Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 30 novembre 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 16 heures 50.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonsoir. Je suis désolé qu'en essayant

7 d'aider une autre chambre, nous ayons provoqué un retard dans le démarrage

8 de notre audience aujourd'hui. C'était pour une raison en fait double, non

9 seulement il n'y avait pas d'autre salle d'audience, le Juge Van den

10 Wyngaert assistait à l'audience d'une autre Chambre. Nous ne pouvions pas

11 de toute façon démarrer avant maintenant.

12 Nous espérons pouvoir terminer avec l'interrogatoire de ce témoin, avec

13 cette bande, parce que nous devrions avoir une rupture de bande, on devrait

14 pouvoir terminer avant 19 heures, à la fin de la bande, peut-être 1 heure

15 40.

16 Est-ce que je peux vous rappeler la déclaration solennelle que vous avez

17 prêtée.

18 Monsieur Moore.

19 LE TÉMOIN: MLADEN KARAN [Reprise]

20 [Le témoin répond par l'interprète]

21 Contre-interrogatoire par M. Moore : [Suite]

22 Q. [interprétation] Pourrions-nous traiter d'un petit sujet qui concerne

23 l'hôpital lui-même. Lorsque vous vous êtes rendu à l'hôpital le 20, aviez-

24 vous une liste qui reprenait les noms des personnes auxquelles vous

25 souhaitiez vous adresser ou vous souhaitiez identifier ?

26 R. Non.

27 Q. Saviez-vous si d'autres personnes, et notamment le capitaine

28 Sljivancanin avaient cette liste ?

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1 R. Non, je ne le sais pas.

2 Q. Pendant toute votre présence, vous diriez que vous n'aviez pas

3 conscience que des listes étaient utilisées; est-ce exact ?

4 R. Je n'ai pas compris votre question.

5 Q. Vous dites ne pas avoir eu de liste, que vous n'aviez pas conscience

6 que d'autres personnes disposaient d'une liste. Ce que je vous demande

7 c'est si au moment où vous vous êtes rendu là-bas, si vous avez vu des

8 personnes qui procédaient sur la base d'une liste ou à partir d'une liste ?

9 R. Pour autant que je sache, non.

10 Q. Quel était l'objectif qui avait à prendre la liste du Dr Bosanac ?

11 R. Je vous ai peut-être mal compris. Je pensais que vous me demandiez si

12 nous avions établi de telles listes.

13 Q. Je vais peut-être séparer ma question en deux points. Dans le cadre de

14 l'organe de sécurité, est-ce qu'à un moment donné vous avez rédigé une

15 liste d'individus qui pourrait être intéressante avant l'évacuation de

16 l'hôpital le matin du 20 ?

17 R. Oui. Nous l'avons fait sur la base des informations que nous avions

18 reçues pendant nos activités opérationnelles, avec les noms, les surnoms.

19 Nous avons transmis cela à notre supérieur hiérarchique au sein de l'organe

20 de sécurité.

21 Q. Quel type de personnes figurait sur cette liste ou ces listes ?

22 R. D'après nos renseignements, il s'agissait de personnes qui occupaient

23 un poste important dans la chaîne de commandement, des personnes qui

24 avaient commis des infractions pénales soit contre la JNA, soit contre la

25 population serbe.

26 Q. Vous nous avez dit que des listes vous ont été remises à vous-même, à

27 Nicholas Borsinger, comprenant les noms de personnes qui étaient à

28 l'hôpital. Est-ce que vous avez vérifié ces listes pour voir si les

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1 personnes, auxquelles vous souhaitiez parler ou que vous souhaitiez

2 identifier, étaient effectivement incluses dans la liste du Dr Bosanac ?

3 R. Pour autant que je m'en souvienne, j'ai dit que la liste que nous

4 avions reçue ne pouvait pas vraiment être qualifiée de liste. C'était des

5 gribouillis, on ne pouvait pas vraiment appeler cela une liste. Il y avait

6 des noms biffés, des noms ajoutés, c'était inutilisable comme papier. La

7 liste qui a été reçue par le représentant du comité international de la

8 Croix-Rouge de la part du Dr Bosanac était une liste beaucoup plus nette.

9 Je crois qu'elle comprenait plus de pages que le document que nous avions

10 reçu. Le nôtre ne comprenait qu'une ou deux pages, il était totalement

11 inutilisable.

12 Q. La liste des noms que vous avez compilée pendant vos activités, les

13 noms de ces personnes qui étaient à votre avis des personnes importantes,

14 qu'avez-vous fait pour identifier ces personnes à l'hôpital ?

15 R. Nous n'avons rien fait pour les identifier. Nous n'avons pas eu

16 suffisamment de temps pour le faire. Les listes qui étaient dressées par

17 les services administratifs des organes de sécurité étaient quelque chose

18 qui nous était nécessaire pour nos activités futures au moment, par

19 exemple, d'entretiens avec des Serbes qui allaient peut-être nous révéler

20 des informations plus fiables sur leurs activités.

21 Q. Pour conclure sur ce sujet, quelle liste avez-vous utilisée le matin du

22 20 ?

23 R. Je n'avais aucune liste. Si votre question porte sur le 20, je n'avais

24 aucune liste, simplement la liste fournie par Vesna Bosanac, cette liste

25 était inutilisable.

26 Q. Vous nous avez dit que vous aviez conscience de la présence d'un

27 étranger. Il était grand, blond, il portait une blouse blanche. Je me

28 réfère ici à mes notes. Vous avez dit, et je cite : "Je me suis fâché. Elle

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1 avait donné à Bosinger une liste de noms."

2 Vous l'avez mentionné à Sljivancanin; est-ce exact ?

3 R. Oui, c'est dans ces termes que j'ai décrit le représentant du comité

4 international de la Croix-Rouge, et la raison pour laquelle je me suis

5 fâché c'est parce que je ne savais pas ce qui figurait sur la liste, pas

6 parce qu'elle lui avait remis la liste. J'étais fâché parce que nous, nous

7 n'avions pas cette liste.

8 Q. Dans mes notes, il est dit : "J'ai regardé rapidement la liste de

9 Sljivancanin." Est-ce exact ?

10 R. Non. Vous m'avez mal compris. J'ai regardé la liste ou plutôt les notes

11 gribouillées sur ce papier. Sljivancanin m'avait indiqué qu'il avait reçu

12 ces notes de Vesna Bosanac. Il m'a dit que je ne devais pas m'inquiéter,

13 que c'était à toutes fins utiles, que la même liste avait été remise au

14 représentant du comité international de la Croix-Rouge.

15 Q. Pourquoi vous êtes-vous fâché alors ?

16 R. Je me suis fâché parce qu'elle a remis cette liste dans notre dos, en

17 quelque sorte. Je ne savais pas à l'époque si Sljivancanin avait déjà eu ce

18 document. Il ne m'avait pas encore dit à l'époque ou à ce moment-là que je

19 ne devais pas m'inquiéter. Parce qu'elle l'avait remis ce document à cet

20 homme, je pensais que nous devions aussi en disposer.

21 Q. Comment vous êtes-vous rendu compte que le document dont vous disposiez

22 ne ressemblait pas du tout à la liste de noms qui avait été remise au

23 représentant du comité international de la Croix-Rouge ?

24 R. Dans la mesure où nous ne pouvions pas utiliser cette liste, elle ne

25 ressemblait pas du tout à celle que je l'avais vue remettre au représentant

26 du comité international de la Croix-Rouge. C'était la seule raison, c'était

27 relativement évident.

28 Q. Vous avez utilisé l'expression "étranger," souvent cela peut vouloir

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1 dire une personne qui n'est pas particulièrement bienvenue dans un endroit

2 particulier. Est-ce que ce serait exact de dire qu'on pensait à l'époque

3 que le comité international de la Croix-Rouge et la MOCE n'avaient aucune

4 raison d'être présents là, que c'était une question interne ?

5 R. Non, certainement pas. Lorsque je dis "étranger," je veux dire une

6 personne dont j'ignorais le nom et dont je supposais qu'elle n'était pas

7 citoyen de notre pays. Je ne voulais pas dire une personne indésirable,

8 parce que ce n'était pas à nous de décider qui était bienvenue ou pas,

9 notamment lorsqu'il s'agissait de membres de la communauté internationale.

10 Q. Merci beaucoup. Nous passons maintenant à un sujet différent.

11 En terme de consignes militaires, il y a une distinction entre un

12 ordre et une mission, n'est-ce pas ?

13 R. Dans les organes de sécurité, il n'y avait pas vraiment d'ordres comme

14 c'était le cas dans la chaîne de commandement. Il n'y a que contrôle, pas

15 de commandement dans les organes de sécurité. C'est la distinction que j'ai

16 essayé d'établir ici.

17 Q. Vous utilisez l'expression "mission" plutôt qu'"ordre" pour établir

18 cette distinction, est-ce exact ?

19 R. Oui, on pourrait dire cela.

20 Q. Si une personne se voit confier une mission, peut-elle refuser de

21 l'effectuer sans raison fondée ?

