Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 28 novembre 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 19.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Madame le Juge Van den

7 Wyngaert sera probablement en mesure de nous rejoindre après la première

8 suspension d'audience. Pour le moment, nous ne serons que deux Juges

9 présents dans le prétoire conformément au Règlement.

10 Monsieur Moore, vous êtes prêt ? Merci.

11 M. MOORE : [interprétation] Oui.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur le Témoin, je me permets de

13 vous rappeler que la déclaration solennelle que vous avez prononcée au

14 début de votre déclaration s'applique toujours.

15 LE TÉMOIN: BORCE KARANFILOV [Reprise]

16 [Le témoin répond par l'interprète]

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je comprends, Monsieur le Président.

18 Contre-interrogatoire par M. Moore : [Suite]

19 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Karanfilov.

20 R. Bonjour.

21 Q. J'ai quelques questions à vous poser. Le général Vasiljevic est arrivé

22 à Vukovar le 19; c'est bien cela ?

23 R. Oui, c'est à ce moment-là que je l'ai vu.

24 Q. Le général Vasiljevic occupait quel poste à ce moment-là ?

25 R. Le général Vasiljevic était le chef de l'administration chargé de la

26 sécurité au sein de l'armée populaire yougoslave à ce moment-là.

27 Q. Je pense que je suis en droit de dire qu'il est arrivé et qu'il a eu

28 une conversation portant sur plusieurs sujets avec des interlocuteurs qui

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1 se sont trouvés sur place; c'est bien cela ?

2 R. Il est venu dans nos locaux, oui.

3 Q. Vous êtes au courant de l'arrivée d'un document le 18 novembre, un

4 document qui serait parvenu au commandant Sljivancanin du général

5 Vasiljevic disant qu'il était nécessaire de déployer tous les efforts afin

6 de placer en détention les soldats croates afin de faciliter des échanges

7 avec les soldats de la JNA. Vous vous souvenez de cette approche ou de ce

8 document ?

9 R. Non.

10 Q. Vous n'êtes pas au courant de l'existence de ce document pour ce qui

11 est de cette approche qui consistait à vouloir détenir un maximum de

12 soldats croates afin de pouvoir les échanger contre les militaires de la

13 JNA, prisonnier pour prisonnier ?

14 R. Je ne me souviens pas que j'aurais été mis au courant de cela.

15 Q. Vous ne vous souvenez pas de Sljivancanin parlant à Vukasinovic de

16 cela ?

17 R. Non.

18 Q. Je suppose que vous voulez dire par cette réponse que vous n'étiez pas

19 au courant de cela. La phrase suivante, s'il vous plaît. Je pense que c'est

20 lorsque vous êtes à la caserne, à Negoslavci peut-être, le 19 novembre,

21 vous avez dit que vous vous souveniez de la présence du colonel Tumanov ?

22 R. Le colonel Tumanov, je me souviens qu'il a été là parce qu'il a retiré

23 sa main au moment d'aller serrer la main à Bili. C'était un geste assez

24 frappant. Il a tendu sa main et quand il a su qui il avait face à lui, il a

25 retiré sa main. Cette scène s'est gravée dans ma mémoire.

26 Q. Vous vous souvenez bel et bien qu'il était là; c'est bien cela ?

27 R. Oui.

28 Q. Pouvez-vous m'expliquer comment le commandant Sljivancanin a eu un

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1 débat houleux avec le chef de son service ? Hier, vous nous avez dit que

2 vous avez entendu "une conversation plutôt animée entre Sljivancanin et

3 Vasiljevic." Je suis curieux de savoir comment est-ce que le commandant

4 pouvait avoir une conversation animée avec son chef.

5 R. Pour autant que je m'en souvienne, il y a eu une conversation dans le

6 couloir devant notre bureau.

7 Q. A Negoslavci ?

8 R. Notre bureau à Negoslavci, oui, dans le couloir devant le bureau.

9 C'était une conversation où les voix étaient fortes, mais je ne sais pas

10 sur quoi a porté cette conversation.

11 Q. Ce qui m'intéresse - je n'étais pas au courant du lieu - mais ce qui

12 m'intéresse c'est lorsque vous avez dit que c'était "une conversation

13 plutôt animée," que ces voix étaient des voix de personnes qui étaient en

14 colère. Est-ce qu'il serait juste de les décrire ainsi ?

15 R. Oui, oui, on pourrait les qualifier de voix en colère. Une conversation

16 de personnes en colère.

17 Q. Une conversation de personnes en colère entre un général et un

18 commandant; c'est exact, n'est-ce pas, et ce, dans un lieu public ?

19 R. Au bureau ou dans le couloir devant le bureau. J'ai eu la sensation que

20 ces hommes étaient en colère pendant cette conversation.

21 Q. Oui, mais parfois quand on n'est pas d'accord avec l'autre, on essaie

22 d'aborder cela dans l'espace clos d'un bureau. Ici, nous avons un échange

23 dans un couloir entre un général et un commandant, n'est-ce pas ?

24 R. Je ne sais pas pourquoi c'était dans le couloir, il n'y avait de toute

25 évidence personne d'autre dans le couloir. De toute façon c'est tout ce que

26 j'en sais, je n'en sais pas plus.

27 Q. Ce n'est pas éventuellement parce que le commandant Sljivancanin était

28 en train de laisser entendre qu'il n'était pas d'accord avec l'attitude du

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1 général Vasiljevic qui souhaitait l'échange des prisonniers croates contre

2 des prisonniers de la JNA, n'est-ce pas ? Etait-ce parce qu'il n'était pas

3 d'accord avec cette politique ? Est-ce que vous pouvez nous aider là-

4 dessus ?

5 R. Je ne peux pas vous aider, je ne connais pas l'objet de leur

6 conversation.

7 Q. A quel moment Vasiljevic vous a-t-il chargé d'aller récupérer des

8 objets et des documents et de les ramener à Belgrade ?

9 R. C'est M. Sljivancanin qui m'a chargé de faire cela. Je me souviens

10 qu'il m'a dit que c'était sur ordre du général Vasiljevic.

11 Q. Passons maintenant à la journée du 20. Je me suis déjà penché sur ce

12 sujet de manière générale, mais maintenant j'aimerais qu'on rentre dans les

13 détails. A peu près à quelle heure êtes-vous arrivé à la caserne dans la

14 matinée du 20 ?

15 R. Si entre 9 et 10 je suis parti à l'hôpital, j'y suis resté quelques

16 minutes, je suis revenu par la suite à la caserne. C'était pendant cette

17 période-là.

18 Q. Vous êtes allé à l'hôpital, vous êtes resté pendant quelques minutes

19 là-bas, il y a des gens qui ont dit qu'ils vous ont vu. Si tel est le cas,

20 est-ce que vous seriez d'accord pour accepter que vous étiez à l'hôpital,

21 mais juste pour quelques minutes ?

22 R. J'y suis resté juste pendant quelques minutes.

23 Q. Est-ce que vous êtes rentré à l'hôpital ?

24 R. Non.

25 Q. Si vous n'étiez pas à l'hôpital, je suppose que vous n'étiez pas dans

26 l'hôpital ?

27 R. Si vous entendez par là l'enceinte de l'hôpital, je suis arrivé

28 jusqu'au portail et dans la cour, mais je ne suis pas rentré dans le

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1 bâtiment lui-même.

2 Q. Au portail, vous avez parlé à qui ?

3 R. Je ne sais pas. On a demandé où étaient les agents de la police

4 scientifique, il y a un officier qui a dit qu'ils étaient partis vers la

5 caserne. Je ne sais pas qui c'était.

6 Q. Quand vous êtes parti vers l'hôpital, vous avez vu des autocars garés à

7 l'extérieur de l'hôpital ?

8 R. Je ne m'en souviens pas.

9 Q. Vous vous souvenez avoir vu M. Sljivancanin à ce moment-là ?

10 R. Je pense que je l'ai vu à une certaine distance de moi. Je pense que je

11 l'ai vu, mais je n'en suis pas certain.

12 Q. M. Vukasinovic, l'avez-vous vu ?

13 R. Non.

14 Q. M. Karan, l'avez-vous vu ?

15 R. Non.

16 Q. Je pense qu'il est sans objet de vous demander si vous avez vu M.

17 Radic. L'avez-vous vu, M. Radic ?

18 R. Non, je ne m'en souviens pas, non.

19 Q. Ce n'est pas parce qu'ils n'étaient pas là, c'est tout simplement que

20 vous ne les avez pas vus, vous ne vous êtes attardé vous-même que juste

21 quelques minutes là-bas; c'est bien cela ?

22 R. Je n'y suis resté que quelques minutes.

23 Q. Quand vous êtes parti à l'hôpital, vous êtes parti de Negoslavci ?

24 R. Oui.

25 Q. A bord de quel véhicule ?

26 R. C'était un véhicule Puch de la police.

27 Q. Comment est-ce que vous avez pu atteindre l'hôpital au moment où

28 d'autres personnes n'ont pas pu arriver à l'hôpital, en particulier je fais

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1 référence au passage par le pont ?

2 R. Je ne comprends pas votre question.

3 M. BULATOVIC : [interprétation] Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Bulatovic.

5 M. BULATOVIC : [interprétation] M. Moore peut-il soumettre au témoin qui

6 affirme qu'à ce moment-là il n'était pas possible d'atteindre l'hôpital par

7 un certain itinéraire et de quel itinéraire il s'agit. Je pense qu'il

8 serait plus équitable qu'il procède ainsi face au témoin puisqu'il aborde

9 la question de son arrivée à l'hôpital.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pour le moment, je ne vois pas en quoi

11 votre objection est fondée.

12 Allez-y, Maître Moore.

13 M. MOORE : [interprétation]

14 Q. Pouvez-vous répondre à ma question, s'il vous plaît ?

15 R. Je suis arrivé sans problème. Il n'y a eu absolument aucun problème

16 pour atteindre l'hôpital, si vous voulez dire que le chemin n'était pas

17 praticable. Je ne vois pas à quoi vous faites référence.

18 Q. Vous connaissez Vukovar en 1991, vous connaissiez Vukovar. Vous saviez

19 à l'époque qu'il y avait deux ponts sur la Vuka, n'est-ce pas ?

20 R. Il y avait des ponts, oui.

21 Q. Des gens sont venus déposer ici, des observateurs, et cetera, qui ont

22 dit qu'ils se sont trouvés dans une longue file - nous avons vu des images

23 - et qu'ils n'ont pas pu traverser le pont jusqu'à 10 heures. Je me demande

24 comment est-ce que vous, vous avez pu atteindre l'hôpital à ce moment-là

25 alors qu'eux ils ont dit que ce n'était pas possible ?

26 R. Oui, mais je vous ai dit que je ne sais pas à quelle heure on est

27 arrivés. On est arrivés avec Momcilovic sans rencontrer aucun problème.

28 Q. Si, vous connaissez l'heure. Je vous ai posé la question là-dessus,

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1 vous avez parlé de 9 heures, 10 heures, et vous avez dit que vous êtes

2 resté juste quelques minutes là-bas. Or, ce pont n'a été ouvert que par la

3 suite, d'après d'autres éléments de preuve. J'aimerais savoir comment vous,

4 vous avez pu y parvenir ?

5 R. Entre 9 heures et 10 heures, je ne vois pas où est le problème, 15

6 années se sont écoulées, cela peut être une demi-heure de plus ou une demi-

7 heure de moins. Vous devriez accepter cette marge d'erreur. Nous sommes

8 arrivés sans problème. Oui, il y a eu des coups de feu, mais en chemin on

9 n'a rencontré aucun problème.

10 Q. Non, je ne parle pas de coup de feu, je dis qu'il y avait une longue

11 file, il y avait des véhicules de la MOCE, de la Croix-Rouge, d'autres

12 véhicules qui ne pouvaient pas traverser le pont, l'un des deux ponts.

13 Comment vous, vous avez pu le faire et comment avez-vous atteint

14 l'hôpital ? Vous comprenez ? Pouvez-vous me répondre ?

15 R. Non. Véritablement, je ne peux pas.

16 Q. Il n'y avait pas un poste de contrôle sur le pont où on arrêtait toute

17 circulation ?

18 R. C'est possible, mais je ne m'en souviens pas.

19 Q. Quoi qu'il en soit, vous retournez à la caserne, et d'après ce que vous

20 nous avez dit, c'est à ce moment-là que vous avez remarqué qu'il y a eu des

21 incidents à la caserne; c'est bien cela ?

22 R. Oui, j'ai vu une situation qui sortait de l'ordinaire.

23 Q. Est-ce que vous pouvez nous décrire cette situation inhabituelle ? Des

24 gens dans des autocars, autour des autocars; c'est cela ?

25 R. Oui. Il y avait des autocars dans la caserne. Autour de ces autocars,

26 il y avait la police à une distance d'une dizaine ou une quinzaine de

27 mètres, il y avait un groupe d'une quarantaine ou cinquantaine de

28 personnes, pour la plupart c'étaient des hommes. C'était une situation

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1 inhabituelle, à savoir il y avait des insultes, des injures, ce genre

2 d'agressions verbales.

3 Q. C'était pire que cela, n'est-ce pas ?

4 R. C'est l'impression que j'ai eue.

5 Q. Mais c'est quelque chose qui vous a inquiété ?

6 R. Non, pas inquiété dans le sens d'une situation qui véritablement

7 pourrait nous rendre inquiets ou préoccupés, mais effectivement c'était une

8 situation qui sortait de l'ordinaire.

9 Q. Je vais vous donner lecture de quelque chose.

10 M. MOORE : [interprétation] A l'intention de toutes les personnes

11 présentes, je crois que je devrais peut-être distribuer les transcripts que

12 nous avons pour que la Chambre puisse suivre. Nous allons faire cela.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

14 M. MOORE : [interprétation] Je peux remettre les documents à la Défense

15 également si elle le souhaite. Est-ce que ceci pourrait lui être utile ?

16 C'est exactement la même présentation que précédemment. Nous avons un

17 tableau chronologique. Les pièces 1 et 2 correspondent à la date du 12

18 novembre. Ensuite, les pièces 3 et 4, c'est la date du 1er octobre.

19 Ensuite, au point 5, un document en anglais, une traduction en B/C/S

20 par l'enquêteur du bureau du Procureur, Nigel Stewart. Au 6 et 7, le 5

21 novembre 2003, 6 en anglais, 7 B/C/S.

22 Huit et 9, les audiences se font le 23 novembre, Belgrade. Le 10 et

23 11, un enregistrement audio le 11 novembre. L'anglais figure au 10. Enfin,

24 vous vous rappellerez peut-être ou peut-être pas, numéro 12, nous avons une

25 conversation à Belgrade, le 19 septembre, vous et moi. J'espère que vous

26 vous en souvenez très bien.

27 Q. Voyons maintenant l'intercalaire 8, s'il vous plaît, pour vous ce

28 serait la version en B/C/S, ce serait plutôt l'intercalaire 9. En anglais,

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1 ce serait l'intercalaire 8, la page 7, on voit la pagination en bas à

2 droite; en B/C/S, 0367-9153.

3 Monsieur Karanfilov, 0367-9153 pour vous, normalement en haut à

4 droite. Vous avez retrouvé la page ?

5 R. Oui.

6 Q. Je vais juste donner lecture de cela. C'est en haut de la page en

7 B/C/S, me semble-t-il. "A l'intérieur de l'enceinte de la caserne, il y

8 avait ce que nous avons trouvé comme étant frappant et inacceptable en même

9 temps, c'était qu'il y avait plein de civils autour des autocars. Ils

10 semblaient vraiment très en colère."

11 Est-ce que vous voyez ce passage ?

12 R. Oui.

13 Q. Qu'entendez-vous par cette "colère plutôt vive" ? Ce n'est pas ce que

14 vous avez décrit ici, n'est-ce pas, pas du tout ?

15 R. C'est littéralement ce que j'avais à l'esprit. Ils étaient en train de

16 les insulter, d'injurier des membres de leurs familles. C'était de

17 l'agression verbale de ce type-là.

18 Q. Allons de l'avant, page 8 en anglais, au milieu de la page à peu près.

19 Le Juge qui préside la Chambre pose la question : "Lorsque le juge

20 d'instruction vous a posé la question, le juge du tribunal militaire, avez-

21 vous dit : 'pour autant que j'ai pu comprendre, ils avaient l'intention de

22 se charger de la sécurité des autocars' ?

23 "Karanfilov : Oui.

24 "Question : C'est ce que vous étiez en train de dire ?

25 "Réponse : Oui, c'était littéralement cela. Je ne dis pas que c'est

26 ce qui s'est passé, mais c'est mon opinion personnelle."

27 M. BULATOVIC : [interprétation] Monsieur le Président ?

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Bulatovic, nous allons attendre

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1 la question, je pense.

2 M. BULATOVIC : [interprétation] C'est une question qui concerne la

3 traduction que je souhaite poser.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons d'abord entendre la

5 question, puis vous allez réagir, Maître Bulatovic.

6 M. MOORE : [interprétation]

7 Q. Est-ce que vous l'avez ?

8 R. Non.

9 Q. Allez examiner la page 0367-9153. C'est écrit en haut à droite. Le

10 voyez-vous ?

11 R. Oui.

12 Q. Le passage, il devrait se trouver à peu près au milieu de la page.

13 C'est une question. Je peux reprendre le texte un peu en haut.Le Procureur

14 adjoint : "De quelle manière ont-ils manifesté ce désir de prendre en

15 charge les gens de l'autocar, quoi concrètement, en plus de ce qu'il a

16 dit ? Est-ce qu'il y a eu une autre manifestation de ce type-là ?"

17 "Le témoin Borco Karanfilov : Bien, je pense en plus des insultes, mais je

18 ne vois pas ce que vous avez à l'esprit concrètement."

19 Vous l'avez retrouvé ?

20 R. Oui.

21 Q. "Juste des insultes, rien d'autre ?

22 "Oui, oui, oui."

23 Vous dites vraiment lorsque vous avez répondu aux questions du juge

24 d'instruction du tribunal militaire : "Pour autant que j'aie compris, ils

25 souhaitaient se charger de la sécurité de l'autocar ?"

26 "Oui.

27 "C'est ce que vous dites.

28 "Oui, c'est littéralement cela. Littéralement, ils étaient pratiquement

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1 entrés en contact avec la police."

2 R. Mais ici aussi, j'ai dit à peu près cela. C'était uniquement au niveau

3 verbal. C'est cela qui a créé une image, une scène désagréable, voire un

4 groupe de personnes qui insultent, qui injurient, qui lancent de gros mots,

5 des invectives. C'était dans ce sens-là.

6 Q. Il y a une différence : on peut m'insulter verbalement, puis c'est

7 tout. On s'en tient à cela. Mais là, c'est une situation différente. Vous

8 avez un groupe de personnes qui sont à bord d'un autocar ou des autocars,

9 et qui, soi-disant, auraient commis des infractions. Puis, à l'extérieur

10 vous avez des gens qui laissent entendre que c'est contre eux ou des

11 membres de leurs familles que ces crimes ou des infractions ont été commis,

12 des actes tels que meurtres; c'est bien cela ?

