acte d'accusation aussi vague, pendant toute la durée du

2 procès, est contraire au principe de l'économie judiciaire.

3 Dès le début du procès, et surtout après la présentation des moyens à

4 charge, qu'est-ce que la Défense a comme devoir ? Elle a l'obligation de

5 contester bon nombre des affirmations énoncées dans l'acte d'accusation

6 qui, tout simplement, sont des allégations sans fondement. Dans la plupart

7 des procès dont a connu ce Tribunal, au moment du jugement, l'Accusé peut

8 être acquitté au regard d'un nombre limité de chefs d'accusation.

9 Normalement, l'Accusation abandonne certains chefs ou il y a une décision

10 en application de l'article 98 bis du Règlement. Si une décision de ce

11 genre était prise à temps, ceci nous permettrait grandement d'accélérer la

12 présentation de nos moyens à décharge et permettrait également de réduire

13 la durée du procès. Notre équipe de la Défense estime qu'il revient à la

14 Chambre de voir quels sont les chefs d'accusation qui sont trop vagues et

15 qui entraînent un procès trop long.

16 Je pense que même dans les systèmes juridiques où le principe du non-lieu

17 ou de l'abandon des poursuites s'applique, si nous avons des procès aussi

18 compliqués, présentant un nombre aussi volumineux d'éléments de preuve, et

19 même lorsqu'il y a la nécessité d'accélérer une procédure, on pourrait

20 mieux utiliser l'article 98 bis.

21 La Défense doit présenter un autre fait qui découle de la

22 présentation des moyens à charge. A ce stade de la procédure, la Chambre

23 peut examiner et analyser ce que l'Accusation a annoncé avec autant de

24 force au début du procès, et ce que l'Accusation a présenté par ses moyens

25 de preuve à charge. L'Accusation a décidé de ne pas citer certains de ses

26 témoins clés. Je dis "témoins clés" uniquement pour indiquer le nombre de

27 fois qu'ont été utilisés des déclarations préalables de ce témoin dans le

28 mémoire préalable au procès de l'Accusation. L'Accusation a montré qu'elle

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1 présentait des moyens, non pas pour informer la Chambre de tous les faits

2 que l'Accusation avait annoncés, ou faits dont elle avait la disposition.

3 Pour le dire plus simplement, l'Accusation ne veut pas contribuer à la

4 manifestation de la vérité. Ce qui fait que la Défense se trouve dans une

5 situation qui n'est pas prévue par le Statut, ni par le Règlement.

6 Puisque maintenant la recherche de la preuve, l'Accusation place la

7 Défense dans cette situation à laquelle elle ne s'était jamais attendue ou

8 qu'on lui demande maintenant d'affronter. La Chambre, sans doute parce

9 qu'elle ne connaît pas les déclarations préalables de ces témoins

10 potentiels, sans doute qu'elle ne les connaîtra pas parce que le Règlement

11 ne le prévoit pas, ce qui veut dire que la Chambre n'est pas à même

12 d'évaluer la mesure dans laquelle l'Accusation s'est acquitté de

13 l'obligation d'apporter la preuve.

14 Une chose est certaine, la charge de la preuve ne repose pas sur les

15 épaules de la Défense, mais sur celles de l'Accusation.

16 Je passe maintenant à mes propositions précises. Celles-ci ont trait aux

17 différentes modalités de responsabilité pénale individuelle évoquées dans

18 l'article 98 bis. Je me propose de voir si des preuves ont été apportées

19 face aux chefs de l'acte d'accusation.

20 Parlons d'abord de la responsabilité visée au point 7(1) du Statut, qui est

21 contenue dans l'acte d'accusation. L'Accusation n'a pas du tout prouvé

22 qu'il y aurait participation de Sljivancanin à l'entreprise criminelle

23 commune, ce qui est pourtant dit aux paragraphes 4 et 7 de l'acte

24 d'accusation.

25 Si nous partons de la thèse selon laquelle l'objectif d'une telle

26 entreprise criminelle commune, comme c'est défini par l'Accusation au

27 paragraphe 5 de l'acte d'accusation et au paragraphe 259 du mémoire

28 préalable au procès, rien ne prouve que Sljivancanin aurait été une partie

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1 de ce plan criminel commun pour autant qu'il ait existé.

2 Prenons l'arrêt Tadic, paragraphe 227, pour ce qui est de l'élément

3 matériel, rien n'a été prouvé qui indiquerait que la troisième condition

4 sine qua non, à savoir la participation de l'accusé à la perpétration même

5 de l'infraction ou du crime, ce dont on n'accuse pas du tout Sljivancanin

6 au paragraphe 4 de l'acte d'accusation. Rien n'a non plus été prouvé pour

7 montrer que Sljivancanin aurait aidé ou encouragé à l'exécution de ce plan

8 commun, qu'il n'y aurait pas contribué.

9 L'Accusation n'a pas prouvé que Sljivancanin était animé de cette intention

10 délictueuse, ce qui est pourtant requis dans l'arrêt Tadic, paragraphe 228,

11 que ce soit pour la première catégorie, les trois premiers types, ou le

12 troisième type de l'entreprise criminelle commune. Je serais plus précis.

13 Pour ce qui est du premier type d'entreprise criminelle commune, il n'était

14 pas animé de l'intention nécessaire pour la perpétration d'un crime donné.

15 D'après l'article 98, il faut établir que tous les membres de l'entreprise

16 criminelle commune ont participé à la perpétration de l'infraction, et plus

17 particulièrement que Sljivancanin, là je cite l'arrêt Brdjanin ou le

18 jugement Brdjanin : "Qu'il avait un plan commun, et qu'il a contribué et

19 participé activement à la commission de l'acte."

20 Je vais relire ceci. Paragraphe 28, disais-je. "Il est nécessaire que la

21 Chambre établisse que l'accusé avait… un acte qui était le résultat d'un

22 plan commun, et qu'il avait contribué à la commission des crimes en

23 question."

24 Je vois que ceci n'a pas été repris dans son intégralité par le compte

25 rendu d'audience. Peut-être devrais-je lire ceci en B/C/S, mais je voulais

26 reprendre le texte original, que je vais relire une nouvelle fois.

27 Je m'excuse auprès des interprètes. J'aurais dû leur dire que j'allais lire

28 en anglais. "Qu'il avait l'intention d'obtenir le résultat d'un plan

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1 commun, et qu'il avait participé de son propre gré volontairement à la

2 commission des crimes en question."

3 Je reviens à ma langue maternelle.

4 Prenons la troisième catégorie, le troisième type d'entreprise criminelle

5 commune. A cet égard, l'Accusation n'a pas apporté la moindre preuve

6 attestant de l'intention présumée de Sljivancanin de participer aux

7 activités criminelles d'un groupe, de participer à cette entreprise

8 criminelle commune, ou à la commission de ces crimes de la part d'un groupe

9 défini au paragraphe 7 de l'acte d'accusation. L'Accusation n'a pas prouvé

10 que Sljivancanin avait connaissance du moindre plan quel qu'il soit. Par

11 conséquent, il n'était pas à même de prévoir que les actes énumérés aux

12 paragraphes 2 à 8 de l'acte d'accusation étaient des conséquences

13 prévisibles de l'exécution de ce plan commun.

14 De ce fait, l'Accusation n'a pas apporté la moindre preuve qui permettrait

15 à un juge des faits de retenir les allégations mentionnées au paragraphe 12

16 de l'acte d'accusation.

17 L'Accusation n'a pas présenté le moindre élément de preuve permettant

18 à un juge des faits d'établir que les faits énoncés au paragraphe 11,

19 alinéas (a) à (i) aient le moindre rapport avec un plan criminel et avec

20 l'exécution des objectifs d'une entreprise criminelle commune. Le Procureur

21 n'a pas prouvé que Sljivancanin savait qu'il y avait eu un accord à Zagreb

22 entre la JNA et les autorités croates le 18 novembre. Cela, c'est l'alinéa

23 (b) du paragraphe 11.

24 Maintenant, je vais enchaîner sur ce que disait Me Borovic. Encore à ce

25 jour, nous ne comprenons pas comment on a pu énoncer ce qui se trouve au

26 paragraphe 11(c). Là, on parle de 400 non-Serbes, alors qu'au paragraphe

27 33, on a un autre chiffre, celui d'environ 300 personnes. Nous pensons

28 qu'aucune preuve n'a été apportée à l'appui de l'allégation selon laquelle

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1 400 personnes auraient été sorties le matin du 20 novembre de l'hôpital de

2 Vukovar.

3 Compte tenu des conditions qu'il fallait respecter, nous disons que

4 Sljivancanin ne savait pas ni n'avait des raisons de savoir que ces

5 personnes auraient fait l'objet de persécutions ou auraient été tuées. Il

6 n'y a pas une seule preuve qu'exigent pourtant les normes énoncées à

7 l'article 98 bis qui montre que Sljivancanin aurait participé à

8 l'entreprise criminelle commune en commettant les actes énoncés au

9 paragraphe 11(g). De plus, pas une seule preuve n'a été apportée montrant

10 que Sljivancanin aurait pris des mesures afin de couvrir de tels crimes ou

11 d'en dissimuler l'existence, ce que dit pourtant le paragraphe 11(i).

12 Pour ce qui est de forme individuelle de responsabilité visée à l'article

13 7(1) du Statut, l'Accusation, dans son mémoire préalable au procès, a parlé

14 d'ordre, paragraphe 277 de ce mémoire préalable au procès, ainsi qu'au

15 paragraphe 282 et au paragraphe 285 ils parlent du fait d'aider et

16 d'encourager. Par conséquent, je vais vous faire part de notre avis sur ces

17 deux questions.

18 S'agissant des ordres donnés, l'Accusation n'a pas prouvé que Sljivancanin

19 aurait ordonné qu'un seul des crimes énoncés dans l'acte d'accusation soit

20 commis. Rien n'est venu prouver qu'il était animé de l'intention

21 délictueuse requise pour donner ces ordres. L'Accusation aurait dû apporter

22 des preuves montrant qu'il avait l'intention que soient commis ces actes

23 illicites et qu'il savait aussi qu'il était fort probable que des crimes

24 allaient être commis, comme ceci a été établi par la jurisprudence de ce

25 Tribunal, notamment dans l'affaire Blaskic, paragraphes 41 et 42.

26 Enfin, les circonstances particulières qui caractérisent la position

27 qu'avait Sljivancanin dans la chaîne de commandement, et nous allons

28 reparler plus longuement de ceci lorsque nous parlerons de la

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1 responsabilité du supérieur hiérarchique, ces circonstances n'étaient pas

2 l'affirmation selon laquelle Sljivancanin aurait de l'autorité, notamment

3 une autorité officieuse à l'encontre des personnes qui ont commis ces

4 crimes, l'autorisation qui est pourtant nécessaire pour émettre un ordre.

5 Parlons maintenant du fait d'aider et d'encourager au titre de la

6 responsabilité pénale visée par l'article 7(1) du Statut.

7 Paragraphe 285 du mémoire préalable au procès, l'Accusation énumère des

8 actes qui caractérisent le fait d'aider et d'encourager dans le chef de M.

9 Sljivancanin. L'Accusation promet de prouver ceci au moment de la

10 présentation de ses moyens. Elle dit aussi que Sljivancanin a donné l'ordre

11 de transférer des personnes de l'hôpital à la caserne, qu'il a empêché des

12 observateurs internationaux d'assister à toutes les phases de l'évacuation

13 et qu'il a supervisé la détention des personnes se trouvant à la caserne,

14 qu'il a permis que des gens soient transférés de la caserne à Ovcara et

15 qu'il aurait autorisé les organes de sécurité de la Brigade des Gardes et

16 de la 80e Brigade motorisée à transférer les détenus, à les remettre à

17 d'autres forces, sachant que ces personnes allaient faire l'objet de

18 nouvelles persécutions et allaient être tuées.

19 Parlons de l'actus reus de l'élément matériel nécessité pour prouver qu'il

20 y a aide et encouragement, comme le dit la jurisprudence du Tribunal,

21 notamment dans l'arrêt Tadic, paragraphe 229. Là, on fait une distinction

22 entre ces formes-ci de responsabilité pénale et celle qui caractérise

23 l'entreprise criminelle commune. Il y a également l'arrêt Vasiljevic,

24 paragraphe 102, l'arrêt Aleksovski, paragraphe 164.

25 C'est toujours un peu étrange pour moi d'indiquer tel ou tel paragraphe

26 d'un jugement ou d'un arrêt à des juges. Vous êtes les derniers à en avoir

27 besoin puisque vous connaissez parfaitement le sujet.

28 Dans l'arrêt Krnojelac, paragraphe 51, s'agissant de l'élément moral, il

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1 faut établir que l'accusé, en tant que personne ayant aidé et encouragé,

2 savoir que par ces actes, il a largement contribué, contribué de façon

3 significative au crime commis par des auteurs isolés. Il doit connaître le

4 fait que ces crimes vont être commis par les exécuteurs mêmes de ces

5 crimes. Pour ce qui est des chefs d'accusation retenus par l'acte

6 d'accusation, s'agissant de ces modalités de responsabilité, l'Accusation

7 n'a pas du tout prouvé que Sljivancanin avait connaissance ou était au

8 courant des actes commis par les principaux exécutants et qu'il ne savait

9 pas non plus quelle était l'intention de ceux qui ont commis le crime de

10 persécution et d'homicide. Il ne savait pas non plus que ces gens allaient

11 commettre ces crimes. Il n'y pas une seule preuve permettant à un juge des

12 faits raisonnable d'être convaincu que M. Sljivancanin, en participant à

13 l'évacuation de l'hôpital, était au courant et qu'il allait montrer, ce

14 faisant, qu'il était au courant des actes commis par les auteurs principaux

15 de ces méfaits.

16 Quelques mots maintenant à propos de la responsabilité du supérieur

17 hiérarchique. Par les décisions qu'il a rendues, ce Tribunal a précisément

18 énoncé les critères nécessaires pour conclure qu'un accusé occupait des

19 fonctions de commandement, et de ce fait, est investi d'une responsabilité

20 du supérieur hiérarchique. Ce sont des critères clairement énoncés

21 notamment dans l'arrêt Celebic, paragraphes 186 à 198 ainsi qu'au

22 paragraphe 266.

23 Une des conditions sine qua non requise ou une condition préalable

24 aux deux conditions posées, c'est que le Procureur doit prouver que

25 l'auteur des crimes était subordonné à l'accusé, paragraphe 303 de l'arrêt

26 Celebic. Il y a un principe qui est l'unité ou l'unicité du commandement et

27 la subordination qui existait dans la JNA, principe qui était souvent

28 évoqué par les experts de l'Accusation. Cela a été mentionné dans bon

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1 nombre de documents et de réglementations. Il est clair que même lorsqu'il

2 y a une chaîne de commandement temporaire, il faut qu'il y ait un seul

3 supérieur. Ses subordonnés, ceux qui ont commis des crimes, il faut prouver

4 aussi qu'ils se trouvaient sous son commandement, au sens du respect de la

5 voie hiérarchique.