22 R. Les militaires qui sont en service actif peuvent refuser d'obéir à un

23 ordre qui va à l'encontre des intérêts de l'ordre constitutionnel ou

24 refuser d'obéir à un ordre qui reviendrait à commettre un délit pénal, qui

25 risque de faire l'objet de poursuite judiciaire, tous les autres ordres ou

26 missions doivent être effectués. Cela c'est le système qui s'appliquait

27 dans l'ancienne JNA, et c'est le système qui vaut, je crois, dans toutes

28 les armées du monde. C'est le principe de l'unicité du commandement.

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1 Q. Si une personne refuse d'effectuer une mission, peut-elle encourir des

2 conséquences militaires, peut-elle se voir infliger une sanction ?

3 R. En tout état de cause, désobéir à un ordre implique certaines

4 conséquences. Ces conséquences dépendent des problèmes réels provoqués par

5 la désobéissance à l'ordre en question. Le commandant ou le supérieur

6 hiérarchique dans la chaîne de commandement décide d'en traiter lui-même ou

7 de citer cette personne devant le tribunal militaire ou la cour martiale.

8 Dans les organes de sécurité, désobéir aux ordres est perçu de manière un

9 petit peu différente parce que, par exemple, je peux accepter un ordre, et

10 pourtant ne pas pouvoir l'exécuter pour autant, pour tout un nombre de

11 raisons, parce que notre mission, nos tâches, étaient un petit peu

12 particulières, tout dépendait des circonstances, de circonstances

13 imprévisibles, on n'était pas forcément en mesure d'accomplir toujours sa

14 tâche ou sa mission.

15 De toute évidence, lorsque l'on soumet un rapport à l'organe de

16 sécurité dont provient cette mission, cet organe de sécurité va tenir

17 compte de tous ces éléments et décider de leur accorder une importance ou

18 pas.

19 Q. Est-il exact de dire que l'une des possibilités existantes auraient été

20 de porter cet individu devant une cour martiale; est-ce exact ?

21 R. Je vous ai déjà répondu. Tout dépendait des conséquences négatives

22 provoquées par la désobéissance, et c'est au commandant de l'unité d'en

23 décider, il se réunit avec ses collègues, il voit s'il doit traiter de

24 cette infraction disciplinaire lui-même, si cette infraction a eu un impact

25 sur l'état de préparation au combat de l'unité, si par exemple cet impact a

26 été tel que des procédures disciplinaires doivent être instaurées à

27 l'encontre de cet individu. A ce moment-là, cela passe devant une instance

28 particulière qui s'appelle le tribunal militaire disciplinaire ou la cour

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1 martiale. On peut ensuite décider d'entamer des poursuites pénales à

2 l'encontre de l'individu en question.

3 Q. La réponse est oui. L'une des possibilités est qu'une personne peut

4 être traînée devant une cour martiale, est-ce exact ?

5 R. [aucune interprétation]

6 Q. Merci. Le contre-espionnage c'est un domaine extrêmement spécialisé.

7 Etes-vous d'accord avec cette affirmation ?

8 R. Tout à fait.

9 Q. Quelle spécialisation aviez-vous qui était complémentaire à l'organe de

10 sécurité de la Brigade motorisée de la Garde ?

11 R. Le fait même d'appartenir à un organe de sécurité en soit veut dire

12 qu'une personne peut être spécialisée, peut se spécialiser dans le contre-

13 espionnage. On peut être plus ou moins compétent dans son travail, certains

14 étaient plus compétents que d'autres, certains travaillaient bien, d'autres

15 moins bien. On ne pourrait dire en aucune manière que tout officier de

16 l'organe de sécurité était un spécialiste de haut rang de sa tâche. Il y

17 avait quelques éléments rares, la crème de la crème, qui vraiment

18 travaillaient bien dans notre service, et je crois que la chose vaut pour

19 les services du même genre dans d'autres pays.

20 Q. Alors, je vais formuler ma question en des termes un petit peu

21 différents. En quoi étiez-vous spécialisé et en quoi cette spécialisation

22 faisait que vous étiez un élément porteur pour l'organe de sécurité de la

23 Brigade motorisée de la Garde ? Quelle était votre valeur ajoutée ?

24 R. Enfin maintenant, je comprends mieux votre question. Lorsque j'ai

25 rejoint la Brigade de la Garde, j'avais déjà accompli des missions en tant

26 qu'officier indépendant dans le 317e Régiment de Bijeljina. J'ai accompli

27 ma mission dans trois républiques différentes. J'avais travaillé aussi à

28 Sarajevo. J'avais traité avec une situation extrêmement complexe avec une

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1 unité qui avait plusieurs installations et qui occupait plusieurs montagnes

2 et collines des zones qui étaient extrêmement sensibles. J'avais également

3 travaillé au sein du 17e Corps à Tuzla, et c'était un tremplin pour moi

4 parce que j'ai pu ainsi passer à la 1ère Division dans l'administration de

5 sécurité.

6 L'administration de la sécurité a décidé que je pouvais aider cet organe de

7 sécurité à la Brigade de la Garde en tant que professionnel

8 essentiellement.

9 Q. Dans cette mission, on nomme un assistant pour une raison donnée. Quel

10 vide veniez-vous remplir par votre présence, quelle valeur ajoutée

11 apportiez-vous au service ?

12 R. Il y avait un poste à pourvoir pour un assistant au contre-

13 renseignement et ils n'avaient pas le bon individu. Ils n'avaient pas une

14 personne appropriée pour pourvoir à ce poste. Ils avaient un chef, ils

15 avaient un adjoint pour la sécurité de l'état-major, cela était la raison

16 essentielle pour laquelle j'ai été nommé, parce qu'ils avaient des

17 officiers administratifs mais pas d'assistant en matière de contre-

18 espionnage, et c'est la raison essentielle pour laquelle j'ai été nommé.

19 Une autre raison c'est qu'ils participaient en tant qu'unité à des

20 activités de combat.

21 Q. Qu'est-ce que vous faisiez de plus au moment de la participation à des

22 activités de combat que d'autres gens au sein de l'organe de sécurité qui

23 travaillaient déjà ?

24 R. Je vais vous donner une réponse très simple. Je systématisais toutes

25 les informations que nous recevions. Je leur donnais une certaine forme. Je

26 les rédigeais sous une certaine forme, sous forme de rapports, de rapports

27 qui étaient rédigés comme ils le devaient et que je soumettais ensuite à

28 notre organe de sécurité situé un grade plus haut dans la chaîne, dans la

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1 hiérarchie. Toute correspondance que nous échangions devait être formulée

2 conformément à un format adéquat.

3 Pour qu'un tel rapport soit distribué, il devait contenir un certain

4 nombre d'éléments essentiels, par exemple, la nature de la menace. La

5 menace émane-t-elle d'un individu ou d'un groupe entier. Ou une tierce

6 partie : quelle méthode est-elle à l'origine de cette menace ? Quelle

7 méthode sont-ils susceptibles d'utiliser pour mettre en jeu cette menace ?

8 Y a-t-il des mesures que l'on peut proposer pour éliminer cette menace ?

9 Si nous ne pouvons pas prendre les mesures nous-mêmes, à ce moment-là

10 nous sommes censés chercher auprès de nos supérieurs hiérarchiques de

11 l'assistance au sein de notre propre unité, au sein de l'organe dans lequel

12 nous travaillons.

13 Q. Nous allons simplifier. Il y a quatre grands points : d'une part,

14 identification des menaces. Vous êtes d'accord ? C'est ce que vous êtes en

15 train de dire.

16 Pour ce qui concerne la scène de Vukovar, est-ce qu'on pourrait dire que

17 l'identification de la menace impliquait essentiellement des choses telles

18 que les effectifs des Oustachi, qui résistaient, l'identification des

19 dirigeants et des unités ? Est-ce que ce serait exact ? Cela, ce n'est pas

20 une liste exhaustive; c'est simplement pour vous donner un exemple.

21 R. Je serais assez d'accord sur l'ensemble sauf pour les forces numériques

22 et les unités ennemies. Cela, c'est du renseignement, à strictement parler;

23 ce n'est pas du contre-espionnage.

24 Q. Qu'est-ce qui est à l'origine de la menace, si on la regarde d'un point

25 de vue général, quelle était la conclusion, la conclusion générale de vos

26 rapports sur l'origine de la menace ?

27 R. Je vais essayer de formuler les choses dans une séquence de phrases.

28 Nous avions des éléments d'information qui indiquaient que dans la zone de

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1 Vukovar, les membres des Oustachi, de l'émigration Oustachi, menaient des

2 activités Srecko d'Australie avec un groupe de personnes. Nous avions des

3 éléments d'information semblant attester du fait que des activités étaient

4 menées par des extrémistes du HSP, Parti croate des droits. Nous avions des

5 éléments d'information indiquant que dans la zone de Vukovar, des

6 personnalités militaires et politiques importantes étaient arrivées, des

7 personnalités du plus haut niveau politique et militaire arrivant de la

8 République de Croatie qui bénéficiaient d'un certain soutien humanitaire,

9 et que tous ces éléments nous fournissaient suffisamment d'éléments de

10 preuve pour que nous puissions aboutir à la conclusion que nous étions face

11 à l'ennemi et qu'il fallait tenir compte de cette présence et se rendre

12 compte que l'ennemi menait déjà des opérations de combat.