13 R. A bord des autocars, il y avait des gens, enfin je suppose, des gens

14 qui auraient pu commettre des crimes. Les habitants avaient probablement

15 des raisons d'insulter. Il y en avait pas mal qui avaient perdu leurs

16 proches, des membres de leurs familles. Donc, ils avaient des raisons

17 d'insulter, d'injurier, si c'est à cela que vous pensez.

18 Q. Non, ce n'est pas tout à fait le sens de ma question. Ce n'est même pas

19 du tout le sens de ma question. Il peut y avoir des raisons de lancer des

20 insultes et des invectives. Il faut remettre les choses dans leur contexte

21 et penser à ce que ces gens pensent avoir vécu et penser à ce qu'ils sont

22 capables eux-mêmes d'infliger. Ces personnes, certains d'entre eux étaient

23 armés, n'est-ce pas ?

24 R. Oui, ils étaient armés. Il y avait des gens armés, mais c'est une

25 hypothèse. On se perd en conjecture. Quelle aurait été la situation si

26 quelque chose d'autre s'était produit ? Oui, je vous ai déjà fait part de

27 toutes mes observations et de mes conclusions sur cette situation. Je ne

28 peux pas parler de ce qui aurait pu se produire.

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1 Q. Oui, mais vous pourriez effectivement parler de ce qui aurait pu se

2 produire parce que ce qui aurait pu se produire s'est effectivement

3 produit. Ces personnes ont été tuées, n'est-ce pas ?

4 R. S'il vous plaît, je ne sais rien là-dessus. Je suis entré dans la

5 caserne. J'étais à ce moment-là en mission. J'y étais présent pendant

6 quelques minutes. Mon impression et ce que je retire de la situation

7 correspond à un instantané sur le moment. J'avais l'impression que la

8 situation était sous contrôle et que le commandant maintenait la situation

9 sous contrôle. Il n'y avait aucune raison de croire quoi que ce soit

10 d'autre, rien qui ne me portait à croire quelque chose d'autre. Je ne

11 pensais pas avoir besoin de demeurer sur place. Donc, c'est une impression

12 qui se fonde sur un instantané du moment, pendant la brève période que j'ai

13 passée là-bas.

14 Q. Tout d'abord, je vous suggérerais que ce que vous êtes en train de dire

15 est une tentative pour minimiser la teneur et la nature des événements

16 parce qu'en fait, vous étiez si inquiet que vous en avez parlé à Lukic qui

17 était responsable de la sécurité à la caserne; n'est-ce pas exact ?

18 R. M. Lukic se tenait à une distance de 25, 30 mètres environ. Il avait

19 conscience de ce qui était en train de se passer. Je lui en ai touché deux

20 mots, mais ce que je lui ai demandé, c'est ce qui se passait.

21 Q. Donc, vous avez parlé à Lukic ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous avez utilisé la phrase, "nous avons informé Lukic," dans cet

24 entretien auquel je faisais référence. De qui s'agit-il quand vous dites

25 "nous" ?

26 R. D'accord. Nous l'avons informé. C'est sans doute une référence à la

27 conservation brève que nous avons eue. Lorsque je dis "nous," je voulais

28 dire Zoran Momcilovic et moi-même, puisque nous étions là ensemble.

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1 Q. Mais vous n'avez pas besoin de l'informer de quoi que ce soit, n'est-ce

2 pas, s'il est simplement là et peut voir de lui-même les événements qui se

3 déroulent; n'est-ce pas exact ?

4 R. Je crois que, précisément, je pense que le terme "informer" a deux sens

5 possibles dans ce contexte. Il y a eu un échange du

6 type : "Que se passe-t-il ? De quoi s'agit-il ?" Ce n'est pas que j'étais

7 vraiment en train d'informer le commandant. Le commandant était présent, il

8 avait la situation sous contrôle et il avait le commandement de sa section.

9 Q. Je tendrais à suggérer qu'il s'agissait de plus que cela. Vous avez

10 informé Sljivancanin des problèmes; n'est-ce pas exact?

11 R. Tout d'abord, pour moi ce n'était pas un problème. J'ai effectivement

12 informé Sljivancanin. J'avais l'impression qu'il s'était rendu compte et

13 qu'il avait été informé de la situation plus tôt.

14 Q. Sur quoi se fondait cette impression que vous aviez qu'il avait été

15 informé plus tôt ?

16 R. Pour autant que je m'en souvienne, cette impression se fondait sur le

17 fait qu'il avait dit que tout se passait bien. Je crois que sa réponse a

18 été : "Tout se passe bien."

19 Q. Oui. "Tout se passe bien" peut avoir bien des sens. Ce que je vous

20 demande, c'est pour quelle raison vous avez eu cette impression qu'il avait

21 déjà connaissance de la situation ?

22 R. Pour la simple raison que justement il n'a pas posé de questions

23 supplémentaires. Je suppose que s'il avait d'autres questions à poser ou

24 s'il n'avait pas été informé de la situation, il aurait posé des questions

25 supplémentaires.

26 Q. Il y a trois ou quatre minutes, vous avez dit que ce n'était pas de

27 votre responsabilité de faire quoi que ce soit. Est-ce que ce n'est pas ce

28 que vous avez dit ?

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1 R. Je ne crois pas qu'informer quelqu'un ou parler à

2 M. Sljivancanin corresponde à faire quoi que ce soit. Cela ne correspond

3 pas au fait d'intervenir ou de prendre des décisions sur une situation qui

4 se déroulait dans les casernes. Ce qu'on m'a demandé de faire, c'était

5 d'observer et de transmettre mes observations au chef ou au supérieur

6 hiérarchique, donc me contenter d'une simple observation.

7 Q. Je vous renvoie à nouveau à l'onglet numéro 9, onglet numéro 8, pour

8 l'anglais, page 7, l'équivalent en B/C/S, 0367-9153. C'est la même page à

9 laquelle je vous ai renvoyé plus tôt. Pour l'anglais, onglet 8, page 7, bas

10 de la page. Pour le B/C/S, en haut de la page 0367-9153.

11 Je vous ai déjà mentionné ce point, mais j'aimerais donner lecture d'autres

12 parties. En haut de la page en B/C/S : "Ce que nous avons constaté sur

13 place, en quelque sorte, c'était à la fois le plus frappant et le plus

14 inacceptable, était le fait qu'il y avait plein de civils autour des

15 autocars, qui exprimaient une colère plutôt féroce. Par la suite, la

16 police, dans la mesure où la police entourait les autocars, après cela,

17 cela veut dire qu'alors que nous acheminions Bili, nous avons informé Lukic

18 qui venait d'être nommé commandant des casernes, et je crois qu'à notre

19 retour à Negoslavci, nous avons informé Sljivancanin aussi du fait que les

20 habitants locaux se réunissaient autour des autocars à proximité de la

21 caserne. Je crois que c'est à cela que se référait ce monsieur."

22 Donc, vous voyez ici un incident, vous en parlez à Lukic, ensuite

23 vous le mentionnez à Sljivancanin à Negoslavci; c'est exact, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 M. MOORE : [interprétation] Il semble y avoir un problème.

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Vasic,

27 M. Bulatovic attend. Vous avez la parole ensuite. Je vois que le problème

28 de M. Bulatovic a été résolu.

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1 M. BULATOVIC : [interprétation] M. Moore a lu la partie pertinente.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons en terminer, puis nous en

3 viendrons aux autres points. Si vous voulez bien attendre, Monsieur Vasic.

4 Nous vous attendons, Monsieur Moore.

5 M. MOORE : [interprétation] Je suis désolé, je croyais que

6 M. Vasic avait une requête à exprimer.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, il vous attend suite à ma

8 demande.

9 M. MOORE : [interprétation] Est-ce que je peux demander ce que Me Vasic

10 attend ?

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Vasic, vous pouvez

12 intervenir.

13 M. VASIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. J'attends

14 l'interprétation. Mon éminent collègue, lorsqu'il a cité cette section de

15 la page, je ne suis pas sûr que le témoin avait informé Sljivancanin à son

16 retour à Negoslavci avec Bili. Je crois que cela c'est un point qui n'est

17 pas mentionné dans le transcript, page 15, lignes 23 à 25 ainsi que page

18 16, ligne 1.

19 M. MOORE : [interprétation] J'ai simplement donné lecture de la partie que

20 j'avais du B/C/S traduit vers l'anglais. Le témoin est d'accord avec ce

21 dont j'ai donné lecture.

22 Q. Est-ce que je peux vous renvoyer à l'onglet 3. Onglet 4 pour vous,

23 Monsieur Karanfilov. Pour la version anglaise c'est un enregistrement

24 devant le tribunal militaire le 1er octobre. La partie à laquelle je

25 souhaite vous renvoyer, pour l'anglais c'est la page 5, pour le B/C/S,

26 l'onglet 4 page 0218-8552. Pour le B/C/S, cela commence : "La seule chose

27 dont je me souvienne, si les dates concordent, c'est qu'à l'époque j'ai

28 reçu l'ordre de m'occuper de Marin Vilic aussi connu sous le nom de Bili.

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1 Il y avait également Vesna Bosanac. Nous l'avons gardée à l'hôpital dans le

2 secret le plus total, parce que nous craignions des représailles."

3 Ensuite, on passe à la page 5 de l'anglais. Vous avez trouvé cette

4 section, Monsieur Karanfilov ?

5 R. Oui.

6 Q. C'est la partie d'après dont je veux traiter. "Je crois qu'à ce moment-

7 là je me suis chargé de Marin Vidic à partir des casernes ce jour-là, et

8 j'ai remarqué une large foule autour d'autocars garés à proximité de la

9 caserne. J'ai vu des membres des forces territoriales qui étaient en train

10 d'en découdre avec les membres de l'armée autour des autocars. Il y avait

11 des gens dans les autocars. D'après ce que j'ai cru comprendre, ils

12 voulaient reprendre la sécurité des bus. Je ne peux pas dire assurément

13 quelle était la teneur de leur altercation. Lorsque je suis retourné au

14 commandement de Negoslavci, je crois que j'ai informé Sljivancanin sur ce

15 point mais je ne sais pas quelle décision il a prise."

16 Antérieurement, vous avez informé le tribunal en 2001, et par la suite, je

17 crois que c'est en 2004, du fait que vous aviez informé Sljivancanin des

18 événements à votre retour à Negoslavci; c'est exact, n'est-ce pas ? C'est

19 ce que vous avez déclaré ?

20 R. Oui, c'est effectivement ce qui est dit ici.

21 Q. Bien sûr, votre récit est maintenant différent. Votre récit maintenant

22 est que vous avez parlé à Sljivancanin lorsqu'il se trouvait à Vukovar;

23 n'est-ce pas exact ?

24 R. D'accord. J'en ai parlé à Sljivancanin au moment où j'ai quitté l'abri,

25 au moment où nous sommes partis avec ces documents que nous avions pris

26 avec nous. Nous l'avons rencontré à proximité de l'abri. Pourquoi dis-je

27 cela ? Je dis cela parce qu'au moment où nous sortions, nous avons

28 rencontré Sljivancanin, il nous a demandé si nous avions observé la

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1 présence d'un véhicule, un véhicule avec une plaque d'immatriculation

2 étrangère à proximité de l'abri. En fait, nous avions observé un véhicule,

3 l'idée était de revenir, de retirer les plaques d'immatriculation dans la

4 mesure où c'était des plaques d'immatriculation étrangères. C'est la raison

5 pour laquelle je me souviens de la présence de Sljivancanin parce que nous

6 avons dû revenir et retirer les plaques d'immatriculation du véhicule.

7 Q. La réponse à ma question est : Maintenant, je dis que j'ai vu

8 Sljivancanin à Vukovar. C'est la réponse à ma question, c'était Vukovar et

9 non pas Negoslavci ?

10 R. Oui.

11 Q. Parce que nous avons eu des éléments d'information attestant du fait

12 que M. Sljivancanin n'est pas retourné à Negoslavci avant 6 heures du soir.

13 Il revenait pour la réunion du commandement, et il a été vu par le major

14 Vukasinovic ce soir-là et après à Negoslavci. Si c'est bien ce qui s'est

15 passé et que les déclarations que vous avez faites antérieurement sont

16 vraies, cela veut dire tout simplement que vous n'étiez pas en train de

17 voyager de Belgrade à Vukovar, que vous étiez en contact avec Sljivancanin

18 à Negoslavci; n'est-ce pas exact ? C'était ce soir-là, plus tard dans la

19 soirée.

20 R. Je ne comprends pas du tout cette séquence d'événements. Je vous le

21 répète, c'était il y a longtemps, il y a plus de 15 ans. Encore

22 aujourd'hui, je pourrais difficilement prétendre avoir vu cette voiture, si

23 je n'avais pas vu cet enregistrement avec le véhicule blindé. Cette voiture

24 m'est restée en mémoire, ce véhicule m'est resté en mémoire du fait de ses

25 plaques d'immatriculation étrangères. Je ne sais pas de quelle autre

26 information vous pouvez disposer.

27 Q. Si je ne m'abuse, sur la base des dépositions que vous avez faites

28 devant les tribunaux antérieurement, vous n'auriez pas vu Sljivancanin à

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1 Vukovar, mais à Negoslavci dans la zone du poste de commandement. C'est ce

2 que vous pensiez lorsque vous avez déposé antérieurement; n'est-ce pas

3 exact ?

4 R. C'est ce qui figure dans les déclarations.

5 Q. Cela signifie qu'à ce moment-là la déclaration que vous avez faite d'un

6 voyage de retour à Belgrade le 20 est erronée, tout simplement, parce qu'à

7 ce moment-là cela veut dire voyager de nuit et cela prend énormément de

8 temps; n'est-ce pas exact ? N'est-ce pas exact, Monsieur Karanfilov ?

9 R. Cela ne change rien au fait que je pouvais très bien me rendre à

10 Belgrade. Je ne vois pas pourquoi pas. Je ne comprends pas très bien ce que

11 vous semblez me dire.

12 Q. Je pense que vous comprenez tout à fait ce que je suis en train de

13 suggérer. Je suis en train de suggérer que si ce que vous aviez raconté à

14 MM. les Juges est exact, que vous étiez à ce moment-là à proximité du poste

15 de commandement au moment où Sljivancanin y était, à ce moment-là vous

16 n'étiez pas à Belgrade, et vous étiez l'officier qui vous êtes rendu à

17 Ovcara et avez libéré la police militaire; n'est-ce pas exact, Monsieur

18 Karanfilov ?

19 R. Ecoutez, Monsieur, s'il vous plaît. Tout d'abord, cet élément

20 d'information qui suggère que je suis allé à Ovcara et que j'ai transmis

21 cette information, c'est faux. C'est totalement faux. Je ne suis pas

22 officier. Je ne fais pas partie de la chaîne de commandement. Je n'étais

23 pas officier qui faisait partie dans la chaîne de commandement, et je

24 n'étais pas en position de transmettre des ordres à quiconque. L'homme dont

25 vous parlez est un officier de la police militaire. Il prenait ses ordres

26 de son supérieur hiérarchique dans la chaîne de commandement, l'un de ses

27 supérieurs lui avait confié une tâche, de mettre en place un groupe,

28 d'assurer une position et d'assurer la sécurité du hangar. Ce sont des

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1 tâches militaires et elles sont extrêmement spécifiques.

2 Dans une chaîne de commandement, un ordre peut être par la suite

3 retiré pas un officier du même grade ou par un supérieur. Les membres de

4 n'importe quel groupe de contre-espionnage n'ont aucune autorité quelle

5 qu'elle soit pour transmettre des ordres ou pour retirer des ordres. Donc,

6 votre théorie est erronée, pour dire les choses poliment.

7 Q. Ce n'est pas ma théorie. Il y a trois témoins qui déclarent que vous

8 étiez présent à Ovcara le 20. Il s'agit de Vezmarovic qui a déclaré que

9 vous y étiez. Il y a le témoin 022 qui dit que vous étiez présent, et le

10 001 qui dit que vous y étiez. Vous avez trois personnes indépendantes et

11 distinctes qui déclarent que vous étiez présent à Ovcara le 20. Traitons

12 d'abord des points généraux, ensuite venons-en aux détails.

13 D'après le récit que vous avez fait dans ce prétoire, vous n'avez jamais

14 été à Ovcara le 20; c'est exact, n'est-ce pas ?

15 R. Non, je n'étais pas à Ovcara.

16 Q. Pour traiter des points généraux, vous n'étiez pas à Ovcara le 20; est-

17 ce exact ?

18 R. C'est exact.

19 Q. Ces trois personnes, ces trois personnes qui ont témoigné de manière

20 indépendante ont dit que vous étiez là. Est-ce que vous comprenez cela ?

21 Est-ce que M. Lukic, ou dans votre cas, M. Bulatovic, vous ont informé de

22 cela ? Est-ce qu'on vous a informé de ce fait ?

23 R. D'accord. On m'a informé du commandant de sécurité, là encore je vous

24 le dis, le dernier nom auquel j'ai fait référence par rapport au fait que

25 j'ai présenté, est le fait que je me suis présenté le jour de la reddition

26 du Bataillon de Mitnica. Je crois que c'était la chose à faire. Il y a ce

27 nom qui a été mentionné par rapport au commandant de la sécurité, je vous

28 le redis, c'est une insinuation et c'est une histoire qui est fabriquée de

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1 toutes pièces. Je crois que l'ensemble de l'histoire a été monté de toutes

2 pièces par la suite, simplement parce que des gens connaissaient mon nom.

3 L'ensemble de cette histoire est monté de toutes pièces et il n'y a rien de

4 vrai là-dedans. Le commandant de sécurité doit prendre ses ordres de

5 quelqu'un qui est son supérieur hiérarchique et qui se trouve dans la

6 chaîne de commandement.

7 Q. Laissons tomber la chaîne de commandement. Ce n'est pas la peine de

8 regarder M. Lukic ou M. Bulatovic. Ils ne vont pas vous aider.

9 R. Excusez-moi. Je vous présente une fois de plus mes excuses, mais vous

10 êtes totalement à côté de la plaque. En fait, quelqu'un était en train de

11 se lever, c'est la raison pour laquelle je me suis tourné.

12 Q. Alors, il y a trois personnes qui vous ont vu. Une personne vous a vu

13 le 18 en plein jour. Il vous a vu à nouveau pendant plus d'une heure le 19

14 - cela c'est sur la base de votre déposition - et il a témoigné qu'il vous

15 avait reconnu et qu'il savait votre identité le jour suivant lorsque vous

16 lui avez dit de retirer la police militaire et lorsque vous l'avez présenté

17 à un dirigeant des forces de Défense territoriale qui allaient reprendre

18 contrôle de l'endroit. Vous êtes en train de dire à ce moment-là que

19 l'identification est erronée; est-ce exact ?