6 Le Procureur ne dit pas que le contrôle effectif qu'avait

7 Sljivancanin au moment de l'évacuation même, c'est quelque chose qui

8 existait en dehors de la chaîne du commandement de la voie hiérarchique,

9 non. Non. L'Accusation dit qu'il occupait une fonction, un poste de

10 commandement, mais à partir d'une chaîne de commandement temporaire,

11 fonction qui lui a été confiée. Le Procureur n'a pas prouvé que cette

12 chaîne de commandement qui a existé pendant l'évacuation de l'hôpital, qui

13 était une chaîne de commandement définie temporairement au paragraphe 17 de

14 l'acte d'accusation, que cette chaîne aurait fonctionné au sein des

15 rapports qui existaient entre Sljivancanin en tant que supérieur, d'une

16 part, et les auteurs directs des crimes qui auraient été ses subordonnés.

17 Bon nombre d'éléments de preuve indiquent que cette chaîne de

18 commandement a fonctionné dans un contexte tout à fait différent, aurait

19 existé entre diverses personnes, que l'Accusation ne voulait ni ne pouvait

20 relier de jure à une relation de subordination par rapport à Sljivancanin.

21 Le Procureur explique quelle est la responsabilité de Sljivancanin au

22 paragraphe 17. L'Accusation reconnaît que Sljivancanin n'avait pas le

23 commandement de jure, n'avait pas cette autorité de commandement de jure au

24 sein de la Brigade motorisée, comme c'est dit au paragraphe 299 du mémoire

25 préalable au procès. L'Accusation va plutôt décrire de façon fictive une

26 situation où il aurait une fonction de commandement temporaire qui lui a

27 été donnée par M. Mrksic, paragraphe 30 de l'acte d'accusation, paragraphe

28 36 du mémoire préalable au procès.

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1 Pour essayer de prouver ce qu'elle affirme dans son mémoire préalable

2 au procès, l'Accusation évoque trois documents, note de bas de page 57 du

3 mémoire préalable au procès. Deux de ces documents sont devenus des pièces

4 à conviction en l'espèce, pièce 425 et pièce 368. Troisième document

5 concerné; il a reçu une cote provisoire 573. Il faisait partie de la liste

6 visée par l'article 65 ter. Tous ces documents concernent des rapports du

7 Groupe opérationnel sud. Les dates sont celles du 15 novembre, cela c'est

8 pour un document, et pour les deux autres, nous avons les dates du 21

9 novembre 1991.

10 Je fais une correction à l'intention des interprètes : ligne 7, page 38,

11 deux documents portent la date du 21 novembre. Ce sont les pièces versées

12 au dossier. Vous pourrez vérifier.

13 Sauf le respect que je dois à l'Accusation pour la tactique qu'elle a

14 adoptée dans l'interprétation des documents, l'Accusation ne comprend

15 toujours pas ce qu'il y a dans ces documents qui pourrait établir un

16 rapport avec la soi-disant position du commandement qu'aurait Sljivancanin.

17 Il n'y a pas une seule preuve qui aurait été apportée au cours de ce procès

18 qui permettrait à un juge des faits raisonnable de dire que cette

19 affirmation de l'Accusation est une affirmation correcte. La fonction de

20 commandement de jure, c'est une fonction formelle, officielle, et il faut

21 des preuves très convaincantes qu'il n'est pas permis de contester pour le

22 prouver. Pour ce qui est de sa fonction et de son poste, cela, c'est

23 incontestable, Sljivancanin n'avait pas la possibilité d'exercer le

24 commandement. La Défense considère que le Procureur n'a pas présenté de

25 telles preuves au cours de la présentation de ses moyens de preuve.

26 Les conclusions de l'expert Pringle, l'expert du Procureur, apportent les

27 conclusions sur la fonction de commandement de Sljivancanin uniquement sur

28 la base des dépositions des témoins qui déposaient au sujet de son prétendu

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1 commandement dans l'hôpital pendant la fouille. Il s'agit des dépositions

2 des témoins qui n'avaient aucune information concernant la chaîne de

3 commandement dans la Brigade motorisée de la Garde ou dans le Groupe

4 opérationnel sud. Donc, ces dépositions ne peuvent que démontrer par la

5 force de leur conviction qu'il existait peut-être une fonction de

6 commandement des faits sur les membres de la police militaire, mais rien

7 d'autre.

8 Concernant l'existence éventuelle de cette responsabilité de commandement

9 des faits, la Défense ne peut pas à ce moment, dans cette phase de la

10 procédure, contester l'existence de tels moyens de preuve. La valeur, les

11 contradictions éventuelles ou le manque de conviction des dépositions des

12 témoins vont faire l'objet d'une analyse à part surtout éventuellement au

13 moment où la Défense serait amenée à présenter ses moyens de preuve. Mais à

14 présent, l'existence de cette responsabilité des faits de Sljivancanin ne

15 doit pas être débattue ou évaluée dans cette phase de la procédure.

16 La Défense propose que les Juges de cette Chambre de première instance

17 prononcent l'acquittement par rapport à l'accusé Sljivancanin, et ceci par

18 rapport à tous les crimes figurant, toutes les allégations de l'acte

19 d'accusation énumérées dans les preuves de 1 à 8 pour lesquelles on dit

20 qu'ils ont été commis dans le cadre de l'entreprise criminelle commune ou

21 sous tout autre forme de responsabilité en vertu de l'article 7(1) du

22 Statut et de prononcer l'acquittement pour tous les crimes qui figurent

23 dans les articles 1 à 8 de l'acte d'accusation et qui se rapportent à la

24 responsabilité de commandement de jure du colonel Sljivancanin.

25 Je vous remercie de votre attention, Monsieur le Président.

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Lukic.

27 Comme nous l'avons déjà indiqué, nous allons prendre une pause à présent et

28 cette pause va durer jusqu'à 1 heure 45 cet après-midi, l'heure à laquelle

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1 nous reprenons habituellement nos travaux après la pause déjeuner. Nous

2 allons entendre la réponse du Procureur et il va pouvoir s'exprimer pendant

3 une heure.

4 Mme TAPUSKOVIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Tapuskovic.

6 Mme TAPUSKOVIC : [interprétation] Excusez-moi de vous avoir interrompu

7 alors que vous étiez sur le point de terminer cette session.

8 La Défense voudrait formuler une demande à cause de l'état de santé

9 de notre confrère, de notre collègue M. Vasic. Nous voudrions demander la

10 permission d'aller le voir pendant la pause et de lui rapporter sur nos

11 exposés qui ont été présentés en vertu de l'article 98 bis. Puisque vous

12 avez décidé que nous allons reprendre nos travaux à partir de 13 heures 45,

13 je dois vous dire que les visites dans le département cardiovasculaire de

14 l'hôpital où se trouve M. Vasic commencent à partir de 13 heures et durent

15 jusqu'à -- 13 heures 15 et durent jusqu'à 14 heures.

16 C'est pour cela que nous vous demanderons de commencer nos travaux de

17 l'après-midi à 14 heures 15, ceci pour pouvoir rendre visite à notre

18 collègue. Nous vous serions vraiment reconnaissants de cette possibilité.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons reprendre nos travaux à 14

20 heures 15.

21 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 11 heures 55.

22 --- L'audience est reprise à 14 heures 16.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, vous avez la parole.

24 M. MOORE : [interprétation] Merci.

25 Avant de commencer à vous présenter mes arguments, je voudrais

26 répondre rapidement à deux ou trois choses.

27 Tout d'abord, mes confrères et consoeurs se sont plaints du fait que

28 les témoins que nous avons cités représentent une certaine inéquité. C'est

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1 une des prérogatives du témoin que de venir témoigner, que d'en décider

2 ainsi, les critères que nous essayons d'appliquer sont les suivants : tout

3 d'abord, que les témoins présentent des raisons pour qu'on doute de croire

4 qu'ils disent la vérité; et aussi qu'ils sont crédibles. De toute façon la

5 Défense pourra citer des témoins qui lui conviennent, c'est à elle d'en

6 décider.

7 Deuxième remarque, la plupart des arguments présentés par les équipes de la

8 Défense semblent reposer sur la perception et l'évaluation des éléments de

9 preuve. A notre avis, à moins que les éléments de preuve ne soient tout à

10 fait dénués de crédibilité ou d'intérêt, je pense que c'est là avoir un

11 avis très négatif des témoins et je pense que ce genre d'évaluation ne

12 devrait pas se présenter dans le cadre de l'article 98 bis et de la

13 procédure qu'il vise.

14 Les avocats de la Défense semblent vouloir dire qu'il n'y avait pas de

15 plans tramés par les accusés; deuxième élément, en principe Sljivancanin et

16 Mrksic, mais aussi c'était vrai manifestement pour Radic, et bien, qu'il

17 n'y a aucune preuve à leur encontre de la présence de fonctions de

18 commandement.

19 Je vais m'occuper de Mrksic et de Sljivancanin, M. Smith va parler de

20 M. Radic et M. Weiner va évoquer la question des critères montrant qu'il y

21 a situation à grande échelle et systématique.

22 Manifestement, nous nous basons sur des présomptions de preuve à l'encontre

23 des trois accusés. Quelquefois, on a des preuves indirectes, parfois des

24 preuves directes, par conséquent, si je le peux, je voudrais réagir à

25 chacun des trois, mais d'établir un lien aussi entre les éléments de preuve

26 concernant surtout Mrksic et Sljivancanin.

27 Un élément liminaire s'agissant de Mrksic, de sa fonction et de ses

28 pouvoirs de jure. Manifestement, et je pense que ceci a été accepté, il

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1 était commandant de la Brigade motorisée des Gardes à partir de juillet

2 1990 jusqu'au 30 juin 1992. Il a pris le commandement du Groupe

3 opérationnel sud de la JNA le 8 octobre. Des éléments ont été versés à cet

4 effet, la pièce 401 ainsi que la déposition de M. Trifunovic. Il commandait

5 le Groupe opérationnel sud et ceci s'est terminé le 24 novembre. A notre

6 connaissance, le dernier ordre signé par Mrksic en tant que commandant du

7 Groupe opérationnel sud porte la date du 23 novembre, c'est la pièce 426.

8 La zone de responsabilité du Groupe opérationnel sud couvrait une zone qui

9 faisait environ huit kilomètres de large, 40 de long et concernait les

10 abords de Vukovar notamment, et Trifunovic a défini lui-même les confins de

11 cette zone. Je n'y reviendrai pas. Mais nous avançons du fait qu'en tant

12 que commandant des opérations, commandant du GO sud, Mrksic, c'est

13 important, avait les droits exclusifs de donner des ordres, de commander

14 toutes les unités faisant partie du Groupe opérationnel sud et endossait la

15 pleine responsabilité qu'énonce le règlement de service de brigade de la

16 JNA de 1984. Ceci a été expliqué par Trifunovic et vous trouvez ceci, je

17 pense, à la pièce 395.

18 Une fois de plus, comme l'ont dit les deux experts, Pringle et

19 Theunens, ces unités qui lui étaient subordonnées comprenaient des forces

20 régulières, des forces de réserve de la JNA, des unités de la Défense

21 territoriale ainsi que des unités paramilitaires ou volontaires. En

22 particulier, il y avait parmi ces unités la Brigade des Gardes, la 80e

23 Brigade motorisée, la TO locale serbe ainsi que les volontaires qui étaient

24 versés dans l'unité Leva Supoderica.

25 Nous faisons valoir que les documents, les preuves documentaires et

26 que des témoins tels que Trifunovic, Theunens et Pringle ont apporté la

27 preuve de ce que Mrksic, là je le dis entre guillemets, disposait d'un

28 contrôle effectif sur ces unités que je viens de citer jusqu'à tout du

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1 moins le 21 novembre 1991, à 6 heures du matin. Vous vous en souviendrez,

2 Madame et Messieurs les Juges, c'est l'ordre que j'appelle l'ordre de

3 resubordination; pièce 422. Indirectement, ceci montre que les unités que

4 j'ai mentionnées étaient subordonnées à M. Mrksic jusqu'à ce moment-là.

5 S'agissant du concept du contrôle effectif sur les auteurs, nous arguons du

6 fait que la capacité qu'avait Mrksic de commander, de contrôler et de

7 diriger les deux autres accusés, Radic et Sljivancanin, notamment

8 Sljivancanin qui était chef de la sécurité et Radic qui était commandant de

9 compagnie, je pense que ceci est évident et n'a pas été contesté. Je pense

10 qu'il s'agit du fait admis numéro 21 à cet égard.

11 Par conséquent, de toute façon et ceci a été d'ailleurs convenu par

12 la Défense, il y avait un lien de subordination entre Mrksic, Radic et

13 Sljivancanin.

14 Deuxième élément, s'agissant de la TO et des Serbes de Vukovar. Nous

15 avançons que Mrksic avait le contrôle de ces hommes et que c'était surtout

16 un ordre de son supérieur, Adzic, ordre je pense qui date du 12 octobre,

17 ordre par lequel Mrksic reçoit l'ordre, je cite : "De veiller à ce que

18 toutes les unités armées, que ce soit la JNA, la TO, les volontaires

19 doivent agir sous le seul commandement de la JNA."

20 Il s'agit de la pièce 89. Nous faisons valoir que l'unité et

21 l'unicité du commandement c'est la clé qu'on doit utiliser pour comprendre

22 les éléments de preuve versés au dossier et pour comprendre comment a

23 fonctionné l'entreprise criminelle commune. A notre avis, les éléments de

24 preuve se sont recoupés et se sont étayés pour ce qui est de l'ordre

25 d'Adzic, ordre du 21 novembre, dont j'ai déjà parlé, et ceci démontre

26 clairement que les unités locales étaient subordonnées à M. Mrksic et se

27 trouvaient manifestement sous son contrôle, ceci pendant et après la

28 commission des crimes commis à Ovcara. Nous avons plusieurs ordres à cet

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1 égard, mais je ne veux pas ici entrer dans les détails, détails concernant

2 ces ordres.

3 Quand on examine la question du contrôle effectif qu'il avait sur la

4 TO, la Défense territoriale serbe locale, on montre ici que Mrksic avait la

5 capacité de donner des ordres, ceci nous indique clairement qu'il avait

6 nommé Miroljub Vujovic en poste de commandement, le commandant de la TO de

7 Vukovar. Ceci se trouve dans la déposition de Trifunovic, compte rendu

8 d'audience 8 210. Cet ordre a officialisé une situation qui, dans les

9 faits, existait sur le terrain depuis le mois d'octobre 1991, c'est à ce

10 moment-là que Vujovic avait remplacé le commandant de la TO précédent. Une

11 fois de plus, en vertu de la doctrine de la RSFY, enfin peut-être que je ne

12 vais pas aborder ce point car il prendrait trop de temps.

13 Mais, en fait, le contrôle effectif qu'avait Mrksic est corroboré par

14 la déposition du contrôle qu'avait un subordonné à lui, Radic, sur la TO

15 elle-même. Ce contrôle effectif et le fait qu'il avait pour subordonné

16 Radic est prouvé notamment par les témoins suivants : P-022, P-024, M.

17 Trifunovic en personne, P-002 et P-018. A l'inverse de ce qu'avançait la

18 Défense, nous, nous arguons du fait que des éléments de preuve sont très

19 parlants pour dire que Radic avait le contrôle effectif des unités qui lui

20 étaient subordonnées.

