Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 8 septembre 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Malheureusement, M. le Juge

7 Thelin ne pourra pas être présent à l'audience. Conformément au Règlement,

8 la Chambre se composera de deux Juges uniquement.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur, Bonjour. Pourriez-vous vous

10 mettre debout et nous donner lecture du texte de la déclaration qui vous

11 sera tendu ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

14 LE TÉMOIN: ZORAN BASIC [Assermenté]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.

17 Maître Vasic.

18 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame le Juge,

19 Mesdames et Messieurs.

20 Interrogatoire principal par M. Vasic :

21 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Pour commencer --

22 L'INTERPRÈTE : Le conseil s'interrompt.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic, est-ce que vous pourriez

24 parler un peu plus fort, s'il vous plaît ?

25 M. VASIC : [interprétation] J'essaie de me rapprocher du micro. Je pense

26 que c'est cela qui pose problème. Les interprètes m'entendent-ils à

27 présent ?

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Vasic.

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1 M. VASIC : [interprétation] Avant de poser mes questions, je m'adresse à M.

2 le Greffier ou Mme l'Huissière. Peut-on transmettre les documents qui nous

3 seront utiles pendant l'interrogatoire ? J'ai un jeu pour chacune des

4 parties présentes. Merci.

5 Q. Bonjour, Monsieur.

6 R. Bonjour.

7 Q. Pourriez-vous vous présenter, s'il vous plaît ?

8 R. Je suis Zoran Basic.

9 Q. Monsieur, puisque nous parlons la même langue --

10 R. Oui.

11 Q. -- et puisqu'il est nécessaire d'interpréter nos propos pour que

12 les Juges de la Chambre et mes collègues de l'Accusation puissent suivre,

13 je vais vous demander de faire une petite pause avant d'apporter votre

14 réponse, pour donner le temps aux interprètes d'interpréter mes questions.

15 R. Oui.

16 Q. Le mieux, ce serait peut-être pour vous de suivre le texte qui

17 apparaît à l'écran qui est devant vous. Une fois que la phrase se sera

18 inscrite dans sa totalité, vous pouvez commencer à parler.

19 R. Oui, j'ai compris.

20 Q. Monsieur, vous êtes un officier de la JNA, officier à la

21 retraite ?

22 R. Oui, je le suis.

23 Q. Pouvez-vous nous esquisser votre parcours professionnel au sein

24 de l'armée ? Quelles sont les écoles que vous avez faites et quels sont les

25 postes que vous avez occupés dans le cadre de votre carrière dans la JNA ?

26 R. Dans le passé, je suis sorti des meilleures écoles, y compris de

27 l'école de la Défense nationale. J'ai occupé tous les postes allant du chef

28 de section jusqu'au chef du génie et chef d'une région militaire. J'ai

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1 toujours eu du succès dans l'exercice de mes fonctions. Ainsi, j'ai reçu

2 dans le cadre de mon travail les meilleures appréciations de la qualité de

3 celui-ci, les meilleures qui puissent exister.

4 Q. Merci. Lorsque vous êtes parti à la retraite, vous aviez quel grade,

5 s'il vous plaît ?

6 R. Lorsque j'ai pris ma retraite, j'avais le grade de colonel, mais

7 j'occupais un poste de général.

8 Q. Vous ai-je bien compris ? Vos responsabilités correspondaient en

9 réalité à ceux qu'entraîne, qu'englobe un poste de général ?

10 R. Non. J'étais chef de mon arme, mais compte tenu du succès dans mon

11 travail, la classe dans laquelle j'appartenais d'après la catégorisation

12 des postes, c'était la classe 6, qui correspond à la solde du général.

13 Q. Vous nous avez dit que vous avez servi à un moment donné au

14 commandement d'une région militaire. Pouvez-vous nous dire de quelle région

15 militaire il s'est agi et pendant quelle période vous avez occupé ce

16 poste ?

17 R. Lorsque je suis sorti de l'école de la Défense nationale, j'ai été

18 affecté au poste de commandement d'une unité importante au sein de la 1ère

19 Région militaire. Après trois années à ce poste, j'ai été promu et je suis

20 devenu chef d'une arme au sein de la région militaire, donc c'était au

21 poste le plus élevé, au commandement le plus élevé. C'était de 1969

22 jusqu'en 1973 que j'ai occupé ce poste-là et que je me suis acquitté avec

23 succès de mes responsabilités.

24 Q. Vous dites de 1969 à 1973, vous avez été chef de cette arme, mais de

25 quelle arme il s'agit ? Etait-ce précisément pendant cette période-là ?

26 R. Excusez-moi, j'ai fait une erreur. De 1976 à 1979, j'ai été commandant

27 de brigade, et de 1979 jusqu'en 1993, j'ai été à la tête d'une arme dans la

28 Région militaire de Belgrade, qui est la plus grande région militaire et

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1 qui englobait à l'époque plusieurs républiques : la Serbie, la Bosnie-

2 Herzégovine et la Croatie.

3 Q. Vous parlez de la Région militaire de Belgrade. On voit que

4 précédemment, vous avez évoqué la 1ère Région militaire ?

5 R. Oui, c'est cela.

6 Q. Les deux fois, vous avez pensé à la même. La période qui nous intéresse

7 ici, ce sont les années 1990, 1991. Pendant cette période-là, vous étiez à

8 la tête d'une arme dans la 1ère Région militaire; quelle arme, plus

9 précisément ?

10 R. A partir de 1979 jusqu'en 1993, j'étais chef du génie de cette région

11 militaire.

12 Q. Je vous remercie. Vous souvenez-vous en tant que chef du génie en 1991,

13 est-ce qu'on vous a confié une mission spécifique à partir du moment où les

14 troubles avaient commencé dans ce qui était à l'époque la République de

15 Croatie ?

16 R. Oui. Pendant cette période-là, nous étions plusieurs officiers

17 supérieurs qui avions de l'expérience. On nous envoyait nous acquitter de

18 missions spéciales. Un exemple : en 1991, nous nous sommes rendus à Mrkovci

19 dans la région de Vinkovci, où il a fallu qu'on surveille la situation.

20 C'était une mission complexe. J'ai aussi été à la tête des équipes qui se

21 sont trouvées à différents endroits du théâtre des opérations de Vukovar et

22 de Vinkovci.

23 Q. Vous nous dites que vous vous êtes rendu sur ce territoire et que votre

24 mission consistait à surveiller la situation. Vous bénéficiiez de l'aide de

25 qui pour ce faire ? Avec qui avez-vous collaboré pendant cette période-là ?

26 R. Je ne sais pas ce que vous entendez par là. Vous parlez de la situation

27 où la sécession était engagée ? Je ne vous ai pas compris.

28 Q. Oui, oui, je préciserai. Vous avez dit que vous avez été chargé de

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1 surveiller l'évolution de la situation. Etait-ce avant le début du conflit

2 armé, ou après ?

3 R. Je pense que cela a commencé avant le conflit armé puisqu'on avait des

4 attributions sur le territoire de la Croatie et on avait nos unités Osijek,

5 Donje Mikojac, Vukovar, et cetera. En ma qualité de chef, je me suis vu

6 confier une mission opérationnelle de me rendre auprès de ces casernes et

7 de leur fournir de l'aide.

8 Q. Merci. Vous souvenez-vous si cette mission d'aide à apporter aux

9 casernes fédérales, est-ce que vous l'avez continuée même à partir du

10 moment où le conflit armé s'était déclenché, où la sécession a commencé ?

11 R. Oui. Nous avions des attributions de pouvoir vis-à-vis de nos unités

12 que nous commandions. Nous avions des responsabilités vis-à-vis de

13 certaines unités de la région militaire. Nous avons poursuivi certaines de

14 nos activités conformément aux ordres émanant de la région militaire elle-

15 même.

16 Q. Très bien. Dites-moi, cette fonction qui a été la vôtre à ce moment-là,

17 est-ce qu'elle s'étendait sur la totalité du territoire de la République de

18 Croatie qui était partie intégrante de la 1ère Région militaire?

19 R. Oui.

20 Q. Merci. En fait, dites-moi jusqu'à quel moment vous êtes resté à ce

21 poste. Jusqu'à quel moment avez-vous exercé des fonctions vis-à-vis de ces

22 unités qui étaient subordonnées à la région militaire ?

23 R. Mais bien sûr que je m'en souviens, et comment. En 1992, en août de

24 cette année-là, j'ai pris ma retraite. Jusqu'au dernier jour, j'étais

25 compétent à la fois face aux unités opérationnelles de la 1ère Armée et face

26 à la Défense territoriale qui était engagée aux côtés de la JNA.

27 Q. Merci. Pendant cette période-là, en tant qu'un officier du commandement

28 de la 1ère Région militaire, est-ce que vous avez agi de la sorte également

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1 face aux unités de la Brigade motorisée de la Garde déployées près de

2 Vukovar ?

3 R. Je vais vous dire, vous ne vous êtes peut-être pas bien exprimé. Il y

4 avait une division, la 1ère de la Garde. C'était une brigade du secrétariat

5 fédéral. Vous pensez à la division ou à la brigade ?

6 Q. J'attends la fin de l'interprétation.

7 R. Excusez-moi.

8 Q. Je pense à la division de la garde qui, au cours de mois de septembre

9 1991, a pris part aux opérations de Vukovar.

10 R. Vous avez raison. J'avais même trop de responsabilités et d'obligations

11 eu égard à cette unité à la fois dans le cadre des préparatifs, et dans le

12 cadre de la mise en œuvre des missions de cette division de la Garde. A

13 plusieurs reprises, j'ai dû me rendre dans le secteur de Mrkovci, de

14 Pavlovci, de Bogdanovac -- de Bogdanovci, excusez-moi. J'étais dans le

15 secteur de Mrkovci où la Défense territoriale occupait -- tenait un

16 territoire. Je me suis occupé des unités qui étaient parvenues jusque-là.

17 Q. Merci. Dans le cadre de ces activités, est-ce que vous avez fait

18 rapport au commandement de la 1ère Région militaire et, si oui, de quelle

19 manière ?

20 R. Excusez-moi. Je réponds trop vite. Etre chef d'une arme, c'est un poste

21 de grande responsabilité. A chaque fois qu'il y a un mouvement, une action,

22 une activité, il faut faire rapport par écrit par oral. Nous rédigions des

23 rapports cryptés, et cela aurait été une grande omission de ne pas informer

24 de tout détail le commandement de la Région militaire. Tous les soirs, nous

25 avions des réunions d'information où on faisait rapport au commandement qui

26 suivait la situation.

27 Q. Cette façon de procéder, de faire des rapports, c'était une pratique

28 habituelle au sein du commandement de la 1ère Région militaire, également de

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1 la part des organes qui avaient d'autres domaines de responsabilité ?

2 R. Absolument. Certainement. J'ajoute que c'est le soir qu'on prenait les

3 décisions pour le lendemain. M. Mrksic le sait. Tous les autres officiers

4 qui se sont trouvés sous nos ordres, c'est suite à nos décisions qu'ils

5 agissaient. Dans la soirée, on avait une information par retour de leur

6 part, et en fonction de cela, on prenait des nouvelles décisions et on

7 émettait de nouveaux ordres. Tous les organes procédaient de la même façon.

8 Q. Merci. Dites-moi, à la mi-novembre à peu près, en plus de cette mission

9 qui vous avez été confiée précédemment, est-ce qu'on vous a également

10 chargé d'une mission spécifique liée à la fin des opérations dans le

11 secteur de Borovo, de Vukovar et de la Slavonie orientale ?

12 R. C'était cela, l'essentiel de mon suivi que je devais assurer pendant

13 toute la période, et de manière directe j'ai assuré la surveillance, l'aide

14 dans la région de Vukovar et Osijek. Ce n'était rien de neuf pour moi. A la

15 fin de ces opérations, on avait d'autres attributions, d'autres pouvoirs ou

16 responsabilités face à ces unités.

17 J'ajoute un détail. Dans le cadre de mes hautes responsabilités,

18 d'après un ordre émis par le secrétaire fédéral de la Défense nationale,

19 son département chargé des arrières, j'ai reçu l'ordre d'entreprendre des

20 mesures urgentes afin de procéder au nettoyage du territoire, de m'occuper

21 du territoire pour le nettoyer pour la population civile. Cela était une

22 tâche qui entraînait une grande responsabilité. Je pense que c'est la plus

23 grande de ma carrière.

24 Q. Je vous remercie.

25 M. VASIC : [interprétation] Je souhaite que l'on nous montre -- que l'on

26 nous affiche à l'écran le document 1D16, qui figure sur la liste 65 ter de

27 la Défense, ERN 0D0003. Excusez-moi, 1D16; c'est cela le numéro. Il y a une

28 erreur dans le transcript. ERN 0D000350 et 0D000351. En B/C/S, 0D00048 et

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1 0D00049. Merci.

2 Q. Monsieur le Témoin, vous voyez à présent ce document ? Est-ce que vous

3 avez reçu un exemplaire papier ?

4 R. Oui, je l'ai reçu.

5 Q. Puisque nous l'avons tous, on pourrait peut-être afficher la version

6 anglaise à l'écran. M. Basic, vous pouvez vous servir de cette version en

7 B/C/S, l'impression papier que vous avez.

8 Qui a émit cet ordre ? Pouvez-vous nous le dire, s'il vous plaît ? 1614-

9 176, c'est le numéro qui figure dans l'entête.

10 R. C'est le commandement de la région militaire qui a pris cet ordre.

11 C'était un ordre préalable avant que n'arrive l'ordre du secrétaire

12 fédéral. Il était nécessaire d'émettre cet ordre, vu les secteurs

13 d'opération, les axes d'opération. Il a fallu entreprendre certaines

14 mesures, de déminer. Certaines unités se sont mises au travail suite à

15 l'émission de cet ordre, et trois jours plus tard un autre ordre est arrivé

16 qui sera pertinent pour compléter cet ordre-ci et pour compléter et mettre

17 en œuvre les actions.

18 Q. Merci. Pour quelle raison est-ce qu'on a émit cet ordre qui porte sur

19 le nettoyage du terrain ? Quels sont les problèmes qui se sont posés ?

20 Qu'est-ce qui a incité le commandement de la 1ère Région à créer cette

21 commission qui allait s'occuper du nettoyage du terrain ?

22 R. Voyez-vous -- excusez-moi, je réponds trop vite.

23 De quoi s'agit-il ? Toutes nos règles, nos instructions, tout ce qu'il y

24 avait à voir avec le nettoyage du terrain, c'était toujours très ponctuel

25 et nous ne prenions en compte que des problèmes marginaux et jamais ne

26 tenaient compte de la totalité de la situation. J'ai proposé que l'on

27 rédige des instructions pour des moments critiques où il fallait agir sur

28 un territoire plus étendu, qu'il s'agisse d'opération de guerre ou de

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1 protection d'environnement. Tout ceci ne figurait pas encore dans nos

2 textes. Ces unités se sont trouvées face à certains phénomènes nouveaux. Je

3 dois dire que les problèmes les plus graves se sont posés pour ce qui est

4 de l'évacuation des corps, des personnes décédées ou du bétail, et il y a

5 été nécessaire et indispensable d'agir.

6 Q. Je vous remercie. Pourrez-vous, s'il vous plaît, ralentir votre débit.

7 J'ai l'impression que les interprètes sont un petit peu débordés. Je

8 remercie au passage les interprètes qui suivent vraiment très bien, mais si

9 vous pouviez ralentir, un petit peu, ce sera encore mieux.

10 Vous venez de dire qu'il y a eu des obstacles qui ont été posés, mais de

11 quels obstacles il s'agit ? Quels obstacles devaient être écartés, enlevés,

12 grâce à une opération synchronisée menée par la Région militaire ?

13 R. Dans cette guerre, on n'a pas tenu compte des obstacles. Les obstacles

14 devraient être répertoriés conformément aux conventions de Genève, ce qu'on

15 n'a pas fait dans cette guerre. On n'a pas respecté cette règle. Tout à

16 chacun a fait comme bon lui semblait. Je dois dire que les membres de la

17 Garde nationale croate, la ZNG, n'était pas formée non plus à cela. Il y a

18 eu des ponts dynamités dans le secteur de Nijemci, Mrkovci. Enfin, pour ne

19 pas m'étendre là-dessus, il y a eu des bombonnes à gaz qui ont été piégées

20 et posées à différents endroits, des engins explosifs installés dans des

21 immeubles à quatre étages, par exemple. Cela a été affreux. J'ai été frappé

22 de voir près d'un parc mémorial de Dudik, comment, de manière très

23 professionnelle, on a miné, on a miné le terrain en posant des mines

24 antipersonnel très puissantes qui ont causé des victimes très importantes.

25 Q. Attendez un instant. Je voudrais juste qu'on précise un point. Essayez,

26 s'il vous plaît, de ralentir un tout petit peu à cause de nos interprètes.

27 Au début de votre réponse, vous avez évoqué certains événements qui

28 se sont produits en dehors du règlement, mais qui a violé le règlement ?

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1 Qui a posé ces obstacles ou a créé ces obstacles contrairement aux

2 dispositions ?

3 R. Ceux qui ont perpétré ces crimes, c'est bien connu. J'avais une

4 autorité concernant le système d'obstacles et qui ont été placés. Cela a

5 été fait de façon tout à fait experte et sophistiquée. Notamment, lorsque

6 le pont sur la Nijemci a été miné, cela s'est fait de manière très

7 perfectionnée, très sophistiquée. Les mines antipersonnel ont été posées de

8 la même façon. Mais il faut que je vous dise une chose : Il y avait des

9 officiers très professionnels dans la Garde nationale croate qui avaient

10 été formés à Karlovac, à l'école d'ingénieur. Un certain Tolice était le

11 chef des ingénieurs en Croatie et c'est lui qui était responsable de placer

12 les mines dans toute la région de Vukovar.

13 Q. J'attends encore les interprètes. Dites-moi, qui était responsable du

14 territoire où ces obstacles ont été placés pendant le conflit armé ? Est-ce

15 que vous avez ces informations ? Qui était responsable de ce territoire ?

16 R. Bien entendu, je sais, puisque j'étais déployé sur ce territoire avant

17 même le conflit armé et pendant le conflit armé jusqu'à la chute de la

18 ligne de Jovanovci-Bijelo Brdo. Il s'agissait des forces de la Garde

19 nationale croate.

20 Q. Merci. Revenons-en à l'ordre que vous avez sous les yeux. Au deuxième

21 paragraphe, on peut lire l'objection de la création de cette commission.

22 Est-ce que vous voudrez bien nous en donner lecture très lentement ? Je me

23 réfère au paragraphe dans l'ordre 1614-8293. Est-ce que vous avez cet ordre

24 sous les yeux, en exemplaire papier ?

25 R. Oui.

26 Q. Veuillez vous reporter au deuxième paragraphe où il est question de la

27 nécessité d'instaurer une commission. Est-ce que vous voudriez bien nous

28 donner lecture des raisons pour lesquelles cette commission a été

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1 instituée ?

2 R. Il nous fallait respecter l'ordre donné par le secrétariat fédéral.

3 Notre tâche, d'après cet ordre, le commandement du 1er District a reçu des

4 informations concernant la situation sur le terrain qui était très

5 difficile à l'époque. Le secrétariat fédéral a émis cet ordre selon lequel

6 il est dit qu'il est nécessaire de sécuriser l'urgence, le secteur, trouver

7 les morts et les blessés, déminer les champs, ôter les engins explosifs,

8 enlever les mines et les engins explosifs sur le terrain. Tout cela

9 s'imposait afin de permettre aux gens de rentrer chez eux dans leurs

10 maisons dans les meilleurs délais. Il fallait instaurer les conditions

11 adéquates.