20 R. Non. Je suis en train de dire que tout n'est que mensonge. C'est cela

21 que je suis en train de dire.

22 Q. Mais vous n'arrêtez pas de dire que votre nom est bien connu. M.

23 Sljivancanin, nous l'avons entendu, finalement a été mentionné sans arrêt

24 parce que son nom était bien connu. Comment est-ce que votre nom à vous

25 était connu ? Vous n'étiez qu'un officier de grade inférieur. Vous nous en

26 avez déjà informé.

27 R. S'il vous plaît, je n'ai jamais prétendu que mon nom de famille était

28 connu. Je dis que simplement que c'est un nom que l'on retient peut-être du

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1 fait qu'il est un peu particulier dans sa phonétique parce qu'il ne se

2 termine pas en "ic" contrairement aux autres noms en B/C/S. Je dis

3 simplement que mon nom de famille est facile à mémoriser parce qu'il n'est

4 pas tout à fait dans la norme en B/C/S. Ce sont simplement les termes que

5 j'ai utilisés, ne déformez pas mes propos.

6 Q. Oui, mais je veux savoir pourquoi, pourquoi diable, vous-même, Borco

7 Karanfilov, avez été désigné par trois personnes séparées comme étant

8 responsable du retrait de la police militaire, garantissant ainsi le

9 massacre de plus de 200 personnes ? Qu'avez-vous fait à ces gens pour

10 mériter cela ?

11 R. Je crois que la simple raison en est que mon nom de famille était le

12 seul qu'ils connaissaient parce que c'est un nom un peu particulier, mais

13 je ne peux pas écarter du tout la possibilité qu'ils essaient de faire

14 porter la responsabilité à quelqu'un d'autre du fait de tout ce qui s'est

15 passé.

16 Q. Réexaminons les faits. Vous n'étiez pas à Ovcara le 20, vous n'étiez

17 pas avec Vukasinovic le 20, n'est-ce pas, à Ovcara; c'est exact, c'est

18 simplement logique ?

19 R. J'étais à Belgrade le 20.

20 Q. Vous n'étiez pas avec Vukasinovic le 18 non plus, vous étiez à Ovcara

21 parce que nous vous avons entendu déposer sur ce fait.

22 R. Non.

23 Q. En fait, ces témoins ont parlé de vous étant avec Vukasinovic.

24 R. Là encore, je ne sais pas qui a prétendu cela. L'une des choses dont je

25 suis sûr, c'est que c'est vraiment un mensonge éhonté. Plus j'examine cette

26 déclaration, plus je vois que les gens essaient de rejeter la

27 responsabilité sur d'autres afin de se dédouaner de leur responsabilité.

28 Q. La chose qui est absolument certaine est que vous n'étiez pas avec

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1 Vukasinovic le 18, est-ce exact, lorsque vous étiez à Ovcara ?

2 R. Le 18, non.

3 Q. Passons à un autre point : Velepromet.

4 Nous avons déjà eu une conversation au sujet de Velepromet et je

5 semble me souvenir que vous aviez du mal à vous souvenir de cet endroit.

6 Est-ce que vous vous souvenez de notre conversation ?

7 R. Oui.

8 M. MOORE : [interprétation] Simplement pour aider la Chambre, mes éminents

9 confrères ont l'équivalent en B/C/S et MM. les Juges également, mais c'est

10 à l'onglet 12, page 5 sur 13 pour l'anglais, onglet 12 de la traduction en

11 anglais.

12 Je vous demande - c'est à un cinquième de la page - la question

13 suivante : Je suis MM et vous êtes BK, cela me surprends. Je cite :

14 "Qui était-ce ? Qui était cette personne ?

15 "D'accord.

16 "Traitons de Velepromet. Est-ce que vous connaissez les installations

17 de Velepromet ?"

18 La réponse que vous avez donné : "C'est un peu flou."

19 Puis, je vous ai posé la question : "Vous ne vous souvenez pas de

20 Velepromet, la zone principale d'évacuation ?"

21 "Je me souviens que c'était en face des casernes ou quelque chose,"

22 était la réponse.

23 Vous poursuivez en parlant très simplement de la route qu'il y avait

24 entre les deux.

25 La question que je veux vous poser est la suivante : vous étiez

26 représentant de l'organe de sécurité et Borisavljevic représentait un autre

27 organe de sécurité, nous avons vu des éléments d'information qui indiquent

28 que Borisavljevic - je vais utiliser un terme neutre - avait la

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1 responsabilité de l'installation de Velepromet et du transfert à

2 Velepromet. Vous aviez conscience de cela, n'est-ce pas ?

3 R. Oui. J'avais conscience du fait qu'au début à Negoslavci,

4 Borisavljevic est allé à la caserne et y a passé tout son temps. Je n'avais

5 pas conscience de ses responsabilités particulières.

6 Q. Je suggère que cela ne peut pas être exact dans la mesure où il y

7 avait eu des réunions des organes de sécurité organisées par Sljivancanin

8 auxquelles Borisavljevic avait participé; c'est exact, n'est-ce pas ?

9 R. Pas forcément. Là encore, les réunions et leur nombre dépendaient

10 aussi du temps dont disposaient les gens et de la situation d'ensemble. Des

11 réunions d'information, des rapports à faire au chef, bon cela c'est une

12 autre question, l'organe de sécurité ne parlait que de ce qui les

13 préoccupait, de ce qui relevait de leur responsabilité. Nous ne nous

14 familiarisions pas forcément avec ce que faisaient les autres personnes.

15 Q. D'accord. Venons-en au détail. Vous saviez que Borisavljevic

16 était à Velepromet, n'est-ce pas ?

17 R. Je ne savais pas qu'il était dans les casernes.

18 Q. Non, je ne parle pas des casernes, comme vous le savez. Je parle

19 de Velepromet. Est-ce que vous pensez que c'est la même chose ?

20 R. Non, je ne pense pas que c'est la même chose. Vous me demandez si

21 j'en avais conscience. La seule chose dont j'avais conscience c'était que

22 son bureau était dans les casernes. Je n'étais pas au courant de Velepromet

23 et de sa présence là-bas. Il était en poste à la caserne.

24 Q. On vous a posé la question sur Velepromet lors d'autres audiences. Vous

25 ne vous souvenez pas de cela ? Je crois que c'était à Belgrade.

26 R. Je ne sais pas.

27 Q. J'aimerais vous renvoyer à l'onglet 5E, je pense que c'est à la page

28 14. C'est 5E. C'est aux lignes 19 et 20. Il s'agit de l'interview de 2003.

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1 On vous pose une question sur Velepromet. A la ligne 19, vous dites :

2 "J'ai une image assez floue de Velepromet." Vous y êtes ? C'est ligne 19.

3 Dans la version en B/C/S, j'espère que vous l'avez trouvée, il s'agit de la

4 ligne 24 pour votre version.

5 Vous l'avez trouvée ?

6 R. A l'onglet 5E, c'est bien cela ?

7 Q. Oui, c'est cela. Cela devrait être un onglet orange. Vous passez

8 les lignes 19 et 20, page 14 sur 17. Vous avez la traduction ? Vous y êtes,

9 Monsieur Karanfilov ?

10 R. Oui.

11 Q. Je poursuis : "J'avais une image très vague de Velepromet." Vous y

12 êtes, oui ? "Mais à cette époque-là personne n'osait vraiment se promener

13 autour de Velepromet."

14 "Pourquoi les gens avaient peur de cela ?"

15 Ligne 28 : "Parce que c'est la guerre."

16 Je pose ma question maintenant. Velepromet était bel et bien dans la zone

17 de responsabilité du GO sud, n'est-ce pas ?

18 R. J'ai déjà dit la dernière fois que je ne le sais pas très bien, je ne

19 me connais pas à propos de Groupes opérationnels sud, est, ouest ou quoi

20 que ce soit. Tout ce que je sais c'est que Velepromet était à côté de la

21 caserne.

22 Q. On peut quand même en déduire, puisque c'est à Vukovar, que c'est près

23 des casernes, on peut en déduire que c'est très certainement dans la zone

24 de responsabilité du Groupe sud, n'est-ce pas, donc M. Mrksic et de ses

25 troupes ?

26 R. Oui.

27 Q. Pouvez-vous expliquer le sens de cette phrase : "A l'époque, personne

28 n'osait vraiment se promener autour de Velepromet." Pourriez-vous nous dire

Page 15502

1 pourquoi vous avez répondu de la sorte en rajoutant, c'était la guerre ?

2 R. Je vous ai répondu en vous disant que : "Je ne sais pas," point, c'est

3 tout. "Je ne sais pas," point. "Il faut que je vous dise que j'ai une vague

4 idée de ce qu'était Velepromet à l'époque. Ce qui est sûr c'est qu'à

5 l'époque personne n'osait s'y promener."

6 Je ne vous dis pas que les gens avaient peur de se promener à

7 Velepromet même, les gens n'allaient pas se promener, c'est tout, où que ce

8 soit.

9 Donc, la première question parlait de Velepromet, et ma réponse était

10 que j'avais une image très floue de Velepromet. Il y a une deuxième

11 question, et j'ai dit en réponse à la deuxième question que les gens

12 n'allaient pas sortir le soir quand il faisait noir, pas seulement autour

13 de Velepromet.

14 Q. Cette réponse fait référence à toute la zone, et pas uniquement à

15 l'établissement de Velepromet où était cantonnée la TO, c'est bien cela ?

16 Cela n'a rien à voir non plus avec une suggestion selon laquelle il n'y

17 avait pas eu de loi régnant ou d'ordre régnant à cette époque-là dans ce

18 coin-là ?

19 R. Je ne vous ai pas compris.

20 Q. Je vais essayer de vous expliquer. Je suis en train de vous soumettre

21 que les gens ne se promenaient pas autour de Velepromet parce que

22 Velepromet était utilisée comme établissement pour trier les individus qui

23 y étaient rentrés, et que la TO était très active à Velepromet, et que les

24 gens avaient peur d'y aller. C'est tout ce que je vous ai dit.

25 R. Je ne suis pas du tout d'accord avec ce que vous êtes en train

26 d'alléguer. Je vais vous relire cette phrase. "Je ne sais pas. Je ne sais

27 pas. Il faut que je vous dise j'ai une image très floue." C'est ce que j'ai

28 dit récemment. "J'ai cette image très floue de Velepromet," ensuite, la

Page 15503

1 deuxième partie de la phrase est la suivante, je cite : "mais à l'époque,

2 de toute façon, personne n'osait se promener."

3 N'osait se promener dans toute la zone où il y avait de la guerre,

4 d'une façon générale. Après le crépuscule, quand il faisait noir, personne

5 ne se promenait à moins d'y être vraiment obligé.

6 Q. Lisez, s'il vous plaît, ce qui est véritablement écrit à la ligne 16 en

7 B/C/S, et les interprètes vont le traduire.

8 R. Très bien. "Je ne sais pas. Je ne sais pas. Je tiens à vous dire ceci,

9 je n'ai qu'une image très floue et très approximative de cette zone de

10 Velepromet, mais à l'époque personne n'osait se promener."

11 Q. Vous dites que cela porte sur la zone en général, et pas sur

12 l'établissement de Velepromet, c'est bien cela ?

13 R. Oui.

14 Q. Avant d'en terminer, j'aimerais peut-être traiter de deux autres

15 sujets, s'il vous plaît. Pourriez-vous tout d'abord nous dire à quelle

16 époque vous étiez à l'école militaire ?

17 R. De 1981 à 1985.

18 Q. Avez-vous rencontré certains des accusés lors de votre séjour à l'école

19 militaire ?

20 R. Vous parlez des conseils de la Défense ?

21 Q. Je ne vous demande pas quand même d'aller jusqu'au conseil de la

22 Défense, je vous demande juste les accusés, à propos des accusés. Donc, il

23 y a trois accusés : M. Mrksic, M. Bulatovic on va le laisser de côté, M.

24 Radic et M. Sljivancanin.

25 L'INTERPRÈTE : Il y avait une erreur d'interprétation. C'est pour cela

26 qu'il y a eu une réponse erronée.

27 M. MOORE : [interprétation] Très bien.

28 Q. Combien de temps M. Radic a-t-il passé à l'école militaire avec vous ?

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1 R. Quatre ans.

2 Q. Peut-on dire que vous êtes un ami de M. Radic, en tout cas que vous

3 vous considérez comme tel ?

4 R. Oui, nous sommes amis.

5 Q. Très bien. Merci. Je pense que l'on peut aussi avancer que vous avez

6 dit devant un autre tribunal qu'il est venu un certain nombre de fois au

7 poste de commandement à Negoslavci ? Là, bien sûr, je parle de M. Radic.

8 R. Je ne pense pas avoir dit à de nombreuses reprises. J'ai peut-être dit

9 quelques fois, il est venu quelques fois.

10 Q. Puis-je maintenant vous soumettre la phrase suivante qui se trouve à la

11 page 5 020, ligne 3. C'était après la question suivante. Je cite :

12 "Connaissiez-vous le capitaine Karanfilov avant le

13 20 novembre ?

14 "Réponse : Oui, il est venu au QG de ma compagnie à Nova Ulica, avec

15 le commandant Sljivancanin." Ensuite, il vous a décrit. Vous êtes-vous bel

16 et bien rendu à Nova Ulica avec le commandant Sljivancanin ?

17 R. Non, je ne suis pas rentré dans Vukovar lors des combats.

18 Q. Si votre ami, le capitaine Radic, y était, vous ne vous y êtes pas

19 rendu pour aller voir s'il était là ou pour aller lui rendre visite ou pour

20 entrer en contact avec lui ?

21 R. Je ne suis pas allé, ce n'était pas à l'ordre du jour. Je n'ai pas

22 rendu visite à aucune unité qui s'y trouvait, mis à part les unités qui

23 étaient à l'arrière à Berak.

24 Q. Je vous soumets que vous y êtes allé, vous êtes allé le voir. Pour en

25 terminer, vous nous avez dit que vous avez reçu les documents et que vous

26 êtes parti à Belgrade avec ces documents; c'est bien cela ?

27 R. Oui.

28 Q. Ces documents étaient des documents qui avaient brûlé, n'est-ce pas ?

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1 R. Ils n'avaient pas tous brûlé. Il est évident que des gens avaient

2 essayé de les brûler délibérément. Certains documents étaient en effet

3 brûlés, mais d'autres étaient encore intacts.

4 Q. Maintenant, je tiens à savoir la chose suivante : vous aviez un aide de

5 camp tout à fait efficace, n'est-ce pas à l'époque ?

6 R. Je ne sais pas ce que vous voulez dire, c'est quoi un "aide de camp

7 efficace."

8 Q. Vous savez très bien ce que je veux dire. Il y avait quelqu'un d'autre,

9 un subalterne au sein des organes de sécurité qui était votre aide de camp.

10 R. Je n'avais pas d'aide de camp qui faisait partie de l'organe de

11 sécurité. Il en était membre, tout comme moi. Mis à part le chef et les

12 adjoints, les deux adjoints, tous les autres membres des organes de

13 sécurité sont exactement sur le même pied d'égalité, quel que soit leur

14 grade.

15 Q. Très bien. J'utilise un petit peu les grades britanniques pour

16 comprendre comment cela marche. Voici ce que j'aimerais savoir : pourquoi

17 faut-il envoyer deux membres de l'organe de sécurité jusqu'à Belgrade,

18 alors qu'il y a énormément de choses à faire et que les organes de sécurité

19 ont énormément de choses à faire ? Pourquoi en envoyer deux plutôt qu'un ?

20 R. Je ne vais pas remettre en question l'ordre qu'a donné le commandant

21 Sljivancanin. Je ne sais pas pourquoi il l'a donné. Il est vrai qu'on ne

22 savait pas ce qu'on allait trouver là-bas. On ne savait pas quelle serait

23 la quantité d'équipements qu'on allait trouver. Et vous êtes tout à fait

24 accord avec moi si je vous dis qu'il serait dangereux quand même d'y aller

25 seul, de recueillir tous ces matériels, tous ces équipements et d'emmener

26 tout cela à Belgrade puisque c'était la guerre quand même. C'était la

27 guerre.

28 Q. Oui, mais voilà ce que je tiens à vous dire : quand vous avez parlé des

Page 15506

1 dates à laquelle vous êtes allé à Belgrade précédemment, vous nous avez dit

2 la chose suivante : "Je ne sais pas exactement quand j'ai quitté Vukovar.

3 Je ne m'en souviens vraiment pas."

4 Vous vous en souvenez d'avoir dit cela ? Pour être honnête avec vous, je

5 lis la fin de la phrase, je cite : "Je suis certain d'y être venu trois ou

6 cinq jours avant que l'unité fasse de même."

7 Donc, vous nous dites que vous ne savez pas vraiment quand vous avez quitté

8 Vukovar.

9 R. Mais dans toutes mes déclarations j'ai bien dit que je ne me souviens

10 pas bien des dates, et là encore, je dis que je ne me souviens pas bien des

11 dates. C'est tout.

12 Q. Oui, mais si vous pouviez regarder la pièce à l'onglet numéro 3 en

13 anglais, l'onglet numéro 4 en B/C/S, donc page 8, paragraphe 11. Pour ce

14 qui est de la pièce en B/C/S, il s'agit de la cote 0218-8553. Si nous

15 pouvions arriver au paragraphe 11 : "Je ne me souviens d'aucun ordre écrit

16 qui nous aurait été envoyé depuis le commandement et portant sur le

17 traitement des prisonniers dans la dernière phase de l'opération. Je ne me

18 souviens pas non plus si un ordre verbal aurait été donné à ce titre. Je ne

19 sais pas exactement quand j'ai quitté Vukovar parce que je ne peux

20 absolument pas me rappeler, mais je suis absolument sûr que je suis revenu

21 trois à cinq jours avant que l'unité fasse de même."

22 Voici ce que je vous soumets. Vous avez déjà indiqué précédemment que vous

23 ne savez absolument pas quand vous êtes rentré à Belgrade, si tant est que

24 vous soyez d'ailleurs rentré à Belgrade. Vous dites trois à cinq jours,

25 cela pourrait être trois, quatre ou cinq ?

26 R. C'est vrai, oui. Et alors ? Après tout, où est le problème ? Comme je

27 l'ai dit et comme je répète encore une fois, je ne me souviens pas de la

28 date.

Page 15507

1 Q. Mais voilà. "Et alors, et alors," je veux dire, et alors quoi. En tant

2 qu'officier, on vous a dit d'aller dire aux officiers de police militaire

3 de se retirer, d'aller là-bas pour leur dire. Donc, voilà ce que je vous

4 soumets : en fait, vous saviez exactement ce que vous étiez en train de

5 faire et vous saviez exactement ce qui allait se passer à Ovcara.