21 Troisièmement, et pour ce qui est de Leva Supoderica, c'était un

22 détachement conduit par Lancuzanin, surnommé Kameni, une fois de plus, le

23 contrôle effectif qu'avait Mrksic sur ses volontaires, avant, pendant et

24 après les crimes commis à Ovcara. On en a la preuve à deux titres. Il y a

25 d'abord ce que nous appelons la déposition allant dans le même sens de

26 Trifunovic, du Témoin P-022, P-024, puis du P-018, et de plus, il y a la

27 déposition du Témoin P-001. L'autre preuve, elle est apportée par les

28 ordres et les rapports émis par Mrksic, en sa qualité de commandant du

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1 Groupe opérationnel sud.

2 Je le répète, il a continué de délivrer des ordres jusqu'à -- et de

3 veiller à leur exécution jusqu'au moment où ils ont quitté Vukovar. A notre

4 avis, un des éléments les plus probants attestant du contrôle qu'il avait

5 de Leva Supoderica se voit dans le fait que cette unité était subordonnée

6 au subordonné de Mrksic, Radic, en l'occurrence, et elle se voit aussi au

7 fait que Radic l'a concédé lorsqu'un journaliste l'a interviewé à propos du

8 conflit. On lui a posé la question de savoir : "Qui étaient vos soldats ?"

9 Il a

10 répondu : "A un moment donné, il y avait environ 500 personnes appartenant

11 à diverses nationalités dans la compagnie que je commandais. Il y avait du

12 personnel régulier, des forces armées, des volontaires, des réservistes,

13 des Chetniks et des volontaires serbes. Il fallait que je les aie sous un

14 seul commandement pour parvenir à la réussite. Ceci s'est fait d'arrache-

15 pied, à toute heure de la journée."

16 Propos qui se retrouvent dans la pièce 353.

17 Par conséquent, pour terminer nos arguments sur ce point, nous avons

18 des preuves montrant que Mrksic disposait d'un contrôle effectif sur les

19 unités responsables des meurtres commis à Ovcara dans la nuit du 20.

20 Je voudrais maintenant réagir à ce que disait la Défense à propos de

21 sa participation et de la connaissance qu'il avait de ce qui se passait.

22 Manifestement, il détenait un poste d'autorité par rapport à ceux qui sont

23 les auteurs des crimes. Même si, manifestement, on n'a pas de preuve

24 montrant qu'il aurait ordonné directement ces crimes. Nous l'admettons.

25 C'est vrai. Ce que nous faisons valoir, c'est que quand on voit les preuves

26 indirectes existant dans le dossier de l'espèce, nous faisons valoir que

27 son comportement force à une conclusion et à une seule, à savoir qu'il

28 avait l'intention très claire de persécuter les évacués de l'hôpital lui-

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1 même. A notre avis, il a fait preuve d'un mépris flagrant à l'égard du sort

2 qui était réservé à ces personnes, aux prisonniers, et qu'il n'y a pas une

3 seule preuve qui montrerait qu'il se serait préoccupé du sort de ces

4 évacués, pas plus qu'il n'y a un seul ordre qu'il aurait délivré qui

5 traduirait directement les craintes ou les préoccupations de son supérieur,

6 Zivota Panic. Selon nous, c'est un élément tout à fait probant. C'est

7 l'omission, l'absence qui permet ou qui force à tirer certaines

8 conclusions.

9 Dans le contexte de l'entreprise criminelle commune, son comportement

10 fut tel qu'il serait logique de déduire qu'il avait pour intention de se

11 livrer à la persécution. Clairement, il y a dans une large mesure de la

12 passivité de sa part, en dépit du fait qu'il a été avisé, avis qu'il a reçu

13 sous formes diverses, de la part de diverses personnes, ce qui, à notre

14 avis, démontre que, à tout du moins, on peut le dire, qu'il se faisait fort

15 peu de souci de cette situation, et ceci, à notre avis, conforte

16 l'allégation de sa participation intentionnelle et directe.

17 Puis, parlons des six éléments.

18 Nous savons, comme nous l'a dit Pringle, que la situation générale

19 était tendue, que les combats se déroulaient de telle façon qu'un

20 commandant observateur aurait eu des raisons de s'inquiéter. Puis, il y

21 avait l'avis qu'a donné Zivota Panic, pièce 415, ce qui, à notre avis,

22 montrait clairement, aussi clairement de l'eau de roche, qu'il y avait des

23 préoccupations tout à fait significatives. Non seulement qu'il y avait eu

24 de mauvais comportements ou qu'il risquait d'y avoir de mauvais

25 comportements, mais que cela s'était déjà passé dans le chef de certaines

26 unités, de chefs subordonnées. Ce n'était pas qu'une crainte. Le document

27 de Zivota Panic nous montre que ceci s'était déjà produit dans d'autres

28 parties de la région.

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1 Troisièmement, et je suis conscient des limites qu'ont les preuves

2 documentaires à cet égard, mais Vujic est venu déposer pour dire que Tomic

3 avait parlé à Mrksic le 20, je pense qu'il avait parlé du comportement

4 affiché à la caserne de la JNA. Je sais qu'il y a des limites pour la

5 valeur de la preuve en ce qui concerne Tomic; mais ceci se retrouve dans le

6 récit que fait Vujic.

7 Vujic lui-même, c'est mon quatrième point, donne des détails très

8 précis quant à la notification qu'il a fait à propos de ce qui s'était

9 passé à Velepromet. La Chambre s'en souvient, inutile de répéter ce qui a

10 été dit, mais s'il faut prêter foi à ses dires, il revient aux Juges d'en

11 juger, la chose est claire : la notification donnée à Mrksic a précédé dans

12 le temps, puisque c'était le 19, une situation dont Zivota Panic avait peur

13 qu'elle ne se produise en fait dans sa zone de responsabilité. Il avait dès

14 lors l'obligation de réagir sur-le-champ.

15 Cinquième point, nous avons également Vojnovic qui dépose pour dire

16 que le 20, conséquence directe du fait qu'il est allé à Ovcara, conséquence

17 directe de ce qui s'était passé là-bas, il avait eu un bref briefing début

18 d'après-midi ou début de soirée, il a donc avisé Mrksic de la situation.

19 Sixièmement, nous avons Vukosavljevic qui avait été présent peu de

20 temps après que Mrksic eut parlé à Vojnovic. Lui-même avait dit à Mrksic

21 qu'il était particulièrement préoccupé.

22 Une chose est parfaitement claire, c'est que Mrksic n'a rien fait. Je

23 pense que les termes utilisés par Vojnovic sont ceux-ci : Mrksic ne voulait

24 pas être embêté par ce genre de choses. Bien sûr, ce qu'on peut dire, ceci

25 relève de la procédure du 98 bis, mais ceci peut apporter la preuve du fait

26 de ne pas avoir empêcher. Ceci relève de l'article 7(3) du Statut. Il faut

27 voir l'ensemble des éléments de preuve versés, parce qu'il y a un leitmotiv

28 récurrent, qui montre clairement que Mrksic lui-même n'a rien fait. La

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1 Chambre a tout à fait le droit de dire, peut-être pas à ce stade-ci, mais

2 pourquoi pas.

3 Manifestement, c'est Mrksic qui avait la responsabilité de

4 l'évacuation. On a dit qu'il n'était pas au courant de l'évacuation. A

5 notre avis, ce n'est pas vrai. Les événements et les éléments de preuve

6 sont très clairs. Mme Bosanac est venue le dire, mais il y a deux autres

7 domaines qui apportent la preuve de ce que M. Mrksic savait, qu'il devait y

8 avoir une évacuation. Il a eu un entretien privé avec Bosanac le 19

9 novembre. Bien entendu, il y a des documents venant de ses supérieurs qui

10 montrent clairement qu'il avait la responsabilité de l'hôpital en tant que

11 tel.

12 Il a donné un ordre, dans la matinée du 20, qui donnait pour

13 instruction à ses subordonnés et je cite : "Evacuer et de transporter les

14 civils, les malades et les blessés de l'hôpital de Vukovar." Compte tenu de

15 la publicité donnée à tout ceci à l'époque, comte tenu de la situation qui

16 prévalait, c'était manifeste il devait y avoir une évacuation. Il était au

17 courant des obligations qui pesaient sur lui, en vertu de ce qu'on a appelé

18 l'accord de Zagreb.

19 Mrksic donne à Sljivancanin la responsabilité de l'évacuation, mais

20 ceci n'enlève rien à la responsabilité militaire et personnelle qu'a

21 Mrksic.

22 Theunens, lors de sa déposition, a dit qu'un commandant peut déléguer

23 certains de ses pouvoirs mais qu'il reste responsable du travail des

24 officiers à qui il délègue certains de ses droits. Nous faisons également

25 valoir que Pringle a même été plus ferme à cet égard. Il a parlé de

26 l'obligation et du devoir qui est imposé à Mrksic en tant qu'officier

27 supérieur, que c'est une obligation permanente, qui perdure. On peut

28 abandonner et concéder un droit, mais on ne peut pas concéder ou renoncer à

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1 une obligation. Ce qui veut dire que Mrksic avait des obligations pour ce

2 qui est de l'évacuation notamment.

3 Mrksic était tout à fait au courant de la nature de l'évacuation.

4 Trifunovic a été très clair à ce propos. Il a déclaré ceci : "Le 19 dans la

5 soirée, il avait été convenu avec le Dr Bosanac d'effectuer l'évacuation de

6 l'hôpital." Nous avons présenté des éléments à ce propos.

7 Si vous examinez la chronologie des événements, Mrksic savait et avait des

8 raisons de savoir que les effectifs qui lui étaient subordonnés, non

9 seulement avaient une certaine propension mais en tout cas se sont livrés

10 plus tard à la commission d'actes violents et malveillants, et que ces

11 actes ont été tout simplement le fait d'unités qui lui étaient

12 subordonnées.

13 J'aimerais parler de la situation qui prévalait dans sa zone de

14 responsabilité. En effet, un argument a été, semble-t-il, présenté par la

15 Défense. Mrksic savait très bien ce qui se passait dans sa zone de

16 responsabilité.

17 Permettez-moi une petite digression, Pringle lui-même l'a indiqué, un

18 commandant a un double devoir. Il a le devoir de veiller à ce que dans sa

19 zone de responsabilité il sache ce qui s'y passe et il a également, bien

20 entendu, l'obligation de veiller à ce que tout ce qui se passe lui soit

21 rapporté. C'est le principe de la singularité, de l'unicité du

22 commandement.

23 Trifunovic vous l'a dit, il lui a fait part pendant les trois jours

24 tout entier, le 18, le 19, le 20, qu'il y avait des insultes; qu'il y avait

25 eu des voies de faits physiques par la population locale et par la TO.

26 Trifunovic dit que Mrksic était au courant de ces problèmes puisqu'on lui

27 en avait parlé. C'étaient des commandants de ses unités subordonnées qui en

28 avaient parlé ainsi que le chef d'état-major, mais aussi le chef de la

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1 sécurité. On pense, bien évidemment, que là nous avons deux éléments de

2 preuve qui montrent que le chef d'état-major, que Panic était à Ovcara.

3 Nous avons la déposition d'un témoin qui était à proximité. J'y reviendrai

4 dans un instant. Il y avait aussi un élément de preuve montrant que Panic

5 avait parlé à Vojnovic et que dans une conversation il avait indiqué qu'il

6 avait été sur les lieux.

7 Si l'on pense à ce qui allait se passer dans le cadre de l'entreprise

8 criminelle commune, un des éléments de preuve le plus important c'est celui

9 apporté par le Témoin 017. En effet, dans l'après-midi du 20, bon il y a

10 peut-être un litige à propos de l'heure, heure qui est importante, est-ce

11 entre 14 heures 30 et 15 heures 30, ce témoin est venu dire qu'un témoin de

12 la JNA dont on a dit qu'il se présentait bien, qu'il faisait propre sur

13 lui, qu'il était rasé de près, glabre, qu'il avait exigé, ce soldat, qu'on

14 creuse un trou, une fosse à proximité d'Ovcara. On a donné les dimensions

15 et la personne au volant de ce véhicule se souvient avoir vu quatre ou cinq

16 autocars devant le hangar d'Ovcara au moment des faits. Il dit qu'il a vu

17 qu'on faisait sortir des civils et lorsqu'il était revenu qu'il n'y avait

18 plus qu'un groupe de soldats devant le hangar.

19 Nous estimons que l'heure est capitale. Pourquoi ? Parce qu'elle coïncide

20 avec l'arrivée des autocars. A notre avis, c'est la preuve très nette de

21 l'intention de tuer. En effet, pourquoi voulez-vous faire creuser une fosse

22 d'une telle dimension si ce n'est pour cela.

23 Si je me souviens bien, on a retrouvé 198 corps dans cette fosse, et

24 quand vous voyez le journal opérationnel de la 80e Brigade motorisée, je

25 pense à 18 heures le 19, on fait référence au fait qu'on s'attend à

26 emporter 200 personnes de l'hôpital. Quoi qu'il en soit, nous pensons que

27 c'est là un élément de preuve capital car la description elle-même

28 n'indique pas qu'il s'agirait d'irréguliers ou de membres de la TO.

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1 Je vous l'ai déjà dit, dans la soirée du 20, Vojnovic et Vukosaljevic

2 ont parlé à Mrksic à propos de ce qu'ils avaient vu se produire.

3 Parlons de cette notification de l'avis donné, mais ceci est une preuve

4 également du contrôle direct qu'exerçait Mrksic. Nous avons des preuves

5 disant que le capitaine Vezmarovic, le commandant de la compagnie de la

6 police militaire de la 80e motorisée, il avait été placé à Ovcara. Puis, il

7 en a été enlevé. Ceci est un élément de preuve qui frappe non seulement

8 Mrksic, mais aussi Sljivancanin puisque manifestement la personne qui

9 l'informe c'est Karanfilov. C'est un organe de sécurité directement

10 subordonné à Mrksic/Sljivancanin. Il y a aussi la présence d'un autre

11 officier, Vukasinovic en l'occurrence. Ce dernier, en personne, est un lien

12 direct avec Sljivancanin puisqu'il était son subordonné immédiat.

13 Par conséquent, les éléments de preuve se recoupent pour montrer que

14 deux officiers supérieurs qui étaient directement subordonnés à Mrksic et

15 Sljivancanin étaient présents à Ovcara. Pas seulement lorsque ces personnes

16 ont été assaillies, mais aussi et pour nous c'est un autre élément

17 important par rapport au témoin 001. A notre avis, ce témoin est arrivé

18 après le départ de la compagnie de la police militaire. C'est à ce moment-

19 là qu'il a rencontré Vukasinovic, qu'il y est resté dix ou 15 minutes pour

20 s'entendre dire par la suite qu'il devait partir. Bien sûr, nous

21 l'acceptons et il a dit qu'il était impossible que ceci se soit passé le

22 18, mais nous savons que le 18 il y a eu l'évacuation de Mitnica sans

23 problème.