13 Si je puis rajouter autre chose : de notre côté, par rapport aux activités

14 de contre-espionnage, il est assez facile de considérer que dans ce type de

15 situation on peut s'attendre aux formes les plus extrémistes d'activités,

16 et on peut s'attendre à des activités de sabotage. Si vous avez suivi ma

17 déposition au cours des deux derniers jours, vous savez que l'une des

18 choses auxquelles nous prêtions particulièrement attention, c'était

19 l'existence de taupes au sein de notre propre service, d'agents étrangers.

20 Outre cela, bien entendu, nous voulions aussi éviter toute action

21 extrémiste menée dans la région comme celle qu'aurait pu mener Srecko Rover

22 et les unités HSP qui l'étaient affiliées.

23 Q. J'aimerais passer à un autre sujet étant donné les horaires, mais je

24 dirais qu'il y a deux conséquences essentielles. Je ne vous critique pas;

25 je tiens simplement attirer l'attention sur ces conséquences. D'une part,

26 la participation de ce que vous appelleriez des émigrés et leur

27 participation aurait des conséquences pour d'autres zones de Croatie où des

28 conflits se déroulaient; c'est exact ?

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1 R. Je crois que si de telles activités se déroulaient ailleurs, on ne

2 pouvait que s'attendre à cela, mais je ne peux pas en être sûr.

3 Q. Deuxièmement, l'identification des dirigeants dans la zone de Vukovar

4 faciliterait la mise en place de contre-mesures par vous. Est-ce que vous

5 seriez d'accord avec cela ?

6 R. Certainement. Des contre-mesures visant à protéger nos unités, à

7 familiariser nos unités sur le terrain avec les difficultés auxquelles

8 elles risquaient d'être confrontées, pour dire les choses en termes les

9 plus simples possibles.

10 Q. Merci. Vous avez utilisé une expression hier qui a été traduite comme

11 "l'organe de sécurité sans informateurs n'avait aucune raison d'être."

12 R. C'est exact. C'est exactement ce que j'ai dit.

13 Q. J'ai utilisé le terme "informateurs," mais, en fait, je pense que vous

14 avez utilisé le terme "collaborateurs." Mais, je suppose que collaborateurs

15 et informateurs seraient presque synonymes. Est-ce que vous êtes d'accord ?

16 R. Je ne crois pas que je puisse être d'accord avec vous, malheureusement.

17 J'ai dit qu'un organe de sécurité sans collaborateurs n'a aucune raison

18 d'être. Je veux dire un organe de sécurité qui ne crée pas de

19 collaborateurs au sens réel du terme. Cela veut dire quelqu'un qui est

20 passé par toutes les étapes de la formation afin d'être enrôlé, en quelque

21 sorte. Mais, tout organe de sécurité a bien d'autres sources. Cela, c'est

22 quelque chose officiel.

23 Q. Puis-je suggérer que le terme "collaborateur" puisse avoir un sens plus

24 général, c'est-à-dire collaborateur, en termes généraux, cela voudrait dire

25 quelqu'un qui est rallié à la cause et qui apporte son soutien à cette

26 cause pour en réaliser les objectifs. Est-ce que vous êtes d'accord avec

27 cette définition ?

28 R. Non. C'est entièrement faux. Un collaborateur, c'est exclusivement un

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1 collaborateur et on ne peut pas l'appeler différemment. Toutes les autres

2 sources de données peuvent être nommées différemment en fonction de la

3 langue et de ce qui est permissible dans une langue. Mais un collaborateur

4 est exclusivement collaborateur, et je souligne encore une fois qu'il

5 s'agit là d'une relation professionnelle entre l'organe de sécurité et les

6 personnes avec lesquelles ils travaillent. C'est seulement dans la

7 direction de la sécurité qu'il est possible de trouver des informations au

8 sujet de ce collaborateur. C'est cela la différence.

9 Q. Mais ai-je raison de dire qu'à l'époque vous receviez de l'aide de la

10 part des individus qui étaient dans la zone de Vukovar et qui étaient de

11 l'autre côté des lignes des forces croates. Ceci est exact, n'est-ce pas ?

12 R. Nous aurions été contents si nous avions eu une telle possibilité.

13 Pendant cette opération, je n'ai pas eu l'occasion de recevoir quelque

14 information que ce soit de l'autre côté. C'est peut-être l'organe de

15 sécurité qui pouvait le faire ou les gens de renseignements plutôt, mais

16 pas nous.

17 Nous, en tant qu'officiers chargés de la sécurité, une fois sur un

18 terrain inconnu, nous n'avons pas de possibilité de créer un réseau de

19 l'autre côté. S'agissant de l'espace, et lorsque je dis l'espace, je veux

20 dire que nous ne contrôlions pas ce territoire, mais nous étions

21 directement liés à nos unités à Topcider. Au départ, lorsque nous nous

22 sommes trouvés sur un terrain inconnu, bien sûr il a fallu créer un réseau

23 qui allait dans la profondeur, si vous voulez, au-delà de la partie

24 frontale. Je ne sais pas si j'ai été suffisamment claire.

25 Q. Par conséquent, si tel était le cas, s'il y avait des preuves

26 concernant les tirs d'artillerie ou de mortier sur des puits d'eau, ceci

27 devait être une conséquence directe de la direction de l'artillerie et non

28 pas de la direction des collaborateurs dans Vukovar. Ceci est exact, n'est-

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1 ce pas ?

2 R. A vrai dire, je ne suis pas spécialiste dans artillerie. Je ne sais pas

3 de quelle manière on prépare les tirs d'artillerie et comment on les

4 effectue. J'ai été spécialisé en télécommunication, mais je suppose que

5 vous avez raison. Je n'ai pas tout à fait compris votre question.

6 Ma réponse serait plus précise si je vous dis que je n'y me connais pas en

7 tirs d'artillerie et la manière dont ils sont guidés, et je n'ai jamais été

8 commandant d'une unité d'artillerie. J'étais commandant d'une unité de

9 transmission, mais ceci est bien différent d'une unité d'infanterie.

10 Q. Vous dites qu'en tant que membre de l'organe de sécurité, vous n'étiez

11 pas en mesure de contrôler les tirs d'artillerie; est-ce exact ?

12 R. Non, vous ne m'avez pas compris. Je ne suis pas du tout en mesure de me

13 trouver près de l'artillerie, car je ne m'y connais pas du tout. Je ne suis

14 pas spécialisé dans ce domaine. Je pense que ceci serait une véritable

15 insulte pour quelqu'un d'autre si je mettais à tirer des pièces

16 d'artillerie, par exemple, d'un canon ou un char ou un moyen semblable.

17 Q. Ou si vous dirigiez la chute d'un tir ?

18 R. Pour autant que je m'y connais, pour ce qui est de l'organisation

19 militaire, seulement un artilleur peut faire ce genre d'activité de

20 reconnaissance, seulement une personne instruite dans ce domaine, quelqu'un

21 qui soit était artilleur, soit était à proximité directe de l'endroit où

22 tombent les obus, peut-être la personne pourrait contacter ceux qui tirent

23 pour leur dire de corriger leur trajectoire, mais c'était seulement

24 possible si la personne était placée de l'autre côté. C'est au moins la

25 manière dont je comprends les choses, car je ne suis vraiment pas expert en

26 la matière.

27 Q. Je crois me rappeler qu'hier vous avez dit qu'il y avait une ligne pour

28 la construction des obus d'artillerie exclusivement pour Vukovar; peut-être

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1 je me suis mal exprimé ? Il s'agissait d'une ligne de production dont le

2 but spécifique était l'utilisation à Vukovar. C'était dans votre

3 déposition, je crois, hier, et je vois que Me Lukic fait signe négatif de

4 la tête, mais c'était à la page 15 537, lignes 10 à 17.

5 Est-ce que vous vous souvenez de cette partie de votre déposition ?

6 R. Je sais exactement ce que j'ai dit hier, si c'était hier. Je sais que

7 j'en ai parlé.

8 Puisque j'étais dans le 1er Département de la direction de la sécurité,

9 entre nous, en tant que collègues, nous avons échangé cette information

10 disant que dans les structures de l'armement de l'armée, là où on produit

11 les munitions et la poudre, qu'il y avait un certain nombre de problèmes et

12 que peut-être les obus utilisant cette poudre n'allaient pas être forcément

13 tout à fait aux normes.

14 Dès que nous avons reçu l'information que l'artillerie tirait sur nos

15 propres forces, je m'en suis souvenu immédiatement. Nous avons

16 immédiatement informé la direction chargée de la production pour

17 communiquer les numéros de série, car ce même sort avec l'emploi de

18 mauvaises munitions aurait pu être réservé à une autre unité et non pas

19 seulement la nôtre. C'est dans ce sens-là que je parlais hier.

20 Q. Mais je ne parle pas de cela. Je dis qu'il y avait une ligne de

21 production qui produisait les obus à être utilisés exclusivement à Vukovar.

22 C'était une ligne de production exclusive. C'est ce que vous avez suggéré

23 hier; êtes-vous d'accord avec cela ?