6 R. S'il vous plaît. Votre allégation est complètement erronée. Je ne vois

7 pas pourquoi vous dites cela.

8 M. MOORE : [interprétation] Merci.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Moore.

10 M. MOORE : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Bulatovic, nous n'avons plus

12 que dix minutes. Vous préféreriez prendre la pause ou vous vouliez que nous

13 continuions et prendre la pause au bout de dix minutes ?

14 M. BULATOVIC : [interprétation] Il vaudrait mieux peut-être faire la pause

15 tout de suite et reprendre après la pause.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous reprendrons à 16

17 heures.

18 --- L'audience est suspendue à 15 heures 35.

19 --- L'audience est reprise à 16 heures 12.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Bulatovic, vous avez la

21 parole.

22 M. BULATOVIC : [interprétation] Merci. Bonjour à tous.

23 Nouvel interrogatoire par M. Bulatovic :

24 Q. [interprétation] Bonjour.

25 R. Bonjour.

26 Q. Après le contre-interrogatoire de l'Accusation, j'ai quelques questions

27 à vous poser afin de clarifier des choses qui sont extrêmement importantes

28 pour notre cause.

Page 15508

1 Monsieur Karanfilov, vous vous souvenez que vous avez parlé à mon éminent

2 confrère de l'Accusation du fait selon lequel ce jour-là vous aviez vu les

3 autocars à la caserne, vous avez dit combien de temps vous y étiez resté,

4 et qu'après cela vous êtes rentré à l'abri et vous avez averti M.

5 Sljivancanin. On vous a dit que dans certaines de vos déclarations vous

6 aviez déclaré que cela se passait à Negoslavci, maintenant vous dites que

7 c'est à l'abri. Clarifions les choses une bonne fois pour toutes : où avez-

8 vous rencontré Sljivancanin ?

9 R. J'ai rencontré M. Sljivancanin près de l'abri. Je ne sais pas

10 exactement où c'était, mais c'était près de l'abri. Je vous dis que c'était

11 dans le voisinage de l'abri parce qu'il a fallu que nous y revenions pour

12 prendre les plaques d'immatriculation étrangères sur la voiture qui se

13 trouvait à l'abri. J'ai eu une conversation avec M. Sljivancanin à propos

14 de ce véhicule étranger qui était là, selon certaines estimations, ce

15 véhicule coûtait entre 300 et 400 000 deutsche marks allemands, c'est pour

16 cela qu'il était si important que nous ayons ces plaques d'immatriculation.

17 Q. Monsieur Karanfilov, je veux juste savoir où s'est tenue cette

18 conversation ?

19 R. C'était près de l'abri.

20 Q. Ensuite, vous êtes parti pour Belgrade; c'est bien cela ?

21 R. Oui.

22 Q. A partir de ce moment-là, avez-vous revu M. Sljivancanin ?

23 R. Non, pas avant qu'il ne revienne lui-même à Belgrade.

24 Q. Vous avez parlé de votre conversation avec Marin Vidic, vous avez aussi

25 évoqué le fait que le général Tumanov était arrivé à cet endroit-là.

26 J'aimerais savoir où vous avez parlé avec Marin Vidic.

27 R. Cette interview avec M. Bili s'est tenue dans nos bureaux, dans les

28 bureaux que nous avions à Negoslavci.

Page 15509

1 Q. A un moment quelconque, avez-vous été interviewé avec Marin Vidic dans

2 la caserne de Vukovar ?

3 R. Non.

4 Q. Pour ce qui est des questions que vous a posées l'Accusation à propos

5 de Velepromet, vous avez expliqué vos propos. Pourriez-vous nous dire

6 pourquoi les gens évitaient de se promener dans Vukovar la nuit ? Pour

7 quelles raisons ?

8 R. Pas uniquement dans Vukovar, dans toutes les zones où il y avait la

9 guerre. Quand la nuit tombe, pour des raisons de sécurité, on ne sort pas.

10 Q. Savez-vous s'il y avait un couvre-feu ?

11 R. Je ne m'en souviens pas.

12 Q. L'Accusation vous a dit ce qu'avait relaté le capitaine Vezmarovic à

13 propos de votre rencontre. Vous avez entendu ce que Vezmarovic a dit en

14 2001 et chaque fois aussi que vous avez fait une déclaration ?

15 R. Oui.

16 Q. Depuis 1991, après avoir rencontré Vezmarovic deux fois dans

17 l'intervalle, avez-vous revu le capitaine Dragan Vezmarovic ?

18 R. Non, je ne l'ai jamais revu. Ce sont les seules fois que l'ai vu, deux

19 ou trois minutes à chaque fois que je l'ai vu.

20 Q. L'avez-vous vu peut-être pendant les procès pour parler avec lui en

21 tête-à-tête de choses et d'autres ?

22 R. Non, jamais.

23 M. BULATOVIC : [interprétation] Pourrions-nous passer à huis clos partiel,

24 s'il vous plaît, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Passons à huis clos partiel.

26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

27 [Audience à huis clos partiel]

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9 [Audience publique]

10 M. BULATOVIC : [interprétation]

11 Q. On vous a donné des missions qui traitaient sur l'hôpital, ensuite

12 départ vers l'abri, ensuite retour à Belgrade. L'adjudant-chef Momcilovic

13 était-il avec vous tout le temps ce jour-là ?

14 R. Oui.

15 Q. Je vous ai demandé, je viens juste de me rendre compte que l'Accusation

16 vous a demandé la même chose, enfin vous a montré la même pièce d'ailleurs.

17 S'il vous plaît, le plus rapidement possible, pouvez-vous nous donner à

18 nouveau le déroulé de toutes vos activités à partir du moment où le

19 Bataillon de Mitnica s'est rendu juste à ce que vous retourniez à

20 Belgrade ? De façon concise, s'il vous plaît.

21 R. J'ai assuré la sécurité de M. Pavkovic, nous sommes partis pour

22 l'endroit où le Bataillon de Mitnica se rendait. Ensuite, nous nous sommes

23 préparés aux négociations, puis il y a eu la reddition en tant que telle.

24 Q. Voulez-vous ralentir, s'il vous plaît ?

25 R. Parce que je voulais savoir quelles étaient les mesures à prendre.

26 M. MOORE : [interprétation] Je suis désolé, mais j'objecte, parce que cela

27 me semble être juste une répétition de l'interrogatoire principal. Si on

28 veut des questions supplémentaires, il faut que mon collègue fasse porter

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1 ses questions sur quelque chose qui a eu lieu lors du contre-

2 interrogatoire.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Techniquement, Monsieur Bulatovic, en

4 effet, c'est une objection valide, puisque vous avez demandé à M. le Témoin

5 de résumer ce qu'il nous a déjà dit lors de l'interrogatoire principal.

6 M. BULATOVIC : [interprétation] Je vais suivre votre suggestion, même si M.

7 Karanfilov a répondu aux questions de M. Moore très en détail au sujet de

8 la journée du 20.

9 Q. Monsieur Karanfilov, vous êtes parti pour Belgrade, mais dans quel

10 contexte est-ce que vous situez ce départ ?

11 R. Départ pour l'hôpital, retour à la caserne, les autocars, l'abri,

12 Belgrade.

13 Q. En répondant aux questions de mon confrère de l'Accusation M. Moore, à

14 partir du moment où on vous a soumis les dépositions de témoins ayant dit

15 vous avoir vu le 20, vous avez affirmé que ces gens cherchaient à se

16 débarrasser de leur culpabilité. A qui pensez-vous ?

17 R. Tous ceux qui m'ont mentionné comme ayant été là. Tout un chacun qui

18 dans sa déposition a dit m'avoir vu là.

19 Q. Pourquoi pensez-vous que Vezmarovic aurait des raisons de faire cela ?

20 R. Tout d'abord, Vezmarovic aurait dû recevoir l'ordre de son supérieur.

21 M. MOORE : [interprétation] Objection. On invite le témoin à spéculer.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce n'est pas très différent de l'une

23 de vos questions, Monsieur Moore.

24 M. MOORE : [interprétation] J'ai posé ma question en me fondant sur le fait

25 que des gens l'ont cité par son nom, ont dit qu'il était là et je lui ai

26 demandé pourquoi il pensait qu'ils avaient dit cela. Par exemple, j'ai eu

27 un différend avec Vezmarovic au sujet de l'argent. Il me doit de l'argent.

28 Ce serait une manière de se faire rembourser. Je pense que le témoin doit

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1 pouvoir préciser cela dans les questions.

2 Lorsqu'on pose des questions supplémentaires, je pense que la

3 situation est différente.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Moore, je ne pense pas qu'on

5 puisse faire ce genre de distinction.

6 Maître Bulatovic, toutefois, la question a été posée de manière très

7 directe par M. Moore. Le témoin a répondu. Est-ce que vous allez répéter

8 les mêmes choses ?

9 M. BULATOVIC : [interprétation] Vraiment, je ne veux pas nous faire perdre

10 de temps, mais M. Moore a demandé pour quelle raison le témoin a répondu

11 que les gens essaient de se dédouaner. Je voudrais maintenant que le témoin

12 nous explique ce qu'il entend par là. Est-ce qu'on invite vraiment le

13 témoin à proférer des conjectures lorsqu'on lui demande cela ? Si vous êtes

14 de cet avis, je peux reformuler ma question.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est une chose de savoir si on essaie

16 de faire endosser la responsabilité par quelqu'un d'autre. Cela en est une

17 autre de savoir pour quelle raison on cherche à faire cela. C'est sur cette

18 deuxième partie, sur la question de "pourquoi" que vous invitez le témoin à

19 spéculer, à moins que le témoin connaisse des choses là-dessus, mais il

20 nous a déjà dit qu'il ne le savait pas.

21 M. BULATOVIC : [interprétation] Très bien, je vais changer de sujet.

22 Q. Le 18 dans l'après-midi et le 19 dans la matinée, vous avez vu un

23 officier. Est-ce que vous savez à quelle unité il appartenait ?

24 R. Non.

25 Q. Savez-vous quelle est l'unité qui était déployée à l'endroit où se

26 situe le bâtiment où ils avaient été pris en charge ?

27 R. Pas à mon échelon. La seule chose que je savais c'est qu'il n'était pas

28 de mon unité.

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1 Q. La Compagnie de la Police militaire, elle compte combien d'hommes ? Le

2 savez-vous ?

3 R. Une centaine. Cela dépend de quelle unité on parle.

4 Q. Ce nombre d'hommes suffit-il pour assurer la sécurité du nombre de

5 prisonniers que nous avions ici ?

6 R. Absolument.

7 Q. Mais s'il s'agit d'hommes de réserve ?

8 R. S'il vous plaît, en situation de guerre il n'y a pas de réserviste.

9 C'est uniquement en temps de paix. L'officier de police militaire est un

10 officier de réserve en temps de paix, mais il est activé en situation de

11 guerre. Donc, il est tout simplement un officier. La notion même d'officier

12 de réserve est une notion qui s'inscrit uniquement dans le contexte de

13 paix.

14 Q. Est-ce que le même terme s'applique aux soldats ?

15 R. Oui, tous les soldats sont des membres des forces armées.

16 Q. Monsieur Karanfilov, en plus d'être chargé de l'abri le 20, est-ce

17 qu'on vous a confié autre chose, une autre mission ce jour-là ?

18 R. Non.

19 Q. Vous avez dit qu'il y avait un certain nombre d'hommes au sein de

20 l'organe de sécurité. Vous avez mentionné la hiérarchie. Dans l'armée

21 populaire yougoslave, est-ce qu'on respectait la hiérarchie ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous avez dit que Radic est venu vous voir à plusieurs reprises.

24 R. Non, il n'est pas venu dans notre bureau, il est venu dans notre

25 bâtiment.

26 Q. Pour quelle raison est-il venu ?

27 R. Croyez-moi, je ne le sais pas. Si je m'en souviens bien, je suppose que

28 c'était à cause du téléphone, parce que nous étions les seuls à avoir un

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1 téléphone qui nous permettait de téléphoner à Belgrade. Il y avait pas mal

2 d'officiers qui venaient chez nous précisément pour pouvoir téléphoner.

3 Q. Le Procureur vous a posé des questions au sujet des rapports que vous

4 aviez avec Radic. Qu'en est-il de M. Sljivancanin ?

5 R. Il a été mon chef pendant juste quelque mois, pas plus, avant les

6 opérations de combat et après. Par la suite j'ai été muté. Nos relations,

7 on s'est contentés d'avoir des contacts uniquement professionnels dans le

8 cadre de notre travail.

9 Q. Mis à part cela, est-ce que vous avez développé d'autres relations

10 avec lui ?

11 R. Non.

12 M. BULATOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur le

13 Juge, je n'ai plus de questions pour ce témoin.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Karanfilov, vous serez

15 heureux d'apprendre qu'il n'y aura plus de questions qui vous seront

16 posées. Vous pouvez disposer. La Chambre vous remercie d'être venu. Merci

17 d'être venu nous aider. On va vous raccompagner. Merci.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est moi qui vous remercie, Monsieur le Juge.

19 [Le témoin se retire]

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic, le témoin suivant.

21 M. MOORE : [interprétation] Juste pour aider mes confrères de la Défense,

22 si je puis parler de quelque chose. Le Témoin 002, vous avez dit que nous

23 devrions essayer de voir si on pouvait faire venir ce témoin tôt lundi

24 prochain. Ceci semble possible.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Moore. Ceci

26 nous sera utile. Aussi, on va pouvoir travailler de

27 9 heures à 13 heures 45 ce vendredi à la place de l'après-midi.

28 Apparemment, ceci arrangerait plusieurs d'entre nous. Nous avons pu prendre

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1 les dispositions nécessaires. Vendredi, l'audience aura lieu de 9 heures à

2 13 heures 45, et non l'après-midi.

3 M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Nous aimons

4 tous travailler le vendredi matin. Je pense que notre témoin suivant est

5 prêt, on peut le faire entrer.

6 Je remercie tous mes confrères d'avoir procédé de manière aussi

7 rapide. Je m'attendais à ce que cela prenne plus longtemps. M. Moore m'a

8 dit qu'il avait besoin de cinq heures pour interroger M. Karanfilov, c'est

9 ce qu'il m'a dit hier. J'ai eu du mal maintenant à retrouver M. Karan pour

10 qu'il vienne nous rejoindre ici.

11 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Pouvez-vous, s'il vous plaît,

13 donner lecture du texte de la déclaration solennelle.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

15 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

16 LE TÉMOIN: MLADEN KARAN [Assermenté]

17 [Le témoin répond par l'interprète]

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous

19 asseoir.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est M. Lukic qui va vous poser

22 quelques questions.

23 Interrogatoire principal par M. Lukic :

24 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Pouvez-vous décliner vos

25 identités ?

26 R. Je suis Mladen Karan.

27 Q. Votre lieu et date de naissance ?

28 R. Je suis né le 16 septembre 1956 à Vojnic, municipalité de Vojnic,

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1 République de Croatie.

2 Q. Monsieur Karan, s'il vous plaît, ne perdez pas de vue ce que je vous ai

3 demandé pendant nos entretiens préalable, à savoir faites une pause après

4 ma question pour que le compte rendu d'audience soit fidèle et exhaustif.

5 Je vais maintenant passer en revue rapidement votre CV, puis nous allons

6 vérifier si mes informations sont les bonnes et si nous avons tout ce qui

7 est le plus important aux yeux de la Chambre.

8 En 1975, vous êtes sorti du lycée militaire, pour autant que je sache, à

9 Belgrade ?

10 R. Oui.

11 Q. Par la suite, c'est également à Belgrade, vous avez fait des études à

12 l'académie militaire de l'armée de terre et vous êtes sorti diplômé de

13 cette académie en 1979 ?

14 R. Oui.

15 Q. Vous avez occupé un premier poste cette année-là. Vous avez travaillé

16 en tant que chef de section dans la compagnie chargée des transmissions au

17 poste de commandement de la garnison de Bijeljina ?

18 R. Oui.

19 Q. En 1986, vous avez été muté dans les organes chargés de la sécurité.

20 Avant cela, vous avez été chef de compagnie dans le cadre des

21 transmissions. A partir de 1986 jusqu'en 1988, vous avez été chef chargé de

22 la sécurité du régiment de transmissions également à Bijeljina et aussi à

23 Sarajevo ?

24 R. Oui.

25 Q. A partir de ce moment-là, vous avez travaillé uniquement dans le cadre

26 des organes de sécurité, au sein de ceux-là, donc, de 1988 jusqu'en 1989,

27 vous avez été chef adjoint du groupe de contre-espionnage du 17e Corps

28 d'armée de la JNA à Tuzla, en Bosnie-Herzégovine; c'est bien cela ?

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1 R. Oui.

2 Q. Par la suite, en 1989, vous passez à l'administration chargée de la

3 sécurité ou la direction de la sécurité à Belgrade. Vous étiez au 1er

4 Service de sécurité jusqu'à l'automne, si je ne me trompe pas, 1991 ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous étiez capitaine de première classe à ce moment-là, puisque c'est

7 cette période-là qui va m'intéresser le plus, en 1991 ?

8 R. En 1991, c'est cela.

9 Q. A partir d'octobre 1991 jusqu'en été de l'année suivante, vous avez été

10 assistant du chef de sécurité dans le domaine du contre-espionnage au sein

11 de la Brigade motorisée de la Garde ?

12 R. C'est cela.

13 Q. Ensuite, on vous retrouve au cabinet du secrétariat fédéral à la

14 Défense nationale. Vous êtes chargé de vous occuper de la sécurité jusqu'au

15 15 octobre 1993 ?

16 R. Oui.

17 Q. A partir de 1993 jusqu'en 1995, vous étiez chef chargé de la sécurité

18 du 21e Corps d'armée de Kordun de la République serbe de Krajina; c'est

19 bien cela ?

20 R. Oui.

21 Q. Après l'opération Tempête, en été 1995, vous arrivez à Belgrade pour y

22 passer quelques jours, puis vous êtes nommé chef de la sécurité du 8e Corps

23 d'armée de Slavonie Baranja de l'armée serbe de la Krajina et vous êtes

24 posté à Vukovar ?

25 R. Oui.

26 Q. C'est là que vous êtes resté pendant 20 jours à peu près. Quand vous

27 nous l'avez dit vous avez été chassé de là. C'est ce que vous avez dit dans

28 votre entretien avec le Procureur. Donc, vous revenez à Belgrade, vous y

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1 restez jusqu'en 2005, où vous avez occupé plusieurs postes, mais toujours

2 dans le cadre du département chargé de la sécurité de l'armée de

3 Yougoslavie, et par la suite de l'armée de Serbie-et-Monténégro; c'est bien

4 cela ?

5 R. Oui.

6 Q. Enfin, le 1er mai 2005, vous avez pris votre retraite, votre grade était

7 celui de colonel à ce moment-là ?