24 Par conséquent, la preuve est claire pour nous, ceci s'est passé le

25 20 et en tant que tel il est sans doute le dernier témoin au fil du temps,

26 dans le cadre temporel, qui montre que Vukasinovic et Karanfilov étaient

27 tous les deux présents. Il dit qu'il a vu une expression de terreur sur le

28 visage des gens. Il a dit que tout près, on entendait des coups de feu.

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1 Bien sûr, nous l'acceptons et nous le concédons, ce témoin n'a pas pu

2 déterminer l'origine des tirs, même s'il a dit que cela venait d'environ

3 une distance de 500 mètres.

4 Je reviens à des griefs exprimés par la Défense, le lendemain matin, le 21

5 novembre, la personne qui creusait est revenue et on lui a dit qu'il ne

6 serait pas nécessaire de combler les trous parce que cela était déjà fait.

7 Un grief a été soulevé pour dire qu'en fait on ne trouve aucune

8 référence à une excavatrice ou un bulldozer. Ce n'est pas notre avis. On y

9 fait référence et on fait référence aussi au témoin 001 qui dit avoir eu

10 une conversation avec un autre officier de la JNA qui avait indiqué que les

11 fosses avaient été refermées à l'aide du bulldozer pendant toute cette

12 période à Ovcara.

13 Je n'ai plus beaucoup de temps, je vais donc être bref sur l'omission

14 dans l'obligation d'empêcher et de punir des crimes. Nous avons la

15 déposition de Pringle, de Theunens, de Trifunovic, entre autres, qui nous

16 ont dit qu'il y avait un système de commandement et de direction bien

17 défini qui fonctionnait bien, que la formation allait dans les deux sens le

18 long de cette voie hiérarchique, et la Chambre va peut-être en tenir

19 compte. Ce n'est pas un régiment comme un autre. Ici, nous avons l'élite,

20 la meilleure élite où la discipline, c'est ce qui compte le plus. A cet

21 égard, nous avons apporté la preuve très claire qu'il n'y a aucun élément

22 montrant que des mesures auraient été prises pour empêcher les crimes ou

23 pour punir les auteurs et qu'aucune mesure n'avait été prise pour punir les

24 auteurs qui lui étaient subordonnés. Nous avons là les dépositions de

25 Trifunovic et du Témoin P-024 [comme interprété].

26 Je voudrais maintenant parler de Sljivancanin. Donc, je vais parler

27 de Sljivancanin, même si ces deux parties de mon exposé ne sont pas

28 exactement de la même longueur, parce qu'il y a quelques informations qui

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1 se répètent. Tout d'abord, je voudrais parler de sa position de jure. Il a

2 été nommé en poste d'agent de sécurité le 12 août 1991. Il est resté à ce

3 poste jusqu'au 1er septembre 1992 [comme interprété]. A partir -- Mrksic est

4 resté donc le commandant de la Brigade motorisée des Gardes jusqu'au 30

5 juin 1992.

6 Comme je l'ai déjà dit, donc en considérant que Sljivancanin a été

7 subordonné à Mrksic à partir du 12 août 1991 jusqu'au mois de septembre

8 1993, de plus, Sljivancanin était subordonné à Mrksic dans le cadre de

9 différentes fonctions qu'il avait. Vous allez trouver cela par rapport au

10 document versé en vertu de l'article 21.

11 Sljivancanin avait une fonction de chef des organes de sécurité. Dans

12 le cadre de cette fonction, il faisait du renseignement, il s'occupait de

13 la logistique des unités de la police militaire, il était conseiller aussi

14 de ces unités, il était conseiller du commandant de la police militaire

15 quant à l'utilisation des troupes. En ce qui concerne ses pouvoirs, ses

16 autorités juridiques, je pense qu'un organe de sécurité, il est admis,

17 généralement, on n'a pas de commandement, de capacité de commandement de

18 jure en vertu du règlement. Tout de même, nous considérons et nous avançons

19 l'argument qu'il était du pouvoir de Mrksic de donner l'ordre à

20 Sljivancanin par rapport à différentes missions. A nouveau, nous avançons

21 l'argument qu'on a présenté des éléments aux Juges de la Chambre qui

22 démontrent que Sljivancanin agissait bien au-delà de ses fonctions

23 d'officier de sécurité et que ceci implique l'existence de la

24 responsabilité de commandement.

25 En plus, à partir du 19 novembre, il existe des preuves qui montrent

26 que Mrksic et Veselin Sljivancanin avaient la responsabilité de jure sur

27 tous les membres des forces qui ont participé à l'opération de

28 l'évacuation. Il s'agissait donc de la détention des individus qui ont été

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1 pris de l'hôpital de Vukovar et malheureusement tués la nuit du 20 ou tôt

2 le matin du 21.

3 Donc, nous considérons tout de même que deux points doivent être

4 déterminés au préalable. Tout d'abord, est-ce qu'on peut déléguer la

5 responsabilité de commandement à un subordonné tel que Sljivancanin, et

6 ensuite, est-ce que Mrksic a délégué, effectivement, ces pouvoirs à

7 Sljivancanin.

8 Tout d'abord, je vais parler du premier point : est-ce que ces tels

9 pouvoirs peuvent être délégués quand il s'agit donc du commandement et du

10 contrôle ?

11 Tout d'abord, nous considérons que des éléments ont été présentés,

12 des éléments qui démontrent cela. Les officiers de sécurité peuvent

13 effectivement avoir une responsabilité de commandement, comme tout autre

14 officier de la JNA. On a présenté des preuves indiquant que les organes de

15 sécurité ont donné des ordres aux membres de la Brigade motorisée de la

16 Garde, les membres qui ne sont pas des officiers de sécurité. Là, je

17 m'appuie sur la déposition du Témoin P-001 ou nous parlons aussi de la

18 possibilité que des officiers du commandement eux-mêmes. Nous considérons

19 que les officiers de sécurité peuvent avoir des rôles qui vont au-delà de

20 leur rôle, tel que décrit dans la description de leurs fonctions proprement

21 dite, et qu'ils ont effectué différentes activités et même qu'ils ont eu

22 des positions de commandement.

23 Par exemple, nous savons que Vukasinovic, qui était subordonné à

24 Sljivancanin, a été nommé au poste de commandement de la ville de

25 Negoslavci le 9 novembre, et ceci sur la base d'un ordre émanant de Mrksic.

26 A nouveau, Trifunovic, qui était l'auteur du journal, a confirmé que Mrksic

27 avait le pouvoir de donner des pouvoirs de commandement à Vukasinovic, et

28 ceci a été démontré dans un ordre que Mrksic a donné. En ce qui concerne la

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1 Brigade motorisée de la Garde, son organe de sécurité n'avait pas de

2 responsabilité de jure.

3 Mais à nouveau, nous considérons que le Procureur a démontré que ce

4 qui s'est vraiment passé, c'est que Mrksic a nommé Sljivancanin comme la

5 personne responsable de l'évacuation de l'hôpital de Vukovar.

6 Ensuite, le deuxième point, la question de savoir si Mrksic a

7 effectivement délégué ses pouvoirs. Nous avons son argument qu'en réalité,

8 Vujic lui-même, au cours de sa déposition, a indiqué que cela a eu lieu,

9 que Sljivancanin avait la responsabilité de l'évacuation, généralement

10 parlant, et ceci comprenait aussi l'hôpital, bien entendu. De nombreux

11 témoins, des patients et des gens qui sont restés à l'hôpital ont aussi

12 confirmé l'exercice de la délégation de ces pouvoirs, c'est-à-dire qu'elle

13 a vraiment eu lieu, et là je parle des témoins des crimes. Je ne vais pas

14 les énumérer tous, mais je pense qu'un grand nombre de témoins ont indiqué

15 que Sljivancanin s'est comporté de la sorte, qu'il ne restait aucun doute,

16 mais aucun doute qu'il était responsable de cette évacuation.

17 A nouveau, des témoins experts ont indiqué que Sljivancanin semblait

18 avoir eu un rôle de commandement important en étant responsable de

19 l'organisation et de la conduite de l'évacuation de l'hôpital et que cet

20 exercice se faisait bien au-delà de ce qu'on attendrait d'un officier de ce

21 rang. Ensuite, quand on regarde l'ordre, on voit que cet ordre est très

22 vague et ce n'est pas habituel. Pringle a indiqué qu'il s'agissait d'une

23 opération très délicate et d'un niveau très élevé. Une opération telle que

24 l'évacuation de l'hôpital de Vukovar normalement demanderait des ordres

25 extrêmement spécifiques, extrêmement détaillés. Ceci n'a pas été le cas.

26 Pringle a dit que le commandant est entièrement responsable de tout

27 ce qui se passe sous son commandement et des personnes placées sous son

28 commandement. Pour terminer, en ce qui concerne Sljivancanin, il dit qu'il

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1 avait l'autorité absolue et la responsabilité absolue de mener à bien la

2 mission qui lui a été confiée par son commandant, ici Mrksic de toute

3 évidence, et que Mrksic restait responsable et qu'il devait rendre compte à

4 son commandement de la façon dont il s'était acquitté de cette mission.

5 Nous considérons que des témoins des faits, des témoins des crimes

6 ont démontré, ont corroboré le fait que Sljivancanin avait ce contrôle des

7 faits. Si je lis entre les lignes de ce qu'a dit Me Lukic, j'ai cru

8 comprendre qu'il acceptait cela. Peut-être ai-je tort. En tout cas, c'est

9 notre argument.

10 En ce qui concerne le contrôle effectif sur les auteurs des crimes.

11 Nous considérons à nouveau qu'ils ont présenté un grand nombre d'éléments

12 qui corroborent que Sljivancanin avait un contrôle effectif sur ces

13 personnes. Ce n'est pas tellement qu'il avait le contrôle de fait, il avait

14 aussi le pouvoir, le commandement de jure et le contrôle sur ces auteurs

15 qui ont commis les crimes à Ovcara et à l'hôpital de Vukovar et qu'il s'est

16 acquitté de la mission qui lui a été confiée.

17 Le 20 novembre, Sljivancanin a deux fois rencontré le représentant

18 Borsinger. Les Juges ont entendu parler de cela, mais il est parfaitement

19 clair que Sljivancanin a démontré au cours de ces rencontres que c'était

20 lui qui décidait de tout, qui était responsable de fait. De plus,

21 Sljivancanin a empêché les représentants de la Croix-Rouge internationale,

22 des observateurs européens, de visiter l'hôpital de Vukovar tôt le matin du

23 20. Il existe un document de la Croix-Rouge internationale -- ou plutôt, de

24 la MOCE indiquant que le 19, Sljivancanin les empêchait d'entrer à

25 l'hôpital.

26 Ensuite, nous avons présenté des éléments qui indiquent que tôt dans

27 l'après-midi, quand l'évacuation a commencé à se faire, que les médias ont

28 pu avoir accès à l'hôpital, à l'enceinte de l'hôpital, et que là, il y a eu

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1 une dispute. Sljivancanin n'a manifestement pas respecté l'accord, et c'est

2 pour cela que nous considérons qu'il voulait probablement éviter que

3 Mitnica se rende, ce qui a été fait en présence des observateurs

4 internationaux et qui a été complètement couvert par les médias.

5 Ensuite, si l'on regarde son comportement à l'hôpital le 20, vous

6 pourrez voir que Sljivancanin était accompagné des soldats de la JNA, des

7 membres de la TO, des réservistes et du personnel de l'hôpital, si on peut

8 dire cela.

9 Ensuite, il y a le processus de sélection; le capitaine Radic a clairement

10 participé à cela. Nous considérons qu'il existe deux parties importantes.

11 Tout d'abord, Sljivancanin a dit à un témoin, quand elle a demandé ce qui

12 s'est passé aux hommes, il lui a dit qu'on allait tout simplement les

13 amener à la caserne de la JNA pour qu'ils y soient interrogés et qu'ensuite

14 ils allaient rejoindre les femmes sur leur chemin, et je pense à Sremska

15 Mitrovica. Mais c'était un mensonge. C'était clair que c'était un mensonge.

16 Il n'y a jamais eu d'interrogatoire mené à la caserne de la JNA et c'était

17 juste la façon pour Sljivancanin de se débarrasser des personnes qui

18 pouvaient lui poser problème.

19 Ensuite, par rapport à l'hôpital, et c'est peut-être ce qui est le plus

20 important en l'espèce, c'est peut-être un élément de preuve le plus

21 important en l'espèce, c'est ce que j'appelle le procès d'une nouvelle

22 sélection qui a eu lieu à partir du moment où les individus qui ont été

23 évacués à la caserne, quand on les a donc fait sortir des autobus et quand

24 on les a renvoyés à l'hôpital. Quand on les a renvoyés à l'hôpital, il y

25 avait ce deuxième processus de sélection, et ceci a eu lieu au moment où

26 Sljivancanin, qui était accompagné par les membres de la TO locale, Bogdan

27 Kuzmic, Miroljub Vujovic, et cetera. Il était là et nous considérons que

28 ceci démontre clairement qu'il a fait cela avec les personnes qui

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1 n'auraient pas dû participer à cela, car il existait des preuves quant à

2 l'attitude de Kuzmic, et nous connaissons l'attitude de Miroljub Vujovic,

3 et ceci démontre bien que Sljivancanin agissait main dans la main avec les

4 locaux de la TO. La référence faite à la sélection, en fait, il s'agissait

5 de démontrer si on pouvait taxer quelqu'un d'Oustacha. Cinq à six personnes

6 ont été placées à l'arrière d'un bus, et ceci, pour leur appartenance

7 politique alléguée. Suite à une discussion qui a eu lieu et les conseils

8 donnés par Kuzmic et Miroljub, les corps de ces personnes ont été

9 malheureusement aussi retrouvées dans la fosse d'Ovcara.

10 Il y eu ce processus de sélection qui était double; d'abord à

11 l'hôpital, ensuite dans la caserne de la JNA où on a utilisé les autobus

12 comme des prisons mobiles. Tout ceci a été fait avec les TO qui étaient à

13 l'extérieur, qui intimidaient les gens se trouvant dans les autobus.

14 Ensuite, vous avez ce troisième processus de sélection qui démontre

15 clairement qu'ils voulaient retrouver certains individus. Vous avez aussi

16 l'aide de Radic et des membres de la TO locale, ce qui remontre qu'il

17 existait le mens rea requis démontrant la volonté d'attaquer, éloigner la

18 population croate et la population non-serbe. C'est ce qui a existé pendant

19 toute l'évacuation de l'hôpital.

20 Nous considérons que Sljivancanin n'a pas eu l'autorité de sélectionner les

21 défenseurs allégués. Trifunovic a dit qu'en vertu des règles :

22 "L'établissement de l'identité ou statut des personnes capturées ou des

23 forces ennemies relèvent de la compétence des autorités militaires

24 spécialement désignés."

25 Ceci démontre que son utilisation des membres de la TO locale, il

26 démontre qu'il a fait appel aux membres de la TO locale qui avaient les

27 connaissances du niveau local. Donc, ceci démontre qu'il a travaillé de

28 près avec les membres de la TO locale quand il s'agissait de sélectionner,

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1 et ceci renforce donc l'argument du Procureur qui était celui qu'il avait

2 le commandement et le contrôle de l'évacuation.