24 R. Non, je ne l'ai pas dit. Je souhaite voir le compte rendu d'audience

25 qu'il aurait fait. Je ne l'ai vraiment pas dit. Je n'ai pas dit que quelque

26 chose était spécialement produit pour une unité à Vukovar. Je pense que je

27 l'ai dit différemment, justement conformément à ce que j'ai dit tout à

28 l'heure.

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1 Q. Je vais vous lire cette partie.

2 R. Oui.

3 Q. "Nous avons entendu qu'à l'époque il y avait des actes de sabotage qui

4 était en cours." D'accord, cette partie-là. "Les obus étaient produits à

5 Travnik et dans d'autres usines partout dans le pays. En même temps, nous

6 avons réalisé qu'il y avait une ligne de production à cette époque-là où

7 les obus étaient produits dans le but spécifique d'être utilisés à Vukovar

8 dans les combats autour de Vukovar."

9 Je vous demande, tout simplement, au sujet de la ligne de production qui,

10 comme vous le dites, était spécifiquement utilisée pour Vukovar.

11 R. J'ai une bonne mémoire, mais je ne pense pas avoir proférer une telle

12 phrase, disant qu'une ligne de production spéciale existait pour les obus à

13 être utilisée à Vukovar. Je pense que je ne l'aie pas dit. Non. J'en suis

14 convaincu. Peut-être c'est ce que vous avez entendu dans l'interprétation,

15 mais je sais que je n'ai certainement pas pu formuler ni exprimer une telle

16 phrase, car ceci n'est tout simplement pas conforme à la vérité, que

17 quelque chose se soit produit de manière spécifique pour Vukovar.

18 Car j'avais travaillé dans le cadre des activités de production

19 spécifique, avant et après aussi dans l'organe de sécurité, j'étais en

20 contact avec ces personnes. Je sais que tel n'était pas le cas. Donc, je

21 n'ai certainement pas dit qu'il y avait une production spécifique des

22 munitions qui allait être utilisée à Vukovar.

23 Q. Nous allons vérifier cela. Nous pouvons vérifier cela.

24 R. Très bien.

25 Q. Je vais passer à autre chose. Nous avons entendu des éléments de preuve

26 indiquant que la JNA avait des capacités d'écouter des communications

27 différentes se déroulant à Vukovar et depuis Vukovar. Est-ce que vous le

28 saviez à l'époque ?

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1 R. Bien sûr, je suppose que quelqu'un le faisait. Comme de l'autre côté,

2 ils faisaient pareil en écoutant nos communications.

3 Q. Dites-nous, s'il vous plaît, quel était le système dont vous disposiez

4 vous permettant d'écouter les communications ? Vous ne devez pas rentrer en

5 détail, dites-le-nous de manière générale, s'il vous plaît.

6 R. Vous parlez de l'organe de la sécurité de la Brigade des Gardes ou de

7 l'ensemble du commandement ?

8 Q. Vous pouvez nous dire les deux. Ce sera bref. Peut-être que je peux

9 reformuler ma question. Pour autant que vous le sachiez, est-ce que la JNA

10 avait la possibilité d'écouter les conversations téléphoniques; êtes-vous

11 d'accord avec cela ?

12 R. Oui, bien sûr. Il y avait des centres d'écoute et des unités

13 spécialisées en la matière au sein de la JNA.

14 Q. En contournant cela, nous pouvons dire, n'est-ce pas, qu'il était connu

15 ou évident qu'il y avait une tentative visant à trouver un accord portant

16 sur la reddition; est-ce que vous êtes d'accord avec cela ? Et que la JNA

17 était au courant de cela car ils écoutaient les conversations.

18 R. Ici, je dois parler concrètement et dire que les centres d'écoute qui

19 suivaient les communications électroniques de la partie adverse, et bien

20 sûr de notre partie aussi, n'étaient pas liés au service du contre-

21 espionnage, mais au Service de renseignements. Or, dans notre pays, il

22 s'agissait et il s'agit encore aujourd'hui de deux services complètement

23 différents.

24 Q. Cependant, la réalité est que même si vous ne savez pas concrètement

25 parlant ce qui est dit, vous saviez que ce genre de capacité existait. Est-

26 ce que c'est un bon résumé de votre déposition ?

27 R. Bien sûr. C'est exact.

28 Q. Merci beaucoup. Vous nous avez dit, l'on parle maintenant d'un autre

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1 sujet, qu'il y avait une forme de gouvernement qui existait au moment de la

2 chute de Vukovar. Peut-être pas vraiment un gouvernement, mais une forme

3 d'administration. Est-ce bien votre déposition ? Est-ce que c'est ce que

4 vous affirmez ?

5 R. Non, ce n'est pas ce que j'affirme. J'ai dit simplement qu'il y avait

6 un poste de police à Negoslavci qui faisait partie des autorités civiles.

7 L'organe du gouvernement -- non -- je savais aussi qu'il y avait un

8 ministère des Affaires intérieures, bien sûr, que ceci est un organe du

9 gouvernement. A Negoslavci, il n'y avait qu'un poste de police. Donc, il ne

10 s'agissait pas vraiment d'un gouvernement ou des autorités du pouvoir, mais

11 un poste de police.

12 Q. Merci beaucoup. Si c'est ce que vous dites dans votre déposition, je ne

13 vais plus poser de questions à ce sujet.

14 M. MOORE : [interprétation] Monsieur le Président, un instant, s'il vous

15 plaît.

16 Q. Je m'excuse de passer d'un sujet à l'autre mais c'est en raison de la

17 nature de votre déposition.

18 Nous avons entendu dire que le mot "terroriste" était utilisé parfois

19 lorsque l'on décrivait les défenseurs de Vukovar, les défenseurs croates de

20 Vukovar. Est-ce qu'il est exact de dire que c'était l'avis de certains

21 membres de la JNA, pour autant que vous le sachiez ?

22 R. Je ne suis pas tout à fait sûr que tous les membres de la JNA

23 définissaient ainsi la partie adverse. Cependant, il y a une différence

24 entre les forces armées d'un Etat et les terroristes sur plan juridique.

25 Q. Est-ce que vous voulez dire par là que la réponse est "oui", et qu'il

26 ne s'agissait pas forcément de votre avis, mais de l'opinion exprimée par

27 certains ?

28 R. Je ne sais pas qui sont ceux qui exprimaient une telle opinion, mais si

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1 vous me le demandez, j'ai pu penser, s'agissant des membres de l'émigration

2 ennemie yougoslave, comme par exemple, les unités de Srecko Rover, que

3 c'était éventuellement des terroristes.

4 Alors que les forces armées telles que le MUP et le Corps de la Garde

5 nationale ne pouvaient pas être appelés ainsi, car la distinction

6 essentielle est que cette deuxième catégorie était soutenue par le

7 gouvernement, alors que pour la première ce n'était pas le cas.

8 Q. Est-ce que vous acceptez qu'il y avait pratiquement une sous-catégorie

9 d'individus qui pouvaient être décrits en tant que

10 "terroristes/criminels" ?

11 R. Oui, on pourrait dire ça, comme cela d'une certaine manière.

12 Q. Puis-je aborder un autre sujet, à savoir que vous étiez là afin de

13 systématiser la procédure de la présentation des rapports, comme vous nous

14 l'avez dit. Mais il est exact de dire, n'est-ce pas, que vous-même vous

15 avez signé un document une fois et que vous avez été réprimandé en raison

16 de cela. Après cela, je suppose que c'était le cas avant aussi, chaque

17 document de ce genre que vous avez rédigé devait être signé par le chef de

18 l'organe de sécurité, le commandant Sljivancanin, n'est-ce pas ?

19 R. Oui, ceci est exact. Car je pouvais signer chaque document, mais je

20 n'avais pas le droit d'utiliser le sceau. Cependant, j'avais le droit de

21 signer, le droit de signature, justement afin de soumettre des rapports de

22 manière correcte, nous faisions en sorte que ce soit quand même le chef du

23 service qui signe les rapports.

24 Q. Le but de cela, je dirais, est tout à fait clair, car c'est ainsi que

25 l'on s'assurait que le chef de l'organe de sécurité était au courant du

26 contenu du document envoyé, n'est-ce pas ? C'est exact, n'est-ce pas ?

27 R. C'est exact.

28 Q. Le commandant Sljivancanin était un officier méticuleux qui s'assurait

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1 de connaître le contenu d'un document avant de le signer. Ceci est exact

2 aussi, n'est-ce pas ?

3 R. C'est exact.

4 Q. Vous nous avez informé du fait que le commandant Sljivancanin, d'après

5 la manière dont vous l'avez décrit, et encore une fois je pars sur la base

6 de mes notes, je n'essaie pas de vous piéger, mais je crois que vous avez

7 dit: "Lorsque je suis arrivé dans la brigade, je ne connaissais personne,

8 donc il était logique que je reste." Je ne sais pas ce que vous voulez

9 dire, au poste de commandement, "il était normal que Sljivancanin se rende

10 sur place pour nos analyses et rapports."

11 Ceci est dans mes notes. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que

12 ceci est un bon résumé de ce que vous avez dit dans votre déposition ?

13 R. Oui, à peu près.

14 Q. Pourriez-vous m'expliquer ou peut-être expliquer à la Chambre de

15 première instance pourquoi est-ce qu'il était bénéfique que lui il aille

16 sur le terrain dans le cadre des analyses des rapports ?