12 Je peux vous le dire sur la base de mon expérience, parce que c'est

13 que je souhaitais aussi; voir les citoyens de Vukovar et de Borovo qui

14 pouvaient rentrer chez eux. Je vais vous dire que dès le début du mois de

15 décembre, plus de 15 000 personnes ont pu rentrer à Vukovar.

16 A l'époque, nous n'avions pas compté combien il y avait de Serbes, ou

17 de Croates ou de Ruthènes. Nous étions officiers yougoslaves et tout le

18 monde était égal pour nous. Nous avons instauré les conditions de sécurité.

19 Je sais ce que la presse -- je peux vous dire ce que la presse a écrit au

20 sujet de nos succès sur ce territoire à l'époque, mais je peux vous dire

21 que nous avons contribué au bien-être de toutes ces personnes dans une

22 large mesure. Je crois que cet ordre était très précieux et que son

23 objectif a été réalisé.

24 Q. Merci beaucoup. Une commission a été mise sur pied conformément à cet

25 ordre, et cet ordre dit que la commission est composée, notamment, du

26 colonel Zoran Basic, du colonel Bratislav Stasic, du colonel Savo Djelasan

27 et le colonel Svetislav Kostic. Pouvez-vous nous dire si c'était bien la

28 composition de la commission et qui présidait cette commission ?

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1 R. C'était la composition de la commission, sauf pour le dernier membre,

2 qui, pour je ne sais quelle raison, n'a pas assisté aux travaux de la

3 commission mais les trois autres étaient présents. Ils étaient tous experts

4 dans le domaine de la sécurité, de l'ingénierie. En d'autres termes, nous

5 étions très professionnels et bien équipés pour mener à bien cette tâche,

6 et j'ai été nommé président de cette commission.

7 Q. Merci beaucoup. J'aimerais attirer votre attention ainsi que celle de

8 mes éminents confrères au dernier paragraphe de cet ordre. Le commandement

9 du 1er District crée cette commission, on voit cela juste au-dessus de la

10 signature de Vladimir Stojanovic, le chef d'état-major. Il est dit ici que

11 sur la base des propositions faites et les données rassemblées ou réunies,

12 un ordre institutionnel devait être émis afin que cette tâche puisse être

13 menée à bien.

14 J'aimerais bien savoir qui aurait rédigé cet ordre institutionnel.

15 Est-ce que vous le savez ?

16 R. Vous avez vu mes initiales au coin de la page, ZB. C'est déjà un

17 élément. J'étais le mieux à même, le plus compétent pour m'acquitter de

18 cette tâche, c'est moi qui avais passé le plus de temps sur le territoire.

19 Je connaissais bien la situation et je pouvais donc rédiger un ordre qui

20 serait réellement utile pour toutes les unités. J'étais celui qui pouvait

21 le mieux décrire la réalité de la situation.

22 Q. Si je comprends bien, veuillez me corriger si je me trompe, vous avez

23 rédigé cet ordre institutionnel visant à la mise en œuvre de cette tâche

24 adoptée par le commandement du 1er District militaire le 23 novembre 1991;

25 est-ce exact ?

26 R. Oui, tout à fait.

27 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame le Juge, je

28 demande le versement au dossier de cet ordre du commandement du 1er District

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1 militaire, 1614-176, ID16.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Tout à fait, la pièce sera versée.

3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce portant la cote

4 758.

5 M. VASIC : [interprétation] Merci beaucoup.

6 Q. Une fois que la commission a été mise sur pied, où êtes-vous allés,

7 vous et, je suppose, d'autres membres de la commission ? Où est-ce que vous

8 êtes allés ?

9 R. Puisque c'était moi qui surveillais la situation, dès qu'il y avait un

10 besoin qui surgissait quelque part, je me rendais sur place afin de tout

11 organiser, bien que des ordres étaient encore émis par le secrétariat

12 fédéral, des ordres concis afin que tout puisse être préparé. Mais

13 l'important, c'était de se rendre sur place aussi rapidement que possible.

14 L'hiver approchait, et les gens sur le terrain étaient confrontés à des

15 difficultés considérables. Il fallait nous mettre au travail et commencer à

16 agir sur le terrain.

17 On nous a dit d'aller à Dalj et de rester auprès du 12e Corps qui

18 s'appelait Bratic, à l'époque. C'est là où nous sommes allés. Les 22 et 23,

19 nous en avions terminé avec l'organisation de toutes nos forces, toutes nos

20 unités qui étaient exceptionnellement bien qualifiées, ce qui était

21 important, compte tenu des tâches complexes auxquelles nous étions

22 confrontés. Nous avions des pouvoirs, des attributions très larges,

23 personne n'avait le droit de faire obstacle à nos mouvements ou de limiter

24 nos compétences. C'était à nous de faire preuve d'initiative, d'organiser

25 le travail et la vie au quotidien dans la région.

26 Q. Merci beaucoup. J'étais sur le point de vous demander : s'agissait-il

27 de votre travail, de votre tâche qui a pris une tournure formelle en raison

28 de l'ordre émis le 23 novembre 1991, qui aurait officialisé votre tâche ?

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1 M. VASIC : [interprétation] Maintenant, est-ce qu'on pourrait voir le

2 document de la Défense 1D10, document 65 ter ? La cote ERN de la version en

3 anglais, c'est le 0D000469. Désolé, je me suis trompé, c'est en fait la

4 cote ERN 0D00037 à 0375. En B/C/S, il s'agit de 0D00371 à 372. Merci.

5 J'espère que nous avons tous un exemplaire papier de cet ordre.

6 Il s'agit d'un ordre strictement confidentiel, numéro 1614-182, le

7 commandement du 1er District militaire encore en date du 23 novembre 1991.

8 Est-ce que vous voudriez bien jeter un coup d'œil sur cet ordre et nous

9 dire ce dont il s'agit et sur quels autres ordres celui-ci se fondait ?

10 Est-ce que cela ne représente pas à peu près la même chose que l'ordre

11 institutionnel dont vous nous avez déjà parlé ?

12 R. Oui, certainement. Il s'agit certainement d'un document qui peut servir

13 de fondement afin qu'un ordre soit rédigé.

14 Il est assez clair normalement, dans la structure de l'armée, qui

15 émet des directives, et ensuite, dans la hiérarchie, qui est-ce qui doit

16 rédiger les ordres. Le temps est aussi un facteur important. Il faut savoir

17 quelles forces sont disponibles. Vous allez sans doute d'ailleurs poser des

18 questions plus tard au sujet des forces qui se trouvaient sur place.

19 C'était l'aspect le plus complexe de les organiser après les avoir

20 rassemblées.

21 Q. Merci beaucoup. Vous avez mentionné dans votre réponse le secrétariat

22 fédéral pour la Défense nationale. J'aimerais maintenant attirer votre

23 attention au début de cet ordre, donc 1614-182, et le passage intitulé:

24 "Signaux." Puis, on voit cet ordre du secrétariat fédéral, strictement

25 confidentiel, 693-106. J'aimerais savoir, s'agit-il de l'ordre auquel vous

26 avez fait allusion plus tôt dans l'une de vos réponses comme étant l'ordre

27 fondamental visant à nettoyer le terrain, qui ensuite a été suivi, l'ordre

28 qui a été suivi ou exécuté par le commandement du 1er District militaire ?

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1 R. Oui, tout à fait, avec certaines réserves, naturellement. Cela donne un

2 aperçu général de ce qui devait être fait.

3 Q. Merci. Nous allons revenir à la question que vous avez vous-même posée

4 il y a quelques temps. Quelles forces ont été mises sous le commandement de

5 la commission que vous présidiez ? Quelles étaient les forces engagées dans

6 la mise en œuvre de cette tâche et quelle était leur zone d'activité ?

7 R. Le commandement du district militaire, le SSNO, afin que ses tâches

8 puissent être menées à bien, devait donner l'assistance nécessaire. Les

9 forces étaient très variées. La situation était très complexe. Ce que

10 j'aimerais dire, notamment, c'est que la JNA a fourni les juges

11 d'instruction qui venaient du tribunal militaire de Belgrade, un juge

12 d'instruction de Belgrade et ses assistants. Ensuite, un organe du 50e

13 Régiment médical dirigé par Ljubomir Sljivovic, et différents organes de

14 l'Académie militaire médicale, l'institut médico-légal dirigé par le

15 commandant Zoran Stankovic.

16 Q. Merci beaucoup. Vous pouvez continuer, mais il y a un nom qui n'a pas

17 été consigné. Je vous prie, lorsque vous prononcez des noms propres,

18 faites-le aussi lentement que possible afin que tout puisse être consigné.

19 Le 5e Régiment médical --

20 R. Non, non, non, le détachement médical préventif dirigé par Ljubomir

21 Videnovic.

22 Q. Merci beaucoup. Il faudra vraiment qu'on fasse un effort pour prononcer

23 les noms correctement, parce que là, c'est la confusion dans le compte

24 rendu. Vous étiez en train de parler de cette unité médicale. Veuillez nous

25 dire lentement le nom de l'unité et le nom de celui qui la dirigeait, mais

26 lentement, s'il vous plaît, pour que tout le monde puisse comprendre.

27 R. Organes du 50e Détachement médical de protection et de prévention,

28 dirigé par le lieutenant-colonel Ljubo Videnovic.

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1 Q. Merci beaucoup de votre effort. Tout en énumérant les noms de ces

2 différentes unités, veuillez le faire comme vous venez de le faire, c'est-

3 à-dire lentement.

4 R. Organes de l'Académie médicale militaire, donc l'institut médico-légal,

5 dirigé par celui qui était à l'époque commandant, Zoran Stankovic. Ensuite,

6 des unités de mise en œuvre immédiate des tâches, la 305e Brigade

7 d'ingénierie. Ensuite, le 24e Régiment d'ingénieurs. Ensuite, le Régiment

8 d'ingénieurs 813, qui comptait environ 3 150 officiers et soldats et

9 environ 138 éléments, machines du génie. Ensuite, une compagnie pour la

10 protection biologique et chimique, et aussi les armes atomiques du 246e

11 Régiment de la défense atomique, biologique et chimique, ainsi qu'un

12 peloton, une section du système de défense de la ville de Belgrade, qui

13 était une autre unité de la JNA.

14 Q. Merci beaucoup. Il nous faut nous arrêter un instant avant de parler de

15 l'unité qui n'était pas -- qui ne faisait pas partie de la JNA. Vous avez

16 mentionné celles qui étaient intégrées à la JNA et cette unité en

17 particulier qui avait été mise à votre disposition, notamment après que

18 l'ordre institutionnel ait été émis. Une fois que vous vous étiez rendu

19 compte de tout ce qu'il fallait faire sur place, est-ce que cette unité a

20 été placée à votre disposition par le commandement du 1er District

21 militaire ?

22 R. Oui. Toutes ces unités ont été placées sous mon commandement direct. Le

23 hasard a fait que ces unités avaient été organisées sur le terrain même au

24 préalable, ont été soustraites de leurs formations normales, les plus

25 grandes unités auxquelles elles appartenaient, et ont été placées sous mon

26 commandement.

27 Q. Est-ce que ces unités dans la région couverte ou occupée par le 12e

28 Corps, est-ce que ces unités se trouvaient dans cette région où se trouvait

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1 votre QG avant le début de cette opération-là ?

2 R. Oui.

3 Q. Voudriez-vous nous dire quelles étaient les autres unités qui ne

4 faisaient pas partie de la JNA et qui ont participé à l'exécution de la

5 tâche qui vous avait été confiée ?

6 R. Pour ce qui est de ces unités externes, non-JNA, c'étaient les unités

7 suivantes : le ministère de l'Intérieur de la République de Serbie; le SUP

8 de Vojvodina, de la province de Vojvodina; ensuite, un juge d'instruction

9 de Novi Sad. Par ailleurs, des docteurs de différents instituts médico-

10 légaux ou de l'institut médico-légal de l'hôpital de Novi Sans doute. A

11 chaque fois que c'était nécessaire, nous aurions pu encore avoir

12 l'assistance d'autres. Parfois, c'était nécessaire. A un moment donné, il y

13 a eu une tâche, une initiative visant à obtenir l'aide de la Croix-Rouge de

14 cette région, ainsi que d'autres forces. Il y a des représentants de la

15 Croix-Rouge de Borovo Naselje qui nous ont aidés à nettoyer le terrain.

16 Nous ne pouvions pas faire grand-chose à ce propos, mais nous avions nos

17 propres forces, nos propres effectifs, des gens qualifiés, nos propres

18 techniciens, et nous avions tout ce dont nous avions besoin à Vukovar.

19 Q. Vous avez dit que vous aviez sollicité l'aide de la Croix-Rouge de

20 Borovo Naselje. Est-ce que vous avez également sollicité l'aide du

21 personnel de la Défense territoriale de Vukovar ?

22 R. Nous avons collaboré avec le commandant adjoint de la logistique,

23 Antic, de l'état-major de la TO. Il nous a soutenus, il nous a aidés, mais

24 c'était plutôt nous qui les aidions dans le cadre de certaines tâches. Ce

25 n'est pas tellement eux qui nous aidaient. Même les citoyens ordinaires

26 n'étaient pas disposés à nous aider afin d'évacuer les corps et enterrer

27 les cadavres. Finalement, nous avons dû réunir un certain nombre de

28 volontaires que nous avons rémunérés au quotidien pour qu'ils nous aident à

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1 cette tâche.

2 Q. Lorsque vous nous parlez de cette assistance ou collaboration, je ne

3 sais pas très bien comment qualifier cela, collaboration avec le commandant

4 adjoint de l'état-major de la TO de la logistique, est-ce que vous savez

5 exactement quel était le quartier général de cette TO ?

6 R. Bien entendu, puisque j'étais tout le temps en contact avec eux. Antic

7 était en poste à Velepromet. Toute la structure territoriale y était

8 unifiée ou centralisée. L'assemblée municipale se trouvait une rue plus

9 loin. Je connaissais le président de l'assemblée municipale. En fait, je

10 connaissais la plupart des membres de l'assemblée. Il fallait bien que

11 j'aie des contacts avec eux puisque j'avais vraiment besoin de toute l'aide

12 possible. Ils ont fait de leur mieux pour nous aider. Nous ne pouvions pas

13 leur en demander plus.

14 Q. Si je me reporte à l'ordre que nous avons sous les yeux,

15 notamment le point 1 qui décrit la composition des unités placées sous

16 votre commandement afin de mener à bien cette tâche, il est question

17 d'"organes de la SAO Krajina de Slavonija, de la Slavonie, de la Baranja et

18 du Srem [phon]." Est-ce que vous pourriez nous dire de quels organes des

19 provinces autonomes il s'agit ?

20 R. Nous n'avons eu aucun rapport avec eux et ils ne nous ont pas aidés.

21 Q. Bien que cela soit explicitement dit dans cet ordre du commandement du

22 district militaire, vous n'avez reçu aucun soutien de ces organes de la

23 province autonome ? Pouvez-vous au moins nous dire de quels organes il

24 s'agit ?

25 R. Je crois qu'il est plutôt fait allusion ici aux organes des alentours

26 de Vukovar, Slavonija, où nous avions des installations importantes, à

27 Borovo Naselje, Borovo Selo. En fait, c'est de Borovo Selo et des alentours

28 que nous avons reçu la plus grande assistance de la part des citoyens

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1 ordinaires, les personnes locales. C'est là où il y avait un siège. En

2 fait, sinon, nous n'en avons reçu aucune des mêmes personnes qui voulaient

3 bien nous aider à enterrer les cadavres.

4 Q. Merci beaucoup. J'aimerais en revenir à ce que nous avons dit plus tôt,

5 à ce que vous avez dit plus tôt, le fait qu'il y avait au sein de votre

6 groupe des juges d'instruction, des enquêteurs du tribunal militaire qui

7 avaient leurs propres compétences, et aussi des enquêteurs des organes

8 judiciaires civils. Quelles étaient leurs tâches ?

9 R. Sans eux, légalement, nous n'aurions pu accéder à aucun endroit,

10 notamment pour ce qui est de la découverte des fosses individuelles, des

11 fosses communes, pour ce qui est de l'indentification des cadavres. Enfin,

12 tout cela, c'était leur travail. Nous avons créé des groupes qui étaient

13 destinés à les protéger, à leur permettre donc une liberté de

14 fonctionnement et une sécurité physique pour qu'ils puissent, eux,

15 accomplir leur travail. Il fallait que nous les aidions. Il fallait qu'il

16 s'installe une espèce d'harmonie dans le fonctionnement, et nous n'avons

17 jamais eu aucun problème. Alors, je ne sais pas si c'est l'amour du travail

18 bien fait ou la volonté de terminer le travail convenablement, je crois

19 pouvoir dire que j'ai été fier d'avoir pu accomplir avec eux une tâche de

20 cette envergure-là.

21 Q. Merci. J'aimerais à présent vous demander si la tâche de ces instances

22 chargées d'instruction, mis à part les inhumations légales, y avait-il une

23 partie d'instruction pour ce qui est des délits au pénal éventuellement

24 commis, au cas où les causes de décès indiqueraient qu'il y a eu délits au

25 pénal ?

26 R. Il est certain qu'il y a eu de cela. Là aussi, ils nous ont aidés dans

27 un volume important. Nous n'avons pas eu, quand même, que très peu

28 d'exemples de ce type-là. Je crois que nous avons eu beaucoup trop de

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1 travail pour que tout un chacun puisse vaquer à autre chose. Cette partie-

2 là du travail, nous l'avons confiée à l'adjoint du commandant de la

3 logistique, M. Antic. Pour ce qui est des vols, des effractions, il prenait

4 des mesures. Maintenant, pour ce qui est de savoir dans quelle envergure et

5 de quelle façon les choses ont été poursuivies par la suite, je ne sais pas

6 trop.

7 Q. Dites-moi, est-ce que ces structures, y compris celles dont nous sommes

8 en train de parler au travers du fonctionnement de la commission, avaient-

9 elles des responsabilités vis-à-vis du commandement pour ce qui est de

10 l'accomplissement de ses tâches ?

11 R. Je vais vous dire. Nous savions parfaitement bien jusqu'où nous

12 pouvions aller dans le juridique. Nous savions quelles étaient les limites.

13 Nous avions désigné Alim Piovic [phon], et le jeune Saljic et autres.

14 C'était notre bras droit sur ces points-là. Toutes les ingérences qui

15 relèvent de ce domaine-là, nous les avons carrément abandonnées à ces gens-

16 là.

17 Q. Les personnes que vous venez de nous mentionner, étaient-ce des juges

18 d'instruction qui étaient sur le terrain, chargés de ce type de tâche ?

19 R. Oui, exactement.

20 Q. Veuillez m'indiquer, je vous prie, de quel secteur s'est occupée votre

21 commission pour ce qui est des tâches relatives à l'assainissement. Si vous

22 pouvez nous le dire, indiquez également la période concernée.

23 R. Voyez-vous, lorsque le commandement rédige des ordres sans connaître

24 l'envergure des tâches, nous avons dû nous compléter mutuellement, parce

25 que nous avons dû faire d'abord un hiver très rude, beaucoup de surfaces

26 glacées, et nous avons eu beaucoup de mal à excaver pour trouver les

27 victimes. Le 22 février, nous avons -- ou plutôt, jusqu'au 20 février, nous

28 avons réussi à déminer. Totalement, nous avons réussi à nettoyer

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1 totalement. Nous avons fait en sorte que les gens reviennent chez eux.

2 Puis, l'hôpital de Vukovar a été remis en état de fonctionnement.

3 Ce que nous n'avons pas réussi à faire sur le coup, nous l'avons

4 laissé pour le mois de mars, pour attendre des conditions climatiques plus

5 favorables. Nous avons quand même identifié 1 000 et quelques victimes, 300

6 et quelques ne l'ont pas été. Mais nous avons toutefois ramassé le tout au

7 niveau de l'usine de briques, de la briqueterie, et nous avons fait

8 intervenir nos médecins légistes pour aborder le problème. Excusez-moi, je

9 vais ajouter encore une chose. Cette tâche s'est poursuivie jusqu'au début

10 avril 1992.