3 Nous allons essayer d'abréger le mieux que possible, mais à la

4 caserne de la JNA, Sljivancanin a été vu en train de se disputer avec

5 Vujanovic et Vojnovic. Le témoin OO9 a dit qu'il était tout à fait logique

6 que Sljivancanin soit là puisque c'était lui qui était responsable de

7 l'évacuation, et il était là du début à la fin.

8 Ensuite, à Ovcara, il a été démontré que Sljivancanin était là.

9 Il a été dit qu'il pouvait clairement donner des ordres, qu'il était

10 clair qu'il pouvait donner des ordres, qu'il a été témoin des passages à

11 tabac et qu'il n'a rien fait pour empêcher cela. Il y a deux personnes, je

12 pense, qui l'ont vu à Ovcara. Je dis cela de tête, donc j'ai parlé de

13 Vukasinovic et j'ai aussi parlé de Karanfilov déjà.

14 Concernant la preuve à l'appui, il y avait un témoin militaire à qui on a

15 dit -- à qui un autre officier de la JNA qui était apparemment présent à

16 Ovcara que Mrksic et Sljivancanin ont donné l'ordre de tuer, de procéder

17 aux meurtres, et que Sljivancanin et Radic ont organisé l'évacuation.

18 Je considère donc, pour être bref, que la responsabilité de Mrksic et

19 Sljivancanin, quand il s'agissait de l'évacuation, était tout à fait

20 d'accord avec le rôle que Sljivancanin avait accepté. Pour démontrer cela,

21 pour vous donner des exemples du contrôle effectif, on peut citer la

22 déposition concernant le 19 novembre à l'arrivée d'Okun et Vance.

23 Sljivancanin était là et il jouait un tel rôle que tout le monde a cru

24 comprendre que c'était lui qui décidait de tout, que c'est lui qui était

25 responsable. Apparemment, Sljivancanin aurait pointé son fusil sur Vance.

26 Je ne veux pas m'appuyer sur ceci, mais en tout cas, on voit bien de quelle

27 façon il agissait. Cet élément est assez clair dans cette déposition.

28 Au cours de l'après-midi du 19, Sljivancanin était en charge de la

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1 première évacuation de l'hôpital de Vukovar vers Velepromet. Ceci d'après

2 plusieurs témoins, le Témoin P-007 et Bosanac. Ensuite, il y a eu encore

3 une nouvelle dispute avec les représentants de la Croix- Rouge

4 internationale, j'en ai déjà parlé. Il a été présent à Negoslavci, avec le

5 représentant de la Croix-Rouge internationale Borsinger quand il a montré

6 aux représentants de la MCCE les environs, il s'est assuré qu'ils

7 n'allaient pas pouvoir entrer à l'hôpital. Il existe de nombreuses preuves

8 qui démontrent qu'il avait le contrôle effectif pendant cette période-là.

9 Entre le 12 et le 18 novembre, à nouveau, nous avons la déposition du

10 002 indiquant que Sljivancanin était la personne qui était responsable,

11 c'était lui qui pouvait répondre aux journalistes étrangers si, par

12 exemple, de tels journalistes souhaitaient visiter les lieux, la

13 municipalité, ou filmer. Cela vient de van Lynden. Sljivancanin a donné à

14 ces journalistes une unité, à la tête de cette unité se trouvait 001.

15 Sljivancanin a participé à l'observation de situation, à l'inspection de ce

16 qui se passait. Trifunovic en parle très clairement où il dit simplement

17 que cela démontre à quel point il a mené à bien la mission qui lui a été

18 confiée. C'est un élément qui relève du journal de guerre. Ensuite, il y a

19 des éléments indiquant qu'il a procédé à des inspections ou que c'est tout

20 simplement lui qui était celui qui disposait du commandement et du

21 contrôle, Pringle aussi en parle. Il y a aussi des indications comme quoi

22 il corrigeait les tirs.

23 Il y a des références sur Sljivancanin qui introduit Vojnovic aux

24 membres de la TO locale en disant que ce sont les gens importants de la

25 Défense territoriale.

26 Par rapport à sa participation et ses connaissances, on peut faire

27 référence aux Serbes du cru qui faisaient partie de la TO. Il savait très

28 bien qu'ils n'étaient pas disciplinés, que ce n'était pas une unité

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1 disciplinée. Nous avons déjà parlé de son contrôle à l'hôpital. Quand il

2 s'agit de Velepromet, Sljivancanin a indiqué que celle-ci se trouvait dans

3 sa zone de responsabilité ou plutôt dans la zone de responsabilité du

4 Groupe opérationnel sud, et on ne va pas oublier ce que Vujic a dit, en

5 chemin à Velepromet, quand il a dit : "Ne soyez pas surpris si vous voyez

6 des Chetniks en train d'égorger des Oustachi." Nous considérons qu'en vertu

7 de l'article 98 bis, c'est un argument très important qui démontre quels

8 étaient les éléments qui étaient subordonnés au Groupe opérationnel sud.

9 Quand Vujic lui a raconté ce qui s'est passé à Velepromet, Sljivancanin a

10 tout simplement dit : "Mission accomplie."

11 Par rapport aux autres éléments, Radic, c'est M. Smith qui va en

12 parler. Mais le témoin Trifunovic a dit que Sljivancanin, pratiquement tous

13 les jours, était en contact avec l'ennemi sur la ligne de front et qu'en

14 tant qu'officier de l'organe de sécurité, il n'était pas obligé de les

15 faire. Il était souvent dans la maison de Stanko Vujanovic qui était

16 considéré comme le poste de commandement des Serbes de la TO. Pour ceci,

17 nous nous appuyons sur les dires des témoins P-002 et P-018. Nous

18 considérons qu'ici on démontre clairement qu'il y avait la possibilité

19 d'être informé des différents rapports et des différents ordres.

20 A nouveau, nous considérons qu'il a été démontré clairement que

21 Sljivancanin et Mrksic ont participé à tout cela et que les allégations qui

22 se trouvent dans l'acte d'accusation ont été corroborées par ces éléments.

23 J'ai un peu dépassé mon temps, donc je vais passer la parole à M.

24 Smith qui va parler de Radic.

25 M. SMITH : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

26 Monsieur les Juges. Je vais répondre brièvement à ce qui a été dit par la

27 Défense Radic.

28 Tout d'abord, l'Accusation, comme mon éminent collègue vient de le

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1 dire, en réponse par rapport aux critères dont a parlé Me Borovic à l'égard

2 de l'article 98, à savoir lorsqu'il a dit que la crédibilité des témoins et

3 les contradictions ou incohérences entre les dépositions différentes des

4 témoins de l'Accusation devraient être plutôt traitées à la fin de la

5 présentation des éléments de preuve. Comme mon éminent collègue l'a déjà

6 dit également, afin de rejeter la déposition d'un témoin, il faut vraiment

7 que le niveau de contradiction et de manque de conviction soit beaucoup

8 plus élevé.

9 Compte tenu de cela, je souhaite ajouter que les témoins qui ont

10 déposé à l'égard de M. Radic ne font certainement pas partie de cette

11 catégorie. Je dirais également que les éléments de preuve devraient être

12 examinés à ce stade dans leur totalité plutôt que de manière isolée. Comme

13 nous pouvons le voir, s'agissant de Radic, il existe plusieurs domaines au

14 sujet desquels son contrôle effectif sur les unités à Ovcara et ses

15 connaissances de la probabilité selon laquelle ces unités allaient

16 commettre les crimes à Ovcara ont été établis et corroborés par plusieurs

17 témoins de l'Accusation. Cela c'est mon point de départ.

18 Je souhaite clarifier éventuellement et illustrer certains points

19 liés aux éléments de preuve qui corroborent la thèse selon laquelle il faut

20 rejeter la requête de la Défense à Radic, ceci est lié aux faits incriminés

21 et aux dépositions relatives à cela. La requête de M. Radic se fonde

22 surtout sur les crimes qui sous-tendent l'acte d'accusation mais non pas

23 sur sa participation à ces crimes. En ce qui concerne les faits incriminés,

24 je pense que Me Domazet avait dit que l'Accusation avait fourni des

25 éléments de preuve solides seulement à l'égard des 200 victimes tuées à

26 Ovcara et non pas à l'égard des 264 mentionnées dans l'acte d'accusation.

27 Il est exact que 200 cadavres ont été trouvés à Ovcara.

28 Mais d'après la déposition du Dr Strinovic et M. Grujic, il faut pas

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1 oublier que 190 de ces cadavres ont été identifiés et leurs noms figurent

2 dans l'annexe A de l'acte d'accusation. Deux autres personnes ont été

3 identifiées après que l'acte d'accusation a été dressé et il reste encore

4 huit personnes qui doivent être identifiées à l'avenir. Ceci nous laisse

5 avec 74 personnes dont les noms figurent dans l'annexe A qui n'ont pas été

6 identifiées en tant que personnes tuées à Ovcara.

7 S'agissant de cela, je souhaite avancer le fait que lorsque les

8 témoins ont déposé au sujet de cela, plusieurs d'entre eux ont dit que, sur

9 ces 74, au moins 11 ont été identifiées à Ovcara dans le hangar, ou

10 alternativement dans le bus ou l'un des bus qui avait quitté l'hôpital de

11 Vukovar et qui ont fini à Ovcara. Je vais brièvement dire leurs noms. Il

12 s'agit de : Ante Bodrozic, Zorislav Gaspar, Milan Grejza, Damir Kovacevic,

13 Drago Krizan, Josip Mikletic, Ceman Saiti, Damjan Samardzic, Zvonko Vulic,

14 Viktor Horvat et Karlo Fitus.

15 L'Accusation souhaite demander que la Chambre prenne en considération

16 cela au moment où elle déterminera si suffisamment d'éléments de preuve ont

17 été présentés au sujet du fait que ces hommes avaient été tués à Ovcara.

18 En ce qui concerne les 70 personnes qui restent -- les 74 qui n'avaient pas

19 été identifiées à Ovcara, ni dans une fosse commune, ni par d'autres

20 témoins, l'Accusation souhaite que la Chambre de première instance prenne

21 note du fait qu'un grand nombre de ces personnes avait été identifiées en

22 tant que personnes disparues de l'hôpital de Vukovar le 20 novembre dans

23 les rapports portant sur les personnes disparues. Au moins 16 d'entre eux y

24 sont et d'autres ont été trouvées dans d'autres fosses communes. Mais

25 s'agissant des 180 victimes plus 11 que je viens de mentionner, nous

26 pouvons dire que l'Accusation a prouvé conformément aux critères appropriés

27 que ces personnes-là avaient été tuées à Ovcara.

28 Ensuite, quelques mots au sujet de la responsabilité en vertu des articles

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1 7(1) et 7(3). Je vais parler seulement des sujets essentiels. Il a été

2 question de la participation de l'accusé à l'évacuation et au transfert des

3 détenus à Ovcara, sa connaissance au sujet de la probabilité selon laquelle

4 ses subordonnés allaient commettre les crimes et son omission de punir les

5 auteurs de crimes. Puisque nous avons établi un fondement sous forme

6 d'éléments de preuve s'agissant de ces questions essentielles, à notre

7 avis, la Chambre de première instance peut accepter que les éléments de

8 preuve présentés satisfont les critères portant sur la responsabilité en

9 vertu des articles 7(3) et 7(1) du Statut du Tribunal.

10 S'agissant du contrôle effectif de M. Radic sur les auteurs de crimes, sur

11 ceux qui ont tabassé et tué les Croates et d'autres non-Serbes à Ovcara,

12 les meilleurs éléments de preuve au sujet de son contrôle effectif sont

13 contenus dans ce qui a été dit par M. Radic à un journaliste lorsqu'il a

14 parlé à ce journaliste quatre jours après les meurtres.

15 Dans cette publication, il a dit qu'il avait commandé jusqu'à 500

16 hommes et ensuite il a dit qu'il avait réorganisé ses troupes, et que suite

17 à cela, il était le commandant d'une unité qui comptait jusqu'à 300 hommes.

18 Cette déclaration n'a pas été contestée par la Défense et fournit l'élément

19 de preuve le plus probant par rapport au rôle de M. Radic à Vukovar.

20 Dans cet article, M. Radic a répondu à la question suivante :

21 "Qu'est-ce qui s'est passé exactement lorsque Vukovar est tombée ?" Il a

22 dit qu'il avait réorganisé son unité de 500 à 300 personnes et qu'ensuite

23 ils ont pu s'emparer de la ville, rue par rue, pâté de maison par pâté de

24 maison, pour s'emparer de plus de territoire à Vukovar et c'est ainsi que

25 Vukovar est tombée.

26 A mon avis, même cette déclaration seule de M. Radic peut être

27 interprétée comme indiquant qu'il commandait l'unité de Leva Supoderica et

28 les volontaires de la TO et la compagnie de la brigade jusqu'à la chute de

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1 Vukovar, d'après ses propres mots.

2 En ce qui concerne la question de savoir qui étaient les auteurs de

3 crimes à Ovcara, les éléments de preuve ont été fournis par P-022 qui a dit

4 clairement que les commandants de l'unité Leva Supoderica, le commandant de

5 l'unité de Miroljub Vujovic, ensuite il y avait Milan Lancuzanin et

6 d'autres, la plupart de ces personnes ont, entre-temps, été condamnées par

7 le tribunal de Belgrade pour le meurtre de ces personnes. Ces personnes qui

8 ont commis les crimes à Ovcara n'étaient pas juste n'importe quels membres

9 de l'unité de Radic, mais c'étaient des commandants des unités placées sous

10 son commandement. S'agissant de la connaissance de Radic au sujet des

11 meurtres, ceci présente un détail qui est important.

12 En ce qui concerne le contrôle effectif de l'accusé sur le groupe

13 d'assaut, l'unité qu'il commandait et dont il parle dans son interview,

14 ceci a été corroboré par d'autres témoins. Notamment

15 P-022, (expurgé). Ceci est corroboré par

16 P-018, un autre membre de sa compagnie. Puis par P-024, membre de l'unité

17 de Leva Supoderica qui se battait à Vukovar.

18 Le contrôle effectif peut être vu -- ou l'étendue de son contrôle

19 peut être vue lorsque P-024 a demandé qui était le commandant de l'unité,

20 de l'unité de Leva Supoderica, et la réponse c'était que c'était M. Radic.

21 Quant à la question de savoir si c'est vrai ou pas, c'est une autre

22 question, mais d'après la déposition, une personne surnommée Kameni était

23 celui-ci, alors que ceci indique clairement la proximité étroite entre

24 Radic et les unités de la Défense territoriale.

25 Chacun de ces témoins a déposé de manière indépendante et ils sont

26 tous arrivés plus ou moins à la même conclusion. Mais s'agissant de la

27 durée de ce contrôle effectif, il peut être avancé et conclu que Radic

28 avait le contrôle effectif sur les auteurs de crimes à Ovcara jusqu'à

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1 l'événement lui-même et peu de temps après.