17 R. Il y a une grande différence entre le travail de contre-espionnage dans

18 une caserne et dans le cadre des activités de combat. Toutes les personnes

19 que l'on appelle collaborateurs de notre côté - là, il s'agit d'une

20 relation professionnelle - ces personnes savent exactement quand il faut

21 nous contacter, car ceci est prévu en avance. Cependant, parfois, il y a

22 des problèmes en raison des tirs, des problèmes avec l'ennemi et d'autres

23 problèmes, par exemple, le problème de transport, tout ceci nous a

24 pratiquement forcés à faire en sorte que la personne qui connaissait

25 l'unité le mieux, donc la personne qui était sur place dès le début de la

26 constitution de l'unité, que cette personne-là recueille les données auprès

27 de cette personne-là, car il les connaît, tout comme d'autres personnes qui

28 sont dans la partie frontale et qui sont importantes pour recevoir des

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1 données importantes pour nos analyses et nos rapports. C'est dans ce sens-

2 là que cet accord existait car j'étais tout à fait nouveau. Pratiquement 99

3 % des gens de la Brigade des Gardes, peut-être même plus, ne me

4 connaissaient pas. Je ne connaissais personne. Peut-être que quelqu'un

5 avait entendu parler de moi, mais ceci ne jouait pas. Et si je m'étais

6 présenté là-bas, ils n'auraient pas su qui j'étais.

7 Q. Simplement parlant, les gens étaient plus prêts à parler et l'officier

8 était plus en mesure d'avoir des évaluations précises si les soldats

9 connaissaient l'officier et si l'officier connaissait les soldats; c'est

10 exact, n'est-ce pas ? C'est ce que vous êtes en train de nous dire.

11 R. Non. Je dis simplement à quoi ressemblait la situation dans laquelle je

12 me suis retrouvé, car si personne ne me connaissait dans cette unité et si

13 je me présentais en tant que quelqu'un, et si eux, ils ne me connaissaient

14 pas, à mon avis, ceci n'aurait pas été vraiment intelligent de mon point de

15 vue. Car n'importe qui aurait pu venir et se présenter en disant : Je suis

16 l'adjoint de Sljivancanin. Si Sljivancanin n'est pas là et si ces personnes

17 ne me connaissaient pas car je venais d'arriver, cela risquait d'être

18 problématique.

19 Q. Je suppose que nous sommes d'accord, mais peut-être qu'il s'agit de la

20 manière dont j'ai formulé ma question.

21 Vous êtes en train de dire que les troupes connaissaient

22 M. Sljivancanin. Par conséquent, elles le reconnaissaient et elles étaient

23 plus prêtes à lui parler qu'à quelqu'un d'autre qu'ils ne connaissaient

24 pas. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi, avec ce que je viens de dire ?

25 R. C'est normal. Il est toujours plus facile de parler avec quelqu'un que

26 vous connaissez qu'avec quelqu'un que vous ne connaissez pas.

27 Q. Deuxièmement, que M. Sljivancanin avait des connaissances au sujet de

28 ces troupes, par conséquent, il était plus en mesure d'analyser leur moral,

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1 leur état de confiance et le problème par rapport à quelqu'un, comme vous,

2 qui venait d'arriver. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette affirmation-

3 là aussi ?

4 R. Je suis d'accord avec une partie de votre affirmation lorsque vous

5 dites qu'il était certainement mieux placé que moi pour le savoir. Mais

6 personne ne pouvait le savoir mieux que le chef et le commandant de

7 l'unité, car c'est la personne la plus responsable du moral ou plutôt de

8 l'état de préparation au combat de l'unité. Et là, je parle de chef et du

9 commandant de l'unité.

10 Q. Je ne suis pas du tout en désaccord avec ce que vous dites. Ce que je

11 dis simplement est que dans le contexte entre M. Sljivancanin et vous-même,

12 M. Sljivancanin était un choix meilleur que vous-même ?

13 R. Oui, certainement meilleur, car il était dans une meilleure position.

14 Q. La fonction de l'organe de sécurité, parmi ses fonctions est d'évaluer

15 le moral, était la préparation au combat et d'évaluer tous les autres

16 problèmes au sein d'une unité. Est-ce que vous êtes prêt à accepter cette

17 thèse générale qui n'est pas exclusive ?

18 R. Pas exactement dans le sens avancé par vous. Pour évaluer l'état de

19 moral dans une unité, ceci est fait par le commandement et l'organe chargé

20 du moral dans une unité, qui suit ce volet-là. Nous, nous ne faisons partie

21 que d'un système appelé commandement et contrôle.

22 Q. Je n'essaie vraiment pas de vous piéger. Me comprenez-vous ? Je vous

23 pose des questions afin d'essayer de clarifier un certainement nombre de

24 points. D'accord ? Donc, je ne suggère pas que ceci était une fonction

25 exclusive. Je comprends qu'il y avait d'autres unités. Mais que ceci

26 faisait partie des fonctions de l'organe de sécurité, n'est-ce pas ?

27 R. Monsieur Moore, je sais que je ne suis pas piégé ou acculé. Je suis sur

28 un terrain vague et vaste, vous savez, par rapport à ces questions-là. Vous

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1 n'êtes pas du tout en train de m'acculer en me posant ce genre de

2 questions. Ceci aurait probablement été le cas si vous me posiez des

3 questions juridiques. Je n'ai pas très bien compris votre dernière

4 question, veuillez me la répéter et je vais vous répondre.

5 Q. Je suis tout à fait certain que nous parlons maintenant de votre

6 domaine d'expertise. La seule chose que j'essaie de savoir est la suivante

7 : lorsque vous êtes un organe de sécurité, la fonction de l'organe de

8 sécurité, ainsi que celle des autres unités, est d'essayer de s'assurer

9 s'il y a un problème et d'essayer de résoudre le problème, le cas échéant,

10 quelle qu'en soit la nature ?

11 R. Oui, on pourrait dire, effectivement que c'est ainsi. L'organe de

12 sécurité propose certaines mesures et avertit des organes supérieurs des

13 causes et des conséquences des activités qui risquent d'entraver l'aptitude

14 au combat. C'est l'une de ses fonctions. Aussi, il procède aux analyses du

15 moral des troupes et de l'aptitude des forces à combattre.

16 Q. Il est exact, n'est-ce pas, que vous étiez au courant du fait que la

17 Brigade motorisée de la Garde avait pris le commandement sur de nombreuses

18 unités de la Défense territoriale ? C'est le cas aussi du Groupe

19 opérationnel sud qui avait sous ses ordres de nombreuses unités de la

20 Défense territoriale, c'est exact, n'est-ce pas ?

21 R. Je n'ai pas vu d'ordre à cet effet, si la Brigade motorisée de la Garde

22 s'est vue rattachée des unités, si elle a changé de nom, comme le Groupe

23 opérationnel sud qui est constitué de manière temporaire afin de mener à

24 bien une mission dans un délai imparti.

25 Q. Ce que je suis en train de vous soumettre, c'est que l'une des missions

26 menées à bien par M. Sljivancanin c'était d'évaluer les problèmes

27 potentiels, non uniquement pour ce qui concerne les soldats réguliers de la

28 Brigade motorisée de la Garde, aussi pour ce qui est de tout autre unité

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1 qui était subordonnée à ces deux brigades à l'époque, c'est exact, n'est-ce

2 pas ?

3 R. Non. Là vous vous trompez complètement. Ces autres unités avaient leurs

4 propres organes de sécurité, ils faisaient la même chose ou étaient censés

5 de faire la même chose que nous faisions, nous, à la Brigade motorisée de

6 la Garde. Le commandant Sljivancanin ne pouvait pas procéder à des

7 appréciations, évaluations de leur fonctionnement, il ne pouvait pas

8 s'imposer en tant que chef, en tant que leur supérieur, pour leur émettre

9 des ordres, leur confier des missions ou quoi que ce soit de semblable, que

10 ce soit vis-à-vis des organes de sécurité ou d'autres organes. Non.

11 Q. Qu'en est-il d'un détachement d'assaut dans ce cas-là ? Un détachement

12 d'assaut n'est-il pas constitué à la fois d'unités régulières et d'unités

13 irrégulières ?

14 R. Je ne vois pas de quelles unités irrégulières vous parlez. Pourriez-

15 vous être un peu plus précis ? Dans ce cas-là, je pourrais peut-être vous

16 apporter une réponse.

17 Q. Par exemple, la Défense territoriale, la TO ?

18 R. Vous vous trompez complètement, Monsieur Moore. La TO a constitué

19 partie intégrante des forces armées de l'RSFY. Les forces armées de la RSFY

20 étaient constituées de l'armée et de la Défense territoriale. C'étaient ses

21 deux composantes.

22 Q. Vous voyez, lorsqu'on rédige un rapport, n'est-ce pas, on doit prendre

23 en compte un fait, il est possible qu'il y ait des lignes de démarcations

24 entre les unités, souvent des unités que j'appellerais irrégulières peuvent

25 s'infiltrer et peuvent poser, peuvent créer des difficultés. Tout un chacun

26 entendra parler de cela. C'est une question de bon sens, il ne faut pas

27 être très expert dans le domaine militaire pour en parler ?