11 Q. Merci. Nous allons revenir maintenant aux tâches particulières un peu

12 plus tard. J'aimerais maintenant que nous nous penchions sur l'ordre dont

13 nous avons parlé, à savoir 1614-182, point 8 de cet ordre, qui nous parle

14 des organes d'instruction militaire dans le district concerné. Je vais

15 donner lecture, et vous allez nous dire à nous ce que tout ceci signifie.

16 R. Bien.

17 Q. On dit d'abord : "L'instance d'instruction juridique militaire

18 désignera le nombre de personnes nécessaires pour l'accomplissement de

19 toutes les tâches relatives à l'identification des personnes décédées et

20 autres tâches qui relèveraient de leur compétence."

21 Est-ce là ce que vous nous avez dit, à savoir que le juge d'instruction

22 avait compétence pour ce qui est des tâches d'identification et toutes les

23 procédures accompagnant l'exhumation, l'indentification et la poursuite ou

24 la recherche d'auteurs de délits éventuels ou s'il y a des suspicions pour

25 ce qui est de la présence d'un délit au pénal ?

26 R. Vous avez tout à fait raison. Nous avons reçu de l'aide. Nous avons

27 reçu des représentants de la Cour suprême pour faire des constats et pour

28 nous aider. Je crois que les instances de l'instruction militaire ont fait

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1 le travail de façon très bonne. Alors, est-ce que le domaine d'intervention

2 aurait pu être plus grand ? Oui, c'est certain. On aurait pu poursuivre les

3 gens qui avaient commis des effractions, des cambriolages, mais nous ne

4 pouvions pas, avec tout ce qu'il y avait à faire, poursuivre les

5 cambrioleurs également. Mais nous l'avons quand même fait çà et là.

6 Q. Merci, Monsieur Basic. Je voudrais à présent attirer votre attention

7 sur le point 12 de cet ordre, où il est dit que le chef des transmissions

8 du 1er District militaire réorganiserait les activités du Groupe

9 opérationnel sud pour les besoins du commandement et la commission de la

10 ville.

11 Est-ce que cela signifie que ce qui avait auparavant été utilisé par le

12 Groupe opérationnel sud était désormais transféré comme transmission pour

13 l'usage du commandement de la localité de Vukovar et cette commission

14 chargée de l'assainissement ?

15 R. Il a bien fallu le faire, parce que le commandement de la garnison, à

16 savoir le commandement de la 80e Brigade motorisée à Vojnovic, s'est vu

17 confier la fonction du commandement de la garnison.

18 Deuxièmement, notre commission est intervenue sur le territoire entier de

19 la Slavonija, non pas seulement de la Slavonie. Non seulement à Vukovar,

20 mais on dit Vukovar et au-delà, donc il a fallu faire fonctionner un

21 système de transmission. C'est avec la 1ère Brigade de la Garde que nous

22 avions entretenu un système de communication. Il n'était pas question de

23 mettre en péril le système des transmissions, mais d'élargir ce système aux

24 structures qui avaient besoin de s'en servir.

25 Q. Merci. Page 23, ligne 15, je vous prie. On parle -- il faut dire

26 "Vojnovic", et pas "Vujovic", n'est-ce pas, en page 23, ligne 15 ?

27 R. Oui.

28 Q. Vous venez de mentionner le territoire sur lequel est intervenue votre

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1 commission. Cela m'incite à passer au paragraphe 17, le dernier, où l'on

2 dit que le chef des travaux communiquera un rapport quotidien sur la

3 réalisation des tâches par site particulier, et la commission, elle, au

4 quotidien, présentera au commandement un rapport sur la situation au niveau

5 du terrain.

6 J'aimerais que vous étoffiez un peu votre propos. Parce que vous vous

7 trouviez à la tête de cette commission, comment avez-vous informé le

8 commandement de la 1ère Région militaire ? Sous quelle forme et à quelle

9 fréquence l'avez-vous fait ?

10 R. Notre commission avait eu pour siège la briqueterie, non loin de

11 Velepromet, en face de Vupik. C'est bien Vupik que cela s'appelait. Nous

12 avions là notre poste de commandement, et le matin, nous organisions le

13 travail. Vers 16 heures, avant la tombée de la nuit, nous interrompions le

14 travail pour que les gens puissent être sortis de bien des endroits, parce

15 qu'on tirait partout en ville. Cette tâche relative à la collecte des

16 cadavres, une fois accomplie au niveau de la commission, était communiquée

17 par système codé au commandement de la garnison et au commandement du

18 district militaire. Cela s'est fait au quotidien. Il fallait bien qu'ils

19 soient au courant.

20 Pour des situations extrêmes, je prenais le radio émetteur pour en

21 informer le commandement, puisque j'ai eu une communication permanente.

22 Au niveau du commandement de la garnison, nous avons également organisé une

23 rencontre régulière ou des rencontres régulières avec le commandant de la

24 1ère Brigade de Réserve, M. Sljivic. Nous nous réunissions régulièrement

25 pour lui fournir une assistance sur tous les points pertinents. Il fallait

26 diriger tout cela, gérer tout cela. Le commandant n'était pas capable

27 d'exercer toutes ces tâches, donc il avait besoin de notre aide. Mais une

28 fois par semaine, j'allais directement entre quatre yeux, j'allais examiner

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1 la problématique avec le commandant adjoint chargé de la logistique, le

2 chef des services de santé et des services techniques. C'est là que l'aide

3 était notamment nécessaire.

4 Q. J'aimerais que vous repreniez les personnalités que vous venez de

5 citer, mais allez plus lentement, parce que les interprètes ne vous ont pas

6 suivi.

7 R. Le commandant du 1er District militaire ne pouvait rien faire sans ses

8 adjoints. L'adjoint du commandant chargé de la logistique était l'une des

9 instances; le chef des services de santé, deuxième organe; le chef des

10 transmissions, troisième; quatrième instance, le chef des services

11 techniques; et Mile Babic et autres. Ce sont là les instances qui étaient

12 présentes pour fournir une assistance directe au commandant, s'agissant de

13 toutes les questions pertinentes.

14 Q. Merci.

15 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais demander à

16 ce que cette pièce à conviction 1D10 soit versée au dossier.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera versé au dossier.

18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce à conviction 759,

19 Monsieur le Président.

20 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

21 Q. Vous nous avez parlé, Monsieur, de l'information communiquée au

22 commandant et aux adjoints du commandant du 1er District militaire. Y a-t-il

23 eu d'autres instances au niveau de ce 1er District militaire d'informer par

24 vos soins sur certains problèmes ou irrégularités qui survenaient et dont

25 vous auriez eu vent, et qui se rapporteraient à des volontaires ou aux

26 membres d'unités ?

27 R. Comment dire ? Nous avons fonctionné de façon extrêmement collégiale,

28 et les ordres du commandant du 1er District militaire ont été donnés. Il n'a

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1 pas fallu le répéter à chaque fois. Lorsque je m'adressais au chef des

2 services de santé pour une problématique, c'était résolu le jour même, ou

3 au service technique, ou alors au service logistique. Il n'y a pas eu de

4 confrontation en aucune façon.

5 Q. Au compte rendu d'audience, on dit que c'est une question, alors que

6 c'est une réponse qui vient d'être donnée. Maintenant, la question est

7 celle de savoir si vous avez connu un officier qui était le colonel

8 Petkovic. Pouvez-vous nous dire de qui il s'agissait à l'époque ?

9 R. Le colonel Petkovic était le chef du service de Sécurité dans le

10 district militaire. Il se trouvait à Sid. Ce n'était pas lui le grand chef,

11 mais c'était Mile Babic. Mais il a été l'un des adjoints en poste avancé à

12 Sid. Dans les situations critiques, j'ai dû m'adresser à lui pour que

13 certaines questions finissent par être résolues. Ces questions étaient des

14 fois des questions de nature grave. Il venait parfois en personne, mais pas

15 souvent. Ils estimaient que nous pouvions tout faire, et oui, nous nous

16 sommes occupés de toutes ces questions, pour autant que nous étions à même

17 de le faire. Mais des fois, il arrivait qu'il soit nécessaire de le voir se

18 déplacer de Sid pour nous venir en aide.

19 Q. Est-ce que cela signifie que lorsque vous l'informiez, il n'était pas

20 très porté à la solution de ces problèmes, quoi qu'en ayant eu pris -- en

21 ayant eu connaissance et s'agissant notamment des territoires que vous

22 aviez assainis ?

23 R. Vous venez de le constater à très juste titre, cela.

24 Q. Merci. Veuillez m'indiquer, je vous prie, Monsieur Basic, si cette

25 commission dans son ensemble, à la tête de laquelle vous vous trouviez,

26 avait au quotidien examiné des plannings aux fins de mieux accomplir ses

27 missions à l'avenir, et avez-vous demandé, à la fin de l'accomplissement de

28 ces tâches, une aide de la part des intervenants économiques sur le

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1 territoire entier de la Yougoslavie ?

2 R. Je vais vous le dire : notre commission a fonctionné de façon tout à

3 fait responsable. Pour ce qui est d'une assistance majeure de la part des

4 instances du pays, je dirais qu'on n'en a pas eu besoin. Le commandement

5 d'un district militaire, s'il ne pouvait pas résoudre le problème, que

6 voulez-vous que les autres viennent de résoudre. Nous sommes adressés à

7 plusieurs reprises à la SAO de la Krajina, mais, voyez-vous, de leur part

8 nous n'avons pas reçu d'aide. Il y avait un ministre de la Santé qui ne

9 nous ait pas venu en aide, parce qu'en fin de compte, c'était sa population

10 à lui. Le président de cette instance, qui est passé ultérieurement de la

11 Krajina vers Erdut, lui non plus ne nous a pas grandement aidé. Il faisait

12 -- il était là pour parader, mais il ne s'arrêtait pas au voiture pour nous

13 demander comment nous allions. A vrai dire, nous n'avons pas eu besoin

14 d'eux, parce que nous pouvions résoudre les problèmes tout seul. Toujours

15 est-il que cela nous aurait fait plaisir de les voir s'arrêter et nous

16 demander comment cela allait, ou de me faire preuve d'une volonté de nous

17 aider.

18 Q. Veuillez m'indiquer, je vous prie, et j'ai dit que nous allions revenir

19 sur le détail des missions concrètes qui étaient celles de votre

20 commission, mais ce qui m'intéresserait maintenant, c'est ce qui porte sur

21 la réparation des installations d'intérêt public pour faire revenir la vie

22 dans Vukovar, pour faire revenir la population.

23 Où avez-vous trouvé les matériaux nécessaires aux fins des

24 réparations, et qui est-ce qui vous les a fournis ?

25 R. Etre à la tête d'une commission nécessite bien des connaissances, de la

26 compréhension et des connaissances ou de la connaissance de possibilités.

27 S'agissant de l'hôpital de Vukovar, par exemple, j'ai pris un groupe

28 électrogène de 600 kilowatts, pour les besoins de l'hôpital de Vukovar.

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1 Cela est un exemple. Je le ramenais moi-même. J'ai ramené de Novi Sans

2 doute, de leurs usines, de verre des vitres pour l'hôpital. Ensuite, j'ai

3 pris 80 maçons, 80 ferrailleurs, et autres artisans et tailleurs pour les

4 besoins des réparations de l'hôpital.

5 Ce n'est ni le -- ce n'est pas la tâche du président de la commission

6 et de ses adjoints que de rester les bras croisés. Il doit être exposé au

7 feu de l'action, et il doit savoir à chaque fois où est-ce que l'on excave,

8 où est-ce que l'on exhume, où est-ce que l'on fait ceci ou cela. Je vais

9 vous dire ceci : Pour ce qui est de toutes les rues, à savoir sur 218

10 kilomètres, je dirais que nous les avons nettoyé pour qu'on puisse se

11 déplacer, et il n'y a pas eu une seule mine antipersonnel. Tous les

12 véhicules détruits. Tout a été déblayé. Il y a eu beaucoup de détritus au

13 niveau de la gare routière. Je dirais que nous sommes venus grandement en

14 aide à cette population qui a fini par revenir chez elle.

15 Pour ce qui est des rues, c'est nous qui les avons nettoyé à

16 l'attention des citoyens. C'est les citoyens eux-mêmes qui ont reconstruit

17 les murs endommagés et que sais-je.

18 Q. Avant que de prendre une pause, je voudrais vous poser une question

19 brève, et cela porte sur le système d'approvisionnement en eau potable.

20 Est-ce que ce système d'approvisionnement était interrompu, coupé ou pas,

21 et combien de temps vous a-t-il fallu pour remettre les choses en ordre ?

22 R. Ces installations étaient complètement détruites. Nous avons creusé des

23 puits pour les besoins de l'hôpital, mais à l'occasion de notre séjour,

24 nous avons complètement nettoyé le système d'alimentation. Nous avons

25 également aidé l'entreprise de l'approvisionnement en l'électricité pour

26 que tout soit remis en place, que les câbles soient remis en place, les

27 pylônes, ainsi que tout ce qui fait partie des installations haute tension.

28 Vukovar a recommencé à fonctionner. L'électricité et l'eau sont revenues.

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1 Tout ce qu'il fallait était rétabli.

2 Q. Merci, Monsieur Basic.

3 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être le moment se

4 prêterait-il à la prise d'une première pause.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Vasic. Nous allons

6 reprendre à 11 heures moins le quart.

7 --- L'audience est suspendue à 10 heures 25.

8 --- L'audience est reprise à 10 heures 52.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic.

10 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

11 Q. Je sais que les interprètes ont connu quelques problèmes. J'espère

12 qu'ils m'entendront mieux maintenant. Si tout va bien, je propose que l'on

13 reprenne nos travaux.

14 Monsieur Basic, avant l'interruption de la séance, on évoquait les tâches

15 de votre commission à Vukovar, à Borovo et dans une partie de la Slavonie

16 orientale. Vous nous avez dit quelles sont les unités qui ont pris part à

17 ces travaux, les unités qui ont été mises à votre disposition pour mener à

18 bien ce travail, mais il me semble qu'il y a eu une petite erreur où vous

19 avez parlé de la 1ère Brigade de la Garde. Je pense que vous parliez de la

20 division puisque la 1ère Brigade de la Garde n'existe pas.

21 R. C'était une erreur pour ce qui est des compétences de la 1ère Région

22 militaire face à la brigade, et la 1ère Division de la Garde. C'est ce que

23 son nom dit.

24 Q. Vous avez dit qu'en un temps record, vous avez pu permettre à

25 l'hôpital de fonctionner. Je souhaite vous présenter une photographie qui a

26 déjà été versée au dossier de l'espèce. On y voit précisément l'hôpital.

27 M. VASIC : [interprétation] La pièce 170, s'il vous plaît. C'est la

28 photographie numéro 11, ERN 00531266.

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1 Q. Monsieur Basic, reconnaissez-vous cette image ? Que voit-on ici ?

2 R. Oui. C'est l'entrée arrière à l'hôpital. Elle mène vers le sous-sol.

3 J'ai eu l'occasion de m'y trouver à plusieurs reprises, donc, je connais

4 bien les lieux. Sur la gauche, ce sont des fortifications. Je dois dire que

5 je suis d'avis que, d'une certaine manière, on a utilisé cet hôpital pour

6 mener des opérations de combat, car je suis entré dans toutes les pièces du

7 bâtiment et j'ai bien pris connaissance de la situation.

8 Dans le sous-sol et au premier étage, il y avait une circulation

9 d'eau, un circuit d'eau qui a été installé. Il s'agissait de centaines et

10 de centaines de litres d'eau nécessaires à des opérations de combat.

11 Mon collègue, Ivezic, mon très bon collègue, a été responsable de

12 l'hôpital, chef de l'hôpital. Tout d'abord, je dois dire que l'armée n'a

13 placé personne, n'a hospitalisé personne, mais qu'il a suffi d'un mois

14 qu'on y est toute une série de blessés, des gens qui se sont faits amputer

15 les jambes, et cetera.

16 L'hôpital a pu fonctionner. C'est certain.

17 Q. Attendez. A partir du 23, vous avez commencé à procéder au nettoyage ?

18 R. Oui.

19 Q. A ce moment-là, vous êtes arrivé à l'hôpital, au bâtiment de l'hôpital.

20 Vous pouvez me le confirmer ?

21 R. Oui.

22 Q. Puis, un autre point que je voudrais que l'on précise. Vous nous avez

23 dit que vous pensiez que c'était à des fins militaires qu'on a utilisé

24 l'hôpital. Mais vous y êtes arrivé plusieurs jours après la prise de

25 Vukovar. Il n'y avait plus d'armes dedans ?

26 R. On a sorti plusieurs cadavres de l'hôpital, mais je dois dire que face

27 à l'hôpital il y avait deux fosses communes de grande taille --

28 M. MOORE : [interprétation] Objection au sujet de ces questions posées eu

Page 11646

1 égard à l'hôpital. Mon confrère sait que nous avons signalé que les résumés

2 65 ter reçus n'étaient pas suffisants. C'est ce matin que nous avons reçu

3 les notes de récolement. Nous les avons reçues à 3 heures 50. Bien que ces

4 notes soient assez détaillées, on ne s'y réfère pas à l'hôpital. Donc, le

5 sujet aurait dû être évoqué dans le résumé si on allait en parler.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic.

7 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'avais pas

8 l'intention de parler de l'hôpital, mais le témoin m'a confirmé qu'en

9 l'espace d'un mois, ils ont remis l'hôpital en fonction. C'est la raison

10 pour laquelle je lui ai posé des questions là-dessus, mais je m'abstiendrai

11 de poser d'autres questions sur l'hôpital de toute façon. Puisque le témoin

12 s'y est trouvé un mois après la chute de Vukovar, il n'y a pas de

13 pertinence à cela.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suis heureux de vous entendre

15 employer ce terme, puisque effectivement, c'est un fait. Nombre de choses

16 que dit le témoin n'ont rien à voir avec le fond de l'espèce. Compte tenu

17 du rôle joué par le témoin, ce serait peut-être important de lui poser

18 d'autres questions qui pourraient être pertinentes.

19 La Chambre de première instance ne prendra pas en compte ce qui a été

20 dit au sujet de l'hôpital.

21 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

22 Q. Je voudrais maintenant revenir à la question du déminage de la ville.

23 J'ai annoncé ce sujet, j'ai dit que nous allions parler des différents

24 secteurs qui avaient été minés.

25 Est-ce que vous vous souvenez de quels secteurs il s'est agi, puisque

26 vous avez procédé au nettoyage ? Pouvez-vous nous dire de quel engin

27 explosif il s'est agi ? Pouvez-vous nous parler des méthodes du minage ?

28 Soyez le bref possible.

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1 R. Au sens large du terme, les villes de Vukovar et de Borovo on été

2 minées à l'aide d'engins explosifs. Le déminage a été fait selon une

3 méthode prévue, planifiée afin de mener à bien ces tâches le plus vite.

4 Seize mille mines antichars ont été sorties par nous de Vukovar, de

5 l'aéroport et de Borovo Naselje. Sept tonnes d'explosifs et d'autres engins

6 explosifs, des bouteilles à gaz, ceci vous permettrait de comprendre à quel

7 point on a eu une situation difficile dans ce secteur. Pour ce qui est du

8 réseau routier et de l'axe Borovo-Dalj-Bogojeva [phon], Vukovar-Sotin-Sid,

9 Vukovar-Bogdanovci, Vukovar-Negoslavci, Vukovar-Brsadin et Vukovar-Trpinje,

10 tout cela ce sont les axes minés. Pour ce qui est de Vukovar lui-même,

11 c'est en particulier les ponts et sur la rivière Vuka qui ont été minés,

12 ainsi que le port fluvial de la ville.