2 Trifunovic a vu un officier de la Brigade des Gardes qui a déposé en disant

3 qu'il croyait que le détachement d'assaut existait encore au sein du Groupe

4 opérationnel sud le 21 novembre 1991. Ceci se fonde sur un ordre donné à

5 Leva Supoderica par le 1er Bataillon ou le 1er Détachement d'assaut. Puis il

6 a dit qu'il croyait que le 1er Détachement d'assaut a été responsable pour

7 la prise du contrôle de l'hôpital avec le bataillon de la police militaire.

8 Cette déposition est claire et indique que Radic était le commandant du

9 groupe ou du peloton d'assaut et du détachement d'assaut numéro 1.

10 L'Accusation a également fait venir des témoins qui ont corroboré cela et

11 qui ont dit que Radic avait participé à l'évacuation et au transfert de

12 l'hôpital des non-Serbes à Ovcara avec d'autres paramilitaires. Ceci est

13 corroboré par le fait que Radic avait le contrôle effectif sur le groupe ou

14 peloton d'assaut puisqu'il en parle lui-même, y compris les volontaires et

15 les membres de la TO et le témoin expert Theunens, le témoin militaire

16 Theunens a déposé au sujet de cela en disant que la chute de Vukovar ne

17 voulait pas dire la fin de la guerre, qu'il y avait encore des poches de

18 résistance, donc il aurait été illogique si les groupes d'assaut étaient

19 démantelés. La Défense a affirmé que le groupe d'assaut de Radic a cessé

20 d'exister à partir du 14 novembre, ceci est contesté par la pièce à

21 conviction 430 ou 431, un ordre donné à Tesic, mais c'est la seule

22 conclusion qui peut être tirée de cet ordre et d'autres ordres.

23 On me dit de ralentir. Contrairement à l'affirmation de la Défense,

24 un grand nombre des éléments de preuve présentés par l'Accusation indiquent

25 que Radic exerçait toujours le contrôle effectif sur les auteurs de crimes

26 après le 20 novembre. Puisqu'il avait de tels pouvoirs de jure et de fait

27 sur les auteurs de crimes à Ovcara, la formation des groupes d'assaut à

28 Vukovar n'atténue nullement la responsabilité de Radic et notamment sa

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1 responsabilité d'empêcher et punir les crimes, contrairement à ce

2 qu'indique la Défense lorsqu'elle dit qu'il s'agissait d'un petit

3 commandant ou d'un simple commandant. A Vukovar, il est clair, d'après les

4 déclarations faites pour l'accusé lui-même et d'après sa réputation sur le

5 champ de bataille, que Radic avait un véritable rôle de commandement qui

6 sous-entendait toutes les formes des responsabilités de commandement et de

7 contrôle, ce qui a été corroboré par les dépositions de Trifunovic,

8 Theunens et Pringle.

9 Donc, il y a des éléments de preuve qui démontrent le contrôle

10 effectif sur les volontaires, les membres de la TO et de la Brigade des

11 Gardes qui ont participé aux meurtres et aux passages à tabac à Ovcara et

12 dans la caserne de Vukovar. Mais ce qui est le plus important, ce sont les

13 aveux faits par Radic lui-même. Ses actions sur le terrain, le fait qu'il

14 avait vécu dans le quartier général de la TO et des volontaires, le fait

15 qu'il donnait des ordres aux volontaires et à la TO, le fait que lorsqu'il

16 les punissait, il remplaçait les membres de l'unité Leva Supoderica. Ces

17 éléments de preuve ont été présentés par le biais de P-022, P-024, P-018,

18 P-002, P-030, Dr Njavro et les témoins experts militaires.

19 En ce qui concerne les éléments de preuve portant sur la question de

20 savoir si M. Radic participait à l'évacuation et au transfert des détenus

21 ou de ceux qui étaient à l'hôpital, un nombre de témoins ont déposé à ce

22 sujet et ont indiqué que Radic avait personnellement participé à la prise

23 de contrôle de l'hôpital de Vukovar le 18, le 19 et le 20 novembre 1991. La

24 sélection et le transfert à la ferme d'Ovcara des hommes non-Serbes, des

25 patients et des combattants qui avaient rendu leurs armes s'est terminée en

26 traitement cruel, exécutions. L'implication de Radic dans l'évacuation est

27 évidente dès un stade au début de ce processus, puisqu'il était présent à

28 l'hôpital de Vukovar le 18 et ensuite le 19 et le 20 avec d'autres soldats

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1 de la JNA et les paramilitaires.

2 Vous avez entendu la déposition du Dr Njavro, un médecin qui a déposé

3 sur certains moments de cette période de trois jours, lorsque Radic, avec

4 les paramilitaires, a inspecté, sélectionné, détenu, abusé et maltraité les

5 personnes qui restaient à l'hôpital. Il a dit que les patients avaient dit

6 qu'ils avaient subi un mauvais traitement de la part de Radic et d'un

7 certain Bogdan Kuzmic, et ils lui ont dit qu'ils savaient que leur fin

8 approchait, car ils savaient ce qu'ils avaient fait à Vukovar. Il a dit que

9 Radic lui avait dit que le mauvais traitement était effectué d'après les

10 ordres ou suite à la permission donnée par Sljivancanin.

11 L'impression de Radic à l'hôpital est corroborée (expurgé),

12 P-018, qui dit qu'il était à l'hôpital le jour du 25 à Ovcara. Il a dit

13 qu'il était avec Sljivancanin, Stanko Vujanovic, un autre auteur de crimes

14 à Ovcara, et d'autres Chetniks. Puis, le Témoin P-030, un détenu ou un

15 défenseur qui avait rendu ses armes et qui essayait de se réfugier à

16 l'hôpital, lui, il a vu Sljivancanin donner l'ordre à Radic d'amener les

17 prisonniers qui étaient dans le bus à Ovcara.

18 M. Radic n'a pas seulement été vu à l'hôpital ces jours-ci, mais dans

19 la caserne de la JNA également par d'autres témoins. Le dernier point,

20 c'était le dernier endroit où on avait amené les détenus avant Ovcara. P-

21 030 a vu Radic dans la caserne de la JNA, de même que P-024, un membre de

22 l'unité de Leva Supoderica. Ils disent qu'ils ont vu là-bas Radic avec

23 d'autres soldats de la JNA, membres de la TO et des volontaires. Le Témoin

24 P-030 a dit qu'il l'avait vu une deuxième fois dans la caserne lorsqu'il

25 sélectionnait les gens du bus en utilisant une liste, et après cela,

26 certains prisonniers sont sortis du bus, ils ont été passés à tabac et

27 amenés dans un autre bus.

28 Après les passages à tabac, P-024 a dit qu'il avait vu Radic dans un

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1 véhicule militaire, un Campagnola. Il a vu Radic avec les subordonnés de

2 son unité, le chef de l'unité Leva Supoderica ou son commandant, Milan

3 Lancuzanin, Kameni, il l'a vu Miroljub Vujovic, le commandant de la TO et

4 des unités des volontaires, et il l'a vu avec Skrane [phon], qui était le

5 commandant de l'unité de la Défense territoriale, de même qu'avec le

6 lieutenant Radic, qui était le commandant de peloton au sein de la

7 compagnie de Radic. Toutes ces personnes étaient identifiées en tant

8 qu'auteurs de crimes à Ovcara. Ils ont été identifiés en tant que tueurs à

9 Ovcara, et Radic a été identifié en tant que celui qui a passé à tabac

10 certaines personnes par P-022.

11 Radic était à bord du véhicule lorsque ses hommes ont amené les

12 autocars. Ils étaient devant les cars et les cars sont allés à l'extérieur

13 de la caserne de Vukovar, dans la direction de la ville et d'Ovcara.

14 Plusieurs volontaires et paramilitaires les suivaient à pied ou à bord de

15 véhicules. C'était la déposition de P-024.

16 P-024 a également parlé de l'ambiance de vengeance et de la haine

17 dans la caserne, et je pense que d'autres témoins de l'Accusation ont

18 clairement parlé de cela, de cette vengeance qui était clairement dans

19 l'esprit des membres de la Défense territoriale et des paramilitaires.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il va falloir terminer, Monsieur

21 Smith.

22 M. SMITH : [interprétation] Je vais essayer d'abréger.

23 Nous avons entendu les dépositions de P-020 -- P-022 et P-018

24 indiquant qu'à la fin, ils ont dit à Radic ce qui s'était passé. Ils l'ont

25 fait dans la maison de Stanko Vujanovic. P-022 a également dit qu'il avait

26 envoyé -- ou que Radic avait envoyé P-022 à Ovcara, à la ferme, au hangar

27 d'Ovcara, avant que les crimes n'aient été commis.

28 S'agissant des connaissances au sujet de la probabilité selon

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1 laquelle les auteurs de crime allaient commettre d'autres crimes, ceci a

2 été confirmé par P-022, P-018, qui ont déposé au sujet du fait que Radic

3 savait, était au courant du comportement criminel et non discipliné de

4 certains des membres de l'unité de Leva Supoderica et de l'unité de la TO

5 de Miroljub Vujovic.

6 Puis, après que Radic a appris que les crimes avaient eu lieu à

7 Ovcara, d'après la déposition de plusieurs témoins, notamment P-018 et P-

8 022 qui étaient tous les deux les membres de la Brigade des Gardes, de même

9 que M. Trifunovic, aucune enquête n'a été menée sur la question de savoir

10 quelles étaient les personnes qui avaient commis les crimes, c'est-à-dire

11 Radic n'avait lancé aucune enquête allant dans ce sens. Clairement,

12 lorsqu'il était en mesure de ce faire, donc il était à Vukovar et lorsqu'il

13 a quitté Vukovar, il était toujours en mesure de lancer une enquête et

14 prononcer des mesures disciplinaires à l'encontre des membres de la Brigade

15 des Gardes qui avaient participé aux crimes, tels que P-022.

16 Monsieur le Président, sur cette base, je souhaite vous demander

17 d'accepter les éléments de preuve comme indiquant que les théories, en

18 vertu des articles 7(1) et 7(3) du Statut, relatives à M. Radic, ont été

19 corroborées par ces éléments de preuve.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Smith.

21 Monsieur Weiner, il a été suggéré que vous alliez parler pendant quelques

22 minutes. Je souligne le mot "quelques" minutes.

23 M. WEINER : [interprétation] Quelques minutes me suffiront.

24 Merci, Monsieur le Président. Très brièvement, je souhaite passer en revue

25 la question de l'attaque vaste et systématique. L'Accusation souhaite dire

26 que l'attaque à grande échelle qui a eu lieu à Vukovar de même que dans la

27 Slavonie de l'Est et de l'Ouest et partout en Croatie satisfait l'exigence

28 portant sur les critères à remplir pour pouvoir parler d'une attaque à

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1 grande échelle et systématique.

2 Comme vous le savez, Vukovar était une ville assiégée et pilonnée

3 sans cesse pendant trois mois, de la terre, de l'eau et de l'air. Il

4 s'agissait d'une attaque indiscriminée où les biens civils et les civils

5 eux-mêmes étaient visés. Le témoin 002 parle d'une conversation qui avait

6 eu lieu -- qu'il avait eue avec les personnes qui tiraient depuis Borovo

7 Selo. C'est à la page 10 371. Lorsqu'on lui a demandé ce qu'il disait, il a

8 dit : "Ce qu'ils visaient ? Mais ils visaient tout."

9 Il n'y avait pas de cibles militaires à Vukovar. Ils pilonnaient

10 l'hôpital. Ils pilonnaient les puits d'eau. Ils pilonnaient les gens qui se

11 rendaient au puits pour chercher de l'eau. Il n'y avait pas de chars. Il

12 n'y avait pas de mortiers ni de bataillons d'artillerie. Il n'y avait pas

13 d'armes lourdes. Il n'y avait pas de forces à pilonner, juste quelques

14 soldats avec des armes légères.

15 Il s'agissait d'une attaque disproportionnée, et les dégâts causés

16 n'étaient absolument pas nécessaires, ce qui a été également confirmé par

17 le témoin van Kypr à la page 3 101 du compte rendu d'audience. Ces

18 personnes ont dit -- les témoins ont dit que dans une armée

19 professionnelle, il était impensable d'assiéger une ville pendant plusieurs

20 mois et non pas pendant plusieurs jours et de la détruire totalement. Puis,

21 ils mentionnent qu'ils s'étaient plaints auprès du général Kadijevic. Ces

22 pilonnages excessifs et prolongés constituaient l'attaque contre Vukovar et

23 constituaient une attaque systématique et généralisée sur la population

24 civile.

25 Même si la Chambre de la mise en état ne devait pas se pencher

26 exclusivement sur cela, elle a passé en revue ces éléments conformément à

27 l'article 61 du Règlement de procédure et de preuve en date du 3 avril 1996

28 et a parlé de cette question dans les paragraphes 31 à 35 et 32. Au

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1 paragraphe 32, ils disent que sur la base des éléments de preuve présentés,

2 ces événements semblent faire partie d'une attaque systématique et

3 généralisée à l'encontre de la population civile dans la ville de Vukovar.

4 L'Accusation souhaite ajouter que nous avons entendu beaucoup de

5 dépositions et reçu des éléments de preuve au sujet de l'attaque

6 systématique et généralisée en Slavonie, de même que les rapports de la

7 MOCE émanant des témoins de la MOCE, témoin 002, qui parle des pilonnages

8 excessifs dans toute la région et des expulsions à travers la Croatie, ce

9 dont ont parlé M. Wheeler, M. Grujic et l'ambassadeur Okun, qui dit qu'en

10 novembre, il y avait 200 000 personnes déplacées, alors qu'au moment de

11 Noël, il y en avait 500 000. Donc, vous pouvez voir qu'il s'agissait

12 effectivement d'une attaque généralisée et systématique contre Vukovar de

13 même que contre la Slavonie occidentale et orientale, Baranja et toute la

14 Croatie.

15 L'Accusation considère qu'elle a établi le caractère généralisé et

16 systématique des attaques contre la population civile.

17 Merci pour les quelques minutes dont j'ai pu disposer.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Weiner.

19 [La Chambre de première instance se concerte]

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Chambre souhaite que l'on procède à

21 une pause maintenant et nous reprendrons à 4 heures 10.

22 --- L'audience est suspendue à 15 heures 42.

23 --- L'audience est reprise à 16 heures 13.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Chambre va maintenant rendre

25 sa décision à propos de la demande d'acquittement présentée par les trois

26 accusés en l'espèce.

27 En application de l'article 98 bis du Règlement, la Chambre doit, par

28 voie de décision orale, et après avoir entendu les arguments oraux des

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1 parties, se prononcer pour rendre un jugement d'acquittement à propos d'un

2 chef d'accusation s'il n'y a aucun élément de preuve ayant été présenté

3 susceptible de justifier une condamnation. Le critère à appliquer au regard

4 de chaque chef de l'acte d'accusation est celui-ci : vu les éléments de

5 preuve présentés, ceux-ci étant présentés comme les arguments les plus

6 importants par l'Accusation, il conviendrait qu'une Chambre de première

7 instance soit convaincue au-delà de tout doute raisonnable de la nécessité

8 de condamner les accusés. Il en dérive que s'il est décidé qu'il est

9 possible de considérer qu'il y a des éléments susceptibles de justifier une

10 condamnation, ceci ne détermine pas pour autant la décision finale que

11 rendra la présente Chambre s'agissant de la culpabilité ou de l'innocence

12 des accusés au regard de ces chefs d'Accusation. A ce stade de la

13 procédure, la Chambre n'est pas censée évaluer la crédibilité des témoins

14 pas plus qu'elle ne doit se prononcer sur la faiblesse ou la force ou le

15 caractère contradictoire de tel ou tel élément de preuve. A ce stade de la

16 procédure, il faut simplement que la Chambre dise si les éléments de preuve

17 à charge ont le droit "d'être considérés comme dignes de foi à moins qu'ils

18 soient tout à fait dépourvus de crédibilité."