28 R. Oui, ce que vous venez de dire c'est certainement quelque chose qui

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1 relève du bon sens. Je ne vois pas de quelles unités irrégulières vous me

2 parlez pour pouvoir vous répondre de manière précise.

3 Q. Vous n'étiez pas là, c'est cela, vous n'auriez pas pu me répondre.

4 Maintenant ce qui m'intéresse c'est le fait que M. Sljivancanin s'est

5 déplacé sur le terrain. Vous me dites qu'il le faisait régulièrement,

6 n'est-ce pas ?

7 R. En principe, on pourrait dire qu'il ne se satisfaisait pas d'aller voir

8 les différents militaires ou soldats pour leur demander comment cela

9 allait. Le travail de contre-espionnage est bien plus complexe que le

10 simple fait d'aller demander aux gens comment ils vont. Il s'agit d'un

11 travail régulier de contre-espionnage qui se déroule sans cesse. Le reste,

12 de temps à autre ou occasionnellement, on va s'enquérir auprès des soldats

13 ou des militaires qu'on a au sein de son unité; on pose les questions.

14 Q. Alors d'après vous, la TO est une unité régulière, par exemple, Leva

15 Supoderica et les unités de volontaires, c'étaient des unités régulières ?

16 R. Encore une fois, vous faites confusion entre des différentes notions.

17 La Défense territoriale a un commandement supérieur, c'est l'état-major au

18 niveau de la République, au niveau de la zone, elle a d'autres unités. La

19 Défense territoriale et la JNA constituaient les forces armées de la RSFY.

20 Il y a aussi une filière de commandement vertical avec des organes de

21 commandement, et cela n'aurait pas pu être autrement. Par conséquent, à des

22 échelons inférieurs, vous avez des unités de Défenses territoriales au

23 niveau local, puis au niveau des zones, puis cela va jusqu'à la République,

24 l'état-major de la République.

25 Q. Pour le Groupe opérationnel sud, est-ce que vous pouvez nous dire qui

26 était le chef de l'organe de sécurité ?

27 R. Il n'y avait pas de chef de sécurité au sein du groupe opérationnel

28 sud.

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1 Q. Je crois qu'on est en droit de dire, comme vous venez de l'indiquer,

2 que la Brigade motorisée de la Garde est devenue le Groupe opérationnel

3 sud, n'est-ce pas ?

4 R. Non, non, vous ne m'avez pas bien compris. J'ai dit qu'il y a eu

5 rattachement de certaines unités pour créer le Groupe opérationnel sud. Je

6 n'ai pas dit que cette unité-là s'est transformée en Groupe opérationnel

7 sud.

8 Il y a eu un ordre portant sur l'organigramme qui a créé le Groupe

9 opérationnel sud à partir de la Brigade de la Garde et d'autres unités qui,

10 soit étaient déjà déployées sur le terrain, soit ont été déployées là.

11 C'est cela que j'ai dit.

12 Q. Je vous soumets que c'est le commandant Sljivancanin qui était en fait

13 le chef de l'organe de sécurité du Groupe opérationnel sud. Je suppose

14 qu'en aucun cas vous ne seriez prêt à accepter cette affirmation, n'est-ce

15 pas ?

16 R. Non, ce serait complètement erroné, ce serait une mauvaise

17 interprétation des choses. Car l'organe de sécurité du Groupe opérationnel

18 sud n'a pas existé, car pour qu'il existe, de nombreuses conditions

19 auraient du être remplies.

20 Q. Je vous remercie. Maintenant je voudrais qu'on parle de la soirée du 19

21 novembre.

22 Vous étiez là lorsque le général Vasiljevic est arrivé, me semble-t-il, lui

23 et un autre général, Tumanov; c'est bien cela ?

24 R. Oui. Les généraux Aleksandar Vasiljevic et Simeon Tumanov.

25 Q. Pouvez-vous nous rafraîchir la mémoire ? Où étiez-vous exactement quand

26 ils sont arrivés ?

27 R. Je ne sais pas à quel moment ils sont arrivés. Je sais à quel moment

28 ils sont venus dans notre bureau. Ils étaient dans nos locaux à Negoslavci,

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1 dans les locaux de l'organe de sécurité de la Brigade de la Garde. C'était

2 après 22 heures qu'ils sont arrivés dans nos locaux.

3 Q. Vous-même, vous y êtes resté pendant toute la soirée, n'est-ce pas

4 vrai ?

5 R. Oui.

6 Q. Il est également exact qu'il s'agit de locaux qui ne sont pas

7 particulièrement vastes, n'est-ce pas ?

8 R. Non. C'est une maison qui est plutôt grande, nous avions à notre

9 disposition trois pièces : une pièce où nous travaillons, une grande qui

10 nous servait de dortoir, une salle de bain, une partie de couloir. Dans

11 l'autre partie de la maison, il y avait les organes chargés de logistiques

12 et des techniciens, quelques services techniques, il me semble qu'ils

13 étaient là.

14 Q. Vous saviez que le général Vasiljevic avait pris contact avec le

15 commandant Sljivancanin, qui avait informé le commandant Vukasinovic du

16 fait que des soldats croates devraient être rassemblés afin de pouvoir être

17 échangés, le cas échant, avec les soldats de la JNA qui avaient été

18 capturés ?

19 R. Cela, je ne l'ai pas entendu dire, ce que vous êtes en train

20 d'affirmer. Ce que vous venez de dire à l'instant, je n'ai pas été au

21 courant de cela.

22 D'après ce que j'ai compris, ils sont arrivés uniquement pour Marin Vidic

23 et Vesna Bosanac, ils ont bien fait de ne pas nous autoriser à faire cet

24 enregistrement de propagande, je l'ai déjà dit, cela. Cela se serait

25 probablement mal terminé. On est parti d'une mauvaise appréciation des

26 choses.

27 Q. Il ne m'appartient pas de me prononcer là-dessus. Vous nous avez parlé

28 de la dispute qui a eu lieu entre le commandant Sljivancanin et le général

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1 Vasiljevic. Est-ce qu'on pourrait revenir à cela ?

2 R. C'est précisément à cause de ce que je suis en train de vous raconter.

3 Il était persévérant en pensant que ce serait quelque chose de fabuleux,

4 l'autre lui répond : Cela ne fait aucun sens de lui faire dire des choses

5 contre Franjo Tudjman alors qu'il avait été son collaborateur le plus

6 proche, et contre la politique croate, maintenant qu'il se trouve parmi

7 nous.

8 Je pense que cette évaluation est totalement fausse, qu'il serait mal de le

9 faire, que Marin Vidic, Bili, ne doit pas jouer ce rôle. Cela n'aura aucun

10 impact. Cela n'aura pas l'impact que nous avions imaginé sur la population

11 en Serbie ou évidemment à plus forte raison sur la population en Croatie,

12 qui regardait les programmes diffusés par la télévision de Serbie.

13 Q. Ce que nous avons entendu, ce n'était pas seulement que Vasiljevic

14 donnait des ordres en s'exprimant d'une voix très forte. La phrase que nous

15 avons entendue, c'est qu'il y a eu un "échange houleux" ou animé entre

16 Sljivancanin et Vasiljevic. Alors en anglais, cela signifie que les deux

17 parties ont élevé la voix. En l'occurrence, c'est le commandant qui lève la

18 voix lorsqu'il s'adresse au général, si je puis me permettre, ce n'est pas

19 très habituel, n'est-ce pas, Monsieur Karan ?

20 R. Je pense que ce n'était pas comme cela que cela s'était passé. Le

21 commandant Sljivancanin, à l'époque, je pense encore aujourd'hui, est

22 quelqu'un qui parle plutôt fort, de manière claire et fortement. Quelqu'un

23 peut avoir la sensation qu'il s'agit là d'une querelle ou si on gesticule,

24 on peut penser que c'est une attitude provocatrice. Je n'ai pas eu cette

25 conclusion lorsque les deux officiers supérieurs sont partis, je n'ai pas

26 eu la sensation qu'ils étaient en colère contre nous ou qu'ils étaient

27 furieux, qu'on a commis une erreur grave. Tout simplement, je pense que

28 cela n'aurait pas été très intelligent. Effectivement, ils ont eu raison de

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1 nous dire de ne pas le faire. Ils avaient plus d'expérience que nous, plus

2 d'ancienneté, c'est bien qu'ils l'aient fait.

3 Q. En conviendriez-vous avec moi sur un point, le commandant Sljivancanin

4 a une voix claire qui porte ?

5 R. Oui.

6 Q. Pour ce qui est de cet échange animé, votre interprétation se fonde sur

7 l'évaluation ou les impressions d'une personne qui ne connaît pas la

8 manière de parler du commandant Sljivancanin. Vous avez compris ma

9 question ?

10 R. Je ne vois pas ce qui vous amène à être aussi persévérant dans cette

11 interprétation-là. Pourquoi est-ce que vous insistez sur le fait que

12 c'était un débat houleux ou une querelle qui aurait dû inquiéter tout un

13 chacun ? Ce n'est pas comme cela que je l'ai perçu.