13 Ensuite, Luzac, ou dans la direction de Luzac, puis Mitnica, ce

14 quartier-là. C'étaient les secteurs où il y a eu le plus de mines ou

15 d'obstacles dressés.

16 Q. C'est le centre qui nous intéresse plus, le centre-ville. M. VASIC :

17 [interprétation] La pièce 256, s'il vous plaît, la photographie numéro 6.

18 Excusez-moi, pièce 256, la photographie numéro 6, ERN 00531236. Merci. Nous

19 voyons cela s'afficher à l'écran.

20 Q. Monsieur Basic, est-ce que vous reconnaissez cette image ? Que voit-on

21 ici ?

22 R. Oui, je reconnais. Vous avez ici la gare routière, le marché, et vous

23 avez la voie sur la gauche qui mène vers l'hôpital, vous avez la voie qui

24 mène vers le centre commercial et vers l'hôpital, vous avez la marina.

25 C'est cette partie-là qui a été minée en particulier, très fortement.

26 Q. Si vous pouviez avoir l'amabilité de ralentir votre débit comme pendant

27 la première partie, ce serait très utile, s'il vous plaît.

28 M. VASIC : [interprétation] Madame l'Huissière, est-ce qu'on pourrait

Page 11648

1 remettre le crayon magique, comme mon confrère Moore l'appelle, pour que le

2 témoin puisse nous montrer les zones minées avant que l'équipe de nettoyage

3 n'intervienne ?

4 R. Le point en amont sur la Vuka, toute cette partie-ci, voici, et les

5 barrages des ponts, l'un comme l'autre, la marina et aussi cette rue qui

6 allait vers l'hôpital, je dois dire que cette rue aussi a été pas mal

7 minée. C'est pour ce qui est de la partie que l'on voit ici à l'écran.

8 Puis, Mitnica, Oljinica [phon], ce sont aussi des quartiers qui ont été

9 fortement minés. Oljinica, un peu sur la gauche vers Luzac depuis

10 l'hôpital, c'est cette partie-là qui a été fortement minée. Nous avons

11 perdu deux soldats de la 305e Brigade là-bas.

12 Q. Merci. S'il vous plaît, est-ce que vous pouvez inscrire un chiffre, le

13 chiffre 1 pour marquer les secteurs minés au niveau des ponts sur la Vuka ?

14 Puis, inscrivez un 2 pour la marina -- non, vous avez dit 3 pour la marina.

15 Et le 2 --

16 R. Le 2, c'est là où vous aviez ce nœud routier, la gare routière.

17 Q. La flèche qui mène vers l'hôpital, vous pouvez inscrire un 4, ici.

18 R. [Le témoin s'exécute]

19 Q. Je vous remercie.

20 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que nous pouvons

21 verser au dossier la photographie qui vient d'être annotée ?

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera versé au dossier.

23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce 760, Monsieur le

24 Président.

25 M. VASIC : [interprétation] Je vous remercie.

26 Q. Monsieur Basic --

27 M. VASIC : [interprétation] Madame l'Huissière, nous n'aurons plus besoin

28 de votre aide pour le moment. Nous aurons d'autres photographies, mais ce

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1 sera plus tard.

2 Q. Monsieur Basic, votre équipe a eu besoin de combien de temps pour

3 déminer Vukovar et la zone autour de Vukovar ? A quel moment ceci a été

4 terminé ?

5 R. Chacune des unités a agi d'après la sectorisation de Vukovar jusqu'à

6 Vucedol et le cimetière bulgare, parce que là, vers Vucedol aussi, le

7 quartier était très miné. Chacune des unités s'est vu assigner une zone. La

8 305e, qui était l'unité la plus forte, s'est vue affectée au quartier de

9 Borovo Naselje. Elle était la plus expérimentée et la mieux formée sur le

10 plan professionnel. Elle avait le plus d'effectifs. La 24e était stationnée

11 sur la droite, vers Oljinica. Puis, la 813e s'est vue envoyée vers le

12 cimetière bulgare, la Dubrava, Jakvolac [phon], Ovcara, cette partie-là,

13 là-haut. Le territoire était entièrement recouvert. On s'est mis au travail

14 sur-le-champ, et cela a été terminé vers le mois de décembre, le 25, le 28.

15 Certaines unités se sont mises à quitter le territoire et à retourner chez

16 elles à ce moment-là.

17 Q. Vous pouvez nous dire à partir de quel moment il n'y avait plus de

18 danger pour la population civile au centre-ville, aucun danger d'engins

19 explosifs ?

20 R. Voyez-vous, la Radio Slavonie libre a été utilisée par nous tous les

21 jours. Un jour sur trois, sur quatre, je m'adressais aux citoyens pour leur

22 parler de leur comportement. On les mettait en garde disant que le pillage

23 dans ces habitations pouvait être très risqué, parce qu'on pouvait être

24 blessé grièvement en faisant cela. On a pris des mesures pour leur assurer

25 leur sécurité d'une autre manière. Puis, on mettait en garde les citoyens

26 pour qu'ils interviennent et qu'ils nous en avertissent si jamais ils

27 voyaient un explosif, un engin explosif chez eux, sur leur propriété. On

28 avait des petites unités qui pouvaient agir si elles étaient mises en

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1 alerte, informées. Les gens effectivement nous en informaient. Même pour ce

2 qui est de certaines tombes, il nous est arrivé de procéder à des

3 exhumations suite à leurs informations, et nous avons trouvé des gens.

4 Nous n'avons pas eu des cas de décès dans ces quartiers. Il y a eu

5 des mines posées. Par exemple, il y a eu des gens qui ont perdu une jambe

6 parce que leurs voisins avaient posé une bombe. Là, on a procédé à des

7 enquêtes et des instructions.

8 Q. Monsieur, est-ce que c'est le mois de décembre où cela se passe ?

9 R. Oui, fin novembre et décembre.

10 Q. En plus du déminage et de ce que vous avez fait pour sécuriser la

11 région, pour permettre la libre circulation, vos unités devaient également

12 évacuer les cadavres du bétail et des animaux pour qu'il n'y ait pas

13 d'épidémies, de contagions à Vukovar ?

14 R. [aucune interprétation]

15 Q. Vous pouvez nous dire où vous avez enterré les corps des animaux qui

16 ont été évacués et enlevés ?

17 R. Ce n'était pas seulement dans le secteur de Vukovar, mais aussi dans

18 toute la Slavonie, puis vers Nijemci, vers l'autoroute. La situation était

19 affreuse. Il y avait tant d'animaux et de bétail morts. Il y avait de la

20 nourriture énormément, mais il n'y avait pas d'eau. Une partie des animaux

21 étaient morts à Ovcara et Jakupovac. C'était un nombre considérable

22 d'animaux, et on les a enterrés sur place, et les autres, à Vukovar.

23 On avait un détachement de prévention qui avait un grand nombre de

24 véhicules, de bulldozers qui chargeaient les corps et les enterraient. Nous

25 avions des unités chargées de creuser des fosses. Nous avions l'unité

26 chargée de décontamination des fosses, et tout ceci afin de nettoyer le

27 terrain de Vukovar au plus vite du bétail mort.

28 Je dois dire que nous avons trouvé sur le territoire de Vukovar et de

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1 Borovo environ 15 000 cadavres de bétail.

2 Un point de plus. On a demandé aux unités, y compris au détachement

3 de prévention pour ce qui est de Jakupovac, Ovcara, Sutin et d'autres

4 localités, d'hospitaliser, pour ainsi dire, le bétail trouvé, donc de les

5 accueillir, et plus de 27 000 ou 28 000 animaux ont pu être placés dans une

6 sorte de quarantaine. Pendant deux mois, on n'avait pas le droit de toucher

7 à ce bétail. Par la suite, en passant par les organes compétents, on les a

8 placés ailleurs pour l'élevage, et cetera. Cette quarantaine a dû être mise

9 en place pour ce bétail.

10 M. VASIC : [interprétation] Pourrions-nous voir la pièce 256, la photo

11 numéro 20, cote ERN 00531250 ?

12 Q. Est-ce que vous reconnaissez cet endroit ? Est-ce que j'aurais besoin

13 de préciser ?

14 R. Non, non, pas du tout. Il s'agit d'Ovcara, la région d'Ovcara. Il

15 s'agit de la route entre la route principale et le bâtiment administratif.

16 A la droite de ce bâtiment, c'est là où nous avons creusé de grands canaux,

17 de grandes tranchées où nous avons mis les carcasses que nous avons

18 recouvertes de terre, tant sur la droite que sur la gauche de l'immeuble

19 administratif.

20 Q. Est-ce que l'huissière voudrait bien nous aider afin que le témoin

21 puisse annoter la photo et nous montrer les endroits où les carcasses ont

22 été enterrées afin d'empêcher ou de prévenir des épidémies ?

23 R. J'ai vu cet endroit quand j'en ai fait le tour, et il y en avait là,

24 aussi. Le chiffre 1 montre l'endroit principal. Là, il y a cet autre

25 endroit, le chiffre 2.

26 Q. Bien. Nous n'aurons plus besoin de l'aide de l'huissière.

27 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que nous pouvons

28 demander le versement au dossier de cette photo annotée ?

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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La photo sera versée.

2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 761.

3 M. VASIC : [interprétation] Merci. Nous n'aurons plus besoin de l'aide de

4 l'huissière jusqu'à ce qu'on montre au témoin la photo suivante.

5 Q. Maintenant, j'aimerais passer à la question de l'exhumation des corps

6 et de leur identification. Ce fut une des tâches les plus importantes de

7 votre commission et des unités qui étaient subordonnées à cette commission.

8 Voudriez-vous nous dire comment est-ce que votre équipe fonctionnait,

9 ceux de votre équipe qui devaient localiser, exhumer les corps, les

10 identifier et les enterrer à nouveau ?

11 R. Je dois vous dire que c'était vraiment la partie la plus difficile de

12 notre travail pour plusieurs raisons liées aux familles des personnes

13 décédées et aux victimes. Je dois vous dire que c'est vraiment le meilleur

14 travail que nous avons fait dans cette région. Nous avons installé à

15 Ciglana un poste d'identification très large où travaillaient de nombreux

16 médecins, chirurgiens, dentistes, médecins légistes, toutes les personnes

17 dont nous avions besoin afin de pouvoir identifier les gens.

18 Je dois vous dire que nous avons pris soin de situer ou de retrouver les

19 corps et de consigner les emplacements où ils avaient été trouvés. Nous

20 avons rédigé plusieurs documents à cet effet, un premier document sur

21 l'endroit où un corps avait été trouvé. Aucun militaire n'avait le droit de

22 faire quoi que ce soit avant que des avocats et des techniciens soient

23 venus sur place et avant que tout ait été consigné, quant à ce que l'on

24 avait trouvé sur la victime.

25 Ensuite, le cadavre était placé dans un sac assorti de certaines

26 informations, et transporté au lieu d'identification, où les conditions de

27 travail étaient les meilleurs possibles. Nous avions des tentes chauffées,

28 de l'eau chaude pour pouvoir laver les cadavres, et ainsi de suite, ensuite

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1 des médecins qui étaient sur place qui ont analysé les blessures et tous

2 les autres détails se rapportant au décès.

3 Nous avions aussi des comptes rendus où l'on consignait tout ce qui avait

4 été trouvé sur les cadavres. Nous respections des règles très strictes.

5 Nous veillions à ce que l'on se conforme entièrement à ces règles. Cela a

6 duré des jours. On s'occupait de transférer ces cadavres, de les amener à

7 l'endroit approprié.

8 Il y avait aussi un lieu où les cadavres étaient examinés et où l'on

9 rédigeait les rapports d'autopsie. Puis, il y avait toutes sortes d'autres

10 rapports aussi concernant les empreintes digitales, les empreintes

11 dentaires et ainsi de suite, afin d'être sûrs que nous puissions bien

12 identifier ces cadavres.

13 Après tout cela, les victimes ont été enterrées au cimetière bulgare de

14 Bugarsko Groblje, avec toute la dignité qui s'imposait lors d'une cérémonie

15 digne.

16 Q. Vous avez dit qu'avant que l'autopsie ne soit effectuée, le cadavre

17 avait été examiné par des organes d'enquête, et ce n'est qu'après que

18 l'autopsie ait été faite.

19 R. Oui, en effet. Des techniciens experts en crime étaient sur place afin

20 de donner leurs analyses et leurs évaluations.

21 Q. Une fois que le corps était remis aux médecins légistes à des fins

22 d'autopsie, est-ce que l'on consignait les blessures ? Est-ce qu'il y avait

23 des dessins, des graphiques qui reflétaient les blessures ?

24 R. C'est une des questions les plus sensibles. Non seulement les médecins

25 légistes, mais d'autres médecins avaient des dessins du corps humain et ils

26 annotaient sur ces dessins les blessures. En même temps, tous les détails

27 de fait étaient consignés dans le rapport d'autopsie. C'était obligatoire.

28 On consignait également les analyses dentaires, et nous avons eu beaucoup

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1 de succès dans cette entreprise. Nous avons réussi à traiter ainsi 1 300

2 cadavres jusqu'au mois de décembre.

3 Q. Très bien. Vous avez mentionné qu'un très grand nombre de personnes ont

4 été identifiées. Qu'est-ce que vous avez fait une fois que ces victimes ont

5 été identifiées ? Est-ce que les familles ont été informées ?

6 R. Nous avons pris toute une série de mesures. Si la personne était du

7 territoire de Slavonie orientale, oui, la famille de la personne était

8 informée par Glas Slavonia et d'autres médias. Nous avions également un

9 bureau d'information à Ciglana, et cela fonctionnait aussi très bien. Les

10 familles pouvaient venir chercher les corps dès que possible.

11 Lorsque nous n'avions pas d'information suffisante, lorsque nous n'avions

12 pas réussi à identifier la personne, nous procédions à l'enterrement du

13 cadavre tout en veillant à ce que les rapports soient préservés. Si la

14 famille ne pouvait pas venir chercher le corps tout de suite, elle pouvait

15 encore le faire plus tard.

16 Q. Est-ce que cela veut dire que pour chaque cadavre que vous aviez

17 enterré, vous saviez exactement où ce cadavre était enterré et où trouver

18 les informations afin que si une famille venait plus tard, vous pourriez

19 facilement retrouver le cadavre ?

20 R. Oui, tout à fait. Jusqu'à la fin du mois de décembre, nous nous

21 réunissions avec des attachés militaires et d'autres représentants

22 internationaux. Nous leur décrivions nos procédures, les procédures que

23 nous appliquions à Ciglana. Le commandant Stankovic s'est réuni avec eux.

24 Il y avait aussi des caméras de la télévision. Nous avons expliqué la

25 procédure que nous suivions par rapport aux cadavres déterrés sur le

26 territoire de Vukovar.

27 Q. Merci. Vous nous avez dit que ces corps ont été enterrés au cimetière

28 bulgare.

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1 M. VASIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions maintenant voir la

2 pièce 156 ? Il s'agit d'une carte de Vukovar. Je pense qu'il s'agit de la

3 carte de Vukovar à petite échelle qui apparaît à l'écran. Est-ce que nous

4 pourrions faire un gros plan sur le centre ? Voilà, cela, c'est parfait.

5 Non, il faudrait revenir un petit peu en arrière. Voilà. Là, c'est parfait.

6 Q. Monsieur Basic, je suppose que vous connaissez bien cette carte.

7 R. Oui.

8 Q. Certains endroits sont indiqués.

9 R. Sur la gauche, on voit la forêt de Dubrava, et sur la droite, le

10 cimetière, là au centre.

11 Q. J'aimerais demander à l'huissière de vous tendre de nouveau le crayon

12 magique afin que vous puissiez indiquer l'endroit du cimetière où vous avez

13 enterré des cadavres que vous aviez exhumés à Vukovar.

14 R. [Le témoin s'exécute]

15 Q. Vous avez mis le chiffre 1 ?

16 R. Oui. Mala Dubrava présente également un intérêt parce que cela avait

17 été miné, extrêmement miné.

18 Q. Est-ce que vous voudriez bien indiquer sur la carte cette zone de Mala

19 Dubrava et l'annoter du chiffre 2 ?

20 R. Il s'agit de routes ou de chemins de forêt qui ont été minés,

21 considérablement minés.

22 Q. Merci beaucoup.

23 M. VASIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions demander le versement

24 au dossier de cette pièce ?

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cette pièce sera versée.

26 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] En fait, il va falloir annoter la

28 carte de nouveau.

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1 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Oui, nous allons

2 le faire très rapidement.

3 Q. Monsieur Basic, est-ce que vous voudriez bien une fois de plus indiquer

4 où se trouve le cimetière bulgare où les cadavres exhumés à Vukovar ont été

5 enterrés, à nouveau ?

6 R. [Le témoin s'exécute]

7 Q. Maintenant, mettre un chiffre 2 à côté de la forêt de Mala Dubrava dont

8 vous dites que la forêt avait été considérablement minée ?

9 R. [Le témoin s'exécute]

10 Q. Merci.

11 M. VASIC : [interprétation] Maintenant, Monsieur le Président, j'aimerais

12 demander le versement au dossier de cet élément de preuve.

13 M. LE GREFFIER : [interprétation] La carte annotée sera la pièce 762.

14 M. VASIC : [interprétation] Merci.

15 Q. Monsieur le Témoin, dans la première partie de mon interrogatoire, je

16 vous ai posé des questions concernant le colonel Petkovic, la manière dont

17 vous répondiez devant lui et le fait qu'il ne voulait pas réagir. Qu'est-ce

18 que vous entendez par là ? Pourquoi ne réagissait-il pas ?

19 R. Cette question s'est posée -- vous voyez, cette question avec le

20 dirigeant ou le chef chetnik Kamena, six personnes ont été tuées. C'était

21 aux alentours du réveillon je suis arrivé sur place de toute urgence. Il y

22 avait beaucoup de sécurité sur place et j'ai demandé à Petkovic de venir

23 aussi de toute urgence. Je vous ai dit ce qui s'est passé.

24 Q. Vous nous avez dit qu'il n'est pas venu.

25 R. Non, il n'est pas venu. J'étais venu pour tenter de maîtriser la

26 situation en cet endroit, l'installation Kijena. On aurait pu me tuer parce

27 que j'avais un fusil. On me menaçait.

28 Q. J'aimerais vous poser encore une question : Est-ce que le colonel

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1 Petkovic vous a informé ou parlé du cimetière à Ovcara, du fait que 200

2 personnes environ avaient été exécutées à Ovcara ? Est-ce que vous avez

3 appris cela de la part du colonel Petkovic ?

4 R. Permettez-moi de vous répondre ainsi. Sur le territoire de Vukovar, je

5 m'intéressais surtout aux fosses communes. Nous étions très fiers du fait

6 que nous enterrions ces corps, que nous voulions aider ces gens, quel que

7 soit le côté duquel ils se trouvaient ou s'étaient trouvés. Nous avons

8 enterré toutes les personnes avec la plus grande dignité, c'était notre

9 priorité absolue.

10 Cela dit, je suis très certain que si j'avais su où était cette autre

11 fosse, j'aurais aussi exhumé les corps de cette fosse-là, mais je n'avais

12 pas les informations nécessaires. Il y avait quelques soldats de la TO qui

13 m'avaient donné quelques indices, mais je n'avais pas l'information exacte,

14 donc je ne pouvais pas savoir. Je me suis déplacé sur le territoire de

15 Jakupovac, mais je n'avais aucune information exacte quant à l'endroit où

16 cela se trouvait, donc je ne pouvais pas réagir.

17 Q. Vous n'avez jamais reçu d'informations de la part du colonel Petkovic ?

18 R. Non, je suis sûr que cela n'a jamais été le cas. Petkovic et moi-même,

19 nous étions de bons amis. C'est ainsi que je vous décrirais notre relation.