19 Au fond, pour faire droit à une requête en application du 98 bis, il ne

20 faut pas qu'il y ait des éléments de preuve à l'appui de tel ou tel chef ou

21 qu'il soit à ce point d'incrédibilité qu'il ne pourraient pas justifier une

22 condamnation au niveau le plus élevé présenté par l'Accusation.

23 Je m'appuie sur la décision Jelesic du 5 juillet 2001; sur la

24 décision Strugar du 21 juin 2004; décision Milosevic, 16 juin 2004.

25 La Chambre relève que dans sa formulation la plus récente, celle du mois de

26 décembre 2004, le Règlement exige de la Chambre qu'elle prononce

27 l'acquittement lorsqu'il n'y a pas d'éléments de preuve susceptibles de

28 justifier une condamnation au regard d'un chef d'accusation donné. Ceci

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1 est, de façon matérielle, différente d'une mouture précédente du Règlement

2 qui parlait des infractions retenues dans l'acte d'accusation et aussi

3 d'une conclusion tirée par la Chambre de première instance. A première vue,

4 le nouvel article du Règlement ne nécessite pas qu'il y ait des éléments de

5 preuve qui puissent corroborer ou établir chacune des allégations

6 présentées ou l'une ou l'autre modalité de responsabilité pénale

7 représentée dans un chef d'accusation pour qu'il y ait condamnation sur un

8 chef d'accusation.

9 Il doit y avoir des éléments de preuve qui répondent aux critères que

10 nous avons énoncés pour chacun des éléments de l'infraction invoquée par le

11 chef d'accusation. Ceci peut être établi même si les éléments de preuve ne

12 sont pas nécessairement suffisants au regard d'autres allégations ou de

13 données particulières reprises dans un chef d'accusation donné ou au regard

14 de l'une ou plusieurs des formes de responsabilité pénale sur lesquelles

15 s'appuie l'Accusation.

16 En fin de compte, l'Accusation pourra peut-être apporter la preuve d'une

17 des formes de responsabilité pénale qu'elle invoque pour qu'il y ait

18 condamnation au regard d'un chef d'accusation. Cette démarche est non

19 seulement dans le droit fil de la mouture actuelle du Règlement, mais on

20 peut considérer qu'elle convient ici vu les circonstances de l'espèce, tous

21 les chefs d'accusation découlent de ce qui est au fond un mode de conduite,

22 un événement. Le comportement principal s'est déroulé sur quelques heures

23 et concerne un groupe de détenus qui ont été déplacés de l'hôpital en

24 transitant par un ou plusieurs endroits pour terminer dans une ferme se

25 trouvant dans la région d'Ovcara.

26 Ce procès est intenté à trois accusés qui chacun était officier de la

27 JNA et qui ont tous les trois participé à la même opération dans la région,

28 le commandant supérieur étant Mrksic. Son commandement effectif allait au-

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1 delà, du moins d'après ce que disent certains éléments de preuve, du

2 personnel servant dans la JNA, avec notamment des réservistes, la Défense

3 territoriale ou d'autres types de formations paramilitaires et autres

4 volontaires y compris les Chetniks qui opéraient dans la région.

5 La Chambre se propose de se servir du nouveau texte du Règlement du 98 bis.

6 Par conséquent, nous n'allons pas voir s'il y a au regard d'un chef

7 d'accusation des éléments de preuve susceptibles d'apporter tous les

8 éléments concernés par ce chef, ou susceptibles d'englober tous les modes

9 de responsabilité sur lesquels s'appuie l'Accusation.

10 Quel est le critère que les éléments à charge doivent respecter ? Nous

11 l'avons dit dans nos commentaires, c'est le critère qui va s'appliquer tout

12 au long de notre examen des éléments de preuve.

13 Je voudrais maintenant rapidement évoquer les infractions elles-

14 mêmes. Les infractions qui font l'objet des chefs d'accusation. Prenons-les

15 dans l'ordre dans lequel ils sont repris dans l'acte d'accusation pour

16 éviter des redites.

17 La torture, chefs 5 et 7; actes inhumains, chef 6; et traitement

18 cruel, chef 8. Ils ont tous trait à des événements s'étant déroulés à la

19 ferme. L'élément matériel de la torture, c'est un acte ou une omission qui

20 consiste à infliger des souffrances mentales ou physiques. Acte inhumain,

21 c'est un acte ou une omission qui provoque de graves atteintes physiques ou

22 mentales ou une atteinte grave à la dignité humaine. Pour ce qui est des

23 traitements cruels, c'est un acte ou une omission qui inflige des

24 souffrances mentales ou physiques, ou qui constituent une grave atteinte à

25 la dignité humaine.

26 S'agissant de l'élément matériel de l'actus reus, c'est en rapport

27 étroit manifestement avec ces trois types d'infractions. La Chambre a reçu

28 des éléments de preuve qui sont susceptibles d'établir que, le 20 novembre

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1 1991, un grand nombre de personnes qui ont rempli quelque six autocars, ou

2 de 200 à 300 personnes ont été transférées de l'hôpital de Vukovar pour

3 être détenues pendant plusieurs heures à la ferme d'Ovcara par ou en

4 présence de membres de la Défense territoriale, de volontaires, de

5 Chetniks, de membres de la police militaire et d'autres effectifs de la

6 JNA.

7 Les prisonniers n'ont pas eu de rôle actif dans les hostilités en

8 tant que telles. Les éléments de preuve montrent qu'un grand nombre d'entre

9 eux ont subi des mauvais traitements.

10 D'autres éléments de preuve portent sur des éléments assez proches

11 des événements qui sont survenus à ces détenus à la caserne de Vukovar. Je

12 me contenterai de mentionner la déposition du Témoin P-011, page 5 728 à 34

13 du compte rendu d'audience; nous avions aussi Hajdar Dodaj, page 5 536 à 5

14 540; Berghofer 5 291 à 5 296; Zlogledja 11 187 à 89; P-030 9 745 à 47; P-

15 014 à 7 703 jusqu'à 7 706; P-022 aux pages 503, 504, 525, 5 235 et 5 236.

16 L'élément moral de la torture, la mens rea, c'est un acte intentionnel ou

17 une omission qui est effectué à des fins illicites proscrites. Je ne vais

18 pas les énumérer.

19 Un acte inhumain, c'est un acte qui vise à porter une grave atteinte

20 à la dignité humaine ou le fait de savoir qu'il est probable que ce genre

21 de résultat peut être attendu. Le traitement cruel, c'est la tentative

22 d'infliger des souffrances ou de porter atteinte à la dignité humaine, le

23 fait de savoir qu'il est probable que ce sera le résultat qu'on peut

24 escompter.

25 La Chambre a reçu les éléments de preuve montrant qu'il y a eu des sévices

26 infligés à Ovcara délibérément; et aussi que, dans certains cas, ces

27 sévices ont été commis afin de punir ou d'avoir un effet de discrimination

28 à l'égard de la victime parce que cette victime était un défenseur ou un

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1 Croate, et que ces sévices ont été infligés afin d'extorquer des

2 informations de la victime. On a parlé de cette double haie, des coups

3 portés, des services divers, des comportements divers équivalents au

4 passage à tabac. Nous avons notamment la page 7 715 et P-014; Berghofer,

5 page du compte rendu d'audience 5 289; le Témoin P-011, pages 5 730 à 5

6 732; le témoin

7 P-030, 9 746 à 7; Dodaj, 5 540; et le Témoin P-022 à la page du compte

8 rendu d'audience 5 205 à 5 206, ainsi qu'à la page 5 236.

9 L'infraction d'extermination retenue au chef 2, celle d'homicide aux chefs

10 3 et 4 sont également censées s'être déroulées ou être en rapport avec ce

11 qui s'est passé à proximité de la ferme d'Ovcara. L'élément matériel

12 d'extermination qui a eu pour résultat la mort d'individus, en plus de

13 façon massive; celui d'assassinat ou d'homicide est un acte ou une omission

14 ayant pour résultat la mort.

15 La Chambre, vu les éléments reçus, peut établir que le 20 novembre 1991 des

16 prisonniers détenus à Ovcara ont été emmenés en groupe à un endroit où ces

17 personnes ont été exécutées. Deuxième élément qu'on a découvert, une grande

18 fosse commune à cet endroit, dans cette localité, une fosse contenant

19 quelque 200 corps; troisième élément, que pour la majorité écrasante de ces

20 corps, la mort a été provoquée par des coups de feu et qu'il y avait un

21 grand nombre de prisonniers se trouvant sur cette ferme. Je l'ai déjà dit :

22 de 200 à 300 personnes. Le Témoin P-002, page 10 396 jusqu'à 8; le Témoin

23 P-022, aux pages 507 à 9; le Témoin P-011 à la page 5 737 jusqu'à la page

24 5 742; le Témoin P-014, pages 7 724 et 7 725; Strinovic, pages 9411 [comme

25 interprété] à 3, page 9 455 et la pièce 457, la page 9 458, pièce 457, et

26 les pages 9 464 et 65, pièce 459, et nous avons aussi Milewski, pièce 381.

27 Ce sont là des exemples d'éléments de preuve auxquels j'ai fait référence.

28 La Chambre le dit clairement en citant ses éléments de preuve. Elle

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1 ne veut pas laisser entendre qu'il s'agit là d'un examen complet des

2 éléments de preuve. C'est seulement à titre illustratif que nous évoquons

3 ces pièces pour montrer les pièces disponibles au regard de chacune des

4 infractions visées par les chefs d'accusation.

5 L'élément moral de l'extermination, c'est le fait de vouloir tuer des

6 personnes à une échelle massive ou la connaissance de la probabilité que ce

7 sera le résultat prévisible. L'élément moral de l'assassinat, c'est

8 l'intention de tuer la victime en sachant aussi que ce sera aussi un

9 résultat probable. Il a été possible, à partir des éléments de preuve,

10 d'établir le caractère délibéré des exécutions, de l'exécution de quelque

11 200 personnes, d'abord par le mode opératoire. La plupart de ces victimes

12 ont reçu un coup de feu dans la tête. Le nombre de personnes concernées,

13 l'endroit où ils se trouvaient, fosse commune, et l'expression aussi de

14 l'intention du fait de certains des auteurs de ces infractions. Là, nous

15 allons mentionner deux pièces ou deux dépositions. Aux pages du compte

16 rendu d'audience 5 005 et 5 006, le Témoin P-022, Zlogledja, aux pages

17 11 190 [comme interprété] à 11 191.

18 Parlons des persécutions, une infraction retenue au chef premier de

19 l'acte d'accusation. C'est un acte sans discrimination qui porte atteinte

20 aux droits fondamentaux. Bon nombre des éléments de preuve que j'ai déjà

21 cités sont en mesure d'établir que des personnes détenues à la ferme au

22 moment des faits ont été soumises à des mauvais traitements et qu'un grand

23 nombre de ces personnes ont été exécutées. Il faut également qu'il y ait

24 une intention d'agir de façon discriminatoire pour diverses raisons. La

25 Chambre a pu établir qu'il y a eu mauvais traitements infligés à des

26 prisonniers qui ont été exécutés parce qu'ils étaient Croates ou parce que

27 c'étaient des défenseurs croates. A titre d'exemple, nous avons la

28 déposition de Strinovic, page 9 567 [comme interprété]; celle de Témoin P-

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1 022 à la page 5 006; Berghofer à la page 5 289; celle de Dodaj aux pages

2 5 537, 5 539 et 5 540; celle du Témoin P-014, page 7 715; celle du Témoin

3 P-030, pages 9 746 et 47.

4 Très rapidement, nous allons revenir aux éléments essentiels des

5 infractions retenues dans l'acte d'accusation, quels sont les éléments de

6 preuve que nous avons reçus, ceux que nous venons d'évoquer.

7 La Défense évoque également la question de la compétence, en vertu de

8 l'article 5. Il faut pour cela qu'il y ait une attaque à large échelle, à

9 grande échelle, et systématique à l'encontre d'une population civile. Des

10 éléments de preuve sont en mesure d'établir que pendant la période couverte

11 par l'acte d'accusation et dans la période qui a tout juste précédé cette

12 période, la ville de Vukovar, ses environs, les localités se trouvant dans

13 ses environs se trouvaient dans un état de pilonnage constant qui s'est

14 poursuivi sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et ce qui a

15 entraîné, pour beaucoup de civils, blessures et mort.

16 Ceci indique également que le pilonnage de la localité de Vukovar

17 doit être vu et être examiné dans le contexte d'une action militaire plus

18 large, dans la zone élargie de la Slovénie occidentale et dans cette zone

19 élargie de ce qui est aujourd'hui la Croatie. Je pense tout

20 particulièrement à la déposition de Kolesar, pages 914 à 919, ainsi qu'à la

21 page 927, mais aussi à la page 920 jusqu'à la page 924, ainsi qu'aux pages

22 928, 29 et 30. Nous avons la déposition de Foro, pages 2402 et 3, celle de

23 Van Lynden, 3 081 et 3 092 également, ainsi qu'aux pages 3 146 à 3 149.

24 Nous avons aussi cette déposition de Van Lynden pour ce qui est des pages

25 3 081 à 3 092. Nous avons la déposition d'Agotic, pages 1 962 et 1 965,

26 ainsi que la pièce 90. Nous avons la déposition de Kypr, pages 6 652 à

27 6 657, la pièce 312. Nous avons la déposition de P-002, pages 1 369 et 70,

28 ainsi que les pages 1 371 et 72. Nous savons aussi la déposition du Dr

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1 Njavro, pages du compte rendu d'audience 1 515, 16 et 17.

2 La Chambre a également été saisie d'éléments de preuve susceptibles

3 d'établir que les actes commis à la ferme étaient en partie une conséquence

4 de l'attaque dont j'ai parlé et que les accusés étaient tout à fait au

5 courant du fait qu'il y avait eu cette attaque. Quand on voit les

6 événements retenus dans les chefs d'accusation, ils se sont produits

7 aussitôt après la prise de Vukovar ou la chute de Vukovar, et ces

8 événements concernaient les mêmes effectifs que ceux qui ont participé à la

9 prise de Vukovar, qu'il y avait parmi ces effectifs des forces de la JNA,

10 de la Défense territoriale, des volontaires ainsi que d'autres

11 paramilitaires. D'après les éléments de preuve, il semblerait que les trois

12 accusés ont participé tous trois à la prise de Vukovar. Les victimes

13 présumées, des civils, ont également été détenues au moment où il y a eu

14 l'attaque et la prise de Vukovar.