8 R. Oui.

9 Q. Un petit point qui me paraît intéressant avant de commencer à entendre

10 votre témoignage. Je pense que ceci nous facilitera la tâche ici. Jusqu'à

11 présent vous n'avez jamais fait de déclaration, du moins pas aux organes

12 officiels, n'est-ce pas, au sujet des événements de Vukovar ?

13 R. Mis à part ce que j'ai fait hier, non, je n'en ai jamais donné

14 auparavant.

15 Q. Oui, c'est cela. Hier, pour la première fois, ici vous avez accordé un

16 entretien et fait une déclaration auprès du bureau du Procureur. Cette

17 fois-ci on n'aura pas affaire à beaucoup de documents.

18 Dites-nous, Monsieur Karan, où est-ce que vous avez travaillé à la

19 direction de la sécurité à l'automne 1991 ? Est-ce que vous pouvez donner

20 plus de détails à la Chambre ?

21 R. Oui, je peux. J'étais au premier service opérationnel chargé de la

22 sécurité. J'étais chargé du suivi des activités de l'immigration yougoslave

23 ennemie, enfin de toutes les immigrations mis à part l'immigration

24 albanaise. C'est ainsi qu'on les appelait à l'époque.

25 Q. Ralentissez, s'il vous plaît, et parlez un peu plus fort.

26 R. Aussi, je devais suivre les activités de la légion étrangère, enfin de

27 nos ressortissant dans les rangs de la légion étrangère. Par la suite,

28 comme la crise yougoslave s'accentuait, je devais suivre les activités sur

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1 le territoire de la Slovénie, de la Croatie, de la Bosnie, du Monténégro et

2 de la Macédoine, donc de toutes les républiques mis à part la Serbie.

3 Q. Ce premier service au sein de l'administration à la direction de la

4 sécurité, quelles sont ses attributions ?

5 R. C'est le service principal. Lorsqu'on dit qu'il est opérationnel, cela

6 veut dire qu'il oriente le travail du contre-espionnage sur la totalité du

7 territoire du l'ex-RSFY, dans les unités de la JNA et dans les états-majors

8 de la Défense territoriale. Bien entendu, je fais référence aux organes

9 chargés de la sécurité. Donc, il les oriente d'un point de vue technique et

10 leur est supérieur à tous.

11 Q. Compte tenu de votre ancienneté et de votre grade, vous étiez situé à

12 quel échelon par rapport au reste du personnel de l'administration de la

13 sécurité ?

14 R. J'étais capitaine de première classe. Ce n'était pas un grade très

15 élevé, parce que généralement c'est des lieutenants-colonels ou des

16 colonels. J'étais le plus jeune quand je suis arrivé, et j'étais vraiment

17 le plus jeune.

18 Q. Monsieur Karan, peut-être que je vous interromps trop et ceci va vous

19 déconcentrer, mais essayez de ralentir, s'il vous plaît.

20 A l'automne - si vous pouvez nous situer cela dans le temps, s'il vous

21 plaît aussi - à l'automne, vous a-t-on confié une nouvelle mission, vous a-

22 t-on envoyé quelque part ? Si oui, qui vous a ordonné de prendre cette

23 mission et où ?

24 R. Oui. Début octobre, je ne me souviens pas de la date exacte, le général

25 Vasiljevic, le général Tumanov aussi, m'ont fait venir. Il y avait le

26 colonel Gligorevic qui était le chef du premier service. Donc, ils m'ont

27 fait venir dans le bureau du colonel Gligorevic. Et là, à ce moment-là, ils

28 m'ont informé du fait que le lendemain il fallait que je me tienne prêt

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1 pour partir pour Vukovar et qu'il fallait que je devienne là-bas chef

2 adjoint chargé du contre-espionnage.

3 Q. Dans quelle unité ?

4 R. Dans la Brigade motorisée de la Garde.

5 Q. Quoi d'autre vous vous souvenez ?

6 R. Il n'y avait pas beaucoup de temps pour procéder à des préparatifs,

7 enfin cela pris 20 à 30 minutes à peine. On m'a dit que je savais ce que je

8 devais faire et qu'il fallait que je donne le pouvoir à mon épouse pour

9 pouvoir gérer mon compte et retirer de l'argent, parce qu'effectivement, il

10 y avait le risque que je ne rentre pas en vie.

11 Q. Vous ont-il expliqué quelle était la finalité de cette mission,

12 pourquoi vous envoyaient-ils là-bas ?

13 R. Oui. Ils m'ont dit que puisque j'avais de l'expérience au niveau du

14 contre-espionnage, il fallait que j'améliore et que je renforce le contre-

15 espionnage dans la Brigade motorisée de la Garde et que j'allais évoluer à

16 l'avenir dans cette unité.

17 Q. Est-ce qu'on vous a remis un ordre ou une décision par écrit, un ordre

18 ou une nomination ?

19 R. Non. Un ordre par écrit, ils m'ont dit que cela allait venir, que cela

20 allait suivre. Je ne trouvais pas que c'était nécessaire; qu'ils me le

21 communiquent oralement, cela m'a suffit.

22 Q. Quand est-ce que vous avez reçu cette nomination par écrit, qui vous

23 l'a donnée ?

24 R. A notre retour. En fait, même pendant les activités à Vukovar, ou

25 plutôt à Negoslavci au commandement, enfin au poste de commandement arrière

26 où était situé les hommes de mon ressort, j'ai demandé à quel moment est-ce

27 qu'on allait me le confirmer. On m'a dit à mon retour. La nomination à ce

28 poste de chef de la sécurité, cela n'est venu qu'à notre retour en décembre

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1 1991. Naturellement, c'est le commandant de la brigade qui l'a émis.

2 C'était son aval par écrit.

3 Q. Qui a signé cet aval écrit ?

4 R. L'ordre venait de l'administration de la sécurité. A chaque fois qu'il

5 y a mutation, il est indispensable que le commandant de l'unité dans

6 laquelle vous êtes envoyé, vous êtes posté, apporte son aval, donne son

7 aval.

8 Q. Son nom ?

9 R. C'était le colonel Mile Mrksic.

10 Q. Je comprends, mais c'était juste pour être tout à fait précis.

11 Monsieur Karan, est-ce que vous vous souvenez de la suite des événements ?

12 Etes-vous parti pour Vukovar ? Si oui, à quel moment ? Où est-ce que vous

13 êtes arrivé ?

14 R. C'est le lendemain vers 5 ou 6 heures du matin. Je suis parti à bord

15 d'un transporteur. J'ai quitté l'enceinte de la Brigade de la Garde dans le

16 quartier de Topcider et je suis parti à Vukovar. J'y suis arrivé vers 11

17 heures à peu près, tout d'abord au poste de commandement arrière dans le

18 village de Berak, là j'ai été accueilli par le commandant adjoint chargé

19 des arrières et quelques autres officiers qui étaient là sur place, à qui

20 j'ai communiqué la raison de mon arrivée. Peu de temps après, à bord d'un

21 véhicule militaire, on m'a emmené à Negoslavci. C'était le même jour.

22 Q. Quelle était votre destination finale ? Où vous êtes-vous rendu à

23 Negoslavci et qui avez-vous trouvé là-bas ?

24 R. Ma destination finale était le bâtiment, l'enceinte où se trouvait

25 l'organe de sécurité dans le village de Negoslavci. Je dois vous dire que

26 j'y ai attendu pendant plusieurs heures avant d'être reçu, j'ai attendu

27 deux ou trois heures. L'officier de police qui était là ne me permettait

28 pas d'entrer dans les bureaux, tout d'abord parce que je n'avais pas de

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1 passe qui me permettait d'entrer dans la zone de combat, et deuxièmement je

2 n'avais pas avec moi d'ordre indiquant que je devais prendre mon poste.

3 Cela m'a un petit peu compliqué la tâche dans la mesure où ils ne me

4 laissaient pas entrer, mais au moment où le chef est apparu, je veux dire

5 Sljivancanin -- en fait je ne me souviens plus précisément de la séquence

6 des événements. Peut-être m'a-t-on permis d'entrer dans le bâtiment un

7 petit peu avant son arrivée, mais en tout cas nous avons été présentés.

8 Q. Vous dites que vous avez été présentés, puis-je en déduire que vous ne

9 le connaissiez pas avant ?

10 R. Non, je ne le connaissais pas, je ne connaissais aucun des officiers de

11 la Brigade motorisée de la Garde avant mon arrivée.

12 Q. Pouvez-vous nous donner les noms des personnes de l'organe de sécurité

13 que vous avez rencontrées, puis-je vous redemander de donner ces noms en

14 parlant lentement et de nous indiquer également leurs missions ?

15 R. Le commandant Sljivancanin était le chef de la sécurité de la brigade.

16 Je l'ai rencontré là-bas. Le capitaine Vukasinovic, Ljubisa de son prénom,

17 était adjoint pour les questions de sécurité de l'état-major. Le capitaine

18 Borce Karanfilov était chargé d'affaires. L'adjudant-chef Zoran Momcilovic

19 était assistant auprès du chargé d'affaires. C'était cela, sa fonction et

20 son titre.

21 Je crois qu'au moment où je suis arrivé, je n'ai pas rencontré le

22 capitaine Srecko Borisavljevic. Je l'ai rencontré par la suite et on m'a

23 dit qu'il y avait certains membres de l'organe de sécurité qui se

24 trouvaient à Belgrade. Le capitaine Petar Kovacevic et un adjudant-chef,

25 Grocic. Grocic n'était pas venu parce qu'il avait été blessé à la jambe et

26 avait la jambe plâtrée.

27 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire de manière très générale et

28 brièvement en quoi consistait votre mission en tant qu'adjoint auprès du

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1 chef de la sécurité pour le contre-espionnage ? Est-ce que vous pouvez nous

2 expliquer un petit peu en quoi consistait votre mission ?

3 R. Ma mission en tant qu'adjoint pour le contre-espionnage consistait à

4 coopérer avec mes collègues pour identifier tout élément qui pourrait

5 indiquer des activités de sabotage, des activités de commandement et

6 d'autres activités qui pourraient représenter une menace ou un danger pour

7 l'unité et son personnel.

8 Pour être plus précis, ma mission consistait à détecter toutes

9 menaces pour nous, à identifier les formes que ces menaces pouvaient

10 rendre, les personnes qui étaient à l'origine de ces menaces et également à

11 identifier les moyens qui pourraient être éventuellement utilisés pour

12 mener ces activités qui représentaient une menace. En même temps - s'il

13 vous plaît, laissez-moi terminer - nous étions censés mener des actions dès

14 que nous avions des éléments d'information en ce sens. Que faire à ce

15 moment-là ? Comment aller à l'encontre de ces activités ? Quelles méthodes,

16 quels moyens utiliser ? Qui était censé mener ces activités au sein de

17 notre équipe de manière générale et qui devait s'acquitter de quelle étape

18 dans la mission ou dans une tâche donnée ?

19 Voilà en quoi consistait la mission de l'organe de contre-espionnage

20 ou l'organe de sécurité dans la section.

21 Q. Passons de la théorie à la pratique et voyons quelques exemples

22 concrets.

23 Dans vos activités opérationnelles, aviez-vous des exemples

24 d'activités ennemies se déroulant dans la région de Negoslavci qui

25 pouvaient vous concerner et que vous avez eu à traiter ?

26 R. Bien sûr. Mes collègues m'ont informé des problèmes auxquels ils

27 devaient faire face. Le problème essentiel concernait une station radio qui

28 était utilisée pour diriger les tirs ennemis contre nos positions,

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1 notamment cela pouvait se produire à un moment où l'hélicoptère

2 atterrissait sur l'héliport pour évacuer les blessés. Nous avons pris à ce

3 moment-là des mesures et nous avons éliminé cette menace. Nous avons réussi

4 à localiser cette station radio.

5 Q. Y avait-il des cas de défaitisme et de désertion dans l'unité et cela

6 était-il important à vos yeux ? Est-ce que c'est quelque chose que vous

7 avez pu analyser et quelque chose face auquel vous deviez réagir au sein de

8 l'organe de sécurité ?

9 R. Bien entendu, le moral des troupes était au plus bas. Le défaitisme et

10 d'autres formes de comportement antisocial était quelque chose qui nous

11 concernait parce que ce type de comportement avait un impact sur l'état de

12 préparation aux combats au sein de l'unité et, en dernière analyse, sur le

13 succès des missions accomplies.

14 Q. Nous allons utiliser des documents pour illustrer des exemples

15 concrets, mais poursuivons. Au sein de votre division chargée de la

16 sécurité, aviez-vous des réunions d'information, à quelle fréquence ces

17 réunions étaient-elles organisées et comment étaient-elles organisées au

18 sein de l'organe de sécurité ?

19 R. Bien entendu nous avions ce type de réunions d'information. On appelait

20 cela des réunions d'information quotidiennes ou des briefings quotidiens,

21 mais cela ne voulait pas dire pour autant que les réunions se tenaient

22 effectivement au quotidien. Généralement, elles se tenaient le soir, mais

23 elles pouvaient tout aussi bien se tenir à une autre heure de la journée

24 plus tôt ou plus tard, il y avait des jours où ces réunions n'avaient pas

25 lieu du tout.

26 Q. Avant d'être posté à cet endroit comme nous l'avons vu dans votre CV,

27 vous faisiez partie d'autres unités. Au moment où vous avez rejoint cette

28 unité, pourriez-vous nous décrire des caractéristiques spécifiques qui

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1 définissaient la Brigade de la Garde et qui distinguaient cette unité des

2 autres, notamment en matière d'organe de sécurité et aussi par rapport à

3 d'autres sections de cette unité ?

4 R. Tous les anciens membres de la JNA qui avaient rejoint la Brigade de la

5 Garde faisaient partie d'une unité spéciale et il y avait une sorte d'unité

6 qui relevait en général du corps, c'est-à-dire des unités qu'on trouvait

7 généralement dans un corps. Il y avait deux sections de la police

8 militaire, cela c'était inhabituel. Cela en général c'est ce qu'on

9 retrouvait dans une brigade.

10 Q. Je ne vais pas entrer dans la relation entre la police militaire et

11 l'organe de sécurité parce qu'on en a déjà parlé, mais pouvez-vous nous

12 décrire en tant que membre de l'organe de sécurité, la nature de la section

13 sécurité dans la Brigade de la Garde ? Qui était votre supérieur

14 hiérarchique et quel organe vous supervisait ?

15 R. Par rapport à nos activités, nous étions subordonnés au département

16 sécurité du cabinet du ministère fédéral de la Défense nationale.

17 Q. Etiez-vous en contact et en correspondance avec cette section ?

18 Rédigiez-vous des rapports et leur envoyiez-vous ? Qui rédigeait ces

19 rapports dans votre section et quel était l'objectif de ces rapports ?

20 R. L'objectif du service de Sécurité est précisément de rédiger des

21 rapports au sujet de la sécurité pour les unités et cela afin de renseigner

22 l'unité hiérarchiquement supérieure, nous le faisions tous les jours. Il y

23 avait également des rapports, des rapports urgents, c'était moi qui étais

24 responsable de la rédaction de ces rapports.

25 Q. Comment rédigiez-vous ces rapports ? Comment les envoyiez-vous ?

26 R. Au début, c'était un peu difficile. Je devais les écrire à la main

27 parce que mes collègues n'avaient pas apporté avec eux une machine à

28 écrire. Mais pour autant que j'ai pu en juger, notre commandement ne voyait

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1 pas objection à ce que ces rapports soient manuscrits. Ce n'est que par la

2 suite que nous avons reçu une machine à écrire et que nous avons pu rédiger

3 nos documents officiels en les dactylographiant parce qu'effectivement il

4 s'agissait de documents officiels et ils devaient correspondre à certaines

5 normes en termes de mise en page et de contenu.

6 Q. Qu'advenait-il de vos rapports, qui lisait ces rapports ?

7 R. Nos rapports étaient utilisés quand notre supérieur hiérarchique au

8 cabinet du ministère fédéral de la Défense nationale en faisait état à son

9 supérieur, à l'administration chargée de la sécurité qui utilisait aussi

10 nos rapports pour exercer le commandement et le contrôle à tous les niveaux

11 de l'armée dans les autres unités et formations.

12 M. LUKIC : [interprétation] Pouvons-nous faire apparaître à l'écran la

13 première page de la pièce portant la cote 819 ?

14 Q. Monsieur Karan --

15 R. Je ne vois rien.

16 M. LUKIC : [interprétation] Puis-je demander à l'huissier d'allumer l'écran

17 pour que le témoin puisse voir la pièce ? On ne peut en voir qu'une partie,

18 mais je crois que c'est justement la partie qui nous intéresse.

19 Q. Monsieur Karan, reconnaissez-vous l'écriture ?

20 R. Oui, c'est mon écriture.

21 Q. S'il vous plaît, à la ligne suivante, ce document concerne quel point ?

22 R. C'est un rapport d'opérations quotidiennes qui couvre nos activités.

23 C'est un rapport que nous avons envoyé le 12 octobre 1991 à nos supérieurs

24 hiérarchiques au département de la sécurité du cabinet du ministère fédéral

25 de Défense nationale.

26 M. LUKIC : [interprétation] Pourrions-nous avoir la dernière page de ce

27 rapport, la page 10, je crois de la version B/C/S.

28 Q. C'est la signature de qui ?

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1 R. La mienne. Les initiales également. Cela signifie que j'ai rédigé ce

2 rapport, c'est une procédure courante pour nos documents. Si ce document

3 avait été dactylographié, il aurait été visé par la personne qui l'avait

4 dactylographié.

5 Q. Les autres rapports, les rapports suivants en termes de contenu, qui

6 les rédigeait si je puis m'exprimer ainsi ?

7 R. Je rédigeais neuf rapports sur dix.

8 Q. Qui les signait par la suite ?

9 R. C'est simplement une question de circonstances. Je veux dire que ce

10 rapport particulier n'a pas été signé par le chef lui-même, sinon cela

11 aurait été obligatoire que le chef signe ce document avant d'être envoyé au

12 commandement supérieur. Le capitaine Sljivancanin n'était pas présent

13 physiquement, la question était urgente et le document devait être envoyé

14 aussi rapidement que possible. C'est la raison pour laquelle j'ai signé

15 moi-même ce document, mais normalement c'est lui qui les signait.

16 M. LUKIC : [interprétation] Peut-on maintenant présenter la pièce 820.

17 Q. Tout d'abord, de manière générale, de quoi s'agit-il ?

18 R. Ce que nous avons sous les yeux est un document écrit qui émane de la

19 division de sécurité du ministère fédéral de la Défense nationale, c'est

20 une copie envoyée au bureau dont j'ai parlé précédemment. C'est une

21 question qui concerne des activités de renseignement concernant la sécurité

22 pour certaines unités, notamment les unités de la Brigade motorisée de la

23 Garde.

24 Q. En termes de contenu - nous avons déjà abordé cette question pendant la

25 séance de récolement - en termes de contenu donc, est-ce que ce document

26 est le reflet fidèle de ce que vous aviez envoyé sous forme manuscrite ?