20 Q. Merci beaucoup, Monsieur Basic.

21 M. VASIC : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions pour ce témoin.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Vasic.

23 Maître Borovic.

24 Interrogatoire principal par M. Borovic :

25 Q. [interprétation] Bonjour. Je suis Borovoje Borovic et je représente

26 Miroslav Radic.

27 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que nous

28 pourrions voir à l'écran la pièce 761, s'il vous plaît ?

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1 Q. Vous voyez cette photo à l'écran ? Il y a quelques instants, vous avez

2 annoté cette photo. Vous avez mis le chiffre 1 près de l'endroit où vous

3 avez enterré les carcasses. Il en va de même pour l'endroit à côté duquel

4 vous avez mis le chiffre 2. Ma question est la suivante : Etiez-vous les

5 premiers à entreprendre ces tâches de nettoyage après la chute de Vukovar

6 et d'Ovcara ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-ce qu'il y avait d'autres personnes qui avaient aussi le droit

9 d'exhumer et d'enterrer, outre les membres de votre commission ?

10 R. Non.

11 Q. Est-ce que vous voudriez bien nous dire si vous vous souvenez si dans

12 cette zone que nous voyons à l'écran où vous avez mis le chiffre 1, là où

13 vous avez enterré les carcasses, est-ce que vous avez trouvé des fosses où

14 il y avait des cadavres humains ?

15 R. Non.

16 Q. Plus tard, lorsque vous en aviez terminé avec votre mission à Vukovar,

17 est-ce que par la suite vous avez reçu quelques informations que ce soient

18 concernant le fait que de l'autre côté de la rue par rapport au hangar, il

19 y avait une sorte de fosse ?

20 R. Non.

21 Q. Encore une question. Lorsque vous avez physiquement exécuté ce

22 nettoyage et exhumé la fosse où il y avait ces carcasses, est-ce que vous

23 avez trouvé des fosses vides, ou n'y avait-il pas la moindre trace

24 d'enterrement qui avait eu lieu sur place ?

25 R. Il n'y avait absolument rien sur place.

26 M. BOROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame le Juge, je

27 pose ces questions afin d'expliquer à la Chambre -- donc je vous situe ma

28 question. Cela se trouve à la page 5 008, ligne 2. En ce qui concerne le

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1 Témoin P022, c'est cette référence-là qui motive la question que je viens

2 de poser au témoin.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Borovic.

4 Monsieur Lukic.

5 M. LUKIC : [interprétation] Je n'ai pas de questions pour ce témoin,

6 Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

8 Oui, Monsieur Moore, vous avez la parole.

9 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie.

10 Contre-interrogatoire par M. Moore :

11 Q. [interprétation] Monsieur Basic, je n'ai que quelques questions pour

12 vous, mais je pense qu'il convient de dire que vous avez indiqué à quel

13 point votre passé militaire était excellent. Vous avez eu d'excellents

14 résultats dans tout ce que vous avez fait. Même en étant modeste, vous

15 conviendrez que c'est exact, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. J'aimerais juste revenir sur une ou deux choses. Vous dites, et vous

18 avez dit dans le cadre de votre déposition, que vous avez obtenue, été

19 diplômée des meilleures écoles militaires possibles, y compris l'école de

20 la Défense nationale. Vous avez tous les grades possibles, de commandant de

21 section à commandant. Qu'est-ce que cela veut dire exactement ? Est-ce que

22 vous pouvez nous donner une meilleure idée de l'étendue de votre

23 expérience ?

24 R. Permettez-moi de vous dire. J'ai eu énormément d'expérience pendant

25 toute ma carrière. J'ai de l'expérience dans la construction. J'ai pu

26 apprendre auprès de très nombreuses personnes, des profanes aux personnes

27 ayant le plus d'expérience et le plus de connaissance. Grâce à cette

28 expérience et toute la pratique que j'avais eues, j'ai réussi à gérer tous

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1 les problèmes auxquels j'ai été confronté dans ma vie.

2 J'ai assisté à de nombreuses écoles militaires, l'académie, l'école

3 de la guerre, et toutes ces expériences m'ont aidé à tirer partie de mes

4 connaissances pour promouvoir le bien-être de mon état qui existait à

5 l'époque. A l'époque, nous étions tous Yougoslaves, si je peux m'exprimer

6 ainsi, et ma vision du territoire où j'étais déployé reflétait cette

7 réalité.

8 Q. Ce que j'essaie d'expliciter, c'est que vous dites que vous avez occupé

9 un grade équivalent à celui d'un général. Qu'est-ce que cela veut dire au

10 juste ? Est-ce que cela veut dire qu'il y avait une structure de

11 commandement qui vous était subordonnée ?

12 R. Je vais vous expliquer. Dans le cadre de mon travail, on avait beaucoup

13 de respect pour moi. J'ai toujours utilisé mon pouvoir du mieux possible.

14 C'était peut-être mon erreur. Je n'ai peut-être pas toujours été assez

15 direct, appeler un chat un chat. Je trouvais ma rémunération financière

16 tout à fait satisfaisante.

17 Q. Mais ma question est toute simple : Est-ce que vous aviez une structure

18 de commandement intégrale, complète, qui vous était subordonnée à

19 différents moments ? Par exemple, je pense que vous étiez commandant de

20 brigade entre 1976 et 1979. J'aimerais que vous nous expliquiez qu'est-ce

21 que vous entendez au juste par structure de commandement ? Comment est-ce

22 qu'une telle structure fonctionnait ?

23 R. Je dois vous dire qu'un commandant est une personne investie d'une

24 grande responsabilité, mais un commandant ne peut pas travailler seul. Il

25 est assisté par les chefs d'état-major, des assistants, aussi pour les

26 tâches politiques, et toutes ces personnes travaillent de manière

27 synchronisée. J'ai toujours eu le plus grand respect pour ces personnes,

28 pour leurs opinions, pour leurs connaissances, leurs professions et tout ce

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1 qui pouvait m'aider dans mon travail.

2 Je travaillais de façon synchronisée ou coordonnée avec tous, et cela

3 m'a toujours beaucoup aidé tout au long de ma vie.

4 Q. Serait-il exact de dire qu'en qualité de commandant au sein de l'armée

5 de la JNA, comme c'était le cas à l'époque, qu'il était important pour les

6 commandants d'assurer une bonne coordination avec les sous-officiers afin

7 qu'ils comprennent exactement quelles étaient leurs responsabilités, leurs

8 domaines de compétences ? Serait-ce exact de décrire les choses ainsi ?

9 R. Bien entendu.

10 Q. En fait, il s'agissait d'un processus en deux directions, pour ainsi

11 dire. Vos subordonnés vous informaient de ce qui se passait, et vous-même,

12 sur la base de votre expérience en tant que commandant, vous veillez à ce

13 que vous sachiez tout ce qui se passait sous la responsabilité de vos

14 subordonnés. Est-ce que ce serait exact de décrire les choses ainsi ?

15 R. Oui.

16 Q. Merci. Je vais vous demander de m'aider, parce que je ne comprends pas

17 très bien. Vous avez dit : "Dans l'armée, les choses sont assez claires. Il

18 est tout à fait clair de savoir qui est-ce qui donne des directions. Il

19 faut aussi savoir quelles sont les forces disponibles."

20 J'aimerais d'abord aborder un petit peu la première partie. Qu'est-ce

21 que vous voulez dire quand vous dites : "C'est assez clair dans l'armée qui

22 est-ce qui donne les directions ou les ordres." Qu'est-ce que vous entendez

23 par là ?

24 R. Je me dois de vous dire une chose que vous n'êtes peut-être pas à même

25 de bien comprendre. Dans la personnalité du commandant, il y a

26 manifestation de toutes ces aptitudes pour ce qui est de l'exercice de ses

27 fonctions. J'ai eu beaucoup de supérieurs hiérarchiques, mais il n'y en a

28 eu que deux qui étaient de vrais commandants. Dans la personnalité d'un

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1 commandant, il faut qu'il soit réuni bon nombre de caractéristiques, de

2 propriétés. S'agissant de ces commandants, il faut qu'il puisse commander

3 les hommes dans la guerre, il faut qu'il empêche les gens de déserter. Il

4 faut qu'il ait beaucoup d'amour de ce qu'il fait quand il aborde et

5 s'approche de ces subordonnés, de ces hommes. Il faut, au travers de son

6 comportement, qu'il fasse preuve de l'attitude qui est la sienne vis-à-vis

7 de son personnel.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, on vient d'être

9 solliciter de vous rappeler qu'il fallait parler plus lentement. Il est

10 difficile de suivre votre cadence.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, merci.

12 M. MOORE : [interprétation]

13 Q. Je voudrais me référer à la phrase que vous avez utilisée, à savoir que

14 : "Dans l'armée les choses sont absolument claires." Pour les soldats, aux

15 yeux des soldats, il faut qu'il soit clairement indiqué qui est l'homme en

16 première position ?

17 R. Ecoutez, il n'y a pas qu'une seule de ces personnes qui a des

18 responsabilités. Il y a un système de commandement par échelon, et

19 l'échelon le plus bas est celui qui tient ses hommes directement. C'est son

20 attitude, l'affection qu'il a pour ses hommes, l'attitude, son

21 comportement. Tout va se refléter vers les commandements supérieurs.

22 J'ai longuement exercé ce type de fonction. Je n'ai jamais eu de

23 confrontation quelle qu'elle soit.

24 Q. Lorsque vous êtes en train de vous référer à ce système entier, je ne

25 suis pas originaire des Balkans; je suis originaire de la Grande-Bretagne.

26 Dans notre armée, nous n'avons rien de ce qui correspondrait à ce que vous

27 appelez instance chargée de la sécurité. Or, quand vous vous référez au

28 système entier, est-ce que cela inclut les instances chargées de la

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1 sécurité ou pas ?

2 R. Oui, tout à fait.

3 Q. Lorsqu'il est question de veiller à l'exécution des ordres, quelles

4 sont les méthodes qui devraient être utilisées par un commandement de votre

5 niveau à vous pour s'assurer que les ordres seront bel et bien réalisés ?

6 Parce que donnez des ordres est une chose, mais veillez à ce que soit

7 exécuté, c'est une autre chose.

8 R. Les différences d'éducation pour ce qui est de l'armée britannique et

9 de la nôtre sont grandes. En suivant les films, en suivant les relations,

10 étudiant les exposés, en suivant les conférences tenues par des officiers

11 appartenant à ces armées, j'ai constaté qu'il y avait chez nous quelque

12 chose de tout a fait différent. Il y a une morale qui est tout à fait

13 autre.

14 Quand j'ai été commandant, je disais à chacun de mes soldats :

15 "Lorsque vous voyez de la lumière dans mon bureau, cela signifie que je

16 suis là. Vous pouvez faire venir vos parents ou les autres visiteurs."

17 Lorsque les parents venaient voir leurs fils à la caserne, je les recevais

18 à chaque fois. Il n'y a pas de recette à donner, mais il faut qu'il y ait

19 d'abord responsabilité et respect des principes. Il y a aussi la

20 personnalité du commandant qui doit l'emporter. Il faut qu'il ait de

21 l'affection pour son travail.

22 Q. Nous allons mettre de côté l'affection du commandant vis-à-vis de ses

23 hommes et vice-versa.

24 Concentrons-nous plutôt sur la discipline, si vous êtes d'accord.

25 S'agissant de la discipline, serait-il juste de dire que cela ait constitué

26 et ait resté un élément essentiel au sein de la JNA ? Nous sommes en train

27 de parler des années 80 et début 1990. Seriez-vous d'accord avec cela, ou

28 pas ?

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1 R. Est-ce que vous pouvez reprendre ? Qu'est-ce qui avait été l'élément

2 essentiel ?

3 Q. Peut-être l'ai-je exprimé de façon compliquée. Seriez-vous d'accord

4 avec moi pour dire que la discipline est un élément substantiel, essentiel

5 pour l'existence de toute armée ?

6 R. Oui. Je suis d'accord. Une autre question est celle de savoir comment

7 la mettre en œuvre, cette discipline.

8 Q. Penchons-nous sur la situation réelle un instant. Vous vous êtes référé

9 à des documents, à des rapports, et par exemple au cas où un ordre venait à

10 être donné, je crois que l'on pourrait dire que cela a pu se faire de deux

11 façons; par écrit et oralement, s'agissant des années 90, 1991.

12 Etes-vous d'accord avec moi ou pas, cela avait pu être donné par

13 écrit ?

14 R. Des ordres importants sont donnés par écrit, mais les ordres de petite

15 envergure, les tout petits ordres au quotidien sont donnés oralement.

16 Q. Certes, mais lorsqu'il s'agit d'un fait important qui porte sur la

17 resubordination d'une unité, cela pouvait être donné comme ordre de façon

18 verbale ?

19 R. Oui.

20 Q. Vous vous attendriez à ce qu'il y ait par la suite un ordre par écrit

21 qui suivrait, n'est-ce pas ? Là, on définit exactement qui vous est

22 subordonné, parce qu'il faut que vous sachiez qui est placé sous vos

23 ordres.

24 R. Ce serait une mauvaise pratique, que de donner d'abord des ordres

25 oralement, puis de les rédiger par la suite. C'est une question de

26 substance de l'ordre et d'approche. Si vous avez des supérieurs qui

27 assument la responsabilité, vous n'avez pas à faire les choses par écrit.

28 Mais pour que les responsabilités soient déterminées au cas où l'ordre ne

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1 serait pas respecté, ne serait pas exécuté, il faut qu'il y ait également

2 une trace d'ordre donné par écrit.

3 Q. Mais pourquoi importait-il de faire parvenir ultérieurement un ordre

4 par écrit ? Pouvez-vous nous l'expliquer ?

5 R. C'était ici une tâche très importante, par exemple, si vous parlez des

6 ordres qui viennent de la 1ère Brigade de la Garde vers les autres unités,

7 ou si vous parlez des ordres émanant du secrétariat fédéral de la Défense

8 nationale. Là, bien sûr, il fallait réécrire un ordre. Il faut -- d'abord,

9 il faut respecter les instances fédérales, et il y a une méthodologie qui

10 est prescrite pour ce qui est de la solution à apporter à cette question-

11 là.

12 Q. Cela est bien beau, mais je crains fort d'être complètement perdu dans

13 ce que vous venez de dire. Ma question a été en réalité fort simple.

14 Vous nous avez dit que si vous vouliez confier des responsabilités à

15 quelqu'un, il fallait que ce soit sous-tendu par des ordres écrits, alors

16 ce qui m'intéresse maintenant c'est le principe général. Pourquoi se sert-

17 on d'un ordre sous forme écrite qui suivrait l'ordre précédent ? Pourquoi

18 cela est-il nécessaire ?

19 R. Dans la pratique de notre commandement, l'ordre par écrit est

20 obligatoire jusqu'au commandant de la compagnie, et en dessous ce sont des

21 ordres donnés verbalement. Par conséquent, c'est un système de commandement

22 qui est ainsi fait.

23 Deuxièmement, le donneur d'ordres doit se couvrir par le texte de l'ordre

24 qu'il a donné, parce que l'ordre sous forme écrite aménage d'autres points

25 qui sont très pertinents pour celui qui est censé l'exécuter. Tout est

26 fonction du poids de l'ordre donné. C'est une méthodologie que chacun a le

27 droit de mettre en place dans la mesure de ses aptitudes.

28 Quelqu'un pourrait se limiter à rédiger un ordre sans tenir compte de la

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1 façon dont cet ordre-là a été exécuté. Voilà.

2 Q. Mais lorsque nous parlons justement de méthodologie en relation ou en

3 corrélation avec les ordres, aurait-on raison de dire que plus la tâche se

4 trouverait être compliquée, plus il importerait d'avoir d'ordres

5 suffisamment détaillés sur les différents points ? Je vous vois hocher de

6 la tête, mais…

7 R. Oui, vous avez raison.

8 Q. Est-ce que vous parlez l'anglais ?

9 L'INTERPRÈTE : Signe négatif de la tête.

10 M. MOORE : [interprétation]

11 Q. Vous êtes en train de comprendre intuitivement ?

12 R. Oui, tout à fait.

13 Q. J'aimerais à présent que nous parlions des ordres eux-mêmes. Pourquoi ?

14 S'agissant d'ordres de complexité majeur, pourquoi est-il important de les

15 donner par écrit ?

16 R. Vous avez une façon assez étrange de poser les questions. Tout ordre,

17 d'autant plus lorsque c'est un ordre complexe, doit fournir la

18 méthodologie, l'approvisionnement matériel, et tous les autres points qui

19 sont importants, parce qu'on ne donne pas un ordre pour le plaisir de

20 donner des ordres, parce que ce serait là chose facile que de rédiger les

21 ordres. C'est aussi une aide immédiate que l'on fournit aux exécutants.

22 Bien entendu, si je sais rédiger mes ordres, si je ne sais pas le faire,

23 tout tombe à l'eau.

24 Q. Revenons un peu en arrière dans le temps. Nous n'allons pas aller si

25 loin dans le passé, mais revenons à l'époque où vous vous situiez vous-même

26 aux rangs de la brigade. Vous étiez commandant de la brigade, ou une

27 fonction équivalente à celle d'un général. Vous donnez des ordres par

28 écrit. En votre qualité de commandant, à ce niveau-là, comment veillez vous

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1 à ce que cet ordre soit bel et bien exécuté ?

2 R. Chaque commandant rédigeant un ordre pour se justifier soi-même, sans

3 tenir compte de sa réalisation et sans tenir compte la réalisation de ses

4 ordres, sans fournir une aide immédiate et directe à ses subordonnés, n'en

5 est pas un. C'est une attitude d'un supérieur hiérarchique ou pas ?

6 Q. Qu'entendez-vous que cela dépend du commandant ? Expliquez.

7 R. J'estime qu'il ne faut pas qu'il y ait un ordre pour qu'il y ait un

8 ordre. Mais s'il n'y a pas les éléments qui accompagnent les instructions

9 de réalisation de couverture en matériel et précisant l'envergure des

10 tâches que doivent réaliser les différents subordonnés, cela n'en est pas

11 un, parce qu'un ordre n'est pas donné pour tout le temps. Le grand malheur,

12 c'est que les gens pensent qu'il y a une recette pour donner des ordres. Il

13 n'y en a pas. Cela relève des aptitudes du supérieur hiérarchique qui les

14 rédige. Chaque subordonné est censé connaître son commandant, et il est

15 censé être familiarisé avec sa façon de voir --

16 Q. Je crains fort que vous soyez en train de parler à un juriste qui ne

17 s'y connaît pas trop. Revenons un peu aux ordres. Lorsqu'en votre qualité

18 de commandant, vous donnez des ordres, est-il important que vous vous

19 familiarisiez vous-même avec le contexte, le milieu et tout ce qui influe

20 sur la réalisation de l'ordre, d'autant plus si cela est un aspect

21 difficile, compliqué ?

22 R. Je crois que nous ne nous comprenons pas. On ne peut pas avoir un

23 commandant qui rédige les choses pour que cela soit juste rédigé. Il faut

24 que cela soit quelqu'un qui ait de l'éducation, suffisamment d'éducation

25 pour venir en aide à ses subordonnés afin de fournir les préalables à la

26 bonne réalisation, à la bonne exécution. Si je ne cherche qu'à me couvrir,

27 je vais couler très vite en ma qualité de commandant, parce que j'ai aussi

28 des supérieurs hiérarchiques qui contrôlent, qui supervisent ce que je

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1 fais.

2 Q. Qu'en est-il des officiers subordonnés vers lesquels ces ordres sont

3 dirigés ? Si la tâche que vous lui confiez n'est pas réalisable ou n'est

4 pas raisonnable, que doit faire cet officier subordonné ? Il a reçu un

5 ordre, mais peut-être de son point de vue à lui, n'y a-t-il pas possibilité

6 de le réaliser ? Quelle est la responsabilité de cet officier subalterne ?