14 Q. Vous n'êtes pas la seule personne qui vient déposer devant cette

15 Chambre. La seule chose que je vous soumets, c'est la chose suivante :

16 souvent, c'est une question de bon sens, souvent lorsqu'on entend quelqu'un

17 qu'on ne connaît pas parler fortement, on peut arriver à la conclusion que

18 cette personne crie. Si on connaît la personne en question, si on sait que

19 c'est sa manière de s'exprimer, alors on arrive à notre conclusion, à

20 savoir que c'est plutôt normal. Vous me comprenez ?

21 R. Oui, oui, je vous comprends.

22 Q. Par conséquent, ce que je vous soumets, c'est que la formule "échange

23 animé" a été employée par quelqu'un qui semblait connaître mieux que vous

24 le commandant Sljivancanin. Vous me suivez ?

25 R. Je vous suis parfaitement.

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic.

27 M. LUKIC : [interprétation] Cette série de questions semble inviter le

28 témoin à spéculer. Peut-être ai-je tort de penser cela.

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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il est encore tôt de le savoir, peut-

2 être que la suite vous donnera raison, Maître Lukic.

3 Monsieur Moore.

4 M. MOORE : [interprétation]

5 Q. Ce n'est peut-être pas le point crucial, est-ce que je peux avoir une

6 réponse ?

7 R. Il est possible que quelqu'un d'autre le connaisse mieux que moi, qu'il

8 ait une autre sensation. D'ailleurs, tous ceux qui étaient à l'organe de

9 sécurité de la Brigade de la Garde le connaissaient mieux que moi. Je suis

10 d'accord sur le fait que sans aucun doute ces autres individus seraient

11 arrivés à cette autre conclusion.

12 Q. Je vous remercie. Alors, abordons un autre sujet. Dans la soirée du 19,

13 vous avez dit que vous êtes resté dans le couloir dans le bâtiment.

14 R. Oui.

15 Q. L'organe de sécurité c'était une petite unité; est-ce vrai ? C'était

16 une petite unité qui était solidaire ?

17 R. Cela ne pose aucun problème de vous répondre. Si on parle des effectifs

18 d'un régiment ou d'une division en comparaison de cela, c'est tout petit.

19 Mais les relations entre l'organe de sécurité ou des agents au sein de

20 l'organe de sécurité n'étaient fondées sur autre chose que sur une attitude

21 professionnelle. Là, on ne pouvait pas avoir des favoris ou des agents

22 préférés, comme c'était le cas dans d'autres unités. Car il faut savoir,

23 tout de même, qu'on était choisi pour jouer ce rôle, pour occuper ce poste

24 grâce à des méthodes approfondies. Il fallait être suivi pendant une

25 période prolongée pour être nommé au sein de l'organe de sécurité. Il n'y

26 avait pas de favoritisme, de copinage, parce que c'était le seul moyen que

27 l'organe de sécurité fonctionne, comme dans tous les autres services

28 techniques ou structures spécialisées.

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1 Q. Dans la nuit du 19, dans la matinée du 20, vous avez dormi avec le

2 commandant Sljivancanin; est-ce exact ?

3 R. Oui, dans une même chambre. Dans la chambre réservée à l'organe de

4 sécurité à Negoslavci.

5 Q. Je n'essaie pas de faire preuve de frivolité en aucune manière, mais

6 est-ce que vous aviez chacun un lit pour soi ou est-ce qu'il était

7 nécessaire de partager un même lit ?

8 R. Ce n'était pas des lits; c'était des matelas qui étaient répartis au

9 sol et qui étaient installés l'un jouxtant l'autre. C'était des matelas

10 militaires. Cela prenait moins de place que les lits.

11 Q. Dans la semaine du 19, dans la matinée du 20, je vais l'appeler

12 maintenant la nuit du 19, serait-il exact de dire que vous étiez très

13 fatigué ?

14 R. Cela dépend, cela dépend des gens. Si vous me posez la question, à moi

15 personnellement, je ne peux pas vous l'affirmer aujourd'hui qu'à ce moment-

16 là j'étais particulièrement fatigué. J'étais complètement exténué.

17 Q. Soit dans votre déposition, soit dans vos notes de récolement, il me

18 semble que vous avez dit que vous avez revu pour la deuxième fois le

19 commandant Sljivancanin à l'hôpital, et qu'à ce moment-là vous étiez très

20 fatigué, et quand vous soyez parti pour Sremska Mitrovica, après vous

21 vouliez rentrer chez vous et que c'était parce que vous étiez fatigué que

22 vous vouliez rentrer chez vous.

23 Vous êtes d'accord avec cela ?

24 R. Non. Je ne pourrais jamais accepter cela, parce que je suis certain de

25 n'avoir jamais proféré ce genre d'affirmation, que ce soit ici ou devant

26 vos collègues. Je suis convaincu ne pas l'avoir dit que c'était à cause de

27 la fatigue, non, cela non. Peut-être est-ce on a traduit ainsi, mais nous

28 avons l'enregistrement audio en serbe, donc nous pouvons comparer les deux.

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1 M. MOORE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le Juge.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux ajouter quelque chose. Une

3 fois j'ai mentionné le mot "fatigue," mais j'ai précisé à ce moment-là

4 qu'il s'agissait de réunions, les réunions régulières que nous tenions,

5 parfois aussi de manière irrégulière ou extraordinaire à cause d'autres

6 missions ou à cause de la fatigue. Il était possible qu'on organise la

7 réunion dans la matinée, mais c'est uniquement dans ce contexte-là que j'ai

8 employé ce terme. Je n'aurais pas pu utiliser le terme "fatigue" dans un

9 autre contexte quel qu'il soit. Je m'en souviens très bien.

10 Q. Quand vous êtes venu parler avec un représentant du bureau du

11 Procureur, on vous a posé une question à laquelle vous avez répondu, et

12 c'était au sujet de la nuit du 20, lorsque vous étiez à Negoslavci et

13 lorsque vous rameniez le Dr Bosanac et cetera à Mitrovica. Vous avez dit :

14 "Tard, je les ai pris pour les emmener à Mitrovica, et j'avais demandé à

15 Sljivancanin si je pouvais rentrer chez moi pour quelques jours parce que

16 j'étais fatigué."

17 R. Je veux vraiment voir le texte, l'original de cela, car en demandant de

18 partir pour Bijeljina, je n'ai pas mentionné ma fatigue. J'ai simplement

19 dit qu'au bout de tant de temps je voulais revoir mes proches, ma famille.

20 C'est cela la raison dont il s'agit.

21 Je ne crois pas que j'ai prononcé le mot "fatigue". J'aimerais

22 vraiment l'entendre.

23 Q. Me Lukic et moi pouvons faire le nécessaire pour régler cela. Ce n'est

24 pas un problème.

25 Aussi, dans cet entretien vous décrivez Vujic --

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic.

27 M. LUKIC : [interprétation] Mais voici ce problème technique qui

28 revient lorsqu'on n'a pas de transcription. Lorsqu'on a présenté aux

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1 différents témoins des portions de leur déposition, et c'est de cela qu'il

2 s'agit maintenant, on a toujours soumis au témoin le texte, on lui a

3 présenté. Je sais que le Procureur a l'enregistrement audio et je demande

4 qu'on le diffuse maintenant pour que le témoin puisse l'entendre et qu'on

5 tire cela au clair.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Lukic, ceci n'est pas

7 faisable, techniquement pas possible.

8 Allez-y Maître Moore. Monsieur Moore, excusez-moi, allez-y.

9 Continuez. Je suis en train de vous dire que vous avez pratiquement épuisé

10 le temps qui vous est imparti.

11 M. MOORE : [interprétation] J'en ai presque terminé.

12 Q. Dans cet entretien, vous avez décrit M. Vujic en disant : "Nous avons

13 rencontré un homme arrogant, qui était chauve et gros, et par la suite j'ai

14 appris que c'était Vujic."

15 Vous savez très bien que je ne suis pas en train de l'inventer.

16 R. Non, non, non, pas cela. Si j'ai appris quelque chose dans ma vie,

17 c'est de mesurer mes propos et de faire attention à ce que je fais. Je vous

18 dis la chose suivante, et je vais répéter ce que j'ai dit à vos enquêteurs,

19 que cet homme je m'en souvenais à cause de son attitude. Il avait une

20 attitude un peu condescendante, arrogante. Il était chauve. Je n'ai pas

21 dit, cependant, qu'il était gros.

22 Q. Comme nous avons des problèmes de temps, je vais vous inviter à

23 continuer.

24 D'aucune manière vous n'étiez en mesure de savoir si le commandant

25 Sljivancanin était ou n'était pas à cet endroit au début de la matinée.

26 C'est cela que je vous soumets. Je vous soumets que ce que vous êtes en

27 train d'affirmer est inexact.

28 R. De quel endroit vous parlez maintenant, de quel endroit vous parlez.

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1 Q. Vous avez dit que M. Sljivancanin n'est pas sorti et qu'il est resté là

2 tout le temps, qu'il faisait des entrées et des sorties. Vous vous

3 souvenez, vous avez répondu cela à Me Lukic ?

4 R. Je pensais que vous parliez du véhicule, vous parlez de l'hôpital, à

5 quelle date.