27 R. Oui, oui. C'est un reflet fidèle. Peut-être un terme ou deux ont-ils

28 été reformulés mais le contenu du document demeure le même.

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1 Q. A la page 3, s'il vous plaît, version B/C/S en milieu de page. Pendant

2 que nous attendons que le document figure à l'écran, Monsieur Karan, dans

3 vos activités en tant qu'officier chargé du renseignement, est-ce que vous

4 avez été impliqué dans des situations qui impliquaient de la contrebande ou

5 du trafic d'armes ? Est-ce que c'est quelque chose sur lequel vous

6 enquêtiez et qui participaient à ce type d'activités ?

7 R. Bien entendu, ce type d'incidents était couvert par notre domaine de

8 responsabilité. A notre grande surprise, ces activités de trafic d'armes

9 étaient menées par des gens qui, pour des raisons professionnelles et

10 autres, n'étaient pas censées se livrer à ce type d'activités. Nous avons

11 découvert que le ministre de l'intérieur de la région autonome se livrait à

12 du trafic d'armes, et certains de ses acolytes à Negoslavci, deux ou trois

13 d'entre eux. C'était un problème grave, pas seulement dans une zone où se

14 déroulait des opérations de combat, mais également dans les zones

15 avoisinantes. Si vous avez de l'équipement militaire et des armes qui sont

16 vendus à titre commercial, alors cela peut être utilisé pour menacer des

17 gens qui n'étaient pas apparemment concernés par les combats. C'était une

18 priorité pour nous.

19 M. LUKIC : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait voir la page suivante à

20 l'écran.

21 Q. Monsieur Karan, je vous pose une question : Muharem Besic, est-ce que

22 cela vous dit quelque chose ? Si cela vous dit quelque chose, est-ce que

23 vous pouvez nous parler de cette personne.

24 R. Je ne vois rien à l'écran encore.

25 Q. Vous allez le voir dans une minute.

26 R. Oui, bien sûr. Muharem Besic, je connais cette personne. Il avait le

27 même grade que moi à l'époque. Nous avions fait l'académie militaire en

28 même temps à Belgrade. Avant l'arrivée de mon unité dans la région de

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1 Vukovar, il était déjà parti. Nous avons déjà établi ce fait. Il a fait

2 distribuer un certain nombre de certificats ou de permis de manière

3 illicite à des personnes qui n'étaient pas des officiers chargés de la

4 sécurité autorisés. Ces permis ou certificats leur permettaient de devenir

5 à toutes fins utiles officiers chargés de la sécurité.

6 Bien entendu, une fois l'enquête menée, nous avons découvert qu'une

7 personne avait été en possession de ce type de certificat, et que cette

8 personne avait obéi à sa propre impulsion et n'avait pas suivi le règlement

9 en vigueur. C'était important pour nous. C'est la raison pour laquelle nous

10 avons informé nos supérieurs hiérarchiques et l'officier de sécurité qui

11 était notre supérieur. L'administration en a été informée à son tour et

12 l'administration a fait ce qu'elle devait faire dans une situation

13 similaire.

14 Q. Ce rapport se fonde sur un autre que vous avez rédigé précédemment. Il

15 est fait référence à un messager des forces armées croates tué par l'une de

16 ces personnes à Vukovar; est-ce exact ?

17 R. Oui.

18 Q. Est-ce que vous vous souvenez au moment vous avez établi ce rapport,

19 quel statut avait cette personne ? Cette personne a-t-elle été capturée,

20 tuée ? Que vous indiquaient les éléments d'information dont vous disposiez

21 à l'époque sur le statut de cette personne à l'époque où vous avez constaté

22 ou appris que cette personne avait été tuée ?

23 R. Cette personne n'a jamais été un prisonnier de guerre. Mais au fond de

24 moi, je savais ce qui s'était passé. Nous avons simplement été informés à

25 un moment donné que cela avait été le cas.

26 M. LUKIC : [interprétation] Nous n'aurons plus besoin de voir ce document.

27 Q. Il me semble maintenant indiscutable que certaines unités de la police

28 militaire ont participé à des opérations de combat. Savez-vous quelle était

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1 la position de M. Sljivancanin sur l'utilisation des forces de police

2 militaire pour des activités de combat ? Pouvez-vous nous en dire quelque

3 chose ?

4 R. Oui. Lors de nos réunions, nous avions des discussions sur ce fait.

5 Nous avions des discussions sur le fait que des unités de police militaire

6 n'étaient pas utilisées pour des objectifs spécifiques de combat. C'est ce

7 que pensait Sljivancanin et notre équipe partageait son avis.

8 Q. Est-ce que les organes de sécurité ne sont pas censés proposer des

9 évaluations ou des analyses techniques quant à l'utilisation d'unités de

10 police militaire ?

11 R. Bien entendu, le commandant et le commandant adjoint doivent émettre

12 des avis sur l'utilisation éventuelle des forces de police militaire. Ils

13 donnent des avis techniques qui ne sont pas forcément acceptés par le

14 commandant si le commandant lui-même pense que c'est nécessaire d'agir

15 autrement.

16 Q. Merci.

17 M. LUKIC : [interprétation] Peut-on passer en audience à huis clos partiel,

18 s'il vous plaît, Monsieur les Juges.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel.

20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant en séance à huis

21 clos partiel.

22 [Audience à huis clos partiel]

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9 [Audience publique]

10 M. LUKIC : [interprétation]

11 Q. Pouvez-vous nous en parler, s'il vous plaît ?

12 R. A mesure que les opérations ont évolué, la situation au sein de l'unité

13 est devenue de plus en plus compliquée. A un moment donné, on a craint que

14 la situation ne dégénère en refus pur et simple d'obéir aux ordres, en

15 insubordination, en mutinerie. Le défaitisme régnait, le moral des troupes

16 était au plus bas. Cela est une des formes que revêtait le comportement des

17 soldats rebelles, leur conduite d'insubordination revêtait cette forme-là.

18 Effectivement, les soldats ne se comportaient pas toujours de manière

19 militaire.

20 Q. Avez-vous réagi à cette situation ?

21 R. Bien entendu. Nous avons émis des rapports sur la situation au

22 quotidien sur cette unité notamment, et nous avons recommandé que la

23 situation soit réglée au plus vite. Sur cette tâche particulière, le

24 capitaine Sljivancanin était impliqué particulièrement, personnellement,

25 dans la mesure où il avait une excellente relation avec ce commandant en

26 particulier. Néanmoins, d'autres personnes étaient aussi impliquées.

27 M. MOORE : [interprétation] J'aimerais demander à mon éminent confrère s'il

28 avait la gentillesse de nous indiquer à quel passage il se réfère dans les

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1 notes issues de la séance de récolement que j'ai reçues, parce que je ne

2 trouve rien qui concerne ce sujet. Nous avons deux notes de récolement,

3 partie 1 et 2, qui sont assez longues. Si vous pouviez nous indiquer

4 précisément de quel endroit il s'agit, je vous en serais très

5 reconnaissant. Excusez-moi.

6 M. LUKIC : [interprétation] Oui, je suis ravi que vous qualifiez mes notes

7 de récolement d'exhaustives. Nous avons fait de notre mieux dans le cas de

8 ce témoin particulier, qui n'a jamais fait de déposition ou de déclaration

9 devant qui que ce soit pour effectivement mettre en place cette

10 déclaration. Une minute.

11 C'est un fait que j'ai oublié de mentionner dans mes notes issues de la

12 séance de préparation du témoin. Donc, je laisse tomber la question. Je ne

13 crois pas que cela soit essentiel pour le bureau du Procureur d'en prendre

14 connaissance dans la mesure où nous avons déjà vu un certain nombre de

15 documents écrits à ce sujet. Si la Chambre est d'avis que je ne dois plus

16 poser de questions, alors à ce moment-là, je vais laisser tomber ces

17 points-là. J'allais demander, en fait, au témoin si c'est lui qui a

18 effectivement rédigé ces documents.

19 Messieurs les Juges, chose que j'ai à l'esprit, c'est que je dois me

20 concentrer sur les questions essentielles. Les notes de la séance de

21 récolement comprennent cinq pages, elles sont très exhaustives et il peut

22 s'agir d'une omission de ma part. Si vous pensez que c'est quelque chose

23 que j'aurais dû préciser dans ces notes, à ce moment-là, je vais passer à

24 une autre série de questions.

25 [La Chambre de première instance se concerte]

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Passez à une autre série, Monsieur

27 Lukic.

28 M. LUKIC : [interprétation]

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1 Q. De toute façon, on n'allait pas vraiment apprendre des choses

2 particulièrement étonnantes.

3 Pourriez-vous juste continuer à nous parler de ce qu'a dit

4 M. Sljivancanin par rapport à ce problème, Monsieur Karan ?

5 R. Il a pris beaucoup de mesures, si je puis dire, il a essayé de

6 convaincre les gens, il a essayé de voir des gens pour les conseiller.

7 Personnellement il s'est quand même impliqué. Bien entendu, en ce qui nous

8 concerne, nous avons fait des rapports. La conséquence est devenue assez

9 importante, puisque le commandement supérieur s'est rendu compte qu'il y

10 avait une situation assez étrange dans cette unité. Je peux même dire que

11 le commandant de brigade s'en est occupé personnellement pour essayer de

12 régler d'une manière ou d'une autre le problème.

13 Vers la fin des combats, la situation s'est arrangée plus ou moins

14 elle-même.

15 Q. Je vous remercie. Pour ce qui est de l'organe de sécurité, y a-t-il eu

16 des problèmes quand les réservistes ont été congédiés depuis les lignes de

17 front ? Est-ce que cela a été un problème quand les réservistes ont été

18 renvoyés avant les forces actives ?

19 R. Cela pose un problème de qualification du combat, puisqu'en résultat on

20 a eu plusieurs centaines de réservistes qui étaient les nôtres, qui

21 faisaient partie de nos forces. Ils ont été renvoyés, et du coup il y a eu

22 un vide, il n'y avait personne pour remplir ce vide.

23 Q. Nous avons regardé le journal de guerre. Nous voyons qu'il y a une

24 entrée où Sljivancanin fait quelques réglages à propos du tir d'artillerie.

25 Est-ce que vous vous souvenez de quoi que ce soit à ce propos de ce

26 réglage ? Pouvez-vous nous en parler de façon assez précise et nous parler

27 surtout de ce qu'a fait l'unité de sécurité à cet égard.

28 R. Bien sûr. Puisque quand je travaillais dans l'administration de la

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1 sécurité, j'ai dit que je couvrais aussi la Bosnie-Herzégovine. Nous avions

2 reçu un avertissement à l'époque selon lequel des actes de sabotage étaient

3 en cours. Il y avait des obus qui étaient fabriqués à Travnik, d'ailleurs

4 dans d'autres endroits du pays. On s'est aussi rendu compte de ce fait

5 qu'il y avait une usine de production à l'époque, où l'on fabriquait des

6 obus dans le but même d'être utilisés sur Vukovar, lors des combats aux

7 alentours de Vukovar. C'était un signal très spécial que nous avons reçu et

8 que nos supérieurs aussi ont reçu. Cela aurait pu être peut-être des

9 munitions défaillantes.

10 Q. Je vais vous poser encore une question, puis après je pense que le

11 moment sera venu de faire une pause.

12 Au cours de vos activités quotidiennes, où vous trouviez-vous et où

13 se trouvait le commandant Sljivancanin, enfin de façon générale, bien sûr,

14 pendant votre séjour ?

15 R. Je ne sais pas si je peux vous répondre de façon utile. Q. Quelle

16 était votre routine quotidienne, par exemple ?

17 R. Je vous ai compris, je vous ai compris. Dès le départ, on s'est mis

18 d'accord pour que lui, en tant que chef, se trouve toujours au commandement

19 et, bien sûr, passerait du temps avec nous quand il y avait des activités

20 combinées qui étaient planifiées et qui devaient être mises en œuvre. La

21 plupart du temps, nous nous trouvions dans le bâtiment qui abritait

22 l'organe de sécurité, qui était un bâtiment différent et distinct.

23 Q. Au cours du mois et demi que vous avez passé à Vukovar pendant les

24 opérations de guerre à Vukovar, avez-vous jamais quitté Negoslavci ?

25 R. Non, non, c'était l'une des choses sur lesquelles on s'était mis

26 d'accord dès le départ. Quand je suis arrivé dans la brigade, j'ai eu

27 beaucoup de mal parce que je ne connaissais personne. Il était tout à fait

28 normal et beaucoup plus efficace que ce soit le commandant Sljivancanin qui

Page 15538

1 fasse la tournée des unités, pour essayer de voir et de se rendre compte

2 par lui-même de la situation en matière de sécurité et pour essayer de

3 recueillir aussi toutes sortes d'informations utiles pour nos analyses et

4 pour nos rapports.

5 Q. Merci.

6 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs et Madame les

7 Juges, je pense que nous pourrions peut-être prendre la pause maintenant.

8 La séance était peut-être un peu étrange, mais je pense qu'il est tout à

9 fait opportun de prendre une pause maintenant.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous reprendrons à

11 6 heures moins dix.

12 --- L'audience est suspendue à 17 heures 30.

13 --- L'audience est reprise à 17 heures 55.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic.

15 M. LUKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 Q. Monsieur Karan, je vais aborder un autre sujet à présent. C'est un

17 sujet qui m'intéresse. Je pense que vous serez en mesure de nous apporter

18 des réponses. Parlons maintenant de la relation entre l'organe chargé de la

19 sécurité à la Brigade de la Garde et d'autres organes de sécurité, que ce

20 soit d'un point de vue de communications horizontales ou verticales. Vous

21 avez dit que techniquement votre supérieur c'était le cabinet du

22 secrétariat fédéral à la Défense, en fait, l'adjoint ou l'assistant du chef

23 de ce cabinet, d'un point de vue technique, si j'ai bien compris ?

24 R. Oui. C'était mon supérieur qui avait compétence sur moi, et aussi

25 techniquement, c'était mon supérieur.

26 Q. Toute correspondance qui partait de chez vous et qui allait vers cet

27 organe et qui aussi allait vers l'administration de la sécurité, est-ce que

28 cela passait toujours par l'organe chargé de la sécurité au SSNO ?

Page 15539

1 R. Il n'y avait pas d'autre filière, il n'y avait pas d'autre moyen. Tous

2 les documents qu'on envoyait de chez nous allaient au service chargé de la

3 sécurité, au cabinet du SSNO.

4 Q. Pendant que vous étiez à Vukovar, vous est-il jamais arrivé d'avoir un

5 échange par écrit, enfin que vous soyez l'auteur du document ou que l'autre

6 vous écrive avec les organes de la 1ère Région militaire soit de Belgrade,

7 soit de Sid, leur poste de commandement avancé ?

8 R. Non, aucun document écrit ne nous est jamais parvenu de l'organe de

9 sécurité de la 1ère Région militaire.

10 Q. Pendant que vous étiez à Negoslavci en mission, vous en souvenez-vous

11 des officiers de l'organe de sécurité de la 1ère Région militaire ? Sont-ils

12 jamais venus vous voir ? Nous savons que le 19 au soir ils sont arrivés.

13 Cela, c'est une autre chose. Mais avant la chute de Vukovar, avant le 18,

14 d'après vos souvenirs, est-ce que jamais quelqu'un n'est venu vous voir ?

15 R. Non. Non, jamais, sauf qu'à la mi-octobre à peu près, ou plutôt

16 novembre, lorsque l'unité de Kragujevac est arrivée, il y a eu une avant-

17 garde qui est arrivée dans le cadre des préparatifs. Je pense qu'ils

18 étaient de la 1ère Région militaire.

19 Q. Très bien. On reviendra à cela plus tard. Parmi les officiers de

20 l'organe de sécurité de votre département, est-ce que jamais quelqu'un est

21 allé à Sid ou à Belgrade pour recevoir des instructions ou pour rendre

22 compte à l'organe de sécurité de la

23 1ère Région militaire ?

24 R. Non.

25 Q. Ils ne sont pas partis ou vous ne savez pas ?

26 R. Non, je suis certain qu'ils ne sont pas partis. Ils n'y sont pas allés.

27 Q. Très bien. Au sein du Groupe opérationnel sud, y avait-il d'autres

28 organes de sécurité en plus de celui de la Brigade motorisée de la Garde ?

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1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que vous pouvez nous décrire les relations entre voter organe de

3 sécurité et les organes de sécurité d'autres unités qui faisaient partie du

4 Groupe opérationnel sud ?

5 R. Oui, je peux le faire. L'organe de sécurité de la Brigade motorisée de

6 la Garde n'était que l'organe de sécurité de la Brigade motorisée de la

7 Garde. Les autres unités qui faisaient partie du Groupe opérationnel sud

8 avaient, quant à elles, leurs propres organes de sécurité. Il n'y avait pas

9 de subordination entre le chef de sécurité de la Brigade de la Garde et les

10 autres unités. Donc, le chef de sécurité de la Brigade motorisée de la

11 Garde n'était pas le supérieur des organes de sécurité qui rentraient dans

12 la composition du Groupe opérationnel sud, d'aucuns d'entre eux.

13 Q. Pour que votre organe de sécurité et votre chef de sécurité deviennent

14 le supérieur des autres organes, qui aurait pu prendre cette décision ? Qui

15 aurait pu remanier la structure d'un point de vue technique ?

16 R. Si jamais l'organe de sécurité de la Brigade de la Garde était devenue

17 l'organe de sécurité du Groupe opérationnel sud, tout d'abord, il aurait dû

18 être rebaptisé. Il serait devenu une direction et n'aurait plus été un

19 département. Seul le secrétaire fédéral à la Défense aurait pu prendre une

20 telle décision ou le chef de l'administration chargée de la sécurité

21 habilité par le secrétaire fédéral. Cela aurait dû se passer par écrit. On

22 aurait précisé la structure de ce nouvel organe de sécurité. C'est son

23 domaine d'activité et sa filière de responsabilité, de subordination.

24 Q. Vous avez eu une correspondance avec le SSNO et avec l'administration

25 de la sécurité en passant par le truchement de ces services. Est-ce que

26 jamais quelqu'un s'est adressé à vous appelant organe de sécurité du Groupe

27 opérationnel sud ?

28 R. Non, et nous ne l'avons pas été véritablement.

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1 Q. Dans les rapports et dans les documents que vous envoyez vous-même à

2 ces institutions, est-ce que vous avez jamais dit que vous représentiez

3 l'organe de sécurité du Groupe opérationnel sud ?

4 R. Non.

5 Q. Pour autant que vous vous en souveniez, à un moment donné pendant votre

6 mission, est-ce qu'on a vu arriver la 80e Brigade motorisée de Kragujevac

7 au sein du Groupe opérationnel sud ? Vous-même, êtes-vous entré en contact

8 avec leurs organes de sécurité, si oui à quel moment et avec lesquels ?