7 Pouvez-vous me dire ce que doit faire cet officier dans ces circonstances ?

8 R. Nous en sommes arrivés à un débat pour ce qui est de nos cadres de

9 commandement, parce que nous avions une matière qui était celle du

10 commandement afin de maîtriser le commandement de façon réussie. Si je ne

11 sais pas rédiger un ordre, je suis un mauvais commandant, et mes supérieurs

12 hiérarchiques sentiront très vite qu'il y a des manquements dans l'exercice

13 de ma tâche. Il faut que je rédige mon ordre de façon à ce qu'il y ait le

14 moins possible de difficultés à le réaliser. Mais je vous précise aussi que

15 tout subordonné, tout officier subordonné a certainement le droit de poser

16 des questions une fois qu'il a reçu un ordre.

17 Q. Qu'en est-il de votre situation de général de brigade ou de général

18 tout court ? Vous recevez un ordre de la part de votre officier supérieur

19 où il s'agirait, disons, d'une situation urgente, disant qu'il faut

20 réaliser les choses vers les échelons plus bas, et cela serait censé être

21 réalisé par des unités qui sont subordonnées à vous-même. De quelle façon

22 allez-vous transmettre d'urgence le contexte, la teneur de cet ordre à

23 l'intention de vos subordonnés ? Pouvez-vous nous l'expliquer ?

24 R. J'ai eu des situations de ce genre. Je suis en train, par exemple, de

25 faire construire une route où doit passer le président Tito. Le délai est

26 réduit à cinq mois, et je disais aux soldats qu'il fallait avaler leur

27 repas plutôt que de s'asseoir et manger, pour réduire les délais.

28 Je suis lié à ces hommes par une affection, et j'avais la volonté de

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1 le réaliser et je trouvais les ressources qu'il fallait. Je dirais que ce

2 n'est pas une très bonne façon de le faire.

3 Mais il faut que l'officier soit suffisamment intelligent et au

4 courant des ordres qu'il donne pour savoir de quelle nature sont les ordres

5 qu'il est en train de donner à ses hommes.

6 Je suis très content que nous ayons tous les deux ce type de

7 discussion.

8 Q. Je crois que nous sommes -- vous êtes probablement la première personne

9 à me l'avoir dit. Mais revenons à présent à ma question : De quelle façon

10 allez-vous transmettre à vos officiers subordonnés l'urgence de l'ordre

11 spécifique que vous avez reçu ? Vous l'avez reçu avec mention "urgent" ou

12 "très urgent", et vous êtes censé transmettre cela aux officiers des unités

13 subordonnées. Qu'allez-vous faire, en votre qualité de général de brigade,

14 du point de vue du commandement et de la direction, exercice des fonctions

15 de direction qui font partie de la méthodologie au sein de la JNA ? Comment

16 allez-vous procéder ? Pouvez-vous nous le dire ?

17 R. Je vais vous le dire. Nous avons toutes les activités qui font l'objet

18 de normatifs, de normes et de standards. Nous avons tout prescrit. Le

19 soldat doit creuser un trou pour se protéger, les chars doivent être placés

20 à l'intérieur d'abris.

21 C'est cette approche-là qui est l'approche à l'égard des hommes, et

22 ces approches fournissent des événements complémentaires qui ne sont pas

23 tous prévus. Vous motivez votre personnel. Il m'est arrivé des cas

24 analogues, des cas que j'ai eu l'occasion de connaître par moi-même.

25 Q. Je vais essayer d'être plus direct. Si vous étiez commandant de la

26 brigade et si vous receviez des ordres de la part d'un général qui serait

27 un supérieur hiérarchique, et il vous informerait, par exemple, de la

28 possibilité qu'il y ait un contexte d'atrocités de perpétrées à des niveaux

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1 moins élevés, à des niveaux subalternes, en informeriez-vous vous-même

2 directement les officiers subordonnés ? Parce que si vous ne le faisiez

3 pas, vous auriez, en d'autres termes, manqué à réaliser l'ordre de votre

4 général, n'est-ce pas ?

5 R. Oui, mais la méthodologie est tout à fait différente. Vous pouvez vous

6 adresser à vos subalternes immédiats.

7 J'avais mon commandant d'armée, de l'armée. Je lui disais : "Mon

8 Général, on ne peut pas faire une route avec rien du tout. Il faut que

9 j'aie des moyens; sinon, je ne peux pas la faire."

10 Q. Ce que je voulais vous laisser entendre, c'est la chose suivante : Dans

11 le cadre de la structure de la JNA, si vous receviez un ordre de la part

12 d'un général à vous où il était clairement indiqué qu'il y avait

13 préoccupation de sa part, il est de votre devoir de le transmettre à vos

14 subordonnés; êtes-vous d'accord avec moi ou pas ?

15 R. Non. Je ne vais pas transmettre cela dans sa totalité de façon égale à

16 tout le monde. On sait exactement vers qui on peut aller. On va vers ceux

17 dont on est sûr. Il y a des modalités de faire en sorte que les choses

18 soient réalisées.

19 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Vasic.

21 M. VASIC : [interprétation] Merci. Je n'ai pas d'objection, mais la réponse

22 totale du témoin n'est pas consignée entièrement. Par exemple, le témoin a

23 dit : "Je ne vais pas m'adresser à tous mes subordonnés." Cette partie-là

24 n'a pas été consignée au compte rendu. Après, le reste a été consigné.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aime beaucoup vos questions.

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

27 M. MOORE : [interprétation]

28 Q. Vous êtes l'un des rares à aimer mes questions, mais allons de l'avant.

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1 Qu'arrive t-il lorsque vous recevez un ordre de la part d'un officier

2 supérieur ? Y a-t-il une situation où avez la liberté de désobéir ?

3 R. Non. Vous devez réaliser un certain nombre de choses pour savoir s'il y

4 a révolte, s'il y a désobéissance, et ce n'est qu'ensuite que vous

5 entreprenez les mesures qui s'imposent.

6 Q. Oui, mais si vous avez reçu l'ordre, je vais -- non, je vais

7 reformuler. Si votre supérieur hiérarchique vous donne l'ordre de faire

8 quelque chose, vous avez reçu l'ordre de le faire; or, il est clair que

9 l'exécution de cet ordre impliquerait la perpétration d'un délit au pénal.

10 Que feriez-vous ? Si vous l'exécutez, cela signifierait que vous êtes en

11 train de commettre un délit au pénal, n'est-ce pas ?

12 R. Non. Nos commandants ont de la compréhension de ces choses-là

13 lorsqu'ils rédigent leurs ordres. J'en ai eu, des commandants. J'ai passé

14 toute ma vie avec eux et je n'ai jamais eu une solution de ce genre.

15 Il y a eu des confrontations. Il y a eu des discussions, mais jamais,

16 jamais n'ai-je commis un délit au pénal en exécutant un ordre. Je peux

17 exécuter un ordre et commettre des omissions qui généreraient le résultat

18 dont vous parlez.

19 Q. Je vais vous donner lecture d'une chose. Peut-être que cela vous est-il

20 familier. Peut-être êtes-vous familiarisé avec cet élément. Il s'agit d'une

21 pièce à conviction qui porte la cote 584. Je ne vais pas la faire afficher

22 sur les moniteurs, mais il s'agit d'un décret portant déclaration de la loi

23 sur les modalités de service dans les forces armées, daté de février 1985.

24 Il y a un sous-titre numéro 2 qui porte sur "L'exécution des ordres."

25 Article 53, je vais en donner lecture lentement.

26 "Les membres des forces armées sont tenus d'exécuter les ordres qui leur

27 sont donnés par leurs supérieurs hiérarchiques lorsque ces supérieurs

28 hiérarchiques sont en exercice."

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1 Est-ce que vous êtes d'accord avec cette partie-là ?

2 R. Oui.

3 Q. Mais nous n'avons pas fini avec le texte parce que le texte enchaîne :

4 "Mis à part s'il apparaît clairement que l'exécution d'un tel ordre

5 constituerait un délit au pénal."

6 Etes-vous d'accord avec moi pour dire que cela est exact ? Dites-moi oui ou

7 non.

8 R. Oui. Si vous m'aviez donné le texte en entier, je vous aurais dit tout

9 de suite oui ou non. Vous m'avez d'abord donné lecture d'un segment, puis

10 d'un autre segment. Parce qu'une loi, on ne saurait l'interpréter à demi de

11 cette façon ou à moitié d'une autre façon.

12 Q. Non. Je ne m'efforçais pas de procéder par des moitiés. Je n'essaie pas

13 de vous induire dans l'erreur. Je l'ai fait par partie, par segment pour

14 que vous compreniez mieux. J'ai besoin de votre aide.

15 Vous seriez d'accord avec moi pour dire que l'exécution d'un ordre de cette

16 nature constituerait un délit au pénal. A votre avis, que doit faire

17 l'officier subordonné recevant ce type d'ordre ? Pouvez-vous nous le dire ?

18 R. Il y a plusieurs façons de procéder. On va se présenter pour un rapport

19 auprès de son supérieur hiérarchique et on attire son attention sur les

20 conséquences. Il a le droit de se plaindre, mais il faut qu'il y ait une

21 attitude appropriée de l'officier supérieur vis-à-vis de l'officier

22 subalterne et vice-versa, sans qu'il y ait de revanchisme de quelque nature

23 que ce soit de l'un vis-à-vis de l'autre.

24 Q. Non. Je n'ai pas parlé de cet esprit revanchard; je parle plutôt de ce

25 qui relève du devoir de tout un chacun. Je me propose de donner lecture du

26 quatrième paragraphe de cet article, page 53. Je pense que c'est justement

27 de cela qu'il s'agit.

28 "Si l'officier subordonné reçoit un ordre et si l'acceptation de cet ordre

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1 constituerait la commission d'un délit au pénal, le membre concerné des

2 forces armées est censé en informer immédiatement l'officier supérieur plus

3 haut gradé, à savoir le gradé qui se trouve à l'échelon supérieur par

4 rapport à l'individu qui a donné l'ordre concerné."

5 Etes-vous d'accord ?

6 R. Certainement.

7 Q. Est-ce que cela signifie que vous êtes tenu d'exécuter cet ordre mis à

8 part l'implication de la possibilité de commettre un délit au pénal ? Etes-

9 vous d'accord ? Oui ou non, s'il vous plaît.

10 R. Oui, certainement.

11 Q. Au cas où l'officier subordonné estimerait qu'il en serait ainsi, en

12 principe, il s'adresse à un officier supérieur, à savoir un officier qui se

13 trouve à un échelon au-dessus de celui qui a donné l'ordre, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Je vous ai posé la question de savoir ce que signifiait la

16 désobéissance d'un officier subordonné. Si, par exemple, il y a une

17 situation, et nous parlons dans la théorie, à présent, dans le système de

18 commandement et de gestion qui existait au sein de la JNA en 1990 et 1991.

19 Si un officier reçoit un ordre de la part d'un supérieur hiérarchique

20 où il est dit que telle chose ne devait pas être faite, je dis bien ne

21 devait pas être faite, que doit faire l'officier qui a reçu l'ordre ? Est-

22 ce que cela veut dire qu'il ne doit rien dire, mis à part ce qui a fait

23 l'objet de l'ordre émanant du supérieur hiérarchique ?

24 Je crois que c'est plutôt compliqué comme question et je m'en excuse,

25 mais je crois que vous l'avez comprise.

26 C'est exact ?

27 R. Oui, c'est exact.

28 Q. Donc, si un officier hiérarchique, supérieur, indique qu'il ne

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1 doit pas y avoir d'échange de prisonniers sans l'autorisation de l'officier

2 supérieur, il ne convient pas de le faire sans l'autorisation de cet

3 officier.

4 R. Oui, c'est cela.

5 Q. Merci.

6 Je vais adopter la technique de mon éminent confrère, Me Borovic. Je

7 réfère le secrétariat de la Chambre à la pièce 442.

8 Maintenant, je voudrais que l'on en termine avec la question du

9 commandement et du contrôle et que l'on aborde un ou deux autres sujets.

10 M. MOORE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le

11 Président.

12 M. VASIC : [interprétation] J'ai peur que la bande s'épuise en

13 attendant que M. Moore prenne sa position.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, pas encore, Maître Vasic.

15 Je ne crois pas. Je pensais faire une interruption de séance dans environ

16 sept minutes.

17 M. MOORE : [interprétation] Très bien. Si vous m'y autorisez, je vais

18 essayer de couvrir un sujet en sept minutes.

19 Q. Nous avons parcouru certains documents qui ont à voir avec votre

20 commission. Il est tout à fait clair que cela a été un grand honneur de se

21 voir confier le poste qui vous a été confié, ce poste de responsabilité

22 pour la commission, mais je voudrais que l'on parle de la pièce 758. C'est

23 une nouvelle pièce d'aujourd'hui. On voit que la commission est mise sur

24 pied, que vous en êtes membre. Vous êtes le président. Il y a un vice-

25 président. Il y a deux membres. Puis, au fond, vous êtes tous des colonels.

26 Pourquoi est-ce qu'il n'y pas de civils nommés au sein de cette

27 commission ?

28 R. Les commissions se composent de trois à cinq personnes, habituellement.

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1 Si le commandant de la région militaire estime que ce sont les hommes les

2 plus compétents et capables de mener à bien les travaux de la commission,

3 il les nomme. Je ne peux pas influencer la décision du commandant, mais le

4 commandement supérieur a dû jouer un rôle dans la désignation des personnes

5 qui allaient faire partie de la commission.

6 Q. Ce que je voulais dire, puisque nous n'avons que quatre membres et nous

7 avons un siège vacant, vous-même, vous n'avez jamais recommandé qu'il y ait

8 la nomination d'un civil dans cette commission ? Je pense que j'ai raison

9 de dire cela, n'est-ce pas ?

10 R. Oui, mais en principe, vous devez avoir un nombre impair de membres

11 d'une commission pour pouvoir prendre toutes ces décisions.

12 Q. Mais, il n'y avait que quatre personnes. Si vous aviez eu une cinquième

13 personne, ceci aurait donné un nombre impair, n'est-ce pas ? Quoi qu'il en

14 soit, vous n'avez pas demandé qu'un civil soit nommé dans cette commission.

15 Abordons maintenant un autre aspect des travaux de cette commission, à

16 savoir son mandat. De manière générale, quelle a été la principale mission

17 de cette commission ? Quel rôle devait être joué ? Quelle devait être sa

18 tâche prioritaire ?

19 R. Je crois que dans le document du secrétariat fédéral, on peut trouver

20 ces tâches. On ne sait pas laquelle d'entre elles est plus difficile, plus

21 exigeante que l'autre. C'est la raison pour laquelle on n'a pas pu aborder

22 les points un par un, mais il a fallu les aborder immédiatement. Le

23 déminage, le nettoyage, devaient se dérouler parallèlement sur la totalité

24 du territoire.

25 Q. Est-ce qu'on pourrait dire souvent les mandats ne correspondent pas à

26 la réalité des choses, mais vous étiez sur le terrain, vous saviez

27 exactement comment les choses se passaient véritablement. Est-ce que vous

28 pouvez dire que la vraie fonction de cette commission était de rétablir la

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1 vie normale à Vukovar ?

2 R. C'est exact.

3 Q. Vous nous avez parlé de l'approvisionnement en eau. Il me semble je

4 vous ai entendu dire que vous avez pris part à cela, qu'il a fallu apporter

5 des tuyaux ou des -- par tuyau ou par citerne de l'eau potable à la

6 population. C'est exact ?

7 R. Oui, oui.

8 Q. L'approvisionnement en eau a été entravé à ce point ? Est-ce que

9 c'était nécessaire de l'entraver à ce point, ou endommager à ce point ?

10 R. Je dois vous dire qu'à de nombreux endroits de la ville, ceci était

11 complètement détruit. Il fallait remplacer complètement les conduites

12 d'eau. La même chose pour les lignes de -- lignes à haute tension. C'est

13 l'entreprise de la distribution d'électricité qui devait se charger de

14 cela.

15 Q. Si je puis me permettre de vous complimenter, vous étiez un officier

16 haut placé, vous êtes un homme intègre. A votre sens, lorsqu'on prend pour

17 cible les conduites d'eau, le système d'approvisionnement en eau qui est

18 destiné aux civils, d'après vous, est-ce que c'est quelque chose qui

19 s'inscrit en violation de toutes les règles de la guerre ?

20 R. Absolument.

21 M. MOORE : [interprétation] Le moment serait peut-être opportun pour faire

22 une interruption.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous reprendrons à l'heure pleine

24 moins quart.

25 --- L'audience est suspendue à 12 heures 23.

26 --- L'audience est reprise à 12 heures 51.

27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic.

28 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Une brève

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1 question technique.

2 Nous avons un témoin ici qui attend son tour. Mon confrère m'a dit

3 qu'il lui restait encore une demi-heure de questions. Si vous êtes

4 d'accord, il conviendrait peut-être de laisser partir ce témoin pour qu'il

5 n'attende pas ici.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, d'après vous, il vous

7 faudra combien de temps ?

8 M. MOORE : [interprétation] Mon confrère m'a demandé combien de temps il me

9 faudrait. Je pense trois sujets. Il est difficile d'évaluer. Parfois les

10 questions [comme interprété] ne sont pas tout à fait concises, peut-être

11 parce que les questions ne sont pas suffisamment concises, mais je pense

12 qu'il me faudra encore un peu de temps, jusqu'à 13 heures 30.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic, nous n'aurons pas la

14 possibilité d'entendre ce témoin aujourd'hui. Je pense que c'est en partie

15 dû au fait que l'interrogatoire principal de ce matin a abordé plusieurs

16 questions qui n'étaient pas tout à fait substantielles pour notre affaire.

17 Tenez-en en compte, s'il vous plaît. Nous allons devoir accélérer le pas

18 lorsque nous interrogeons les témoins.

19 D'après ce qu'on me dit, lundi on commence à 14 heures 15. C'est dans cet

20 esprit-là qu'il faudrait amorcer la journée de lundi.

21 M. MOORE : [interprétation]

22 Q. Monsieur Basic, dites-nous quelles parties des infrastructures

23 fonctionnaient à Vukovar lorsque vous vous êtes arrivé le 22, le 23 ? Je

24 parle des immeubles, de l'électricité. Est-ce que vous pouvez nous donner

25 une idée de la situation ?

26 R. Rien ne fonctionnait, si ce n'est le soutien logistique de la part de

27 l'adjoint du commandant de la Défense territoriale,

28 M. Antic. Le soutien logistique et quelques petits points techniques,

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1 pratiques concernant l'organisation de la vie quotidienne. On n'a même pas

2 pu nous aider pour collecter les corps et pour les inhumer.

3 Q. Merci. Je voudrais que l'on revoie une pièce que nous avons versée

4 aujourd'hui. Je crois que c'est la pièce 760. Ce serait normalement une

5 photographie des ponts. Voici.

6 Est-ce que vous l'avez sous les yeux, Monsieur Basic ?

7 R. Oui.

8 Q. Nous avons les ponts, les chiffres 1, 2, 3 et 4. Vous nous avez dit que

9 cette voie qui mène vers l'hôpital, et où nous avons le point 4, que cette

10 voie a été piégée.

11 R. Oui.

12 Q. Si on ne s'écartait pas de la voie, de la rue, on n'était pas en

13 danger; est-ce que j'ai raison de dire cela ?

14 R. Non, la route elle-même n'était pas dangereuse, si on ne s'écartait

15 pas, si on ne s'aventurait pas sur l'accotement dur. Mais dans le secteur

16 de la marina et de la grande surface, il y avait beaucoup de mines.