6 Q. Je vous parle de cette nuit-là, de la nuit du 19 au 20.

7 R. Alors vous auriez dû le dire d'emblée.

8 Je peux vous dire avec une certitude absolue que ce soir-là, suite à

9 notre départ, suite à nos échanges formels et informels, nous étions dans

10 les pièces de l'organe de sécurité à Negoslavci. Nous étions revenus et

11 nous nous sommes levés ensemble le jour suivant, et nous sommes partis pour

12 notre mission, la mission que nous devions accomplir le matin.

13 Q. Pouvez-vous nous redire ce que vous faisiez le 18 ?

14 R. Le 18, j'étais dans les salles des bureaux de l'organe de sécurité de

15 retour à Negoslavci.

16 Q. M. Lukic vous a demandé, parce que vous donniez justement un récit très

17 précis de ces deux journées, je vous demande de nous aider, que faisiez-

18 vous le 18 ?

19 R. Je vous répète que je menais mes activités ordinaires dans le bureau de

20 l'organe de sécurité, le contre-renseignement cela ne consiste pas vraiment

21 à utiliser une scie sauteuse pour tronçonner les horaires. Je ne suis allé

22 nulle part le 18.

23 Q. M. Lukic vous a posé une question, vous avez eu du mal à répondre hier.

24 Pourquoi est-ce que la mémoire vous est revenue tout à coup ?

25 R. Quelle difficulté ? Qu'entendez-vous lorsque vous me posez cette

26 question ? Oui, d'accord, d'accord, je me souviens. Il m'a posé la question

27 différemment. Il m'a posé une question différente de celle que vous venez

28 de me poser.

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1 Il m'a dit que vous vous souvenez de quelque chose de ce type ? Est-

2 ce que vous vous souvenez de quelque chose qui est survenu le 18 ? J'étais

3 un petit peu étonné. Je ne voyais pourquoi il essayait de me faire dire que

4 j'avais fait quelque chose le 18. Il a un petit peu introduit une confusion

5 dans ma mémoire sur la reddition du Bataillon de Mitnica. Je comprends

6 maintenant pourquoi vous formulez cette phrase et cette question de cette

7 manière.

8 Q. La question est très simple, Monsieur Karan. N'est-ce pas le cas

9 jusqu'à ce que M. Lukic introduise une certaine confusion dans votre

10 mémoire sur le Bataillon de Mitnica, vous ne pouviez pas vous souvenir ce

11 que vous faisiez au cours d'une journée. N'est-ce pas exact ?

12 R. J'ai été très précis, Monsieur Moore, ne l'ai-je pas été ? Je n'ai pas

13 participé aux négociations ou même à la reddition de cette unité. Je ne

14 faisais que mon travail. C'est la raison pour laquelle je me suis

15 interrompu pendant un moment en essayant de me souvenir de ce que j'avais

16 pu faire, et de réfléchir aux actions auxquelles j'avais participé avaient

17 pu avoir comme conséquence et avoir affaire avec le 18. Je ne pensais pas à

18 d'autres instances du grand nombre ou de l'organe de sécurité. Je pensais

19 simplement à moi-même, à mes propres tâches. C'est la manière dont la

20 question avait été posée à l'origine. Est-ce que j'avais une raison

21 particulière d'avoir en mémoire le 18 ? Effectivement, je suis d'accord

22 avec vous. Vous avez certainement remarqué que je me suis interrompu dans

23 ma réflexion. C'est cela la raison, c'est celle que je vous donne. J'étais

24 en train de réfléchir à ce que j'avais fait, pas à ce que d'autres

25 personnes avaient fait parce que nous venions de passer tout le temps à

26 parler de mes activités et pas des activités de quelqu'un d'autre.

27 M. MOORE : [interprétation] Est-ce que je peux me permettre de vous poser

28 une question, est-ce que je peux être autoriser à poser une autre question,

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1 ensuite je m'en tiendrai là ?

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous ne laissez que très peu de temps

3 à Me Lukic, Monsieur Moore, la bande est prête de toucher à sa fin.

4 M. MOORE : [interprétation] Oui, bien sûr, la bande. Je vais poser cette

5 question, puis je vais m'en tenir là.

6 Q. N'est-il pas exact de dire que vous avez dit à d'autres que vous

7 faisiez quelque chose de précis le 18 ? Ne souligniez-vous pas que des

8 questions devaient être posées aux gens qui étaient arrêtés ? Est-ce que

9 cela suscite un peu plus votre mémoire ?

10 R. Non, cela ne fait rien pour me rafraîchir la mémoire. Je n'ai jamais

11 dit que c'est ce que j'avais fait ce jour-là. Cela c'était un peu plus

12 tard.

13 Q. Puis-je à ce moment-là vous soumettre la chose suivante. Vous devez

14 venir présenter des éléments de preuve au nom de --

15 R. C'était le 20.

16 Q. Vous êtes venu prêter main-forte à vos collègues, c'est-à-dire pour ce

17 qui concernait le Dr Bosanac et l'argent, il n'y avait pas d'argent pour la

18 cellule de Crise et ils continuaient à regarder cet argent, ils ne

19 cessaient de le faire. Je suggère qu'il y avait des listes, qu'il y avait

20 des gens qui étaient ciblés dans ces listes. Je suggère également que vous

21 aviez conscience de la présence de vos collègues de l'organe de sécurité la

22 nuit du 20. Vous saviez qu'ils allaient à Ovcara. En fait, vous êtes venu

23 délibérément apporter ces éléments de témoignage pour veiller à ce que cet

24 accusé en particulier ait une chance d'acquittement. Que répondez-vous à

25 cela ?

26 R. Vous êtes en train de me poser toute sorte de questions différentes.

27 Une chose que je peux vous dire, pour ce qui est de cet argent, ma

28 signature a été publiée dans tous les médias en Serbie parce que j'étais

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1 président de la commission chargée de cet argent. Nous l'avons remis à

2 l'administration de la sécurité. C'était apparemment une cause de conflit

3 par la suite entre le général Vasiljevic et le commandant Sljivancanin,

4 rien de ce que vous avancez n'est vrai.

5 Je pourrais passer beaucoup de temps à répondre à vos questions, mais

6 je pense que votre théorie est totalement arbitraire. Je suis venu

7 témoigner ici de ma propre volonté, de mon propre gré. Lorsqu'il y a une

8 tâche particulière à accomplir, je me présente. Je le fais. Je vais

9 accomplir cette tâche. Je suis quelqu'un de bien. S'il y a quelque chose

10 que je déteste chez l'être humain c'est les mensonges. Si c'était le cas

11 effectivement, je me haïrais moi-même.

12 La raison pour laquelle je suis ici, c'est de fournir des détails sur

13 mes activités, ma participation à ces activités, aux événements dont j'ai

14 été témoin. Je n'ai peur de rien. Je m'en tiens à chaque mot que j'ai pu

15 prononcer. J'ai deux enfants et mes deux enfants doivent avoir un avenir.

16 Vous avez dressé une liste de toute sorte de choses qui sont

17 totalement erronées. Je n'ai aucune interprétation enregistrée en B/C/S de

18 tout. Tout ce que vous avez dit est entièrement erroné et complètement

19 arbitraire.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Moore.

21 Maintenant, Monsieur Lukic, pour l'instant, nous n'avons plus que cinq

22 minutes sur la bande. La marche à suivre est assez évidente. Soit vous

23 pouvez faire ce que vous devez faire dans les cinq minutes qui nous restent

24 ou nous poursuivrons demain.

25 M. LUKIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, j'ai parlé à M.

26 Moore avant. Il a dit qu'il aurait besoin d'une heure. Evidemment, ce genre

27 de chose est impossible à prévoir, mais une chose est sûre, je ne peux pas

28 terminer en cinq minutes.

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1 Malheureusement, nous devrons retrouver le témoin demain matin à 9 heures.

2 Je pense que je prendrais à peu près une demi-heure à 40 minutes.

3 [La Chambre de première instance se concerte]

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous reprendrons demain, Maître Lukic,

5 à 10 heures plutôt qu'à 9 heures, et je suppose qu'en une séance vous en

6 aurez terminé avec vos questions.

7 M. LUKIC : [interprétation] Bien entendu. Simplement pour ne pas déborder

8 sur la bande, je dois vous informer au sujet du prochain témoin. C'est la

9 raison pour laquelle nous avions décidé d'annuler ce témoin, après avoir

10 confirmé avec lui et abordé les questions importantes, mais je pense que

11 nous vous dirons demain une fois que nous aurons terminé avec nos questions

12 supplémentaires à M. Karan. A partir de jeudi, nous commencerons avec M.

13 Vuga. Certaines circonstances exceptionnelles sont survenues.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suppose que vous voulez dire mardi

15 et non pas jeudi.

16 M. LUKIC : [interprétation] Oui. Cela doit être une erreur

17 d'interprétation.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous présente une fois de plus

19 toutes nos excuses sur le fait que les besoins d'une autre Chambre nous ont

20 imposé ces difficultés aujourd'hui.

21 Nous reprendrons à 10 heures demain matin.

22 --- L'audience est levée à 18 heures 35 et reprendra le vendredi 1er

23 décembre 2006, à 10 heures 00.

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