9 R. Oui, une dizaine de jours, je pense, avant que la

10 80e Brigade de Kragujevac ne soit redéployée dans le secteur de Vukovar, on

11 a vu arriver dans notre organe deux représentants de leur commandement

12 supérieur, donc deux agents des organes de sécurité de leur commandement ou

13 plutôt du corps d'armée de Kragujevac, le lieutenant-colonel, Zika

14 Petrovic, je m'en souviens très bien, il avait travaillé avec moi à

15 Bijeljina. C'est là-bas qu'il avait été l'organe de sécurité avant moi, un

16 petit peu avant moi. A ce moment-là, on les a informés de la situation qui

17 prévalait sur le terrain. On leur a dit quelle était la situation sur le

18 plan du contre-espionnage, la situation dans laquelle allait rentrer leur

19 unité lorsqu'elle serait déployée dans la zone d'opération.

20 Q. Dragi Vukosavljevic, est-ce un nom qui vous paraît familier ?

21 R. Oui. C'est quelqu'un que j'ai rencontré quelques jours avant que leur

22 unité n'arrive dans notre théâtre d'opération. Il s'est présenté chez nous.

23 En fait, il est venu nous voir à l'organe de sécurité.

24 Q. Est-ce que vous savez quel a été l'objectif de son arrivée ? Décrivez-

25 nous la situation, pourquoi est-ce qu'il est venu vous parler ?

26 R. La finalité, il est venu dans la zone d'opération. C'est logique que

27 les deux organes de sécurité prennent contact. A ce moment-là, nous ne lui

28 avons pas précisé la situation, au sens large de la situation sur le

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1 terrain, car son commandement supérieur lui avait précisé la situation

2 déjà, enfin l'organe de sécurité du corps d'armée de Kragujevac. On n'a pas

3 parlé longtemps. Tout simplement, on s'est mis d'accord de reprendre

4 contact si jamais il devait y avoir des problèmes. C'était plutôt dans ce

5 sens-là.

6 Q. Pendant que vous étiez à Negoslavci, Dragi Vukosavljevic ou un autre

7 agent d'organe de sécurité de la 80e Brigade ou d'une autre unité vous a-t-

8 il jamais rendu compte oralement ou par écrit ?

9 R. Non, ni oralement ni par écrit. Cela n'a pas eu lieu.

10 Q. Lui ou un autre officier de cette unité ou d'une unité de ce genre,

11 est-ce qu'il a jamais reçu de votre part une mission que vous lui auriez

12 confiée sur le plan technique d'organe de sécurité de l'un à l'autre ?

13 R. Non. D'ailleurs, on ne pouvait pas confier ce genre de mission.

14 Q. Lui ou un autre organe de sécurité d'une autre unité au sein du Groupe

15 opérationnel sud, a-t-il jamais assisté à une réunion de votre service ?

16 R. Non, jamais.

17 Q. Votre service chargé de la sécurité, quelle relation entretenait-il

18 avec l'administration chargée de la sécurité, et comment est-ce que cela

19 fonctionnait ?

20 R. Pour ce qui est de la communication des rapports, bien entendu, tout

21 d'abord, on informait le service de Sécurité auprès du secrétaire fédéral

22 et eux, ils informaient l'administration. D'après notre loi et nos

23 règlements, on n'avait pas à s'adresser directement à l'administration, à

24 prendre contact directement avec elle.

25 Q. Merci. Je vais brièvement aborder un autre sujet. Monsieur Karan,

26 pendant que vous étiez là-bas, d'après ce que vous savez, y avait-il des

27 autorités civiles à Negoslavci, et si oui, lesquelles ?

28 R. Oui. Pendant tout ce temps - je parle du moment où je suis arrivé

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1 jusqu'à la fin des opérations de combat, jusqu'à notre retrait pour

2 Belgrade, en fait - il y avait un poste de police local qui a fonctionné et

3 qui avait toutes les attributions d'un poste de police. J'y suis allé. Il y

4 avait des hommes de permanence, un chef, un véhicule, des moyens de

5 transmission de communications.

6 Q. Savez-vous à qui rendaient-ils compte ? Ils étaient placés sous la

7 compétence de qui ?

8 R. Verticalement, ils avaient leur ministre de tutelle, le ministre des

9 Affaires intérieures. Mais je ne me suis pas mêlé de cela.

10 Q. Etait-ce Boro Bogunovic, c'est un sous-ministre de l'Intérieur, que

11 vous pensez maintenant ?

12 R. Oui, oui.

13 Q. D'après vous, d'après ce que vous saviez, entre les autorités

14 militaires dont vous faisiez partie, les structures militaires et ce poste

15 de police, quelles étaient les relations ? C'étaient des rapports de

16 subordination ou autre chose ?

17 R. Non, pas de subordination. Cela n'aurait pas pu avoir lieu. Ce n'était

18 pas le cas. Eux, c'était un poste de police, un commissariat de police, et

19 ils s'acquittaient des tâches qui étaient de leur ressort.

20 Q. Vous connaissez le nom du chef de ce poste de police ?

21 R. Il y en a eu deux, l'un a été tué - je ne me souviens pas de son nom -

22 et l'autre, son nom était Kovacevic, Ilija Kovacevic. C'était un policier

23 de carrière qui est sorti d'une école de la police.

24 Q. On a entendu ici des dépositions parlant de la circulation et des

25 déplacements des civils dans Negoslavci, des règles de circulation. Est-ce

26 que c'était quelque chose de coordonné ou pas, quelles étaient les règles

27 de ce poste de police ?

28 R. Pour être tout à fait précis, il y avait des voies de communication, de

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1 grands axes qui normalement devraient relever de la compétence de la police

2 locale. Cependant, dans la zone de combat de Vukovar la situation était

3 telle qu'ils acceptent -- en fait ceci leur convenait physiquement aussi,

4 d'un point de vue professionnel ou technique aussi. Bien entendu ils

5 n'avaient pas les mêmes moyens que notre police. Ils ont accepté que nous

6 on s'en charge. Je pense que c'est une petite immixtion dans les

7 attributions des autorités locales. Je qualifierais cela comme cela.

8 Q. Votre coopération avec eux, elle était de quelle nature ? C'était une

9 bonne coopération ? La communication et les contacts étaient comment ?

10 R. On les connaissait et aussi on échangeait des éléments d'information,

11 et ainsi de suite. On ne s'ingérait pas dans ce qui était de leur ressort.

12 Q. Merci. Monsieur Karan, que saviez-vous de l'hôpital de Vukovar pendant

13 les opérations de combat avant le 18 novembre ? Vous étiez l'organe de

14 sécurité, est-ce que vous aviez des informations importantes à vos yeux ?

15 R. Oui, bien sûr. On avait nos informations en tant que l'organe de

16 sécurité. De plus, on recevait des lignes directrices ou des documents de

17 la part de l'organe de sécurité du cabinet du secrétaire fédéral, mais

18 aussi de nos structures supérieures sur l'hôpital et sur ce qui se passait

19 à l'intérieur de l'hôpital ou eu égard à celui-ci.

20 Q. La substance de ces informations, qu'était-ce ?

21 R. La substance ? En substance, pour vous dire tout simplement, c'est que

22 cet hôpital n'était pas qu'un hôpital, que c'était plutôt un endroit qui

23 était occasionnellement utilisé pour abriter des positions d'où on ouvrait

24 le feu sur nos forces.

25 M. LUKIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher la pièce 824, s'il

26 vous plaît, est-ce qu'on peut l'afficher à l'écran ? Très brièvement, c'est

27 une lettre d'accompagnement, je ne voudrais pas qu'on s'y attarde, je ne

28 voudrais pas qu'on perde trop de temps à analyser ceci, mais la page 2

Page 15546

1 m'intéresse. Est-ce qu'on peut l'afficher, s'il vous plaît ? La page 2 de

2 cette pièce à conviction. Est-ce que vous pouvez agrandir un petit peu,

3 s'il vous plaît, la partie supérieure et le milieu.

4 Q. Monsieur Karan, c'est le deuxième paragraphe qui m'intéresse. Est-ce

5 que vous pouvez formuler un commentaire, est-ce que ceci vous rappelle des

6 informations que vous auriez reçues ?

7 R. D'après ce que je vois, c'est un document d'orientation envoyé par

8 l'administration chargée de la sécurité à l'adresse de l'organe de sécurité

9 de la Brigade de la Garde en passant par le service de sécurité du cabinet

10 du SSNO. On y voit qu'ils nous informent du fait que l'un des centres de la

11 Défense de la ZNG et du MUP est l'hôpital de Vukovar et que dans l'hôpital

12 de Vukovar on a pris en charge des membres de la ZNG tandis que d'autres

13 membres, des membres du MUP sont installés au poste de police.

14 Q. Qu'est-ce que cela a pu signifier pour vous ? Quelles actions avez-vous

15 entreprises par la suite ?

16 R. Bien entendu, on communique toute information au commandement lorsqu'on

17 apprend des choses de ce genre et également toutes les unités qui sont

18 déployées le long de cet axe. Quant à nous, ceci nous sert de fondement, de

19 base, pour faire des évaluations pour l'avenir et ceci complète notre

20 appréciation de la situation sur un territoire donné sur le plan du contre-

21 espionnage et de la sécurité.

22 Q. Monsieur Karan, la date du 18 novembre 1991, qu'est-ce que ce que cette

23 date signifie pour vous lorsque vous l'entendez ?

24 R. Tout simplement, c'est le moment de la chute de Vukovar, en fait les

25 unités ont conquis la ville.

26 Q. Très brièvement, vous vous souvenez des activités que vous auriez eues

27 ce jour-là, quelque chose qui vous permettrait de vous rappeler la date en

28 question ? On en a parlé et vous n'avez pas vraiment pu nous en dire grand-

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1 chose. Est-ce que vous avez fait quelque chose de particulier ce jour-là ?

2 R. Le 18 ? Je ne sais pas.

3 Q. La reddition du Bataillon de Mitnica, vous y avez pris part ?

4 R. Non, je n'ai eu rien à faire avec cette activité-là.

5 Q. Je passe au lendemain, la journée d'après. Pendant les préparatifs -

6 vous n'avez pas pu nous aider là-dessus - mais pour la journée du 19, vous

7 avez pu nous dire des choses. Le 19 novembre, êtes-vous allé à l'hôpital de

8 Vukovar ? Si oui à quel moment ? Racontez-nous de quoi vous vous souvenez.

9 R. Oui, j'y suis allé. J'ai été appelé par le commandant Sljivancanin et

10 c'est suite à cet appel que je suis allé à l'hôpital de Vukovar. Je crois

11 que j'y suis arrivé légèrement après le déjeuner, autrement dit vers 14

12 heures ou 15 heures. Je ne sais pas exactement. Cela fait 15 ans que

13 personne ne m'a posé de questions là-dessus, il m'est difficile de me

14 rappeler l'heure.

15 Q. A votre arrivée à l'hôpital, qu'avez-vous vu sur place, qui avez-vous

16 trouvé sur place ? Décrivez-nous la scène. Vous êtes arrivé d'où et

17 comment ?

18 R. Mais de Negoslavci. Je suis arrivé par la route, la route qui mène à

19 Vukovar. J'ai été conduit par un chauffeur qui connaissait le chemin

20 jusqu'à l'hôpital. Sur place, j'ai trouvé des membres de notre unité, plus

21 précisément des membres de la police et à l'intérieur j'ai croisé le

22 capitaine Simic et j'ai compris qu'il était le commandant de l'unité qui

23 était à l'intérieur de l'hôpital et dans l'enceinte de l'hôpital.

24 Q. Vous avez une conversation avec lui, que s'est-il passé par la suite ?

25 R. Brièvement, on a échangé quelques mots et ce qui m'a frappé, c'est

26 qu'il m'a montré un individu qui passait à côté de lui et m'a dit : "Voici,

27 cela c'est le Dr Njavro."

28 Q. Pourquoi ce nom vous a-t-il frappé ? Pourquoi est-ce qu'il devait

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1 attirer votre attention sur cet homme ?

2 R. Parce que les jours passés, les semaines passées, on a parlé du

3 personnel de l'hôpital, de savoir qui était le numéro 1 à l'hôpital, qui

4 étaient les médecins. On connaissait de nom cet homme, Njavro, mais je ne

5 savais pas le reconnaître.

6 Q. Par la suite, que s'est-il passé ?

7 R. Ensuite, je suis parti très rapidement, j'ai quitté Simic. J'ai arrêté

8 le Dr Njavro et je lui ai posé la question d'un de mes camarades de classe

9 qui était normalement médecin à l'hôpital de Vukovar.

10 Q. Le nom et le prénom de votre camarade de classe, est-ce que vous pouvez

11 nous le donner ?

12 R. Dejanovic Radomir.

13 Q. Pouvez-vous répéter ce nom ?

14 R. Radomir Dejanovic.

15 Q. Pourquoi étiez-vous intéressé par cette personne en particulier ?

16 R. Nous étions camarades de classe pendant quatre ans au lycée. Je sais

17 qu'il était habitant de Bobota. J'étais à son mariage et je savais qu'il

18 était employé de l'hôpital de Vukovar. J'étais simplement curieux de

19 connaître son sort.

20 Q. Que vous a dit Njavro ? Est-ce que vous en avez souvenir ?

21 R. Il a dit qu'il était parti pour Borovo Selo.

22 Q. Que s'est-il passé ensuite ?

23 R. Le commandant Sljivancanin m'a appelé pour me demander de me rendre

24 dans une salle particulière dans l'enceinte de l'hôpital. C'est une petite

25 salle qui se trouve à proximité de l'entrée de l'hôpital.

26 Q. Qui avez-vous vu dans cette pièce ? Pouvez-vous nous en informer ?

27 R. J'ai vu le Dr Vesna Bosanac. C'était un nom que je connaissais. Je

28 connaissais aussi son visage que j'avais vu à la télévision, donc je l'ai

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1 reconnue immédiatement. M. Sljivancanin m'a dit que je devais rester avec

2 les personnes qui étaient dans cette pièce. Il y avait d'autres personnes

3 pour les surveiller, pour exprimer les choses le plus simplement possible.

4 Q. Ensuite ?

5 R. Je suis allé voir ce chauffeur qui était également un officier de

6 police militaire. Je lui ai demandé de monter la garde à côté de la porte

7 et de veiller à ce que personne ne nous dérange. L'atmosphère était telle

8 qu'il était impossible d'éviter un échange ou une conversation, le Dr

9 Bosanac a commencé à me présenter toutes ces personnes, c'est la première

10 fois que je rencontrais cette personne qui a été présentée par le Dr

11 Bosanac comme Marin Vidic, Bili. J'imaginais qu'il aurait un air

12 complètement différent. Il n'était pas très bien coiffé, il n'était pas

13 rasé, il était d'une maigreur extrême. L'autre personne qui m'a été

14 présentée était Anton Avric, qui était un aide soignant qui était arrivé de

15 Zagreb pour apporter ses services. Elle m'a présenté Njavro, elle ne s'est

16 pas rendu compte que je l'avais déjà rencontré.

17 Nous sommes restés dans la pièce pendant environ une heure, c'est

18 difficile d'entrer vraiment dans les détails ou de se souvenir précisément

19 des détails. Je sais qu'à un moment donné, j'ai autorisé le Dr Bosanac à

20 utiliser le téléphone, mais en mettant le haut-parleur pour que je puisse

21 suivre la conversation. Il y a une chose que j'oublie qui m'est restée en

22 mémoire. Je me suis mis en colère tout de suite, même avant que les choses

23 ne commencent parce qu'il y avait un étranger dans la pièce, un homme très

24 grand qui avait des cheveux blonds longs, qui représentait la Croix-Rouge

25 et qui était revêtu d'une blouse blanche. J'ai appris par la suite qu'il

26 s'agissait du représentant de la Croix-Rouge internationale, Borsinger.

27 Un autre élément qui m'a frappé à l'époque. C'est qu'en ma présence,

28 le Dr Bosanac a remis au représentant de la Croix-Rouge internationale un

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1 certain nombre de documents. Je me suis mis en colère. Je me suis fâché,

2 j'ai immédiatement informé Sljivancanin du fait qu'elle avait remis à cet

3 homme des documents. Cela avait l'air d'être une liste de noms,

4 Sljivancanin m'a dit : Moi, j'en ai moi-même aussi une liste, je l'ai

5 obtenue d'elle. Elle m'a dit que c'était la même liste que celle qu'elle

6 avait remise au représentant de la Croix-Rouge internationale. Elle a dit

7 que les deux listes correspondaient.

8 Bien entendu, je n'étais pas ravi de cet état de choses. Je n'étais

9 pas très content que nous n'ayons pas été informés de ce qu'elle avait

10 remis au représentant de la Croix-Rouge, mais pour autant que je m'en

11 souvienne, Sljivancanin m'a dit : Bon, ça va. Ce n'est pas grave, laissez

12 les choses en l'état. On ne va pas leur retirer la liste. Je pense qu'il

13 pensait que la liste remise au représentant de la Croix-Rouge

14 internationale était exactement la même que celle qu'elle nous avait remise

15 à nous. J'ai regardé cette liste et je me suis rendu compte que cela ne

16 ressemblait pas du tout à la liste qui avait été remise au représentant de

17 la Croix-Rouge internationale. La liste qui nous avait été remise à nous

18 était une liste qui comprenait beaucoup moins de noms. Il y avait des noms

19 qui avaient été biffés, des noms qui avaient été ajoutés et copiés. On

20 avait l'impression que quelqu'un utilisait un bottin téléphonique et

21 sélectionnait des noms de manière aléatoire. C'est à cela que cela

22 ressemblait cette liste. Elle nous était de peu d'utilité.

23 Sljivancanin est parti, je suis resté avec les personnes dans la

24 pièce. Nous avons commencé à parler. Entre-temps le Dr Bosanac avait reçu

25 des appels téléphoniques à deux reprises de la zone d'opération de

26 Vinkovci. Je crois qu'elle avait reçu également un appel de Zagreb. C'était

27 le secrétaire de Hebrang.

28 Pendant que j'étais avec eux dans la pièce, le Dr Bosanac m'a étonné en

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1 faisant quelque chose d'un peu particulier, quelque chose qui n'était pas

2 tout à fait idoine étant donné les circonstances. Elle m'a demandé mon nom.

3 J'ai dit : "Mladen." Elle m'a dit : "D'où êtes vous ?" J'ai répondu :

4 "Petrova Gora." Elle pensait que je venais de Petrova Gora, à Vukovar. Je

5 suppose que parce qu'elle pensait que j'étais un Croate de Vukovar, elle

6 m'a demandé de les aider. Elle m'a dit : "Aidez-nous. Aidez-nous," sans

7 indiquer exactement ce qu'elle entendait par là.