17 Aussi entre le grand magasin et l'hôpital, il y avait ce quartier

18 vers les parcs qui menaient vers l'hôpital. Cette région-là était également

19 très, très dangereuse.

20 Q. Je vous remercie. Je voudrais maintenant que l'on parle des carcasses.

21 C'est ainsi que j'ai intitulé ce chapitre. Vous nous avez dit qu'il y avait

22 beaucoup de carcasses, et qu'il y avait la nécessité de les enterrer et que

23 vous avez fait cela dans le secteur d'Ovcara. Vous en souvenez ?

24 R. Oui, oui. J'étais là, sur place, au moment des enterrements. Il a fallu

25 que je me fasse une idée précise de la manière dont on procédait.

26 C'est une unité spéciale du détachement mixte de Belgrade qui a été

27 chargée de faire cela. Le problème le plus grave, c'était de nettoyer la

28 ville. L'enterrement était le moindre problème. A Ovcara, vous savez, il y

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1 avait surtout beaucoup de bétail, et c'était cela qui constituait problème.

2 Vous m'avez demandé combien. Environ 15 000 animaux. Des cochons et

3 des vaches. Je peux vous dire aussi comment cela se ventile-t-il. 3 500

4 cochons, de laies et porcs, à Ovcara.

5 Q. Je vous remercie. Je n'ai pas besoin de plus de détails. Mon confrère

6 reviendra peut-être dans les questions supplémentaires.

7 Je voudrais maintenant aborder un autre sujet qui est peut-être plus

8 important pour cette affaire, à savoir les cadavres humains que vous avez

9 dû évacuer et enterrer. Est-ce qu'on pourrait parler de cela, s'il vous

10 plaît.

11 Parmi vos responsabilités, vous étiez chargé de rassembler et de

12 ramasser ces corps; c'est bien cela ?

13 L'INTERPRÈTE : Le témoin semble confirmer de la tête.

14 M. MOORE : [interprétation]

15 Q. Pouvez-vous nous dire, quel est ce document que vous êtes en train de

16 regarder ?

17 R. C'est le procès verbal qui atteste de l'identification et du nettoyage

18 de Vukovar, un exemplaire signé par les membres de la commission et parti

19 pour être remis au secrétaire fédéral.

20 Q. Très bien, merci. Je ne suis pas vraiment très -- je ne suis pas très

21 bien l'histoire des documents. Est-ce que vous avez un exemplaire de ce

22 document ? Me Vasic semble dire que nous n'en avons pas, un exemplaire.

23 Cela vous dérangerait si je jetais un coup d'œil sur ce document ? Je

24 ne parle pas votre langue, malheureusement, mais je souhaite juste le voir

25 un instant, s'il vous plaît.

26 R. Je vous en prie.

27 M. MOORE : [interprétation] Monsieur le Président, un instant s'il vous

28 plaît.

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1 Q. Merci, Monsieur le Témoin.

2 Puisque ceci n'est pas une pièce à conviction, est-ce que ceci vous

3 dérangerait si je remettais ceci à une personne de confiance qui en ferait

4 une photocopie ? Cela ne vous dérangerait pas, n'est-ce pas ? Comme cela,

5 on pourrait vous restituer l'original.

6 R. Je ne sais pas si ce document est protégé par un sceau de

7 confidentialité au sein de l'armée yougoslave. Un exemplaire de ce

8 document, je l'ai envoyé au secrétariat fédéral et j'en ai gardé un

9 exemplaire au sein de la commission. J'étais à la tête de la commission.

10 Q. Je ne vous critique pas du tout. Est-ce que ceci poserait vraiment

11 problème à vos yeux si je photocopiais ceci pour vous retourner

12 l'original ? C'est une question que je vous pose.

13 R. Ecoutez, je ne suis vraiment pas compétent pour divulguer ce document.

14 Vous devriez vous adresser officiellement au Grand état-major pour qu'il

15 vous le communique sous un numéro de référence tel ou tel. Je ne sais pas

16 vraiment ce qu'il convient de faire.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, le document a été

18 utilisé dans le prétoire. L'huissier pourra photocopier le document pour

19 les besoins de la Chambre.

20 M. MOORE : [interprétation] Je vous remercie.

21 Q. Est-ce que vous avez d'autres documents ? Je vous avais -- des

22 documents qui ont des intercalaires jaunes. Qu'est-ce que c'est --

23 R. Non, non.

24 Q. -- ce qui est sur la table ?

25 R. Non, non. C'est complètement vierge, il n'y a rien, rien d'écrit

26 dedans.

27 Q. Cette page où on a écrit quelque chose, qu'est-ce que cela concerne ?

28 R. La commission qui s'est chargée du nettoyage. Ce sont uniquement des

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1 termes originaux utilisés dans le procès-verbal pour que nous puissions

2 citer cela. Enfin, vous pouvez comparer, vous verrez que c'est identique.

3 Q. Très bien. Pour le moment, je ne vais pas parler de cela.

4 Parlons maintenant de corps. Malheureusement, il y avait un grand

5 nombre de corps, et vous avez fait au mieux pour les identifier, pour

6 informer les proches du fait qu'on avait retrouvé leurs parents tués.

7 Etait-ce l'une des priorités pour votre commission, d'identifier les

8 corps ?

9 R. Nous avions trois missions importantes, d'après ce qu'il ressort du

10 document : de ramasser les corps, rassembler le bétail pour éviter la

11 contagion, et le déminage. Donc, c'était cela, les trois points importants

12 pour pouvoir nettoyer par la suite Vukovar, parce que cela, cela pouvait

13 attendre. Mais les trois premières tâches ne pouvaient pas attendre

14 Q. Je vais juste parler du repérage des corps, corps humains. D'un point

15 de vue sanitaire, la dernière chose que l'on souhaite avoir, c'est des

16 corps ou des carcasses qui sont en train de pourrir dans une zone habitée.

17 Deuxièmement, par respect, on souhaite enterrer proprement les individus,

18 n'est-ce pas ?

19 Je pense qu'on peut consigner votre réponse comme étant affirmative.

20 Mais vous savez --

21 R. C'est exact.

22 Q. Mais vous savez, n'est-ce pas, qu'il est arrivé qu'on tue des individus

23 et qu'on les enterre à Ovcara ? Vous le saviez, n'est-ce pas ?

24 R. Non.

25 Q. Ceci n'est pas exact. Vous nous dites que vous ne saviez pas que cela a

26 eu lieu ? Je ne parle pas de 1991, je parle de maintenant. Vous savez qu'il

27 y a eu des corps enterrés à Ovcara ?

28 R. Maintenant, je le sais.

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1 Q. Merci.

2 R. Mais je peux ajouter quelque chose ?

3 Q. Bien entendu.

4 R. C'est dans la presse que j'ai appris qu'il y a eu Ovcara, et les

5 journalistes s'y sont intéressés, les journalistes australiens. Quand je

6 suis arrivé à Ovcara, je ne savais pas où aller. Les gardiens m'ont dit de

7 me diriger en empruntant une voie sur la gauche, et je l'ai jusqu'à ce que

8 j'arrive à l'endroit où était le Bataillon russe qui devait assurer la

9 sécurité de l'endroit. Il y avait là un colonel, un commandant qui m'a prié

10 de m'installer avec lui, mais qu'on n'en parle plus. Après, j'ai dit aux

11 journalistes australiens que, vraiment, je ne savais rien à ce sujet. Si je

12 l'avais su, je l'aurais exhumé, si je l'avais su.

13 Q. Je vais vous arrêter là. Vous parlez très vite. Je ne suis pas en train

14 de suggérer quoi que ce soit à votre sujet. Je ne suis pas ici pour vous

15 piéger, je vous l'ai déjà dit. Je souhaite juste obtenir des informations

16 de votre part, vous comprenez ? C'est cela mon rôle, ici. S'il vous plaît,

17 écoutez mes questions.

18 Vous nous avez dit que vous avez appris que des journalistes australiens

19 avaient commencé à s'intéresser aux meurtres d'Ovcara. Je vois que vous

20 opinez du chef. Vous voulez s'il vous plaît nous le confirmer, dire oui

21 pour le compte rendu d'audience ?

22 R. Je venais déjà de quitter l'armée. J'étais simple citoyen. C'est en

23 cette qualité-là que je suis arrivé avec eux sur place, c'était au

24 printemps 1993. Je suis arrivé, il m'a fallu quelque temps pour repérer

25 l'endroit. J'ai été surpris, étonné, parce que c'était à 800, 900 -- 1

26 kilomètre de l'endroit où nous avons enterré les corps. C'était sur la

27 gauche. Si je l'avais su, j'aurais pu procéder à l'exhumation et à

28 l'identification, comme pour le reste des fosses où nous avons retrouvé des

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1 corps.

2 Q. Je vais essayer d'être bref dans mes questions si vous faites de même

3 dans vos réponses, s'il vous plaît.

4 R. Oui.

5 Q. En 1993, à cause de ces journalistes australiens, vous avez appris

6 qu'il y avait cette allégation qu'on a tué des gens à Ovcara, tué et

7 enterré; est-ce exact ?

8 R. Oui.

9 Q. Merci. A ce moment-là, est-ce que c'est quelque chose qui a été un

10 sujet de préoccupation pour vous, qu'on vous estime responsable

11 d'enterrement d'un grand nombre d'individus, et là, en l'occurrence,

12 c'étaient des gens qui avaient été tués et enterrés à Ovcara ?

13 R. Non.

14 Q. Ceci ne vous a pas inquiété ?

15 R. Non.

16 Q. Mais pourquoi ? Parce que c'étaient des Croates ?

17 R. Non, cela n'a rien à voir. C'est parce que dans -- parce que cela se

18 situe à la périphérie. J'ai fait tout ce que j'ai pu à Vukovar, c'est le

19 territoire qui était sous mes compétences et pour lequel j'étais

20 responsable, mais cela sortait du cadre de mes compétences, donc je n'y

21 pouvais rien.

22 Q. Physiquement, matériellement parlant, ce secteur se situe bien dans le

23 secteur qui était placé sous vos ordres, n'est-ce pas, en 1991 ?

24 R. Si on estime que j'étais responsable de ce secteur au sens strict et au

25 sens large du terme.

26 Q. Disons oui, et avançons, s'il vous plaît.

27 Ovcara faisait partie de votre zone de responsabilité en 1991 et au

28 début de 1992. En 1993, on a laissé entendre que des individus auraient été

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1 tués et enterrés à Ovcara qui avait été votre zone de responsabilité

2 précédemment; c'est bien cela ?

3 R. Non.

4 Q. Pourquoi pas ?

5 R. Parce que même à ce moment-là, quand je suis arrivé sur le lieu de

6 l'enterrement, ce colonel russe me l'a montré, mais cette surface, je ne

7 pouvais pas comprendre. Ce colonel m'a dit qu'un médecin australien était

8 venu, qu'ils ont déterré un crâne. Sur la base de cela, je ne pouvais rien

9 déduire. On est repartis pour Belgrade sans avoir tiré de conclusions. On

10 n'a rien trouvé.

11 Q. La Défense nous a communiqué ses notes de récolement. C'est ainsi qu'on

12 appelle cela. C'est quelque chose qui nous permet de comprendre de quoi il

13 s'agira dans votre déposition. Il est exact, n'est-ce pas, que vous vous

14 êtes entretenu avec des juristes, avec les conseils de M. Vasic hier soir;

15 c'est exact ?

16 R. Non, non. Je me suis entretenu avec un seul avocat, avec M. Vasic, et

17 c'est tout.

18 Q. D'accord. Précisément, c'est le monsieur qui est installé en face ?

19 R. Les avocats n'ont absolument exercé aucune influence sur moi.

20 Q. Non, mais il n'y a pas l'ombre d'un doute là-dessus. Je ne cherche pas

21 à suggérer que Me Vasic ait cherché à vous influencer. Vous comprenez

22 cela ?

23 R. Oui.

24 Q. [aucune interprétation]

25 R. Je comprends.

26 Q. Bien. Il est exact, n'est-ce pas, que vous avez vu Me Vasic hier soir;

27 c'est exact ?

28 R. Oui.

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1 Q. Il est exact que vous lui avez relaté les événements; cela aussi, c'est

2 exact, n'est-ce pas ?

3 R. Non.

4 Q. Pas du tout ?

5 R. Non.

6 Q. Vous n'avez pas parlé de cette affaire, de votre déposition future

7 ici ?

8 R. Naturellement, on a parlé d'éventuels éléments de ma déposition.

9 J'étais en colère parce qu'on n'avait pas procédé en bonne et due forme

10 dans les temps voulus avec moi en tant que témoin. Je suis arrivé hier soir

11 pour être témoin à La Haye. Mais pourquoi ? Comment ? Il fallait que je

12 sois un peu plus au fait des choses.

13 Vous, en tant que juriste, vous vous êtes certainement bien préparé

14 pour défendre vos positions.

15 Q. Je comprends parfaitement la situation dans laquelle se trouve le

16 témoin devant ce Tribunal. Je comprends votre situation, je vous en assure.

17 Mais vous avez quand même parlé de lui, avec lui de ce que sera votre

18 déposition ou ce qu'elle serait ?

19 R. Non.

20 Q. Vous avez parlé juste de la pluie et du beau temps ?

21 R. Nous avions d'autres sujets à aborder. Nous nous sommes déjà rencontrés

22 à Belgrade et nous n'en avons jamais parlé avant. Je n'allais pas perdre

23 mon temps à parler de cela. J'ai ma manière de me préparer. Je ne vois pas

24 pourquoi je parlerais de cela. Je pensais qu'il me serait possible de

25 parler plus spontanément de M. Sljivancanin, Mrksic, et cetera, et que je

26 n'allais pas parler de cela.

27 Q. Vous comprenez, je vous pose des questions pour lesquelles j'estime

28 qu'elles sont pertinentes.

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1 Je vais vous donner lecture de ce qui figure dans ces notes de

2 récolement. C'est pour nous une indication de la future substance de votre

3 déposition.

4 "Pendant la période où il," c'est vous, "a travaillé sur le terrain, le

5 témoin a dit qu'il a constaté que certaines unités de volontaires avaient

6 violé la loi, avait enfreint la loi, qu'il en a informé le colonel Petkovic

7 à Sid, mais le colonel n'a pas été en mesure de prendre une action."

8 Je ne vais pas poursuivre tant que la conversation ne s'est pas

9 terminée.

10 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

11 M. MOORE : [interprétation] C'est à 3 heures 50 hier soir que nous

12 avons reçu ces notes de récolement. Monsieur le Président, je ne sais pas

13 si vous les recevez ou non.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce n'est pas ce que j'ai reçu,

15 ce que nous avons reçu.

16 M. MOORE : [interprétation] J'ai des exemplaires pour vous. Me Vasic

17 pourra en donner à ses confrères. En voici pour la Chambre, s'il vous

18 plaît.

19 Je l'ai en anglais. Je ne sais pas s'il y aussi le texte en B/C/S.

20 Je ne sais pas si le Juge aimerait rapidement lire cette page,

21 notamment le dernier paragraphe.

22 Puis-je poursuivre ? Merci beaucoup. Je vais redonner lecture de ce

23 paragraphe.

24 Q. "Pendant la période où il a travaillé sur le terrain, le témoin a dit

25 qu'il avait appris que certaines formations de volontaires avaient enfreint

26 la loi. Il en a informé le colonel Petrovic à Sid, mais le colonel n'était

27 pas en mesure de prendre des mesures."

28 Ce que j'affirme, c'est qu'il est clairement indiqué que lorsque vous

Page 11690

1 étiez sur le terrain à Vukovar, vous aviez appris que des atrocités avaient

2 été commises par des formations de volontaires. Comment réagissez-vous à

3 cela ? Il s'agit d'un document rédigé en relation avec le témoignage que

4 vous alliez donner.

5 R. Ce n'est pas du tout la vérité. Petkovic n'en a jamais été informé.

6 Nous en avons parlé. Je regrette qu'il ne soit plus en vie, mais pour

7 autant que je le sache, il n'en savait rien.

8 M. MOORE : [interprétation] Je vois que Me Vasic aimerait prendre la

9 parole.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Vasic.

11 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est peut-être une

12 question qu'il faudrait poser lors de l'interrogatoire supplémentaire, mais

13 je crois que l'on est en train d'induire le témoin en erreur. Il a lui-même

14 parlé des informations transmises au colonel Petkovic. Je crois que nous

15 avons obtenu des explications de sa part.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense qu'il vaut mieux ne pas

17 entrer dans la façon dont vous comprenez les faits pour l'instant. Le

18 témoin peut s'exprimer et vous pourrez poser d'autres questions par la

19 suite.

20 Monsieur Moore.

21 M. MOORE : [interprétation]

22 Q. Ce que je vous affirme, c'est que sur la base de ce résumé de

23 récolement, il est suggéré que vous aviez appris que certains volontaires

24 avaient enfreint la loi. Donc, il semblerait que cela veut dire que vous

25 avez entendu par le biais de rumeurs ou par un autre biais, que certains

26 volontaires avaient commis des atrocités. Que répondez-vous à cela ?

27 R. Je réponds que c'est faux. Ce n'est rien d'autre qu'un mensonge. Pour

28 la première fois de toute ma carrière, je peux l'affirmer. Je ne connais

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1 rien à cela, absolument rien. Ce dont j'ai discuté avec Petkovic n'avait

2 rien à voir, et ce que vous -- ce dont vous parlez, c'est la première fois

3 que j'en entends parler.

4 Q. J'affirme que ce n'est pas exact non plus, parce que vous avez dit,

5 lors de l'interrogatoire principal, que Petkovic vous avait parlé des

6 fosses. J'essaie de me souvenir exactement où on trouve cela. Vous avez dit

7 : "Je n'avais aucune information, mais j'avais quelques informations

8 concernant la TO."

9 Avez-vous ou non eu une discussion avec Petkovic concernant les

10 fosses ou les tombes ?

11 R. Pas du tout.

12 Q. Pouvez-vous m'expliquer alors ce que vous avez dit dans votre

13 déposition à la page 4 320 ? Je cite : "Cela dit, je suis absolument

14 certain que si j'avais su où était la fosse, je l'aurais exhumée également,

15 mais je n'en savais rien."

16 La phrase suivante : "Il y avait quelques soldats de la TO qui avaient

17 laissé entendre cela." Qu'est-ce que vous voulez dire par cette phrase :

18 "J'avais quelques soldats de la TO qui avaient laissé entendre cela" ?

19 R. Tout d'abord, j'aimerais dire que je n'avais pas de soldats de la TO

20 dans mon unité, mais dans la zone où il y avait notre garnison, il y avait

21 toujours quelques hommes de la TO. Un homme du nom de Metrusic, si je me

22 souviens bien, avait dit que derrière la caserne, il y avait quelque chose

23 que nous devrions explorer. Mais c'était tellement décousu, tellement hors

24 de tout contexte que je n'y ai prêté aucune attention.

25 Je sais que la Radio libre de Slavonie ne cessait de dire que toute

26 personne qui voyait un cadavre devait immédiatement le notifier, le

27 signaler. C'était de la conjecture. Mais je crois qu'il y a eu une erreur

28 d'interprétation, ici. La réalité, c'est que j'ai discuté avec M. Petkovic

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1 au sujet de cet événement à la Villa Carrington. Vous savez ce dont je

2 parle. Six hommes de son groupe avaient été tués. C'était cela, le

3 problème. Vous êtes en train de confondre les choses.

4 Q. Je ne confonds rien du tout, et je vais donner lecture pour que l'on

5 comprenne bien votre déposition. Votre avocat vous a posé des questions

6 comme suit : "Je vais vous poser encore une question, sans doute ma

7 dernière." C'étaient donc les propos de M. Vasic. Il vous a demandé : "Est-

8 ce que le colonel Petkovic vous a parlé du cimetière à Ovcara ?"