15 Les éléments de preuve sont également en mesure de montrer que le 19

16 et le 20 novembre, un grand nombre de personnes parmi lesquelles il était

17 possible qu'il y ait des combattants, des anciens, des gens qui avaient été

18 des combattants qui avaient déposé les armes, ont été détenus, maltraités

19 et tués par ou en présence des divers effectifs que je viens de mentionner.

20 J'ajouterais en passant ou je mentionnerais en passant les éléments

21 concernant les événements s'étant déroulés à Velepromet, notamment ce que

22 qu'à dit Grujic aux pages 4 514 et 4 515 ainsi qu'aux pages 4 528 à 4 529,

23 à la page 4 568, ainsi que les événements survenus à la caserne de la JNA à

24 Vukovar, en particulier ce qu'a dit le Témoin P-009, pages 6 148 à 6 151.

25 Je ne vais pas répéter ce que j'ai dit à propos des éléments

26 concernant les événements présumés commis à la ferme. Il semblerait qu'il y

27 a eu déplacement massif de la population vivant dans la région. C'est ce

28 qu'a dit notamment le Dr Wheeler dans la pièce 391, il y a des éléments

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1 susceptibles de laisser entendre que l'attaque menée par ces forces était

2 sans proportion ou n'était pas disproportionnée par rapport aux forces qui

3 ont fait l'objet de cette attaque.

4 J'ai abordé donc ces questions générales. Ceci étant, je m'intéresse tout

5 particulièrement à d'autres facettes des éléments de preuve à charge. Ce

6 faisant, comme je l'ai dit, en présentant ces motifs, la Chambre va se

7 limiter à l'examen de la question de la responsabilité en s'appuyant sur au

8 moins un des modes évoqués par l'Accusation. Prenons chacun des accusés, et

9 ce faisant, elle examiner l'article 7(3) du Statut. C'est la zone ou c'est

10 le domaine de la responsabilité, ce qu'on appelle en général la

11 responsabilité des supérieurs hiérarchiques, ceci à partir du fait qu'il y

12 a des éléments présentés susceptibles d'entraîner, de justifier une

13 condamnation pour chacun des chefs.

14 Premier élément de l'article 7(3), c'est le contrôle effectif.

15 S'agissant de l'accusé Mrksic, il y a des éléments de preuve susceptibles

16 d'établir qu'au moment des faits, M. Mrksic était commandant. Il avait en

17 cette qualité le pouvoir de contrôler le comportement d'au moins certains

18 des auteurs. Il était commandant de la Brigade motorisée, puis il est

19 devenu commandant du Groupe opérationnel sud, c'est un fait admis. Il avait

20 la responsabilité, vu ses qualités et ses capacités, surtout en tant que

21 commandant du GO sud, il avait la responsabilité de sa zone qui comprenait

22 Vukovar, et il avait le contrôle opérationnel du territoire sur lequel les

23 événements présumés dans l'acte d'accusation se seraient produits. A cet

24 égard, nous faisons notamment référence à ce qu'a dit le Dr Bosanac, pages

25 675 à 676, ainsi que pages 803 et 804 ainsi que la page 806. Nous avons

26 aussi la déposition de Vojnovic, Trifunovic,

27 page 8 127, l'ordre donné, ordre d'évacuation des civils blessés et malades

28 de l'hôpital, ordre donné dans la matinée du 20 novembre 1991.

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1 La Chambre a également été saisie d'éléments de preuve susceptibles

2 d'établir que M. Mrksic avait le commandement et l'autorité nécessaires sur

3 la JNA, notamment sur les unités de réserves cantonnés ou se trouvant dans

4 la zone d'opérations. Nous avons ce qu'a dit le Dr Bosanac, pages 803 à

5 804, nous avons également des éléments de preuve susceptibles d'établir

6 qu'il a donné des missions, des consignes aux commandants de la JNA. Nous

7 avons surtout la pièce 367 sous pli scellé et la déposition, pages 3 763 --

8 page 7 673 à 7 674. Nous avons la déposition de Vojnovic, pages 8 849 et

9 8 680, ainsi que pages 7 720 et 8 169 jusqu'à 73. Nous avons aussi des

10 éléments pertinents présentés aux pages 8 825 à 8 826. Là, il s'agit de ce

11 qu'a dit le témoin Vojnovic, de ce qu'a dit Vukasinovic, de ce qu'a dit

12 Trifunovic, et ce qu'a dit le Témoin P-014.

13 Le Juge a aussi entendu des éléments qui indiquent et qui ont fait établir

14 que le colonel Mrksic avait l'autorité de commandement pour donner des

15 ordres à toutes les unités qui ont participé aux opérations du Groupe sud;

16 ceci inclut toutes les unités de la Défense territoriale et des

17 paramilitaires comme des volontaires. Ici, nous nous référons aux

18 dépositions de Trifunovic et à la pièce 395, ainsi qu'aux pages du compte

19 rendu d'audience 8 210, 8 140, la pièce 424, la pièce 89, la communication

20 du général Adzic en date du 12 octobre 1991, ainsi qu'à la déposition des

21 témoins experts Theunens et Pringle. Ces dépositions, ces éléments ont

22 démontré que l'autorité de commandement allait au-delà du 20 novembre 1991.

23 En plus des références citées, il convient d'examiner la pièce 422, à

24 savoir un ordre donné par le colonel Mrksic le 21 novembre 1991. Donc, ces

25 éléments de preuve, quand on les examine, ont pour conséquence d'établir le

26 contrôle effectif de Mrksic et de satisfaire les Juges que ce contrôle a

27 été démontré de façon suffisante pour le besoin de l'article 98 bis.

28 En vertu de l'article 7(3), il faut démontrer que l'accusé avait des

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1 connaissances ou des raisons de savoir que ses subordonnées allaient

2 commettre ou s'apprêtaient à commettre des actes criminels. Par rapport à

3 cela et par rapport au colonel Mrksic, nous nous référons à la déposition

4 Vujic, pages 4 512 à 13, 4 567 et 4 706 à 7, ensuite la déposition

5 Trifunovic qui a parlé des problèmes de la sécurité des détenus par rapport

6 aux forces placées sous le commandement du colonel Mrksic. Les problèmes se

7 sont produits le 18, 19 et le 20 novembre.

8 Il existe aussi des éléments de preuve qui peuvent établir que l'accusé, le

9 colonel Mrksic, savait que ses subordonnés avaient commis des actes

10 criminels à Ovcara. Il s'agit donc en particulier de la déposition de

11 Vojnovic à 8849; le Témoin P-014 à la page 7 720; Vukasinovic à la page 8

12 681 et 82. Ainsi que la communication du supérieur hiérarchique du colonel

13 Mrksic, le général Panic, qui fait part de ses craintes et de l'inquiétude

14 à cause de la conduite des forces placées sous le commandement du colonel

15 Mrksic à l'époque. Il s'agit là de la pièce 415.

16 Il faut qu'il y ait aussi des preuves qui peuvent établir que

17 l'Accusé a omis de prendre les mesures raisonnables et nécessaires pour

18 empêcher la commission de tels actes criminels de la part de ses

19 subordonnés. Là, nous faisons référence à la déposition Vujic, pages 4 512

20 à 13, ainsi que 4 567 et 4706 à 7. Nous considérons que ces références vont

21 suffire pour établir cela.

22 Il y a aussi des éléments de preuve qui sont de nature à établir que

23 le colonel Mrksic a omis de prendre les mesures raisonnables et nécessaires

24 pour punir les auteurs de ces actes qui sont énumérés dans les chefs

25 d'accusation. Il s'agit des dépositions de Vojnovic, Vukasinovic, aux pages

26 8 849 et 8681 à 82. Vukasinovic à la page 8 682, le témoin Trifunovic à la

27 page 8 172 et 73, l'absence des mesures prises ou d'ordres émis par le

28 colonel Mrksic en réponse à l'inquiétude que le général Panic a exprimée

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1 dont j'ai parlé, ainsi que les dépositions des témoins P-022 et Trifunovic

2 qui ont dit qu'il n'y a pas de mesures de prises pour punir les auteurs.

3 Ceci suffit pour indiquer qu'en ce qui concerne la responsabilité de

4 commandement, il existe suffisamment de preuves présentées pour établir la

5 responsabilité en vertu de l'article 7(3) par rapport au colonel Mrksic.

6 Maintenant, nous allons aborder l'accusé Radic, le capitaine Radic. A

7 nouveau, quand on examine les éléments présentés par rapport à l'article

8 7(3), la question du contrôle effectif, nous voudrions nous référer à la

9 pièce 594, les faits qui ont fait l'objet d'un accord, ainsi que le poste

10 de commandement de Radic à l'époque. Ensuite, P-022, la déposition de

11 Vujovic, 4 957 à 4 961 -- là, il s'agit de Vujnovic. Mais il convient aussi

12 de mentionner la déposition de P-022, les pages 4 955 à 60, 4 965 à 72; la

13 déposition de P-018, 7 386, 7 391 à 95, 4 979 à 4 985 et 4 981 à 4 985;

14 ensuite, les pages du compte rendu 7 292 à 93 et la pièce à conviction 353;

15 la déposition du P-012, concernant la conduite du capitaine Radic, aussi

16 bien à l'hôpital qu'à la caserne.

17 Ensuite, il s'agit des moyens de preuve présentés par rapport au

18 colonel Mrksic et aussi le commandant Sljivancanin, il existe des moyens

19 concernant le capitaine Radic qui satisfont les critères appliqués dans

20 l'article 98 bis pour établir qu'il disposait du contrôle effectif des

21 unités qui ont participé aux actes illicites allégués dans les chefs

22 d'accusation, au moment où ces actes auraient été commis.

23 Par rapport aux critères de connaissance, il a été établi que le

24 capitaine Radic était au courant des crimes qui ont été commis à la ferme

25 pendant la nuit du 20 au 21 novembre. P-022, à la page 5 009 et 5 032

26 jusqu'à 34; ensuite, P-018, à la 7 412 à 415; P-002, au niveau de la page 7

27 140 -- ou 10 400.

28 Par rapport aux mesures prises pour empêcher ou punir, on peut citer

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1 P-022 au niveau des pages 5 032 à 37; P-018 au niveau des pages 7 416 à 7

2 419; Trifunovic à la page 8 173. Il existe aussi des éléments concernant la

3 caserne, à savoir la déposition de P-024 au niveau des pages 4 202 à 206.

4 Concernant le commandant Sljivancanin, les moyens qui ont été

5 présentés contre lui, et ceci par rapport au contrôle effectif, des

6 éléments ont été présentés qui sont à même de démontrer qu'il avait

7 l'autorité sur la police militaire, sur la Brigade motorisée de la Garde et

8 sur la police militaire venant des autres unités placées sous le

9 commandement du colonel Mrksic et faisant partie du Groupe opérationnel

10 sud. Nous avons pour cela la déposition du lieutenant-colonel Vojnovic à la

11 page 8 825 et 8 827; le colonel Vujic aux pages 4 533 jusqu'à 34.

12 Il a été aussi démontré par les moyens de preuve que le commandant

13 Sljivancanin avait le contrôle effectif aussi bien sur la police militaire

14 que sur les soldats de la JNA ou autres forces présentes à l'hôpital, et

15 tout particulièrement à la date du 20 novembre. Il s'agit au moins d'un

16 contrôle de fait, mais je n'exclus pas par ce commentaire l'existence d'une

17 autorité de jure. Il a été accepté que, par interférence, on a présenté des

18 éléments indiquant que le commandant Sljivancanin a été investi d'une

19 mission de commandement par le colonel Mrksic, tout au moins en ce qui

20 concerne l'évacuation de l'hôpital du 20 novembre 1991. C'est quelque chose

21 qui a été présenté, proprement par rapport à la procédure et tout ceci

22 relevait de l'autorité du colonel Mrksic. Cela était de son pouvoir.

23 Ensuite, pour corroborer cela, nous faisons référence au témoin Dosen à la

24 page 3 800, 3 803 à 5, ensuite, 3 913 à 15.

25 Il y aussi eu des éléments qui ont pu démontrer que le commandant

26 Sljivancanin disposait du contrôle effectif sur la police militaire et les

27 autres forces à Ovcara. Là, je me réfère au capitaine Karanfilov, sa

28 déposition 8 420 à 8 432; ensuite la déposition du P-022, à la page 5 020.

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1 Quant à la connaissance, les moyens qui nous permettent d'établir que le

2 commandant Sljivancanin était au courant des mauvais traitements infligés

3 aux détenus qui ont eu lieu avant les événements d'Ovcara, nous faisons

4 référence à la déposition du colonel Vujic, 4 525 à 26 et 4 530 ainsi que 4

5 526.

6 Les éléments permettant d'établir que le commandant Sljivancanin était

7 présent à Ovcara au moment des événements où à peu près à ce moment-là, au

8 moment où les crimes allégués auraient été commis, nous faisons référence à

9 la déposition Zlogledja page 10 196. Il y a aussi des éléments démontrant

10 sa présence et la présence de Sljivancanin à la caserne de la JNA. Il

11 s'agit là surtout de la déposition Vujanovic et Vojnovic; et tout

12 particulièrement de la déposition du Témoin P-009. Là, il s'agit du

13 déplacement des détenus de l'hôpital à Ovcara.

14 Quant à la question de mesures prises pour empêcher, nous faisons référence

15 à la déposition Zlogledja, page 10 196. Le fait de ne pas avoir pris les

16 mesures pour punir, nous avons le colonel Trifunovic aux pages 8 173 à 174.

17 Il apparaît clairement pour tous que beaucoup d'autres éléments ont

18 été présentés. Il y a aussi des événements contradictoires par rapport aux

19 éléments auxquels les Juges de la Chambre ont fait référence dans cette

20 décision. Ce n'est pas que nous ne le savons pas. Nous sommes bien au

21 courant de l'existence de tels éléments, mais pour des raisons que nous

22 avons indiquées ce n'est pas en ce moment que nous allons examiner ou

23 prendre en compte ces éléments. C'est bien là la différence entre ce que

24 nous faisons aujourd'hui et ce que nous allons faire à la fin du procès

25 quand nous allons examiner l'intégralité des éléments.

26 Je suis reconnaissant au Juge van den Wyngaert qui a remarqué qu'au

27 niveau du compte rendu d'audience, page 82, ligne 3, la phrase qui est

28 écrite parle de "l'attaque systématique et à grande échelle," j'aurais dû

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1 dire "une attaque à grande échelle et systématique."

2 Pour des raisons qui ont été indiquées, les Juges de la Chambre

3 considèrent qu'il n'y a pas de base pour prendre une décision

4 d'acquittement par rapport à aucun chef présenté dans l'acte d'accusation

5 et par rapport à aucun des trois accusés, pas à présent.

6 Quand les Juges ont réfléchi aux exigences de l'article 98 bis. C'est

7 pour cela que les requêtes présentées en vertu de l'article 98 bis par

8 rapport à chacun des accusés ont été rejetées.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous souhaitons remercier tous les

11 conseils de leur participation. Nous allons lever la séance à présent. Nous

12 avons déjà dit quel est notre programme des travaux dans l'avenir par

13 rapport à la suite de la procédure.

14 --- L'audience est levée à 17 heures 03 sine die.

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