8 Au cours de ces conversations, j'ai interrompu d'ailleurs sa

9 conversation avec Zagreb, le secrétaire voulait savoir qui était à l'autre

10 bout du fil et j'étais un peu fâché de ses questions. Elle a même pensé que

11 j'avais un grade dans l'armée croate, que j'étais général. Elle m'a assigné

12 le grade de général, elle me l'a proposé même, c'était une sorte de

13 corruption, c'est ce secrétaire qui m'a proposé cela et cela m'a vraiment

14 irrité. Elle ne m'a donné aucun détail de ce que j'étais censé faire ou de

15 la manière dont j'étais censé les aider. Elle a simplement dit : "Aidez-

16 nous."

17 Par ailleurs, il y en avait quatre en tout. Ils regardaient souvent vers le

18 plafond, il y avait des livres ou des documents qui étaient en haut d'une

19 étagère. Il y avait un énorme sac noir qui avait l'air d'un sac poubelle.

20 C'était un sac énorme et noir. J'ai regardé dans la direction où ils

21 regardaient, je pense que ce sac contenait quelque chose qui était caché.

22 La première pensée qui m'est venue, c'est peut-être que c'est quelque chose

23 qui me menace. J'ai dit : "Qu'est-ce que c'est ?" Ils ne m'ont pas répondu.

24 A mes risques et périls, je suis monté sur une chaise et j'ai descendu le

25 sac. Je l'ai ouvert et je me suis rendu compte qu'il y avait énormément de

26 billets de banque, de l'argent à l'intérieur. J'en ai immédiatement informé

27 le commandant Sljivancanin. Il m'a dit : "Qu'allons-nous faire ?" Je lui ai

28 répondu : Sur la base de mon expérience, dès que l'on trouve de l'argent,

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1 la meilleure chose à faire, c'est de s'en débarrasser au plus vite parce

2 que les gens vont commencer à parler. Il va y avoir des rumeurs qui vont se

3 répandre.

4 Immédiatement j'ai suggéré que cet argent soit remis à une sorte de

5 commission pour être compté. J'ai suggéré qu'un rapport soit rédigé et que

6 nous attendions d'autres instructions émanant de notre organe de sécurité

7 supérieur.

8 Q. Avant que vous ne poursuiviez, avez-vous demandé au Dr Bosanac et aux

9 autres personnes présentes d'où venaient cet argent ?

10 R. Bien entendu. J'ai demandé à qui appartenait cet argent, elle m'a

11 répondu que c'était l'argent de la cellule de Crise, j'ai immédiatement eu

12 l'idée que je devais vérifier si c'était effectivement le cas ou si les

13 médecins serbes avaient reçu leurs salaires aussi, parce qu'elle disait que

14 c'était les salaires des membres de la cellule de Crise. Puis, je me suis

15 rendu dans la salle où le personnel soignant de l'hôpital de Vukovar était

16 réuni et j'ai demandé à un médecin, une femme qui se trouvait là, si le

17 personnel avait reçu ses salaires pour la période précédente, la réponse

18 était négative.

19 Puis, je me suis conformé aux ordres du commandant Sljivancanin. Il m'avait

20 dit qu'il était d'accord avec ma suggestion et il m'avait dit de me rendre

21 à Negoslavci immédiatement pour mettre en place une commission qui serait

22 chargée de compter l'argent, les billets, et en référer ensuite à l'organe

23 de sécurité supérieur. C'est ce que j'ai fait.

24 Q. Est-ce que vous pouvez nous indiquer cette pièce où se trouvait le

25 personnel soignant de l'hôpital, cette pièce se situait où par rapport à la

26 pièce où vous vous trouviez-vous avec le Dr Bosanac et les autres ?

27 R. Je vais vous expliquer. Vous avez d'une pièce une perspective sur

28 l'autre pièce. C'était un couloir rectangulaire, lorsque vous entriez dans

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1 l'hôpital, la salle où j'étais avec le Dr Bosanac était à droite et cette

2 autre pièce était une petite pièce qui se trouvait sur la gauche, au rez-

3 de-chaussée, sur la gauche du couloir, pour autant que je m'en souvienne.

4 Q. En dehors de ces deux pièces, dont vous dites que vous vous y êtes

5 rendu. Est-ce que vous vous êtes rendu dans d'autres lieux de l'hôpital de

6 Vukovar ce jour-là ?

7 R. Non.

8 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire à quel moment vous avez quitté

9 l'hôpital ? Pas l'heure exacte, mais est-ce que vous pouvez préciser si

10 c'était après le crépuscule, après la nuit tombée ou quand il faisait

11 encore jour ?

12 R. C'était en fin d'après-midi, je crois au moment du crépuscule, vers 17

13 heures, 16 heures, 18 heures. Je ne me souviens plus exactement de l'heure.

14 Q. D'accord. On ne vous demande pas de vous souvenir de l'heure précise.

15 Au cours de cette soirée et de cette nuit, est-ce que vous vous êtes rendu

16 à l'hôpital de Vukovar ?

17 R. Non.

18 Q. Merci. Est-ce que les noms Dr Stanojevic et Dr Ivankovic vous disent

19 quelque chose ?

20 R. Oui. Ce sont les médecins qui travaillaient à l'hôpital.

21 Q. Est-ce que vous savez quelle est leur appartenance ethnique ?

22 R. C'était des médecins serbes. Des Serbes.

23 Q. Merci. Est-ce que le nom Bogdan Kuzmic vous dit quelque chose ?

24 R. Non.

25 Q. Nikola Dukic ?

26 R. Non.

27 Q. Au moment où vous vous êtes rendu à l'hôpital, ce jour-là vous êtes

28 entré et vous êtes sorti dans la zone où vous étiez, avez-vous été en

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1 mesure d'observer d'autres membres des forces serbes, de la Défense

2 territoriale, volontaires, en dehors des membres de la JNA ?

3 R. Non. A part l'unité du commandant Simic, je n'ai vu personne d'autre.

4 En fait, j'ai supposé que le personnel qui était présent était constitué de

5 membres de son unité. Il n'y avait pas d'autres membres là.

6 Q. Qu'avez-vous fait à votre retour à Negoslavci ?

7 R. J'ai mis en place cette commission. J'ai fait ce que l'on me demandait

8 de faire. Nous avons rédigé le rapport pour l'organe de sécurité du cabinet

9 du secrétaire fédéral de la Défense nationale, et nous avons attendu que le

10 chef arrive afin de pouvoir lui faire rapport de nos activités

11 quotidiennes. Cela faisait partie des réunions d'information quotidiennes

12 que nous organisions pratiquement tous les jours, parce qu'il avait besoin

13 d'être informé des activités des autres organes de sécurité.

14 Q. Avez-vous vu Sljivancanin ce soir-là ?

15 R. Oui.

16 Q. Vous êtes-vous vu confier vos tâches pour la journée suivante, si vous

17 en avez souvenir et qui s'est vu confié quelle tâche ?

18 R. Oui, j'en ai souvenir. Je me souviens que notre tâche fixée pour le

19 jour suivant, nos activités de contre-espionnage étaient liées à

20 l'évacuation des blessés et des malades de l'hôpital. Maintenant, si votre

21 question était de savoir quelle est la tâche qui m'a été confiée à moi,

22 alors je peux vous dire que Sljivancanin m'a dit que nous devions tous les

23 deux nous rendre à l'hôpital le lendemain matin et que des officiers de

24 sécurité représentant l'administration de la sécurité s'y rendraient avec

25 nous pour nous aider. En d'autres termes, il m'a informé que certaines

26 personnes de l'administration de la sécurité nous accompagneraient et qu'un

27 groupe de médecins de Novi Sad participeraient aussi à ces activités, en

28 tout sept ou huit médecins qui participeraient à cette mission.

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1 Q. Vous a-t-il dit à ce moment-là quelle mission devrait être accomplie à

2 l'hôpital par vous ?

3 R. Lorsqu'il m'a confié cette mission, il m'a dit que ma présence visait à

4 veiller à ce que les médecins puissent effectuer le tri entre les blessés

5 et les autres. Nous savions que nous avions reçu des informations les jours

6 précédents et même après le 18, après la reddition du Bataillon de Mitnica

7 - nous savions que ceux qui n'avaient pas voulu se rendre s'étaient

8 retranchés dans l'hôpital et s'étaient déguisés en médecins ou en personnel

9 soignant, nous savions aussi qu'ils faisaient semblant d'être blessés.

10 Q. En tant qu'officier chargé de la sécurité et spécialiste du contre-

11 espionnage, vous possédiez cette information. Qu'est-ce que cela signifiait

12 pour vous par rapport à l'organisation de l'évacuation des malades et des

13 blessés et des circonstances dans lesquelles cette évacuation devait se

14 faire ?

15 R. Cela signifiait qu'il y avait beaucoup de risques dans cette opération

16 puisqu'on ne savait rien sur les intentions de ces personnes, on ne savait

17 pas pourquoi elles s'étaient retrouvées à l'hôpital. On avait des

18 renseignements précédents comme quoi ils étaient armés, on savait qu'il

19 s'agissait là d'extrémistes, d'extrémistes qui avaient refusé de se rendre.

20 La situation était à risque et il fallait que nous prenions les choses très

21 sérieusement. D'ailleurs je crois que la présence des médecins, la présence

22 des officiers de sécurité venant du commandement supérieur montrait bien

23 qu'il s'agissait d'une mission extrêmement importante.

24 Q. Lors de cette réunion avec M. Sljivancanin, vous êtes-vous entretenu

25 sur le sort qui allait être réservé aux personnes qui se cachaient dans

26 l'hôpital déguisées en médecins ou en blessés ?

27 R. M. Vukasinovic est celui à qui on a donné la tâche de transférer ces

28 personnes à la caserne, ensuite des casernes de les emmener directement à

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1 Sremska Mitrovica. Il s'agissait de Ljubisa Vukasinovic. Je tiens ici à

2 noter que ce n'est pas moi qui opérais la sélection, ce n'était pas de mon

3 ressort. J'étais là pour m'assurer que les médecins qui faisaient bel et

4 bien la sélection, le faisaient sans qu'ils courent de danger, donc pour

5 m'assurer qu'il n'arrive rien à ces médecins.

6 Q. Est-ce que vous vous souvenez quelles sont les missions qui ont été

7 données à vos autres collègues pour le jour suivant ? Ont-ils eu des

8 missions qui avaient aussi à voir avec l'évacuation ou non ?

9 R. Si je me souviens bien, le capitaine Karanfilov devait se rendre à

10 l'abri qui avait été utilisé par le commandant de la Défense de Vukovar

11 pour y récupérer des documents, pour faire l'inventaire aussi de tout ce

12 que l'on pouvait trouver dans cet abri.

13 Q. Monsieur Karan, avez-vous entendu parler de ce qu'on a appelé ensuite

14 l'accord de Zagreb ? Avez-vous entendu dire qu'il y avait eu des

15 négociations à propos de l'évacuation des malades et des blessés de

16 l'hôpital, négociations qui avaient eu lieu entre le ministère de la Santé

17 de Zagreb et la JNA ?

18 R. Non, je n'en savais rien.

19 Q. A l'époque, vous a-t-on dit qu'il y avait eu des négociations à

20 Negoslavci entre certains officiers de la JNA d'un côté et le CICR et la

21 MOCE de l'autre, négociations à propos de toujours ce même problème

22 d'évacuation ?

23 R. Non, non. D'ailleurs je n'ai pas vraiment analysé le moindre événement

24 qui avait lieu ailleurs. Je n'en savais rien, j'avais mes missions à

25 accomplir, c'est tout.

26 Q. Avez-vous vu Vesna Bosanac ce soir-là et savez-vous ce qui lui est

27 arrivé ?

28 R. Non. Quand j'ai quitté l'hôpital, je ne l'ai pas vue.

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1 Q. Savez-vous si d'autres personnes se sont entretenues avec elle ?

2 R. Oui, je sais que le commandant Sljivancanin lui a parlé, il nous l'a

3 dit, c'est pour cela que je le sais.

4 Q. C'était après le briefing extrêmement court que nous avons eu puisque

5 j'imagine qu'après il est allé au commandement -- il ne nous a pas vraiment

6 dit où il se rendait.

7 Q. Ce qui m'importe c'est que vous ne l'ayez pas vu ?

8 R. En effet, je ne l'ai pas vu.

9 Q. Avez-vous vu quelqu'un d'autre qui aurait été amené au bâtiment où se

10 trouvait votre section ?

11 R. Oui. Marin Vidic, Bili.

12 Q. Très bien. Pouvons-nous en parler et savoir ce qui s'est passé ?

13 R. Je m'en souviens très mal, c'était quand même il y a très longtemps. Je

14 ne me souviens pas très bien à quel moment c'est arrivé. C'était avant

15 minuit, peut-être une ou deux heures avant minuit. Je le sais parce que je

16 me souviens de l'heure à laquelle on a eu le briefing, c'était une ou deux

17 heures après le briefing.

18 Il a été amené au bureau de l'organe de sécurité à Negoslavci. Je le

19 connaissais déjà parce que je m'étais déjà entretenu avec lui. On lui a

20 proposé une chaise. C'est un homme qui s'adapte rapidement à un nouvel

21 environnement. Tout de suite il a réussi à détendre l'ambiance, par rapport

22 à ce qu'une autre personne aurait pu faire dans de telles circonstances,

23 circonstances où une personne est arrêtée, et cetera.

24 Il a détendu l'ambiance. Il a demandé à boire, a demandé à se

25 rafraîchir. Ce qui m'intéressait, c'est qu'il avait sa guitare avec lui. On

26 l'a autorisé à garder sa guitare. Cela ne nous dérangeait pas qu'il ait sa

27 guitare avec lui et qu'il soit si détendu, qu'il soit si tranquille. Nous

28 savons bien que c'était le commissaire du gouvernement. Ce qui m'a vraiment

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1 étonné, c'est qu'il a eu des mots très durs envers ses amis politiques, ses

2 anciens amis politiques. Il a critiqué la politique officielle de son

3 gouvernement, il a critiqué Tudjman. J'avais l'impression que cela pourrait

4 être utile en matière de propagande, cela pourrait servir. Immédiatement

5 j'ai appelé les techniciens de médecine légale pour enregistrer tout cela.

6 Il était d'accord d'ailleurs pour être enregistré. J'ai pensé que si on

7 pouvait envoyer cette bande à la télévision de Belgrade en Serbie, cela

8 pourrait avoir des effets tout à fait positifs sur la situation.

9 Quand tous les arrangements étaient organisés, mis en place pour

10 l'enregistrement, je lui ai dit : Puisque tu as une guitare, je suis sûr tu

11 peux chanter. D'ailleurs, je suis sûr que c'est un excellent chanteur.

12 Q. Qui était avec vous pendant tout ce temps-là ?

13 R. Le capitaine Karanfilov. Il entrait, il sortait de la pièce, mais la

14 plupart du temps il était quand même avec nous. J'étais là, il y avait

15 aussi le technicien. Je crois qu'il s'appelait Cekic. C'était lui qui était

16 censé s'occuper de l'enregistrement. Puis, un peu plus tard, le

17 commandement Sljivancanin nous a rejoints. Peu de temps après que Marin

18 Vidic soit arrivé - enfin, on avait juste commencé cette petite activité

19 dont je vous ai parlé, Sljivancanin lui a parlé très brièvement entre

20 chaque chanson qu'il a chantée pour nous.

21 Dans l'intervalle, pendant que tout cela se passait, le général

22 Tumanov et le général Vasiljevic sont arrivés aussi. Je n'avais pas réalisé

23 qu'ils étaient sur la zone de combat, enfin qu'ils étaient là. Ce qui était

24 vraiment frappant, c'est que l'un d'entre eux a refusé de saluer cette

25 personne.

26 On était restés à bavarder pendant un petit moment. On parlait

27 surtout de la situation politique en Croatie, de la décision des autorités

28 croates de proclamer que la JNA était une armée d'occupation. Alors, on a

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1 essayé de leur expliquer qu'on ne pouvait pas être une armée d'occupation,

2 puisqu'on était dans notre propre pays et qu'on n'était pas les ennemis du

3 peuple croate. Bien entendu, ils étaient tout à fait d'accord avec nous à

4 l'époque.

5 Enfin, c'est de cela qu'on parlait. On savait bien que c'était un

6 homme politique, quelqu'un qui avait été nommé par le gouvernement de

7 Zagreb, enfin basé à Zagreb, on savait tout cela.

8 Q. A un moment quelconque, a-t-il été emmené ailleurs ou est-ce qu'il est

9 resté là tout le temps ?

10 R. Non. On a laissé tombé l'idée que j'avais eue d'enregistrer. Je crois

11 que c'est Vasiljevic qui n'en voulait pas ou quelqu'un d'autre, je ne sais

12 pas. En tout cas, on a laissé tomber cette idée-là. Ils ont dit que cela ne

13 servait à rien, que d'ailleurs cela pourrait se révéler être tout à fait

14 contre-productif pour notre image. Donc, on a décidé de faire quelque chose

15 de peut-être plus sérieux. On a décidé qu'il allait faire une déclaration à

16 la police, déclaration qui, plus tard, porterait un certain poids.

17 Q. Expliquez-moi quelque chose, ce technicien de médecine légale, à quel

18 service appartenait-il exactement ?

19 R. A la police militaire de la Brigade des Gardes.

20 Q. Je n'ai plus qu'une question et demie, ensuite je pense que l'on pourra

21 en terminer pour la journée.

22 Monsieur Karan, où dormait M. Sljivancanin pendant tout son séjour à

23 Negoslavci ?

24 R. On dormait tous dans la même pièce, on se serrait comme des sardines.

25 Tous les officiers chargés de la sécurité étaient dans une pièce qui était

26 à côté de la pièce qui nous servait de bureau. On s'était dit que c'était

27 la façon la plus pratique de procéder. Donc, on était tous là, mis à part

28 son chauffeur qui lui était dans une autre pièce dans le même bâtiment.

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1 Q. Ce soir-là, après l'arrivée de Sljivancanin - vous dites que c'est

2 juste après que Marin Vidic ait été amené - a-t-il à nouveau quitté le

3 bâtiment lors de la soirée à un moment quelconque, ici, je parle bien sûr

4 du commandant Sljivancanin ?

5 R. Non, non. Il n'est pas parti, on a tous dormi là. Le matin suivant on

6 s'est réveillés. D'ailleurs, c'est moi qui ai réveillé tout le monde, parce

7 que je me réveille très tôt, et nous sommes tous allés à Vukovar.

8 Q. Merci.

9 M. LUKIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que c'est le

10 moment parfait pour en terminer avec l'audience d'aujourd'hui.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Lukic.

12 Nous allons lever la séance maintenant, et nous allons reprendre

13 demain à 14 heures 15.

14 --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le mercredi 29

15 novembre 2006, à 14 heures 15.

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