9 Je pars du principe que lorsqu'on parle d'un cimetière, cela ne se

10 réfère pas à des animaux, à du bétail. Puis, encore une citation : "Est-ce

11 que vous avez appris du colonel Petkovic à Sid qu'environ 200 personnes

12 avaient été exécutées à Ovcara ?"

13 Vous avez répondu : "Sur le territoire de Vukovar, je m'intéressais

14 surtout aux tombes et aux fosses communes. Nous étions très fiers d'avoir

15 enterré ces cadavres, d'avoir aidé ces gens sans égard au côté duquel ils

16 se trouvaient. Nous avons enterré tout le monde avec beaucoup de dignité.

17 C'était notre priorité absolue."

18 Vous avez ajouté : "Cela dit, je suis absolument certain que si

19 j'avais su que cette fosse existait, je l'aurais exhumée également. Mais je

20 n'en savais rien. J'avais quelques soldats de la TO qui me l'ont suggéré,

21 mais je n'avais aucune information exacte."

22 Cela se rapporte explicitement à Ovcara, cela n'a rien à voir avec

23 Velepromet ou tout autre endroit, n'est-ce pas ?

24 R. Je pense que vous vous trompez complètement. Cela n'a rien à voir -- je

25 suis ahuri que vous vous comportiez ainsi. Je n'ai pas la moindre idée de

26 ce dont vous parlez. Vous prétendez que j'ai des connaissances à ce sujet,

27 mais comment se peut-il, comment pourriez-vous savoir ce que je sais ou

28 non ?

Page 11693

1 Je vous en prie, Monsieur, je ne suis pas un idiot.

2 Q. Je vous prie de répondre à une question toute simple. Comment cela se

3 fait-il que cette question se réfère de manière spécifique à Ovcara ? Vous

4 parlez d'indices ou de ce que la TO a laissé entendre. Vous mentionnez même

5 la tombe. Expliquez-moi comment vous auriez pu donner une telle réponse si

6 vous n'en saviez rien.

7 R. Je n'ai jamais donné une telle réponse à qui que ce soit, et je vous

8 prie de ne pas m'induire en erreur sur ce que j'ai dit. Je ne sais pas du

9 tout d'où vous vient cette idée que j'ai su, que je savais. J'aurais bien

10 aimé savoir. Comme cela, j'aurais pu faire quelque chose à ce propos, mais

11 je ne savais rien du tout. En fait, la fosse à Ovcara se trouvait à

12 l'extérieur de Vukovar. Vukovar est délimité par le cimetière bulgare. Je

13 ne dis pas que je n'aurais rien fait. Je ne dis pas que je ne l'aurais pas

14 signalé officiellement, mais je n'avais pas la moindre idée. Je vous prie

15 de me croire. Même si vous essayez d'insinuer que j'avais connaissance de

16 cela, ce n'est pas le cas.

17 Q. J'affirme également que vous en aviez connaissance, et sur la base de

18 votre déposition, je vous affirme que vous avez eu une discussion avec

19 Petkovic à ce propos, et tout simplement, la JNA ne voulait rien savoir à

20 ce propos. Cela est la réalité.

21 R. Ce n'est pas la réalité de la situation. C'est complètement ridicule.

22 Je me demande d'où vous sortez cela. Vous essayez d'insinuer quelque chose

23 auquel je n'ai jamais pensé, même dans mes rêves les plus fous. Comment

24 pouvez-vous faire une telle chose ?

25 Q. Je le fais parce que je me réfère à vos propres paroles, et pas aux

26 propos de qui que ce soit d'autre.

27 R. Ce sont des paroles manipulées, déformées.

28 Q. Je vous affirme qu'elles ne sont ni manipulées, ni déformées, et que la

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1 raison pour laquelle vous niez cela, c'est parce que vous savez très bien

2 que si vous reconnaissez que vous aviez connaissance de ces tombes à

3 l'époque, qu'on pourrait vous tenir pour responsable parce que vous n'en

4 avez pas informé vos supérieurs hiérarchiques. C'est pour cela que vous

5 niez toute connaissance à ce sujet. Que répondez-vous à cela ?

6 R. Je prétends que ce sont des illusions de votre part, que cela n'a rien

7 à voir avec la vérité ou la situation qui existait à l'époque. D'où tirez-

8 vous ces informations ? Quelle pourrait être votre source ? Je peux vous

9 assurer que je n'ai jamais été impliqué dans tout cela, même pas dans mes

10 rêves les plus fous. Pourquoi est-ce que je dirais ces choses, sinon ? Je

11 ne savais même pas où cela se trouvait. Vous prétendez que je le savais.

12 C'est un manque de respect. Vous êtes avocat, vous devriez le savoir.

13 Q. Je n'ai pas d'autres questions pour vous.

14 M. MOORE : [interprétation] Monsieur Parker, à vous.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Moore.

16 Monsieur Vasic, vous avez la parole.

17 M. VASIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 Nouvel interrogatoire par M. Vasic :

19 Q. [interprétation] Permettez-moi d'essayer de préciser cette question qui

20 n'est toujours pas très claire. Monsieur Basic, vous avez mentionné qu'il y

21 avait des gens autour de Kameni ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous avez dit que six personnes ont été tuées ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous avez dit que ces personnes avaient été tuées lors d'une dispute

26 entre volontaires ?

27 R. Oui. Cela concernait la manière dont ils allaient se repartir entre

28 eux, ce qu'ils avaient pillé. Je l'ai su plus tard.

Page 11695

1 Q. Pour vous, le meurtre de six personnes est un crime, n'est-ce pas ?

2 R. Oui, cela ne fait aucun doute.

3 Q. Six personnes ont été tuées, des volontaires. C'était un crime. Vous en

4 avez informé M. Petkovic, le colonel Petkovic, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Le colonel Petkovic a refusé de réagir, n'est-ce pas ?

7 R. Je me trouvais dans la rue Carrington. Je ne pouvais pas entrer parce

8 qu'il y avait un fusil pointé sur moi.

9 Q. C'est le seul incident que vous avez signalé au colonel Petkovic comme

10 étant un crime ?

11 R. Oui, et je ne l'ai pas vu à l'époque pour discuter d'autre chose.

12 Q. Maintenant, j'aimerais passer à autre chose. Vous avez parlé de la

13 manière dont des ordres ont été émis. Vous avez dit que les ordres ont été

14 émis soit par écrit, soit oralement. Si un ordre a été transmis oralement

15 et que cela a été consigné dans un cahier, le cahier d'un officier, est-ce

16 que cela aurait eu la force contraignante d'un ordre écrit ?

17 R. Non.

18 Q. Merci. Si, par exemple, un officier ordonne à son subordonné de faire

19 quelque chose, prendre une mesure qui, sans doute, aboutirait à une

20 infraction pénale, que devrait faire cet officier ? Aurait-il l'obligation

21 de refuser cet ordre verbal et de demander à ce que cet ordre soit formulé

22 par écrit ?

23 R. Oui.

24 Q. Si cet officier estime que cela pourrait aboutir à ce qu'un crime soit

25 perpétré, il ne devrait même pas exécuter cet ordre écrit, mais devrait

26 plutôt en informer son supérieur hiérarchique, n'est-ce pas ?

27 R. Oui.

28 Q. Maintenant, pour ce qui est du système d'approvisionnement en eau, vous

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1 avez dit que la destruction de ce système constitue un crime de guerre, à

2 votre avis. Je vais formuler la question comme suit. Qu'en est-il de la

3 destruction intentionnelle d'un système d'approvisionnement en eau ? Est-ce

4 que cela représenterait un crime de guerre ? Qu'en serait-il si un système

5 d'approvisionnement en eau était détruit simplement comme conséquence

6 d'autres opérations de combat, et non pas comme acte intentionnel visant à

7 priver la population de son eau ?

8 R. Oui, vous avez tout à fait raison. Il y a une très grande différence

9 entre ces deux hypothèses.

10 Q. Est-ce que vous avez eu connaissance du fait qu'il y avait une

11 infection à Vukovar qui s'étendait au sein de la population en raison de

12 l'insuffisance d'eau, et les gens à l'hôpital gisaient sur des matelas qui

13 étaient remplis d'eau, n'est-ce pas ?

14 R. Oui, c'est exact.

15 Q. Vous n'avez jamais entendu parler d'une infection qui s'est déclarée à

16 Vukovar lors des combats ?

17 R. Non.

18 Q. Est-ce que vous savez que pendant les combats à Vukovar, ils ont

19 continué à utiliser des puits, que chaque maison avait un puits ?

20 R. Oui, c'est exact. Nous avons aussi construit un puits afin que

21 l'hôpital puisse l'utiliser.

22 Q. Votre témoignage concerne uniquement le système d'approvisionnement en

23 eau de la ville, et en attendant, on continue à utiliser les puits ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce que vous savez où était la principale pompe à eau de la ville ?

26 R. Non.

27 Q. Est-ce que vous avez appris à un moment donné que le système

28 hydraulique a été détruit par la JNA ou qu'il y avait peut-être eu un acte

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1 sabotage des forces croates qui ont détruit ces installations ?

2 R. Je ne saurais le dire, mais l'infrastructure a été entièrement

3 détruite.

4 Q. Alors l'installation a été détruite, et cela se trouvait dans des

5 ruines occasionnées par des tirs à l'artillerie ?

6 R. Oui.

7 Q. Mais cela aurait pu être l'effet d'explosifs ou de la pose

8 d'explosifs ?

9 R. Oui, c'est exact.

10 Q. Merci.

11 M. VASIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

12 questions pour ce témoin.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est moi qui vous remercie, Maître

14 Vasic. Est-ce que le M. le Greffier ou son assistant pourrait restituer le

15 document original au témoin ? La copie obtenue par la Chambre se verra

16 attribuer une cote pour identification, une cote à des fins

17 d'identification, et les deux conseils ont le loisir et la possibilité de

18 se pencher sur la photocopie s'ils le désirent.

19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera une cote à

20 des fins d'identification qui sera la 763.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Monsieur, vous allez

22 certainement être content d'entendre, d'apprendre que ceci met un terme aux

23 questions qui vous sont posées. Vous pouvez rentrer chez vous, à présent.

24 Nous tenons à vous remercier de votre déplacement et de l'assistance que

25 vous avez apportée. Le Greffier va vous raccompagner.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Monsieur le

27 Président. Je vous remercie pour la façon dont vous m'avez traité. Je vous

28 souhaite beaucoup de succès.

Page 11698

1 [Le témoin se retire]

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il y a des points qu'il conviendrait

3 de soulever, à présent. Nous avions prévu qu'en ce moment, il conviendrait

4 de parler de la question de la durée de la présentation des éléments de

5 preuve de la Défense. Selon la façon dont les choses se sont déroulées dans

6 le courant de cette semaine, je pense que ce ne sera peut-être pas le

7 moment le plus approprié parce que je ne pense pas avoir suffisamment de

8 temps pour ce faire, et je regarde les conseils de la Défense et j'ai

9 l'impression que je suis dans le droit. Donc, je crois que nous devrons le

10 faire la semaine prochaine.

11 Pour cette raison et d'une façon générale, Maître Vasic, les Juges de la

12 Chambre voudraient vous faire comprendre qu'il devient impératif d'être

13 très attentif à la pertinence et à l'importance des questions dont vous

14 allez traiter avec vos témoins dorénavant. Nous souhaitons entendre de vos

15 témoins des témoignages sur ce qui est important, parce que nous ne voulons

16 pas que ce procès soit étiré de façon non nécessaire sur des points dénués

17 d'importance ou des questions auxiliaires, parce qu'il nous faudra

18 interrompre le témoignage si les conseils n'ont guère de succès pour ce qui

19 est d'attirer l'attention des témoins sur les points qui relèvent ou qui

20 revêtent de l'importance. Ceci devient d'une importance critique, en

21 l'occurrence.

22 Je tiens à préciser que le président a prévu une lumière mercredi

23 prochain, ce qui signifie que la semaine prochaine, il nous faudra entendre

24 les témoins que vous aviez prévus pour cinq jours, et il faudra le faire en

25 quatre jours, c'est pourquoi il importe que les conseils des deux parties

26 soient très attentifs au temps utilisé.

27 A présent, nous avons encore cinq minutes. Est-ce que pendant ces cinq

28 minutes, nous pouvons avec succès parler de la durée de la présentation des

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1 éléments de preuve de la Défense ? Je me doute bien que cela n'est pas très

2 raisonnable que de s'y attendre. Aussi allons-nous reporter ce sujet à la

3 semaine prochaine. J'ai l'impression que vous voulez prendre la parole,

4 Monsieur Borovic ?

5 M. BOROVIC : [interprétation] Je crois que nous pouvons en cinq minutes

6 dire nos prévisions et je crois que ce serait très utile. Pour moi, il

7 serait très utile de savoir combien les autres équipes de la Défense

8 envisagent de prendre de temps ?

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous n'allez avoir qu'une demi-minute.

10 M. BOROVIC : [interprétation] Cela me suffira.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Vasic.

12 M. VASIC : [interprétation] Je vais essayer de répondre à Me Borovic et à

13 toutes les personnes présentes dans le prétoire. En ma qualité de conseil

14 de la Défense, j'estime pouvoir terminer dans le courant de la première

15 semaine du mois d'octobre, au plus tard. Ce qui fait que --

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Quel est le nombre de témoins que vous

17 avez à l'esprit ?

18 M. VASIC : [interprétation] Le nombre de témoins se situe dans le cadre de

19 ceux dont nous avons déjà discuté, à savoir au total, nous en aurons 18 ou

20 19. Comme je vous l'ai déjà dit la fois passée, cela se situera dans le

21 cadre des chiffres déjà avancés. Nous avons éliminé plus de la moitié des

22 témoins parce que nous avons estimé que c'était superflu. Il se peut que

23 chemin faisant, nous écartions encore quelques témoins, à savoir que nous

24 raccourcissions davantage encore notre liste.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Maître Borovic.

26 M. BOROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Comme je vous

27 l'ai déjà indiqué dans ma requête, nous avons huit témoins, dont deux en

28 application du 92 bis. Nous avons déjà pris des mesures pour que leurs

Page 11700

1 dépositions soient signées et acceptées par le Tribunal.

2 Ensuite, nous avons l'accusé en guise de témoin. Puis, nous avons un

3 témoin expert. Nous avons envisagé, pour ces témoins-là, quatre heures par

4 témoin; pour le témoin expert militaire, sept heures; et pour l'accusé en

5 sa qualité de témoin, 11 heures. Ce qui signifie huit journées de travail

6 au total. Je précise que j'espère que le Procureur n'exagèrera pas avec ses

7 contre-interrogatoires. Cela nous donnera donc au plus une dizaine de

8 journées pour en terminer avec l'audition de la totalité des témoins de

9 l'accusé M. Radic.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela nous donne alors 16 jours,

11 d'après ce que vous venez de dire. Vous avez dit huit jours

12 d'interrogatoire principal ?

13 M. BOROVIC : [interprétation] Quand j'ai dit dix jours, j'avais pensé que

14 cela engloberait les contre-interrogatoires de la part de l'Accusation.

15 J'ai envisagé que cela nous fasse un total -- si je ne calcule que mon

16 temps à moi et si je parle de 12 heures pour Miroslav Radic, j'ai parlé,

17 j'avais en tête six heures pour la Défense et six heures pour le Procureur.

18 Ce que je ne peux pas prévoir, moi, c'est le temps qu'il faudra au

19 Procureur.

20 Si vous me permettez, Monsieur le Président, une phrase seulement encore.

21 J'ai prévu quelque 20 témoins et j'ai compris les impératifs temporels dont

22 vous avez parlé qui sont précieux, notamment pour les accusés. J'ai estimé

23 que je n'ai pas pu aller au-delà de ce minimum. J'espère que l'on ne me

24 privera pas de ce temps-là, parce que je me suis vraiment efforcé de

25 présenter ce qui m'a semblé être important par rapport aux témoins cités à

26 comparaître par l'Accusation. Ce qui donne, à mon avis, une dizaine de

27 journées de délai objectif comprenant, englobant les contre-

28 interrogatoires, comme je l'ai déjà dit.

Page 11701

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Borovic.

2 Maître Lukic, à vous.

3 M. LUKIC : [interprétation] Si vous avez juste une minute et demie pour

4 moi, je n'aurai pas le temps de tout dire. Mais je tiens à dire, Monsieur

5 le Président, qu'avec ce sujet, vos suggestions émanant de la Conférence

6 préalable au procès, je les ai comprises de façon tout à fait sérieuse.

7 J'ai établi un aperçu, j'ai dressé un aperçu que j'espère pouvoir respecter

8 pendant l'interrogatoire de ce témoin. J'ai l'intention pour les besoins

9 des Juges et de l'Accusation de remettre un document en guise de tableau.

10 J'aimerais que d'ici à lundi, vous preniez connaissance de ces propositions

11 et me donniez cinq minutes lundi pour argumenter ce qui se trouve ici.

12 Parce que mon affaire, ou plutôt ma cause demande, nécessite des

13 analyses un peu plus importantes. Je me suis penché notamment sur la

14 structure desdits témoins. Je voudrais attirer votre attention sur le fait

15 que les témoins aux numéros 2, 6, 8, 9 et 13 ont déjà fait des dépositions

16 auprès du bureau du Procureur, et M. Moore va nous le confirmer, qui ont

17 comporté chacune 10, 15 à 20 pages, ce qui est beaucoup plus long que la

18 déposition de Mme Vesna Bosanac. C'est le cadre qui fait que mes témoins

19 sont placés dans des circonstances temporelles de cette sorte.

20 Etant donné que vous venez de prendre connaissance des noms et étant donné

21 que le procès est bien avancé, vous comprendrez l'importance des noms qui

22 se trouvent dans cette phase-ci de la présentation des éléments de preuve à

23 décharge de M. Sljivancanin.

24 S'agissant du numéro 12, j'y ai renoncé. Ma nouvelle suggestion, c'est une

25 chose dont je me suis entretenu verbalement avec M. Moore, à savoir que les

26 personnes que j'avais initialement prévues pour déposer par écrit,

27 j'aimerais plutôt les faire témoigner en application du 89(F), ce qui fait

28 qu'il n'y aurait pas d'interrogatoire principal. Là, le temps prévu est

Page 11702

1 prévu pour le contre-interrogatoire et éventuellement des questions

2 complémentaires. J'ai essayé d'être rationnel, et si j'ai quelques minutes

3 encore, je pourrai peut-être entrer plus en détail. Peut-être pourrions-

4 nous le faire lundi, peut-être pourrions-nous le faire maintenant, chose

5 qui dépendra également de la longueur des bandes disponibles encore.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous suis reconnaissant, Maître

7 Lukic, pour les préparatifs que vous avez effectués, mais nous avons déjà

8 dépassé l'heure. Il y a un autre procès qui va commencer ici à 2 heures 15.

9 Par courtoisie à l'égard des autres, nous devons nous en aller et laisser

10 le temps au personnel technique de remplacer les bobines.

11 Nous allons lever l'audience, et avec les informations fournies jusque-là,

12 ceci nous fournira l'occasion en début de la semaine prochaine

13 d'approfondir cette question qui revêt beaucoup d'importance. Je suis

14 certain que tout un chacun réalise que c'est quelque chose qu'il convient

15 de traiter avec toute l'attention nécessaire afin que nous arrivions au

16 terme de ce procès de façon adéquate, en traitant des questions et en

17 faisant en sorte que le temps ne sera pas utilisé à tort et à travers au

18 détriment des accusés, au détriment de tout un chacun et au détriment de

19 ceux qui attendent. Nous avons des procès en attente.

20 Nous allons lever l'audience et nous allons continuer lundi, à 2

21 heures et quart.

22 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le lundi 11 septembre

23 2006, à 14 heures 15.

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